Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................38
Mardi
28 octobre 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 8
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission examine la suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)
Après l’article 8 (suite)
Amendements AS1551 de M. Laurent Wauquiez et AS1170 de Mme Nathalie Colin‑Oesterlé (discussion commune)
Mme Josiane Corneloup (DR). Le groupe Droite Républicaine souhaite revaloriser le travail face à l’assistanat. Beaucoup de nos concitoyens regrettent l’époque du « travailler plus pour gagner plus », cette mesure emblématique du quinquennat de Nicolas Sarkozy qui permettait des exonérations sur les heures supplémentaires. Malgré son succès, le dispositif a été supprimé en 2012. Il a été partiellement réintroduit par la loi du 24 décembre 2018 mais de manière imparfaite pour les salariés, puisque la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) sont dues et non exonérées d’impôt sur le revenu.
L’amendement AS1551 vise à rendre le dispositif plus attractif, en rémunérant mieux le travail et en exonérant les salariés de CSG et de CRDS. C’est une marque de reconnaissance pour la France qui travaille et un signal d’encouragement pour tous ceux qui se donnent du mal dans notre pays.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Mon amendement vise à valoriser le travail et l’engagement des salariés, en exonérant de CSG les rémunérations mentionnées à l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, dans la limite de 3 500 euros par an.
Il s’agit de soutenir le pouvoir d’achat des salariés qui effectuent des heures supplémentaires, de renforcer l’attractivité de l’activité professionnelle et d’encourager la reprise du travail.
Par ailleurs, nous proposons de porter la durée légale de travail hebdomadaire de 35 à 36 heures – payées 36 heures évidemment. La France se caractérise en effet par une durée annuelle effective de travail par salarié inférieure à celle de nombreux pays comparables, puisqu’elle n’est que d’environ 1 673 heures, contre 1 790 heures en Allemagne et 1 740 heures au Royaume-Uni.
L’augmentation d’une heure hebdomadaire représenterait un volume de travail supplémentaire d’environ 2,5 % par an. Cet amendement coûterait 1,3 milliard d’euros, mais rapporterait près de 5 milliards.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. J’ai bu du petit lait en écoutant l’argumentaire développé par Josiane Corneloup, selon lequel nous devons valoriser le travail et permettre le « travailler plus pour gagner plus ». Je le partage totalement.
Vous proposez une puissante mesure de soutien du pouvoir d’achat, qui irait cependant au-delà du dispositif de 2007 auquel vous avez fait référence. À l’époque, l’exonération de CSG et de CRDS n’était pas prévue. Son coût serait donc de 2 milliards d’euros.
Le rôle du rapporteur général est d’essayer de tenir une trajectoire raisonnable et responsable de nos finances sociales. Il ne me semble pas judicieux d’aller plus loin que le dispositif de 2007, d’autant qu’un point important n’est pas traité par votre amendement. Je vous inviterai donc à le retirer en faveur de l’amendement AS1768 que nous examinerons dans quelques instants.
L’amendement de Nathalie Colin-Oesterlé est intéressant, mais il ne porte pas que sur les heures supplémentaires, puisqu’il propose également d’augmenter de 35 à 36 heures la durée hebdomadaire du travail. Vous appelez sans doute de vos vœux cette réforme de structure. Dans un contexte où nous devons trouver une forme de consensus sur le budget, il me paraît toutefois délicat de l’adopter par un amendement au PLFSS.
Vous ouvrez malgré tout un débat et proposez une mesure qui fait partie des solutions pour soutenir l’activité économique, ce qui permettrait à terme d’augmenter les recettes de l’État. S’agissant de votre amendement, je m’en remets donc à la sagesse de la commission, tout en appelant son attention sur le fait que les amendements que nous avons votés hier – parfois de manière consensuelle – ont déjà un peu aggravé le déficit.
M. Yannick Monnet (GDR). Mon intervention me permettra également de défendre par anticipation les amendements AS913 et AS1560, qui se rattachent au même débat.
La question de l’exonération sur les heures supplémentaires est au cœur du clivage entre la droite et la gauche. Je suis farouchement opposé aux propositions qui ont été faites. Elles appauvrissent la force de travail, puisqu’elles ne permettent pas à la sécurité sociale d’être dotée des moyens d’en prendre soin. Contrairement à ce que vous prétendez, elles dévalorisent le travail et freinent les embauches.
Au contraire, je pense que les heures supplémentaires doivent être fiscalisées. Sinon, elles reviennent moins cher que des embauches et n’incitent pas les entreprises à recruter. En outre, ce qui valorise le travail, ce n’est pas le fait de travailler plus, mais de recevoir un salaire digne en échange de sa force de travail. Les dispositifs que vous souhaitez mettre en place sont un leurre. Vous donnez l’illusion aux salariés qu’ils sont mieux rémunérés, alors qu’ils ne font que travailler davantage. Ils vendent leur force de travail exactement dans les mêmes conditions que précédemment.
Votre discours sur l’assistanat, en opposition à la France qui travaille, est par ailleurs méprisant pour les personnes qui ne peuvent pas travailler.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Contrairement à mon collègue Monnet, je considère que l’exonération sur les heures supplémentaires permet d’améliorer le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent. Tout ça n’a rien à avoir avec l’assistanat.
Le seul problème concerne le financement. M. le rapporteur général a été très attentif aux compensations et j’espère en effet que les exonérations de CSG et de CRDS seront compensées par l’État dans le budget de la sécurité sociale.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ma prise de parole dans cette commission va vous sembler exotique, mais nous avons dépassé sept des neuf limites planétaires. La septième est l’acidification des océans, ce qui remet en cause toute leur chaîne alimentaire – à la fin de laquelle nous sommes... Nous savons que nous ne parviendrons pas à contenir l’augmentation des températures en dessous de 1,5 °C, conformément aux engagements pris dans l’accord de Paris. L’enjeu est désormais de ne pas dépasser 2 °C, sachant que chaque centième de degré constitue une menace supplémentaire pour notre société et notre capacité à vivre sur cette planète.
Or la corrélation est très claire entre le temps de travail et les émissions de carbone. Par conséquent, les réflexions de cette commission devraient porter sur la baisse du temps de travail et le partage du travail. Elle devrait envisager la limitation de notre modèle productiviste, plutôt que son accélération.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). J’ai presque des scrupules à intervenir dans ce cercle de parole patronal. Vous voulez supprimer la CSG et la CRDS sur les heures supplémentaires. Qui va payer ? Qui financera une telle mesure à part les autres assujettis à la CSG et à la CRDS ? Vous inventez la socialisation du salaire entre contribuables : une idée formidable !
Un dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires avait déjà été mis en place le 1er octobre 2007, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a fait l’objet d’évaluations, qui ont montré que les 80 millions d’heures supplémentaires effectuées au-delà de la norme avaient détruit 30 000 emplois. Dans une période de chômage de masse, c’est vraiment une mesure judicieuse...
La défiscalisation des heures supplémentaires crée par ailleurs une asymétrie dans les carrières des salariés, puisque certains sont aux heures décomptées et d’autres au forfait jour. C’est une réelle difficulté pour les entreprises privées, monde que je vous invite à aller découvrir.
Enfin, si vous voulez revaloriser le travail – ce qui est une très bonne idée –, vous pouvez augmenter les salaires, que ce soit en relevant le Smic ou en passant par les conventions collectives et la révision des grilles de rémunération.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends la logique de ces amendements, mais je ne la soutiens pas.
Tout d’abord, seules les personnes ayant la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires bénéficieraient d’un soutien de leur pouvoir d’achat. L’impact sur les finances publiques serait en outre important, alors que le système est déjà avantageux à la fois pour les employeurs et pour les salariés. Il ne paraît pas nécessaire d’aller au-delà de l’existant.
Dans son amendement, Mme Colin-Oesterlé propose de porter la durée hebdomadaire de travail à 36 heures. En France, nous ne travaillons pas assez ; je suis donc favorable à l’ouverture de ce débat, mais nous ne pouvons pas adopter une telle mesure par un amendement au PLFSS.
Mme Justine Gruet (DR). Au contraire, notre amendement facilite l’accès aux heures supplémentaires.
Monsieur Monnet, votre propos me permet de faire un parallèle avec les 35 heures, qui partaient du principe que la réduction du temps de travail allait entraîner des embauches. En réalité, les salariés ont dû faire le même travail en moins de temps et leur pouvoir d’achat a été considérablement fragilisé.
Le travail n’est pas un vilain mot pour nous. Au contraire, nous considérons qu’il est une source d’épanouissement. Alors que la France est l’un des pays où la fiscalité et les charges sociales pèsent le plus sur le travail, l’objectif de la Droite Républicaine est de permettre aux salariés de profiter pleinement du bénéfice lié aux heures supplémentaires.
Il est faux de dire qu’en luttant contre l’assistanat, nous fragilisons l’aide sociale et la solidarité. Ce ne sont pas du tout les valeurs que la droite défend. Elle a d’ailleurs été à l’origine de nombreuses avancées, notamment pour les personnes en situation de handicap.
Enfin, madame Rousseau, nous ne sommes pas surpris de votre intervention. Le Nouveau Front populaire défendait déjà le droit à la paresse. Vous êtes finalement tombée dans la fainéantise fiscale, plutôt que d’essayer de valoriser ceux qui travaillent et qui ont le goût de l’effort et du mérite.
Mme Anne Bergantz (Dem). Nous ne devons pas opposer les heures supplémentaires aux embauches et considérer qu’exonérer les premières conduit à empêcher les secondes. Une telle approche traduit une méconnaissance du fonctionnement des entreprises. Elles n’ont pas toujours de visibilité à long terme sur leurs carnets de commandes et les heures supplémentaires leur offrent une flexibilité dont elles disposent peu par ailleurs.
M. Michel Lauzzana (EPR). Sans soutenir ces amendements, nous devons relever les arguments erronés qui sont soutenus avec aplomb par la gauche. Les heures supplémentaires ne suppriment pas des emplois. En revanche, elles permettent aux entreprises de disposer d’une certaine souplesse pour s’adapter à un accroissement de leur activité ou à d’autres évènements. Elles sont donc très importantes.
Madame Rousseau, les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais autant baissé que depuis l’élection du président Macron. Allons au bout de votre logique : votre objectif, au fond, c’est que personne ne travaille. Je vous laisse imaginer ce que serait la société si c’était le cas.
M. Monnet n’a pas forcément tort quand il dit que la sécurité sociale a besoin d’encaisser davantage de cotisations. Néanmoins, les prélèvements sociaux ne doivent pas devenir intenables pour les entreprises, car ce sont elles qui créent les emplois. La France connaît déjà une forte désindustrialisation. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les emplois publics. Tout est une question d’équilibre.
M. Philippe Vigier (Dem). Les heures supplémentaires ne peuvent pas forcément être découpées en emplois. Si les 35 heures avaient été aussi vertueuses, elles n’auraient pas conduit au drame du secteur hospitalier. En 2001, elles n’y avaient toujours pas été appliquées, parce qu’elles y étaient inapplicables.
La mesure proposée par l’amendement de la Droite Républicaine est plus coûteuse que celle de 2007, en raison de l’exonération de CSG. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous le permettre.
Je me félicite que Nathalie Colin-Oesterlé envisage de porter la durée hebdomadaire de travail à 36 heures. Il y a deux ans, nous avions proposé de l’augmenter de trente minutes par jour et nous avions été la risée de tout le monde. Il faudra cependant trouver une solution pour les personnes qui effectuaient déjà cette trente-sixième heure et qui perdraient du pouvoir d’achat si elle n’était plus considérée comme une heure supplémentaire. Un tel sujet ne peut pas être traité dans le cadre d’un amendement.
Un mot sur l’assistanat, enfin : certaines personnes ont besoin d’être aidées, mais d’autres se complaisent dans un système de précarité. Nous ne pouvons pas l’accepter, car cette situation est insupportable pour les finances publiques. Ce n’est toutefois pas le moment d’ouvrir ce débat.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Monsieur Lauzzana, je vous invite à lire la note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans laquelle Éric Heyer montre que la défiscalisation des heures supplémentaires a eu pour effet de supprimer 30 000 emplois.
« La France qui travaille » : cet élément de langage m’irrite les oreilles. Certaines personnes ne sont pas en mesure de travailler. Cessez de diviser et de mépriser les Français, et retrouvons la bienveillance dans laquelle se déroulent habituellement les débats de notre commission.
M. Jean-François Rousset (EPR). Dans l’Aveyron, beaucoup d’entreprises très dynamiques sont passées à la semaine de quatre jours, ce qui limite les temps de trajet, facilite la garde des enfants, permet la prise de rendez-vous administratifs ou médicaux, etc. Les jeunes qui en bénéficient sont très satisfaits de pouvoir libérer une journée. En cas de surcroît d’activité, ils peuvent travailler le cinquième jour et être rémunérés en heures supplémentaires.
Cette liberté donnée à la fois aux entreprises et aux salariés est un moyen de favoriser le travail, en particulier dans les territoires difficilement accessibles. De même, bénéficier d’exonérations sur les heures supplémentaires est positif.
M. Arnaud Simion (SOC). Des études de l’OFCE, de la Cour des comptes ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques ont démontré que la loi « Tepa » de 2007 n’avait pas créé d’emplois ou soutenu la croissance.
