Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................44

 

 

 

 

 


Lundi
27 octobre 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
 

 


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La réunion commence à neuf heures.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

 

La commission examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)

M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, après l’audition des ministres mardi dernier, nous commençons l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L’examen en séance publique débutera le mardi 4 novembre après-midi, le vote solennel ayant été fixé par la Conférence des présidents au mercredi 12 novembre.

Sur les deux premières parties du texte, 538 amendements ont été déclarés recevables. Nous attendons l’avis du président de la commission des finances s’agissant de la troisième partie.

Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2025 et 2026

Amendements de suppression AS309 de Mme Ségolène Amiot et AS1501 de Mme Joëlle Mélin

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet article, c’est un peu le fond de l’affaire, car il trahit l’esprit de ce PLFSS : équilibrer les comptes de la sécurité sociale en coupant comme des sauvages partout où les gens peinent à survivre.

Pour que tout le monde comprenne bien, cet article présente un tableau avec deux colonnes, l’une consacrée aux dépenses, l’autre aux recettes. Selon l’article, il y a un excédent de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB). Seulement, ce n’est pas grâce aux cotisations que l’on ferait payer aux entreprises ou aux ménages les plus fortunés : cet excédent provient du fait que les recettes ne bougent pas, tandis que les dépenses, elles, baissent. Gel des pensions de retraite, taxe sur les malades, diminution des allocations pour les personnes en situation de handicap et les familles nombreuses... Personne n’en réchappe.

L’an dernier, vous étiez les premiers à reconnaître qu’il n’était pas possible de vivre avec le montant que la sécurité sociale rend aux personnes qui ont cotisé. Vous estimiez qu’il fallait 26,8 points de PIB pour couvrir les besoins – c’était écrit noir sur blanc. Cette année pourtant, vous abaissez les dépenses à 26,6 points de PIB. On sait que tout le monde n’a pas inventé la poudre, mais certains n’étaient manifestement pas loin quand ç’a explosé. La baisse des revenus provoquera une baisse de la consommation et vous entraînerez dans la chute tout un tas d’entreprises, des très petites aux moyennes. En somme, vous déclencherez un effet récessif contraire à tout ce qui est fait depuis 1945.

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article, dont la loi organique de 2022 nous impose de discuter pour la quatrième année, prouve combien les chiffres sont insincères – à tout le moins. Le Haut Conseil des finances publiques comme le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale estiment que les prévisions sont tout à fait utopistes, les recettes tout à fait surestimées et les dépenses tout à fait sous-estimées. À vouloir rassurer les actionnaires, qui sont en réalité les créanciers de notre système de sécurité sociale, on nous emmène tout droit dans le mur.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Chers collègues, je nous souhaite de bons travaux sur ce texte.

Monsieur Clouet, vous m’adressez vos critiques mais, au risque de vous décevoir, je ne suis que le rapporteur général : je ne représente pas le Gouvernement et le budget présenté n’est pas le mien. Nous allons collectivement l’amender et le corriger, c’est le travail de notre commission. Les amendements que nous adopterons ne modifieront pas le texte, mais ils permettront de préparer le travail en séance.

Sur le fond, ce budget prévoit une augmentation en 2026 de 9,4 milliards d’euros pour les dépenses des administrations de sécurité sociale, et de 29 milliards pour l’ensemble des administrations publiques. Il me semble donc difficile de dénoncer une cure d’austérité.

Madame Mélin, vous le trouvez utopiste. Je ne le crois pas, et pourtant j’étais l’un des premiers, l’an dernier, à estimer que les hypothèses macroéconomiques étaient optimistes. Le Haut Conseil des finances publiques a estimé que la prévision de croissance du PIB, fixée à 0,7 % cette année et 1 % l’an prochain, était simplement « optimiste », et non utopique ; la masse salariale, estimée à 1,8 % pour 2025 et 2,3 % l’an prochain, est jugée « un peu haute » et la prévision d’inflation « plausible » – 1,1 % cette année et 1,3 % en 2026.

Cet article est une photographie : le supprimer reviendrait à ne pas respecter notre loi organique. Je ne peux donc que vous inviter à vous opposer à ces amendements.

Mme Annie Vidal (EPR). Cette prévision macroéconomique globale, qui concerne les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, mais aussi les régimes complémentaires, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et l’assurance chômage, est fondée sur des prévisions de croissance et de masse salariale sérieuses. Vous pouvez ne pas être d’accord avec cette présentation, mais supprimer cet article revient à priver les Françaises et les Français de transparence sur les prévisions. Politiquement, ce n’est pas raisonnable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, les besoins sont mécaniquement soumis à l’inflation : si les moyens ne sont pas indexés sur cette dernière, vous ne pouvez pas réellement parler d’augmentation.

Nous ne sommes pas d’accord avec les termes du débat, ni avec la politique menée par Emmanuel Macron depuis qu’il est ministre de l’économie et qui n’a apporté aucun résultat. Les nombreuses baisses prévues dans le PLFSS auront des conséquences sur la population : elle consommera moins, ce qui accélérera le ralentissement économique, et vous nous demanderez encore davantage de baisses l’année prochaine. Nous ne sommes pas d’accord. D’où notre volonté de supprimer cet article liminaire.

M. Jérôme Guedj (SOC). Chaque année, nous nous demandons à quoi sert l’article liminaire. Le fait que ce soit une photographie ou non, et de quelle nature, importe peu : le fait est que nous ne sommes pas d’accord avec l’ensemble et que nous voterons donc en faveur de sa suppression, sans que cela emporte réellement de conséquences – dans le passé, il a déjà été supprimé avant d’être rétabli au Sénat. Cinquante heures de débat nous attendent : concentrons-nous sur les sujets essentiels afin de trouver une trajectoire qui soit soutenable et qui préserve les classes moyennes et les classes populaires.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur Boyard, l’inflation n’est qu’un baromètre : indexer les budgets sur l’inflation ne peut pas être une politique en soi. Cet article soulève bien d’autres questions, sur la soutenabilité financière de notre modèle ou encore sa transformation vers davantage de préventif que de curatif – car notre population est en mauvaise santé. Il faut pouvoir en discuter.

Mme Justine Gruet (DR). Alors que les débats de l’an dernier ont été marqués par le recours au 49.3 et une censure, j’ai le sentiment que le RN et LFI se rejoignent à nouveau pour être contre tout – en l’espèce, contre une photographie du PLFSS en 2025. Mais cette année, le PLFSS sera mis aux voix ; il correspondra à nos débats. Plutôt que de perdre du temps sur cet article, entrons dans le vif du sujet et montrons à nos concitoyens que nous sommes capables de parler du fond – c’est ce qu’ils attendent de nous.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article liminaire est supprimé.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025

Article 1er : Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépenses pour 2025

Amendements de suppression AS293 de Mme Ségolène Amiot et AS772 de Mme Joëlle Mélin

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’article 1er porte sur les rectifications des comptes d’administration de la sécurité sociale. Sommes-nous satisfaits de la gestion des comptes ? Non : ils ne correspondent pas aux prévisions établies l’an dernier et l’ensemble des déficits prévisionnels se sont aggravés. Nous ne sommes pas non plus d’accord avec la stratégie consistant à déléguer à la Cades le maquillage des comptes de la sécurité sociale, et à les faire reposer sur des logiques d’impôts – a fortiori des impôts régressifs, comme les exonérations sociales. D’où notre volonté de supprimer l’article.

Monsieur le rapporteur général, 27 points sur un PIB de 2 700 milliards d’euros, c’est plus que 16,6 %, le PIB fût-il en croissance l’an prochain : le texte prévoit donc bel et bien une baisse des dépenses, et donc des droits de la population.

Mme Joëlle Mélin (RN). La loi organique est entrée en vigueur il y a quatre ans : nous avons donc un certain recul sur les différents articles qu’elle impose. D’année en année, le décalage s’aggrave, et conduit cette année à inscrire des dispositions tout à fait utopistes. J’entends bien les circonvolutions du Haut Conseil et du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mais les chiffres ne sont absolument plus tolérables. Nous ne pouvons pas vivre dans l’instabilité et l’insincérité. Comme il n’y a pratiquement rien à discuter, nous sommes favorables à la suppression de l’article.

M. le rapporteur général. Je ne parlerais ni de maquillage des comptes, ni d’insincérité. C’est le rôle du législateur financier de prendre connaissance de l’évolution des prévisions de recettes, des objectifs de dépenses et des tableaux d’équilibre. La photo n’est effectivement pas belle : le déficit s’est aggravé, il est passé de 17 à 23 milliards d’euros, contre 22,1 milliards dans les prévisions. Mais il est faux de dire que la Cades sert à maquiller les comptes : elle est là pour amortir notre dette sociale. Nous nous lui affectons certes des recettes, comme le prévoit le cadre organique, mais la dette diminue d’année en année, et heureusement pour les générations futures.

Madame Mélin, nous analysons toutes les données qui nous sont transmises, nous questionnons et vérifions tous les chiffres : d’après les éléments en ma possession, l’estimation du déficit ne semble pas insincère. Au reste, il est important de disposer des données fournies à l’article 1er, qui permettent d’évaluer la progression par rapport aux prévisions.

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne peux pas laisser parler d’insincérité ou de magouillage. Pour la clarté des débats et la bonne information de ceux qui nous écoutent, je tiens à préciser que la Cour des comptes, malgré des réserves, estime que « à travers ses tableaux d’équilibre et son tableau patrimonial, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2025 fournit une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde de la sécurité sociale ».

Mme Justine Gruet (DR). Voilà bien la preuve qu’il faut être capable de diminuer les dépenses plutôt que d’apporter des recettes supplémentaires – c’est l’esprit qui anime la Droite Républicaine. On le voit, la baisse de la masse salariale du privé et du rendement de la TVA ont conduit à une diminution des recettes. Sans une réforme structurelle d’ampleur pour diminuer les dépenses et trouver un équilibre plus juste, nous ne parviendrons pas à rationaliser et sécuriser le budget de la sécurité sociale.

M. Yannick Monnet (GDR). Pour ma part, je considère que nous pourrons réfléchir à une baisse des dépenses lorsque l’ensemble des besoins de santé seront couverts. Or ce n’est pas le cas – on le voit bien dans nos permanences. Cet article n’est peut-être qu’une photographie, mais si l’on fait payer à la sécurité sociale des dépenses qui ne devraient pas lui échoir, cette photographie ne peut être que « pas belle ». L’absence de débat sur la financiarisation de la dette est d’ailleurs un vrai problème, même la Cour des comptes l’a souligné. Avant, c’était assez simple : en cas de déficit, on augmentait les cotisations ou on empruntait à la Caisse des dépôts : c’était alors un prêt de l’État, et cela ne coûtait que l’emprunt. Aujourd’hui, la Cades est contrainte d’emprunter sur les marchés financiers : le système même conduit donc à imputer à la sécurité sociale des dépenses qui ne sont pas acceptables. Je ne parle pas d’insincérité, mais de fait, on rend la photographie pas belle. Voilà ce que nous contestons.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame Gruet, nous ne sommes pas des comptables, mais des législateurs : il nous revient d’organiser les différentes dépenses de la solidarité sociale nationale, notamment en matière de santé, et il n’y a pas lieu de se réjouir de les diminuer – au contraire, c’est une mauvaise nouvelle.

Au reste, si la sécurité sociale est dans l’état lamentable que vous dénoncez, c’est en raison des exonérations de cotisations sociales, dont les bénéfices restent à prouver – il suffit de regarder l’état du déficit. Et ne dites pas que vous n’augmentez pas les recettes, les apprentis voient bien que c’est faux ! En réalité, avec des mesures comme le déremboursement d’un certain nombre de médicaments et l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), vous faites des économies sur le dos des plus précaires. Ce sont les fruits de votre propre politique que vous dénoncez, et ce sont nos concitoyens qui en paient le prix. Alors ayons des discussions de parlementaires, pas de comptables !

M. Hendrik Davi (EcoS). Il n’y a pas du tout eu d’explosion de dépenses de santé : elles sont passées de 11,3 % du PIB en 2014 à 11,4 % en 2024. Pourtant, le vieillissement de la population aurait dû les faire augmenter. C’est bien, comme l’a dit M. Monnet, que l’on répond de moins en moins bien aux besoins. Pour le reste, on peut certes vouloir réduire un certain nombre de dépenses, c’est-à-dire avoir une société moins malade, avec moins d’arrêts de travail et de gens atteints d’un cancer. Pour cela, il faut voter contre la loi Duplomb (Exclamations). Le rapport est évident, lisez le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale !

En revanche, les recettes n’ont pas augmenté à mesure du PIB, car vous les avez fiscalisées. Contrairement aux cotisations sociales, les impôts et la CSG ne suivent pas l’augmentation du PIB. Tel est le principal problème.

M. Michel Lauzzana (EPR). Chers amis de gauche qui voulez mettre des boulets toujours plus lourds au pied des entreprises, si l’on ne s’évertuait pas à tuer nos entreprises et à empêcher l’économie se développer, on n’aurait pas de problèmes de sécurité sociale.

Quant à l’acétamipride, monsieur Davi, ce n’est pas en tant que cancérogène qu’il est en cause – et je parle en tant que président du groupe d’études cancer : demandez à l’Institut national du cancer. Le problème est ailleurs. Donc aucun rapport avec la loi Duplomb.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS1071 de M. Yannick Monnet et AS294 de M. Hadrien Clouet tombent.

Article 2 : Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et de ses sous-objectifs pour 2025

Amendement de suppression AS313 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous avons une discussion à front renversé : plutôt que d’essayer de faire entrer les besoins dans une enveloppe déterminée, il vaudrait mieux se demander quels sont les besoins et faire le chèque en fonction.

Cet article vise à geler le montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) au niveau de l’année précédente, à 265,9 milliards d’euros. Vous me rétorquerez qu’il est tout de même en progression, mais si l’on tient compte de l’inflation – car tout coûte plus cher : le prix du pansement, le changement de la fenêtre de l’hôpital – et du vieillissement croissant de la population, on voit bien que vous retirez de l’argent à notre service de santé.

L’alignement de l’Ondam avec vos prévisions s’est fait au prix de coupes budgétaires gigantesques : pour augmenter les dépenses de soins de ville de 700 millions, vous avez retiré des centaines de millions à d’autres secteurs. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu’il manque 2,5 milliards d’euros pour l’hôpital – l’équivalent de milliers de postes – et 600 millions pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) – qui se traduiront en privation alimentaire des résidents et en taux d’encadrement absolument insuffisants pour garantir la dignité des personnes. Voilà ce qui est proposé et que nous refusons de bout en bout.

M. le rapporteur général. Il s’agit là encore d’un article obligatoire.

Vous dites des choses justes, monsieur Clouet : les mises en réserve ont des conséquences sur le pilotage budgétaire en cours d’année et entraînent des situations préoccupantes dans certains établissements – nous ne pouvons qu’y être sensibles. Mais vous dites aussi des choses fausses : en passant de 256,4 milliards en 2024 à 265,9 milliards d’euros en 2025, l’Ondam augmente de 3,7 %. C’est bien plus que ce que nous avions prévu l’an dernier, et on ne peut pas parler de réduction des moyens.

Encore une fois, on ne peut que regretter les mises en réserve, mais elles ne s’élèvent qu’à quelques centaines de millions d’euros ; or je vous parle là de milliards. Au reste, cet article présente une photographie de l’année 2025, et nous sommes fin octobre : le supprimer ne changera rien. Mais vous avez évidemment le droit d’exprimer par un amendement ce que cela vous inspire.

