Compte rendu
Commission
des affaires européennes
Mercredi
15 octobre 2025
15 heures
Compte rendu n o 42
Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
président,
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 15 octobre 2025
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président
La séance est ouverte à 15 heures
Sur proposition de M. le président Pieyre-Alexandre Anglade, la commission a nommé :
- M. Emmanuel Maurel, rapporteur sur la proposition de résolution européenne (n° 1763) de M. Emmanuel Maurel et plusieurs de ses collègues visant à rejeter le projet d'accord sur les droits de douane et le commerce du 27 juillet 2025 entre l’Union européenne et les États-Unis ;
- Mme Colette Capdevielle, rapporteure sur la proposition de résolution européenne (n° 1775) de Mme Colette Capdevielle et plusieurs de ses collègues relative à la coopération européenne dans la lutte contre la cyberpédocriminalité pour la défense des droits des enfants à l’ère numérique ;
- M. Peio Dufau, rapporteur sur la proposition de résolution européenne (n° 1010) de M. Peio Dufau et plusieurs de ses collègues invitant le Gouvernement à se prononcer contre les « mégas-camions » et à construire une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen.
- Mme Constance Le Grip, rapporteure sur la proposition de résolution européenne
(n° 1860) de Mme Constance Le Grip et plusieurs de ses collègues visant à condamner la dérive illibérale et autoritaire du gouvernement géorgien et à réaffirmer notre soutien au destin européen de la Géorgie.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour de notre réunion appelle l’examen de la proposition de résolution européenne visant à rejeter le projet d’accord sur les droits de douane et le commerce du 27 juillet 2025 entre l’Union européenne et les États-Unis. Cet accord avait suscité, au début de l’été, de profondes interrogations qui sont toujours d’actualité. Je me réjouis donc que notre commission puisse en débattre – c’est là tout son rôle – et vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour votre initiative.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Chers collègues, la proposition de résolution européenne que je vous présente peut être qualifiée de transpartisane : elle a été signée par quatre-vingt-cinq députés, issus de huit groupes parlementaires différents.
Cette proposition doit nous permettre de nous exprimer sur l’accord conclu par Mme von der Leyen et M. Trump à Turnberry, à la fin du mois de juillet, le « Turnberry deal », qui avait suscité, malgré la torpeur de l’été commençant, de la circonspection, voire de la colère. Alors même que l’Europe s’était engagée à mettre en place des mesures de rétorsion commerciale en réponse à l’augmentation des droits de douane annoncée par le président des États-Unis, Mme von der Leyen a finalement accepté, entre deux parties de golf, un accord profondément asymétrique et déséquilibré.
La première surprise a été de découvrir que Mme von der Leyen avait consenti à ce que les exportations européennes vers les États-Unis soient taxées à 15 % en contrepartie de l’élimination des droits de douane sur les biens industriels américains. C’est d’autant plus inquiétant que le Parlement européen avait bataillé sous son précédent mandat– j’y étais, ainsi que certains d’entre vous, et les élus français étaient largement unanimes sur ce point – pour que l’Union européenne puisse prendre des mesures de rétorsion commerciale face aux offensives de pays tiers, notamment la Chine ou les États-Unis.
Le deuxième point de l’accord qui nous a particulièrement déconcertés est l’engagement d’acheter 750 Md$ de gaz naturel liquéfié (GNL), de pétrole et d’énergie nucléaire américains d’ici 2028. Cela va directement à l’encontre du Pacte vert européen qui vise à faire de l’Union européenne un continent écologique grâce à l’abandon rapide des énergies fossiles.
Ce recul écologique se manifeste également dans le traitement différencié concédé aux producteurs et exportateurs américains dans l’application de plusieurs législations européennes. Sont notamment concernés le règlement européen du 31 mai 2023 sur la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, la directive du 14 décembre 2022 concernant la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), la directive du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D), et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) qui vise à limiter les émissions importées en Europe – un dispositif particulièrement important, porté par la France.
La Commission a pris d’autres engagements qui vont à l’encontre de notre objectif d’autonomie stratégique, à commencer par la promesse d’acquérir des équipements militaires américains. Cela bat en brèche tous les efforts entrepris pour assurer notre autonomie en matière de défense dans un monde de plus en plus dangereux – je vous sais particulièrement sensible à cette question, Monsieur le président.
Plus de quatre-vingts parlementaires ont ainsi souhaité, par cette proposition de résolution, manifester leur mécontentement et alerter l’exécutif français sur les conséquences dangereuses qu’aurait un tel accord, malgré sa nature juridique ambigüe – nous pourrons y revenir. En tant que député français, je m’inquiète des graves effets qu’il aurait sur l’agriculture et sur l’industrie françaises, auxquelles je suis particulièrement attaché.
Nous avons réalisé un certain nombre d’auditions afin d’avoir le point de vue d’économistes, de syndicats, d’organisations patronales, et d’associations écologistes et environnementales sur ce projet d’accord. Une petite partie de nos interlocuteurs, notamment l’Association française des entreprises privées (Afep) qui représente les grandes entreprises, considèrent que « c’est mieux que si c’était pire ». Il leur semble préférable d’accepter des droits de douane de 15 % plutôt que de courir le risque qu’ils atteignent 30 %, d’autant plus que certains secteurs seront exemptés, comme l’aéronautique.
Les représentants des petites entreprises et les syndicats de salariés ont cependant souligné que tout le reste de l’économie demeurait gravement menacé, notamment l’industrie et l’agriculture. Même le secteur des vins et spiritueux, qui espérait bénéficier d’une exemption, sera finalement touché par l’augmentation des droits de douane – c’est particulièrement préoccupant pour la France. Ils ont tous exprimé une grande inquiétude et parfois de la colère, particulièrement à l’encontre de Mme von der Leyen, qui leur paraît s’être émancipée du Conseil et du Parlement européen pour prendre des décisions préjudiciables à l’Union européenne et à la France.
Le Parlement européen aura à débattre, dans les semaines qui viennent, de propositions législatives qui entérinent la suppression des droits de douane sur les biens industriels américains. Dans cette perspective, il nous a paru opportun que l’Assemblée nationale se prononce afin d’éclairer nos collègues européens. Quant à la mise en œuvre des engagements de Mme von der Leyen sur l’achat de 750 Md$ d’énergie fossile supplémentaire aux Américains ou les 600 Md$ d’investissements européens aux États-Unis, elle relève in fine des États membres. Je ne doute pas que la France ne pourra accepter un tel deal, qui scellerait la vassalisation de l’Europe. Tous les patriotes ici présents en seraient révoltés.
Je souhaite que cette proposition de résolution européenne soit signée par le plus grand nombre de parlementaires possible. Nous aborderions ainsi la discussion en séance avec toute la force d’une assemblée unie pour contester un projet incroyablement préjudiciable aux intérêts des salariés et des entreprises françaises et européennes.
M. Maxime Michelet (UDR). L’accord dont nous discutons à travers votre proposition de résolution a été conclu dans la plus grande opacité au cours de l’été. Il prévoit des droits de douane de 15 % sur les exportations européennes à destination des États-Unis, et ce sans aucune réciprocité. Il engage également l’Union européenne à réaliser des achats et des investissements aux États-Unis à hauteur de plusieurs centaines de milliards de dollars.
Un tel accord ne mérite qu’un seul nom, celui de capitulation. Une capitulation en rase campagne, qui sacrifie des secteurs entiers de l’économie européenne au profit d’intérêts particuliers. Ainsi, dans mon département de la Marne, la filière du vin de Champagne ne manquera pas de souffrir de ces droits de douane, qui s’ajoutent aux nombreux défis auxquels le secteur viticole est déjà confronté : déconsommation généralisée, réglementation déconnectée, discours hygiéniste, et menace sanitaire.
La capitulation douanière est un dernier coup de massue, en plus d’être un aveu d’échec pour la politique commerciale de l’Europe. Les États-Unis étant le premier marché mondial de consommation de vin, le relèvement des droits de douane à 15 % fait légitimement craindre aux vignerons français et européens un important recul de leurs exportations. La production viticole ne devrait pourtant pas être prise à partie dans la guerre commerciale, puisqu’elle est par nature impossible à délocaliser sur le sol américain. Si le président Trump peut espérer que les taxes sur les voitures allemandes bénéficient aux voitures américaines, les taxes sur le champagne français n’inciteront pas à produire davantage de champagne américain, pour la simple et bonne raison que le champagne américain n’existe pas.
Hélas, les négociateurs européens semblent avoir consenti au sacrifice cynique et intéressé du secteur des vins et spiritueux, transformé en victime expiatoire d’une négociation inconséquente, commencée par des menaces insensées sur des spiritueux américains et conclue, de la pire des manières, par un accord encore plus insensé. Le secteur des vins et spiritueux ne sera malheureusement pas le seul touché, et ce sont les intérêts français qui semblent sacrifiés au profit d’autres intérêts particuliers.
C’est pourquoi, Monsieur le rapporteur, le groupe Union des droites pour la République partage votre volonté d’inviter le gouvernement à s’opposer à cet accord, à poursuivre les négociations et à associer réellement les parlements nationaux à un accord commercial équilibré. Nous voterons donc en faveur de votre proposition de résolution.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Vous soulignez à juste titre l’importance de la réciprocité. Cela fait dix ans que les eurodéputés français, presque tous partis confondus, s’efforcent de défendre à Bruxelles l’application de ce concept en matière commerciale – nous sommes plusieurs dans cette salle à avoir pris part à ce combat. Hélas, l’Union européenne a une compétence exclusive sur la politique commerciale depuis le traité de Lisbonne.
Nous défendions l’idée que nous ne pouvions pas rester les idiots du village planétaire et que, lorsque les autres continents se protégeaient, l’Union européenne se devait d’en faire autant. Nous y étions presque parvenus : au cours de son précédent mandat, le Parlement européen a adopté une batterie de règlements et de directives qui permettent d’instaurer une réciprocité. Mais, avec le projet d’accord de Mme von der Leyen, tout est désormais compromis.
S’agissant des vins et spiritueux, la France a essayé de négocier pour qu’ils bénéficient d’une exemption, comme nous l’a appris lors de son audition M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne. Les vins et spiritueux ont une importance particulière dans la balance commerciale française puisque, chacun le sait, c’est un secteur dans lequel nous sommes fortement exportateurs. Les exportations représentent une large part du chiffre d’affaires des producteurs – vous avez évoqué le champagne, mais c’est également le cas du cognac, avec 97 % à l’export. Ce sont donc des filières entières, représentant beaucoup d’entreprises et de salariés, qui se trouveraient menacées si un tel accord était entériné.
Mme Manon Bouquin (RN). Je ne peux, avec mes collègues du groupe Rassemblement national, que me réjouir de votre souhait de dénoncer et d’empêcher la reddition commerciale et douanière de l’Union européenne face aux États-Unis. Je m’étonne cependant de la surprise que vous exprimez : qu’a de surprenant la trahison de Mme von der Leyen et d’une Commission qui, depuis des années, n’a cessé de sacrifier les intérêts de la France au profit des intérêts industriels de l’Allemagne ?
Nous n’avons cessé de mettre en garde, sur les enjeux aussi bien commerciaux, qu’énergétiques ou budgétaires. Mais la Commission mène toujours plus loin l’usurpation de compétences qui ne lui reviennent pas, toujours à notre détriment. Il n’y a donc rien de véritablement étonnant à ce que ce mauvais coup s’ajoute, au même moment et de la même main, au Mercosur, au renforcement de l’inféodation aux armements américains, à la diminution annoncée des crédits de la politique agricole commune (PAC), ou encore à l’exigence d’un tribut toujours plus faramineux de la France à l’Union européenne.
Que votre choc soit donc un réveil. L’Union européenne n’est plus un espace d’intégration, mais de concurrence. Le monde est ainsi fait : les nations défendent leurs propres intérêts et ne coopèrent que lorsqu’elles en tirent un bénéfice mutuel. Voici le paradigme fondamental que vous devez, à votre tour, intégrer.
Je m’inquiète, à la lecture du rapport qui accompagne cette proposition de résolution, de l’incapacité de certains à comprendre cette réalité. Je m’inquiète de la croyance arrogante qui en transpire selon laquelle une certaine supériorité morale européenne suffirait à lier des peuples et leurs partenaires extérieurs. Je m’inquiète de la cécité sur les pratiques prédatrices des États-Unis, volontiers attribuées au seul Donald Trump quand elles ne sont en réalité que la continuation d’une politique nationale américaine dont nous dénoncions déjà les méfaits sous Barack Obama. Je m’inquiète de l’absence totale de compréhension de la véritable rupture en cours, celle de la démondialisation et de la dédollarisation.
Face à ces réalités, la France doit, de toute urgence, revoir son positionnement au sein de l’Union européenne pour faire enfin de cette appartenance un atout. C’est possible, pourvu qu’un gouvernement courageux soit prêt à y imposer notre intérêt national.– un gouvernement qu’une dissolution et des élections sincères permettraient peut-être de faire advenir. Pour que la France sorte de sa position de servilité conciliante et retrouve une liberté exigeante, il faudrait qu’elle dispose de représentants qui en aient la volonté. Je forme l’espoir que cette résolution soit un premier pas dans une telle direction. C’est pourquoi nous la soutiendrons.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je vous remercie de vous inquiéter de notre prise de conscience, mais, en ce qui me concerne, elle ne date pas d’hier. Je me souviens d’ailleurs avoir été profondément ému lorsque Mme von der Leyen avait tenté, un 24 décembre, de faire adopter un accord d’investissement avec la Chine, sans que la plupart des États membres, notamment la France, en aient été préalablement informés.
De la même manière que vous, et comme beaucoup de nos collègues, je condamne fermement l’accord avec le Mercosur. M. Ruffin, ici présent, a d’ailleurs déposé un texte important pour exprimer la colère des élus français face à la volonté de la Commission de faire adopter en catimini cet accord en dépit de la vive contestation qu’il suscite, notamment dans le monde agricole.
