Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen de la proposition de loi visant à rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires par le moyen de l’étiquetage (n° 1837) (Mme Hélène Laporte, rapporteure).              2

– Examen pour avis des crédits budgétaires « Agriculture » (Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis) du projet de loi de finances pour 2026.              16

– Informations relatives à la commission....................46

 

 


Mercredi 22 octobre 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 8

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de

M. Stéphane Travert, Président


  1 

La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires par le moyen de l’étiquetage (n° 1837) (Mme Hélène Laporte, rapporteure).

M. le président Stéphane Travert. Je rappelle que cette proposition de loi sera examinée en séance jeudi 30 octobre prochain, en avant-dernier point de l’ordre du jour de la journée réservée au groupe Rassemblement national.

La question de la bonne information des consommateurs sur les produits alimentaires vendus et de la lutte contre les affichages trompeurs est effectivement importante dans notre pays, et les attentes de l’ensemble des consommateurs dans ce domaine sont fortes.

Nous devons aussi, bien entendu, respecter les règles de l’Union européenne, qui sont assez contraignantes en la matière et qui visent à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. L’intitulé de cette proposition de loi, dont j’ai l’honneur d’être l’auteur et le rapporteur, ne présente aucune ambiguïté quant à son sujet : rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires au moyen de l’étiquetage.

Cet objectif d’une information claire, complète et sincère sur l’origine des produits du quotidien est un enjeu qui ne saurait être minimisé. Il constitue une mesure de justice pour nos agriculteurs qui, dans leurs activités de production, respectent un niveau d’exigence particulièrement élevé. Il est également une réponse à une attente profonde de la population française.

En effet, comme l’ont montré de récentes études mentionnées dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi ainsi que dans l’état d’avancement des travaux, l’origine géographique constitue le premier déterminant de l’acte d’achat des produits alimentaires pour les consommateurs français. Pour les trois quarts d’entre eux, une origine française est généralement un gage de qualité. Pour plus de 80 %, acheter français, c’est aussi une manière concrète de soutenir les entreprises et de préserver les emplois.

À l’heure actuelle, cette exigence de transparence est malheureusement très loin d’être satisfaite. Six Français sur dix considèrent à raison ne pas être correctement informés sur l’origine et la qualité des produits qu’ils consomment. En effet, les obligations d’étiquetage en vigueur sont globalement satisfaites pour la viande et les fruits et légumes, mais demeurent très insuffisantes pour garantir une bonne information du consommateur sur la plupart des denrées qu’il consomme. S’agissant des produits transformés, conçus avec de multiples ingrédients, l’opacité règne.

Il manque à notre droit une règle générale impérative d’indication transparente de l’origine des produits alimentaires. Ainsi, pour répondre à cet état encore très insatisfaisant de la législation actuelle, la proposition de loi vise à rendre systématique l’indication du pays d’origine de tous les produits agricoles, alimentaires ou de la mer, qu’ils soient bruts ou transformés, et de tous les ingrédients significatifs de ces produits. Elle s’inscrit dans une démarche à la fois de souveraineté alimentaire, de loyauté envers le consommateur et d’équité concurrentielle pour les producteurs.

Nos agriculteurs sont confrontés à une concurrence internationale déloyale, exacerbée par des écarts de normes de production et de coûts du travail qui affaiblissent la compétitivité de la production française – nous en sommes tous parfaitement conscients pour en avoir débattu durant de longues heures lors de nos précédents travaux législatifs. Vous connaissez ma position sur le poids écrasant des normes qui s’imposent aux exploitants français et sur l’ouverture croissante des marchés qui les met en concurrence avec les mégafermes du Brésil, d’Ukraine, de Chine ou d’ailleurs.

Bien entendu, la proposition de loi que je défends avec mes collègues du Rassemblement national ne saurait répondre, à elle seule, à cette crise majeure. Toutefois, pour insuffisante qu’elle soit, elle n’en est pas moins nécessaire. Le manque de transparence sur l’origine des produits amplifie les déséquilibres économiques et techniques qui conduisent l’agriculture française à sa perte. À l’heure où la majorité des Français affirment privilégier la production nationale et locale lorsqu’ils en ont l’occasion, cette opacité empêche le consommateur de choisir en connaissance de cause et prive ainsi les producteurs de la reconnaissance due à leur travail.

La loi Egalim 2 du 18 octobre 2021 avait affiché des ambitions louables en matière d’information sur l’origine, en prévoyant notamment aux articles 12 et 13, l’interdiction d’utiliser des symboles représentant la France sur les emballages d’aliments non produits en France et le renforcement des obligations générales en matière d’indication d’origine. Toutefois, les décrets d’application n’ont jamais vu le jour et ses apports sont demeurés lettre morte. Les obstacles invoqués, notamment la trop grande rigidité du droit européen, sont connus. Nous pouvons malheureusement y ajouter le manque de volonté politique des gouvernements successifs pour faire bouger les lignes.

Le présent texte vise donc à donner une portée concrète à ces engagements. L’article 1er généralise l’obligation d’étiquetage de l’origine à tous les produits alimentaires et marins, y compris transformés. Pour les produits transformés, il étend cette obligation de transparence à tout ingrédient représentant au moins 10 % de la composition du produit, mettant fin à l’opacité qui permet à certains industriels de valoriser une image de production française tout en recourant à des ingrédients importés. Jusqu’ici, l’article L. 412-4 du code de la consommation affirmait un principe général d’obligation d’information avant de renvoyer à un décret le soin d’établir la liste des produits concernés. Nous supprimons donc cette restriction. L’obligation d’informer le consommateur doit être la règle commune effective pour tous.

L’article 2 vise à remédier à une autre profonde faiblesse du dispositif : l’absence de sanctions. Il instaure ainsi une peine dissuasive – un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende – pour garantir l’effectivité du dispositif.

Enfin, l’article 3 renforce la lutte contre les pratiques commerciales trompeuses consistant à utiliser des symboles nationaux – drapeau, carte de France, emblèmes – pour des produits dont les ingrédients primaires ne sont pas d’origine française. Cette disposition clarifie le droit existant en permettant aux seules filières qui utilisent des matières premières non produites en France de bénéficier d’une exception, dès lors que la transformation est bien réalisée sur notre territoire.

En outre, nous proposerons, par voie d’amendement, de supprimer le renvoi à un décret d’application. La loi est suffisamment claire et précise pour s’imposer sans qu’un tel acte réglementaire soit nécessaire.

Avec ces mesures de bon sens, la proposition de loi s’inscrit dans une ambition plus large, celle d’insuffler une politique de renouveau dont l’agriculture française a plus que jamais besoin. Il s’agit de redonner aux consommateurs les moyens de faire un choix éclairé, de rétablir des conditions de concurrence équitables et de réaffirmer la souveraineté alimentaire de la France. Nos importations de poulets ont bondi de 37 % en trois ans ; celles de fruits et légumes continuent d’exploser ; notre filière bovine est officiellement entrée dans le cycle mortifère de la décapitalisation : nous ne pouvons rester spectateurs de cette désindustrialisation agricole.

Certes, le renforcement de l’étiquetage ne suffira pas à lui seul à redresser notre production, mais il constitue un levier essentiel pour développer la transparence et la confiance. Il envoie également un signal politique clair : celui d’une France qui veut savoir ce qu’elle mange, qui est consciente des enjeux liés à son alimentation et qui est prête à soutenir ceux qui la nourrissent.

Nous avons pleinement conscience des freins existants dans le droit européen actuel. La portée de cette proposition de loi, loin d’être anéantie par ces verrous, en est renforcée. Elle revêt le caractère d’un texte d’appel visant à promouvoir une évolution des règlements et des directives, dans le sens d’une information complète et sincère du consommateur.

Aussi, je forme le vœu que nos débats soient constructifs et permettent à cette proposition de loi d’être adoptée, car elle va dans le sens de la transparence, de la clarté du droit et du patriotisme économique. Offrons aux consommateurs français la transparence sur leurs achats alimentaires, rendons justice aux agriculteurs en reconnaissant leur travail et donnons à notre pays une réforme allant dans le sens de la préservation de la souveraineté alimentaire.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Patrice Martin (RN). La souveraineté alimentaire se définit par la capacité d’un État à élaborer sa propre stratégie agricole, afin de déterminer son degré d’autonomie pour nourrir sa population avec des produits de qualité, tout en garantissant sa sécurité alimentaire.

Or, force est de constater que la souveraineté française connaît un déclin préoccupant. En vingt ans, notre pays est passé de la deuxième à la sixième puissance exportatrice agricole mondiale. Le secteur agricole subit une véritable avalanche de normes toujours plus nombreuses et contraignantes, un taux d’auto-approvisionnement en baisse constante, une hausse des importations dont la majorité ne respecte aucune des règles imposées à nos producteurs, des surtranspositions de directives européennes et la signature à répétition d’accords de libre-échange qui écrasent le travail agricole français. En clair, ce sont autant de choix politiques qui ont conduit, pour la première fois depuis cinquante ans, à une balance commerciale agricole qui terminera l’année dans le rouge.

À cela s’ajoute une injustice majeure pour le consommateur français : l’absence d’un étiquetage clair et complet sur la provenance des denrées alimentaires porte lourdement préjudice à notre agriculture. Les consommateurs sont trop souvent trompés et ne peuvent plus acheter en connaissance de cause. Pourtant, l’origine géographique d’un produit et les ingrédients qui le composent sont désormais le premier critère d’achat pour ceux qui recherchent la qualité, la sécurité et la traçabilité. Cette exigence de transparence n’est pas toujours satisfaisante ; parfois même, elle se révèle trompeuse.

La lutte contre cette opacité alimentaire ne relève pas seulement d’un enjeu économique, elle concerne la justice, la loyauté des échanges et, plus profondément, la souveraineté nationale. Car, dans un marché mondialisé, les produits importés qui ne respectent pas nos standards faussent les règles du jeu et fragilisent nos filières.

Le renforcement de la traçabilité et l’instauration d’un étiquetage d’origine obligatoire, clair et non trompeur, s’inscrivent ainsi au cœur du patriotisme économique défendu par Marine Le Pen et le Rassemblement national : celui d’une économie au service des consommateurs, des producteurs et de la valorisation du travail agricole français.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Je comprends d’autant mieux l’intention, louable, de votre proposition de loi que j’ai moi-même mené ce combat il y a plus de deux ans à Bercy, avec notamment la création du dispositif Origin’Info, désormais mis en œuvre par plus de 120 marques.

Oui, il faut mieux informer le consommateur, valoriser les productions, renforcer notre souveraineté alimentaire. Toutefois, vous l’avez dit, c’est une proposition de loi d’appel. Malheureusement, une bonne intention ne suffit pas toujours à faire une bonne loi. Celle que vous soumettez comporte trois écueils majeurs et problématiques.

D’abord, elle n’est pas applicable en droit. L’étiquetage de l’origine des denrées alimentaires relève du droit européen, vous le savez. Introduire une obligation nationale est donc une mesure contraire au droit de l’Union européenne, inapplicable en France et dont les effets seraient immédiatement suspendus par Bruxelles.

Si vous voulez être efficace, c’est à ce niveau qu’il nous faut travailler, d’autant que ce sujet est déjà sur la table européenne. La Commission européenne, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne discutent en ce moment même de la révision du règlement concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit Inco. La renégociation est engagée, la présentation officielle de la nouvelle proposition est attendue pour 2026.

Autrement dit, le sujet avance là où il doit avancer, c’est-à-dire à Bruxelles, au Parlement européen, où vous disposez d’ailleurs de plus de 80 députés et où vous êtes la troisième force politique. Plutôt que de faire des coups de manche à l’Assemblée, si c’est vraiment votre volonté, il faudrait peser là où se mène la vraie bataille, à l’échelon européen.

C’est un peu comme lorsque vos candidats proposent de mettre fin à l’immigration lors des élections départementales, alors même que cela ne relève pas de la compétence du département. Soit vous voulez que les choses changent vraiment – et je le crois –, soit c’est du bavardage.

Ensuite, cette proposition de loi serait également contre-productive sur le plan économique : elle imposerait des contraintes supplémentaires aux seules entreprises françaises et créerait une distorsion de concurrence majeure. Au lieu de soutenir nos filières, ce texte risque de les fragiliser. Là encore, c’est au niveau européen que les pratiques pourront être harmonisées.

Enfin, ce texte est inopérant dans les faits. Il ferait peser l’obligation uniquement sur les distributeurs, sans imposer aux fournisseurs de transmettre les informations d’origine. Les consommateurs se retrouveraient en réalité face à des drapeaux français qui ne voudraient pas dire la même chose : tantôt ils désigneraient l’origine de la matière première agricole, tantôt celle de la transformation. Là où vous prétendez clarifier, vous entretenez la confusion.

Cette proposition de loi est une porte ouverte à la francisation trompeuse que vous combattez, autrement dit à la tromperie légalisée. C’est en travaillant de concert pour conclure les négociations au niveau européen que nous pourrons véritablement mieux informer les consommateurs. Pour toutes ces raisons, mon groupe votera contre votre proposition de loi.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je regrette que votre intervention soit d’abord politique. Du reste, votre successeur m’a contactée hier, par le biais de son cabinet, pour me dire que cette proposition de loi d’appel pouvait justement amorcer la démarche. Vous considérez que c’est l’inverse car vous êtes opposée au texte – les agriculteurs apprécieront votre position.

Vous n’avez pas dû lire en entier l’article 26 du règlement Inco. Son deuxième paragraphe prévoit que « l’indication du pays d’origine ou du lieu de provenance est obligatoire : dans les cas où son omission serait susceptible d’induire en erreur les consommateurs sur le pays d’origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire ». L’information du consommateur est donc incomplète ; le règlement Inco est donc perfectible.

S’agissant de l’importance de l’origine géographique des produits dans la décision d’achat des consommateurs, l’absence d’information quant à cette origine devrait systématiquement être considérée comme étant « susceptible d’induire en erreur les consommateurs ». La révision du règlement Inco concernant l’étiquetage est envisagée depuis la fin de l’année 2022. Cela démontre bien qu’il existe un problème d’interprétation dans les pays européens. Je regrette que votre intervention soit à côté de la plaque.

M. René Pilato (LFI-NFP). Entre 2010 et 2020, cent mille fermes ont disparu, soit près de 30 par jours. Cette crise s’explique par le niveau d’extrême pauvreté auquel sont confrontés les agriculteurs. En 2024, 16,2 % des ménages agricoles vivaient sous le seuil de pauvreté. Pour quelles raisons le métier ne paie-t-il plus ? Parce que les agriculteurs font face à un modèle prédateur, méprisant celles et ceux qui produisent, mais gavant toujours les mêmes.

Après des décennies à user les sols par le recours à la chimie, à user les corps par l’exploitation et à détruire l’environnement par la promotion de ce modèle économique, la bifurcation écologique n’est plus une option, c’est une nécessité. D’abord parce que votre modèle empoisonne les Français ; ensuite, parce que les agriculteurs disparaissent ; enfin parce que notre souveraineté alimentaire n’est plus.

Alors, loin des beaux discours de l’extrême droite, examinons les votes du RN pour mettre fin à cette crise : abstention sur la proposition de loi visant à instaurer des prix planchers pour les agriculteurs ; soutien sans faille à la loi Duplomb, summum du modèle productiviste, celui-là même qui a conduit à la disparition massive des paysans et à la destruction de l’environnement.

Comble de l’hypocrisie, pendant que nous débattons de cette proposition de loi, la commission du développement durable examine la mission Agriculture sur laquelle vos collègues ont déposé des amendements honteux. Ils proposent notamment de baisser les crédits consacrés à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique (Agence bio) de 3,7 M€, ceux dédiés à la structuration des filières biologiques de 8,8 millions et ceux alloués au fonds national de gestion des risques en agriculture de 90 millions. De plus, vous avez voté contre l’augmentation du smic et des minimas sociaux, et contre l’indexation des salaires sur l’inflation.

Ainsi, en affaiblissant le pouvoir d’achat, vous poussez la plupart des consommateurs vers la malbouffe, ce qui renforce ce modèle économique délétère et destructeur. Ce que vous prétendez défendre dans la salle où nous sommes réunis, vous le détruisez dans la salle d’à côté. Tout comme les macronistes, vous êtes désormais prisonniers de vos contradictions parce que vous défendez le même programme économique. Vos votes sont publics.

Ce ne sont pas les affichages qui sauveront l’agriculture, mais un plan ambitieux. Ambitieux car nous soutenons fièrement l’agriculture lorsqu’elle est respectueuse des sols, des corps et de l’environnement. L’environnement, nous n’en avons qu’un seul, et c’est autour de lui que doivent se bâtir notre souveraineté agricole et notre survie. Votre incohérence vous discrédite. Notre position est donc simple : nous ne pouvons cautionner cette mascarade.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je déplore que vous ne parliez pas du texte. Vous dites que nos votes sont publics ; les vôtres le sont également.