Avis défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). Comme chaque année, je rappelle que l’Ondam n’est qu’un objectif ; en l’espèce, on parle de celui pour 2025.

Les économistes ont montré qu’au moins les deux tiers de notre dette viennent des dépenses sociales. Il est donc normal d’avoir la volonté de maîtriser ces dépenses. Pour faire des économies, des évolutions sont possibles dans un certain nombre de secteurs. L’hôpital par exemple pourrait être plus efficace – certains ont montré que c’était possible.

M. Hendrik Davi (EcoS). La sous-estimation de l’Ondam alimente la dette des hôpitaux : si l’Ondam était juste, ils n’auraient pas un résultat net négatif de près de 2,9 milliards d’euros. Chaque année, on plafonne les dépenses, mais la tarification à l’activité ne suit pas, les hôpitaux se retrouvent endettés et l’État et la protection sociale épongent le tout. L’Ondam est insincère, et c’est pourquoi nous soutiendrons la suppression de l’article.

Mme Joëlle Mélin (RN). Tout le monde a tendance à se réfugier derrière l’Ondam, qui est pourtant un très mauvais indicateur. Depuis plus de trente ans qu’il est utilisé, il a largement prouvé son inefficacité, voire sa toxicité puisque, par effet de rebond, il conduit à déterminer certaines politiques, notamment celle de l’hôpital. Je rejoins mes collègues de gauche sur le fait que l’hôpital est dans une situation gravissime, même si je ne pense pas qu’elle ne soit due qu’à un manque de moyens : il y a sans doute aussi des problèmes de gouvernance. Reste que l’Ondam est néfaste. Trente ans, c’est suffisant. Tous les ans, nous hésitons à supprimer cet article. Cette année, nous avons décidé d’en discuter parce qu’il est vraiment temps de choisir un autre indicateur.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’Ondam est passé de 190 milliards en 2017 à 265 milliards d’euros en 2025, soit une augmentation de près de 40 %. Et pourtant, on a l’impression que l’on soigne plus mal. La pertinence de la construction de l’Ondam pose question, mais ne peut-on pas aussi s’interroger sur le fonctionnement de l’hôpital, sur sa « productivité », même si c’est un gros mot ? Allez voir vos directeurs d’hôpitaux, questionnez‑les sur certains services, vous verrez que l’hôpital public dysfonctionne complètement ! Si nous n’osons pas poser les bons diagnostics, nous ne parviendrons pas à soigner ce très grand malade qu’est l’hôpital public. Ce n’est pas qu’une question de financement, mais aussi de gouvernance et d’organisation.

Mme Annie Vidal (EPR). Penser que la sous-estimation de l’Ondam serait la cause des déficits de l’hôpital, c’est méconnaître son fonctionnement. C’est bien plus complexe que cela. D’abord, tout dépend de quel hôpital on parle : la situation n’est pas la même dans un centre hospitalier universitaire (CHU) et dans un hôpital de proximité. En outre, l’Ondam se concentre sur les soins et la prise en charge des patients : or nombre d’autres facteurs expliquent que certains établissements soient structurellement déficitaires – les investissements, les charges de personnel non soignant, les achats, l’efficience, ou encore le taux d’occupation des lits, qui pèse particulièrement lourd. Mais force est de constater que lorsqu’on propose de fermer un établissement structurellement déficitaire, tout le monde crie au scandale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a un consensus de longue date dans cette commission sur le fait que l’Ondam n’est pas un outil pertinent de pilotage pour répondre aux besoins de santé, notamment en raison de cette logique d’annualité à laquelle il faut vraiment tordre le cou. Lors de sa déclaration de politique générale, François Bayrou avait émis l’idée d’inscrire l’Ondam dans une perspective pluriannuelle, peut-être sous la forme d’une loi de programmation. Malheureusement, cette proposition n’a pas abouti. Espérons qu’elle se concrétise un jour. Reste que, malgré les corrections que nous y avons apportées, l’Ondam de 2025 est insuffisant. Or il aura des conséquences sur la construction de celui de 2026. Par cohérence, nous ne pouvons donc pas le valider.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Collègues du bloc central, l’activité de l’hôpital n’est pas censée être lucrative, ce n’est pas une planche à billets – en tout cas, ce n’est pas souhaitable. S’il y a un déficit, c’est à cause des sous-investissements, dont le niveau est tel que les soignants ne peuvent même plus exercer correctement un métier qu’ils ont choisi par vocation – voilà ce qu’ils me disent, monsieur Turquois. Dans certains services du CHU de ma ville, ce profond malaise les conduit à se mettre en arrêt pour se protéger.

Finalement, quel est votre objectif pour l’hôpital public ? Contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas en une minute que nous pourrons en débattre, a fortiori dans le cadre d’un texte dont le seul objectif est de poursuivre la politique technique d’Emmanuel Macron. Avec ce PLFSS, nous avons l’impression de perdre notre temps. Pour avancer enfin, il faut trouver une solution institutionnelle à cette situation : le départ du Président de la République et de nouvelles législatives.

M. Yannick Monnet (GDR). Pour ma part, je considère que débattre n’est jamais une perte de temps : cela permet d’éclairer le sujet. Par nature, l’Ondam crée du déficit, puisqu’il fixe des dépenses sans s’intéresser aux besoins. Madame Vidal, si l’on devait se taire face aux difficultés de l’hôpital public et fermer tous les établissements déficitaires, je ne sais pas ce qu’il resterait dans notre pays ! En revanche, certaines formes de financement sont plus vertueuses que d’autres. Les travaux que j’ai menés dans le cadre de ma mission sur les hôpitaux de proximité ont mis en évidence l’importance de disposer d’un cadre de financement pluriannuel pour permettre à l’hôpital d’anticiper, de prévoir, d’ajuster. Il faut être plus rigoureux dans la gestion de l’hôpital, je le reconnais volontiers, mais on est tout de même à l’os : l’hôpital public connaît un déficit de 2,8 milliards d’euros et, selon la FHF, il faudrait augmenter l’Ondam hospitalier de 1 milliard pour lui permettre de fonctionner normalement. Alors ne dites pas que l’Ondam est un bon outil.

Mme Justine Gruet (DR). Nos débats se concentrent sur les établissements de santé, mais le dérapage de l’Ondam peut également provenir d’une augmentation des dépenses de soins de ville, en particulier des indemnités journalières dues en cas d’arrêt de travail. Or ces derniers ont explosé. Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le rapporteur général ?

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À peine trente-six minutes de débats et on entend déjà les macronistes nous dire que le problème de l’hôpital, c’est l’organisation, alors qu’ils présentent un budget où il manque près de 3 milliards d’euros pour l’hôpital ! Vous rendez‑vous seulement compte du problème ? Aujourd’hui, les soignants n’ont pas les moyens de faire leur travail. Lorsqu’ils ont vingt patients et qu’ils doivent aider l’un d’eux à aller aux toilettes, que pensez-vous qu’il se passe quand les dix-neuf autres appellent ? Ils doivent attendre, et certains finissent par se faire dessus. Nous avons adopté une proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, mais encore faudrait-il des moyens pour l’appliquer. Or non seulement l’Ondam sous-finance l’hôpital, mais certains collègues trouvent le moyen d’ajouter que c’est seulement un problème d’organisation – du pur Macron 2017, le même qui a fait s’effondrer l’hôpital et nous demande aujourd’hui de rectifier le tir ! Les soignants qui tiennent l’hôpital à bout de bras attendent au moins du Parlement qu’il les soutienne.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’hôpital public est en déficit et les besoins augmentent. Pourtant, l’Ondam ne fait ressortir ni l’une ni l’autre de ces dimensions. Nous n’avons aucune évaluation des besoins de la population : on essaie de faire coller les besoins à l’Ondam, au lieu de commencer par s’intéresser aux besoins pour définir l’Ondam ensuite.

Par ailleurs, le monde du travail est en grande souffrance : il n’y a jamais autant de burn‑out, un salarié sur quatre se dit en souffrance aiguë au travail et estime que cela nuit à sa santé mentale. C’est à ces problèmes que nous devrions nous intéresser, plutôt que d’essayer de restreindre les indemnités journalières dans un tableau Excel.

M. le rapporteur général. Cet article vise à rectifier l’Ondam et ses sous-objectifs. Je souscris aux remarques de Yannick Monnet et Sandrine Rousseau : il faudrait réfléchir à partir des besoins, plutôt que de commencer par déterminer des moyens. Et, comme l’a dit Jérôme Guedj, l’Ondam pose un réel problème de pilotage, qui appelle une révision de notre cadre financier – peut-être à travers une loi organique.

Par ailleurs, personne n’a parlé de la procédure déclenchée par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. C’était pourtant un événement inédit, qui a notamment conduit à annuler des revalorisations tarifaires des actes de certains professionnels libéraux qui auraient pourtant pu faire consensus. Je pense en particulier à celles des kinésithérapeutes, dont les objectifs en matière de rééducation et de soins à domicile avaient été renforcés – une dynamique que nous appelions tous de nos vœux –, ou encore des psychiatres, alors que la santé mentale est grande cause nationale. Cette annulation est injuste, car ces professionnels ne sont pas responsables du dépassement du sous-objectif de l’Ondam consacré aux soins de ville.

S’agissant des chiffres, vous avez tous à la fois raison et tort. Les comparaisons avec les années précédentes pourraient avoir un sens si l’on ne changeait pas sans cesse de périmètre. Ainsi, le sous-objectif de l’Ondam relatif aux établissements de santé augmente de 1,1 milliard d’euros si l’on raisonne en euros constants, mais de 4,4 milliards en euros courants.

À la suite du déclenchement de l’alerte, les dotations relatives au sous-objectif des établissements de santé ont été réduites de 267 millions d’euros. Le gel des dotations est en effet l’un des mécanismes de pilotage annuel. Dans les faits cependant, cette baisse a été ramenée à moins de 100 millions compte tenu des dépenses faites sur d’autres enveloppes. L’article 2 tient compte de tout cela et rectifie les chiffres du sous-objectif des établissements de santé, mais nous parlons en fait d’une baisse de 100 millions, à comparer avec des augmentations de 4,4 milliards ou de 1,1 milliard selon que l’on raisonne en euros courants ou constants !

Nous sommes plusieurs à avoir déploré les conséquences pour un certain nombre d’acteurs du gel décidé à la suite du comité d’alerte. Toutefois, et au prix de ces sacrifices, l’Ondam devrait pour la première fois cette année être respecté. Enfin, je rappelle qu’un Ondam n’empêche pas de dépenser plus, comme le montre justement le fait qu’il ait été surexécuté pendant les cinq dernières années : c’est un outil de pilotage qui n’est pas bloquant lorsque des besoins se manifestent – et tant mieux pour nos établissements.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS318 de Mme Élise Leboucher, AS322 de M. Damien Maudet et AS863 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon amendement de repli vise à augmenter les dotations versées aux hôpitaux, aux Ehpad et aux établissements médico-sociaux.

Vous venez de dire que nous avions tous à la fois tort et raison sur les chiffres. Peut‑être ne comprenons-nous pas tout, mais nous nous appuyons sur les demandes de la FHF, qui est tout de même bien placée pour connaître les budgets et les difficultés des hôpitaux.

Je travaillais à l’hôpital lors du covid, quand le Président de la République prononçait des grands mots la main sur le cœur. Le compte n’y est toujours pas. Il vous faut admettre que vos politiques ne fonctionnent pas – à moins que leur objectif soit de détruire l’hôpital public.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Mon amendement vise à augmenter la dotation des établissements de santé, qu’il s’agisse des hôpitaux ou des Ehpad.

On ne peut pas nous répondre que nous lisons mal les chiffres : il y a un fait, c’est que compte tenu du niveau de l’inflation, les moyens consacrés aux établissements seront insuffisants, sachant que la plupart d’entre eux sont déjà en déficit. La loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé aurait dû redonner un peu d’air aux soignants, mais on n’en trouve aucune traduction dans ce projet. Je ne vois pas comment ils vont s’en sortir avec un budget aussi insuffisant.

En lisant ce PLFSS, on pourrait croire que l’hôpital va bien et que l’on peut prendre un peu sur son budget. C’est ignorer ce qui se passe sur le terrain. Certains se sont peut-être habitués aux heures d’attente dans les services des urgences, mais ce n’est pas notre cas. Nous allons perdre des soignants si nous ne les soutenons pas.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS863 vise à compenser l’absence des financements correspondant à la prime Ségur pour les établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif en charge de la lutte contre les addictions.

Je suis d’accord avec Thibault Bazin en ce qui concerne l’Ondam : il n’empêche pas de dépenser plus. En revanche, il conduit à augmenter la dette, parce que l’on ne s’interroge pas sur les recettes nouvelles quand il est nécessaire de le dépasser. C’est un véritable sujet.

M. le rapporteur général. Je considère qu’il s’agit d’amendements d’appel, destinés à attirer l’attention sur les besoins. Ne nous mentons pas : les adopter ne conduirait pas automatiquement à augmenter les dotations

Yannick Monnet a raison de dire que nous devrions nous interroger sur les recettes supplémentaires. C’est tout le problème du cadre de cette discussion : à la différence d’une loi de finances de fin de gestion, nous discutons d’objectifs. C’est une différence fondamentale et l’on ne peut pas raisonner de la même manière.

Je vais rassurer Mme Leboucher sur mes intentions : je ne souhaite pas détruire nos hôpitaux. Je mesure les services qu’ils rendent. J’ai aussi lu les observations formulées par la FHF – et je crois d’ailleurs que c’est le seul interlocuteur que je cite dans mon rapport.

Adopter ces amendements ne changerait rien à l’exécution de l’année 2025, qui est d’ailleurs quasiment terminée.

Avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a incontestablement un problème de sous‑financement des hôpitaux publics, qui tient pour l’essentiel à l’insuffisante compensation des mesures de revalorisation salariale. Les 2,8 milliards d’euros de déficit cumulé des établissements de santé sont liés aux mesures du Ségur de la santé et à l’augmentation du point d’indice. Ce sujet devra être abordé lorsque nous examinerons l’Ondam pour 2026 – qui, lui, est bien problématique.

L’honnêteté commande de dire qu’il n’y a pas eu d’évolution négative de la dotation des établissements de santé en 2025, notamment parce que nos débats avaient permis de dégager 1 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour le sous-objectif qui y est consacré. La FHF n’a d’ailleurs pas suggéré de rectifier l’Ondam pour 2025, ce qui est inhabituel.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). On peut faire semblant de croire à cette fable que le Parlement a repris la main, à l’occasion de ce budget, et que chacun de nos amendements changera profondément le pays – du moins jusqu’au recours aux ordonnances, qui fera disparaître en fumée le présent texte comme l’accord entre le Gouvernement et le Parti socialiste.

Nous pouvons cependant mettre à profit cette attente pour souligner les besoins des hôpitaux et la nécessité d’élaborer un budget de la sécurité sociale en fonction des besoins, et non des moyens – que vous estimez au demeurant de manière assez subjective.

Nos amendements ne serviront pas à rien, monsieur le rapporteur général, puisqu’ils permettront d’envoyer un message. J’imagine que vous êtes d’accord avec ce message, puisque nous venons d’apprendre que vous ne vouliez pas tuer les hôpitaux. Soit nos amendements ne servent à rien et vous êtes d’accord avec notre message, auquel cas vous les voterez. Soit ils servent à quelque chose et vous les voterez afin que nous changions les choses ensemble.

