Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906 – seconde partie) : audition de M. Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace, puis discussion générale sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur (M. Alexandre Portier, rapporteur pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante, et M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis Recherche)              2

– Présences en réunion              32

 

 

 

 

 


Mardi
28 octobre 2025

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 8

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
Mme Delphine Lingemann,
Vice-présidente

 


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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de Mme Delphine Lingemann, vice-présidente)

La commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906  seconde partie), M. Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace, et procède à la discussion générale sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur (M. Alexandre Portier, rapporteur pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante, et M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis Recherche).

 

Mme Delphine Lingemann, présidente. Nous commençons l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 avec la mission Recherche et enseignement supérieur, en accueillant M. Philippe Baptiste, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace.

Notre commission a désigné deux rapporteurs pour avis, M. Hendrik Davi pour la partie Recherche et notre président, M. Alexandre Portier, pour la partie Enseignement supérieur et vie étudiante. La partie budgétaire de leurs projets de rapport pour avis a été adressée hier aux membres de la commission.

Les rapporteurs ont aussi consacré une part importante de leurs travaux à un thème particulier : « La recherche malade du management : comment repenser nos modèles de financement, d’évaluation et de publication ? » pour M. Davi, et « L’enseignement supérieur français répond-il à l’urgence de souveraineté économique et industrielle ? » pour M. Portier. Ils nous présenteront leurs principales conclusions.

M. Philippe Baptiste, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace. Je suis heureux de vous retrouver dans cette enceinte. Il y a quelques mois, je vous avais présenté les priorités de mon action à la tête du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles n’ont pas fondamentalement changé et tiennent en peu de mots : garantir les conditions qui nous permettent de préparer notre avenir collectif, en investissant dans notre jeunesse et dans les leviers de notre souveraineté – en particulier industrielle – présente et future.

L’enseignement supérieur français continue à former des chercheurs du plus haut niveau. Cette année encore, nous avons eu la fierté de compter deux lauréats au prix Nobel, en physique et en économie – Philippe Aghion est d’ailleurs auditionné en ce moment même par la commission des affaires économiques. Leur réussite est le fruit d’investissements consentis depuis des décennies pour leur permettre de mener à bien leurs recherches. Au risque peut-être de faire rougir Philippe Aghion, je rappellerai que, lorsqu’il a commencé sa thèse, le premier ministre était Raymond Barre. C’est donc grâce aux investissements de cette époque que nous avons pu maintenir cette recherche d’excellence. Le temps long de l’investissement comme la nécessité d’accords et de soutiens transpartisans pour inscrire cet effort dans la durée sont des spécificités de la recherche et de l’enseignement supérieur.

La reconnaissance que représente l’attribution du prix Nobel est un levier de notre influence, mais ce n’est qu’un aspect de l’importance que représente l’investissement dans l’enseignement supérieur et dans la recherche.

La recherche d’aujourd’hui est le terreau des innovations de demain, dans une dimension de très long terme.

Depuis plus de quinze ans, nous stagnons à 2,2 % du PIB investi dans la recherche, alors que dès 2000, nous avions fixé une cible de 3 % du PIB – une cible déjà largement dépassée par l’Allemagne, les États-Unis ou la Corée du Sud. Cet écart ne se réduit pas, et a même parfois tendance à s’accroître, alors que la course à l’innovation s’accélère partout dans le monde. Ce sous-investissement est particulièrement visible dans l’effort de recherche et de développement de nos entreprises, même s’il concerne aussi les investissements publics. Tout cela a un impact direct sur le type d’industries qui se construit aujourd’hui et sur les produits fabriqués dans nos entreprises. Cela a aussi des conséquences sur notre potentiel de croissance, sur nos emplois et sur notre réussite à l’export.

Cette année encore, la discussion du budget prend place dans un cadre où domine le besoin de redresser nos finances publiques. En dépit de ce contexte, le gouvernement a toutefois voulu donner un gage en permettant une stabilité ou un accroissement du budget de notre ministère.

Pour 2026, il s’établit à 28,9 milliards d’euros, y compris le spatial, et se répartit en quatre programmes.

Le budget du programme 150, Formations supérieures et recherche universitaire, s’élève à 15,6 milliards – 54 % du budget du ministère – et est en progression de 157 millions, soit une hausse de 1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Je précise que ce programme inclut les universités et les formations, mais aussi une partie de la recherche, puisque les universités sont aussi au cœur des questions de recherche, avec les organismes du programme 172.

Celui du programme 172, Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, est de l’ordre de 8,2 milliards d’euros – 30 % du total – et enregistre une hausse de 44 millions, soit 0,5 %.

Le budget du programme 231, Vie étudiante, est de 3,2 milliards, ce qui correspond à un peu plus de 10 % du total.

Enfin, celui du programme 193, Recherche spatiale, s’établit à 1,8 milliard, soit 6 % du budget du ministère.

Ces budgets sont, d’abord et avant tout, le socle indispensable pour faire fonctionner le système de l’enseignement supérieur et de la recherche. Concrètement, ce sont eux qui permettent de payer les chercheurs, les enseignants-chercheurs, les ingénieurs et les techniciens qui font fonctionner nos laboratoires, nos universités, nos écoles d’ingénieurs, etc. De fait, outre les équipements et les infrastructures, nous payons avant tout de la matière grise.

Par ailleurs, les budgets de ces programmes ont vocation à permettre l’atteinte d’objectifs prioritaires.

Le premier de ces objectifs est la poursuite et la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche, la LPR. C’est un outil indispensable pour espérer rattraper un tant soit peu le retard d’investissement que j’évoquais. À ce titre, 87 millions d’euros supplémentaires sont prévus dans le programme 150 et 34 millions dans le programme 172, soit 120 millions au total, hors spatial.

Ces crédits sont mobilisés en particulier pour la poursuite des mesures statutaires pour les jeunes – jeunes chercheurs, doctorants et jeunes enseignants-chercheurs –, pour les bibliothèques, pour les ingénieurs techniques ou encore pour la continuation du repyramidage entre chargés de recherche et directeurs de recherche dans les organismes de recherche. Ils serviront aussi à revaloriser la rémunération des contrats doctoraux à compter du 1er janvier, avec une augmentation qui permettra de passer leur rémunération à 2 300 euros. Au cours des dernières années, un effort significatif a été consenti pour cette revalorisation, puisque nous étions à 1 800 euros il y a encore cinq ans.

Les financements fléchés sur la LPR et pérennisés en 2026 permettent d’investir dans les équipements et les infrastructures indispensables pour une recherche de très haut niveau, du renforcement de la flotte océanographique française à la consolidation d’un projet de supercalculateur, en passant par les grands équipements de physique qui sont l’un des atouts de la France et de l’Europe.

Le programme 172 permet de soutenir les organismes publics de recherche placés sous la tutelle ou la cotutelle du ministère et qui couvrent la quasi-totalité des champs disciplinaires.

Une part importante de ce programme va au financement de la recherche sur projets, au travers de l’Agence nationale de recherche (ANR). C’est une modalité centrale de la recherche, dans un environnement où l’appel à projets compétitifs doit être un élément important du soutien de la recherche, mais absolument pas exclusif. Je crois, en effet, qu’il est fondamental que les organismes de recherche assument, à côté de la recherche sur projets, une prise de risque pour piloter de grandes priorités et de grands programmes.

Pour compléter cela, le programme 172 a vocation à favoriser l’effort d’innovation, de recherche partenariale et de transfert technologique partout sur le territoire national, avec un accent particulier mis sur la structuration locale des écosystèmes et sur la coordination entre les acteurs de la recherche, de l’industrie et des territoires.

Je me félicite que le niveau des crédits alloués au dispositif de convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) soit maintenu, avec un montant total de 73 millions d’euros. Ces bourses de thèse permettent aux jeunes doctorants de passer du temps dans l’industrie et dans des laboratoires d’accueil universitaires. Je suis convaincu que les thèses Cifre sont le premier, et surtout le meilleur, levier du transfert puisque ce transfert se fait au travers d’hommes et de femmes qui ont passé du temps à la fois dans des structures de recherche fondamentale et des entreprises. Ce financement doit permettre d’atteindre, à terme, l’objectif de 2 050 nouvelles thèses Cifre par an fixé par la LPR.

De manière plus générale, ce budget doit aussi permettre d’accroître la performance des établissements d’enseignement supérieur. Dans cette optique, nous privilégions l’outil que sont les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (Comp). Pour le ministère, ils sont le levier principal pour déconcentrer l’action publique, afin d’assurer un pilotage plus efficace au plus près des territoires et des établissements. C’est le même effort d’efficacité et de lisibilité qui m’a conduit à proposer un projet de loi sur la régulation de l’enseignement supérieur privé. J’espère qu’il pourra être débattu dans les prochains mois.

À partir de 2026, une nouvelle étape sera franchie. Les Comp devront couvrir l’intégralité de la stratégie de chaque établissement, et non pas quelques pour cent comme c’était le cas précédemment, en incluant non seulement ses missions académiques, mais aussi son modèle économique dans toutes ses composantes – c’est-à-dire au travers de tous ses financements et en réunissant autour de la table tous les acteurs du financement d’une université, par exemple.

Concrètement, il s’agit de mettre en place une contractualisation territorialisée, à la fois dans la négociation – les recteurs interviendront en tant qu’interlocuteurs des établissements – et dans la mise en œuvre, puisque les acteurs locaux sont appelés à être parties prenantes de la stratégie des établissements, en particulier les collectivités qui le souhaitent. C’est une petite révolution, mais c’est surtout l’aboutissement de la logique d’autonomie des établissements et des universités, engagée il y a plus de quinze ans par Valérie Pécresse. C’est pour mener à bien cette transformation profonde qu’une enveloppe de 45 millions d’euros figure dans le programme 150, en complément des 100 millions déjà déployés pour la poursuite de la mise en œuvre des Comp.

Le budget pour 2026 doit aussi nous permettre de poursuivre la lutte contre la précarité étudiante. Un étudiant précaire, c’est un étudiant qui ne peut pas étudier dans des conditions correctes. C’est un étudiant qui ne peut pas aller bien. Nous devons agir pour la santé mentale des étudiants, et nous le faisons, mais nous devons aussi et avant tout leur garantir des conditions de vie décentes.

La subvention pour charge de service public du réseau du Cnous, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, progressera de près de 15 millions, ce qui portera l’augmentation totale depuis 2022 à 163 millions. Ce n’est pas négligeable. Grâce à un budget d’investissement maintenu pour la troisième année consécutive à 120 millions d’euros, le réseau du Cnous pourra poursuivre les plans de réhabilitation et de construction engagés.

Ce budget doit aussi nous permettre d’investir dans l’immobilier et les équipements étudiants. Le plan pluriannuel pour le logement étudiant présenté en janvier dernier se déploie, avec un objectif de mise en service de 45 000 nouvelles places en logements étudiants abordables sur trois ans, dont 30 000 logements sociaux étudiants. À ce titre, le transfert des crédits immobiliers du programme 231 au programme 150 permettra une meilleure gestion, au plus près des réalités territoriales. Nous atteignons progressivement les objectifs du plan.

Enfin, le spatial fait désormais pleinement partie des attributions du ministère de la recherche, ce qui constitue un retour à l’état antérieur des choses. Il correspond au programme budgétaire 193, dont la progression de 38 millions est principalement liée à la poursuite de la trajectoire de la LPR pour ce programme budgétaire.

Cette année, le financement du spatial revêt une importance particulière, alors que l’Europe est exposée à une concurrence considérable et que, dans le même temps, notre partenaire américain s’est retiré de programmes internationaux stratégiques, notamment dans le domaine de l’observation – en particulier, l’observation de la Terre pour le climat. Dans ce contexte, le conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (ESA) qui se tiendra le mois prochain sera un rendez-vous aux enjeux importants. C’est cet horizon qu’il faut avoir à l’esprit au moment d’envisager le financement du programme 193. Cette conférence de financement du spatial européen aura un double impact – sur les contributions de la France à l’Agence spatiale européenne et sur ses programmes en dehors de l’Agence.

