Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Audition de Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche et M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique              2


Vendredi 24 octobre 2025

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 6

Session ordinaire de 2025-2026

Présidence de

Mme Sandrine Le Feur,

Présidente

 


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche, et M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Mesdames et monsieur les ministres, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd’hui pour la première fois devant notre commission. Je vous remercie de vous être rendus disponibles rapidement afin que nous puissions échanger utilement en cette période d’examen du projet de loi de finances.

Madame la ministre, votre grande expérience internationale sera précieuse à l’approche de la COP 30 début novembre. Votre éclairage sur les négociations en cours à Bruxelles, en particulier sur les objectifs climatiques et les nombreux projets de simplification, nous aidera à remettre en perspective plusieurs de nos débats. La simplification, nécessaire pour donner du souffle à nos entreprises et à notre économie, ne doit pas servir d’alibi à un abandon des ambitions en matière environnementale. Et cela d’autant moins que nos concitoyens sont beaucoup plus soucieux de protection de l’environnement et d’adaptation au changement climatique que ce que certains essaient de faire croire. Ils sont même de plus en plus préoccupés, comme l’a récemment montré un sondage d’Ipsos publié par Réseau Action Climat.

J’ai été particulièrement attentive à l’un des résultats de ce sondage. Faites-vous partie, madame la ministre, des 87 % de Français favorables au maintien de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ? La transition foncière convoque plusieurs sujets chers à notre commission : biodiversité, eau, protection des terres agricoles, aménagement du territoire, mais aussi réindustrialisation, adaptation démographique et soutien aux élus locaux. Quelle est votre approche de ces questions ?

Madame la ministre déléguée, l’année de la mer s’achève sur des progrès notables, notamment grâce au Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, dit BBNJ.

Au niveau national, plusieurs sujets préoccupent notre commission, parmi lesquels la protection des littoraux face à l’adaptation au changement climatique. Envisagez-vous une inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi sur la société portuaire ?

Sans un calendrier d’examen du PLF quelque peu inhabituel, une délégation de notre commission aurait effectué aujourd’hui un déplacement de travail au Havre sur le thème de la propulsion vélique. Jimmy Pahun nous y représente, et je l’associe donc à ma question sur le soutien que vous êtes prête à apporter à la filière du transport à la voile.

Monsieur le ministre délégué, je me félicite de votre engagement ancien sur les questions fiscales et budgétaires. Dans son très récent rapport sur la transition écologique, la Cour des comptes estime à plus de 11 points la perte de PIB à l’horizon 2050 si nous nous en tenons au statu quo dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Le verdissement du budget ainsi que le financement de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique doivent être considérés comme des priorités aussi stratégiques que le financement de la défense, sans quoi le coût de l’inaction aura des conséquences critiques pour notre souveraineté.

Mme Monique Barbut, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature. N’ayant jamais été élue, j’ai une grande estime pour la mission que vous assumez en tant que parlementaires. Avec Catherine Chabaud et Mathieu Lefèvre, qui, eux, l’ont été, nous avons accepté, en entrant dans ce gouvernement, un cadre issu de travaux antérieurs, et nous sommes attachés au sérieux budgétaire dont il est la traduction.

Aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Parlement vote la loi et contrôle l’action du gouvernement. Plus encore, le Premier ministre a défini une méthode en vertu de laquelle le gouvernement propose, nous débattons et vous votez. Nous abordons donc cette audition avec la volonté de contribuer à vos débats et, le cas échéant, d’éclairer vos votes par nos explications et nos précisions.

Avant d’en venir aux chiffres, je voudrais vous dire qui je suis et présenter ma vision de ce ministère – ce que j’aimerais faire et comment je souhaite le faire.

Issue de la société civile, je suis venue au gouvernement par conviction, pour me battre en faveur de l’écologie. Il s’agit non seulement de lutter contre le dérèglement climatique, contre les pollutions, contre l’effondrement de la biodiversité terrestre et marine, mais aussi de promouvoir une gestion durable des ressources halieutiques et des forêts.

À cet égard, je tiens à souligner l’importance que nous devons accorder aux outre-mer. La forêt guyanaise représente à elle seule 30 % de toute la forêt française. C’est en Polynésie française que nous avons pu créer la plus grande aire marine protégée du monde. La Nouvelle-Calédonie est l’un des plus importants points chauds de biodiversité de la planète. Si bien qu’au total, les départements et territoires ultramarins concentrent 80 % de notre biodiversité.

Notre ambition consiste à rendre possible ce qui est nécessaire pour chaque territoire en France. Je suis convaincue qu’il existe une voie pour une écologie du quotidien, concrète, accessible aux Français. Je défends une écologie du contrat et non de la contrainte.

Le premier contrat qui nous lie, c’est l’accord de Paris, lequel nous oblige à accélérer la décarbonation. Mais il nous faut aussi trouver des solutions pour la nature, car nous avons tous un lien affectif avec elle. Nous ne pourrons pas le renforcer sans partir des territoires ni revenir à la vie quotidienne. Je plaide pour une écologie que les gens comprennent et à laquelle ils adhèrent.

Nous voulons apporter des réponses à des problèmes qui touchent directement les Français, comme la pollution de l’eau, les substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou le retrait-gonflement des argiles. Je veux en faire une priorité de ce ministère.

Chacun doit comprendre que la transition écologique est un modèle économique qui alimentera notre croissance dans les prochaines décennies. Ainsi, 50 % des implantations d’usines des deux dernières années sont le fait de l’industrie verte, et les créations d’emplois y sont deux fois plus dynamiques que dans le reste de l’économie. L’écologie est donc aussi un levier de réindustrialisation pour nos territoires.

Tout objectif demande des moyens pour être atteint. Dans la situation difficile que nous connaissons, qui demande à tous de faire des efforts, nous sommes fiers d’une chose : le budget général de la transition écologique est stable. Il n’a pas été sacrifié. Cela montre que le gouvernement tient à l’écologie et à l’activité des agences, qui font un travail remarquable, comme l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’Office national des forêts (ONF), l’Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux. Ainsi, le budget de notre ministère s’élève à 8,4 milliards d’euros, et les autorisations d’engagement augmentent de 310 millions.

Vous le savez, la France a été pionnière dans l’établissement d’un budget vert dès 2021. Ce dispositif est très précieux pour le débat à venir – je vous invite à vous y référer le plus possible. Il présente très efficacement les dépenses favorables aux différentes dimensions de la transition écologique, de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique, ainsi que de la protection de la biodiversité. Au total, les dépenses du budget vert progresseront en 2026 de plus de 2 milliards d’euros.

En outre, certaines activités, qui figuraient auparavant dans le budget vert, seront désormais financées par les ressources issues des certificats d’économie d’énergie (CEE). Ces derniers devraient augmenter d’environ 27 % et passer de 6 milliards d’euros en 2025 à plus de 8 milliards en 2026. Cette hausse profitera à trois dispositifs rattachés à notre ministère – MaPrimeRénov’, le leasing social et le bonus écologique, trois dispositifs essentiels pour le pouvoir d’achat, auxquels les Français sont attachés. Nous veillerons à ce qu’ils s’adressent d’abord aux populations les plus vulnérables.

Il est vrai cependant qu’à la lecture du budget, certains crédits apparaissent en baisse. Le fonds Vert est maintenu en 2026 pour continuer à soutenir les territoires. Nous savons combien les élus locaux y sont attachés – cela s’est vu dès son lancement en 2023. Nous notons avec satisfaction qu’en deux ans, le fonds Vert a permis d’accompagner 9 200 communes, soit une sur trois. Son principe est donc reconduit, mais puisque nous avons été contraints de faire des choix, nous proposons, pour l’année 2026, de l’abaisser à 650 millions d’euros. Loin d’être arbitraire, cette baisse trouve sa justification dans le calendrier électoral : 2026 étant une année d’élections municipales, il est raisonnable de penser que la demande sera moindre – le temps que les conseils municipaux s’installent, que les besoins soient évalués et que les commandes soient passées.

Le fonds Chaleur est maintenu à 800 millions d’euros et le fonds Barnier à 300 millions, après sa hausse de 2025. Ce dernier nous donne les moyens de lutter contre l’aggravation des risques liés aux catastrophes naturelles. Chaque euro investi permet d’éviter de dépenser en moyenne 8 euros au titre de la réparation de dommages.

L’action du ministère s’appuie sur d’autres leviers que le budget de l’État, parmi lesquels le levier réglementaire et fiscal. Je pense à la réforme du diagnostic de performance énergétique, à la réforme des redevances des agences de l’eau, à l’augmentation de la taxe sur les polluants atmosphériques, à la fiscalité sur les modes de traitement des déchets peu écologiques, ou encore à la création d’une « taxe plastique ».

Il me faut citer également les financements octroyés par le secteur bancaire public – Caisse des dépôts, Banque des territoires, Bpifrance – et les financements européens, sans oublier le secteur privé. Vous connaissez tous des entreprises, dans vos circonscriptions, qui s’engagent, misent sur leur décarbonation et font des investissements bas-carbone. En 2024, sur les 113 milliards d’euros d’investissements bas-carbone, 99 ont été réalisés par des acteurs privés. Cet engagement du secteur privé montre que le financement de la transition écologique est l’affaire de tous et que tous les secteurs l’ont compris.

Enfin, vous le savez, je suis très attachée aux relations internationales et à la coopération. La place de la France dans le monde sur les thématiques environnementales est forte, comme l’a montré le récent succès de la conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc). Grâce aux efforts inlassables de notre pays, il existe aujourd’hui un traité de la haute mer. Mais pour maintenir notre place forte et notre rayonnement, nous devons rester exemplaires. Les actions nationales et le budget qui les finance en sont la condition. Cela vaut aussi dans l’autre sens : les négociations internationales donnent lieu à des accords, puis à des lois, qui encouragent in fine le déblocage de moyens financiers.

Ce budget 2026 est perfectible, mais il n’est pas sacrifié. Il soutient les mesures qui fonctionnent. Le ministère vous laisse la main, et nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Sébastien Humbert (RN). Votre entrée collective au gouvernement, particulièrement celle de Mme Barbut, illustre parfaitement l’illisibilité d’un exécutif qui ne sait plus quoi faire pour se maintenir. Un temps pro-nucléaire, l’exécutif semble avoir encore une fois changé d’avis, optant pour votre nomination très calculée politiquement et offrant à la gauche radicale une personnalité qu’elle valide.

Votre portefeuille ministériel comporte de nombreux dossiers sur lesquels les Français attendent une réponse forte et rapide.