Mme Justine Gruet (DR). Si nous avions le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous aurions 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et 5 milliards de dépenses en moins. D’où l’objectif de favoriser le travail.

On se rend compte à chaque PLFSS que nous avons du mal à mener une réflexion globale pour améliorer l’accompagnement de la perte d’autonomie. Le sous-financement de la branche dépendance finit par créer des dépenses supplémentaires pour la branche maladie, car des personnes âgées sont hospitalisées alors qu’elles relèveraient davantage d’une prise en charge à domicile ou dans une institution adaptée.

Il faudra donc mener une réflexion à ce sujet, mais ce n’est pas dans le cadre de cet article que l’on pourra le faire.

Mme Annie Vidal (EPR). Ces amendements proposent de retirer des moyens aux soins de ville pour les redistribuer aux établissements de santé et médico-sociaux. La progression des soins de ville s’explique essentiellement par les dépenses en matière de médicaments et d’indemnités journalières. Si cet amendement avait une véritable portée, ce qui n’est pas le cas, faudrait-il demander aux médecins de ne plus prescrire de médicaments ou d’arrêts de travail jusqu’au 31 décembre ? J’aimerais bien connaître votre réponse.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie
au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé pour 2025

Amendements de suppression AS295 de Mme Élise Leboucher, AS773 de Mme Joëlle Mélin et AS1217 de Mme Sandrine Rousseau

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par l’amendement AS295, nous proposons de supprimer cet article extrêmement mesquin qui prévoit de diminuer de 11 % les crédits alloués au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS). Cela ne représente qu’une somme de 60 millions, mais même cela, vous vous y attaquez.

À quoi sert le FMIS ? Il permet par exemple de cofinancer de nouvelles maisons de santé ou, dans un hôpital comme celui de Toulouse, un ensemble de petites choses qui font qu’un établissement fonctionne et que les gens arrivent à y travailler – l’équipement médical du bloc, du matériel informatique, des chambres de garde, du mobilier pour les chambres des patients, des éclairages LED. Ce fonds permet également de rénover les maternités, alors que la France enregistre les pires résultats en Europe en matière de mortalité infantile.

Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article, qui prévoit de retirer 60 millions d’euros au FMIS, est assez représentatif de ce PLFSS qui procède à des coupes budgétaires extrêmement fines. Et pour cause : nous sommes à l’os.

Même si cette somme de 60 millions d’euros peut paraître modeste au regard de l’ensemble des moyens destinés à l’innovation, il y a là quelque chose de caricatural. On ne peut pas s’en prendre aux seuls crédits qui contribuent à l’innovation et donc au redémarrage de l’industrie. Nous sommes farouchement opposés à cet article et nous demandons sa suppression.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Notre groupe demande également la suppression de cet article, car les coupes prévues portent sur les investissements et l’innovation.

Un système de santé qui n’investit pas, y compris dans des structures comme les maisons de santé, ne prévoit pas l’avenir. Il y a quelque chose d’extrêmement inquiétant dans le fait d’aller chercher des économies dans ce genre de lignes budgétaires.

Par ailleurs, j’ai entendu tout à l’heure que les difficultés de l’hôpital public venaient de la réforme des 35 heures – laquelle remonte tout de même à vingt-sept ans ! Il va un jour falloir trouver des explications un peu moins datées.

M. le rapporteur général. Je rappelle que je ne suis pas à l’origine de cet article, monsieur Clouet ! J’avais d’ailleurs alerté la commission à l’occasion de la nouvelle lecture du PLFSS 2025 sur le fait qu’une partie du financement des moyens supplémentaires accordés aux hôpitaux reposait sur une forme de jeu de bonneteau, que je n’approuve pas.

J’aurais préféré que l’on ne touche pas au FMIS. Je ne suis pas satisfait de ce tour de passe-passe. Cependant, nous discutons d’une économie qui représente 0,02 % de l’Ondam. Par ailleurs, il m’a été indiqué lors des auditions que la réduction de la dotation du FMIS avait été actée le 8 juillet : la mesure est en réalité définitive.

Le FMIS est un bon outil. On peut déplorer qu’on réduise ses moyens mais les administrations concernées m’avaient indiqué, lorsque je les avais interrogées sur leurs intentions l’hiver dernier, qu’il disposait de quelques réserves et que cette mesure ne remettrait pas d’investissements en cause.

Même si je n’y étais pas favorable, cette opération fait partie du paquet global qui nous avait été présenté au début de l’année. J’aurais préféré que l’on procède autrement, mais force est de constater que la décision a été prise en juillet et que cet article se contente de la retranscrire.

Avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet article est très décalé. Lors de son premier déplacement, le Premier ministre a promis de mettre en place des maisons France Santé, sur le modèle du réseau France Services – ce qui passera probablement par la labellisation de structures existantes. Or le FMIS a notamment l’intérêt de contribuer à financer les maisons de santé pluridisciplinaires. Alors que tout le monde s’accorde sur la nécessité d’assurer un meilleur maillage du territoire et que les besoins vont croissant, il est paradoxal de se priver de ressources pour une économie qui représente moins d’un dix-millième des dépenses de santé.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, qui ne vote pas la censure fait partie du paquet ! Et c’est vrai pour vous comme pour Jérôme Guedj. Si nous sommes dans la situation que nous connaissons, c’est parce que certains ont laissé ce gouvernement continuer la politique menée depuis l’élection présidentielle de 2017, politique à laquelle l’actuel Premier ministre a participé depuis le début.

Même si elle ne représente que 0,02 % de l’Ondam, la somme en question permettrait tout de même de financer quelques projets. On ne légifère jamais pour 70 millions d’habitants. Si cet argent permet d’aider quelques milliers de personnes, il ne sera pas perdu.

Vous avez indiqué que les réserves permettront de tenir le choc l’année prochaine. Mais nous n’appelons pas à légiférer seulement pour l’année prochaine : nous demandons une politique globale pour les hôpitaux, ce qui conduit à parler certes des dépenses, mais aussi des recettes.

Les députés du Rassemblement national se plaignent de tout, mais lorsqu’on leurs parle de recettes, ils vous parlent de natalité. Leur programme sur le sujet est lamentable.

Nous perdons du temps avec ce PLFSS. Tout le monde appelle à des changements structurels, mais ce projet n’en comprend pas. C’est la raison pour laquelle nous appelons à supprimer cet article.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il y a deux ans, le Président de la République avait expliqué que la France avait un problème de natalité et qu’il voulait un réarmement démographique. Mais lui et son gouvernement donnent-ils aux Français et à l’hôpital les moyens de faire grandir les enfants ? La France est passée en quelques années de la troisième à la vingt-troisième place de l’Union européenne pour ce qui est du taux de mortalité infantile.

C’est au cours des vingt-huit premiers jours que les bébés meurent le plus. Or les services de néonatologie et de réanimation néonatale sont dans une situation extrêmement difficile car ils ont été largement sous-financés, au motif qu’ils étaient peu rentables. Ils sont saturés à 95 % et 23 % des patients qui arrivent en réanimation néonatale sont refusés, faute de place. Vous allez réduire un budget qui aurait pu augmenter les capacités de ces services.

M. Hendrik Davi (EcoS). Cette diminution du FMIS est vraiment incompréhensible. Nous avons profondément besoin d’un exercice plus coordonné de la médecine, notamment s’agissant de la médecine de ville. Or le périmètre d’intervention de ce fonds comprend les établissements médico-sociaux et les structures d’exercice coordonné en ville.

Je ne comprends pas que l’on propose une telle mesure alors que l’on s’apprête à lancer des maisons France Santé partout sur le territoire – nous souhaitons pour notre part qu’elles soient publiques – et que l’un des objectifs du Premier ministre est d’améliorer la coordination. C’est totalement incohérent.

M. le rapporteur général. Je n’ai pas participé aux discussions lorsque François Bayrou a voulu trouver une voie pour éviter la censure et nous doter d’un budget de la sécurité sociale en février dernier. Dans l’ensemble qui avait été proposé afin d’obtenir une majorité, il y avait 1 milliard d’euros en plus pour les hôpitaux, mais aussi la mesure qui rabotait les moyens du FMIS.

Toutefois, cette mesure procède aussi d’une forme de sincérité budgétaire. L’administration a ordonnancé beaucoup moins de dépenses que le maximum possible. On aurait pu laisser le montant inchangé, mais cela ne l’aurait pas obligée à dépenser pour autant.

Monsieur Boyard, si le Gouvernement est censuré, il n’y aura pas de budget et donc pas de contribution au FMIS le 1er janvier. Si vous tenez tellement à ce dernier, il ne faut pas voter la censure mais essayer de rendre le budget le moins pire possible. Nous avons tous constaté en janvier et février dernier que le versement des subventions était totalement bloqué.

Comme Jérôme Guedj, je pense que nous avons plutôt un problème pour 2026. Le projet prévoit de ramener le montant annuel du financement du FMIS autour de 400 millions d’euros, contre 1 milliard il y a quelques années. Or un certain nombre d’expérimentations intéressantes avaient été lancées dans le cadre dit de l’article 51, et il serait bon de faire davantage dans ce domaine. L’une de ces expérimentations, dans ma région, portait sur la conciliation médicamenteuse. Elle concernait 4 000 patients et a permis de faire baisser la mortalité de 7 %. Il est un peu dommage de ne pas continuer à investir pour moderniser et innover, car c’est un moyen d’améliorer notre système de santé.

Il faudra mener un combat en matière d’innovation, de modernisation et d’investissement, mais surtout pour l’exercice 2026. S’agissant de 2025, supprimer l’article ne changera rien aux montants accordés au FMIS.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé

L’ensemble des articles de la première partie du projet de loi ayant été rejetés, celleci est ainsi rejetée.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2026

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRESORERIE

Article 4 : Amélioration des capacités juridiques du recouvrement

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Après l’article 4

Amendement AS764 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement propose de renforcer la situation financière de la sécurité sociale et l’équité entre cotisants, en portant de trois à cinq ans le délai de prescription applicable aux créances des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf). Cela permettra de le rapprocher du droit commun de la prescription des créances en matière civile et d’améliorer le taux de recouvrement, sachant que les pertes liées aux créances non recouvrées tournent autour de 7 milliards d’euros.

M. le rapporteur général. Nous sommes nombreux à vouloir lutter contre les fraudes, qu’elles soient sociales ou fiscales. Mais si l’idée d’améliorer le recouvrement des créances des Urssaf est séduisante, votre dispositif présente des limites.

Premièrement, le délai de cinq ans que vous proposez s’applique déjà en cas de constatation d’une infraction de travail illégal.

Deuxièmement, le délai actuel de trois ans est suspendu pendant la phase contradictoire du contrôle réalisé par l’Urssaf, au cours de laquelle le cotisant peut faire valoir ses observations.

Troisièmement, le délai de prescription de trois ans correspond au droit commun en matière fiscale. Il faut maintenir un certain équilibre entre la capacité d’action des organismes de recouvrement et la protection des intérêts des cotisants de bonne foi. Avec votre amendement, une simple erreur déclarative de leur part pourrait entraîner un rappel de cotisations quatre ou cinq ans plus tard, ce qui paraît un peu disproportionné.

Demande de retrait.

M. Christophe Bentz (RN). Nous considérons qu’un délai de prescription trop court – trois ans en l’occurrence – peut dissuader l’administration d’aller au bout des procédures de recouvrement des créances. C’est la raison pour laquelle nous proposons de le proroger de deux ans.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Simplifier l’affiliation, la déclaration de revenu, l’action sociale et la gouvernance de la sécurité sociale des artistes-auteurs

Amendement de suppression AS1346 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Je propose de supprimer cet article qui réforme la sécurité sociale des artistes-auteurs.

En 2018, le Gouvernement avait promis de créer un véritable organisme de gestion pour les artistes-auteurs. Cet engagement n’a pas été tenu et leur régime n’a aucune direction claire ni réelle gouvernance partagée.

L’article 5 ne règle rien. Il confirme et renforce le rôle dominant de l’Urssaf Limousin, qui serait désormais chargée des affiliations, sans que les représentants des artistes-auteurs soient associés à la gestion. La sécurité sociale des artistes-auteurs, agréée par l’État mais contestée par les syndicats, n’a aucun pouvoir réel et ne remplit pas les fonctions d’un organisme de sécurité sociale. Malgré les critiques de la Cour des comptes et le mécontentement des syndicats, le projet du Gouvernement ne change rien à ces déséquilibres. Il faut donc revoir la copie.

M. le rapporteur général. Cet article fait suite aux remarques de la Cour des comptes sur un certain nombre de dysfonctionnements.

En 2022, les deux associations chargées de la protection sociale des artistes-auteurs, l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) et la Maison des artistes, ont fusionné au sein d’un organisme unique, l’Urssaf Limousin étant parallèlement chargée depuis 2019 du recouvrement. L’article prévoit de confier aussi à l’Urssaf la responsabilité de l’affiliation des artistes-auteurs à la sécurité sociale et la gestion de l’action sociale à leur égard. Cette mesure de simplification mettra fin aux enchevêtrements de compétences et aux doublons.

Par ailleurs, les missions et la gouvernance de la sécurité sociale des artistes-auteurs seront profondément rénovées. L’article ne prévoit pas du tout de la maintenir sous sa forme actuelle : il renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des règles de fonctionnement de l’association et précise en particulier que son conseil d’administration devra comprendre des représentants des artistes-auteurs affiliés, des diffuseurs, des organismes de gestion collective des droits d’auteur et des représentants de l’État. Nous devrons y veiller.

La situation actuelle n’est pas satisfaisante. Adopter votre amendement nous empêcherait de l’améliorer.

Avis défavorable.

M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que Mmes Bourouaha et Galliard‑Minier sont chargées d’une mission « flash » sur la mise en place d’une continuité de revenu pour les artistes-auteurs, dont elles devraient présenter les conclusions prochainement.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes tous d’accord pour estimer que les artistes-auteurs ont des besoins spécifiques. Il est très étonnant de vouloir réorganiser leur régime de sécurité sociale alors qu’une mission est en cours. Cela plaide plutôt pour rejeter l’article et travailler ensuite sérieusement à partir des conclusions de nos collègues.

D’autant que le Gouvernement a mis les artistes-auteurs entre les griffes d’une organisation, l’Agessa, qui est marquée par des scandales à répétition. Les cotisations retraites de 190 000 personnes n’ont pas été prélevées, avec à la clef l’absence de droit à pension. Le directeur de cet organisme, M. Thierry Dumas, a reçu une indemnité de 300 000 euros à l’occasion d’une rupture conventionnelle. Cette somme aurait pu être utilisée de manière plus utile, par exemple pour réparer le préjudice subi par les artistes-auteurs.

Cet article est inacceptable car les artistes-auteurs n’auront plus aucun contrôle sur leur régime de protection sociale. Le recours amiable ne sera plus possible, puisque les commissions professionnelles disparaissent, de même que la commission d’action sociale. Les représentants des assurés ne seront plus élus mais désignés directement par le Gouvernement.

Nous voterons pour l’amendement de suppression, afin de pouvoir discuter tranquillement de ce dossier, en nous appuyant sur des faits.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Soumya Bourouaha et moi travaillons en effet sur le statut des artistes-auteurs afin de trouver une solution à une situation marquée par la précarité et le caractère discontinu de leurs revenus. Nous rendrons nos conclusions fin novembre.

Les artistes-auteurs et leurs syndicats considèrent de manière unanime que leur sécurité sociale ne fonctionne pas et qu’il est absolument nécessaire de déléguer les tâches de gestion des affiliations et de recouvrement des cotisations à l’Urssaf Limousin.

