Compte rendu
Commission
des affaires européennes
II. Examen, dans le cadre d’une discussion générale commune, du :
III. Nomination de rapporteurs
Mercredi
22 octobre 2025
15 heures
Compte rendu n o 43
Présidence de
M. Laurent Mazaury,
Vice-président,
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 22 octobre 2025
Présidence de M. Laurent Mazaury, vice-président
La séance est ouverte à 15 heures.
Cette réunion est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
M. le Vice-président Laurent Mazaury. L’ordre du jour appelle, d’une part, l’examen du tome II du rapport d’information de notre collègue Mme Marietta Karamanli sur la décarbonation du secteur des transports et de la proposition de résolution européenne (PPRE) qui conclut ce rapport et, d’autre part, la PPRE de M. Peio Dufau et plusieurs de ses collègues visant à se prononcer contre les méga-camions et construire une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen.
Compte tenu de la connexité de ces deux sujets nous avons prévu d’organiser une discussion commune autour de ces deux rapports avant d’examiner ensuite l’une après l’autre chacune des deux propositions de résolution européenne.
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Monsieur le président, chers collègues, j’avais eu l’occasion de présenter le tome I en juin dernier devant cette même commission. Ce tome I adoptait une approche transversale, abordant les problématiques de l’intermodalité, entendue comme l’articulation entre les différents modes de transports et analysant les sujets liés au fret, aux mobilités douces et aux transports en commun.
Cette approche a permis de dresser une orientation générale.
En période d’effort budgétaire, il importe de faire mieux avec autant, voire moins et ainsi de rediriger les financements vers les solutions de décarbonation les plus éprouvées, de supprimer les avantages inclus et inefficaces, et d’ajuster les taxations au niveau des coûts réels des externalités pour la collectivité – compris comme l’effet positif ou négatif d’une activité économique sur des tiers.
En période de remise en cause par certains des objectifs environnementaux, il importe de réaffirmer les vertus des règles que nous nous sommes collectivement données. La simplification est souhaitable et, dans bien des cas, nécessaire. Mais la simplification normative ne doit pas virer au dégagisme normatif.
À contre-courant du paradigme tendant à associer toute règle à une forme de contrainte, je tiens ici à rappeler l’importance de la stabilité des règles pour assurer une prévisibilité à laquelle les industries elles-mêmes sont très attachées. L’économiste Douglass North parle ainsi d’un « capital institutionnel ».
La valeur de ce capital ne doit pas être sous-estimée : l’Europe dispose du cadre réglementaire le plus complet et le plus abouti au monde en matière de décarbonation des transports. Le détricoter serait un renoncement néfaste pour tous les acteurs et ferait perdre un temps précieux, un temps que l’urgence du changement climatique ne nous laisse pas.
Ce tome II s’appuie sur ces convictions. Compte tenu de la technicité et de la diversité des sujets, les transports sont ici abordés mode par mode, balayant successivement les secteurs routier, aérien, maritime et ferroviaire. Alors qu’une loi-cadre sur les transports devrait voir le jour dans les prochains mois, reprenant les conclusions de la conférence de financement des mobilités, il me semble essentiel d’appréhender techniquement ces sujets pour formuler des recommandations qui, in fine, pensent les transports en termes de mobilités et au profit de l’aménagement du territoire.
Le secteur des transports est l’éléphant dans la pièce de la décarbonation. Il est le seul secteur pour lequel les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas baissé, ni en France, ni au niveau européen, depuis 1990.
Ce tome II aborde les quatre modes de transports et formule des recommandations pour chacun d’eux. Pour l’aérien, il recommande un accroissement de la taxation sur l’aviation d’affaires, une mise à l’étude de la suppression des vols pour lesquels une alternative crédible est possible en moins de 4 heures de train, et une révision de la taxe sur les billets d’avion pour cibler spécifiquement les grands voyageurs. Les chiffres sont éloquents : 15 % des voyageurs réalisent 70 % des trajets aériens. En 2023, 2 % des voyageurs interrogés affirmaient avoir pris l’avion plus de trente fois dans les douze derniers mois. Ces comportements difficilement acceptables doivent être désincités bien plus fortement que ce que permettent aujourd’hui les différentes tranches de la TSBA, qui ne prennent en compte que la destination et la classe choisie pour le vol, pas le nombre de trajets déjà réalisés.
Pour le maritime, diverses mesures sont préconisées pour assurer le développement des biocarburants, l’électrification à quai, une priorisation d’amarrage dans les ports européens pour les navires les plus sobres et une différenciation des droits de port selon la performance écologique des navires.