Nous avons également de nombreux motifs d’inquiétude concernant les crédits de la PAC. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, la balance commerciale agricole et agroalimentaire de la France sera en déficit – une situation inédite et particulièrement alarmante pour notre pays. Il est donc impératif de sauver l’agriculture et l’agroalimentaire français. Ce doit être, à mon sens, un sujet de mobilisation nationale.
Puisque vous évoquez la dédollarisation, je me permets une précision : le projet d’accord prévoit 15 % de droits de douane mais, le dollar étant largement déprécié par rapport à l’euro – de l’ordre de 12 à 13 % aujourd’hui –, cela revient en réalité à une taxe effective proche de 20 % pour les entreprises françaises. C’est d’ailleurs ce que nous ont signalé toutes les organisations patronales, qu’il s’agisse du Medef, de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ou encore des artisans.
Mme Constance Le Grip (EPR). Le texte que nous examinons traduit des inquiétudes réelles quant aux tenants et aboutissants de l’accord commercial conclu le 27 juillet dernier par l’Union européenne et les États-Unis. Nous partageons pleinement les objectifs de réciprocité, de transparence et de souveraineté économique européenne. La position du groupe Ensemble pour la République a toujours été constante : nous sommes contre la guerre commerciale, qui n’est dans l’intérêt de personne, et en faveur d’un accord qui permette d’en finir avec l’incertitude. Face aux effets délétères de l’incertitude, notre responsabilité est d’apporter aux acteurs économiques de la stabilité, fût-elle temporaire.
L’accord conclu entre l’Union européenne et les États-Unis met fin à plusieurs mois de tensions commerciales majeures et permet d’éviter une guerre commerciale dont les conséquences auraient été absolument terribles pour nos économies. Cet accord a tout au moins le mérite d’exister. Il était en effet important pour notre pays qu’un compromis puisse être trouvé : la France exporte près de 50 Md€ vers les États-Unis, dans des secteurs stratégiques tels que l’aéronautique, les produits pharmaceutiques ou la chimie, ou dans des domaines emblématiques de l’excellence française comme les cosmétiques ou les vins et spiritueux. Or, l’accord exempte un certain nombre de secteurs clés de notre économie des hausses de droits de douane , même s’il exclut toute concession pour certaines de nos filières agricoles sensibles. Il préserve également l’essentiel de la réglementation européenne, notamment en matière numérique et sanitaire.
Cela étant posé, nous restons lucides. L’accord obtenu ne saurait être considéré comme un point d’arrivée ; il s’agit seulement d’un point de départ. Il demeure déséquilibré à bien des égards et ne peut constituer une solution durable. Nous souhaitons donc que notre pays et l’Union européenne poursuivent leurs efforts pour obtenir des résultats tangibles.
Adopter une proposition de résolution « visant à rejeter le projet d’accord sur les droits de douane et le commerce entre l’Union européenne et les États-Unis »» enverrait le signal que nous ne souhaitons plus poursuivre les négociations, fussent-elles exigeantes et lucides, avec notre partenaire américain. Cela ne nous paraît ni réaliste ni raisonnable.
C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de résolution européenne.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Le principe de transparence dans les négociations commerciales, que vous évoquez, constitue précisément un point d’achoppement. Nous pouvons en effet nous interroger sur la légitimité de la Commission européenne à conduire ces discussions en l’absence de mandat du Conseil l’y autorisant.
Lorsque nous avons demandé à M. Léglise-Costa dans quel cadre juridique cette négociation avait été engagée, lui-même a semblé embarrassé. Le seul mandat de négociation existant date du 15 avril 2019 – vous le savez bien puisque vous étiez alors députée européenne. Depuis, rien n’a été formellement acté. Nous dénonçons donc une absence totale de transparence.
Je ne partage pas votre interprétation de la portée de cette résolution. Cette dernière vise avant tout à alerter les autorités françaises sur un projet d’accord qui ne nous satisfait pas. Cela ne signifie nullement que nous souhaitons interrompre le dialogue transatlantique, ce qui n’aurait d’ailleurs aucun sens. Si les échanges commerciaux entre l’Union européenne et les États-Unis vont, bien entendu, se poursuivre, la question est de savoir dans quelles conditions. Les conditions actuelles nous paraissent inacceptables.
Enfin, permettez-moi un dernier argument, auquel vous serez sans doute sensible : sur le plan symbolique et politique, cet accord est une véritable catastrophe pour l’Union européenne. Les sondages sont d’ailleurs parlants : 53 % des Européens le jugent navrant, et cette part atteint 67 % en France. Le déséquilibre et l’asymétrie qu’il entérine donnent l’image déplorable d’une vassalisation du continent.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Cette proposition de résolution, que nous voterons bien évidemment, a le mérite de dénoncer l’inacceptable deal conclu entre le président Trump et Mme von der Leyen – deal car, juridiquement, cet accord n’en est même pas un. Il a été conclu en plein été, dans une propriété écossaise de M. Trump, entre deux parties de golf, et sans que Mme von der Leyen ne dispose d’aucun mandat. Ce n’est pas un accord formalisé entre deux contractants légitimes et égaux, mais une entente asymétrique entre un vassal et son souverain. Avec ce deal, nous assistons à une nouvelle manifestation de l’autoritarisme croissant de la Commission européenne et de sa présidente autocratique. À ce stade, nous ne savons même pas précisément quelle sera sa traduction juridique, ni sous quelle forme il sera soumis au Parlement européen.
Cette capitulation s’inscrit dans un processus plus large : celui de la fragmentation de la mondialisation néolibérale. Les grandes puissances qui ont perdu leur hégémonie, au premier rang desquelles les États-Unis, recourent désormais à la contrainte pour capter des ressources, des capitaux et des marchés. Dans ce grand jeu, l’Union européenne, véritable ectoplasme géopolitique, est devenue une simple variable d’ajustement. Être un grand marché ne suffit pas à être une puissance. Donald Trump traite l’Union européenne comme un satellite, à l’image de ses prédécesseurs. Mme von der Leyen s’y soumet, portée par le soutien d’oligarchies soucieuses de préserver leurs intérêts aux États-Unis, comme l’a illustré la réaction de M. Bernard Arnault, qui a prétendu que ce deal serait bénéfique – peut-être l’est-il pour ses actions, mais certainement pas pour l’économie française.
Sur le fond, il s’agit d’une capitulation pure et simple : des droits de douane de 15 % imposés sur la plupart des produits européens, dont les effets seront encore aggravés par la dépréciation du dollar ; une promesse de 600 Md$ d’investissements européens aux États-Unis, au moment où il faudrait au contraire relancer massivement l’investissement productif en France et en Europe ; 750 Md$ pour l’achat de produits énergétiques américains, ce qui ne fait qu’accroître la dépendance énergétique du continent ; plusieurs dizaines de milliards d’euros d’achats de semi-conducteurs américains, créant une nouvelle dépendance dans un domaine stratégique ; enfin, un démantèlement des régulations écologiques, sanitaires et sécuritaires.
Tout cela intervient quelques semaines à peine après que nous avons accepté, au sommet de l’OTAN, de consacrer 5 % du PIB à la dépense militaire, un véritable tribut dont l’immense majorité ira gaver l’industrie d’armement américaine. En échange de ces abandons, Mme von der Leyen n’a rien obtenu. C’est une reddition sans condition. Les macronistes ont versé des larmes de crocodile pendant l’été, mais ils n’ont rien fait. Comme leur oratrice le confirme aujourd’hui, ils approuvent en réalité ce deal. Ils n’ont pas voté la motion de censure que nous avions déposée au Parlement européen contre Mme von der Leyen – pas plus, d’ailleurs, que M. Glucksmann et les socialistes européens.
Pour notre part, nous continuerons à nous opposer, par tous les moyens possibles, à ce deal inacceptable qui vassalise un peu plus notre continent, tout comme nous nous opposons à l’accord avec le Mercosur.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. La question de la traduction juridique de ce deal se pose en effet. La Commission européenne a fait savoir au Parlement européen le 28 août dernier qu’il ne serait consulté, ainsi que le Conseil, que sur les tarifs douaniers. En somme, les députés européens devront répondre à la question suivante : « Êtes-vous d’accord pour que nous soyons taxés à 15 % et les États-Unis à 0 % ? ». Je souhaite bien du courage à ceux qui tenteront de défendre un tel accord.
La communication de la Commission autour de cet accord reprend, peu ou prou, les arguments exposés par Mme Le Grip : cet accord aurait le mérite d’exister, ce serait mieux que rien, et surtout il offrirait aux entreprises européennes de la stabilité et de la prévisibilité.
Il faut être naïf pour croire à la prévisibilité d’un deal conclu avec M. Trump. Lui-même a déclaré cet été que si les Européens ne respectaient pas leurs engagements en matière d’achats d’hydrocarbures et d’armements américains, il reviendrait sur le deal douanier, c’est-à-dire qu’il rétablirait des droits de douane à 30 % sur l’ensemble des produits européens. Vous voyez bien qu’il n’existe aucune garantie.
Cette proposition de résolution européenne émane justement du constat qu’avec M. Trump, nous n’avons d’autre choix que d’engager un véritable rapport de force. C’étaient d’ailleurs les intentions initiales de la Commission et du Conseil, au début du mois de juillet. Mais ce deal a tout fait tomber.
Je vous rejoins enfin, Monsieur Le Gall, sur le fait que cet accord va totalement à l’encontre de l’autonomie stratégique européenne que certains se targuaient de promouvoir en matière de défense.
M. Karim Benbrahim (SOC). Monsieur le rapporteur, je tiens tout d’abord à vous remercier pour le dépôt de cette proposition de résolution, qui offre à notre assemblée l’occasion de dire clairement son opposition à un accord mettant en danger notre économie, nos objectifs climatiques et notre souveraineté.
Je commencerai par rappeler que la relation économique entre les États-Unis et l’Europe est utile à nos deux économies. Mais un partenariat n’est pas une soumission : il suppose un équilibre, et non une dépendance. Il doit servir nos intérêts communs, et non se construire au détriment de nos objectifs stratégiques. Or cet accord marque un renoncement dangereux à la puissance et à l’indépendance européennes. C’est une véritable capitulation économique. Il prévoit, comme vous l’avez rappelé : une hausse des droits de douane sur les produits européens ; un accès préférentiel au marché européen pour une large gamme de produits agricoles américains ; 600 Md$ d’investissements aux États-Unis d’ici 2028, au détriment de notre capacité à investir sur notre propre continent ; des achats massifs d’énergie fossile américaine ; et une augmentation des importations d’équipements militaires américains.
Il faut donc l’affirmer clairement : ces dispositions sont incompatibles avec les ambitions que l’Union européenne s’est fixées. Elles affaiblissent la transition énergétique et écologique, compromettent notre autonomie stratégique et fragilisent la réindustrialisation, pourtant indispensable à notre souveraineté et à la réussite de notre transition écologique.
Encore le 10 septembre dernier, dans son discours sur l’état de l’Union, Mme von der Leyen appelait l’Europe à prendre son indépendance. Cet accord propose pourtant exactement l’inverse. Avec la hausse des droits de douane, ce sont nos intérêts commerciaux qui sont sacrifiés. Avec les achats massifs d’équipements militaires américains, nous allons à l’encontre du plan « Réarmer l’Europe ». Avec l’importation massive de produits énergétiques américains, essentiellement du pétrole et du gaz naturel liquéfié, l’Union européenne renoncerait à son ambition climatique et basculerait de la dépendance au gaz russe à la dépendance au gaz américain. Avec l’engagement d’investir 600 Md$ outre-Atlantique, nous sacrifions également notre objectif de réindustrialisation. Si nous voulons rester une puissance, nous devons relocaliser afin de produire en Europe. Le rapport Draghi l’a rappelé : nous avons besoin de cet effort d’investissement pour renforcer notre souveraineté et réussir notre transition écologique.
L’Europe doit mettre en cohérence ses discours et ses actes. C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Vous avez raison de mentionner le rapport Draghi : je suis loin de souscrire à l’ensemble de ses conclusions, mais je conviens que l’Union européenne ne pourra s’en sortir qu’en investissant massivement au cours des prochaines années – Mario Draghi évalue ces investissements à 800 Md€ supplémentaires par an, couverts par des fonds aussi bien publics que privés. Je suis donc surpris par l’argument selon lequel cet accord aurait le mérite d’exister : il va à l’encontre de tout ce que nous avons demandé, exigé et, pour la plupart d’entre nous, voté au cours des cinq dernières années.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Nous ne pouvons qu’être inquiets des répercussions de ce prétendu accord – quasiment imposé par le président américain – qui paraît profondément déséquilibré et injuste pour de nombreux secteurs économiques européens. Si la Commission européenne se félicite d’avoir trouvé un moyen de rétablir la prévisibilité du commerce et des investissements entre l’Union européenne et les États‑Unis, le prix à payer, à court, moyen et long terme, risque d’être élevé pour notre pays comme pour nos partenaires européens.
Par ailleurs, cet accord est incompatible avec plusieurs décisions déjà entérinées, qui visaient à renforcer notre souveraineté. Dans le domaine de la défense notamment, il n’y a que quelques mois qu’a été dévoilé le projet « Réarmer l’Europe », qui prévoyait de mobiliser 800 Md€ pour construire une véritable Europe de la défense alors que la guerre perdure sur notre continent. Le programme Security for action for Europe (SAFE) en particulier doit permettre de financer l’achat d’équipements militaires comportant au moins 65 % de composants fabriqués au sein de l’Union européenne. L’accord annoncé en juillet dernier va totalement à l’encontre de ce plan lorsqu’il spécifie que l’Union européenne devra augmenter significativement ses achats militaires auprès des États‑Unis.