Je vous invite donc à ne pas supprimer cet article et à l’améliorer en séance. Il permet de préserver la spécificité de la protection sociale des artistes-auteurs. Peut-être faudra‑t‑il transformer la sécurité sociale des artistes-auteurs en conseil de la protection sociale des artistes-auteurs. De nouvelles missions seront confiées à l’organisation, dont celle de gérer les aides sociales, de désigner un médiateur et d’assurer la liaison avec les pouvoirs publics.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les artistes-auteurs sont affiliés au régime général de la sécurité sociale, et c’est une bonne chose. Je suis attaché aux trois U de la protection sociale : unité, uniformité, universalité. À chaque fois qu’on le peut, il faut faire converger vers le régime général des professions qui n’entrent pas dans le schéma classique comprenant un employeur et des salariés.

Il faut bien entendu associer les artistes-auteurs à la gouvernance, mais en sortant du modèle de l’Agessa et de la Maison des artistes, dont on a vu qu’il avait failli.

J’entends les inquiétudes au sujet d’un article qui ne prévoit pas une association suffisante des artistes-auteurs, mais la réforme va dans le sens d’une plus grande intégration dans le régime général de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle nous la soutiendrons.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Les organisations représentatives d’artistes-auteurs sont unanimement opposées à cette réforme. Une mission d’information est en cours et nous devons prendre le temps de travailler, car le sujet est sérieux. Il serait donc raisonnable de rejeter cet article pour nous atteler ensuite à la tâche et proposer quelque chose de concret et d’unanime. Quelle que soit notre appartenance politique, il serait bénéfique de valoriser le travail de notre commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1348 de Mme Soumya Bourouaha

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement permettrait de faire évoluer les choses sans attendre, car il y a urgence.

Nous proposons de créer un conseil de la protection sociale des artistes-auteurs, sur le modèle du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, qui permettrait de préfigurer la création d’une véritable caisse de sécurité sociale au sein du régime général.

L’amendement détaille sa composition, ses missions et les principes de son fonctionnement.

M. le rapporteur général. Vous souhaitez préciser les conditions de désignation des représentants des artistes-auteurs au sein du conseil d’administration, mais est-ce bien le rôle du législateur ? Nous pourrions laisser cela au Conseil d’État, sachant que la rédaction actuelle du texte précise déjà que les artistes-auteurs seront représentés au sein du conseil d’administration, et que les nouveaux organes dirigeants de la sécurité sociale des artistes-auteurs seront forcément créés en concertation avec les principaux intéressés. Certes, nous pourrions aussi préciser les choses ici, pour se rassurer.

Surtout, votre amendement tend à priver de toute représentation au sein du conseil d’administration les organismes de gestion collective (OGC) des droits d’auteur, tels que la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ou la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Est-ce volontaire ? La présence de ces organismes semble légitime, puisqu’ils sont chargés de précompter les cotisations dues sur la rémunération des auteurs. L’amendement devrait être retravaillé, au moins sur ce point.

Demande de retrait, ou avis défavorable.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Cet amendement prévoit que les représentants des artistes-auteurs seront désignés à l’issue d’élections professionnelles. Or le corps électoral de cette profession n’est pas défini – à partir de 1 euro de cotisation, tout le monde peut devenir artiste-auteur et être affilié à la sécurité sociale correspondante. Des critères de représentativité sont donc en train d’être examinés, sachant que les cinq branches des artistes-auteurs devront être représentées.

En outre, en l’état, l’alinéa 11 prévoit déjà que les artistes-auteurs seront représentés au conseil d’administration – nous sommes également attachés à ce point.

Enfin, pour ma part, je suis favorable au maintien d’une représentation des OGC au conseil d’administration, dès lors qu’ils ne disposent que d’une voix consultative.

Je m’oppose donc à cet amendement. Il faut continuer à travailler.

M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, puisqu’il semble compliqué de préciser le mode de désignation des représentants des artistes-auteurs dans la loi, je vous propose de réécrire ensemble l’amendement en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS296 de M. Damien Maudet et AS1296 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS296. De façon générale, nous souhaitons limiter la dématérialisation dans l’accès aux services publics, qui pénalise nos concitoyens les moins bien équipés. Une voie alternative doit toujours être possible. Or le présent article prévoit la dématérialisation complète de la déclaration de revenus des artistes-auteurs. Ce serait une rupture d’égalité et un obstacle à l’accomplissement des obligations déclaratives des artistes-auteurs.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je défends l’amendement AS1296. Dans le cadre de notre mission « flash », Mme Bourouaha et moi avons constaté que le taux de non-recours était important chez les artistes-auteurs, par défaut d’information. L’obligation de dématérialisation risquerait d’aggraver cette difficulté. Nous demandons donc de la supprimer.

M. le rapporteur général. Ces amendements vous rassemblent. J’ai entendu le message.

En l’état, cet article met fin à une exception. En effet, l’ensemble des employeurs et travailleurs indépendants sont désormais tenus de déclarer numériquement les revenus professionnels qu’ils versent ou perçoivent. On peut se demander pourquoi les artistes-auteurs devraient échapper à l’obligation à laquelle sont soumis les tapissiers ou les tailleurs de pierre. En outre, les déclarations sur papier représentent une charge administrative pour l’Urssaf, car les gestionnaires doivent en saisir manuellement le contenu.

Toutefois, à la lecture de l’exposé sommaire de vos amendements, je comprends qu’il faille se donner une certaine souplesse pour éviter la fracture numérique. Je vous propose de retirer vos amendements au profit du AS1750 qui va venir, qui maintient la possibilité pour les artistes-auteurs de déclarer leurs revenus autrement que par voie dématérialisée tout en soulignant que cette dernière modalité doit être privilégiée. J’admets que sa rédaction n’est pas totalement satisfaisante. Nous pourrions la retravailler en vue de la séance publique, sur le modèle de ce qui est prévu en matière fiscale.

L’amendement AS1296 étant retiré, la commission rejette l’amendement AS296.

Puis elle adopte l’amendement AS1750 de M. Thibault Bazin.

Enfin, elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Amendements AS1734 de M. Thibault Bazin et AS1334 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. le rapporteur général. En application de la loi du 17 décembre 2021, dite « Chassaigne 2 », le statut de conjoint collaborateur d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ne peut être conservé pour une durée supérieure à cinq ans. Cette règle qui s’applique depuis le 1er janvier 2022 obligera près de 10 000 personnes à opter pour un autre statut au 1er janvier 2027.

La loi Chassaigne 2 prévoit que, par défaut, les conjoints collaborateurs basculent vers le statut de salarié agricole, sauf dans les cas où ils demanderaient explicitement à devenir chefs d’exploitation.

Cette mesure, justifiée à l’époque par le souci de protéger ces personnes, est d’un intérêt moins évident aujourd’hui car les réformes des dernières années ont rendu le statut de chef d’exploitation plus protecteur. La réforme de l’assiette et des taux de cotisation des agriculteurs les conduira notamment à cotiser davantage pour leur retraite, laquelle sera d’ailleurs calculée à l’avenir sur la base des vingt-cinq meilleures années, en application de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. C’est un progrès, conforme aux vœux sur de nombreux bancs.

Pour inciter les conjoints collaborateurs à opter pour le statut de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, le présent amendement propose de leur octroyer le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales applicable aux jeunes agriculteurs, en supprimant la condition d’âge prévue pour celle-ci.

Cette exonération serait toutefois soumise à trois conditions cumulatives. Elle serait réservée aux conjoints collaborateurs qui arrivent au bout de la période de cinq ans sous ce statut ; qui choisissent d’exercer en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal ou exclusif ; et qui s’engagent à conserver ce statut pendant au moins cinq ans. Les conjoints collaborateurs concernés bénéficieraient de l’exonération dans les mêmes conditions que les jeunes agriculteurs.

Madame Vidal, vous avez déposé un amendement qui s’inscrit dans le même esprit. Je vous suggère de le retirer. Mon amendement a l’avantage de préciser expressément que la condition d’âge ne s’applique pas, afin de clarifier l’éligibilité des conjoints collaborateurs actuellement âgés de plus de 40 ans. Par ailleurs, il renvoie à un décret le soin de préciser les conditions d’application de l’article, notamment la manière dont devra se matérialiser l’engagement de conserver le statut de chef d’exploitation pendant cinq ans.

Votre amendement, au contraire, ne s’appliquerait que de manière temporaire et pour la seule génération des conjoints collaborateurs arrivant au bout de la période de cinq ans sous ce statut en 2027. Il risquerait donc d’être censuré par le Conseil constitutionnel, puisque la loi organique interdit à une loi de financement de l’année de comporter des dispositions s’appliquant uniquement aux années ultérieures et ne présentant pas de caractère permanent.

Mme Annie Vidal (EPR). Je retire mon amendement et vous remercie pour votre expertise. Nous partageons la même volonté.

M. le rapporteur général. Puisque nous sommes d’accord, je vous propose de cosigner l’amendement qui sera présenté en séance, ou d’en présenter un identique. Monsieur Monnet, la même proposition vaut pour l’amendement que vous venez de retirer.

L’amendement AS1334 étant retiré, la commission adopte l’amendement AS1734.

Amendements AS1287 de Mme Sandrine Rousseau et AS891 de M. Yannick Monnet ; amendements identiques AS484 de Mme Élise Leboucher et AS892 de Mme Karine Lebon ; amendements AS139 de M. Jérôme Guedj et AS428 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement vise à abroger la réforme des retraites. Puisque cette question bloque nos discussions sur le PLFSS, cela simplifierait nos débats et ouvrirait la porte à une majorité en faveur de ce texte.

Alors que la réforme des retraites n’a jamais été votée à l’Assemblée nationale, l’adoption de cet amendement permettrait à notre chambre de s’exprimer pour la première fois, dans le respect de l’opinion publique des Français et des Françaises et de leurs conditions de vie.

M. Yannick Monnet (GDR). Notre amendement vise à augmenter le taux de cotisation des plus hauts revenus et à convoquer une conférence sociale et de financement des retraites. Il faut échanger sur ces questions, à défaut de pouvoir en débattre.

La question des retraites est trop souvent traitée sous le seul prisme d’un prétendu équilibre financier, mais sans aborder la question des recettes, alors qu’il s’agit avant tout d’un choix de société. Une conférence permettrait de formuler ce choix, en prévoyant les financements nécessaires – pour notre part, nous sommes favorables à une augmentation des cotisations sur les hauts revenus.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Dans la lignée des orateurs de gauche précédents, nous autres insoumis sommes convaincus qu’aucun problème financier n’empêche d’abroger la réforme des retraites. La proposition de notre amendement AS484 le démontre : une très légère cotisation sur les très hauts salaires rapporterait la somme nécessaire à l’abrogation dès le 1er janvier de l’an prochain.

La part de rémunération située en dessous du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), qui est d’environ 4 000 euros par mois, est soumise à un taux de cotisation de 10,5 % au titre de l’assurance vieillesse ; pour la part qui est au-dessus du plafond en revanche, le taux dépasse juste les 2 %. Ainsi, plus le salaire est élevé, plus le taux de cotisation sur l’ensemble du salaire se réduit : il est de 10,5 % pour une personne rémunérée au Smic, mais de seulement 8 % pour un cadre qui touche 3 Smic.

En augmentant les cotisations pour les très hauts salaires, nous ferons d’une pierre deux coups : nous rendrons le régime de contribution sociale plus juste et nous dégagerons les moyens nécessaires à l’abrogation de la réforme des retraites.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS892 est défendu.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les amendements en discussion visent à dégager des ressources pour la branche vieillesse, dans le but d’en résorber le déficit et d’éviter l’application des mesures de report de l’âge légal de départ à la retraite de 2023. Je souscris à cette logique – mon amendement tend ainsi à déplafonner les cotisations d’assurance vieillesse.

Toutefois, nous devons être conscients que si nous déplafonnons les cotisations d’assurance vieillesse, nous devrons également déplafonner les pensions. Actuellement, la pension de base maximale correspond à 50 % du plafond annuel de la sécurité sociale. Dans le système assurantiel auquel nous sommes attachés, il ne peut y avoir de cotisation qui n’ouvre pas de droit à l’assurance.

Ce sont donc des amendements d’appel. La réforme du financement de la branche vieillesse est nécessaire. Elle sera rendue possible demain par la suspension de la réforme des retraites et la convocation d’une conférence sur le travail et les retraites. En 2027, les Français trancheront. S’ils veulent une réforme plus dure, ils voteront à droite ; s’ils veulent une réforme plus juste, ils voteront à gauche.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS428. Le système actuel est insatisfaisant, parce qu’il n’apporte pas assez d’argent aux caisses d’assurance vieillesse et qu’il est socialement injuste. Le plafond est trop bas. Il permet à des actifs qui perçoivent 3 ou 4 Smic de contribuer moins que des personnes rémunérées au Smic.

Contrairement à M. Guedj, le fait que des cotisations ne créent pas automatiquement de droits ne me choque pas. C’est déjà le cas de la part employeur prélevée sur le total du salaire brut, de 2,02 %. Demandez-vous sa suppression ? Pour ma part, elle me semble insuffisante.

Tout le monde profite de l’assurance vieillesse, y compris les plus aisés, qui souhaitent que leurs collègues et leurs parents restent en bonne santé tout au long de leur vie. Nous avons tous intérêt à l’augmentation des cotisations déplafonnées.

M. le rapporteur général. Pour la clarté de nos débats, précisons que la suspension de la réforme des retraites est inscrite à l’article 45 bis et son financement à l’article 7. Ce n’est donc que dans quelques jours que nous en traiterons. Le budget de la sécurité sociale ne se résume pas à la question des retraites, même si les journalistes n’attendent que ça.

Vos amendements eux-mêmes ne tendent pas à suspendre la réforme des retraites, mais à organiser une conférence de financement des retraites et à créer des surcotisations vieillesse sur les revenus supérieurs à deux ou quatre Pass.

Il n’est pas exact que ceux qui ont des revenus élevés ne contribuent pas. Ils sont déjà soumis à une forme de contribution de solidarité, avec une part employeur et une part salariée, comme indiqué par M. Clouet. De fait, ils contribuent déjà au financement de la sécurité sociale pour leurs revenus qui excèdent le Pass alors que cela ne leur ouvre aucun droit supplémentaire à la retraite de base.

M. Guedj pose une question de principe intéressante sur les droits contributifs et non contributifs, qui rejoint la mission lancée par la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la répartition des risques entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. Toutefois, nous ne pouvons pas traiter ce sujet global par voie d’amendements.

S’agissant de la conférence que vous demandez, j’ai cru comprendre que le nouveau ministre du travail souhaitait lancer fin novembre une conférence sociale sur le travail et les retraites. Je ne peux qu’y être favorable, sur le principe.

Une augmentation des taux de cotisation augmenterait le coût du travail et réduirait le pouvoir d’achat des assurés. Surtout, au-delà d’un certain niveau, les cotisations qui ne créent pas de droits risquent de dénaturer le système de retraite, en lui faisant perdre son caractère contributif. Ce niveau n’est-il pas atteint avec les quatre premiers amendements en discussion, qui permettraient de dégager 3,4 milliards d’euros de recettes, en augmentant de 33 % en moyenne les cotisations des 10 % d’assurés – dont le revenu fiscal de référence est certes élevé ?

Quant à l’amendement AS428, il vise à augmenter les prélèvements de 6 milliards d’euros. Pour les assurés du cinquième décile, cela représenterait 100 euros de cotisation supplémentaire par an. Ces amendements ne visent donc pas seulement les plus aisés.