Pour le ferroviaire, les différentes auditions réalisées avec les administrations, les acteurs de la filière et des centres de recherche me conduisent à plusieurs recommandations.
Au niveau national, il importe de diriger les nouveaux investissements vers l’efficacité du réseau et la remise en état des infrastructures existantes, plutôt qu’à la construction de nouvelles infrastructures.
Au niveau européen, il importe d’accroître la compatibilité des matériels roulants et des standards techniques pour faire advenir l’Europe ferroviaire : celle des capitales reliées par la grande vitesse, des trains de nuit et, pourquoi pas, d’une mutualisation des capacités industrielles au sein d’un Airbus du ferroviaire. L’idée n’est pas nouvelle et la fusion Alstom-Siemens avait été déclarée contraire aux règles de concurrence par la Commission européenne en 2019. Cependant, les temps changent. La concurrence du géant chinois CRRC est de plus en plus évidente, y compris sur les segments de marché européens. Pour la protection de l’environnement, la Charte de l’environnement consacre un principe cardinal : le principe de précaution. Pour la protection de l’économie européenne, à quand un principe équivalent nous protégeant de la concurrence américaine ou chinoise ? À quand un principe de précaution économique ? Je pose la question à la Commission européenne.
Vous aurez remarqué que je n’ai pas encore évoqué le secteur routier. À l’échelle européenne, le routier est responsable de trois-quarts des émissions du secteur des transports. De fait, décarboner les transports européens c’est, dans une très large mesure, décarboner le transport routier européen. C’est la raison pour laquelle, à l’issue de ce rapport, j’ai souhaité présenter une proposition de résolution européenne spécifiquement sur le secteur routier.
Sa décarbonation peut être envisagée d’un point de vue technique : l’électrification massive des véhicules légers et des poids lourds est une partie de la solution, évidemment. C’est la raison pour laquelle j’appelle à une extension du leasing social, ou d’une formule économique comparable au niveau européen. De manière générale, l’avenir du routier est à chercher dans des véhicules plus sobres, plus légers, moins rapides, plus silencieux, moins polluants et, surtout, moins chers. L’accessibilité des véhicules électriques aux ménages les plus précaires est un sujet de justice sociale autant que de décarbonation. Les investissements massifs dans le sens de la transition écologique du secteur automobile ont besoin d’un cadre normatif clair, d’une prévisibilité, d’une gouvernance lisible. L’objectif de zéro émission pour les véhicules neufs en 2035 répond à cet objectif.
Mais la décarbonation du routier ne pourra être menée à bien sans une évolution des imaginaires. Quatre mesures sont suggérées dans cette résolution.
Premièrement, la proposition d’une « loi Evin de la décarbonation », visant à interdire les publicités pour les modes de transport les plus carbonés, particulièrement la voiture et l’avion.
Deuxièmement, le maintien de l’opposition aux méga-camions pour éviter leur généralisation en France – je salue à cet égard l’initiative de mon collègue Peio Dufau qui œuvre en ce sens.
Troisièmement, le développement de voies réservées au covoiturage pour éviter ce que l’on appelle « l’autosolisme » qui consiste à un usage sous-optimal de la voiture : mobiliser une tonne d’acier et d’aluminium pour déplacer un individu de 70 kg deux fois par jour, 30 minutes le matin et 30 minutes le soir.
Quatrièmement, la modification des objectifs des compétitions de Formule 1 pour passer d’un système où seule la vitesse est récompensée à un système ou la vitesse et la sobriété en carburant compteraient. Il ne s’agit pas d’entraver le développement de la Formule 1 mais plutôt de valoriser la dextérité et l’habileté des pilotes qui seraient le mieux capable de prendre en compte ce nouveau paramètre : aller le plus vite possible en consommant le moins possible. À la clé, le classement final pourrait intégrer cette dimension pour faire en sorte qu’un pilote arrivé troisième « en vitesse pure » mais ayant consommé moins que le deuxième soit reclassé deuxième au classement général.
L’orientation de ma PPRE est que la France adopte une position ambitieuse au niveau européen pour défendre l’objectif de fin des véhicules émissifs d’ici à 2035, le déploiement massif des infrastructures de recharge et le développement des mobilités douces et actives pour favoriser le report modal depuis le routier. Ces objectifs nécessitent le maintien d’un financement conséquent, ainsi qu’une attention particulière à l’acceptabilité sociale de la décarbonation, afin qu’elle soit juste et accessible pour tous.
Parallèlement mes chers collègues, pour reprendre le mot de Paul Valéry : « tout ce qui compte est bien caché ». La mutation des imaginaires est, au fond, l’un des leviers les plus importants et les plus difficiles à mobiliser pour permettre la décarbonation des transports ; l’un des mieux cachés, mais aussi l’un des plus efficaces.