Au-delà du projet de loi de finances, la mobilisation des financements issus de France 2030 et des fonds européens reste une priorité. J’y insiste, car je suis conscient de la nécessité qui est la nôtre d’aller chercher des financements en dehors des enveloppes budgétaires fléchées vers mon ministère. Au niveau européen, la France doit faire mieux pour améliorer la qualité des projets et augmenter les taux de retour, qui restent très en deçà de la cible de 17,5 % que nous nous étions donnée pour notre contribution. C’est une demande forte que j’ai faite aux acteurs de l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche, au cœur de la stratégie d’attractivité internationale que je défends, également avec le programme Choisir la France pour la science (Choose France for Science), financé par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI).

Vous le savez, le ministère dont j’ai la charge a vu son périmètre s’étendre. Il comprend désormais l’espace, avec les enjeux de financement pluriannuels considérables que j’ai mentionnés – parmi lesquels l’ESA.

Nous avons tous conscience que l’équilibre budgétaire de la France est un exercice périlleux.

Les dépenses en faveur de la recherche et de la jeunesse sont probablement l’un des meilleurs investissements que nous puissions faire pour notre avenir. Dans les laboratoires, s’élaborent la compréhension de notre monde, celle de notre monde de demain, la création de notre futur et la création de la valeur que pourront avoir nos entreprises et notre économie.

Dans ce temps de discussion budgétaire, que vous avez déjà entamée, je vous appelle à garder à l’esprit l’importance de cet investissement, qui traduit notre capacité à tous à nous projeter dans l’avenir que nous aurons choisi.

M. Alexandre Portier, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Dans un contexte budgétaire que nous connaissons tous, les crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur sont essentiellement préservés s’agissant des deux programmes pour lesquels j’ai été missionné, à savoir le programme 150, Formations supérieures et recherche universitaire, et le programme 231, Vie étudiante.

Je présenterai d’abord les principales orientations du projet de loi de finances pour 2026 pour ces deux programmes, puis j’exposerai les premières conclusions de la partie thématique que j’ai proposée : la capacité de l’appareil de formation de notre enseignement supérieur à répondre aux enjeux et aux défis de la souveraineté économique et industrielle.

Avec 15,63 milliards d’euros de crédits en autorisations d’engagement (AE) et 15,59 milliards en crédits de paiement (CP), le programme 150 est en augmentation, au contraire de nombreux autres programmes budgétaires qui subissent une baisse. La hausse est respectivement de 262 millions et de 157 millions, l’écart entre ces deux mesures étant principalement dû aux dépenses d’investissement dans le cadre de la politique immobilière.

À l’instar des budgets des missions régaliennes de la défense, l’intérieur et la justice, ce projet de budget représente un effort significatif – et indispensable pour l’avenir de notre pays – au regard de la contrainte budgétaire et de la volonté de contenir le niveau des dépenses publiques. Ainsi, l’augmentation des crédits est supérieure à 1 %, tant en AE qu’en CP.

D’après les prévisions des services statistiques ministériels, les universités devraient connaître une augmentation de leurs effectifs étudiants d’environ 0,5 % pour la rentrée 2025 et 0,4 % pour la rentrée 2026. La progression des crédits est donc cohérente avec ces prévisions démographiques. Cela signifie aussi que la nation maintient un haut niveau d’engagement pour former sa jeunesse.

Si nous pouvons regretter que la « marche » de la LPR entre 2025 et 2026 n’ait pas été intégralement respectée, compte tenu du contexte budgétaire, il faut aussi admettre que des efforts sont consentis pour ne pas trop s’éloigner de la cible, puisque 87 millions d’euros sont inscrits à ce stade dans le PLF pour 2026, soit plus de 80 % des 107 millions programmés dans la LPR. Dans le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre, cet effort mérite d’être souligné.

Cela étant, la satisfaction de voir que le budget de l’enseignement supérieur n’est pas sacrifié sur l’autel de la recherche d’économies ne doit pas masquer de réelles difficultés pour les opérateurs de l’enseignement supérieur, et au premier chef pour les universités. Depuis quelques années, des points d’alerte surgissent quant aux capacités de financement des opérateurs, qui doivent absorber dans leur masse salariale des charges dont ils ne sont pas à l’origine. Depuis les revalorisations salariales dites Guérini en 2022 et 2023, jusqu’à la mise en place prévue courant 2026 de la complémentaire santé et prévoyance pour les agents dont l’employeur devra contribuer à hauteur de 50 %, en passant par le relèvement des taux de la contribution employeur au compte d’affectation spéciale – le CAS Pensions –, les opérateurs sont, chaque année, sollicités. L’empilement des contraintes sur la masse salariale fragilise la santé financière de nos universités. Nous aurons à débattre de ces questions lors de l’examen des amendements.

Pour financer les mesures qu’il ne compense que partiellement, l’État entend mettre à contribution les opérateurs au travers de leurs fonds de roulement. Dans le PLF pour 2026, le relèvement vers le CAS Pensions serait compensé à hauteur de 81 millions pour le programme 150, pour un coût total estimé par France Universités à 200 millions. Cela représente un effort non neutre pour les universités.

Faire contribuer les opérateurs n’est pas illégitime, loin de là. Dans un contexte de dégradation des finances publiques, chacun doit prendre sa part à l’effort de redressement des comptes. Cette participation est la nécessaire contrepartie à l’autonomie des établissements. Soit. Mais la trésorerie des universités n’est pas illimitée et répond normalement à d’autres usages que la contribution au paiement de la masse salariale.

Par ailleurs, si l’on doit faire des efforts, il faut aussi garantir leur soutenabilité à terme, sans dégrader l’appareil de formation. Cela suppose des mesures fortes.

D’une part, il faut faire évoluer les modes de financement de l’appareil universitaire, car contrairement à ce que certains prétendent, l’État ne peut pas tout. Nous devons avoir un débat sur les frais d’inscription, indissociable à mes yeux de celui sur la réforme des bourses d’enseignement supérieur. Ces questions ne doivent pas être taboues.

D’autre part, il faut s’assurer de l’efficience des moyens déployés en regard des besoins. À ce titre, on ne doit pas s’interdire d’interroger la carte des formations universitaires en fonction de leur capacité d’insertion professionnelle effective. Cela pourrait permettre de dégager des marges de manœuvre, pas seulement pour faire des économies, mais aussi pour les redéployer vers d’autres formations dont le pays a et aura besoin à court terme. C’est l’un des axes de mon rapport thématique.

En ce qui concerne le programme 231, Vie étudiante, le projet de budget est un peu en trompe-l’œil. De fait, il affiche une baisse nominale qui ne correspond pas à un ralentissement ou à une interruption des mesures sociales en faveur des étudiants. Avec 3,24 milliards d’euros en AE et 3,22 milliards en CP, ce programme connaîtrait une sensible diminution de crédits, de 41,6 millions en AE et de 25,65 millions en CP. Cela représente une baisse d’un peu plus de 1 % par rapport aux crédits ouverts dans la précédente loi de finances.

Je parlais de trompe-l’œil car, si le programme affiche une baisse nominale, celle-ci ne remet pas en cause les principales mesures en faveur des étudiants mises en place ces dernières années, comme le repas à 1 euro pour les boursiers, le gel des repas à 3,30 euros pour les autres étudiants, l’augmentation des montants mensuels de bourses de 37 euros ou encore le plan de rénovation de 12 000 logements universitaires.

L’essentiel de la baisse des crédits de ce programme résulte en fait d’une diminution des dépenses relatives aux bourses sur critères sociaux, en prévision d’une réduction du nombre d’étudiants répondant aux conditions d’éligibilité. Or la baisse des crédits au titre des bourses sur critères sociaux doit nous conduire à nous interroger : du fait de la non-indexation des plafonds de ressources des foyers sur l’inflation, l’augmentation des revenus des familles en termes nominaux conduit un certain nombre d’étudiants à ne plus être éligibles à une bourse sociale. C’est un problème.

De surcroît, cette prévision à la baisse ne prend pas en compte un retour vers l’université de jeunes qui seraient contraints de quitter la voie de l’apprentissage en l’absence d’entreprises qui pourraient les accueillir – un phénomène qui semble s’étendre ces derniers mois, compte tenu du durcissement du contexte économique. Ce doit être un point de vigilance pour notre commission, comme pour le ministère.

Par ailleurs, selon la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, les bourses sur critères sociaux sont la seule prestation qui n’est pas indexée sur l’inflation. Je ne prétends pas trancher la question ni qu’il faille le faire dès à présent, mais cette hypothèse devra être évaluée à l’occasion d’une réforme structurelle des bourses de l’enseignement supérieur.

Enfin, le programme 231 n’est pas parfait, mais l’existant est préservé à ce stade. Il traduit l’effort nécessaire et responsable qu’il convient de consentir collectivement. Toutefois, nous ne pourrons pas échapper – à très court terme, je l’espère – à une réforme globale concernant l’accès à l’enseignement supérieur, dont la vie étudiante est un paramètre. Ce sont des thèmes que je traite dans la partie thématique de l’avis budgétaire.

J’ai souhaité travailler sur une thématique que nous, députés, abordons fort peu, voire jamais, lors de nos débats, tant en commission qu’en séance – et je le regrette. Il s’agit des forces et des faiblesses de notre outil de formation d’enseignement supérieur, tant public que privé, face à la nécessité d’assurer notre souveraineté en matière industrielle, et plus largement économique.

Pour ces travaux, nous avons pu entendre plus d’une cinquantaine d’entités ou de personnalités, en particulier des responsables ministériels, des représentants des opérateurs de formation – France Universités et la Conférence des grandes écoles (CGE) –, des représentants des filières économiques et industrielles comme la santé, le nucléaire, la chimie ou encore les réseaux électriques, des alumni ou un large ensemble d’associations travaillant dans l’innovation et la deeptech.

Le sujet étant large, nous avons dû procéder à des choix. Je voudrais partager avec vous les quelques leçons qui sont ressorties de ces séances, avant la publication du rapport.

D’abord, il ressort de tous les entretiens que notre appareil de formation a des atouts que peu de pays possèdent, notamment la qualification des ressources humaines, nécessaire à notre souveraineté. La France dispose d’un tissu ancien d’opérateurs de l’enseignement supérieur de grande qualité. Elle forme d’excellents ingénieurs et techniciens, qui comptent parmi les meilleurs du monde. Nous pouvons en être fiers.

Néanmoins, passé ce satisfecit, des points de vigilance sont posés, qui concernent l’amont et l’aval de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire l’enseignement scolaire d’un côté et la recherche de l’autre.

D’abord, comme beaucoup de pays occidentaux désindustrialisés, on constate chez les élèves un désintérêt majeur pour la chose scientifique et une méconnaissance de la technologie. Un effort de sensibilisation doit être fait, en lien avec l’enseignement scolaire, pour combler l’attrition programmée des candidats vers les métiers industriels.

Ensuite, trop de formations universitaires débouchent sur une insertion professionnelle sans lien avec les études et déconnectée des besoins réels du pays. Il doit y avoir une meilleure adéquation en la matière, pas seulement dans le secondaire, mais aussi dans le supérieur.

Enfin, les entretiens ont montré les effets négatifs d’une politique publique menant systématiquement à la mastérisation. Or nombre de secteurs manquent surtout de techniciens, de niveau bac + 3, et pas seulement de bac + 5. Du même coup, des compétences de bac + 5 sont utilisées à des postes de de bac + 3. Cela produit un sentiment de déclassement et une frustration légitime.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Recherche). En préambule, je voudrais exprimer une intime conviction : la science est menacée, alors que nous n’avons jamais eu autant besoin du savoir scientifique. Ce savoir est utile pour atténuer le changement climatique, limiter l’effondrement de la biodiversité ou développer les énergies renouvelables. Il est également utile pour combattre les préjugés sexistes, racistes ou homophobes et trouver des solutions pour aller vers une société plus émancipatrice et plus juste socialement. Enfin, ce savoir est indispensable pour le bon fonctionnement de la démocratie. Comment les citoyens et leurs représentants peuvent-ils prendre les bonnes décisions, si nous ne pouvons plus nous appuyer sur des faits solidement établis ?

