Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................30

 

 

 

 

 


Lundi
27 octobre 2025

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
 

 


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La réunion commence à vingt et une heures trente.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).

Après l’article 8 (suite)

Amendements AS896 de M. Yannick Monnet et AS895 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). Ces deux amendements devraient contenter le rapporteur général : ils n’ont pas pour objectif de modifier les taux de la taxe sur les retraites chapeaux, mais d’abaisser les seuils de déclenchement.

Ils devraient également contenter le Président de la République, puisqu’ils visent à mettre en application certains de ses engagements : il déclarait en 2014 qu’il fallait « trouver une vraie solution pour supprimer les retraites chapeaux [...] aux montants incompréhensibles et indéfendables ».

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je lis et j’écoute moins le Président de la République que vous, monsieur Monnet !

Avis défavorable.

Ces amendements n’ont pas pour objectif de modifier les taux, mais les seuils de déclenchement des taux. Or depuis la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012, le taux de 21 % n’est plus applicable. Par conséquent, vos amendements ne sont pas opérants.

Quoi qu’il en soit, je ne suis pas favorable aux résultats que vous recherchez.

La commission adopte l’amendement AS896. En conséquence, l’amendement AS895 tombe.

Amendement AS1484 de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (DR). Le taux de la contribution patronale applicable aux attributions gratuites d’actions a été relevé de 20 % à 30 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Les charges sociales pesant sur les entreprises en ont été significativement alourdies, en particulier pour les plans d’actionnariat salarié, qui sont les plus répandus.

Cet amendement vise à rétablir le taux de 20 % afin de favoriser un développement soutenu de l’actionnariat salarié, un outil reconnu de fidélisation des salariés, de partage de la valeur et de motivation collective.

M. le rapporteur général. Je bois du petit-lait en écoutant ma collègue Josiane Corneloup : j’aurais utilisé les mêmes mots pour m’opposer à l’amendement adopté l’année dernière.

Cependant, nous avons calculé que l’annulation de cette mesure coûterait 500 millions d’euros. De plus, la stabilité doit être le principe en matière de prélèvements obligatoires. Compte tenu des différentes mesures déjà votées, il serait trop coûteux pour les finances sociales de revenir sur cette mesure.

Demande de retrait.

Mme Josiane Corneloup (DR). Il serait néanmoins intéressant d’examiner l’impact de cette mesure sur l’attribution d’actions gratuites.

L’amendement est retiré.

Amendement AS157 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Permettez-moi de vous raconter l’histoire des bénéficiaires des distributions gratuites d’actions.

Sur un montant total d’environ 5 milliards d’euros, 70 000 personnes ayant un revenu fiscal de référence inférieur à 100 000 euros se partagent 1,6 milliard – ne tenons pas compte d’eux ; 5 000 personnes ayant un revenu fiscal de référence compris entre 100 000 euros et 2 millions se partagent 1,4 milliard ; et 145 personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 2 millions se partagent 1,4 milliard – soit en moyenne 11 millions d’euros de distribution gratuite d’actions dans l’année.

Ces dernières sont soumises à une contribution dont nous avons rehaussé l’an dernier le taux de 20 % à 30 %. Si ces 11 millions étaient considérés comme du salaire, ils seraient soumis à un taux de prélèvement de 42 % ou de 47 %. Cet amendement vise à modifier le taux en ce sens, ce qui dégagerait quelques centaines de millions d’euros de recettes pour la sécurité sociale.

Si quelqu’un ici considère que ces 5 145 personnes doivent être préservées, alors je ne sais plus comment faire !

M. le rapporteur général. J’ai du mal à comprendre le rapport entre cet amendement et le plafond d’exemption de cotisations sociales dont bénéficient les attributions gratuites d’actions, fixé à 6 000 euros.

Votre amendement vise-t-il les 70 000 personnes de la première tranche que vous avez évoquée ou uniquement les 145 de la dernière tranche ? Des salariés aux revenus modestes bénéficient d’actions gratuites et il ne faudrait pas les pénaliser.

Dans le doute, avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, nous pouvons tout à fait déposer un sous-amendement.

Cet amendement vise des personnes dont le revenu est supérieur à 3 Smic : je ne crois pas que les salariés aux revenus modestes que vous évoquez soient concernés.

Même en se concentrant sur les 5 145 personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 100 000 euros, voire sur les 145 ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 2 millions, l’application de cet amendement dégagerait 200 à 300 millions.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement vise à abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption de cotisations sociales. Quel était le précédent plafond ? Il faudrait dénombrer les personnes qui n’étaient pas concernées précédemment et qui le seraient avec le plafond proposé : ce n’est pas la même chose si elles sont 145 ou 100 000. Il faudrait également déterminer le seuil de déclenchement de la mesure. En attendant, nous n’avons pas suffisamment d’informations pour nous prononcer.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, votre amendement peut concerner beaucoup plus que les 145 personnes que vous avez évoquées. De plus, le taux des cotisations qui seraient prélevées n’est pas clairement défini.

Je me suis penché sur la question : au-delà du plafond de 6 000 euros par an, le montant des actions distribuées gratuitement sera soumis au forfait social de 30 % et aux cotisations à hauteur de 47 %. Tel que l’amendement est rédigé, tout cela s’additionne et rend le taux d’imposition confiscatoire.

M. Jérôme Guedj (SOC). Mea culpa pour cette erreur de rédaction. Je maintiens cet amendement et je m’engage, s’il est adopté, à le réécrire avant de le déposer en séance publique.

Les chiffres que je vous ai communiqués sont issus d’une commande passée par notre commission à la Cour des comptes à propos du rapprochement des assiettes de la contribution sociale généralisée (CSG) et des cotisations sociales. Cette commande a donné lieu à un avis du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) qui vient tout juste d’être adopté.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous n’avons pas encore eu connaissance de cet avis.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il n’a pas encore été publié officiellement : la réunion du CPO a eu lieu le 23 octobre. Le rapporteur me l’a transmis parce que cet avis résulte d’une commande de la commission des affaires sociales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1090 de M. Charles Fournier

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Depuis plusieurs années, on observe une multiplication des cessions à des fonds d’investissement étrangers, souvent motivées par des logiques financières de court terme ; les salariés disposent rarement des moyens nécessaires pour proposer un projet alternatif de reprise. Faute de dispositifs de financement adaptés, les travailleurs, pourtant garants du savoir-faire industriel, restent spectateurs de la perte de souveraineté productive.

Les reprises sous forme de coopérative démontrent la pertinence de ces solutions collectives : elles préservent l’ancrage local, maintiennent les emplois et pratiquent une gouvernance plus démocratique. Ces opérations restent cependant marginales parce que les salariés ne disposent pas des liquidités nécessaires pour investir au moment décisif.

Cet amendement de mon collègue Fournier vise à autoriser, sous condition et de manière encadrée, le déblocage des sommes issues de la participation et de l’intéressement – normalement bloquées plusieurs années – pour les investir dans un projet de reprise d’entreprise, renforçant ainsi la capacité d’action des salariés dans les transitions industrielles. Il s’inscrit dans une logique de souveraineté économique, de démocratie au travail et de pérennisation du tissu productif français.

M. le rapporteur général. Cet amendement semble séduisant ; j’ai même cru que le groupe Écologiste et Social voulait réduire des cotisations, alors qu’il cherche plutôt à augmenter les recettes depuis ce matin !

Je suis favorable à l’actionnariat salarié, mais les sommes versées au titre de la participation sont déjà exonérées de forfait social dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il en va de même des primes d’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Je vous invite à retirer l’amendement, afin de vérifier qu’il n’est pas moins-disant que ce qui est déjà appliqué dans certaines entreprises.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous inciterons M. Fournier à l’améliorer en vue de l’examen du texte en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS494 de Mme Ségolène Amiot et AS918 de M. Yannick Monnet

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Où sont passées les promesses du Président sur le grand âge ? On nous a annoncé une grande loi sur la dépendance et une cinquième branche ambitieuse, mais nous n’avons vu que des mesurettes dispersées dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et une loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie dépourvue de moyens.

L’amendement AS494 a pour objectif de rehausser la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) pour enfin donner à cette branche les moyens de remplir ses missions. Il y a urgence, la France vieillit. Dans quinze ans, près d’un quart de la population aura plus de 65 ans. Les besoins explosent, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) manquent de personnel, les associations sont asphyxiées et des dizaines de millions de postes ne trouvent pas preneur.

Augmenter le taux de cette contribution de 0,3 % à 0,6 %, c’est répondre à cette réalité démographique et sociale, mais aussi assurer un financement pérenne pour nos aînés et pour celles et ceux qui les accompagnent. En somme, c’est une mesure de dignité et de justice.

M. Yannick Monnet (GDR). L’explosion démographique du grand âge nécessitera davantage de moyens, notamment pour consolider la branche autonomie. Celle-ci est financée presque exclusivement par l’impôt – la CSG –, ce qui est totalement contraire à l’esprit même de la sécurité sociale.

L’augmentation de la contribution des employeurs proposée dans les amendements permettrait d’amorcer un rééquilibrage du financement de la branche autonomie, en faisant décroître la part prépondérante de CSG – part à laquelle nous avons toujours été opposés. Il est injuste que ce financement repose sur les revenus des gens plutôt que sur la richesse produite par le travail.

M. le rapporteur général. Madame Hamdane, vous avez évoqué le Président de la République, mais il ne pourra pas vous répondre et je ne suis pas son porte-parole.

Des ressources ont été allouées à la branche autonomie, bien que nous ayons été nombreux à considérer qu’elles n’étaient pas à la hauteur des ambitions. Cette branche est déjà déficitaire, malgré la part de la CSG qui lui est versée.