Enfin, monsieur Guedj, votre amendement AS139 est très puissant : il rapporterait 24 milliards d’euros. En effet, le surplus de cotisation que vous proposez concerne tous les cotisants, y compris ceux dont la rémunération est inférieure au Pass. Si j’en crois votre exposé sommaire, votre intention était plutôt de le cibler sur les seuls revenus supérieurs à ce plafond. Dans ce cas, la mesure ne rapporterait qu’environ 650 millions. Ce serait insuffisant pour financer la suspension de la réforme des retraites, dont le coût pour le seul système de retraite est évalué à 1,4 milliard en 2027 – le coût d’ensemble pour les finances sociales étant bien sûr plus élevé.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements, tant pour des raisons d’ordre philosophique que parce que les hausses de cotisation proposées me semblent trop importantes.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, le débat sur les retraites est politique et il est normal que vos idées le soient aussi.

Il est fondamental d’aborder la question des moyens. Je ne partage pas l’idée que l’on cotise pour sa retraite : on cotise pour un système de solidarité qui garantit une bonne retraite à tout le monde. C’est aussi une manière de garantir le sens du travail, sa valeur et l’intérêt de s’y investir. Le travail doit servir à obtenir une bonne retraite.

En tant que tels, les taux de cotisation n’ont pas de sens. Cela ne me gêne pas que l’on prélève beaucoup, la question est de savoir à qui l’on prend ! Nous démontrons aujourd’hui qu’il serait possible de prendre à ceux qui ont beaucoup – voire beaucoup trop – pour davantage financer la solidarité.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Certaines fractures démocratiques de notre pays font histoire. 2005 en est une. Le 49.3 d’Élisabeth Borne sur la réforme des retraites en est une autre.

La réforme des retraites, c’est ce qui cristallise les questions de nos concitoyens sur notre travail parlementaire. La majorité de nos concitoyens ne veulent plus avoir à tout payer, y compris à travers leur temps de travail, alors que les gros ne paient quasiment rien. Ils ne demandent pas la suspension de la réforme des retraites, mais son abrogation. Une majorité de députés y est également favorable. Ces amendements permettraient de la financer.

M. Hendrik Davi (EcoS). C’est un point central de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, parce qu’il touche à la question de la fracture sociale. Qui paye, et qui bénéficie des droits ? Les réformes des retraites touchent avant tout les classes populaires, car les plus pauvres vivent moins longtemps – un homme parmi les plus aisés vit en moyenne treize ans de plus qu’un homme issu des classes populaires.

Alors que vous demandez des efforts aux plus pauvres, nous montrons ici qu’une augmentation des cotisations pour les plus riches, ceux dont les revenus excèdent notablement le plafond annuel de la sécurité sociale, permettrait de financer l’abrogation de la réforme des retraites. Nous aurons le même débat tout à l’heure sur les franchises : il faut les rejeter, et faire contribuer les plus riches à la place.

M. Thomas Ménagé (RN). Je suis ravi de voir que le Parti socialiste et La France insoumise, après les brouilles de ce matin, reconstituent le Nouveau Front populaire autour d’amendements qui vendent tous du rêve, en promettant le report ou l’abrogation de la réforme des retraites et l’augmentation des impôts. Pourtant, nous savons pertinemment que, contrairement à ce que prétendent leurs exposés sommaires, ces amendements ne permettront ni l’abrogation de la réforme des retraites, ni le report de trois mois de cette réforme que les socialistes ont obtenu en échange d’une augmentation des impôts et des taxes et de davantage de souffrances pour le pays.

Nous nous opposerons à ces amendements, même si nous sommes favorables à l’abrogation de la réforme des retraites. Nous comptons plutôt sur de nouvelles élections, présidentielle ou législatives.

M. Jean-François Rousset (EPR). En matière de retraites, la vraie fracture est démographique. Les futurs cotisants – c’est-à-dire les jeunes – ne sont plus suffisamment nombreux. Je veux bien taxer les uns et les autres, mais c’est essentiellement sur le travail qu’il faut jouer.

On n’en parle jamais mais après redistribution, l’écart de revenus passe de 28 % ou 30 % à 3 %. Ainsi, si les moins favorisés participent à leur niveau au financement de la protection sociale, ils y contribuent beaucoup moins que les plus aisés.

M. Jérôme Guedj (SOC). Même si nous ne débattrons que plus tard des modalités de la suspension de la réforme des retraites et de son financement, il est légitime de poser d’ores et déjà les jalons d’une future réforme du financement de la branche vieillesse.

Chers collègues du Rassemblement national, refuser la suspension de la réforme des retraites et réclamer son abrogation sans jamais avouer qu’il faudra prendre des mesures pour la financer, au vu du déficit de la branche vieillesse, c’est de l’enfumage. C’est une impasse et un mensonge : vous n’avancez aucun financement crédible.

Pour notre part, nous sommes pragmatiques et constants. Il faut d’abord suspendre la réforme des retraites, parce que l’abrogation ne passera pas sous cette législature. Ensuite, j’attends le débat de l’élection présidentielle pour connaître le projet de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella en matière de retraites.

M. Nicolas Turquois (Dem). Est-ce le moment d’aborder ces sujets ? Depuis pratiquement deux heures, nous faisons de la politique, chacun ergote, montre ses muscles, sans faire avancer les choses en matière de protection sociale. Le débat aura lieu en 2027 ; chacun assumera ses choix à ce moment-là.

Monsieur Clouet, si les cotisations sont plafonnées, c’est parce que la pension de retraite l’est aussi. Dès lors que les prélèvements sur la partie de la rémunération supérieure au plafond ne créent pas de droits, il est conforme à la logique de la sécurité sociale qu’ils n’aient pas le même taux.

Monsieur Boyard, j’entends que les Français ne souhaitent pas cotiser davantage. Ce pays doit produire davantage de richesses. Là est la vraie solution.

Mme Justine Gruet (DR). Non, madame Rousseau, votre amendement ne vise pas à abroger la réforme des retraites, sinon, il aurait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Vous proposez simplement d’ouvrir une consultation. Il faut arrêter de mentir à nos concitoyens.

Si notre taux d’emploi était le même que celui de l’Allemagne, notamment pour les jeunes et les seniors, nous produirions 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et nous dépenserions 5 milliards de moins. Le vrai débat de fond n’est donc pas celui que vous menez : il est de savoir comment produire mieux et plus.

Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 7, lequel prévoit d’augmenter la contribution des mutuelles notamment pour financer la suspension de la réforme des retraites. Le résultat sera de diminuer les pensions. Ainsi, au lieu de protéger le système par répartition, le texte affectera les personnes âgées.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). C’est l’hypocrisie du Rassemblement national : alors qu’il prétend vouloir abroger la réforme des retraites, il refuse chacun des modes de financement alternatifs qui permettraient de sauver notre système de protection sociale. Ils sont pourtant nombreux : nous pourrions régulariser l’ensemble des travailleurs sans papiers, instaurer l’égalité salariale entre femmes et hommes ou, comme le proposent ces amendements, augmenter les cotisations prélevées sur les hauts salaires.

Si nous arrêtons de créer des exonérations patronales à tour de bras, il est possible de préserver notre système de protection sociale, ainsi que la retraite par répartition et à 60 ans. À chaque fois que nous le pourrons, nous relancerons ce débat sur l’abrogation de la réforme des retraites.

M. Michel Lauzzana (EPR). Il faut prendre en compte la démographie dans ce débat. Pour le reste, nous préférons privilégier le dynamisme de l’économie et éviter de tuer les entreprises. Des articles récents ont mis en évidence l’exil de plus en plus important de jeunes ingénieurs notamment, qui quittent la France car elle n’est plus assez attractive. Et l’on va encore augmenter les cotisations sur leurs revenus ?

Les cotisations sociales des entreprises sont déjà très élevées – elles représentent 48 % de la masse salariale pour une entreprise comme Airbus. Est-ce tenable, dans une compétition internationale ?

Peut-être faut-il réviser la réforme des retraites, mais sans alourdir encore le boulet des cotisations !

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il n’est pas possible d’abroger la réforme des retraites n’importe quand – maintenant, par exemple. C’était possible, en revanche, le 31 octobre 2024, lors de la niche parlementaire du Rassemblement national. Nous vous soumettions alors l’abrogation de la réforme des retraites, qu’une large majorité des Français demandent, et proposions en outre que tous les Français qui souffrent d’usure professionnelle partent à la retraite un an plus tôt. Vous avez refusé, du Parti socialiste à La France insoumise en passant par les écologistes et les communistes.

Pour financer le système de retraites, la gauche veut faire exploser les cotisations sur les employeurs et les employés. Le centre veut faire bosser les Français plus longtemps et davantage alors qu’ils travaillent en moyenne largement plus de 35 heures – les assistantes maternelles ont une moyenne de 44 heures par semaine. Pour notre part, nous privilégions l’emploi et la natalité. Vivement que les Français tranchent ce débat, lors des prochaines élections.

M. le rapporteur général. J’ai étudié l’impact de ces amendements qui posent la question du financement du système de retraites. Les plus ambitieux rapporteraient 6 milliards d’euros ; les autres en moyenne 3,4 milliards, sauf l’amendement de M. Guedj, qui rapporterait 24 milliards mais est plutôt conçu pour 640 millions. Bref on est bien loin du coût de la suspension de la réforme des retraites.

Sur le fond, s’agit-il de faire basculer le financement de notre système de retraite vers un système fondé sur l’impôt ? Je ne suis pas sûr que les communistes ou les insoumis le souhaitent. Aux termes de la décision du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel, « les cotisations versées aux régimes obligatoires de sécurité sociale qui résultent de l’affiliation à ces régimes constituent des versements à caractère obligatoire de la part des employeurs comme des assurés ; [...] ces cotisations ouvrent vocation à des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes ». En développant comme vous le proposez les cotisations non contributives, nous risquons de remettre en cause la différence entre les impositions de toute nature et les cotisations.

Sur un plan plus politique, je pense que la dernière réforme des recettes, quoique nécessaire, était incomplète. Les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR) montrent que les deux vecteurs pour assurer l’équilibre du système de retraites à court et moyen terme sont le taux d’emploi et le renouvellement des générations.

Nous devrions concentrer notre énergie sur l’amélioration du taux d’emploi des jeunes et des parents de jeunes enfants. Quand un parent ne reprend pas le travail faute de solution de garde pour son enfant, c’est du perdant-perdant : le parent prive la société de sa contribution et perd des droits pour la retraite.

Comme l’indique Mme Gruet, améliorer le taux d’emploi serait une solution beaucoup plus puissante et efficace pour notre système de retraite. Avec le taux d’emploi de l’Allemagne, nous collecterions 15 milliards d’euros de prestations sociales supplémentaires et verserions 5 milliards de moins en prestations. Cela fait 20 milliards, soit un montant bien supérieur au déficit de la branche vieillesse. Une telle somme pourrait même nous permettre de relever des défis tels que l’harmonisation des droits conjugaux et familiaux par le haut.

La commission rejette successivement les amendements.

La réunion est suspendue de onze heures à onze heures quinze.

Amendements AS658 de M. Hadrien Clouet et AS660 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes nombreux à penser qu’avec un salaire supérieur à 20 000 euros par mois – soit cinq fois le plafond de la sécurité sociale –, on est dans une situation très confortable, pour ne pas dire riche. Les macronistes eux-mêmes ont créé l’année dernière une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui s’applique au-delà de ce seuil. Par cohérence, nous proposons d’instaurer une surcotisation de 1 % sur ces revenus, afin de dégager un peu plus de 5 milliards d’euros de recettes pour financer l’assurance vieillesse et l’abrogation de la réforme des retraites.

Le RN clame qu’il ne veut pas taxer davantage les Français, mais cette mesure ne concerne que 0,05 % d’entre eux. Et si ces derniers ne contribuent pas, ce sont tous les autres qui paieront. Soit vous soulagez la bourgeoisie, soit vous soulagez le plus grand nombre.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Dans le même esprit, l’amendement AS660 vise à instituer une surcotisation sur les revenus supérieurs à 9 812 euros par mois, afin de financer l’abrogation de la réforme des retraites.

Il y a une forme d’ironie à voir le Rassemblement national voter contre tous nos amendements qui proposent une légère augmentation des cotisations sociales des plus aisés afin de financer l’abrogation de la réforme des retraites, c’est-à-dire de permettre aux salariés payés au Smic de ne pas voir à travailler deux années de plus, tout en expliquant qu’il financera ladite abrogation non plus en portant le prix du paquet de cigarettes à 100 euros, comme précédemment, mais par le biais de la natalité. Quelles mesures prendrez-vous, collègues du RN, pour relancer la natalité ? Nous n’en voyons aucune dans votre programme. Mais nous serions curieux de savoir pourquoi vous refusez de taxer les riches pour aider le peuple.

M. le rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, votre amendement, monsieur Clouet, ne comporte aucune précision sur les modalités du nouveau prélèvement, que vous qualifiez d’ailleurs alternativement de « cotisation » ou de « contribution ». S’il s’agit d’une contribution, on ne sait pas si elle est de nature fiscale ou non. En l’état de la rédaction, elle serait inconstitutionnelle puisqu’il revient à la loi – et non à un décret pris en Conseil d’État – de fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. S’il s’agit d’une cotisation, on ne sait pas si elle est salariale ou patronale ni à quelle branche elle serait affectée.

Votre seule volonté, en définitive, est de créer un nouveau prélèvement sur les plus riches, peu importe ses modalités. Cependant, il faut bien que le dispositif fonctionne.

Ce week-end, j’ai croisé dans ma circonscription deux électeurs qui m’ont dit que j’étais devenu insoumis : permettez-moi de les rassurer en émettant un avis défavorable sur vos amendements...

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le Rassemblement national considère qu’avec 9 812 euros par mois, on ne perçoit pas des revenus suffisants pour payer une surcotisation. J’aimerais donc savoir ce qu’ils proposent, en matière de natalité, pour financer l’abrogation de la réforme des retraites.

M. Thomas Ménagé (RN). Je vais vous répondre, même si nous ne sommes pas ici pour cela. Notre programme comporte plusieurs mesures de nature à relancer la natalité, comme l’attribution d’une part fiscale complète dès le deuxième enfant – quand vous, vous tapez continuellement sur les familles qui travaillent, qui ont des enfants et qui essaient de vivre dans une France de plus en plus compliquée depuis l’élection d’Emmanuel Macron, que vous avez soutenu à de multiples reprises et contribué à faire élire. Nous proposons aussi la création d’un prêt public à taux zéro de 100 000 euros, transformé en subvention pour les couples qui ont un troisième enfant et participent ainsi au rebond démographique pour financer notre modèle social.

Nous voulons faire grossir le gâteau, en quelque sorte, relancer l’économie pour obtenir des cotisations supplémentaires au lieu de taxer toujours davantage une petite partie des Français, ceux qui se lèvent pour aller travailler et ceux qui créent des emplois. Selon le COR, si la France atteignait le taux d’emploi des Pays-Bas, elle disposerait de 140 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales supplémentaires chaque année – sauf que nous avons 14 points de retard. Remettons donc la France au travail, créons des emplois et arrêtons de nous en prendre aux entreprises et au travail, comme vous le faites.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le taux d’emploi en France est largement supérieur à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. La fécondité est elle aussi très supérieure à celle de nos voisins, même si elle a reculé ces derniers temps.