Car rappelons-le : le déplacement qui pollue le moins est d’abord celui qui n’a pas lieu. Le déplacement qui pollue le moins est ensuite celui qui privilégie un mode de transport décarboné, dans la mesure du possible. Le déplacement qui pollue le moins est ensuite celui optant pour l’utilisation de la voiture, électrique si possible, et partagée avec d’autres, si possible.
Ces sommes de microdécisions individuelles sont le quotidien de millions d’usagers des transports en France et en Europe. Agrégées, elles façonnent notre utilisation des transports et déterminent les contours de nos politiques publiques. C’est en pesant sur ces équilibres intérieurs, en infléchissant nos réflexes les plus imperceptibles que nous pourrons agir sur le long terme et faire que la vitesse pure ne soit plus prônée comme l’alpha et l’omega de la Formule 1 ou encore que la taille du SUV ne soit plus un symbole de réussite sociale.
Mes chers collègues, un cap clair, un accompagnement des publics les plus vulnérables, une Europe mieux reliée et connectée, une mutation des imaginaires. Voilà les lignes de force que dressent ce rapport et la proposition de résolution européenne qui l’accompagne.
J’ajouterai que la PPRE peut être amendée, sur un point : celui des concessions autoroutières. Leur modèle concessif a fait l’objet de nombreuses critiques à savoir une rentabilité excessive par les sociétés attributaires et un faible contrôle de l’État, notamment sur les engagements et les investissements. De nombreux élus plaident aujourd’hui pour une reprise en main de l’État ou des collectivités, notamment à l’approche de la fin de certaines concessions. Dans ces conditions la PPRE pourrait être modifiée sur ce point uniquement.
Voilà en résumé l’ensemble du travail de ce tome II du rapport et de la PPRE qui s’ensuit. Je vous remercie pour votre attention et je reste attentive à nos échanges.
M. Peio Dufau, rapporteur. La proposition de résolution européenne que je porte aujourd’hui devant vous vise à rappeler l’opposition de la France aux méga-camions, aussi appelés systèmes modulaires européens. Elle s’inscrit dans les pas de la résolution européenne de Jean-Marc Zulesi, invitant le Gouvernement à se prononcer contre les méga-camions et à bâtir une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen, adoptée par cette même commission sous la précédente législature, le 29 mai 2024, avant la dissolution décidée par le Président de la République.
La présidence danoise du Conseil de l’Union européenne a affirmé vouloir parvenir à un accord de compromis sur la proposition de directive modifiant la directive du Conseil fixant les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international, dites « directive poids et dimension », proposé par la Commission en juillet 2023. Le sujet devrait être à l’ordre du jour du Conseil transports le 4 et 5 décembre prochain. Il semble alors important de rappeler la position française : un État membre n’ayant pas autorisé la circulation des méga-camions sur son territoire, ne devrait pas être obligé d’autoriser les méga-camions étrangers à circuler en transit.
Cette position de refus de l’automaticité tient aux inconvénients des méga-camions documentés dans ce rapport, alors même que l’avantage principal avancé par leurs défenseurs – la baisse des émissions CO₂ par tonne transportée – risquerait d’aboutir à une augmentation du nombre de camions sur les routes, selon un effet rebond difficile à estimer en amont, mais documenté dans de nombreux cas similaires par la littérature économique.
De fait, neuf États membres autorisent déjà les méga-camions sur leur territoire. Il ne s’agit pas de les obliger à s’en détourner mais de ne pas faire que ce modèle devienne obligatoire. La balance des avantages et des inconvénients est fonction de la géographie du pays d’une part, et du développement du réseau ferré comme alternative au routier, d’autre part. Ainsi, les pays scandinaves sont caractérisés par des territoires peu denses, avec de grandes distances à parcourir et des infrastructures ferroviaires insuffisamment développées pour présenter une alternative crédible.
Pour la France, le constat formulé au cours des auditions est sans ambiguïté. Les coûts liés aux méga camions, qu’il s’agisse de l’adaptation de nos infrastructures routières ou des risques d’accidentologie, sont considérables. Mises en regard de notre capacité de fret ferroviaire et fluvial, ces charges rendraient la décision de leur autorisation irrationnelle.
En effet, le poids des méga camions exerce une contrainte supplémentaire sur les ouvrages d’art. Les coûts d’entretien ou d’aménagements nécessaires, notamment au niveau des angles de giration et dispositifs de sécurité, impacteraient de manière excessive les finances des collectivités gestionnaires des routes – déjà confrontées à un manque de moyens pour entretenir le réseau routier.