Cet accord est donc inacceptable en l’état. Le contexte européen et international actuel exige que nous poursuivions nos efforts en faveur d’une souveraineté européenne en matière de défense. Il est à ce titre essentiel de soutenir notre industrie de défense, particulièrement présente dans ma circonscription des Yvelines. J’ai déposé des amendements pour mettre en lumière la profonde contradiction entre les positions défendues par la Commission en mars et en juillet sur le sujet.
Monsieur le rapporteur, votre proposition de résolution européenne traduit des inquiétudes légitimes et dénonce un accord qui va à l’encontre des objectifs et des intérêts européens. C’est pourquoi, au‑delà de nos différences politiques sur d’autres sujets, je voterai ce texte.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Vous soulignez à juste titre la contradiction manifeste entre cet accord et les engagements pris au cours des derniers mois. J’ajoute que les Européens n’ont obtenu aucune garantie sur la question du numérique, alors même que les grandes entreprises américaines du secteur refusent de se conformer à la législation européenne – le règlement sur les services numériques du 19 octobre 2022 (Digital Service Ac – DSAt) et le règlement sur les marchés numériques du 14 septembre 2022 (Digital Markets Act – DMA). Le président Trump a d’ailleurs déclaré explicitement, en septembre dernier, que l’Europe ne saurait imposer un tel cadre de régulation aux grandes entreprises américaines du numérique. Les États-Unis sont également vent debout lorsque certains États membres, dont la France, proposent de mettre en place une taxe sur les services numériques pour éviter que les Gafam continuent d’échapper à l’impôt sur les bénéfices. Cela illustre combien cet accord est asymétrique, pour ne pas dire incroyablement déséquilibré.
M. François Ruffin (EcoS). L’accord entre les États‑Unis et l’Union européenne a été conclu par Mme von der Leyen dans la torpeur de l’été, au milieu des vacances. Vous avez pourtant aussitôt réagi, Monsieur le rapporteur, en déposant cette proposition de résolution– je vous en remercie. Les grandes envolées sur l’ « Europe puissance », la souveraineté et l’indépendance des six derniers mois ont finalement abouti à une véritable soumission. Sans même évoquer le déséquilibre douanier, avec des taxes de 15 % d’un côté et de 0 % de l’autre, ce sont les trois engagements pris par la Commission qui me semblent les plus graves.
Le premier concerne les garanties d’approvisionnement en matériel militaire américain, alors que cela nous coûtera plus cher, comme l’a reconnu le secrétaire au Trésor américain, et retardera le développement de notre industrie de défense. La Commission européenne s’est également engagée à des achats massifs d’énergie américaine, issue du gaz de schiste et du sable bitumineux, pour un coût là encore faramineux, sacrifiant notre agenda écologique pour obtenir un répit provisoire. Enfin, la Commission a accepté de ne pas toucher aux services numériques, autrement dit aux Gafam, en dépit des fiscales – ils continuent d’échapper à l’impôt –, politiques – ils constituent une puissance d’influence qui introduit de la conflictualité dans nos sociétés –, sanitaires – ils mettent en danger les plus jeunes – et en matière de souveraineté, y compris militaire.
L’Europe choisit donc la vassalisation. Elle se soumet précisément au moment où s’ouvrent devant elle des chemins de liberté, aussi terribles que magnifiques. Alors que les États-Unis délaissent l’Europe pour se tourner vers l’Asie – une politique entamée par Barack Obama, accentuée sous Joe Biden et plus que jamais revendiquée par Donald Trump –, nous choisissons de demeurer dans leur orbite. Ursula von der Leyen offre le parfait symbole d’une Union européenne qui aime ses chaînes.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je partage les propos de M. Ruffin. Le bilan de Mme von der Leyen marquera sans doute négativement l’histoire, comme celui de M. Barroso avant elle. Lors de la première élection de Donald Trump, tous les partisans de l’intégration européenne affirmaient qu’il s’agissait d’une occasion unique de s’émanciper de la tutelle américaine. Le mandat de Joe Biden nous a offert un bref moment de répit. Mais après le retour au pouvoir de Donald Trump, nous aurions pu espérer que, dans le prolongement des déclarations de nombreux chefs d’État européens sur l’indépendance et la souveraineté – à commencer par celui de la France –, l’Union européenne prenne conscience que son imprévisible partenaire américain défendait avant tout ses propres intérêts, et qu’elle choisisse d’en faire de même.
Or, Mme von der Leyen fait exactement le contraire. Peut-être considère-t-elle le lien transatlantique comme existentiel. Je pense, pour ma part, que l’Europe ne pourra pas survivre si elle ne s’imagine pas d’autre destin que celui de la vassalisation.
M. Pascal Lecamp (Dem). L’accord conclu cet été entre l’Union européenne et les États‑Unis sur les droits de douane est présenté comme un pas vers la stabilité économique et la relance du dialogue transatlantique. Derrière ce bénéfice apparent, se cache un déséquilibre profond qui interroge notre capacité, en tant qu’Européens, à défendre nos propres intérêts. À mes yeux, cet accord n’est pas une victoire européenne. Bien au contraire, il marque un recul de notre autonomie stratégique à l’issue de négociations conduites sous pression, dans l’urgence et sans mandat.
L’Europe s’est engagée à accroître ses achats dans les secteurs de l’énergie, du matériel militaire et de la haute technologie. Ces engagements sont‑ils réalistes ? Je ne le pense pas. Quelles seront les conséquences pour notre balance commerciale et pour nos entreprises ? Nous parlons de 750 Md€ d’achats énergétiques, ce qui nécessiterait de presque doubler nos importations actuelles. L’accord prévoit également 600 Md€ d’investissements supplémentaires d’ici 2029.
De façon plus générale, comme renforcer notre résilience face à la fragilisation des règles commerciales communes ? Si le groupe Les Démocrates demeure attaché à la relation transatlantique, il croit aussi profondément à la force du projet européen, à une Europe première puissance économique mondiale, forte de son marché unique de 450 millions d’habitants.
C’est précisément au nom de cette conviction européenne que nous soutenons la proposition de résolution présentée par M. Maurel. L’Europe ne doit pas se contenter de réagir, mais se mettre en position d’agir, affirmer sa vision et défendre ses filières. En cédant au chantage commercial américain, l’Union européenne a accepté un compromis qui affecte sa crédibilité et accentue la dépendance de nos industries stratégiques. Ce projet d’accord n’est donc pas à la hauteur des ambitions économiques et politiques que l’Europe doit porter.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Lors du débat qui se tiendra en séance publique sur cette proposition, je souhaite que nous soyons aussi nombreux que possible à dire au gouvernement que notre pays ne saurait se reconnaître dans un tel accord. Ce dernier constitue un recul non seulement pour tous ceux qui croient à l’intégration européenne, mais aussi pour les intérêts économiques français.
M. Guillaume Bigot (RN). L’accord commercial conclu le 27 juillet 2025 entre la Commission européenne et les États‑Unis constitue une violation manifeste des traités. La Commission a promis 750 Md$ d’achats énergétiques et 600 Md$ d’investissements européens aux États‑Unis, sans la moindre consultation préalable du Conseil, ni des chefs d’État et de gouvernement. Ces engagements n’entrent pas dans le champ de la politique commerciale commune, telle que définie à l’article 207 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ces accords, conclus en dehors de tout mandat, sont donc illégaux et illégitimes. Il convient de ne pas les appliquer et d’en exiger la suspension immédiate.
Monsieur le rapporteur, vous nous appelez à dénoncer tous ensemble les abus de pouvoir de Mme von der Leyen et à défendre, en patriotes et en républicains, les intérêts de la France. Je pourrais me féliciter de cette belle unanimité. Je veux, au contraire, saisir l’occasion pour dénoncer la duplicité de votre formation politique, le Parti socialiste, qui, par votre voix, prétend défendre les intérêts français à Paris, alors même qu’il les brade à Strasbourg. Les sociaux‑démocrates, votre parti frère, refusent au Parlement européen de censurer Mme von der Leyen. Le refus de censure, n’est‑ce pas finalement votre marque de fabrique ? C’est ce double langage que nos compatriotes ne peuvent plus supporter.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Il faudrait mettre vos fiches à jour. J’ai quitté le Parti socialiste après en avoir été membre pendant vingt‑cinq ans – je n’ai absolument pas honte de cette appartenance, bien au contraire. L’une des raisons de mon départ tenait précisément aux questions européennes. J’ai été un fervent militant du « non » au Traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005. J’ai combattu pendant dix ans au Parlement européen, d’abord au sein de la social‑démocratie puis en dehors, afin que nous soyons plus vigilants et plus critiques à l’égard de la construction européenne telle qu’elle se déployait.
Donald Trump tente d’imposer le narratif d’une relation commerciale déséquilibrée au profit de l’Union européenne qui exporterait plus vers les États-Unis qu’elle n’importerait. C’est totalement faux : le véritable déséquilibre réside dans les revenus générés par les entreprises américaines du numérique. L’Europe ne fait pas suffisamment pour remédier à cette situation.
Amendement n° 1 de M. Laurent Mazaury
M. Laurent Mazaury (LIOT). Dans la droite ligne de mon intervention, cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 13, une référence au plan « Réarmer l’Europe », présenté en mars 2025 par la Commission européenne, qui conditionne certains financements à ce que 65 % des composants soient produits en Europe.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Ce point est factuel. L’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis va à l’encontre des objectifs fixés par le plan « Réarmer l’Europe ».
L’amendement est adopté.
Amendement n° 3 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Cet amendement vise à rappeler que la procédure de conclusion des accords de commerce ne laisse pas une totalité liberté à la Commission européenne. L’ouverture des négociations, l’élaboration de directives encadrant ces négociations et la conclusion d’un accord relèvent du Conseil. La Commission doit faire régulièrement rapport au Conseil et au Parlement européen sur l’état d’avancement des négociations. Or, s’agissant de cet accord, la confidentialité et l’opacité ont prévalu sur toute autre considération.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement.
L’amendement est adopté.
Amendements n° 4, n° 5 et n° 6 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Ces trois amendements concernent l’engagement pris par l’Union européenne d’importer 750 Md$ de produits énergétiques américains au cours des trois prochaines années.
L’amendement n° 4 souligne le caractère irréaliste de cet engagement. Si ces mesures étaient mises en œuvre, les entreprises américaines devraient immédiatement rediriger la quasi-totalité de leurs exportations d’énergie fossile vers l’Europe, ce qui semble peu probable. Cet objectif soulève également des interrogations quant à la capacité des infrastructures américaines et européennes à supporter ces échanges.
L’amendement n° 5 vise à rappeler l’incompatibilité de cet engagement avec les objectifs de transition énergétique et écologique fixés par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
L’amendement n °6 met en avant la contradiction avec les objectifs européens en matière d’autonomie stratégique. Si nous achetions 250 Md$ d’énergie américaine par an, les États-Unis fourniraient à eux seuls 60 % des importations de produits énergétiques de l’Union européenne. Une telle situation serait dangereuse, au regard de la dépendance qu’elle créerait vis-à-vis de l’énergie fossile américaine.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Si l’importation de 750 Md$ de produits énergétiques américains est certes irréaliste, elle est avant tout non souhaitable. La formulation de l’amendement n° 4, qui fait seulement référence au caractère irréaliste, me paraît ainsi trop lapidaire pour contester un objectif qui va à l’encontre des objectifs de développement durable fixés par l’Union européenne. Je donnerai un avis de sagesse.
En revanche, je suis favorable aux amendements n° 5 et n° 6.
M. Karim Benbrahim (SOC). Les amendements n° 5 et n° 6 soulignent le caractère non-souhaitable de cet objectif tandis que l’amendement n° 4 en souligne le caractère irréaliste. Les deux éléments sont donc bien présents.
Les amendements sont successivement adoptés.
Amendements n° 7 et n° 8 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). Ces amendements portent sur l’engagement d’investir 600 Md$ supplémentaires dans des secteurs stratégiques aux États-Unis d’ici 2028.
L’amendement n° 7 souligne l’incompatibilité de cet objectif avec l’ambition de réindustrialiser l’Europe. Les rapports rendus par Mario Draghi et Enrico Letta en 2024, rappellent l’importance d’investir au sein de l’Union européenne pour relocaliser des usines sur notre sol, restaurer notre souveraineté économique et revitaliser l’activité des territoires.
L’amendement n° 8 dénonce l’incompatibilité de cet engagement avec les objectifs en matière de transition énergétique de l’Union européenne. Le règlement du 13 juin 2024 pour une industrie « zéro net » vise à renforcer les capacités de production européenne de onze technologies vertes, en relocalisant notamment des sites de fabrication sur le sol européen. Si ces capitaux sont dirigés vers les États-Unis, il sera difficile de réaliser les investissements nécessaires à notre transition écologique et énergétique.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. J’émets un avis favorable sur ces deux amendements.
Les amendements sont successivement adoptés.
Amendements n° 9 et n° 2 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement vise à rappeler que l’accord sur les droits de douane entre l’Union européenne et les États-Unis, entre en contradiction avec les récentes annonces européennes dans le domaine de la défense, qu’il s’agit du Livre blanc pour une défense européenne ou encore du plan « Réarmer l’Europe ». Il ne serait pas acceptable que les instruments récemment mis en place, tels que le programme budgétaire SAFE, puissent être utilisés prioritairement pour l’acquisition d’équipements militaires américains, au détriment de l’industrie de défense européenne.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. J’émets un avis favorable.
Les amendements sont successivement adoptés.
