Compte rendu
Commission
des affaires économiques
– Examen pour avis des crédits budgétaires « Logement et urbanisme » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis) 2
Mardi 28 octobre 2025
Séance de 19 heures
Compte rendu n° 13
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Stéphane Travert, Président
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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Frédéric Falcon, les crédits budgétaires « Logement et urbanisme » du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).
M. le président Stéphane Travert. L’avis de notre commission sur les crédits de la mission Cohésion des territoires concerne les programmes 109 Aide à l’accès au logement, 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat et 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, ce qui constitue un élargissement de notre champ par rapport au projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
M. Frédéric Falcon, rapporteur. Les mois passent, mais le constat reste le même : les gouvernements successifs, soutenus par la majorité présidentielle puis par le « socle commun », sont incapables de répondre à la crise du logement. Pire, ils l’accentuent par des politiques qui réduisent volontairement l’offre : « Zéro artificialisation nette » (ZAN), réglementation environnementale 2020 (RE2020), contraintes du diagnostic de performance énergétique (DPE), etc. Les logements neufs ne se vendent plus parce qu’ils sont beaucoup trop chers, tandis que les logements énergivores sont sortis du marché de la location. Le parcours résidentiel se bloque ; les jeunes arrêtent leurs études ; les chefs d’entreprise ne peuvent plus recruter faute de logements disponibles pour leurs salariés ; la liste d’attente pour avoir un logement social explose. Tant que nous ne sortirons pas de ce carcan réglementaire qui oppresse le secteur de la construction et de la location, les Français auront toujours autant de difficultés à se loger. Le choc d’offre, que les ministres successifs du logement appellent de leurs vœux, reste un simple slogan si toutes les politiques vont en sens inverse.
La politique budgétaire et fiscale en faveur du logement ne peut suffire à régler la crise. Elle permet tout au mieux de parer aux urgences ou d’atténuer les effets les plus délétères de la politique actuelle. Dans ce contexte, le PLF pour 2026 ne rompt pas avec les politiques qui nous conduisent dans une impasse depuis plusieurs années. Les crédits de l’hébergement d’urgence dépassent la barre symbolique des 3 milliards d’euros (Md€). Sans lutte contre l’immigration illégale, le parc d’hébergement restera saturé et les centaines de millions d’euros ajoutés chaque année ne serviront à rien. Quant à la désindexation des aides personnelles au logement, elle est un symbole très négatif envoyé à nos compatriotes les plus modestes, même si la faible inflation aurait conduit à une faible revalorisation de leur montant.
Je salue en revanche le premier pas du Gouvernement pour appliquer la préférence nationale dans l’attribution des allocations sociales. Même s’il est timide, car l’ensemble des personnes de nationalité étrangère ne devraient pas pouvoir bénéficier d’une allocation sans avoir d’abord cotisé pendant plusieurs années, dorénavant, les étudiants étrangers extracommunautaires non boursiers ne pourront plus bénéficier des APL. Des frais de scolarité différenciés existent déjà pour les étudiants étrangers. On sait d’ailleurs que les visas étudiants constituent une forme d’appel d’air pour l’immigration dans notre pays : c’est une porte d’entrée légale pour une immigration qui devient illégale. Si je suis favorable à l’accueil d’un quota d’étudiants étrangers, prioritairement francophones, la condition première à l’octroi du visa doit être le retour dans le pays d’origine, qui ne doit pas être amputé d’une élite diplômée.
S’agissant du programme 135, on enregistre une baisse des crédits en faveur de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) de 760 millions d’euros (M€) en autorisations d’engagement et de 500 M€ en crédits de paiement. C’est pour moi l’aveu de l’inefficacité du dispositif MaPrimeRénov’, même si le soutien à la rénovation énergétique des logements est un objectif louable.
Les défauts de MaPrimeRénov’ sont nombreux : une fraude massive à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros chaque année ; une complexité administrative sans nom pour les bénéficiaires et les entreprises ; aucune évaluation des gains énergétiques ; des délais de paiement beaucoup trop importants ; un coût très lourd pour les finances publiques. Mon groupe défend le dispositif « 100 % Rénov’ », un prêt à taux zéro ouvert à tous les ménages sans condition de ressources, financé sur la valeur du bien et les économies réellement produites. Ce dispositif a le mérite de coûter dix fois moins cher que MaPrimeRénov’ et d’accélérer les procédures. Nous pourrions ainsi supprimer l’Anah et réinternaliser ses missions au sein du ministère du logement.
Pour ce qui est de l’incitation à l’investissement locatif, l’amendement gouvernemental relatif au statut du propriétaire bailleur est un pansement sur une jambe de bois : la fiscalité locative est beaucoup trop lourde et un amortissement annuel de 2 % n’y changera rien. Du reste, la filière n’a pas manqué de souligner le manque d’ambition du dispositif.
Enfin, les bailleurs sociaux sont mis à contribution avec une hausse de 500 M€ des prélèvements qui leur sont imposés. La réduction de loyer de solidarité (RLS) est rétablie à 1,3 Md€, contre 1,1 Md€ l’année dernière. Le financement des aides à la pierre par le biais du fonds national des aides à la pierre (Fnap) sera supporté par les organismes de logement social à hauteur de 375 M€ (contre 75 M€ l’année dernière). Si nous souhaitons une véritable relance de l’accession sociale à la propriété, qui constitue ma thématique d’évaluation de l’avis budgétaire, il faut que les bailleurs sociaux changent de culture, qu’ils apprennent à trouver des ressources propres, en passant d’une logique de stock à une logique de flux.
Fort de ces constats, je ne peux pas donner un avis favorable sur les programmes 109, 135 et 177.
J’en viens maintenant à la partie thématique du rapport que je défends devant vous aujourd’hui : l’accession sociale à la propriété.
L’aspiration à la propriété demeure une priorité pour nos compatriotes, puisque 76 % des Français estiment qu’être propriétaire est pour eux la meilleure solution de logement et que 60 % des locataires souhaitent devenir propriétaires. Il ne s’agit pas seulement d’une représentation culturelle mais d’une nécessité, pour de nombreux Français, afin de faire face aux aléas de la vie. Être propriétaire, c’est faciliter son insertion sociale et économique. Par exemple, le taux de chômage est plus faible pour ceux qui accèdent à la propriété que pour les locataires. Qui plus est, il n’y aura pas de relance de la natalité sans relance massive de l’accession à la propriété : quand on ne croit pas en l’avenir, on évite d’avoir des enfants.
Or, force est de constater que devenir propriétaire est de plus en plus difficile. En 2025, 57,4 % des ménages étaient propriétaires de leur résidence principale, taux qui ne croît plus depuis plusieurs années. Plus inquiétant encore, la part des ménages modestes et des classes moyennes qui possèdent leur résidence principale a baissé en dix ans. Si les politiques publiques menées par nos démocraties occidentales conduisent, même involontairement, à faire de la propriété un privilège des seuls ménages aisés, c’est le fondement même du pacte social qui est remis en cause. C’est pourtant le résultat du ZAN, de la RE2020 ou de l’imposition des plus‑values, autant de dispositifs qui conduisent à restreindre l’offre de nouveaux logements et la possibilité pour les ménages de tous milieux d’accéder à la propriété.
Il n’existe pas de véritable politique d’accession à la propriété dans notre pays. Premièrement, les dépenses budgétaires et fiscales en sa faveur représentent entre 2 % et 5 % seulement des dépenses en faveur du logement. Les dispositifs qui fonctionnent ont été affaiblis. Les APL accession, qui avaient coût limité de 800 M€, ont été supprimées en 2018, alors même qu’elles permettaient à des ménages modestes d’accéder à la propriété, grâce à un véritable effet déclencheur. Chaque année, nous votons des amendements transpartisans visant à les rétablir, mais le Gouvernement les a toujours refusés.
Deuxièmement, les modalités du prêt à taux zéro (PTZ), produit populaire et bien commercialisé par les établissements bancaires, n’ont cessé d’être modifiées : exclusion puis réintégration du PTZ dans le neuf dans les zones détendues ; exclusion puis réintégration des logements individuels, etc. Il faut cesser à tout prix ce stop and go. Les critères ont été élargis et les plafonds relevés. La stabilité législative est essentielle. Notons que le dispositif d’exonération des droits de donation pour l’achat d’une résidence neuve ou avec travaux ne décolle pas, faute de communication du Gouvernement, qui a tardé à produire une circulaire sans laquelle les notaires refusaient de s’engager.
Troisièmement, les outils utiles que sont le bail réel solidaire (BRS) ou la location-accession grâce au prêt social de location-accession (PSLA) sont sous-utilisés. Seuls quelques milliers de logements sont produits chaque année grâce à eux. Je souhaite une relance importante du logement social : moins de quatre-vingt-dix mille agréments ont été accordés ces dernières années, quand la production annuelle par les offices HLM devrait être de quelque cent vingt mille logements pour répondre aux besoins. Elle doit être fléchée vers les dispositifs d’accession sociale pour passer de la location sociale à l’accession sociale. Les logements vendus en BRS et en PSLA doivent être comptabilisés, dans la durée, dans les quotas imposés par la loi SRU.
Quatrièmement, la vente HLM n’a pas du tout décollé. Alors que l’objectif de quarante mille ventes par an, soit environ 1 % du parc social, avait été avancé lors de l’examen de la loi Elan, on enregistre à peine plus de dix mille ventes annuelles. C’est dommage à la fois pour les personnes qui pourraient devenir propriétaires et pour les bailleurs qui manquent de fonds propres pour construire de nouveaux logements ou rénover leur parc. Différentes causes peuvent l’expliquer : l’état du patrimoine des bailleurs, la solvabilité des ménages locataires, le manque d’ingénierie pour les petits bailleurs, les difficultés de l’entrée en copropriété. Pour autant, soyons lucides, des freins idéologiques existent aussi. Je regrette, à cet égard, le refus de Paris Habitat d’être auditionné pour justifier l’absence totale de vente HLM au sein de son parc. Les choses doivent changer : il faut supprimer toutes les règles qui limitent la vente HLM pour les bailleurs, fixer des objectifs de vente pour chacun et inscrire dans la loi l’objectif de quarante mille ventes par an.
Nous disposons des bons instruments pour instaurer une vraie politique d’accession sociale à la propriété : il manque seulement un peu de volonté politique.
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux orateurs des groupes.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Le constat du rapporteur est cruel et sans détour : en deux ans, les mises en chantier ont reculé de près de 30 % et l’investissement locatif a chuté de moitié. Les ventes aux investisseurs ont été divisées par six depuis 2021. Les aides publiques dépassent pourtant 30 Md€ par an. Les moyens existent, mais la cohérence et la volonté de bâtir manquent. Le Gouvernement persiste dans une architecture budgétaire marquée par des priorités désordonnées.
Les crédits continuent d’être « saupoudrés » entre des dispositifs d’urgence pérennisés, des plans de communication sans effet durable et des aides constamment remaniées, en proie à une fraude massive. L’État entretient à grands frais plus de deux cent mille places d’hébergement d’urgence, sans plan de sortie vers le logement pérenne. Il modifie chaque année les règles de MaPrimeRénov’, au point de décourager les artisans comme les ménages : réforme du parcours accompagné, qui a bloqué des milliers de dossiers ; modification des barèmes ; retrait puis rétablissement de certains équipements, comme les chaudières à granulés ou les pompes à chaleur. Pendant ce temps, il gèle les APL, tout en prétendant soutenir le pouvoir d’achat. Cette politique sans boussole dépense beaucoup, mais construit peu.
Le bailleur privé reste quantité négligeable dans la politique socialo-macroniste. Les contraintes se sont multipliées : diagnostic énergétique, interdiction de louer, encadrement de loyer, procédure d’expulsion interminable. Tout va bien, on continue comme avant. Résultat : des dizaines de milliers de logements disparaissent du parc locatif. Notre rapporteur a eu raison de souligner que le bailleur privé doit bénéficier d’un statut réhabilité. Pour rappel, la propriété privée est l’un des fondements de notre civilisation. Elle a été solennellement rappelée, comme droit inviolable et sacré, à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’article 544 du code civil en fait le droit le plus absolu. Qu’il y ait des limites à un droit, cela s’entend, mais nous avons largement dépassé ce stade, puisque le propriétaire, déjà très imposé, est presque devenu un concessionnaire, chargé d’appliquer les politiques publiques à ses frais, à ses risques et périls, sans jamais être indemnisé en cas d’équipement défectueux ou de squat.
Le Rassemblement national appelle à simplifier les règles, à accélérer les procédures et à garantir la stabilité fiscale indispensable à l’investissement locatif. Plus largement, il faut renforcer l’offre, stabiliser la règle, orienter la dépense de manière cohérente. Cela passe entre autres par une refonte complète de la politique de rénovation énergétique afin de la recentrer sur la maîtrise de la dépense publique, la lisibilité et l’efficacité, au lieu de la confier à des structures redondantes et mal coordonnées. Cela suppose aussi de réorienter les moyens dispersés dans la politique de la ville vers des actions favorisant la propriété.
M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je ne peux que souscrire à votre analyse. Le levier le plus important pour régler la crise du logement est celui des normes, qui ne coûte pas 1 euro au budget de l’État. Elles se sont empilées depuis huit ans, alors même qu’Emmanuel Macron avait promis, en 2017, qu’il n’en imposerait pas de nouvelles à l’immobilier. Nous devons travailler ensemble à lever ces blocages : DPE, RE2020, ZAN.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Ces programmes doivent répondre à deux impératifs : la maîtrise des dépenses publiques et la nécessité de soutenir le secteur du logement. Le programme 135 enregistre une baisse de 17 % des moyens dédiés à l’Anah, soit 758 M€ de moins qu’en 2025. Cette évolution traduit un recentrage du dispositif MaPrimeRénov’ après une période de forte montée en charge marquée notamment par plusieurs signalements de fraudes et d’abus. L’objectif est clair : mieux cibler les rénovations performantes, garantir la qualité des travaux et optimiser l’utilisation des fonds publics. Les aides personnelles au logement diminuent de 590 M€, soit 3,5 %, en raison du gel des barèmes. Ces choix, bien que contraints et nécessaires, ne doivent pas nous faire perdre de vue l’urgence.
La crise du logement reste aiguë. La production de logements neufs est historiquement basse et l’investissement locatif privé s’est fortement replié. Pour inverser cette tendance, il est essentiel de restaurer la confiance des investisseurs et de relancer l’offre locative, ce qui permettrait aussi de désengorger la file d’attente dans le secteur social. Le statut du bailleur privé, tant attendu par les acteurs, doit enfin devenir une réalité.
Un amendement gouvernemental prévoit un amortissement linéaire de 2 % pour le neuf locatif. Si cette mesure constitue une première reconnaissance du rôle des investisseurs privés, elle reste trop modeste pour déclencher une dynamique significative. Porter ce taux à 3,5 % aurait certes un coût plus élevé pour les finances publiques à court terme, mais c’est nécessaire pour relancer l’investissement locatif : une telle mesure permettrait de stimuler la construction de logements, produire des recettes fiscales supplémentaires, par le biais de la TVA et des droits de mutation, et surtout répondre à l’urgence de l’offre de logements à loyer accessible. Pour l’ancien, comme le proposent nos collègues parlementaires Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse, il est également nécessaire de prévoir un amortissement conditionné à la réalisation de travaux.
Une politique du logement efficace repose sur deux piliers indissociables : le logement social et le logement privé. Or, ils sont tous deux fragilisés. La réforme que nous attendons doit donc être ambitieuse et équilibrée afin de redonner à chacun la possibilité de se loger dignement. C’est dans cet équilibre entre rigueur budgétaire et volonté de relancer la production que nous pourrons relever les défis du logement et renforcer la confiance dans l’action publique.
M. Frédéric Falcon, rapporteur. Il fallait en effet remplacer le Pinel et trouver un nouveau dispositif pour inciter les investisseurs à revenir vers le neuf. Je suis assez déçu par l’amendement proposé par M. Vincent Jeanbrun, le ministre du logement, qui est très loin de répondre aux ambitions formulées par Mme Valérie Létard, la précédente ministre. Néanmoins, nous devons nous contenter de ce que nous avons et nous le voterons, sous réserve qu’un meilleur dispositif ne soit pas proposé. L’élargissement du PTZ et l’exonération des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), adoptés en loi de finances pour 2025, n’ont pas produit les résultats escomptés. Sans croissance, sans confiance, avec un taux inférieur à 3 % ou 3,5 %, on ne va pas pouvoir faire grand-chose.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Le Gouvernement propose un « budget des horreurs » pour le droit au logement : année blanche pour les APL, comme pour toutes les prestations sociales ; suppression des aides au logement pour les étudiants étrangers hors Union européenne ; aucun investissement massif dans la construction ; moyens en baisse pour lutter contre l’habitat indigne ; et, pour couronner le tout, chute drastique des crédits dédiés à MaPrimeRénov’ et à MaPrimeAdapt’. C’est un budget indigne, à l’image d’un Gouvernement qui ne fait rien pour le droit au logement. En 2024, 855 personnes, dont dix-neuf enfants de moins de quatre ans, sont mortes dans la rue, faute de places d’hébergement d’urgence. Voilà où nous en sommes. Il n’y a jamais eu autant de sans-abri, jamais autant de pauvres ni de personnes qui n’arrivent plus à payer leur loyer, premier poste de dépenses des ménages. L’offre de logements sociaux n’augmente quasiment plus et trois millions de personnes sont en attente d’un logement social.
Face à cette crise aiguë, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi bas : c’est un non-sens absolu. Où se trouve la priorité du Gouvernement ? Pas dans l’accès au logement ni dans la lutte contre l’habitat indigne. Alors que 30 % des ménages ont froid dans leur logement, que quatre millions de Français sont en situation de mal-logement et que douze millions de personnes sont fragilisées dans leur logement, l’État ne fait rien. Un million de personnes en situation de handicap et de perte d’autonomie ne peuvent pas sortir de chez elles, faute d’un logement accessible. Et voilà le Gouvernement qui concocte dans ses petits ministères un budget qui aggrave la situation – comme si, au moment de le concevoir, il n’était pas question d’améliorer la vie des gens.
Je suis presque en colère à force de répéter ces chiffres catastrophiques. Chaque nuit, des enfants dorment dans la rue. Nous avons tous dans nos circonscriptions des personnes qui viennent nous voir pour nous faire part de problèmes de logement. Malgré tout cela, on nous présente une fois de plus un budget bien en deçà des objectifs nécessaires. J’aimerais que nous réussissions à élaborer un budget sensé, en faveur du droit au logement. Un toit, c’est un droit.
M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je partage en partie votre état des lieux. Il faut aussi être conscient que tous les blocages ne sont pas liés au budget. Il y a, dans le parc social, une surreprésentation d’immigrés. Dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), par exemple, 33 % des logements sont occupés par des étudiants étrangers. Nous estimons que, à son arrivée en France, on doit être solvable et ne pas venir encombrer les listes d’attente pour un logement social. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le penser, puisque M. Justin Trudeau, au Canada, conscient des contraintes que faisait peser le flux migratoire sur le logement, a réduit le nombre de visas étudiants de 33 %. Le budget n’est donc pas le seul biais, même si je sais que vous voulez toujours plus d’argent : il y a d’autres leviers.
M. Inaki Echaniz (SOC). Votre rapport est, sans grande surprise, une suite de clichés sur le logement et les bénéficiaires des politiques de solidarité. Vos propositions sont, du reste, en décalage profond avec votre constat. Vous ne pouvez pas défendre un jour la libéralisation du marché du logement et le lendemain vous plaindre du manque de logements abordables. Votre idéologie favorise la crise et appauvrit les ménages, en les obligeant à dépenser une part toujours plus importante de leur budget pour se loger. Vous fustigez la baisse de l’offre locative, en prenant soin d’éviter de parler du nombre croissant de meublés de tourisme et de résidences secondaires. Pourtant, en zone tendue, ce type de bien est directement responsable de la chute des locations et de la hausse des prix de l’immobilier, empêchant l’accession à la propriété. Vous n’avez jamais soutenu les mesures visant à favoriser les résidences principales.
Vous vous attaquez aux APL, en encourageant leur suppression pour les étudiants étrangers. C’est un signal de fermeture vis-à-vis des talents qui rêvent de venir étudier en France. Cette diversité favorise un enrichissement des idées et des méthodes de travail, tout en renforçant la cohésion et la capacité d’innovation. Elle constitue également un atout pour la coopération internationale, indispensable dans un contexte particulièrement sensible. Les APL ne sont pas un luxe, mais une aide de première nécessité. Cette mesure va précariser des étudiants et contribuer à détourner les meilleurs élèves de notre pays. Votre proposition est fidèle à la fermeture d’esprit qui caractérise votre famille politique.
Quant à votre idée de réserver les places d’hébergement d’urgence aux Français et aux étrangers en situation régulière, elle reviendrait à laisser à la rue, à exposer au froid, à la faim et à la violence, des enfants et des personnes fragiles. Cela contrevient à l’inconditionnalité de l’accueil, une grande mesure de notre pays, au service du respect de la dignité humaine et du principe d’humanité dont vous semblez manquer. Porter assistance à toute personne en détresse présente sur notre sol ne devrait pas faire l’objet d’un débat. Il serait par ailleurs particulièrement illusoire de penser que notre système d’hébergement d’urgence favorise l’arrivée de personnes étrangères sur notre territoire.
Enfin, vous proposez d’encourager la vente de logements sociaux. Je vous invite à regarder la situation des pays européens qui ont fait ce choix : accroissement des inégalités d’accès au logement, hausse des loyers, perte de la vocation sociale des immeubles, baisse de la mixité et concentration de la détention privée des logements.
En conclusion, votre rapport est particulièrement incohérent. Vous déplorez le manque de locations abordables et le recul de l’accession à la propriété tout en soutenant les logiques de rentabilité capitaliste à l’origine de ces problématiques. Quant aux crédits de la mission, ils ne répondent toujours pas cette année aux graves difficultés du secteur : affaiblissement des bailleurs sociaux avec le rétablissement du montant total de RLS à 1,3 Md€ ; hausse de la contribution du secteur HLM au Fnap ; gel des APL ; absence de mesures pour favoriser la production de logements ; baisse des crédits pour la rénovation énergétique.
Nous serons donc défavorables à ces crédits, sauf si nos amendements pour renforcer le logement social et l’accès au logement étaient adoptés.
M. Frédéric Falcon, rapporteur. Je ne comprends pas vraiment votre position. Vous partagez la même logique que la maire socialiste de Paris, qui empêche tout dispositif d’accession sociale à la propriété. Son objectif est d’avoir 50 % de logements sociaux pour faire du clientélisme électoral. Nous, nous voulons des citoyens émancipés, qui peuvent accéder à la propriété ; mais ce mouvement est empêché par le lobbying de certains bailleurs sociaux, idéologiquement opposés à l’accession sociale à la propriété.
M. Vincent Rolland (DR). Notre pays traverse une grave crise du logement, qui met en difficulté les locataires qui cherchent à se loger à un prix décent, les ménages qui veulent devenir propriétaires et l’industrie du bâtiment, première victime du ralentissement du secteur de la construction. Le rapport de la commission pour la relance durable de la construction de logements (2021), dit rapport « Rebsamen », avait conclu à la nécessité de construire cinq cent mille logements par an. Pourtant, la construction recule et l’inadéquation entre offre et demande demeure. L’État se doit d’être au rendez-vous.
Nous soutenons les initiatives positives, comme la revalorisation de 20 % du prêt à taux zéro, qui devrait améliorer l’accession à la propriété. Néanmoins, il est incompréhensible que certains dispositifs contraignants et inadaptés demeurent. La rénovation énergétique est évidemment essentielle pour lutter contre le réchauffement climatique, mais le flou total sur les règles qui régiront le futur DPE et le calendrier d’interdiction de mise en location des logements mal classés ne peut qu’accentuer l’inquiétude des propriétaires, d’autant que la rénovation du parc prendra du temps. Il en va de même pour le ZAN, qui, en l’état, n’aide pas à instaurer un climat favorable à l’investissement et à la construction.
C’est pourquoi nous soutenons les initiatives visant à simplifier la vie des agents économiques ainsi que la création d’un statut du bailleur privé pour relancer les investissements, même s’il faudra aller bien au-delà des 2 % d’amortissement proposés.
Enfin, nous ne pouvons que nous inquiéter de la « démence fiscale » qui se déchaîne contre les loueurs de meublés non professionnels. Ces propriétaires investissent souvent leurs économies pour s’assurer un revenu et créer de la valeur localement. L’instabilité fiscale permanente n’est certainement pas le meilleur moyen de relancer l’investissement.
Pour réformer le logement, comme d’ailleurs d’autres pans de l’économie, la recette est assez simple : un choc de simplification, de la stabilité fiscale et un État qui accompagne au lieu de punir.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je vous rejoins concernant le ZAN : si le projet de loi de simplification de la vie économique a exclu les activités économiques de son périmètre, le logement y est toujours soumis, ce que je regrette.
Vous avez aussi raison de souligner que les amendements de la commission des finances relatifs au statut de loueur en meublé non professionnel (LMNP) sont inquiétants et envoient un signal désastreux aux Français et aux agents économiques, qui se sentent assaillis par une cascade de nouvelles taxes potentielles. Je le constate dans ma circonscription : le monde de l’immobilier est absolument tétanisé, tous les projets sont bloqués, les gens attendent. C’est pour cette raison que je parlais de confiance : le secteur ne repartira pas sans une alternance politique garante de stabilité normative et fiscale.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Chaque année, le rapport pour avis de M. Frédéric Falcon est une honte pour cette commission. L’an dernier, déjà, son texte était abject. Cette année, il franchit une nouvelle ligne rouge et sa lecture donne envie de vomir. Ce n’est plus un rapport budgétaire, c’est un manifeste idéologique d’extrême droite – de façon d’ailleurs tout à fait explicite, puisque, par endroits, monsieur Falcon n’écrit même plus en tant que rapporteur pour avis, mais au nom du Rassemblement national. Il assume de faire d’un rapport parlementaire un outil de propagande prônant la suppression de l’Anah, la destruction du DPE et la suppression du calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques ainsi que la fin du ZAN, tout en saluant l’application de la préférence nationale dans les aides au logement. C’est indécent, inacceptable et dangereux ; c’est une attaque frontale contre les principes républicains.
Non, la crise du logement ne vient pas des normes écologiques ni des étrangers. Elle s’explique par le désengagement massif de l’État, l’accaparement agressif du patrimoine immobilier par quelques-uns, la financiarisation galopante du logement et la spéculation touristique incarnée par Airbnb, qui vide nos centres-villes.
Plus grave encore, ce rapport d’extrême droite trouve un écho dans la politique du Gouvernement. Quand monsieur Falcon se félicite de la baisse des crédits alloués à l’Anah et à la rénovation, il applaudit la politique de monsieur Lecornu. Quand il salue l’application de la préférence nationale, il ne fait que remercier le Gouvernement d’avoir préparé le terrain. Le Rassemblement national se frotte les mains, car le budget du logement pour 2026 reprend ses obsessions : moins d’aides, moins d’écologie, moins de solidarité.
Le programme 135, qui couvre l’Anah et la rénovation, s’effondre : les autorisations d’engagement baissent de 28 % et les crédits de paiement de 19 %. Le programme 109 recule de 590 M€, gelant les APL alors que des millions de foyers ne parviennent pas à se loger. Les crédits alloués à l’hébergement d’urgence augmentent certes de 110 M€, mais ils restent terriblement insuffisants pour faire face à l’explosion des besoins, dans un pays où plus de 350 000 personnes sont sans domicile et où des familles, dont plus de 2 500 enfants, dorment dans la rue. Ce n’est pas un effort, c’est un aveu d’échec.
Quand l’extrême droite applaudit la politique du Gouvernement, c’est que le cap est perdu. Le logement est la base de tout : de la dignité, de l’émancipation, de la transition écologique. Ce n’est pas une charge comptable, mais un choix de société. Le groupe Écologiste et social refuse cette convergence entre libéralisme cynique et nationalisme haineux.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je constate que vous êtes toujours aussi modérée dans vos propos. Ce que vous venez de dire est inacceptable. L’accession à la propriété et la climatisation seraient d’extrême droite ? C’est complètement ridicule.
Je traite dans mon rapport de l’accession à la propriété parce qu’il s’agit d’une aspiration profonde des Français et que le système est en panne.
Vous préférez détourner l’attention en insistant sur les contraintes normatives dont je souhaite la suppression, car elles sont, de l’aveu de tous, à l’origine du problème. Votre groupe a d’ailleurs fortement contribué à cette situation : même si vous êtes minoritaires, votre idéologie a infusé ces quinze dernières années, jusqu’à imposer la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 et tout un ensemble de contraintes. Nous payons très cher cette folie normative à l’origine de l’effondrement du monde du logement et de l’immobilier.
Je crains que nous ne puissions pas nous entendre. Vous défendez le dispositif MaPrimeRénov’, dont chacun reconnaît qu’il coûte trop cher et qu’il est mal géré. Nous proposons, pour notre part, de poursuivre les efforts en matière de rénovation énergétique, mais sous forme de prêts. La politique qui consiste à distribuer des milliards et des milliards d’euros n’importe comment, par un saupoudrage propice à la fraude et sans pouvoir contrôler la pertinence des travaux, n’est plus tenable. De nombreux collègues, y compris certains députés de la majorité, sont disposés à débattre de ces questions… mais pas vous, qui restez toujours dans l’insulte et l’invective : à vous entendre, il faut simplement dépenser toujours plus.
M. Romain Daubié (Dem). Bien plus qu’une ligne budgétaire, le logement est un enjeu de cohésion nationale, qui affecte le quotidien de toutes les personnes concernées, indépendamment de leur situation. Personne ne se réjouit de l’état du secteur, caractérisé par des constructions en baisse, des loyers en hausse, une accession à la propriété plus difficile – y compris pour ceux qui travaillent ou ont travaillé –, des changements législatifs qui découragent certains bailleurs privés et un système né de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) complexe, dont témoigne la situation de plusieurs communes carencées dans ma circonscription.
Néanmoins, tout n’est pas noir. L’augmentation de 43 % de l’action Soutien à l’accession à la propriété du programme 135 permettra, à travers le prêt à taux zéro et l’accession sociale, à certains de nos concitoyens de devenir plus aisément propriétaires.
Je soutiens également le statut de bailleur privé annoncé par le ministre Vincent Jeanbrun, même si l’amortissement annuel de 2 % me semble trop peu incitatif : nous devrons aller plus loin, tout en trouvant des compensations fiscales afin de ne pas creuser le déficit. Ce statut sera particulièrement utile dans les communes situées en zones C, dites « non tendue », qui sont délaissées par les gros promoteurs et même par les bailleurs.
J’en appelle, moi aussi, à davantage de stabilité fiscale. Les changements de règles incessants sont anxiogènes. De nombreuses personnes m’ont, par exemple, écrit après l’adoption par la commission des finances d’un amendement modifiant la fiscalité applicable aux loueurs de meublés non professionnels : j’ai dû expliquer que de nombreux aléas pouvaient encore survenir avant que cette disposition devienne une règle fiscale pérenne. N’oublions pas que l’immobilier est une activité économique de long terme. Les acteurs ont besoin de visibilité.
Vous proposez de ramener à quinze ans le délai de détention à l’issue duquel les plus‑values immobilières sont totalement exonérées d’impôt, pour revenir à la situation qui prévalait avant le 1er février 2012. Parmi les biens vendus, environ 50 % sont des résidences principales, déjà exonérées, 30 % sont des investissements locatifs et 20 % sont des résidences secondaires. Avez-vous envisagé l’hypothèse, à mes yeux plus intéressante, d’une exonération qui ne s’appliquerait que quand le bien vendu a vocation à devenir la résidence principale de l’acquéreur, afin de faciliter l’accès à la propriété ?
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. S’agissant du statut de bailleur privé, j’appelle nos collègues du socle commun à peser de tout leur poids pour améliorer le dispositif en augmentant le taux de l’amortissement et en l’étendant aux achats dans l’ancien, dès lors que les travaux engagés représentent au moins 15 % de l’investissement.
Quant à l’exonération sur les plus-values après quinze ans de détention, il n’est pas question de la moduler en fonction du profil de l’acquéreur : notre groupe prône une mesure simple permettant de revenir à la situation d’avant 2012.
M. Thomas Lam (HOR). Les crédits du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat accusent une baisse de 28 % en autorisations d’engagement et de 19 % en crédits de paiement.
Cette réduction s’explique principalement par la baisse des financements alloués à l’Agence nationale de l’habitat, notamment au titre de la rénovation énergétique des logements. L’Anah rencontre des difficultés majeures et le ministère chargé de l’économie et des finances a souligné un phénomène d’encombrement et un excès de fraudes. Ces dysfonctionnements ont conduit à une suspension provisoire des dispositifs à l’été 2025, puis à un resserrement des critères d’éligibilité et à une baisse des aides. Ces évolutions accentuent l’incertitude pour les ménages et les entreprises concernées et imposent une réforme profonde des modalités de fonctionnement du dispositif. La lutte contre la fraude semble être aussi une priorité absolue.
Malgré la nécessité de corriger ces dérives, la rénovation énergétique demeure un enjeu essentiel pour les millions de ménages qui peinent à payer leurs factures d’énergie et pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Certaines pistes, parmi lesquelles la proposition du ministre délégué Sébastien Martin consistant à décentraliser la rénovation énergétique en en confiant la compétence aux intercommunalités et départements volontaires, méritent d’être étudiées. Une telle approche pourrait améliorer l’efficacité des politiques locales, simplifier les démarches des ménages, optimiser les aides et favoriser les entreprises locales.
Par ailleurs, l’accès au logement, en propriété comme en location, se dégrade. Le taux de propriétaires stagne depuis 2014 et les ménages modestes accèdent de moins en moins à la propriété. Face à cette double crise et par esprit de responsabilité, notre groupe votera par défaut en faveur des crédits alloués au logement et à l’urbanisme. Nous continuerons de soutenir les réformes tendant à simplifier l’urbanisme et à relancer la construction, afin de permettre au plus grand nombre d’accéder à un logement sobre énergétiquement.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Ma position concernant l’Anah est assez claire : il faut sortir du dispositif MaPrimeRénov, gangrené par une fraude qui concerne au moins 10 % des sommes versées. Je prône son remplacement par un mécanisme de prêts. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé en ce sens.
Je ne suis pas favorable à la décentralisation de la politique de rénovation énergétique : je crains qu’elle n’encombre encore un peu plus l’administration et renforce la bureaucratisation. Les derniers exemples de décentralisation n’ont d’ailleurs pas donné de résultats particulièrement concluants en matière de simplification.
En revanche, je vous rejoins s’agissant des normes et vous invite à soutenir les mesures que nous proposons pour mettre fin aux contraintes DPE ou supprimer le ZAN.
M. Stéphane Peu (GDR). Le rapporteur pour avis et moi-même nous accordons sur un point : je suis moi aussi défavorable au budget qui nous est proposé. Pour le reste, nos solutions et nos propositions divergent grandement.
À la vue de la situation du logement, des souffrances humaines qu’elle engendre et des difficultés économiques qu’elle crée, je m’attriste de constater combien on s’échine à casser un modèle social qui avait fonctionné pendant un siècle et permis de construire une économie mixte, associant secteur public et secteur privé, et qui avait fait la démonstration de sa pertinence. Ce modèle a été mis à mal au nom d’une vision ultralibérale – et ce, de manière très accélérée depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir d’une Macronie triomphante qui a enchaîné toutes les erreurs possibles pour nous conduire à la catastrophe que nous connaissons.
En revanche, moi qui suis patriote, j’ai toujours du mal à comprendre – contrairement à vous, visiblement – qu’on veuille imposer à la France des modèles économiques qui ont fait la preuve de leur échec ailleurs, en cassant ce qui fonctionne. C’est la logique à l’œuvre actuellement, avec la sécurité sociale comme avec le logement. Peut-être connaissez-vous ce mot de Romain Gary : « Le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres. » C’est un peu la différence entre vous et moi.
Je souhaite que nous renouions avec la mixité de l’économie dans le domaine du logement. Or, le budget qui nous est proposé s’inscrit dans la continuité des politiques ultralibérales conduites depuis 2017 : attaques contre les HLM, réduction des moyens de l’Anah, baisse des APL – autant de mesures qui se traduisent par un niveau de construction de logements, toutes catégories confondues, au plus bas depuis 1991 et la crise économique et financière internationale causée par la guerre du Golfe.
Il faut retrouver un équilibre, favoriser l’accession à la propriété en aidant davantage les primo-accédants que les multipropriétaires investisseurs et soutenir le logement abordable, donc les habitations à loyer modéré. Voilà la politique que nous préconisons.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je ne m’oppose pas au modèle social français en matière de politique du logement. Bien au contraire, je le défends. Je préconise d’ailleurs, dans mon rapport pour avis, d’indexer les APL sur l’inflation.
J’estime en revanche que nous devons faire advenir un nouveau modèle d’accession à la propriété si nous voulons que nos compatriotes en bénéficient. Je ne prétends pas que tous les locataires du parc social ont vocation à devenir propriétaires – il ne s’agit nullement de singer la politique conduite par Madame Thatcher dans les années quatre-vingt – mais qu’une partie de la population, cette « classe moyenne inférieure » faite de gens qui travaillent, doit être accompagnée. Nous devons vraiment aller plus loin, car la France est très en retard.
M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Reprenant les chiffres habituels de l’extrême droite, vous indiquez qu’il y a 40 % d’étrangers dans le logement public, ce qui est faux. Vous confondez la notion d’étranger avec celle d’immigré. Être étranger, c’est un statut ; être immigré, c’est un parcours. On peut être immigré tout en étant Français.
D’après l’Insee, 80 % des occupants de logements publics sont des Français de naissance, 8 % le sont par naturalisation et 12 % sont étrangers. C’est donc à tort que vous agitez ce chiffon rouge.
L’attribution des logements publics donne au contraire lieu à des discriminations. À Toulouse, par exemple, l’office HLM a été épinglé pour s’être rendu coupable de discriminations fondées sur le nom et l’origine supposée.
Vos poncifs et vos clichés sont totalement décalés par rapport à la vie réelle des habitants de notre pays.
M. Boris Tavernier (EcoS). Permettez-moi d’être particulièrement choqué par vos termes. Un « tonneau des Danaïdes » : voilà comment vous osez qualifier les moyens consacrés à l’hébergement d’urgence qui, je le rappelle, est une solution temporaire proposée pour loger ceux qui n’ont pas de toit, pour protéger des personnes sans abri ! Ces crédits permettent aussi de faire reculer la violence inhérente à la vie dans la rue ou encore d’offrir des places spécifiques à des femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.
Vous vous opposez à la taxe Zucman, même dans une version allégée, vous refusez de demander des efforts aux milliardaires, mais en demander aux SDF ne vous pose aucun problème. Quelle indignité ! Le parc d’hébergement d’urgence est saturé, dites-vous ? Proposez des amendements pour ouvrir davantage de places et pour protéger les SDF, quels qu’ils soient, ainsi que les femmes victimes de violences, mais ne faites pas le choix lâche de mettre en concurrence les misères.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais dit qu’il y avait 40 % d’étrangers dans le logement public. Les chiffres sont clairs : un tiers des logements des Crous sont occupés par des étrangers et un tiers du parc social par des immigrés. Les étudiants étrangers doivent bien sûr pouvoir faire leurs études en France, mais ils ne doivent pas devenir une charge trop importante – ce qui est le cas dès lors qu’une grande partie de ce flux entrant n’est pas solvable et bénéficie de la solidarité nationale. Je suis donc favorable à l’instauration d’un quota d’étrangers dans les Crous, afin de laisser un peu plus de place aux étudiants français qui peinent à accéder au logement. Les étudiants internationaux peuvent aussi se loger dans le parc privé : rien ne les oblige à choisir le parc public.
Quant aux centres d’hébergement d’urgence, 80 % des personnes qui y résident viennent de pays extérieurs à l’Union européenne. Il y a donc un vrai problème dû aux flux migratoires. Je veux bien qu’on construise toujours plus de centres, mais nous ne pourrons pas tenir ainsi indéfiniment : il va falloir tarir le flux pour pouvoir prendre en charge les personnes déjà sur place – sinon, ce ne sont pas 3 Md€, mais 5, 6 ou 7 Md€ qu’il nous faudra y consacrer l’année prochaine. Le flux migratoire doit se tarir et les entrants doivent être solvables. La France peut être solidaire, mais elle n’a pas vocation à aider la terre entière ; elle n’en a tout simplement pas les moyens. Ce n’est pas une question de nationalité ou d’origine, mais de coût pour les finances publiques.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 19 heures
Présents. - M. Antoine Armand, M. Thierry Benoit, M. Julien Brugerolles, M. Stéphane Buchou, M. Romain Daubié, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, Mme Julie Laernoes, M. Thomas Lam, Mme Annaïg Le Meur, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Laurent Lhardit, Mme Sandra Marsaud, M. Nicolas Meizonnet, M. Stéphane Peu, M. François Piquemal, M. Vincent Rolland, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Boris Tavernier, M. Frédéric-Pierre Vos
Assistait également à la réunion. - Mme Anaïs Belouassa-Cherifi