Or le champ scientifique est menacé. Les libertés académiques et pédagogiques ont été rognées par des décennies de politiques néolibérales qui soumettent les scientifiques à des orientations politiques et les rendent esclaves des appels à projets et du « publish or perish », « publier ou périr ».

Mais aujourd’hui, la menace est encore plus grande, avec une attaque directe des scientifiques par l’extrême droite. Aux États-Unis, les budgets des scientifiques ont été divisés par deux. L’administration Trump fait licencier des professeurs à Berkeley pour leur opinion politique. C’est dans ce contexte préoccupant de chasse aux sorcières que nous examinons ce budget de la recherche.

Or l’examen des crédits de la recherche pour 2026 appelle un constat sans détour : ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux. La trajectoire fixée par la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020 n’est même pas respectée. Ce budget, loin de combler les retards accumulés, entérine une stagnation préoccupante des moyens alloués à la recherche publique.

Il ne tient pas davantage compte du déficit de financement croissant des opérateurs de recherche, confrontés à d’importants surcoûts structurels non compensés. Ce point, j’y reviendrai, constitue sans nul doute l’un des principaux manquements de ce budget. Il révèle l’important « coût caché » du désinvestissement de l’État, celui qui n’apparaît pas dans le projet de loi de finances mais qui en dit long sur l’état de notre recherche et sur ce que nous pouvons légitimement en attendre pour 2026.

Avant d’entrer dans les détails, il est utile de rappeler le périmètre de cet avis. Celui-ci ne couvre qu’une partie de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur. Les crédits de la recherche se répartissent entre deux volets : l’action 17 du programme 150, laquelle finance la recherche universitaire, et le programme 172, qui concentre l’essentiel de l’effort public en matière de recherche et finance une partie des organismes nationaux, comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Les crédits de la recherche s’élèvent, pour 2026, à 12,9 milliards d’euros en AE et 12,58 milliards en CP, soit des montants quasi constants par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Les crédits de l’action 17 du programme 150 s’établissent à 4,3 milliards, en hausse de 1,4 %. Les crédits du programme 172 s’établissant, quant à eux, à 8,5 milliards en AE et 8,2 milliards en CP, restent presque inchangés par rapport à 2025. En tout, sur le périmètre de l’avis, ce PLF ne concrétise que près d’un quart du montant programmé par la LPR. Il y a là un problème ! Nous avons voté une loi de programmation pluriannuelle, mais pour l’instant, les crédits qui nous sont proposés ne la respectent pas.

Les écarts sont parlants. Pour le programme 172, la LPR prévoyait 361 millions de CP supplémentaires, mais le PLF pour 2026 n’en prévoit que 44 millions. Pour l’action 17 du programme 150, 108 millions supplémentaires étaient attendus, mais le PLF n’en concrétise que 88 millions.

À cela s’ajoutent les écarts cumulés des années précédentes et les mesures de régulation budgétaire intervenues cette année, qui ont durement frappé les crédits de la recherche. Ce sont ainsi 307,11 millions en AE qui ont été annulées en février pour le programme 172.

Par ailleurs, la situation financière des opérateurs de recherche reste particulièrement tendue. Comme pour 2025, le taux de contribution employeur au CAS Pensions sera relevé de 4 points, passant de 78,6 % à 82,26 %. Cette mesure se traduira, pour les organismes de recherche, par une augmentation mécanique de leurs charges de personnel et réduira d’autant leurs marges budgétaires. Alors que le coût de cette mesure est évalué à 200 millions par France Universités, le PLF pour 2026 ne prévoit sa compensation qu’à hauteur de 80,9 millions. Pour les organismes de recherche, la compensation prévue s’élève à 11,5 millions, alors que le coût réel est chiffré à 67,7 millions d’euros.

Déjà fragilisés par l’inflation et les surcoûts liés au mesures Guérini, les organismes de recherche sont contraints de puiser dans leur trésorerie, au risque de peser sur l’activité de leurs laboratoires et leurs emplois. J’insiste sur un point souvent mal compris : certains remettent en cause ce constat, en avançant que les organismes de recherche disposent d’une trésorerie confortable. Il en va de même pour l’ANR. En réalité, c’est une erreur. Une grande part de leur trésorerie est fléchée, afin de financer les projets de recherche sélectionnés dans le cadre pluriannuel des appels à projets français, mais aussi européens. En effet, ils prépositionnent de l’argent engagé par l’Europe.

L’inaction à un coût. Ne pas investir dans la recherche aujourd’hui, c’est retarder la transition écologique et numérique, affaiblir notre système de santé et perdre en souveraineté industrielle. Voilà les risques auxquels nous nous exposons.

Force est de le constater, la France ne cesse de voir sa place reculer sur la scène scientifique internationale. Je rappellerai quelques chiffres. On l’a peut-être oublié, mais en 1993, la France figurait à la quatrième place parmi les pays de l’OCDE en matière de recherche. Depuis, elle est passée à la quinzième place.

La part du financement en recherche et développement, public comme privé, stagne à 2,19 % du PIB, bien en deçà de l’effort de 3,3 % fourni par l’Allemagne, de celui de 3,44 % fourni par le Japon ou de celui de 2,58 % de la Chine. Ce constat est sans appel : il est la conséquence de choix politiques qui ont considéré trop souvent la recherche comme un domaine non essentiel, une variable d’ajustement budgétaire.

Le manque de moyens se traduit par une nette dégradation des conditions de travail au sein des laboratoires. Tel est l’objet du rapport thématique qui accompagnera cet avis budgétaire, intitulé : « La recherche malade du management : comment repenser nos modèles de financement, d’évaluation et de publication ? »

Nous avons auditionné de nombreux acteurs et mis en évidence les dysfonctionnements structurels dans l’organisation de la recherche qui affectent, en retour, la santé physique et mentale des chercheurs et de tous les personnels, techniciens et administratifs, qui travaillent dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Les trois axes principaux abordés dans la partie thématique du rapport traduisent les remontées du terrain des acteurs.

Le premier concerne le modèle de financement. Le financement par appels à projets a remplacé intégralement les financements récurrents des laboratoires. Ce modèle accentue les disparités de dotations entre les unités de recherche et génère un véritable fardeau administratif pour les chercheurs, dont une part importante du temps de travail est désormais consacrée au montage de projets – et tout cela, au détriment de la recherche. Dans ces conditions, il apparaît urgent de renouer avec le financement récurrent des laboratoires – j’aurai des amendements en ce sens – et de réduire drastiquement la place donnée aux appels à projets.

Le deuxième axe est l’organisation de l’évaluation de la recherche. C’est une source de préoccupation majeure. La logique de performance et de rentabilité a des effets délétères, favorisant le harcèlement au sein des collectifs de recherche et des dérives éthiques qui vont jusqu’au vol et la falsification des données. Elles sont parfois moins graves que cela, mais la science est toujours impactée.

Les personnes auditionnées ont remis en cause les évaluations conduites par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), dont la suppression a par ailleurs été votée en première lecture du projet de loi de simplification de la vie économique, déposé le 23 octobre 2024. Les évaluations du Hcéres, standardisées, chronophages et peu adaptées à la réalité des travaux scientifiques, alourdissent encore plus la charge administrative qui pèse sur les chercheurs. J’estime qu’il faut revenir à une évaluation « conseil », entre pairs, menée par les établissements et plus particulièrement leurs institutions élues – le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) pour le CNRS, les comités scientifiques spécialisés (CSS) pour l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Inserm, et la Commission permanente du Conseil national des universités (CP-CNU) pour les universités.

Enfin, l’enjeu de la publication scientifique doit aussi être abordé. Le diktat du « publier ou périr », créé par l’évaluation bibliométrique, a engendré un véritable marché de la publication scientifique, dans lequel ont prospéré des revues prédatrices de faible qualité. La mise en place d’un service public de la publication ouverte garantirait la qualité scientifique et la diffusion fiable du savoir à tous. C’est un enjeu démocratique majeur.

L’ensemble de ces dysfonctionnements affaiblissent la recherche et contribuent à l’augmentation des risques psychosociaux, à l’abandon de projets et à des situations de harcèlement.

Il apparaît clairement que les crédits de la recherche pour 2026, en laissant sans réponse les difficultés des organismes de recherche et en précarisant davantage les chercheurs, ne permettent pas de répondre à ces difficultés. Au contraire, ils les accentuent. Aussi, compte tenu du net écart entre les enjeux actuels et les moyens prévus, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la recherche inscrits au sein du budget de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires).

J’attire votre attention quant au fait que des moyens et des marges existent. En particulier, les 8 milliards d’euros prévus au titre du crédit d’impôt recherche (CIR) ont démontré leur inefficacité rapport après rapport.

Monsieur le ministre, alors que les organismes de recherche sont au bord de l’asphyxie budgétaire, quelles mesures comptez-vous mettre en place pour garantir leur soutenabilité budgétaire ? Sans cela, le CNRS et l’Inrae nous ont dit qu’ils diminueraient le nombre de postes ouverts aux concours.

Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre en matière d’évaluation, de crédits récurrents et de titularisation des contrats précaires, pour en finir avec la souffrance au travail ?

J’espère que de nombreux amendements permettront d’améliorer ce projet de loi de finances.

Mme Delphine Lingemann, présidente.  Nous suspendons nos travaux pour aller voter sur le texte issu de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique visant à reporter les élections en Nouvelle-Calédonie.

 

(La réunion est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures trente.)

 

Mme Delphine Lingemann, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Thierry Perez (RN). Le groupe Rassemblement national partage pleinement l’objectif du rayonnement scientifique et intellectuel de la France. Mais ce budget soulève plusieurs interrogations majeures, car il s’éloigne des priorités que devrait suivre une grande nation scientifique.

D’abord, la dispersion des moyens reste préoccupante. Nous voyons se multiplier les agences, les observatoires, les instituts, souvent aux missions proches ou redondantes. Ces structures absorbent des ressources précieuses en frais de fonctionnement et en pilotage, au détriment de la clarté des priorités et de l’efficacité budgétaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause le travail remarquable des chercheurs, mais de rappeler que la complexité administrative pèse sur eux, détourne du temps et des moyens, et dilue les objectifs stratégiques.

Ensuite, nous regrettons un déséquilibre dans les choix d’investissement. Certains secteurs essentiels voient leurs crédits s’éroder, en particulier la recherche nucléaire, pourtant vitale pour notre indépendance énergétique et pour la réindustrialisation du pays. Dans le même temps, des financements conséquents continuent d’être dirigés vers des filières comme l’éolien, dont la pertinence scientifique et stratégique est pour le moins discutable. À l’heure où la souveraineté énergétique redevient un enjeu mondial, ces arbitrages paraissent contraires à l’intérêt national.

Plus largement, la France ne manque ni de chercheurs ni d’idées. Elle manque d’une stratégie claire, recentrée sur les domaines dans lesquels elle peut redevenir une puissance de premier rang : le nucléaire civil, la santé, l’intelligence artificielle, l’aéronautique et l’agriculture innovante. Le programme du Rassemblement national propose de concentrer les moyens sur ces priorités, de renforcer les crédits directs aux laboratoires et de simplifier les structures pour libérer la recherche.

Enfin, il faut évoquer la question de la liberté académique. Elle est l’un des fondements de la recherche, mais elle se trouve fragilisée. De plus en plus souvent, des pressions idéologiques s’exercent dans les universités, marginalisant la rigueur scientifique au profit de postures militantes. Ces dérives sont contraires à la vocation du monde universitaire, qui doit rester un lieu de savoir et de débat libre, et non d’endoctrinement.