Amendement n° 10 de M. Karim Benbrahim
M. Karim Benbrahim (SOC). L’amendement n° 10 vise à dénoncer les conditions dans lesquelles cet accord a été négocié. Accepter de ratifier cet accord reviendrait à valider la méthode brutale de M. Donald Trump, qui consiste à porter des exigences excessives afin d’obtenir des concessions. Comme l’a souligné le rapporteur, il y a un récit biaisé d’un déséquilibre sur la balance commerciale, notamment la dépendance de l’Union européenne dans le domaine du numérique et des services. Ces mesures apparaissent unilatérales et asymétriques, sans offrir aucune garantie que l’administration américaine respectera l’accord dans la durée.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Ne peut-on pas considérer que l’ensemble de la proposition de résolution vise précisément à dénoncer le fait que la Commission européenne ait accepté la méthode de M. Donald Trump ? Je partage votre position, cher collègue, mais l’amendement me semble redondant au regard de ce qu’exprime déjà la proposition de résolution.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article unique est adopté.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée.
M. Emmanuel Maurel, rapporteur. Je vous remercie. Il est important que nous soyons nombreux à nous exprimer de manière résolue et déterminée en ce moment crucial pour l’Europe et pour les intérêts français.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. La mission première de toute société est de protéger ses membres les plus vulnérables. C’est dans cet esprit que s’inscrit la proposition de résolution européenne relative à la pédocriminalité en ligne que je vous présente aujourd’hui.
Le phénomène pédocriminel est malheureusement ancien mais il a pris une tournure plus inquiétante encore avec l’arrivée d’internet. Entre darknet, réseaux sociaux, messageries chiffrées et contenus pédocriminels diffusés sur des forums, nous sommes face à une menace considérable visant tous nos enfants. Les pédocriminels s’organisent désormais en véritable communauté, ils mettent à l’épreuve nos enquêteurs en utilisant les outils numériques à leur disposition.
Si nous considérons uniquement les contenus pédocriminels signalés, la France occupe la triste place de 9ème pays mondial à en abriter et la 5ème au niveau européen, d’après l’ONG Internet Watch Foundation pour l’année 2022.
Face à ce fléau le législateur ne peut plus rester absent. Dans un espace sans frontières comme internet, il est temps d’agir et de prendre rapidement des mesures proportionnées et coordonnées.
Il convient tout d’abord d’évoquer le cadre législatif existant aux niveaux français et européen. Ensuite, la question de la proposition de règlement européen relatif à la prévention et à la lutte contre les abus sexuels sur mineurs en cours d’examen nécessite d’être explicitée avec rigueur. Enfin, des propositions complémentaires seront faites afin de traiter l’ensemble du spectre de la pédocriminalité.
L’évolution de la pédocriminalité aggravée par le développement de nouvelles technologies nécessite d’élargir le champ d’application de la loi pour réprimer la détention de contenu pédocriminel mais aussi sa production, son stockage ou encore sa diffusion.
La réalité est glaçante : 40 % des pédocriminels en ligne ont contacté des enfants et d’après les données de la Ciivise, 12,5 % des cyberpédocriminels ont un historique d’infraction sexuelle sur un mineur hors-ligne. L’ampleur de la cyberpédocriminalité rend impérieuse notre capacité à développer des moyens de signalement afin de pouvoir constater les contenus, identifier les auteurs et les poursuivre pénalement.
Historiquement, c’est le centre américain NCMEC (National Center for Missing and Exploited Children) qui occupe un rôle essentiel en transmettant l’ensemble des signalements pédocriminels reçus aux pays dont les plateformes hébergent ce type de contenu. En 2024, 32 millions de signalements mondiaux ont été reçus par cet organisme et 170 000 ont été reçus en France. Cela représente une hausse vertigineuse de 12 000 % en
10 ans. Cette criminalité massive échappe en grande partie aux poursuites pénales. La dimension cyber renforce le caractère transfrontalier de la pédocriminalité et nécessite donc une coordination entre forces de l’ordre et justice à l’échelle internationale.
Le cadre juridique français en matière de pédocriminalité est robuste et recouvre l’ensemble du spectre des actes pédocriminels dont ceux commis en ligne. Néanmoins, ce cadre ne peut fonctionner que s’il est harmonisé entre les États membres sans quoi cette dimension transfrontière rendrait inopérant le système normatif français.
Au-delà de l’arsenal législatif, il convient également de souligner l’importance des structures établies en lien avec le ministère de l’intérieur qui traquent les contenus pédocriminels.
L’Office anti-cybercriminalité (OFAC) et la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) permettent à tout utilisateur de signaler des contenus contrevenant à la loi. Créé récemment en 2023 et rattaché à la police judiciaire, l’office des mineurs (OFMIN) joue un rôle capital en matière de lutte contre la pédocriminalité. Sa mission est dédiée à l’identification de ces infractions en lien avec Europol et Interpol. De plus, l’OFMIN représente la France dans les instances internationales traitant de la question pédocriminelle. Malheureusement, cet office est structurellement sous-dimensionné. Seuls 27 agents à ce jour réalisent les missions qui lui sont confiées alors même que l’État s’est engagé, en novembre 2023, à monter ses effectifs à plus de 80. Il est vital de lui donner les moyens humains et financiers pour exercer sa mission.
L’Union européenne a elle aussi pris conscience des insuffisances du cadre juridique au niveau européen et du manque d’harmonisation en matière de lutte contre la cyberpédocriminalité. Fort de ce constat, un règlement temporaire a été adopté le 14 juillet 2021 qui permet de déroger à la directive du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, dite directive e-privacy, afin de lutter contre les abus sexuels sur mineurs.
J’insiste sur le fait que ce règlement de 2021 ne vient pas piétiner la confidentialité mais permettre la détection et surtout le signalement de contenus de nature pédocriminelle de façon volontaire par les fournisseurs de services numériques. Dans l’attente de l’adoption de la proposition de règlement ASM, une dérogation était initialement prévue pour 3 ans puis a été prorogée de 2 ans en l’absence de compromis obtenu. Ce cadre transitoire arrive à expiration le 3 avril 2026, c’est-à-dire demain !
C’est là tout l’objet de la proposition de résolution européenne que je défends aujourd’hui : soutenir l’adoption d’un cadre légal pérenne sans quoi plus aucune base légale ne pourra autoriser la détection de contenus pédocriminels même sur une base volontaire. Ce cadre se situe sur une ligne de crête entre la nécessaire protection des enfants contre la cybercriminalité dans un environnement numérique en mutation et la garantie des droits fondamentaux, à savoir le respect de la vie privée et la protection des données.
Depuis la version initiale qui a été proposée par la Commission européenne, le projet de règlement ASM a évolué. Le Conseil l’examine actuellement. Une fois la position de chaque institution adoptée, les trilogues pourront enfin débuter.
Cette proposition de résolution salue l’initiative de la Commission européenne mais ne soutient pas la version initiale du texte. Elle plaide pour un texte qui permettrait la détection sur un mode volontaire tout en l’assortissant d’obligations claires pour les plateformes numériques notamment s’agissant de la mise en place de moyens humains et financiers suffisants. Si les plateformes ne respectent pas ce cadre législatif alors elles devront faire face à des amendes et des sanctions pénales lourdes. Dès lors que le cadre proposé garde une certaine souplesse, les plateformes ne peuvent faillir à leurs responsabilités. C’est là le souhait que je formule aujourd’hui.
C’est un débat complexe, politiquement sensible et le blocage persistant au Conseil – la semaine dernière encore – illustre bien notre difficulté actuelle à trouver un équilibre. Il devait examiner le texte hier mais a une nouvelle fois reporté le débat à décembre 2025, 4 mois seulement avant l’expiration du règlement dérogatoire le 3 avril 2026.
À ce jour, personne ne peut imaginer que les trilogues aboutiront à un consensus étant donné les délais restreints. Il est essentiel d’éviter la disparition du cadre légal permettant les signalements. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé plusieurs amendements pour apporter les garanties qui me semblaient nécessaires face aux légitimes inquiétudes soulevées.
Au-delà de la répression des contenus pédocriminels, d’autres mesures sont à considérer.
Ainsi, la proposition de règlement envisage la création d’un centre européen de prévention et de lutte contre les abus sexuels sur mineurs. Il ne s’agit pas d’une strate supplémentaire mais bien de consacrer des moyens importants à la lutte contre la cyberpédocriminalité. Nous avons besoin d’une instance qui sensibilise l’ensemble de la société et qui œuvre à la coopération entre les États membres pour diffuser les bonnes pratiques et transmettre les signalements et les alertes.
Je souhaite mentionner le rôle de l’entreprise Korp Media que j’ai rencontrée dans le cadre de mes auditions. Cette société a travaillé en lien avec l’OFMIN et le ministère de l’intérieur sur un logiciel identifiant les contenus pédocriminels une fois le matériel saisi par les autorités. Ce logiciel n’utilise ni la reconnaissance faciale ni des bases de données d’identification des personnes. Il est hors ligne et ne peut donner lieu à des piratages cyber issus d’acteurs malveillants. Il présente de solides garanties et fournit la preuve que la technologie dispose dès à présent de moyens pour identifier les contenus pédocriminels sans attenter aux libertés.
Surtout, n’oublions pas le coût humain du visionnage par tout agent des services compétents. Outre leur ampleur, ils sont porteurs de graves risques psycho-sociaux pour celles et ceux qui doivent les visionner pour faire appliquer la loi. L’OFMIN en a urgemment besoin.
S’agissant de l’intelligence artificielle, n’oublions pas que son usage s’est très largement démocratisé et qu’elle donne lieu d’ores et déjà à des dévoiements notamment en lien avec la cyberpédocriminalité. Je pense aux vidéos d’hypertrucages, appelées en anglais deepfakes. C’est une menace d’ampleur. Le NCMEC a constaté une hausse de son usage à des fins pédocriminels de 1 425 % entre 2023 et 2024 et entre 2024 et mi-2025 nous faisons face à une nouvelle hausse de 723 % !
En conclusion, je voudrais vous rappeler que la protection des enfants est une obligation juridique et humaine. Les plus vulnérables doivent être d’abord protégés.
C’est pourquoi je vous appelle à soutenir cette proposition de résolution européenne - que vous êtes plus de 100 à avoir co-signé – nécessaire pour la mise en place d’un cadre pérenne portant sur la lutte contre les abus sexuels sur mineurs. Aujourd’hui, le vote de cette proposition de résolution serait un premier pas pour répondre collectivement à l’urgence. Nous pouvons montrer l’exemple aujourd’hui.
Mme Constance Le Grip (EPR). La proposition de résolution européenne que vous présentez rappelle une évidence : la protection de nos enfants contre la cyberpédocriminalité doit être une exigence fondamentale au sein de nos sociétés européennes. À l’ère numérique, garantir un environnement en ligne sûr pour chaque enfant n’est pas seulement un impératif moral, c’est une responsabilité individuelle, politique et collective.
Face à une explosion sans précédent des contenus pédopornographiques et alors qu’un enfant sur douze dans le monde est aujourd’hui exposé à une forme d’exploitation ou d’abus sexuels en ligne, le statu quo n’est plus tenable. Les régimes dérogatoires, les dispositifs volontaires et tout ce que l’on a tenté ne suffisent plus. L’Union européenne doit désormais se doter d’un cadre contraignant à la hauteur de l’urgence, de la gravité et de l’ampleur du phénomène.
C’est l’objet de la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et combattre les abus sexuels sur enfants, dit CSAM, présenté par la Commission européenne le 11 mai 2022 qui prévoit la détection et le signalement obligatoire des contenus pédocriminels, l’évaluation des risques d’exploitation et la création d’un centre européen chargé de centraliser les signalements.
Notre groupe se félicite que la présidence danoise du Conseil, dans le sillage des positions défendues à de nombreuses reprises par le gouvernement français, ait fait de cette question une priorité en inscrivant à son agenda la sécurité numérique des mineurs, la vérification d’âge interopérable et la refonte du cadre juridique européen contre les abus sexuels en ligne.
La déclaration de Jutland, adopté le 10 octobre dernier, trace la voie d’un espace numérique plus sûr pour nos enfants fondé sur la conception responsable des plateformes et la protection de la vie privée. Nous soutenons votre proposition de résolution. Nous partageons l’objectif essentiel que vous affichez : faire de la protection de l’enfance un pilier de la souveraineté numérique européenne. Nous resterons attentifs aux prochaines étapes du processus européen afin de concilier libertés individuelles, proportionnalité des moyens techniques et défense de nos enfants.
Mais ne l’oublions jamais : nous parlons de pédophiles.
Nous voterons en faveur de cette proposition de résolution européenne.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Vous avez eu raison de mentionner la présidence danoise, qui représente un véritable espoir pour nous. Plusieurs visions coexistent actuellement en Europe, et cette présidence devrait permettre de faire progresser le dossier, d’autant que l’échéance d’avril approche et qu’il est désormais nécessaire d’avancer sans délai.
Vous avez raison d’insister sur la responsabilité des plateformes. Elles jouent un rôle important et nous devons tenir un discours unanime sur ce sujet à l’Assemblée nationale.
M. Julien Dive (DR). Ils tirent parti de l’anonymat du chiffrement, de la fragmentation des outils de détection. Il est donc nécessaire de consolider nos dispositifs et de combler les failles juridiques et techniques.
Face à une telle menace, aucun pays ne peut lutter seul. L’Union européenne doit apporter une réponse coordonnée et proportionnée à ce fléau transnational. À ce titre, nous saluons la proposition d’un Centre européen de prévention et de lutte contre les abus sexuels sur les enfants, qui serait chargé de centraliser les signalements, de renforcer la coopération avec Europol et d’harmoniser les procédures de traitement. Une telle structure permettrait de gagner en réactivité et en fiabilité tout en améliorant le partage d’informations. De même, l’extension des compétences du Parquet européen à la cyberpédocriminalité nous paraît pertinente. Les flux financiers liés à ces crimes, la dimension transnationale des plateformes et l’ampleur du phénomène justifient une approche pénale européenne plus intégrée.