J’ai l’impression que Mme Gruet et ses collègues de la Droite Républicaine ont besoin de placer régulièrement le mot « assistanat » dans leurs interventions. Ils estiment que la société est trop centrée sur les droits, plutôt que sur les devoirs. Ils prétendent que certaines personnes profiteraient du système et que les aides sociales les désinciteraient à chercher du travail. Je les invite à consulter les travaux de la prix Nobel d’économie Esther Duflo à ce sujet. Il faudrait qu’ils se départissent de leurs visions simplistes, fausses, voire caricaturales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS886 de M. Hendrik Davi et AS913 de M. Yannick Monnet ; amendements AS961 de M. Hendrik Davi et AS141 de M. Jérôme Guedj ; amendements identiques AS567 de Mme Ségolène Amiot et AS1560 de M. Yannick Monnet ; amendements AS571 de M. Hadrien Clouet, AS578 de Mme Élise Leboucher, AS1667 de M. Hendrik Davi, AS140 de M. Jérôme Guedj, AS1738 de M. Thibault Bazin et AS1141 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)
M. Hendrik Davi (EcoS). L’objectif de l’amendement AS886 est de supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Elles ont été présentées comme des mesures en faveur du pouvoir d’achat, mais elles affaiblissent surtout le financement de la sécurité sociale. En 2025, la perte pour la sécurité sociale est estimée à 1,7 milliard d’euros et elle n’est pas compensée par l’État.
Les exonérations favorisent les heures supplémentaires plutôt que l’embauche, ce qui freine la création d’emplois et aggrave le chômage structurel. Au total, 1,5 milliard d’heures supplémentaires sont travaillées en France, soit l’équivalent de 900 000 emplois selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Alors que près de 5,5 millions de personnes sont en recherche d’emploi, c’est une hérésie, surtout que les heures supplémentaires peuvent aggraver les conditions de travail des salariés et les conduire au burn‑out.
Je propose de mettre fin à ces dispositifs au 1er janvier 2026, afin de restaurer des ressources pérennes pour la sécurité sociale et encourager une politique de l’emploi fondée sur la création d’emploi, le partage du travail et la hausse des salaires.
L’amendement AS961 est un amendement de repli. Nous comprenons que les très petites entreprises ne puissent pas remplacer les heures supplémentaires par des recrutements. Elles pourraient les fiscaliser, mais leur chiffre d’affaires est parfois réduit. Par cet amendement, nous proposons donc qu’elles puissent conserver le bénéfice des exonérations de cotisations sociales. Théoriquement, tout le monde devrait pouvoir le voter.
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS141 permettrait d’apporter des ressources supplémentaires à la sécurité sociale. Il n’affecterait pas le pouvoir d’achat des salariés, puisqu’il vise uniquement la part patronale des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires. Il se traduirait par la suppression des déductions forfaitaires applicables aux entreprises de moins de 20 ou de moins de 250 salariés.
Le dispositif actuel contrevient au partage du travail et, puisqu’il n’est pas compensé, entraîne une perte de recettes pour la sécurité sociale.
Le rendement de notre amendement serait de 900 millions d’euros.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS567. Nicolas Sarkozy a été battu en 2012, mais il est en quelque sorte revenu en 2019 par le biais de la politique de désocialisation des heures supplémentaires menée par Emmanuel Macron.
Cette politique est contre-productive, parce qu’elle a principalement bénéficié aux cadres. Elle n’a donc pas été redistributive. Il aurait été préférable d’augmenter les bas salaires et surtout de socialiser les heures supplémentaires pour que les cotisations ainsi perçues permettent de financer des services publics qui, grâce à une logique de gratuité, auraient profité aux plus modestes.
Cette politique est également coûteuse. Les exonérations n’ont pas été compensées et pèsent 2,2 milliards d’euros sur les caisses d’assurance vieillesse. Permettez-moi de voir un paradoxe dans l’attitude des chantres de l’allongement de la vie active et du report de l’âge de la retraite, qui nous expliquent par ailleurs qu’il faut siphonner les caisses d’assurance vieillesse, plutôt que d’avoir une politique volontariste d’augmentation des bas salaires et de révision des grilles des conventions collectives.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous ne sommes pas opposés aux heures supplémentaires, mais le travail ainsi effectué crée une richesse pour l’entreprise. Pourquoi ces heures seraient-elles exonérées ? Elles n’ont pas moins de valeur que les autres heures. Par conséquent, elles doivent être soumises à des cotisations.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par les amendements AS571 et AS578, nous proposons de supprimer les déductions forfaitaires de cotisations patronales sur les heures supplémentaires respectivement dans les entreprises de moins de 20 et de moins de 250 salariés.
En limitant les régimes d’exonération en tout genre, nous pourrions récupérer 18 milliards d’euros.
Même la Cour des comptes reconnaît que l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires est une impasse financière qui doit être corrigée. De plus, la désocialisation des heures supplémentaires ne crée pas d’emplois, au contraire, comme le démontrait un rapport parlementaire de 2011. Le bilan n’est pas meilleur du point de vue du pouvoir d’achat, parce que le dispositif a d’abord profité aux cadres.
Nous proposons donc la suppression d’un dispositif inutile pour l’emploi, contre‑productif pour le pouvoir d’achat et pénalisant pour les caisses de sécurité sociale.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement AS1667 est un amendement de repli. Nous acceptons les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pour les très petites entreprises. Pour les entreprises de 20 à 250 salariés, il ne resterait que la part patronale, dont la suppression ne nous paraît pas justifiée.
M. Sacha Houlié (SOC). L’amendement de repli AS140 est cohérent avec celui que nous avions adopté dans le PLFSS l’année dernière sur les exonérations de cotisations pour les rémunérations supérieures à 3 Smic. Il vise, dans les mêmes conditions, à étendre la suppression de tous les allégements à la désocialisation des heures supplémentaires.
M. le rapporteur général. Le dispositif d’exonération sur les heures supplémentaires a été mis en place en 2007, puis supprimé en 2012. En 2018, la crise des « gilets jaunes » – que nous aurions tort d’oublier – a donné lieu à des demandes fortes de revalorisation du pouvoir d’achat. Peut-être vous rappelez-vous qu’à peine le budget adopté, nous avons voté de nouvelles mesures, dont l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et une déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 250 salariés – alors que toutes les entreprises en bénéficiaient en 2007.
Par mon amendement, je vous propose de rétablir cette déduction forfaitaire quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle resterait de 1,50 euro par heure pour les entreprises de moins de 20 salariés et serait de 0,5 euro au-delà, y compris pour les entreprises de plus de 250 salariés. Cette mesure d’équité ne coûterait que 150 millions d’euros.
Mme Justine Gruet (DR). Les cadres effectuent peu d’heures supplémentaires, étant donné qu’ils sont souvent au forfait jour. L’objectif de l’amendement AS1141 est de rendre plus attractif le dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires en l’élargissant, à hauteur de 0,50 euro par heure, aux entreprises de plus de 250 salariés. Il s’appliquerait également lors du rachat de jours de réduction du temps de travail par les cadres.
M. le rapporteur général. Tous les amendements qui ont été proposés ne vont pas dans le même sens.
Les premiers, issus des bancs de la gauche, visent à supprimer, au moins partiellement, le dispositif d’exonération sur les heures supplémentaires. Je n’y suis pas favorable, mais l’une des justifications, celle de la non-compensation par l’État, me paraît légitime.
Nous avons évoqué hier les 75 milliards d’euros d’allégements généraux qui sont compensés par la TVA. En revanche, les exonérations sur les heures supplémentaires ne le sont pas. Elles représentent 2,3 ou 2,4 milliards, selon les sources. J’ai déposé des amendements après l’article 12 pour les compenser. J’en ai déposé en miroir au projet de loi de finances (PLF) – il faudra des amendements de coordination parce qu’ils se trouvent dans la mission Travail, emploi et administrations des ministères sociaux – pour que cette question soit définitivement réglée.
Hier, certains m’ont appelé à être plus politique et moins technique. Je dirai donc à ceux qui estiment que le travail est dévalorisé par les exonérations sur les heures supplémentaires que je ne partage pas leur point de vue. Une éventuelle fiscalisation des exonérations sur les heures supplémentaires relèverait par ailleurs du PLF. Pour le moment, nous traitons surtout de leur socialisation.
Nous avons le même débat depuis des années avec Sandrine Rousseau. Nous n’avons pas le même rapport au travail. Je ne suis pas convaincu que le travail soit un gâteau à partager et je ne crois pas non plus qu’il soit toujours synonyme de pollution. Les heures supplémentaires ne portent pas forcément préjudice à la planète. Le développement durable est une cause que nous devons tous soutenir. Nous devons, en revanche, nous garder de faire des raccourcis qui n’ont pas lieu d’être.
Les exonérations sur les heures supplémentaires sont une mesure destinée à soutenir le pouvoir d’achat. Elles n’ont pas créé ou supprimé des emplois, ce qui dépend surtout de la conjoncture économique, mais elles n’avaient pas été instaurées dans cette perspective.
Ce sont des moments de tension sociale qui ont conduit à rétablir partiellement le dispositif supprimé sous la présidence de François Hollande. L’exonération de cotisations salariales a été rétablie lors de la crise des « gilets jaunes » en 2018. Puis à l’été 2022, après les élections présidentielle et législatives et dans le contexte de crise de l’énergie, une loi de protection du pouvoir d’achat a rétabli la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 250 salariés.
Certains voient une injustice dans ce dispositif. En effet, il y en a une, puisque l’ouvrier ou l’employé d’une entreprise de moins de 250 salariés n’est pas traité de la même manière que l’ouvrier ou l’employé d’une entreprise de plus de 250 salariés.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur tous les amendements en discussion commune sauf l’amendement AS1738, que je vous propose d’adopter car il permet, pour un coût très modéré, de rétablir un dispositif équitable.
Enfin, s’agissant des cadres, des études ont montré qu’ils étaient moins de 40 % à effectuer des heures supplémentaires – une partie d’entre eux étant au forfait jour –, contre 69 % des ouvriers et 50 % des employés. Ces deux dernières catégories sont donc celles qui profitent le plus du dispositif, contrairement à ce que certains ont affirmé. Je le constate d’ailleurs dans les entreprises de mon territoire.
M. Philippe Vigier (Dem). La compensation est un sujet central. Toutefois, alors que la question du pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres, comment expliquerions-nous à ceux qui en bénéficient que nous avons supprimé les exonérations sur les heures supplémentaires ?
Contrairement à ce que prétendent mes collègues de la gauche, il ne suffit pas de diviser mécaniquement le nombre d’heures supplémentaires pour créer des emplois. Le travail ne se découpe pas en tranches. Dans l’enseignement par exemple, vous n’allez pas créer un poste à temps complet pour quelques heures d’anglais ou d’allemand à dispenser dans tel collège ou tel lycée. Les professeurs sont affectés dans plusieurs établissements. La situation est la même dans de nombreux secteurs d’activité, dans le privé ou le public.
Les exonérations sur les heures supplémentaires ont été instaurées pour soutenir le pouvoir d’achat. C’est une question cruciale, à laquelle nous devons apporter une réponse. Si nous ne le faisons pas, les « gilets jaunes » risquent de ressortir dans les rues.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Vous n’avez pas compris le lien entre le temps de travail et l’empreinte carbone. Le problème ne vient pas des émissions liées aux heures supplémentaires, mais du fait qu’avoir des horaires de travail importants induit un mode de vie plus carboné.
Vous aimez les bonnes formules en matière d’écologie, mais votre réflexion sur la paresse n’est pas à la hauteur. L’enjeu est de préserver les conditions dans lesquelles nous pouvons vivre. Dans dix ans, la vacuité de vos prises de parole vous sera reprochée.
Le marché du travail se divise entre les insiders, qui ont un contrat à durée indéterminée (CDI), qui font des heures supplémentaires et ont un déroulement de carrière, et les outsiders, qui cumulent les contrats à durée déterminée (CDD) et restent dans la précarité. Les amendements qui prônent la défiscalisation des heures supplémentaires ne doivent pas être adoptés, parce qu’ils creusent cette fracture sociale.
M. Sacha Houlié (SOC). Monsieur le rapporteur général, l’amendement que vous nous proposez contredit votre discours constant sur la nécessité de ne pas aggraver le déficit public. En outre, pourquoi étendre le bénéfice du dispositif de désocialisation des heures supplémentaires à des entreprises qui n’en ont pas besoin ? Quelle est la cohérence d’une telle mesure ?
Le groupe Socialistes et apparentés a fait deux propositions. La première ne pénalise pas les salariés, puisqu’elle prévoit de supprimer la désocialisation des cotisations patronales. Quant à la seconde, elle remet en cause la désocialisation pour les salaires supérieurs à 3 Smic, c’est-à-dire les salaires nets supérieurs à 4 500 euros. Je vous invite d’ailleurs à faire preuve de cohérence, puisque nous avons adopté cette mesure l’année dernière pour les allégements généraux et qu’elle a été pérennisée par le Gouvernement. Pourquoi ne serait-elle pas étendue aux heures supplémentaires ? Vous devriez soutenir le vote de l’amendement AS140.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous entendons toujours la même petite musique, qui consiste à justifier les exonérations sur les heures supplémentaires par le soutien au pouvoir d’achat. Or baisser le coût du travail revient à voler du salaire socialisé. Ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre.