Oui, mon groupe, contrairement au vôtre, soutient la loi Duplomb. S’agissant de l’article 2 qui réintroduit l’acétamipride, je vous invite à contacter les producteurs, notamment les producteurs de noisette qui ne récolteront rien cette année ; ils se retrouvent dans une impasse.

Oui, nous avons voté contre l’augmentation du smic, car elle serait à la charge de l’employeur – vous devriez le savoir. Or, compte tenu des charges pesant sur eux, ils ne peuvent assumer cette hausse.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cette proposition de loi illustre une pratique bien connue de l’extrême droite : reprendre à son compte des idées élaborées par d’autres, en les simplifiant à outrance pour en faire un coup politique sans lendemain.

En l’occurrence, nous avions déjà déposé en 2024, avant la dissolution de l’Assemblée nationale, une proposition de loi complète sur le partage de la valeur tout au long de la chaîne agroalimentaire, prévoyant un affichage pour les consommateurs, afin de garantir une réelle transparence de la répartition de la valeur entre producteurs, transformateurs et distributeurs.

Votre texte, en se limitant à l’étiquetage de l’origine des produits à l’échelle française alors que la réglementation est européenne, offre une vision réductrice. C’est incohérent. Une vraie politique pour l’agriculture devrait adopter une approche globale, de la production jusqu’au consommateur, intégrant non seulement la provenance des pays, mais aussi les qualités nutritives des aliments – avec la généralisation du nutriscore, qui serait une bonne avancée –, ainsi que les conditions de rémunération des producteurs.

Il faut rappeler également que l’extrême droite était aux abonnés absents lorsqu’il s’agissait de défendre concrètement les agriculteurs, comme en avril dernier, lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire. Nous avons alors fait adopter trois amendements essentiels : le contrôle annuel de la bonne répartition des gains réalisés par la grande distribution grâce au seuil de revente à perte entre producteurs, fournisseurs et distributeurs ; l’inscription dans la loi des contrats tripartites pluriannuels liant agriculteurs, transformateurs et distributeurs dans une logique de transparence ; l’utilisation des labels de commerce équitable comme référentiel dans les contrats commerciaux.

Madame la rapporteure, vous avez parlé de signal politique clair. Il serait aussi pertinent de s’interroger sur la volte-face des députés européens du RN qui, le 6 octobre 2020, s’étaient abstenus lors du vote de rejet de l’accord UE-Mercosur, avant de changer d’avis. Madame Laporte, vous siégiez alors au Parlement européen. Peut-être pourriez-vous expliquer cette incohérence aux agriculteurs de votre circonscription.

Avec ce nouveau texte, nous retrouvons donc les mêmes schémas : des coups politiques populistes, aucune proposition de loi promulguée, de fausses promesses et une instrumentalisation permanente des difficultés de nos agriculteurs, qui vivent déjà dans un contexte très difficile, au seul profit d’un opportunisme électoral. À travers ce texte, ce ne sont pas que les consommateurs qui sont trompés. La vraie question qui se pose est donc : voulons-nous continuer à nous contenter d’initiatives symboliques et électoralistes, ou allons-nous enfin adopter une vision cohérente et structurante pour l’agriculture, garantissant transparence, rémunération juste et information complète pour le consommateur ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Contrairement à vous, nous proposons quelque chose. Votre proposition de loi n’avait rien à voir : vous êtes complètement à côté de la plaque.

J’ai assisté, tout comme mon groupe, à tous les débats sur la proposition de loi sur le seuil de revente à perte. De manière générale, mon groupe est beaucoup plus présent que le vôtre lors des débats sur l’agriculture – je constate que vous êtes encore peu nombreux ce matin.

J’aurais souhaité que nous parlions du fond de la proposition de loi, mais vous avez choisi de faire une intervention politique, dépourvue d’arguments.

M. Julien Dive (DR). Nous connaissons les chiffres : cent mille exploitations ont disparu au cours des quinze dernières années. Selon l’étude prospective publiée par Les Échos ce matin, 30 % des fermes disparaîtront d’ici à dix ans. Cette extinction s’accélère et s’accompagne d’un phénomène de regroupement, mis en lumière par Julien Denormandie.

C’est malheureusement la conséquence d’un piège dans lequel sont tombés les agriculteurs français : le décalage entre, d’une part, la volonté politique et les décisions prises au niveau national, et, d’autre part, le cadre européen qui fait l’objet de surtranspositions nationales.

Vous souhaitez vous attaquer à ce sujet avec une proposition de loi relative à l’étiquetage. Or, la question de l’étiquetage a déjà été abordée avec le ministre Stéphane Travert lors de l’examen de la loi Egalim 1 du 30 octobre 2018, puis de la loi Egalim 2. Mme Bessot Ballot avait également soutenu une proposition de loi sur ce sujet. Dans le cadre de la mission d’information sur l’autonomie alimentaire de la France et au sein de ses territoires, avec Pascale Boyer, nous préconisions de revoir le règlement Inco, car c’est au niveau européen que tout se joue. Chaque initiative législative que nous avons prise en la matière a été entravée par les décisions du Conseil d’État, ce qui a rendu inapplicables les mesures que nous souhaitions. Vous constatez que, une fois encore, on se heurte au droit européen.

Le bon véhicule aurait été une proposition de résolution européenne déposée à la commission des affaires européennes. Vous auriez ainsi pu véritablement appeler à la révision du règlement Inco.

Néanmoins, j’ai envie de jouer le jeu – qui ne tente rien n’a rien : j’ai déposé des amendements visant à donner de la consistance à votre texte. Pour autant, mon scepticisme reste intact. Votre groupe semble l’être également, étant donné que votre proposition de loi a malheureusement été inscrite en avant-dernière position de la niche parlementaire de jeudi prochain.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je reconnais moi-même que nous allons nous heurter au droit européen. Néanmoins, nous avons besoin de textes d’appel.

Le deuxième paragraphe de l’article 26 est dépourvu de logique : dans de nombreux cas, le consommateur est trompé. Si on ne propose rien, s’il n’y a pas de textes d’appel, à quel moment avancerons-nous ? Dans le cadre de la stratégie De la ferme à la table, la révision du règlement Inco a été envisagée pour la fin de l’année 2022, avant d’être reportée sine die.

Mme Marie Pochon (EcoS). Une fois n’est pas coutume, nos collègues du Rassemblement national se saisissent des sujets du mieux manger, de l’accès pour tous les consommateurs à une information de qualité et de la valorisation de la production agricole locale. Par coutume, ils s’opposent tantôt à l’interdiction des polluants éternels, aux taxes sur les produits ou aux publicités en faveur d’aliments nocifs pour la santé, tantôt aux objectifs de vrac dans la grande distribution ou aux prix rémunérateurs pour les agriculteurs.

Pour nous, écologistes, l’information du consommateur sur la traçabilité et la transparence sur l’origine des aliments sont des considérations majeures. Nous avons toujours mené ces combats non seulement parce que l’information est le meilleur moyen de valoriser le travail des agriculteurs, dont un sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté, mais également parce que ce n’est qu’ainsi qu’on pourra garantir une alimentation saine, durable et de qualité à l’ensemble des consommateurs et consommatrices, à l’heure de l’explosion de la malbouffe et des maladies chroniques.

Avec cette proposition d’appel que vous assumez comme telle, vous inventez de nouvelles obligations. Or, elles relèvent du droit européen, qui se décide à Bruxelles, droit que vous fustigez. Si seulement votre chef de file daignait siéger au Parlement européen de temps en temps !

Nul besoin de revenir non plus sur l’article 2, qui instaure des amendes tout simplement disproportionnées s’appliquant, par exemple, aux petites entreprises conditionnant leurs produits directement à la ferme ou dans des outils de transformation locaux. Quant à l’article 3, il ne fera qu’induire en erreur les consommateurs.

Enfin, nous divergeons sur un point majeur : ce que nous défendons, c’est une information complète pour les consommateurs, à la fois sur l’origine et la qualité des denrées qu’ils achètent, mais aussi sur les impacts complets, y compris écologiques, de la chaîne de valeur. À l’heure des bouleversements climatiques et géopolitiques qui exigent une véritable souveraineté alimentaire, fondée sur des aliments produits localement, sans intrants venus de Russie ou d’aliments importés d’Amérique du Sud, il est plus que temps de promouvoir des indicateurs globaux comme le planet-score. Cet indicateur, soutenu par la science et l’UFC-Que choisir, évalue de nombreux impacts des produits, notamment liés à l’usage des pesticides, sur le climat, la biodiversité ou la santé.

L’agriculture de demain, le soutien que nous devons à la relocalisation de notre économie passeront par des productions rémunératrices et respectueuses des conditions de travail des agricultrices et des agriculteurs, mais aussi de la santé des consommateurs, des sols, de l’eau, de l’air et du vivant. Comme de coutume, nous rejetterons ce texte qui n’est, selon vos propres dires, qu’un texte d’appel.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Comme de coutume, vous rejetterez ce texte et vous agirez contre les agriculteurs. Cette intervention, encore une fois, a été très politique.

J’appelle chacun, notamment ceux qui nous écoutent, à vérifier la présence des députés ainsi que les votes de chacun d’entre eux. Le groupe Rassemblement national est celui qui est le plus présent et qui vote le plus.

Comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, il s’agit d’un texte d’appel. Nous savons très bien qu’il faudrait que le Gouvernement saisisse la Commission européenne pour faire bouger les lignes. Le Rassemblement national est donc force de proposition, contrairement à vous.

Nous nous sommes alignés sur les sanctions prévues à l’article L. 451-1 du code de la consommation, qui réprime « le fait pour l’opérateur de ne pas procéder à l’information » relative à une non-conformité à la réglementation. Je pensais que vous le connaissiez.

M. Romain Daubié (Dem). Je vous remercie de nous donner l’occasion de débattre de l’information du consommateur. Bien manger fait partie du quotidien de chacun.

Je suis d’une génération où l’on est très attentif à l’origine des aliments, à leurs valeurs nutritives et au type d’agriculture utilisé pour les produire. Nous sommes nombreux à prendre conscience du lien entre l’agriculture et la santé.

De nombreuses initiatives ont été prises en matière d’information du consommateur, comme le nutriscore ou le dispositif récent Origin’Info. L’écueil réside dans le manque de lisibilité et de compréhension pour le grand public, qui donne lieu à des excès. La mention « fabriqué en France », accompagnée d’un drapeau français, peut induire en erreur le consommateur si le produit est importé et que seule la transformation industrielle a eu lieu en France. Nous devons travailler sur ce sujet.

Je soutiens les agriculteurs français et la production locale, qu’elle soit conventionnelle ou biologique, et je souhaite que les consommateurs soient bien informés pour éviter que l’agro-industrie ne tire des profits indus d’une mauvaise information. Néanmoins, je crains que votre proposition de loi ne fasse naître de faux espoirs, car elle n’est pas conforme au règlement Inco. Mon groupe ne peut voter des dispositifs inconstitutionnels ou contraires au droit européen.

Bien que nous partagions votre objectif d’une meilleure information du consommateur, nous ne voterons pas ce texte.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je constate qu’à l’exception de quelques groupes, tout le monde reconnaît que les agriculteurs rencontrent des difficultés.

Soyons factuels : si vous votiez tous ce texte et que le processus législatif avançait, le Gouvernement pourrait saisir la Commission européenne pour faire bouger les lignes. Donnez sa chance au texte, faites-en sorte que la situation progresse pour les agriculteurs, les consommateurs et les producteurs.

M. Thierry Benoit (HOR). Le groupe Horizons et indépendants se veut constructif. La question de l’étiquetage, qui permet de connaître l’origine des produits consommés ainsi que leur composition, est une préoccupation tant des consommateurs que des agriculteurs, qui nous le rappellent régulièrement sur le terrain.

Depuis longtemps, les gouvernements successifs travaillent sur ce sujet. Il y a plus de dix ans, Benoît Hamon, alors ministre chargé de la consommation, avait soutenu un projet de loi et conduit une délégation à Bruxelles pour interroger le commissaire européen compétent sur la compatibilité de ces travaux avec le droit européen.

S’agissant de l’article 1er de la proposition de loi, notre groupe ne le votera pas, en raison de son incompatibilité avec le règlement Inco.

Quant à l’article 2, il prévoit des peines d’emprisonnement pour les personnes qui ne respecteraient pas les obligations en matière d’étiquetage. Est-il nécessaire d’instaurer de telles peines ? L’amende de 150 000 euros que vous proposez en cas d’impression ou de distribution d’un étiquetage frauduleux semble suffisante. Cet article me paraît néanmoins acceptable.

Nous pouvons travailler sur l’article 3. La suppression de l’article 1er permettrait à votre proposition de loi de prendre corps. Par ailleurs, ce texte pourrait être transformé en proposition de résolution européenne. Les députés français doivent continuer à interpeller l’Union européenne sur cette question, notamment au moment où l’Union européenne signe des accords internationaux comme le Ceta (accord économique et commercial global) et le Mercosur. Connaître la provenance des produits distribués en France et leur composition précise serait une grande avancée pour les consommateurs français et européens.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous avez indiqué que les gouvernements successifs ont tous travaillé sur la question de l’étiquetage. La révision du règlement Inco, qui était envisagée pour la fin de l’année 2022, dans le cadre de la stratégie De la ferme à la table, a été reportée en raison de l’opposition de certains États à toute avancée sur l’affichage nutritionnel. Cela signifie-t-il que certains États peuvent obtenir gain de cause, contrairement à la France qui ne peut faire avancer le processus législatif ?

Je le répète : si vous votiez tous ce texte, nous pourrions faire bouger les lignes. Le Gouvernement pourrait saisir la Commission européenne et nous pourrions aller plus loin dans cette démarche.

Les sanctions de l’article 2 s’alignent, je le répète, sur celles prévues par le code de la consommation pour l’opérateur qui ne procède pas à l’information relative à la non-conformité à la réglementation de produits qu’il a fournis.

M. Julien Brugerolles (GDR). Avec ce texte, vous proposez de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine de tous les produits agricoles ou alimentaires et de tous les produits de la mer à l’état brut ou transformé, ainsi que les pays d’origine des miels composant un mélange.

La proposition de loi n’est pas nouvelle. La stratégie qui consiste à reprendre les propositions d’autres groupes pour tenter un petit coup politique ne l’est pas non plus. Dès 2013, nous avions nous-même déposé une proposition de loi analogue, défendue par André Chassaigne. En 2020, notre groupe avait été à l’initiative d’une proposition de résolution européenne relative à la sécurité alimentaire. Elle appelait notamment à accélérer les travaux européens concernant l’étiquetage de l’origine géographique des produits alimentaires afin d’aller au-delà de ce que permet le cadre européen actuel.

Enfin, à la suite de l’adoption de la loi Egalim, l’article L. 412-4 du code de la consommation rend déjà obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires ainsi que pour les produits de la mer à l’état brut ou transformés. Cette application est toutefois subordonnée à la compatibilité avec le droit de l’Union européenne que vous proposez de supprimer.

Le sujet fait largement consensus, alors que nos producteurs subissent la concurrence déloyale des productions des pays tiers, aggravée par les accords de libre-échange, sans même évoquer les conséquences écologiques souvent désastreuses de ces importations. Toutefois, en reformulant l’obligation à caractère général d’étiquetage déjà prévue dans notre droit, cette proposition de loi s’exonère délibérément du cadre européen, malheureusement inopérant. Il ne suffit pas d’exclure la notification préalable à la Commission européenne pour être quitte.

J’ajoute, concernant le miel, que les directives dites Petit-déjeuner, adoptées le 10 avril 2024, doivent être transposées avant le mois de juin 2026, et qu’elles sont mieux-disantes que ce texte. En effet, pour les miels mélangés, l’étiquette devra indiquer la liste exhaustive des pays d’origine par ordre décroissant et le pourcentage que chaque pays représente.

Plutôt que de voter une nouvelle fois le même dispositif, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités pour faire évoluer au plus vite le cadre européen, afin que l’obligation déjà prévue par notre droit s’applique.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Si une proposition de loi n’est pas examinée, elle ne peut aboutir. Nous présentons ce texte pour qu’il soit débattu : votez-le, puisque vous souhaitez que le Gouvernement se saisisse du sujet ! Cela fera avancer le processus législatif, et le Gouvernement serait en mesure de saisir la Commission européenne pour résoudre ce problème d’étiquetage.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Hervé de Lépinau (RN). Mme Grégoire considère que la souveraineté des parlements n’a plus d’importance, puisque tout doit se faire au niveau européen. Quant à M. Daubié, il a, en bon juriste, émis des réserves juridiques.

Permettez-moi de rappeler un principe : on ne peut assouplir le droit européen, on ne peut qu’en renforcer les obligations. Madame la rapporteure, considérez-vous que votre texte vise à alourdir les obligations du règlement Inco ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je l’ai déjà dit : je ne néglige pas l’écueil que constitue le droit européen, mais si nous voulons défendre les consommateurs et les producteurs, il faut que ce texte aboutisse. Qui a oublié l’histoire des tomates cerises vendues moins d’un euro le kilo, que l’on croyait françaises alors qu’elles ne l’étaient pas ? Si ce texte est voté et suit le processus législatif, le Gouvernement serait en mesure de saisir la Commission européenne et nous pourrions faire bouger les lignes.

Les précédents gouvernements n’y sont pas parvenus, j’en suis désolée, mais n’empêchez pas d’autres personnes de le faire.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends la démarche patriotique visant à signaler l’origine des produits, afin que les consommateurs puissent privilégier les produits français. Toutefois, quand il est question de produits alimentaires, il faut aussi parler de leur qualité et des risques qu’ils présentent pour la santé, le climat et la biodiversité.

Parce que la protection du climat et de la biodiversité est fondamentale pour établir et conserver notre souveraineté alimentaire, je regrette que votre démarche d’étiquetage ne reprenne pas les informations environnementales de Planet-score.

Un collègue a préconisé de privilégier les exportations, mais cela reviendrait à refuser de s’attaquer aux causes de la présence de produits provenant du monde entier dans les rayons de nos supermarchés. Pour éviter ces produits, il faut sortir des spécialisations et favoriser les productions locales ; privilégier les exportations nous oblige à importer.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Votre proposition pourrait faire l’objet d’un texte de loi complémentaire, mais elle n’est pas en rapport direct avec ma proposition de loi.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Lors du dernier Salon de l’agriculture, la ministre a annoncé avoir saisi la Commission européenne des enjeux relatifs à l’étiquetage, notamment à propos du dispositif Origine’Info, dans le cadre de la révision du règlement Inco.

Sans remettre en cause la sincérité de votre engagement, je m’interroge : pourquoi déposer ce texte alors que vous auriez pu défendre une proposition de résolution européenne dans le cadre de cette révision ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Si cette proposition de loi est votée, le Gouvernement aura l’obligation d’en informer la Commission européenne au titre du règlement Inco.

 

 

Article 1er : Obligation d’informer le consommateur quant au pays d’origine de tout produit agricole ou alimentaire et de tout produit de la mer, à l’état brut ou transformé

 

 

Amendements CE3 de Mme Hélène Laporte et CE1 de M. Julien Dive (discussion commune)

Mme Hélène Laporte, rapporteure. L’amendement CE3 est de coordination juridique.

M. Julien Dive (DR). La gelée royale n’est ni un miel, ni un produit dérivé du miel. Cet amendement vise à l’inclure dans l’obligation d’étiquetage de l’origine.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je comprends votre volonté d’étendre à la gelée royale les règles de transparence applicables aux miels. Avis favorable sur les deux amendements.

La commission adopte l’amendement CE3.

En conséquence, l’amendement CE1 tombe.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE4 de Mme Hélène Laporte, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 1 modifié.

 

 

Article 2 : Création d’une sanction pour le non-respect des dispositions relatives à l’obligation d’informer le consommateur au moyen de l’étiquetage, du pays d’origine de tout produit agricole ou alimentaire

 

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE5 de Mme Hélène Laporte, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 : Utilisation abusive du drapeau français, d’une carte de France ou de tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires

 

Amendement CE6 de Mme Hélène Laporte

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Cet amendement a pour objet d’abroger le III de l’article 12 de la loi Egalim 2 prévoyant le renvoi à un décret pour déterminer la liste des filières concernées par la dérogation à l’interdiction d’utiliser le drapeau français ou un autre signe représentatif de la France lorsque l’origine française des ingrédients primaires est « difficile, voire impossible à garantir » parce qu’ils sont issus de filières non productrices en France ou dont la production est manifestement insuffisante sur le territoire.

L’absence de publication de ce décret fait obstacle à l’application de la loi. Compte tenu de la précision apportée par l’article 3 de la présente proposition de loi, cette disposition pourra être appliquée sans qu’un décret intervienne.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

 

Après l’article 3

 

Amendement CE2 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (DR). Cet amendement vise à créer un article additionnel qui prévoit de rendre obligatoire, sur les produits importés ne respectant pas les standards européens, une mention le précisant. Des sanctions en cas de non-respect de cette obligation sont également prévues.

Cet article additionnel s’inscrit dans la continuité des lois Egalim, en particulier de l’article 44 de la loi Egalim 1 qui prévoit l’interdiction de la vente de produits alimentaires ou agricoles ne respectant pas les standards européens. Afin d’aller plus loin, la Droite républicaine avait d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à appliquer cet article aux importateurs.

Avec cet article additionnel, je souhaite contribuer à donner corps à l’article 44 de la loi Egalim 1.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je comprends vos préoccupations, monsieur Dive : puisque nos agriculteurs et nos industriels ne sont pas soumis aux mêmes règles que leurs concurrents internationaux, il faudrait à tout le moins que le consommateur soit informé lorsque les produits alimentaires importés ont été produits à l’aide de produits phytopharmaceutiques, de produits vétérinaires ou d’aliments pour animaux, non autorisés dans l’Union européenne.

Toutefois, depuis la loi Egalim, l’article L. 236-1A du code rural et de la pêche maritime interdit la commercialisation de tels produits. Le problème, comme vous le relevez, est l’inapplication de cette disposition. Toutefois, la loi ne saurait prévoir une disposition qui impose d’informer le consommateur lorsqu’elle n’est pas respectée ; elle doit être appliquée et tout manquement doit être sanctionné.

C’est pourquoi il faut compléter la loi Egalim en interdisant l’importation de ces produits et en prévoyant des sanctions dissuasives, comme votre groupe l’avait déjà suggéré dans la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France, dont le rapporteur était M. Antoine Vermorel-Marques.

Demande de retrait.

M. Julien Dive (DR). Je vous prends au mot, madame la rapporteure : comme vous l’avez indiqué, cette proposition de loi est un texte d’appel. J’ai donc décidé de déposer un amendement d’appel plus ambitieux que certains des articles du texte lui-même.

Votre texte vise à mieux informer le consommateur : avec cet amendement, celui-ci sera informé que les produits mis en vente ne respectent pas les standards imposés aux agriculteurs français. Vous ne voudriez pas qu’il soit indiqué sur certaines pâtes à tartiner que les noisettes utilisées sont importées de Turquie et concurrencent celles du Lot-et-Garonne ?

M. Richard Ramos (Dem). L’amendement de M. Dive est pertinent puisqu’il vise à protéger nos agriculteurs, en ciblant particulièrement les produits transformés – qui représentent un volume considérable. Je ne comprends pas comment vous pouvez vous y opposer. Nous avons pourtant suffisamment débattu de l’acétamipride il n’y a pas si longtemps !

Madame la rapporteure, j’ai voté l’ensemble de vos amendements et des articles de votre texte, mais si vous rejetez celui-ci, nous ne pourrons pas voter le texte.

M. Romain Daubié (Dem). Je soutiens également cet amendement, qui cible le cœur du problème : la concurrence faussée et l’absence de clauses miroirs. On peut admettre la concurrence, à condition que les règles du jeu soient les mêmes.

Je me reconnais pleinement dans cet amendement d’appel, susceptible de nous rassembler.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je ne suis pas défavorable à cet amendement, j’en ai demandé le retrait. Puisque plusieurs d’entre vous semblent y être attachés, j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

La réunion est suspendue de dix heures trente à dix heures quarante.

 

*

* *

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de Mme Manon Meunier, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons à l’examen de l’avis sur le budget de l’agriculture, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 ; 79 amendements ont été déposés.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Je voudrais commencer par parler des baisses globales qui caractérisent le budget de l’agriculture pour 2026, en le comparant à celui de l’année 2024. Au cours des deux dernières années, ce budget a en effet subi deux baisses successives considérables : les autorisations d’engagement (AE) s’élevaient à 5,3 milliards d’euros (Md€) en 2024, contre 3,9 Md€ pour 2026, soit une diminution de 27 % ; les crédits de paiement (CP) sont passés de 4,7 Md€ en 2024 à 4 Md€ pour 2026, soit une baisse 15,6 %.

L’agriculture est utilisée comme une variable d’ajustement du « budget Lecornu », alors qu’elle conditionne notre alimentation, notre souveraineté alimentaire (dans un contexte international particulièrement tendu), notre santé (grâce aux qualités nutritionnelles des produits), notre environnement et nos paysages (avec les pratiques agricoles), la vie de nos campagnes et le tissu économique des territoires ruraux. Elle ne peut donc pas être une variable d’ajustement.

La diminution des autorisations d'engagement de 1,4 Md€ en deux ans n’est pas acceptable, d’autant que l’agriculture doit relever des défis majeurs. Le premier concerne le renouvellement des agriculteurs et des agricultrices : d’ici à 2030, la moitié d’entre eux partiront à la retraite. Pourtant, les AE pour l’appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles diminuent de 20 %.

Le deuxième défi est celui de la souveraineté alimentaire, dans un contexte international particulièrement tendu. Pourtant, la politique de l’alimentation pour la souveraineté alimentaire diminue de 15 % et le plan Protéines végétales est réduit à zéro, alors que la France est loin d’être souveraine en la matière.

Enfin, l’agriculture fait face à un défi immense en matière de planification écologique, les agriculteurs comptant parmi les premières victimes du changement climatique. Le budget consacré à l’assurance récolte diminue de moitié et celui de l’action 29 Planification écologique accuse une baisse de 64 %, alors qu’elle englobe le plan Haies, le plan Protéines végétales, le diagnostic carbone et un fonds pour la souveraineté alimentaire. Au total, le budget consacré à la planification écologique de l’agriculture diminue de 89 % par rapport à 2024, passant de 1,31 Md€ à seulement 118 millions d’euros (M€) pour 2026.

La stratégie de réduction des produits phytosanitaires et le projet alimentaire de territoire font partie du programme 206, Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, qui subit la coupe la plus importante : les AE diminuent de 84 % entre 2025 et 2026, passant de 155 M€ à 25 M€. Au même moment, le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides enregistre un nombre record de signalements ; les agriculteurs multiplient les alertes sur la concurrence internationale qu’ils subissent, biaisée par l’utilisation de pesticides – nous devrions accélérer la recherche ; la pétition contre la loi Duplomb compte plus de deux millions de signatures. Tout cela est absolument scandaleux.

Le défi sanitaire que doit relever l’agriculture est également immense, d’autant que le traitement des crises sanitaires, dermatose nodulaire et grippe aviaire, est loin d’être parfait. La dimension sanitaire fait l’objet de la seule hausse du budget, d’un montant de 40 M€. Nous pourrions nous en réjouir, mais elle est insuffisante et presque artificielle. En effet, le ministère a confirmé que la crise de la dermatose nodulaire n’ayant pas été anticipée, elle n’a pas été prise en considération dans le budget pour 2026. De plus, les 40 M€ correspondent à la reconduction du budget de l’année dernière, qui, lui, ne tenait pas compte du contrôle vaccinal contre la grippe aviaire.

Ce budget n’est donc pas du tout à la hauteur. Quant au ministère, il tente de nous rassurer en disant : « Le budget ne diminue pas vraiment puisque ces baisses ont déjà été effectuées au cours de l’année 2025. ». Évidemment, ces propos n’ont pas été de nature à me rassurer.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce budget, mais nous pourrons y revenir lors de nos débats. Je vous propose d’aborder le volet thématique de mon rapport pour avis, que j’ai décidé de consacrer à l’enjeu de la souveraineté alimentaire en mettant en exergue la filière porcine et la filière bovine allaitante.

L’enjeu de la souveraineté alimentaire est central, mais il est souvent dévoyé dans nos débats. À l’Assemblée nationale, on examine la productivité des différentes filières, mais on laisse de côté de nombreux sujets : on ne mesure pas notre dépendance aux matières premières importées pour produire ; on ne regarde pas si on a besoin d’exporter pour compléter notre production ; on ne s’intéresse ni à la durabilité sanitaire, ni à la durabilité environnementale, qui sont pourtant des éléments fondamentaux de la souveraineté ; on ne se penche pas non plus sur les questions de démocratie alimentaire. La souveraineté alimentaire, c’est pourtant le droit d’un peuple à décider de son système alimentaire.

J’ai décidé d’entamer un travail visant à mesurer la souveraineté alimentaire dans ces deux filières, qui présentent des taux d’autoapprovisionnement supérieurs à 90 % – leur production est quasiment équivalente à ce qui est consommé en France – tout en produisant de façon très différente.

Le modèle bovin allaitant est très ancré dans les territoires et pratiqué dans des fermes familiales. La filière fait vivre les campagnes : elle est relativement riche en emplois, puisqu’elle fait travailler 103 000 équivalents-temps plein (ETP) dans environ soixante-dix mille élevages ; neuf éleveurs sur dix ont des troupeaux de moins de cent vaches.

Reposant sur un modèle herbagé et des fourrages produits sur place, cette filière est quasi autonome en alimentation animale. Son utilisation de l’espace est particulièrement intéressante : l’élevage bovin allaitant, extensif, se fait majoritairement sur prairie, ce qui permet le maintien de la biodiversité. Ces prairies, dont certaines sont très peu cultivables, ne seraient pas maintenues sans la présence de ces élevages ; là où cet élevage est en recul, les friches se développent.

Historiquement, cette filière a mené un travail sur la qualité nutritionnelle, sur la préservation des races et sur la génétique. Les éleveurs, nombreux, sont passionnés et ont développé un lien très fort avec les animaux ; un travail culturel est mené autour de la filière bovine allaitante.

Celle-ci présente néanmoins un défaut : elle est partiellement dépendante de l’export s’agissant de l’engraissement. On exporte pour engraisser, notamment en Italie, nos propres filières n’étant pas suffisamment développées ; les développer permettrait de renforcer notre souveraineté, en particulier si la valeur ajoutée retombe prioritairement dans les mains des agriculteurs et des agricultrices.

La filière porcine est très différente : elle repose sur un modèle majoritairement industriel, qui emploie 32 000 ETP, dont 30 % sont salariés. La production, à 95 %, est effectuée dans des bâtiments fermés et ventilés, voire chauffés, où les animaux sont placés sur caillebotis. Ce modèle est donc plus demandeur en matières premières importées, qu’il s’agisse de l’énergie ou des matériaux de construction.

La filière est très dépendante de l’importation de protéines, notamment de soja provenant du Mercosur. La filière essaie de réinternaliser l’alimentation protéique, mais reste encore dépendante, en particulier de la Chine, pour l’importation de protéines de synthèse comme la lysine, très peu produite sur le territoire français. Elle est également dépendante des engrais, utilisés pour la production massive de céréales destinées à l’alimentation des porcs.

Du point de vue génétique, la filière tend à une standardisation importante, conforme aux objectifs d’optimisation et de productivité de ce modèle industriel. L’optimisation passe par un conditionnement de l’alimentation et de la mise à bas et par la standardisation génétique. Cette dernière a pour conséquence un abaissement de la barrière génétique et une augmentation de la fragilité sanitaire des élevages porcins – la faible diversité génétique a amoindri leur résistance.

Ce modèle présente des externalités négatives importantes, notamment en matière de pollution et de santé. L’État consacre des montants non négligeables à la lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, où sont concentrés la plupart des élevages porcins. De plus, ces élevages ont recours, parfois de manière systématique, à de nombreux antibiotiques – certains étant similaires aux nôtres. Cela a pour effet de réduire leur efficacité, notamment ceux qui sont aussi utilisés pour la santé humaine.

En matière de souveraineté alimentaire, une question pourtant centrale est encore trop peu soulevée : qui possède les outils de production ? Là encore, il est intéressant de comparer ces deux filières, notamment pour s’interroger sur les politiques menées.

Dans un contexte international tendu, il est important de savoir si les outils de production alimentaire sont possédés par des agriculteurs et des agricultrices ou par des groupes, des firmes ou de grandes coopératives, c’est-à-dire des acteurs ayant des intérêts à l’international.

Dans la filière porcine, les outils de production sont concentrés dans les mains de quelques grandes coopératives. Elles possèdent les abattoirs et la production de l’alimentation animale et contrôlent la sélection des antibiotiques et le choix des bâtiments. Elles ne possèdent pas encore les terres agricoles, mais la situation est en réalité plus perverse : le respect du cahier des charges – englobant les bâtiments, les antibiotiques, l’alimentation animale et le nombre de bêtes – impose que les exploitations aient une taille minimale pour être rentables. Les porteurs de projet qui s’installent doivent investir de 3 à 4 M€, ce qui suppose de trouver un garant ; en l’occurrence, la coopérative. Ce système quasi intégré, soutenu par les politiques actuelles, contraint les agriculteurs et les agricultrices à respecter scrupuleusement le cahier des charges de la coopérative, alors qu’ils supportent seuls le risque financier.

La filière bovine est encore préservée de ce système. Elle s’organise selon un modèle familial, avec des fermes plus nombreuses. Toutefois, les banques refusent souvent d’accompagner l’installation d’un élevage bovin, bien que les sommes soient moins importantes que pour l’élevage porcin. Parallèlement, une concurrence déloyale est en cours de développement dans notre propre pays. Dans le Limousin, où l’élevage bovin extensif est majoritaire, l’entreprise T’Rhéa, filiale du groupe agro-industriel Carnivor, vient de mettre la main sur six cents hectares de prairie – difficiles à transmettre en un seul bloc à un jeune installé. Cette entreprise possède des abattoirs sur le territoire et s’approprie progressivement les outils de production.

Nous devons nous interroger sur les politiques que nous souhaitons mener. En votant la loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite loi « Duplomb », dont l’article 3 relève les seuils des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), on accompagne l’agrandissement des élevages porcins à des fins de compétitivité internationale. On pourrait choisir de sortir du libre-échange, parce qu’on estime l’agriculture trop importante pour être soumise à cette concurrence. Toutefois, nous avons choisi de nous aligner sur les pratiques internationales et les normes les moins contraignantes, plutôt que d’agir pour protéger nos éleveurs de la concurrence. Par ces choix, on accompagne l’agrandissement des élevages porcins et on promeut des fermes toujours plus grandes, plus chères et plus difficiles à transmettre, en rendant les éleveurs porcins toujours plus dépendants des coopératives.

Le relèvement des seuils ne concerne quasiment aucun élevage dans la filière bovine : sur soixante-trois milles élevages ICPE, seuls 65 sont soumis à autorisation – comme celui de T’Rhéa, qui compte 2 120 animaux. Le relèvement des seuils ne favorise donc pas les éleveurs bovins qui entretiennent les paysages et fournissent des services. La loi Duplomb n’est pas bénéfique pour l’élevage français : elle ne fera qu’accompagner notre alignement par le bas sur les normes internationales.

En guise de conclusion, permettez-moi d’ouvrir une réflexion sur les coopératives agricoles et leur taille. Alors que deux immenses coopératives, Agrial et Terrena, ont entamé leur fusion, il me semble que le législateur devrait s’intéresser à ce sujet.

La souveraineté alimentaire est étroitement liée à la démocratie alimentaire et nous devons réfléchir à nos habitudes. Nous exportons certaines pièces porcines et bovines, parce qu’elles ne sont pas consommées en France ; nous devrions examiner de quelle manière les valoriser dans notre pays. La démocratie alimentaire concerne aussi l’accès à l’alimentation : tous nos concitoyens ont-ils accès à une alimentation de qualité ? La souveraineté alimentaire soulève donc les questions du pouvoir d’achat et de la sécurité sociale de l’alimentation.

Mon rapport est l’ébauche d’un travail qu’il faudra approfondir et élargir à l’ensemble des filières.

M. le président Stéphane Travert. Merci beaucoup pour ce travail et l’éclairage très intéressant que vous avez apporté sur ces deux filières, notamment celle du bovin allaitant, qui traverse quelques difficultés.

Permettez-moi de citer la mission d’information sur le secteur coopératif dans le domaine agricole, que notre collègue Fabien Di Filippo et moi-même avons menée en 2022. En tant que rapporteurs, nous avions formulé plusieurs préconisations.

Dans le système coopératif, l’agriculteur demeure propriétaire des parts sociales de la coopérative, quelle que soit sa taille. En d’autres termes, un agriculteur égale une voix, nonobstant les opérations de croissance extérieures décidées par certaines. Vous avez évoqué Agrial et Terrena, qui ont effectivement un projet de mutualisation de plusieurs fonctions support.

Aucuns moyens de crise ne sont consacrés dans le budget de l’agriculture à la dermatose nodulaire et aux autres pathologies, pour la simple raison que ces moyens sont prélevés sur la réserve de crise liée au changement climatique. Rappelons que cette réserve peut être mobilisée à tout moment par le ministère pour répondre aux besoins des éleveurs – notamment pour les campagnes de vaccination. Enfin, la ministre fera prochainement appel à la réserve de crise européenne pour venir en aide aux élevages bovins et aux exploitations viticoles.

Mme Géraldine Grangier (RN). Le Gouvernement affiche un budget de 4 Md€ pour la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, mais ce chiffre, brandi comme une preuve d’effort, cache la réalité suivante : l’argent est davantage destiné aux structures, aux opérateurs et aux agences plutôt qu’aux exploitants.

Le problème n’est pas le montant du budget, mais la manière dont il est utilisé : trop d’argent part dans la gestion et pas suffisamment dans la production. L’État agricole est devenu un État d’agences qui se superposent, se doublonnent, se contrôlent entre elles et absorbent près d’un quart du budget total de la mission.

Votre rapport le reconnaît : la seule action 27 Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions mobilise près de 480 M€, soit presque autant que les crédits directs d’aide à la modernisation ou à la transmission des exploitations. Près d’un euro sur deux part dans l’administration du système.

En réduisant de 20 % les frais de structure des agences et des opérateurs, plusieurs centaines de millions d’euros d’économies brutes pourraient être réaffectés chaque année au cœur productif : prévention des risques, aide à l’installation des jeunes et soutien aux petites exploitations.

La France, malade de sa bureaucratie, empile les agences. On duplique les missions, on multiplie les sigles : FranceAgriMer est une usine à subventions où chaque dossier passe par trois bureaux avant d’être signé ; l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) est une machine administrative qui tourne sur elle-même, pendant que les producteurs attendent leurs homologations ; l’Agence bio dépense des millions pour publier des rapports, tandis que les fermes bios ferment les unes après les autres ; l’Agence de services et de paiement (ASP) gère les paiements européens, mais les retards s’accumulent et étranglent les exploitations… et que dire enfin de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui doit rester une agence scientifique indépendante mais dont le pouvoir décisionnaire sera retiré ?

Le Gouvernement parle de « planification écologique », mais il planifie surtout la « bureaucratie verte ». La simplification, la vraie, ne viendra pas d’une nouvelle couche de procédures, mais de règles claires, lisibles et applicables sur le terrain. Il faut rendre le service public agricole utile et efficace. Nos agriculteurs demandent moins d’administratif et plus de résultats.

Produire, protéger, transmettre : voilà notre cap. Ce budget, dans sa forme actuelle, entretient un modèle coûteux, inefficace et paralysé par la bureaucratie. Nous voulons une administration agricole resserrée, efficace, au service de ceux qui nourrissent la nation – et non une pyramide d’agences déconnectées des réalités du terrain. Parce que l’avenir de l’agriculture française ne se joue pas dans les bureaux de Paris, mais dans les champs, les étables et les forêts du Doubs et du reste de la France.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Je n’ai pas compris le projet du Rassemblement national pour l’agriculture. Alors que quasiment tous les groupes ont prévu d’augmenter les fonds d’indemnisation pour les éleveurs face aux crises sanitaires actuelles (dermatose et grippe aviaire), vous ne prévoyez, quant à vous, que des coupes : baisse de 8 M€ pour les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), alors que ce sont précisément ces mesures qui permettent, par exemple, d’entretenir les prairies et les élevages ; baisse de 3,7 M€ pour l’Agence bio, au moment même où les éleveurs et les agriculteurs du bio traversent une crise et ont besoin de la relance de la consommation, et donc de campagnes de communication ; et baisse de 30 000 euros pour les dépenses liées aux déplacements des conseillers régionaux agricoles, qui portent la parole de la France dans les ambassades – les fameux 30 000 euros qui nous manquaient pour redresser le budget Lecornu ! Mme Marine Le Pen disait : « Attendez, on arrive, rassurez-vous ! » : si j’étais agricultrice, je ne serais pas très rassurée…

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Entre 2025 et 2026, la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales confirme et approfondit les grandes priorités établies en 2025, avec un recentrage sur la soutenabilité budgétaire et la résilience climatique. La principale évolution d’orientation est l’accent renforcé sur la souveraineté alimentaire dans un contexte post-crise, du fait notamment de la guerre en Ukraine et des tensions internationales. La mission recentre les priorités sur la sécurité et la souveraineté alimentaires, avec la mise en œuvre dès 2026 de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat.

On note aussi la montée en puissance de la planification écologique, avec l’intégration des politiques agricoles dans les objectifs nationaux de neutralité carbone et d’adaptation au changement climatique, le renforcement du numérique et de la modernisation de l’action publique, avec notamment le développement de plateformes dématérialisées, et la pérennisation du dispositif au bénéfice des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE), qui prévoit une exonération de charges pour la main-d’œuvre saisonnière, déjà confirmée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 conformément à un engagement pris dès 2024.

Les crédits pour 2026 se caractérisent aussi par une contraction des autorisations d’engagement, de l’ordre de – 11 %, traduisant une phase de consolidation budgétaire. Les crédits de paiement se stabilisent à – 5 %, ce qui suggère un étalement des projets existants plutôt qu’un arrêt net. En revanche, j’y insiste, les crédits du dispositif TODE sont stables.

Dans ce contexte, je défendrai au nom de notre groupe trois amendements visant à corriger certaines trajectoires de baisse. L’un vise à revenir sur la baisse de financement du pacte en faveur de la haie et à en porter le budget à 50 M€ en autorisations d’engagement, afin de garantir une continuité dans la dynamique de plantation et de gestion durable. Les deux autres amendements visent à augmenter de 75 M€ le budget du plan de souveraineté pour la filière des fruits et légumes et de 16 M€ celui de l’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture (AITA), dans le but d’accompagner notamment le déploiement du futur guichet France Services Agriculture mis en place à la suite de la loi d’orientation agricole.

Sous réserve de l’adoption de ces amendements, le groupe EPR sera favorable à l’adoption des crédits de l’agriculture.

J’évoquerai enfin la multiplication des épizooties, comme la dermatose nodulaire apparue ces derniers mois en Savoie, mais qui a également causé des dégâts ailleurs comme, très récemment, dans mon département du Rhône. Les crédits affectés à la gestion des maladies animales s’élèvent à 58,2 M€ en autorisations d’engagement et à 57 M€ en crédits de paiement pour 2026. Ces moyens sont intégrés au dispositif global de lutte contre les maladies animales réglementées, avec une dimension opérationnelle et financière, et renforcés à la suite de l’apparition de l’épizootie en 2025. Pouvez-vous détailler la prise en charge de la vaccination dans ces crédits ?

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Monsieur Fugit, nous avons siégé ensemble en commission du développement durable et je connais votre attachement à la planification écologique. Votre amendement visant au redressement du plan Haies sera largement insuffisant car ses crédits, qui étaient de 110 M€ en 2024 en autorisations d’engagement, sont réduits comme peau de chagrin, avec les 10 M€ qui lui seront consacrés. De très nombreux acteurs sur les territoires nous disent que ces crédits seront insuffisants et qu’eux-mêmes devront abandonner les projets en cours. Il va falloir pousser au niveau du ministère pour que des budgets beaucoup plus conséquents soient affectés à ce plan.

Des crédits supplémentaires de 40 M€ sont consacrés au contrôle vaccinal de l’influenza aviaire, mais les vaccins et l’indemnisation concernant la dermatose ne sont pas comptabilisés, d’où les propositions communes que nous pourrions formuler sur ces questions et sur lesquelles j’émettrai un avis favorable.

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Au moment où nous examinons le budget de l’agriculture, la crise de la dermatose nodulaire contagieuse prend de l’ampleur dans tout le pays. L’inquiétude est terrible pour nos éleveurs, qui perdent des revenus et voient leurs exportations stoppées et les marchés bovins fortement perturbés. Ils sont en colère contre la brutalité des mesures prises. Ce moment nous commande d’être à la hauteur et de les soutenir en conséquence. Nous proposons de débloquer un fonds d’indemnisation pour les pertes directes et indirectes d’élevage. La priorité devrait être aussi que la France se donne les moyens d’une véritable campagne de vaccination.

Alors que les agriculteurs ont besoin de soutien pour pouvoir vivre dignement de leur travail et bien nous nourrir, tout en protégeant le vivant, le budget présenté par le Gouvernement consiste, au contraire, en une avalanche de mauvais coups.

Mauvais coup : la capitulation du président Macron face au traité avec le Mercosur, qui menace notre modèle d’élevage, notamment les petites et moyennes exploitations. Mauvais coup : la baisse importante, pour la deuxième année consécutive, du budget de l’agriculture, avec – 1,4 Md€ d’autorisations d’engagement et – 700 M€ de crédits de paiement. Ces baisses ont des conséquences très concrètes. L’une des plus notables porte sur le volet consacré à la prévention des aléas climatiques, avec – 50 %. En période d’instabilité climatique, exposer ainsi les agriculteurs est irresponsable.

Vous amputez aussi significativement notre transition agricole en attaquant le volet consacré à la planification écologique, qui diminue de 64,74 % en autorisations d’engagement et de 30,65 % en crédits de paiement. Les coupes sur les opérateurs, comme l’Agence bio, l’Inao et tant d’autres, privent les agriculteurs du soutien précieux d’acteurs utiles – je pense au travail de l’Inao pour promouvoir des labels d’excellence comme le veau de l’Aveyron et du Ségala, dans mon département.

Sur le volet consacré à la souveraineté alimentaire, la baisse est de 14,68 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, alors que ces crédits financent une restauration collective à base d’aliments sains et locaux, et qui ouvre des débouchés directs importants pour les agriculteurs de notre territoire.

Dernier exemple : la baisse globale des financements pour la sécurité et la qualité sanitaire de l’alimentation.

Je note que cette enveloppe reste toujours trop élevée au goût du Rassemblement national, qui veut la ponctionner encore plus sans prendre les précautions d’usage dans certains de ses amendements. En pleine crise sanitaire, c’est totalement irresponsable.

Face à ce déluge d’irresponsabilité et de mauvais coups, les députés LFI-NFP proposent plusieurs réponses réalistes que je vous invite à voter, en particulier le refus de toutes ces coupes désastreuses prévues par le budget de monsieur Lecornu. Il s’agit ensuite d’apporter des aides à l’installation et à la transmission des exploitations agricoles, sujet majeur pour la profession et pour assurer le renouvellement des générations agricoles. Pour notre agriculture, il y a urgence.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Je souscris à tout ce qu’a dit monsieur Alexandre, qui a notamment abordé un point que je n’ai pas pu évoquer dans mon introduction : l’importance de la commande publique pour la souveraineté alimentaire. La démocratie alimentaire, c’est aussi l’éducation à l’alimentation, qui passe en premier lieu par nos cantines. Ce lieu où se joue le premier rapport à l’alimentation et qui offre le seul repas quotidien assuré pour tous les enfants doit aussi assurer un repas sain et équilibré. La commande publique peut être un levier à la fois pour offrir des débouchés à nos agriculteurs et pour servir de la viande française et de qualité à tous les enfants. Cela doit faire partie de nos objectifs de souveraineté alimentaire.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Alors que nous nous réunissons pour débattre du budget agricole proposé par le Gouvernement, nombreuses sont les urgences dont nous font part les agriculteurs, sans qu’une issue politique concrète et ambitieuse aboutisse. La loi Duplomb, par exemple, n’a apporté aucune réponse de fond et a davantage fracturé la société et le monde agricole.

En 2030, un agriculteur sur deux partira à la retraite. Le renouvellement des générations est un enjeu majeur pour préserver le modèle agricole français. Les traités de libre-échange inquiètent, à commencer par le traité UE-Mercosur, soutenu par le Président de la République. Les concurrences déloyales s’accroissent, avec pour seul résultat l’affaiblissement de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire françaises.

Des crises sanitaires majeures touchent nos élevages, comme la dermatose et l’influenza aviaire. La France suspend ses exportations de bovins sans que la ministre Annie Genevard évoque des compensations aux filières ou des budgets adaptés.

Enfin et surtout, le réchauffement climatique et ses conséquences s’accélèrent. Les années pluvieuses détruisent les rendements, qui ont diminué de 20 % en 2024, et alternent avec des sécheresses qui brûlent les prairies – ainsi, M. Bruno Demeuré, éleveur bio dans ma circonscription, qui doit nourrir son troupeau en plein mois de juillet avec l’alimentation hivernale et qui ne trouve plus de fourrage adapté, se voit contraint de se reclasser en conventionnel.

Ce budget est en trompe-l’œil. Nous observons clairement une baisse accélérée des crédits, de 5,4 Md€ en loi de finances initiale à 3,9 Md€ dans ce projet de loi de finances, soit une baisse de 28 %. Surtout, ce sont les mêmes programmes qui, année après année, font l’objet de baisses drastiques, alors que, dans le même temps, le programme relatif à l’allégement du coût du travail en agriculture est renforcé ou maintenu sans aucune remise en cause. Notons tout particulièrement l’alerte lancée par les acteurs de terrain, à commencer par les chambres d’agriculture, qui nous disent que les baisses budgétaires du projet de loi de finances pour 2024 ne se feront sentir qu’à partir de 2026, c’est-à-dire maintenant.

Ces choix budgétaires traduisent très concrètement un abandon, sinon un acharnement, dont sont victimes les politiques publiques de réduction de l’usage des produits phyto et de transition agroécologique. Il ne s’agit pas de baisses accompagnées ou raisonnables, mais d’une préparation à la suppression pure et simple de ces actions dans les programmes précités : baisse de 15 % contre la stratégie des plans d’alimentation territoriaux, de 14 M€ contre l’Agence bio, de 65 % contre la planification écologique et, alerte suprême, baisse de 84 % contre la diminution des produits phyto.

Au lieu de répondre aux crises sanitaires majeures et graves déjà évoquées, le Gouvernement trouve pertinent de diminuer de 8 % le budget de la police sanitaire et de l’inspection des abattoirs.

Ces choix budgétaires favorisent un retour à des pratiques intensives et standardisées. Ils menacent non seulement la résilience du secteur face aux aléas climatiques et aux contraintes environnementales, mais aussi la capacité de la France à atteindre ses objectifs de transition écologique.

Avec les socialistes, nous nous mettrons au service de ces débats pour porter des amendements concrets, au plus près des attentes du terrain.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir souligné les impacts que subissent notamment les prairies, avec le témoignage de cet agriculteur touché par les aléas climatiques. Cet été a, en effet, été particulièrement chaud et sec, avec des prairies jaunies dès le mois de juin. On observe pourtant une baisse de 50 % de l’assurance récolte, qui déjà ne fonctionne pas correctement. Nous allons devoir mener une réflexion très concrète à ce propos.

M. Julien Dive (DR). L’agriculture n’a pas besoin d’une instabilité supplémentaire. En effet, entre des marchés volatils, un climat imprévisible et des normes toujours plus lourdes, son premier besoin est la stabilité, tant budgétaire que fiscale et politique, et c’est à cette exigence que nous devons répondre.

Le budget de la mission Agriculture pour 2026, bien qu’il affiche une baisse mesurée de 5 % en crédits de paiement, contient des marqueurs importants. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, nous saluons la volonté de préserver certains fondamentaux.

Sur le plan fiscal, des mesures concrètes sont reconduites et méritent d’être saluées. Le tarif réduit appliqué au gaz, au fioul lourd et au gaz de pétrole représente un effort de 1,6 Md€, auquel s’ajoute le taux réduit sur les gaz naturels utilisés en agriculture et en forêt, à hauteur de 22 M€. Nous sommes d’ailleurs plusieurs groupes politiques à avoir, par le passé, déposé des amendements pour les défendre.

Le crédit d’impôt bio est maintenu à 168 M€ et l’abattement sur les bénéfices des jeunes agriculteurs reste actif, pour un montant de 57 M€. Ce sont autant de signaux utiles à ceux qui prennent le risque de produire, d’investir et de s’installer.

Le dispositif TODE, contre lequel la gauche a toujours voté et milité et qui permet d’alléger les charges liées à l’emploi saisonnier, est pérennisé avec un budget de près de 450 M€. C’est un outil indispensable pour les secteurs maraîcher, arboricole et viticole.

Le travail humain reste au cœur de la qualité agricole française. Les exonérations conditionnelles pour les coopératives qui participent activement à la transformation et à la commercialisation sont également maintenues, à hauteur de 218 M€.

Face aux crises sanitaires, les indemnisations versées aux éleveurs contraints à des abattages, qu’ils soient liés à la tuberculose bovine ou à l’influenza aviaire, restent garanties.

Certaines baisses doivent certes être notées, qui s’inscrivent dans une logique d’optimisation. Il s’agit du transfert de 100 M€ vers les régions pour le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et d’une réduction contenue de 58 équivalents-temps plein travaillé (ETPT). Nous regrettons toutefois la diminution des crédits affectés à la transmission des exploitations, enjeu central du renouvellement des générations. Nous ne pouvons pas nous résigner à affaiblir les moyens d’aider ceux qui veulent reprendre le flambeau, notamment au moment où nous subissons des pertes de fermes.

Au-delà du budget national, la politique agricole commune (PAC) continue de jouer son rôle pilier. En 2025, les avances seront versées à 97,5 % des exploitants dès le mois d’octobre, même si les contrôles ne sont pas encore finalisés. Les taux d’avance ont été portés au maximum autorisé, soit 70 % pour les aides du premier pilier et 85 % pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Auront ainsi été versés 4,68 Md€ entre le 16 et le 20 octobre, soit 360 M€ de plus que l’an passé. Le solde suivra, comme chaque année, en décembre.

Enfin, je salue les réponses d’urgence apportées, notamment les 8 M€ débloqués cet été pour les viticulteurs de l’Aude après les incendies. Quand les catastrophes frappent, il faut que l’État soit là : il l’a été.

Ce budget est loin d’être parfait, mais il a le mérite de tenir une ligne : faire de l’agriculture une priorité. Sur ce point, nous serons au rendez-vous.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Le groupe La France insoumise ne s’opposera pas au dispositif TODE, qui comble un manque dans le financement et la valorisation de l’agriculture. Toutefois, vous qui n’êtes pas parmi les derniers à dire que l’agriculture doit pouvoir se financer par elle-même comprendrez que, dans une logique de long terme, nous ne soyons pas favorables à un tel dispositif et préférerions que les agriculteurs puissent effectivement se financer par eux-mêmes et par d’autres dispositifs que de l’exonération.

Pour ce qui est du bio, je serai moins positive que vous. Si quelques lignes peuvent nous satisfaire, j’appelle votre attention sur le fait que les autorisations d’engagement pour les mesures agroenvironnementales et climatiques et pour les filières biologiques sont divisées par deux et que le budget de l’Agence bio est en baisse. Il nous reste encore beaucoup d’efforts à faire dans ce budget.

M. Benoît Biteau (EcoS). Sans entrer dans la déclinaison des chiffres, j’évoquerai l’état d’esprit avec lequel nous devons aborder la discussion de ce projet de loi de finances pour le secteur éminemment stratégique qu’est l’agriculture.

Quand on parle d’agriculture, on parle de souveraineté alimentaire – or, si tout le monde en parle, peu nombreux sont ceux qui en ont une définition exacte et beaucoup oublient que ce qui la menace, ce sont le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. La biodiversité ne se résume pas à la souveraineté alimentaire, à laquelle elle est toutefois nécessaire, non seulement parce que nous avons besoin des pollinisateurs pour visiter les fleurs qui produiront des grains, des fruits et légumes, mais aussi parce qu’elle est un rempart contre l’émergence des épizooties. La biodiversité n’est pas seulement une lubie d’écologiste qui a les cheveux plus longs que les autres, des grosses moustaches et une boucle d’oreille, mais elle répond à des logiques scientifiques qui nous éclairent et devraient nous la faire considérer autrement, notamment quand on tente de réautoriser des pesticides. (Sourires.)

Quand on parle d’agriculture, on parle aussi de la santé de tout le monde, et en premier lieu des enfants, car ils sont les premiers à être affectés par une agriculture trop négligente à l’égard de la santé.

Quand on parle d’agriculture, on parle aussi de ressources vitales, l’eau qu’on boit tous les jours et l’air qu’on respire, souvent dégradées par des pratiques agricoles trop consommatrices de pesticides ou d’engrais de synthèse.

Ce que je réclame, dans cet état d’esprit, c’est que nous convoquions une approche globale – ce que vous faites très bien, madame la rapporteure – et que nous nous rappelions qu’il est une forme d’agriculture qui coche absolument toutes les cases : l’agriculture biologique, que nous devons continuer d’accompagner avec ce qu’on pourrait appeler des « paiements pour services environnementaux » et avec des structures telles que l’Agence bio.

Je suggère donc que nous puissions redéployer des crédits pour traiter l’anticipation, la prévention et la rémunération des agriculteurs, avec une vraie politique de l’emploi et du revenu, gage de réussite des installations. Si nous ne sommes pas capables de donner des perspectives de revenu et d’emploi aux futurs installés, la crise des vocations se poursuivra.

Nous devons aussi répondre aux citoyens. La pétition qui a réuni cet été deux millions de signataires contre la loi Duplomb montre que nous ne devons pas négliger les attentes sociétales. Faisons ce qu’avait fait Robert Badinter pour abolir la peine de mort : n’attendons pas que tout le monde soit d’accord, mais prenons nos responsabilités sur la base des éclairages scientifiques dont nous disposons.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Vous soulignez à très juste titre le lien entre les crises sanitaires et les crises environnementales. Les agriculteurs savent que c’est à cause du changement climatique et de la perte de la biodiversité que les épidémies explosent année après année, au point que nous avons l’impression de ne plus jamais en sortir.

Je tiens à souligner une incohérence très grave de la part du ministère, qui nous répond qu’en temps de crise sanitaire, il renflouera les fonds d’indemnisation sur ses crédits destinés à la planification écologique. C’est un non-sens complet du point de vue de la durabilité, sur laquelle précisément nous devons travailler pour réduire les crises sanitaires.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je commencerai par les enjeux budgétaires. La baisse des crédits s’explique notamment par la baisse de 100 M€ d’euros du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), par la quasi-extinction de la sous-action Dotation jeunes agriculteurs (DJA) et par la baisse drastique des crédits de la planification écologique. Sur ce dernier point, nous avions voté à l’époque – je m’en souviens très bien, car j’étais alors rapporteur spécial pour la commission des finances – des crédits qui permettaient de financer notamment la réduction des épandages de déjections par les éleveurs, des engrais azotés et des combustibles fossiles, les diagnostics d’émissions carbone, les plantations de haies et le plan Protéines végétales. Il faut admettre qu’à l’époque, la documentation manquait de précision. Une partie seulement de ces crédits a été mobilisée en 2024. Nous avons néanmoins établi cette ambition forte, mais quelles actions ont été engagées depuis deux ans sur ces chantiers et quelles évaluations des besoins ont été réalisées depuis lors ?

À propos de l’agriculture biologique, je n’ai pas bien perçu, dans votre rapport, quelles étaient les évolutions concrètes concernant le fonds Avenir bio, l’Agence bio et la communication pour faire repartir la consommation.

Enfin, je me félicite, comme d’autres collègues, de la prolongation du dispositif TODE, indispensable au bon fonctionnement de nos exploitations dans de nombreux secteurs. Je me réjouis également de la réponse que vous venez de faire à monsieur Dive à ce propos.

Je vous remercie par ailleurs de votre passionnant exposé thématique sur la santé de nos filières porcine et bovine, menacées par des difficultés immenses. Je renouvelle tout mon soutien aux éleveurs touchés récemment par la dermatose nodulaire. Nous resterons à leurs côtés dans ce combat et dans celui qu’il faut mener contre un accord injuste entre l’Union européenne et le Mercosur.

Peut-être est-ce toutefois mon côté chauvin qui me fait regretter que la filière ovine n’ait pas été étudiée dans cette partie ? Elle est, en effet, souvent négligée – et je sais que nous partageons, dans nos départements limitrophes, ce combat pour l’éleveur ovin, qui est celui dont le revenu moyen est le plus faible en France et qui a subi l’an passé les fièvres catarrhales ovines de sérotype 3 (FCO3) et de sérotype 8 (FCO8). Il me semble donc que la situation de ces éleveurs aurait dû être ajoutée à votre étude.

Je partage néanmoins plusieurs de vos constats, notamment sur la souveraineté pour les filières du bœuf et du porc : l’autoconsommation ne suffit pas et il faut capter la valeur ajoutée, c’est-à-dire maîtriser les intrants, engraisser nos broutards en France, maintenir le maillage territorial des abattoirs et maintenir un modèle d’agriculture familiale. Comment articuleriez-vous le bien-être animal, qui n’occupe pas une large place dans vos travaux, avec vos propositions relatives notamment à l’abattage et à la répartition des abattoirs en France ?

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. J’aurais évidemment aimé pouvoir traiter également l’élevage ovin, pour lequel vous connaissez mon attachement et qui est très prégnant sur mon territoire, limitrophe du vôtre. Je ne l’ai cependant pas fait parce que je voulais comparer deux filières qui étaient très différentes quant à la production, tout en présentant des taux d’auto-approvisionnement quasi similaires. Les modèles de la filière bovine et porcine sont en effet très différents, alors que les élevages bovins allaitants et ovins sont tous deux des modèles extensifs, avec les mêmes externalités positives. Toutefois, le taux d’auto-approvisionnement de l’élevage ovin est très faible, ne dépassant pas 50 %, et cet élevage est confronté à un enjeu très différent, qui est de réinstaller massivement pour produire ce que l’on consomme en France. Il nous faut sortir des logiques de libre-échange et arrêter les imports, notamment de Nouvelle-Zélande, et j’appelle particulièrement votre attention sur un traité de libre-échange en cours de négociation avec l’Australie qui fait peser un risque sur notre élevage ovin et auquel nous devrons nous opposer aussi fort qu’à l’accord avec le Mercosur, car nos éleveurs ovins méritent également de la considération.

M. Thierry Benoit (HOR). Je commencerai par rappeler quelques éléments de contexte. Il y a en effet un lien entre l’examen de ce budget et la déclaration de politique générale du Premier ministre, qui annonçait sa volonté de maintenir le déficit budgétaire à 4,7 % du produit intérieur brut. Je rappelle également que nous agissons ici dans un cadre d’une grande précarité budgétaire et politique.

J’aborderai trois points. Tout d’abord, madame la rapporteure pour avis, vous avez à juste titre axé votre rapport sur la souveraineté alimentaire en évoquant deux filières : la filière porcine et celle des bovins allaitants. Il faut souligner, comme l’ont fait plusieurs orateurs, la grande inquiétude et les conséquences que provoquent les crises sanitaires à répétition sur quasiment toutes les filières d’élevage animal en France, qu’il s’agisse de la grippe aviaire, de la dermatose nodulaire, de la fièvre catarrhale ovine, qui n’est pas terminée, ou de la peste porcine, qui se poursuit. Il faut donc continuer d’axer les crédits sur la prévention, la prophylaxie et la vaccination, en dotant des moyens nécessaires deux types de services, périphériques à l’agriculture mais hautement stratégiques et étroitement liés : l’Anses, dont nous avons évoqué l’indépendance voilà quelques mois en commission et qui doit disposer des crédits nécessaires à la poursuite de ses recherches, et les directions départementales de la protection des populations (DDPP), notamment les services vétérinaires dans les abattoirs.

La commission des affaires économiques a confié l’an dernier à notre collègue Christophe Barthès, député de l’Aude, et à moi-même une mission consacrée au modèle économique des abattoirs. Sur l’exercice 2023-2024, un abattoir a fermé chaque mois en France. La crise sanitaire que vit chaque filière d’élevage touche de plein fouet les producteurs et il y a de fortes chances que, dans quelques mois ou quelques années, le nombre d’animaux portés en élevage en France diminue, avec des conséquences très importantes sur les abattoirs et les industries de transformation agroalimentaire.

Deuxième point : l’agriculture bio est non seulement sûre, saine et durable, mais elle est aussi ce qui permet la mutation de l’agriculture française.

Nous devons, enfin, travailler au maintien du coût du travail pour la compétitivité de l’agriculture. Le dispositif « Travailleur occasionnel demandeur d’emploi », notamment, doit être préservé à tout prix.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Les questions sanitaires sont en effet au cœur de la souveraineté. Vous m’ouvrez une porte pour aborder un point que je n’ai pas pu détailler dans mon introduction. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit à propos des DDPP. Pour ce qui est de l’Anses, la question se pose.

En matière de production de vaccins, nous sommes largement dépendants de l’importation pour faire face aux crises. Pour la dermatose, nous avons été relativement réactifs, mais avons importé nos vaccins d’Afrique du Sud et, pour la FCO8, nous les avons importés d’Espagne et avons été beaucoup moins réactifs. Or, nous sommes soumis à une concurrence, car l’Espagne fournira d’abord aux pays européens les plus offrants les vaccins qu’elle produit. La France doit donc négocier en permanence pour faire partie de ces pays. Je suggère donc que nous réfléchissions à la réinternalisation de la production de nos vaccins en France.

M. David Taupiac (LIOT). Alors que le monde agricole subit toujours une crise latente, marquée récemment par l’adoption de l’accord de libre-échange UE-Mercosur, et que la nouvelle PAC ne semble plus être une priorité européenne et fait les frais des contraintes budgétaires, la mission Agriculture, si elle n’est pas épargnée par le plan de redressement des comptes publics du projet de loi de finances pour 2026, présente un budget relativement stable.

Certaines dispositions de ce projet sont globalement satisfaisantes. C’est le cas des aménagements apportés à la déduction pour épargne de précaution, prorogé jusqu’en décembre 2028. Ce dispositif permet de compenser la volatilité des revenus en encourageant la constitution d’une épargne de précaution.

Un autre dispositif bienvenu est celui de la provision pour hausse de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes.

Ce budget n’a cependant pas d’orientation claire sur l’agroécologie. Les crises sanitaires et les aléas climatiques continuent d’affecter fortement notre agriculture et doivent se traduire en réponses fiscales pour éviter une fragilisation durable des exploitations.

Si nous saluons la principale nouveauté de ce texte qu’est l’instauration d’une exonération des indemnités d’abattage pour raisons sanitaires d’animaux affectés à la production de cheptel, qui pourrait s’appliquer dès 2025 pour les indemnités perçues au titre de la dermatose nodulaire contagieuse, nous regrettons cependant l’insuffisance d’un soutien budgétaire adapté pour l’ensemble des filières confrontées aux aléas climatiques et à des épizooties.

Nous partageons également le regret de notre rapporteure quant à l’absence d’un fonds consacré à la recherche sur les maladies animales. C’est une interrogation légitime, puisque le ministère avait lancé des assises sanitaires en janvier dernier et ciblé un déploiement au plus tard en 2026 pour une gouvernance améliorée, un financement rénové et la valorisation de solutions innovantes. Nous ne trouvons pas cette ambition dans ce projet de loi de finances.

Que ce soit en viticulture, en agriculture biologique, dans la filière Noisette ou dans celles de l’élevage, il faut rompre avec le manque de lisibilité et de cohérence des politiques publiques, qui rend les trajectoires d’investissement incertaines pour les producteurs et met à mal les modèles économiques.

Enfin, le Gouvernement semble avoir abandonné toute velléité de préparer la transition agricole et propose une vision encore trop fragile pour l’agriculture de demain, avec la baisse du budget de planification écologique en agriculture. On note en effet une baisse très nette des crédits de paiement et des autorisations d’engagement, avec un recentrage sur quelques rares dispositions comme le renouvellement forestier.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Il faudra en effet que nous abordions dans le détail la baisse du budget consacré à la planification écologique, comme l’a notamment demandé monsieur Lecamp.

En 2024, il nous était fourni un détail de l’action 29 du premier programme et nous pouvions ainsi savoir ce qui était attribué au plan Protéines, au plan Haies, à la décarbonation, aux diagnostics carbone, au fonds de souveraineté alimentaire ou à la filière Forêt. Ce détail a disparu l’année dernière – nous n’avions que les titres sur des pages blanches, sans les descriptions. Cette année, ils ont carrément décidé de supprimer les lignes : comme ça, au moins, personne ne se pose de questions ! En creusant, lors des auditions, auprès du ministère, on réalise que certaines choses ont complètement disparu, comme le plan Protéines, tandis que le plan Haies est réduit comme peau de chagrin. Quant au fonds Souveraineté, il combine un peu tout et la filière Forêt est également très touchée. Les informations sont donc, malheureusement, assez floues. Quant à l’utilisation des crédits, elle n’est pas assurée puisque, comme je l’ai dit, en cas de crise sanitaire, on puise dans les fonds de la planification écologique.

M. Julien Brugerolles (GDR). Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour la qualité de votre rapport, pour son ouverture sur les filières porcine et bovine allaitante mettant en parallèle les risques qui peuvent accompagner des changements de modèle, et, en particulier pour ce qui concerne l’engraissement, celui d’une captation de la valeur ajoutée par des opérateurs intégrateurs au détriment des éleveurs. C’est une question très intéressante, qu’il faudra approfondir.

Je souscris aussi pleinement à l’idée que ce budget envoie un signal très inquiétant en direction de nos agriculteurs et de nos éleveurs. Comme vous l’avez rappelé, entre 2024 et 2026, les crédits de la mission seront ainsi passés de 5,3 Md€ à 3,9 Md€ en autorisations d’engagement et de 4,7 Md€ à 4 Md€ en crédits de paiement. C’est une baisse majeure, alors que l’agriculture sera confrontée à des défis immenses dans les années à venir.

Cela démontre aussi, malheureusement, une forme d’hypocrisie de la communication gouvernementale envers nos agriculteurs et nos éleveurs. D’un côté, on fait mine de venir à la rescousse de la profession en cas de crise – c’est ce que j’appelle la « politique du coup par coup » – et, de l’autre, on réduit année après année les moyens de toutes les politiques publiques agricoles, en particulier ceux qui sont destinés à la transition des systèmes et à la gestion des risques et des aléas. Les crédits consacrés à des actions qui devraient être prioritaires au sein du programme 149 sont, ainsi, largement abaissés. Les crédits de la planification écologique subissent une chute spectaculaire. Le pacte en faveur de la haie est maintenu dans le périmètre budgétaire, mais sans aucun détail chiffré ni ligne budgétaire propre. Les crédits consacrés à la gestion de crise et aux aléas climatiques sont réduits de moitié, fragilisant la couverture de l’ensemble des agriculteurs au prétexte de la consolidation de la trésorerie du FNGRA et de l’absence de gros aléas ces dernières années. N’est-ce pas justement une volonté de limiter drastiquement les soutiens au FNGRA, sous prétexte de systèmes assurantiels qui ne jouent pourtant pas toujours leur rôle et alors que ces crédits devraient être mis au service de la prévention et de l’adaptation face au risque climatique ? C’est d’ailleurs l’un des problèmes de notre système de gestion des risques que de ne pas intégrer tout le volet consacré à la prévention et à l’adaptation.

Quant aux soutiens à l’agriculture biologique, ils stagnent – nous y reviendrons dans le débat sur les amendements.

Je m’associe également à l’interpellation de monsieur Dive sur la baisse des moyens consacrés au renouvellement des générations, alors que nous allons au-devant d’une accélération des départs en retraite et des cessations d’activité.

En un mot, tous les signaux sont inquiétants, y compris au sein du programme 206 consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l’alimentation, avec une baisse de 58 % des crédits destinés à la stratégie de réduction de l’utilisation des produits phyto. C’est clairement, là encore, un choix idéologique du Gouvernement pour priver les agriculteurs des moyens d’accompagnement de la réduction de l’usage de ces produits. J’espère que nos amendements nous permettront de rectifier l’ambition de ce budget.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Merci d’avoir rouvert le sujet, que je n’ai pas pu décrire assez précisément, de la captation de la valeur ajoutée dans les filières d’engraissement. Je vous répondrai tout à l’heure à ce propos.

Pour faire écho à votre conclusion, il est en effet honteux, au moment même où la loi Duplomb a fait apparaître un dissensus fondamental autour des produits phytosanitaires et où une pétition contre cette loi, et particulièrement contre l’acétamipride, a réuni deux millions de signatures, au moment aussi où les agriculteurs nous disent qu’ils devront trouver des alternatives, que le budget destiné à la réduction des produits phytos et à la recherche d’alternatives soit pratiquement réduit de 80 %. C’est absolument scandaleux !

M. le président Stéphane Travert. Nous allons à présent entendre les orateurs inscrits au titre des questions individuelles.

Mme Nicole Le Peih (EPR). Les jeunes Européens ne veulent plus être agriculteurs, selon un article de Ouest France. De fait, la part des moins de quarante ans a plongé à 12 % dans le secteur, où les départs à la retraite progressent plus vite que les remplacements.

Bruxelles est venue à la rescousse en présentant, hier, une stratégie visant à favoriser le renouvellement des générations, le « Paquet de démarrage », dont l’objectif est de porter la part des agriculteurs âgés de moins de quarante ans de 12 % à 28 % en 2040, en rendant le métier le plus attractif.

Le commissaire Hansen a ainsi demandé aux États membres de doubler leurs efforts en consacrant au renouvellement au moins 6 % de l’enveloppe qu’ils percevront au titre de la prochaine PAC : il s’agit de tripler les aides à l’installation, de créer une aide à l’investissement, de faciliter l’accès aux instruments financiers, de soutenir la création d’entreprise et la formation, d’améliorer les dispositifs de succession et d’augmenter l’aide sociale pour concilier vie professionnelle et vie privée.

Limitons les influences minoritaires sur nos productions, adoptons le budget et ouvrons la voie au pacte français de démarrage afin de venir à la rescousse de notre agriculture.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Alors que la moitié des agriculteurs vont partir à la retraite dans les prochaines années, nous sommes face à un choix de société : quel modèle agricole voulons-nous ?

L’étude que la Fondation pour la nature et l’homme consacre aux coûts de la filière porcine, présentée à l’Assemblée nationale la semaine dernière, est édifiante. Ce modèle de production intensive coûte très cher à la société : chaque année, 2,8 Md€ partent en subventions, en dépenses de soins liées à la surconsommation de charcuterie et en dépollution des eaux et des sols – je pense aux algues vertes, par exemple. Tandis que, pour les plus gros élevages, chaque associé perçoit jusqu’à 237 000 euros, 7 % des éleveurs ont un revenu négatif et les fermes disparaissent à un rythme alarmant : leur nombre a baissé de 78 % en vingt ans !

Poursuivre dans cette voie, c’est subventionner une impasse économique, sociale et écologique. Il est urgent de réorienter les budgets publics vers la transition agroécologique et d’investir ainsi en faveur de notre santé, de nos territoires et de notre avenir commun plutôt que d’une poignée d’agro-industriels.

M. Dominique Potier (SOC). Il semble, à la lecture du projet de loi de finances, que les crédits affectés au plan Écophyto baissent de 90 %. C’est surréaliste ! Confirmez-vous que ces crédits ont été ramenés, en trois ans, de 300 M€ à 25 M€ – auxquels s’ajoutent 25 autres millions d’euros au titre du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar) ? Un tel effondrement est incompréhensible, compte tenu des attentes qui s’expriment en matière de souveraineté alimentaire et de protection de la santé ou des communs écologiques. Pour en finir avec les controverses sur l’usage des pesticides, nous avons besoin d’un plan Écophyto puissant.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Après avoir écouté la présentation de votre rapport, on ne peut que s’interroger sur le cap fixé en matière d’agriculture. Les crédits affectés à l’indemnisation des producteurs victimes d’aléas agricoles comme ceux qui sont alloués aux plans alimentaires territoriaux (PAT) baissent. Ce budget est-il à la hauteur des besoins des agriculteurs ?

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Je m’interroge sur les conséquences que pourrait avoir la fusion de deux des principales coopératives du pays, Terrena et Agrial, non seulement pour leurs salariés mais aussi pour les producteurs. Les éléments qui sont en votre possession permettent-ils d’être raisonnablement optimiste ou, au contraire, suscitent-ils des inquiétudes ? Dans la seconde hypothèse, l’État est-il en mesure d’apaiser ces inquiétudes ?

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Nous devons nous interroger sur la manière dont nous pouvons rapatrier l’engraissement, qu’une partie de la filière bovine allaitante effectue en Italie. Il se trouve que, l’État n’ayant pas prévu de budget dans ce domaine, cette opération est accaparée par de grands groupes ; je pense à T’Rhéa, par exemple, qui est en train de créer un centre d’engraissement de 2 120 bovins dans ma circonscription. Non seulement ce type de structure ne correspond pas aux attentes sociétales et environnementales, mais il permet à cette filiale agro-industrielle de capter la valeur ajoutée liée à l’engraissement et empêche ainsi de revaloriser l’élevage bovin. Or, en relevant le seuil au-delà duquel les élevages sont classés en installation classée pour la protection de l’environnement, la loi Duplomb favorise des projets tels que celui de T’Rhéa plutôt qu’un modèle fondé sur l’engraissement à l’herbe ou la création de statuts collectifs qui permettent aux agriculteurs de mettre en commun des outils d’engraissement.

Je vous invite donc à vous interroger sur le sens de cette loi pour l’élevage français. Son objectif, on le sait, est d’aligner la France sur le moins-disant international. Toutefois, elle produira les mêmes conséquences que toutes les politiques de ce type menées depuis les années soixante-dix : la baisse du nombre des agriculteurs et des agricultrices.

La part de l’élevage porcin en plein air représente 0,1 % de cet élevage, très majoritairement industriel. À l’instar de l’élevage bovin, il est ancré dans les territoires, utilise souvent des coproduits locaux et contribue à préserver les races anciennes, donc la diversité génétique, qui est fondamentale pour faire face aux crises climatiques et sanitaires. Or, cet élevage est soumis à la double pression du secteur agro-industriel – en Bretagne, on va jusqu’à menacer certains éleveurs – et de la réglementation sanitaire, puisqu’on lui impose les mêmes normes de biosécurité qu’aux élevages industriels. Ces normes imposent des coûts de mise en conformité tels que les éleveurs peinent à les assumer et des contraintes qui découragent les porteurs de projet. Il nous faut donc reconnaître la spécificité de l’élevage en plein air en l’inscrivant dans le code rural. Ainsi, il pourra être soumis à des normes de biosécurité, qui relèvent du domaine réglementaire, adaptées et, pour peu que leurs effectifs augmentent, les directions départementales de la protection des populations pourront individualiser davantage le suivi des éleveurs.

Monsieur Potier, je partage vos inquiétudes concernant le plan Écophyto. La baisse des crédits du programme 206, qui est de 90 % depuis 2024, concerne essentiellement le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada), qui permet aux acteurs (chercheurs, agriculteurs, collectivités) de mener des expérimentations en vue de diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires. Le ministère nous a répondu : « Ne vous inquiétez pas… » Il explique cette baisse par l’absence de chercheurs prêts à s’engager dans ce dispositif : faute de demandes supplémentaires, il se contente de maintenir le budget des projets engagés l’an dernier. Manifestement, aucune réflexion n’est menée sur les raisons pour lesquelles le Parsada ne fonctionne pas – peut-être ne correspond-il pas aux problématiques des territoires ? – ni sur la manière dont ses crédits pourraient être réorientés vers le développement de filières, car il est temps de passer de la recherche à l’application.

Les projets alimentaires territoriaux subissent également une importante baisse de crédits mais, nous répond-on, ces financements seront assumés par les collectivités territoriales – dont, pourtant, le budget n’augmente pas en conséquence…

Enfin, les deux immenses coopératives que sont Terrena et Agrial envisagent en effet de fusionner. Le professeur Xavier Hollandts, spécialiste de ces questions, explique qu’à l’instar de nos agriculteurs, ces coopératives sont engagées dans une course à la compétitivité qui les conduit à fusionner pour diminuer et mieux maîtriser leurs coûts. Or, dans plus de la moitié des cas, la fusion ne permet pas d’améliorer la maîtrise des coûts ; elle entraîne même parfois leur augmentation.

Surtout, nous devons nous demander si les agriculteurs ont véritablement voix au chapitre au sein de telles structures, qui sont bien éloignées des coopératives originelles. Celles-ci, rappelons-le, avaient pour objet de permettre à des producteurs de mettre en commun des outils sur lesquels ils avaient la main, pour améliorer leur production en fonction de leurs besoins. Or, Terrena et Agrial sont, en fait, concurrentes au niveau du CAC 40. Le législateur doit donc se poser la question d’un encadrement de ces coopératives, dans l’intérêt, d’une part, des agriculteurs, qui doivent pouvoir garder la main sur ces outils, d’autre part, de notre souveraineté alimentaire, car ces grosses coopératives ont souvent des intérêts dans d’autres pays – certaines possèdent des productions en Chine, par exemple.

M. le président Stéphane Travert. Je vous proposerai une discussion sur la fusion de ces coopératives.

En ce qui concerne la filière porcine, je souscris à vos propos : il n’est pas normal qu’un éleveur en plein air soit soumis aux mêmes déclarations sanitaires qu’un producteur de porcs en bâtiment. Nous avons un travail important à mener dans ce domaine. J’ajoute qu’en 2018, lorsque nous avons élaboré les plans de filière, l’objectif était de porter la part de l’élevage en plein air et celle de la production bio à 2 %. Nous en sommes encore loin, mais des crises sanitaires et internationales sont survenues entre-temps. En tout cas, ces questions méritent d’être abordées régulièrement avec le ministère de l’agriculture.

 

 

Article 49 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-CE94 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Nous assistons depuis quelques années à la déstructuration de la filière de l’agriculture biologique du fait de la baisse de la demande, liée à l’inflation, et du contexte économique, qui a conduit de nombreux agriculteurs à s’engager dans une déconversion ou à profiter des effets d’aubaine offerts par certaines productions – je pense à la coriandre. Les outils de collecte, de stockage et de transformation de la filière ont été affectés par cette situation, de sorte qu’ils n’ont plus les capacités nécessaires.

À présent que la demande repart à la hausse, nous devons pouvoir sécuriser nos volumes de production. C’est pourquoi nous proposons de réorienter une partie de l’enveloppe de 340 M€ d’euros consacrée aux aides à la conversion, qui n’est pas entièrement consommée, vers un dispositif d’aide au maintien de l’agriculture biologique, à savoir une nouvelle catégorie de mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec).

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Avis favorable. Je souscris à votre proposition d’augmenter de 150 M€ les aides aux agriculteurs des filières biologiques, qui pâtissent en effet de la baisse de la consommation – baisse qui s’explique en partie, du reste, par le fait que les marges de la grande distribution sont beaucoup plus importantes sur le bio que sur le conventionnel. En revanche, il ne me paraît pas opportun de ponctionner ces crédits sur les aides à l’installation en agriculture biologique, qui doit rester une priorité.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je partage le constat d’une crise prolongée du secteur bio, liée notamment au manque de débouchés en grande surface, qui conduit au déclassement de certaines productions. Il s’agit d’un excellent amendement d’appel. Toutefois, le programme visé ne permet pas de réclamer des financements européens. Il est donc probable que le groupe Socialistes s’abstiendra.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis d’accord avec la rapporteure pour avis. Plutôt que de ponctionner les fonds consacrés à la conversion à l’agriculture biologique, il faut privilégier un redéploiement des crédits affectés aux politiques curatives qui financent, par exemple, le traitement des eaux polluées par les pesticides – je pense notamment aux paiements pour services environnementaux. Si l’on soutenait véritablement le développement de l’agriculture biologique, on s’attaquerait à la cause du problème et on pourrait se passer de ces politiques publiques, dont le financement pourrait être redéployé sans qu’il soit besoin d’aller chercher le moindre centime de fiscalité supplémentaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques II-CE89 de M. David Taupiac et II-CE119 de M. Benoît Biteau

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de constituer un fonds chargé d’accorder des garanties d’État aux petites et moyennes entreprises et aux exploitations agricoles de la filière bio. Ce fonds pourrait être géré par BPIFrance, dont le dispositif de fonds structurels créé en 2025 est inopérant dans des territoires où les modèles agricoles sont très dégradés.

M. Benoît Biteau (EcoS). On ne parviendra pas à développer l’agriculture biologique si l’on n’est pas en mesure d’accompagner l’émergence de ses filières. Au-delà de la production, il faut, en aval, pouvoir collecter plus efficacement les produits bios afin, éventuellement, d’alimenter davantage la commande publique. C’est pourquoi nous proposons de créer un fonds de garantie des investissements de la filière biologique.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Bien que favorable à vos amendements sur le fond, je vous demanderai de bien vouloir les retirer pour des raisons de forme. En effet, les garanties apportées par l’État relèvent du programme 114 de la mission Engagements financiers de l’État ; il s’agit de crédits évaluatifs au sens de l’article 10 de la loi organique relative aux lois de finances. Toutefois, je vous propose de soutenir l’amendement II-CE59, qui tend à créer une caisse de défaisance dotée également de 50 M€, dont la vocation serait de financer le rachat des dettes des exploitants qui prendraient l’engagement contractuel de convertir 100 % de leurs surfaces en bio.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement II-CE59 de Mme Murielle Lepvraud

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre amendement s’inscrit au carrefour de deux préoccupations centrales pour le monde agricole : le renouvellement des générations et la transition agroécologique. Au premier semestre 2025, le nombre de fermes bios a connu une diminution inédite. Quant aux surfaces en agriculture biologique, elles ont été réduites de cent dix mille hectares en deux ans. Nous proposons donc de créer une caisse de défaisance dotée, à titre d’amorçage, de 50 M€ pour financer le rachat des dettes agricoles de ceux qui s’engagent, dans un contrat de transition, à convertir 100 % de leurs surfaces en bio sur une durée à définir au cas par cas.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Bien entendu, je soutiens l’amendement. La vague de déconversion inédite que nous observons s’explique en partie par l’idée selon laquelle l’agriculture conventionnelle serait plus rentable. Or, les producteurs qui ont fait le choix de la déconversion se retrouvent face à des difficultés encore plus importantes. Il est donc fondamental d’aider les agriculteurs bios à se maintenir et d’encourager ceux qui n’ont converti qu’une partie de leur production à opter pour une conversion totale.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous n’avons pas soutenu les amendements de monsieur Taupiac ni aucun de ceux que nous avons examinés jusqu’à présent parce qu’ils visent tous à financer les mesures proposées par des crédits prélevés sur le dispositif « Travailleur occasionnel demandeur d’emploi » (TODE), qui risque, si nous continuer d’adopter ce type d’amendements, d’être réduit à néant. Or, nous nous sommes battus pour que ce dispositif existe, car nos arboriculteurs et nos maraîchers en ont besoin.

M. René Pilato (LFI-NFP). Peu importe où l’on prend l’argent, c’est le principe qui compte. Ne faut-il pas étendre la mesure proposée aux agriculteurs qui ont fait des efforts pour passer au bio et sont en difficulté ?

M. Thierry Benoit (HOR). Nous sommes nombreux à soutenir l’agriculture bio, qui a été mise à mal, notamment lors du dernier exercice budgétaire. Je souhaite donc que nous nous mettions d’accord d’ici à la séance publique pour lui assurer un soutien financier mais sans dépouiller le TODE, qui contribue à la compétitivité de notre agriculture tout en soutenant l’emploi local.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je ne peux pas dire mieux que monsieur Fugit. Il est hors de question de remettre en cause un dispositif pour lequel nous nous sommes battus et pérennisé par les ministres de l’agriculture successifs.

En ce qui concerne le bio, il est important que la loi d’orientation du 24 mars 2025 pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture ait confirmé les objectifs du plan stratégique national (PSN), même s’ils sont inatteignables. Nous devons surtout veiller à ce que la mission Agriculture maintienne, chaque année, les crédits consacrés à la conversion. Dans mon département, on a observé un retournement de tendance cette année : le nombre des conversions a été supérieur à celui des déconversions grâce à la hausse des cours de la viande bio.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Nos collègues EPR voudraient soutenir l’agriculture bio sans ponctionner les crédits d’autres dispositifs ; mais ce n’est pas nous qui proposons un projet de budget en baisse ! Si on ne veut pas avoir à faire des choix qui peuvent en effet paraître contestables, il faut discuter de la manière dont on peut dégager des marges de manœuvre financière, notamment en augmentant la fiscalité des plus riches. Ne nous reprochez pas d’agir dans le cadre contraint que vous nous imposez !

M. Julien Dive (DR). Parmi les agriculteurs qui ont besoin d’une main-d’œuvre importante figurent les producteurs bios. Ils sont donc, à ce titre, les premiers concernés par une éventuelle baisse des crédits du dispositif TODE d’allégement de charges. Autrement dit, ce que nos collègues donneraient d’une main en créant une caisse de défaisance, ils le reprendraient de l’autre. Nous ne pouvons pas soutenir un tel amendement.

M. Hervé de Lépinau (RN). Il est inutile de subventionner des filières qui n’ont pas de débouchés. Le bio est un marché de niche ; sa production doit donc être calibrée en fonction de ce marché. Consacrer beaucoup d’argent public à un secteur qui ne dispose pas de débouchés suffisants reviendrait à remplir le tonneau des Danaïdes. Nous ne partageons pas la philosophie de notre collègue Sandrine Rousseau, qui a déclaré que la rentabilité, elle n’en avait « rien à péter ».

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je me demande pourquoi nos collègues du Rassemblement national, qui proposent par ailleurs de supprimer l’Agence bio, interviennent dans un débat sur les solutions à apporter aux problèmes de cette filière.

L’agriculture bio ne doit pas être la variable d’ajustement de ce budget.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. La question à laquelle nous devons répondre est la suivante : l’agriculture est-elle une priorité au même titre, par exemple, que la production d’armements ? La souveraineté alimentaire n’est-elle pas un enjeu central dans le contexte international actuel ? Si vous répondez par l’affirmative, rassurez-vous : nous avons une marge de 1,4 Md€, soit le montant de la baisse des crédits de l’agriculture depuis 2024.

Quant au TODE, il est mentionné, vous le savez parfaitement, à titre de gage ; il appartient au Gouvernement de le lever. Et il doit le faire pour que nous parvenions, en fin de compte, à revaloriser le budget de l’agriculture à un niveau au moins équivalent à celui de 2024. Si pour cela, il faut trouver des recettes supplémentaires, nous avons des solutions, comme la « taxe Zucman », qui rapporterait 20 Md€. Je vous appelle donc à voter pour cet amendement et à faire pression avec nous sur le Gouvernement pour qu’il lève le gage.

Il est nécessaire non seulement d’aider les agriculteurs bios, mais aussi de soutenir les outils qu’ils ont créés pour commercialiser et transformer leurs produits. Car l’écroulement actuel de la filière biologique les met en péril, ainsi que les emplois qui y sont liés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-CE69 de Mme Murielle Lepvraud, II-CE10 de Mme Mélanie Thomin, II-CE97 de M. David Taupiac, II-CE118 de M. Benoît Biteau, amendements identiques II-CE82 de M. David Taupiac et II-CE102 de M. Julien Brugerolles (discussion commune)

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Cet amendement vise à renforcer le financement de l’agriculture biologique, actuellement en crise : en deux ans, le secteur a perdu 165 exploitations et cent-dix mille hectares de surface cultivée.

Pour contrer cette chute, nous proposons trois dispositifs : le renforcement du soutien à la structuration des filières biologiques par les investissements du fonds Avenir bio, le renforcement du soutien aux actions de communication publique en faveur des productions biologiques, et le renforcement de l’accompagnement et de la formation des exploitations biologiques. Les montants nécessaires à ces dispositifs sont estimés à respectivement 9,73 M€, 5 M€ et 6,6 M€, sommes qui permettraient de corriger les coupes budgétaires opérées par les gouvernements précédents. Pour dissiper toute ambiguïté, nous demandons au Gouvernement de lever le gage.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’objectif est d’abonder le fonds Avenir bio, qui joue un rôle essentiel en finançant les projets des filières biologiques les plus structurants et en participant à la création des outils de transformation, de collecte ou de distribution. En 2025, les demandes adressées à ce fonds ont représenté 25 M€, pour un investissement total de 80 M€. Pourtant, le ministère de l’agriculture a fait le choix de réduire son enveloppe de plus de 50 %, la faisant passer de 18 M€ à 8,6 M€. Cette coupe menace concrètement des dizaines de projets innovants, impliquant quelque trois mille producteurs et deux cents entreprises et fragilise clairement la reprise du marché bio.

Face à ce défi, nous étions 136 parlementaires à présenter une proposition de résolution transpartisane, le 30 septembre dernier, visant à soutenir la structuration des filières agricoles biologiques et à renforcer les moyens financiers associés à cet enjeu pour 2026.

Le présent amendement vise donc à augmenter de 15 M€ les crédits alloués à la communication de l’Agence bio et au fonds Avenir bio. Cet effort ciblé, mais crucial, est de nature à répondre à la demande croissante des consommateurs en produits bios et locaux, pour assurer la pérennité du secteur, actuellement en difficulté.

M. David Taupiac (LIOT). Dans le même esprit, nous proposons de restaurer les moyens alloués au soutien du bio, qui ont été mis à mal en mai 2025 par le ministère de l’agriculture, en abondant de 9,7 M€ la dotation du fonds Avenir bio : il s’agit d’aider à la structuration des filières, qui font face à une baisse de la consommation et de la production. Nous proposons également de rétablir le budget de 5 M€ dédié à la communication et supprimé en 2025, afin de lancer de nouvelles campagnes et de reconquérir les consommateurs de produits biologiques.

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous voulons abonder le fonds Avenir bio, dans une logique contraire à celle de monsieur de Lépinau, qui voudrait développer la filière sous le seul prisme de l’économie de marché. Le bio n’est pas un marché de niche, comme il le dit : que le poulet, le melon ou la fraise soient bios ou non, nous continuerons d’en manger. L’enjeu du développement de l’agriculture biologique est de fournir une alimentation qui n’ait aucun impact sur la santé, la biodiversité ou le climat. On ne peut pas parler de souveraineté alimentaire sans intégrer la menace qui pèse sur elle, à savoir l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique. C’est pourquoi nous devons soutenir ce modèle agricole.

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement II-CE82, de repli par rapport au précédent, privilégie les 9,7 M€ nécessaires pour reconstituer le fonds Avenir bio.

M. Julien Brugerolles (GDR). Il s’agit effectivement de rétablir les crédits du fonds Avenir bio, qui ont été injustement supprimés. L’effort de structuration des filières et de développement des outils de transformation, de collecte et de distribution des réseaux bios est essentiel. Un projet d’outil de stockage de céréales et de légumineuses est en cours dans ma circonscription du Puy-de-Dôme, porté par le réseau Bio 63 ; ces fonds sont essentiels pour concrétiser ce type d’initiatives.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’ensemble des amendements en discussion commune. Néanmoins, je privilégie l’amendement II-CE69 de Mme Lepvraud, qui présente l’avantage d’englober toutes les propositions formulées dans les différents amendements. L’abondement à hauteur de 21,3 M€ du programme 149 répond à une demande de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) : il permettra de consacrer 9,7 M€ au fonds Avenir bio pour garantir la structuration des filières, 5 M€ à la communication, afin de relancer la consommation en produits biologiques, et 6,6 M€ à l’accompagnement des agriculteurs.

M. le président Stéphane Travert. Je précise que si l’amendement II-CE69 est adopté, il fera mécaniquement tomber les autres.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-CE83 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à restaurer le budget de 5 M€ alloués à la communication en faveur des produits biologiques.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Avis favorable, parce que cette disposition faisait partie des demandes de la Fnab en matière de communication.

Il faut surtout faire en sorte de rendre le bio accessible à toutes et à tous. Pour cela, nous devrons mener une réflexion sur les marges pratiquées par l’industrie agroalimentaire, qui explosent sur les produits bios : c’est le cas pour les pommes produites en bio par rapport à celles produites de manière conventionnelle, ce qui rend leur prix en grandes surfaces inaccessible – en plus, ces pommes étaient emballées, il fut un temps, dans du plastique : un non-sens ! Il faut également prendre en compte les externalités négatives et positives : à long terme, le coût du bio est moindre, car il est plus vertueux. Et, en politique, il est important d’avoir une vision sur le long terme.

M. Dominique Potier (SOC). Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur le plan Écophyto, nous avons constaté que les budgets consacrés à la publicité agroalimentaire par la grande distribution et les grandes marques s’élevaient à 5 Md€ par an. La somme proposée dans cet amendement ne représente donc qu’un millième des montants consacrés par la publicité privée à nous faire consommer trop de gras, trop de sucré et trop de salé. Acceptons de consacrer un peu d’argent public pour préserver la santé de nos concitoyens !

M. le président Stéphane Travert. S’ajoute à cela le problème de la publicité comparative, qui pèse très lourd – deux distributeurs dépensent actuellement entre 2,5 Md€ et 3 Md€ à ce titre. Je travaille à un projet de taxe sur la publicité comparative, qui permettrait d’abonder un fonds souverain afin de financer le développement de certaines filières.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-CE85 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement abonde de 4,2 M€ les budgets dédiés à l’accompagnement des agriculteurs au passage à l’agriculture biologique. Face aux défis que représentent le changement climatique et les impasses techniques, l’objectif est de stopper la hausse des déconversions que connaît notre pays depuis quelques années et la baisse de la production biologique. Nous voulons donner les moyens à des structures de conduire des projets de développement de l’agriculture biologique, d’accompagner, de former et d’informer les agriculteurs qui s’engagent dans ce mode de production.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement de repli, pour lequel j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-CE54 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Les Français et le Gouvernement nous demandent de trouver des pistes d’économies : en voici une, parmi d’autres. Nous proposons de réinternaliser au sein du ministère de l’agriculture les missions de l’Agence bio, dont l’objectif était, à sa création, d’attirer des financements privés. La commission d’enquête sénatoriale sur les missions des agences a révélé, l’été dernier, que cet objectif n’avait jamais été atteint. Il n’y a donc pas de raisons tangibles de maintenir l’indépendance de cette agence, d’autant que sur un budget de 28 M€ environ, elle ne consacre que 16 M€ à ses missions de financement, le reste servant aux frais de fonctionnement et de communication. La question n’est pas d’être pour ou contre l’agriculture biologique, mais de veiller à la rationalisation du paysage administratif.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Il suffit que le Gouvernement demande de faire des économies pour que le Rassemblement national s’empresse d’y répondre ! Vos seules propositions consistent à opérer des coupes dans le budget du ministère de l’agriculture.

Par cet amendement, vous vous attaquez à l’Agence bio, qui accompagne la structuration des filières et soutient les agriculteurs et les agricultrices engagés en bio – la France compte 62 000 fermes bios. Le secteur nous alerte régulièrement sur la crise aiguë qu’il traverse et nous formulons des propositions pour lui venir en aide. Vous, au Rassemblement national, vous répondez qu’il n’y a pas de sujet et vous êtes prêts à les abandonner : c’est scandaleux !

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). C’est difficile de vous suivre, collègues du Rassemblement national ! Il y a quelques minutes, vous expliquiez par la voix de monsieur de Lépinau qu’il fallait abandonner le bio parce que ce n’est pas rentable et qu’il n’y a pas de marché, alors que 30 % des Français achètent du bio au moins une fois par semaine. Vous prétendez maintenant défendre l’agriculture biologique, mais vous opérez des coupes budgétaires !

Le bio n’est pas une niche : il concerne des millions de Français et ce chiffre pourrait être plus important encore si son prix le rendait plus accessible. Il répond à des enjeux de santé publique, de biodiversité, de qualité des sols, de lutte contre le changement climatique, de souveraineté alimentaire et d’emplois – 83 % du bio consommé en France sont produits sur notre sol. Nous avons aussi adopté une loi qui oblige la restauration collective à introduire une part de produits biologiques dans ses menus ; la moindre des choses serait de la respecter. Toutefois, puisque vous ne voulez ni respecter la loi, ni permettre aux Français de manger correctement, ni donner aux agriculteurs les moyens de vivre décemment d’un travail de qualité et écologique, je constate que la macronisation du RN est bien en marche !

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’avais imaginé, lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, que le Rassemblement national, fidèle à lui-même et dans une logique d’opportunisme politique, pensait simplifier la vie des Français en supprimant des agences, telles que l’Agence bio. Finalement, grâce à cet amendement, je me rends compte que cette politique correspond à une véritable idéologie, au service de la destruction de l’agriculture biologique. Persévérer dans l’idée de supprimer l’Agence bio, c’est montrer bien peu d’égards envers ce modèle de production. Moi, je pense en premier lieu aux éleveurs et aux producteurs : ils sont des centaines de milliers en France et ils méritent d’être soutenus. Votre proposition ne fait qu’enterrer une filière qui se trouve en difficulté. Il est regrettable que vous soyez porteurs non pas de solutions, mais plutôt d’une politique de destruction en matière agricole : nous ne manquerons pas de le faire savoir dans nos territoires !

M. Benoît Biteau (EcoS). Permettez-moi de pointer du doigt les incohérences de nos collègues du Rassemblement national, qui disent tout et son contraire. Tout à l’heure, monsieur de Lépinau expliquait qu’il n’y a pas de marché pour l’agriculture biologique. Raisonnons comme lui, dans une logique de marché, c’est-à-dire de l’offre et de la demande : il est sur le point de supprimer les crédits de l’Agence bio dont l’une des missions, au-delà de structurer les filières, est précisément de faire œuvre de pédagogie et d’expliquer les bienfaits de l’agriculture biologique en matière de souveraineté alimentaire, de santé, de biodiversité et de climat. On ne peut pas, d’un côté, vouloir relancer le marché et, de l’autre, couper les crédits nécessaires à la communication destinée à promouvoir la consommation des produits biologiques !

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous ne sommes pas contre le bio, mais nous considérons que, pour être rentable, il doit avoir un marché. Or, la part du bio consommée en France ne représente que 5 %. L’amendement de notre collègue Le Bourgeois vise non pas à supprimer le bio, mais à concentrer l’effort au sein du ministère, qui est la maison commune des agriculteurs. Le bio ne disparaîtra pas et celui qui vous parle est ravi de manger du pain issu d’une farine biologique ou du poulet bio. Néanmoins, force est de constater qu’il est bien trop cher pour le portefeuille des ménages et que le facteur prix entre en ligne de compte.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Vous dites que le Rassemblement national n’est pas contre le bio. Laissez-moi vous citer une phrase d’un collègue relativement visible, je crois, au sein de votre groupe, M. Jean-Philippe Tanguy, lors de l’examen par la commission des finances des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : « Si certains nourrissent des croyances magiques à l’endroit du bio, cela les regarde mais qu’ils assument. » Par vos coupes budgétaires, vous êtes en train d’abandonner les soixante-deux mille exploitations engagées en bio, qui traversent une crise majeure. Et la seule réponse que vous leur apportez consiste à supprimer les fonds de l’agence qui les soutient. Nous sommes désormais parfaitement éclairés sur votre projet.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE65 de Mme Murielle Lepvraud

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Cet amendement s’oppose aux coupes budgétaires prévues par le gouvernement Lecornu dans les crédits liés à la planification écologique en agriculture. Alors que le monde agricole traverse des crises graves et multiples, le Gouvernement propose, pour la deuxième année consécutive, une baisse des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales de 4,98 % en crédits de paiement et de 11,59 % en autorisations d’engagement. Le volet « Planification écologique » des dépenses du ministère est particulièrement touché, alors même que la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité appellent une action plus pressante que jamais.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’abonder les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt de 78 M€ et, par l’amendement II-CE66 qui sera appelé ultérieurement, ceux du programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, de 60 M€.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Avis favorable, car le programme 149 a subi une forte baisse alors qu’il comprend des actions essentielles en faveur de l’autonomie en protéines et de la souveraineté alimentaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-CE79 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Dans le projet de loi de finances pour 2026, l’action 29 Planification écologique, est dotée de 118,5 M€ en autorisations d’engagement et de 178,3 M€ en crédits de paiement. En 2025, les crédits alloués au plan de souveraineté de la filière Fruits et légumes, par exemple, ont été réduits, ce qui a compromis la visibilité et la continuité de l’accompagnement des filières agricoles dans leur transition écologique. La filière des fruits et des légumes frais traverse une crise profonde : en 2023, le taux d’auto-approvisionnement était de 54,5 %, contre 65,5 % en 2003, soit une perte de onze points en vingt ans. Cette situation menace notre souveraineté alimentaire et notre capacité à fournir aux Français des produits sains et à des prix raisonnables.

Pour inverser la tendance, il est indispensable de renforcer le soutien aux producteurs de fruits et de légumes. En juillet 2025, France AgriMer a débloqué un dispositif d’aide à la rénovation des vergers arboricoles, doté d’un budget de 8 M€ sur deux ans. Cependant, cette initiative est très insuffisante. C’est pourquoi le présent amendement vise à augmenter de 75 M€ les crédits de l’action 29 du programme 149, sans toucher au TODE. En soutenant cet amendement, nous donnons aux acteurs de la filière des fruits et légumes les moyens de retrouver leur compétitivité et de mieux garantir notre souveraineté alimentaire.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Si nous voulons réussir à produire sur notre sol ce que nous consommons et garantir un taux d’auto-approvisionnement satisfaisant, il est important de soutenir des filières comme celle des fruits et des légumes. L’action 29 du programme 149 ayant subi des coupes très lourdes depuis 2024, de l’ordre de 90 %, nous pouvons nous permettre de lui redonner un peu de souffle et l’axer sur la souveraineté alimentaire.

M. le président Stéphane Travert. Pour mémoire, nous avons fléché précédemment 78 M€ de crédits sur le soutien à la compétitivité et à la durabilité. Il s’agit ici d’abonder de 75 M€, pris sur des crédits différents.

M. Dominique Potier (SOC). Je soutiens l’amendement de notre collègue Fugit. Je rappelle par ailleurs que les appellations d’origine protégée « Légumes » peuvent bénéficier de programmes opérationnels, et donc de financements européens ; ceux-ci sont largement sous-utilisés par la France, alors qu’il s’agit de sommes bien plus importantes que celles que nous venons d’affecter – en tant qu’ancien ministre de l’agriculture, le président Stéphane Travert connaît bien ce problème récurrent. C’est un mystère français qu’il nous appartiendra d’éclaircir le moment venu.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements II-CE149 de Mme Manon Meunier, II-CE13 de M. Dominique Potier et II-CE66 de Mme Murielle Lepvraud (discussion commune)

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Il est question ici du Parsada, partie du budget qui connaît la coupe la plus phénoménale, alors que ce plan est destiné à accompagner des projets visant à réduire l’usage des produits phytosanitaires.

Depuis que la réautorisation d’utiliser l’acétamipride a été « retoquée » par le Conseil constitutionnel, une partie de l’hémicycle, notamment à droite, nous explique qu’il faut interdire l’importation des produits qui utilisent cet insecticide – comme si la gauche ne le répétait pas depuis toujours ! C’est une solution, en effet. Il faut aussi mener une réflexion sur la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, afin de préserver la santé des agriculteurs – le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) a enregistré un nombre record de demandes cette année, de la part d’agriculteurs et d’ouvriers agricoles. Nous n’avons pas à nous aligner sur les normes internationales moins-disantes en autorisant les pesticides utilisés dans d’autres pays : nous devons protéger la production française de la concurrence internationale, en interdisant les importations de certains produits. Pour ce faire, nous avons besoin du Parsada, c’est-à-dire d’un plan de recherches visant à réduire l’usage des produits phytosanitaires tout en maintenant une production performante.

Mme Louise Morel (Dem). Je voudrais juste rappeler aux collègues qu’en moins de deux heures de débat, notre commission a augmenté le budget de 308 M€ : cela signifie que nous dépensons en moyenne 2,5 M€ par minute ! Ce n’est pas responsable à l’heure où l’on demande à chacun de faire des efforts.

M. Dominique Potier (SOC). Merci, madame Morel, de nous avoir fait économiser plusieurs centaines de milliers d’euros en prenant la parole quelques secondes !

Permettez-moi de rebondir par rapport à votre position : je crois profondément qu’être une puissance agricole est un enjeu géopolitique, de sécurité alimentaire et de sécurité du monde. Je ne me résous pas à ce que la puissance publique française renonce à soutenir son agriculture, car elle le paiera très cher par la suite, sur le plan de sa dépendance vis-à-vis de puissances étrangères, de sa liberté et, bien sûr, de la santé publique.

Il faut réinvestir dans le plan Écophyto, qui n’a pas que des vertus en matière d’écologie et de santé publique. Il permet de protéger notre compétitivité, notamment grâce au Parsada qui vise à anticiper les retraits, inéluctables, de certaines molécules – si nous avions mené un travail d’anticipation sur ce point, nous n’en serions pas là.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’ensemble de ces amendements, avec une préférence néanmoins pour le mien, qui est mieux-disant. La somme proposée permettra de rétablir les crédits qui étaient alloués en 2024. Je rejoins par ailleurs les propos de notre collègue Potier : nous devons nous fixer comme cap de garantir la souveraineté alimentaire.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Pour répondre à madame Morel, plusieurs des amendements que nous venons d’adopter consistent simplement à maintenir des crédits que le gouvernement de monsieur Lecornu entend supprimer. Nous refusons la logique du budget que vous soutenez, qui vise à réduire les dépenses sur des sujets aussi cruciaux pour l’avenir du pays que la souveraineté alimentaire, la santé publique ou la préservation de la biodiversité et de l’écosystème. À l’inverse, nous souhaitons dégager des recettes supplémentaires pour financer les besoins écologiques et sociaux du pays. Par conséquent, nous assumons qu’il faille dépenser davantage en matière d’agriculture que ce qui est prévu dans le projet de loi de finances.

Au demeurant, il s’agit d’amendements qui visent à réduire notre dépendance aux produits phytosanitaires, donc à éviter des coûts futurs liés à la dépollution des sols ou de l’eau et à des maladies provoquées par l’usage des pesticides. Ce sont donc non pas des amendements de dépenses, mais bien d’économies futures.

M. Julien Brugerolles (GDR). Lors des débats sur la loi Duplomb, on nous a répété qu’il n’y avait pas d’interdiction sans solution. Or, à travers les choix budgétaires opérés, se glisse l’idée que nous resterons sans solution. C’est inacceptable ! La réduction de la dépendance aux produits phytosanitaires est non seulement stratégique, mais aussi économique. Les charges qui pèsent sur les exploitations pour l’utilisation de ces produits ne sont pas négligeables. Dessiner de nouvelles trajectoires pour sortir de ces dépendances permettra aussi d’améliorer l’économie des exploitations et leur rentabilité.

M. Dominique Potier (SOC). En réalité, nous proposons un plan d’économies, de résilience et de résistance. L’action 9 ne comprend seulement le Parsada ; elle contient aussi le Bulletin de santé du végétal (BSV), qui permet de lutter contre de nouvelles maladies apparues en raison du dérèglement climatique – nouveaux champignons, nouveaux prédateurs – et pour lesquelles il faut anticiper. Les 135 M€ demandés dans mon amendement doivent être mis en perspective avec les 2,4 Md€ de charges dépensés dans les fermes pour l’achat de produits phytosanitaires. Tout le monde admet qu’on pourrait obtenir la même productivité avec 25 % de produits en moins. Et vous voudriez vous priver de cette économie par manque de conseils ? Le conseil agronomique universel, destiné à tous les paysans, représente 70 M€. Regardez le décalage entre les masses de chiffre d’affaires et le surcoût de dépenses, qui a un impact sur l’eau et notre santé, et le plan que nous proposons.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je remercie madame Morel de nous alerter sur la gestion des comptes publics, en bonne mère de famille.

L’agriculture est un sujet éminemment stratégique. Or, nous ne demandons pas des dépenses supplémentaires, mais un redéploiement des crédits. L’Institut Veblen, le think tank Basic, le commissariat général au développement durable ou la Cour des comptes nous alertent tous sur le fait que le modèle agricole actuel entraîne des coûts externalisés de 70 à 80 Md€, que nous devons supporter collectivement. Il y a donc des marges de manœuvre : arrêtons d’utiliser cet argent pour des solutions curatives et réorientons-le vers des solutions de prévention et d’anticipation. C’est cela aussi gérer un budget en bon père (ou en bonne mère) de famille.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Pour répondre à monsieur Brugerolles, le principe « pas d’interdiction sans solution » a été voté dans le cadre de la loi d’orientation agricole. J’ajoute que la ministre de l’agriculture a demandé à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de produire un rapport sur les solutions et les impasses techniques, filière par filière. Il doit être publié bientôt et permettra d’éclairer nos débats autour de la loi Duplomb.

Ensuite, je ne suis pas d’accord avec la manière, un peu caricaturale, dont madame Morel a présenté les choses, qui laisserait entendre que, par nos amendements, nous ferions tout et n’importe quoi. Même si je ne suis pas d’accord avec certains choix opérés – notamment le fait de prélever des crédits sur la ligne allouée au TODE –, l’amendement que j’ai proposé et qu’a soutenu la rapporteure pour avis vise à redéployer des crédits en interne, au sein de la mission. Ne faites donc pas croire que nous augmenterions considérablement les crédits et ne mettez pas tout le monde dans le même sac.

Mme Manon Meunier, rapporteure pour avis. Permettez-moi d’ajouter un argument auquel vous serez tous sensibles : outre la problématique du Parsada, l’action 9 du programme contient également celle des projets alimentaires territoriaux, qui accompagnent les collectivités territoriales dans l’amélioration de la structuration entre les agriculteurs et les cantines et la création d’ateliers de transformation dans les territoires. Ces projets très intéressants sont malheureusement sous-financés et les collectivités, auxquelles nous sommes toutes et tous attachés, ont besoin de davantage d’argent. Or, le budget ne prévoit actuellement aucune autorisation d’engagement en la matière, ce qui revient à abandonner ces projets, qui ont pourtant une réelle portée. Alors que les moyens alloués au budget des collectivités territoriales sont par ailleurs catastrophiques, faisons au moins en sorte que la part qui leur revient pour l’alimentation figure dans le budget du ministère de l’agriculture.

M. le président Stéphane Travert. Pour information, sur les 445 M€ alloués au TODE au départ, il reste, si l’on tient compte des dispositions que nous avons adoptées et gagées sur cette ligne, environ 210 M€.

La commission adopte l’amendement II-CE149.

En conséquence, les amendements II-CE13 et II-CE66 tombent.

 

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Informations relatives à la commission

La commission a créé une mission d’information sur l’évolution du pouvoir d’achat en France depuis 2017 au regard des indicateurs de prix et de consommation, et a nommé M. Thierry Benoît et M. Robert Le Bourgeois rapporteurs de cette mission d’information.

La commission a nommé M. Romain Daubié rapporteur pour avis, avec délégation au fond, sur les articles 13, 14, 17, 18, 19, 20 et 24 du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2030 (n° 1641).

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du Mercredi 22 octobre 2025 à 9 heures 30

 

Présents.  M. Laurent Alexandre, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Maxime Amblard, M. Antoine Armand, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Julien Brugerolles, M. Stéphane Buchou, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, M. Thomas Lam, Mme Hélène Laporte, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, Mme Murielle Lepvraud, M. Laurent Lhardit, M. Alexandre Loubet, M. Bastien Marchive, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. Max Mathiasin, M. Damien Maudet, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, Mme Christelle Minard, Mme Louise Morel, M. Jérôme Nury, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Valérie Rossi, M. David Taupiac, M. Matthias Tavel, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, M. Frédéric-Pierre Vos, M. Frédéric Weber

 

Excusés.  M. Christophe Barthès, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Philippe Naillet

 

Assistait également à la réunion.  Mme Marie Pochon