Nous voterons ces amendements qui sont pleinement justifiés parce que nous assistons, depuis une vingtaine d’années, à une captation des richesses par les 1 % les plus riches et à un creusement des écarts de revenus particulièrement indécent, qui n’existait pas auparavant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS721 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Le Parlement vient d’adopter le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, qui prévoit notamment une négociation obligatoire pour les entreprises de plus de trois cents salariés. Afin de rendre cette dernière effective, l’amendement vise à l’assortir d’une sanction en cas de non-respect, qui prendrait la forme d’un malus sur les cotisations d’assurance vieillesse. L’objectif est de favoriser l’emploi des seniors dans de bonnes conditions. Cette question aurait d’ailleurs dû être un préalable à toute réforme des retraites. En effet, le taux d’emploi des 55-64 ans, public particulièrement vulnérable, est de 56 % et le taux de chômage augmente au fur et à mesure de leur avancée en âge.

M. le rapporteur général. Vous voulez créer un malus pour les entreprises qui ne satisferaient pas leurs obligations tendant à favoriser l’emploi des salariés expérimentés. Malheureusement, et c’est aussi une frustration pour moi, le PLFSS n’est pas le bon vecteur pour porter des mesures qui relèvent du travail.

Je ne suis pas sûr que créer un malus – autrement dit, un prélèvement social déguisé – soit un très bon signal à envoyer aux branches professionnelles et aux partenaires sociaux alors que des ANI viennent d’être adoptés qui prévoient précisément une négociation obligatoire, au moins une fois tous les quatre ans, en matière d’emploi, de travail et d’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins trois cents salariés. Faisons-leur confiance et laissons-leur la possibilité d’en discuter.

Par ailleurs, renvoyer à un décret le soin de déterminer le malus laisse, à mon sens, trop de place à l’arbitraire : préciser que ce malus doit être fixé « sur la base de critères clairs » me semble davantage relever du vœu pieux que d’une garantie juridique solide pour les entreprises.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je ne comprends pas votre raisonnement, et je soutiens cet amendement. La question de l’emploi des seniors ne pourra pas être traitée sans imposer une forme de contrainte. Certaines entreprises se délestent manifestement de leurs salariés plus âgés. C’est prévoir une négociation sans l’assortir d’une forme d’obligation qui me paraît, pour le coup, un vœu pieux. L’amendement de notre collègue prouve que le PLFSS peut être le bon véhicule pour favoriser l’emploi des seniors, même s’il ne doit pas être le seul levier et que le dispositif reste perfectible – c’est toujours mieux que si on ne fait rien.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’accord qui vient d’être signé prévoit que si, à l’issue des discussions, aucun accord n’a été conclu, l’employeur peut décider seul d’appliquer le plan d’action. L’ANI ne prévoit donc aucune contrainte ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a fait l’objet de critiques et que la CGT n’y est pas favorable. Lors de l’examen du texte, nous avions été constructifs en formulant plusieurs propositions ; on nous avait répondu qu’il valait mieux s’en tenir strictement à l’ANI. Par cet amendement, nous cherchons précisément à le rendre plus opérant. Si vous êtes favorable à l’accord – et il me semble que tout le monde a voté en sa faveur, à l’exception de La France insoumise –, adoptez cet amendement !

M. Michel Lauzzana (EPR). Même si le but poursuivi est louable, la manière d’y parvenir n’est pas la bonne. Vous alourdissez une fois de plus les cotisations patronales alors qu’elles s’élèvent déjà, pour certaines entreprises, à 48 % de la masse salariale – imaginez le boulet que cela représente, notamment en matière de compétitivité ! Faisons plutôt confiance à l’ANI.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Il s’agit d’alourdir les cotisations patronales des seules entreprises de plus de trois cents salariés qui ne joueraient pas le jeu vis-à-vis de ce public fragile que sont les seniors. Si nous ne faisons rien, l’accord de branche restera un vœu pieux.

M. le rapporteur général. Vous proposez de soumettre les entreprises à un malus « en l’absence de négociation » ou « à défaut d’accord ». Mais il est très facile de lancer des négociations, sans aucune obligation de résultat ! Quant au plan d’action annuel, votre amendement ne dit rien de son contenu. Par conséquent, tel qu’il est proposé, le dispositif du malus sera inopérant, parce qu’il n’atteindra pas sa cible.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS662 de M. Damien Maudet et AS666 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il s’agit de revenir sur les exonérations de cotisations sociales accordées aux médecins libéraux qui cumulent emploi et retraite. Ces incitations fiscales n’ont clairement pas fait la preuve de leur utilité. La décision de rester ou non en activité n’est pas liée à un quelconque avantage fiscal : en 2023, ces exonérations se sont d’ailleurs accompagnées d’une baisse du taux d’activité des médecins. De plus, le système actuel vise à favoriser le maintien en activité des praticiens qui exercent dans des zones sous‑dotées ; sachant que celles-ci représentent 87 % du territoire, cela reviendrait à exonérer la quasi-totalité des médecins.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer ces systèmes incitatifs qui ne fonctionnent pas et privent la sécurité sociale de recettes supplémentaires.

M. le rapporteur général. Vous revenez sur un dispositif qui a été adopté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale et qui traduit, à mon sens, un bon équilibre : c’est une solution transitoire consistant à exonérer de cotisations d’assurance vieillesse les médecins retraités qui poursuivent ou reprennent leur activité en zone sous-dense, mais qui en contrepartie ne se constituent pas de nouveaux droits à la retraite.

Ce dispositif permet aussi l’affiliation des médecins en cumul emploi-retraite au régime simplifié des professions médicales, ce qui allège significativement leur charge administrative avec un interlocuteur unique, l’Urssaf, qui gère les formalités nécessaires à la création ou à la reprise de leur activité. En adoptant votre amendement, nous supprimerions le bénéfice de ce régime simplifié, qui va pourtant dans le bon sens.

Vous estimez que ces exonérations de cotisations entraînent une perte de recettes. Si l’on compare les cotisations versées par un médecin affilié au régime simplifié, qui atteint le plafond fixé à 19 000 euros de chiffre d’affaires, avec celles versées par un médecin en secteur 1 aux revenus similaires, on se rend compte que les montants acquittés sont très similaires. La perte de recettes est faible, alors que le régime simplifié facilite grandement les démarches des médecins : c’est donc du gagnant-gagnant.

Il faut rappeler que l’assurance maladie prend en charge une partie des cotisations des médecins libéraux qui relèvent du régime de droit commun : leur reste à charge est ainsi réduit de 34 %. Par conséquent, un médecin au régime simplifié s’acquitte de 3 200 euros de cotisations, tandis que celui qui relève du régime de droit commun paie 3 300 euros. 100 euros de différence face à l’avantage du régime simplifié : je crois que nous y perdrions à adopter vos amendements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je suis sûre que si nous adoptions ces amendements, vous sauriez rétablir une mesure de simplification, monsieur le rapporteur général ! Vous admettez par ailleurs que les exonérations entraînent une perte de recettes – quel qu’en soit le montant, c’est toujours trop. Arrêtons la gabegie et mettons fin à des systèmes qui, manifestement, n’incitent pas les médecins à poursuivre leur activité au-delà de l’âge de la retraite. Cherchons d’autres solutions, qui ne grèvent pas les comptes de la sécurité sociale.

M. Michel Lauzzana (EPR). Je m’élève contre les allégations de Mme Amiot. Qu’elle vienne dans ma circonscription et elle constatera que des centres de professionnels de santé ont été formés grâce à ce dispositif, auquel adhèrent de plus en plus de médecins. S’il n’existait pas, ils devraient travailler beaucoup pour commencer à avoir un avantage sur les cotisations de sécurité sociale.

Maintenons cette incitation fiscale, car nous avons besoin des médecins retraités partout en France. Ils ont déjà cotisé tout au long de leur carrière : il est donc normal de les exonérer, dans la limite d’un plafond de chiffre d’affaires au-delà duquel ils cotisent. C’est pourquoi je ne voterai pas ces amendements.

M. Christophe Bentz (RN). Nous nous opposons à ces amendements de La France insoumise car les incitations au cumul emploi-retraite des médecins constituent l’une des rares solutions de court terme que nous avons pour faire face au manque de praticiens. Des solutions de moyen et de long terme existent – la décentralisation des formations en santé, la levée totale du numerus apertus – mais c’est dès à présent qu’il faut répondre à la désertification médicale. Conservons ce dispositif : je vous assure qu’il fonctionne bien, notamment en zone rurale.

M. le rapporteur général. Ces amendements ne concernent pas uniquement des incitations économiques. Ils remettent en cause deux aspects du dispositif.

Le premier, ce sont les exonérations ciblées, qui, je le rappelle, ne concernent que les médecins déjà à la retraite afin d’empêcher tout effet d’aubaine. Pour mémoire, j’avais déposé l’année dernière un amendement qui allait sans doute trop loin, et je m’en étais expliqué auprès de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, afin que les médecins ne puissent pas profiter du dispositif pour partir à la retraite et bénéficier ensuite des avantages fiscaux.

Le second aspect, fondamental, concerne le régime simplifié de déclaration. S’il n’existait pas, le médecin devrait s’affilier de nouveau à sa précédente caisse, ce qui ne serait pas du tout incitatif. Un régime transitoire a été mis en place en 2025, étendu à compter du 1er juillet : par conséquent, le nouveau régime vient à peine de commencer. Je vous invite donc à retirer vos amendements et vous propose de profiter du prochain projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale et du Printemps social de l’évaluation pour mesurer les effets concrets des incitations fiscales depuis le 1er juillet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS37 de Mme Sylvie Bonnet et AS879 de Mme Karine Lebon

Mme Josiane Corneloup (DR). Le 31 janvier 2025, le gouvernement Bayrou a pris la décision d’augmenter de 3 points par an le montant de la cotisation vieillesse des employeurs territoriaux jusqu’en 2028, ce qui entraînera, à terme, une dépense supplémentaire non compensée d’environ 4,2 milliards d’euros par an. Cette mesure augmentera mécaniquement d’au moins 2 points par an la masse salariale des collectivités territoriales, à effectif inchangé, et aboutira, comme le rappelle la Cour des comptes, à une hausse des charges de retraite des employeurs territoriaux de plus de 40 % en quatre ans, ce qu’aucune entreprise ne pourrait supporter sans être mise en péril. Si l’on veut réduire les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, on ne peut pas leur imposer un tel choc contributif, qui revient d’ailleurs à leur transférer le déficit de notre système de protection sociale.

L’amendement AS37 vise donc à revenir sur la hausse envisagée pour les collectivités et les établissements hospitaliers et à maintenir le taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) à son niveau de 2025 – soit 34,65 % au lieu de 43,65 %.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous ne sommes pas opposés à l’augmentation, en soi, des cotisations ; toutefois, en l’espèce, le décideur n’est pas le payeur. Les collectivités ne disposant quasiment plus de leviers fiscaux pour mener leurs politiques, cette hausse affectera nécessairement l’investissement local. C’est pourquoi nous demandons par l’amendement AS879 au moins le gel du taux de cotisation à la CNRACL. Nous avons déposé un autre amendement concernant les mesures de compensation.

M. le rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière et nous l’aurons probablement jusqu’en 2028 puisque la trajectoire de hausse des cotisations doit s’arrêter, en l’état, dans trois ans.

La situation financière de la CNRACL est catastrophique, puisque le déficit devrait se monter à 1,5 milliard d’euros en 2026. S’il n’y avait pas eu une hausse des cotisations, il atteindrait 3,3 milliards. Il ressort d’ailleurs de mes échanges avec les auditeurs financiers de la Caisse que cette hausse sur plusieurs années ne suffira pas à régler le problème.

Je vous rejoins sur le fait que les réponses à apporter à l’avenir doivent être structurelles. Plusieurs pistes ont été dessinées par les inspections générales : la réforme des transferts démographiques entre régimes de retraite, sachant que, par le passé, la CNRACL a contribué à d’autres régimes, ou encore la prise en charge de certaines dépenses – liées par exemple à la famille – qui sont financées par d’autres branches dans les autres régimes de retraite.

Ayant été maire de mon village pendant près de dix ans, conseiller départemental, mais aussi administrateur depuis dix-huit ans ou membre du conseil de surveillance d’établissements hospitaliers et médico-sociaux, je mesure bien les conséquences budgétaires de ces décisions. Nous devons appeler le Gouvernement à un changement structurel de la CNRACL. Néanmoins, si nous gelons les cotisations, nous devons avoir conscience que le coût pèsera sur d’autres.

C’est pourquoi je ne peux pas émettre un avis favorable à vos amendements, même si je ne me satisfais ni de la trajectoire, ni de la réponse actuelle, qui n’est pas à la hauteur pour remédier aux difficultés de la caisse.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je suis heureux que vous n’ayez pas évacué le sujet des collectivités. En revanche, je ne suis pas d’accord avec votre conclusion, qui consiste à laisser les choses telles qu’elles sont. Puisque le Parlement semble reprendre la main – faisons semblant d’y croire –, vous pourriez appeler, vous qui avez une voix forte et une pratique rassembleuse, à adopter ces amendements pour envoyer un message et faire en sorte que la hausse des cotisations soit, au moins, compensée pour les collectivités.

M. Michel Lauzzana (EPR). La caisse connaît en effet un déficit important. Si la hausse des cotisations est un bon début, le problème perdurera néanmoins dans les années à venir. Nous pourrions faire appel à d’autres cotisations ou à des transferts pour compenser la dépense, mais l’équilibre général des finances est tel que nous ne ferions qu’aggraver la situation. L’État est en déficit, c’est pourquoi il faut trouver ensemble des réponses structurelles.

Mme Justine Gruet (DR). Le rapporteur général s’est exprimé avec beaucoup de sagesse : certes la hausse des cotisations met en difficulté les collectivités et les structures qui bénéficient du régime, mais il serait démagogique de geler l’augmentation, sachant que cela aurait des conséquences sur ceux qui, au quotidien, sont amenés à faire ce qu’on leur a imposé.

Veillons aussi à favoriser une meilleure coordination entre la CNRACL et les autres régimes. Certains fonctionnaires sont obligés d’ouvrir leurs droits à la retraite pour savoir ce dont ils bénéficieront : ils découvrent parfois alors qu’ils ne sont pas à taux plein ou qu’il leur manque des trimestres. C’est un gros manque de visibilité des fonctionnaires sur leur carrière.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne sommes pas contre l’augmentation des cotisations, mais il faut que les dotations suivent. Pour ce qui est des fonctionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, par exemple, le Centre national de la recherche scientifique comme les universités nous disent que leurs cotisations augmentent, mais pas leurs subventions et qu’ils sont donc obligés de trouver l’argent ailleurs. Il en va de même pour les collectivités territoriales. Il faut compenser d’une autre manière, en augmentant les dotations allouées aux collectivités territoriales, sans quoi elles se retrouveront en très grande difficulté.

M. le rapporteur général. J’appelle à des compensations justes et équilibrées. Toutefois, elles ne relèvent pas toutes du PLFSS. S’agissant des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, une partie de l’Ondam consistait en une compensation, même s’il y a débat sur le niveau de juste compensation. En ce qui concerne les collectivités locales en revanche, la compensation relève du projet de loi de finances (PLF).