C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution européenne ne se contente pas de réaffirmer l’opposition de la France aux méga-camions mais appelle plus largement à un changement de modèle en faveur du rail.
L’histoire du fret français est celle d’un abandon.
Entre 1988 et aujourd’hui, la part du fret ferroviaire est passée de 41 % à 9 %. La part modale du fret ferroviaire est aujourd’hui inférieure en France à celle de la moyenne européenne, qui est de 17 %. Le grand gagnant de l’histoire a été le fret routier, grappillant peu à peu des parts de marché et augmentant son nombre de tonnes-kilomètres.
Alors que nous visons un doublement de la part modale, de 9 % aujourd’hui à 18 % d’ici 2030, avec un objectif de 25 % en 2050, autoriser les méga camions reviendrait à renforcer la compétitivité du transport routier au détriment du rail, créant ainsi un report modal inversé – un non-sens.
Plus largement se pose la question du modèle vers lequel nous voulons tendre. Les méga-camions sont une réponse dans le sens d’une hyper-flexibilisation des chaînes logistiques, servant une société de consommation débridée où l’éphémère est roi, où la fast fashion justifie un trajet Shanghai-Le Havre, où des kiwis néo-zélandais passent trente jours dans des conteneurs réfrigérés avant d’être acheminés par camion sur nos étals.
Le fret ferroviaire, tout comme le fret fluvial, sert un autre récit : celui d’un fret décarboné, destiné à permettre des choix de consommation responsables, permettant l’aménagement des territoires et conciliant cohésion sociale et respect de l’environnement.
J’ajoute que la qualité de vie des habitants des territoires doit être notre boussole. Quelle est la valeur économique d’un paysage ? Cette question serait à poser au maire et à la population des communes dans lesquelles passeraient, à intervalle régulier, des camions de 60 tonnes et 25 mètres de long.
Enfin, cette proposition de résolution européenne entend moduler les péages dont doivent s’acquitter les poids lourds, notamment selon leurs niveaux d’émissions de gaz à effet de serre. Cette piste est en accord avec le cadre général que nous défendons : elle vise à faire payer au fret routier une juste part, à l’obliger à compenser les externalités négatives dont il est la cause. Outre les émissions de CO₂, mentionnons la pollution locale, les nuisances sonores, la congestion, l’usure des chaussées et les risques d’accidents.
Par ailleurs, les États-Unis, qui avaient initialement autorisé les méga-camions, sont revenus sur leur décision à cause des enjeux de sécurité routière. En effet, dépasser un camion de 25 mètres de long sur une route à deux voies représente un véritable défi.
Un seul chiffre suffit pour illustrer l’anomalie : à ce jour, les poids lourds français ou circulant en France s’acquittent de droits de péage trois fois plus élevés que ceux des véhicules légers, alors que le passage d’un camion dégrade autant la route que le passage de 100 000 voitures. Certains acteurs que nous avons auditionnés évoquaient même un équivalent de 1 million de voitures.
Lors des auditions, les représentants des entreprises de transport routier ont demandé à interdire l’entrée des méga-camions en France, afin d’éviter une concurrence faussée au détriment des entreprises de transport nationales – déjà menacées par le dumping social en Europe.
Ce chapitre des débats pourra être utilement ouvert dans le projet de loi-cadre annoncé par le ministre des transports M. Philippe Tabarot comme suite à la conférence de financement des mobilités.
Plus largement, c’est l’avenir du modèle des concessions autoroutières qui devra être discuté. Les entreprises privées ont montré qu’elles étaient capables de négocier des contrats aux conditions très favorables, au détriment des autorités et de la population. Notre cap doit être une maîtrise publique et décentralisée des infrastructures routières afin de ne pas être otage de contrats qui nous priveraient d’outils fiscaux utiles à notre politique de mobilité.
M. Stéphane Rambaud (RN). Le Parlement européen a autorisé en mars dernier la circulation des méga-camions de 60 tonnes et 25 mètres de long. La France, fait suffisamment rare pour être souligné, a parlé d’une seule voix. Toutes les délégations françaises, de droite comme de gauche, se sont opposées à ce texte. Le ministre des transports a exprimé que la France refusait une libéralisation des méga-camions : notre priorité est le report modal, en particulier vers le ferroviaire.
Bien que nous partagions pleinement cette position, il est nécessaire de rappeler la vétusté de notre réseau ferré, sur lequel ne pourra se reporter suffisamment le transport routier. Si l’objet de la présente proposition de résolution européenne est d’affirmer clairement le refus français des méga-camions et d’appeler à la construction d’une véritable politique de report modal vers le ferroviaire et le fluvial, il faut que ces ambitions puissent être mises en œuvre.
En 2023, le transport routier représentait 89 % du transport de fret en France et le train seulement 9 %, sans compter le fluvial qui ne représente que 2 %. Dès lors, les réalités géographiques, du réseau et de son état doivent être prises en compte afin de ne pas se retrouver à implorer des politiques publiques irréalistes. Ainsi, s’il est pertinent de soutenir les initiatives de report modal et d’éviter que les méga-camions étrangers traversent notre pays de part en part, nous ne devons pas pour autant nous priver d’une réflexion nationale et locale, afin de trouver des solutions circonstancielles où cela est nécessaire.
Bien que nous soutenions votre proposition de résolution, monsieur le rapporteur, nous souhaitons vous poser la question du poids réel de celle-ci dans les discussions européennes. Au-delà des bonnes intentions, la voix de la France peut-elle encore porter quand elle se perd dans le brouhaha du « en même temps » macroniste ?
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je vous remercie pour cet accord concernant le travail conduit. Il ne faut jamais sous-estimer ce que nous pouvons porter collectivement. Lorsqu'un texte est adopté à l’unanimité par la Commission des affaires européennes, il convient de rappeler qu’il peut devenir la position définitive de l’Assemblée nationale : tel est le sens de notre travail de parlementaire.
Je crois qu’une proposition de résolution européenne peut contribuer à porter les préoccupations de nos citoyens. Nous croyons au projet européen et souhaitons l’améliorer, notamment en matière de décarbonation, de transports, de mobilité et d’accessibilité pour tous.
C'est notre rôle, aujourd'hui comme demain, de porter cette position au sein de la commission permanente, si elle décide de se saisir du texte. Dans le cas contraire, cette position deviendra celle de l’Assemblée nationale. Il nous faudra poursuivre ce travail et rester exigeants et exigeantes chaque fois que le gouvernement aura à défendre ces positions, afin d’atteindre pleinement nos objectifs.
M. Peio Dufau, rapporteur. La présidence danoise semble encline à prendre en compte la position française, laquelle permettrait de refuser le transit de méga-camions venus de l'étranger, à condition que la France n’autorise pas non plus la circulation de méga-camions français. Si cette orientation se confirmait, elle répondrait à la demande des transporteurs routiers, dont la priorité est d’empêcher la circulation en transit de méga-camions étrangers, tout en respectant la position française sur le sujet. Nous espérons que les discussions prévues au mois de décembre permettront de dégager une position française respectée et entendue par l’ensemble des parties.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Alors que le Parlement européen s'est récemment positionné en faveur de la circulation transfrontalière des méga-camions, il est essentiel que la France s'y oppose et qu’elle agisse auprès de la Commission européenne afin d’accélérer la mise en place d'une politique cohérente de développement du fret ferroviaire.
Il faut avoir pleinement conscience, que les questions des méga-camions et du fret ferroviaire sont étroitement liées. Nous ne pouvons tolérer la circulation des camions aux dimensions extravagantes sur nos routes qui viennent concurrencer, de fait, le fret ferroviaire et contreviennent aux objectifs climatiques européens. En Europe, près de 95 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports proviennent des camions. Alors que la tonne du fret transportée par le rail émet neuf fois moins de CO₂ que par la route, la part modale du fret ferroviaire intérieur en France ne cesse de diminuer depuis les années 1970. En 1975, près de 50 % des marchandises étaient transportées par le train ; elles ne représentaient plus que 9 % en 2019. La France se situe aujourd’hui à peine à la moitié de la moyenne européenne.
Il s’agit également d’évoquer l'accidentologie liée au poids lourd, puisque la gravité des accidents accroît lorsque des camions sont impliqués. En Europe, un décès sur sept sur la route implique un camion.
Pour ces raisons et celles développées par les rapporteurs et afin que nous soyons en cohérence avec nos engagements climatiques européens, j’invite chacune et chacun d’entre vous à adopter ces propositions de résolution, qui, je le crois, devraient faire consensus.
M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Nous le savons, le secteur des transports est l'un des plus polluants. Atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 impose une voie unique : celle d'une accélération sans précédent de la transformation de l'ensemble de la chaîne logistique - aérien, maritime, ferroviaire et routier. Cette transformation ne peut se faire ni dans la précipitation ni dans la stigmatisation d'un seul mode de transport. Pour réussir, il s’agit d’activer l’ensemble des leviers, notamment par l’innovation et les investissements massifs dans les infrastructures décarbonées. Sur ce point, le groupe Ensemble pour la République salue les deux propositions de résolution européenne et partage l'objectif d'un report modal ambitieux vers le ferroviaire et le fluvial, modes intrinsèquement plus sobres en carbone.