La sécurité des enfants et les libertés fondamentales doivent avancer de pair. Le texte insiste, à juste titre, sur l’importance d’une supervision indépendante et transparente des outils de détection que déploieront les plateformes afin de garantir le respect de la vie privée, la proportionnalité des moyens et un contrôle juridictionnel effectif.
Il nous faut garder un temps d’avance sur les menaces émergentes. L’essor de l’intelligence artificielle facilite déjà la production et la diffusion de contenus illicites ; un cadre juridique spécifique s’impose pour prévenir ces abus. La lutte contre la cybercriminalité passe également par la prévention et l’éducation : informons les mineurs, sensibilisons les familles, formons les professionnels afin de déceler plus tôt les situations à risque.
Le groupe de la Droite républicaine votera ce texte sans réserve. Ne laissons plus l’inaction profiter aux criminels et dotons-nous, au niveau européen, de moyens à la hauteur des enjeux.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Vous évoquez à juste titre les menaces émergentes : il nous faut agir vite car les cyberpédocriminels adaptent très rapidement leurs pratiques.
S’agissant de ma proposition d’étendre les compétences du Parquet européen à la lutte contre la cyberpédocriminalité, j’ai déposé un amendement pour la retirer. Il s’est avéré qu’elle n’était pas envisageable dans le cadre actuel des traités européens. C’est certes regrettable compte tenu de l’ampleur du phénomène et des difficultés à poursuivre les pédocriminels en ligne. Le Centre européen de prévention et de lutte contre les abus sexuels sur enfants n’en apparaît que plus nécessaire.
M. François Ruffin (EcoS). En moyenne, trois enfants par classe sont victimes d’inceste ou de violence sexuelle. Quand ce chiffre est sorti, il y a une dizaine d’années, cela a été un choc pour un moi. J’ai cru que c’en serait un également pour la société, pour les politiques, et que des mesures seraient prises. Mais il n’y a rien eu, ou pas grand-chose. Nous devinons pourtant derrière ce chiffre des vies brisées qu’il faudra des décennies pour réparer, si elles peuvent l’être.
Quand le rapport public de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), rendu en novembre 2023, a confirmé que 160 000 enfants étaient victimes de violences sexuelles chaque année, j’ai espéré à nouveau que ce soit un choc pour la société et les politiques. Il n’en a rien été. Selon Edouard Durand, coprésident de la Ciivise, le gouvernement n’a apporté aucune réponse aux quatre-vingt-deux recommandations présentées.
Je suis évidemment d’accord sur le fait qu’il faut lutter contre la cyberpédocriminalité. Il faut lutter contre la pédocriminalité tout court. Je suis surpris que l’Éducation nationale n’ait pas mis en place un grand plan sur le sujet – il ne s’agit pas le moins du monde d’incriminer les instituteurs et tous les personnels, qui ont déjà beaucoup à faire. Il faudrait missionner des psychologues, des infirmières et des médecins dans les écoles pour repérer les enfants qui présentent des troubles ou des symptômes, poser un diagnostic et les sortir de cette situation. Mais pour le moment, il n’y a qu’un grand silence. Cela a pourtant un coût pour la société – même si c’est irréductible à une question financière – quand on laisse des vies être durablement endommagées.
La lutte contre la pédocriminalité, notamment en ligne, devrait être rattachée au renforcement de la protection de l’enfance en général. Il est nécessaire d’avoir une véritable aide sociale à l’enfance, quand elle est aujourd’hui laissée à l’abandon, en déshérence, sans perspective.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L’année 2020 devait être la grande année de la protection de l’enfance. Nous voyons ce que cela a donné : nos enfants ne sont pas protégés, ni à l’école, ni dans leur famille, notamment parce qu’Internet envahit nos vies. Or, comme vous l’avez dit, c’est l’inaction qui coûte cher. Il y a quelques jours encore, une petite fille de neuf ans s’est suicidée. La protection de nos enfants et de leur santé mentale doit être notre priorité et je vous rejoins sur la nécessité d’un grand plan en la matière.
C’est tout le sens de cette proposition de résolution européenne : donner l’alerte pour que nous nous donnions enfin les moyens d’agir. Il nous faut traquer les cyberpédocriminels pour les trouver et les poursuivre avant qu’ils ne passent à l’acte – car leurs agissements ne demeurent pas uniquement virtuels, contrairement à ce que certains prétendent. Nos enfants sont terriblement en danger.
Je vous remercie, Monsieur Ruffin, d’avoir rappelé ces chiffres qui m’avaient moi aussi profondément choquée. Nous partageons tous ici la conviction qu’il faut enfin prendre de véritables mesures. En continuant à ne rien faire, c’est comme si nous laissions les cyberpédocriminels au milieu de la cour de récréation.
M. Erwan Balanant (Dem). Chaque enfant porte en lui l’avenir de notre société : protéger chacun d’eux, c’est la promesse d’un avenir meilleur pour nous tous. Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, Simone Veil disait que « notre société doit être davantage consciente de l’importance de l’enfance, de la place à lui réserver dans la vie de tous les jours, mais aussi dans les projets à long terme ». Alors que les abus sexuels sur mineurs et la cyberpédocriminalité explosent, alors que la prostitution des très jeunes mineurs s’aggrave également par l’entremise des messageries et de certaines plateformes, alors que plus de deux jeunes sur trois ont subi un préjudice sexuel avant leur majorité, les mots de Simone Veil sont malheureusement criants d’actualité et de vérité.
Il est donc urgent d’agir pour assainir notre écosystème. Le groupe Démocrates vous remercie, Madame la rapporteure, d’avoir été à l’initiative de cette proposition de résolution européenne qui appelle l’Union européenne à adopter un texte contraignant pour prévenir et combattre les abus sexuels sur mineurs en ligne. En toute logique, je pensais qu’elle serait adoptée sans difficulté. Mais la tribune publiée dans Le Monde par La France insoumise m’a conduit à douter que la volonté de protéger nos enfants soit véritablement partagée par tous. S’il est évident que nous avançons sur une ligne de crête entre protection des droits fondamentaux des enfants et protection de la vie privée – je sais que vous avez à cœur de maintenir cet équilibre, Madame la rapporteure –, nous ne pouvons que récuser ces mots : « C’est sous l’étendard de la protection des mineurs que les États membres de l’Union européenne s’apprêtent à faire un pas décisif vers une société de contrôle total. » Je rappelle que nous parlons d’enfants et de cyberpédocriminels.
Le règlement dérogatoire à la directive du 12 juillet 2002 « vie privée et communications électroniques », dite eprivacy, qui autorise les fournisseurs de services numériques à procéder volontairement à la détection de contenus pédopornographiques sur leurs plateformes, cessera de s’appliquer à compter du 3 avril prochain, autant dire demain. Face à l’urgence, la proposition de résolution européenne telle que Mme la rapporteure souhaite l’amender assure le meilleur équilibre qui soit pour protéger les plus vulnérables. Agissons, protégeons nos enfants, votons en faveur de ce texte.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. L'enfance est notre avenir. Merci d’avoir rappelé ce que disait Simone Veil. Vous faites état d'une tribune. Je ne partage pas tout ce qui y est dit mais c'est vrai que nous devons garantir un équilibre : protéger les données des internautes et les libertés individuelles tout en protégeant les enfants. Il faut donc donner les moyens aux plateformes de pouvoir assurer le travail nécessaire de détection. Espérons que cette proposition de résolution européenne poussera l'Union européenne à l’action. Il est temps de protéger l’enfance de manière pérenne, sans se cacher derrière le prétexte de la protection des libertés individuelles.
Mme Isabelle Rauch (HOR). Cette proposition de résolution européenne soulève la question de notre adaptation aux profondes transformations du paysage médiatique à l'ère du numérique, des plateformes et de l'internationalisation des contenus. Ceux qui connaissent mes engagements pour le droit des femmes, l'enfance et la jeunesse, ainsi que mes positions en matière de numérique, ne seront pas surpris. Je soutiens pleinement et co-signe cette proposition de résolution européenne qui vise à mieux protéger nos enfants sur les réseaux sociaux et dans leur vie numérique.
Le cadre actuel ne suffit plus. Chaque jour, des images insupportables circulent. Elles nous touchent déjà. Nous, en tant que femmes, en tant qu'adultes en général. Et c'est encore pire quand on sait que des enfants y sont aussi confrontés. Chaque jour, des mineurs sont exposés, harcelés, manipulés et, pendant ce temps, les réseaux pédocriminels ne connaissent pas de frontières. Notre réponse doit être à la même échelle. Elle doit être européenne.
La souveraineté numérique dont nous parlons souvent n'existe que si elle est construite entre États européens pour peser face aux réseaux cybercriminels, mais aussi face aux plateformes qui permettent la circulation de ces contenus. C'est tout le sens de mon engagement, notamment au sein des travaux parlementaires sur le numérique et la protection des mineurs via la commission d'enquête sur TikTok.
Nous n'avons plus le luxe d'attendre. Les jeunes ne peuvent plus être les cobayes de la dérégulation numérique. En tant que députée attachée à la souveraineté européenne, je suis aussi convaincue que nous devons cesser de dépendre d'organismes extra-européens pour la détection et le signalement des contenus pédopornographiques.
Je soutiens la création d'un centre européen de prévention et de lutte contre les abus sexuels sur enfants, pour mutualiser notre expertise, nos moyens et nos technologies. C'est une question d'efficacité, de souveraineté, mais aussi de dignité.
Dans le même temps, je suis toujours attentive à maintenir un équilibre : protéger nos enfants sans sacrifier nos libertés. Et c'est bien l'esprit de ce texte : protéger sans surveiller, responsabiliser, sans restreindre, agir efficacement sans céder à la facilité du tout technologique.
Soyons clairs, il ne s'agit pas d'empêcher le développement du numérique ni l'innovation : je suis convaincue que la technologie peut être une alliée à condition de mieux maîtriser l'intelligence artificielle, de soutenir la recherche, la détection et de renforcer la prévention et l'éducation aux usages en ligne.
Si nous parlons aujourd'hui spécifiquement de protection des enfants, pensons aussi aux femmes, aux adolescents, aux familles entières. Tous ont droit à un environnement numérique plus sûr. Ce combat pour la protection de l'enfance est en réalité un combat pour une société qui se respecte et respecte les droits de chacun.
Dans cet esprit, le groupe Horizon et indépendants votera en faveur de cette proposition de résolution européenne.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Merci beaucoup pour vos propos. Vous insistez sur l’importance d’une réponse européenne pour vraiment pouvoir lutter contre les réseaux pédocriminels. Vous dites aussi que l’on n’a plus le luxe d'attendre. Je vous rejoins complètement sur l'équilibre à trouver entre la protection de l’enfance et la protection des libertés. À cet égard, la technologie doit devenir une alliée au service d’un monde numérique plus sûr.
M. Laurent Mazaury (LIOT). À chaque démantèlement de réseau, à chaque arrestation, à chaque condamnation pour pédocriminalité, nous constatons l'ampleur de ce phénomène qu'internet a permis à la fois de développer et de diversifier dans l'horreur.
En 2023 , plus de 100 millions d'images et de vidéos à caractère sexuel impliquant des enfants ont été détectées en ligne. L’Union européenne n'est bien entendu pas épargnée et la condamnation de Bohlem Bouchiba en 2024, qui payait des femmes pour violer en streaming des centaines de petites filles âgées entre cinq et dix ans aux Philippines nous l'a clairement démontré.
Aujourd'hui les pédocriminels profitent de la vulnérabilité sociale et économique de personnes à l'autre bout du monde pour commettre des crimes atroces depuis leur téléphone ou leur ordinateur.
Pourtant, les réseaux sociaux et plateformes de messagerie privée ne luttent pas assez contre les contenus pédocriminels.
En mai dernier, un réseau pédocriminel qui échangeait sur Telegram a été démantelé. Pour le commissaire Quentin Bevan, chef du pôle opérationnel de l’Office central de lutte contre les violences faites aux mineurs (Ofmin), non seulement Telegram reste la plateforme privilégiée des pédocriminels, mais elle remplit à peine le minimum de ses obligations légales.
Sur ce sujet, j'ai d'ailleurs eu la surprise hier, comme beaucoup d'entre vous, de recevoir un message directement de Telegram – véritable ingérence étrangère – dénonçant une prétendue atteinte au droit à la vie privée par le vote du règlement dit « chat control », fustigeant le soutien de ce règlement par la France.
Comment peut-on supporter un tel message de la part de la plateforme créée par un sulfureux personnage lui-même sous le coup d'une procédure d'enquête, justement pour absence de modération et de coopération avec les forces de l'ordre pour des infractions qui pourraient le rendre complice de trafic de stupéfiants, de pédocriminalité et d'escroquerie ?
Il s'agit pour nous de répondre à une seule priorité claire et simple : protéger nos enfants.
Un autre exemple concernant cette fois-ci Instagram. Comme vous l'indiquez dans votre exposé des motifs, Mᵐᵉ la rapporteure, l’algorithme de ce réseau favorise automatiquement et sans contrôle des activités pédocriminelles.
Il est donc nécessaire d'intervenir à la fois vis-à-vis des plateformes mais également contre les réseaux pédocriminels eux-mêmes.
Il est urgent d'agir pour qu'un texte européen puisse enfin aboutir alors que certains pays sont réticents. Encore une fois, nous parlons ici de nos enfants.
Dans cette perspective, je voterai bien entendu cette proposition de résolution européenne.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Merci beaucoup pour tout ce que vous venez de dire.
S'agissant des enfants des Philippines, la situation est terrible. Ce serait près d’un enfant ou adolescent sur quatre qui serait abusé sexuellement. Les cyber-pédocriminels peuvent acheter à la demande des viols parfois filmés en direct. C'est absolument effrayant.