Ces amendements visent à doubler le taux s’appliquant à des revenus d’activité, pour un gain attendu de près de 2,6 milliards d’euros. J’y suis défavorable : il n’est pas pertinent de ponctionner davantage les revenus d’activité, et une telle mesure risquerait de décourager les augmentations de salaire et de diminuer les salaires bruts.

Quant à la part de la CSG dans le financement de la branche, son évolution relève d’une véritable réforme structurelle.

Mme Annie Vidal (EPR). Depuis sa création, la branche autonomie connaît une croissance dynamique ; elle représente désormais 43,5 milliards d’eyris.

Certes, nous n’avons pas voté de loi « grand âge » – je le regrette –, mais je ne peux laisser dire que rien n’a été fait. Enumérer toutes les mesures prises serait trop chronophage, mais rappelons la réindexation des tarifs plancher, la fusion des forfaits soins et dépendance, la création des centres de ressources territoriaux, etc.

Mme Joëlle Mélin (RN). Par un effet de manche, on a voulu créer la cinquième branche, qui était tellement attendue. Malheureusement, elle n’est ni faite, ni à faire : son financement, son management, ses objectifs ou ses actions sont éparpillés.

Comment comprendre le fonctionnement de cette branche ? Les dotations de l’État qui lui sont affectées passent d’abord par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui les transfère aux conseils départementaux qui à leur tour transfèrent les dossiers à gérer aux caisses d’allocations familiales. Tout cela est très inabouti.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ces amendements. Après tout, pourquoi ne pas tripler le taux puisque tout cela relève de la pifométrie ?

M. Jérôme Guedj (SOC). Souvenons-nous de la genèse de la CSA, qui est versée par les entreprises. Cette contribution correspond aux sept heures de travail non rémunéré effectué par l’ensemble des salariés.

Compte tenu de la durée légale de 1 607 heures annuelles, ces sept heures de travail non rémunéré devraient donner lieu à une cotisation de 0,45 %, dans une logique de parité de financement. Appliquer ce taux dégagerait 1,3 milliard d’euros – une somme un peu moins effrayante, monsieur le rapporteur général –, dont la branche autonomie, malgré tous ses progrès, aurait grand besoin.

Je soutiens ces amendements, mais je serais également favorable à un éventuel sous-amendement portant le taux de contribution à 0,45 %. Ce chiffre ne relève en rien de la pifométrie, mais correspond plus exactement aux sept heures de travail non rémunéré données par les salariés.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous avons besoin d’injecter de l’argent dans la branche autonomie, qui est presque toujours déficitaire depuis sa création : de 400 millions d’euros dans le PLFSS 2022, de 900 millions dans le PLFSS 2022 rectifié, de 500 millions dans le PLFSS 2023, de 1,2 milliard dans le PLFSS 2023 rectifié, etc.

La branche autonomie remplit-elle son rôle, compte tenu des besoins ? Je pense que non, pour différentes raisons. Qu’il s’agisse du handicap ou du grand âge, des millions de personnes n’ont pas les moyens de vivre dignement ni de s’exprimer individuellement ou collectivement. La mission de la branche n’est donc pas remplie par manque d’argent, parce que nous n’avons pas consenti les moyens nécessaires. Cet amendement résout ce problème.

Mme Justine Gruet (DR). Les disparités de fonctionnement et de financement des cinq branches sont un enjeu central.

Pour ce qui est de la branche autonomie, en matière de prise en charge des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées, le reste à charge dépend du niveau d’autonomie, des revenus et du lieu de vie. A contrario, pour la branche maladie, le reste à charge est souvent absorbé par les mutuelles quels que soient les revenus, le lieu de vie ou l’état de santé.

Les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ont des restes à charge considérables, qu’elles soient prises en charge à domicile ou en institution, alors que la santé se veut encore gratuite.

Nous devons mener une réforme structurelle des cinq branches, en appliquant aux unes les fonctionnements vertueux des autres.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, la CSA n’est pas une taxe sur les revenus d’activité, mais une taxe sur les richesses produites, puisque ce sont des cotisations patronales.

Je ne prétends pas que rien n’a été fait, mais ayons conscience du chemin restant à parcourir en matière d’autonomie ; refuser d’octroyer des moyens supplémentaires à la branche autonomie, c’est refuser de voir ce chemin. Nous avons besoin de moyens, nous devons réformer le financement des Ehpad, qui est complètement incohérent, et celui de l’aide à domicile. Dans ces deux secteurs, les postes sont tellement mal payés que le recrutement est difficile.

M. Philippe Vigier (Dem). J’étais déjà député lorsque la cinquième branche a été créée. C’était à l’époque une coquille vide, dotée de moins de 1 milliard d’euros ; son budget est désormais de 45 milliards. Cependant, nous allons au-devant d’un mur – au moins pouvons‑nous nous accorder sur ce point.

Au-delà de vos constats, madame Mélin, nous devons identifier les pistes de financement qui nous permettront de faire face à ce mur. Vous critiquez le financement actuel, mais il correspond à ce dont on dispose !

Nous devons trouver le courage de mener à bien une réforme s’appuyant sur un système assurantiel, comme l’ont fait d’autres pays, et ce de manière transpartisane. En tout état de cause, nous devons être à la hauteur de l’enjeu et cesser de jeter l’anathème sur toutes les propositions.

M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, j’ai fait un peu d’archéologie législative pour savoir pourquoi le taux de 0,3 % avait été retenu plutôt que celui de 0,45 % : selon un rapport publié ici même il y a vingt ans, la part du travail dans la valeur ajoutée n’est que de deux tiers.

Monsieur Monnet, vous avez raison, il s’agit d’une taxe sur la richesse produite.

Je fais partie de ceux qui étaient opposés à la suppression de deux jours fériés. Je note qu’elle a disparu du texte qui nous est soumis. Pour autant, je ne suis pas convaincu que la hausse de la contribution au titre de la journée de solidarité – le lundi de Pentecôte – suscite concorde et cohésion. Le doublement de la CSA équivaut à instaurer un demi-jour férié supplémentaire. Je préfère éviter les irritants pour aboutir à un budget de la sécurité sociale susceptible d’échapper à la censure.

En revanche, je vous rejoins, le défi reste entier pour doter la branche autonomie des moyens nécessaires ; mais il appelle des réformes de structure.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour la bonne information de tous, j’ai reçu il y a quelques minutes l’avis du CPO dont parle M. Guedj. Je vous le transmets dans la soirée.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS159 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’une autre piste pour financer la branche autonomie : une CSA progressive. Le taux passerait de 0,3 à 0,6 % pour les rémunérations supérieures à 3 Smic.

M. le rapporteur général. Vous faites preuve d’une certaine créativité fiscale.

Les taux de cotisation sont déjà fortement progressifs. Vous êtes force de proposition, et c’est tout à votre honneur, mais mon avis est défavorable car une fois encore, vous augmentez les prélèvements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS160 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Autre ressource possible pour la branche autonomie : soumettre à la CSA les compléments de salaire, qui y échappent jusqu’à présent – l’intéressement, la participation, la participation de l’employeur aux plans d’épargne – et l’étendre aux travailleurs indépendants. Ces derniers bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie mais ils ne cotisent pas. Le rapport Vachey avait estimé à 250 millions d’euros les recettes que leur assujettissement pourrait procurer. Afin de ne pas pénaliser les classes populaires, seraient concernés les travailleurs indépendants dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic.

M. le rapporteur général. L’assiette de la CSA est relativement simple : les cotisations patronales de maladie, donc grosso modo les salaires des salariés. Or chez un indépendant, cette assiette n’existe pas. Les indépendants paient des contributions spécifiques et les modalités de calcul des charges sont très différentes. L’élargissement de l’assiette de la CSA aux revenus des indépendants, quel qu’en soit le niveau, est donc une réponse inadaptée. Peut-être pourrait-on envisager de flécher une partie de leurs charges vers l’autonomie.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS868 de M. Yannick Monnet.

Amendement AS153 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Selon la Cour des comptes, 85 milliards d’euros de compléments de salaire sont versés chaque année. Or ils ne sont pas soumis aux mêmes cotisations sociales que les salaires.

Il est proposé d’abaisser à 6 000 euros le plafond d’exonération des compléments de salaire – intéressement, participation, plan d’épargne entreprise, prime de partage de la valeur. Afin de préserver les classes moyennes, sont concernés les salaires supérieurs à 3 Smic. De cette façon, au moins 80 % des bénéficiaires de la participation ou de l’intéressement échapperaient au dispositif. Je rappelle que le montant moyen de la participation est de 1 600 euros par an.

M. le rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, au 2° du I , votre amendement supprime le bénéfice des exonérations pour les salariés gagnant moins de 3 Smic. Ce n’était assurément pas votre intention, mais cela me conduit à demander le retrait de votre amendement.

Vous connaissez mon attachement à l’intéressement et à la participation, qui sont des outils de partage de la valeur.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1566 de Mme Karine Lebon, AS1279 de Mme Sandrine Rousseau et AS69 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement AS1566 de bon sens vise à conditionner les allégements de cotisations patronales à des obligations en matière sociale, environnementale et fiscale pour les entreprises dont la taille correspond ou excède le seuil européen de l’entreprise moyenne.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Parmi les objectifs environnementaux et sociaux fixés pour bénéficier d’un allégement, mon amendement fait figurer l’obligation de ne pas délocaliser des activités à l’étranger ; l’instauration d’une égalité salariale entre les femmes et les hommes ; la mise en place d’indicateurs relatifs à l’emploi de salariés âgés ; la remise d’un rapport climat.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Afin d’être plus incitatif que les obligations déclaratives qui ne mènent nulle part, il est proposé de conditionner le bénéfice des allégements de cotisations patronales au respect de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

L’amendement ne crée pas de nouvelles charges, il se borne à modifier les conditions d’octroi d’un avantage. Ce n’est pas cher payé.

Je rappelle que les femmes gagnent encore en moyenne 28,5 % de moins que les hommes et représentent 80 % des travailleurs pauvres.

M. le rapporteur général. Vos vœux ont été exaucés par le gouvernement de François Bayrou ! En vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le « bandeau maladie » sera supprimé au 1er janvier 2026, de même que le « bandeau famille », dans le cadre de la réforme des allégements généraux. Celle-ci prévoit également de diminuer de 1,6 milliard d’euros le montant des allégements au profit des entreprises en 2025 et 2026. Si l’on ajoute l’année blanche, leurs charges seront alourdies de 3,1 milliards au total en 2026, conformément à ce que vous souhaitez.

Vos amendements sont donc sans objet puisqu’ils instaurent des conditions pour bénéficier d’une exonération qui aura disparu l’année prochaine.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Les allégements généraux demeurent.

M. le rapporteur général. Oui, mais le bandeau famille que vise votre amendement est supprimé.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’adoption d’un des amendements fournirait une bonne base puisqu’il nous resterait à cibler le bandeau approprié, sans nous obliger à retravailler l’ensemble du dispositif.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous sommes capables de créer tout un tas de mécanismes pour contrôler les personnes qui touchent des prestations – on ne sait jamais, ce pourrait être des voleurs – mais il est hors de question de contrôler l’usage de l’argent public destiné aux entreprises. Soyons sérieux : 211 milliards d’euros leur ont été versés sans aucune contrepartie.

La sécurité sociale ne peut pas continuer à faire des cadeaux. Il est impératif de conditionner toutes les exonérations de cotisations. Adoptons-en le principe et nous verrons ensuite ce qu’il en est des bandeaux !

Mme Justine Gruet (DR). Je suis d’accord avec vous, il est nécessaire de contrôler et d’évaluer l’usage de l’argent public, mais c’est déjà le cas pour certaines grandes entreprises. Je pense aux subventions versées par l’Agence de la transition écologique ou les services de l’État en matière d’énergie.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que ces contrôles occasionnent une surcharge administrative. Je pense là aux rapports d’activité qui demandent un mois de travail et que personne ne lit.

On ne peut pas donner de l’argent sans contrepartie mais attention à ne pas créer une usine à gaz pour les entreprises, qui se verraient contraintes de tout justifier. La meilleure manière de lutter contre les émissions de dioxyde de carbone est de diminuer les importations et de réindustrialiser.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale que modifient vos amendements a été abrogé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Vous ne pouvez donc pas le modifier pour introduire des conditions.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). L’article sera abrogé à compter du 1er janvier 2026.

Je rappelle néanmoins que la commission a voté des amendements de ce type à plusieurs reprises de manière transpartisane, considérant qu’il est normal de demander aux entreprises en contrepartie des cadeaux qu’elles reçoivent de respecter certaines obligations, notamment l’index de l’égalité. C’est le minimum syndical. Faute de sanctions, cette obligation reste vaguement incitative, ce qui interdit tout progrès. Mais comme toujours en matière d’égalité, on se dit qu’on a le temps et que dans deux cents ans, on y parviendra peut-être.

La mesure que nous proposons ne demande pas beaucoup plus aux entreprises si elles font déjà bien leur travail, le but étant de les inciter à le faire.

M. Philippe Vigier (Dem). Lorsque plus de 200 milliards d’euros sont donnés aux entreprises, il faut avoir les moyens de contrôler, sans pour autant créer une usine à gaz.

Nous devons avoir la même exigence à l’égard des entreprises qu’à l’égard des bénéficiaires de prestations. Devant le maquis d’aides, nous aurions intérêt à nous doter de moyens d’investigation et d’évaluation afin d’être en mesure de corriger les éventuels dysfonctionnements.

M. le rapporteur général. J’essaie de vous aider à rendre vos amendements applicables, même si sur le fond, je n’y suis pas favorable.

Les allégements généraux représentaient non pas 211 milliards d’euros mais 75 milliards environ, dont une partie relevait des bandeaux qui seront supprimés au 1er janvier 2026. Ils sont transformés en réduction générale dégressive, sur laquelle vous avez déposé des amendements ayant le même objet. Je vous propose de débattre de ceux-là et, au nom du sérieux du travail parlementaire, de retirer ceux qui concernent un dispositif voué à disparaître.

Il faut également être attentif à la jurisprudence constitutionnelle en vertu de laquelle les dispositions en matière de droit du travail n’ont pas leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale – c’est pour moi une source de grande frustration. Or certaines conditions que vous posez relèvent du droit du travail.

M. Yannick Monnet (GDR). Je maintiens mon amendement pour que le principe soit validé. Je le réécrirai ensuite.

Les autres amendements ayant été retirés, la commission rejette l’amendement AS1566.

Amendements identiques AS1069 de M. Yannick Monnet et AS1309 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Il est proposé d’élargir aux Ehpad et unités de soins de longue durée (USLD) du secteur public la réduction pérenne de cotisations sociales dont bénéficient les seuls Ehpad du secteur privé, lucratifs et non lucratifs. À l’heure où les établissements sont structurellement déficitaires, il me semble difficile de maintenir une telle inégalité entre les deux secteurs – l’écart est de à 400 millions d’euros –, d’autant que ce sont les établissements publics qui accueillent les personnes aux revenus modestes.

M. le rapporteur général. Je ne peux que soutenir les établissements sociaux et médico-sociaux et les USLD publics. Mais, je le répète, le bandeau maladie étant supprimé le 1er janvier prochain, vos amendements sont sans objet. Je vous invite à les retirer.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons contre ces amendements pour deux raisons.

D’abord, la réponse à l’asymétrie entre public et privé réside plutôt dans l’harmonisation des régimes de cotisation des établissements. Ensuite, la réduction des cotisations sociales revient à subventionner les établissements publics aux frais de la sécurité sociale encore une fois. Il serait plus pertinent d’accorder à ces derniers des dotations pour assurer un financement équilibré des deux secteurs.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est une mauvaise réponse à une vraie question dont notre commission devrait s’emparer : la différence entre les Ehpad publics et privés sur le plan fiscal et social. La Fédération hospitalière de France, qui est l’inspiratrice de ces amendements, estime entre 25 % et 30 % le coût supplémentaire du recrutement d’une aide-soignante ou d’une infirmière dans le secteur public.

L’extension de la réduction de cotisations n’est pas la solution puisque cette différence tient moins aux cotisations qu’à la taxe sur les salaires. Je vous rappelle que, parallèlement au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avait été créé un crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires qui n’a malheureusement pas été pérennisé.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS1565 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Demande de retrait pour les mêmes raisons que précédemment.

L’amendement est retiré.

Amendements AS552 de M. Hadrien Clouet et AS1286 de Mme Sandrine Rousseau ; amendements identiques AS66 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS149 de M. Jérôme Guedj et AS897 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Toute entreprise s’acquitte de cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) selon sa taille et son nombre de salariés.

L’amendement a pour objet de majorer les cotisations dès lors que l’indice de sinistralité, et particulièrement le taux de burn-out, est élevé.

Le burn-out, pourtant inscrit depuis 2019 dans la classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé, ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles. Il est proposé ici d’en faire un critère pour justifier un alourdissement des cotisations sociales dans un double souci de prévention – l’employeur est incité à prendre des mesures en ce sens – et de réparation du préjudice subi par la sécurité sociale, qui prend en charge les victimes du burn-out.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je défends l’amendement AS1286.

Qui traite mal doit contribuer plus : c’est l’esprit de cet amendement.

La situation est catastrophique : la souffrance au travail s’est considérablement aggravée, en particulier chez les jeunes. La moitié des moins de 30 ans souffrent de stress et d’épuisement professionnel ; 22 % d’entre eux consomment des somnifères ou des antidépresseurs. Il faut que cela cesse.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Un salarié sur deux est stressé de façon régulière ; un sur cinq présente des signes d’épuisement professionnel.

Le burn-out n’est toujours pas reconnu comme maladie professionnelle alors qu’il se répand de plus en plus dans la société.

L’amendement propose d’instaurer un malus pour les entreprises qui ne prennent pas « les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle ». L’objectif est d’abord de responsabiliser les employeurs dans la prévention du risque psycho-social mais aussi de récompenser les politiques de prévention efficaces et de dégager des ressources supplémentaires pour la prévention et la réparation des maladies professionnelles.

L’épuisement professionnel n’est pas le fait d’une fragilité individuelle mais le symptôme d’un système de travail inadapté, qui épuise les corps et les esprits.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’instaurer un malus pour les entreprises présentant une sinistralité anormale en matière d’AT-MP.

M. Yannick Monnet (GDR). Un million d’accidents du travail, d’accidents de trajet et de maladies professionnelles ont été recensés en 2023. On déplore trois morts au travail par jour en moyenne. À ce bilan il convient d’ajouter 332 accidents de trajet mortels survenus entre le domicile et le lieu de travail et 196 décès consécutifs à une maladie professionnelle. Ces données accablantes sont loin de refléter l’ampleur du problème puisque la Caisse nationale de l’assurance maladie ne recense que les salariés du régime général, à l’exclusion des employés de la fonction publique, des agriculteurs, des marins-pêcheurs, des chefs d’entreprise et des autoentrepreneurs.