Toutefois, le groupe Ensemble pour la République ne votera pas en faveur des deux textes. Bien que l'objectif global soit partagé, ces résolutions contiennent des dispositions pour le moins invraisemblables et contre-productives. Appeler à « cesser le développement d'infrastructures entraînant une hausse du trafic routier » ou porter atteinte à l'électrification du parc véhicule est irréaliste. De même, instaurer une pression fiscale et tarifaire supplémentaire sur le transport routier, avant que les alternatives zéro émission ne soient pleinement matures et disponibles, reviendrait à fragiliser une filière essentielle et à alourdir les coûts logistiques pour les entreprises, et en conséquence pour les citoyens.
La transition écologique doit être juste, lucide et cohérente. Je souhaite ajouter à la position de mon groupe ma position personnelle sur le sujet des méga-camions. Ces textes s'inscrivent dans un réflexe de rejet national, alors que nos voisins européens les ont déjà adoptés ou expérimentés. Refuser le débat sur les méga-camions est une erreur stratégique. Les systèmes modulaires ne constituent pas une régression : intégrés dans une stratégie d’ensemble, ils représentent un outil immédiat de décarbonation et de productivité. Il convient d’envisager l’utilisation de ces véhicules, notamment des méga-camions à zéro émission, sur des axes clairement définis, conformément aux orientations européennes.
L'urgence climatique exige que nous utilisions tous les leviers disponibles. La France ne doit pas se priver de cet outil.
En somme, le groupe Ensemble pour la République ne peut soutenir ces résolutions qui, d'une part, fragiliseraient le secteur routier par une fiscalité prématurée et, d'autre part, écarteraient de manière dogmatique une solution reconnue chez plusieurs de nos partenaires dans la réduction des émissions.
M. Peio Dufau, rapporteur. Je suis surpris de votre position, puisque c’est l’un de vos collègues qui avait porté une proposition de résolution européenne similaire sous la précédente législature.
Je souhaite revenir à l’essentiel. Aujourd’hui, faire circuler des méga-camions sur nos axes impliquerait des investissements considérables sur les infrastructures existantes, de l’ordre de plusieurs millions, voire milliards d’euros, alors même que l’entretien du réseau routier actuel rencontre déjà des difficultés. Une telle position semble être un non-sens.
J’ai présidé une mission d’information sur le ferroviaire, au sein de laquelle un consensus s’est dégagé sur la nécessité de mobiliser des moyens financiers importants afin de moderniser les voies ferrées existantes. Ainsi, si des investissements doivent être réalisés, ils devraient prioritairement concerner le réseau ferroviaire plutôt que de permettre la mise en circulation des méga camions sur nos routes, bien que l’entretien de ce dernier demeure indispensable. L’avenir réside dans le développement du ferroviaire.
Cette position ne remet pas en cause la décarbonation du transport routier et des camions. Je ne partage pas votre constat : aujourd’hui, la décarbonation des camions est déjà engagée. Les émissions de ces véhicules ont diminué et un parc de véhicules électriques commence à émerger, même s’il n’est pas encore en mesure de répondre, aux besoins du transport longue distance et encore moins à ceux des méga-camions. Les infrastructures et les innovations nécessaires ne sont pas encore au niveau requis.
En revanche, le fret ferroviaire est déjà opérationnel. Votre propre groupe politique Ensemble pour la République affirme vouloir doubler la part modale du rail d’ici 2030, et la position que vous défendez aujourd’hui apparaît en contradiction avec cet objectif. J’entends votre argumentation, mais je regrette votre position.
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Sur la question du développement des infrastructures qui pourrait entraîner une hausse du trafic routier, il est précisé dans notre PPRE : « dont le bénéfice social et économique est inférieur au coût environnemental. » Nous ne sommes pas contre tout développement d'infrastructures. Il faut mesurer le bénéfice social et économique au regard du coût environnemental que les nouvelles infrastructures engendrent.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP) : Nous partageons votre constat : la décarbonation des transports est un impératif. Cependant, certaines recommandations du rapport ayant amené à votre proposition de résolution européenne laissent perplexe. La recommandation 19, qui appelle à un réseau ferroviaire léger et autonome, paraît éloignée des réalités. Un réseau léger, c'est la fin du fret de ferroviaire. Les installations ne seraient plus adaptées aux convois de marchandises et un réseau autonome avec une maintenance prédictive qui se fait à flux tendu, cela ne fonctionne pas.