Le problème n’est pas le coût du travail, mais la rémunération du capital. Alors que nous assistons à une explosion des dividendes, vous souhaitez aggraver le déficit de la sécurité sociale en la privant des recettes qui devraient lui revenir. Si votre objectif est réellement d’augmenter le pouvoir d’achat, augmentez les salaires directs et indirects !
Nous luttons contre les heures supplémentaires, afin de permettre à davantage de personnes d’accéder à l’emploi. Nous sommes par ailleurs favorables à la réduction du temps de travail, pour des raisons à la fois sociales et écologiques. Avoir du temps libre permet en effet d’organiser autrement la vie en société.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Quand j’écoute le débat que nous avons ce matin autour des heures supplémentaires, je me dis que certains ont décidé de remplacer la macroéconomie par la « macronéconomie ». Ils contestent que des emplois soient détruits par la défiscalisation ou la désocialisation des heures supplémentaires, ce qui est pourtant établi par les travaux de l’OFCE. En 2011, la perte de 30 000 emplois s’était accompagnée d’un creusement du déficit public de 6,8 milliards d’euros. Éric Heyer estime que dans la fourchette haute, jusqu’à 92 000 emplois auraient pu être supprimés en une année.
Vous proposez une compensation par la TVA, mais celle-ci n’a pas un rendement infini. Nous pouvons en outre nous interroger sur la pertinence d’un dispositif consistant à faire supporter l’ensemble de la solidarité nationale par une taxe sur la consommation. De tels mécanismes mettent en danger le principe de la sécurité sociale.
Certains ne cessent de parler d’assistanat. Avec de tels propos, ils remettent en cause la sécurité sociale à laquelle nous sommes attachés. Ce qu’ils considèrent comme de l’assistanat est pour nous de la solidarité.
M. Thomas Ménagé (RN). Le groupe Rassemblement National s’opposera à tous les amendements déposés par la gauche et l’extrême gauche. Ils ne visent en effet qu’à diminuer le pouvoir d’achat des Français.
À la fin du mois, ce sont les Français qui ont le courage de faire des heures supplémentaires – ou qui y sont contraints pour faire face aux dépenses liées à l’arrivée d’un enfant par exemple – qui seront pénalisés par la suppression des exonérations de cotisations salariales et l’augmentation du coût du travail. Ils n’auront plus la possibilité d’accroître leur pouvoir d’achat.
Les amendements qui sont proposés ne feront qu’appauvrir le pays. Ils sont toutefois cohérents avec le discours de Mme Rousseau. Augmenter le pouvoir d’achat permet de consommer davantage, ce qui pèse sur l’empreinte carbone. Vous prônez un monde de décroissance, dans lequel les Français finiront par ne plus pouvoir se chauffer, se nourrir ou avoir des loisirs. Vos objectifs de protection de l’environnement seront atteints, mais nos concitoyens crèveront la dalle ! Ce n’est pas du tout notre vision de l’avenir. Au contraire, nous souhaitons valoriser le travail et aider ceux qui veulent s’en sortir.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les salariés font des heures supplémentaires pour augmenter leurs revenus, notamment dans certains métiers difficiles comme la restauration ou les travaux publics.
Comme nous l’avons déjà constaté lors de la mise en place des 35 heures, les heures supplémentaires ne peuvent pas forcément donner lieu à des créations d’emploi. Elles offrent de la souplesse aux employeurs lorsqu’ils doivent faire face à un surcroît d’activité par exemple. Ils ne peuvent pas embaucher si le besoin n’est pas pérenne ou s’ils n’ont pas suffisamment de visibilité.
Les heures supplémentaires profitent aux deux parties et nous n’avons pas intérêt à durcir le cadre dans lequel il est possible d’y recourir.
M. Yannick Monnet (GDR). Le Rassemblement national est opposé aux cotisations sociales et propose d’augmenter les salaires en réduisant l’écart entre le brut et le net. Il faudrait toutefois expliquer aux Français qu’ils ne seront pas forcément gagnants. Quel sera leur pouvoir d’achat quand il n’y aura plus de sécurité sociale et qu’ils devront payer toutes leurs dépenses de santé ?
M. Éric Michoux (UDR). Comment la gauche pourrait-elle parler du travail et des travailleurs, alors qu’elle n’aime pas le travail et que la plupart de ses représentants n’ont jamais travaillé ?
La grande majorité des travailleurs aiment leur entreprise mais veulent un meilleur salaire. Les heures supplémentaires sont une manière simple d’atteindre cet objectif. Apprenez le travail, aimez-le, et alors vous pourrez en parler !
M. le président Frédéric Valletoux. Évitons les affirmations gratuites et essayons d’avoir des propos constructifs.
M. le rapporteur général. Je ne répondrai pas aux attaques injustes, notamment celles de M. Houlié. Chacun est libre d’apprécier la cohérence des uns ou des autres.
Monsieur Cadalen, vous avez en partie raison, mais vous oubliez qu’une mesure de soutien du pouvoir d’achat a des effets sur la croissance. Les bénéficiaires des heures supplémentaires consomment davantage.
S’agissant du respect de l’équilibre financier, je pourrais être démagogique et soutenir des mesures à 2 ou 3 milliards d’euros, mais je privilégie des dispositifs plus modestes. Hier, nous avons indiqué que le budget pourrait intégrer une mesure de soutien du pouvoir d’achat pour un montant d’environ 1 milliard. Contrairement à d’autres propositions qui ne correspondent pas à cette trajectoire, mon amendement ne coûterait que 150 millions d’euros.
Par ailleurs, j’ai déposé des amendements pour résoudre le problème de la non‑compensation, qui est un sujet d’attention légitime.
Il ne faut pas mélanger les objectifs poursuivis par les différents dispositifs. Les allégements généraux visaient à augmenter la compétitivité et l’emploi, tandis que les exonérations sur les heures supplémentaires visent à soutenir le pouvoir d’achat.
Nous ne savons pas l’évaluer précisément, mais l’augmentation du nombre d’heures travaillées accroît la richesse produite, ce qui entraîne des gains fiscaux supplémentaires. En outre, en diminuant le coût du travail, les employeurs peuvent potentiellement mieux le valoriser.
Je vous invite à adopter l’amendement AS1738, qui permet de soutenir le pouvoir d’achat tout en restant dans la trajectoire budgétaire qui a été fixée, puisque son coût est de seulement 150 millions d’euros.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue de neuf heures cinquante-cinq à dix heures trente.
Amendements AS622 de M. Hadrien Clouet et AS884 de M. Hendrik Davi (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par l’amendement AS622, nous proposons d’augmenter les recettes de la sécurité sociale en soumettant les dividendes, l’intéressement, la participation et les plus-values de levée-vente d’actions aux cotisations sociales.
Un amendement comparable avait été adopté par l’Assemblée nationale l’an dernier, puis balayé d’un revers de la main par le gouvernement Barnier, qui avait ainsi fait une croix sur plus de 12 milliards d’euros de recettes nettes pour la sécurité sociale.
En 2025, les actionnaires du CAC40 ont perçu 98,2 milliards d’euros, après avoir déjà frôlé les 100 milliards l’année précédente. La soumission des revenus du capital au taux global des cotisations sociales patronales de 29 % – en remplacement de la flat tax – générerait un gain net de 10 milliards d’euros de cotisations sociales. Quant au dispositif de partage de la valeur, le coût des exonérations des cotisations sociales est estimé à 2,2 milliards d’euros.
Plutôt que prendre aux apprentis, aux malades ou aux retraités, voici une recette pour combler votre sacro-saint trou de la sécu : soumettre les revenus du capital aux cotisations sociales.
M. Hendrik Davi (EcoS). Mon amendement vise à inclure l’intéressement, la participation et les plans d’épargne entreprise dans l’assiette des cotisations sociales. Ces dispositifs y échappent en grande partie, ce qui fragilise le financement de la sécurité sociale, d’autant plus que ces exemptions ne sont pas compensées.
Pour les salariés, l’absence de cotisations entraîne une perte de droits sociaux, puisque ces revenus ne génèrent aucune protection sociale.
En outre, selon le Conseil d’analyse économique, la participation et l’intéressement profitent surtout aux salariés des grandes entreprises et particulièrement aux 10 ou 20 % qui sont les mieux rémunérés. Par conséquent, le partage de la valeur reste très inégal. Les salariés les moins payés, souvent décrits comme les moins qualifiés, et les petites entreprises sont largement exclus de ces dispositifs.
En définitive, ce sont les plus pauvres qui payent sous forme de franchises médicales, de hausse des complémentaires santé ou d’augmentation de la CSG ce que les salariés les plus favorisés gagnent avec des compléments de rémunération exemptés de cotisations sociales. Notre amendement propose de les réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales, ce qui rapporterait la bagatelle de 3,7 milliards d’euros.
M. le rapporteur général. Les deux amendements sont quasiment identiques. La seule différence est que le second précise une date d’entrée en vigueur.
Vous mentionnez les actionnaires, mais ces amendements ne toucheront que les dividendes versés à des salariés et à des dirigeants d’entreprise assimilés au statut de salarié. Les actionnaires et les dirigeants qui ne sont pas salariés ne seront pas concernés. Or je souhaite protéger les salariés.
Avis défavorable.
Mme Prisca Thevenot (EPR). Quand la gauche ne propose pas la création d’une nouvelle taxe, elle propose d’augmenter des cotisations ou d’y assujettir de nouveaux dispositifs.
Ces amendements sont purement symboliques. Ils feront bien dans une capsule Twitter, mais n’apportent aucune réponse en matière de partage de la valeur et de défense du pouvoir d’achat des travailleurs.
Soumettre les dividendes aux cotisations sociales pourrait s’envisager, à condition que la mesure s’applique aux dirigeants qui considèrent les dividendes comme un substitut du salaire. En revanche, y soumettre l’intéressement et la participation irait à l’encontre d’un objectif que je pensais être de gauche, à savoir encourager le partage de la valeur au sein de l’entreprise et en faire bénéficier les salariés.
Nous assistons encore à un exercice de communication qui n’apporte rien de concret aux Français. Nous serons donc défavorables à ces amendements.
M. Philippe Vigier (Dem). La participation et l’intéressement sont des moyens d’augmenter la rémunération. Ce sont des avancées indispensables, très attendues par les salariés. Il ne faut pas opposer la feuille de paye et ces compléments de rémunération qui permettent de récompenser les efforts faits et l’atteinte des objectifs. Nous assumons notre désaccord à ce sujet et voterons contre vos amendements.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous pourrions obtenir 3,7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, ce qui n’est pas un détail. Certes, ces dispositifs sont des compléments de salaire, mais ils profitent surtout aux 10 ou 20 % de salariés qui sont déjà les mieux rémunérés et, pour financer les exemptions de cotisations, vous augmentez les franchises médicales ou le taux de la CSG. Vous prenez aux pauvres pour donner aux riches.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le salaire est le mécanisme de partage de la valeur le plus efficace. Il ne faut pas oublier cette réalité fondamentale, comme il ne faut pas oublier que le salaire ne se limite pas à ce que les salariés perçoivent en fin de mois. Il est également constitué des cotisations, qui leur permettent de toucher une retraite, de bénéficier du chômage ou de se soigner. Dans l’organisation issue de la sécurité sociale, tous ces éléments participent au mécanisme du partage effectif de la valeur.
Bricoler d’autres dispositifs, comme la participation, sert avant tout à diviser le salariat. Nous comprenons ce que vous voulez faire en adoptant une telle logique. Vous vous dites que tous les salariés n’auront pas les mêmes intérêts.
Nous sommes favorables à la taxation du capital et nous considérons que les recettes de la sécurité sociale doivent être abondées, notamment par les dividendes.
La priorité pour les salariés est l’augmentation des salaires. C’est ce qu’ils demandent. Il est inutile de se compliquer la vie !
M. Jean-François Rousset (EPR). Vous pouvez tout dire, mais pas des contrevérités. Les plus fragiles – environ 25 % des Français, soit 18 millions de personnes – ne seront pas concernés par l’augmentation des franchises médicales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS142 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Je précise à notre collègue Prisca Thevenot qu’il ne s’agit pas de faire une capsule pour les réseaux sociaux, mais de trouver des mesures de justice. Je note d’ailleurs qu’elle comprendrait que les compléments de rémunération des dirigeants puissent contribuer normalement au fonctionnement de la sécurité sociale.
Nous évoquions hier les distributions gratuites d’actions dont bénéficient les très hauts dirigeants, qui ne cotisent pas à la hauteur de ce qu’ils devraient. De même, certains revenus du capital ne sont pas soumis aux cotisations au niveau classique, parmi lesquels les dividendes, l’intéressement, la participation ou les sommes versées au titre des plans d’épargne d’entreprise et des plans d’épargne retraite collectifs. Nous proposons qu’ils le soient pour les salariés dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic. Cette mesure permettrait de ne pas pénaliser la très grande majorité d’entre eux.
Un rapport de la Cour des comptes de novembre 2024, qui portait uniquement sur les plans d’épargne retraite collectifs, soulignait le caractère inefficace des exemptions actuelles. En réintégrant dans l’assiette des cotisations sociales les 900 millions d’euros qui ne sont pas taxés aujourd’hui, le rendement serait de 100 millions, seulement pour les plans de retraite.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, vous voulez cibler les dirigeants, mais votre amendement ne s’applique qu’aux dividendes versés aux salariés du régime général et du régime agricole. Or les dirigeants n’ont pas tous un statut de salarié. Paradoxalement, la mesure que vous préconisez augmenterait les prélèvements pour l’actionnariat salarié, sans le modifier pour l’actionnariat non salarié.
Les dividendes sont déjà soumis aux prélèvements sociaux, dont la CSG, la CRDS et le prélèvement de solidarité à hauteur de 17,2 %. En revanche – et c’est cohérent –, ils ne sont pas assujettis aux cotisations qui créent des droits, notamment pour la retraite.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous sommes toujours dans l’opposition entre le travail et le capital. Comment finançons-nous la sécurité sociale ? Devons-nous continuer d’exonérer de cotisations certains revenus ?
Cet amendement est, selon moi, un amendement de rempli que nous devons absolument adopter. Les dividendes, l’intéressement, la participation et les sommes versées dans des plans d’épargne entreprise et des plans d’épargne retraite collectifs seraient au moins assujettis aux cotisations sociales pour les personnes dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic.
Les plus modestes ne doivent pas payer les compléments de rémunération de ceux qui sont déjà les plus aisés, par l’intermédiaire des franchises médicales, de la taxe sur les mutuelles ou de tous ces dispositifs qui permettent de compenser les exonérations et les cadeaux faits aux plus hauts revenus.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends l’argument du rapporteur général selon lequel certains revenus ne sont pas soumis aux cotisations sociales parce qu’elles ne s’accompagnent pas d’une ouverture de droits. Un forfait social est-il néanmoins appliqué aux dividendes, à l’intéressement, etc. ? Au-delà de 3 Smic, je trouverais légitime qu’une contribution au financement de la sécurité sociale soit prévue, même sans contrepartie – ouvrir des droits à ce niveau serait en effet très coûteux. Nous devons en tout cas trouver un équilibre et probablement homogénéiser les dispositifs, en supprimant des exceptions qui me paraissent trop nombreuses.
M. le rapporteur général. Je vous invite à consulter le projet de rapport que nous vous avons envoyé et qui détaille les différents articles. Vous y trouverez un tableau, page 87, qui récapitule les prélèvements applicables selon le type de dispositif. Un forfait social existe pour l’intéressement et la participation, mais il dépend de la taille de l’entreprise. Le traitement des dividendes est différent.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les dividendes sont intégrés dans notre amendement mais celui-ci ne concerne pas que les dirigeants. D’autres mesures portent sur la participation, l’intéressement ou les versements des entreprises aux plans d’épargne retraite collectifs et aux plans d’épargne entreprise, qui ne sont pas assujettis aux cotisations de droit commun.
Nous voulons sortir du forfait social, qui est une sorte de cotisation dégradée, et aligner sur le droit commun tout ce que nous considérons comme des compléments de salaire. Nous n’appliquerions toutefois cette disposition qu’aux salariés dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS630 de Mme Élise Leboucher ; amendements identiques AS633 de M. Damien Maudet et AS924 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). La croissance économique est en baisse depuis la crise du covid et devrait s’établir à 0,7 % cette année ; 10 millions de personnes – souvent des enfants – sont sous le seuil de pauvreté ; la sécurité sociale est structurellement en déficit. Voilà le bilan des politiques macronistes ; c’est votre bilan. Votre politique en faveur du pouvoir d’achat, fondée sur l’intéressement et la participation, n’a pas permis de réduire la pauvreté, au contraire. Elle n’a pas non plus permis de sortir la sécurité sociale de la situation dans laquelle elle se trouve.
Les mesures que vous avez prises ont ralenti la consommation, ce qui a conduit à l’augmentation de la pauvreté, ainsi qu’au ralentissement de l’économie et de la création d’emplois. Si nous voulons soumettre l’intéressement et la participation à cotisations, c’est non seulement pour aider la sécurité sociale mais aussi pour que nos concitoyens n’aient pas à subir l’augmentation du prix des médicaments ou encore le gel des aides personnelles au logement (APL). Vous pouvez ne pas être d’accord avec notre logique économique, mais faites‑nous au moins d’autres propositions pour sortir la sécu de la situation où elle se trouve et notre pays de la vague de pauvreté qu’il traverse.
M. Yannick Monnet (GDR). Outre l’amendement AS924, je défends aussi par anticipation l’amendement AS901. Ils visent tous deux, en effet, à élargir l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Réduire l’assiette avec des exonérations, c’est ne plus vouloir couvrir les différents risques – vieillesse, autonomie, accidents du travail. C’est un leurre, car ce n’est pas le salaire qui répartit la valeur ajoutée dans l’entreprise : ce sont les cotisations patronales qui en captent une partie au profit de la solidarité entre salariés. Il est donc essentiel d’élargir l’assiette pour trouver de nouvelles ressources. Le monde du travail a besoin d’être protégé des risques pour mieux produire.
M. le rapporteur général. Il ne vous aura pas échappé, monsieur Boyard, que le Gouvernement n’est pas représenté aujourd’hui ; nous ne sommes pas tous comptables du bilan que vous avez dressé.
Les compléments de salaire que vous voulez assujettir à cotisations sociales sont déjà soumis à plusieurs prélèvements – CSG, CRDS, forfait social. J’insiste : l’exclusion de l’assiette des cotisations sociales n’est pas synonyme d’une absence de prélèvements sociaux. Il ne me semble pas opportun de désinciter les entreprises à recourir aux instruments de partage de la valeur que sont notamment la participation et l’intéressement, auxquels les employés sont attachés.
Quant aux attributions gratuites d’actions, elles sont soumises à une contribution patronale spécifique que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a portée de 20 % à 30 %. Leurs bénéficiaires sont soumis à des prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %, auxquels il convient d’ajouter un impôt sur le revenu avec abattement. Au-delà de 300 000 euros, ils acquittent, en plus de la CSG, une contribution spécifique de 10 % et sont redevables de l’impôt sur le revenu sans abattement.
Tous ces prélèvements apportent des recettes sociales à notre système. J’émets un avis défavorable aux trois amendements.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le mandat d’Emmanuel Macron a commencé avec une baisse de 5 euros des APL et une suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. Aujourd’hui, vous refaites la même chose : alors que l’instauration de cotisations sur les titres-restaurant, supprimée en commission, pourrait revenir en séance, vous refusez de soumettre à cotisations la distribution gratuite d’actions. À force de taper toujours sur les mêmes, vous envoyez un message très clair : aux forts la force, aux faibles la précarité.
M. Nicolas Turquois (Dem). Au risque de surprendre mes collègues de gauche, je suis favorable, par principe, à ce que tout élément de salaire soit soumis à cotisations pour financer le système de sécurité sociale. Mais les parts d’actifs et d’inactifs ne sont plus du tout les mêmes qu’en 1945 ! L’effort à demander aux actifs pour financer l’ensemble de nos besoins est trop important mais si on le réduit, on ne peut plus tout financer. Il faut donc réfléchir à d’autres moyens de financement, au-delà des cotisations sur le travail. Une hausse de la TVA sur les importations pourrait améliorer notre compétitivité et nous permettrait de financer notre système de protection sociale.
Vous avez raison de vouloir mieux protéger nos compatriotes mais il est injuste de prendre une part trop importante sur le salaire de ceux qui travaillent.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). C’est la raison pour laquelle notre programme prévoit une augmentation des salaires ! Au cours des vingt dernières années, la part du capital dans le partage de la valeur a gagné plus de 12 points, me semble-t-il. Il faut donc augmenter les salaires pour faire entrer les cotisations. On vous propose de combler les trous en taxant le capital, mais vous vous y opposez ; on vous le propose en soumettant la participation à cotisations, vous vous y opposez aussi. Le millefeuille d’exonérations assèche la sécurité sociale, et vous dites ensuite qu’il faut réduire les droits des salariés. Je ne suis pas d’accord ! Je veux une sécurité sociale bien tenue, ce qui se passe par des cotisations qui le soient aussi.
M. Philippe Vigier (Dem). Vous imaginez que vous allez décider la politique de rémunération des entreprises privées, mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Vous essayez de nous faire croire que les dividendes, la participation et l’intéressement ne seraient pas soumis à cotisations sociales ; c’est faux, comme l’a démontré le rapporteur général. Pourquoi ne déposez-vous pas des amendements sur la flat tax, comme je l’ai fait ? Une augmentation d’un point rapporte 1,8 milliard d’euros ! Votre mensonge éhonté ne passe pas.
M. Jérôme Guedj (SOC). Dans son excellent projet de rapport, le rapporteur général répertorie dans un tableau, à la page 84, l’ensemble des exemptions d’assiettes – c’est‑à‑dire non pas une absence de cotisation, mais simplement un écart de taux par rapport au taux normal. Il est aussi indiqué : « Le dynamisme des assiettes exemptées suggère qu’elles se substituent en partie au salaire de base. Cela peut signifier que le recours à ces dispositifs de partage de la valeur a été préféré à des augmentations de salaire pérennes, entraînant un effet de substitution. » Le montant de l’assiette exemptée atteint 73,7 milliards d’euros, et le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour 2024 a chiffré le manque à gagner pour la sécurité sociale à 14,6 milliards d’euros. Je ne vous propose pas de récupérer la totalité de ce montant, mais 2 à 4 milliards.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS636 de Mme Ségolène Amiot
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il est contradictoire d’encourager la participation et l’intéressement sous prétexte qu’ils ne sont pas soumis à cotisations sociales, avant d’affirmer – pour refuser d’admettre qu’ils vident les comptes de la sécurité sociale – qu’ils le sont ! La question n’est pas de cotiser un tout petit peu pour se donner bonne conscience mais de trouver des solutions pour que la sécurité sociale soit structurellement autosuffisante.
Une fois que les comptes de la sécurité sociale auront été vidés à cause de la participation et de l’intéressement, une série de protections sociales vont être supprimées. Faites votre bilan !
M. le rapporteur général. Votre amendement va à l’encontre de l’intérêt des salariés. Vous proposez de soumettre à cotisations les sommes issues de la participation aux résultats de l’entreprise. Mais ce dispositif est déjà soumis à la CSG, à la CRDS et au forfait social à un taux de 20 % dans les entreprises de plus de cinquante salariés – dans lesquelles il est obligatoire. Vous voulez donc faire peser sur ces versements à la fois des cotisations sociales et le forfait social, alors que celui-ci vise justement à compenser les exemptions d’assiette de cotisations ! Ce n’est pas pertinent.
Avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Quand viendra le moment de parler des cotisations sur les revenus des apprentis, de l’arrêt de la prise en charge d’un certain nombre d’affections de longue durée ou du déremboursement de médicaments, vous nous direz – ou bien d’autres, qui suivent votre avis défavorable, le feront à votre place – que nous n’avons pas le choix ! Or nous sommes au cœur du débat : si nous trouvons des solutions pour rétablir les comptes de la sécurité sociale sans faire reculer les droits des assurés sociaux, nous aurons rempli notre mandat !
La participation a surtout été utilisée pour éviter les augmentations de salaires, ce qui a structurellement vidé les comptes de la sécurité sociale et fait augmenter la pauvreté : les gens ont besoin d’augmentations de salaires stables.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS901 de Mme Karine Lebon.
Amendements AS47 de Mme Sylvie Bonnet et AS505 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). Cet amendement vise à exclure de l’assiette des cotisations sociales les véhicules mis à la disposition permanente des intervenants à domicile par leur employeur dans le but qu’ils effectuent leurs tournées à domicile. Cette mesure permettrait d’accroître l’attractivité de ces métiers du domicile, qui sont en tension, en particulier dans le département de la Loire.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement AS505 est défendu.
M. le rapporteur général. Un décret publié le 15 août dernier, en application de la loi « bien‑vieillir » du 8 avril 2024, a instauré un fonds pérenne pour soutenir la mobilité des professionnels de l’aide à domicile, doté de 75 millions d’euros dès l’année 2025. Une aide est versée à chaque département pour financer des actions d’aide à l’achat ou à la location d’un véhicule. Je vous propose d’attendre que nous ayons pu constater les premiers effets de cette aide avant de mettre en place une nouvelle exonération ciblée.
Je voudrais aussi rappeler que lorsqu’on exclut un élément de rémunération de l’assiette des cotisations sociales, il cesse d’être intégré au salaire brut sur lequel sont calculés les droits contributifs des assurés sociaux – leur retraite notamment. C’est pourquoi il faut être prudent.
Je vous propose de retirer ces amendements. À défaut, j’émets un avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). J’entends les efforts qui ont été faits dans le cadre de la loi « bien‑vieillir » mais nous ne parlons pas de la même chose. Ce que nous proposons, c’est que l’usage des véhicules par les salariés ne soit plus soumis à cotisation. Le dispositif qui vient d’être créé n’allégera pas la charge sociale et fiscale des travailleurs à domicile, alors que c’est une de leurs revendications.
L’amendement AS47 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS505.
Amendement AS152 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement de repli se concentre sur les exonérations de cotisations sur l’intéressement, la participation et l’abondement versé dans le cadre des plans d’épargne salariale.
Encore une fois, je vous renvoie au rapport du rapporteur général, qui s’appuie lui‑même sur l’évaluation de ces mesures dans le Placss 2024. La Cour des comptes estime que « [l]es compléments de salaires se sont, en partie, substitués aux salaires de base, ce qui a entraîné de moindres recettes pour la sécurité sociale et une augmentation de son déficit ». Si nous ne dégageons pas quelques centaines de millions d’euros sur chacune de ces niches sociales, comment compenserons-nous les mesures que nous avons supprimées hier et celles que nous supprimerons dans les jours à venir ?
M. le rapporteur général. Je reste défavorable à cet alourdissement de cotisations sur des compléments de salaire déjà soumis à prélèvements. Je ne veux pas désinciter les entreprises de recourir aux instruments de partage de la valeur.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je ne comprends pas votre position. L’amendement propose de supprimer les exonérations sur l’intéressement versé en complément de salaires supérieurs à 3 Smic ! Si nous ne nous y attaquons pas, à quoi servons-nous ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Le montant moyen d’une prime de participation s’établit à 1 600 euros. Nous pourrions reprendre la proposition que la Cour des comptes avait faite dans le rapport 2024 sur l’application des lois des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss), visant à fixer le plafond au même niveau que celui de la prime de partage de la valeur, c’est‑à‑dire à 6 000 euros : 80 % à 90 % des salariés seraient exonérés.
M. François Gernigon (HOR). J’ai du mal à entendre que l’intéressement puisse se substituer à de la rémunération. La loi précise bien que ce ne doit pas être le cas, et l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) le vérifie.
M. le rapporteur général. J’indique effectivement dans mon rapport, monsieur Guedj, que le dynamisme des assiettes exemptées suggère une substitution. Le mot « suggère » n’a pas la même force que le mot « atteste ». Quant à la Cour des comptes, vous vous opposez parfois vous-mêmes à certaines de ses préconisations, par exemple au sujet du système de retraites. Gardons à l’esprit que les compléments de salaire sont déjà soumis à contribution, que le salarié perçoive plus ou moins de 3 Smic. Et n’oublions pas la fiscalité sur les revenus !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS548 de Mme Ségolène Amiot
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer une contribution pour inaptitude à laquelle seraient soumises les entreprises dans lesquelles un grand nombre de salariés sont déclarés inaptes. En 2023, 140 000 l’ont été, soit une augmentation de 3 %. Nous souhaitons faire peser sur l’entreprise elle-même le poids de la dégradation des conditions de travail, qui provoque ces inaptitudes.
Les troubles musculo-squelettiques affectent particulièrement les salariés du secteur agroalimentaire. Il faut que les groupes concernés payent pour n’avoir pas amélioré les conditions de travail au cours des dernières décennies. La plupart des salariés travaillant dans les abattoirs de Bretagne portent des ceintures lombaires dès la trentaine ! À 50 ans, ce sont leurs épaules qui sont affectées et ils se retrouvent inaptes. Une ouvrière à qui je demandais pourquoi elle n’était pas partie pour cause d’inaptitude m’a répondu « Parce que j’ai pris ma carte à la CGT. Ça me fait moins mal quand je les embête en conseil d’administration ! » Pour moi, c’est une définition du courage !
M. le rapporteur général. Je ne pense pas que les prélèvements constituent l’outil le plus adapté pour atteindre des objectifs – dont je reconnais qu’ils sont louables – en matière de protection des travailleurs au sein des entreprises. Il existe un droit du travail, qui doit être appliqué. Je vous invite à le faire évoluer, ou bien à agir sur les taux de cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui tiennent déjà compte de la sinistralité. Je vous invite à retirer votre amendement, qui est satisfait.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ne partageant pas l’avis du rapporteur, nous voterons pour cet amendement. Un jour, j’ai remarqué que la femme de ménage qui nettoie le couloir dans lequel se trouve mon bureau avait changé de coiffure ; elle m’a expliqué qu’elle n’arrivait plus à lever les bras pour attacher ses cheveux. Il est essentiel que les entreprises dont le taux d’inaptitude est plus important que les autres soient sanctionnées pour cela ! Je remercie le groupe LFI pour cet amendement sensé et humaniste.
M. Jean-François Rousset (EPR). Allez visiter des abattoirs qui fonctionnent bien et vous changerez d’avis : j’en connais un, dans l’Aveyron, qui est parfaitement aux normes et qui est parvenu à fidéliser son personnel grâce à la robotisation des manœuvres difficiles.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous nous invitez, monsieur le rapporteur général, à modifier le droit du travail ; c’est ce que nous faisons avec cet amendement. Surtout, nous allons renforcer l’article L. 4121‑1 du code du travail, qui oblige les employeurs à prévenir les risques et à protéger les salariés des maladies professionnelles et des accidents.
Vous dites qu’une incitation financière n’atteindrait pas son but. Mais comment inciter autrement ? Dans notre société, ce qu’entendent les capitalistes, c’est l’argent qui entre ou pas dans leur poche. Peut-être entendront-ils ainsi qu’il faut protéger la santé de leurs salariés ?
M. Michel Lauzzana (EPR). On voit bien là la fureur de la gauche, qui veut toujours taxer ou punir. Certaines entreprises sont par nature génératrices de problèmes physiques, malheureusement Or je ne crois pas que ce soit en taxant qu’on les résoudra. Il faut mener des actions de prévention mais aussi faire en sorte que les salariés les plus âgés puissent être redéployés sur des emplois moins durs ou partir à la retraite plus tôt.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si nous faisons montre parfois d’une certaine forme de fureur ou de colère, c’est parce que nous rencontrons des salariés brisés. Or la prévention des risques professionnels est le parent pauvre des politiques de santé ! Tant qu’on ne mobilisera pas les moyens de contrôle nécessaires, notamment à l’inspection du travail, des personnes ayant travaillé toute leur vie seront victimes de leur travail. J’entends beaucoup parler de la valeur travail : respecter le travail devrait commencer par respecter le corps des travailleurs.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas le code du travail que modifierait votre amendement, madame Amiot, mais le code de la sécurité sociale. Cela ne me semble pas le bon outil. Mieux vaut faire varier les cotisations AT-MP.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS151 de M. Jérôme Guedj et AS542 de M. Damien Maudet
M. Jérôme Guedj (SOC). Ces amendements visent à moduler le taux de cotisation à la branche AT-MP en fonction de la survenance de pratiques pathogènes – je pense aux horaires atypiques ou au travail de nuit. Cette proposition de modulation prolonge celle que nous avions faite en fonction de la sinistralité constatée. En l’espèce, nous ne cherchons pas à nous attaquer aux conséquences ou aux symptômes que sont les accidents de travail, mais à agir en faveur de la prévention des causes identifiées dans les entreprises.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces amendements ont deux objectifs : œuvrer pour le bien commun, en évitant des accidents du travail, des blessures, des meurtrissures du corps ou de l’esprit ; et résoudre les contradictions existant au sein du socle pas très commun.
Pour l’heure, les cotisations AT-MP sont calculées en prenant en compte la survenue effective d’accidents du travail. Nous proposons d’intégrer également les pratiques pathogènes et accidentogènes, c’est-à-dire de tenir compte des risques, en plus du danger concrétisé.
Depuis des années, tout le monde se gargarise autour de la prévention, ce qui est une bonne chose. Par ces amendements, nous proposons d’en faire, en n’attendant pas que des gens soient blessés pour assujettir certaines entreprises à des cotisations plus importantes et, à l’inverse, en récompensant celles qui font des efforts en ce domaine. Tout à l’heure, un collègue du groupe EPR disait connaître un abattoir mécanisé. Très bien ! Avec notre dispositif, le montant de ses cotisations baisserait.
D’ailleurs, je m’étonne que l’incitation financière soit censée fonctionner pour les très riches et le patronat, qui doit créer des emplois grâce aux exonérations sociales, mais pas quand il s’agit de protéger les gens.
M. le rapporteur général. Concernant le taux des cotisations AT-MP, il y a, d’un côté, la tarification collective, qui prend en compte les pratiques d’un secteur dans son ensemble, et de l’autre, la situation individuelle des entreprises, avec la sinistralité. Par ces amendements, vous souhaitez intégrer l’aspect individuel dans la tarification collective, ce qui ne me semble pas praticable. D’ailleurs, l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 relatif à une prévention renforcée combine une approche collective par secteur et ce qui relève du comportement des entreprises.
En outre, je rappelle que les entreprises de plus de cinquante salariés doivent établir, en lien avec le comité social et économique, un document unique d’évaluation des risques et de prévention (Duerp), autre outil de prévention primaire dans les entreprises.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Notre groupe votera ces amendements, qui vont dans le bon sens. Quand les salariés sont mis en situation dangereuse, on doit augmenter le montant des cotisations de manière anticipée, afin d’inciter les entreprises à adopter des politiques de réduction des risques. Comme Jérôme Guedj, je pense aux horaires atypiques, qui nuisent à la vie sociale et à la santé, mais qui ne font l’objet d’aucune majoration financière, ni de congés de compensation.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je vais prendre un cas concret, pour que vous compreniez l’intérêt de ces amendements. Les salariés du site ArcelorMittal de Fos-sur-Mer luttent pour faire reconnaître leur exposition à l’amiante, ayant récemment découvert que leur entreprise leur avait caché qu’il y en avait absolument partout. Ils ont d’ailleurs observé qu’un certain nombre de salariés employés depuis longtemps avaient contracté, par exemple, des cancers de la plèvre. En incluant les sous-traitants, 3 700 personnes travaillent sur ce site, ce qui vous donne une idée du problème. La reconnaissance de leur exposition à l’amiante et, partant, de la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis de leurs maladies professionnelles va coûter extrêmement cher. C’est précisément pour cette raison que je veux qu’ArcelorMittal ait personnellement à financer ce coût, au travers de la branche AT-MP.
Voilà pourquoi ces amendements ont tout leur sens. Les industries qui exposent massivement des travailleurs à des risques doivent voir leur responsabilité individuelle engagée.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’exemple cité par M. Boyard est très parlant et montre que toutes les entreprises ne sont pas vertueuses. Certaines font des efforts, beaucoup même, mais d’autres n’en ont rien à faire et se reposent sur les cotisations collectives de branche pour réduire le risque pour elles-mêmes.
Je rappelle aussi qu’ont été supprimés les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dont les membres, grâce à leur fine connaissance des outils de production et de l’entreprise dans son ensemble, pouvaient protéger leur santé et celle de leurs collègues. En l’absence de ces instances, les entreprises ne disposent plus des alertes, ni des lanceurs d’alerte, pour éviter l’exposition aux risques. Il convient donc de trouver un système au sein duquel chacun assumerait la responsabilité de ses actes.
M. Serge Muller (RN). Dans l’exercice de leur métier, les soignants sont exposés à des risques pathogènes en raison d’horaires atypiques. Si ces amendements de gauche sont adoptés, ils mettront les hôpitaux, déjà exsangues, dans une situation financière encore plus intenable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS534 de Mme Élise Leboucher
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). L’amendement vise à prendre en compte le taux d’intérim dans le calcul des cotisations AT-MP. Nous tirons ici les conséquences de toutes les études réalisées sur cette question, qui affirment que l’intérim est un facteur fortement accidentogène. Cela est dû au statut précaire des travailleurs qui, sur leur lieu de travail, ont un rapport de force nettement plus défavorable que les salariés en CDI et qui, dans le même temps, doivent conserver leur emploi et entretenir de bonnes relations avec leur agence d’intérim. Le travail temporaire fonctionne ainsi comme une machine à produire des accidents du travail, d’où la nécessité de le réguler très fortement.
M. le rapporteur général. Je ne sais pas si vous entendez ce que vous dites, mais l’intérim n’est pas une machine à produire des accidents du travail ! Des secteurs ont des besoins ponctuels qu’il faut couvrir et le droit du travail protège heureusement les intérimaires.
Sur le fond, je vous informe que le décret du 5 juillet 2024 a justement révisé l’imputation des cotisations entre l’entreprise de travail temporaire et la société utilisatrice. Il est vrai qu’auparavant, il n’était tenu compte de l’intérim qu’en cas d’incapacité permanente de plus de 10 % ou de décès. Les cotisations sont désormais partagées en deux fractions de 50 %, voire à deux tiers pour l’un et un tiers pour l’autre. C’est une évolution majeure qui satisfait votre demande. Le décret produira ses effets à partir de l’an prochain.
Dans cette attente, je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il est clair que l’intérim accroît les risques professionnels. La personne qui arrive dans l’entreprise ne connaît pas bien le travail, le fonctionnement, les procédures et n’est pas formée aux gestes protecteurs. Il faut donc trouver les moyens de limiter le recours abusif à cette forme d’emploi, tant d’un point de vue légal que d’organisation du travail. Dans de nombreuses branches, l’intérim s’est énormément développé au détriment de l’emploi stable, ce qui a précarisé beaucoup de travailleurs. Il serait donc de bon sens d’augmenter les cotisations AT-MP.
M. Éric Michoux (UDR). Je trouve votre approche très diffamante vis-à-vis des travailleurs concernés. De nombreuses personnes font le choix de travailler de cette manière : ayez du respect pour elles et leur décision ! L’intérim n’est pas péjoratif.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Certains salariés font effectivement ce choix, tout comme certaines entreprises. Pour autant, tous les rapports sur la santé et la sécurité au travail, notamment ceux de la médecine du travail, que je vous invite à consulter, considèrent l’intérim comme un facteur de risque. Le Duerp, notamment, doit faire état du niveau de recours au travail temporaire. Le tout est d’avoir conscience des risques et de compenser la surexposition aux accidents et maladies professionnels par des cotisations accrues.
La commission rejette l’amendement.
Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur le président, si nous voulons achever l’examen du texte d’ici à la fin de la semaine, je plaide pour une réduction du nombre d’interventions.
M. le président Frédéric Valletoux. J’ai effectivement proposé de passer à un orateur par groupe et par amendement. Si cela ne suffit pas, je ne donnerai plus la parole qu’à un orateur pour et un orateur contre chaque amendement.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Dans ce cas, peut-être pourrions-nous porter la durée maximale des interventions à deux minutes ?
M. le président Frédéric Valletoux. Non, mais la règle d’un orateur par groupe ne concernera pas le député présentant l’amendement. Un de ses collègues pourra aussi intervenir pendant la discussion.
Amendement AS911 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Plus accidentogène que l’intérim, il y a la sous‑traitance, dont le développement ne s’arrête plus. Bien sûr, il faudrait légiférer de manière globale pour réduire ce phénomène – les syndicats ont d’ailleurs un très bon slogan : « la sous-traitance, c’est de la maltraitance ». Dans cette attente, il convient de ne pas déresponsabiliser les donneurs d’ordre, qui doivent prévenir les accidents du travail au sein des sociétés qu’ils mandatent. Aussi proposons-nous d’accroître leurs cotisations AT-MP quand le taux de sinistralité de leurs sous-traitants dépasse un certain niveau déterminé par décret.
La France est le seul pays d’Europe où le nombre de morts au travail augmente. À cet égard, le taux d’accident reconnu par la Caisse nationale de l’assurance maladie est deux fois plus important quand la part de la sous-traitance est comprise entre 10 % et 50 % que lorsque le travail est directement accompli par l’entreprise, ce qui établit bien une corrélation avec les accidents, les maladies et les morts au travail.
M. le rapporteur général. Je ne peux pas laisser dire que la sous-traitance, c’est toujours de la maltraitance. Les marchés publics demandent parfois des réponses groupées incluant des sous-traitants ; ces derniers, qui peuvent être des très petites entreprises (TPE), disposent souvent d’une expertise particulière.
Par ailleurs, le code du travail n’est pas muet sur cette question. Il prévoit que le responsable de l’entreprise utilisatrice doit assurer la coordination générale des mesures de prévention des risques professionnels, qu’elles soient prises par ses soins ou par les sociétés extérieures intervenant dans son établissement. En cas de risque spécifique lié à la présence, sur un même site, de salariés de différentes entreprises, ces dernières doivent établir un programme de prévention. Dans ce cadre, les caisses d’assurance retraite et de santé au travail peuvent, notamment en cas de risques liés aux interférences induites par la sous‑traitance, enjoindre à l’entreprise utilisatrice de prendre des mesures de prévention et, en cas d’inobservation des mesures prescrites, lui imposer le paiement de cotisations supplémentaires.
L’amendement étant satisfait, je lui donne un avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les éléments que vous venez d’énoncer confirment la possibilité de responsabiliser davantage et d’augmenter les cotisations AT‑MP des entreprises recourant à des sous-traitants, dès lors que ces derniers dépassent un certain seuil de sinistralité. Rappelez-vous la mort de Moussa Sylla, en 2022, à l’Assemblée nationale : il était employé par une entreprise de sous-traitance. Considérez aussi l’actualité sociale et la souffrance au travail qui existe dans ces sociétés, que ce soit dans l’hôtellerie, la sécurité, le bâtiment, la santé ou le nettoyage. Dans tous ces secteurs, l’accidentologie est plus importante.
Pourquoi, d’ailleurs, assiste-t-on au développement de la sous-traitance ? Parce que cela coûte moins cher. En conséquence, les travailleurs sont davantage exposés aux risques, et on n’agit pas sur la prévention. Pour dissuader ce mépris social, il faut augmenter les cotisations.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Vous dites, monsieur le rapporteur général, qu’il est inutile d’augmenter les cotisations car le droit du travail prévoit déjà des règles. Mais il n’y a pas de droit sans force de droit. À cet égard, l’Organisation internationale du travail recommande le ratio d’un agent de contrôle pour 10 000 salariés. En France, en tenant compte des postes vacants, on ne compte qu’un agent pour 13 200 travailleurs. L’augmentation des cotisations permettrait de résoudre ce problème.
J’en profite pour revenir sur l’intérim. Dans le bâtiment et les travaux publics, ce type d’emploi concerne 12 % des effectifs mais 28 % des accidents, et dans la logistique, 10 % des effectifs et également 28 % des accidents. Je maintiens donc qu’il s’agit d’une machine à fabriquer des accidents du travail. Les chiffres sont têtus !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS610 de Mme Élise Leboucher
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Comme les précédents, cet amendement vise à dénoncer une injustice. Que des exonérations de cotisations sociales soient accordées à des secteurs en difficulté ou stratégiques, nous pouvons le comprendre, mais il y a des cas pour lesquels ce n’est pas normal. Le rapport de la commission d’enquête de notre collègue sénateur Fabien Gay sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises l’a montré : 210 milliards d’euros sont octroyés aux entreprises sans contrepartie, et sans d’ailleurs qu’on sache exactement où va cet argent.
Le livre Le Grand Détournement évoque également jusqu’à 270 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises sans contrepartie, une bonne partie de ce total allant à des sociétés qui n’en ont pas besoin. Par exemple, les auteurs indiquent que LVMH, qui a réalisé 15 milliards d’euros de bénéfices en un an, a touché 275 millions d’argent public, dont 193 millions en exonérations de cotisations sociales. Cela signifie que, par leurs impôts, les Français ont compensé 5 000 euros de cotisations sociales par salarié de l’entreprise. En quoi est-ce justifié ?
Le plus dingue, c’est que, dans le même temps, les personnes doivent prouver par des centaines de papiers qu’elles méritent bien de toucher quelques dizaines ou centaines d’euros de revenu de solidarité active (RSA) ou d’allocations chômage, alors qu’il ne s’agit pour elles que d’un filet de sécurité pour éviter de tomber dans l’extrême pauvreté. Les millions touchés par des entreprises qui réalisent déjà des milliards de bénéfices, eux, n’ont pas besoin d’être justifiés – c’est open bar !
M. le rapporteur général. Vous évoquez LVMH et les très grandes entreprises, mais l’amendement porte en réalité sur la réduction proportionnelle de cotisations d’assurance maladie dont bénéficient les travailleurs indépendants – réduction qui, d’ailleurs, tient déjà compte de leurs revenus professionnels.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS439 de M. Hadrien Clouet
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Il est temps d’agir en faveur de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et de sévir, car notre commission ne peut se satisfaire d’un écart de 22 % à compétences et temps de travail égaux. Aussi proposons-nous par cet amendement d’augmenter les pénalités financières pour les entreprises qui ne respectent pas l’obligation d’égalité salariale, pourtant prévue par le code du travail. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permettrait d’abonder de 8 milliards d’euros les caisses du système de retraite, actuellement déficitaire. Au lieu de vouloir réarmer nos utérus, payez-nous !
M. le rapporteur général. Si l’objectif d’égalité salariale nous rassemble, l’outil proposé ici ne me semble pas le bon. Le code du travail prévoit déjà des obligations en la matière, même s’il convient de mieux les faire respecter. En effet, les obligations des entreprises ont été renforcées ces dernières années, autour de l’index de l’égalité professionnelle. Des sanctions administratives peuvent ainsi être infligées aux sociétés qui n’agissent pas pour corriger les différences de rémunération. La pénalité financière peut atteindre 1 % de la masse salariale annuelle de l’entreprise, soit une somme potentiellement très élevée, et une seconde sanction peut être prise en cas de défaillance persistante. Il ne me semble pas opportun d’y ajouter une majoration des cotisations.
Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il existe effectivement plusieurs mécanismes favorisant l’égalité salariale, mais au rythme où nous allons, celle-ci ne sera atteinte que dans 400 ans ! Nous savons que de simples incitations ne suffisent pas ; il est temps de prendre des mesures drastiques.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je confirme que la réduction des inégalités salariales ne se produit pas à une vitesse satisfaisante. À cet égard, je rappelle que le différentiel est essentiellement dû au temps partiel subi. Notre groupe votera cet amendement, mais je vous propose de le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance afin d’inclure cet aspect.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS435 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Comme précédemment, nous cherchons par cet amendement à nous saisir des outils sociaux et fiscaux dont nous disposons pour orienter l’activité des entreprises. En l’occurrence, nous proposons l’établissement d’un bonus-malus relatif aux écarts de rémunération au sein d’une même entreprise. En effet, dépasser le ratio de 1 à 20 prôné par la Confédération européenne des syndicats – l’organisation commune à l’ensemble des syndicats de travailleuses et de travailleurs – est un problème. Le cas échéant, les salariés en bas de la pyramide ne bénéficient pas des revenus gaspillés pour accroître la rémunération de ceux qui se situent en haut. De plus, une telle situation vient casser le caractère collectif de l’entreprise : alors que les gens sont censés avoir envie d’aller bosser et de faire de leur mieux, ils voient certains tirer un bien plus grand profit de la réussite de la société. Dès lors qu’une entreprise est performante grâce au travail de ses ouvriers, techniciens, employés, salariés et ingénieurs, ces derniers doivent en profiter.
M. le rapporteur général. La pénalité que vous proposez prendrait la forme d’une majoration du taux de cotisations vieillesse. Or ces dernières, qui constituent des droits à prestation, ne devraient pas être assimilées à une sanction administrative.
Cet amendement m’étonne aussi sur le fond, car vous semblez négliger le fait que des prélèvements obligatoires ont lieu sur les rémunérations très élevées, de sorte qu’employeur et salariés contribuent au financement de la protection sociale. Au fond, votre proposition inciterait les entreprises à recourir à des modes de rémunération alternatifs, ce qui n’est certainement pas ce que vous souhaitez, si j’en crois vos discours habituels sur les compléments de salaires. De même, les sociétés seraient encouragées à ne pas distribuer une partie de leurs bénéfices sous la forme d’augmentations de salaire, en privilégiant, là encore, d’autres moyens.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
M. Olivier Fayssat (UDR). Cette volonté systématique de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, au capital et au patrimoine est assez terrifiante !
Cela étant, je suis prêt à soutenir cette proposition de La France insoumise si elle s’applique au Paris Saint-Germain (PSG). Imposer un ratio de 1 à 20 entre le salaire des stadiers et celui des joueurs serait une mesure très populaire à Marseille...
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Épargnons-nous le jeu de ping-pong consistant à nous reprocher de ne pas parler de fiscalité quand nous faisons une proposition sur les cotisations, et inversement. Nous n’y pouvons rien s’il y a deux textes différents ! Si cela ne tenait qu’à nous, il n’y aurait pas de PLFSS...
Quoi qu’il en soit, il est normal que des pénalités prennent la forme d’une hausse des cotisations vieillesse, car au-delà de 4 000 euros de salaire, on cesse pratiquement de cotiser au régime de retraite. Ainsi, une entreprise où les écarts de salaire vont de 1 à 20 est une entreprise où le sommet de la pyramide cesse de cotiser. Je rappelle à cet égard que les cotisations vieillesse représentent 10,5 % pour un salarié au Smic, contre 8 % pour un salarié gagnant 3 Smic. Mon amendement vise à mettre un terme à ce mécanisme dégressif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS637 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La prime de partage de la valeur (PPV), créée sous Emmanuel Macron, n’est pas soumise aux contributions. C’était d’ailleurs le but : les employeurs pouvaient ainsi verser des rémunérations autrement que sous la forme d’un salaire. Le groupe LFI est opposé à cette idée de désocialiser les rémunérations, c’est-à-dire de pouvoir payer quelqu’un par une prime et non par un salaire, car ce fonctionnement met en concurrence l’ensemble des membres d’un collectif de travail et permet aux employeurs de ne pas cotiser à la sécurité sociale. Pour dire les choses autrement, c’est le salarié lui-même qui paie sa prime en se voyant privé d’une retraite qu’il ne touchera pas. C’est un problème de reporter sur la collectivité des frais non acquittés par les employeurs, alors que l’institution du salariat vise justement à collectiviser le prix de la force de travail. Nous ne proposons pas l’interdiction des primes mais, en toute cohérence, leur soumission à des cotisations sociales.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas certain que votre proposition soit très populaire auprès des 5,9 millions de salariés qui ont bénéficié de la PPV en 2023, pour un montant moyen de 885 euros. Je rappelle que près du quart des montants de prime ont été versés par des entreprises de moins de dix salariés. Le montant de la prime est d’ailleurs généralement plus élevé dans les petites entreprises : il s’élève en moyenne à 1 141 euros dans les entreprises de moins de dix salariés, contre 855 euros dans celles de 2 000 salariés ou plus.
Du reste, contrairement à ce que vous laissez entendre, cette prime participe déjà au financement de la protection sociale. Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, elle est, certes, exonérée de cotisations sociales, mais elle est assujettie à la CSG, à la CRDS et au forfait social dans les mêmes conditions que l’intéressement. En outre, depuis la dernière loi de financement de la sécurité sociale, les sommes versées au titre de la PPV sont prises en compte dans le calcul des allégements généraux.
Pour que les entreprises augmentent davantage les salaires de base plutôt que de recourir aux dispositifs de partage de la valeur, il nous faut baisser les prélèvements sur les revenus du travail de manière à accroître la rémunération nette et à réduire le coût des augmentations de salaire pour l’employeur. Mais nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, nous cherchons à aboutir à un budget de la sécurité sociale susceptible d’être adopté. Ce n’est guère propice aux révolutions que vous appelez de vos vœux.
Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement remet en cause le principe même de la PPV, selon lequel le salarié doit percevoir l’intégralité de la somme versée par l’employeur. Je ne suis pas certaine que cela ravisse les salariés dont le pouvoir d’achat a bénéficié de ce petit plus.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). D’abord, je me réjouis que M. Bazin attende la révolution.
Madame Vidal, la PPV se traduit aussi par des petits moins pour les salariés, qui vont payer leurs médicaments plus cher, voir leurs pensions de retraite baisser ou leurs indemnités journalières supprimées parce qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de la sécurité sociale. Cette prime a coûté 1 milliard d’euros à la seule Caisse nationale d’assurance vieillesse. Puisque vous n’allez pas chercher ce milliard ailleurs, il faut arrêter les frais.
Monsieur le rapporteur général, la retraite à 64 ans ou les franchises médicales, que vous imposez parce que vous avez vidé les caisses, ne sont pas populaires non plus. Les salariés qui perçoivent une prime de 800 euros sont-ils d’accord pour que leur employeur verse 10 euros aux caisses de sécurité sociale ? Oui !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS158 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous proposons d’appliquer le forfait social à la PPV lorsque celle-ci est versée à des salariés dont la rémunération est supérieure à 3 Smic. Pour une partie des 5,9 millions de bénéficiaires de la PPV, dont le montant moyen est d’un peu moins de 900 euros, si j’en crois les derniers chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, cette prime représente en effet une forme de salaire déguisé. Je serais curieux, monsieur le rapporteur général, de connaître votre avis sur cette piste – vous noterez bien que je parle du forfait social et non des cotisations patronales classiques.
M. le rapporteur général. En fait, vous ciblez les entreprises de moins de 250 salariés puisque, dans les autres, la PPV est déjà soumise au forfait social de 20 %. Or il se trouve que celle-ci est versée, pour l’essentiel, dans ces petites entreprises. Faut-il étendre l’application du forfait social aux primes versées dans les TPE ou petites et moyennes entreprises ? Ce n’est pas ma pente naturelle – mais ce n’est pas à moi de faire des concessions...
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS650 de Mme Élise Leboucher
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons que la PPV, dite « prime Macron », ne soit exonérée de cotisations que dans les entreprises qui n’ont pas de filiales dans les paradis fiscaux. Il n’est pas question de faire des cadeaux, fiscaux ou sociaux, à des sociétés qui fraudent le fisc français telles que McKinsey, McDonald’s, qui a privé les caisses de l’État de 737 millions d’euros, ou General Electric, pour qui ce chiffre atteint 800 millions. Cela n’a pas dérangé General Electric de faire d’assez vastes plans de licenciement, puisque 740 postes ont été supprimés en Europe, dont 360 en Loire-Atlantique, pour des raisons purement économiques. Or, avec l’argent que l’entreprise aurait dû verser à l’État, nous aurions pu entrer dans le capital de la filiale et sauver ces emplois...
M. le rapporteur général. Vous proposez de conditionner l’exonération de cotisations sociales dont bénéficie la PPV au fait que l’entreprise ne possède aucune filiale dans un État dont le taux d’impôt sur les sociétés est inférieur de 40 % à celui qui est applicable en France. Or les États qui se trouvent dans cette situation sont assez nombreux...
Nous devons lutter contre l’évasion et la suroptimisation fiscales, mais je ne suis pas certain que l’exemption de l’assiette des cotisations sociales dont fait l’objet la PPV soit le levier le plus adéquat. En effet, je doute que les montants dont il est question aient une influence déterminante sur les décisions d’investissement des entreprises multinationales. L’harmonisation des taux d’impôt sur les sociétés à l’échelle mondiale me paraît une piste bien plus prometteuse.
Enfin, votre amendement ne me paraît guère opérationnel, car il faudrait que l’Urssaf connaisse la liste et l’activité de l’ensemble des filiales de chaque entreprise à l’échelle mondiale pour déterminer le régime social applicable.
Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS154 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement a trait à la prime de partage de la valorisation de l’entreprise, créée par la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Cette prime peut être versée aux salariés d’une entreprise dont la valeur a augmenté sur une période de trois ans. Par cet amendement, nous proposons que, lorsque cette prime – déjà soumise à la CSG, à la CRDS et à une contribution spécifique de 30 % – est versée à des salariés dont la rémunération est supérieure à 3 Smic, le plafond d’exemption de cotisations sociales dont elle bénéficie soit abaissé à 6 000 euros.
M. le rapporteur général. Je crains que votre amendement ne pénalise un dispositif vertueux et intéressant. Tout le monde préfère une augmentation de salaire à une prime, mais une entreprise est soumise aux cycles économiques et ne peut être assurée que sa croissance se poursuivra au même rythme ; elle ne peut donc pas toujours s’engager dans la durée en augmentant les salaires.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, d’avoir lu aussi attentivement les exposés sommaires de nos amendements. Depuis deux jours, nous essayons de dégager des recettes afin de réduire le déficit de la sécurité sociale sans faire subir à nos concitoyens les mesures qui composent le musée des horreurs qu’est le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 – année blanche, gel du barème de la CSG, doublement des franchises médicales, objectif national de dépenses d’assurance maladie insuffisant... J’ai l’impression que la suppression de nombre de ces mesures fait consensus, mais nous devons être conséquents et prévoir, en contrepartie, des recettes justes ; tel est précisément l’objet de nos amendements. Je regrette donc que nos propositions soient écartées, car sans recettes supplémentaires, le solde de la sécurité sociale sera dégradé, ce que personne ne souhaite.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Si vous préférez dégager des recettes supplémentaires en rognant les minuscules avantages dont bénéficient les salariés les moins bien payés – chèques-vacances, titres-restaurant... – plutôt qu’en prélevant quelques euros par mois sur les primes attribuées à ceux qui perçoivent des rémunérations supérieures à 3 Smic, alors je ne comprends pas à quoi servent nos discussions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1686 de M. Max Mathiasin
M. Max Mathiasin (LIOT). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant de connaître enfin toute la vérité sur les dysfonctionnements du Régime social des indépendants (RSI) et de son système national de la gestion des comptes cotisants SNV2 – des dysfonctionnements qui perdurent même après la suppression du RSI et le transfert de la protection sociale des indépendants au régime général par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Ce problème dramatique empoisonne la vie des indépendants, notamment dans les territoires d’outre-mer, puisque des montants continuent de leur être réclamés, sans aucune justification, au titre du RSI et du régime actuellement en vigueur. Il paraît par ailleurs nécessaire, dans un souci de respect de la légalité, d’analyser la solidité juridique de la personnalité morale du RSI et des différentes caisses de l’Urssaf.
Il convient d’apporter des solutions aux indépendants qui, depuis près de vingt ans, subissent dysfonctionnements et demandes de remboursement de créances insincères et se retrouvent dans une situation financière critique, voire désespérée.
M. le rapporteur général. Je salue votre persévérance, car c’est un combat que vous menez de longue date.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 avait prévu la remise d’un rapport « évaluant notamment les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants pour rembourser leurs dettes envers l’ancien régime social des indépendants en outre-mer, en particulier à La Réunion, ainsi que les pistes de solutions permettant un règlement amiable de cette situation ». Cette demande de rapport n’a, semble-t-il, pas été suivie d’effet. Je ne pense pas non plus que vous ayez reçu de réponse à la question écrite que vous avez posée le 5 août dernier.
Je demanderai, d’ici à la séance publique, des précisions au Gouvernement sur ce point. En attendant, je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer, le cas échéant, en séance publique, afin d’avoir un échange avec le Gouvernement à ce sujet.
L’amendement est retiré.
Amendement AS513 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Nous demandons un rapport mesurant l’effet des exonérations de cotisations et la réalité de leur compensation par la TVA.
En 2024, la Cour des comptes avait évalué le coût total de ces exonérations à 77,3 milliards d’euros – un niveau record –, en précisant que la dégradation du solde était surtout due au ralentissement des recettes, la TVA ne suivant plus la même dynamique que celle des cotisations sociales. Autrement dit, la compensation n’est pas intégrale. Le Haut Conseil des finances publiques dit exactement la même chose.
Nous manquons de données claires pour évaluer nos trajectoires financières. Faisons donc simple : il nous faut un rapport pour mesurer le coût caché des exonérations et garantir la sincérité de nos comptes sociaux.
M. le rapporteur général. Votre préoccupation est légitime, mais nous disposerons bientôt d’une documentation importante sur cette question. Outre les annexes 1 et 2 du Placss et l’annexe 4 du PLFSS, la Cour des comptes s’est intéressée à cette question dans son dernier Ralfss, et le Conseil des prélèvements obligatoires, saisi par notre commission, devrait publier dans les prochains jours une note sur l’évolution de l’assiette de la CSG et des cotisations sociales.
S’agissant de la compensation des exonérations de cotisations, j’ai moi-même formulé un certain nombre de propositions que nous évoquerons sans doute lorsque nous examinerons les amendements portant article additionnel l’article 12.
Le rapport que vous demandez ne me paraît donc plus utile. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Article 9 : Rationalisation d’exonérations spécifiques
Amendements de suppression AS776 de M. Gaëtan Dussausaye et AS1364 de M. Éric Ciotti
M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’article 9 présente aux Français la facture de l’accord conclu entre les macronistes et le parti socialiste, et elle est salée ! Il s’agit en effet de trouver de nouvelles recettes en augmentant les cotisations et prélèvements sur les apprentis, l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise (Acre) et les activités économiques en outre-mer. Si le Rassemblement national est très attaché, sinon à une suspension, du moins à un léger report de la réforme des retraites, celui-ci ne doit pas se faire au détriment des apprentis, de nos compatriotes ultramarins et de ceux qui veulent investir et entreprendre. Je vous supplie donc de mettre un terme à ce musée des horreurs antisociales en votant pour ces amendements de suppression.
M. Éric Michoux (UDR). Je défends l’amendement AS1364. Alors que l’on s’efforce, depuis des années, d’inciter les entreprises à embaucher des jeunes, on nous propose maintenant de revenir sur l’exonération de cotisations sociales pour les apprentis. Il est déjà très difficile, pour les entreprises, d’accueillir des apprentis, car ces derniers sont soumis à des règles de sécurité spécifiques... Si l’on voulait envoyer un message très négatif aux entrepreneurs et aux apprentis, voilà qui est fait !
M. le rapporteur général. Comme l’article 8, l’article 9 comporte des mesures ayant trait à des dispositifs d’exonération de cotisations sociales très différents – mesures qui, je le précise, avaient été déjà annoncées par le gouvernement de François Bayrou. On ne saurait donc les présenter comme la facture de la décision prise par Sébastien Lecornu de décaler l’application de la réforme des retraites. Cela ne signifie pas pour autant que cet article ne doit pas être amendé – j’y reviendrai.
Monsieur Michoux, nos votes démontrent que le budget qui nous a été soumis n’est ni celui de la commission ni celui de l’un des groupes parlementaires ; nous souhaitons tous l’améliorer.
Je suis le premier à défendre l’apprentissage, mais force est de constater que le dispositif actuel est source d’injustices. Premièrement, à rémunérations brutes et postes identiques, l’apprenti perçoit un salaire net plus important que celui d’un non‑apprenti. Deuxièmement, il acquiert des droits à la retraite sans cotiser à cet effet. Enfin, si, après trois ans d’apprentissage, il est embauché par l’entreprise, son salaire net va baisser. Il arrive alors que, mécontent, il quitte l’entreprise. Dans ce cas, il perçoit des allocations chômage sans avoir cotisé. Je vous invite donc à examiner très attentivement l’article 9, car il tend à corriger ces injustices.
Faut-il réformer les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs d’outre-mer, dites « exonérations Lodeom », du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ? Oui. La solution proposée dans le texte est-elle satisfaisante ? Je ne crois pas. Non seulement la situation varie d’un territoire à l’autre, mais le dispositif est éminemment complexe, au point que certains employeurs se trompent – certains de bonne foi, d’autres de mauvaise foi. Il faut donc simplifier le dispositif en veillant à ne pas être injuste avec les premiers. En outre, la pente est très forte : une augmentation des salaires entraîne une hausse très importante des cotisations. C’est donc un obstacle à l’augmentation des salaires qu’une majorité d’entre nous souhaite. C’est pourquoi je vous proposerai de corriger cette pente.
Quant à l’Acre, elle a été conçue pour les demandeurs d’emploi. Or le dispositif s’est éloigné de cette cible, si bien qu’il est nécessaire d’apporter des corrections. J’estime notamment que les créateurs d’entreprise en zone France ruralités revitalisation (FRR) doivent être soumis au même régime que ceux implantés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
Enfin, le changement concernant les jeunes entreprises innovantes est de portée limitée puisque l’article 9 tend à réserver le bénéfice des exonérations à celles dont les dépenses en recherche et développement représentent 25 % des charges – contre 20 % actuellement.
Vous l’aurez compris, ces différents dispositifs méritent d’être examinés de manière distincte. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements de suppression.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). En ce qui concerne les apprentis, les macronistes vont devoir choisir. Soit on ne les considère pas comme des travailleurs, et on les sort des statistiques du chômage ; soit on les considère comme des travailleurs, et on les paie comme tels. En tout cas, rien ne justifie que l’on fasse des économies sur leur dos. L’an dernier, vous les avez privés, par 49.3, de 50 à 70 euros ; cette année, vous voulez leur faire payer 188 euros supplémentaires chaque mois. Ces jeunes travaillent 35 heures par semaine pour 800 euros par mois. Ils ne peuvent pas payer ces sommes ni se permettre de faire grève pour s’y opposer. Vous vous en prenez aux plus faibles, parce que vous refusez de faire payer les plus forts. Ne serait-ce que pour cette raison, le Gouvernement doit tomber !
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous votons chaque année des mesures qui ne sont jamais évaluées. Or, pour une fois, ces quatre dispositifs ont été évalués par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales, qui les ont jugés peu efficaces. Nous devons les remettre en question.
M. Thomas Ménagé (RN). Je remarque que seuls le RN et l’UDR s’intéressent au sort des apprentis, puisqu’ils ont déposé des amendements de suppression. L’Association nationale des apprentis de France estime que la mesure représentera une perte de salaire de 100 à 188 euros par mois – ce n’est pas vous qui l’avez chiffré, monsieur Boyard –, ce qui appauvrira davantage les jeunes. (M. Louis Boyard s’exclame.)
Monsieur Boyard, nous ne sommes ni dans une manifestation, ni à Tolbiac. Respectons-nous et parlons calmement ! Souffrez en silence que l’on ne soit pas d’accord avec vous, d’autant que vous participerez à cet appauvrissement en votant contre les amendements du Rassemblement national.
J’entends les arguments du rapporteur général concernant les effets de bord et le fait que certains groupes ont abusé de ces avantages, mais la suppression du dispositif aura pour seul résultat d’appauvrir les jeunes sans améliorer leur taux d’emploi, ce qui dégradera plus encore l’état du système par répartition. Les jeunes entrent déjà tard sur le marché du travail. Nous préférons les faire travailler deux ans de plus quand ils sont jeunes plutôt qu’en fin de carrière, quand ils seront fatigués.
M. Max Mathiasin (LIOT). Connaissez-vous le Lodeom, monsieur le rapporteur général ? C’est un dispositif fiscal et social spécifique aux outre-mer, où le taux de chômage se situe structurellement entre 20 et 25 % – il est même d’environ 40 % chez les jeunes. Ce régime spécifique est destiné à aider l’investissement et à soutenir l’emploi. La proposition du Gouvernement reviendrait à amputer de 350 millions d’euros par an le régime des allégements de cotisations outre-mer, en l’absence totale d’évaluation et surtout de concertation avec le monde économique et les élus ultramarins. C’est d’autant plus dramatique que des projets ont été lancés sur la base de ce qui était promis. Nous demandons donc la modification ou la suppression de l’article 9.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Je remercie M. le rapporteur général pour ses explications bienvenues. Il est bon d’évaluer chaque dispositif. On entend tout et n’importe quoi sur les apprentis. Il ne s’agit pas de mettre un coup d’arrêt au système de l’apprentissage, mais de rétablir la justice, à salaire brut égal, entre les salariés de droit commun et les apprentis, lesquels sont actuellement exonérés de cotisations sociales.
M. Didier Le Gac (EPR). Je suis ravi d’entendre louer l’apprentissage sur tous les bancs mais, en la matière, la majorité n’a de leçon à recevoir de personne. Il n’y avait que 300 000 apprentis en 2017 ; huit ans plus tard, il y en a un peu plus d’un million, comme en Allemagne et dans d’autres pays. C’est une fierté pour nous d’avoir réussi à changer l’image de l’apprentissage, qui constitue un véritable ascenseur social.
La suppression de l’exonération des charges salariales rapporterait 1,2 milliard d’euros en 2027. Ce n’est pas neutre. Je rappelle que les apprentis continueront de bénéficier d’un régime dérogatoire au droit commun en restant exonérés de la CSG, de la CRDS et de l’impôt sur le revenu. Je précise également qu’aucun apprenti actuel ne verra son salaire baisser, puisque la disposition ne s’appliquera qu’aux nouveaux apprentis.
M. Éric Michoux (UDR). Nous entendons des propos contradictoires au sein du même camp. Pour ma part, je pense que nous entrons dans l’antichambre de la fin de l’apprentissage. Depuis des années, le monde de l’entreprise travaille beaucoup pour intégrer les apprentis, et des aides lui ont été apportées en ce sens. M. le rapporteur général parle d’une injustice entre des salariés qui seraient payés plus ou moins cher pour le même travail, mais dans 90 % des cas, un apprenti ne fait pas le même travail qu’un ouvrier ou un collaborateur. Un apprenti boulanger ne travaille pas la nuit ; son travail ne peut pas faire concurrence à celui d’un boulanger. Un apprenti ne peut pas utiliser les outils coupants ; il ne fait pas le même métier sur les machines à commande numérique ou d’usinage. L’idée selon laquelle l’apprenti ferait à bas coût le travail que les autres ne veulent pas faire est rétrograde et dévalorisante pour l’apprentissage. Vous portez une lourde responsabilité en ne maintenant pas cette disposition.
M. Elie Califer (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous avez fait une analyse complète de l’article 9. Nous la partageons. Ce que nous disons, c’est que les outre-mer ne peuvent pas payer à eux seuls le triple de ce que coûtera le report de la réforme des retraites – 350 millions contre 100 millions d’euros. Il y a là quelque chose de scandaleux. Nous rencontrerons demain Mme de Montchalin et Mme Moutchou pour faire le point sur le sujet. En attendant, nous vous demandons de renoncer à ce coup de hache, en déposant des amendements au besoin. Les outre-mer ne sauraient payer une si lourde facture.
M. le rapporteur général. J’ai bien entendu votre alerte sur le dispositif Lodeom. Je fais partie de ceux qui, l’année dernière, ont voté contre l’article qui le réformait. Pour tenir la trajectoire tout en prenant en compte vos préoccupations légitimes, je proposerai par amendement de réduire de moitié l’effort de 350 millions d’euros. C’est une position de compromis, que vous serez libres de repousser. Je ferai néanmoins remarquer que, sur ces 350 millions, il fait prendre en compte l’effet de l’impôt sur les sociétés à 20 %.
Monsieur Michoux, ce n’est pas l’antichambre de la fin de l’apprentissage. Le projet de loi de finances a reconduit l’aide à l’embauche pour les entreprises, et les apprentis bénéficieront toujours d’une exonération d’impôt sur le revenu, ainsi que d’une exonération de CSG et de CRDS sur la fraction de leur rémunération inférieure à 50 % du Smic. On ne change qu’un élément – celui qui crée des droits contributifs, soit dit en passant.
Je rappelle, à titre de comparaison, que les stagiaires paient la CSG et des cotisations sur la fraction de leur gratification qui dépasse 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale, c’est-à-dire à partir de 4,50 euros de rémunération horaire, et que les salariés, quel que soit leur âge, y sont assujettis dès le premier euro. Concrètement, un ouvrier agricole de 18 ans paie les cotisations salariales et la CSG dès le premier euro, ce qui n’est pas le cas d’un apprenti de l’enseignement supérieur. J’irai même plus loin : le dispositif est tellement ciblé qu’à rémunération brute identique, l’apprenti continuera de gagner plus.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS1260 de Mme Sandrine Rousseau et AS1157 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement propose le rétablissement de l’exonération pour l’Acre. La plupart des autoentrepreneurs qui en bénéficient sont des gens qui essaient, par la débrouille, de créer leur propre activité économique ; une partie d’entre eux voient leurs droits au chômage arriver à leur fin. Je n’ai pas l’habitude de proposer des exonérations, mais il faut protéger ces personnes qui cotisent pour leurs droits sociaux et que la suppression de l’exonération mettrait en danger.
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS1157 vise également à maintenir l’exonération de cotisations sociales. Ce dispositif d’encouragement à l’entrepreneuriat est créateur de richesse économique et d’innovation. Sa suppression enverrait un signal de désincitation qui serait coûteux à long terme pour l’économie française. Il faut au contraire augmenter le taux d’emploi. Si nous avions le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous aurions 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et 5 milliards de dépenses en moins.
Plusieurs amendements à venir proposent de recentrer l’Acre sur des zones prioritaires comme les QPV et les zones FRR. Il est important de mettre le sujet sur la table. Tout ce qui facilite la reprise d’emploi et l’insertion par le travail doit être défendu.
M. le rapporteur général. Je veux rappeler brièvement l’histoire de cette exonération. Elle a été créée dans les années 1970 sous l’appellation d’aide aux chômeurs et visait à soutenir les demandeurs d’emploi qui lançaient une activité d’entrepreneur, soit en créant une entreprise, soit en en reprenant une. Au cours des décennies suivantes, son champ d’application a été progressivement étendu à d’autres publics prioritaires, comme les bénéficiaires du RSA et les jeunes de moins de 26 ans. Finalement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a supprimé les restrictions tenant à la situation sociale ou professionnelle des bénéficiaires.
Ce que propose l’article 9, c’est un retour à l’essence du dispositif initial, à savoir aider les demandeurs d’emploi à créer ou à reprendre une entreprise sous certaines conditions. L’économie ainsi réalisée s’élèverait à 100 millions d’euros la première année et à 160 millions l’année suivante. Ce n’est pas neutre. J’ajoute qu’il existe d’autres dispositifs d’aide à la création et à la reprise d’entreprises, parmi lesquels une exonération générale inspirée des allégements généraux de cotisations patronales.
Plutôt que de supprimer cette partie de l’article, je propose d’en ajuster le champ. Les personnes qui continueront à bénéficier du dispositif seront les demandeurs d’emploi indemnisés, les demandeurs d’emploi non indemnisés inscrits à France Travail durant six mois au cours des dix-huit derniers mois, les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique ou du RSA, les personnes âgées de 18 à 26 ans – les jeunes peuvent donc en bénéficier, madame Gruet – et les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise implantée au sein d’un QPV. Par symétrie, je défendrai un amendement AS1739 visant à ajouter à cette liste les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise implantée au sein d’une zone FRR. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du mien.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Pour une fois, je suis attaché à l’universalité des aides, surtout lorsqu’elles permettent de lancer une activité entrepreneuriale. Cette évolution ne me dérange pas.
Même si vous avez raison de dire que le projet de budget Lecornu est identique à celui de François Bayrou, il y a eu, entre-temps, une lettre rectificative, par laquelle le Gouvernement aurait pu revenir non seulement sur la réforme des retraites, mais aussi sur ces arbitrages. Il a décidé de les maintenir : c’est donc bien une facture qu’il présente aujourd’hui aux Français.
À défaut d’avoir réussi à supprimer l’article 8, nous l’avons vidé de sa substance. Nous ferons la même chose à l’article 9 ; c’est pourquoi nous soutiendrons le très bon amendement de Mme Rousseau.
M. Philippe Vigier (Dem). J’appelle à la prudence sur la Lodeom. J’ai connu, à Bercy, la volonté de taper sur certains dispositifs sans étude d’impact précise. Je ne dis pas que tout est nickel – j’ai même corrigé certains d’entre eux, en lien avec les parlementaires –, mais on ne peut pas faire n’importe quoi dans les outre-mer, où le taux de chômage est quatre fois plus élevé.
J’ajoute que l’on ne parle jamais des aides apportées par les collectivités locales à la création d’entreprise et au retour à l’emploi, alors que nous les pratiquons au quotidien dans ma région. Pour reprendre la formule employée par Thibault Bazin, il faut resserrer le dispositif existant et le rendre plus efficace par une meilleure articulation avec les autres aides.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je lis dans l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Rousseau que l’article supprimerait l’Acre pour les jeunes, les demandeurs d’emploi, les bénéficiaires du RSA et les entrepreneurs dans les quartiers populaires. C’est l’inverse : il s’agit de pérenniser l’aide en la recentrant sur ces publics, auxquels on peut ajouter les personnes en situation de handicap.
Madame Gruet, un rapport de la Dares indique que le dispositif n’a pas eu d’effet positif sur la création d’entreprise. Il est donc pertinent de le recentrer sur ceux qui en ont besoin. Le groupe Ensemble pour la République votera contre ces amendements, s’ils sont maintenus.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS1739 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Puisque les QPV continueront à bénéficier de l’Acre, je propose d’ajouter par symétrie les zones FRR et FRR + à la liste, pour un coût très limité.
Comme l’a dit M. Vigier, ce n’est pas parce que l’on n’a plus le droit à l’Acre que l’on n’a plus le droit à rien. La personne qui veut créer une entreprise en tant que travailleur indépendant bénéficie d’exonérations spécifiques, du « bandeau famille » et du « bandeau maladie » ; il existe des contrats d’appui au projet d’entreprise, des aides spécifiques à l’entrepreneuriat féminin et des aides des collectivités locales.
M. Max Mathiasin (LIOT). Je retiens surtout que M. Vigier nous demande de rester attentifs à la situation économique des outre-mer. Nous demanderons la suppression du coup de rabot.
M. le rapporteur général. Je l’ai bien noté. J’y serai sensible.
La commission adopte l’amendement.
La réunion s’achève à treize heures.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Éric Michoux, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Claude Raux, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Emmanuel Taché, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Anchya Bamana, M. Paul Christophe, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Stella Dupont, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous
Assistaient également à la réunion. – M. Christian Baptiste, M. Jean-Victor Castor, M. Hendrik Davi, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, M. Max Mathiasin, M. Jean Terlier