Quand je dis qu'il faut protéger les enfants, il faut protéger tous les enfants : les enfants sont parfois auteurs, mais ils sont de toute façon toujours victimes parce que ce sont des enfants. Je crois qu'il faut bien garder cette ligne de conduite.
Je pense que dans le cadre de ce texte, nous avons trouvé un équilibre. Personne ne peut se satisfaire d'imaginer que des cyber-pédocriminels puissent continuer de commettre leurs infractions – parmi les plus graves du Code pénal – en toute impunité.
Amendement n° 6 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Dans un souci d’exhaustivité, cet amendement, inséré après l’alinéa 23, vise à compléter le dispositif parallèlement aux stratégies déjà énoncées – la nouvelle stratégie européenne pour un internet mieux adapté aux enfants et la stratégie en faveur d’une lutte plus efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants.
L’amendement n° 6 est adopté.
Amendement n° 7 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Il en va de même que pour le précédent, c'est un amendement de réécriture qui vise à mettre en évidence que si la protection des mineurs doit être donc une priorité absolue, elle ne peut se construire au détriment des libertés fondamentales ni à conduire à la mise en place d'un dispositif de surveillance de masse. Cela devrait permettre de rassurer ceux qui expriment des craintes à cet égard.
À défaut d'une solution technologique pleinement satisfaisante à ce jour et qui permettrait de concilier la détection automatique au respect de la vie privée, cet amendement vise à pérenniser la dérogation actuelle autorisant les signalements volontaires des plateformes en renforçant les obligations de mise en place de moyens, à hauteur de la menace.
L’amendement n° 7 est adopté.
Amendement n° 8 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement est une insertion d'alinéa dont l’objectif est de faire pression sur l’Union européenne et d’alerter sur l'urgence à débloquer, au niveau européen, un texte contraignant pour prévenir et combattre les abus sexuels commis sur les enfants. Encore une fois, la date du 3 avril 2026 devrait nous alerter.
L’amendement n° 8 est adopté.
Amendement n° 9 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à rappeler le contexte de blocage du dialogue institutionnel actuel. Depuis 3 ans, cela empêche le début des trilogues - entre la Commission, le Conseil et le Parlement - nécessaires à l’adoption d’un cadre légal.
L’amendement n° 9 est adopté.
Amendement n° 10 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Toujours dans le même esprit que les deux précédents, cet amendement a pour but de présenter le délai extrêmement restreint dans lequel les négociations devront se tenir : une période de 4 mois seulement. Nous considérons qu'il fallait souligner cette urgence.
L’amendement n° 10 est adopté.
Amendement n° 11 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Dans le même esprit que les trois précédents, cet amendement permet de constater le contexte d'urgence dans lequel le vote de cette résolution s'inscrit.
L’amendement n° 11 est adopté.
Amendement n° 12 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement de réécriture vise à proposer un compromis, avec la plus grande diligence, en s'alignant sur la position du Parlement européen, pour dépasser l'impasse dans laquelle se trouvent les dialogues avec la Commission. L'urgence absolue est la date butoir du 3 avril 2026.
Évidemment, l'amendement n'exclut pas la reprise des discussions pour les années à venir sur la base de nouveaux éléments techniques.
L’amendement n° 12 est adopté.
Amendement n° 13 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement vise à rappeler la position du Parlement européen de novembre 2023. Il avait indiqué son opposition à toute surveillance de masse tout en soutenant la mise en place d'une stratégie plus ambitieuse pour protéger les enfants, en ligne comme hors ligne.
L’amendement n° 13 est adopté.
Amendements n° 14 de la rapporteure et n° 4 de M. Alexandre Sabatou (discussion commune)
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement vise à annuler la demande d’élargissement des compétences du parquet européen car un préjudice financier minimum de 10 millions d’euros porté à l’UE conditionne sa compétence. Malheureusement, dans ces cas, le parquet européen ne peut pas être compétent. Cela devra faire l'objet de nos réflexions ultérieures.
M. Alexandre Sabatou (RN). La lutte contre la cyberpédocriminalité exige une coopération européenne renforcée. Mais celle-ci doit s'exercer dans le respect du cadre institutionnel existant et de la souveraineté pénale des États membres. Le présent amendement rappelle que les outils actuels de coopération judiciaire et policière, notamment Europol et son centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) offre déjà un cadre efficace pour coordonner les enquêtes transfrontalières, partager le renseignement criminel et appuyer les autorités nationales.
Madame la rapporteure, nous n'avons pas une vision franco-française. Nous défendons la souveraineté française, mais nous acceptons de travailler en bonne intelligence avec nos voisins européens pour lutter contre ce sujet. Il nous semble, au Rassemblement national, que l'Union est déjà une machine à gaz et donc qu'il ne faudrait pas en rajouter.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Sur l’amendement n° 4, c’est un avis défavorable. J'ai modifié le texte : j'ai exclu, pour les raisons que je viens d'expliquer, la question de l'élargissement des compétences du parquet européen.
Le centre évoqué ne s'occupe que de cybercriminalité et Europol ne s’occupe pas de cyberpédocriminalité. Or, l’objectif de ce nouveau centre est de se consacrer uniquement à ce champ.
L’amendement n° 14 est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 4 tombe.
Amendement n° 15 de la rapporteure.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement de réécriture vise à actualiser le texte de la proposition pour y faire apparaître le respect du droit de la vie privée comme une nécessité légitime dès le début du dispositif. Cela devrait rassurer mes collègues du Rassemblement national.
L’amendement n° 15 est adopté.
Amendements n° 20 de M. Alexandre Sabatou et n° 16 de la rapporteure (discussion commune).
M. Alexandre Sabatou (RN) : J'aimerais revenir sur le chat control, car comment peut-on défendre que l'Union européenne utilise une IA pour scanner nos conversations privées ?
Le projet du chat control permettrait à une autorité européenne de contraindre les messageries à installer des technologies de balayage sur nos propres appareils avant même l'envoi de nos messages. Email, photos, fichiers, tout deviendrait potentiellement accessible. Ce serait un basculement historique où chaque citoyen deviendrait un suspect. Nous passerions d'un contrôle judiciaire ciblé à une surveillance automatisée et permanente. Autrement dit, on remplacerait la mise sur écoute d'un individu suspect par l'installation de micros dans tous les foyers d'Europe. Et ceux qu'on prétend traquer trouveront aussitôt d'autres moyens de communication.
Au-delà de ce principe, les experts tirent également le signal d'alarme. Car pour scanner des conversations chiffrées, il faudrait introduire des back doors qui rendraient tous les systèmes vulnérables. Et ces brèches seraient ensuite exploitables, non seulement par les autorités, mais aussi par des États hostiles et des cybercriminels. Nous disposons déjà d'un système, d'un arsenal juridique pour signaler, retirer, poursuivre avec l'autorisation d'un juge de façon ciblée.
L'urgence n'est pas de scanner des milliards de messages privés, mais, comme vous l'avez dit précédemment, Madame la rapporteure, c'est de donner à nos services les moyens humains et techniques d'enquêter efficacement pour renforcer la coopération internationale et de protéger réellement les victimes.
Je rappelle, ce projet de chat control n'est pas une politique de protection, c'est une dérive de surveillance qui, s'il était adopté, signerait la mort de la vie privée et de la liberté d'expression en Europe.
Mme Yaël Ménaché (RN). Nous partageons tous sur ces bancs la même préoccupation : protéger nos enfants des dérives d’internet et lutter contre la cyberpédocriminalité. Toutefois, cette PPRE présente plusieurs incohérences. La lutte contre la cyberpédocriminalité ne peut pas devenir un prétexte à l’instauration d’une société de surveillance généralisée. Les fautes commises par une minorité ne peuvent suffire à l’édification d’une société de défiance. L’Assemblée nationale a voté la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à la lutter contre la haine en ligne, texte soutenu par la majorité. Cette loi avait justement pour objet d’encadrer l’usage des réseaux sociaux par les mineurs, d’imposer des obligations de vérification d'âge et de renforcer la protection parentale. Pourtant plus d’un an après sa promulgation, aucun décret d’application n’a été publié ! Avant de multiplier les PPRE ne devrions-nous pas plutôt nous assurer de la bonne application de nos lois ? Par ailleurs, nous nous opposons à l’extension des compétences du parquet européen à la lutte contre la cyberpédocriminalité. Rappelons que le règlement (UE) 2017/1939 instaure un parquet européen dont les compétences se limitent aux infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. Aussi, élargir ses compétences à des crimes de droit commun tel que la pédocriminalité impliquerait une révision des traités, ce qui porterait atteinte à la souveraineté pénale des États membres. Europol dispose déjà d'un centre spécialisé capable d'assurer la coopération entre la police et les magistrats sans que cela ne nécessite de modifier l'équilibre institutionnel européen.
En outre, il importe d’interroger la responsabilité parentale. En effet, lorsqu’un enfant est victime de cyberpédocriminalité, il ne suffit pas seulement d’interroger la responsabilité des plateformes, mais également d’interroger la vigilance des parents ainsi que celle de l’encadrement familial. Renforcer la prévention, c'est en premier lieu redonner aux parents le devoir de protéger leurs enfants dans l'espace numérique.
Toutefois, nous voterons ce texte : le sujet est bien trop important pour ne pas prendre en compte chaque initiative parlementaire. Néanmoins, nous restons sans illusion quant à son efficacité.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Concernant l’instauration d’une surveillance généralisée, vous êtes la seule, à mon sens, à l’avoir vue dans cette proposition de résolution européenne. Nous avons, justement, pris le soin tant dans la rédaction de la PPRE que dans celle des amendements de préserver la question de la protection des données et des libertés individuelles. Il n’est aucunement question de mettre en place une surveillance, comme vous le dites, généralisée. Nous avons des lois, un arsenal législatif, mais qui s’avère insuffisant lorsque l’on se réfère à l’intelligence artificielle, ce qui nécessite d’aller plus loin.
Concernant le caractère transfrontière du phénomène de la cyberpédocriminalité, une coopération européenne est nécessaire notamment pour nos magistrats. Il est donc nécessaire de leur donner des outils pour pouvoir contrôler, interpeller et poursuivre les auteurs de ces infractions. Aussi, nous ne pouvons pas, je sais que vous appartenez au groupe Rassemblement national, raisonner sur ce sujet dans un cadre uniquement franco-français. Je vous demande d’ouvrir un peu les yeux et les oreilles, pour comprendre qu’aucune lutte ne peut être efficace si elle ne se fait pas au niveau européen. Cela ne porte en aucun cas atteinte, soyez tranquilles, à la souveraineté pénale française ni à celle des autres États membres.
Concernant la responsabilité parentale, sérieusement, Madame, regardez les chiffres ! Pensez-vous sérieusement qu'un parent peut rester 24 heures sur 24 derrière son enfant pour assurer ce contrôle parental ? Vous savez bien que les parents ne passent pas l’entièreté de leur journée avec leur enfant ! Nous sommes donc d’accord sur la nécessité de la prévention, de l’éducation et d’une responsabilité collective.
Sérieusement, vous savez très bien que la véritable responsabilité se trouve en premier lieu chez ceux qui produisent ces contenus pédocriminels. Ensuite, il importe de rappeler, la responsabilité des plateformes, Madame, avant de rappeler la responsabilité parentale.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je souhaite partager mon étonnement : les chiffres s’avèrent vertigineux. Les faits ne peuvent plus être qualifiés de divers tant ils sont sordides et nombreux. Et les coûts sont désormais connus. Et pourtant, rien ne se passe, ou si peu. Il n’y a pas de véritable prise de conscience collective et surtout une absence de prise de conscience politique. Grâce aux femmes, et notamment aux associations féminines, nous avons eu le mouvement « Me Too », qui a fait prendre conscience tant à la société qu’au monde politique qu’il ne pouvait plus en être comme avant. Et pourtant, pour les enfants, il en est toujours ainsi. Sans vouloir entrer dans la surenchère victimaire, la catégorie de personnes subissant le plus de violence, ce ne sont ni les femmes, ni les personnes noires ou racisées, ni les personnes LGBTQIA+, mais les enfants, et ce, à grande échelle et depuis toujours. Tant que collectivement nous ne nous pencherons par sur ce fait, la violence perdurera. Les pédocriminels dont on parle ne sont pas des monstres, ils ne sont pas monstrueux en eux-mêmes, mais ils le sont devenus parce qu’eux-mêmes ont été abusés dans l’enfance. Un enfant violenté, acceptez de le regarder en face, tous les faits divers le montrent, un enfant violenté deviendra soit violent, soit retournera la violence contre lui. Ce sont des faits.
D’après vous certains enfants naîtraient monstrueux, seraient monstrueux, par essence ? C’est tout à fait délirant ! Les sauvageons n'existent pas. Les sauvageons sont le fruit de l’éducation ou plus précisément du manque d'éducation de leurs parents. Sur ce point, je vous rejoins : il existe une responsabilité des parents.
Il y a des parents défaillants, il y a des parents maltraitants. Mais si on veut y mettre un terme, c'est à nous d'agir, en tant qu’hommes et femmes politiques ! Or la politique de protection de l'enfance est un champ de ruines !
Nous ne pouvons pas ne pas être d'accord là-dessus ! Nous avons un ministre en charge de la Francophonie. Où se trouve le ministre d’État en charge de la protection de l'enfance ? C'est un scandale !
Cette absence devrait tous nous alerter, et pas uniquement les membres siégeant sur les bancs des oppositions. La majorité devrait demander à avoir un ministre d’État, chargé de la protection de l’enfance. Vous devriez joindre votre voix à la nôtre !
Je ne suis pas au pouvoir, mais si j’y étais, je le demanderais ce ministère d’État !