Monsieur le ministre, ce budget aurait pu être l’occasion de réaffirmer une ambition scientifique nationale, exigeante, rationnelle et souveraine. Car, comme le rappelait Louis Pasteur, « la science n’a pas de patrie, parce que le savoir est le patrimoine de l’humanité (…) ». Mais le savant doit à sa patrie le premier usage de son savoir. C’est pourquoi nous souhaitons rendre à la France la place qu’elle mérite, celle d’une nation qui croit encore à la science, à la vérité et à la liberté de l’esprit.

M. Christophe Marion (EPR). Je salue votre volonté de maintenir, pour ce budget, un équilibre qui n’est pas simple à trouver, en tenant compte à la fois du contexte budgétaire contraint que nous connaissons, de la nécessité de préserver les crédits de la Mires, en hausse de 1,8 % et de stabiliser les emplois des opérateurs. Cet accroissement du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche permet la mise en œuvre de la LPR de 2020. Même si sa trajectoire n’est pas scrupuleusement suivie, ce PLF lui alloue 87 millions, soit plus de 80 % de ce qui était prévu. Cette dotation assurera la poursuite de la revalorisation des jeunes chercheurs et des doctorants, ou encore la création de chaires de professeurs juniors.

L’augmentation du budget de la Mires financera aussi l’application de la réforme de la formation initiale des enseignants.

Par ailleurs, nous apprécions l’ambition présentée de territorialiser l’enseignement supérieur, de renforcer les liens avec les partenaires, notamment les collectivités, par le déploiement de nouveaux contrats d’objectifs, accompagnés d’une enveloppe de 44,5 millions d’euros, et par la pérennisation de l’expérimentation des campus connectés.

Enfin, nous saluons l’augmentation conséquente des crédits alloués au programme sur la recherche en matière économique et industrielle qui, par un soutien accru à l’innovation, doit permettre la résilience de notre économie.

Néanmoins, nous partageons certaines des réserves exprimées par les rapporteurs et par les acteurs concernés. La non-compensation de certaines dépenses très coûteuses nous apparaît dangereuse, notamment pour les universités sous-dotées les plus en difficulté – le modèle de répartition des moyens en fragilise une dizaine plus particulièrement. Celle de Tours estime, par exemple, que la non-compensation complète du relèvement de 4 points du taux de contribution au CAS Pensions représenterait un coût de 1,4 million.

Monsieur le ministre, je vous sais conscient de ces risques, puisque vous prévoyez de compenser une partie du surcoût. Les enveloppes prévues sont indispensables, mais insuffisantes, car à ces coûts s’ajoutent d’autres dépenses non entièrement compensées, comme les mesures Guérini, les effets du glissement vieillesse technicité (GVT) ou la protection sociale complémentaire en santé et en prévoyance, dont le financement reste inconnu.

Nous regrettons également la non-indexation des barèmes des bourses sur l’inflation, dont les effets sur la précarité étudiante seront sensibles, alors même que ce PLF œuvre pour le pouvoir d’achat des étudiants en finançant la pérennisation des repas à 1 euro et du tarif social à 3,30 euros.

Enfin, nous nous interrogeons sur le financement des appels à projets portés par l’ANR, alors que les crédits baissent en AE et en CP.

Les députés de mon groupe soutiendront votre proposition budgétaire, mais nous ne nous interdirons pas de défendre des amendements pour apporter des réponses aux fragilités précitées.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je souhaite vous indiquer à quel point, en matière d’enseignement supérieur, ce projet de loi de finances pour 2026 nous inquiète. Si les moyens alloués à l’enseignement supérieur et à la recherche sont en légère hausse, et nous le saluons, ces chiffres n’ont rien de rassurant. Cette mission recouvre des enjeux multiples – la formation, la vie étudiante et la recherche – et malgré certaines hausses, le nombre important de coupes budgétaires ne nous a pas échappé.

D’abord, nous ne pouvons que nous opposer à la logique de votre gouvernement visant à vous attaquer aux étudiants internationaux. Alors qu’ils sont déjà précarisés par leur difficulté d’accès aux prestations sociales, vous ne faites que rendre plus difficile leur accueil en retirant l’aide personnalisée au logement (APL) aux étudiants non boursiers alors que, nous le savons, 80 % des étudiants internationaux sont non boursiers. Notre pays doit rester une terre d’accueil : ne nous proposez pas une logique inverse.

Ensuite, à l’heure où l’expression « précarité étudiante » est pour la première fois mentionnée dans ce projet de loi de finances, la politique proposée pour lutter contre cette dernière semble insuffisante. Depuis quelques années, l’ensemble des organisations étudiantes souhaitent une réforme structurelle des bourses – je souligne l’adjectif « structurelle ». Elle avait été entamée par Mme Sylvie Retailleau, mais sa deuxième partie est toujours attendue. Nous demandons au moins une indexation des montants sur l’inflation et des barèmes sur le Smic. Ne pensez-vous pas que ce premier pas serait l’illustration d’une volonté d’avancer pour réellement lutter contre la précarité ?

En matière de restauration universitaire, permettez-moi également de vous alerter sur la situation des étudiants. Deux ans seulement après le vote de la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré dite « loi Lévi », le projet de loi de finances ne semble plus doter ce dispositif de la même façon. Où sont passés les 13,3 millions d’euros présents dans le PLF pour 2025 et qui ont disparu de celui pour 2026 ?

La restauration est une priorité majeure, qui doit être assurée par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) en tant qu’opérateur. C’est pour cette raison que nous continuons à défendre le repas à 1 euro pour tous les étudiants.

Enfin, j’appelle votre attention sur les différentes compensations attendues par les communautés universitaires – le CAS Pensions, les mesures Guérini et la protection sociale complémentaire. Depuis plusieurs années, le contexte budgétaire des universités est très fragile. Ainsi, une nouvelle absence de compensation de ces mesures crée une énième charge, difficilement supportable pour les universités. Alors qu’elles sont des lieux d’accueil et d’émancipation, ces surcoûts pourraient considérablement dégrader la mise en œuvre de leur mission de service public, impactant l’avenir de la jeunesse.

Ainsi, si ce nouveau régime collectif nous semble positif, nous considérons que la charge ne doit pas reposer sur les universités, mais que l’État doit y contribuer. Comment comptez-vous assumer cette charge ?

Mme Frédérique Meunier (DR). Les crédits alloués à la mission Enseignement supérieur et recherche sont de 31,25 milliards d’euros pour 2026, alors qu’ils étaient de 30,59 milliards en 2025. Le gouvernement annonce que cette hausse permettra de poursuivre le déploiement des mesures déjà engagées de la loi de programmation de la recherche pour 2021-2030. Vous avez parlé de gage de stabilité.

Depuis la crise du covid-19, la situation financière de certains étudiants a été mise en lumière. Les dernières enquêtes indiquent que le coût de la vie étudiante – logement, électricité, alimentation, produits d’hygiène et d’entretien – enregistre une hausse de 2,25 % en 2024. Cette augmentation des prix intervient dans un contexte de grande difficulté pour certains étudiants, qui n’ont plus aucune marge pour financer leur vie de tous les jours, sans parler des extras comme l’accès au numérique, au sport ou à la culture.

Le gouvernement annonce que l’une des priorités de ce budget est la lutte contre la précarité étudiante, avec la poursuite du ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers, le déploiement progressif d’une aide financière individuelle, l’éternel rehaussement des moyens des Crous, la poursuite de l’effort de réhabilitation des logements en résidence étudiante et le financement de la construction de nouvelles places.

La question de l’accès au logement est également au cœur des inquiétudes de nos étudiants. En 2021, au niveau national, seulement 6 % des étudiants bénéficiaient d’un logement Crous. Le plan Campus a-t-il permis de loger plus d’étudiants ? Avez-vous des chiffres récents ?

Le PLF prévoit plusieurs mesures qui risquent d’avoir un réel impact sur les étudiants ainsi que sur leurs familles : non-revalorisation des APL, suppression de la réduction d’impôts pour les frais de scolarité. Ces mesures auront un impact sur la situation financière des étudiants et les obligeront à exercer une activité rémunérée. Comment le gouvernement peut-il concilier son discours de lutte contre la précarité des étudiants avec l’annonce de mesures qui réduiront leur pourvoir d’achat et dégraderont leurs conditions de vie ?

L’état financier de nos universités est de plus en plus inquiétant. Presque toutes perdent désormais de l’argent, et certaines pensent à réduire leur offre de formation. Au total, soixante universités sur soixante-quatorze présentent un budget initial en déficit pour 2025. Que comptez-vous faire pour les accompagner ?

Enfin, je voudrais évoquer le Pass santé mentale. Ce dispositif expérimental proposé par le lycée Armand David, à Hasparren près de Bayonne, vise à accompagner les jeunes dans toute démarche en lien avec leur santé mentale, en association avec l’État, l’agence régionale de santé (ARS), l’Observatoire régional de la santé, le Conseil régional des jeunes, la région Nouvelle-Aquitaine et le centre hospitalier de la côte basque, sans oublier d’autres acteurs publics et associatifs. Pensez-vous que ce Pass pourrait un jour exister partout ?

M. Alexis Corbière (EcoS). Ce que je vais dire s’inscrira dans la continuité des propos du rapporteur Hendrik Davi. Mon groupe et moi sommes en désaccord profond avec l’orientation budgétaire du projet de loi de finances pour 2026, et en particulier avec ses conséquences pour l’enseignement supérieur et la recherche. En réalité, c’est un budget, non pas de stabilisation, mais de recul.

Le budget de la mission s’élève à environ 31,4 milliards d’euros en CP. Mais, dans le périmètre du ministère de l’enseignement supérieur, à savoir les programmes 150, 170, 172 et 231, il s’élève à 27 milliards d’euros. À première vue, on peut dire qu’il y a une augmentation de 566 millions. Mais, en réalité, c’est une hausse très marginale, qui ne correspond même pas à l’inflation. C’est donc un recul de moyens structurels pour l’enseignement supérieur.

Quitte à être redondant, je reviens sur ce que disait Hendrick Davi, car c’est au cœur du désaccord que nous avons avec le PLF. Le dispositif du CIR, au sujet duquel j’avais présenté un rapport l’an dernier, permet aux entreprises de déduire jusqu’à 30 % des dépenses de recherche et de développement à hauteur de 100 millions par an – en comparaison avec nos voisins européens, c’est un niveau inégalé. Concrètement, il coûte 7,8 milliards d’euros à la nation. Il ne fait que gonfler les marges des grandes entreprises et c’est une aubaine pour les multinationales. En outre, toutes les études démontrent qu’il n’encourage pas vraiment la recherche, qui reste à un niveau classique, quels que soient les dispositifs.

Le CNRS, fleuron de la recherche, a un budget de 3,6 milliards. Mais celui consacré au seul CIR, pour la recherche privée, représente plus du double. Il y a là quelque chose de choquant.

Par ailleurs, beaucoup a été dit sur la dégradation des conditions matérielles étudiantes et sur le mauvais état du parc immobilier universitaire. Un bâtiment sur dix qui reçoit du public n’est plus aux normes de sécurité ! En 2017, le président de la République – rappelez-vous, il s’appelait Emmanuel Macron – avait promis 60 000 nouvelles places de logements étudiants. On est à peine à 20 000 places aujourd’hui.

Les grands enjeux du XXIe siècle portent sur la recherche et l’innovation. C’est là que se jouera l’avenir de l’humanité. Mais qui pilotera la recherche ?  S’agira-t-il, comme ce fut le cas à une époque, de la puissance publique, dénuée de la pression d’intérêts privés ? Il faut alors lui consacrer un budget ambitieux. Ou ce pilotage sera-t-il livré aux mains de groupes privés qui confondront l’intérêt général de l’humanité avec leurs intérêts propres ?

Non seulement le budget que vous proposez ne permet pas de relever le pari d’un pilotage par la puissance publique, mais on a le sentiment qu’il consacre l’idée que la recherche sera entre les mains d’intérêts privés, avec toutes les menaces que cela fait peser. Ce qui se passe aux États-Unis démontre que les leaders de la recherche défendent désormais non seulement des intérêts privés, mais une vision idéologique de l’avenir particulièrement inquiétante.