J’appelle votre attention sur le fait que le rendement attendu de la mesure est de 1,8 milliard d’euros, soit un peu plus que le coût de la suspension de la réforme des retraites. Si nous la supprimons, nous risquons de fragiliser la caisse de retraite des fonctionnaires hospitaliers et des fonctionnaires territoriaux, et donc le paiement des pensions. La CNRACL a une dette cumulée de 10 milliards. Si la trajectoire se détériore, sa capacité à y faire face se détériorera d’autant, ce qui la fragilisera encore davantage. Je ne dis pas que la solution trouvée est satisfaisante ni suffisante – j’ai même dit qu’elle n’était pas à la hauteur et qu’il fallait trouver des évolutions structurelles. Néanmoins, si nous supprimons cette contribution, nous aurons un problème. Gardons-la, par défaut, et appelons à une juste compensation au moyen des différents vecteurs qui relèvent du PLFSS et du PLF.

La commission adopte les amendements.

Article 6 : Gel des seuils de revenus pris en compte pour le calcul de la contribution sociale généralisée portant sur certains revenus de remplacement

Amendements de suppression AS187 de M. Jérôme Guedj, AS297 de Mme Ségolène Amiot, AS716 de M. Paul-André Colombani, AS867 de M. Hendrik Davi, AS885 de Mme Karine Lebon et AS1361 de M. Éric Ciotti

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous en venons à l’une des mesures du musée des horreurs de ce PLFSS. L’article 6 prévoit de ponctionner 320 millions d’euros supplémentaires sur les bénéficiaires de certains revenus de remplacement – allocations d’assurance chômage ou pensions. Cela s’ajoute au gel des prestations sociales, qui devrait rapporter 3,6 milliards, au doublement des franchises, 2,3 milliards, et à toute une série de mesures, dont la sous‑évaluation de l’Ondam.

En proposant de supprimer l’article 6, nous savons qu’il nous faudra trouver des recettes alternatives pour la sécurité sociale. Néanmoins, cette suppression est nécessaire, ne serait-ce que pour une seule raison : puisque, selon l’annexe 9 du projet de loi, 1 % des foyers de chaque tranche passeront, du fait du gel du barème de la CSG, dans la tranche supérieure, ce sont 100 000 retraités, de tous les niveaux de pension, qui seront concernés. Le rendement attendu étant de 300 millions, cela signifie que la hausse moyenne de leur CSG sera de 3 000 euros par an à partir de 2026. Les retraités qui étaient au taux zéro par exemple passeront à un taux de 3,8 %.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). La CSG est une taxe injuste. Elle est non progressive et a été créée pour compenser les exonérations de cotisations qui pèsent sur les plus modestes.

L’année blanche signifie à la fois qu’aucune prestation sociale ne sera indexée sur l’inflation et que, le gel des barèmes augmentant mécaniquement les taux, vous ponctionnerez les pensions et les allocations, alors que la pauvreté atteint des niveaux records.

En 2025, un retraité percevant 1 070 euros par mois était exonéré ; il devra désormais payer 550 euros par an de CSG. On fait payer ceux qui souffrent déjà pendant que les hauts revenus continuent de bénéficier des niches fiscales et des allégements de cotisations.

La CSG, mesure aveugle qui frappe dès le premier euro, sans tenir compte du pouvoir d’achat, va à l’encontre du principe même de la justice sociale. Nous appelons donc par l’amendement AS297 à supprimer cet article.

M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 6 prévoit de geler les seuils de revenus déterminant l’application des taux réduits ou nuls de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité et sur les allocations chômage. Cela revient à augmenter les prélèvements sur les foyers modestes, dont les revenus peinent à suivre le rythme de l’inflation. On ne peut réduire le déficit budgétaire au détriment des plus fragiles.

M. Hendrik Davi (EcoS). Sous prétexte de maîtriser les comptes sociaux, ce gel revient à augmenter la CSG pour les plus fragiles : retraités aux pensions modestes, personnes en situation de handicap, demandeurs d’emploi qui perçoivent des allocations chômage... Avec le blocage des barèmes, de nombreux foyers changeront de tranche, basculant vers des taux supérieurs de CSG, voire seront imposés pour la première fois. Un couple de retraités qui touche 23 700 euros par an verra ses prélèvements augmenter de 1 020 euros ; ce sera 850 euros pour un couple de retraités avec 30 000 euros de pension, et 760 euros pour un couple avec 44 000 euros de pension.

Comment leur expliquerez-vous cela, alors que vous refusez de faire payer les plus fortunés ?

M. Yannick Monnet (GDR). Je défends l’amendement AS885 ; Si l’article 6 est adopté, le taux de cotisation passera à 4,3 % pour de nombreux retraités – 3,8 % de CSG et 0,5 % de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Par exemple, la CSG d’un retraité qui perçoit 0,8 Smic, soit un peu moins de 17 500 euros par an, montera à 664 euros par an, soit une perte de 750 euros de niveau de vie.

La CSG est la cotisation la plus injuste, puisqu’elle est prélevée sur le salaire alors qu’à l’origine, le système de solidarité devait reposer sur la valeur ajoutée, c’est-à-dire sur la richesse produite.

M. Olivier Fayssat (UDR). Je défends l’amendement AS1361. Geler les seuils de revenus revient à augmenter l’imposition réelle. Pour équilibrer les comptes sociaux, l’effort doit porter sur les dépenses, non sur les recettes.

M. le rapporteur général. Je n’ai pas participé à l’élaboration de ce budget, qu’il nous revient d’amender.

L’année blanche est la pire des solutions, mais nous n’en avons pas d’autre. Face au mur, c’est le choix qui a été fait. Le gel du barème de la CSG, qui représente 300 millions d’euros d’économies, affectera 3 % des foyers fiscaux : 1 % passeront de l’exonération au taux réduit ; 1 % du taux réduit au taux intermédiaire ; 1 % du taux intermédiaire au taux supérieur. Je précise qu’on ne passe d’un taux à un autre que si les revenus ont évolué deux années de suite : c’est pourquoi l’effet de cette mesure est bien moindre que celui du gel d’autres paramètres.

À mon sens, il vaut mieux conserver le principe de l’année blanche en corrigeant certains excès. Je vous suggère donc de retirer vos amendements, au profit de l’amendement de repli AS1735 que j’ai déposé. Il tend à préserver les deux tiers des foyers, en n’appliquant la mesure qu’à ceux dont les revenus dépassent 2 170 euros par mois deux années consécutives.

Par ailleurs, l’article 6 en l’état fait disparaître un élément fondamental : la revalorisation automatique des seuils de la CSG. Or une année blanche doit rester exceptionnelle. Faute de réforme structurelle, on peut en accepter le principe, parce que c’est la moins mauvaise des mesures de freinage et en essayant de préserver ceux qui souffrent le plus, mais pour une seule année. Aussi mon amendement tend-il à conserver l’indexation du barème sur l’inflation.

M. Michel Lauzzana (EPR). M. Bazin l’a montré, la mesure concernera peu de personnes. J’ajoute qu’au cours des dernières années, les retraites ont fortement augmenté, grâce à la réforme que nous avons adoptée.

Enfin, beaucoup à gauche affirment que nous ne voulons pas taxer les riches : mais c’est l’outil de production que nous refusons de taxer ! Dans l’examen du PLF, nous proposons de taxer les riches, mais non l’outil de production.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements AS298 de M. Hadrien Clouet, AS1735 de M. Thibault Bazin, AS299 de Mme Élise Leboucher et AS300 de M. Damien Maudet tombent.

La réunion est suspendue de douze heures cinq à douze heures quinze.

 

Après l’article 6

Amendement AS117 de M. Inaki Echaniz

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Cet amendement venait en compléter un qui a été déposé sur le PLF mais que la commission des finances a rejeté. Le dispositif n’étant plus applicable, je vous demande de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Sur le fond, il faut agir avec prudence : une telle mesure bouleverserait le régime des cessions de biens immobiliers et son incidence financière n’est pas documentée – elle pourrait entraîner des pertes de recettes pour l’État et pour la sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS914 de Mme Karine Lebon ; amendements identiques AS377 de M. Hadrien Clouet et AS928 de M. Hendrik Davi ; amendements identiques AS134 de M. Jérôme Guedj et AS720 de M. Paul-André Colombani ; amendements identiques AS126 de M. Jérôme Guedj et AS381 de Mme Élise Leboucher ; amendement AS133 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS914 veut mettre à contribution les revenus du capital, qui ont augmenté trois fois plus que ceux de l’activité, en portant à 19,2 % le taux de CSG applicable aux produits de patrimoine et aux produits de placement. Cela dégagerait 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Une étude de la direction générale des finances publiques publiée en janvier 2025 établit que les revenus de la population générale sont composés à 63 % de traitements et de salaires, mais que, chez les personnes très aisées, ce chiffre tombe à 33 % – contre 43 % pour les placements financiers. D’ailleurs, un tiers seulement des 74 500 foyers très aisés déclarent percevoir des salaires.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). L’amendement AS377 vise à augmenter de 2,8 points le taux de CSG applicable aux revenus du capital, ce qui rapporterait 5,3 milliards d’euros supplémentaires à la sécurité sociale. En effet, les besoins de financement de cette dernière sont délibérément maquillés en déficit par les politiques d’assèchement des recettes. En matière de santé, il faut établir les recettes pour couvrir les besoins existants.

Depuis des décennies, les politiques néolibérales détruisent le modèle de solidarité, en opérant un gigantesque détournement de la valeur ajoutée – depuis la fin des années 1970, 8 points de valeur ajoutée sont allés du travail au capital. En 2025, les actionnaires du CAC40 ont perçu 98,2 milliards d’euros au titre de l’exercice 2024. Depuis 2027, le patrimoine des cinq cents plus grandes fortunes a plus que doublé.

Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, nous dit que les finances publiques sont en difficulté parce que nous avons décidé de remettre beaucoup d’argent dans l’hôpital public. C’est faux : le problème des finances publiques vient de ce que la politique macroniste consiste à vider les caisses pour gaver les plus riches, au détriment des services publics et de l’intérêt général.

Un amendement similaire avait été adopté l’an dernier, mais balayé par le 49.3.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je suis très attaché à ce que la sécurité sociale soit financée par des cotisations. Toutefois, nous connaissons une suraccumulation du capital. Les entreprises du CAC40 ont versé plus de 73 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Il est indispensable que cet argent contribue au financement de la sécurité sociale. Il s’agit de renforcer ses recettes, mais aussi de rétablir de la justice fiscale. Grâce aux 5,4 milliards supplémentaires, selon l’annexe 3 du projet de loi, nous pourrions abroger la réforme des retraites et augmenter l’Ondam de 3,5 % au lieu de 1,6 %.

Mme Océane Godard (SOC). Depuis 2017, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et le choix de taxer davantage le travail que le capital ont coûté 60 milliards d’euros par an aux caisses de l’État. L’amendement AS134 vise à augmenter de 2 points le taux de CSG applicable aux revenus du capital, actuellement identique à celui de la CSG sur les revenus du travail. Face à la crise des recettes organisée par la politique de l’offre du Président de la République, il convient de réduire le déficit de la sécurité sociale en appliquant des mesures qui toucheront surtout les ménages les plus aisés. Celle-ci rapporterait 3,8 milliards.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Mon amendement est identique au précédent. Les ressources dégagées serviraient à financer la branche autonomie. Après la crise du covid‑19, qui a été un véritable drame dans nos Ehpad, on a abandonné le projet d’une loi grand âge et autonomie ou d’une loi de programmation pluriannuelle, et renoncé à trouver les financements nécessaires pour relever le défi du vieillissement. Il s’agit pourtant d’une dépense incompressible.

Aucun financement nouveau n’a été prévu pour cette branche, à part l’affectation en 2024 de 0,15 point de CSG. Or cela ne représente que 2,6 milliards d’euros, quand le rapport Libault évalue qu’il faudra 9,2 milliards d’ici à 2030.

M. Jérôme Guedj (SOC). Pour pouvoir supprimer certaines mesures d’économie injustes et insupportables de ce PLFSS, comme le gel du barème de la CSG et des prestations sociales ou le doublement des franchises, nous défendons des ressources supplémentaires. C’est un travail de dentelle.

Entre 2004 et 2018, le taux de la CSG sur le patrimoine a été supérieur à celui qui frappe les revenus d’activité. Cette différence est normale : la part du revenu du capital dans le revenu global des ménages est supérieure à la part de la CSG capital dans le rendement global de la CSG. Le rapport Libault « Pour un redressement durable de la sécurité sociale », paru en juillet, plaide pour augmenter ce taux. L’amendement AS126 vise à le relever de 1,4 point.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Un chiffre époustouflant dit tout l’échec de la politique macroniste : 96 % des dividendes sont reversés à 1 % des ménages. Que fait ce 1 % de tous ces dividendes qu’il se met dans les poches ? Il ne s’en sert pas pour sauver Vencorex, racheté par des Chinois, ni pour sauver ArcelorMittal, dernier producteur d’acier en France, racheté par des Indiens.

Les apprentis, les retraités, tous ceux sur qui vous voulez faire des économies, eux, dépensent leur salaire, quand ils en ont un, pour s’acheter à manger, payer le loyer, parfois des loisirs. Ils font fonctionner l’économie. En donnant ces dividendes au 1 % qui n’investit pas dans l’économie, vous faites couler le pays. Voilà pourquoi par l’amendement AS381 nous proposons de taxer le capital et non le travail : c’est le seul moyen de relever la France.

M. Jérôme Guedj (SOC). Notre premier amendement visait à rehausser le taux de 2 points, pour dégager 3,8 milliards ; le deuxième de 1,4 point, pour 2,2 milliards ; l’amendement AS133 tend à le porter de 9,2 à 10,2 %, pour revenir au niveau d’avant le déploiement de la flat tax, en 2018.

J’insiste : si nous adoptons cette mesure, nous obtiendrons une équivalence entre le rendement de la CSG capital rapporté au rendement global de la CSG, et les revenus du capital rapportés au revenu total des ménages.

J’ajoute que le capital est à l’origine de 20 % des revenus dans le dernier décile, contre moins de 1 % dans le premier décile. C’est donc aussi une mesure de justice.

M. le rapporteur général. Tous ces amendements visent à augmenter la CSG qui pèse sur les revenus du capital.

Ces derniers sont soumis au même taux de CSG que les revenus du travail, soit 9,2 %. S’y appliquent de surcroît le prélèvement de solidarité et à la CRDS : au total, on est déjà à 17,2 %. Les revenus du capital ne bénéficient donc d’aucun avantage pour ce qui est de la CSG.

En France, les prélèvements obligatoires sur le capital représentent 10,4 % du PIB, contre 8,5 % en moyenne dans l’Union européenne – nous sommes en quatrième ou troisième position.

Nous cherchons à orienter l’épargne des Français vers les entreprises pour financer les investissements nécessaires, notamment dans l’innovation. Nous sommes nombreux ici à vouloir rétablir une souveraineté industrielle, ce qui passe aussi par l’utilisation de l’épargne. Il n’est donc peut-être pas opportun d’alourdir la fiscalité des produits de placement.

Monsieur Boyard, vous dites souvent que les capitalistes sont une infime minorité. Sauf que votre amendement, comme les autres en discussion commune, visent les produits de placement. Ceux-ci ne se limitent pas aux dividendes, aux plans d’épargne en actions et aux plus-values immobilières ! Ils comprennent aussi les plans d’épargne logement (PEL), les assurances vie, les plans d’épargne populaire et les intérêts des livrets. Augmenter la CSG sur ces revenus toucherait des Français dont les revenus sont modestes mais qui ont mis de côté une partie du fruit de leur travail. On est loin de la justice sociale que vous mettez en avant.