S’agissant tout d’abord de l’énergie, il est indéniable que l’explosion du coût de l’électricité pour les particuliers est la conséquence directe des choix de politique énergétique des dernières années. Il est indispensable de soutenir la filière nucléaire et de mettre un coup d’arrêt définitif au développement des énergies renouvelables intermittentes, qui non seulement sont très coûteuses financièrement et socialement, mais ont aussi défiguré durablement de nombreux territoires ruraux. Le nucléaire est un fleuron national que le monde entier nous envie. C’est une énergie abondante, peu chère, décarbonée et pilotable, pour laquelle les avancées en matière de traitement des déchets sont remarquables. Je pense notamment au site de traitement Orano de La Hague en Normandie.

Ensuite, laissons les Français respirer ! Cessons la repentance et la culpabilisation permanentes… Avec à peine 0,7 % des émissions de CO2 mondiales, nous sommes vertueux, il faut le dire.

En matière d’adaptation aux événements climatiques et de gestion des ressources naturelles telles que l’eau et la biodiversité, votre ministère doit être proactif et privilégier les actions à mener au service des collectivités, souvent prises au dépourvu face à l’imprévu. Je pense également aux problèmes posés par l’eau potable et l’assainissement en France hexagonale, mais aussi particulièrement en outre-mer.

Enfin, en matière de fiscalité environnementale, il convient de donner immédiatement aux Français une bouffée d’oxygène en fixant à 5,5 % le taux de TVA applicable aux carburants automobiles – y compris au E85 – et domestiques, ainsi qu’à l’électricité.

Le groupe Rassemblement national souhaite également vous alerter sur l’impérieuse nécessité de rationaliser les coûts exorbitants des agences et opérateurs qui gravitent autour de votre ministère. Certains ressemblent davantage à des incubateurs à propagande gauchisante qu’à des structures sérieuses. Leurs missions et résultats sont flous, leur utilité souvent douteuse et leurs recommandations parfois grotesques. Je pense notamment au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), à l’Agence nationale de l’habitat (Anah), au Haut Conseil pour le climat, ou encore à l’Ademe avec ses 4 milliards de budget. Cette dernière a récemment fait parler d’elle pour ses conseils en matière de lavage de vêtements et pour sa campagne « Plante ton slip ».

L’heure n’est plus au militantisme associatif ni au zèle écologiste. Dans cette période de crise budgétaire majeure, nous attendons de vous beaucoup de sérieux. Nous souhaitons que votre ministère agisse enfin dans l’intérêt de la France, de sa souveraineté et de sa puissance – notamment en cessant de décliner le pacte vert –, mais aussi dans l’intérêt des Français, de leur pouvoir d’achat et de leur bien-être.

Mme Monique Barbut, ministre. Vous avez fait état de votre insatisfaction devant la politique de soutien au développement des énergies renouvelables. Je considère pour ma part que pour marcher, le système énergétique français a besoin de ses deux jambes : le renouvelable et le nucléaire. Vous constaterez que je ne suis pas une anti-atome, contrairement à ce que vous avez voulu laisser croire. Le recours au nucléaire est une nécessité pour poursuivre l’électrification des usages et répondre à un impératif qui vous tient à cœur, la souveraineté énergétique.

En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, il est vrai que la France est un bon élève, à l’échelle planétaire, et qu’elle a fait de gros efforts. Il n’empêche qu’il nous faut les poursuivre, notamment parce que cette voie offre d’importantes possibilités de développement économique liées aux nouvelles technologies, auxquelles vous devriez être sensibles. Notre filière agricole pourrait grandement profiter de telles avancées. Si vous accroissez la séquestration du carbone dans les sols, vous gagnez en productivité pour l’agriculture. La non-artificialisation des sols, à laquelle je suis attachée comme vous, madame la présidente, facilite la séquestration de carbone et l’adaptation au changement climatique, préserve la richesse de la biodiversité et, surtout, monsieur le député, garantit notre souveraineté alimentaire. Le jour où il n’y aura plus de sols agricoles en France, vous serez condamnés à dépendre de l’extérieur pour nourrir la population française.

Je pense que nous pourrons nous retrouver sur plusieurs sujets. Je le répète, je suis contre l’écologie punitive, je suis favorable à une écologie que les gens comprennent et à laquelle ils adhèrent. Compte tenu du temps qui nous est imparti – dix-huit mois tout au plus –certaines choses seront faisables et d’autres pas, mais les chantiers seront lancés et tout ce qui peut être fait le sera.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargé de la transition écologique. Monsieur le député, je regrette la tonalité de votre question sur les agences. Les propagandistes dont vous parlez sont des agents qui méritent votre respect pour leur travail au service des collectivités.

Le Rassemblement national propose de supprimer l’Ademe et l’OFB. Je serais curieux de savoir comment vous expliquerez aux citoyens de votre circonscription la fin de tous les projets financés par l’Ademe. C’est un choix de politique publique, au service de l’emploi dans les territoires. Vous y renoncez, semblant de surcroît oublier que le coût de fonctionnement de l’Ademe est marginal par rapport aux interventions qu’elle réalise dans les circonscriptions, y compris dans la vôtre.

S’agissant de l’OFB, vous semblez opposer l’agriculture et la protection du vivant.

M. Sébastien Humbert (RN). Je n’en ai pas parlé.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. C’est dans le contre-budget du Rassemblement national Vous pouvez ne pas l’assumer aujourd’hui, c’est votre droit. Mais sachez que si l’on n’améliore pas la qualité de l’eau, si l’on ne préserve pas la santé des sols, si l’on ne maintient pas le nombre de pollinisateurs, il n’y aura pas d’agriculture durable demain.

Dire « on supprime tout et on verra après », c’est tenir un discours simpliste, réducteur et offensant pour les agents.

Mme Olga Givernet (EPR). Vous prenez vos fonctions dans un contexte compliqué pour notre pays et plus encore sur les questions écologiques et environnementales.

L’Assemblée nationale n’est pas en reste, puisqu’elle prend part au backlash écologique auquel nous assistons depuis plusieurs mois. Qu’il s’agisse des pesticides, du ZAN ou des zones à faibles émissions (ZFE), les remises en question sont nombreuses. Au sein de cette commission, le groupe Ensemble pour la République défend fièrement les avancées obtenues par le président de la République et les gouvernements qui vous ont précédés.

Depuis 2017, nous avons défendu des textes majeurs – je pense à la loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, à la loi « climat et résilience », issue de la Convention citoyenne pour le climat, ou encore aux lois relatives à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et d’énergie nucléaire. D’autres dispositifs gouvernementaux, tels que MaPrimeRénov’ et le leasing social, nous tiennent à cœur. Je précise néanmoins qu’ils échapperont au débat budgétaire, puisqu’ils seront financés par les certificats d’économie d’énergie (CEE).

Quand bien même les politiques menées ont porté leurs fruits – en 2023, les émissions de CO2 ont baissé de 5,8 % –, il faut poursuivre les efforts. Nous continuons de soutenir avec constance et détermination les politiques publiques qui y contribuent.

Les attentes de nos concitoyens sont fortes en matière de santé environnementale – meilleure qualité de l’air, alimentation plus saine, encadrement fort des produits toxiques.

Les questions de souveraineté et de compétitivité économique nous tiennent également à cœur, et nous devons encourager les investissements massifs des entreprises dans la transition écologique et énergétique.

Enfin, il faut préserver nos sols, nos forêts, nos eaux et notre faune. C’est indispensable pour la survie de l’espèce humaine.

Pour terminer, je citerai d’autres victoires de la France au niveau international, telles que la fermeture des centrales à charbon, l’accord de Paris, le pacte vert, le One Planet Summit ou le tout nouvel accord BNJJ, qui permet notamment la création de nouvelles aires marines protégées. À l’heure de la COP30, nous comptons sur vous pour porter haut et fort la voix de la France.

Le projet de loi de finances pour 2026 doit marquer la poursuite de l’action ambitieuse engagée par la France. Nos attentes sont grandes. Les débats au Parlement seront peut-être âpres, mais nous connaissons votre énergie et votre détermination. Quel sera l’impact du contexte de restriction budgétaire sur le ministère de la transition écologique ? Comment la priorité que vous entendez donner à l’adaptation au dérèglement climatique se traduit-elle dans ce budget ?

Mme Monique Barbut, ministre. Vous avez commencé votre propos en évoquant un sujet qui me tient particulièrement à cœur : la lutte contre ce que l’on appelle le backlash écologique. J’y ajouterai la lutte contre la désinformation, la déformation de la réalité justifiant un refus d’agir. La France n’est hélas pas la seule concernée. Il est plus que jamais nécessaire de porter une parole claire, ferme et fondée sur la science pour contrecarrer ces discours, ces promesses creuses ou ces contre-vérités.

Vous le savez, ces derniers mois ont été particulièrement éprouvants pour la cause écologique. Vous en avez été les témoins ici même. Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière. Mais ces difficultés ne doivent pas freiner notre engagement, car, comme nous pouvons le constater quotidiennement, le dérèglement climatique est chaque jour plus présent. Les signes sont partout : vagues de chaleur précoce, catastrophes climatiques, glaciers qui fondent à un rythme alarmant.

Cependant, la cause écologique ne doit pas être opposée à la justice sociale. Il nous faut proposer une écologie qui transforme, qui protège et qui accompagne les Français, sans chercher à les culpabiliser.

Le projet de loi de finances nous permettra de poursuivre des politiques essentielles : la décarbonation, grâce au fonds Chaleur ; MaPrimeRénov’, dont le financement est maintenu ; le leasing social, pour lequel nous allons lancer la prochaine tranche le mois prochain ; le bonus auto. Toutes ces mesures ont été plébiscitées par les Français, et nous les continuerons.

L’adaptation au changement climatique doit être l’urgence absolue et la première bénéficiaire de l’effort financier.

Il est vrai que la France et l’Europe ne pèsent plus que 5 % des émissions mondiales. Mais nous devons aussi travailler pour diminuer les 95 % restants, car tous nos efforts sur le territoire français – même si nous parvenions à zéro émission – ne suffiront pas à mettre fin au réchauffement climatique.

Le secrétaire général des Nations unies lui-même a reconnu que l’objectif consistant à limiter la hausse des températures à 1,5 degré était hors d’atteinte ; il en résulte que les effets du réchauffement seront de plus en plus lourds. Les cartes réalisées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) montrent que la France comptera de nombreuses zones extrêmement vulnérables. Il faudra donc que nous réfléchissions tous ensemble à des mesures d’adaptation. Des réglementations nationales seront édictées, mais l’adaptation étant une question très locale, nous devrons aider les collectivités territoriales, notamment les communes, à protéger leurs sols et l’eau, à s’assurer que les captages sont faits de façon intelligente, à faire en sorte que les villes ne soient pas des îlots de chaleur et à rendre les logements compatibles avec la hausse de 2 ou 3 degrés à laquelle nous pouvons nous attendre dans les années à venir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). « Une chose est claire, nous ne parviendrons pas à contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré », disait avant-hier le secrétaire général de l’ONU. La maison brûle littéralement, mais vous vous dites fière d’un budget écologique stable. Or, selon la Cour des comptes – pas Greenpeace –, pour atteindre la neutralité carbone et préserver la biodiversité, les dépenses pour la transition écologique devraient augmenter de 110 milliards par an.

Ce que vous nous présentez, c’est un budget de renoncement écologique : on n’augmente pas les crédits de la transition écologique mais on coupe dans le fonds Vert et MaPrimeRénov’ ; on supprime encore des postes dans les opérateurs publics ; on retire des milliards aux collectivités territoriales, premier maillon de la planification écologique. C’est un budget qui va creuser la dette climatique, comme le dit France Nature Environnement.

On entend pleurer, à longueur de plateaux télé, sur la terrible dette que nous laisserions à nos enfants. Mais ce n’est pas cela qui les angoisse, nos enfants ! C’est plutôt de savoir quelle eau, quel sol, quel air on va leur laisser, quels animaux, quelles plantes vivront encore autour d’eux…

Et je pèse mes mots alors qu’un décret d’une gravité inédite nous menace. Soumis en catimini à la consultation publique, sans consultation préalable du Conseil national de la protection de la nature – ce qui est illégal –, ce décret modifie le code de l’environnement pour que la protection des espèces soit désormais conditionnée à leur coexistence avec les activités économiques. Autrement dit, ce n’est plus l’économie qui s’adapte à la nature, c’est la nature qui doit se plier à l’économie. Parfait symbole de la Macronie finissante, mais renversement de principe complètement fou en pleine sixième extinction des espèces, dénoncé par 95 % des contributions citoyennes et par toutes les associations environnementales.

La France figure parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées. Après le projet de loi de simplification de la vie économique, la proposition de loi de validation de l’autoroute A69 et la loi Duplomb, laisserez-vous encore saccager le droit de l’environnement ?

Hier, le groupe TotalEnergies a été condamné pour pratiques commerciales trompeuses, après avoir prétendu être un acteur majeur de la transition énergétique alors que plus de 97 % de sa production d’énergie est issue des hydrocarbures. Pourtant, ce groupe et les autres grandes entreprises polluantes nous coûtent toujours 211 milliards d’aides publiques, sans qu’aucune condition ne leur soit imposée sur le plan écologique ou social. Dans le même temps, vous rejetez la taxe Zucman sur les très hauts patrimoines, alors que cinquante milliardaires polluent plus que 1,3 milliard de personnes dans le monde, uniquement par le biais de leur patrimoine financier, investi dans ces industries polluantes. Bernard Arnault émet 1 200 fois plus de CO2 qu’un Français moyen, mais on ne lui demande rien ! Au contraire, on le félicite d’avoir gagné 16 milliards en une journée, soit plus de la moitié des économies que vous prétendez faire sur le dos des apprentis, des retraités, des allocataires du RSA ou de l’allocation adulte handicapé. Avouez que ces chiffres sont de nature à faire réfléchir !

Le budget qui nous est présenté est celui de la soumission aux marchés et de la résignation climatique. Nous refusons cette politique du renoncement. Nous voulons instaurer un ISF climatique, une fiscalité écologique juste et un grand plan d’investissements publics en faveur de la bifurcation écologique, parce que l’écologie n’est pas une ligne comptable, mais une question de survie.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Je regrette la tonalité de votre question. Vous avez le droit d’être en colère, mais pas de dire des contrevérités. Les crédits alloués à la transition écologique ont été augmentés de manière continue par l’ancienne majorité et le président de la République. Et si les objectifs climatiques ont été atteints ces dernières années, c’est bien parce que nous y avons mis les moyens. Le fonds Vert, que vous avez évoqué, n’existait pas il y a trois ans ; c’est l’ancienne majorité qui l’a créé.

Je n’ai pas entendu un seul mot, dans votre propos liminaire, concernant une écologie populaire, concrète, au service des Français. Vous parlez de fiscalité, mais ce n’est pas la fiscalité écologique qui changera la vie de nos concitoyens ; ce sont les mesures concrètes du plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), qui a été préparé par la prédécesseure de Mme Barbut et que celle-ci continuera de déployer au service des Français. Je ne suis pas certain qu’en évoquant les modalités de variation de la fortune supposée de Bernard Arnault en un jour, vous fassiez progresser la cause de l’écologie populaire. Votre assemblée devrait, au contraire, formuler des propositions concrètes pour aider les Français à opérer la transition énergétique.

Vous n’avez pas non plus mentionné les mesures concrètes qui figurent dans ce projet de budget : le maintien du fonds Chaleur à un niveau exceptionnel ; le maintien du fonds Barnier à hauteur de 300 millions d’euros, c’est-à-dire au niveau auquel nous l’avions porté, par amendement parlementaire, l’an dernier ; la poursuite du plan Eau, que vous aviez légitimement demandé et qui se concrétise cette année ; le financement d’investissements tels que le supercalculateur de Météo France ; les ressources affectées au Conservatoire du littoral ; la mesure de leasing social voulue par le président de la République à destination des Français les plus modestes ; le recentrage de MaPrimeRénov’ vers les Français les plus vulnérables, dont les factures d’énergie sont particulièrement lourdes ; les crédits du programme en faveur de la biodiversité.

Je souhaite que notre débat porte sur ce projet de budget, et non pas sur des considérations idéologiques très éloignées des préoccupations concrètes des Français.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous examinerons dans les prochains jours un projet de budget consacré à l’environnement que vous qualifiez de stable, madame la ministre, mais qui reste, disons-le, très en deçà des enjeux auxquels nous devons faire face.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudrait presque doubler les investissements publics et privés en faveur du climat d’ici à 2030, pour les faire passer de 103 à 190 milliards d’euros, selon l’Institut de l’économie pour le climat. Or ces investissements stagnent depuis deux ans et, sans un effort public massif, rien ne laisse présager une inversion de la tendance. Ce même institut estime qu’il faudrait mobiliser entre 18 et 52 milliards d’euros publics supplémentaires chaque année, dès maintenant, pour ne serait-ce que respecter notre propre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Certes, les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables passent de 21,9 à 22,9 milliards ; toutefois, cette hausse n’est qu’un effet d’affichage puisque, dans le même temps, la mission Cohésion des territoires, qui finance notamment la rénovation thermique des logements, recule de 1,5 milliard. C’est un contresens absolu face aux enjeux de justice sociale et climatique que nous défendons.

Et que dire du fonds Vert, présenté comme l’outil essentiel de la transition dans les territoires, qui a été progressivement vidé de sa substance ? Doté de 2,5 milliards en 2024, puis de 1,1 milliard en 2025, il ne sera abondé que de 650 millions dans le PLF pour 2026. Vous dites que ce choix n’est pas arbitraire, mais il est en total décalage avec ce que j’observe dans le territoire, à savoir une liste de projets qui n’attendent que des financements, indépendamment du calendrier des élections municipales. Vous rappeliez, madame la ministre, le rôle primordial des territoires dans la transition ; nous avons effectivement besoin d’eux.

En somme, ce budget comporte moins d’actions concrètes en faveur de l’écologie, au moment même où nous avons besoin de résultats tangibles pour contrer les discours climatorelativistes et climatosceptiques que certains continuent de tenir, au mépris de la science, de l’avenir et des générations futures.

Notre groupe formulera des propositions constructives tout au long des débats budgétaires afin de défendre une transition climatique ambitieuse et équitable. Nous espérons que vous vous en saisirez.

Mme Monique Barbut, ministre. J’entends vos inquiétudes. Votre question soulève une autre interrogation, celle de notre conception du rôle de l’État : pour ma part, je ne considère pas qu’il est le financeur de la transition écologique, mais qu’il doit instaurer les lois et les règlements qui permettront à l’économie, dans son ensemble, de suivre les bonnes trajectoires. Or disposons-nous des bonnes politiques publiques pour engager la transformation de la société ? Si l’État devra bien sûr prévoir des accompagnements financiers, il ne me semble pas tout à fait juste de mettre le budget de la transition écologique en contrepoids de celui de mon ministère.

La véritable question est plutôt la suivante : à quoi servira le budget du ministère, et sera-t-il bien employé pour inciter le reste de l’économie à évoluer ? J’attends vos propositions en ce sens, car c’est ainsi que nous progresserons. Les choses avancent mais, je suis d’accord avec vous, nous n’allons pas assez vite. Il faut davantage de réglementation, mais il faut aussi veiller à viser les bonnes cibles. Il ne faudrait pas que les contribuables les plus modestes aient toujours l’impression que les mesures prises dans ce domaine ne conduisent qu’à réduire leur pouvoir d’achat. Nous devrons, à chaque fois, trouver le bon équilibre pour adopter la bonne mesure. Je suis la première à vouloir engager ce débat avec vous, car j’admets ne pas avoir toutes les solutions, et j’attends beaucoup de nos échanges.

Vous avez évoqué la baisse des crédits alloués au fonds Vert. Dans un budget contraint, il faut procéder à des arbitrages ; nous avons considéré qu’il était possible, cette année, d’en diminuer la dotation. Mais, je le répète, comme l’a expliqué le premier ministre, nous proposons, nous débattons et vous votez !

M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous pouvez compter sur nous !

Mme Monique Barbut, ministre. J’appelle aussi votre attention sur le fait qu’il existe un fonds européen, le fonds Leader, qui porte sur les mêmes thématiques que le fonds Vert et est très peu employé par les collectivités. Il reste, par conséquent, un espace budgétaire.

M. Jean-Yves Bony (DR). Dans un contexte de politique générale particulièrement dégradé, qui engendre une confusion toujours un peu plus forte chez nos concitoyens, ces auditions budgétaires doivent être l’occasion, pour le gouvernement, de faire preuve de clarté dans ses intentions pour le pays et les Français.

Ces dernières semaines, on a davantage évoqué les personnes que les idées, les stratégies partisanes que les objectifs publics. La transition écologique fait partie de ces champs de l’action publique qui sont souvent mentionnés dans les débats et dont les Français mesurent l’urgence, sans que l’on sache vraiment, au-delà des discours, ce que l’on souhaite faire concrètement. Or, si le budget est un exercice éminemment technique, il reste la traduction en crédits des politiques publiques que l’on entend mener.