Je vous remercie, Madame la rapporteure, de porter une telle résolution que nous saluons et soutenons. Il nous faut protéger les enfants sans sacrifier les libertés, car l’essence même de la loi, c’est la protection et la liberté. Nous devons pérenniser la détection volontaire, renforcer les moyens humains et financiers et créer le centre européen de prévention et de lutte contre les abus sexuels sur les enfants que vous préconisez. Nous nous y prenons tard, aussi est-il grand temps de le mettre en œuvre !
Mme Colette Capdevielle, rapporteure . Ma chère collègue, depuis le début de votre mandat, vous vous êtes toujours fait l'éternel défenseur des enfants.
Vous appelez à un « Me Too de l'enfance », et vous avez raison. Vous appelez également à un ministère d’État pour protéger les droits de l'enfant. Au moment-même où je me posais la question de la poursuite de ce travail, je m’interrogeais sur la pertinence d’aller voir le ministre du numérique ou de l’Intérieur ou de la Justice.
En fait, je me posais exactement la même question que vous. Il existe un ministre des Droits des femmes, mais aucun ministère des droits des enfants, preuve s’il en est qu’on les a oubliés, alors, qu’effectivement, ils sont les premières victimes. Je vous remercie pour la qualité du témoignage de votre intervention.
M. Arthur Delaporte (SOC). Poser ce sujet à l’échelle européenne nous incite à penser les effets du numérique à l’échelle globale. En effet, l’exploitation des enfants en France peut se traduire par de l’exploitation sexuelle d’enfants à l'autre bout du monde. On occulte bien trop souvent ces systèmes d'interdépendance, en ne se préoccupant que de la situation des enfants français. Or, ce sont les enfants du monde entier qui sont concernés.
J’ajouterai à vos propositions, une réflexion qui m’est propre. L’un des constats de la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, c’est qu’en l’absence de modération des plateformes ne respectant pas leurs obligations à l'égard du Digital Service Act (DSA), il est nécessaire de prendre des sanctions, tant l'ampleur des phénomènes constatés est évidente. Je dirais juste qu'il faut un mécanisme de pollueur-payeur.
Qu’en pensez-vous ? Cela permettrait notamment de financer la mise en place de signaleurs de confiance indépendants des plateformes pour mieux procéder aux demandes de retrait de contenu.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Votre travail lors de la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs était remarquable. Vos propositions, dont celle-ci, sont extrêmement intéressantes. Je partage votre point de vue : ceux qui sont à l'origine de ces exactions, qui en tirent des profits extraordinaires en facilitant la diffusion d'images pédopornographiques, doivent effectivement payer la facture. Je vous remercie également d’avoir rappelé que cette question concerne tous les enfants du monde, et que lorsque l’on parle de protection de l’enfance, cela ne peut pas s’arrêter à l’hexagone.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. C’est un avis vraiment défavorable. Je suis quand même un peu surprise parce que, d’un côté, vous semblez vous inquiéter de la cyberpédocriminalité, et puis vous proposez finalement la suppression de la partie du texte qui est sûrement la plus importante, celle qui vise justement à se doter de tous les moyens de lutter contre elle. Je finis par douter de la sincérité initiale de votre propos, puisque vous voulez supprimer du texte ce qui, finalement, est le plus important.
Nous ne pouvons pas nier la responsabilité des plateformes : ce sont elles qui doivent mettre en place la stratégie de modération adaptée pour défendre les droits fondamentaux de nos enfants. Je suis donc un peu étonnée par votre manière de voir les choses.
Je proposerai donc avec l’amendement n° 16 de compléter le texte de la résolution à l’aune des dernières actualités du Conseil de l’Union européenne, notamment le nouveau report du vote avant-hier, après la décision de la présidence danoise de le reprogrammer encore en décembre, alors qu’il devait avoir lieu le 14 octobre. Nous n’avons donc que quatre mois entre l’éventuel déclenchement des trilogues et l’expiration du délai. Je souhaite donc porter cet amendement pour compléter le texte initial.
M. Alexandre Sabatou (RN). Je ne comprends pas, parce qu’il me semble quand même que nous partageons le constat : vous le dites depuis toute à l’heure dans vos amendements, vous essayez de nous rassurer sur cet aspect-là, puis vous faites un raccourci honteux — excusez-moi — en disant que nous ne voulons pas lutter contre la cyberpédocriminalité.
Je suis ingénieur de formation, je sais que la technique n’intéresse pas beaucoup de monde ici, je le regrette, mais c’est mon devoir d’alerter : des experts nous expliquent qu’un dispositif de ce type crée des failles de sécurité qui permettent la surveillance de masse. À un moment, c’est un système orwellien qui est en train de se mettre en place.
J’aimerais ajouter quelque chose : on ne va jamais, même avec l’IA, contrôler des milliards et des milliards de fichiers de conversation. Et, comme je vous l’ai dit, les cyberpédocriminels vont trouver des solutions alternatives extrêmement facilement, avec des VPN ou je ne sais quoi. Donc, encore une fois, on sort le bazooka alors qu’il faudrait quelque chose de beaucoup plus ciblé et qui n’atteigne pas la liberté de chacun.
L’amendement n° 20 n’est pas adopté.
L’amendement n° 16 de la rapporteure est adopté.
Amendement n° 17 de la rapporteure
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. C’est également un amendement de réécriture, pour rappeler que le compromis figurant dans la position du Parlement européen de novembre 2023 avait clairement indiqué son opposition à toute surveillance de masse et sa volonté de protéger le chiffrement de bout en bout, tout en appelant au développement d’une stratégie plus efficace pour protéger les enfants en ligne. L’enjeu est double : protéger les enfants dans un environnement numérique en pleine mutation, tout en garantissant les droits fondamentaux — respect de la vie privée et protection des données.
L’amendement n° 17 est adopté.
Amendement n° 2 de M. Alexandre Sabatou
Mme Yaël Ménaché (RN). La multiplication des affaires de pédocriminalité en ligne appelle à renforcer non seulement la répression des auteurs, mais aussi la prévention des situations de vulnérabilité dans lesquelles se trouvent les enfants.
Le présent amendement vise à instaurer une évaluation systématique parentale lorsqu’un mineur est victime d’un acte de pédocriminalité en ligne. Il s’agit d’analyser les circonstances ayant conduit à la vulnérabilité de l’enfant, afin de renforcer la prévention. Cette démarche ne tend pas à culpabiliser les parents, mais bien à favoriser une prévention active et responsable, en s’assurant que les mineurs bénéficient d’un environnement familial responsable.
Elle permet également aux autorités judiciaires et aux acteurs du numérique d’éviter que des situations de négligence ne conduisent à de nouveaux drames. En plaçant la vigilance parentale au cœur de la protection des enfants, cet amendement rappelle que la prévention des crimes pédocriminels commence dans le foyer.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. C’est un avis défavorable. Mais vous ne comprenez pas l’ampleur du phénomène et vous venez de dire : « c’est sûrement la faute des parents, il faut les responsabiliser ».
Nous sommes tous d’accord ici pour signaler l’ampleur d’un phénomène de masse. Et vous, ce que vous répondez, c’est que la priorité, c’est de responsabiliser et punir les parents, parce que, bien évidemment, ce serait leur faute. Franchement, j’ai lu votre amendement et je me suis dit qu’il reflète une idéologie rétrograde. Vous êtes restés au XIXᵉ siècle. Tous nos enfants, Madame, sont en danger, réellement. Et vous pensez que la priorité, c’est d’aller punir ? Mais c’est exactement une enquête sur la responsabilité des parents ! Vous savez quel est le travail du juge des enfants aujourd’hui ? Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Mais vous êtes complètement à côté de la plaque !
Mme Yaël Ménaché (RN). Non, moi je ne suis pas à côté de la plaque, Madame. Vous n’avez pas compris l’ampleur du phénomène.
M. Alexandre Sabatou (RN). Écoutez, Madame la rapporteure, on peut éviter de rentrer dans des caricatures grotesques. On parle de responsabilité des parents ; et là, l’enquête vise à déterminer s’il y a des frères, des sœurs… C’est la responsabilité des parents de protéger leurs enfants pour qu’ils ne se fassent pas agresser ou violer, peu importe.
Mais, dans le cas cyber, est-ce normal qu’un enfant de dix ans ait accès à un smartphone et à Internet pour discuter avec des inconnus ? Personnellement, je trouve cela anormal. C’est une proposition : nous sommes d’accord pour estimer que c’est un fléau, mais, à un moment, il faut responsabiliser. Les parents doivent s’occuper de leurs enfants ; c’est quand même la base.
M. François Ruffin (EcoS). Ce que vous décrivez là, Madame la rapporteure, c’est une industrie : une industrie en ligne, une industrie numérique, une industrie qui est en train de se débrouiller face à ce monstre organisé. On laisse des parents isolés se débrouiller en face-à-face avec ça, et vous dites « on les responsabilise ». Mais la vérité, c’est qu’on les culpabilise. Là où vous nous dites qu’il y a des enfants victimes, la victime demande d’abord la protection de la loi contre cela. Les parents sont des co-victimes. N’importe quel parent qui sait que son enfant regarde ça, ou qu’il y a des images de son enfant sur les réseaux sociaux, se sent victime lui aussi. On ne doit pas croire que c’est facile pour un parent d’adolescent - et je sais que ça ne l’est pas pour moi – de savoir ce qu’il fait avec un smartphone. Ce que vous devriez demander, c’est l’appui de la loi pour lutter contre ce phénomène de masse.
M. François Ruffin (EcoS). Moi-même je sais que ce n’est pas facile, comme parent d’adolescents, je ne sais pas toujours ce qu’ils font avec leur téléphone portable. Il n’est pas vrai que nous soyons constamment derrière eux, et il est normal d’avoir des inquiétudes. Ce qui est demandé, c’est que la loi puisse les appuyer pour lutter contre ce phénomène de masse.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Merci beaucoup. S’il vous plaît, un peu de calme. Plusieurs prises de parole sont encore prévues. Mme la rapporteure, vous répondrez à la fin. Mme Hadizadeh, vous avez la parole.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de vous faire comprendre, par un parallèle, à quel point la situation actuelle n’est pas à la hauteur. Nous faisons face à une épidémie d’obésité chez les enfants. Ce sont les parents qui achètent et cuisinent pour les enfants. Faut-il en conclure que les enfants obèses c’est de la faute des parents ? Faut-il les punir ? Jusqu’où faut-il aller ? L’essence même de la loi, c’est de mettre la force et la protection au service de ceux qui sont en danger. Oui, certains parents exploitent l’image de leurs enfants sur Internet et les prostituent : cela existe, c’est une minorité, et ils doivent être condamnés. Mais la grande majorité des parents sont démunis. Les criminaliser ne sert à rien. Même les pointer du doigt ne sert à rien. Ce que ces parents demandent, c’est que la loi soit de leur côté. Je porterai, avec un collègue du groupe Horizons, une proposition de loi transpartisane visant à interdire les smartphones débridés tels qu’on les connaît aujourd’hui pour les enfants de moins de 15 ans. Ce n’est pas pour pénaliser les parents, mais pour leur permettre de dire à leurs enfants : « Tu vois, c’est interdit par la loi, je ne t’en achèterai pas. » Aujourd’hui, il n’existe pas d’alternative. La loi doit créer des repères pour que les parents puissent bien éduquer leurs enfants. La majorité d’entre eux veulent bien faire. Mon rôle, comme mère, n’est pas de fliquer mes enfants : je veux pouvoir les laisser jouer dans la rue sans craindre qu’ils soient en danger. Nous devons choisir dans quelle société nous voulons vivre. Dans une société où, même tard le soir, lorsqu’ils n’ont pas école le lendemain, on peut les laisser jouer dehors sans craindre qu’ils se fassent enlever par un pédophile. C’est dans cette société-là que nous voulons vivre. La loi doit protéger, pas culpabiliser. Mettons la force publique du côté des parents bienveillants.
M. Jocelyn Dessigny (RN). Chers collègues, je pense qu’il y a beaucoup de caricatures qui sont faites sur un sujet qui est éminemment important et qui devrait tous nous rassembler. Mme la députée, vous venez de nous expliquer qu’on est à côté du bon sujet. Mme la rapporteure, vous nous invectivez depuis tout à l’heure en disant qu’on est à côté de la plaque ; je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas, d’un côté, lutter contre l’industrie – que certains dénoncent et que nous dénonçons tous – sur la pédocriminalité, et de l’autre, on ne pourrait pas également prendre le problème sur le terrain, au plus proche du foyer, là où l’enfant a eu accès en premier à ces contacts, à ces images pédopornographiques. Je ne vois pas en quoi l’un s’oppose à l’autre. Nous, on ne veut pas opposer l’un à l’autre. On ne dit pas : il ne faut pas lutter contre l’industrie de la pédopornographie. On dit simplement que, là où l’enfant a été en premier lieu mis en contact avec des pédocriminels, il faut analyser la situation quand elle est connue pour éviter que ses frères, ses sœurs et d’autres enfants puissent être également, eux-mêmes, dans cette situation-là. Il y a deux ans, on a voté une loi concernant l’interdiction d’accès des enfants mineurs à certains sites. Pourquoi elle n’est toujours pas appliquée ? Vous nous dites qu’il faudrait qu’il y ait un ministère de la protection de l’enfance. Mais quand les socialistes étaient au gouvernement, vous ne l’avez pas fait non plus. Vous siégez à côté de François Hollande à l’Assemblée ; pourtant, il a été Président de la République, et il ne l’a pas fait. Je veux dire : à un moment, il faut arrêter de se cacher et nous dire « il faudrait faire ci, il faudrait faire ça ». Quand vous avez été aux commandes, vous ne l’avez pas fait. Si nos enfants ne sont pas protégés aujourd’hui, c’est un peu aussi de votre responsabilité.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. On est tous d’accord pour dire qu’il y a une criminalité massive qui échappe au cadre pénal. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, on a des criminels, des délinquants, qui commettent des infractions et qu’on n’arrive pas à poursuivre. Ça, c’est une réalité. C’est une criminalité de masse. On a, à côté de ça – et c’est une réalité incontournable, vous ne pouvez pas dire le contraire – entre cinq, six et sept écrans dans chaque famille. Nos foyers, sont multi-équipés d’écrans et les enfants y ont accès. Ça, c’est aussi une réalité. J’ai, par ailleurs, d’autres chiffres : deux jeunes sur trois – ça fait 68 % – des enfants – les vôtres, les miens – ont subi un préjudice sexuel en ligne avant leurs 18 ans. C’est la réalité des chiffres en France. Quatre jeunes sur cinq – ça fait 79 % – ont reçu du contenu sexuellement explicite en ligne, sur leur téléphone mobile. C’est-à-dire que si un enfant va faire une recherche sur Van Gogh, il peut tomber sur un endroit pas possible en Hollande. Et vous, vous dites : il va falloir faire une enquête. Alors, on ne sait pas qui va faire l’enquête : la gendarmerie ? la police ? On ne sait pas. Moi, j’aurais préféré que vous déposiez des amendements pour responsabiliser ceux qui font de l’argent là-dessus, c’est-à-dire les plateformes en ligne. Vous, vous préférez culpabiliser les parents, et vous préférez envoyer un signal à la société qui est dramatique. Parce que, bien sûr que les parents veulent protéger les enfants. Tous les parents veulent protéger leurs enfants. Mais aujourd’hui, comme vous et comme moi, ils sont dépassés par ce phénomène et ils font appel à nous pour les aider et pour les accompagner, non ? Je vous redis ce que je vous ai dit tout à l’heure : je trouve vraiment cet amendement inadapté, et je vous demande vraiment de le retirer. Et je donne, autrement, bien sûr, un avis défavorable.
L’amendement n° 2 n’est pas adopté.
Amendements n° 3 de M. Alexandre Sabatou et n° 18 de la Rapporteure (discussion commune).
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous avons maintenant deux amendements en discussion commune, en commençant par l’amendement n° 3 de M. Alexandre Sabatou.
Mme Sylvie Josserand (RN). Je vais défendre cet amendement de rédaction. Il vise à remplacer le mot « exige » par le mot « invite à ». Puisque l’article 34-1 de notre Constitution autorise notre Assemblée à présenter une résolution, il convient de rappeler qu’une résolution est un acte par lequel l’Assemblée exprime un avis. Elle ne peut donc pas imposer quoi que ce soit au gouvernement ; elle peut seulement l’inviter à agir.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Vous avez raison chère collègue. Mais je vous propose de retirer votre amendement puisque mon amendement n° 18 a le même objet et vise justement à remplacer le mot « exige » par le mot « sollicite », qui me paraît correspondre mieux. Sinon avis défavorable.
L’amendement n° 3 n’est pas adopté.
L’amendement n° 18 est adopté.
Amendement n° 1 de M. Alexandre Sabatou
Mme Yaël Ménaché (RN). Cet amendement vise à remplacer le mot « famille » par le mot « parents ». Et ce n’est pas seulement, comme on l’a déjà expliqué, une question de champ lexical ; c’est surtout, comme vous l’avez souligné Mme la rapporteure, que les parents sont souvent dépassés par toutes ces technologies. L’objectif, c’est de faire de la prévention justement parce qu’ils sont dépassés, et qu’il faut aider les parents. On ne peut pas laisser un enfant devant un écran en permanence sans savoir où il va, ce qu’il fait et avec qui il échange. Il convient donc de responsabiliser les parents et de mener un vrai travail de prévention. Évidemment, il faut, en parallèle, poursuivre toutes ces plateformes — il n’est pas question de ne pas le faire, bien sûr qu’il faut les poursuivre — mais, parallèlement, ce que nous souhaitons, c’est renforcer la prévention, pour que les parents puissent justement surveiller et exercer un contrôle sur ces écrans et ces plateformes, aujourd’hui totalement ouvertes à tout et à tous, malgré la loi que nous avions votée en 2023, qui — je le rappelle — n’a toujours pas été appliquée.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Avis défavorable. Il vaut mieux conserver un cadre plus large, le mot « famille » étant plus englobant.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Simplement pour redire ce que certains de mes collègues ont déjà exprimé : nous ne voudrions pas que, dans ce texte, l’État – et plus largement la puissance publique, au niveau européen – se dédouane de ses responsabilités. Or, ces responsabilités consistent précisément à réguler les plateformes pour combattre ce qui s’y développe, notamment la cyberpédocriminalité. Il faut que la puissance publique assume pleinement son rôle. Tout ce qui consiste à dire « cela relève de la sphère familiale » revient, en réalité, à autoriser l’État à se défausser de ses devoirs.
Nous le savons : nos téléphones, les multiples écrans présents dans tous les foyers de notre pays, ne peuvent pas être maîtrisés en permanence. Pourquoi ? Parce qu’ils sont conçus pour ne pas l’être. Les plateformes sont faites pour créer de l’addiction, pour que l’on ait envie d’y aller et d’y retourner. Elles sont pensées pour capter l’attention et attirer nos enfants. C’est donc bien elles qu’il faut empêcher, réguler, entraver dans leurs démarches commerciales, qui laissent ensuite tout échapper. La responsabilité première incombe à la puissance publique. Il ne faut pas chercher à la décharger de cette responsabilité en la reportant sur les familles ou les parents.
M. Alexandre Sabatou (RN). Chers collègues, encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause la nécessité d’intervenir auprès des plateformes. Mais on peut agir des deux côtés. Si l’on aide les parents à comprendre les phénomènes pour mieux protéger leurs enfants, il y aura moins de victimes. Dans ce cas, on agit à la fois sur la protection et sur la sanction : on protège les enfants, puis on poursuit les plateformes. Aujourd’hui, il y a d’ailleurs des parents qui maîtrisent mieux le numérique, ce qui n’était pas le cas quand j’étais plus jeune. Alors, un petit coup de main ne ferait pas de mal. Cela permettrait, encore une fois, d’intervenir des deux côtés afin de réduire le nombre de victimes parmi les enfants.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Je mets donc au vote l’amendement n° 1, qui a reçu un avis défavorable de la rapporteure.
L’amendement n° 1 n’est pas adopté.
Amendement n° 19 de la Rapporteure
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Cet amendement vise à souligner que le premier obstacle à la lutte contre les abus sexuels sur les mineurs réside dans l’insuffisance des moyens humains et matériels alloués aux services compétents, notamment à l’OFMIN, aujourd’hui confronté à une véritable saturation. Ils n’y arrivent plus : ils ne peuvent pas traiter tous les signalements. Le volume est considérable. Ils sont totalement submergés par le nombre de signalements qu’ils reçoivent, notamment de la part des plateformes, mais aussi du centre américain de référence. Cet amendement vise donc à demander la mise en place de moyens humains et financiers supplémentaires, afin de soutenir et de protéger nos enquêteurs. Lors de leur audition, ils nous ont fait part de la grande difficulté qu’ils éprouvent à constater qu’ils ne parviennent plus à faire face à la charge de travail. Cette situation est extrêmement éprouvante sur le plan professionnel, et ils nous ont adressé un véritable appel à l’aide pour obtenir les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission.
L’amendement n° 19 est adopté.
Amendement n° 5 de M. Alexandre Sabatou
M. Alexandre Sabatou. Comme certains collègues l’ont rappelé précédemment, la loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 a instauré une majorité numérique et renforcé la régulation des plateformes en ligne afin de mieux protéger les mineurs et de lutter contre la haine sur Internet. Cependant, nous avons constaté qu’aucun décret d’application n’avait été publié plus d’un an après son adoption, rendant ce texte inopérant dans les faits. Cet amendement vise donc à rappeler au gouvernement ses obligations réglementaires pour garantir la pleine mise en œuvre de cette loi, qui constitue un instrument central de prévention contre l’exposition des enfants aux contenus illicites et aux dérives du numérique. Et, avant d’élaborer une nouvelle résolution européenne, il serait souhaitable de commencer par appliquer les textes nationaux déjà votés. Madame la Rapporteure, un avis défavorable serait difficile à comprendre, car cette proposition va clairement dans le bon sens.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Avis défavorable même s’il porte sur un point quelque peu hors sujet. Encore une fois, vous utilisez vos amendements pour vous en prendre, une fois de plus, à votre éternel cheval de bataille : l’Union européenne. Vous revenez systématiquement sur le terrain national, en négligeant la question essentielle de la sécurité juridique et du risque de contentieux qui pèse sur la France en cas de non-conformité. C’est pourquoi, en définitive, mon avis est défavorable.
Mme Constance Le Grip. Très clairement, et vous le savez, puisque vous l’avez vous-même mentionné dans votre exposé des motifs, la France, la représentation nationale ainsi que l’exécutif étaient en attente de la publication, par la Commission européenne, de lignes directrices permettant d’établir la compatibilité ou la conformité d’une législation nationale en la matière — notamment sur la majorité numérique — avec le droit européen en vigueur. Ces lignes directrices n’ont été publiées qu’à la fin de l’été. Elles permettent désormais de considérer qu’une législation nationale peut pleinement s’inscrire dans le cadre juridique européen, et qu’il est donc tout à fait possible de mettre en place, si on le souhaite, des dispositifs nationaux dans ce domaine. Je ne doute pas que la nouvelle ministre chargée du numérique sera très attentive à ce point et que les décrets d’application seront rapidement pris, puisqu’il est désormais clairement établi que nous pouvons disposer d’une législation nationale parfaitement compatible avec le cadre juridique européen, cadre que nous entendons, bien sûr, maintenir.
M. François Ruffin. Pour ma part, je ne vois pas comment m’opposer à la publication de décrets, dès lors qu’une loi a été votée sur la majorité numérique. Je souhaite d’ailleurs établir un lien entre les deux textes que nous avons examinés cet après-midi. Le premier, relatif à l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis, soulève en effet de manière centrale la question du numérique. Les États-Unis exercent, pour l’essentiel, une pression sur l’Union européenne, et sur la France en particulier, afin que nous ne régulions pas les plateformes numériques, que nous laissions les GAFAM intervenir dans de nombreux domaines. C’est exactement ce que fait aujourd’hui le Rassemblement national lorsqu’il invoque la liberté d’expression pour s’opposer à toute régulation. Or, cette invocation est un véritable cheval de Troie. Je parle en connaissance de cause : je suis journaliste, je sais ce que représente la liberté d’expression. Mais je mesure aussi à quel point cet argument peut servir à laisser les grandes plateformes s’arroger une influence considérable, voire une puissance politique, dans nos pays. Face à cela, nous avons un devoir : celui de réguler – de réguler au maximum, d’interdire lorsque c’est nécessaire, de prohiber certains comportements – et de ne pas avoir de scrupules à agir dans l’espace numérique comme nous le faisons dans le monde réel. Cette réflexion remonte à la fin des années 1990, lorsque Bill Clinton avait porté une idée simple : ce qui est interdit dans la vie doit l’être aussi en ligne. À cette époque, un courant libéral-libertarien s’est constitué pour s’y opposer et a fini par abroger ce principe. Depuis lors, la vie en ligne s’est profondément détachée de la vie réelle. Nous devons désormais tout faire pour rapprocher ces deux sphères. Dans la vie ordinaire, on ne s’injurie pas, on ne se diffame pas – et, quand cela se produit, cela relève du droit. Pourtant, dans la vie en ligne, ces comportements sont permanents. Il est donc essentiel de parvenir à une convergence entre les législations qui s’appliquent dans la vie réelle et celles qui régissent l’espace numérique.
M. Laurent Mazaury. Dans la vie ordinaire, on n’est pas anonyme non plus.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Je mets donc au vote l’amendement n° 5, qui a reçu un avis défavorable de la rapporteure.
L’amendement n° 5 est rejeté.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution ainsi modifiée.
L’article unique est adopté.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée, est adoptée.
Mme Colette Capdevielle, rapporteure. Je voudrais simplement, en quelques mots, remercier l’ensemble de mes collègues pour l’unanimité dont ce texte a fait l’objet. C’est un texte extrêmement important, et je tiens à saluer la qualité de vos travaux ainsi que celle de nos échanges, qui sont absolument indispensables.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Merci beaucoup, Mme la rapporteure. Notre collègue David Amiel ayant été nommé au gouvernement – et nous le félicitons – la réunion initialement prévue mardi prochain, consacrée à l’examen du cadre financier pluriannuel, est reportée. La prochaine réunion se tiendra le mercredi 22 octobre à 15 heures. Elle sera consacrée à l’audition de l’ambassadrice du Danemark en France, sur les priorités de la présidence danoise, ainsi qu’à l’examen du rapport d’information de Mme Marietta Karamanli relatif au secteur des transports européens face à l’enjeu de la décarbonation. Nous examinerons également une proposition de résolution européenne associée, puis la proposition de résolution européenne visant à se prononcer contre les « méga-camions » et à promouvoir une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen, sur le rapport de notre collègue M. Peio Dufau.
La séance est levée à 17 heures 32.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Gabriel Amard, M. Karim Benbrahim, M. Guillaume Bigot, M. Benoît Biteau, Mme Manon Bouquin, Mme Colette Capdevielle, M. Arthur Delaporte, M. Jocelyn Dessigny, M. Julien Dive, M. Peio Dufau, Mme Ayda Hadizadeh, M. Sébastien Huyghe, Mme Sylvie Josserand, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, M. Matthieu Marchio, M. Patrice Martin, M. Emmanuel Maurel, M. Laurent Mazaury, Mme Yaël Ménaché, M. Maxime Michelet, Mme Nathalie Oziol, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, Mme Isabelle Rauch, M. François Ruffin, M. Alexandre Sabatou, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Sophie Taillé-Polian
Excusée. - Mme Liliana Tanguy
Assistait également à la réunion. - M. Didier Le Gac