M. Frantz Gumbs (Dem). Notre groupe prend acte de la hausse des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur, porté à plus de 31,2 milliards d’euros. Cette progression prolonge l’effort engagé par la loi de programmation de la recherche, et traduit la volonté du gouvernement de soutenir la connaissance et l’innovation.

Mais, au-delà des chiffres, ce budget doit être évalué à l’aune de deux exigences : l’indépendance de notre système d’évaluation et la justice sociale pour nos étudiants. Sur ces deux points, des interrogations demeurent.

La première concerne la suppression du Hcéres dans le cadre du projet de loi de simplification. Ce Haut Conseil garantissait un regard indépendant sur la qualité de nos universités, de nos écoles et de nos laboratoires. Il assurait l’équité entre les établissements publics et privés, la transparence des formations et la crédibilité internationale de notre enseignement supérieur. Sa disparition ferait peser un risque sur le contrôle public, alors même qu’un projet de loi sur la régulation de l’enseignement supérieur privé est annoncé. Comment justifier la suppression de cet organe avant même le renforcement du cadre de régulation ? À quelle date ce texte sera-t-il présenté en Conseil des ministres, puis examiné par notre assemblée ? Nous souhaitons des garanties quant au maintien d’une évaluation rigoureuse et indépendante.

Une autre interrogation porte sur la réforme des bourses étudiantes, que la fédération des associations générales étudiantes (Fage) qualifie, à juste titre, de priorité absolue.

Le budget pour 2026 prolonge certaines avancées, comme le ticket Crous à 1 euro pour les boursiers, le gel du tarif social ou le renforcement des moyens des Crous. Mais cela ne répond plus à la réalité de la précarité étudiante. Malgré la réforme de 2023, les bourses ne sont toujours pas indexées sur l’inflation, ce qui entraîne une érosion du pouvoir d’achat et une baisse du nombre de bénéficiaires. La Fage propose d’élargir le dispositif à un million d’étudiants, d’indexer les plafonds sur le Smic, de mieux accompagner les non-boursiers et d’améliorer la gestion des bourses sanitaires et sociales. Ces pistes sont pragmatiques et justes.

Ce budget doit s’accompagner d’une ambition renouvelée. Notre groupe soutiendra les mesures qui renforceront la transparence, la qualité de l’évaluation et l’égalité des chances pour tous les étudiants, parce qu’investir dans la connaissance, c’est investir dans la cohésion sociale, la justice sociale et l’avenir de notre jeunesse.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Cette audition est l’occasion de rappeler combien l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation sont au cœur de notre avenir collectif. La France compte plus de 3 millions d’étudiants. Nous allons évoquer leurs conditions de vie et de travail, leurs débouchés professionnels, leurs logements et leur mobilité. Il est essentiel de ne pas oublier leur santé mentale, qui représente un enjeu de société à part entière alors qu’un étudiant sur trois estime rencontrer des problèmes de cet ordre. La santé mentale des étudiants donne déjà lieu à de nombreux dispositifs d’accompagnement. Compte tenu des récentes études, quels éléments concrets supplémentaires sont prévus dans ce budget pour lutter contre ce fléau ?

Le récent prix Nobel de Michel Devoret nous a rappelé, s’il en était besoin, que notre pays regorge de talents. Par des milliers de chercheurs et par une politique d’investissement, la France dispose d’une importante capacité de recherche publique et de dépôt de brevets. C’est un atout économique et compétitif, dans un environnement mondialisé et d’évolution technologique rapide. Les réalités budgétaires ne devront pas tarir cette richesse.

Parce que le savoir est plus que jamais notre première richesse nationale, les députés Horizons & Indépendants seront particulièrement attentifs au maintien des investissements dans le domaine de la recherche et de l’innovation.

Il y a six mois, l’initiative Choisir l’Europe pour la science incitait les scientifiques à choisir la France et l’Europe pour exercer leurs talents. C’est une réponse aux atteintes aux libertés académiques qui se multiplient dans le monde. Quels sont les résultats déjà obtenus ? Comment ces efforts se traduisent-ils sur le terrain ?

Je m’interroge également sur les capacités de nos grands opérateurs de recherche à accueillir ces talents internationaux. Le budget pour 2026 permet-il aux opérateurs nationaux, compte tenu de leur plafond d’emplois et des subventions pour charge de service public, de saisir les occasions tout en conservant nos chercheurs nationaux ?

M. Joël Bruneau (LIOT). Ce budget préserve l’essentiel, sans pour autant répondre à tous les enjeux. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est aussi la conséquence de la difficulté collective à privilégier l’avenir de la nation plutôt que de répondre aux demandes du présent, parfois plus ou moins justifiées – quitte, d’ailleurs, à financer ces réponses immédiates par la dette.

Dans ce contexte global, je relèverai quatre inquiétudes sous forme de questions, sans ordre de priorité entre les unes et les autres.

D’abord, est-il raisonnable de bloquer le niveau des bourses et de ne pas tenir compte de l’inflation ? Une réflexion globale sur l’accompagnement des étudiants issus des milieux les plus modestes devient urgente si l’on ne veut pas se contenter d’un système qui reproduit largement les inégalités socioculturelles et géographiques. Seuls 20 % des jeunes issus de milieux ruraux sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 32 % en moyenne nationale.

Ensuite, comment lutter contre ce vaste gaspillage, d’abord humain puis financier, que l’on a tendance à trop peu regarder, que constitue le taux d’échec des primo-étudiants ? Seuls 36 % des jeunes bacheliers obtiennent la licence en trois ans et sur les 950 000 étudiants qui sont entrés à l’université en septembre dernier, moins de 1 sur 2 aura obtenu son diplôme en 2030.

Troisième question et inquiétude, comment rétablir l’équité entre les universités, dont les conditions de dévolution de leur patrimoine n’ont pas été les mêmes selon les périodes auxquelles cette dévolution a pu être accordée ? Certaines ont reçu une soulte de l’État, d’autres non. Ne pourrait-on pas au moins leur accorder la possibilité de récupérer la TVA sur les travaux qu’elles réalisent pour leurs bâtiments – et ce, d’autant que ces travaux sont largement subventionnés par les collectivités locales ?

Enfin, si les crédits de la recherche sont globalement maintenus, ils restent en deçà du niveau prévu par la LPR et très en dessous de l’objectif global des 3 % de PIB consacrés à la recherche. Cela obère notre capacité d’innovation, donc de croissance à moyen et long terme, même s’il ne suffit pas de dépenser de l’argent pour être efficace. J’y vois encore une illustration de notre difficulté collective à faire de vrais choix en matière de dépenses publiques en général. Ne faudrait-il pas, en ces temps difficiles sur le plan budgétaire, faire de vrais choix au sein des budgets pour la recherche, donnant la priorité aux disciplines les plus porteuses et celles dans lesquelles la France bénéficie d’une avance ou est la plus en pointe ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’enseignement supérieur et la recherche sont de nouveau victimes d’une politique budgétaire qui refuse de regarder la réalité en face, une politique qui ferme les yeux sur la précarité étudiante – qui n’a fait que s’aggraver sous le mandat d’Emmanuel Macron –, sur le déficit provoqué par le définancement organisé de nos universités et sur les moyens indispensables pour que la massification de l’enseignement supérieur devienne enfin une réelle démocratisation.

Le budget pour 2026 s’éloigne de la trajectoire fixée par la LPR. Ce décalage n’est pas neutre, il transfère des charges supplémentaires et croissantes vers les établissements, alors que 80 % des universités ont déjà adopté des budgets en déficit l’an dernier. C’est une asphyxie budgétaire organisée.

Dans le même temps, aucune politique ambitieuse n’est engagée pour augmenter les capacités d’accueil en licence et en master. Pourtant, le constat est partagé : sans l’ouverture de places supplémentaires, sans création d’emplois pérennes et sans renforcement de l’encadrement, la démocratisation de l’enseignement supérieur restera un slogan.

Le programme consacré à la vie étudiante illustre parfaitement cette logique d’abandon. Les aides directes reculent de 35 millions d’euros. C’est une coupe brutale, dans un contexte où près d’un étudiant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. La justification avancée par le ministère serait une baisse anticipée du nombre de boursiers. Mais à qui la faute ?

Chaque année, des milliers d’étudiants sortent du dispositif, non parce que les conditions de vie se sont améliorées, mais parce que les barèmes de bourse, figés depuis plus de 15 ans, n’ont été réévalués qu’à deux reprises, sans rapport avec l’évolution du coût de la vie. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements.

Cette mécanique entretient une véritable spirale d’exclusion. Derrière les chiffres, c’est tout le réseau des œuvres universitaires et sociales qui s’étiole. Les équipes des Crous n’ont plus les moyens de traiter les dossiers à temps. Les retards s’accumulent et les étudiants attendent des semaines, parfois des mois, pour percevoir une bourse, trouver un logement ou accéder à la restauration sociale. Les places en résidence sont saturées et le parc privé absorbe la demande à des prix exorbitants, notamment dans les grandes métropoles.

Soyons lucides, ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux.

L’enseignement supérieur et la recherche devraient être au cœur d’un véritable projet de société fondé sur la connaissance, sur la justice sociale et sur l’émancipation. Or le budget qui nous est soumis prolonge la logique inverse, celle de la contrainte comptable du désengagement de l’État et, au fond, du renoncement. Il faudra donc profondément transformer la copie qui nous est présentée pour qu’elle devienne acceptable.

Les députés communistes et progressistes ultramarins du groupe GDR refusent cette logique de résignation. Nous défendrons un budget de transformation à la hauteur de la crise sociale et universitaire que traverse notre pays, un budget qui reconnaisse la jeunesse non pas comme un coût, mais comme une richesse, une force vive porteuse d’avenir pour la nation.

M. Maxime Michelet (UDR). En dix ans, le nombre d’étudiants est passé de 2,5 millions à 3 millions, soit une augmentation de 20 %. Sur la même période, le budget de l’enseignement supérieur a lui aussi progressé de 20 %. Vous nous direz sans doute qu’il s’est adapté à la hausse du nombre d’étudiants, mais il n’en est rien. Cette progression en euro courant est, en euro constant, une stagnation.

Pris en étau entre la vitalité de la démographie étudiante et la léthargie de ses moyens, l’enseignement supérieur souffre de devoir absorber toujours plus d’étudiants avec toujours autant de moyens. D’aucuns vous appelleront à allouer davantage de moyens, en considérant que nos universités font face à une déficience de l’offre et qu’il existerait quasiment un droit à l’enseignement supérieur ou au diplôme. Pour notre part, à l’UDR, nous ne considérons pas la crise de l’enseignement supérieur comme une crise de l’offre, mais comme une crise de la demande – une demande désordonnée, disproportionnée.

La supposée démocratisation du savoir n’aura été, en réalité, qu’une massification de l’échec, une entreprise démagogique qui a produit chaque année des cortèges de surdiplômés désœuvrés.

Avec 53 % des jeunes qui décrochent un diplôme de l’enseignement supérieur, la France a l’un des taux de qualification les plus élevés de l’OCDE. En revanche, les taux de littératie de ces mêmes diplômés sont parmi les plus bas, tout comme les taux de satisfaction quant au salaire ou à la mobilisation des compétences acquises. L’insertion de nombre de nos diplômés laisse à désirer.

La France n’a jamais compté autant d’étudiants, elle n’a jamais donné autant de diplômes, mais jamais nos diplômes n’ont eu aussi peu de valeur.

Pour augmenter les moyens alloués par étudiant, qui sont en baisse constante depuis dix ans, l’enseignement supérieur doit s’emparer de deux leviers essentiels : la sélection, en assumant la démassification, mais aussi le niveau des droits d’inscription. Alors que le coût moyen d’un étudiant s’établit à 12 250 euros, la moyenne des droits d’inscription est de 310 euros. Le reste à charge pour le contribuable est considérable, pour des résultats plus qu’insuffisants.