Oui, une politique de prévention des risques au travail est indispensable.

M. le rapporteur général. On doit évidemment prêter une attention particulière aux syndromes d’épuisement professionnel.

Les premiers amendements me paraissent en partie satisfaits puisque la réforme de la tarification des accidents du travail, qui est progressivement montée en puissance, a accordé une place accrue à l’individualisation des cotisations tout en simplifiant le dispositif. Ainsi, les établissements dont l’effectif est compris entre 20 et 149 salariés dans lesquels la sinistralité est, en moyenne, plus élevée, ont vu s’accroître le poids de leur sinistralité dans le calcul de leurs cotisations. En parallèle, plusieurs mesures ont été prises ; en particulier, la convention d’objectifs et de gestion signée en juillet 2024 a abondé le fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle.

Outre le fait que le taux de la cotisation AT-MP varie déjà en fonction de la sinistralité, les dispositions que proposent les amendements suivants me semblent moins exigeantes que ne le sont les règles actuelles puisque, je le rappelle, il existe déjà des mécanismes de majoration des cotisations AT-MP en fonction de la sinistralité.

Ces mécanismes ont été renforcés le 1er janvier 2024 par l’entrée en vigueur du dispositif de prime signal, qui majore, dans la limite de 10 %, le taux de cotisation des entreprises de dix à dix‑neuf salariés connaissant des accidents du travail récurrents. À l’inverse, les entreprises de même taille ayant une démarche positive en matière de prévention sont récompensées par une réduction de leurs cotisations.

Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). À vouloir taxer toujours plus, on finit par retenir les assiettes les plus improbables ; et on nuit à la compétitivité de nos entreprises, voire on met en danger leur existence même. Pour avoir des recettes supplémentaires, il suffit que davantage de personnes travaillent : si nous avions le taux d’emploi de l’Allemagne, nous disposerions de 15 milliards d’euros supplémentaires et les cotisations seraient inférieures de 5 milliards. Il est essentiel d’inciter à la prévention des risques professionnels mais ce n’est pas la taxation qui permettra aux salariés de bénéficier de meilleures conditions de travail.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les personnes souffrant d’épuisement professionnel se voient prescrire un arrêt de travail. C’est donc l’ensemble de la collectivité, par le biais du régime général de la sécurité sociale, qui assume le coût du burn-out. Il est grand temps de transférer ce coût vers le régime AT-MP. L’employeur a pour obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés. S’il ne le fait pas, il doit en payer les conséquences.

M. Philippe Vigier (Dem). Comme l’a indiqué le rapporteur général, ces amendements sont satisfaits. Savez-vous que le taux de cotisations AT-MP peut varier du simple au double selon le niveau de la sinistralité ? À l’instar du bonus-malus appliqué en matière d’assurance, il faut plusieurs années pour revenir à un taux inférieur. La branche AT‑MP était encore excédentaire en 2024 mais sera déficitaire en 2025 : il faudra donc se pencher rapidement sur la question.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La majoration de cotisation en fonction des burn‑out n’existe pas : cet argument est faux. Ensuite, lorsque 300 000 personnes souffrent d’épuisement professionnel, ce n’est pas « improbable » : c’est une sinistralité mesurée et reconnue. Par ailleurs, vous dites que davantage de gens doivent travailler, ce qui est aussi l’objectif que nous visons par la prévention des burn-out : un bon point pour vous. Enfin, l’idéal serait qu’il n’y ait aucun burn-out : les entreprises ne paieront rien. Même les députés DR devraient voter cet amendement !

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous proposons d’ajouter des règles aux dispositifs existants. Madame Gruet, notre objectif n’est pas la taxation mais l’incitation à la prévention, face au nombre croissant de salariés en souffrance au travail. Vous nous parlez productivité ; nous parlons bien-être des salariés. Des salariés qui vont bien travailleront mieux.

M. le rapporteur général. Vos amendements sont intéressants en ce qu’ils appellent l’attention sur le syndrome de l’épuisement professionnel. Nous connaissons tous des personnes qui ont fait un burn-out : les conséquences sont terribles pour elles-mêmes et pour leur entourage. La France fait partie des pays qui reconnaissent ce syndrome comme une maladie professionnelle par le biais de la procédure complémentaire – que l’on pourrait certes simplifier.

J’entends vos préoccupations mais je ne pense pas que l’emploi du terme « et particulièrement » soit de bonne légistique. Plus généralement, il ne me semble pas que ce soit la bonne manière de traiter la question, d’autant plus que certains de vos amendements sont moins-disants par rapport au droit actuel ; leurs effets seraient opposés à ce que vous recherchez.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1290 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous ne cherchons pas, par ces amendements, à trouver des recettes supplémentaires mais à faire en sorte que le versement d’argent public soit, au minimum, conditionné à des comportements acceptables des entreprises. Mon amendement vise ainsi à éviter que des entreprises qui procèdent à des licenciements boursiers bénéficient d’exonérations fiscales et sociales. Pour prouver ces agissements, il suffit de regarder le chiffre d’affaires, le bénéfice et les raisons du licenciement.

M. le rapporteur général. Je comprends votre intention mais vous voulez appliquer à ces entreprises une augmentation du taux de cotisation vieillesse. Or il s’agit de cotisations créatrices de droits, de droits contributifs. Quelles seraient les conséquences d’une augmentation des cotisations ? À qui iraient les droits ainsi obtenus ? S’agit-il de taux globaux ? La question est de savoir comment ces droits seront intégrés à notre système de retraite. Je ne suis pas sûr que l’on puisse orienter le comportement des entreprises en modifiant le niveau de ces cotisations.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS719 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement vise à accroître l’efficacité des allégements de cotisations familiales sur l’emploi en les réservant aux salaires inférieurs à 2,5 Smic. Cela permettrait de dégager 1,6 milliard d’euros en faveur de la sécurité sociale.

M. le rapporteur général. Le bandeau famille, comme le bandeau maladie, disparaîtra au 1er janvier 2026. Les recettes que vous pensez créer n’arriveront donc jamais. Je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS644 de Mme Ségolène Amiot et AS1715 de M. Hendrik Davi ; amendements identiques AS640 de M. Damien Maudet et AS996 de M. Hendrik Davi ; amendements identiques AS1553 de M. Jérôme Guedj et AS1665 de M. Hendrik Davi ; amendements AS162 et AS163 de M. Jérôme Guedj ; AS1610 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cette série d’amendements concerne les exonérations de cotisations sociales, dont le coût s’élève à un peu plus de 80 milliards d’euros pour l’année en cours, ce qui représente un poste de dépenses énorme. Rappelons que ces exonérations ne sont pas soumises à des conditions sociales ou écologiques mais uniquement à des effets de seuil en fonction de la taille de l’entreprise, comme si toutes les entreprises ayant la même masse salariale avaient la même utilité sociale. Nous proposons de raboter ce dispositif en partant d’un principe assez consensuel dans les études menées sur le sujet : au-dessus de 1,6 Smic, les exonérations de cotisations sociales n’ont pas d’effet sur le comportement d’embauche des employeurs. Dans un esprit constructif, nous proposons, par l’amendement AS644, de les supprimer uniquement à partir d’un salaire égal à 2 Smic.

En compensation des 80 milliards d’euros, l’État verse à la sécurité sociale des crédits issus du produit de la TVA. Autrement dit, à chaque fois qu’un salarié au Smic va consommer, il paie pour son patron. Il faut mettre fin à ce type de dispositif, qui est pour le moins contestable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Les exonérations de cotisations sociales, qui atteignent quelque 75 milliards d’euros, n’ont pas d’effet clair sur l’emploi ni sur l’amélioration de notre compétitivité à l’export – le déficit commercial atteint, rappelons-le, le niveau abyssal de 81 milliards. À une époque où nous avions beaucoup moins d’exonérations, nous avions une balance commerciale excédentaire. L’amendement AS1715 a pour objet de supprimer les exonérations sur les salaires dépassant 2 Smic, qui font partie des niches sociales qui ont le moins de justification. En effet, lorsqu’une entreprise paie des salariés au-dessus de 2 Smic, c’est rarement l’existence de l’exonération qui détermine son choix. Cette niche, qui coûte très cher – entre 7 et 8 milliards –, profite essentiellement aux grandes entreprises : 270 groupes concentrent à eux seuls près de 30 % de ces allégements.

M. Damien Maudet (LFINFP). Par mon amendement, nous souhaitons limiter le dispositif d’allégement général de cotisations sociales aux salaires inférieurs à 2 Smic. Ces exonérations, qui ont doublé depuis qu’Emmanuel Macron est aux responsabilités, sont compensées par la TVA, autrement dit, des trous créés dans le budget de la sécurité sociale. On pourrait dire que les cadeaux faits à certaines entreprises sont financés par les consommateurs et les travailleurs.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous entendons démontrer que l’ensemble de la gauche et les écologistes partagent l’objectif de réduction des exonérations de cotisations sociales, qui permettrait de dégager près de 7 milliards d’euros pour financer la sécurité sociale, augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie à hauteur de 3,5 % et abroger la réforme des retraites. Nous vous proposons des mesures sans effet négatif sur l’emploi, qui procureraient des recettes supplémentaires.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous proposons, par l’amendement AS1553, une sortie du dispositif d’exonérations de cotisations sociales à partir d’un salaire de 2,2 Smic. M. Farandou nous a confirmé que le PLFSS prévoit un allégement supplémentaire de 1,5 milliard d’euros. Il convient de poursuivre la réduction des allégements de cotisations décidé l’année dernière. J’espère que notre commission souscrit à cette trajectoire, telle qu’elle a été présentée par le Gouvernement. Notre amendement vise à compléter cette mesure.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement AS1665, identique au précédent – la gauche est diverse –, est un amendement de repli qui prévoit une sortie du dispositif pour un salaire supérieur à 2,2 Smic. Nos collègues socialistes pensent que, si nous sommes un peu moins-disants, le socle commun votera peut-être notre amendement : nous verrons. C’est de la politique expérimentale, en quelque sorte.

M. Jérôme Guedj (SOC). Notre priorité – pas tant pour obtenir l’assentiment des uns et des autres qu’en cohérence, notamment, avec l’analyse de MM. Bozio et Wasmer – est d’obtenir la sortie du dispositif d’exonération à partir d’un salaire de 2,4 ou de 2,5 Smic, c’est‑à‑dire du seuil à partir duquel l’exonération n’a plus d’efficacité sur l’économie – ce fait étant largement documenté. Ce constat est valable même pour l’industrie. Selon un rapport du CPO du mois dernier consacré à la fiscalité de l’industrie, il n’est pas documenté que les exonérations au-delà de 2,5 Smic aient un effet particulièrement favorable pour le secteur industriel.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement vise à opérer un double gel, en prenant pour référence le montant du Smic en 2024. D’une part, le montant maximal de la réduction dégressive de cotisations accordée aux employeurs en 2026 et dans les années à venir resterait identique à celle de 2025, soit 673 euros mensuels. D’autre part, le niveau de salaire à partir duquel s’éteignent complètement les réductions de cotisations serait lui aussi gelé et resterait calculé à partir du montant du Smic actuel. Cela n’engendrerait pas de choc négatif pour les entreprises et permettrait de réaliser près de 4 milliards d’euros d’économies chaque année.

M. le rapporteur général. C’est en effet, comme le dit Hadrien Clouet, une longue série : c’est aussi la nuit pour les entreprises ! M. Davi parle de gauche diverse ; en tout cas, on se souvient encore de l’imagination dont avait fait preuve la gauche plurielle.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a réformé les allégements généraux, ce qui a entraîné un alourdissement de charges de 1,6 milliard d’euros pour les entreprises en 2025 et augmentera leurs cotisations d’un même montant en 2026. À cela s’ajoute une autre augmentation de charges de 1,5 milliard, par application du principe de l’année blanche – cette dernière augmentation ne fait pas l’objet d’un article, c’est un sous-jacent de l’annexe 4. Le surcoût global pour les entreprises s’élève donc à 3,1 milliards pour 2026, qui s’ajoutent au 1,6 milliard de l’an dernier. Sur deux ans, on arrive à un total de 4,7 milliards, comme le ministre nous l’a confirmé lors de son audition. Par vos amendements, vous proposez d’ajouter près de 7 milliards, ce qui me semble considérable.

De surcroît, en réduisant le point de sortie des allégements de cotisations, on augmenterait les prélèvements sur le travail qualifié. Or nous avons besoin de mesures en sens contraire si nous voulons favoriser la montée en gamme des emplois.

Les deux derniers amendements visent à geler le montant maximal des exonérations, ce qui revient à alourdir les prélèvements sur les rémunérations proches du Smic. Cela s’écarte de l’esprit des débats de l’année dernière.

Je voudrais rappeler ce qu’écrivaient Antoine Bozio et Étienne Wasmer : « S’il est possible de diminuer de quelques milliards le montant des exonérations, cette hausse de prélèvements obligatoires sur les salaires doit rester limitée et il vaut mieux chercher des recettes sur d’autres bases fiscales. » Ce qui était vrai l’année dernière l’est encore davantage après une première réforme qui a déjà accru les prélèvements sur les entreprises.

Enfin, vous nous dites souvent que le coût des exonérations ne cesse d’augmenter. Or, en 2025, le coût des allégements généraux a diminué de 4 %.

Derrière ces questions, il y a des enjeux de compétitivité des entreprises et d’emploi. Les secteurs qui offrent les rémunérations les plus élevées sont les plus exposés à la concurrence internationale : je pense notamment à l’industrie. Je ne veux pas pénaliser les travailleurs de ces usines.

Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Je ne voudrais pas que les chefs d’entreprise aient le sentiment que la commission les considère, pour dire les choses trivialement, comme de « méchants riches ». Certains patrons, notamment de petites et moyennes entreprises (PME), ne se versent pas même un Smic. Ce sont avant tout des entrepreneurs, qui créent de la valeur ajoutée et de l’emploi. Il faut veiller à ce que notre régime social, qui est très généreux, ne pèse pas de manière disproportionnée sur le coût du travail. Les mesures que vous proposez risquent d’inciter les entreprises à laisser leurs salariés au Smic. Une fois encore, on mettrait à contribution les personnes appartenant aux classes moyennes, qui risqueraient d’être rémunérées en deçà de leurs compétences et de leur travail.

M. Philippe Vigier (Dem). Les allégements de cotisations avoisinent le montant record de 90 milliards d’euros. Cela dit, ces dispositifs ont été appliqués, au fil du temps, par des gouvernements de tous bords pour faire face aux problèmes de compétitivité.

MM. Bozio et Wasmer écrivent qu’à partir de 3 Smic, les exonérations n’ont plus d’effets sensibles sur la création d’emplois et la préservation de la compétitivité des entreprises. Conscient de cette réalité, notre groupe a toujours déposé des amendements visant à appliquer ces exonérations jusqu’à 3 Smic ; à défaut de pouvoir réaliser des économies, on est ainsi certain de l’impact de la mesure. Le rapport Bozio-Wasmer contient des propositions qui nous permettraient certainement d’aller chercher un peu d’argent sans casser la dynamique économique, ce qui est essentiel dans la période de fragilité que nous connaissons.

M. Michel Lauzzana (EPR). Il est vrai que, sur des salaires de 2 ou 3 Smic, les allégements de cotisations sociales ne sont plus très efficaces.

Toutefois, comme l’a très clairement démontré M. le rapporteur général, les allégements de cotisations sociales ont déjà considérablement diminué. Je rappelle à la gauche qu’ils existent parce que les entreprises françaises sont très taxées : les impôts de production sont au moins trois fois plus élevés qu’en Allemagne et les prélèvements sociaux proches de 50 % – par exemple 48 % chez Airbus.

Sans ces taxes, nous n’aurions pas besoin d’allégements de cotisations sociales puisque la compétitivité serait beaucoup plus importante. Cela permettrait d’ailleurs d’augmenter les salaires.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Quelques petits rappels. D’abord, les cotisations sociales ne sont pas des charges. Si vous ne savez pas distinguer une cotisation d’une charge, il suffit de vous demander si la dépense a une utilité sociale. Une cotisation d’assurance maladie est utile socialement, c’est donc une cotisation ; un jeton de présence administrative ne l’est pas, c’est donc une charge.

Concernant les patrons riches et méchants, je suis marxiste et, par conséquent, les questions de morale ne m’intéressent pas. Il n’y a pour moi ni gentils, ni méchants, mais des modes de production et des gens qui font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir. Il ne s’agit pas de changer le comportement des gens mais le contexte économique dans lequel ils agissent pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Voilà la différence entre vous et moi, entre la moraline et la politique.

Enfin, il est faux de dire que les dépenses sociales sont insoutenables. Ce qui est insoutenable, ce sont les aides aux grandes entreprises – exonérations, avantages fiscaux, avantages sociaux – qui, additionnées, s’élèvent à 230 milliards d’euros par an, le premier poste de dépenses de la puissance publique. Lors de sa tournée d’adieux cet été, M. Bayrou a déclaré sur YouTube que le coût de la dette était de 12 millions d’euros de l’heure. Les aides aux entreprises coûtent, elles, 26 millions de l’heure. S’il y a de l’argent à récupérer, c’est là, ce qui plaide en faveur de ces amendements.

M. Hendrik Davi (EcoS). D’une part, le scénario proposé dans le rapport de la mission Bozio-Wasmer fixe le point de sortie des exonérations sociales à 2,5 Smic, et non 3. D’autre part, c’est sur un montant global de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales que nous proposons de reprendre 7 milliards, ce qui ne me paraît pas excessif. Enfin, si les entreprises ne payaient pas de cotisations sociales, les salariés financeraient ce à quoi elles servent par le biais de la CSG ou de la TVA – voire de leur poche, en payant des franchises. Dans ce cas, comme dans les pays où les cotisations sociales n’existent pas, il faudrait augmenter les salaires afin que les salariés gardent le même pouvoir d’achat. La compétitivité n’est donc pas en jeu : cotisations sociales ou salaires, cela revient au même pour les entreprises.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Vous avez la main qui tremble dès qu’on envisage de supprimer des exonérations de cotisations sociales – alors que plusieurs rapports prouvent qu’elles sont inutiles au-dessus de 2,5 Smic et que la littérature scientifique recommande que les entreprises donnent un coup de main pour éviter de limiter le remboursement des médicaments.

En revanche, pour taxer les apprentis, instaurer des franchises sur les médicaments, s’en prendre aux pauvres et faire payer un peuple qui n’est même plus en mesure de consommer tant vous le taxez, là c’est open bar !

Cela fait des années que vous gouvernez avec la même politique, alors que les rapports, la littérature scientifique et les faits montrent que nous allons droit dans le mur. Nos débats sont déconnectés de la réalité sociale du pays, et c’est pour cela que vous perdez chaque élection. Maintenant il faut que vous le compreniez !

M. Yannick Monnet (GDR). Inutile d’essayer de vous convaincre du bien-fondé de la politique portée par nos amendements, ce serait un débat sans fin.

Je rappelle toutefois que le système des exonérations de cotisations sociales pervertit le financement de la sécurité sociale en le faisant reposer sur l’impôt qui vient compenser ces exonérations. Ce qui la met en danger !

Vous pouvez tout à fait poursuivre votre politique d’aide aux entreprises : cessez de les exonérer, prenez les 77 milliards d’euros, laissez-les cotiser sur la richesse produite par le travail et déversez sur elles davantage d’aides directes ! Mais si vous ne voulez pas tuer la sécurité sociale, laissez tranquille son mode de financement.

M. Paul Christophe (HOR). Je vais essayer de me mettre à la hauteur du grand économiste qu’est M. Boyard. Et il fallait quand même oser comparer le déficit du commerce extérieur et les exonérations de charges !

On peut s’interroger sur les exonérations. Mais il ne faut pas s’inscrire dans une logique de destruction de l’emploi. Entre 2017 et 2019, nous sommes parvenus à faire massivement baisser les taux de chômage – qui restent d’ailleurs assez faibles, même s’ils seront pour nous toujours trop hauts.

M. le rapporteur général a en outre rappelé que le 1,6 milliard d’euros d’économies gagnées sur les allégements de cotisations sociales l’an dernier avaient presque doublé, pour atteindre 3,1 milliards : vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien.

Enfin, concernant la réforme des retraites, l’abroger signifierait tout annuler. Or l’article 11 vise à régulariser les situations de 4,6 millions de concitoyens ayant cotisé au‑dessous du seuil de validation dans le cadre de travaux d’utilité collective. Il serait dommage de les priver de cette régularisation, qui porte sur des durées allant de trois trimestres à six ans, et ce n’est pas M. Delaporte qui dira le contraire.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Ce sont les exonérations de cotisations sociales qui coûtent trop cher. Auparavant, les cotisations finançaient la sécurité sociale à hauteur de 92 %, contre seulement 49 % aujourd’hui.

Or ce manque à gagner est compensé par la TVA : vous demandez en réalité aux Français de financer ces exonérations et, pire, cette politique d’attractivité. En effet, alors que les 60 milliards d’euros gagnés sur les recettes de la TVA, passées de 163 milliards en 2017 à 222 milliards en 2025, auraient jadis servi à financer l’État et les services publics, ils servent à présent à financer cette politique – dont les résultats ne sont pas démontrés.

M. Nicolas Turquois (Dem). M. Vigier a rappelé que les exonérations de cotisations sociales étaient liées au coût du travail. Or, l’effort de cotisation en France est bien supérieur à celui de pays similaires.

D’autre part, l’esprit initial de la sécurité sociale voulait que le travail donne droit aux prestations sociales, y compris à la protection maladie. La protection maladie est aujourd’hui universelle. Est-ce aux entreprises et aux salariés de la financer ? Ne faudrait-il pas instaurer une base de financement plus large, par exemple à partir de la TVA ? Ce n’est pas comme la retraite et les accidents du travail, qui restent liés au travail.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les exonérations de charges visent à créer de l’emploi, notamment pour les personnes peu qualifiées. Elles ne profitent pas aux entreprises mais améliorent l’employabilité de ces personnes qui, si elles travaillent, cotisent et alimentent le système. Ces exonérations ont donc un double effet positif.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je constate que personne ici ne remet en question la trajectoire de baisse des exonérations de cotisations à hauteur de 1,5 milliard d’euros indiquée par le ministre. L’année dernière, le gouvernement de Michel Barnier avait proposé 4,5 milliards d’euros de baisse des allégements de cotisations. Or le socle commun s’était rebellé et cette baisse avait été revue à 1,6 milliard. Nous y ajoutons cette année 1,5 milliard, ce qui va dans la bonne direction mais reste insuffisant. Ces amendements visent à amplifier cette trajectoire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS604 de Mme Ségolène Amiot et AS718 de M. Paul-André Colombani (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons avec cet amendement de réduire le bénéfice des réductions de cotisations sociales patronales aux branches dont les minima conventionnels restent inférieurs au Smic pendant plus de six mois.

L’ancien ministre du travail Olivier Dussopt s’était engagé à ce que l’ensemble des branches se mettent en conformité avec la loi et revoient les bases conventionnelles des salaires minimums, afin que ceux-ci soient rehaussés au-dessus du Smic. Certaines branches ne l’ont toujours pas fait alors que c’est indispensable. Dans l’attente, nous vous proposons de suspendre toutes leurs exonérations de cotisations sociales.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement vise à conditionner les exonérations de cotisations à des minima de branche au moins égaux au Smic, afin d’encourager les revalorisations salariales. C’est une mesure d’équité qui soutient le dialogue social et lutte contre les branches où les salaires restent durablement sous le minimum légal.

M. le rapporteur général. Nous avons adopté tout à l’heure l’amendement AS417 de M. Guedj, malgré mes réserves sur certains aspects juridiques. Ces deux amendements vont plus loin, puisqu’ils entendent supprimer entièrement le bénéfice des allégements généraux et non plus seulement les calculer sur une assiette moins favorable à l’employeur. Mon avis reste donc défavorable et je vous invite à retirer ces amendements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je maintiens l’amendement. Il est grand temps que les entreprises hors-la-loi qui maintiennent des salaires en dessous du Smic rentrent dans le rang et jouent le même jeu que les autres. Il est hors de question que nous nous privions collectivement de leurs cotisations alors qu’elles font déjà des économies sur les salaires. Cet amendement propose un levier qui, parce qu’il est massif, peut être puissant : ce sont bien toutes les exonérations qui seraient suspendues, afin d’encourager ces branches à négocier pour rehausser les salaires au-dessus du Smic.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Sans sécurité sociale, il n’y aurait pas d’hôpitaux, pas de crèches, pas de système de retraites par répartition. Les gens devraient payer de leur poche. Les entreprises devraient aussi contribuer pour que leurs employés puissent organiser leur vie et leur rapport au travail. Monsieur le rapporteur général, vous affirmez que la France est le pays le plus taxé au monde mais vous oubliez de dire que ce système collectif permet des économies d’échelle et que tout coûte donc moins cher.

À chaque PLFSS, vous nous chantez la même rengaine : il y a des trous dans la raquette, il faut trouver de l’argent, on est le pays le plus taxé au monde, etc. Nous expliquons que la littérature scientifique ou le rapport Bozio-Wasmer démontrent que les exonérations de cotisations sociales sur des salaires au-dessus de 2,5 Smic ne servent à rien, et vous, vous répliquez par la compétitivité des entreprises. Pareil l’année suivante.

La pédagogie, c’est l’art de la répétition. Il reste de nombreux amendements portant sur les exonérations de cotisations sociales, et nous répéterons nos arguments jusqu’à ce qu’ils rentrent. Vous pourriez au moins nous donner des arguments neufs pour expliquer pourquoi vous y êtes défavorable !

M. le rapporteur général. Monsieur Boyard, je ne suis pas sûr de toujours chanter la même rengaine !

Sur le fond, il est intéressant que ces deux amendements évoquent les entreprises et les branches dont les salaires sont en dessous du Smic, un cas fréquent lorsque l’inflation était très élevée. Or, l’inflation a diminué plus que prévu, et, selon moi, il devrait être à présent assez rare. Ces amendements ont le mérite d’évoquer les entreprises vertueuses qui ont des accords et ne sont donc pas pénalisées, contrairement à l’amendement de M. Guedj qui pénalise injustement des entreprises dont certaines branches ne seraient pas en conformité avec la loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS717 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous proposons de calculer les allégements de cotisations sur les minima de branche quand ils sont inférieurs au Smic, afin d’inciter à leur revalorisation.

C’est un levier concret pour encourager les branches à mieux rémunérer les salariés les moins qualifiés. Cet amendement a fait l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire l’année dernière, mais n’avait pas été repris par le Gouvernement.

M. le rapporteur général. Monsieur Colombani, votre amendement est mieux cadré et mieux écrit que les amendements précédents sur le même sujet. Il pose toutefois des problèmes opérationnels.

Une entreprise, notamment lorsqu’elle est divisée en plusieurs établissements ou filiales, peut relever de plusieurs branches. Et certaines branches peuvent avoir plusieurs conventions collectives, avec des grilles salariales et des minima différents. Il faudrait donc décliner votre amendement de principe pour prévoir des règles spécifiques à chacun de ces cas.

Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le retravailler d’ici la séance. Sinon, c’est un avis défavorable car cet amendement est techniquement inenvisageable et juridiquement fragile.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, nous avons des débats de qualité pour lesquels je vous remercie.

Il me semble simplement que vous abordez le débat sur les exonérations de cotisations sociales par le seul prisme de la technique. C’est certes utile à nos travaux, mais vous esquivez le débat structurel dont nous avons besoin sur des exonérations qui représentent 77 milliards d’euros, et dont différents rapports prouvent que l’efficacité peut être remise en question quand elles portent sur des salaires supérieurs à 2,5 Smic.

Nous souhaitons donc avoir votre point de vue plus large sur ces amendements. Si seule leur technique pose problème, qui sait si vous-même ne pourriez pas déposer les amendements techniquement parfaits dont vous êtes capable et ainsi régler ce problème qui creuse le trou de la sécurité sociale ?

M. le rapporteur général. Je répète que les baisses des allégements de cotisations sociales pour les entreprises – de 1,6 milliard d’euros en 2025 et de 1,5 milliard pour 2026 – sont déjà très importantes. Même ceux qui veulent les réduire nous invitent à ne pas le faire massivement afin de limiter l’impact sur l’emploi et la compétitivité.

Il ne faut pas alourdir la charge des entreprises. À vous entendre, on dirait qu’il faut supprimer les 77 milliards d’euros d’exonérations. Or, les gouvernements de droite comme de gauche installent depuis trente ans des dispositifs de soutien à l’emploi et à la compétitivité de formes différentes, parmi lesquels les allégements généraux. Les supprimer serait fortement préjudiciable à notre pays.

Mais les exonérations doivent être totalement compensées par l’État à la sécurité sociale. Afin de régler définitivement cette question, j’ai d’ailleurs déposé en tant que rapporteur général des amendements en ce sens dans l’esprit de la loi Veil, au projet de loi de finances comme au PLFSS – ce que n’avaient pas fait mes prédécesseurs.

M. Philippe Vigier (Dem). Le moment est important : nous actons pour la première fois une légère baisse des exonérations de cotisations sociales.

L’anomalie, c’est qu’alors que le système de santé devrait reposer sur des cotisations payées par les entreprises et les salariés, leur part n’est plus aujourd’hui que de 52 %, le reste étant financé par la TVA et la CSG. Cela ne fonctionnera pas longtemps encore.

Enfin, concernant l’amendement, oui, il faut que les partenaires sociaux se mettent autour de la table. M. Boyard parviendra peut-être, par son talent oratoire, à les convaincre de remonter les salaires au niveau du Smic ! En revanche, cet objectif ne sera pas atteint en supprimant les exonérations de charges sociales, ce qui a toujours pour effet de créer des trappes à bas salaires. Ne faites surtout pas cela ! Un niveau à 2,5 Smic est un bon niveau et les 3,1 milliards d’euros de baisses d’exonérations sociales sont plutôt vertueux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS648 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces débats me donnent parfois l’impression d’assister à un meeting du Medef, mais je ne désespère pas de vous convaincre en parlant tranquillement.

Les exonérations de cotisations sociales coûtent 80 milliards d’euros par an à la sécurité sociale, ce qui est beaucoup. Cela représente deux fois le budget total accordé à l’autonomie, huit fois le déficit de la branche maladie et vingt-cinq fois le déficit de la branche retraite, autrement dit des sommes considérables. Si on récupérait ces sommes, cela ferait tomber une partie des problèmes que vous nous agitez sous le nez.

Cet amendement propose d’organiser une sortie des exonérations sociales sur un temps long. Ce dispositif n’est ni définitif, ni brutal : sur dix ans, il réduirait chaque année de 10 % les exonérations de cotisations sociales afin d’y mettre fin de façon planifiée. Il faut en effet rappeler que 11 % de la masse salariale part en exonérations sociales, qui, compensées avec nos impôts et notamment la TVA, nous font en fin de compte payer nous-mêmes 11 % de nos salaires. C’est tout à fait extravagant.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le président de la commission nous a adressé l’avis du CPO concernant le rapprochement des assiettes de la CSG et des cotisations sociales, dont les recommandations pourront nourrir le débat en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS583 de M. Damien Maudet

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Avant de commencer, serait-il possible que le Rassemblement national se réveille ? Nous avons des débats importants et vous votez avec les macronistes depuis le début. On vous voit vous cacher derrière eux pour protéger le capital ! Vous n’êtes pas payés à rien faire. (Protestations.)

M. le président Frédéric Valletoux. Nous sommes respectueux de ceux qui prennent la parole comme de ceux qui ne la prennent pas. Inutile de faire de la provocation, restons sur les amendements.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’énergie que met le bloc central à défendre le Rassemblement national est de bon augure pour la prochaine présidentielle ! (Vives protestations.) « L’exonération de cotisations salariales pour les heures supplémentaires crée une impasse financière dans les droits contributifs à la retraite qui doit être corrigée » : c’est un rapport de la Cour des comptes qui l’affirme, je pense que cela pourrait vous convaincre.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Je ne vais pas répondre aux provocations de Louis Boyard mais je rappelle que les premiers allégements généraux massifs ont été mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin, dont, il me semble, votre maître à penser Jean-Luc Mélenchon était membre.

Monsieur Clouet, je n’ai jamais participé à un meeting du Medef, mais peut-être que vous, oui !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS587 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à supprimer le cumul du bénéfice des allégements généraux et des déductions forfaitaires relatives aux heures supplémentaires. Depuis la première élection de M. Macron, les exonérations cumulées sur les heures supplémentaires ont augmenté de 8 milliards, pour atteindre 18 milliards d’euros. Or ce montant correspond à la hausse du déficit de la sécurité sociale sur la même période. Supprimons donc les exonérations : nous supprimerons la hausse du déficit.

M. le rapporteur général. Vous prétendez défendre les travailleurs, mais ils seront les premiers pénalisés par ce que vous proposez. La moitié des heures supplémentaires sont effectuées dans les très petites entreprises et PME, qui sont celles concernées par votre amendement. Je n’ai jamais rencontré aucun salarié améliorant son pouvoir d’achat avec des heures supplémentaires qui m’ait dit que nous devrions alourdir le coût de ces heures supplémentaires pour que son entreprise cesse d’en proposer. Mieux vaudrait retirer cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS590 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je le disais, les exonérations de cotisations sociales équivalent à une subvention, par le biais de la sécurité sociale, de 11 % des salaires versés en France. Cet amendement de repli vise à mettre un peu d’ordre et de raison dans ce mécanisme en retirant le bénéfice des cotisations sociales aux entreprises dans lesquelles les salaires évoluent moins vite que l’inflation.

Il s’agit d’abord de défendre les salariés : si l’entreprise veut conserver cet avantage, elle doit améliorer le pouvoir d’achat des salariés, c’est-à-dire les salaires réels, d’une année sur l’autre. Cette mesure est, deuxièmement, dans l’intérêt de la sécurité sociale, qui ne doit pas être privée de recettes ; la création d’emplois et les hausses de salaires pourraient ainsi alimenter un cercle vertueux. Troisièmement, il s’agit de faire obstacle à la progression des exonérations, qui augmentent de 10 % par an depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

M. le rapporteur général. L’amendement ne prend pas en compte le niveau antérieur des salaires et pénaliserait donc, en cas d’aléas, les entreprises dans lesquelles les salaires étaient plus élevés que la moyenne de leur secteur. Dans la réalité de la vie des entreprises, votre dispositif pourrait même être un accélérateur de destruction d’emplois, qui coûterait nécessairement plus qu’il ne rapporterait aux finances publiques. Les situations sont diverses. Certains artisans travaillent parfois avec de petites marges, voire à perte à certains moments de l’année, comme certaines entreprises agricoles, et ne peuvent pas toujours augmenter les salaires : ils devraient alors licencier leurs salariés faute de pouvoir les augmenter plus que l’inflation. Cela ne me semble pas opportun.

Lionel Jospin et son gouvernement, dans lequel siégeait Jean-Luc Mélenchon, avaient porté l’allégement de 18 à 26 points au niveau du Smic. La question de la compétitivité et de l’emploi n’est pas propre à la droite ou à la gauche : elle a traversé les gouvernements, quelle que soit leur sensibilité, car nous avons besoin de baisser les cotisations.

Mme Justine Gruet (DR). Nous portons un projet politique complètement différent, car nous pensons que les heures supplémentaires valorisent le goût de l’effort et du mérite : en limiter les effets pour le salarié qui fait cet effort sera contre-productif. Cela a d’ailleurs été l’une des premières mesures de M. Hollande, et cela a eu de fortes conséquences pour les salariés.

J’admire par ailleurs la créativité avec laquelle vous trouvez des taxes supplémentaires. Avez-vous déjà mis un pied dans une entreprise ? Jusqu’à quel point l’État doit-il s’immiscer dans la gestion des entreprises, dans la valorisation des salariés et dans les périodes auxquelles l’intéressement et les primes peuvent être donnés ? Il faut savoir valoriser les salaires à leur juste valeur, et les facteurs dans ces décisions sont nombreux. De notre côté, nous devons diminuer les dépenses pour que le coût du travail ait moins d’impact sur les entreprises.

M. Christophe Bentz (RN). Je réponds à notre collègue de La France insoumise : nous avons pris part aux débats toute la journée, mais depuis leur reprise à vingt et une heures trente, nos débats sont bien longs. Il y aurait lieu de les accélérer, et dans le calme.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). À l’époque de la gauche plurielle, j’avais 6 ans, et je plaide donc d’assez loin pour les décisions qui ont été prises alors. À cette époque, cependant, les exonérations de cotisations sociales représentaient 15 milliards d’euros, soit six fois moins qu’aujourd’hui. D’autres exonérations ont été créées, mais dans des proportions très différentes. Comparaison n’est pas raison.

Selon vous, cette mesure provoquera des distinctions intersectorielles sur les salaires, et c’est vrai ; mais ce qui compte, en l’espèce, c’est la dynamique salariale, et c’est ce que nous voulons réguler. La mesure proposée favorise en effet l’indexation des salaires, qui existe en Belgique et au Luxembourg, pays qui ne connaissent pas l’hiver nucléaire perpétuel ou les pluies de criquets à la fin du mois, et où le pouvoir d’achat des salariés est défendu par des logiques beaucoup plus coercitives que celle que nous proposons. Je vous invite donc à adopter des mesures plus souples et conventionnelles pour éviter qu’un jour, la gauche aux commandes ait besoin de politiques coercitives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS593 de Mme Élise Leboucher

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Cet amendement, qui est encore et toujours un amendement de repli, vise à suspendre le bénéfice des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui maintiennent la rémunération des salariés au niveau du Smic pendant plus de deux ans. On nous parle beaucoup du mérite et de la France qui travaille, et je suis acquis à cette cause, mais le Smic ne permet pas de vivre correctement, de remplir tous les jours le frigo, de payer le loyer et la facture d’électricité ni d’emmener les enfants au cinéma : pour avoir des exonérations sociales, une entreprise devrait augmenter les salaires.

Je viens d’employer tous les champs lexicaux de la droite – je n’ai voté ni la déchéance de la nationalité ni la loi « travail », mais j’ai droit, moi aussi, au compromis : s’il vous plaît, monsieur le rapporteur général, donnez un avis favorable !

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS598 de M. Damien Maudet.

Amendement AS620 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à ce que l’employeur rembourse les exonérations de cotisations sociales en cas de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ces derniers mois, nous en avons compté 380, qui devraient plutôt être appelés plans sociaux de suppression de l’emploi. Ils concernaient notamment ArcelorMittal, STMicroelectronics, LVMH, Arkema, Vencorex ou Casino, entreprises qui ont pourtant en commun – comme dans la majorité des cas selon les conclusions de la commission d’enquête sur les défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des PSE – de n’être absolument pas en difficulté. Au contraire, elles ont engagé ces PSE afin de répondre à des exigences financières qu’elles s’imposaient à elles-mêmes ou qui leur étaient imposées par leurs actionnaires. Puisqu’il ne s’agit pas de faire face à problèmes réels liés à l’activité, mais uniquement de générer du profit, il n’est pas question de leur faire cadeau d’exonérations de cotisations patronales.

M. le rapporteur général. Comment une entreprise qui connaît des difficultés pourrait-elle être en mesure de rembourser sur deux ans la totalité de l’allégement de cotisations ? Si vous voulez éviter les PSE, évitez plutôt les censures, car les entreprises que nous rencontrons dans nos territoires disent qu’elles ont besoin de stabilité politique et économique.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, lisez les conclusions de la commission d’enquête : les entreprises dont vous parlez n’existent pas. Il y a certes des entreprises en difficultés, mais vous ne me ferez pas croire que c’était le cas de LVMH cette année. Quant à ArcelorMittal, elle venait de se voir octroyer plusieurs millions d’euros pour sa décarbonation et n’a acheté aucune des machines prévues à cette fin. Avec des deniers publics, avec nos impôts, avec la TVA de nos achats, nous finançons les bénéfices des actionnaires. Ces coûts seront aggravés par des plans de licenciement et nous devrons à nouveau payer collectivement pour former les salariés mis sur le carreau et assurer leur survie jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi. Ce n’est pas sérieux : nous finançons le licenciement de ces salariés !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS608 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les exonérations de cotisations sociales pourraient être un outil politique, un outil de structuration économique utile, à condition d’être conditionnés à certains objectifs. L’amendement ne vise pas à établir une liste de ces objectifs, qui sont changeants dans le temps selon les priorités du moment. Savoir s’il faut engager une décarbonation, une politique de revenus particulièrement ciblée ou revitaliser des territoires est à la libre appréciation d’un gouvernement démocratique. En revanche, nous devons nous donner un principe : pas d’exonérations sans le respect de quelques lignes directrices à caractère public – on peut appeler cela planification, régulation ou autre. Ces 80 milliards d’euros sont un levier permettant de mener une politique publique d’intérêt général, dont nous débattrions au lieu de la subir.

M. le rapporteur général. Une loi de financement de la sécurité sociale doit s’occuper du financement de la sécurité sociale. Des conditions et des règles de nature sociale et environnementale relèvent plutôt du code du travail et du code de l’environnement, et c’est dans ces codes que doivent être prévues d’éventuelles sanctions. Il y a ici une confusion entre les instruments et les objectifs.

Vous attaquez les allégements généraux, outil de politique économique qui vise avant tout à soutenir l’emploi et la compétitivité : qu’on le veuille ou non, c’est ainsi qu’ils ont été conçus. Il peut exister des effets de bord ou des effets de seuil, dont certains sont d’ailleurs corrigés, mais en voulant supprimer tous les allégements généraux ou les soumettre à d’autres conditions que les objectifs initiaux, on risque de se tromper d’instrument. Vous pouvez mener ce combat, mais pas avec le budget de la sécurité sociale.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il y a là un point de clivage. Je fais partie de ceux qui pensent que la sécurité sociale est une institution créatrice de valeur économique. Historiquement, elle a été pendant des décennies un outil d’investissement. Si on le pense – je comprends que vous ne le pensez pas –, il est logique d’en faire un outil de régulation économique, notamment parce que ses différentes branches sont des outils de gestion de la main-d’œuvre et de la macroéconomie nationale. Ainsi, les accidents du travail peuvent être un critère conditionnant les exonérations, comme les préretraites et les discriminations à l’emploi selon l’âge, les maladies professionnelles ou l’articulation entre la vie privée et la vie familiale. Tout cela relève des risques famille, santé, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse. La sécu peut être une instance de gestion économique.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis en désaccord total avec vous, monsieur le rapporteur général, et je pense que vous vous trompez profondément. La création de la sécurité sociale avait pour objet de protéger le monde du travail, précisément pour qu’il soit productif. Si on exonère les employeurs de leur contribution visant à prendre soin du monde du travail, la moindre des choses est d’exiger d’eux, en contrepartie, qu’ils assurent cette protection. C’est le sens de la conditionnalité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS614 de M. Damien Maudet

M. Louis Boyard (LFI-NFP). À vingt-trois heures cinquante, je vous propose de faire un rêve ensemble, un rêve dans lequel les insoumis présenteraient un amendement qui ne viserait ni à augmenter les salaires, ni à réduire le temps de travail, ni à réorganiser la production, mais à nous rapprocher de l’Allemagne.

Il s’agirait de conditionner les exonérations de cotisations sociales à une meilleure représentation collective des salariés au sein des conseils d’administration des entreprises. En effet, cette représentation est de 15 % en France, alors qu’elle est de 30 % en Allemagne, voire de 50 % dans les grandes entreprises. Si j’étais macroniste, cela me ferait rêver ! L’amendement tend donc à ce qu’il n’y ait pas d’exonérations de cotisations sociales s’il n’y a pas un tiers de salariés représentés au conseil d’administration.

M. le rapporteur général. Je ne rêve pas avec M. Boyard... Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Nous subissons patiemment et écoutons avec beaucoup d’attention les amendements que vous nous proposez, mais les entreprises ont déjà des représentants syndicaux dans leur conseil d’administration. Si les Français ne sont pas majoritairement syndiqués, c’est peut-être parce qu’ils ne se retrouvent pas dans les syndicats et qu’ils ont le sentiment que ceux-ci sont opposés à tout et ne sont pas force de proposition. Je ne comprends même pas que cet amendement ne soit pas considéré comme un cavalier, car il sort du débat de fond que nous devons avoir sur les sources de financement de la sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1266 de M. Sébastien Peytavie

M. Jean-Claude Raux (EcoS). L’amendement vise à conditionner l’allégement des cotisations patronales au respect par les entreprises des normes d’accessibilité et de l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap à hauteur de 6 % de l’effectif total, contre 3,5 % seulement aujourd’hui en moyenne.

Les personnes en situation de handicap sont encore largement exclues du monde du travail et les entreprises échappent encore à leurs obligations en matière de recrutement, d’accessibilité et d’aménagement des postes. En outre, 59 % des demandeurs d’emploi en situation de handicap sont en chômage de longue durée et 37 % de ces personnes handicapées déclarent avoir subi une discrimination au moins au cours d’une recherche d’emploi. Seules 29 % des entreprises respectent intégralement leurs obligations par l’emploi direct.

Alors que les discriminations liées au handicap constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits, nous ne pourrons aller vers un monde du travail véritablement accessible et inclusif si l’État laisse carte blanche aux entreprises pour perpétuer ces discriminations validistes. Nous devons donc employer tous les leviers à notre disposition, dont les leviers fiscaux, pour contraindre les employeurs à prendre des engagements ambitieux et durables pour l’emploi des personnes en situation de handicap.

M. le rapporteur général. Malgré les allégements généraux, monsieur Monnet, la moitié des recettes de notre système de protection sociale provient des cotisations.

Monsieur Raux, ayant été maire d’un village qui, sur 3 000 habitants, comptait 500 personnes en situation de handicap, je suis très sensible à la question de l’emploi des travailleurs handicapés. La question doit cependant être envisagée sous l’angle des obligations légales des entreprises et du contrôle de leur mise en œuvre par l’inspection du travail.

Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1070 de M. Charles Fournier

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Évaluées à près de 80 milliards d’euros par an dans le rapport du Sénat sur l’aide publique aux entreprises, les exonérations de cotisations sociales n’ont pas significativement renforcé, pour les entreprises, la compétitivité, la productivité ou l’emploi. Cet amendement propose donc que chaque dispositif exonératoire soit désormais assorti d’un cahier des charges exigeant en matière de création d’emplois durables, de développement des filières de la transition écologique et d’amélioration de la qualité de l’emploi, avec un contrôle de sa réelle mise en œuvre.

M. le rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons que pour les précédents amendements. Il faudrait, en outre, hiérarchiser les critères que vous énumérez. Je vous invite donc à retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

La réunion s’achève à vingt-trois heures cinquante-six.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Salvatore Castiglione, Mme Cyrielle Chatelain, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Émeline K/Bidi, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Éric Michoux, Mme Joséphine Missoffe, M. Serge Muller, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Emmanuel Taché, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

 

Excusés.  Mme Anchya Bamana, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Stella Dupont, M. Thierry Frappé, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous