Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen pour avis des crédits budgétaires « Commerce extérieur » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis) 2
– Examen pour avis des crédits budgétaires « Communications électroniques et économie numérique » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis) 12
Lundi 27 octobre 2025
Séance de 17 heures 45
Compte rendu n° 11
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Stéphane Travert, Président
— 1 —
La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Alexandre Allegret-Pilot, les crédits budgétaires « Commerce extérieur » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).
M. le président Stéphane Travert. L’avis budgétaire relatif au commerce extérieur concerne plus particulièrement, au sein de la grande mission Économie, le programme 134, Développement des entreprises et régulation. Ce programme inclut une action 07 intitulée Développement international des entreprises et attractivité du territoire.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Dans cet avis budgétaire, je me suis penché en particulier sur la thématique de l’agroalimentaire.
Si nous considérons les vingt dernières années, nos exportations dépendent essentiellement de la création et de la dynamique de nouveaux marchés, notamment en Asie et aux États-Unis, mais aussi de l’approfondissement du marché européen. Elles sont extrêmement sensibles aux dynamiques géopolitiques, notamment douanières, comme nous avons pu le constater cette année et l’an dernier. Elles dépendent d’un positionnement sur la compétitivité-prix ou sur la qualité, selon les filières et les segments. La France a développé des outils spécifiques pour accompagner certaines filières à l’exportation : ils sont relativement légers et ne peuvent soutenir à eux seuls le développement des exportations de nos différents produits et services.
Les exportations ne pourront être dynamiques que si le marché intérieur permet à nos entreprises de consolider leurs marges et de se projeter. Cela ne vaut pas pour les entreprises qui ont déjà réalisé leur internationalisation ; dès lors, les économies d’échelle leur permettent de répercuter les baisses de prix et d’être compétitives en France. Ainsi, un cycle peut se mettre en place à partir de l’internationalisation de nos entreprises : il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs en pensant qu’elles se tourneront principalement vers l’étranger alors qu’elles ne sont pas capables de traiter le marché français.
Les outils mis en place dans le périmètre de mon avis budgétaire relèvent de deux approches et de deux opérateurs complémentaires.
Business France s’occupe de tout ce qui a trait au qualitatif – organisation des volontariats internationaux en entreprise (VIE), études marketing, démarchage d’investisseurs à l’étranger, organisation de salons internationaux et nationaux. À cet égard, les outils les plus simples sont souvent ceux qui fonctionnent le mieux – les entreprises ne demandent d’ailleurs pas d’outils complexes. Les crédits de Business France ont récemment baissé, ce qui le pousse à rationaliser son activité. Dans un souci de cohérence, je propose pour ma part de les maintenir, d’autant qu’il est difficile de concilier la pluriannualité des contrats d’objectifs et de moyens (COM) et des contrats d’objectifs et de performance (COP) avec l’annualité des lois de finances.
L’autre jambe du soutien à nos exportations est Bpifrance. Essentiellement assurantielle, elle est d’autant plus importante que le climat géopolitique se tend. Autrefois tournée vers des destinations lointaines, elle s’est désormais réorientée vers des destinations extrêmement proches, notamment au Maghreb. Cet outil demeure imparfait, parce qu’il couvre essentiellement des prêts aux maturités longues. Il est en cours d’ajustement, car il doit s’adapter à des maturités beaucoup plus courtes, non couvertes par les marchés assurantiels privés traditionnels, lesquels considèrent le risque comme trop élevé par rapport au rendement.
L’enjeu, pour l’offre publique, est donc de s’assurer de sa subsidiarité par rapport à l’offre privée, de façon à ne pas créer d’effets d’appel qui permettraient à certaines assurances de se défausser des portefeuilles moins rentables, pris en charge par la force publique, dans un souci de délestage et d’optimisation. Une analyse doit être menée par la direction générale du Trésor, qui doit veiller à ce que l’action publique ait pour objet de combler les failles du marché.
J’ai formulé plusieurs recommandations. La première concerne l’évaluation – insuffisante – de l’efficacité de ces crédits budgétaires. Les projets annuels de performances (PAP) et les rapports annuels de performances (RAP) fournis par Bercy comportent des chiffres difficilement compréhensibles, qui ne reflètent pas l’efficacité des crédits et leur effet de levier sur nos exportations – en chiffre d’affaires ou en valeur ajoutée. Un travail doit donc être mené en la matière.
Étant donné l’ampleur de nos exportations, cette politique publique, à laquelle sont alloués 80 millions d’euros de crédits de paiement, ne permettra pas de résoudre les problèmes de fond : un coût du travail supérieur à celui des autres pays, à productivité égale ; des charges fiscales plus lourdes ; des normes réglementaires plus exigeantes que celles de nos concurrents sur les marchés, qui relèvent d’une compétitivité-prix et non d’une compétitivité-qualité ; un niveau de marge dégradé ; un tissu industriel morcelé et souffrant d’un sous-investissement ; une perte de marchés, même intérieurs, entraînant une incapacité à exporter. Au-delà du secteur agroalimentaire, cette problématique est commune à l’industrie française.
Contrairement aux idées reçues, dans le secteur agroalimentaire, nous exportons beaucoup plus de produits non transformés que de produits transformés. Ainsi, dans les grandes surfaces françaises, 90 % des sachets de farine sont issus de blé français passé par des meuneries allemandes. S’il peut être intéressant d’exporter des matières premières, plus facilement conservables et transportables, cela témoigne d’une décomposition de la chaîne de valeur ou du travail international qui n’est pas toujours à notre avantage. Nous ne pourrons y remédier qu’en augmentant notre productivité et notre compétitivité. À défaut, nous y perdrons : même pour la production de blé, nous sommes moins compétitifs que l’Ukraine ou que de nombreux autres pays ayant des normes inférieures.
Je recommande également, tout simplement, de gagner la bataille des normes. En effet, si nous imposons des normes chez nous mais sommes incapables de les imposer ailleurs, nous nous mettrons sous tutelle et perdrons tout espoir de souveraineté économique.
S’agissant des autres recommandations, je vous renvoie à mon rapport.
M. le président Stéphane Travert. Je partage votre avis concernant la filière meunerie, qui a une activité très forte en Allemagne, avec un retour des produits transformés en France. J’ai travaillé sur ces sujets avec la coopérative Vivescia, qui gère notamment les Grands Moulins de Paris et fait la fierté de la meunerie française. L’enjeu est de conserver les parts de marché et la valeur françaises, tant pour la production que pour la transformation.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Maxime Amblard (RN). Cet avis budgétaire n’est pas qu’un exercice comptable : c’est un test de lucidité et même un test de prospérité. Alors que le déficit commercial de la France était déjà à un triste niveau – 62 milliards d’euros en 2017 –, il n’a fait que se creuser en sept années de macronisme, pour atteindre le niveau catastrophique de 81 milliards en 2024. Ce n’est pas un accident conjoncturel, mais un effondrement structurel, conséquence de vingt années d’erreurs politiques et de mauvaises décisions en matière de commerce extérieur.
La France a d’ailleurs délégué son pouvoir décisionnel à un obscur commissaire européen non élu, avec la bénédiction des gouvernements et de tous les groupes ici présents, à l’exception du nôtre.
Les 90 petits millions d’euros consacrés au commerce extérieur n’y changeront malheureusement pas grand-chose. On pourrait multiplier ce budget par dix, chauffer dix fois plus l’air de la montgolfière du commerce extérieur pour la refaire décoller, elle restera clouée au sol tant qu’elle ne sera pas enfin délestée des accords de libre-échange inégaux et des délocalisations et fermetures massives de nos entreprises et industries.
Par ailleurs, pendant que nos concurrents – le Japon, le Canada ou l’Italie – soutiennent massivement leurs exportateurs, les nôtres, dont 98 % sont des PME, doivent composer avec un maquis administratif où se croisent Business France, Bpifrance, les régions et les chambres consulaires, sans réelle coordination. Cette situation ubuesque est caractéristique d’une France perdue dans sa propre complexité, la seule à jouer selon des règles que le reste du monde a décidé de réécrire.
Il ne s’agit pas de tricher mais de cesser d’être naïfs, car nous payons cette naïveté commerciale au prix fort : fermetures d’usines et de commerces comme Bonduelle et Auchan dans ma circonscription sud-meusienne ; perte d’emplois, de parts de marché, de richesse nationale et, in fine, de souveraineté.
Cette situation dramatique ne peut que s’aggraver avec l’obstination d’Emmanuel Macron à vouloir maintenir l’interdiction de la vente de véhicules thermiques en 2035. Ce choix idéologique met un clou sur le cercueil du secteur automobile français.
Comme si cette série de constats alarmants n’était pas suffisante, pour la première fois depuis près d’un demi-siècle, notre excédent agroalimentaire menace de se transformer en déficit. Lorsque notre agriculture, notre alimentation et nos moyens d’existence passent dans le rouge, c’est toute notre souveraineté nationale qui se fissure lourdement.
Il n’y aura pas de redressement du commerce extérieur sans reconstruction de notre modèle productif. C’est tout le sens du projet que nous défendons, avec Marine Le Pen et Jordan Bardella : produire, protéger, permettre – produire sur notre sol ce que nous consommons, protéger nos filières et nos emplois des attaques commerciales, permettre à nos entreprises d’exporter dans des conditions loyales. Le commerce extérieur doit devenir un instrument de puissance nationale – non plus le miroir de notre déclin, mais la vitrine de notre prospérité retrouvée.
Comment est évaluée la performance de cette politique publique, dont l’efficacité reste très en deçà des enjeux de compétitivité et de souveraineté économique de notre pays ?
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Si l’évaluation progresse à l’échelle des opérateurs – s’agissant notamment de Business France –, l’agglomération des chiffres de cette politique est illisible. Je n’arrive pas à déterminer l’effet de levier pour un euro investi. La direction du budget doit y travailler.
L’inégalité dans les relations internationales est un sujet fondamental. Le rapport imposé par l’arrangement de l’OCDE ne concerne que les soutiens publics accordés aux entreprises exportatrices sous forme de garanties de prêts ayant une maturité d’au moins deux ans.
Or, de nombreux prêts qui nous intéressent ont des maturités plus courtes : il faudrait donc également instaurer des obligations déclaratives pour les durées inférieures à vingt-quatre mois.
Mme Nicole Le Peih (EPR). Je ne partage pas les conclusions de cet avis budgétaire, bien trop sévères à l’égard de la trajectoire proposée par le Gouvernement. Dans un contexte géopolitique instable, où les tensions commerciales fragilisent nos chaînes de valeur, les priorités doivent être la stabilité et la responsabilité.
Le projet de loi de finances pour 2026 va dans ce sens. Il cherche à maîtriser la dépense publique, tout en préservant les leviers essentiels du commerce extérieur. Les crédits de paiement de l’action 07 du programme 134, qui s’élèvent à près de 171 millions d’euros, traduisent des orientations claires : accompagner nos PME et ETI exportatrices ; maintenir la dynamique de Team France Export ; consolider les outils de financement via Bpifrance Assurance Export. Il ne s’agit pas d’un budget d’austérité mais d’un budget de continuité, peut-être trop prudent, mais cohérent avec la trajectoire de redressement des comptes publics.
L’avis met en avant la baisse tendancielle de la subvention à Business France. Si ce point est à surveiller, réduire le débat à une question de montant revient à ignorer la nécessité d’améliorer l’efficacité et la coordination des acteurs. Le travail engagé avec les régions pour mutualiser les moyens et mieux mesurer les retombées économiques de chaque euro public va dans le bon sens ; il doit être évalué dans la durée.
Le volet agroalimentaire, stratégique, mérite effectivement toute notre attention. Nos filières exportatrices, longtemps excédentaires, subissent les effets conjugués des tensions diplomatiques, des coûts de production et de la concurrence internationale. La réponse ne sera pas uniquement budgétaire ; elle passera également par une diplomatie économique plus offensive, par l’innovation, grâce à l’intelligence artificielle et à la physique quantique, par une montée en gamme, et par une articulation plus forte entre la politique agricole et la politique industrielle.
En somme, le projet de loi de finances trace une voie réaliste pour consolider nos positions à l’export et soutenir nos filières stratégiques, tout en réaffirmant la nécessité d’une souveraineté économique et budgétaire crédible. C’est un cap exigeant, qu’il nous faut accompagner avec vigilance.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. En réalité, nous sommes d’accord. Vos propos reprennent mes préconisations : la priorité va effectivement à la stabilité. Je vous rappelle que la baisse des crédits de Business France est le fait du précédent gouvernement macroniste. Pour ma part, je préconise au contraire leur maintien, et je souligne que l’enjeu n’est pas purement budgétaire mais aussi de coordination, de positionnement et de compétitivité.
M. Maxime Laisney (LFI-NFP). « La dégradation du commerce extérieur nous envoie un vrai signal d’alerte. » Ces mots sont ceux de Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur sous François Bayrou. En 2024, le solde commercial en biens de la France a été négatif de 81 milliards d’euros. On pourrait accuser la Chine, deuxième fournisseur de notre pays ; il faudrait alors instaurer des mesures de protectionnisme solidaire à nos frontières. Toutefois, notre premier fournisseur en biens est l’Allemagne ; le troisième est l’Amérique de Donald Trump, largement responsable de notre solde négatif sur l’énergie – plus de 55 milliards d’euros –, notamment avec son GNL (gaz naturel liquéfié), dont l’empreinte carbone est pire que celle du charbon.
Cette situation n’est pas près de s’arranger, puisqu’Emmanuel Macron soutient l’Europe d’Ursula von der Leyen, qui a promis à Trump de lui acheter 750 milliards d’euros de produits énergétiques dans les trois prochaines années tout en investissant 600 milliards outre-Atlantique, malgré l’application de droits de douane rehaussés à 15 % par le président américain. Sur ce sujet, monsieur Allegret-Pilot, j’ai trouvé votre avis pour le moins timide, mais cela révèle sans doute votre proximité idéologique avec le locataire de la Maison-Blanche.
La métallurgie est un autre secteur particulièrement déficitaire – 12 milliards d’euros en 2024. La situation ne s’arrangera évidemment pas si les actionnaires d’ArcelorMittal refusent d’investir dans la décarbonation des processus de production, condamnant ainsi les sites et les salariés du groupe.
La situation s’aggrave déjà au premier trimestre 2025, avec un solde négatif de 43 milliards d’euros. Deux secteurs sont particulièrement préoccupants.
S’agissant des médicaments, la France est devenue importatrice nette – une première depuis plus de cinquante ans –, les milliards du CIR (crédit d’impôt recherche) et du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) n’ayant manifestement pas permis d’enrayer le déclin.
Dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, les importations ont bondi de 7 %. Là encore, la situation ne s’arrangera pas avec l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange avec le Mercosur, pour lequel le président Macron a joué de duplicité, faisant semblant de s’y opposer pour mieux le laisser passer. À cet égard, monsieur le rapporteur pour avis, vous réclamez que les filières françaises soient mieux défendues. Or, le vrai problème vient du fait que l’agriculture, plutôt que de nourrir les Français, se tourne de plus en plus vers l’exportation. Nous contestons votre volonté de voir grossir les exploitations agricoles pour les rendre compétitives à l’international. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire combat les fermes-usines et défend une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement et des agricultrices et agriculteurs eux-mêmes. Les poisons doivent être interdits, sur notre sol comme dans nos importations.
Enfin, vous déplorez l’effet de la dégradation de nos relations diplomatiques avec l’Algérie, qui a réduit à néant les importations de blé français par ce pays, lesquelles représentaient 50 % de nos exportations. J’espère donc que vous aurez la cohérence de voter contre la proposition de résolution raciste que le Rassemblement national défendra jeudi pour dénoncer l’accord franco-algérien de 1968.
Vous donnez un avis favorable à ces crédits Lecornu sur le commerce extérieur : rien de surprenant, puisque vous partagez les mêmes orientations économiques qu’Emmanuel Macron. Pour notre part, nous voterons contre.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Si l’on refuse de forer en France, il ne faut pas se plaindre de devoir importer du gaz, de se mettre dans la main de partenaires internationaux et de subir l’inflation. De même, le secteur de la métallurgie est confronté aux coûts de l’énergie et du travail.
Notre position concernant les crédits d’impôt est toujours la même : nous demandons qu’ils soient conditionnés.
Pour ce qui est de l’accord avec le Mercosur, il me semble que nos avis sont relativement convergents.
Il faut sortir des clichés, en particulier sur la question des fermes-usines. L’objectif est que les gens puissent vivre de leur travail et soient compétitifs dans tous les domaines. C’est ce que le général de Gaulle a voulu faire au sortir de la guerre : cela a permis de moderniser notre agriculture et de nourrir la France.
Quant à la proposition de résolution défendue par le Rassemblement national, je la voterai naturellement. Je rappelle par ailleurs que l’Algérie ne commande plus de blé français. Pourquoi nous priverions-nous de notre souveraineté ?
M. Guillaume Lepers (DR). Vous avez choisi de vous focaliser sur la question de la balance commerciale agroalimentaire, à juste titre au regard des chiffres de l’export dans ce secteur. Vous dressez le tableau d’un secteur étouffé par les normes, les contraintes fiscales et les possibilités multiples – voire quasi illimitées – de recours contre ces entreprises et ces exploitations. Le groupe Droite républicaine partage cette inquiétude et souscrit à vos recommandations. Nous serons toujours du côté de nos agriculteurs.
En tant que député du Lot-et-Garonne, je vous remercie de rappeler notre dépendance quasi exclusive aux importations de certaines denrées comme la noisette, depuis l’interdiction en France de certains intrants.
Au-delà de l’agroalimentaire, nos exportations concernent aussi d’autres secteurs majeurs comme le luxe, l’aéronautique et la chimie, qui comptent les fleurons de notre économie et des PME discrètes mais remarquables. La Fédération des entreprises et entrepreneurs de France a-t-elle appelé votre attention sur certains freins réglementaires qui, s’ils étaient levés, permettraient d’exporter davantage sans dépenser d’argent public supplémentaire ?
Enfin, la balance commerciale comprend aussi les importations. Selon votre rapport, la Chine est l’un des pays avec lesquels nous avons le déficit commercial le plus important. L’Asie du Sud-Est nous inonde de ses petits colis et fraude sur la valeur déclarée des produits qui entrent sur notre territoire. Avez-vous des recommandations à formuler à ce sujet, notamment à la suite d’observations dont aurait pu vous faire part la direction générale des entreprises ?
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. En matière de compétitivité, les trois freins les plus fréquemment cités sont le coin socialo-fiscal, le coût de l’énergie et la lourdeur de la réglementation industrielle, qui pénalisent la croissance et l’innovation de nos entreprises.
Je préconise de revoir l’arrangement de l’OCDE, dont je parlais tout à l’heure, et de refacturer le coût de la qualité aux pays, aux filières et aux entreprises qui ne respectent pas nos règles. Concrètement, en cas de contrôle négatif, une pénalité devrait être imposée en premier lieu à l’entreprise, en second lieu à la filière, et en troisième lieu au pays. Je ne sais toutefois pas dans quelle mesure cette approche respecte le cadre européen.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le moment international est particulièrement trouble. Les tensions commerciales s’exacerbent, les droits de douane réapparaissent sous l’impulsion de Donald Trump et les grandes puissances se replient sur des logiques industrielles agressives.
Dans ce contexte, la France et l’Europe doivent rompre avec le libre-échange dérégulé et construire une stratégie commerciale fondée sur la solidarité entre les nations et la transition écologique.
C’est à travers ce prisme qu’il faut lire votre avis budgétaire : la faillite du modèle macroniste, celui d’une ouverture aveugle au néolibéralisme, d’une politique industrielle sans cap et d’une attractivité réduite à des opérations de communication.
Depuis sept ans, les gouvernements n’ont cessé de vanter la start-up nation, de déréguler le marché du travail et de multiplier les cadeaux fiscaux pour attirer les investisseurs. Les résultats sont là : 43 milliards d’euros de déficit commercial pour le seul premier semestre 2025, des importations qui explosent et une France qui continue de se désindustrialiser. Autrement dit, le fameux Choose France n’a pas choisi la France.
Votre avis budgétaire met en lumière le risque d’un retournement de la balance commerciale du secteur agroalimentaire. Vous y voyez un appel à renforcer encore la compétitivité et l’exportation. Nous y voyons, au contraire, le symptôme d’un modèle à bout de souffle.
Depuis des décennies, la France poursuit une orientation productiviste et exportatrice, convaincue que la conquête de nouveaux marchés sauvera nos paysans. Or, ce modèle ne fonctionne pas – et ne fonctionnera jamais – face à des pays aux coûts les plus faibles et aux normes environnementales inexistantes.
Pire : plus on exporte, plus on importe pour pouvoir exporter. Engrais azotés, pesticides, énergies fossiles : un cercle vicieux de dépendance mine notre souveraineté et détruit nos ressources naturelles, sans parler de l’impact sur notre santé. Plutôt que de gagner la bataille de l’export, il faut repenser notre modèle productif autour de la qualité des filières locales et de la transition agroécologique.
Cette dépendance vaut aussi pour l’énergie. L’envolée des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité en 2022 aurait dû nous alerter, mais rien n’a changé. Le président répète que la France dispose d’une énergie peu chère et décarbonée grâce au nucléaire : c’est un mythe. En six mois, notre pays a encore accusé un déficit énergétique de 25,7 milliards d’euros, aggravé par la baisse des exportations d’électricité. Cette situation s’aggravera avec l’obsession nucléaire présidentielle : les EPR (réacteurs pressurisés européens), leur retard, leur surcoût et la prolongation d’un parc vieillissant ne feront que faire exploser encore les coûts de production.
Si nous voulons redonner à nos entreprises un avantage compétitif réel, il faut miser sur nos filières d’énergies renouvelables plutôt que de les laisser périr face à la concurrence chinoise et de prolonger un modèle nucléaire à bout de souffle. C’est ainsi que la France retrouvera une véritable souveraineté économique, alimentaire, énergétique et climatique.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Je partage votre avis sur un point : l’ouverture aveugle ne fonctionne pas, notamment lorsque nous avons un État providence et que notre positionnement stratégique n’est pas extrêmement clair. Nous devons être plus pragmatiques et rééquilibrer les termes de l’échange avec nos différents partenaires internationaux, grâce des clauses miroirs et à une bataille des normes, pour imposer notre modèle.
On a vu que les énergies renouvelables entraînaient davantage une augmentation qu’une baisse du coût de l’électricité. Le groupe UDR est, quant à lui, favorable au recours au nucléaire.
Mme Louise Morel (Dem). La dégradation du solde du commerce extérieur est souvent la seule leçon que l’on retient de cet avis budgétaire. Pour avoir été à votre place l’an dernier, et pour avoir lu avec attention votre rapport, je peux dire que la réalité est plus nuancée. Tout d’abord, le déficit commercial se résorbe en un an, mais timidement. Ensuite, la balance des services reste toujours excédentaire. Enfin, la balance des biens reste certes structurellement déficitaire, à 81 milliards d’euros pour l’année 2024, mais cette situation n’est toutefois pas nouvelle : le problème est récurrent depuis plusieurs décennies, ce qui devrait nous appeler collectivement à un peu de modestie.
Si notre déficit commercial se résorbe doucement, grâce aussi aux politiques menées ces dernières années, nous sommes loin d’être sortis de la zone de turbulences, d’autant que le contexte international ne nous fera pas de cadeau. La géopolitique est souvent devenue un obstacle au commerce mondial. Les règles du jeu se durcissent. Guerre commerciale, armes tarifaires, chantage douanier : dans cet environnement, nous devons apporter de la lisibilité, de la protection et de la puissance à nos entreprises exportatrices.
Exporter, c’est aussi exercer notre souveraineté et notre soft power. Quand on achète français, on renforce notre influence et notre capacité à peser sur la scène internationale.
Encore faut-il rappeler qui exporte réellement. On cite souvent nos grands champions, mais la réalité est bien plus large. Les cent premiers groupes – 0,1 % de nos exportateurs – réalisent 40 % de nos exportations en volume ; ce taux atteint 55 % si l’on considère les grandes entreprises dans leur ensemble. Toutefois, 96 % de nos exportateurs sont des PME ou des microentreprises – 12 % de nos exportations – et des ETI – près d’un tiers des exportations. Autrement dit, près d’un euro sur deux exporté par la France provient d’acteurs petits ou moyens, qui sont les plus exposés aux chocs géoéconomiques. Comment pourrions-nous mieux les protéger et les accompagner face aux incertitudes des relations commerciales – on l’a vu en particulier cette dernière année avec les États-Unis, qui imposent des règles agressives évoluant sans cesse ?
Je salue votre choix de concentrer votre rapport sur le secteur agroalimentaire, qui est un pilier de notre économie. Nos filières sont très normées, ce qui fait l’objet de nombreux débats. Ces normes doivent aussi garantir une qualité exceptionnellement reconnue à l’international – un choix assumé, voire un avantage stratégique pour l’export, à condition d’être accompagné et promu. Quel est votre avis à ce sujet ?
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Effectivement, 98 % des entreprises exportatrices sont des PME, qui peinent à dégager des marges suffisantes pour être performantes. Il existe plusieurs pistes d’amélioration, qui vont au-delà de la seule question des exportations.
L’enjeu est d’abord de consolider les filières en capitaux propres, au niveau des PME, en interne comme en externe. Pour ce faire, nous disposons du fonds I2A (industries agroalimentaires) de Bpifrance.
Par ailleurs, nous devons nous reposer davantage sur les interprofessions, déjà bien organisées : elles sont capables de déployer des solutions qui leur sont propres et de trouver leur bon positionnement.
Bien sûr, au sein de ces interprofessions, des entreprises entrent en concurrence, mais c’est un jeu d’équilibre.
Il me semble également nécessaire de développer des garanties, notamment pour les PME, dont l’accès au marché assurantiel et la compréhension de la complexité des produits sont moindres. Bpifrance doit monter en puissance sur ce sujet.
Enfin, le travail sur les normes relève de Business France, mais la question est également culturelle – elle concerne presque le ministère de la culture !
M. Thomas Lam (HOR). Permettez-moi d’ouvrir mon propos par un chiffre qui parle de lui-même : 43 milliards. C’est le montant du déficit commercial que la France a accumulé en seulement six mois, au premier semestre 2025. Notre pays s’est appauvri de 43 milliards d’euros en un temps record. Il ne s’agit pas d’un accident de parcours, car notre dernier excédent commercial remonte à 2002.
Ce déficit, d’un niveau inédit, s’explique par deux dynamiques majeures, sur lesquelles il nous faut nous pencher.
Tout d’abord, nous sommes de plus en plus dépendants de la Chine. Depuis la fin de l’année 2019, notre déficit avec ce pays a gonflé, passant de 35 à 45 milliards d’euros. Confrontée à un ralentissement de ses exportations vers les États-Unis, la Chine se tourne massivement vers l’Europe. Pendant ce temps, les Français sont nombreux à utiliser des plateformes comme Shein ou Temu, qui inondent notre marché de produits non conformes aux normes européennes et à prix cassés. Surtout, notre part dans le commerce international a été divisée par deux en vingt-cinq ans : la France pesait 5 % il y a un quart de siècle, actuellement à peine 2,5 %. Pire, cette érosion s’accélère, et la place de notre pays dans le commerce mondial a encore reculé en 2024.
Comment inverser cette tendance alors que nos concurrents gagnent du terrain ? Deux talons d’Achille sont identifiés : l’énergie et l’industrie. Malgré notre parc nucléaire, nous restons largement dépendants de l’étranger pour notre approvisionnement énergétique. Quant au déficit industriel, il a bondi de 12 % en un semestre pour atteindre 27,6 milliards d’euros. Cela signifie que les usines françaises peinent à s’imposer face à ses concurrents dans le marché mondial.
L’État peut agir : il doit soutenir les 151 000 entreprises qui partent à la conquête de marchés extérieurs. Parmi elles, 98 % sont des PME, proportion qui constitue un record historique. Les crédits destinés à ce soutien sont principalement regroupés dans le programme 134, plus particulièrement au sein de l’action 07, Développement international des entreprises et attractivité du territoire. Cette action, qui représente 3,6 % des crédits du programme 134 dans le PLF pour 2026, vise à informer et à soutenir les entreprises françaises, notamment les PME et les ETI, pour favoriser leur internationalisation, à apporter des financements à l’exportation pour accompagner les entreprises à l’international, à prospecter des investissements étrangers, à promouvoir le territoire français auprès des investisseurs internationaux et à améliorer l’image de la France à l’étranger, grâce à une stratégie de communication ambitieuse.
Le groupe Horizons et indépendants pense qu’il faut investir davantage et de manière structurelle. Il est urgent de stabiliser les dotations de Business France, dont les moyens ont diminué ces dernières années, et d’engager une politique industrielle ambitieuse. Celle-ci doit s’appuyer sur une baisse des coûts de production, une diplomatie économique renforcée et la consolidation des PME, comme l’indique la douzième proposition du rapport.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Je rejoins vos constats. L’énergie est effectivement le nerf de la guerre, surtout pour l’industrie. L’intelligence artificielle requerra un apport massif d’énergie bon marché. Il y a un peu moins d’un an, le PDG de Michelin nous a indiqué que les deux problèmes principaux qu’il rencontrait étaient un coin fiscalo-social trop élevé – le coût du travail est bien supérieur à ce qu’il est ailleurs – et des délais d’innovation trop longs – le temps nécessaire à la commercialisation d’une nouvelle voiture est trop long, à cause d’une réglementation trop contraignante. Il faut s’attaquer à cette difficulté pour libérer l’énergie dans l’industrie.
La diminution de la part de la France dans le commerce international est certes énorme, mais elle s’explique par la forte croissance des classes moyennes dans de nombreux pays : le commerce international a explosé en valeur absolue, d’où la baisse de notre position en valeur relative.
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Pascal Lecamp (Dem). Je suis un employé de Business France, même si je suis actuellement en disponibilité pour exercer mon mandat parlementaire.
Vous avez tous bien décrit la structure du commerce extérieur. En 2022, la panne des centrales nous a contraints à importer de l’électricité et a alourdi notre facture énergétique de 47 milliards d’euros : cette année-là, le déficit de notre commerce extérieur a atteint 160 milliards, montant divisé en deux en 2024.
Si nous ne parvenons pas à améliorer notre solde commercial, c’est avant tout parce que nous n’avons pas suffisamment de produits à exporter. La capacité de production et celle d’exportation sont très liées. Notre balance de biens et services a été positive entre 1990 et 2006.
De nombreuses critiques ont visé Team France Export, mais cette équipe réunit Business France, les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les régions et Bpifrance : tous ces acteurs sont regroupés dans une même entité depuis le discours d’Édouard Philippe en 2018 à Roubaix. Cette organisation fonctionne, mais il reste à trancher la question des moyens : faut-il les augmenter ? Les stabiliser ? Devons-nous supprimer Business France si nous considérons que cette structure est inutile ? Nous devons adopter une position claire.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Mon avis est très clair : je souhaite le maintien des moyens de Business France, qui ont assez fortement diminué dans la période récente. Team France Export présente un bilan mitigé : leur action est très positive, mais il reste une marge de progression. Celle-ci réside dans l’amélioration des liens entre les acteurs : comme pour d’autres politiques publiques, cinq ou six entités interviennent dans un domaine et se concentrent sur leur périmètre sans interagir avec les autres. Pour que Team France Export monte encore en puissance, il convient de mener un travail relationnel et managérial.
Il y a un problème d’articulation des compétences entre l’État et les régions pour l’export : dans des salons internationaux, il arrive qu’un stand de la France et un autre d’une région cohabitent. La fin de cette concurrence constitue l’une des recommandations de mon rapport.
M. le président Stéphane Travert. Les crédits relatifs au commerce extérieur ne font l’objet d’aucun amendement. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous invite donc à nous rappeler votre avis sur ces crédits, étant précisé que le vote sur l’ensemble de la mission Économie n’interviendra qu’après l’examen des crédits relatifs aux communications électroniques et à l’économie numérique.
M. Alexandre Allegret-Pilot, rapporteur pour avis. Mon avis est favorable.
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Puis, la commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Guillaume Lepers, les crédits budgétaires « Communications électroniques et économie numérique » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons à l’avis budgétaire portant sur les communications électroniques et l’économie numérique. Nous poursuivons ainsi l’examen, dans la mission Économie, du programme 134, en nous concentrant sur son action 04, Développement des postes, des télécommunications et du numérique, et sur son action 13, Régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Les crédits relatifs aux communications électroniques et à l’économie numérique constituent des leviers majeurs de la cohésion territoriale et du développement équilibré de nos territoires. C’est le député d’un territoire rural qui vous le dit ! À travers ces crédits se jouent non seulement la poursuite du déploiement du très haut débit et de la couverture mobile, mais aussi la soutenabilité financière des réseaux d’initiative publique et la capacité de nos villes et villages à bénéficier pleinement de la transition numérique.
Les crédits de la mission Économie consacrés au champ des communications électroniques sont répartis entre le programme 134, Développement des entreprises et régulations, et le programme 343, Plan France Très haut débit. Le premier est doté, dans le PLF pour 2026, de 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,1 milliards en crédits de paiement (CP). Il enregistre, par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, une contraction globale de 34,7 % en AE et de 10 % en CP, essentiellement liée à la baisse des crédits d’intervention, notamment de ceux affectés à l’action 23, Industrie et services.
Les actions directement liées aux communications électroniques connaissent également des évolutions. L’action 04, Développement des postes, des télécommunications et du numérique, voit sa dotation passer à 633,4 millions d’euros en AE et 633,1 millions en CP, soit une baisse de 15,3 % en un an. Cette baisse touche principalement les dépenses d’intervention, notamment les compensations versées à La Poste au titre de ses missions de service public.
Les crédits de l’action 13, qui financent la régulation assurée par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), progressent légèrement, de 2,8 % en CP. Dans un contexte d’effort budgétaire, cette hausse a pour objet de financer la montée en puissance des nouvelles missions confiées à l’Autorité par la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.
Le programme 343, Plan France Très haut débit, est désormais entré dans sa phase de décaissement. Ses crédits s’élèvent à 16,1 millions d’euros en AE et 286,5 millions en CP. Cette dotation traduit la fin des engagements nouveaux et le règlement progressif des restes à payer.
La baisse la plus marquée concerne l’action dédiée à l’inclusion numérique, dont les crédits sont ramenés de 49 à 14 millions d’euros, conformément au souhait du Gouvernement de transférer les conseillers numériques France Services aux collectivités territoriales. Je regrette cette orientation, car ce dispositif visait à compenser l’éloignement de certains de nos concitoyens des services publics dans certains territoires et à réduire la fracture numérique. Il était normal que l’État y prenne toute sa part ; ce désengagement est un camouflet pour les collectivités territoriales, qui se retrouveront désormais seules pour financer la réparation d’une situation dont elles sont elles-mêmes victimes.
Au-delà de l’analyse strictement budgétaire, j’aimerais partager avec vous trois constats.
Le premier concerne la phase d’achèvement du plan France Très haut débit. La France dispose d’un taux de couverture en fibre optique de 95 %, celui-ci devant atteindre 96 % d’ici à la fin de l’année 2026 ; notre pays figure ainsi parmi les plus avancés de l’OCDE en la matière. Nous devons être fiers de cette exception française. La connectivité est une externalité positive pour notre économie ; elle est attendue de nos petites et moyennes entreprises, et sans l’intervention régulatrice de la puissance publique, nous aurions sans aucun doute subi des pertes de croissance potentielle. Néanmoins, cette réussite masque des disparités territoriales persistantes : certaines zones rurales peinent à finaliser les raccordements complexes et subissent des surcoûts d’exploitation élevés. Les abonnés continuent de subir des dysfonctionnements : coupures récurrentes, débit insuffisant pour les activités professionnelles, impossibilité de développer la télémédecine, etc. Les réseaux d’initiative publique (RIP), qui assurent souvent la desserte de ces territoires, demeurent fragilisés. C’est pourquoi je propose d’instaurer un mécanisme inédit de péréquation financière entre zones rentables et déficitaires, afin d’assurer la soutenabilité à long terme de ces réseaux.
Le deuxième sujet porte sur la qualité et la résilience de nos infrastructures. Les incidents récurrents qui ont touché les réseaux de la fibre, souvent liés à une sous-traitance débridée et au manque de coordination entre opérateurs, appellent une réponse structurelle, à l’élaboration de laquelle le législateur doit pleinement contribuer. Je recommande que deviennent obligatoires, pour l’ensemble des acteurs de la filière, l’utilisation, sous le contrôle de l’Arcep, de l’outil de traçabilité e-intervention, ainsi que l’intégration de la planification du déploiement numérique dans les documents d’urbanisme. L’objectif est d’adapter les infrastructures aux risques climatiques et aux contraintes locales, et d’assurer un respect optimal des règles de l’art lors de l’installation de la fibre.
Troisième élément d’attention : la poursuite du New Deal mobile. Ses résultats sont globalement satisfaisants, mais ce programme doit être consolidé dans les zones rurales et sur les axes de transport secondaires. La couverture mobile atteint plus de 99 % du territoire, mais ce taux est totalement théorique. Dans les faits, de nombreuses zones de communes rurales restent blanches, même si les bourgs sont connectés. Dans le même temps, la définition des axes routiers prioritaires demeure trop restrictive ; j’invite le Gouvernement à en réviser les critères pour mieux tenir compte des bassins de vie et des routes locales structurantes. Je constate ces insuffisances à chaque fois que j’emprunte la RN21, chez moi, dans le Lot-et-Garonne – il s’agit là d’un exemple parmi tant d’autres.
Enfin, je tiens à insister sur la nécessité de garantir une fermeture ordonnée et équitable du réseau cuivre. Cette question inquiète grandement la population et doit donc être prise au sérieux. Aucun usager ne doit être privé d’un accès fonctionnel à internet avant le déploiement effectif d’une solution de substitution. L’Arcep doit, à ce titre, se voir confier explicitement le contrôle du respect des obligations de complétude avant toute fermeture technique.
Ces orientations poursuivent un objectif clair : consolider les acquis du plan France Très haut débit et du New Deal mobile tout en réaffirmant le principe d’égalité d’accès au service numérique, spécifiquement dans les territoires ruraux. J’ai formulé des recommandations car cet objectif n’est pas encore atteint. La compétitivité de nos entreprises, la vitalité de nos territoires et la cohésion sociale dépendent de la qualité de ces infrastructures. C’est à cette condition que les communications électroniques deviendront un facteur d’unité nationale et non de fracture territoriale.
M. le président Stéphane Travert. Je compte adresser à chacun des membres de la commission une note portant sur le financement du fonds de péréquation de La Poste. Nous souhaitons que la transformation des outils de médiation et d’aménagement se poursuive.
Sur la fin du réseau cuivre, que vous avez évoquée, je vous renvoie aux recommandations émises par la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP).
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Robert Le Bourgeois (RN). On répète souvent dans cette assemblée que gouverner, c’est prévoir ; or, s’il est un domaine dans lequel la prévoyance budgétaire devrait être la règle, c’est bien celui du numérique, tant il conditionne notre souveraineté, notre sécurité et notre prospérité. Pourtant, à la lecture de ce budget, le numérique semble une nouvelle fois la cinquième roue du carrosse.
Plusieurs signaux envoyés par ce texte nous inquiètent, à commencer par la baisse des crédits alloués aux conseillers numériques. Ces agents sont pourtant cruciaux dans les mairies et les maisons France Services où ils accompagnent les Français, souvent les plus fragiles, dans leurs démarches en ligne ; ils forment, rassurent et redonnent confiance. Les fragiliser revient à priver des milliers de nos concitoyens, souvent âgés, d’un soutien essentiel et risque d’aggraver la fracture numérique dans nos campagnes. À l’heure où l’État accélère, à raison, la dématérialisation, ce recul est incompréhensible.
Les progrès dans le déploiement de la fibre sont réels, mais la qualité de service reste inégale : trop de foyers ne sont pas encore ou mal raccordés. Soyons lucides, nous n’atteindrons pas le 100 % fibre. Dans certains territoires isolés, d’autres technologies, dont le satellitaire, devront compléter la couverture.
L’offre doit être française ou européenne, et non américaine par défaut. À Wallis-et-Futuna comme en Nouvelle-Calédonie, Starlink s’impose peu à peu, parce que la France et l’Europe ont renoncé à proposer une alternative. Ce n’est pas un succès technologique ; c’est l’échec de notre souveraineté numérique, dont la cause réside dans le manque de courage et d’ambition politique, à Paris comme à Bruxelles. Il est grand temps de bâtir un véritable champion européen du satellitaire, capable de garantir à nos concitoyens un accès souverain à internet ; sans cela, nous ne pourrons prétendre protéger leurs données contre toute ingérence. De cette idée, nous ne trouvons aucune trace dans le PLF.
Les opérateurs ont consenti d’immenses investissements pour construire les infrastructures numériques, dont le maintien représente une charge tout aussi lourde. Ce sont eux qui paient alors que les géants du numérique saturent la bande passante.
Cette situation est absurde. Les contributions doivent être équitables : ceux qui profitent le plus de nos réseaux doivent participer à hauteur de leur utilisation. Nous en parlons depuis des années, il est temps de concrétiser cette exigence : nous avons d’ailleurs déposé des amendements en ce sens dans la première partie du PLF.
Ce budget manque cruellement d’élan, d’ambition et de volonté politique ; il n’est évidemment pas à la hauteur de notre projet pour la souveraineté numérique de la France. Pour ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote.
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Nous sommes en phase sur les conseillers numériques : l’objectif a certes été atteint, mais je ne souhaite pas que la charge de leur financement revienne aux collectivités territoriales, d’autant que ce sont les plus éloignées des services publics, celles des territoires ruraux, qui en ont le plus besoin. Il y a là une double peine. Nous en reparlerons lors de l’examen des amendements.
Nous ne parviendrons pas à couvrir intégralement le territoire par la fibre. Comme vous, je préférerais que les réseaux satellitaires soient français. Néanmoins, il convient de privilégier le financement des raccordements complexes, le satellitaire devant être une solution de dernier recours.
Effectivement, certains acteurs utilisent énormément de débit alors qu’ils ne participent pas au financement des réseaux. Il faut intégrer cette question dans celle, plus large, de la régulation européenne.
Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). La politique du numérique est avant tout une politique d’égalité entre les territoires pour garantir à chacun, où qu’il vive, l’accès aux mêmes droits, aux mêmes services et aux mêmes opportunités. Dans un monde où l’essentiel des démarches passe désormais par la connexion, la fracture numérique devient une fracture sociale qu’il nous revient de réduire.
Les crédits alloués aux communications électroniques et à l’économie numérique marquent une phase de consolidation. Le programme 134, Développement des entreprises et régulations, affiche malgré tout une baisse de sa dotation. Il convient toutefois de saluer la progression des moyens de l’Arcep et de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) pour contrôler la qualité des réseaux, réguler les fréquences et accompagner l’évolution des usages numériques.
Le programme 343, Plan France Très haut débit, est doté, pour la poursuite de son déploiement, de 16,1 millions d’euros en AE et de 286,5 millions en CP. La diminution de l’enveloppe s’explique par l’entrée du programme dans sa phase finale. La vigilance demeure néanmoins nécessaire, car les raccordements complexes dans plusieurs territoires ultramarins, dont Mayotte, doivent encore atteindre le très haut débit. Cette évolution traduit aussi un tournant, car l’enjeu n’est plus seulement de déployer, mais de garantir la qualité et la fiabilité du service. Or, plusieurs fragilités persistent : si le déploiement du réseau de la fibre optique constitue une réussite majeure à l’échelle nationale, puisque plus de 95 % du territoire est couvert, le défi de la qualité du service demeure. Trop souvent, les raccordements présentent des malfaçons, des interruptions ou des délais d’intervention excessifs. Pour y remédier, la qualité des raccordements et la maintenance du réseau de la fibre nécessitent une meilleure coordination entre les opérateurs commerciaux et ceux des infrastructures. La fermeture du réseau cuivre, d’ici à la fin de l’année 2030, ne peut se faire sans garantir une solution alternative, opérationnelle et réelle pour chaque usager.
Enfin, si les résultats du New Deal mobile sont incontestables, avec 99 % du territoire couvert par la 4G, de fortes disparités territoriales perdurent, au détriment des zones rurales, qu’il convient de continuer à accompagner. Parce que la connectivité n’est plus un confort mais une condition d’égalité et un enjeu économique non négligeable, il est de notre responsabilité de veiller à ce que personne ne soit laissé de côté.
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Je bois vos paroles. Je suis un défenseur de la ruralité, moi qui ai la chance d’habiter à la campagne, là où les problèmes seront encore plus aigus si les connexions demeurent lacunaires. Grâce au développement du télétravail, nos campagnes, dotées de jolies maisons et de beaux paysages, attirent les citadins, mais ce mouvement nous oblige à garantir une connectivité performante.
L’inaboutissement des raccordements complexes peut constituer un réel problème pour certains territoires, d’où l’importance de l’expérimentation actuelle. J’insiste sur la nécessité d’obtenir rapidement des résultats. Un bilan nous indiquera le montant des crédits à allouer à la finalisation des raccordements complexes, laquelle représente l’un des moyens de désenclaver certaines zones.
Concernant la fiabilité du service, nous avons échangé plusieurs heures avec les opérateurs ; je ne suis pas sûr qu’ils aient particulièrement apprécié ces entretiens, car je leur ai présenté des photos montrant, dans des zones rurales comme dans des villes, des fils ressemblant à des guirlandes de Noël, alors que la collectivité a consacré des millions d’euros à l’enterrement des lignes. Je leur ai fait part de notre mécontentement, mais l’e-intervention améliorera la fiabilité et l’intégration des raccordements dans les plans d’urbanisme.
M. René Pilato (LFI-NFP). Le XXIe siècle se caractérise par la mise en relation des êtres humains via les réseaux. Jamais dans notre histoire commune nous n’avons été aussi dépendants de réseaux pour communiquer. Un désengagement de l’État signerait un suicide collectif. Pourtant, le rapport sur les crédits affectés aux communications électroniques et à l’économie numérique pour 2026 révèle une lente agonie. Certains célèbrent la French Tech comme d’autres le progrès, avec ferveur mais sans en mesurer le prix ; leur foi en la technologie ne coûte rien, c’est sans doute pour cela qu’elle est si vive.
Les crédits dédiés à l’inclusion numérique reculent de 71 %, alors que des millions de nos concitoyens – personnes âgées, public précaire et habitants des zones rurales, comme chez moi, en Charente – restent en marge du numérique. Le rapport justifie cette baisse par la fin du financement des conseillers numériques France Services, dont la pérennisation reposera désormais sur les collectivités territoriales et les opérateurs publics. Or, le PLF pour 2026 ampute le budget de ces mêmes collectivités de 5 milliards. Dit autrement, elles devront assumer des missions supplémentaires avec moins de crédits : on leur demande donc l’impossible. Ce désengagement de l’État contribue au délitement de notre pays.
Le constat est identique pour le déploiement des infrastructures : le plan France Très haut débit touche à sa fin, mais aucun financement n’est prévu pour achever la couverture des derniers foyers à la campagne et à la montagne. Quant au déploiement satellitaire, le texte alerte sur le recours à Starlink, jugé à raison incompatible avec notre souveraineté numérique. Néanmoins, rien n’est prévu pour bâtir une alternative française ou européenne.
De même, le PLF rate une cible essentielle, celle de la cybersécurité, à peine évoquée dans le rapport. Aucun crédit spécifique n’y est consacré alors que les cyberattaques se multiplient contre les hôpitaux, les collectivités, les entreprises et même les lycées. La résilience des réseaux relève de l’Arcep, dont le budget progresse à peine. En matière de cybersécurité, le PLF ne prévoit rien de structurant ni de national ; il ne déploie aucune vision cohérente.
Quant à l’intelligence artificielle, elle n’apparaît qu’en marge de l’initiative France Num, censée aider les TPE et PME à adopter le numérique. Les montants sont dérisoires, puisqu’ils ne dépassent pas 300 000 euros, alors que l’enjeu nous est présenté comme déterminant pour notre souveraineté technologique.
On se demande si les rédacteurs du PLF ont vécu dans une caverne ces dix dernières années, tant ils sont déconnectés de la révolution en cours et de ses conséquences. Aucune planification n’est élaborée pour reprendre en main notre destin numérique. Afin de garantir à chacun un égal accès à la connexion, une sécurisation des données et une protection réelle, l’État ne doit pas déléguer au marché la maîtrise de nos réseaux, laquelle doit être un véritable service public. Il doit se donner les moyens d’articuler un discours cohérent et concret.
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. S’agissant des conseillers numériques, je ne vais pas me répéter. Pour avoir été maire et président d’agglomération, je sais à quelles difficultés sont confrontées les collectivités exposées plus que d’autres à la fracture numérique. Il va falloir qu’on se décide !
Tout le monde s’accorde sur la nécessité de garantir notre souveraineté numérique grâce à une technologie française. Celle-ci n’est pas encore au point, mais nous ne devons pas nous arrêter dans cette course en nous tournant dès maintenant vers le satellitaire. La cybersécurité, qui relève de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), sera évoquée dans un autre avis budgétaire, mais elle constitue bien sûr un enjeu très important.
Mme Julie Laernoes (EcoS). La réduction de la fracture numérique demeure un enjeu politique majeur. En 2025, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une disparité de qualité de service entre zones rurales et zones urbaines. Si les objectifs en matière de couverture par la fibre optique semblent presque atteints sur le papier, les inégalités territoriales restent criantes. En Bretagne, par exemple, le taux de couverture n’atteint que 77 %, et des dizaines de milliers de foyers sont toujours dans des zones grises ou blanches. Ces retards et problèmes de raccordement ne sont pas une fatalité. Ils traduisent un choix politique : la course à l’innovation vitrine – 6G, intelligence artificielle – est privilégiée par rapport au service public de la connectivité. Le Gouvernement préfère financer la communication autour des nouvelles technologies plutôt que de garantir l’accès de chacun à une connexion stable et abordable.
Cette fracture n’est pas seulement territoriale, elle est aussi sociale. Les financements dédiés à l’inclusion numérique s’effondrent : ils sont en baisse de plus de 70 % par rapport à l’an dernier. Pourtant, selon le Défenseur des droits, moins d’une personne sur deux parvient à réaliser seule ses démarches administratives en ligne. Or, l’accès au numérique n’est pas un luxe ; c’est une condition pour assurer égalité, autonomie et dignité. La réduction du financement des conseillers numériques France Services est, à ce titre, une erreur majeure. Ils jouent un rôle essentiel, accompagnent nos concitoyens dans la dématérialisation, facilitent l’accès au droit, à la santé, à l’emploi et à la vie économique. Les fragiliser, c’est abandonner les territoires les plus isolés et les plus précaires.
À cela s’ajoute un autre signal d’alerte, que vous avez vous-même souligné, monsieur le rapporteur pour avis : le risque d’une non-soutenabilité économique des réseaux d’initiative publique à moyen terme. S’ils deviennent déficitaires, ce sont les habitants des zones les moins rentables qui paieront la facture, ce qui aggravera encore les inégalités territoriales.
Enfin, il est impossible d’ignorer le coût environnemental et énergétique croissant du numérique. Du fait de la multiplication des infrastructures, des data centers, des objets connectés et du développement de l’intelligence artificielle, la consommation d’électricité et de ressources rares ne cesse d’augmenter. L’empreinte carbone du numérique connaît une croissance exponentielle : sa part dans l’empreinte carbone nationale est aujourd’hui de 4,4 %, contre 2,5 % en 2020. Cette fuite en avant technologique ne répond pas aux urgences écologiques et sociales ; elle profite avant tout aux grandes entreprises, qui captent les bénéfices pendant que les citoyens et la planète en paient le prix.
L’innovation pour l’innovation, celle qui épuise nos ressources et creuse les inégalités, nous n’en voulons pas. C’est un numérique au service de l’égalité territoriale, de l’accès au service public et de la transition écologique que nous appelons de nos vœux.
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Vous faites bien de rappeler combien les disparités sont fortes en matière de couverture. Le chiffre global à l’échelon national, dont on pourrait se satisfaire, masque des différences marquées d’un territoire à l’autre, qui trouvent leur origine dans l’état d’avancement des RIP, le dernier kilomètre étant souvent pris en charge par les collectivités, notamment par les départements. Le coût est beaucoup plus élevé dans les territoires ruraux ; c’est la raison pour laquelle j’ai proposé d’instaurer une péréquation entre les zones rentables et les zones déficitaires telles que la Bretagne.
Comme vous, je déplore la fin du financement des conseillers numériques France Services, qui affectera les territoires où l’accès au service public et au numérique est déjà compliqué. Il n’est pas acceptable de transférer la charge aux collectivités.
Mme Louise Morel (Dem). Investir dans les infrastructures numériques, c’est investir dans notre avenir. Leviers essentiels pour l’aménagement du territoire et l’équité entre zones rurales, périurbaines et urbaines, elles sont déterminantes pour la compétitivité et la cybersécurité de nos entreprises, qu’il s’agisse de nos TPE-PME ou des grands groupes, ainsi que pour la formation, l’inclusion, et plus largement la transformation de notre économie dans la perspective d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Fort heureusement, la France a fait le choix ambitieux d’investir dans les infrastructures numériques il y a déjà quelques années. Des progrès importants ont été accomplis pour réduire la fracture numérique et déployer le très haut débit, alors que le réseau cuivre sera progressivement fermé d’ici à 2030. J’aime comparer cette ambition à celle du maillage ferroviaire. S’il a fallu des décennies pour relier les différentes parties de notre pays par le rail – et l’effort se poursuit –, quelques années seulement ont suffi pour couvrir plus de 95 % du territoire grâce au plan France Très haut débit, qui s’est appuyé sur une alliance inédite entre l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs privés. À une époque où les politiques publiques suscitent peu la fierté, il est bon de se féliciter de telles avancées.
C’est l’occasion pour moi de saluer l’ensemble des acteurs qui relèvent chaque jour des défis complexes dans la diversité de nos territoires, qu’ils soient urbains, ruraux, littoraux ou de montagne. Rappelons qu’en 2015, 77,6 % de la population se trouvait en zone blanche pour le très haut débit fixe, ce qui plaçait la France au vingt-sixième rang européen. En 2022, nous sommes remontés à la douzième place et figurons désormais parmi les pays les plus avancés pour le déploiement de la fibre.
Dans cette phase d’achèvement du plan France Très haut débit, nous devons concentrer nos efforts sur ce qu’il reste à résoudre. Élue moi aussi d’un territoire rural, je partage vos préoccupations, monsieur le rapporteur pour avis : trop de raccordements complexes demeurent sans solution, ce qui crée des zones grises et même blanches et suscite une exaspération légitime. Au-delà de l’inconfort, cela peut avoir des conséquences dramatiques : pensons aux situations d’urgence, lorsque les secours peinent à localiser les victimes ou à atteindre un lieu d’intervention. C’est pourquoi je me félicite de l’augmentation significative des crédits concernés, de 26 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
Quels enseignements tirez-vous des premiers résultats de l’expérimentation lancée en septembre 2025 pour soutenir les raccordements complexes en domaine privé ? Pourriez-vous nous en dire plus de votre proposition visant à déployer dans certaines zones d’habitat très peu denses, définies par arrêté, un dispositif de couverture satellitaire financé majoritairement par l’État, dans le prolongement du New Deal mobile ?
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Je vous remercie pour l’esprit positif de votre intervention : notre pays est parmi les plus avancés de l’OCDE dans le domaine numérique, et c’est en effet un motif de fierté.
Dans les communes comme celle dont j’ai été le maire, qui a la chance de n’être raccordée ni par le train, ni par l’autoroute, ni par une route nationale correcte, le numérique joue un rôle décisif en matière de développement et d’attractivité. C’est une source de motivation pour les territoires ruraux.
Quant à la péréquation, nous allons nous battre pour la mettre en œuvre. Comme dans une course, nous avons fait un magnifique parcours, et il ne faudrait pas que nous nous arrêtions avant les derniers mètres. Une autre de mes recommandations porte sur la nécessité d’évaluer les besoins en matière de raccordements complexes afin de déterminer quels crédits y consacrer.
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Pascal Lecamp (Dem). En effet, un taux de couverture de 95 % pour la fibre optique, c’est fantastique, mais qu’en est-il pour les 5 % restants ? J’ai l’impression que le phénomène est particulièrement marqué chez moi : sur les 60 kilomètres qui séparent mon domicile de Montmorillon, chef-lieu d’arrondissement, la moitié est en zone blanche. Proposez-vous d’envisager une couverture satellitaire pour ces 5 % restants ? En Norvège, pays de 5 millions d’habitants que je connais bien, les plus de 350 000 kilomètres carrés du territoire national sont couverts à 100 %, grâce aux connexions satellitaires qui viennent compléter la fibre optique.
Ma deuxième question porte sur un débat ancien : les implantations de pylônes et d’antennes-relais. Un décret publié alors que Jean-Noël Barrot était ministre chargé de la transition numérique et des télécommunications prévoit une mutualisation de ces installations entre opérateurs. Est-ce appliqué ? Dans mon territoire, certains refusent de s’entendre avec leurs copains. Peut-on faire quelque chose ?
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. J’ai la même impression que vous d’habiter sur les 5 % non couverts : quand je roule sur la nationale, ça coupe quatre fois ; quand je prends le train entre Agen et Bordeaux, je ne capte pas ou presque. Il faudrait mettre en place un DCC2, un dispositif de couverture ciblée d’environ 2 000 poteaux, conjointement avec les collectivités territoriales qui, au plus près du terrain, sont les plus opérationnelles.
S’agissant de la multiplication des poteaux, je dois dire que la situation est catastrophique, surtout dans une contrée paradisiaque comme la mienne où des vallées entières sont abîmées. On ne peut pas laisser faire : les opérateurs ne doivent pas faire pousser des poteaux partout au prétexte qu’ils n’arrivent pas à s’entendre. Je vous renvoie à mon rapport.
M. le président Stéphane Travert. C’est aussi un sujet que nous avons abordé dans le projet de loi de simplification de la vie économique, pour lequel, un jour peut-être, une commission mixte paritaire se réunira.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE137 de Mme Claire Lejeune
M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement vise à rétablir les crédits dédiés à l’inclusion numérique.
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Avis favorable, bien sûr ! Je n’ai cessé, pendant nos débats, de déplorer le transfert de cette charge aux collectivités locales.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Stéphane Travert. Monsieur le rapporteur pour avis, il ne vous reste plus qu’à nous donner votre avis sur les crédits de la mission Économie relatifs aux communications électroniques et à l’économie numérique.
M. Guillaume Lepers, rapporteur pour avis. Compte tenu de l’adoption de l’amendement, mon avis est favorable.
M. le président Stéphane Travert. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble des crédits de la mission Économie.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 17 h 45
Présents. - M. Alexandre Allegret-Pilot, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Louise Morel, M. René Pilato, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Stéphane Travert