Il y a un écart considérable entre vos exposés sommaires et la réalité. Votre mesure, quel que soit le taux proposé, ne cible pas une catégorie de contribuables : elle frapperait l’ensemble des épargnants, dès le premier euro d’intérêts versés. Pour cette raison, j’y suis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous voterons contre ces amendements, à l’exception de l’AS126 de M. Guedj, sur lequel nous nous abstiendrons. Il s’agit d’une mesure modérée et qui permet une redistribution. Nous ne le voterons pas dans l’immédiat, parce qu’il faudrait lui ajouter une échéance et parce que nous attendons de connaître la teneur globale du texte à l’issue de nos discussions. Mais si les conditions étaient réunies, nous pourrions le voter en séance.

M. Yannick Monnet (GDR). Expliquer que c’est pour protéger les pauvres qu’on ne veut pas taxer les riches, il fallait le faire !

On entend souvent dire que nous avons le taux de prélèvement le plus élevé d’Europe. C’est vrai, mais nous n’avons pas les mêmes dépenses. Il y en a deux que les autres pays n’ont pas : la sécurité sociale – 650 milliards d’euros – et la dissuasion nucléaire – 20 millions par jour. On pourrait choisir de s’en séparer pour avoir le même taux que les autres mais pour moi, il faut préserver la sécurité sociale.

Ce que nous voulons, c’est taxer les revenus du capital. Depuis les années 1980, les 1 % les plus riches s’enrichissent de plus en plus. Il ne s’agit pas de tout prendre, mais d’augmenter le taux de cotisation : c’est la moindre des choses. La vraie question que posent ces amendements, c’est de savoir s’il est juste de taxer ceux qui ont beaucoup.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le livret A n’est pas taxé, monsieur le rapporteur général, ni soumis à la CSG, comme une grande partie de l’épargne.

Parlons des petits épargnants. Si notre amendement était adopté, ceux qui possèdent 60 000 euros sur leur PEL – c’est le plafond – paieraient 30 euros par an : c’est tout à fait acceptable.

Quant aux plus modestes, ils ne seront pas touchés, parce qu’ils n’épargnent pas. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, le taux d’épargne des pauvres s’établit à – 41 % ; il est de – 2 % pour les modestes, 7 % pour ceux qui perçoivent des revenus médians, 13 % pour les plutôt aisés et 33 % pour les très aisés. Donc quand vous taxez les revenus de l’épargne, vous taxez les personnes très aisées.

Il est légitime de porter le taux de CSG concerné à 12 % au moins, pour récupérer de l’argent pour la sécurité sociale. C’est de la justice sociale.

Mme Justine Gruet (DR). Nous ne voulons pas de taxes supplémentaires. On ne peut pas toujours taper sur ceux qui créent de la valeur ajoutée. « Capital » n’est pas un vilain mot ; bien souvent, il désigne le fruit du travail ou d’investissements. Nous sommes déjà l’un des pays les plus taxés. Les entrepreneurs ont besoin de retrouver confiance.

Que faisons-nous des dépenses ? C’est le nœud du problème. Ceux qui ne contribuent pas d’une manière ou d’une autre au système de la sécurité sociale peuvent-ils prétendre y avoir recours ? Monsieur Monnet, vous avez parlé des dépenses militaires, mais pas de celles de la bureaucratie. Le millefeuille administratif provoque une gabegie financière : seule une petite part de l’argent que nous investissons dans les politiques publiques est réellement consacrée à l’objectif visé.

Y remédier, voilà le travail que nous devons accomplir. Cela nécessite un peu plus d’engagement que se dire qu’on va taxer pour taxer. Les entrepreneurs consentent à l’impôt parce qu’ils ont conscience de la richesse que représente la solidarité. Charge à nous de réduire le train de vie de l’État.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est en 2004, quand Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre et François Fillon ministre des affaires sociales, que le Gouvernement a décidé d’augmenter de 1 point la CSG sur les revenus du capital, dans le cadre de la loi relative à l’assurance maladie. Cela a été une bonne décision de votre famille politique, madame Gruet.

Quelles sont les principales composantes de l’assiette de la CSG ? Sur ses quelque 180 milliards d’euros de recettes, 35 milliards proviennent des revenus fonciers, 20 milliards des plus-values, 35 milliards des dividendes, 25 milliards des contrats de capitalisation, 12 milliards des plus-values immobilières. Le rapport Libault montre bien que les détenteurs de capital se concentrent dans le dernier décile. Aucun des supports de l’épargne populaire ne serait frappé, qu’il s’agisse des livrets de développement durable et solidaire, des livrets d’épargne populaire ou des livrets jeunes. C’est une mesure de justice fiscale.

Enfin, je remercie Annie Vidal pour l’esprit d’ouverture dont elle a fait preuve : nous sommes prêts à construire une taxation du capital dans une visée de durabilité.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame Gruet, vous décidez constamment des taxes supplémentaires. Le déremboursement des médicaments, l’augmentation de la CSG sur la rémunération des apprentis, le gel des aides personnalisées au logement sont vécus par les gens comme autant de taxes supplémentaires. Le rapporteur général argue que préserver les riches en rejetant nos amendements, c’est protéger ceux qui ont moins ? Mais si nos amendements sont adoptés, ils ne subiront pas forcément le déremboursement des médicaments, les augmentations de prix des mutuelles ou le gel des pensions.

Madame Vidal, vous avez annoncé vous abstenir sur l’amendement AS126 en vue de le retravailler avec le groupe Socialistes et apparentés. Mon groupe a déposé un amendement identique mais je vois qu’il n’est pas invité à la fête ! Il semble que l’accord secret entre la Macronie et le Parti socialiste vaille aussi en commission. Quels autres amendements sont concernés ? On aimerait le savoir !

M. le rapporteur général. J’essaie de faire les réponses les plus précises possible et je n’ai pas mentionné le livret A. J’ai parlé des PEL, des assurances vie, des plans d’épargne populaire et des intérêts des livrets – au sens large, dans toute l’extension que leur donne l’ingéniosité financière. En les visant, je ne suis pas sûr qu’on pénalise vraiment les plus fortunés de notre pays. En revanche, les petits épargnants le seront, et dès le premier euro.

Pour éclairer notre commission, il me paraît toujours bon de chiffrer les amendements. Précisons donc que le AS126 de M. Guedj, qui suscite l’intérêt de Mme Vidal, aurait un impact de 2,7 milliards d’euros.

Les revenus du capital contribuent déjà au financement de la sécurité sociale. Ils sont bien sûr assujettis à la CSG, au même taux que les revenus du travail, ce qui assure une grande lisibilité. Ils sont aussi soumis à plusieurs autres contributions, dont la CRDS et le prélèvement de solidarité. Les PEL sont également soumis à l’impôt sur le revenu. Il est important de le rappeler.

La commission rejette successivement les amendements AS914, AS377 et AS928, AS134 et AS720.

Puis elle adopte les amendements identiques AS126 et AS381. En conséquence, l’amendement AS133 tombe.

Amendements AS131 et AS132 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Sandrine Runel (SOC). Le PLFSS prévoit de geler les plafonds de revenus pris en compte pour le calcul de la CSG. Si on vous laisse faire, cela aura des impacts lourds pour les plus modestes, les retraités, les demandeurs d’emploi : pour un retraité dont la pension est de 2 700 euros brut, par exemple, la perte serait de 46 euros, avec les conséquences que l’on imagine sur ses courses et ses loisirs. Nous, députés socialistes, sommes ici pour soutenir les classes populaires et mettre à contribution les grandes entreprises et les grandes fortunes, car nous estimons que ceux qui en ont les moyens doivent payer pour ceux qui en ont besoin.

Pour relancer le pouvoir d’achat, ces deux amendements visent à moduler temporairement le taux de CSG en fonction du niveau des revenus du travail, en proposant une baisse pour ceux qui sont compris entre 1 et 1,4 Smic, l’amendement AS132 ajoutant une augmentation pour ceux qui dépassent 4 Smic.

M. le rapporteur général. « Si on vous laisse faire », dites-vous, mais ce n’est pas moi qui ai écrit le budget de la sécurité sociale ! J’ai même précisé que nous allions l’amender et le corriger. L’article 6 sur le gel que vous évoquez vient d’ailleurs d’être supprimé à une large majorité. Ma contribution à la réécriture des articles de ce texte me semble plutôt moins importante que celle de votre groupe, d’après les informations que j’ai.

Ces amendements font partie d’un plan d’ensemble élaboré par le Parti socialiste, tendant à instaurer un barème progressif de la CSG portant sur les revenus d’activité. C’est une idée intéressante, mais le coût global de la mesure, que vous avez vous-même évalué, est de 6 milliards d’euros. Est-ce raisonnable compte tenu du montant du déficit de la sécurité sociale ? J’ajoute que tous les amendements qui concouraient à ce plan d’ensemble n’ont pas forcément été adoptés.

En outre, la CSG n’a pas été conçue pour être une imposition progressive. Pour alléger la pression sur les contribuables modestes ou mettre en place une forme de redistribution entre les ménages, d’autres outils sont disponibles.

Enfin, je suis toujours très attentif aux effets de seuil. Je ne suis pas sûr que les écarts de revenus entre des salariés gagnant 1,6 Smic – c’est-à-dire peu ou prou le salaire médian – et 1,3 Smic justifient la différence de traitement que vous proposez. Si vous souhaitez instaurer une progressivité de la CSG, pourquoi ne vaudrait-elle que pour les revenus modestes ? Cela me semblerait plus cohérent de le faire sur l’ensemble des revenus.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est la mesure que le Parti socialiste défend pour soutenir le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes, dans la continuité des amendements visant à instaurer une progressivité de la CSG que nous déposons depuis plusieurs années. Il faudra bien sûr compenser la perte de recettes, et nous sommes ouverts à toutes les propositions. Nous venons d’adopter des dispositions sur la CSG assise sur les revenus du patrimoine, et une taxation sur les très hauts patrimoines et les grandes entreprises sera discutée dans le cadre du PLF.

Le Gouvernement a dit son souhait d’inscrire dans le PLF et le PLFSS une mesure en faveur du pouvoir d’achat mais pour l’instant, on ne la connaît pas. Pour notre part, nous ne voyons pas de mesure plus efficace que cette baisse de la CSG prenant effet dès 2026.

M. Sacha Houlié (SOC). Le Gouvernement, plus particulièrement Sébastien Lecornu, s’est pris les pieds dans le tapis lorsqu’il s’est agi de proposer une mesure de pouvoir d’achat pour les plus modestes en visant des exonérations de cotisations, alors que celles-ci ne sont déjà pas payées du fait des allégements généraux. La mesure la plus efficace réside bien dans l’instauration d’une progressivité de la CSG.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je peux comprendre la philosophie qui sous-tend ces dispositions mais j’alerte sur les conséquences qu’elles auraient pour la lisibilité des salaires. C’est l’employeur qui vous parle. Imaginez qu’à la fin de l’année, vous décidiez de verser un treizième mois à vos salariés : les plafonds risqueraient d’être dépassés, ce qui obligerait à recalculer l’ensemble des contributions payées sur l’année. En matière de salaire, il faut éviter cela. Le taux de CSG sur les revenus du travail doit être fixe. La progressivité doit être réservée à l’impôt sur le revenu, qui s’applique en année n + 1.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je vous invite à ne pas voter ces amendements. Le meilleur moyen de renforcer le pouvoir d’achat, c’est d’augmenter le Smic. Toutes les mesures fondées sur des baisses de cotisations sont mauvaises : ce n’est pas en réduisant la part socialisée du salaire qu’on atteindra notre but, c’est en augmentant les salaires.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les députés de La France insoumise ne vont pas non plus voter ces amendements, pour des raisons qui tiennent d’abord à la politique des revenus. Dans ce domaine, il existe une responsabilité publique, envers les personnes qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins, et une responsabilité de l’employeur ou de l’employeuse, envers les personnes qui travaillent. Avec ces mesures portant sur la CSG, on crée un entre-deux qui ne me paraît pas satisfaisant : pour remédier à la faiblesse des revenus, on toucherait à une recette affectée au financement de la sécurité sociale.

Cela créerait une tension entre protection sociale et rémunération. Allons plus loin : cela ne créerait-il pas un risque que l’on finance l’augmentation des revenus par des déremboursements ou des fermetures de lits d’hôpital ? Comme ces amendements ne prévoient rien pour éviter ces effets de bord, ne les votons pas. C’est aux employeurs qu’il appartient d’augmenter les petits salaires, un point c’est tout !

Mme Justine Gruet (DR). À vous entendre, il suffirait pour augmenter les salaires d’augmenter le Smic, mais ce n’est pas en taxant sans cesse ceux qui entreprennent qu’on arrivera à mieux valoriser le travail. La solution passe par une réduction de l’écart entre salaire brut et salaire net. Je suis intimement convaincue que nous pouvons y parvenir en nous efforçant collectivement de diminuer nos dépenses, notamment celles liées au train de vie de l’État, de nos administrations, de toute cette bureaucratie. C’est mathématique.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous en revenons à un vieux débat. Réduire l’écart entre brut et net, fort bien, mais après, à chacun de se débrouiller quand il tombe malade ! On se retrouverait un peu dans la même situation qu’aux États-Unis, avec des personnes qui n’ont pas les moyens de se soigner et des familles qui s’endettent à vie pour payer des frais de santé. Madame Gruet, terminez donc vos phrases : à chaque fois que vous dites vouloir réduire les mécanismes de socialisation, précisez donc quel service public vous allez supprimer, quelles coupes vous envisagez dans l’hôpital et les retraites, quels frais supplémentaires de mutuelle cela induit. Il faut que cela soit intelligible pour les gens, et qu’ils comprennent que c’est une mauvaise idée.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Les mesures que nous proposons auront des effets immédiats sur le quotidien des Françaises et des Français. Rappelons à nos amis qui prônent l’augmentation du Smic que nous y sommes, nous aussi, favorables mais que le PLFSS n’est pas le véhicule qui permet de le faire. Ceux qui disent « c’est tout ou rien » devront tout de même expliquer à nos compatriotes que c’est surtout rien. Ces amendements sont peut-être une cote mal taillée, ils ne sont pas parfaits, mais ils permettront à nos compatriotes d’avoir de meilleurs revenus dès 2026.

M. le rapporteur général. Nous aurons ce débat en séance avec le Gouvernement. Je suis séduit par l’idée que ce budget contienne une mesure en faveur du pouvoir d’achat. Simplement, il me semble qu’une limite à ne pas dépasser a été fixée pour le déficit de nos finances sociales et qu’il nous faut rester dans cette épure si l’on est soucieux de l’avenir.

Le coût global de votre mesure est de 6 milliards d’euros. Ce n’est pas raisonnable. Ce qui pourrait être envisagé en faveur du pouvoir d’achat tournerait plutôt autour de 1 milliard, d’après ce que j’ai pu lire entre les lignes. Votre proposition porte sur la CSG, mais il y en a d’autres : pour le groupe EPR, une prime de partage de la valeur ; pour le groupe DR, une valorisation de ceux qui travaillent davantage.

En outre, votre mesure a des effets de seuil qui risqueraient de recréer des injustices. Il ne faudrait pas pénaliser ceux qui, ayant obtenu une promotion au mérite, gagnent seulement 0,3 Smic de plus que ceux qui bénéficient d’une baisse du taux de CSG – surtout quand on est favorable à l’augmentation des salaires.

Je renouvelle donc mon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

La réunion s’achève à treize heures.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Fayssat, M. Emmanuel Fernandes, M. Guillaume Florquin, Mme Martine Froger, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Emmanuel Taché, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal

Excusés.  Mme Anchya Bamana, M. Paul Christophe, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Stella Dupont, M. Thierry Frappé, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous