Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen pour avis des crédits budgétaires « Entreprises » (Mme Valérie Rossi, rapporteure) du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906). 2
– Examen pour avis des crédits budgétaires « Politique de la Ville » (M. Stéphane Peu, rapporteur) du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906). 18
Jeudi 23 octobre 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Stéphane Travert, Président
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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Valérie Rossi, les crédits budgétaires « Entreprises » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).
M. le président Stéphane Travert. Nous entamons l’examen des crédits relatifs aux entreprises, regroupés dans le programme 134 Développement des entreprises et régulation de la vaste mission Économie. Ce programme a trait au développement de la compétitivité des entreprises et à la création d’un environnement économique favorable, mais aussi à la régulation des marchés économiques et à la protection des consommateurs. Il comporte une action consacrée au développement des postes, des télécommunications et du numérique.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Le programme Développement des entreprises et régulations, qui demeure l’un des piliers de la politique économique de l’État, s’inscrit cette année dans un contexte budgétaire exigeant, marqué par un effort collectif de maîtrise de la dépense publique. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 entérine ainsi une baisse significative des crédits, à hauteur de 34,7 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement. Toutefois, cette diminution, essentiellement supportée par l’action 23 Industries et services, tient principalement à l’évolution des paramètres, notamment la réduction du taux d’avance et la forte baisse des crédits de compensation carbone, liée à celle du prix du quota européen. Elle est donc avant tout technique : elle traduit un réajustement, non un désengagement.
Dans le même temps, plusieurs dispositifs témoignent d’une orientation volontariste. Je pense notamment à la montée en charge du dispositif destiné à financer la décarbonation des grands sites industriels, désormais doté de 500 millions d’euros (M€), contre 50 M€ seulement l’an dernier. Cette augmentation marque une évolution majeure : il s’agit de passer du simple amortissement du coût du carbone à une véritable politique d’investissement industriel « vert », illustrée par la conversion à l’électricité verte des fours d’ArcelorMittal de Fos-sur-Mer, la modernisation énergétique des entreprises du bâtiment dans les Hautes-Alpes ou les premiers projets d’usines à hydrogène industriel dans le Grand Est. Au-delà de la réduction des émissions, ce dispositif soutient ainsi la relocalisation d’activités industrielles durables et la création d’emplois qualifiés.
Autre signal fort, la création d’un fonds pour le commerce rural. Doté de 2 M€ en autorisations d’engagement, il complète les programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain et a pour objet de redonner vie aux centres-bourgs. Il permettra, par exemple, de soutenir la réouverture d’un commerce multiservices dans un village de montagne ou la reprise d’un café-épicerie dans un bassin rural délaissé.
Enfin, le plafond d’emplois du programme, fixé à 4 548 équivalents-temps plein (ETP), connaît un ajustement très limité. La baisse de 12 ETP est concentrée, pour l’essentiel, sur la direction générale des entreprises, mais ne devrait pas toucher les effectifs de son réseau déconcentré.
Ainsi, la programmation pour 2026 traduit une démarche de rationalisation assumée : il s’agit de faire mieux avec des moyens en légère baisse, tout en maintenant le cap sur la décarbonation de notre économie et le soutien aux territoires.
Le programme 134 assure également le financement des autorités indépendantes et des directions de contrôle qui garantissent la loyauté du marché et la protection des consommateurs.
Les budgets de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), de l’Autorité de la concurrence et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) augmentent, respectivement, de 3 %, 10 % et 3,5 %. Ces hausses mesurées permettront de financer les nouvelles missions, notamment celles issues de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dite loi « Sren ».
Mais cette stabilité n’empêche pas la vigilance. En effet, les compétences de ces trois institutions s’étendent plus vite que leurs moyens n’augmentent et l’on observe des distorsions territoriales, comme en témoigne la situation des départements et régions d’outre-mer (Drom). Qu’il s’agisse du contrôle des concentrations, de la régulation du numérique ou du suivi de la consommation en ligne, les besoins croissent plus vite que les crédits. Je souhaite donc que le Gouvernement veille à préserver dans la durée la capacité opérationnelle de ces autorités, sans quoi l’efficacité même de notre régulation économique serait compromise. Faire un effort collectif, oui, mais avec tempérance !
J’en viens à la partie thématique de mon rapport, consacrée aux services économiques de l’État en région (Seer).
L’action économique de l’État a connu ces dernières années une profonde réorganisation. D’une part, les régions sont devenues les chefs de file du développement économique depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». D’autre part, l’action économique de l’État s’est resserrée au niveau régional et recentrée sur des missions stratégiques. Créés en 2021 au sein des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), les Seer, relais territoriaux de la direction générale des entreprises, incarnent cette évolution. Placés sous l’autorité du préfet de région, ils assurent la mise en œuvre des politiques industrielles, d’innovation et de soutien aux entreprises.
Toutefois, leur montée en puissance se heurte à plusieurs écueils majeurs. D’abord, les moyens humains et financiers qui leur sont alloués demeurent sous-dimensionnés au regard de l’étendue de leurs missions, leurs effectifs ayant été réduits de moitié par rapport à l’ancien réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte). Dès lors, il paraît nécessaire de procéder à un rééquilibrage des effectifs entre le niveau central et le réseau territorial.
Ensuite, la coordination entre les différents acteurs de l’action économique dans les territoires demeure perfectible. L’articulation des actions des Seer, des préfets de région et des différentes collectivités territoriales concernées doit être améliorée. C’est pourquoi je propose notamment la désignation d’un référent au niveau départemental, sur le modèle des anciens sous-préfets au développement économique.
Enfin, les acteurs rencontrés ont tous souhaité un retour affirmé de l’État économique au niveau territorial le plus fin, notamment celui des intercommunalités.
Pourtant, sur le terrain, l’utilité des Seer est manifeste. Dans la vallée de l’Arve, ils ont accompagné la modernisation de la filière du décolletage, favorisant son orientation vers les marchés aéronautiques. En Occitanie, ils ont coordonné les services de l’État et la région pour sécuriser l’implantation d’une gigafactory de batteries. Dans les Hautes-Alpes, leur action, aux côtés de la préfecture, a permis de soutenir des PME du bâtiment et des travaux publics (BTP) confrontées à la hausse des coûts de l’énergie en mobilisant les aides de l’État.
Les Seer sont le bras armé de l’État économique sur le terrain : ils fournissent une expertise et sont capables de répondre rapidement aux besoins des entreprises.
Pour que l’action de l’État économique soit plus lisible et plus proche, elle doit être pleinement efficace. C’est pourquoi je préconise d’institutionnaliser la coopération entre les Seer et les collectivités, notamment au niveau des intercommunalités et des agences régionales de développement économique, dans le cadre de dispositifs concrets tels que France 2030 ou le programme Territoires d’industrie, qui a déjà démontré son efficacité. Ces partenariats prouvent en effet que la coconstruction entre l’État et les territoires est la clé d’une politique industrielle moderne et résiliente.
Ce budget n’est ni celui du retrait ni celui du statu quo. Il traduit une continuité exigeante en assurant le financement des fonctions essentielles de la mission Économie (compétitivité, régulation et protection du consommateur), en renforçant les priorités industrielles et en confortant le financement de la décarbonation de notre économie.
Toutefois, nous devons veiller particulièrement aux moyens affectés à la régulation de l’économie, au maintien des capacités opérationnelles de la DGCCRF, à la montée en puissance des Seer, qui conditionne la présence économique de l’État dans les territoires, et à la compensation par l’État des missions de services public de La Poste, qui est manifestement insuffisante. La maîtrise de la dépense publique ne doit pas se traduire par un affaiblissement de l’action économique de l’État. Deux points de PIB en plus et nous avons les fameux 44 milliards d’euros (Md€) et, avec eux, les moyens de nos ambitions et de quoi financer notre modèle social. La France ne produit pas assez : notre industrie représente moins de 10 % du PIB !
Compte tenu de l’effort collectif auquel nous nous astreignons, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 134 de la mission Économie, mais je vous invite à demeurer vigilants : il en va de l’avenir de notre industrie, qui est une des solutions pour sortir notre pays de l’ornière.
M. le président Stéphane Travert. Puisque vous avez fait allusion à la situation de La Poste, je vous indique que j’ai réuni, en ma qualité de président de l’Observatoire national de La Poste, l’ensemble des commissions départementales de présence postale et que nous avons décidé, sur ma proposition, d’adresser un courrier au Premier ministre et de solliciter la ministre des comptes publics ainsi que le ministre de l’économie afin qu’ils complètent de 44 M€ les mesures de compensation versées à La Poste. Soucieux de préserver ses missions de service public et de médiation, nous serons en première ligne pour défendre ce budget.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Quelque 6 800 défaillances d’entreprise en septembre, des normes dont le coût annuel dépasse 60 Md€, une production industrielle en chute libre depuis 2017 : la situation est inquiétante ! Pourtant, le septième Premier ministre d’Emmanuel Macron ne semble pas avoir pris la mesure des enjeux et tiré les leçons de huit années d’échec. Le choc fiscal attendu par les entreprises et réclamé par le groupe Rassemblement national devra encore attendre. En guise de lot de consolation, on nous propose une modeste réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont la suppression est pourtant promise depuis 2023.
Certains de nos secteurs industriels stratégiques sont directement menacés. Dans la sidérurgie, la production a chuté de 30 % depuis 2018 et les tarifs douaniers imposés par le président Donald Trump, ainsi que la débâcle essuyée par la présidente Ursula von der Leyen, ne devraient rien arranger. Dans ce contexte, la suppression de l’avance de la compensation des coûts indirects du carbone est un véritable bras d’honneur adressé aux électro-intensifs. Il faut rappeler que cette compensation n’est qu’un palliatif bien imparfait face à la contribution carbone qu’impose la Commission européenne. Réduire cette aide de 15 % du jour au lendemain nous paraît proprement irresponsable.
Vu ces coupes franches, on aurait pu espérer que le gouvernement « Lecornu 2 » s’attacherait à « dégraisser le mammouth ». Hélas, il n’en est rien ! On trouve encore dans ce budget une myriade de contributions diverses au bénéfice d’organismes plus ou moins opaques dont la pertinence ne semble pas être une préoccupation. En bref, l’État coupe là où il ne faut pas et rabote là où il faudrait abonder : le bateau coule, maintenons le cap !
Face à ce projet de loi de finances qui n’est pas franchement de bon augure pour nos PME, le Rassemblement national continuera de rappeler ses fondamentaux : baisse radicale des impôts de production, orientation de l’épargne des Français vers l’économie réelle, singulièrement vers les filières stratégiques pour notre souveraineté, et protection de nos entreprises en dotant la DGCCRF de moyens supplémentaires. Par ailleurs, nous proposerons des économies réelles en coupant le robinet budgétaire d’organismes sous perfusion de l’État.
Nos entreprises et notre économie attendent une véritable rupture, celle-là même que le Premier ministre semble incapable de décider. Les députés du groupe Rassemblement national s’y attelleront.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. La diminution des crédits du programme 134 correspond à un ajustement technique lié à la réduction du taux d’avance et à la forte baisse des crédits de compensation carbone consécutive à la réduction du prix du quota européen. Le prix de la tonne de carbone a en effet été ramené de 90 euros à environ 60 euros entre 2023 et 2025. Les crédits utiles à la régulation, à la compétitivité ainsi qu’à l’accompagnement des entreprises sont, quant à eux, maintenus. Il s’agit d’une rationalisation, non d’une restriction.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Le montant des crédits du programme 134 s’établit à 2,5 Md€ en autorisations d’engagement et à 2,1 Md€ en crédits de paiement, soit des baisses respectives de 34 % et de 10 % par rapport à 2025.
Cette diminution est d’abord le résultat d’une normalisation des dépenses d’intervention (notamment celles de l’action 23 Industries et services), qui s’explique par la baisse des crédits alloués au dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro-intensives (ramenés de 896 M€ en 2025 à 782 M€), baisse liée à la diminution attendue du prix des quotas carbone et à la révision du taux d’avance.
Cet ajustement s’accompagne toutefois d’un renforcement des moyens consacrés à la décarbonation industrielle, puisque 500 M€ sont consacrés à de nouveaux projets d’investissement dans l’efficacité énergétique, l’électrification ou le captage de carbone.
S’agissant des charges de fonctionnement, on note que les subventions à certains opérateurs tels qu’Atout France sont ajustées à leurs nouvelles priorités, tandis que la direction générale des entreprises poursuit un redéploiement de ses effectifs. En revanche, les dotations à Business France et à BPIFrance Assurance export demeurent stables.
Enfin, au-delà des crédits budgétaires, le soutien public aux entreprises repose sur un volume croissant de dépenses fiscales, évaluées à 13,4 Md€ contre 8,9 Md€ en 2025. Ce dynamisme témoigne de la volonté du Gouvernement de mobiliser l’outil fiscal pour encourager l’investissement, l’innovation et la transmission des entreprises tout en soutenant l’emploi dans nos territoires.
La mission comporte un dispositif inédit en faveur du commerce rural doté de 2 M€ en autorisations d’engagement. Pouvez-vous préciser quels seront les critères de sélection des territoires bénéficiaires et quelle forme concrète prendra ce dispositif ?
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Il est important de rappeler que la baisse des crédits du programme procède d’un ajustement technique et qu’un effort considérable est consenti en faveur de la décarbonation industrielle.
En ce qui concerne le fonds consacré au commerce rural, il a pour objet de financer l’expérimentation de projets concrets en vue de leur généralisation. Toutefois, nous n’avons pas obtenu de réponse très précise sur les modalités de son déploiement. Sans doute faudra-t-il accompagner les projets localement, d’où l’importance d’une coordination des politiques nationales avec l’action territoriale.
Mme Aurélie Trouvé (LFI-NFP). Si le projet de budget pour 2026 alloue au programme Développement des entreprises et régulation des crédits d’un montant supérieur à 2,5 Md€, il ne traduit, cette année encore, aucune stratégie de planification économique. La logique reste la même : on verse des aides opaques et inconditionnelles aux uns et on impose des sacrifices aux autres. J’insiste sur la très grande opacité de ces aides : le Parlement n’a généralement aucun moyen de savoir combien d’entreprises en bénéficient et pourquoi.
On ne comprend toujours pas l’action économique des gouvernements de monsieur Macron : quels emplois seront créés ou préservés ? Dans quelles filières ? Les seuls indicateurs de performance dont nous disposons sont les taux de satisfaction des entreprises, c’est-à-dire un sondage…
Or, la politique menée ces dernières années a conduit à un nombre record de défaillances d’entreprise et il est à craindre que le projet de loi de finances pour 2026 n’y change rien. De fait, les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) sont les grandes oubliées de ce budget. D’ailleurs, les chambres de commerce et d’industrie, qui accompagnent au plus près les artisans et les petites entreprises, ont vu leurs ressources baisser de 15 % en cinq ans. Quant au soutien à la transition numérique des TPE-PME, qui est un enjeu considérable, il n’est plus que résiduel.
Certains points suscitent particulièrement notre inquiétude. Les effectifs de la DGCCRF sont stables alors qu’elle joue un rôle indispensable dans la lutte contre les fraudes, l’accroissement abusif des marges et les ententes. Quant à La Poste, dont la directrice vient d’être nommée, elle subit une diminution de ses soutiens publics. Comment ne pas être consterné lorsqu’on sait que ses missions de service public lui coûtent 1 Md€ ? Et que dire de la transition écologique ? Rien ou presque n’est prévu pour les TPE-PME, alors que c’est à leur niveau que se jouent les choses.
Bref, ce programme, qui devrait être la face budgétaire d’un État stratège agissant dans l’intérêt général, est tout au plus celle d’un État comptable qui fait des économies de bouts de chandelle sur des actions indispensables au bon fonctionnement de l’économie et à la transition écologique et sociale.
Nous défendrons donc ici et, je l’espère, en séance publique la conditionnalité sociale et écologique de toutes les aides publiques, un renforcement significatif des moyens de la DGCCRF et des chambres de commerce et d’industrie, un fléchage très clair en faveur des TPE-PME locales, des coopératives et des filières de l’économie circulaire, la transparence intégrale concernant les bénéficiaires des aides et, surtout, une véritable planification industrielle et écologique placée sous le contrôle du Parlement, soit à peu près l’inverse de ce que propose le nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Je souscris à une partie de votre constat, notamment en ce qui concerne le manque de transparence, que nous ne cessons de dénoncer. J’espère d’ailleurs que nous pourrons mener des investigations plus approfondies dans ce domaine grâce au renforcement de la politique territoriale que j’appelle de mes vœux. Il n’est pas tolérable que des entreprises aidées par l’État licencient et que leurs salariés se retrouvent à la rue.
Quant aux TPE-PME, le fonds consacré au commerce rural peut contribuer à les soutenir. Je précise, à ce propos, que les aides dont bénéficient ces entreprises sont réparties entre différents programmes et qu’elles ne se retrouvent donc pas toutes dans le programme 134.
M. Laurent Lhardit (SOC). Je veux d’abord remercier notre collègue Valérie Rossi pour son rapport, qui met en évidence l’augmentation des moyens alloués à la décarbonation industrielle – une augmentation qu’il faut saluer eu égard aux enjeux écologiques et économiques de l’industrie décarbonée.
En revanche, on peut regretter la baisse d’environ 15 % des crédits alloués à l’action 04, qui va affecter le financement du service postal et la mission d’aménagement du territoire confiée à La Poste. Cette évolution montre une nouvelle fois que nos services publics sont directement touchés par les coupes budgétaires. Il manque environ 1 Md€ pour couvrir les coûts complets et théoriques des missions de La Poste, parfois théoriques elles aussi. On voudrait en finir qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
On regrette également l’absence de revalorisation des crédits alloués à France Num. Pour avoir suivi de près pendant cinq ans, en tant qu’adjoint à l’économie de la ville de Marseille, l’accompagnement des TPE et des PME dans leur transition numérique, je peux dire qu’il est totalement contre-productif de refuser d’investir dans ce domaine, qui permet à des entreprises de gagner très rapidement en efficience et en compétitivité. De trop nombreuses entreprises manquent encore d’appuis pour franchir le cap du numérique ; elles ont besoin de conseils, de diagnostics, de formation et, parfois, d’un soutien financier. France Num dispose d’un réseau et connaît les acteurs, mais ses moyens d’action ne sont pas suffisants.
Or, dans un contexte où la productivité française reste en retrait, soutenir la numérisation de nos entreprises, c’est investir dans la compétitivité nationale.
Enfin, notre groupe soutient pleinement la création d’une ligne de crédits réservée au commerce dans les territoires ruraux sous-dotés. En revanche, nous ne pouvons que regretter qu’un tel dispositif ne soit pas étendu aux territoires urbains : la vacance commerciale ne s’arrête pas aux frontières des campagnes. Nous proposerons donc, par nos amendements, que l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) puisse accompagner la revitalisation commerciale dans l’ensemble des territoires fragilisés. Car chaque rideau baissé, c’est un emploi perdu, le lien social qui se défait et une attractivité qui s’érode.
Nous voterons donc pour l’adoption de ces crédits, convaincus néanmoins que ce budget pourrait être grandement amélioré.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Le soutien à la décarbonation est en effet fondamental. Je partage vos inquiétudes concernant la présence postale et vos regrets face à l’absence de revalorisation des crédits en faveur de l’aide à la numérisation des entreprises. Quant au commerce urbain, je serai favorable à l’amendement que vous avez déposé en faveur de sa revitalisation.
M. Charles Fournier (EcoS). Mon propos portera principalement sur la question industrielle, à un moment où notre industrie ne va pas bien.
La politique de l’offre montre ses limites : beaucoup d’argent a été mobilisé pour des résultats plus que limités, voire catastrophiques, eu égard aux plans sociaux en cours. Le rapport de notre collègue sénateur Fabien Gay évalue à 112 Md€ le montant des aides directes et indirectes versées sans contreparties claires ni garantie d’efficacité. Se préoccuper de la politique industrielle, c’est regarder de près l’intervention publique, car il n’y aura pas de réindustrialisation sans service public ni politique publique.
Si je me réjouis de l’augmentation des crédits consacrés à la décarbonation, celle-ci masque d’autres enjeux qui doivent également être pris en compte si nous voulons une industrie verte et durable. Je pense aux matières premières, par exemple. Nous parlons trop peu des matériaux critiques et stratégiques, de l’eau, de l’air, des sols… Nous devons être attentifs à l’empreinte écologique plutôt qu’à la seule décarbonation. Par ailleurs, les crédits consacrés à cette dernière vont être largement orientés vers les très grandes entreprises et les électro-intensifs, alors que c’est l’ensemble de la chaîne qu’il faut aider si nous voulons reterritorialiser notre industrie. Une profonde réorientation de notre politique industrielle est donc nécessaire. C’est pourquoi je défendrai un amendement visant à organiser un « Grenelle de l’industrie ». Il s’agit de mettre tout le monde autour de la table pour établir un diagnostic partagé et tracer des perspectives.
Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de services publics, de prendre en considération les limites planétaires et de transformer profondément nos processus industriels – l’économie circulaire doit être soutenue. En somme, nous devons modifier notre vision de l’industrie. Ces ambitions doivent se traduire notamment par la conditionnalité d’un dispositif comme le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV). J’ai proposé, par un amendement adopté en commission des finances, que le crédit d’impôt recherche (CIR) soit conditionné au maintien de l’activité et à sa non-délocalisation.Ce sont des questions dont nous devrions pouvoir discuter.
Enfin, même si l’histoire s’est attachée principalement au rôle des multinationales, l’essentiel de l’activité économique dans notre pays repose sur les PME-PMI. Les politiques nationales doivent donc s’articuler avec celles des régions pour soutenir plus efficacement ce tissu économique.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec vous : l’essentiel du tissu économique d’un département rural comme le mien est composé de PME-PMI et je regrette que les aides qui leur sont versées ne soient pas regroupées dans le programme 134. Comme vous, je crois que nous devons modifier notre vision de l’industrie. La France ne produit pas assez : notre industrie représente moins de 10 % du PIB. Je suis donc a priori tout à fait favorable aux propositions que vous allez nous soumettre. Quant à l’écologie, j’y suis attachée, mais elle n’est pas directement concernée par le programme 134.
La réunion est suspendue de dix heures dix à dix heures vingt-cinq.
M. Jérôme Nury (DR). Tout en participant à l’effort collectif de maîtrise de la dépense publique, l’évolution des crédits alloués aux entreprises dans le projet de loi de finances pour 2026 montre un soutien continu de la part de l’État. Le programme 134 préserve les moyens nécessaires à la compétitivité, à la décarbonation de l’industrie et à l’accompagnement à l’export, encourageant ainsi la transformation productive de notre économie.
Je salue la création d’une ligne budgétaire pour soutenir les commerces ruraux, poumons économiques et lieux de vie pour nos villages, car ils souffrent de la crise économique. Depuis des années, nous plaidons pour un retour du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac).
S’agissant du soutien à l’export, le maintien des crédits de l’action 07 et la mobilisation de BPIFrance et de Business France sont essentiels pour nombre de nos PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Alors que la compétition est mondiale, la conquête des marchés extérieurs demeure la clé de la croissance et de l’emploi industriel. Les entreprises n’attendent pas qu’on les aide : elles demandent à pouvoir réussir, à armes égales avec leurs concurrentes étrangères.
Nous devons changer de cap et en finir avec la logique selon laquelle l’État crée la contrainte pour ensuite créer l’aide : à une fiscalité toujours plus lourde et à des normes toujours plus denses répond un dispositif qui vient corriger les effets pervers de ce que nous avons nous-mêmes bâti. Il faut revoir de fond en comble cette logique bureaucratique, inefficace et coûteuse.
Notre pays ne redeviendra compétitif que lorsque nous aurons choisi la confiance plutôt que la tutelle, la liberté plutôt que la réparation. L’objectif doit être non pas de multiplier les aides, mais de créer un environnement clair, stable et compétitif, dans lequel les entreprises peuvent investir, innover et exporter sans dépendre constamment de la puissance publique. Nous devons aussi rationaliser nos dépenses et concentrer l’action publique sur des missions essentielles.
Ce budget trace un chemin de responsabilité, mais il nous faudra aller plus loin, vers une politique économique qui libère les forces productives au lieu de les encadrer. C’est à cette condition que la France retrouvera sa compétitivité, son attractivité et sa fierté économique.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir insisté sur le commerce rural : j’y suis également très attachée, étant élue d’un territoire rural et ayant été chargée d’un Fisac.
Vous avez raison, le soutien à l’export est indispensable. Je partage également votre appel en faveur de l’innovation et de l’investissement. Pour votre information, BPIfrance relève d’un autre avis budgétaire.
M. Philippe Bolo (Dem). Il est nécessaire de favoriser la création de richesses et l’augmentation de la production pour pouvoir financer des politiques publiques qui protègent les Français et améliorent leur quotidien dans tous les territoires, qui soutiennent l’innovation et la décarbonation, qui contribuent à la résilience de notre économie face aux bouleversements commerciaux et géopolitiques mondiaux.
La France dispose pour cela d’atouts majeurs, au premier rang desquels un tissu d’entreprises rassemblant des grands groupes, des PME et des TPE qui doivent beaucoup à leurs salariés.
Alors que les chefs d’entreprise, les salariés et les élus territoriaux réclament des crédits plus importants pour développer la compétitivité des entreprises, réguler les marchés et protéger les consommateurs, nous devons faire preuve de responsabilité budgétaire, autrement dit mener des politiques publiques utiles sans hypothéquer l’avenir.
Les députés Les Démocrates sont particulièrement attentifs à la décarbonation, transformation majeure de l’ensemble des secteurs de l’économie et véritable levier de création de valeur et d’emplois pérennes. Si les crédits alloués à la compensation carbone pour les activités électro-intensives diminuent, ceux destinés à la décarbonation de l’industrie augmentent afin de soutenir les investissements en matière d’efficacité énergétique, d’électrification ou de changement des procédés et des intrants.
Nous notons avec satisfaction le soutien à la redynamisation du commerce dans les territoires ruraux, qui est une clé de leur attractivité.
Nous saluons le maintien des ressources du service postal universel et des missions d’aménagement du territoire confiés à La Poste. Ce sont des services publics de proximité essentiels et attendus dans de très nombreux territoires.
Madame la rapporteure, nous vous félicitons d’avoir consacré la partie thématique de votre rapport aux services économiques de l’État en région. J’en profite pour saluer l’action des agents des directions départementales des finances publiques (DDFiP) qui ont œuvré, lors de l’épidémie de covid-19 et de la crise énergétique de 2022, à soutenir toutes les entreprises en difficulté – certaines d’entre elles sont encore en vie aujourd’hui grâce à leur action.
Si nous avons besoin d’accompagner, il nous faut aussi simplifier et alléger les contraintes inutiles qui pèsent sur les entreprises, dans le respect des standards sanitaires, sociaux et environnementaux. N’oublions pas que la charge des normes, des démarches et des complexités du quotidien coûte au moins 3 % du PIB à notre économie.
Le groupe Les Démocrates émet un avis favorable à l’adoption des crédits, tout en souscrivant aux points de vigilance soulignés par notre rapporteure pour avis.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Les entreprises que j’ai interrogées sur le terrain m’ont confirmé l’aide précieuse qu’elles reçoivent de la part des DDFiP, qui travaillent en lien étroit avec les Seer.
Vos propos confortent ma demande d’une présence économique renforcée de l’État dans les territoires. C’est la seule manière de faire connaître les besoins et les attentes des entreprises.
M. Thomas Lam (HOR). Pilier de notre politique économique, le programme 134 constitue le principal levier budgétaire du ministère de l’économie pour accompagner et soutenir nos entreprises alors que les transitions économique, énergétique et technologique sont particulièrement exigeantes. Pour 2026, les crédits bénéficiant aux entreprises s’élèvent à près de 2,1 Md€ en crédits de paiement, en recul d’environ 10 % par rapport à 2025. Dans un contexte budgétaire contraint, ils sont ainsi recentrés sur le soutien à l’investissement productif, l’internationalisation et le renforcement de la compétitivité du tissu industriel français, éléments qui soutiennent la croissance de nos entreprises.
Une part importante des crédits est dévolue à deux priorités structurantes : le soutien à la décarbonation des sites industriels dans le cadre des projets accompagnés par l’Agence de la transition écologique (Ademe) et la compensation carbone, qui protège nos industries électro-intensives. Ces dispositifs ne sont pas de simples aides, ce sont des outils de souveraineté indispensables pour garantir notre compétitivité, préserver l’emploi et accompagner la transition écologique de notre économie. Pour autant, la compétitivité ne se décrète pas, elle se construit : elle suppose une énergie à coût maîtrisé, une fiscalité stable et des règles lisibles.
La stabilité économique et réglementaire demeure le premier facteur de confiance de nos entreprises. Dans un contexte économique agité, il faut saluer la continuité de l’accompagnement public des entreprises à l’international, que traduit la stabilité des crédits. Celle-ci donne aux PME et ETI qui souhaitent se développer hors de nos frontières la visibilité et le poids nécessaires pour lutter à armes égales contre leurs concurrentes étrangères.
Enfin, alors que les petites entreprises, le commerce et l’artisanat sont des piliers de la vie économique et de la vitalité de nos territoires, la création d’une ligne de crédits consacrée au commerce rural, dotée de 2 M€ en autorisations d’engagement (AE) et de 1,3 M€ en crédits de paiement (CP), envoie un signal clair : celui d’un État attentif aux équilibres territoriaux et déterminé à redynamiser les centres-bourgs.
Les orientations budgétaires confirment la volonté de l’État de soutenir l’innovation et de consolider la croissance des TPE et PME, qui demeurent les maillons essentiels de notre tissu productif.
Le groupe Horizons et indépendants votera en faveur des crédits dédiés aux entreprises, considérant que leur diminution reflète avant tout un recentrage sur les enjeux majeurs que sont la compétitivité des entreprises, la souveraineté industrielle et la transition écologique.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Je partage votre volonté de mettre l’accent sur les TPE-PME et le commerce de proximité.
Le budget n’est certes pas parfait – on fait ce qu’on peut avec ce que l’on a… Il prépare l’avenir en misant sur la décarbonation, l’innovation, la régulation du numérique et l’équilibre territorial. L’ambition réside davantage dans la cohérence que dans la flamboyance.
M. David Taupiac (LIOT). On a enregistré soixante-six mille faillites d’entreprises en 2024, soit 17 % de plus que l’année précédente, et, en 2025, nous serons probablement à plus de soixante-dix mille. La situation est préoccupante. J’en vois les premiers effets dans mon territoire rural : la contagion de la crise agricole à l’agroalimentaire – je pense à Delpeyrat, basée notamment à Vic-Fezensac et à Fleurance, et à Ducs de Gascogne –, mais aussi la fermeture de sites par des groupes qui ont racheté des entreprises locales et détruisent ainsi des emplois – cela touche par exemple Gerstube, à Vic-Fezensac, ou Synlab, à Auch.
De manière plus optimiste, en tant que coprésident du groupe d’études sur la ruralité et député du Gers, je constate avec satisfaction que le dispositif en faveur du commerce rural produit des résultats intéressants – je le vois dans ma commune de Panjas. L’aide à l’investissement, cumulée à des dispositifs de l’État, de la région et des communautés de communes, permet de réaliser des projets. J’appelle néanmoins l’attention sur la nécessité d’accompagner les communes, qui sont souvent confrontées à des difficultés d’attractivité dans la recherche de gérants.
En ce qui concerne le programme Territoires d’industrie, je note que la coordination entre l’État, la région et les communautés de communes s’est améliorée au fil des années. Toutefois, l’instruction, tant par l’État que par la région, complexifie la gestion des demandes de subventions. En outre, la diminution des aides régionales minore l’effet de levier. Enfin, en 2025, n’ont été débloqués que 52 M€ sur les 100 M€ promis. J’espère qu’en 2026, nous pourrons compter sur un budget suffisant.
En conclusion, même dans mon département, je constate que deux France cohabitent. Plus que jamais, nous avons besoin d’aménager notre territoire. Alors que le zonage France ruralités revitalisation (ZRR) s’applique à tout mon département, il y a, d’un côté, une zone péri-métropolitaine aux abords de Toulouse, où l’industrie aéronautique apporte création d’entreprises et d’emplois, et de l’autre, une zone hyper-rurale où l’agriculture est à l’origine d’une crise de l’agroalimentaire, qui provoque destruction d’emplois et disparition d’entreprises. Je suis inquiet de ces disparités et de cette France à deux vitesses. Il est urgent de parler décentralisation et aménagement du territoire.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. J’ai alerté dans mon rapport sur l’équité territoriale – j’ai cité l’outre-mer, mais j’aurais pu mentionner d’autres territoires. Je suis d’accord avec vous, il faut consolider, continuer à soutenir, tout en stabilisant les dépenses – ne pas le faire serait irresponsable. L’aide de l’État dans les territoires est fondamentale pour répondre aux besoins des entreprises et favoriser leur développement.
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Aurélie Trouvé (LFI-NFP). En ce qui concerne les TPE et les PME, les crédits dans les autres missions sont dérisoires au regard des enjeux. Devant le saupoudrage des aides, sans cap ni plan, on cherche la cohérence du soutien public.
À quoi bon soutenir le commerce rural quand, parallèlement, l’État ne fait rien pour mettre au pas les concurrents, laisse La Poste signer un contrat avec Temu et ne dote pas la DGCCRF de moyens suffisants ? Là aussi, le manque de cohérence est patent.
Si vous voulez vraiment soutenir les TPE, PME et le commerce rural, commencez par lutter contre la concurrence déloyale !
M. Charles Fournier (EcoS). Comment évoluent les effectifs de la direction générale des entreprises ? Les services déconcentrés de l’État que vous avez évoqués ont-ils les moyens de jouer leur rôle auprès des entreprises ?
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Nos interlocuteurs ont évoqué un redéploiement. La diminution des effectifs concerne essentiellement l’administration centrale, tandis que les services en région sont préservés.
Madame Trouvé, nous avons longuement évoqué le sujet de Temu avec la candidate à la présidence du conseil d’administration de La Poste. Je déplore comme vous le saupoudrage des aides aux TPE et PME, qui rend illisible le soutien de l’État – nous avons encore des progrès à faire dans ce domaine. Enfin, je suis d’accord avec vous, nous devons absolument savoir où va l’argent distribué aux entreprises.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE121 de M. Laurent Lhardit
M. Laurent Lhardit (SOC). L’amendement vise à doter l’initiative France Num de 5 M€ afin d’en faire le bras armé de la transformation numérique des TPE-PME, indispensable à leur compétitivité.
J’ai pu voir sur le terrain à quel point le soutien direct aux PME et TPE est important pour faciliter une transformation numérique qu’elles n’osent souvent pas engager faute de moyens. Il est donc essentiel de renforcer leur accompagnement.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Avis favorable. La transformation numérique constitue un levier déterminant de productivité et de compétitivité pour les TPE et PME.
M. Alexandre Loubet (RN). En effet, nos entreprises accusent un retard de compétitivité et de productivité très important par rapport à la moyenne européenne. Il est de six points en ce qui concerne l’intensité numérique de nos PME ; nos entreprises utilisent deux fois moins de robots qu’en Allemagne et cinq fois moins qu’en Corée du Sud.
Les dispositifs de soutien à la compétitivité de nos entreprises sont donc indispensables. Néanmoins, j’ai quelque doute sur la solution que vous préconisez, monsieur le député. Notre pays distribue déjà beaucoup d’aides publiques, un peu trop même. Plutôt que de participer à ce saupoudrage illisible, le RN recommande d’élargir le dispositif de suramortissement ou de recourir au crédit d’impôt, deux outils plus accessibles et plus concrets. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CE123 de M. Robert Le Bourgeois
M. Robert Le Bourgeois (RN). L’amendement supprime des crédits destinés à des organismes dont les activités sont opaques et les résultats insuffisamment caractérisés.
Si les centres techniques et organismes assimilés sont financés par des taxes affectées, deux d’entre eux bénéficient d’une subvention : le Lab by IFTH (Institut français du textile et de l’habillement) et le centre technique de la teinturerie et du nettoyage (CTTN). Il est proposé de supprimer les 4 M€ qui leur sont alloués, car le bon usage des deniers publics commande de savoir où ils vont et quelle politique publique ils financent. En l’espèce, on cherche toujours…
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Les centres techniques soutiennent des secteurs économiques importants dans lesquels les PME et TPE occupent une large place.
La suppression de la dotation reviendrait à affaiblir des acteurs stratégiques de la transformation industrielle, à rompre la continuité du soutien public à la diffusion de l’innovation et à contrarier les objectifs de réindustrialisation, de durabilité et de souveraineté économique. Avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). Il est normal de s’interroger sur l’efficacité des dépenses de l’État. Ce qui l’est moins, c’est de les supprimer par principe, avant même de connaître les conclusions de leur évaluation. Vous préférez couper à l’aveugle. Cela me rappelle les débats sur le projet de loi sur la simplification de la vie économique…
M. Robert Le Bourgeois (RN). Il ne s’agit pas de couper à l’aveugle ! Je vous rassure, le rapport annuel ou le site internet renseignent parfaitement sur l’activité de ces organismes et confirment que leur efficacité est aléatoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE124 de M. Robert Le Bourgeois
M. Robert Le Bourgeois (RN). Une nouvelle fois, il s’agit de faire des économies. La France verse déjà nombre de contributions à des organismes internationaux. Nous considérons que le programme 134 n’a pas à les financer.
Or, c’est le cas pour les comités de la construction navale et de l’acier de l’OCDE, qui s’ajoute à une participation obligatoire de 12 M€ en 2025.
Autre exemple de dépenses dont nous pourrions faire l’économie : le programme Eureka, à travers lequel la France finance un organisme européen délivrant un label, qui permet de bénéficier de subventions françaises. Pourquoi passer par l’échelon européen pour verser des financements au niveau national ?
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Les crédits que vous visez garantissent la présence active de la France dans les enceintes où se définissent les standards techniques, les pratiques industrielles et les conditions d’accès aux marchés mondiaux.
La suppression de la contribution française affaiblirait notre influence économique et réglementaire ainsi que la protection des intérêts industriels nationaux dans les négociations européennes et multilatérales. Avis défavorable.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Il y a une confusion de votre part. La France verse déjà à l’OCDE une contribution de 12 M€. Nous n’entendons supprimer que les contributions complémentaires, pour un montant de 1,2 M€.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE122 de M. Laurent Lhardit
M. Laurent Lhardit (SOC). La ligne budgétaire consacrée au soutien au commerce dans les territoires ruraux est abondée à hauteur de 2 M€ en autorisations d'engagement et un peu plus de 1 M€ en crédits de paiement. Notre groupe regrette que le dispositif soit limité aux seuls territoires ruraux, alors que les locaux commerciaux en déshérence se trouvent tout autant au cœur des métropoles.
L’amendement propose donc d’étendre le dispositif à la redynamisation du commerce de manière générale et de le doter de 8 M€ en autorisations d'engagement et 5,2 M€ en crédits de paiement.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Je partage votre opinion, il est nécessaire de soutenir le commerce dans son ensemble, aussi bien dans les territoires ruraux, où il est dispersé, que dans les centres-villes et les zones urbaines.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE136 de M. Alexandre Loubet
M. Alexandre Loubet (RN). L’amendement vise à créer un fonds souverain français.
Nous pouvons tous déplorer que les politiques économiques des dernières années se résument à des ajustements de variables budgétaires, très en deçà des stratégies nécessaires à la réussite de la France et de ses filières dans la mondialisation.
La France possède de nombreux atouts, parmi lesquels l’épargne des Français. Il ne s’agit évidemment pas d’aller y « piocher », mais de créer un produit d’investissement, auquel les Français qui le souhaitent pourraient souscrire. Cette solution présente un double intérêt : mieux rémunérer l’épargne et répondre aux besoins de financement de nos entreprises, notamment en capital-investissement. Le fonds souverain, qui serait géré de manière indépendante, permettrait de soutenir notre tissu de PME et ETI ainsi que l’innovation. Il pourrait aussi, à titre exceptionnel, servir à recapitaliser des fleurons industriels nationaux qui risqueraient d’être achetés par des intérêts étrangers, mettant ainsi en péril toute une filière.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Votre proposition suppose de prélever sur le programme 134 un volume important de crédits, alors que ceux-ci sont déjà limités eu égard au vaste périmètre à couvrir. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE127 de M. Robert Le Bourgeois
M. Robert Le Bourgeois (RN). Nombre d’entreprises et de commerces sont aujourd’hui exposés à une concurrence déloyale du fait de l’essor inquiétant de certains géants chinois qui inondent le marché, comme Temu ou Shein. Les agents de la DGCCRF sont sur le pont pour identifier les produits non conformes du point de vue sanitaire et environnemental et les pratiques qui ne respectent pas nos règles sociales. Ainsi, en juillet dernier, la DGCCRF a condamné Shein à une sanction de 40 M€. Elle joue également un rôle de contrôle essentiel dans les relations parfois difficiles entre la grande distribution et l’agro-industrie et dans la lutte contre la fraude aux aides publiques.
Tous les acteurs avec lesquels j’échange, au sein des PME, insistent sur le fait que la DGCCRF reste un interlocuteur efficace et de qualité. Pourtant, ses effectifs ont baissé d’un quart depuis quinze ans.
Je propose donc de les rehausser à trois mille équivalents temps plein. Je ne demande pas au Gouvernement de lever le gage, puisque la direction générale du Trésor, à laquelle je prends les 20 M€, a par ailleurs un budget de 2,7 Md€.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. Je partage votre constat de l’importance du travail de la DGCCRF dans la lutte contre les pratiques de concurrence déloyale et la protection des consommateurs. Néanmoins, les moyens alloués à l’action 24 sont déjà en hausse ; même si cette hausse est faible, compte tenu des circonstances, elle représente beaucoup dans un contexte budgétaire de réduction du déficit public. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CE49 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Il y avait autrefois un programme destiné à soutenir les manufactures de proximité. Malheureusement, comme beaucoup de dispositifs d’État de soutien à l’amorçage, il n’a duré qu’un temps et, une fois la dynamique enclenchée, il s’est arrêté. Une centaine de manufactures ont été labellisées ; depuis, plus rien. On avait là un modèle intéressant, surtout pour les territoires ruraux, qui invitait des PME et des PMI à partager leurs machines, leurs outils et leur espace de travail. Son coût (30 M€) n’était pas exorbitant et je regrette que ce type d’outil ait été supprimé. Ce stop and go pose problème aux acteurs dans les territoires. Je propose donc de remettre en route un programme de soutien aux manufactures de proximité.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. À titre personnel, je suis favorable à l’idée de financer à nouveau les manufactures de proximité, mais il me semble inopportun de réduire les moyens attribués au programme 134, déjà limités compte tenu de l’étendue de son périmètre. Je m’en remets, là encore, à la sagesse de la commission.
M. le président Stéphane Travert. Si je peux me permettre une question à l’auteur de l’amendement : ce serait l’équivalent d’une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma) en agriculture ?
M. Charles Fournier (EcoS). Cela y ressemble, en effet. Ce serait une réponse adaptée pour des raisons d’efficacité économique et d’emploi, mais aussi pour des raisons écologiques, car ces manufactures sont des espaces dédiés à des activités partagées : je pense ici aux makers. J’entends les arguments de notre rapporteure pour avis, mais il me semble que le gage pourrait être levé, car c’est un montant modeste qui ne risque pas de mettre à plat le budget.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CE50 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Je viens d’entendre dire que ce serait aux régions de financer les manufactures de proximité. Non ! C’est l’État qui avait lancé le programme. C’est malheureusement souvent comme ça que les choses se passent : l’État lance un programme et il dit ensuite aux régions de prendre le relais, ce qui mène à des déséquilibres très forts d’une région à l’autre. Le programme a vocation à être uniforme sur tous les territoires.
L’amendement II-CE50 vise à nous pousser tous à nous interroger sur nos choix industriels. Nous devons constater l’état inquiétant de notre industrie, tant du point de vue de celle qui existe que des tentatives de réindustrialisation du pays. Ce débat ne doit pas être mené par-ci par-là de manière incomplète. Il a besoin d’un temps fort, un « Grenelle de l’industrie », qui réunisse tout le monde pour élaborer une loi de programmation industrielle qui donne une vision du soutien à apporter aux filières dans le temps long, en distinguant celles qui vont s’amplifier de celles qui n’ont pas d’avenir parce que leur activité ne pourra pas continuer. Dans le monde du plastique, par exemple, certaines filières se trouveront en difficulté si nous changeons la donne ; il faut l’anticiper.
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. La nécessité de réindustrialiser est un souci partagé : le mot « industrie » est revenu dans toutes les interventions de nos collègues.
La réduction des moyens attribués au programme 134 me contrarie. Néanmoins, face à la nécessité de travailler sur le sujet, j’émets un avis favorable à l’amendement.
M. Robert Le Bourgeois (RN). Il s’agit de dépenser 3 M€ dans un « comité Théodule » supplémentaire présenté sous le nom de « Grenelle… », qui fait toujours bien dans ce genre de situation. Qui plus est, l’exposé sommaire parle d’un « temps du trumpisme », semble-t-il, un temps des impérialismes ; on est loin des sujets de souveraineté industrielle qui intéressent les PME françaises et la réindustrialisation du pays. Bien évidemment, nous voterons contre cette demande.
M. Laurent Lhardit (SOC). Au contraire, il faut voter pour. Certains de nos collègues veulent que l’État se désengage de l’économie au motif qu’il pèserait trop lourd dans les décisions. Le Grenelle, justement, est un cadre qui redonne aux acteurs de terrain le pouvoir de décider d’une stratégie de développement de l’industrie. Il est fondamental de le réunir. L’État, avec de très grands industriels, vient imposer des plans dans les territoires, mais le développement de l’industrie ne se fait pas par capillarité, faute de mise en relation des acteurs. Franchement, pour 3 M€, je trouve qu’on ergote…
Mme Sandra Marsaud (EPR). Des « Grenelle » et des « Varenne », comme le « Varenne de l’eau », nous en avons organisé plusieurs. Nous savons qu’ils permettent de réunir les acteurs autour de la table, de poser des bases et de réaliser un diagnostic, voire de proposer une évaluation – je trouve d’ailleurs que notre commission ne s’occupe pas assez de l’évaluation des politiques publiques. Toutefois, il n’y a pas de raison de l’inscrire dans la loi.
Depuis tout à l’heure, soit on propose des transferts de crédits, soit on creuse encore le trou du déficit. Ce n’est pas possible ! L’État a un rôle à jouer dans l’économie, mais ce qui émerge de nos discussions, c’est que cette action doit être partagée avec les collectivités.
M. Frédéric Weber (RN). Chers collègues socialistes, un « Grenelle », cela doit être efficace ! Vous avez peut-être envie d’inviter François Hollande pour qu’il nous explique comment il a détruit l’industrie entre 2012 et 2017… mais je pense que nous pouvons nous en passer.
M. Charles Fournier (EcoS). Cet argument asséné me laisse sans voix !
Je veux bien entendre l’argument du déficit, madame Marsaud, mais l’amendement coûte 3 M€. C’est moins que certains amendements de rétablissement de crédits proposés par votre groupe, dont plusieurs ont été adoptés.
De surcroît, cela fait longtemps que nous interpellons l’État sur cette politique publique. La loi de finances est l’occasion de pousser pour la tenue du Grenelle.
M. le président Stéphane Travert. Je suis un farouche partisan de l’évaluation des politiques publiques. C’est un rôle du Parlement que nous n’exerçons pas de manière suffisante. Toutes les initiatives en ce sens seront bonnes à prendre.
La commission rejette l’amendement.
Article 71
Amendement de suppression II-CE113 de M. Arthur Delaporte
Mme Valérie Rossi, rapporteure pour avis. L’article 71 du projet de loi de finances propose la suppression de l’Institut national de la consommation (INC). Cela revient à priver l’État d’un outil d’expertise essentiel pour garantir une information indépendante, objective et accessible à tous les consommateurs. Alors que les pratiques commerciales deviennent de plus en plus complexes et que les ménages sont confrontés à une inflation persistante, l’INC joue un rôle irremplaçable d’appui aux associations et de régulation par la transparence. Je suis favorable à l’amendement.
M. Laurent Lhardit (SOC). Le mouvement consumériste, qui était une politique publique appuyée par l’État, a été démantelé en l’espace de vingt ans – en grande partie sous la présidence de monsieur Sarkozy. Il reste très peu d’organisations de défense des consommateurs. Seul l’INC rend encore cette défense possible, par ses actions propres et par son soutien aux autres organisations. Il est donc essentiel de maintenir ses moyens, voire de les augmenter, pour permettre la relance d’un vrai mouvement consumériste en France.
La commission adopte l’amendement.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs aux entreprises modifiés.
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* *
Puis, la commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Stéphane Peu, les crédits budgétaires « Politique de la Ville » du projet de loi de finances pour 2026 (n°1906).
M. le président Stéphane Travert. Je rappelle que les crédits du programme 147 Politique de la ville, n’ont pas fait l’objet d’un avis de notre commission depuis trois ans. Le rétablissement de notre saisine nous permettra de suivre avec attention une politique très importante pour nos concitoyens résidant en milieu urbain, qui n’est étudiée par aucune autre commission saisie pour avis.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Depuis 2022, notre commission n’avait en effet pas produit de rapport sur cette politique qui touche non seulement à la vie sociale des quartiers, mais aussi à la vie économique de notre pays.
Le budget global de la politique de la ville se monte à 650 M€, ce qui représente une hausse globale de 9 % par rapport à l’année en cours. On peut y voir, à première vue, une chose positive ; toutefois, après avoir examiné dans le détail ce programme, mon avis est un peu différent.
D’abord, parce que la hausse de l’enveloppe globale se fait principalement pour rattraper le retard que l’État a pris dans le financement du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) ; ensuite, parce que, pour ce faire, il finance cette action au détriment d’une autre action qui englobe les contrats de ville, c'est-à-dire le soutien au tissu associatif et éducatif de ces quartiers. En effet, sur les quatre actions du programme 147, deux actions représentent plus de 90 % des dépenses : l’action 04, qui concerne le NPNRU, et l’action 01, qui concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Pourquoi cette augmentation de l’action de soutien à la politique de rénovation urbaine ? Il se trouve que l’État doit rattraper un retard sur ses engagements pluriannuels. Nous sortons d’une année catastrophique (2024), où les 50 M€ de crédits qui avaient été prévus ont été annulés. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) n’a donc rien perçu en 2024. Je rappelle que l’État s’était engagé, il y a dix ans, à financer le NPNRU à hauteur de 1,2 Md€ pour la totalité de la période. J’entends souvent les préfets dire, à l’occasion d’inaugurations ou de débats sur la politique de la ville, que la politique de rénovation urbaine est une grande politique publique ; en réalité, elle n’est financée qu’à 10 % par l’État. Les 90 % restants sont financés par les bailleurs sociaux, qui ont comme seules ressources les loyers versés par leurs locataires, principalement ceux du parc social, et par Action logement, l’organisme paritaire qui perçoit la cotisation sociale pour le logement, versée par les entreprises de plus de cinquante salariés. Heureusement que les bailleurs – parfois aussi un peu les collectivités locales – et Action logement ont, eux, été au rendez-vous de leurs engagements ! Sans cela, les programmes de rénovation urbaine auraient été en panne.
Je rappelle que, si le nouveau programme que nous finançons court jusqu’en 2032, la politique de rénovation urbaine, elle, trouve son origine en 2004-2005 sous l’impulsion du ministre Jean-Louis Borloo.
Les partenaires honorent leurs engagements, mais pas l’État. En 2025, le Gouvernement a annoncé un décalage d’un an des engagements du NPNRU, ce qui reporte l’échéance d’autant. Ce n’est pas réjouissant…
En 2026, si le budget est maintenu en l’état, le programme de rénovation urbaine recevra une subvention correcte de 116 M€. Selon l’Anru, ce sera tout juste suffisant en 2026, mais clairement insuffisant en 2027. Le vrai défi est donc d’anticiper la montée en charge des décaissements en 2027 alors que le programme touche à sa fin, malgré ce décalage d’un an. Je me réjouis, bien sûr, de la hausse de l’enveloppe de cette action, mais je regrette qu’elle se fasse au détriment des autres actions de la politique de la ville.
En effet, les crédits alloués aux quartiers prioritaires sont en baisse de 24 M€, alors qu’ils avaient déjà baissé de 31 M€ en 2025. Ces deux baisses successives menacent sérieusement le succès de la politique de la ville et affaiblissent l’ensemble des acteurs associatifs ou parapublics intervenant dans le domaine éducatif, dans la prévention de la délinquance, le sport, l’insertion vers l’emploi, etc.
Même si les documents budgétaires, parfois un peu opaques, ne disent pas précisément sur quel dispositif sera imputée cette baisse de 24 M€, on constate que les crédits des dispositifs nationaux seront maintenus : 98 M€ pour les adultes-relais, 91 M€ pour les cités éducatives et 66 M€ pour le programme de réussite éducative. Ce sont donc les contrats de ville qui vont souffrir de la baisse, alors qu’ils sont essentiels pour assurer l’égalité à l’échelle des territoires et des citoyens. En effet, ces contrats de ville sont orientés vers l’éducation, la lutte contre les discriminations, l’accès aux soins, l’attractivité économique des quartiers et l’aide à l’implantation des entreprises.
Il ne faut pas sous-estimer les effets délétères à long terme de cette baisse de crédits qui, je le rappelle, bénéficient aux plus défavorisés, puisque le périmètre des quartiers prioritaires de la politique de la ville est défini en fonction de la situation sociale des habitants – et de quelques autres critères, comme le taux d’habitat insalubre – depuis le passage au ministère de M. François Lamy. Ces quartiers correspondent donc objectivement aux endroits du territoire où vivent les habitants les plus paupérisés.
Bien que les crédits concernant les adultes-relais soient maintenus, je constate que le nombre de postes prévus est de 4 500 en 2026, alors qu’il était de 6 200 en 2024. L’augmentation des crédits s’accompagne donc d’une baisse du nombre de postes financés. Or, chacun sait à quel point les adultes-relais sont nécessaires pour le tissu associatif.
En raison de tous ces paramètres et de l’augmentation en trompe-l’œil qui vient rattraper les dédits de l’État ces dernières années, je ne pourrai pas donner un avis favorable en l’état aux crédits du programme 147.
Pour conclure, je lance un appel aux membres de la commission. Après le premier programme de rénovation urbaine 2004-2015, puis le nouveau programme de rénovation urbaine qui s’achèvera en 2032, nous devons commencer à bâtir, peut-être avec d’autres, un troisième programme de rénovation urbaine. En effet, malgré tout ce qui a été réalisé en matière de démolition, de réhabilitation, de reconstruction et de désenclavement de ces quartiers par les transports en commun, de nombreux quartiers prioritaires de la politique de la ville n’ont pas bénéficié de la rénovation urbaine et le mériteraient. Nous devons anticiper ce que pourrait être ce troisième programme.
M. le président Stéphane Travert. Nous auditionnerons dans les prochaines semaines M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Vous aurez l’occasion de lui poser la question. Je me permettrai également de la lui poser, car il y a un travail de fond à mener sur ces sujets. Notre commission en compte quelques spécialistes et il me semble important que nous nous emparions de ces questions de politique de la ville et de rénovation urbaine pour tracer des perspectives pour chaque quartier prioritaire.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Lionel Tivoli (RN). Le projet annuel de performances sur la politique de la ville est un monument d’échecs. Quarante ans de plans, quarante ans de contrats, quarante ans de dispositifs et toujours les mêmes mots : « refaire République », « restaurer le lien social », « ramener la mixité ». En quarante ans, ce sont près de cent milliards d’euros qui ont été dépensés dans la politique de la ville, pour un résultat catastrophique. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le taux de pauvreté est deux fois plus élevé qu’en dehors ; le taux de chômage y est 1,8 fois supérieur, sans parler du bilan sécuritaire désastreux.
Dans ces conditions, comment justifier la hausse de 132 % des crédits de l’action 04 ? Sont évoqués ici quatre-vingts quartiers sans mixité sociale, c’est-à-dire des ghettos financés par l’argent du contribuable. Sont également évoquées des actions sociolinguistiques ciblant des femmes d’origine étrangère vivant depuis plusieurs années en France ; autrement dit, après des décennies et des milliards d’euros investis, des habitants installés depuis longtemps ne maîtrisent toujours pas la langue française.
Voilà le symptôme flagrant de l’échec de l’assimilation. Pourtant, on continue de les arroser d’argent public.
Le nouveau programme national de renouvellement urbain, ce sont 10,7 Md€ de subventions et 3,3 Md€ de prêts bonifiés jusqu’en 2027. À cette gabegie directe s’ajoutent des dépenses fiscales invisibles, comme les 250 M€ d’exonérations par an pour les entreprises en zone prioritaire. C’est un système qui ne mesure pas ses résultats, ne contrôle pas ses dépenses et ne corrige jamais ses erreurs – sans compter la complexité de la gouvernance, partagée entre État, collectivités, préfets, agences, associations… Traduction : tout le monde décide, personne n’est responsable. On empile les sigles : CIV (comité interministériel des villes), CRTE (contrat pour la réussite de la transition écologique), QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville), CTAI (contrat territorial d’accueil et d’intégration)… jusqu’à rendre l’action illisible. Pendant que les habitants attendent des solutions concrètes, les technocrates rédigent des circulaires. Ce n’est plus une politique, c’est une machine à subventions qui entretient la dépendance et nourrit quelquefois, il faut le dire, le clientélisme local.
Mieux encore, le dispositif des « Adultes-relais » est l’archétype de la déconnexion de ceux qui l’ont mis en place. Combien pour ce gadget inutile ? La bagatelle de 98 M€.
La politique de la ville est devenue un puits sans fond. Elle devait créer la mixité, elle a fabriqué le communautarisme. Elle devait favoriser l’emploi, elle a multiplié les emplois aidés. Elle devait renforcer la cohésion, elle a institutionnalisé le séparatisme. Nous proposons de sortir de cette impasse en mettant fin au financement des dispositifs sans résultats, en recentrant les moyens sur le droit commun – les écoles, la sécurité et la justice –, en conditionnant chaque euro d’aide à un résultat mesurable, car 1 euro investi dans les QPV pourrait être 1 euro investi dans notre ruralité et, surtout, en réaffirmant la préférence nationale et l’assimilation républicaine. Une seule loi pour une seule France ! Rétablir la République, c’est cesser de subventionner le séparatisme, c’est remettre l’ordre, la langue, la fierté d’être français au cœur de nos politiques publiques. Voilà le sens du combat que nous devons mener pour les Français.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil : vous détestez ces quartiers et, surtout, vous détestez les gens qui y vivent.
Je suis le député d’une circonscription dont l’essentiel est constitué de quartiers prioritaires de la politique de la ville. Selon l’Insee, c’est la circonscription la plus ouvrière de France. Ces quartiers, monsieur, c’est la France qui se lève tôt. Pendant la covid-19, ceux qui ont tenu la France debout pendant que certains étaient dans leur résidence secondaire ou enfermés dans leur pavillon, ce sont ces gens qui sont sortis pour ouvrir les magasins et transporter les marchandises. Le paradoxe de la covid, une maladie censée toucher en priorité les personnes les plus âgées, c’est que le département de la Seine-Saint-Denis, le plus jeune de France, a subi le plus fort taux de mortalité. Vous caricaturez ces quartiers pour alimenter votre discours raciste et votre séparatisme, qui est un danger pour la France.
Mme Sandra Marsaud (EPR). La politique de la ville fait partie des politiques de justice territoriale. On peut la critiquer, mais c’est une action menée de longue date qui entre dans le cadre des politiques d’aménagement du territoire et il faut la considérer comme telle. Elle agit de manière ciblée sur des quartiers qui sont les plus fragiles, en métropole comme en outre-mer, afin de garantir à chaque habitant les mêmes droits et les mêmes chances dans notre République.
Au sein du budget que nous examinons, les crédits du programme 147 s’élèvent à 652 M€, ce qui représente une hausse de 8,8 % par rapport au projet de loi de finances pour 2025. Cette progression est due à celle de l’action 04, consacrée à la rénovation urbaine. Il s’agit d’un rattrapage nécessaire pour honorer les engagements pluriannuels de l’État dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain. Cette évolution est un signal concernant la poursuite des investissements dans le cadre de vie, la qualité des logements et l’espace public – il est vrai qu’il reste encore beaucoup à faire.
Les crédits de l’action 01 regroupent les actions territorialisées et des dispositifs spécifiques pour les quartiers prioritaires, qui financent notamment les contrats engagement quartiers 2030, lesquels sont une modernisation de la précédente génération des contrats de ville ; ils couvrent désormais plus de 1 600 quartiers, dont 250 en outre-mer, et leur élaboration a mobilisé douze mille contributions citoyennes. C’est donc une politique construite avec les habitants, quoi qu’on en dise, dans les domaines essentiels que sont la santé, l’insertion professionnelle, la jeunesse, la parentalité, la sécurité – il faut le souligner –, le logement, l’égalité femmes-hommes, le sport et la culture – c’est toujours très important et j’y insiste.
Le programme Adultes-relais conserve son budget de 98 M€, et les cités éducatives continuent de s’étendre. En 2026, elles sont au nombre de 252 et concernent désormais plus d’un million de jeunes. Saluons également la création des maisons de l’enfance et de la réussite éducative, qui visent notamment à améliorer la santé mentale des jeunes – un besoin concret.
Sur le plan économique, la stabilité des crédits est cohérente avec la simplification du régime fiscal des QPV, la fusion des exonérations, le maintien de l’abattement de taxe foncière pour les bailleurs sociaux et la prolongation de la TVA réduite pour l’accession sociale, qui est un enjeu majeur.
Notre groupe soutient ces orientations. Malgré une baisse pour l’action 01, les crédits sont globalement en hausse. Deux points méritent une vigilance particulière : la mise en œuvre concrète des contrats prévus dans l’outre-mer, qui devra faire l’objet d’un suivi attentif, et la coordination territoriale, qui doit continuer à s’appuyer non seulement sur les préfets mais aussi sur les élus locaux et les associations, pour que chaque investissement profite pleinement aux habitants.
Enfin, je suis d’accord pour que l’on réfléchisse à une refonte des QPV dans une politique d’aménagement globale qui intégrerait vraiment ces quartiers à l’ensemble du territoire français, comme tous les autres.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Je souscris à ce que vous avez dit au sujet des contrats de ville, que je crois précieux. Ils sont, la plupart du temps, élaborés avec les habitants. Je déplore qu’ils soient les victimes du rattrapage budgétaire dont j’ai parlé. On a voté une loi de finances en 2023 et on découvre l’année suivante que les crédits affectés à la rénovation urbaine ont été rayés d’un trait de plume ! Le fait que le vote du Parlement ne soit pas respecté est un problème.
M. François Piquemal (LFI-NFP). « Les élus ressassent “rénovation”, ça rassure / Mais c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture. » Ces paroles, celles d’IAM dans « Demain, c’est loin », ont trente ans, mais elles devraient encore nous faire réfléchir.
La politique de la ville concerne plus de 1 500 quartiers et 5,4 millions d’habitants, dont le niveau de vie médian est de 1 213 euros par mois. Contrairement aux fantasmes de notre collègue du Rassemblement national, seulement 1 % environ du budget de l’État y est consacré, alors que 8 % de la population vivent dans ces quartiers.
Les politiques de droit commun traitent-elles généralement de façon égale les quartiers les plus pauvres, visés par la politique de la ville ? Non, les politiques ordinaires les traitent d’une façon inégalitaire et le petit plus apporté par la politique de la ville ne compense pas ces inégalités de traitement.
La formule « politique de la ville » peut désigner beaucoup d’actions relevant de domaines différents : accès au droit, alimentation, transports, cadre de vie, logement, loisirs, comme le sport et la culture, santé, emploi, écologie, éducation, sécurité, participation des habitants. Ces sujets, aussi importants les uns que les autres, sont dilués sous l’égide de la politique de la ville, sans qu’on sache parfois à quoi les crédits sont vraiment destinés – 105 M€ étaient fléchés l’année dernière vers le « lien social », dont peuvent relever toutes les catégories que j’ai citées. Il est dommage que l’État ne se dote pas d’outils pour vérifier comment est utilisé cet argent et vers quelles actions il est orienté.
Une grande partie des crédits de la politique de la ville seront alloués l’an prochain à la rénovation urbaine. S’il existe certainement des programmes de ce type qui sont positifs, la plupart, d’après mon expérience, ont pour objectif de « changer les têtes » – cette formule, qui a le mérite de la franchise, est attribuée au maire de quartier du Mirail, à Toulouse, par les habitants. Au Mirail, plus de 100 M€ sont mobilisés pour démolir un millier de logements et en reconstruire autant, mais avec moins de logements publics, alors que quarante-deux mille ménages en attendent un dans la métropole. Le coût humain de l’opération est que des centaines de personnes sont contraintes de quitter leur logement et leur quartier. Quant au coût écologique, il est estimé à 96 000 tonnes de CO2, sans compter les espaces verts dégradés et le fait que les habitants vivent dans un chantier permanent depuis des années. On estime aussi que le coût économique de la destruction-reconstruction des logements est le double de celui d’une rénovation. En effet, il ne s’agit pas de taudis, mais de logements qui méritent une rénovation thermique et phonique.
Je vous rejoins, monsieur le rapporteur pour avis, quand vous dites qu’il faudrait refonder la rénovation urbaine. Elle ne pourra se faire qu’à l’aune de la planification écologique et de l’humain d’abord.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Effectivement, j’ai souligné dans plusieurs rapports – d’abord avec M. François Cornut-Gentille en 2018, puis avec Mme Christine Decodts en 2023 – à quel point les politiques de droit commun étaient souvent plus faibles dans ces quartiers que dans le reste du territoire national et que les crédits cumulés de la politique de la ville ne compensaient pas les manques des budgets de droit commun. C’est notamment vrai dans les domaines de l’éducation et de la santé. Contrairement à ce qu’on peut entendre ici ou là, il ne s’agit pas du tout d’une politique de discrimination positive, mais de rattrapage, qui d’ailleurs ne rattrape pas complètement, loin de là, les discriminations dans l’affectation des moyens classiques.
En revanche, je ne ferai pas preuve de la même sévérité que vous au sujet de la politique de rénovation urbaine – même si elle n’échappe pas aux enjeux politiques : selon leur sensibilité, les maires ne la mettent pas en œuvre de la même manière.
M. Laurent Lhardit (SOC). Je remercie notre collègue Stéphane Peu pour son travail.
L’exécutif semble redécouvrir la politique de la ville, longtemps reléguée au second plan. Le budget alloué à ce programme sera en hausse l’an prochain, signe qui pourrait à première vue susciter de l’espoir, mais on comprend vite que, derrière les annonces, les moyens demeurent insuffisants et les orientations loin des ambitions nécessaires pour répondre aux besoins des quartiers populaires.
L’augmentation des crédits pour la rénovation urbaine et l’amélioration du cadre de vie est significative. Elle permettra de rattraper au moins partiellement le retard dans le financement du nouveau programme national de renouvellement urbain mis en œuvre par l’Anru. Ces crédits sont nécessaires, notamment pour renouveler l’habitat dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui présentent des dysfonctionnements urbains.
Néanmoins, comme l’a très bien souligné le rapporteur pour avis, la baisse continue et significative des crédits destinés aux QPV et aux contrats de ville inquiète tout le monde : les élus nationaux et locaux, les associations, dont les actions dépendent de ces financements, mais aussi les professionnels de terrain, qui chaque jour s’efforcent de faire plus avec moins pour redynamiser les quartiers et tenter de combler des inégalités territoriales qui deviennent franchement insupportables.
À Marseille, que je connais bien, les ressources disponibles ne permettent déjà pas de répondre à l’ensemble des besoins du territoire. Une nouvelle baisse des moyens humains et financiers pour les actions sociales locales aurait des conséquences durables et profondes qui affecteraient directement le quotidien des habitantes et des habitants.
Depuis 2024, nous avons perdu plus de 50 M€ pour l’action 01 du programme, ce qui est tout simplement inacceptable. Pour les Socialistes et apparentés, la hausse du budget du programme ne saurait masquer la baisse des crédits destinés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui traduit en réalité un désengagement progressif de l’État dans ces territoires. Nous voterons contre ces crédits, car nous approuvons les observations du rapporteur pour avis.
En réaction à l’intervention du représentant du Rassemblement national, je rappelle une chose que nous avons vécue à Marseille au moment du confinement : il a fallu renforcer les moyens des transports publics entre les quartiers nord de Marseille, le centre-ville et les hôpitaux pour que les gens qui travaillent véritablement, dès cinq heures du matin, dans les hôpitaux puissent continuer à le faire et, ainsi, maintenir en fonctionnement des infrastructures absolument vitales. Vous pouvez continuer à raconter n’importe quoi : je persiste à penser – et je sais que nous sommes nombreux dans ce cas – que la politique de la ville est extrêmement importante et produit des effets tout à fait positifs.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Je suis tout à fait d’accord. Nous avons affaire à une augmentation en trompe-l’œil. La baisse prévue pour les fondamentaux de la politique de la ville, notamment les contrats de ville et l’aide aux QPV, se cumule avec celles des années précédentes, ce qui suscite des inquiétudes parmi les associations.
Elles subissent déjà beaucoup de difficultés par ailleurs ; elles ont notamment tout un volant de bénévoles vieillissants, dont le renouvellement n’est pas forcément facile.
Je pense par exemple aux associations qui font de l’alphabétisation ou s’engagent en faveur des droits et de l’autonomie des femmes, autre sujet très important. Si on ne soutient pas les associations et si on ne leur donne pas un peu de visibilité, on va droit vers l’épuisement et l’affaissement du secteur, ce qui serait très préjudiciable.
M. Boris Tavernier (EcoS). Je tiens à vous remercier de donner un coup de projecteur salutaire sur nos quartiers populaires. Mettre de l’argent dans la politique de la ville est un investissement assurément rentable, qui contribue à tenir la promesse républicaine d’égalité entre les territoires et les destins, objectif encore loin d’être atteint mais pour lequel il faut se battre. La politique de la ville permet à des quartiers populaires de tenir debout. Un quartier, c’est un cadre de vie, des immeubles, des bâtiments qu’il faut améliorer et entretenir. L’Anru y travaille. Même si le renouvellement urbain peut être parfois violent pour les habitants, il est attendu.
Le budget pour 2026 fixe à 116 M€ la participation de l’État à la politique de rénovation urbaine, mais la hausse du budget de l’Anru ne traduit qu’un rattrapage, certes bienvenu mais très tardif, ce qui a fragilisé des projets de renouvellement et poussé à un décalage du calendrier du programme. L’État, il faut le dire, n’est pas un payeur fiable en matière de renouvellement urbain. En dix ans, il n’a payé que 13 % de sa part de financement de l’Anru. Il n’y a donc pas de quoi applaudir. Pour que ses engagements soient respectés, il faudra que le rattrapage se confirme en 2026 et, surtout, qu’il s’amplifie les années suivantes. Or, on ne peut être qu’inquiet, car rien n’indique qu’une telle direction sera prise – c’est plutôt le contraire. Nous resterons donc vigilants.
Le renouvellement urbain est positif, mais un quartier n’est pas fait que de béton ; ce sont aussi des habitants, des citoyens, des familles, des parents et leurs enfants, des associations, des entreprises, des commerçants, des travailleurs… bref, toute une vie qui fait tenir debout les quartiers. Or, c’est sur ce plan que le Gouvernement décide de faire des économies. Les moyens alloués à l’action 01, qui permet le financement des contrats de ville, seront ainsi amputés de 24 M€, après les 31 M€ retirés l’an dernier. Alors que ces crédits sont essentiels à la cohésion sociale, à l’amélioration de la qualité de vie et au développement des quartiers, le Gouvernement les rationne.
Ces moyens financent aussi les cités éducatives – comme chez moi, à La Duchère, où j’ai par ailleurs créé, il y a dix ans, l’association de solidarité alimentaire Vrac. Sans la partie humaine de la politique de la ville, cette association n’aurait probablement jamais pu se développer dans tant de quartiers populaires partout en France. Que dire, par ailleurs, de la suppression de 1 700 postes d’adultes-relais ? Ces personnes qui vivent dans les QPV favorisent le lien social par des actions de médiation, de régulation des conflits et de prévention de la délinquance. Le Gouvernement souhaite-t-il que la situation pourrisse davantage dans ces quartiers ?
Enfin, votre rapport propose de travailler sur les enjeux du prochain programme de renouvellement urbain. Pour ma part, j’appelle à ce que celui-ci « mette le paquet » sur la coconstruction avec les habitants. Il ne faut plus, comme c’est encore trop souvent le cas, faire de la concertation au sujet de projets déjà décidés, mais les élaborer avec les experts des quartiers concernés, à savoir les habitants eux-mêmes.
Vous émettez un avis défavorable à l’adoption de ces crédits. Le groupe Écologiste et social vous rejoint et proposera en commission des finances, puis en séance, des amendements de soutien à la politique de la ville, pour que nos quartiers populaires puissent continuer de tenir debout. Leurs habitants font, eux, tenir le pays.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Je souscris à tout ce que vous avez dit, notamment à votre dernière phrase. On peut le constater quand de grandes crises se produisent. Quand la première génération du programme de rénovation urbaine a été lancée par M. Jean-Louis Borloo, la part de l’État dans son financement s’élevait à plus de 50 % ; dans le nouveau programme, sa contribution n’est plus que de 10 % et, en fait, il annule des crédits. On ne peut pas se permettre un niveau de désengagement aussi fort dans des quartiers essentiels pour la cohésion nationale et sociale.
M. Romain Daubié (Dem). Je suis de ceux qui pensent que l’argent public est rare et qu’il faut y faire très attention. Avoir un rapport spécifique sur les politiques de la ville en facilite le suivi budgétaire et l’évaluation.
Avant de rejoindre cette assemblée, j’ai eu l’immense honneur d’être maire d’une commune qui a un quartier prioritaire de la politique de la ville. Je sais qu’il y a, derrière les chiffres budgétaires, des vies, des êtres humains, des personnes.
Je suis également de ceux qui pensent que l’équité républicaine exige parfois d’aider un peu plus ceux qui partent de plus loin, pour donner leur chance à tous.
Je me réjouis que les crédits de la rénovation urbaine soient en hausse. On ne peut demander ni aux communes ni aux bailleurs sociaux de supporter de tels projets. Je rappelle en particulier le lien, que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur pour avis, entre l’urbain et l’humain.
Je regrette que le montant des crédits allant au travail ne soit pas plus élevé, car je crois beaucoup en l’insertion par le travail ; mais nous pourrons en reparler en séance.
Mon groupe est favorable à l’adoption de ces crédits.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Les associations qui œuvrent pour l’insertion par le travail, aux côtés des missions locales, survivent grâce aux financements de la politique de la ville et, plus particulièrement, aux contrats de ville. La baisse des crédits dévolus à ces derniers risque d’avoir un effet fortement délétère pour elles. On sait le rôle qu’elles jouent pour amener jeunes et moins jeunes de ces quartiers vers l’emploi. Ce sont par elles, notamment, que passent les entreprises pour se conformer aux clauses d’insertion que comprend tout contrat d’opération de rénovation urbaine.
M. Thomas Lam (HOR). La politique de la ville est essentielle pour notre cohésion nationale : en agissant là où se concentrent les difficultés sociales, scolaires et économiques, elle donne corps à la promesse d’égalité républicaine dans nos territoires. Ce n’est pas seulement une dépense, c’est aussi un investissement dans la cohésion de notre société, la sécurité, la réussite éducative et, surtout, dans l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens.
Le projet de loi de finances pour 2026 donne, de ce point de vue, un signal encourageant : les crédits du programme 147 augmentent de près de 9 %.
Concentrée sur le financement du renouvellement urbain, cette hausse permettra à l’État d’honorer ses engagements vis-à-vis de l’Anru. Cette agence a fait ses preuves dans le cadre du NPNRU : elle a transformé des quartiers entiers, amélioré la qualité du bâti, favorisé la mixité sociale et créé de l’emploi local. Je peux en témoigner en tant qu’ancien élu d’Asnières-sur-Seine, où l’Anru a fait un travail formidable dans le quartier des Hauts-d’Asnières.
Il nous faut poursuivre cette dynamique et préparer dès à présent le prochain programme, qui devra intégrer les enjeux liés à l’environnement et à la sobriété foncière tout en restant concentré sur les quartiers prioritaires.
Si cette hausse est bienvenue, elle ne doit pas masquer le reste. La baisse des crédits de l’action 01, notamment ceux destinés aux contrats de ville, nous inquiète. Ces contrats, c’est le lien humain de la politique de la ville : ils financent associations, structures d’insertion ou de médiation et centres sociaux – tous les acteurs de terrain qui mettent en œuvre chaque jour les priorités de la politique de la ville dans les quartiers. La rénovation urbaine n’a de sens que si elle s’accompagne d’une forte présence humaine à visée éducative et sociale. Réduire les crédits qui soutiennent ces actions, c’est fragiliser les acteurs essentiels du lien social dans les quartiers.
La politique de la ville ne se résume pas à l’action sociale, elle passe aussi par le soutien à l’activité économique et à l’emploi. Nous saluons donc la prolongation et le renforcement des dispositifs fiscaux en faveur des quartiers prioritaires. Cette mesure ouvre de nouvelles perspectives de créations d’emplois et traduit une confiance affirmée dans l’entreprenariat comme moteur d’émancipation et de vitalité économique pour ces territoires.
Notre groupe votera les crédits de cette mission, qui témoignent, malgré un contexte budgétaire extrêmement contraint, de l’engagement du Gouvernement à poursuivre la transformation des quartiers et à soutenir ceux qui agissent au quotidien.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Oui : mener une bonne politique de la ville, c’est savoir lier l’humain et l’urbain ; d’une part, des politiques en direction des QPV, d’autre part, des politiques de rénovation urbaine. Prendre des crédits aux unes pour rattraper les défauts de financement des autres me paraît créer un déséquilibre dangereux.
J’aimerais aussi évoquer les mesures fiscales figurant dans le projet de loi de finances, comme la TVA à 5,5 % pour l’accession sociale dans les quartiers, qui favorise une diversification de l’habitat, ce qui est souvent utile et nécessaire dans les QPV.
M. David Taupiac (LIOT). Le département où se situe ma circonscription, bien que rural, comprend un quartier prioritaire de la politique de la ville, le quartier du Grand-Garros, à Auch, préfecture qui ne compte que vingt-deux mille habitants. Je salue le fort effet de levier qu’a eu cette politique pour la réhabilitation de ce quartier très défavorisé. Toutefois, il aurait pu être plus important encore. Tous les acteurs se sont mis autour de la table – l’Europe, la région, le département, l’agglomération, la mairie et les bailleurs sociaux – mais l’Anru n’a participé qu’à hauteur de 36 % à l’investissement de 72 M€. Ce genre de projet réclame une implication forte des collectivités locales et, pour les communes de petite taille, la contribution peut représenter des montants énormes.
Plus globalement, à la suite des observations de la Cour des comptes dans son rapport de 2020, je déplore un manque de cohérence et de transversalité dans les politiques de la ville, notamment en matière économique.
L’économie dans ces quartiers est surtout fondée sur l’économie sociale et solidaire ; or, celle-ci est en grande difficulté. Il faudrait diversifier les activités économiques en les ouvrant aux secteurs concurrentiels de manière à encourager de nouveaux profils et à générer une revitalisation économique. Cette dimension est peu prise en compte. Il importe aussi d’assurer une cohérence avec les politiques de l’éducation. Le Grand-Garros, bien que quartier prioritaire de la politique de la ville, n’était pendant un certain temps pas intégré au réseau de l’éducation prioritaire, ce qui est consternant. Quant aux forces de l’ordre, leurs effectifs ne sont pas toujours au niveau escompté.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Je partage votre conclusion. Si, à côté de politiques ciblées comme la politique de la ville, les politiques de droit commun que sont la sécurité publique et l’éducation sont défaillantes, on continue à enfoncer ces quartiers, en dépit des moyens qu’on leur consacre. On ne peut pas bien travailler si les associations sont de moins en moins aidées, si l’école est en difficulté, si le commissariat voit ses effectifs réduits ou disparaît.
En dehors de l’Anru, qui a un fort effet de levier, et des collectivités locales, les bailleurs sociaux sont devenus les principaux contributeurs alors que, je le répète, la part de l’État représentait plus de 50 % dans le financement du premier programme de rénovation urbaine. On en arrive à une situation paradoxale : les locataires de logements sociaux, autrement dit des personnes déjà paupérisées, financent par leurs loyers ces politiques publiques d’équilibre menées au nom de l’égalité républicaine, alors que la solidarité nationale devrait s’exercer par l’intermédiaire du budget de l’État.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE116 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
M. François Piquemal (LFI-NFP). J’abonde dans le sens du rapporteur pour avis : il faut donner à la politique de la ville les moyens qui lui manquent. Pour réussir, ces politiques doivent concerner l’ensemble des villes et des agglomérations, et non simplement les QPV. Notre collègue du Rassemblement national fait preuve d’hypocrisie en nous parlant de « séparatisme » et de « communautarisme » à propos des quartiers populaires, alors qu’il soutient le séparatisme et le communautarisme quand il s’agit de défendre les maires multirécidivistes qui enfreignent le droit et ne respectent pas les obligations de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU ». Le RN est toujours derrière eux pour éviter toute mixité sociale et préserver les ghettos de riches. C’est révélateur de sa politique économique et de sa vision de la société.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Dans mon rapport, je soulignais que la subvention prévue pour l’Anru en 2026 était tout juste suffisante, mais qu’en 2027, cet effort devrait être encore plus soutenu. Autant augmenter dès cette année les crédits qui lui sont alloués : avis favorable.
Mme Sandra Marsaud (EPR). Je déplore que, pour financer la politique de la ville, on opère des prélèvements sur des lignes budgétaires dédiées à la planification ou à l’aménagement du territoire. Je suis toujours pour le « en même temps » ! Ces politiques de la ville pourraient être intégrées dans une politique d’aménagement plus large.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CE150 de M. Stéphane Peu et II-CE117 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Je regrette que, pour rattraper de précédents défauts de financement de l’action 04, on prenne des crédits à l’action 01. Le présent amendement vise donc à réabonder cette dernière pour rétablir le niveau fixé dans la loi de finances initiale pour 2025.
La commission adopte ces amendements.
Amendement II-CE120 de M. Laurent Lhardit
M. Laurent Lhardit (SOC). Cet amendement vise à revaloriser de 19 M€ les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux actions territorialisées des contrats de ville. Les crédits exceptionnels de la politique de la ville se sont progressivement substitués aux crédits du droit commun et cette évolution suscite une perte de confiance, en particulier parmi les acteurs associatifs. Le tissu associatif est fragile : il est possible de faire le dos rond sur un exercice, voire deux, mais l’insécurité permanente finit par épuiser les acteurs jusqu’à ce que la seule chose qu’il leur reste à faire soit de mettre la clé sous la porte. Cela se traduit par une perte de savoir-faire qui se fait sentir lorsque, quelques années plus tard, on décide de relancer ces politiques.
Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
M. le président Stéphane Travert. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous invite à nous rappeler votre avis sur les crédits du programme 147.
M. Stéphane Peu, rapporteur pour avis. Les amendements adoptés ayant corrigé les défauts qui avaient motivé mon avis défavorable initial, je vais émettre un avis favorable à ces crédits ainsi modifiés.
Il serait bon que, sans attendre la fin du deuxième programme de rénovation urbaine, nous travaillions ici, avec le Gouvernement, au prochain programme pour éviter tout effet de stop and go. Et je crois, monsieur le président, que lors de nos conversations, vous avez approuvé ce principe.
Je terminerai par une invitation à nous mobiliser : il n’y a pas de territoires perdus de la République et il ne faudrait pas qu’il y ait des territoires que la République abandonne.
M. le président Stéphane Travert. Je retiens cette invitation à travailler sur ces sujets.
La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la politique de la ville modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du jeudi 23 octobre 2025 à 9 h 30
Présents. - M. Philippe Bolo, M. Romain Daubié, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, M. Robert Le Bourgeois, M. Alexandre Loubet, Mme Sandra Marsaud, M. Patrice Martin, M. François Piquemal, M. Joseph Rivière, M. David Taupiac, M. Boris Tavernier, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Frédéric Weber