La France fait pourtant figure d’exception, car de nombreux pays pratiquent des droits de scolarité moyens plus élevés sans rien avoir abandonné de leurs ambitions sociales, de leurs exigences académiques ou de leur attractivité internationale, bien au contraire. Ces droits s’élèvent à 2 500 euros en Italie, 4 800 euros au Japon, 8 200 euros au Canada et 11 300 euros en Angleterre.

Afin de garantir davantage de ressources aux établissements d’enseignement supérieur, c’est-à-dire des moyens proportionnés à leurs effectifs et à leur vocation, mais aussi afin de responsabiliser, donc de rationaliser les parcours des étudiants, la hausse des droits d’inscription ne doit pas être un tabou.

À mon grand regret, ce dernier domaine ne dépend pas du pouvoir législatif, mais de votre pouvoir réglementaire, monsieur le ministre. La hausse des droits d’inscription est-elle inscrite à votre agenda ?

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’université et la recherche sont à terre. L’augmentation de façade de 163 millions d’euros en prenant en compte l’inflation ne compensera pas la coupe de 1,3 milliard de l’année dernière.

Alors que le nombre d’étudiants augmente et compte tenu des besoins en recrutement d’enseignants-chercheurs, en lieux et en moyens, la dépense moyenne par étudiant est la plus faible depuis 2014. Jamais les étudiants n’ont eu aussi faim ! Un État qui ne s’occupe pas de sa jeunesse, qui l’affame et la paupérise est un État défaillant.

En 2024, un étudiant sur deux a sauté un repas et a eu recours à l’aide alimentaire en correctif d’un État incompétent qui pousse sa jeunesse à la porte de l’université pour alimenter un marché de l’emploi toujours plus saturé.

À Paris, le coût moyen de la vie étudiante est de 1 626 euros, alors que l’échelon le plus élevé de bourse est à 633 euros. La moitié des étudiants est obligée de se salarier pour étudier, alors que c’est la première cause d’échec à l’université.

Les redoublements que vous imposez aux étudiants en les précarisant coûtent bien plus cher que l’augmentation des bourses que nous réclamons par amendement, et que vous diminuez en ne l’indexant pas sur l’inflation, contrairement aux frais d’inscription. Au passage, on sait que c’est dans les tuyaux, ces frais pourraient augmenter tôt ou tard, et substantiellement, pour accélérer la destruction du service public de l’université – et certains ici s’en réjouissent.

Vous vous alliez avec les propositions du RN, en vous inspirant de son programme xénophobe par la suppression des APL aux étudiants internationaux, après leur avoir imposé le plan d’augmentation des frais d’inscription dit Bienvenue en France, cyniquement nommé par les tauliers d’un marché qui étrangle toujours plus les précaires. Les étudiants suffoquent et 80 % des universités ont voté un budget en déficit l’an dernier. La recherche est précarisée, alors que la plus grosse dépense fiscale de l’État, les 7,7 milliards d’euros de CIR, vient abonder les grands groupes privés et remplir les poches des actionnaires. Les enseignants vacataires et les post-doctorants composent le prolétariat d’un ESR – l’enseignement supérieur et la recherche – en proie au darwinisme social. Le capitalisme académique et scientifique, érigé en horizon indépassable des politiques publiques pseudo-réformatrices de l’ESR depuis vingt-cinq ans, achève de casser un étau de la science qui, naguère, régulait les corps savants par les valeurs d’universalisme, de partage des savoirs, de désintéressement et d’organisation de l’esprit critique.

Cette stratégie se radicalise dans la promotion de boutiques du privé lucratif, gavées de subventions à l’apprentissage, qui nagent dans l’abondance de moyens et d’incitations publiques. Vous faites croire, par le projet de loi régressif que vous avez évoqué, que vous voulez réguler et normaliser, mais vous ne faites que valider l’existence d’un marché de dupes en expansion, qui ne devrait même pas exister et sur lequel on enjoint au public de s’aligner sous prétexte qu’il n’y aurait pas d’autre possibilité.

Aucun petit pas, aucune mesure de contrôle supplémentaire dans ces établissements ne résoudra le problème. Il faudrait interdire l’ESR privé lucratif et redonner des moyens à l’ESR public pour en faire un bien commun partagé. C’est l’aiguillon de notre programme et de notre positionnement, qui nous oppose frontalement à votre projet.

M. Philippe Baptiste, ministre. Oui, notre secteur, nos universités et nos organismes de recherche ont leur lot de difficultés. Je ne le nie pas. Toutefois, je voudrais porter un message un peu moins pessimiste, en rappelant que nos universités progressent dans les différents classements internationaux, que nous accueillons de plus en plus d’étudiants internationaux – y compris non communautaires –, et que nous avons des laboratoires d’excellence de très bonne qualité et de très grandes infrastructures de recherche que nous envient tous les pays. Je pense en particulier à nos infrastructures de recherche en physique. Qu’il s’agisse du synchrotron Soleil ou de nos infrastructures à Grenoble, nous avons énormément de grands équipements. Nous dispensons des formations de très bonne qualité. Nous avons mentionné les écoles d’ingénieurs, mais ce ne sont pas les seules. C’est vrai aussi dans de nombreux autres domaines.

Ainsi, sans nier les difficultés, il me semble important de rappeler nos motifs de fierté s’agissant du travail conduit dans les universités, dans les amphithéâtres et dans les laboratoires par des enseignants-chercheurs, des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens qui œuvrent au quotidien au rayonnement de l’enseignement supérieur et de la recherche, en France et en Europe.

J’en viens aux questions relatives aux libertés académiques et aux dangers de la situation actuelle. Je me suis exprimé à de nombreuses reprises sur ce point : la liberté académique est menacée dans le monde. Il faut le reconnaître et ne renoncer à rien de ce qu’est la liberté académique des uns et des autres. Celle-ci est évidemment encadrée par la loi, ce qui impose de la borner et de n’accepter aucun débordement. Mais elle est fondamentale dans les universités, et il ne faut absolument pas reculer sur ce point.

S’agissant de la régulation du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et du Hcéres, dans la mesure où les établissements bénéficient d’une très large autonomie – précisément liée à la liberté académique –, il est essentiel de pouvoir les évaluer pour identifier ce qui fonctionne ou non mais aussi pour décider des financements. Ce regard doit être porté par des institutions indépendantes. En l’occurrence, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est une autorité administrative indépendante. Certes, on peut discuter de son fonctionnement, qui est d’ailleurs en train d’être réformé par sa nouvelle présidente, qui entend le simplifier et le « débureaucratiser » comme j’ai pu l’entendre – je suis prêt à accepter ce terme. Mais le principe d’une évaluation indépendante est fondamental et doit être préservé si l’on veut défendre la liberté académique.

Il a été suggéré de créer une forme de service public de la publication, face à la pression du « publier ou périr ». Celle-ci existe en effet en France comme dans de nombreux pays. Je ne crois pas cependant que la réponse réside dans un service public national de la publication. La recherche est internationale. Il n’est pas de recherche de qualité qui soit régionale ou même nationale. La recherche académique la plus amont se place dans une compétition internationale. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas traiter le problème du « publish or perish ». Des discussions sont en cours avec les universités et les organismes, pour gérer les promotions non pas en comptant les publications, mais en regardant leur qualité et en entrant dans le détail.

S’agissant de la stratégie, des choix et des priorités données à certains domaines, plus la recherche est amont, plus il faut laisser de liberté et d’autonomie aux chercheurs et aux enseignants-chercheurs. En effet, se montrer trop dirigiste est le meilleur moyen de faire des erreurs. En revanche, plus les projets montent en maturité et sortent du laboratoire, plus ils tendent à devenir des projets industriels, plus il faut faire des choix et établir des priorités. Les grands domaines qui ont été mentionnés par les différents orateurs sont ceux vers lesquelles la réflexion doit porter en priorité, qu’il s’agisse de l’énergie, de la santé, du numérique, de l’environnement et de l’écologie. Cette articulation entre une très grande liberté laissée à la recherche fondamentale dans les laboratoires, qui se fait par appel à projets, et des décisions plus verticales et plus assumées par les dirigeants des organismes quand on monte en maturité est essentielle. C’est ainsi que fonctionne, aujourd’hui, le monde de la recherche.

Par ailleurs, je ne suis pas sûr de bien comprendre la question relative à la multiplication des agences, car il n’y a eu aucune création d’agence ces dernières années, en tout cas dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je suis néanmoins prêt à réexaminer ce point.

Avant de passer aux questions sur le budget, en particulier sur les mesures obligatoires, je répondrai à celles sur la réussite en licence et sur la formation. En moyenne, le taux de réussite en licence, en trois ou quatre ans, est proche de 50 %. Il peut vous paraître bas, mais il faut en rappeler deux autres : le taux de réussite est de 75 % pour les étudiants ayant obtenu une mention très bien au baccalauréat, quel que soit le baccalauréat, contre seulement 8 % pour les bacheliers professionnels que les universités sont tenues de prendre car ils n’ont pas eu de place dans une autre formation. Ce taux de 8 %, profondément insatisfaisant, montre que ce n’est pas une bonne idée d’envoyer des bacheliers professionnels en licence. La question posée est donc celle de l’orientation vers des formations adaptées. Je rappelle aussi que la logique, pour les bacheliers professionnels, est d’aller assez rapidement vers le marché de l’emploi. En matière d’orientation, nous devons conduire un vaste travail avec le ministère de l’éducation nationale.

Toujours s’agissant de la formation, la question de la cartographie et de la territorialisation est fondamentale. Certes, nous comptons 70 universités, 180 écoles d’ingénieurs, une centaine d’écoles de commerce, des BTS, des IUT, mais l’hétérogénéité territoriale est grande et porteuse d’inégalités : selon que vous êtes bachelier dans la Meuse, par exemple, ou à Paris dans le septième arrondissement, les choix qui s’offrent à vous sont radicalement différents. Nous avons le devoir de travailler ces questions. En particulier, il faut arriver à accompagner des antennes et des formations au plus près des jeunes étudiants.

Nous devons aussi avoir une discussion concernant les cartes de formation, c’est-à-dire les formations qui sont proposées dans les universités et les écoles. Elle doit réunir ces organismes, qui sont les sachants, mais aussi l’État, à travers la vision des besoins de la nation et des besoins européens, les collectivités territoriales et les acteurs économiques des bassins de formation concernés. Cela ne signifie pas que l’université se résume aux cartes de formation, mais cette discussion est fondamentale et nous voulons la conduire à travers les contrats d’objectifs et de performance, dans le territoire.

J’en viens aux questions budgétaires, en particulier les mesures obligatoires : Guérini, CAS Pensions. Ce dernier, qui représente une augmentation de 270 millions d’euros pour l’ensemble des opérateurs, universités et organismes, a été intégralement compensé l’an dernier. Il le sera à 50 % cette année pour le périmètre des universités, et un peu moins pour les organismes de recherche. Pour les complémentaires santé, l’effort additionnel d’une soixantaine de millions demandé à l’ensemble des opérateurs n’est, à ce stade, pas compensé dans le PLF. Cela peut sembler élevé mais, s’agissant des complémentaires santé, il est question de 0,2 ou 0,3 % du budget des universités. L’effort demandé est certes difficile, mais il n’est pas intenable. Il faut que nous ayons une discussion constructive, université par université, pour voir comment faire.

Oui, des établissements sont en difficulté budgétaire. Mais contrairement à ce qui a pu être dit, la quasi-totalité des établissements ne sont pas déficitaires. Je rappelle que nous parlons de budgets initiaux, qui sont souvent prudents de la part des universités. Chaque année, le bilan de l’exécution en fin d’exercice montre qu’environ 20 % des établissements sont en difficulté – ce qui se traduit soit par une aide ponctuelle du ministère, soit par des ponctions dans les fonds de roulement. Il est donc erroné d’affirmer que l’intégralité des établissements sont en difficulté. Ce n’est pas la réalité.

Par ailleurs, dans le périmètre universitaire, la trésorerie des établissements représente 110 jours de fonctionnement, et un montant total de 5,6 milliards. Cela ne signifie pas que la situation est confortable, mais l’accroissement continu du montant de cette trésorerie doit aussi nous conduire à nous interroger quant à la manière dont nous finançons les universités et les organismes. Les questions se sont focalisées sur la subvention pour charge de service public (SCSP). Il ne faut pas oublier toutefois que ces établissements bénéficient aussi, dans leur fonctionnement, de nombreux contrats à travers l’ANR, à travers le SGPI et à travers l’Europe, qui contribuent au financement. La vision budgétaire du fonctionnement des établissements ne saurait être réduite à l’aune de la SCSP.

Cette trésorerie qui s’accroît induit aussi des difficultés de fonctionnement, puisque si une large partie est fléchée vers des projets et des programmes – ce dont on ne peut que se réjouir, car c’est bon signe s’agissant de l’investissement –, plus d’un milliard d’euros est libre d’emploi, donc disponible. Ainsi, la situation ne se résume pas à l’existence de telle ou telle difficulté ponctuelle.

Les inégalités de traitement entre les établissements ont été mentionnées à plusieurs reprises. Le système est radicalement distinct de celui des établissements scolaires, marqué par une très grande uniformité. Nos universités sont très différentes les unes des autres. Certaines figurent dans les classements, celui de Shanghai ou d’autres. Ce sont les très grandes universités, intensives en recherche dans des disciplines coûteuses, avec une forte dimension expérimentale. Leur consommation budgétaire par étudiant est donc très élevée par rapport à d’autres, dont les travaux de recherche sont peut-être moins intensifs en équipements. Je suis mathématicien-informaticien et quand j’étais chercheur actif, mes besoins se résumaient à un ordinateur et à des moyens de déplacement. En revanche, chaque heure de manipulation de mes collègues physiciens des hautes énergies coûtait des milliers ou des dizaines de milliers d’euros de fonctionnement.

Il existe donc une grande hétérogénéité entre les universités. Il arrive aussi cependant que des universités semblables soient traitées de manière différente, avec beaucoup de rigidité dans les budgets. La question du rééquilibrage est néanmoins compliquée, car si ceux qui viennent me voir pour m’expliquer qu’ils sont sous-dotés sont nombreux, rares sont ceux qui me disent être surdotés. Les contrats d’objectifs, de moyens et de performance doivent être l’occasion de discuter avec tous les partenaires et tous les financeurs.

Sur le crédit d’impôt recherche, je rappelle que, depuis cinq ans, ce dispositif a été réformé à plusieurs reprises, avec des abaissements de frais de fonctionnement, des abrogations du doublement d’assiette sur les travaux de R&D confiés à X, Y ou Z, ou encore des recentrages. En outre, contrairement à ce qui a été dit, l’Inspection générale des finances (IGF) a souligné, dans sa revue de dépenses de mars 2024, la pertinence du CIR pour soutenir les activités de R&D. L’enquête annuelle de l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) montre que sans le CIR, le coût du chercheur ou de l’ingénieur dans nos entreprises serait significativement plus élevé en France qu’à l’étranger.

Derrière le CIR, se posent deux questions. La première est celle de l’efficacité de la dépense pour les activités de recherche et les coopérations publiques ou privées. Sans doute des améliorations sont-elles possibles, en la matière. La seconde est celle du coût des ingénieurs et des chercheurs dans les entreprises de R&D. Il faut y être attentif : sans ce dispositif, les coûts seraient prohibitifs et certains centres de R&D pourraient être délocalisés. La prudence est de mise.

J’en viens aux questions sur les bourses. Une réforme structurelle est-elle nécessaire ? Je suis convaincue qu’il en faudra une, à un moment ou à un autre, notamment en raison des phénomènes de seuil et du fait que ceux-ci ne sont pas indexés. Cela crée des effets de sortie d’étudiants mal maîtrisés. De nombreux éléments ne fonctionnent pas bien, dans le système actuel. Ainsi, on ne tient pas compte de la cohabitation ou de la décohabitation, on prend mal en compte la distance entre le lieu d’études et le lieu de résidence.

Mais une telle réforme, examinée également par Patrick Hetzel et Sylvie Retailleau, coûterait 400 millions d’euros, et je ne peux pas inventer les euros que je n’ai pas. Elle n’est donc pas possible dans le contexte de tensions budgétaires que nous connaissons. En tout cas, le problème est bien identifié.

Mme Delphine Lingemann, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Anne Sicard (RN). Ma question ne relève pas directement du projet de loi de finances. C’est celle du statut des vacataires et des contractuels, et du soutien qui doit leur être apporté dans leurs missions. Un enseignant en droit contractuel de la Sorbonne est pourchassé aujourd’hui par le groupuscule d’extrême gauche Révolution permanente et le syndicat Le Poing levé, qui appellent à le chasser de son université et à l’empêcher de donner son cours dans des conditions normales de sécurité. Quelle sera la prochaine étape ? Un lynchage ? Un appel au meurtre ?

Ce climat d’intimidation orchestré par l’extrême gauche est intolérable et doit immédiatement cesser. Il appelle votre intervention immédiate, monsieur le ministre, pour protéger le professeur Pierre Gentillet. Or, jusqu’à présent, ni votre cabinet ni la présidente de la Sorbonne n’ont contacté ce professeur pour lui apporter leur soutien et l’informer des dispositions prises pour la bonne tenue de son cours.

Garantirez-vous à tout professeur, quelles que soient ses opinions politiques, la liberté d’enseigner dans le temple du savoir universitaire français ?

Mme Delphine Lingemann, présidente. Les questions doivent avoir un lien avec le budget.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le budget de l’enseignement supérieur ne poursuit qu’un but, frapper les précaires pour financer les cadeaux aux ultrariches et au secteur privé. Les universités suffoquent. Les personnels sont précarisés et surchargés. Parcoursup coupe net les ambitions d’avenir des jeunes et de notre pays. Mais vous, vous procédez à une coupe sèche de 41 millions d’euros dans les aides sociales aux étudiants, sans même compter l’inflation. Ne nous dites pas que votre budget est stable ou suffisant : 41 millions, c’est une goutte d’eau pour l’État, mais pour les étudiants, c’est tout.

Cette année, il y a 17 000 boursiers de moins, par vos choix. La moitié des étudiants vivent avec moins de 100 euros par mois une fois le loyer payé, par vos choix. Deux étudiants sur trois ont déjà sauté à un repas faute d’argent, par vos choix. Alors qu’il faudrait des milliards pour réformer les bourses, pour créer enfin une garantie d’autonomie et pour permettre à chacun d’étudier dignement, vous choisissez d’affamer les jeunes !

Il est des fautes politiques qui ne s’effacent pas, des décisions qui ne se pardonnent pas. Supprimer de façon aussi mesquine ces 41 millions aux étudiants précaires est une honte, une honte qui vous suivra toujours. Votre nom y sera attaché et les étudiants en feront leur affaire.

Annulerez-vous ces coupes pour lutter contre la précarité étudiante ? Garantissez-vous que vous ne toucherez pas aux frais d’inscription après les appels du pied de la droite et de l’extrême droite que nous avons encore entendus tout à l’heure ?

M. Fabrice Brun (DR). Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir abordé les disparités territoriales à plusieurs reprises. Lorsque vous avez 18 ans et que vous habitez dans un département sans université, vous subissez d’énormes inégalités en matière d’accès aux études supérieures, de mobilité, de coût du logement par rapport aux citadins qui résident sur place, mais aussi d’autocensure – c’est un phénomène bien connu.

Quelle politique instaurerez-vous pour développer les antennes universitaires, les universités hors les murs, comme nous l’avons fait à Aubenas, en collaboration avec la faculté Lyon 1, pour ouvrir une année de parcours d’accès spécifique santé (Pass) et permettre aux jeunes ruraux ardéchois d’accéder plus facilement aux études de santé et à la première année de médecine ?

Où est l’impulsion de l’État, dans ce budget, pour faciliter l’accès des jeunes de la ruralité aux études supérieures ? J’imagine que nous aurons aussi l’occasion de reparler de la carte des formations de niveau bac + 2 et bac + 3.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Dans quelles conditions se sont déroulées vos études supérieures ? Pour ma part, j’étais étudiant boursier, logeant en chambre universitaire, mais je n’ai pas le souvenir d’avoir connu la faim ou m’être jamais demandé si je serais un jour contraint d’abandonner mes études. Nombre d’entre nous, ici, n’ont pas été confrontés à la difficulté de cumuler études et emplois étudiants, ou à des loyers si élevés qu’ils amènent à choisir entre déjeuner ou dîner, entre se soigner ou acheter du matériel pour ses études. Si nous avions connu ces difficultés, nous parlerions davantage de l’urgence et de la détresse psychologique des étudiants précaires.

L’association Linkee estime que 78 % des étudiants disposent de moins de 100 euros par mois une fois leurs charges payées. Pensez-vous que cela suffise ?

Quand un quart des étudiants envisagent d’abandonner leurs études faute de moyens, peut-on encore parler de méritocratie ? Si nous pensons à ces jeunes qui ont faim, qui dorment dans leur voiture, qui enchaînent les petits boulots ou qui finissent par tout lâcher, où est la République de l’égalité des chances ?

Ma question est de première urgence. Quand réformerons-nous enfin le système des bourses, qui laisse de côté un trop grand nombre d’étudiants précaires ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Ce n’est pas vraiment le lieu pour répondre à la question concernant la situation de l’enseignant-chercheur de la Sorbonne. Je mentionnerai simplement qu’à la fois la présidente de l’université et le rectorat suivent attentivement ce dossier.

S’agissant des bourses, au-delà de la question de la non-revalorisation des seuils, je rappelle que 15 millions d’euros additionnels sont investis dans la restauration, que la quinzaine de millions prévue au titre de la contribution de vie étudiante et de campus est directement liée à la qualité de vie étudiante, que 120 millions destinés à la réhabilitation des logements étudiants sont toujours sur la table, et que la Banque des territoires a annoncé la mobilisation de 5 milliards pour le plan 45 000 logements. Au-delà de ces chiffres, le budget pour la vie étudiante est de 3,2 milliards par an. J’entends que les baisses de quelques dizaines de millions que vous mentionnez peuvent être préoccupantes, mais il faut les ramener à l’aune de ces 3,2 milliards, qui ne sont pas complètement négligeables.

Par ailleurs, puisque vous me demandez dans quelles conditions j’ai fait mes études supérieures, je vous dirai que les deux premières années, j’étais chez mes parents, donc sans difficulté directe, et qu’à partir de la troisième année, j’ai travaillé six mois par an dans différentes entreprises – avec lesquelles j’ai d’ailleurs gardé des liens pendant longtemps – pour subvenir aux coûts de mes études. Je ne dis ni que c’est bien ni que c’est l’unique modèle : je réponds à votre interrogation. J’ajoute que j’étais boursier.

J’en viens à la question fondamentale des territoires, source d’inégalités profondes dans la société. J’ai cité l’exemple de la Meuse, parce que c’est un territoire que je connais bien. La dernière fois que j’y suis allé, j’ai constaté que les possibilités de choix pour les bacheliers se réduisaient à deux ou trois établissements tout compris s’ils voulaient rester dans leur département. Cette situation n’est pas acceptable. Il faut absolument développer des outils. Il en existe déjà, comme les campus connectés, qui ont été mis en place il y a quelques années et qu’il faut continuer à soutenir, en étant attentif au fait que s’ils sont trop petits, ils fonctionnent mal. Il faut fixer des seuils permettant un minimum de cohésion entre les différents étudiants, pour que s’instaure une dynamique de succès, d’émulation et de vie étudiante.

Je remercie les collectivités territoriales, qui s’impliquent systématiquement dans ces projets. En général, les universités ont à payer les salaires, les locaux, le gîte et le couvert étant, la plupart du temps, fourni par les villes, départements et régions. Les coûts restent malgré tout élevés pour les universités et c’est souvent un frein. Ces questions doivent être traitées dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance. C’est au moment où l’on discute tous ensemble qu’il faut les aborder, en regardant ce que peuvent respectivement faire l’État, les régions, les départements, les villes, les universités et les acteurs économiques, le cas échéant.

M. Laurent Croizier (Dem). Je voudrais revenir sur les taux de réussite des étudiants en premier cycle universitaire, qui ne peuvent laisser indifférent. Il s’agit d’un enjeu majeur, qui doit tous nous conduire à nous interroger sur l’orientation et l’accompagnement des étudiants.

Seul un étudiant sur trois obtient sa licence en trois ans. Moins d’un sur deux la réussit en quatre ans. En première année universitaire, un étudiant sur deux réussit son année et passe en deuxième année, un étudiant sur quatre redouble et un étudiant sur quatre se réoriente ou abandonne ses études supérieures. L’échec à l’université a un coût humain et financier considérable – pour les jeunes, pour leurs familles, pour les universités, pour l’État, mais aussi pour l’avenir du pays.

La réalité est bien différente dans les instituts universitaires de technologie (IUT), où l’orientation est davantage le résultat d’un choix réfléchi des étudiants : dans ces établissements, l’encadrement et le suivi pédagogique permettent de porter le taux de réussite à 76 %.

Que prévoyez-vous pour inverser cette tendance, mieux orienter et mieux accompagner nos étudiants ?

M. Éric Liégeon (DR). Jusqu’en 2019, l’accès aux instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) reposait sur un concours, puis sur un entretien individuel qui permettait d’évaluer la motivation, les aptitudes humaines et les capacités des candidats. Cet entretien constituait une étape indispensable pour s’assurer que les futurs étudiants s’engageaient dans une voie qui correspondait réellement à leurs attentes, et qu’ils avaient conscience de l’exigence du métier d’infirmier.

Depuis 2019, la sélection des futurs étudiants infirmiers ne se fait plus par concours, mais uniquement sur dossier scolaire, au travers de la plateforme Parcoursup. Cette évolution était censée démocratiser l’accès à la formation et supprimer les inégalités créées par les prépas privées payantes. Or, depuis cette réforme, le taux d’abandon en première année a bondi. Il semblerait qu’un certain nombre d’étudiants intègrent l’Ifsi par défaut, parfois en quatrième ou cinquième vœu, sans réelle connaissance du contenu des études et des exigences du métier. Résultat, des places restent vacantes alors que des candidats motivés en reconversion ne peuvent s’inscrire et que la pénurie d’infirmiers continue de s’aggraver. A-t-on une estimation du coût financier de cette situation ?

Envisagez-vous de revoir les modalités d’admission pour améliorer l’orientation et, par conséquent, le coût de cette réforme ?

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). L’an dernier, votre gouvernement a soutenu la proposition de loi censée lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Nous alertions, déjà, sur le manque de moyens alloués aux universités de manière générale, et plus spécifiquement sur les budgets insuffisants dont disposaient les missions Égalité et diversité pour lutter efficacement contre toutes les formes de racisme et de discrimination. Aucun des deux rapporteurs n’avait voulu répondre quant au financement de ces missions, alors que c’est la condition nécessaire à leur déploiement et à leur fonctionnement. On avait bien compris que, pour le gouvernement, l’important est la communication, même si les lois demeurent inefficaces.

Pour dissiper les doutes que les organisations étudiantes représentatives nourrissaient quant à une potentielle instrumentalisation de la question de l’antisémitisme à l’université, pouvez-vous nous dire combien de moyens supplémentaires sont mis à disposition dans l’enseignement supérieur cette année ? Qu’est-ce que le ministère compte mettre en place pour lutter efficacement contre toutes les formes de racisme et de discrimination dans ce secteur ?

Mme Virginie Duby-Muller (DR). La recherche et le transfert de technologies vers le tissu économique national sont importants dans tous les domaines, mais indispensables dans le numérique si nous voulons réduire notre dépendance dans certaines technologies critiques. La semaine dernière, une étude de l’Office européen des brevets distinguait nos grands organismes de recherche comme les champions d’Europe du dépôt de brevets, en particulier dans les domaines de pointe que sont la santé, les produits pharmaceutiques, les biotechnologies, les semi-conducteurs et les technologies numériques.

Or j’observe, dans l’annexe mission Recherche et enseignement supérieur du PLF, que la subvention pour charge de service public de notre institut national entièrement dédié au numérique, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), évolue très faiblement. En outre, son plafond d’emplois stagne depuis plusieurs années, tandis que celui d’autres grands organismes de recherche progresse.

Pensez-vous pouvoir faire évoluer cette situation paradoxale, alors qu’une start-up comme Probabl, fondée sur une technologie d’intelligence artificielle issue de l’Inria, a réussi la plus importante levée de fonds de l’écosystème open source – ce qui confirme la très grande performance de cet organisme national de recherche ?

M. Philippe Baptiste, ministre. Je n’ai pas encore répondu sur les droits d’inscription. Faut-il les augmenter à un niveau soutenable, par exemple un tiers du coût réel des études ? Le débat est légitime et j’ai une opinion personnelle. Ce que je peux dire, en tant que ministre, c’est que nous n’augmenterons pas les droits d’inscription en licence, en master et en doctorat cette année – c’est évident. Cette question doit faire l’objet d’un débat politique large avant une grande élection nationale, par exemple présidentielle.

Sur les taux de réussite en licence, les chiffres qui ont été mentionnés sont exacts, mais la réorientation – et le redoublement, dans une moindre mesure – est massive. Cette année, sur Parcoursup, 200 000 étudiants étaient en réorientation. Cela signifie qu’ils avaient commencé des études, avant de changer de filière. Ce n’est pas nécessairement une cause d’échec. Le phénomène est plus large. En outre, il concerne des étudiants qui viennent de l’université, mais aussi d’autres qui se réorientent après une année de classe préparatoire, par exemple. Bien sûr, cette réorientation a un coût – je ne le nie pas. Pour autant, il ne faut pas présenter cette situation comme un échec. Le fait qu’un étudiant se réoriente et réussisse ensuite est un succès. Les parcours sont probablement plus compliqués et moins linéaires que ceux que nous avons pu connaître quand nous étions étudiants. Cette situation est probablement liée à une société qui a radicalement changé.

Les chiffres que vous avez indiqués sont parfois inquiétants. Mais, au-delà des chiffres, la question posée est celle de l’articulation entre le parcours qui va jusqu’au baccalauréat et celui du supérieur. Le taux de succès au baccalauréat est aujourd’hui de l’ordre de 96 %, contre 15 points de moins il y a une dizaine d’années. Cela contribue à une massification de l’enseignement supérieur, mais aussi à l’arrivée à l’université d’étudiants qui ont eu leur baccalauréat de justesse et qui n’ont pas été pris en IUT ou en BTS. De fait, les commissions rectorales se tournent vers les universités, qui sont en quelque sorte contraintes de les prendre. Cela explique des taux d’échecs très élevés. C’est probablement une difficulté structurelle du système, qu’il faut changer. Mais les conditions politiques ne sont pas adaptées pour avoir ce débat aujourd’hui.

Si le constat est réel, je refuse d’en déduire que les universités sont nulles car les étudiants ne réussissent pas leur licence en trois ans. Le problème est radicalement plus complexe. Nos enseignants-chercheurs, dans les universités, font un très bon travail.

Je ne dis pas non plus qu’il faut interdire aux gens de continuer leurs études, mais il faut passer par des années de remise à niveau. Le système « oui si » sur Parcoursup, les années de propédeutiques ont été créées dans cette optique. Il faut développer ce type de dispositifs, en améliorant l’articulation des parcours et, probablement aussi, en proposant des places aux lycées pour les étudiants qui ont passé leur bac mais veulent se remettre au niveau avant d’aller à l’université.

S’agissant des Ifsi, le taux d’abandon a effectivement progressé. Toutefois, en regardant bien les chiffres, j’observe qu’il avait déjà commencé à augmenter, de manière très forte, avant la réforme qui a remplacé le concours par un examen de dossier. Cette évolution est peut-être liée à une moindre motivation, car il n’y a plus l’effet du concours, mais je crois que la véritable cause est ailleurs : les étudiants qui abandonnent ces études mettent souvent en avant la dureté des premiers stages, qui se déroulent souvent en Ehpad ou dans des services difficiles dans les hôpitaux, Souvent, l’abandon vient du choc de la réalité de ce que peut être le soin. Les étudiants très jeunes, qui sortent du bac, ne parviennent pas toujours à tenir ce choc.

Cela étant, la réforme a permis un taux d’occupation en première année bien supérieur à ce que l’on avait précédemment. In fine, le système permet d’avoir plus d’infirmiers diplômés qu’auparavant. Mais il faut travailler sur le problème de l’abandon – les Ifsi préparent des propositions.

J’en viens à la question sur la loi contre l’antisémitisme – j’ai entendu « censée lutter contre l’antisémitisme ». Il ne faut pas nier l’antisémitisme qui existe dans les universités. Si vous voulez le faire, écoutez ce qui s’est récemment passé à Paris 8 : cet enregistrement montre que l’antisémitisme existe malheureusement dans les universités. Certes, ce mouvement ne leur est pas spécifique mais, étant le tambour de notre société, elles sont traversées de pulsions et de tensions. En l’occurrence, l’antisémitisme existe dans toute la société française, y compris donc à l’université. Les présidents d’université, les acteurs et les enseignants-chercheurs sont à nos côtés pour lutter contre l’antisémitisme. En tout état de cause, je le répète, il ne faut pas nier la réalité, et la loi permet des avancées très concrètes.

S’agissant du financement des missions Égalité et diversité, ma réponse sera la même que celle que j’ai faite au moment de l’examen du texte : commencer à flécher l’argent vers telle mission ou telle formation revient à nier l’autonomie des établissements. Les présidents d’université sont responsabilisés : on leur donne des dotations globalisées et ils doivent accomplir des missions. Ils revendiquent cette autonomie et c’est ainsi que nous fonctionnons.

Sur les dépôts de brevet, je me félicite des très bons résultats en la matière, puisque nos organismes de recherche sont en tête en Europe. Mais si je devais être un peu plus chagrin ou taquin, je dirais qu’outre le nombre de brevets que l’on dépose, il faut regarder le nombre de brevets utilisés. En l’occurrence, nous avons encore à progresser collectivement, avec les organismes de recherche afin qu’un plus grand nombre de brevets soient utilisés. Déposer des brevets, c’est bien. Les utiliser, c’est mieux !

S’agissant de l’Inria, je ne pense pas qu’on puisse dire que cet institut est maltraité. Au contraire, au cours des quinze ou vingt dernières années, c’est probablement l’établissement qui a connu la plus forte création d’emplois et la croissance d’effectifs plus marquée. Des efforts considérables ont été consentis, liés au développement du numérique. Cela étant, il faut être vigilant et s’assurer que sa trajectoire RH et budgétaire est soutenable, alors que des choix ambitieux ont été faits. Nous ferons le maximum et nous travaillerons étroitement avec le président Bruno Sportisse pour nous assurer que toutes les propositions présentées sont soutenables. Cet élément de rigueur et de sérieux budgétaire est indispensable.

Mme Delphine Lingemann, présidente. Merci, monsieur le ministre, d’être allé au fond des questions et d’y avoir apporté des réponses franches et sans tabou.

 

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

 


Présences en réunion

Présents.  M. Raphaël Arnault, Mme Béatrice Bellamy, M. Idir Boumertit, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, M. Hendrik Davi, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Frantz Gumbs, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, M. Arnaud Saint-Martin, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. Gabriel Attal, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Christian Girard, M. Steevy Gustave, M. Bartolomé Lenoir, M. Sébastien Peytavie, Mme Nicole Sanquer

Assistait également à la réunion.  M. Jean-Claude Raux