Vous le savez, le groupe Droite républicaine s’est toujours opposé à l’augmentation des taxes et à l’écologie punitive, qui vont souvent de pair et pénalisent presque toujours les mêmes. Nous estimons qu’il faut accompagner plutôt que sanctionner, pour des raisons évidentes de productivité, de compétitivité, de pouvoir d’achat et d’acceptabilité des politiques publiques. La commission des finances vient de supprimer la taxe plastique. Comptez-vous la réintroduire en séance ou estimez-vous, au contraire, pouvoir trouver d’autres pistes de recettes que celles issues de la taxation des entreprises, lesquelles en répercuteront fatalement le coût sur les Français ?

J’aimerais aussi connaître votre appréciation sur la trajectoire énergétique de la France pour les décennies à venir. Notre groupe doute fortement que l’avenir de la politique énergétique française passe par le développement immodéré de l’éolien, pour ne citer que lui. L’heure est plutôt à réparer les dégâts causés par cette fuite en avant, qui a davantage profité aux entreprises chinoises et allemandes qu’aux consommateurs français. Je ne reviendrai pas sur les conséquences désastreuses de l’abandon de la filière nucléaire française, au nom d’une idéologie affranchie de toute réalité économique et écologique, qui a coûté très cher au pays. Notre commission d’enquête a fait la démonstration éclatante de cette faillite.

Enfin, je souhaite saluer, au nom de notre groupe, le maintien du fonds Barnier à son plus haut niveau historique, ainsi que la pérennisation de l’enveloppe de prévention du risque de retrait-gonflement des argiles. Le coût de l’assurabilité des risques climatiques est un enjeu majeur pour l’avenir. Il est certain que notre modèle doit évoluer pour s’adapter à l’augmentation des aléas et des risques naturels. Entendez-vous entreprendre une réflexion en ce sens ? Dans l’affirmative, quelles pistes envisagez-vous pour consolider notre modèle et notre résilience face aux catastrophes naturelles ?

Mme Monique Barbut, ministre. Pour répondre à votre question sur la place des énergies renouvelables, en particulier de l’éolien, dans le mix énergétique, je souligne qu’il est impossible de n’avoir qu’une seule source d’énergie. Le nucléaire ne suffira pas. Pour atteindre la souveraineté énergétique, il faut développer toutes les énergies possibles : le nucléaire, l’éolien, le solaire, l’hydraulique, la géothermie. Il existe de multiples sources d’énergie, sur lesquelles nous devons travailler de concert. Je m’emploierai, dans le temps qui m’est imparti, à faire en sorte que cet équilibre soit respecté. J’entends vos observations sur l’éolien terrestre. C’est vrai qu’il faut également protéger les campagnes et les paysages auxquels les Français sont attachés. Ce sera, j’y insiste, une question d’équilibre et de discussions avec les collectivités locales et les préfectures, afin de déterminer ce qui doit être fait, où et comment.

Je ne pense pas que le budget que nous présentons soit punitif. Nous nous efforçons d’accompagner les Français dans la transition écologique. Vous avez cité le fonds Barnier, mais le fonds Chaleur est aussi très important, tout comme les CEE. Ce budget est véritablement un budget d’accompagnement des collectivités locales – j’en profite d’ailleurs pour saluer le travail remarquable de nos élus, qui sont en première ligne lorsqu’une catastrophe survient comme ce fut le cas cette semaine.

J’assume parfaitement le principe de la taxe plastique. Il faut savoir que la France verse actuellement 1,3 milliard d’euros à l’Union européenne parce qu’elle ne remplit pas ses objectifs de recyclage du plastique et qu’elle est en infraction. La taxe plastique, elle, ne coûte que 30 millions d’euros aux entreprises. Pour moi, le choix budgétaire est clair. Je ne vous rejoindrai donc pas sur cette question, parce que le coût pour l’État est énorme. De plus, il y a des raisons objectives à taxer le plastique. Nous pourrions aussi envisager des solutions nouvelles : je pense notamment à la consigne sur les bouteilles en plastique – j’attends encore quelques consultations avant de prendre une décision à ce sujet.

Mme Marie Pochon (EcoS). L’écologie, « ça commence à bien faire », disait un éminent chef de l’État, condamné depuis pour avoir négocié un pacte corruptif avec un terroriste – mais là n’est pas notre sujet du jour. Dans le chaos politique surjoué au sein du socle commun ces temps-ci, cette citation a tout de même le mérite de constituer un fil rouge, une cohérence, peut-être même un mantra de votre gouvernement, mais aussi du précédent, et du précédent, et du précédent, qui reposent tous sur un socle pas si commun que cela, sauf quand il s’agit de s’attaquer à l’écologie.

Un beau motif d’union sacrée, vous en conviendrez, qui aura conduit ce socle commun à s’obstiner, au mépris de la justice de notre pays, sur le chantier de l’A69 ; à suspendre puis à reprendre, mais avec 0,5 milliard d’euros de crédits en moins, MaPrimeRénov’ ; à passer en force pour réintroduire un néonicotinoïde tueur d’abeilles au mépris des revendications pour le revenu agricole ; à remettre en cause, avec une constance qui force l’admiration, l’agriculture biologique, les énergies renouvelables ou les objectifs climatiques de réduction de l’artificialisation des sols ou de la pollution de l’air.

Tout cela commence à bien faire, parce que, malgré les milliards d’euros que nous auront coûtés les canicules et les feux dans l’Aude cet été, qui s’ajouteront donc aux 40 milliards d’économies qu’il faudra faire pour éponger votre dette – je dis bien « votre » dette –, vous réaffirmez ce même cap dans ce budget.

Tout cela commence à bien faire. Au lieu d’en finir avec les dépenses néfastes au climat et d’enclencher les investissements supplémentaires nécessaires – il faudrait 110 milliards par an de plus d’ici à 2030 –, vous préférez surtaxer l’énergie solaire, réduire le budget du fonds Vert à 650 millions d’euros au lieu des 2,5 milliards annoncés l’an passé – soit une double division par deux en un an, chapeau l’artiste ! –, réduire les crédits nécessaires à la préservation de la biodiversité, aux parcs nationaux et aux réserves naturelles et faire de même, globalement, pour tous les budgets de la transition.

Tout cela n’a rien à voir avec une quelconque volonté populaire : deux Français sur trois estiment que l’État doit intensifier la planification écologique et créer des emplois dans la transition, même si cela implique un cadre plus contraignant ou des coûts supplémentaires.

L’un de vos prédécesseurs déclarait, en 2023, qu’il fallait modéliser un scénario à + 4 degrés de réchauffement climatique, alarmant sur la nécessité de se préparer. Deux ans plus tard, vous faites comme si la simple reconnaissance du danger suffisait à le conjurer, et tout cela commence sérieusement à bien faire !

On ne peut pas, madame la ministre, signer d’une main l’accord de Paris et, de l’autre, en effacer les lignes dans le budget de la nation. Je sais bien que vous n’êtes pas personnellement responsable de tout ce que je viens d’énoncer. Toutefois, à partir de maintenant, vous serez responsable de chaque ligne budgétaire sur la préservation d’un vivant qui s’effondre, sur les mobilités durables ou les polluants éternels, de chaque recul sur la dignité des plus précaires face aux impacts de l’inaction climatique, de chaque poste en moins à l’ONF, dans les parcs naturels et dans les collectivités en charge de la transition. Vous serez responsable, enfin, de chaque vie abîmée par notre inaction, de chaque avenir amputé pour les plus jeunes. Ma question est donc simple : comment comptez-vous être responsable de tout cela ?

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Les ambitions écologiques du gouvernement restent intactes. C’est d’ailleurs à l’initiative du président de la République que des victoires ont été obtenues, telles que l’adoption du traité sur la haute mer, auquel vous n’avez pas fait allusion.

Vous avez une position assez contradictoire : nous aurions pu discuter de ce budget ligne par ligne, mais vous avez souhaité censurer le gouvernement ab initio. C’est donc que vous ne souhaitez pas véritablement entrer dans cette discussion.

Il n’y a pas de réduction des crédits alloués à MaPrimeRénov’ ; simplement, nous opérons un basculement d’une partie du financement vers les certificats d’économie d’énergie – l’ambition reste donc intacte. En ce qui concerne les parcs nationaux, il n’y a pas, sauf erreur, un euro en moins, pas plus que de suppression de postes. En matière de biodiversité, les crédits sont en hausse de plus de 55 % par rapport à 2022. Enfin, s’agissant de l’artificialisation des sols, l’ambition du gouvernement est, là encore, intacte, même si nous devons dialoguer avec les collectivités territoriales et les parties prenantes – notre ambition n’est pas de créer une écologie descendante ni punitive.

La charge des intérêts de la dette française pourrait atteindre 100 milliards d’euros en 2029 – quelles que soient les responsabilités passées, et j’y prends à titre personnel toute ma part. Par conséquent, soit on considère que cet argent serait plus utile pour financer la transition énergétique, qui est un enjeu collectif, soit on accepte qu’il aille dans la poche des fonds de pension qui nous financent. Nous avons tout intérêt à respecter nos engagements européens et à dépenser moins d’argent pour rembourser nos créanciers et un peu plus en faveur de la transition écologique.

Permettez-moi de répondre également à Mme Stambach-Terrenoir sur le projet de décret relatif aux espèces protégées, qui a pour objet de traduire dans le droit français le déclassement du loup, intervenu au niveau européen. Ce décret n’a pas encore été publié, puisqu’il a été soumis à la consultation publique avant d’être transmis au Conseil d’État. Je tiens néanmoins à vous rassurer : le statut d’espèce protégée demeure. Il ne s’agit en aucun cas d’éradiquer le loup ni de donner un permis de tuer. Le gouvernement assume de tenir une position d’équilibre entre la défense des agriculteurs et la préservation de l’espèce.

M. Hubert Ott (Dem). Les affections chroniques, les fragilités immunitaires et les maladies dégénératives sont en constante augmentation au sein des populations humaines, sans oublier les cancers, dont certains s’apparentent à de véritables épidémies qui attaquent l’être humain de plus en plus tôt dans la vie.

Parallèlement, dans le monde naturel qui nous entoure, nous assistons à un véritable effondrement du vivant, à une extinction de masse qui ne dit pas son nom et qui est en train de se produire dans un silence assourdissant. Incontestablement, certains, parmi nous, sont plus sensibles que d’autres à ce drame, mais nous serons tous, sans exception, sévèrement sanctionnés par les conséquences de cette dévastation infligée à la biodiversité.

La majorité de nos concitoyens conscientisent encore insuffisamment le fait que nous sommes avant tout des êtres vivants et qu’en tant que tels, nous n’avons aucune autonomie. Car le vivant, par essence, est une imbrication d’espèces, dans une imbrication de milieux et une imbrication d’écosystèmes. Seul, l’homme n’a qu’un destin : la mort.

Le XXIe siècle doit donc devenir le siècle d’un réveil, d’une réaction et d’une ferme décision collective de restaurer les conditions propices au maintien du vivant sous toutes ses formes, d’intégrer cette priorité dans tout nouveau déploiement d’activités humaines. Mon tempérament optimiste me permet d’affirmer qu’il n’y a rien d’impossible à cela.

La première des conditions, une fois que l’on a clos tout débat contradictoire face à l’absolue nécessité de protéger le vivant, est d’arrêter d’opposer la protection de l’environnement au déploiement des activités humaines. Désormais, il ne sera plus acceptable de devoir choisir entre la préservation de la nature et l’agriculture ou la pêche, l’industrie, le développement de l’urbanisation ou encore le déploiement des voies de circulation. Chacune de ces préoccupations d’être humain devra initialement comporter la part qui lui revient de protection des milieux naturels et des ressources vitales. Le temps est venu d’une écologie qui rassemble, car ce patrimoine vivant commun doit impérativement être respecté si l’on veut donner de l’avenir à l’humanité. Il n’y a dans ce domaine rien de négociable.

Les moyens dont nous disposons – technologiques, numériques ou génétiques – nous permettent d’anticiper les hypothèses d’interactions pouvant se produire entre les artificialisations dans lesquelles nous nous projetons et l’irremplaçable monde naturel. C’est cette capacité d’expertise qu’il faudra mobiliser pour corriger à l’avance le projet, afin qu’il soit pleinement compatible avec le respect de la vie, sous toutes ses formes. Si nous réussissons collectivement cette révolution culturelle, non seulement nous cesserons de nous diviser inutilement, mais surtout nous construirons enfin un avenir durable.

Permettez-moi de vous féliciter, madame la ministre, pour votre nomination qui comporte une charge symbolique forte, car il n’échappe à personne que l’ONG dont vous étiez la présidente, le WWF, incarne depuis des décennies la volonté humaine de préserver la nature. Avec quel état d’esprit et quelle ambition chevillée au corps, vous qui venez de la société civile, envisagez-vous de relever ce défi pour la protection du vivant dans l’exercice de votre autorité ministérielle ?

Mme Monique Barbut, ministre. Permettez-moi auparavant de répondre à Mme Pochon. Pour le moment, le budget que je présente, et qui n’a été élaboré par aucun de nous trois, est un rêve en noir et blanc – il n’est pas si mauvais, compte tenu de la situation budgétaire. Maintenant, comme l’a dit le Premier ministre, c’est à vous de faire en sorte que ce rêve soit en couleur ! Nous sommes prêts à travailler avec vous pour intégrer dans ce budget d’autres ambitions, que je sais partagées – même si chacun respecte son angle politique, le sujet ne laisse personne indifférent. Et si nous parvenons à construire ensemble quelque chose de mieux, je serai la première ravie !

Vous avez évoqué, monsieur Ott, la question du vivant et la manière dont l’homme appréhende son environnement. Il est clair que le lien entre les deux est très distendu. Lors de fonctions passées, j’ai contribué à une enquête réalisée auprès d’enfants scolarisés à l’école primaire, en Angleterre : alors que nous leur avions demandé de dessiner des poissons, à peu près 40 % d’entre eux avaient tracé un carré.

Il faut en finir avec les concepts vagues et engager des actions concrètes : restaurer les zones humides, planter des arbres pour absorber le CO2, améliorer la biodiversité, replanter des mangroves – un mot que je n’entends plus guère – pour protéger les côtes des tempêtes et des inondations. Certaines actions nous permettront de renforcer l’adaptation de nos territoires au dérèglement climatique.

C’est aussi dans cette optique que le fonds Vert soutiendra, en 2026, des actions du plan national d’adaptation au changement climatique, avec une priorité réaffirmée pour le recyclage des friches, la rénovation énergétique, la renaturation des villes, la gestion du recul de trait de côte et la prévention des risques. C’est dans cette logique, et en espérant recréer une partie du lien, que nous avons voulu maintenir le fonds Barnier à un niveau très élevé.

Nous pourrions aussi évoquer le travail réalisé par le réseau gestionnaire des parcs nationaux de France, qui est financé depuis 2018, indirectement, par les redevances des agences de l’eau. La dotation en faveur des parcs naturels a été augmentée dans le budget 2026, pour atteindre désormais 75 millions d’euros.

Oui, la préservation du vivant est notre boussole, et elle doit le rester. Je pense également au plan national de restauration de la nature, qui nous permettra, je l’espère, de mobiliser largement autour de ces thèmes, et à la stratégie nationale pour la biodiversité, qui entre progressivement en application. C’est grâce à ces instruments et autour de ces enjeux essentiels que nous construirons une politique de l’écologie compréhensible par tous.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). La situation que nous traversons est marquée par des crises qui s’entrechoquent et s’amplifient : tensions géopolitiques, défis sanitaires, crises climatiques, effondrement de la biodiversité et inégalités sociales. Dans cette situation sans précédent, votre rôle est central, madame la ministre, puisqu’il ne s’agit pas seulement de gérer les urgences, mais bien de tracer un chemin vers un avenir durable, résilient et équitable. La transition, j’en suis convaincue comme vous, n’est pas une option, mais une nécessité. Elle doit s’engager dans le temps long et de façon ambitieuse. Vous l’avez dit lors de vos précédentes fonctions, il faut un nouveau souffle autour de l’écologie et ne pas sacrifier les avancées environnementales par le recul de nos ambitions et de nos objectifs en faveur du climat. La signature de l’accord de Paris sur le climat, il y a dix ans, prouve que la France est depuis longtemps moteur d’une transition écologique vertueuse et juste.

Il nous appartient désormais de montrer que cette transition peut être juste, qu’elle peut concilier protection des santés, innovation et croissance économique, progrès social et bien-être des êtres vivants. Le dernier rapport du Giec et l’ensemble des actions menées en faveur du climat et de la biodiversité sont les investissements de demain et autant de coûts évités plus tard. La transition doit prendre en compte les dimensions sociale, économique et environnementale, en veillant à ce que les plus vulnérables soient accompagnés. Il nous faut aussi prendre en considération la part importante que jouent les animaux et les écosystèmes dans notre équilibre – la covid a parfaitement montré que les santés sont interconnectées.

L’approche intégrée « Une seule santé », One Health, est le meilleur levier d’une action publique novatrice et ambitieuse. Vous connaissez les travaux menés par les organisations internationales dans ce domaine, notamment par l’Alliance quadripartite, qui rappelle que la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes sont indissociables. Intégrer cette approche dans toutes les politiques publiques, c’est agir pour la prévention, la résilience et la durabilité. De fait, la transition écologique ne peut réussir sans une coopération renforcée à l’échelle européenne et internationale, ni sans une adhésion de tous nos concitoyens.

Le rapport « Transition(s) 2050 » de la précieuse Ademe confirme l’impérieuse nécessité de renforcer les alliances, de standardiser nos fonctionnements et de partager les innovations. Il est tout aussi essentiel de s’appuyer sur les acteurs de terrain – entreprises, associations, élus, citoyens –, qui regorgent d’innovations et de solutions concrètes adaptées aux réalités locales. Investir dans la prévention, la résilience des écosystèmes et la santé-environnement, c’est préparer les économies de demain. Chaque euro dépensé aujourd’hui pour la transition écologique évite d’en dépenser dix demain en coûts sanitaires, sociaux et environnementaux – l’OCDE le confirme. Il est temps de faire de la transition écologique la politique faîtière, le fil rouge de toutes nos décisions publiques.

Ce plaidoyer un peu long – je vous l’accorde – n’est ni de droite, ni de gauche, ni écologique, ni décroissant : il est responsable. C’est un appel à une mobilisation collective ; il faut sensibiliser, innover et agir.

Quelles sont vos orientations, madame la ministre, dans cet immense chantier qui nous attend ? Seriez-vous prête à faire de l’approche « Une seule santé » une grande cause nationale de l’année 2026 et à travailler à un nouveau contrat social et écologique ?

Mme Monique Barbut, ministre. Je partage ce plaidoyer à titre personnel et j’y retrouve nombre de sujets sur lesquels j’ai travaillé par le passé. Avant d’accéder à mes fonctions actuelles, j’avais d’ailleurs accepté de prendre la parole à la conférence One Health qui se tiendra à Lyon la semaine prochaine – je ne sais pas si je pourrai le faire. C’est bien la preuve que cette thématique m’intéresse.

L’approche santé est mal comprise, mal cernée et très peu documentée. Deux de mes enfants sont médecins ; quand je parle avec eux, je constate qu’ils ne voient pas encore comment ils peuvent s’en saisir pour poser un diagnostic face à un patient dans un cabinet médical.

Nous devrons approfondir ces questions. Vous connaissez comme moi les controverses et les discussions qui ont cours au sujet des PFAS et des pesticides. Il faut approfondir les recherches sur un ensemble de polluants, car pour le moment, leur lien de cause à effet véritable et direct avec le développement de certains cancers n’est pas formellement démontré.

Quant à savoir si je serais favorable à ériger la santé-environnement en grande cause nationale, la réponse est oui ; cela me plairait beaucoup. Il faudrait trouver les bonnes entrées et les bons acteurs pour nous aider à monter une telle opération. Pour vous donner un exemple, j’avais espéré, au moment du covid, que l’on commencerait à comprendre le danger de toucher aux espèces sauvages. Je ne m’explique pas que l’on n’en ait pas davantage parlé. En effet, tous les virus que nous avons connus depuis vingt-cinq ans, sans exception, résultent du même processus : animal sauvage, transmission à l’animal domestique puis à l’homme. Il n’y a pas de transmission directe de l’animal sauvage à l’homme.

Nous avons eu de la chance jusqu’à présent, car nous avons été capables de soigner et de trouver des traitements. Mais ne pas prendre des politiques très strictes concernant la faune sauvage, c’est faire courir un risque sanitaire majeur à la planète.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Pascal Markowsky (RN). Une nouvelle fois, les pêcheurs se voient imposer par Bruxelles une fermeture brutale du golfe de Gascogne cet hiver, dans l’indifférence totale du gouvernement. Vous sacrifiez des familles entières et l’économie du littoral par idéologie, en vous fondant sur un modèle contestable : ce sont plus de 300 navires cloués au port, des millions d’euros de pertes et un avenir sombre pour des jeunes passionnés mais privés de perspectives, alors qu’aucune certitude scientifique ne le justifie. Le Sénat, dans son rapport d’avril 2025, reconnaît que ces fermetures inadaptées fragilisent lourdement la filière. La mortalité des cétacés a des causes multiples, et vous transformez la pêche artisanale en bouc émissaire. La filière nous alerte : si rien n’est fait, une nouvelle fermeture se profilera en 2027.

Je le dis avec force : les pêcheurs n’acceptent plus que Bruxelles dicte sa loi pendant que votre gouvernement reste béat. Allez-vous continuer à subir les directives de Bruxelles au mépris de l’intérêt de notre pêche artisanale ?

M. Didier Le Gac (EPR). Je tenais absolument à être présent ce matin pour saluer le rétablissement d’un ministère de la mer, incarné par la grande navigatrice qu’est Catherine Chabaud. La France, qui possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde et l’un des plus grands domaines maritimes, se devait de consacrer un ministère à la mer.

Nous nous étonnons de ne pas voir figurer dans le PLF de ligne concernant le système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, dit ETS, en vertu duquel les recettes des taxes sur les compagnies possédant des navires peuvent être fléchées vers des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Comité interministériel de la mer (Cimer) avait annoncé que 90 millions d’euros seraient fléchés de la sorte, ce que le président de la République a confirmé lors de l’Unoc. Pourtant, nous ne trouvons rien de cela dans le PLF. Qu’en est-il ? Que pouvez-vous nous dire pour rassurer les armateurs de France ?

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Je dois vous avouer que je ne vous connaissais pas, madame la ministre. J’ai donc fait quelques recherches et il faut reconnaître que sur le papier, votre CV a l’air qualitatif ; mais quand on gratte un peu, on voit qu’il y a pas mal de greenwashing. C’est sans doute pour cela que vous trouvez ce budget « pas si mal que ça ». Il manque pourtant grandement d’ambition au vu des urgences actuelles, qui ont des conséquences concrètes sur la vie quotidienne : dans ma circonscription, des gens ne peuvent plus boire l’eau parce qu’elle contient du perchlorate, et ils meurent prématurément à cause de la pollution sonore de l’aéroport Charles-de-Gaulle et des déchets nucléaires du fort de Vaujours. Je me demande finalement ce que vous faites là. Est-ce juste pour faire du greenwashing ? Voulez-vous mettre à profit vos compétences pour l’intérêt général, ou comptez-vous être une caution écologique de plus ?

Mme Chantal Jourdan (SOC). Vous avez parlé de mobiliser des crédits européens pour financer la transition énergétique et écologique. De fait, il nous appartient de saisir le fonds social pour le climat – nous avions interrogé votre prédécesseure à ce sujet, sans obtenir de réponse.

La France a l’occasion de présenter un plan national au niveau européen, qui lui permettrait de saisir 7 milliards d’euros pour les six années à venir. Où en est ce plan, qui devrait toucher aux nombreux domaines que vous avez cités ? Quelles actions et concertations envisagez-vous de mener dans ce cadre ? Quelles articulations vous paraissent utiles pour coordonner les visions française et européenne ?

M. Vincent Descoeur (DR). Nous sommes tous ici très attentifs aux moyens consacrés à l’immense défi que représente la rénovation thermique des bâtiments. Le rapport que Marjolaine Meynier-Millefert et moi-même y avons consacré pointait déjà l’inadéquation entre les ambitions affichées et les crédits susceptibles d’être mobilisés.

Des échos faisant état de nouvelles modifications des aides à la rénovation thermique nous parviennent régulièrement, ce qui ne contribue pas à la lisibilité d’un dispositif dont la mise en pause a déjà suscité le trouble. Quelles orientations comptez-vous lui donner ? Et parce que les périodes de forte chaleur créent désormais au moins autant d’inconfort que le froid, prévoyez-vous de rendre éligibles certains travaux de protection contre les fortes températures, dont le coût peut d’ailleurs s’avérer très modeste au regard des résultats ?

M. Nicolas Thierry (EcoS). L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié avant-hier un rapport inédit et alarmant sur l’omniprésence des PFAS dans l’air, les sols, l’eau, l’alimentation et la plupart des produits du quotidien. Plus de 2 millions de données ont été compilées, et la première recommandation est sans ambiguïté : couper d’urgence le robinet de la pollution. Il serait d’ailleurs intéressant, madame la présidente, que notre commission auditionne les auteurs de ce rapport qui était tant attendu.

Une loi contre les PFAS a été adoptée à une large majorité en février 2025. Elle prévoit une taxe pollueur-payeur qui ne vise ni les PME ni les entreprises locales, mais une poignée de multinationales de la chimie qui produisent des PFAS et souillent notre environnement par leurs rejets depuis des années. J’apprends que cette taxe destinée à aider les communes à financer la dépollution de leurs eaux serait reportée à 2027. C’est incompréhensible ! Quelles raisons expliquent de telles tergiversations ?

M. Lionel Causse (EPR). Depuis 2022, à la suite d’une décision du Conseil d’État, nos chasses, en particulier traditionnelles, sont attaquées. Il a été demandé aux fédérations de prendre des décisions importantes relatives à la sélectivité de ces pratiques. Les expérimentations que mènent depuis deux ans les fédérations départementales des chasseurs des Landes et des Pyrénées-Atlantiques ont démontré qu’à plus de 99 %, la sélectivité était efficace et opérationnelle. S’agissant de la chasse à l’alouette des champs à l’aide de pantes, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a démontré que cette espèce avait un très bon statut de conservation. Pourtant, le 24 septembre, le Conseil d’État a une fois de plus attaqué ce mode de chasse en suspendant un arrêté ministériel qui l’autorisait. Face à l’incompréhension voire à la colère de nos chasseurs dans les territoires ruraux, quelles suites comptez-vous donner pour garantir la poursuite de ces chasses traditionnelles, qui n’ont pas d’impact et sont reconnues par tout le monde ?

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). En juillet 2024, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommandait d’abaisser la limite de qualité de l’eau à 0,02 microgramme par litre pour la somme des concentrations des quatre PFAS les plus préoccupants. Pourtant, l’instruction publiée en février 2025 n’a pas repris ces recommandations et a maintenu des seuils moins protecteurs.

Dans le même temps, l’Anses appelle à intégrer le TFA (acide trifluoroacétique) à la liste des PFAS à surveiller, signalant qu’il est fréquemment détecté dans l’eau et même dans le sang humain. Le TFA illustre le problème des métabolites dits non pertinents, considérés comme non dangereux et exclus des limites de qualité de l’eau potable. Ils ne déclenchent plus d’alertes sanitaires et ne font plus l’objet que d’une valeur indicative dont le dépassement n’emporte pas de conséquence. Pourtant, si certains de ces métabolites, dont le TFA, étaient classés pertinents, près de 16 % des réseaux d’eau seraient non conformes. Comptez-vous changer la doctrine du gouvernement s’agissant des recommandations sanitaires, afin de protéger la population ?

M. Jean-Yves Bony (DR). Vous avez fait l’apologie d’un mix énergétique diversifié, madame la ministre. Dès lors, comment expliquez-vous que le PLF prévoie d’augmenter les taxes pesant sur la filière photovoltaïque et de diminuer les avantages dont elle bénéficie ?

Mme Véronique Riotton (EPR). Le plan Plastique constitue une étape essentielle de la trajectoire fixée par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi Agec) et de la planification écologique. Je rappelle les objectifs : réduction de 20 % des emballages plastiques mis sur le marché et recyclage effectif de 100 % des emballages. La publication de ce plan est attendue, car elle doit donner de la visibilité aux entreprises et aux filières à responsabilité élargie du producteur (REP) pour leurs investissements. À quel horizon interviendra-t-elle ? Dans le contexte actuel de finances contraintes, comment ce plan s’articulera-t-il avec le fonds Économie circulaire, dont la dotation passera de 170 à 100 millions d’euros ? Je soumettrai une proposition de recettes dans un amendement visant à porter de 5 % à 20 % le taux de TVA applicable aux bouteilles à usage unique. Selon la revue de dépenses de l’Inspection générale des finances (IGF), cette mesure représenterait 300 millions d’euros. Je compte sur vous pour soutenir cette proposition.

Mme Nathalie Coggia (EPR). Le défi de la transition écologique dépasse nos frontières : la France partage des enjeux avec le sud de l’Europe, en particulier l’Espagne et le Portugal. Nos trois pays sont confrontés à des défis similaires en matière de gestion de l’eau face à la sécheresse, de mobilité décarbonée ou encore de développement des énergies neutres en carbone.

Quels pourraient être les principaux axes d’une coopération renforcée ? Je pense en particulier à la gestion durable de l’eau, ressource dont la rareté induit des tensions entre les usages agricoles, touristiques et citoyens ; au déploiement de véhicules électriques, face à une Allemagne qui souhaite sans cesse repousser l’interdiction de vendre des véhicules à moteur thermique ; ou encore aux infrastructures énergétiques, en tirant les leçons de la panne espagnole du printemps dernier.

Comment encourager l’Espagne à ne pas abandonner complètement le nucléaire, dans son propre intérêt et pour le bien du réseau énergétique européen ?

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Chaque année, plus de 30 % des ruchers en moyenne sont détruits par la prédation du frelon asiatique. Ce taux dépasse 70 % dans certaines régions, mettant en péril l’équilibre apicole et la biodiversité locale et entraînant un découragement sans précédent chez les apiculteurs, qui voient leurs populations d’abeilles décimées.

Face à ce fléau, le Parlement a adopté en mars 2025 une loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière économique apicole ; la loi a été promulguée dans la foulée. Pourtant, sept mois plus tard, les décrets d’application brillent par leur absence, dans l’incompréhension et au désespoir des apiculteurs. Ce délai est inadmissible pour eux qui subissent cette année encore la pression du frelon asiatique, sans aucune aide ni perspective de plan national de lutte coordonné et efficace – plan pourtant prévu par la loi. Chaque jour qui passe en l’absence de décret d’application est un désaveu de l’urgence, que le gouvernement avait pourtant reconnue devant le Parlement. Il est urgent d’agir. Quand ces décrets seront-ils publiés, accompagnés des financements promis ?

Mme Sylvie Bonnet (DR). Comment le gouvernement justifie-t-il la possible réduction de 50 % des crédits du programme 149, alors que la filière bois est stratégique pour la transition écologique ? Comment les crédits alloués à la planification écologique soutiennent-ils concrètement les scieries et les entreprises de transformation du bois dans les territoires ruraux ?

Mme Sophie Panonacle (EPR). En qualité de présidente du bureau du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) et du Comité national du trait de côte (CNTC), dans un contexte où tout est fragile et incertain, j’aborderai un seul sujet : l’érosion côtière.

Vous avez sans doute suivi les travaux de la commission des finances et donc pris connaissance de la volonté de mes collègues de répondre à l’attente des maires des communes littorales et de leurs habitants dans l’Hexagone, en Corse et dans les outre-mer.

Vous avez souligné que les communes devaient être aidées pour s’adapter au changement climatique, mais vous n’avez pas cité les communes littorales. Pour relever ce défi majeur, elles ne bénéficient d’aucun fonds basé sur la solidarité nationale. Afin d’y remédier, un amendement prévoyant un prélèvement de 1 % sur les plateformes de locations de courte durée a été adopté. Ces recettes abonderont le nouveau fonds Érosion côtière que nous devrions créer dans la seconde partie du PLF.

Pouvez-vous me confirmer votre soutien et celui du gouvernement afin que ce dispositif et son financement soient définitivement inscrits dans la loi de finance pour 2026 ? Nos élus sont engagés mais inquiets tant ils subissent un manque de considération depuis des années. Seuls, ils ne pourront pas faire face. Or le coût de l’inaction sera bien plus élevé.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Je me permets d’insister, car vous n’avez pas complètement répondu à ma question. Un décret gravissime, actuellement sur la table, vise à conditionner la protection des espèces à leur coexistence avec les activités économiques. Tout le monde comprend que cela revient à abandonner les espèces protégées aux lois du marché.

La notice explicative du décret est trompeuse, car elle laisse entendre – comme vous le prétendez aussi, monsieur le ministre délégué – qu’il s’agit seulement d’inscrire dans les textes le déclassement du statut de protection du loup prévu par la directive « habitats », ce qui est déjà une très mauvaise nouvelle. Or la directive n’est pas mentionnée à l’article où serait insérée la disposition. Toutes les espèces protégées seront donc concernées.

Le décret a bien été soumis à consultation publique, comme l’exige toute modification du code de l’environnement, mais ce n’est qu’une formalité. Le gouvernement n’est pas obligé de suivre les résultats des consultations, et bien souvent il s’assoit dessus, surtout quand il s’agit d’environnement. En l’occurrence, 95 % des contributions sont défavorables et les associations de protection de la nature sont vent debout. Malgré cela, allez-vous, oui ou non, publier ce décret ?

M. Emmanuel Blairy (RN). Je souhaite vous parler des douze dauphins et des deux orques qui sont en captivité dans les bassins fort dégradés d’Antibes. Est-il possible d’accélérer les négociations avec l’Espagne, qui pourrait accueillir ces orques ? Qu’en est-il des douze dauphins ? Nous demandons le lancement d’une procédure d’urgence environnementale. Que comptez-vous faire, concrètement ?

M. Fabrice Roussel (SOC). La semaine dernière, l’Organisation maritime internationale (OMI) a décidé de reporter d’un an l’adoption du mécanisme mondial de tarification du carbone pour le transport maritime. Cette mesure, prévue pour 2027, devait instaurer une contribution universelle sur les émissions des navires de plus de 5 000 tonnes. Ce report est évidemment dommageable, sachant que le transport maritime représente à lui seul près de 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

La transition vers des carburants alternatifs et des technologies plus propres est urgente et incontournable. Lors du dernier comité interministériel de la mer, le Premier ministre a rappelé l’importance d’un fléchage clair des fonds issus du système communautaire d’échange de quotas d’émission, estimé à 90 millions d’euros, vers un fonds pour la décarbonation. Cette initiative est attendue par la filière, qui est particulièrement engagée et innovante – le plus gros cargo à voile du monde a été inauguré il y a quelques jours. Quand ce dispositif verra-t-il enfin le jour ?

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je propose que nous nous rencontrions, madame la ministre, pour vous présenter le groupe santé-environnement, où sont représentés tous les secteurs économiques, associatifs et autres. En son sein, un comité d’animation des territoires œuvre au plus près des élus locaux pour promouvoir la santé-environnement et faire remonter les initiatives intéressantes. Le groupe réalise des travaux considérables et pourrait être envisagé comme un support important de vos actions. Avec quinze ministères et trente directions, nous devons plus que jamais travailler de façon transversale et abattre les silos. Je suis donc à votre disposition.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. En tant qu’ancienne présidente du groupe de travail « Une seule santé », je ne peux qu’appuyer votre demande.

M. Sébastien Humbert (RN). Ce matin, nous avons entendu s’exprimer à plusieurs reprises la volonté de taxer plus fortement les bouteilles d’eau en plastique, en portant leur taux de TVA de 5,5 % à 20 %. Ce serait envoyer un très mauvais signal, car cela porterait atteinte à la compétitivité de nos usines d’embouteillage. Ma circonscription, dans la plaine des Vosges, abrite les activités d’embouteillage des eaux de Vittel et Contrex. La surtaxe sur les eaux minérales abonde le budget de ces deux villes de plusieurs millions d’euros, les meilleures années. Il serait très malvenu qu’une taxe supplémentaire affecte le pouvoir d’achat des Français et réduise leur consommation de ce produit de première nécessité. Arrêtez de tout vouloir taxer, car il y va aussi des emplois locaux.

Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. Je voudrais d’abord vous dire ma fierté que la France se soit dotée d’un ministère de la mer et de la pêche.

J’en viens à vos questions, à commencer par celle de M. Markowsky. Les captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne constituent un risque pour la conservation de l’espèce. Les données des scientifiques le disent et justifient les décisions du gouvernement visant à réduire la mortalité de ces cétacés : un plan a été lancé en septembre 2022 pour réduire ces captures accidentelles ; une expérimentation à grande échelle de dispositifs techniques de réduction des captures est menée, parallèlement au renforcement des observations et des études.

Ce plan a été renforcé en 2024 par la décision de fermer le golfe de Gascogne pendant un mois, l’hiver, durant la période 2024-2026. Cela induit effectivement une pression supplémentaire pour les pêcheurs, mais ils sont soutenus par le gouvernement. Le PLF pour 2026 prévoit une enveloppe de 21 millions d’euros pour soutenir le secteur.

Les premiers résultats de la fermeture du golfe de Gascogne en 2024 sont très encourageants : la mortalité par capture du dauphin commun a diminué significativement, de l’ordre de 76 %, par rapport aux années antérieures. Un rapport de l’observatoire Pelagis sera d’ailleurs publié prochainement.

Plus largement, les secteurs de la plaisance et du transport maritime se mobilisent. En effet, les pêcheurs ne sont pas les seuls à être confrontés à des captures accidentelles : les coureurs au large et les navires de transport peuvent aussi entrer en collision avec des cétacés. Ces secteurs travaillent ensemble depuis plusieurs années – j’y ai moi-même participé et j’y serai très attentive dans les mois à venir.

Concernant l’ETS, messieurs Le Gac et Roussel, le transport maritime est inclus depuis 2024 dans le marché du carbone européen. Cette extension visait à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur, qui représente près de 3 % des émissions mondiales – je me suis beaucoup investie dans ce sujet quand j’étais députée européenne. Historiquement, les secteurs assujettis au marché du carbone – aviation, production d’électricité, industrie lourde – n’ont pas bénéficié directement des recettes afférentes. Il a cependant été décidé lors du comité interministériel de la mer de mai 2025, présidé par le Premier ministre, qu’une partie des revenus de l’ETS maritime serait mobilisée pour la décarbonation du secteur à hauteur des montants collectés au titre de l’année passée – soit une enveloppe de 90 millions d’euros pouvant être valorisée pour 2026.

Mon ministère est très attentif à ce dossier. J’ai vu que plusieurs amendements avaient été déposés sur la question. Le débat doit avoir lieu dans les prochains jours, et je suivrai avec beaucoup d’attention ce sujet essentiel pour la compétitivité du secteur, et plus largement pour la décarbonation du transport maritime et la promotion du transport vélique.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Le projet de budget est un point de départ ; il vous appartient de l’amender, conformément aux modalités de débat formulées par le Premier ministre, dans le respect des engagements financiers de notre pays.

Madame Jourdan, les travaux relatifs au fonds social pour le climat sont en cours, dans le cadre de la transposition de la directive étendant l’ETS. La France a demandé des garanties supplémentaires à l’Europe, et la ministre sera évidemment très vigilante à l’accompagnement des plus précaires dans la transition écologique. Ce dossier est une des priorités du ministère.

Monsieur Descoeur, le confort d’été est déjà intégré dans les aides à la rénovation thermique hors MaPrimeRénov’. S’agissant de cette dernière, de nouvelles pistes sont à l’étude pour faire face aux canicules, comme des incitations financières à l’installation de réseaux de froid. Quelque 290 000 rénovations sont prévues l’an prochain dans le cadre de MaPrimeRénov’, dont les crédits sont stables – le budget 2026 de l’Anah, qui pilote le dispositif, est maintenu à 4,6 milliards d’euros. S’y ajouteront 145 000 gestes et autant de rénovations d’ampleur. Les aides aux rénovations d’ampleur se recentreront sur les logements prioritaires, tandis que les aides aux rénovations par geste cibleront en priorité la décarbonation.

Pour ce qui est des PFAS, monsieur Thierry, le gouvernement a la volonté et l’ambition d’appliquer la redevance la plus ambitieuse possible et la plus conforme à l’intention du législateur – le tout, le plus rapidement possible. Le texte que votre assemblée a adopté à l’unanimité nécessite une petite correction pour bien couvrir l’ensemble des pollueurs ; il sera peut-être possible d’y procéder par amendement. Le gouvernement est là pour vous aider dans cette rédaction, dans le respect des principes que j’ai évoqués et que, me semble-t-il, vous partagez.

Monsieur Amard, le problème que vous soulevez est très grave et très sérieux – je vous l’ai dit lors des questions au gouvernement. Je ne voudrais pas laisser penser que le gouvernement laisserait faire ou aurait des standards inférieurs à ceux que recommande la science. Le gouvernement se conforme strictement aux recommandations scientifiques, et toutes les mesures conservatoires nécessaires sont prises au niveau local. Quand l’eau n’est plus potable, madame Soudais, les préfets et les agences régionales de santé (ARS) prennent des décisions en conséquence. Nous pouvons progresser ; faisons-le de concert, mais de grâce, ne laissez pas les Français penser que le gouvernement n’agit pas pour préserver leur santé.

Monsieur Causse, je connais votre attachement aux pratiques de la chasse, singulièrement dans votre territoire des Landes. Comme vous le savez, le Conseil d’État a pris une décision ; les fédérations de chasseurs ont pu faire valoir leurs arguments en matière de sélectivité des espèces. Étant donné que ces chasses sont traditionnelles et qu’elles ne mettent pas en danger des espèces en voie d’extinction, plusieurs options sont sur la table pour le gouvernement : soit une action préjudicielle pour définir la notion « d’autres solutions satisfaisantes » que la chasse au filet, soit une révision de la directive « oiseaux », avec tout le soutien international que cela impose. Le gouvernement est mobilisé pour que cet art de vivre soit préservé dans nos campagnes.

Monsieur Bony, le responsable des crédits alloués au photovoltaïque est Roland Lescure. La nouvelle imposition forfaitaire prévue par le PLF pour 2026 sera temporaire et ne s’appliquera qu’aux nouvelles installations. Libre au Parlement de faire évoluer le mécanisme par amendement.

Madame Riotton, je connais votre engagement contre l’usage du plastique. La France n’est pas à la hauteur des objectifs qui lui sont assignés ; elle est même à la traîne par rapport à ses partenaires européens, puisque son taux de recyclage du plastique est inférieur de 20 à 30 points à celui de ses voisins. La France s’acquitte de pénalités supérieures à 1,5 milliard d’euros auprès de l’Union européenne en raison du non-respect de ses engagements en la matière. Nos prédécesseurs ont pourtant déployé un plan Plastique, et de nombreuses actions ont été instruites. Parmi les premières d’entre elles figure l’ouverture, par un décret qui sera signé dans les prochains jours, d’une filière REP sur les emballages professionnels. Les dispositions relatives à la consigne du plastique nécessitent des consultations préalables, évoquées par Mme la ministre. Ces actions devront ne porter aucun préjudice aux collectivités locales. Enfin, l’article 21 du PLF instaure une taxe sur les emballages en plastique, laquelle ne frappera pas le consommateur final, monsieur Humbert, mais l’acteur qui place le produit sur le marché, répondant ainsi pleinement au principe pollueur-payeur. Dans le droit actuel, ce sont plutôt les collectivités qui sont pénalisées par la fiscalité : cette situation peut avoir un impact sur le contribuable.

Madame Panonacle, je sais que le sujet du recul du trait de côte, extrêmement important, vous tient à cœur. Le PLF ne contient pas de disposition dans ce domaine, mais le texte peut évoluer. Plusieurs options, que vous avez vous-même avancées à l’occasion de l’examen des précédents PLF, sont sur la table. La concertation avec les élus des territoires littoraux est essentielle pour engager la transition. Le gouvernement est à votre disposition pour étudier toutes les modalités de financement, locales ou nationales, ou de crédits dédiés que vous souhaiterez présenter lors du débat sur le PLF. Il a d’ores et déjà financé de nombreuses études de cartographie du risque. Il reviendra au Parlement de décider.

Monsieur Blairy, le zoo de Beauval mène un projet d’aménagement d’une aire destinée à accueillir les dauphins dans les meilleures conditions.

Madame Ferrer, le premier ministre a rappelé à l’ensemble des membres du gouvernement la priorité que constitue la publication de tous les décrets d’application de l’ensemble des lois adoptées, singulièrement de celles issues de l’initiative parlementaire. Un premier décret est déjà paru sur le frelon asiatique, et nous allons nous assurer que les autres le soient également. Toutefois, ceux-ci ne relèvent pas de notre périmètre mais de celui du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.

Madame Coggia, le PLF prévoit une augmentation de 50 millions d’euros des moyens des agences de l’eau. Cette progression s’ajoute aux précédentes, impulsées par le plan Eau d’avril 2023. Contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture trop rapide du PLF, les mesures relatives au leasing social et au bonus pour les voitures électriques ne diminuent pas : en effet, elles poursuivent leur basculement, amorcé au milieu de cette année, vers des financements issus du CEE. La panne espagnole a montré la nécessité du marché européen de l’électricité, puisque, grâce à celui-ci, la France a pu dépanner son voisin.

Madame Stambach-Terrenoir, le décret relatif aux espèces protégées vient de faire l’objet d’une consultation publique, qui n’est pas qu’une obligation procédurale, contrairement à ce que vous sous-entendez. Mme la ministre parlait d’écologie verticale : il n’y a aucune brutalité, et le gouvernement tire les conséquences de la concertation. Ainsi, le décret sera exclusivement recentré sur le loup.

Madame Bonnet, la principale dépense consacrée à la filière bois est le financement de l’ONF, lequel atteint 150 millions d’euros, enveloppe à laquelle il faut ajouter quelque 50 millions au titre des missions d’intérêt général de l’Office. Le Centre national de la propriété forestière (CNPF) reçoit quant à lui un peu plus de 16 millions. Le ministère soutient l’ONF dans l’exercice de ses missions d’intérêt général que sont la défense des forêts et la restauration des terrains de montagne. Là encore, les crédits inscrits au PLF ne sont qu’un point de départ, que les parlementaires sont libres de faire évoluer, dans le respect des grands équilibres du texte.

M. Nicolas Thierry (EcoS). Ma question était très précise. La loi contre les PFAS a été promulguée en février dernier ; depuis, rien ne s’est passé, alors que la taxe aurait pu entrer rapidement en vigueur. Vous souhaitez désormais réintroduire la taxe par voie d’amendement : s’appliquera-t-elle dès 2026 ou sera-t-elle reportée à 2027 ? La question est importante, car les communes se trouvent devant un mur d’investissements pour dépolluer leurs eaux : pour elles, attendre 2027 paraît une éternité.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Sans vouloir polémiquer, je tiens à vous dire que mes questions étaient précises. Vous dites qu’il ne faut pas contester la parole scientifique ; or je rappelle que le HCSP a recommandé, en juillet 2024, de mesurer les quatre PFAS les plus préoccupants. La France s’est engagée, en transposant la directive de 2020, hélas adoptée par ordonnance – donc sans débat parlementaire –, à respecter la limite de qualité de 0,02 microgramme par litre. Tel n’est pourtant pas le cas actuellement.

Le statut du TFA est passé de métabolite pertinent, en 2024, à non pertinent, en 2025. On ne le mesure donc plus, alors qu’il est mis en cause comme substance cancérogène. Si sa présence était mesurée, 16 % des captages d’eau potable ne seraient plus autorisés en France. L’absence de contrôle laisse donc prospérer une pollution.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Monsieur Thierry, le gouvernement n’a pas pu déployer la redevance dès 2025 pour une raison opérationnelle : la loi doit dissocier la redevance de celle pour pollution de l’eau d’origine non domestique. Autrement dit, un article législatif spécifique est nécessaire pour que la mesure s’applique à tous les industriels émetteurs, comme vous le souhaitez. Un amendement visant à faire entrer le dispositif en vigueur en 2026 a été déposé. En tout état de cause, le ministère souhaite une application la plus rapide et la plus exhaustive possible, conformément à l’intention du législateur, d’autant que celle-ci a été exprimée à l’unanimité.

Monsieur Amard, le TFA n’est pas inclus dans la liste des vingt PFAS dressée par la directive européenne. La Commission a sollicité l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour disposer d’une évaluation des risques sanitaires. En France, l’Anses prépare une cartographie des TFA présents dans l’eau. En attendant, les ARS utilisent une donnée de vigilance, laquelle repose sur un seuil fixé par les autorités scientifiques.

M. Emmanuel Blairy (RN). Vous avez dit que les douze dauphins pourraient être transférés au zoo de Beauval. Dans combien de temps le seront-ils, sachant qu’il y a urgence ? Quel sera le sort des deux orques sans bassin d’accueil ?

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Vous avez affirmé que l’impossibilité de consommer de l’eau dans ma circonscription ne relevait pas de votre responsabilité.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Non, ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Vous avez rejeté la faute sur les collectivités locales et les préfets. Au-delà du fait que ces derniers représentent l’État, c’est votre gouvernement qui soutient des textes comme la loi Duplomb, laquelle a autorisé la réintroduction des néonicotinoïdes. Le modèle d’agriculture que vous défendez induit forcément le déversement de nombreux pesticides, qui se retrouvent dans l’eau destinée à la consommation humaine. Voilà ce que nous constatons dans les communes de Charny et de Charmentray, situées dans ma circonscription.

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué. Madame Soudais, les préfets représentent en effet l’État, lequel prend toutes ses responsabilités. Je vous le répète, il n’y a aucune situation locale de crise dans laquelle des mesures conservatoires ne sont pas appliquées. Tous les cas sont traités avec le sérieux nécessaire. Dans les communes que vous citez, des mesures conservatoires ont été arrêtées. Encore une fois, le sujet est trop important pour faire accroire aux Français que le gouvernement n’agirait pas ou ne retiendrait pas les meilleurs standards scientifiques. Ces derniers évoluent d’ailleurs, comme le rapport de l’Anses de cette semaine l’a bien montré.

Monsieur Blairy, le dossier du Marineland est suivi quotidiennement. Je ne peux pas répondre à votre question sur le délai, mais je vous transmettrai des éléments ultérieurement. Si vous le souhaitez, nous pourrons avoir, avec les acteurs concernés, un échange sur ce dossier qui intéresse la représentation nationale.

Monsieur Amard, nous pourrions discuter dans un cadre transpartisan du sujet que vous soulevez et échanger à la lumière d’un éclairage scientifique. Le gouvernement est à votre disposition pour vous répondre, sur le fondement des données dont il dispose et des moyens qui sont les siens.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vous remercie, mesdames et monsieur les ministres, pour vos propos et vos réponses. Je retiens votre volonté de faire une écologie du contrat et non de la contrainte. Le budget du ministère, de 8,4 milliards d’euros, est stable et vise à accompagner les collectivités territoriales.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du vendredi 24 octobre 2025 à 10 heures

 

Présents. - M. Gabriel Amard, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, Mme Nathalie Coggia, M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, Mme Sylvie Ferrer, Mme Olga Givernet, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, M. Pascal Markowsky, M. Hubert Ott, Mme Sophie Panonacle, Mme Marie Pochon, Mme Véronique Riotton, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Nicolas Thierry, Mme Anne-Cécile Violland

 

Excusés. - M. Anthony Brosse, M. Jean-Victor Castor, M. Denis Fégné, M. Stéphane Lenormand, M. Marcellin Nadeau, Mme Christelle Petex, M. Raphaël Schellenberger, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Sylvie Bonnet, M. Didier Le Gac