Quant à l'idée d'un Airbus du ferroviaire, elle semble prématurée. Avant de rêver d'un grand champion industriel européen, harmonisons déjà nos cahiers des charges. Les trains de la Renfe ne roulent pas, Alstom et CAF accumulent les retards et les trains de nuit peinent à renaître. Réglons nos problèmes avant de vouloir fusionner nos faiblesses.
Le rapport oublie un levier essentiel : l'embranchement des ports au réseau ferroviaire. Relier les ports au rail est la base d'une logistique décarbonée et cohérente à l'échelle européenne.
Nous saluons deux points particulièrement : l'interdiction des vols lorsqu'une alternative ferroviaire de moins de 4 heures existe et la différenciation de la fiscalité maritime selon la performance environnementale des navires.
Mais ce rapport reste trop timide. La transition écologique des transports ne peut se réduire à des ajustements techniques. Elle doit reposer sur une planification publique ambitieuse au service du fret de ferroviaire, du transport collectif et de l'aménagement du territoire. La place du transport routier y est bien trop importante. Il faut construire un autre imaginaire et la publicité y participe. Il faut que la petite voiture électrique soit accessible.
En lien direct avec ce rapport, la possible arrivée de méga-camions sur nos routes serait un signal catastrophique. Ces monstres de la route freineraient l'essor des motorisations électriques, exigerait des travaux massifs sur les ponts, tunnels et aires de service pour un coût faramineux. Tout cela pour une minorité d'acteurs. Ils aggraveraient les risques d'insécurité routière, la congestion et les émissions, tout en provoquant un report modal inversé vers la route alors que nos axes sont déjà saturés.
Et n'oublions pas que le transport routier français subit déjà une concurrence féroce en Europe. L'arrivée de ces camions géants l'affaiblirait encore.
C'est pourquoi nous votons pour ces propositions de résolution afin de défendre un modèle de transport sûr, écologique et au service de l'intérêt général.
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Sur la double question de l'embranchement entre port et ferroviaire et sur les droits de port, nous disposions de l'ensemble des éléments mais nous ne les avons pas détaillés dans chaque partie. Je prends note et dans les travaux à venir, nous retravaillerons ces deux points.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Vos deux travaux sont distincts, mais complémentaires sur un même enjeu : la décarbonation du transport européen. Votre rapport d'information, Mme Karamanli, est le fruit d'un travail très important de près d’un an. Il dresse un état des lieux précis du secteur des transports européens. Face à l'enjeu de la décarbonation, il formule des recommandations très ambitieuses pour engager la transition, en particulier dans le transport routier qui fait l'objet de votre proposition de résolution européenne.
C'est aussi le sujet porté par notre collègue Peio Dufau qui s'inscrit dans cette démarche en attirant l'attention sur un point précis et crucial : la nécessité de refuser le développement des méga-camions, véritable non-sens écologique et danger majeur sur les routes.
Le secteur des transports présente à lui seul plus d'un quart des émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne. Je ne comprends pas la position de nos collègues du groupe EPR.
Contrairement à tous les autres secteurs, il n'a toujours pas amorcé sa décrue depuis 1990. L'avenir du transport routier européen ne peut se voir sans révolution technique : celle de l'électromobilité qui détient les meilleurs résultats en termes de bilan de gaz à effet de serre et de qualité de l'air. Cette transition ne réussira que si nous la conjuguons avec une évolution très profonde de nos usages : réduction des trafics, réaffectation des routes et surtout un report massif vers le rail et le fluvial – les deux pouvant être combinés.
Il faut rappeler la stabilité des règles qui est un facteur clé pour assurer la prévisibilité à laquelle les industries sont très attachées. Elle est mise à mal par certains choix européens récents. La révision de la directive sur les poids et les dimensions permet désormais la circulation des méga-camions et envoie un signal totalement contradictoire.
Autoriser des véhicules de 60 tonnes et de plus de 25 mètres, c'est conforter la route au détriment du rail, accentuer la dépendance au diesel et renoncer de fait à tous nos objectifs climatiques. C'est aussi porter atteinte à la qualité de vie des habitants de nos territoires affectés par l'apparition de ces géants des routes.
Dans le couloir routier du Pays basque, actuellement et en moyenne, 8 500 camions traversent tous les jours le poste frontière de Biriatou : une véritable catastrophe écologique.
Les études sont claires, cette orientation va entraîner des millions de trajets supplémentaires et jusqu'à 6 millions de tonnes de CO₂ émis en plus chaque année. Donnons au contraire toute sa place aux frets ferroviaires et fluviales et comme vous l'avez dit, modernisons nos infrastructures. Nécessité de développer les trains de nuit aussi, alternative à l'échelle européenne.
En définitive, ces deux propositions de résolution ne font qu'une seule et même proposition : celle d'une Europe cohérente, ambitieuse, prévisible, qui enfin assume ses engagements climatiques.
M. Jean-Marie Fiévet (EPR). Concernant les méga-camions, leur longueur est de 25 mètres et leur poids de 50 à 60 tonnes. Mais il faut savoir qu’en Espagne, c’est 72 tonnes.
Cependant, je tiens à rappeler qu'en France, tous les jours, vous croisez des camions qui roulent à 57 tonnes. Ils s'appellent les grumiers et transportent du bois rond. Ils sont à 57 tonnes depuis très longtemps et ça ne dérange personne. Il faut voir les choses comme elles sont : si vous considérez que 60 tonnes c’est trop, alors il faut aussi interdire les transporteurs de grumes, arrêter leurs camions et les limiter à 44 tonnes. Ils roulent aussi sur des routes communales, départementales ou nationales pour aller chercher les grumes dans les forêts.
M. Peio Dufau, rapporteur. J'ai derrière moi 17 ans de fret ferroviaire, et dans ce cadre, nous avons transporté aussi des grumes. Je connais cette problématique. Mais laisser continuer les grumiers à rouler, ce n’est pas autoriser les méga-camions étrangers à rentrer en France. D’ailleurs le contrôle du poids des camions de grumes est très compliqué.
De plus, l’enjeu est différent, car aujourd’hui, il est impossible de faire rentrer les rails dans les forêts. Le report modal n’est donc pas une solution. Vous prêchez un convaincu, bien que je regrette que les grumes ne soient pas transportées par d’autres moyens.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Le transport des grumes constitue un très bon contre-exemple. Cela abîme les routes et pèse sur les départements qui doivent les entretenir. Si l’on devait généraliser ce type de tonnage de camions, le coût pour la collectivité serait exorbitant.
Mme Colette Capdevielle (SOC). Ce sont les camions qui représentent le risque le plus élevé d’accidents de la circulation, et qui provoquent les plus lourds dommages pour les victimes. Je m’étonne donc de la position de nos collègues, je pensais que la sécurité routière faisait partie de leurs priorités.
M. le Vice-président Laurent Mazaury. Je souhaiterais rappeler, à titre personnel, qu’en 2019, les véhicules électriques représentaient 19 % des annonces publicitaires du secteur automobile, et qu’elles atteignent maintenant plus de 50 %. L’interdiction totale de communication publicitaire pour les véhicules carbonés me semble donc un peu extrême.
Amendement n° 1 de Mme Marietta Karamanli
Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Cet amendement vise à préciser ma position sur le sujet des concessions autoroutières, alors que l’expiration des principales concessions historiques doit intervenir entre 2031 et 2036. Lors de la conférence nationale sur le financement des mobilités, qui s’est tenue en juin dernier, plusieurs voix se sont exprimées en faveur de la reprise d’une gestion publique directe. J’appelle donc le Gouvernement à reprendre la maîtrise publique de ces concessions et à préparer l’après-concessions en assurant un fléchage des recettes vers le déploiement des infrastructures de recharge et le report modal vers le ferroviaire.
L’amendement n° 1 est adopté.
L’article unique est adopté.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.
La commission a autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.
M. le Vice-président Laurent Mazaury. Nous en venons maintenant à l’examen de la proposition de résolution européenne de M. Peio Dufau visant à se prononcer contre les méga-camions et à construire une politique de report modal vers le ferroviaire au niveau européen.
La commission adopte l’article unique.
L’ensemble de la proposition de résolution européenne est ainsi adoptée.
Sur proposition de M. le Vice-président Laurent Mazaury, la commission a nommé :
– M. Aurélien Saintoul, rapporteur sur la proposition de résolution européenne visant à garantir l’attribution post 2030 de la bande de fréquences inférieure à 700 mégahertz à la télévision numérique terrestre (n° 1568) ;
– M. François Rufin, rapporteur sur la proposition de résolution européenne visant à empêcher la ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur en demandant à l’État français la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne pour cause d’incompatibilité de l’accord avec les traités européens (n° 1785) ;
– Mme Sylvie Taillé-Polian, rapporteure sur la proposition de résolution européenne visant à garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation climatique et aux ingérences étrangères (n° 1853).
La séance est levée à 18 heures
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Philippe Ballard, M. Karim Benbrahim, Mme Céline Calvez, Mme Colette Capdevielle, M. Bérenger Cernon, M. Peio Dufau, M. Jean-Marie Fiévet, M. Jérémie Iordanoff, Mme Marietta Karamanli, Mme Constance Le Grip, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Anna Pic, Mme Liliana Tanguy
Excusé. - M. Pieyre-Alexandre Anglade
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann