Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen, au titre de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi portant simplification administrative des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap (n° 1827) (M. Bruno Clavet, rapporteur)              2

– Examen, au titre de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics (n° 1826) (M. Thierry Frappé, rapporteur)              2

– Suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................43

 

 

 

 

 


Mercredi
29 octobre 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 11

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
 

 


  1 

La réunion commence à neuf heures.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

 

La commission des affaires sociales procède à l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi portant simplification des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap (n° 1827) (M. Bruno Clavet, rapporteur).

La commission a accepté l’amendement figurant dans le tableau ci-après (*) :

Auteur

Groupe

Place

13

M. CLAVET Bruno

RN

1er

(*) Les autres amendements étant considérés comme repoussés.

La commission des affaires sociales procède à l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics (n° 1826) (M. Thierry Frappé, rapporteur).

 

La commission a accepté l’amendement figurant dans le tableau ci-après (*) :

Auteur

Groupe

Place

1

M. WAUQUIEZ Laurent

DR

1er

*

Puis la commission poursuite l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)

M. le président Frédéric Valletoux. Il nous reste 609 amendements à examiner.

Après l’article 11 (suite)

Amendement AS1605 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). L’alcool est une cause majeure de mortalité et de maladie, à l’origine de 41 000 morts prématurées par an. Il constitue la deuxième cause de cancer évitable. L’alcool est présent dans un féminicide sur deux et multiplie par dix-huit le risque d’accident mortel au volant.

Pour lutter plus efficacement contre ce fléau, l’amendement propose d’instaurer un prix minimum par litre d’alcool. Depuis 2018, l’Écosse a instauré un tel plancher, fixé à 0,50 livre sterling par unité d’alcool. Ce dispositif a été évalué par l’organisme écossais de santé publique Public Health Scotland : les ventes d’alcool ont reculé de 3 %, essentiellement chez les plus gros consommateurs ; les décès et les hospitalisations liés à l’alcool ont diminué de respectivement de 13,4 % et 4,1 % ; l’impact négatif sur l’industrie est relativement négligeable.

En France, la modélisation dirigée par le chercheur Fabrice Étilé confirme que cette mesure générerait d’importants bénéfices, collectifs, sociaux et en termes de santé publique.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. J’ai déjà évoqué les différents vecteurs pour lutter contre l’alcoolisme, je n’y reviens pas. Vous jouez à nouveau sur le vecteur fiscal, en instaurant un prix minimum de vente par litre d’alcool, une proposition intéressante au regard de certains alcools venant de l’étranger, parfois produits dans des conditions lamentables et vendus à des prix ridicules.

Votre amendement contourne les règles de recevabilité. En effet, un prix minimum de vente – idée que l’on peut approuver ou rejeter – correspond à de l’encadrement commercial, ce qui est un cavalier dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), puisque la question relève davantage du droit commercial. Votre astuce consiste à flécher le surplus de recettes vers la sécurité sociale, mais ce dispositif ne relève pas du PLFSS : de quel surplus s’agit-il – le chiffre d’affaires, les bénéfices ? Comment est-il collecté – avec la TVA, au moment de la déclaration des résultats ?

Par conséquent, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’avais déposé un amendement similaire mais il a été jugé irrecevable. Quid du surplus ? Le prix minimum de 0,60 euro par centilitre d’alcool pur est assez élevé : à raison de 10 centilitres d’alcool dans une bouteille de vin de 1 litre, le prix minimum serait de 6 euros. Par ailleurs, il ne faut pas pénaliser les producteurs : le prix minimum devrait être établi pour eux, et non au final. Par principe je voterai toutefois en faveur de cet amendement, même s’il est un peu excessif et si l’on ne voit pas comment la sécurité sociale pourrait bénéficier de ces recettes.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je ne doute pas de l’efficacité des taxes sur les produits addictifs comme l’alcool et le tabac, mais elles ne sont pas le seul moyen : il faut les intégrer dans un plan de prévention contre les addictions de grande ampleur. En fin de compte, il y aura moins de malades et moins de morts ; la sécurité sociale s’en portera mieux.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’étude de modélisation que j’ai évoquée souligne que l’instauration d’un prix minimal se traduirait par une réduction de 22 % de la mortalité par cancer et par une redistribution sectorielle non anticipée : les profits des petits producteurs augmenteraient de 39 %, tandis que ceux des gros industriels et des distributeurs connaîtraient une baisse équivalente. On a coutume de nous reprocher de détruire une filière dès lors que l’on veut taxer l’alcool : en réalité, les choses sont plus complexes. Quant à la redistribution, il ne me semble pas très difficile de récupérer les surplus.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS782 de M. Damien Maudet et AS950 de M. Hendrik Davi

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Seuls les alcools titrant à plus de 18 % d’alcool s’acquittent de la cotisation de sécurité sociale qui alimente la branche maladie. L’amendement AS782 vise à remédier à une inégalité, puisque les produits de moins de 18 % d’alcool – vins, cidres, bières et cocktails légers – ne sont pas concernés, alors qu’ils sont les plus consommés. Certains producteurs profitent d’ailleurs de l’absence de cotisation sociale pour dégager des marges. Nous proposons donc d’harmoniser les taux de la cotisation sociale sur l’alcool, en l’étendant aux produits titrant moins de 18 %, au profit de la branche maladie.

M. Hendrik Davi (EcoS). Identique, mon amendement vise à harmoniser la fiscalité sur l’alcool en étendant la cotisation sécurité sociale à toutes les boissons alcoolisées, et non plus seulement à celles titrant à plus de 18 %. En effet, l’alcool est cancérigène dès le premier verre et cette exception ne se justifie pas.

Cette mesure toucherait d’abord les alcools les moins chers, souvent consommés par les jeunes et les buveurs excessifs, tout en renforçant le financement de la branche maladie. Cela revient à augmenter chaque verre de 7 centimes, ce qui est acceptable, d’autant que les recettes fiscales liées à l’alcool ne couvrent que 42 % des soins engendrés par sa consommation. Je le redis, l’alcool représente la deuxième cause de cancer évitable en France.

M. le rapporteur général. Ces amendements, puissants, sont susceptibles de rapporter 2 à 3 milliards d’euros de recettes fiscales.

Vous évoquez les alcools les moins taxés, notamment le vin. Or les études montrent que la consommation de vin diminue structurellement en France, alors que la fiscalité qui pèse sur lui est la moins lourde. Le sujet est plutôt celui des nouveaux produits, plus dangereux pour la santé et plus attractifs pour la nouvelle génération.

Vos amendements posent un autre problème : vous faites une confusion entre l’alcool et l’alcool pur. Le tarif que vous proposez revient à un décuplement – et même plus –, puisque l’on passerait de 50,60 euros à 599,31 euros pour les boissons relevant du 2° de l’article L. 245‑9 du code de la sécurité sociale, que vos amendements visent à abroger. L’absence de prise en compte de la différence entre un calcul par hectolitre de boisson ou d’alcool pur pose un problème technique.

Je vous invite donc à retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). J’ai déjà évoqué l’opposition du groupe Rassemblement National à l’ensemble des taxes comportementales.

Ces amendements incluent le vin ; or la France est le pays du vin, avec ses filières, les sous-traitants et artisans qui en dépendent, économiquement, commercialement et à l’export : il contribue en grande partie au rayonnement et à l’attractivité de notre pays.

Vous invoquez des questions de santé publique, auxquelles il convient d’opposer l’argument principal de la défense du vin sur le plan économique. Les études prouvent, depuis des décennies, que la consommation de vin, à faible dose, n’est pas dangereuse pour la santé.

Je me fais le porte-voix de ces vignerons et viticulteurs, qui sont inquiets. Nous nous opposerons à cette ribambelle d’amendements qui attaquent la filière du vin.

M. Arnaud Simion (SOC). L’enjeu est important, puisque l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) estime le coût social de l’alcool à 102 milliards d’euros.

M. Hendrik Davi (EcoS). Monsieur le rapporteur général, la fiscalité sur le vin est soixante-quinze fois moindre que sur les autres alcools, ce qui est inégalitaire : pourquoi un buveur de whisky paierait-il beaucoup plus qu’un buveur de vin ? Que l’on boive un verre de whisky ou cinq verres de vin, le danger est le même.

Pour répondre à mon collègue du Rassemblement national, les études montrent – beaucoup de médecins et d’addictologues ont été auditionnés – que l’alcool est cancérigène dès le premier verre, même si cela ne signifie pas qu’un buveur modéré prenne énormément de risques. Toutefois, je voudrais tordre une fausse idée sur les maladies cardiovasculaires : les études les plus récentes infirment le prétendu effet protecteur de l’alcool en ce domaine. Si cette idée a longtemps dominé, c’est parce que les personnes qui boivent un peu de vin sont aussi celles qui ont des comportements favorables en termes de sport, de nutrition ou d’alimentation équilibrée.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’alcool n’est pas cancérigène dès le premier verre, ce en quoi il se distingue du tabac, par exemple. M. Davi a toutefois raison de souligner le caractère délétère de ses effets cardiovasculaires, qui invite à la modération. Si l’alcool n’est pas à distinguer selon qu’il se trouve dans le vin ou dans le whisky, l’Institut national du cancer (Inca) montre qu’il existe une certaine tolérance.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’alcool est un drame de notre société, à l’origine de conséquences dramatiques en termes de santé et de relations sociales. Cependant je ne suis pas en accord avec ces amendements. En effet, les jeunes ne boivent plus de vin de table, lui préférant l’alcool en soirée. Par ailleurs, le monde viticole est en transition : il ne faut pas envoyer ce type de message à une filière déjà fragilisée, en très grande crise.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS702 Mme Élise Leboucher, AS1292 de Mme Sandrine Rousseau et AS820 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon amendement vise à taxer la publicité pour les produits alcooliques afin de financer le fonds de lutte contre les addictions. Le diagnostic est simple : les recettes de taxation issues de l’alcool couvrent à peine la moitié du coût des soins engendrés par la consommation d’alcool, lequel représente pourtant la deuxième cause de cancer évitable – près de 600 000 séjours hospitaliers et plus de 40 000 morts par an.

La crise sanitaire a généré une augmentation de la consommation d’alcool chez les personnes souffrant déjà d’une addiction. À cela s’ajoute la publicité encore mal régulée sur réseaux sociaux, qui touche les jeunes de 15 à 21 ans. Ce risque pour la santé publique doit nous encourager à faire contribuer davantage les alcooliers aux actions de prévention. C’est pourquoi l’amendement vise à taxer les publicités pour les produits alcooliques.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement vise à taxer les publicités pour les boissons alcooliques. La sécurité sociale bénéficiera ainsi de ressources supplémentaires et un signal-prix sera donné aux publicitaires.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous vivons tous sous influence. Notre santé est fonction de déterminants – sociaux, éducatifs ou, dans le cas présent, commerciaux. En face, les industriels nous influencent – en particulier les jeunes – avec des campagnes publicitaires. Leurs budgets sont bien plus importants que ceux dont nous disposons en matière de prévention.

Il nous faut lutter contre les déterminants commerciaux. Il est donc très important de taxer la publicité sous toutes ses formes, notamment sur les réseaux sociaux, qui influencent les jeunes dès leur plus jeune âge.

M. le rapporteur général. Je vous le concède, la violation des règles de publicité relatives à l’alcool – qui, pour l’essentiel, figurent dans la loi Évin – pose problème. La solution réside dans un plus grand contrôle par les services des directions générales de l’alimentation, de la santé et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que par les forces de police et l’autorité judiciaire. Il s’agit toutefois de questions commerciales, sans lien avec le financement de la sécurité sociale.

Vos amendements proposent d’utiliser le levier fiscal en instaurant une taxe sur les publicités pour l’alcool.

Madame Leboucher, je vous invite à retirer le vôtre car il comporte une petite erreur. Vous faites en effet référence au 6° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, qui concerne le droit de licence sur la rémunération des débitants de tabac.

De plus, l’ensemble des amendements ne comportent pas de définition des boissons alcoolisées concernées. Or trois définitions sont possibles, l’une relevant du code de l’article L. 3321-1 du code de la santé publique, une autre de la section 2 du chapitre IV ainsi que le chapitre V du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime et une troisième du 2° de l’article L. 111-4 du code des impositions sur les biens et services.

Plus grave peut-être, vous renvoyez les modalités de recouvrement d’une taxe à un décret, disposition qui s’expose de manière certaine à la censure du juge constitutionnel.

Je vous invite donc à retirer vos amendements, sinon j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je soutiens ces amendements. J’en avais d’ailleurs déposé un similaire l’année dernière, sur les boissons sucrées ou trop sucrées. Les industriels consacrent beaucoup d’argent la publicité : elle est permissive et constitue un appel à la consommation, en particulier avec les réseaux sociaux. Tous les moyens sont bons pour lutter contre cela.

M. Hendrik Davi (EcoS). Selon un très bon article de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, intitulé « Alcool et santé, lutter contre un fardeau à multiples visages », « le risque de développer certains cancers devient significatif dès le premier verre ».

Je suis choqué que persistent les publicités pour des alcools forts, dans nos gares et ailleurs. À défaut de pouvoir y remédier, il faut au moins les taxer.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On parle peu du fléau que représentent toutes les publicités et toutes les distributions gratuites d’alcool dans les écoles et dans les universités – en particulier de médecine : ce sujet mérite une bien plus grande discipline.

M. Philippe Vigier (Dem). J’entends les propos du rapporteur général concernant les imperfections rédactionnelles des amendements. Le chemin a toutefois été fait concernant le tabac. Il ne suffit pas de dresser un constat sans donner de suite au motif d’un problème juridique : cela revient à s’en remettre à la technocratie, et cela ne doit donc pas nous freiner. Nous disposons de toutes les voies et moyens pour taxer la publicité, même si le distributeur d’alcool en répercute le prix sur le consommateur. La prévention doit être au cœur de nos préoccupations.

La commission adopte l’amendement AS702.

En conséquence, les amendements AS1292 et AS820 tombent.

Amendements AS421 et AS794 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Fanny DombreCoste (SOC). L’amendement AS421 est défendu.

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS794, de repli, vise à augmenter de 1 centime le montant de la taxe sur chaque canette de boisson sucrée – les sodas – et à affecter ce surplus à la lutte contre la malnutrition.

M. le rapporteur général. Une augmentation a déjà été décidée l’an dernier, de 11 centimes et 17 centimes d’euros sur les bouteilles rouges et noires bien connues, respectivement, de 1 et de 1,5 litre. Ce dispositif est effectif depuis quelques mois. Il ne me semble pas opportun d’en rajouter après cette hausse très importante.

Avis défavorable.

Mme Sandrine Runel (SOC). Il n’est pas acceptable de défendre ici les marques productrices de boissons pétillantes avec un bandeau rouge. Une faible hausse de 1 centime de la taxe ne devrait pas les mettre à mal et permettra de financer une action internationale – la lutte contre la malnutrition –, d’autant que nos jeunes continuent à boire cette fameuse boisson.

M. le rapporteur général. Il ne vous appartient pas de décider de ce que je peux dire ou ne pas dire, madame Runel. Chacun a sa liberté et je respecte la vôtre. Si vous tenez à interdire ces boissons, utilisez le levier du droit de la consommation. Un certain public continue à consommer ces boissons, quelle que soit la fiscalité qui pèse sur elles : le seul levier fiscal ne suffit pas. Je ne nie pas les dérives sur la santé ; les teneurs en sucre ont d’ailleurs connu une évolution et l’on peut observer que les stratégies des différentes marques diffèrent. En utilisant le seul levier fiscal, nous ferons fausse route, sans obtenir les résultats attendus en termes de santé publique.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1060 de M. Nicolas Thierry

M. Hendrik Davi (EcoS). La banalisation des boissons énergisantes, qui font l’objet de stratégies promotionnelles ciblant largement les jeunes, suscite une inquiétude croissante dans la communauté scientifique en raison de leurs effets sanitaires délétères – risques cardiovasculaires, psycho-comportementaux et neurologiques –, documentés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2013. L’amendement vise à lutter contre la consommation de ces produits au moyen d’une fiscalité comportementale avec la création d’une taxe spécifique dont le montant serait fixé pour 2025 à 100 euros par hectolitre, soit 0,25 euro pour une canette de 25 centilitres.

M. le rapporteur général. En clair, vous voulez créer une sorte de « taxe Red Bull ». Une telle taxe a déjà existé mais le Conseil constitutionnel l’a censurée au motif qu’elle était contraire au principe d’égalité devant l’impôt dans la mesure où elle ne s’appliquait pas à toutes les boissons contenant une quantité équivalente de caféine. En conséquence, la taxe avait été élargie à toutes les boissons contenant plus de 220 milligrammes de caféine par litre.

Puis, en 2016, un rapport de Razzy Hammadi pour la commission des finances avait démontré que la contribution avait eu une incidence collatérale négative sur toute la filière et, surtout, n’avait pas généré les recettes escomptées. La taxe avait alors été abrogée.

Je vous invite donc à retirer votre amendement puisque l’histoire législative nous enseigne qu’une telle disposition risque la censure et ne génère pas les résultats attendus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS818 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement a pour objet la création d’une taxe sur les publicités pour les denrées alimentaires qui n’afficheraient pas le nutri‑score, afin d’inciter à l’utilisation de ce dernier dans les messages publicitaires. Le nutri‑score vise en effet à apporter une meilleure information sur la qualité nutritionnelle des aliments.

L’influence des déterminants commerciaux est essentielle. Lorsque les grandes industries mettent 10 euros sur la table pour changer nos comportements, Santé publique France, qui a des moyens bien plus limités, ne peut mettre en face que 1 centime. Il faut absolument se placer au même niveau que ces influenceurs commerciaux. C’est pourquoi il est important d’afficher le nutri‑score dans les publicités.

M. le rapporteur général. Nous entamons une longue série d’amendements portant sur le nutri‑score. Ils proposent des définitions différentes des denrées, de l’assiette, du taux, de l’affectation ou encore des exceptions. Derrière les aliments concernés – chocolat, fromage, charcuterie, beurre, bonbons, plats à réchauffer, petits gâteaux à la noix de coco, confiture... –, ce sont les consommateurs qui sont visés. Certains produits, consommés en trop grande quantité, peuvent causer des problèmes de santé. Doit-on utiliser le levier fiscal pour y remédier ? Faut-il stigmatiser ces produits, ou surtout les consommateurs ? Je ne le pense pas.

Je vous invite à lire le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale du Sénat, publié en mai 2024. Il propose de recourir à deux leviers qui me semblent beaucoup plus efficaces qu’une fiscalité comportementale : fixer des limites réglementaires de composition nutritionnelle en imposant des plafonds de teneurs en sucre, en sel et en matières grasses pour certaines catégories d’aliments – l’Anses pourrait être chargée de définir ces standards sur la base des données collectées par l’Observatoire de l’alimentation ; réduire le marketing alimentaire envers les enfants – il s’agit bien de réduire la publicité, et non de la taxer.

Avis défavorable à tous ces amendements.

M. le président Frédéric Valletoux. Permettez-moi de nuancer l’appréciation du rapporteur général. Il ne s’agit pas de stigmatiser le consommateur mais de faire évoluer les pratiques industrielles. C’est en effet la transformation industrielle qui pose des problèmes de santé publique, et nous utilisons les outils à notre disposition, certes imparfaits, pour en corriger les conséquences.

M. Jean-François Rousset (EPR). Le nutri‑score est un instrument d’intérêt général mais il faudrait en enlever ce qui n’a pas lieu d’y être, comme le roquefort et toutes les productions bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP). Leur classement parmi les produits de mauvaise qualité est une catastrophe pour les territoires, alors que des études scientifiques ont démontré leur intérêt pour la santé, par exemple pour la composition du microbiote intestinal. Il ne faut pas tout mélanger ; c’est une question de bon sens.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes là pour parler de santé et de prévention, et pas seulement de levier fiscal et d’argent. L’exigence absolue, c’est la traçabilité. Si l’on se contente de fixer des plafonds de quantité de tel ou tel ingrédient dans la composition d’un produit, qui ira en vérifier le respect ? Personne. Le consommateur sait parfaitement où le nutri‑score le mène ; il fait ensuite son choix en toute responsabilité. J’ai vécu ces débats en 2018 : avec Olivier Véran, alors rapporteur général du budget, nous avions fait adopter le nutri‑score, contre l’avis de la ministre Agnès Buzyn.

On ne peut pas tout ramener à des problèmes fiscaux, administratifs ou juridiques quand on sait les drames qu’a connus notre pays – je n’ai rien oublié de ces produits transformés qui ont eu des conséquences dramatiques en matière de santé. Ne laissons pas passer cela : le nutri‑score permet un choix éclairé du consommateur.

Mme Justine Gruet (DR). Je trouve qu’on infantilise le consommateur. La liste des ingrédients présents dans les aliments donne déjà des indications ; il n’est pas utile de les simplifier en attribuant des notes A, B, C ou D.

Si la hausse de la consommation de produits transformés doit nous alerter, j’ai l’intime conviction que la prévention doit être faite au sein de la cellule familiale. Les habitudes alimentaires ont également leur importance : manger à table en famille ou consommer un produit tout seul devant son ordinateur, cela n’a pas les mêmes conséquences. Je crains que l’on ne stigmatise certains produits alors que tout dépend s’ils sont consommés dans le cadre d’un équilibre alimentaire et comportemental. De même, nos produits du terroir qui, parfois, obtiennent un mauvais résultat au nutri‑score ne posent pas de difficultés s’ils s’inscrivent dans le cadre d’une nutrition adaptée. Plutôt que de taxer ou d’infantiliser, nous devrions travailler sur l’éducation et la prévention.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La sécurité sociale, dont nous fêtons les quatre‑vingts ans, repose sur la promesse de soigner les Français le jour où ils tombent malades. On connaît le résultat : plus de 260 milliards d’euros consacrés aux soins. Il faut renverser ce mouvement en s’intéressant aux comportements des Français. Or la prévention, c’est l’information : si les Français ne savent pas, ils ne peuvent pas opter pour les bons comportements.

Le nutri‑score présente l’intérêt d’informer. Tout comme on indique les degrés d’alcool sur les bouteilles, il faut afficher des informations sur les aliments ultra-transformés. Cela ne concerne absolument pas les produits du terroir ou de l’artisanat : ce sont les aliments industriels que nous avons en ligne de mire – du reste, le plus grand adversaire du nutri‑score est une pâte chocolatée italienne. Notre premier devoir est d’informer nos concitoyens.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS228 de M. Boris Tavernier et AS817 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

M. Boris Tavernier (EcoS). Mon amendement vise à rendre l’inscription du nutri‑score obligatoire sur les produits alimentaires. Les études scientifiques démontrent son efficacité et les consommateurs le plébiscitent, 94 % des Français souhaitant qu’il devienne obligatoire. Alors qu’attendons-nous ? Savoir ce que l’on mange, c’est le minimum syndical des droits des consommateurs. La transparence dans notre assiette ne doit pas être facultative. Ce n’est pas aux industries agroalimentaires de décider.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Après avoir rendu l’affichage du nutri‑score obligatoire sur tous les supports publicitaires relatifs aux denrées alimentaires, mon amendement vise à le rendre obligatoire sur les emballages.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il est vraiment important de rendre le nutri‑score obligatoire car l’obésité explose en France, particulièrement chez les jeunes. Dans la population globale, le taux des citoyens en situation d’obésité est ainsi passé de 8,5 % en 1997 à 17 % en 2020 – et de 2,1 % à 9 % chez les moins de 25 ans, soit une multiplication par quatre.

Tous ceux qui ont des enfants savent qu’il est difficile de leur faire accepter autre chose que des gâteaux ultra-sucrés, tant le marketing est puissant. L’absence de nutri‑score sur les paquets empêche les parents de s’informer et a un effet négatif sur les industriels qui jouent le jeu. Il faut rendre le nutri‑score obligatoire sur absolument tout.

Mme Joëlle Mélin (RN). Si chacun souhaite être informé par un étiquetage le plus détaillé possible, le nutri‑score peut se révéler contre-productif. En effet, il ne prend pas en compte l’ensemble des éléments concourant à la fabrication du produit, notamment la valeur environnementale, contrairement au Planet Score, dispositif reposant sur un indicateur élaboré par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

Le risque majeur du nutri‑score est d’aboutir à un formatage terroriste, poussant les consommateurs à ne plus acheter un produit si son emballage ne l’affiche pas. Étendre ce dispositif à tous les produits n’aurait pas de sens : dans un paquet de beurre, il y a du gras, et dans une boîte de sucre, il y a du sucre. Il faut en revenir au bon sens paysan pour ce qui est de la quantité. Quant à la qualité, il n’est pas nécessaire de s’en remettre au nutri‑score. Voilà pourquoi nous nous opposons à cette disposition.

Mme Justine Gruet (DR). Si le problème de santé publique posé par l’obésité est réel, il faut arrêter de sous-estimer la capacité des consommateurs à s’informer sur le contenu des produits, alors que les étiquettes listent les ingrédients, les pourcentages de glucides, de lipides, etc. J’en reviens donc à la nécessité de repenser collectivement nos habitudes alimentaires et à l’importance de la cellule familiale. La puissance publique ne fera pas tout : l’éducation à l’alimentation a un rôle important à jouer, comme l’autorité parentale. Le nutri‑score est un outil pédagogique mais il ne doit pas servir à se donner bonne conscience.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il faut faire attention aux termes que l’on emploie – il n’est pas question d’un formatage terroriste – et revenir au sens de notre débat : il ne s’agit pas d’infantiliser les Français mais d’assurer la lisibilité et la transparence dans l’information des consommateurs.

Olivier Véran avait mené le combat pour créer l’outil. Celui-ci a été adopté par de nombreux professionnels, les médecins le soutiennent et 1 500 marques l’utilisent, ce qui a permis de faire évoluer les pratiques commerciales. Nous devons poursuivre ce combat pour permettre aux consommateurs de mieux consommer et d’être moins malades.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le nutri‑score n’est certes pas parfait mais il s’améliore peu à peu. Il permet de compenser la publicité dans laquelle les forces commerciales dépensent des milliards – l’État est un nain face à la puissance de ce marketing – avec des informations sur la qualité nutritionnelle des aliments.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis un peu étonné par les propos de Mme Mélin : il ne faut pas s’engager sur cette pente.

Les citoyens doivent être les acteurs de leur santé ; cela passe par un changement comportemental. Ce qu’a dit Hendrik Davi est tout à fait juste. La surcharge pondérale aux États‑Unis a considérablement augmenté ces quinze dernières années ; en France, on observe la même tendance, notamment chez les jeunes, parce qu’ils bouffent n’importe quoi. La puissance des grandes entreprises agroalimentaires est telle que nous ne pouvons rien faire. Le nutri‑score ne changera pas toute la politique de prévention mais il permet au moins de s’informer et d’éviter que de nouveaux produits transformés, sur lesquels nous n’aurions aucune maîtrise, arrivent sur les étals.

C’est malheureusement nécessaire car l’hyperglycémie des gamins de 5 à 15 ans a progressé de 15 % en dix ans. Je suis bien placé pour le savoir : c’est mon métier.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il est très étonnant d’entendre certains affirmer que le fait d’informer le grand public serait du terrorisme nutritionnel – à moins qu’ils ne se fassent le porte-voix des lobbies de l’agroalimentaire.

Nous avons besoin d’étiquettes interprétables parce qu’une bonne partie des informations affichées ne sont pas compréhensibles par le grand public – c’est peut-être volontaire. Si les ingrédients sont présentés par ordre décroissant en quantité, cela ne correspond pas forcément à leur degré de nocivité. Une aide est donc nécessaire pour comprendre ce qu’il y a sur l’étiquette. Qui, dans cette commission, sait à quoi correspond le E102 ? Il s’agit de la tartrazine, un colorant alimentaire. Vous pouvez parfaitement décider que vous vous en fichez et que vous continuerez à consommer sans vous en préoccuper, mais n’imposez pas cela aux autres. En revanche, si vous souhaitez savoir ce que vous consommez, alors une aide publique sera nécessaire.

La commission adopte l’amendement AS228.

En conséquence, l’amendement AS817 tombe.

Amendements AS183 de M. Thierry Sother et AS182 de Mme Sandrine Runel ; amendements identiques AS181 de Mme Sandrine Runel, AS695 de M. Damien Maudet et AS1659 de M. Boris Tavernier ; amendements identiques AS602 de Mme Ségolène Amiot et AS1293 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

Mme Martine Froger (SOC). L’amendement AS183 vise à taxer la publicité pour les produits alimentaires manufacturés et pour les boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorants de synthèse. L’objectif est de réduire l’impact sanitaire de la malbouffe, responsable d’au moins 11,7 milliards d’euros de dépenses liées notamment à l’obésité et au diabète. Alors que les industriels investissent plus de 5,5 milliards dans la publicité pour ces produits, les moyens de prévention sont très faibles. La publicité influence très fortement les jeunes. Cette taxe pourrait envoyer un signal de régulation aux entreprises et permettrait de renforcer le financement de la prévention et de la santé publique.

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS182, de repli, vise à rendre obligatoire la mention du nutri‑score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires, à l’exception des produits avec une AOP, afin de mieux orienter le consommateur. Je me demande d’ailleurs dans quel monde vit Mme Gruet et combien de temps elle met pour faire ses courses. Cette mesure a déjà permis de lutter contre le diabète et l’obésité en incitant les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits.

L’amendement AS181 a le même objet mais il inclut les produits avec une AOP.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS695 vise à rendre obligatoire la mention du nutri‑score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires. Les industriels peuvent déroger à cette obligation en versant une contribution. Le nutri‑score est salué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par les organisations de consommateurs, et plébiscité par les citoyens. Il est temps de lui donner toute sa place dans nos politiques de santé publique en mettant fin aux stratégies de contournement des industriels.

Je suis d’accord avec vous, madame Gruet, sur l’importance de la sphère familiale. Le nutri‑score permet aux parents de discuter avec leurs enfants du contenu des produits, de leur apprendre ce qu’est un glucide, un lipide ou à quoi sert le sel. C’est un outil d’éducation.

M. Boris Tavernier (EcoS). Mon amendement vise à rendre obligatoire l’inscription du nutri‑score sur les publicités alimentaires.

Notre groupe défend avant tout l’interdiction de la publicité pour les produits alimentaires les plus mauvais pour la santé et, en premier lieu, l’interdiction des publicités ciblant les enfants. Si, malgré le bon sens de la mesure, on ne les interdit pas, il convient alors de les taxer afin que les industriels compensent en partie les coûts qu’ils font peser sur le système de santé. Et si on ne les interdit pas et qu’on ne les taxe pas non plus, alors informons le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires que les publicités veulent leur faire acheter.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS695.

Taxons la publicité sur la malbouffe : c’est une mesure de santé publique. L’OMS fait un lien entre l’obésité de plus en plus présente chez les enfants et la commercialisation de produits alimentaires trop riches en gras ou en sucres – rappelons que, en un an, le nombre de personnes traitées pour le diabète a augmenté de 160 %.

De plus, les personnes ayant des revenus faibles, dont 30 % déclarent ne pas avoir les moyens de manger sainement, sont surexposées aux produits moins chers, surtransformés et de mauvaise qualité. Ces publics cibles sont les proies des industriels : le sucre et le gras sont leur fonds de commerce. Vous ne les incitez jamais à assainir leurs marchandises, au contraire : les annonceurs ont accru la pression publicitaire sur les produits alimentaires riches en sucre, sel et matières grasses.

Une étude démontre que le système alimentaire coûte au moins 12 milliards d’euros au système de santé, chiffre qui serait même sous-évalué. Miser sur la bonne volonté des industriels est un échec. À défaut d’une interdiction il est donc primordial, voire vital de mettre à contribution leur publicité agressive et incitative.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On entend de ces choses, dans cette commission : les gamins mangent n’importe quoi, on parle de terrorisme...

Je rappelle tout de même que le plan Cancer incriminait les seuls comportements individuels – le cancer était dû au fait que les personnes fumaient, buvaient, consommaient trop de sucre, trop de gras... –, ignorant la responsabilité des industriels qui, pourtant, cachent dans leurs produits transformés du sucre, du gras et du sel afin de les rendre plus addictifs et d’économiser sur le coût des matières premières ; rien non plus sur les pollutions de type substances per- ou polyfluoroalkylées (Pfas) ou pesticides, ni sur le fait que les produits les plus néfastes pour la santé sont aussi les moins chers, exposant ainsi davantage les personnes qui n’ont pas d’argent.

Mon amendement vise à rétablir la responsabilité là où elle devrait être, c’est-à-dire chez les industriels.

M. le rapporteur général. Nous venons d’adopter, même si j’y étais défavorable, deux taxes portant, l’une, sur les dépenses de publicité pour les denrées alimentaires et l’autre, sur le chiffre d’affaires tiré de la vente de ces denrées, sauf en cas d’usage du nutri‑score.

Si nous adoptons l’un de ces amendements, ces nouvelles taxes s’ajouteraient à celles que vous venez de créer et qui sont très différentes puisqu’elles ne relèvent pas du même code – raison pour laquelle elles n’ont pas été examinées dans le cadre de cette discussion commune.

Afin de rester cohérent avec ce que je défends depuis tout à l’heure, j’émets un avis défavorable.

Mme Josiane Corneloup (DR). Je trouve complètement anormal que le nutri‑score ne prenne pas en compte l’impact environnemental des denrées alimentaires, notamment leur empreinte carbone, leur origine locale ou non, ou encore leur mode de production. Un aliment issu d’un mode de production intensif peut ainsi afficher un bon nutri‑score s’il est pauvre en sucre et en gras, alors que l’on connaît les problèmes sanitaires générés par ce mode de production.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS1408 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS1130 de Mme Nicole DubréChirat, AS1445 de M. Frédéric Valletoux, AS959 de M. Michel Lauzzana et AS1403 de M. Cyrille Isaac-Sibille ; amendements identiques AS184 de M. Thierry Sother et AS1043 de Mme Sabrina Sebaihi ; amendement AS185 de M. Thierry Sother (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les habitudes alimentaires ont changé : on cuisine de moins en moins et l’on consomme plus de plats ultra‑transformés, mauvais pour notre santé. Ces aliments participent en effet de l’augmentation de l’obésité et de la survenue de nouvelles maladies. Mon premier amendement vise à les taxer, en se fondant sur la définition qui en est donnée par la classification scientifique Nova.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je fais quant à moi une proposition issue d’une préconisation de l’assurance maladie dans son rapport « Charges et produits » pour 2026. Il s’agit de créer une taxe sur les produits alimentaires transformés contenant des sucres ajoutés, sur le modèle du relèvement de la taxe soda voté en 2025. Le Conseil des prélèvements obligatoires suggérait déjà, en 2023, une extension du champ de la fiscalité nutritionnelle au‑delà des boissons, ciblant les produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé.

La finalité de cette proposition de taxe est de contraindre les industriels à revoir la composition de leurs produits en leur imposant une contribution dont le montant serait dégressif selon qu’ils réduisent ou non leur teneur en sucre. Il y a là un véritable enjeu de santé publique, alors que 10 millions de Français sont en situation d’obésité.

Cet amendement exclut de son champ les entreprises réalisant moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui le différencie des autres. Il important en effet de préserver le modèle économique de nos artisans et petites et moyennes entreprises (PME), qui sont nombreux à fabriquer des boissons sucrées artisanales dans nos régions.

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement s’inspire également du rapport « Charges et produits » pour 2026. À ce jour, aucune taxe spécifique ne cible les produits alimentaires ultra‑transformés alors qu’ils représentent plus de 30 % des apports énergétiques quotidiens selon des études menées par l’Anses en lien avec l’Inca.

Par rapport aux autres, mon amendement s’appuie sur une définition plus précise des aliments ultra‑transformés ; il se réfère à la littérature scientifique et établit des critères précis. Le tarif proposé de la contribution me semble aussi plus adapté aux aliments solides et semi-solides que la grille utilisée pour la taxe soda. Enfin, cet amendement vise aussi les édulcorants.

Je redis avec force, à l’attention notamment de Mme Gruet, qu’il ne s’agit nullement de remplacer l’éducation et la prévention par la fiscalité. Il faut jouer sur l’ensemble des outils disponibles, comme cela a été fait dans le cadre du plan Cancer lancé par Jacques Chirac en 2003, reconnu pour son efficacité et devenu une référence mondiale : pour la première fois, on a travaillé à la fois sur l’éducation, la recherche médicale, la prise en charge des malades et la fiscalité.

Je plaide pour une taxe sur les sucres ajoutés qui encourage les industriels à s’interroger sur la composition de leurs produits, comme la taxe soda commence à le faire.

M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement a été travaillé avec la Ligue contre le cancer. Rappelons en effet que l’obésité est un facteur de risque de cancer.

On note une évolution vertueuse, qui doit se poursuivre : de plus en plus d’industriels sont vigilants, certains réduisant de façon notable la teneur en sucre de leurs produits. Des recherches sont en cours pour trouver des solutions alternatives au sucre ; un laboratoire de l’institut de recherche privé Inovie, dans ma circonscription, propose ainsi des produits qui semblent ne pas avoir d’effets délétères.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est inadmissible que les industriels qui fabriquent des aliments pour nourrissons ajoutent du sucre dans leurs purées de carottes ou de petits pois. Leur but est de rendre les enfants addict dès le plus jeune âge. Pour lutter contre les sucres ajoutés, une première étape pourrait être de les taxer fortement dans ces produits, dont la définition est plus aisée que celle d’un plat industriel. C’est ce à quoi tend mon second amendement dans cette discussion.

Mme Martine Froger (SOC). Notre amendement AS184 vise à créer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés afin d’inciter les industriels à réduire la teneur en sucre dans leurs recettes, sur le modèle de ce qui existe dans des pays étrangers. Le montant pourrait dépendre du taux du sucre, selon plusieurs tranches, afin d’encourager la production de produits plus sains. Une telle mesure s’inspire de recommandations de l’OMS et de la Fédération française des diabétiques.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous sommes tous d’accord pour faire contribuer les producteurs de la malbouffe à la réparation de ses dégâts. Avec l’amendement AS1043, ous proposons l’instauration d’une taxe progressive sur les produits transformés les plus sucrés. Le message envoyé serait clair : la santé publique ne doit plus être subordonnée aux intérêts industriels. L’explosion des cas d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires frappe d’abord les plus pauvres. Or il faut cesser de culpabiliser les familles précaires pendant que l’industrie engrange des profits colossaux – et que la sécurité sociale paye la facture.

Il faut promouvoir une alimentation digne et accessible, et mettre en place un cercle vertueux. Le Portugal et la Norvège y sont déjà parvenus avec des taxes sur les sodas aux résultats tangibles : baisse de la consommation, amélioration de la qualité nutritionnelle et économies pour la collectivité.

Mme Martine Froger (SOC). L’amendement AS185 est défendu.

M. le rapporteur général. Je regrette que nous ayons adopté précédemment deux amendements et créé ainsi deux nouvelles taxes. En effet, les amendements en discussion sont sans doute plus pertinents mais, si nous les adoptions, certains produits seraient taxés trois fois. Lors de l’examen du texte en séance, je plaiderai sans doute pour l’instauration d’une seule taxe qui soit la plus efficace possible.

On ne peut qu’encourager la consommation de produits sains. La fiscalité fait partie des leviers pour y parvenir, parmi d’autres. Il est vrai que, depuis la mise en place de la taxe soda, certains industriels ont diminué régulièrement depuis vingt ans la teneur en sucre de leurs produits ; d’autres l’ont fait plus brutalement.

Certains amendements visent uniquement les produits ultra‑transformés. Le mieux rédigé et le plus équilibré me semble être celui du président Valletoux, qui exclut « les produits fabriqués et vendus directement au consommateur final par des artisans, notamment des boulangers, des pâtissiers, des chocolatiers, des charcutiers, des traiteurs ou des restaurateurs dans le cadre d’une production de proximité ». On sait en effet que ces produits sont souvent synonymes de qualité. L’effort de définition est aussi à saluer sur le plan juridique. Quant aux paramètres proposés, s’inspirant de la taxe sur les sodas, ils sont bien adaptés car ce sont les plus raisonnables ; les mesures les plus excessives n’aboutissent pas toujours.

J’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements, à l’exception de celui du président Valletoux : sur cet amendement-ci, j’émets un avis de sagesse.

Mme Justine Gruet (DR). Notre groupe est défavorable à toute nouvelle taxe. Le nouveau prix du produit ne sera peut-être pas suffisamment désincitatif pour modifier les habitudes de consommation, mais assez significatif pour diminuer le pouvoir d’achat. Pour trouver le juste équilibre, nous devons mettre l’accent sur la pédagogie et la prévention plutôt que sur la sanction.

M. Jean-Carles Grelier (Dem). Le plan Cancer a permis de mettre en cohérence l’ensemble des initiatives grâce à un organisme qui les a centralisées, l’Inca. J’entends d’innombrables propositions pertinentes qui méritent débat mais, tant que nous n’aurons pas une gouvernance de la prévention, de l’éducation à la santé et de l’éducation thérapeutique, tout cela sera pour partie vain. Il faut une coordination générale entre la prévention, la recherche et le soin.

M. le rapporteur général. Vous avez raison, mais le cadre organique du débat parlementaire sur le PLFSS nous permet de discuter de ce qui se rattache directement au financement de la sécurité sociale – donc des créations de taxes – mais ni de gouvernance, ni d’organisation. C’est frustrant, car cela nous prive de certains leviers.

M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes défavorables aux taxes, mais ne les opposons pas aux politiques de prévention. Il faudrait déployer ces dernières de façon plus offensive, afin d’influer davantage sur le mode de consommation.

L’amendement du président Valletoux est intéressant car il épargne les petits commerçants et artisans, mais celui qui nous intéresse le plus est celui de M. Isaac-Sibille, qui vise à taxer les sucres ajoutés dans les produits pour nourrissons. Il est inacceptable que les industriels ajoutent du sucre dans ces aliments, alors que l’on connaît l’importance des mille premiers jours de la vie. La question, cependant, est d’abord celle de la liberté et de la responsabilité des parents ; il faudrait une politique de prévention efficace et non contraignante.

Pour le reste, l’augmentation générale des taxes demeure une atteinte inacceptable au pouvoir d’achat des Français.

M. le rapporteur général. Je précise que, tous ces amendements étant en discussion commune, l’adoption de l’un ferait tomber les autres.

Il est vrai, monsieur Isaac-Sibille, que la teneur en sucre de certains produits pour nourrissons est problématique. Pour en avoir discuté avec des pédiatres spécialistes de maladies rares, je vous invite néanmoins à retravailler votre amendement de telle sorte qu’il ne pénalise pas les produits destinés aux enfants ayant des besoins particuliers, notamment ceux souffrant de carences.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis heureux que l’assurance maladie s’attaque, dans son rapport « Charges et produits » pour 2026, à un sujet sur lequel je travaille depuis plusieurs années. J’aimerais préciser que les taxes que nous proposons ne sont pas forcément comportementales mais incitatives. La modification de la taxe soda adoptée l’an dernier porte ses fruits : outre qu’elle rapporte de l’argent – ce qui n’est pas le plus important –, elle conduit les industriels à reformuler leurs recettes pour réduire la teneur en sucre.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est vraiment scandaleux et pervers, de la part de l’industrie agroalimentaire, de rendre des bébés addict au sucre. Mais il me semble que les amendements identiques AS184 et AS1043 incluent aussi les petits pots pour bébé, et je ne vois pas en quoi l’amendement de M. Isaac-Sibille sur le sujet ferait tomber les autres. Ce sont tous les sucres ajoutés qu’il faut taxer.

M. le président Frédéric Valletoux. Notre discussion est organisée ainsi pour des raisons légistiques.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je retire mon amendement portant sur l’ensemble des plats ultra‑transformés, dans la mesure où le rapporteur général considère celui du président comme mieux formulé. En revanche, je ne retire pas celui qui porte sur les aliments pour nourrissons.

L’amendement AS1408 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS1130.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Mme Prisca Thevenot (EPR). Si tout le monde en est d’accord, peut-être pourrions-nous nous en tenir, pour la discussion des amendements, à un orateur pour et un orateur contre – sauf lorsqu’un amendement nécessite une discussion de fond plus longue ?

M. le président Frédéric Valletoux. Si vous le souhaitez, je n’y suis pas opposé.

Amendement AS229 de M. Thierry Sother

Mme Martine Froger (SOC). Avec cet amendement, nous proposons la création d’une taxe sur les produits alimentaires contenant des additifs à risque. Certains font encore l’objet de controverses scientifiques ; ils peuvent avoir des effets néfastes sur la santé et encourager les conduites addictives.

M. le rapporteur général. J’émets un avis défavorable et vous conseille de réécrire votre amendement si vous souhaitez le redéposer lors l’examen du texte en séance : vous ne précisez pas, en effet, le montant initial de la taxe.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1047 de M. Nicolas Thierry et AS1505 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). Par l’amendement AS1047, nous proposons de rehausser la fiscalité sur les prix du tabac afin d’augmenter ceux-ci de 10 % par an jusqu’en 2032. La hausse des prix du tabac est reconnue par l’OMS comme le levier le plus efficace pour réduire le tabagisme – qui demeure, avec environ 75 000 décès par an, la première cause de mortalité évitable en France. Une hausse de 10 % des prix engendre une diminution de 4 % de la consommation. La dernière campagne de hausse régulière, entre 2017 et 2020, a montré des résultats probants. L’objectif du paquet de cigarettes à 10 euros avait alors permis une chute de plus de 5 points de la prévalence tabagique. Or, depuis 2020, il n’existe aucune trajectoire fiscale de hausse des prix du tabac. Rappelons que, selon l’OFDT, le coût social du tabac s’élève à 156 milliards d’euros par an.

M. le président Frédéric Valletoux. Je propose moi aussi d’accélérer la trajectoire d’augmentation des prix du tabac en jouant sur l’augmentation de l’accise. J’indiquerai, en complément du chiffre évoqué par M. Davi, que le coût direct du tabac atteint 16 milliards d’euros par an, quand l’accise rapporte 13 milliards.

Contrairement à ce que certains ont dit hier, la politique du prix élevé fonctionne, comme le montre l’exemple de l’Australie. S’il en découle une explosion du marché parallèle, c’est aussi parce qu’il manque une coordination entre les politiques antitabac des pays européens. La position de la France, au cœur d’un continent aux frontières poreuses, joue à cet égard en sa défaveur. Le prix n’est pas le seul outil permettant de lutter contre le tabagisme mais il est incontournable.

Nous examinerons dans les prochains mois, lorsque l’ordre du jour le permettra, une proposition de résolution relative à la mise en œuvre du protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite de tabac.

M. le rapporteur général. La fiscalité du tabac augmente chaque année. Le prix du paquet de cigarettes, passé à 10 euros environ entre 2017 et 2020, continue d’augmenter et atteindra 12,73 euros en 2027. Or je ne crois pas qu’il faille accélérer la trajectoire de hausse progressive, et j’appelle votre attention sur deux points en particulier. Une forte augmentation de la fiscalité entraîne immédiatement un développement du marché parallèle – sur lequel on trouve des produits de moins bonne qualité, parfois – et encourage la consommation de produits de substitution encore plus dangereux que le tabac.

Il me semble préférable de nous en tenir à la trajectoire de hausse progressive concertée. Tout en partageant les préoccupations des défenseurs de ces amendements, j’émets un avis défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). Je souscris totalement à ces arguments. Nous sommes tous conscients de la nécessité de lutter contre le tabagisme mais le levier fiscal, qui fut sans doute le bon il y a une vingtaine d’années, ne l’est plus. L’augmentation des prix entraîne un report vers les dérivés nicotiniques et vers le vapotage.

Les chiffres de Santé publique France me semblent pouvoir être mise en doute, du fait de la méthodologie utilisée : les déclarations se font maintenant en ligne, et l’on sait que les Français ont tendance à minimiser leur consommation. On observe par ailleurs une baisse de la consommation au niveau européen, alors que certains pays n’ont pas augmenté leur fiscalité. Une hausse des prix diminuerait les recettes fiscales – les ventes de tabac échappant à la fiscalité nous ont fait perdre 4,3 milliards d’euros en 2023 – et aurait un effet contre-productif sur la santé publique : les cigarettes de contrebande vendues sur les marchés parallèles contiennent des substances bien plus nocives pour la santé.

Nous atteindrons plus facilement nos objectifs en matière de santé publique en favorisant la prévention et l’éducation.

M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis le seul à défendre cette mesure, dont je ne nie d’ailleurs pas les effets de bord : dans ma région, les gens se rendent ainsi en Espagne pour acheter du tabac. Cependant, l’efficacité de l’augmentation du prix du tabac est indiscutable.

Les effets de bord doivent donc être pris en compte et circonscrits, en aidant par exemple les détaillants de tabac à créer des multicommerces ou en les autorisant à vendre d’autres produits. On pourrait aussi sanctionner plus fermement le trafic de tabac. Des usines de tabac frelaté ont été fermées. Il faut poursuivre les enquêtes.

À l’échelon européen, une prise de conscience croissante conduit à des décisions qui diminuent ce trafic. On ne peut pas, sous prétexte qu’ils existent, dire que l’on se lave les mains de la consommation de tabac : 40 % des causes de cancer sont liées au tabac. C’est énorme.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1462 de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (DR). Cet amendement vise à rétablir dans le code de la sécurité sociale la contribution sociale à la charge des fournisseurs agréés de produits du tabac, supprimée en 2020.

L’objectif est de faire participer le secteur du tabac au coût social et sanitaire de la consommation de ces produits, conformément au principe du pollueur-payeur. Le tabac est en effet la cause directe ou un facteur favorisant de nombreux types de cancers. Il importe donc de lutter contre lui le plus efficacement possible.

Sans affecter le produit de cette contribution à une dépense spécifique, nous souhaitons que les recettes ainsi générées puissent contribuer au renforcement des politiques de prévention et de lutte contre les addictions dans la mise en œuvre budgétaire.

M. le rapporteur général. Votre amendement me surprend car il tend à recréer un impôt de production qui a déjà existé. Dans son rapport de nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2020, notre ancien collègue Joël Giraud, alors rapporteur général, expliquait d’ailleurs que cette contribution ne pesait en réalité que sur un seul fournisseur – en somme, un impôt pour une seule entreprise.

Dès 2016, le Conseil constitutionnel avait jugé que la partie relative à la répercussion de cette contribution était contraire à la Constitution et rendait inopérant le dispositif prévu. Cet impôt dysfonctionnel avait donc été supprimé, mais pas de manière sèche : le même amendement du Sénat avait augmenté à due concurrence la part spécifique et la part proportionnelle de l’accise. Le surcroît de produit de l’accise ainsi obtenu est venu alimenter le fonds de lutte contre les addictions. L’objectif de prévention que vous poursuivez étant ainsi satisfait, je vous invite à retirer votre amendement et à ne pas le redéposer en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS177 de Mme Sandrine Runel

M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement vise à augmenter le taux de contribution sociale généralisée (CSG) sur les paris sportifs et les jeux de hasard. Le risque pour la santé que présentent ces pratiques en matière d’addiction est désormais démontré scientifiquement. Un joueur sur cinq environ risque l’addiction, qui peut entraîner dettes, tensions familiales et troubles psychologiques, soit un impact social important.

M. le rapporteur général. Ce sujet avait déjà occasionné de grands débats l’an dernier, auxquels vous aviez activement participé en commission et en séance.

Vous proposez d’inclure les paris hippiques dans la contribution sur la publicité en faveur des jeux créée alors. La dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) a augmenté la CSG et la taxe sur la publicité sur les jeux, dont l’assiette avait en outre été élargie. Nombre de changements et de corrections ont donc déjà été effectués.

Ces contributions financent d’ores et déjà la filière équine et hippique, notamment des équipements et des infrastructures dans nos territoires. La mesure fragiliserait notamment le domaine de la formation, sachant que l’équitation est le premier sport féminin.

Cette mesure se retournerait finalement contre des acteurs de l’aménagement du territoire auxquels on ne pense pas forcément. Je plaide presque coupable : les anciens haras nationaux du petit village dont j’ai été maire accueillent désormais un manège olympique financé par le fonds Eperon, qui bénéficie largement au comité régional, en proposant notamment des formations d’attelage ou de collecte hippomobile des déchets – sujet qui pourrait plaire à Mme Rousseau.

Je ne souhaite pas fragiliser les emplois directs et indirects liés aux chevaux. J’émets donc un avis défavorable.

Je viens de répondre, pardonnez-moi mon erreur, sur l’amendement suivant, AS511, et non sur l’amendement dont nous discutons, AS177, qui concerne les loteries.

Selon la Cour des comptes, ce segment de jeux est le plus taxé. D’après l’OFDT, les joueurs excessifs y sont pourtant cinq fois moins nombreux que dans les autres types de jeux.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je m’étonnais de l’argumentation de M. le rapporteur général sur le sport féminin et le ramassage des déchets pour ne pas taxer les paris sportifs !

Les paris sportifs sont un fléau, particulièrement chez les jeunes, touchés par une publicité extrêmement agressive et des comportements d’addiction. Des mises de départ sont offertes pour que les personnes deviennent dépendantes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS511 de Mme Élise Leboucher

M. Louis Boyard (LFI-NFP). M. le rapporteur général a fait l’erreur de nous donner tous ses arguments sur les paris hippiques. Ce secteur réalise un chiffre d’affaires de 9,3 milliards d’euros. Il génère 30 000 emplois directs et 60 000 emplois indirects, raison avancée par le rapporteur général pour lui accorder des exemptions après les propositions fiscales du Sénat.

Nous sommes en désaccord sur ce point : si vous comptez sur les paris sportifs pour faire tenir toute la filière hippique, alors nous nous sommes enfermés dans un piège dont nous ne sortirons pas. Un autre modèle de financement doit être trouvé, qui ne repose pas sur l’addiction de personnes, dont beaucoup appartiennent aux milieux populaires.

Les recettes proposées par cet amendement AS511 doivent donc nous aider à la fois à lutter contre l’addiction et à créer un autre modèle de financement. Nous devons collectivement sortir du piège dans lequel nous sommes.

M. le rapporteur général. Je ne cache pas mes arguments. Nous avons déjà apporté des corrections sur ce sujet, avec un élargissement de l’assiette et une augmentation de la CSG et des taxes sur les publicités sur les jeux. En effet, nous devons lutter contre les addictions.

En revanche, nous ne nous sommes pas enfermés dans un piège, nous pouvons en sortir en conjuguant lutte contre les addictions et préservation des filières et de leurs emplois. Il vaut mieux attendre les conclusions de notre collègue Éric Woerth, chargé d’un rapport sur le sujet.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Théo Bernhardt (RN). Cet amendement me surprend, mais pas de la part de La France insoumise. Beaucoup d’hippodromes sont gérés par de petites structures, sous forme d’associations. La filière hippique est en danger et des emplois sont en jeu.

Dans l’hippodrome de ma circonscription se déroulent seulement quatre courses par an. Le président de l’association des courses hippiques m’a dit que les recettes baissaient de plus en plus. Si l’on taxe encore plus les paris hippiques, on condamne la filière, alors que les courses hippiques s’inscrivent dans la tradition française. Ce serait donc contre-productif.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’année dernière, le Sénat avait justement exclu le secteur hippique de la taxe sur les publicités, avec les arguments avancés par le rapporteur et le Rassemblement national.

Ce secteur n’est pas exactement en difficulté : il a connu une croissance de 2,3 % l’année dernière et de 1 % au premier semestre 2025.

Le Rassemblement national déplore que les petites structures soient en danger. Mais c’est justement parce qu’elles sont tenues par le lobby des paris hippiques, qui gagne des milliards grâce à l’addiction des gens, sur laquelle repose tout le modèle de financement. Si vous ne voulez pas en sortir, vous ne trouverez pas de solution.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS515 de M. Damien Maudet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Depuis tout à l’heure, étonnamment, des collègues de droite veulent créer de nouveaux impôts. Faisons-le de manière juste. Il s’agit ici d’augmenter la contribution des opérateurs de jeux d’argent au profit de l’assurance maladie, a fortiori car La Française des jeux a été privatisée en 2019. Ses actionnaires privés ont désormais besoin d’élargir le public des jeux d’argent et les pathologies liées – les addictions – pour augmenter leur cours en bourse : l’action valait 20 euros au moment de la privatisation, contre 25 aujourd’hui.

L’année dernière, 10 milliards d’euros ont été pariés, dont la moitié en ligne. Des publicités sont diffusées sur YouTube, notamment par des youtubeurs connus de la jeunesse, avec les codes du manga ou du dessin animé. Les profits des opérateurs privés de jeux d’argent augmentent de 4 à 5 % par an.

Bref, la maladie – l’addiction aux jeux d’argent – est devenue un fondement de la valeur boursière. On a triplé le nombre de joueurs à risque depuis la privatisation de La Française des jeux. Des milliers de personnes ne jouent pas par plaisir, mais par anxiété, par obligation, pour gérer leurs émotions personnelles. Des gens claquent leur salaire en deux jours parce qu’ils sont touchés par une pathologie, celle du jeu.

Et que fait-on ? Il faut bien sûr renationaliser La Française des jeux et discuter du monopole public sur ce type d’activités, dangereuses pour une partie de la population. En attendant, il faut faire payer les opérateurs de jeux d’argent pour alimenter l’assurance maladie, qui accompagne les soins des 5 % de personnes dépendantes aux jeux, dont les deux tiers vivent en dessous du Smic. Ce n’est donc pas à eux de payer par des impôts sur la consommation, mais aux opérateurs privés de s’en acquitter, par la taxation des investissements publicitaires.

M. le rapporteur général. Votre demande est déjà satisfaite puisque, en février 2025, la LFSS a justement créé une taxe sur les publicités pour les jeux d’argent, avec un taux de contribution de 15 % – vous avez voté contre. Nous ne savons d’ailleurs pas encore ce que cela va donner, 2025 n’étant pas terminée.

Vous voulez cibler les publicitaires, mais vous incluez dans l’assiette modifiée les gratifications des joueurs – donc un revenu des joueurs. Peut-être d’ailleurs faudrait-il plutôt faire cette proposition concernant la CSG sur le produit brut des jeux.

J’émets un avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous savons bien que ce taux existe, puisque nous l’augmentons justement de 15 à 20 % : nous ne mettons pas des chiffres au hasard. Nous parlons donc de l’alinéa 5 de l’article L. 137-27 – nous aussi pouvons faire « techno ».

N’essayez pas de faire croire que nous taperions à côté du dispositif. La discussion, politique, porte sur le fait de savoir si ce taux est suffisant. Nous pensons que non, car il n’apporte pas les sommes nécessaires pour la prévention et l’accompagnement des personnes sujettes à des addictions aux jeux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS109 de Mme Colette Capdevielle

Mme Océane Godard (SOC). Cet amendement obéit au principe du pollueur-payeur, en vertu duquel les acteurs économiques qui génèrent des externalités négatives sur la santé publique doivent contribuer à la prévention et à la réparation de leurs conséquences.

Les partenariats et parrainages sportifs conclus par les opérateurs de jeux ont connu une progression notable ces dernières années. Ils constituent un vecteur de communication néfaste pour les publics jeunes, exposés à la promotion des jeux.

Le présent amendement vise à lever toute ambiguïté juridique en inscrivant clairement que les dépenses de parrainage de sponsoring sportif, lorsqu’elles servent la promotion d’opérateurs de jeux d’argent et de hasard, doivent être prises en compte dans l’assiette de la contribution et soumise à un taux au taux applicable de 15 %, ce qui générerait près de 7 millions d’euros de recettes supplémentaires.

M. le rapporteur général. À l’automne dernier, l’Assemblée avait exclu la filière hippique de ces mesures. Vous abordez ici une autre question, précisée lors de la commission mixte paritaire : doit-on étendre la taxe sur la publicité sur les jeux d’argent au sponsoring sportif ?

Il en a été exclu. Le spectre est large, du très grand club dont tout le monde parle à Paris, à des clubs de ligues inférieures comme à des associations, avec de nombreux emplois à la clé. Le sponsoring concerne aussi la PME qui, dans notre circonscription, payera 500 euros pour une banderole lors d’un match.

Il est vrai que vous limitez le champ des redevables, en taxant uniquement les dépenses de parrainage des opérateurs de jeux. Cependant, un tel amendement risquerait de réduire l’incitation des gros comme des petits opérateurs à apporter un soutien financier aux clubs dans nos territoires.

Or je suis un peu inquiet, car les compétitions sont parfois pour les jeunes la seule occasion de prendre une fois par semestre le bus de Lunéville à Sarrebourg pour un match de handball. Ces transports ont un coût, et les associations ont besoin du mécénat sportif. Des acteurs très divers bénéficient donc d’une certaine manière du produit de ces jeux.

Le secteur n’est pas en grande forme et rencontre des difficultés. Je ne vous parle pas ici du Paris Saint-Germain mais de clubs professionnels de nos régions qui ont vu baisser leurs recettes et la valeur des contrats négociés. La question des droits de diffusion télévisuelle les place aussi dans une situation complexe. Or il s’agit aussi d’emploi local. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Océane Godard (SOC). Vous souhaitez protéger les PME du territoire mais pas nécessairement le PSG, j’entends bien. Je vous propose donc de sous-amender notre amendement, de manière à protéger les PME et les très petites entreprises. Nous le soutiendrons évidemment.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS180 de Mme Sandrine Runel

Mme Sandrine Runel (SOC). Il s’agit de créer une taxe sur la publicité pour les paris en ligne afin de désinciter à la consommation de jeux d’argent et de hasard. De fait, 40 % du chiffre d’affaires des opérateurs de jeux d’argent proviennent de personnes qui ont une pratique excessive en la matière, et 58 % pour les paris sportifs.

Le budget publicitaire des plateformes de jeux d’argent et de hasard a augmenté de 26 % entre 2019 et 2021, année de la Coupe du monde de football au Qatar – ça fait beaucoup dans la même phrase. Ces publicités, largement et vivement critiquées, incitent à des pratiques de jeux excessives, abusives, mauvaises pour notre jeunesse. Cette taxe vise donc à dissuader les opérateurs de multiplier ces campagnes publicitaires et de toucher nos jeunes.

M. le rapporteur général. Vous voulez créer une nouvelle taxe sur les dépenses de publicité pour les jeux d’argent. Or une taxe sur les dépenses de publicité des opérateurs de jeux a déjà été créée en LFSS. En parallèle, la fiscalité sur les jeux a été lourdement et doublement augmentée, avec une hausse de l’assiette et du taux de la CSG sur le produit brut des jeux.

Ce que vous proposez n’écrase pas ce qui a déjà été adopté en février, mais s’y ajoute. J’alerte aussi mes collègues sur le fait que vous en profitez pour intégrer le secteur hippique.

Pour toutes ces raisons, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures trente.

Amendement AS1744 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. Lors de notre discussion sur la chaîne du médicament, nous avons déjà évoqué les laboratoires et les officines, que nous souhaitons préserver. Entre les deux, les grossistes-répartiteurs assurent des missions de service public d’approvisionnement en médicaments, avec certaines obligations.

Ces dernières années, le modèle des répartiteurs pharmaceutiques rencontre des difficultés : la modification du circuit de distribution des produits de contraste utilisés en radiologie a réduit leurs revenus.

Cet amendement tend donc à modifier légèrement la contribution sur la vente en gros, afin d’abaisser le taux de contribution de la première part pour ne pas les fragiliser davantage.

M. Nicolas Turquois (Dem). La technicité de cet amendement sur des produits de contraste me surprend. Ce niveau de précision semble davantage relever du cadre réglementaire. Pourquoi les produits de contraste, et pas tel autre produit ?

M. le rapporteur général. L’amendement ne porte pas sur les produits de contraste mais sur le taux de contribution de la vente en gros qui pèse sur les répartiteurs pharmaceutiques. Nous l’avions d’ailleurs baissé de 1,75 à 1,5 % pour prendre en compte la fragilisation de leur modèle économique encadré par l’État.

Les produits de contraste ayant été ôtés de leur périmètre de distribution, leur chiffre d’affaires a diminué, ce qui a encore aggravé la fragilité de leur modèle. Je souhaite donc diminuer le taux de la contribution qu’ils acquittent, laquelle ne concerne pas uniquement les produits de contraste.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis opposé cet amendement. Une idée géniale a été inventée : avant, le radiologue fournissait le produit de contraste ; maintenant, il faut aller le chercher à la pharmacie. Cela coûte plus cher, puisque le prix d’achat a bondi.

Il faut revenir au système antérieur, qui évitait au patient d’aller à la pharmacie. Cette règle conçue par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) est incompréhensible.

M. le rapporteur général. L’amendement ne revient pas sur ce point. On a retiré aux grossistes-répartiteurs, qui assurent des missions de service public, une partie des produits qu’ils commercialisaient. Ils s’en trouvent fragilisés ; d’où mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS224 de M. Boris Tavernier

M. Boris Tavernier (EcoS). Cet amendement ne plaira probablement pas à M. Arnaud Rousseau, patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et surtout président du groupe Avril. Il vise en effet à créer une contribution sur les entreprises productrices, importatrices ou distributrices d’hexane.

Ce solvant d’origine pétrolière est largement utilisé par l’industrie agroalimentaire pour l’extraction des huiles végétales. Or l’hexane est une substance préoccupante pour la santé publique et l’environnement. Des études scientifiques établissent clairement ses effets neurotoxiques et potentiellement reprotoxiques. L’exposition, en milieu professionnel ou par l’alimentation, est associée à des lésions nerveuses permanentes ainsi qu’à des corrélations inquiétantes avec des pathologies telles que Parkinson ou Alzheimer.

Ne rigolons pas avec notre santé, qui vaut bien plus que leurs profits. Protégeons notre alimentation. Encourageons les industriels à se passer d’hexane.

M. le rapporteur général. L’usage de l’hexane est strictement encadré, tant en amont que pour les consommateurs, par la directive européenne du 23 avril 2009. Le 13 septembre 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments n’a relevé aucun problème sanitaire immédiat lié à l’exposition orale à l’hexane. Elle a même conclu à la nécessité de procéder à une réévaluation de la sécurité de l’utilisation de l’hexane, à la lumière de certaines publications récentes.

Une mission a d’ailleurs été lancée par la commission des affaires économiques. Il faut attendre ses conclusions, mais, en l’état, il ne me semble ni justifié sur le plan sanitaire, ni pertinent sur le plan financier d’adopter votre amendement.

M. Boris Tavernier (EcoS). Du pétrole dans notre alimentation ! Le principe de précaution s’impose, car de plus en plus d’études montrent la toxicité de l’hexane. Nous pourrions juste être juste prudents.

M. Jean-François Rousset (EPR). Ce sujet, très important, est nouveau et ancien à la fois. Pendant longtemps, l’on a considéré l’hexane comme neutre et pensé que sa molécule ne pouvait pas évoluer dans le temps. Des études récentes montrent cependant que c’est faux : l’hexane est transformé à l’intérieur de notre organisme et pourrait être à l’origine de maladies neurodégénératives dont on connaît l’incidence dans notre société.

D’autres études montrent qu’il faut rester prudent. Attendre les résultats d’une commission ad hoc est justifié ; aussi je suis contre cet amendement. Mais l’hexane est présent dans de nombreux produits transformés puisqu’il permet d’extraire, par un procédé qui pourrait être délétère, jusqu’au dernier centigramme d’huile végétale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS79 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Ce magnifique amendement est novateur. Il vise à créer un toxi-score destiné à informer les consommateurs sur la dangerosité des produits ménagers et de nettoyage pour la santé humaine et l’environnement. Ce score, inspiré du nutri‑score et de l’éco-score, permettrait d’afficher de manière simple et lisible le niveau de toxicité des produits, grâce à un code couleur ou un symbole apposé sur l’emballage et dans les publicités.

Les produits ménagers sont aujourd’hui l’une des principales sources de pollution de l’air intérieur, dont les effets sanitaires sont désormais bien documentés : irritations, asthme, allergies, troubles endocriniens. Les études de l’Anses le prouvent. Il s’agit donc d’une mesure de bon sens pour préserver la santé de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

M. le rapporteur général. Vous soulignez de vrais problèmes. Vous y répondez par une taxe sur la publicité – soit la huitième. Mais la France est sous le coup d’une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne en juillet 2025 : en voulant imposer un marquage environnemental français, contradictoire avec les règles européennes, notre État a enfreint les règles du marché intérieur. La mesure proposée renforcerait le risque de condamnation.

Nos citoyens prêtent de plus en plus attention aux produits de nettoyage qu’ils utilisent – nous pouvons tous le constater dans nos entourages. La taxe proposée aurait pour effet de renchérir le prix de ces produits et affecterait les ménages les plus modestes. J’y suis donc défavorable.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous ne nous posons pas la question du financement du nutri‑score. Nous pouvons en effet réfléchir à celui du toxi-score : j’attends vos propositions de réécriture.

Il est faux de dire que nous savons exactement ce que nous consommons quand nous achetons un produit ménager : nous choisissons soit le moins cher, soit un produit vaguement labellisé bio – peut-être d’ailleurs du greenwashing de l’entreprise –, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que ce produit est bon pour la santé.

Dans une approche de santé environnementale, il faudrait faire l’effort de mieux comprendre les risques et la toxicité de ce que nous consommons, et pas uniquement de ce que nous ingérons. Il faut de la transparence, et nous risquons d’attendre longtemps si nous comptons sur les industriels pour la mettre en place. Il est donc de notre responsabilité de l’assurer sur les produits que nous consommons au quotidien pour protéger les gens.

Nous ne pouvons pas, d’un côté, promouvoir Octobre rose, porter un petit ruban et dire qu’il faut lutter contre le cancer et, de l’autre, ne rien faire et nous retrancher derrière des arguments techniques lorsque nous pouvons prendre des mesures concrètes pour informer les gens et pour lutter contre la toxicité des produits que nous consommons.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). M. le rapporteur général a répondu que cela conduirait à une nouvelle taxe. Or ce n’est pas ce que prévoit l’amendement : il n’y aura de taxe qu’en l’absence de toxi-score.

M. le rapporteur général. Une taxe sera appliquée si un toxi-score n’est pas affiché. Vous voulez utiliser le levier fiscal pour atteindre un objectif de transparence s’agissant du contenu des produits de nettoyage, mais ne pourrait-on pas y parvenir sans utiliser ce levier ? Tout le problème des PLFSS est que le seul moyen de parler de certaines questions est de proposer la création d’une taxe.

La commission rejette l’amendement.

Article 12 : Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale

Amendements de suppression AS320 de Mme Élise Leboucher, AS777 de Mme Joëlle Mélin et AS1365 de M. Éric Ciotti

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS320. Cet article contient vraiment le pire du pire. Il prévoit des ponctions au profit de l’État sur la sécurité sociale, notamment au détriment des patients atteints d’affections de longue durée – des maladies chroniques, comme le diabète, un cancer ou une endométriose invalidante –, mais aussi des retraités et des personnes privées d’emploi. Je suis révulsée de voir que l’Unedic, qui pourrait être excédentaire, devrait subir une ponction de l’État, notamment pour financer France Travail au lieu des allocations chômage. Tout cela n’est plus acceptable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous demandons tous les ans la suppression de l’article du PLFSS qui propose des transferts financiers, tous plus rocambolesques les uns que les autres. On sent la fébrilité de l’État, qui est à la recherche du moindre centime. Ce mélange des genres et ces transferts de caisse en caisse, variables selon les années, deviennent tout à fait insupportables, tant sur le plan de la transparence que sur celui de la gestion des flux financiers. Quand on voit, par exemple, que la contribution tarifaire d’acheminement va ainsi être transférée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), on se dit quand même qu’on pourrait faire autre chose avec les taxes sur les industries gazières.

M. Olivier Fayssat (UDR). L’amendement AS1365 est défendu.

M. le rapporteur général. Ces amendements, qui ne sont pas défendus avec les mêmes arguments, tendent à supprimer un article qui ajuste les transferts financiers entre les branches de la sécurité sociale. Sans lui, les tuyaux existants seraient simplement maintenus.

Madame Amiot, vous évoquez dans l’exposé sommaire de votre amendement un élément qui ne relève pas du PLFSS, mais du projet de loi de finances (PLF), à savoir l’assujettissement des indemnités journalières à l’impôt sur le revenu. Supprimer le présent article ne changerait rien à ce que prévoit le PLF en la matière. Il me semble que cette mesure a été supprimée par la commission des finances, mais nous verrons ce qu’il en sera en séance. Votre exposé sommaire aborde également la question, importante, de ce qu’il conviendrait de faire des 3,1 milliards d’euros de gains liés à la réforme des allégements généraux. J’estime qu’ils doivent rester à la sécurité sociale car le mécanisme par lequel ils sont compensés par l’État est inadapté. L’espèce de dette qui s’est constituée depuis 2019 s’élève à peu près à 18 milliards d’euros. J’ai déposé un amendement à l’article 40 du PLF afin de réajuster la fraction de TVA qui est affectée à la sécurité sociale et supprimer la récupération, par l’État, du gain de la réforme des allégements généraux. J’espère que vous me soutiendrez en séance.

Madame Mélin, vous avez évoqué la taxe qui a été mise en place pour permettre le financement de la part des prestations du régime des industries électriques et gazières correspondant aux activités régulées antérieurement à 2005. Cette taxe devrait rapporter 1,8 milliard d’euros en 2026, alors que les droits spécifiques qu’elle finance devraient représenter 1,2 milliard. Que faire de l’excédent de 600 millions ? Si nous supprimons l’article 12, cet argent dormira au lieu d’être transféré à la Cnav.

S’agissant de l’amendement AS1365, je pense aussi qu’il faut arrêter de ponctionner la branche famille, compte tenu des défis à affronter, mais qu’il est nécessaire d’assurer une solidarité interbranches, par des transferts au sein de la sécurité sociale – je m’exprime sous le contrôle de notre collègue rapporteure pour la branche famille, Anne Bergantz.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Je m’élève en faux contre les interprétations qui ont été données au sujet de cet article. Il répond à une exigence de bonne gouvernance de la sécurité sociale et résulte directement de la diminution des exonérations de charges qui a été votée l’année dernière dans le projet de loi de finances. Nous n’étions pas favorables à cette mesure, mais elle a été adoptée, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences.

Monsieur le rapporteur général, je vous rejoins s’agissant de la TVA affectée au système de sécurité sociale – c’est une question extrêmement importante – et je soutiendrai donc votre amendement en séance.

La branche famille bénéficiant de la diminution des allégements de charges, l’article 12 vise à assurer une répartition des gains entre les branches qui en ont le plus besoin, celles de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse. Loin de certaines interprétations, selon lesquelles il s’agirait de faire payer ceux-ci ou ceux-là, cet article vise à assurer une gestion rigoureuse. Je vous invite à consulter les annexes, qui sont très détaillées.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS114 de Mme Isabelle Santiago

M. Sacha Houlié (SOC). Notre collègue Isabelle Santiago, qui est à l’origine de cet amendement, a beaucoup travaillé sur la protection de l’enfance. Le manque de compensation financière de la part de l’État conduit à un mauvais traitement des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et à des disparités très importantes entre les départements selon leurs moyens ou leur volonté politique. L’amendement reprend une des propositions figurant dans le rapport de notre collègue, qui est d’affecter une fraction de CSG au financement de l’ASE. D’autres amendements relatifs à la protection de l’enfance seront examinés après l’article 12, mais je vous invite à adopter dès maintenant celui-ci, afin de réduire les disparités entre les départements et d’accorder des financements suffisants à la prise en charge des enfants placés.

M. le rapporteur général. Vous avez oublié de préciser que ces crédits seraient enlevés à la branche famille. Je pourrais comprendre qu’on affecte une part de CSG aux départements en vue de financer l’ASE, qui est une vraie question – je vois bien dans mon département qu’un défi est à relever –, mais est-ce à la sécurité sociale de pallier les carences de l’État pour ce qui est des transferts de charges aux départements ? Je ne suis pas favorable à l’idée d’enlever une recette à la branche famille. Il serait préférable de retirer l’amendement et de revenir sur cette question lors de l’examen de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances : le sujet relève plutôt du programme 304 du PLF, et non, même si je peux comprendre que ce soit frustrant, de la sécurité sociale.

M. Sacha Houlié (SOC). Nous sommes contraints par l’article 40 de la Constitution, qui oblige à prévoir un gage. Par ailleurs, nous ne pourrons demander cette affectation de recettes dans le cadre du programme que vous avez évoqué. Enfin, comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement, il ne paraît pas anormal que la branche famille finance une action pour des enfants qui, par définition, n’ont pour famille que l’État.

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous voterons contre cet amendement, même si nous partageons, bien sûr, le constat que les départements sont au bord de la rupture. Ils portent presque seuls la responsabilité de milliers d’enfants que, souvent, l’État n’a pas su protéger faute de places ou de solutions médico-sociales adaptées. Votre amendement, je rejoins M. le rapporteur général sur ce point, entérinerait le désengagement de l’État. En attribuant une part de la CSG aux départements, nous transformerions une ressource nationale, symbole de solidarité, en un financement local. Or la protection de l’enfance n’est pas une compétence territoriale, mais une responsabilité nationale. Les enfants relevant de l’ASE ne sont pas confiés à un département, mais à la République. Leur premier parent défaillant, c’est bien souvent l’État lui-même, et il ne faut pas gérer la pénurie, en procédant à des redistributions, mais reconstruire une véritable politique nationale de protection de l’enfance, bénéficiant d’un ministère de l’enfance, de moyens d’État et d’un pilotage unifié, afin de garantir la même protection à chaque enfant, quel que soit le département où il vit.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS586 de Mme Ségolène Amiot et AS580 de M. Damien Maudet (discussion commune)

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Par l’amendement AS586, nous demandons le rétablissement de l’autonomie du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Le Gouvernement, vous vous en souvenez, a décidé de le fusionner avec la Cnav dans le cadre de la loi de financement pour 2025, sans vote du Parlement, en raison du recours au 49.3. Le FSV est un pilier essentiel de la solidarité nationale : il finance des droits à la retraite qui ne reposent pas sur des cotisations mais sur la solidarité collective – minimum vieillesse ou validation gratuite de trimestres en lien avec le chômage, la maladie, la maternité ou le service civique. Grâce à ce fonds, des millions de personnes ayant connu la précarité peuvent bénéficier d’une retraite digne. Tel est l’esprit de la sécurité sociale : protéger chacun selon ses besoins, à partir de la richesse produite ensemble.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Notre amendement AS580 vise à poser la question du rôle et de la fonction du FSV, qui est notamment financé par une imposition du capital et du patrimoine. Ce fonds sert à assurer des droits non contributifs à celles et ceux qui n’ont pas eu la capacité de cotiser à un moment mais qui, généralement, pourront le faire plus tard dans leur vie – il faut les aider à s’en sortir, à retrouver un boulot, pour verser alors des cotisations. Le FSV prend en charge l’ouverture de droits pour les stages professionnels, le service civique ou les arrêts de travail en cas de maladie ou de maternité.

Nous souhaitons empêcher une ponction sur le FSV. Son intégration à la Cnav vise en réalité à fusionner les comptes et à permettre de se servir dans ses moyens, en supprimant sa mission historique et en le détournant de la solidarité nationale. Nous pensons au contraire que les excédents du FSV devraient être mis en réserve pour assurer la pérennité des dispositifs non contributifs, par exemple la prise en charge des cotisations retraite pour le temps passé au RSA par des personnes qui seront ainsi aidées à retrouver plus vite un emploi et à sortir de leurs difficultés, ce qui leur permettra de recotiser plus rapidement par la suite.

M. le rapporteur général. Il faut continuer à protéger chacun et je suis sensible à l’alerte de M. Clouet, qui s’inquiète de l’avenir des missions assurées par le FSV. Notre collègue a donné beaucoup d’exemples, mais je m’étonne qu’il n’ait pas parlé du chômage, qui représente la plus grande partie des trimestres pris en compte dans ce cadre.

Pourquoi a-t-on supprimé le FSV ? C’était une mesure de simplification administrative. Le fonds employait 2,5 équivalents temps plein, et son fonctionnement nécessitait des conseils d’administration et des réunions multiples, lourdeur administrative qui n’était pas justifiée. Par ailleurs, l’intégration du FSV à la Cnav ne modifie en rien les droits des assurés et des bénéficiaires de la solidarité nationale en matière d’assurance vieillesse. La Cnav continuera à assurer tout le travail et toutes les missions du FSV, et elle récupérera l’intégralité de ses ressources. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir.

S’agissant de la forme, le maintien du FSV nécessiterait le rétablissement de tous les articles du code de la sécurité sociale – plus d’une vingtaine – le concernant. De plus, la suppression de l’alinéa de l’article 12 que vous visez n’aurait aucun effet sur l’intégration du FSV à la Cnav : ces amendements n’ont pas la portée que vous pensez. Je vous invite à les retirer et peut-être à les réécrire. Sinon, avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (DR). Comme l’a dit le rapporteur général, la suppression du FSV ne change pas grand-chose. Par ailleurs, notre système de retraite prend l’eau de toute façon : les excédents du FSV vont disparaître à mesure qu’on glisse sur la pente démographique. Il me paraît contre-productif de continuer à alimenter le système d’assistanat qui sert de béquille pour la prise en charge de droits à la retraite de personnes qui restent au revenu de solidarité active (RSA) et ne sont pas encouragées, comme vous l’avez dit, à reprendre une activité plus rapidement – bien au contraire, puisque le dispositif réduit les effets de leur inactivité. Pourtant, je ne doute pas que vous soyez, comme nous, d’ardents défenseurs de la valeur travail.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je me réjouis que des collègues de la Droite Républicaine disent partager avec nous la valeur travail.

J’entends la réponse du rapporteur général concernant les vingt articles du code de la sécurité sociale qu’il faudrait rétablir. Je compte sur sa sagacité et sa force de travail pour nous aider à le faire en vue de la séance.

Je ne pense pas qu’il y ait d’un côté des sujets techniques et de l’autre des sujets politiques. Lorsqu’on distingue ou, au contraire, fusionne des organismes, il s’agit toujours de savoir qui prend des décisions. Il n’est pas vrai que les logiques organisationnelles n’ont pas de caractère politique. En l’espèce, l’intégration du FSV dans une autre institution concourt à permettre des basculements, des redistributions de fonds entre des comptes qui ne resteront pas séparés très longtemps. En témoigne le détournement ou plutôt la réaffectation de 1,5 milliard d’euros vers la Cnav qui est actuellement prévue.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 12 non modifié.

Après l’article 12

Amendements AS960 de M. Charles de Courson et AS1651 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). La taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), est partagée entre les départements, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et l’État. Or vous connaissez l’état désastreux des finances des départements. Comme la Cnaf sera excédentaire de 700 millions d’euros, selon les projections, pourquoi ne pas diminuer la part qui doit lui revenir, pour augmenter celle des départements ? Le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi de finances, un fonds de sauvegarde de 300 millions d’euros dont le financement doit s’inscrire à l’intérieur de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement. La solution que je vous propose pour redonner un peu d’oxygène aux départements me paraît plus raisonnable.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Mon amendement est en quelque sorte de repli par rapport à celui de M. de Courson, dont je partage totalement l’analyse quant aux difficultés des départements. Il est nécessaire de leur apporter un financement complémentaire pour les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), comme l’a montré une mission conduite par M. Dessigny, en 2024, au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Dans la même logique que M. de Courson, je propose d’affecter une part plus importante de la TSCA aux départements, à hauteur de 200 millions d’euros. Je soutiendrai naturellement l’amendement de notre collègue, qui prévoit 700 millions, mais si d’aventure vous ne votiez pas en sa faveur, chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter le mien, car nos départements ont vraiment besoin de moyens supplémentaires.

M. le rapporteur général. Comme vous, je suis très sensible à la question des finances des départements. Nous avons reçu un courrier de Départements de France qui nous alerte sur la situation budgétaire actuelle. C’est peut-être l’échelon, parmi les collectivités locales, qui est le plus en souffrance, puisque les départements n’ont plus aucune autonomie malgré les charges qui pèsent sur eux.

Comment répondre à cette situation ? Vous voulez mobiliser des ressources qui vont aujourd’hui à la sécurité sociale, à hauteur de 900 millions d’euros pour l’amendement de M. de Courson, et de 330 millions – et non 200 millions – pour celui de M. Delautrette. Vous avez déposé ces amendements en faisant abstraction de l’article 12, qui fait basculer cette ressource de la branche famille et, dans une moindre mesure, de la branche autonomie vers la branche vieillesse. C’est donc elle que vous priveriez. Or j’avais cru comprendre que les socialistes voulaient un décalage, une suspension ou une abrogation de la réforme des retraites, ce qui a un coût. Je rappelle par ailleurs que la commission a supprimé, à l’article 7, l’une des solutions proposées pour le financement de cette demande.

D’une manière plus générale, la sécurité sociale a des ressources affectées, et je ne suis pas sûr qu’il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je préférerais qu’on traite les problèmes des départements dans le cadre du PLF et que, si je puis permettre, vous laissiez un peu tranquille la sécurité sociale, qui se trouve déjà dans une situation financière un peu compliquée. Alors que son déficit était de 17 milliards d’euros au commencement de nos travaux, nous l’avons déjà alourdi, par nos choix collectifs, de quelques milliards de plus.

Je vous invite plutôt à retirer ces amendements, même si j’entends votre message. Je suis prêt à soutenir les départements avec vous – nous avons ce combat en commun –, mais pas de cette façon.

Mme Anne Bergantz (Dem). Si j’ai bien compris le mécanisme, on prendrait à la branche famille 700 millions d’euros pour les donner aux Sdis – ces crédits iraient donc de la famille aux pompiers. Sans minimiser la question du financement des Sdis, je trouve cette proposition assez saugrenue.

Par ailleurs, la branche famille a effectivement un excédent, mais cela n’a pas toujours été le cas. Soyons donc prudents. S’il y a un excédent, c’est en raison d’une baisse de la natalité. Je ne suis pas certaine qu’on puisse la piloter au moyen de crédits mais il faudrait vraiment mener une réflexion sur l’accompagnement du désir d’enfant, qui a nécessairement une dimension financière. Ce que je comprends, monsieur de Courson, c’est qu’en réalité vous baissez les bras dans ce domaine.

Par ailleurs, prendre 700 millions d’euros à la branche famille reviendrait, comme M. le rapporteur général l’a dit, à creuser d’autant le déficit de la sécurité sociale, donc la dette.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur général, pourriez-vous préciser le montant transféré de la branche famille à la branche vieillesse ?

M. le rapporteur général. Le total de la TSCA qui va à la sécurité sociale s’élève à 1,2 milliard d’euros – c’est que représente la tuyauterie prévue à l’article 12.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je peux vous donner une piste pour compenser la baisse de recettes de la branche famille. Nous pourrions faire passer le point de sortie des allégements généraux de cotisations de 3 à 2 Smic, toutes les études démontrant l’inefficacité des allégements au-delà de ce seuil.

M. le rapporteur général. Comme je l’ai précédemment expliqué, j’ai déposé des amendements au PLF pour récupérer les 3,1 milliards d’euros supplémentaires qui seront collectés cette année. J’espère que vous soutiendrez ces amendements, comme Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). Je ne comprends pas votre réponse. L’excédent prévu est de 700 millions d’euros après, et non avant, le transfert dont vous avez parlé. Votre argument ne tient donc pas.

M. le rapporteur général. Je vous invite à consulter l’annexe 3 au PLFSS, qui comporte tous les éléments au sujet du transfert réalisé par l’article 12. Le jeu de tuyauterie conduit vers une branche des ressources qui allaient à une autre. Si nous faisons une ponction au profit des départements, les crédits n’iront pas à la branche prévue.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS701 de Mme Sandra Delannoy

Mme Sandra Delannoy (RN). Cet amendement permettra de renforcer la détection des cumuls frauduleux d’activité, salariée ou indépendante, avec le versement des prestations sociales. Selon un rapport d’information du Sénat publié en 2024 et intitulé « IA, impôt, prestations sociales et lutte contre la fraude », la direction générale des finances publiques (DGFiP) a démontré l’efficacité de l’intelligence artificielle et des croisements de données pour la détection automatisée des anomalies et le recouvrement des sommes indues, alors que les caisses de sécurité sociale hésitent à franchir le cap, au nom de craintes liées à la protection des données personnelles, au respect des droits fondamentaux et à la maîtrise des technologies. Cet amendement ne laissera plus le croisement de données au bon vouloir des agents de l’État, puisqu’il sera rendu automatique, dans un cadre sécurisé et encadré par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), pour les principales branches de la sécurité sociale – unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, Cnaf et Cnam –, afin de prévenir la fraude sans augmenter la charge administrative.

M. le rapporteur général. Votre exposé sommaire ne correspond pas au dispositif de l’amendement. Nous voulons tous lutter contre la fraude. Un projet de loi visant à lutter contre toutes les fraudes, sociales et fiscales, sera ainsi examiné au Sénat à partir du 12 novembre, puis rapidement à l’Assemblée nationale. Ajouter le mot « automatiquement » aux dispositions d’un article qui prévoit déjà des échanges d’informations ne conduira pas, sur le plan opérationnel, à un changement.

Votre amendement est un peu symbolique : sa portée ne correspond pas à vos ambitions. Je vous invite donc à le retirer ; sinon, avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je m’insurge contre l’exposé sommaire. Prétendre que « la DGFiP démontre l’efficacité de l’intelligence artificielle », c’est contredire ses syndicats, unanimes pour affirmer le contraire après avoir réalisé des questionnaires internes.

On a imposé aux inspecteurs de la DGFiP de travailler pour moitié avec l’intelligence artificielle, ce fut une catastrophe. Il est démontré que l’intelligence artificielle n’est pas efficace en matière de contrôle fiscal.

La commission des finances a prévu de mener – quand ? – une mission d’information dont l’intitulé est « Faire des économies grâce à l’intelligence artificielle » – je vous laisse imaginer ce que j’en pense. Laissons-la travailler, avec objectivité j’espère.

On ne peut pas décréter de but en blanc que l’intelligence artificielle a été utile pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. Elle a servi de prétexte pour supprimer en masse des postes de fonctionnaires.

Le fonds de dotation des administrations fonctionne comme suit : si elles endossent des suppressions de postes, on leur donne des moyens pour développer l’intelligence artificielle. À l’arrivée, c’est une catastrophe. Quant aux croisements de données, il est essentiel de bien écouter ce qu’en dit la Cnil, qui y est plutôt défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Quoi que l’on pense de l’intelligence artificielle, nous ne pouvons pas aller à contre-courant de la gestion par algorithmes. Il nous faut donc un outil technologique pour la rationaliser et s’assurer qu’elle demeure un moyen, dans l’attente de véritables outils législatifs qui, dans le cadre d’un projet de loi, la mettront au service de la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Mieux contrôler, c’est valoriser ceux qui respectent les règles.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS329 de Mme Élise Leboucher et AS124 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je m’inscris dans la continuité des propos de Mme Gruet : préoccupons-nous de ceux qui fraudent ! Depuis 2024, il est possible de recouvrer la cotisation sociale d’un professionnel de santé frauduleux, mais de façon facultative et partielle. Dans l’espace public et médiatique, les débats sur la fraude se concentrent essentiellement sur les assurés, alors même qu’ils ne représentent que 18 % de son montant, contre 68 % pour les professionnels.

Nous considérons que l’annulation des cotisations sociales prises en charge par l’assurance maladie doit être systématique et entière. C’est le moindre respect que nous devons à la sécurité sociale.

Mme Sandrine Runel (SOC). Je défends l’amendement AS124. Le remboursement des cotisations n’est pas obligatoire. Nous souhaitons que les médecins frauduleux, qui délivrent des arrêts maladie injustifiés, ne respectent pas les obligations de la sécurité sociale et, ce faisant, abîment le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, remboursent véritablement les cotisations sociales.

On oppose souvent la fraude fiscale à la fraude sociale. Dire aux médecins qu’ils doivent être exemplaires, c’est envoyer un signal. Il faut arrêter de toujours matraquer les assurés. Ce ne sont pas eux qui abîment notre sécurité sociale, mais les pratiques frauduleuses.

M. le rapporteur général. La LFSS 2024 a renforcé le pouvoir de sanction des professionnels de santé coupables de fraude par l’assurance maladie, qui peut désormais récupérer les sommes prises en charge indûment et non plus seulement suspendre la participation aux cotisations. Les amendements, en prévoyant une procédure automatique, ne lui laissent aucune marge de manœuvre. Or, selon la qualification que l’on donne à la désignation de la prise en charge des cotisations, elle peut revêtir ou non le caractère d’une sanction administrative.

Si le premier alinéa de l’article L. 114-17-1-1 du code de la sécurité sociale a été ainsi rédigé – je me souviens des échanges que j’ai eus alors avec Jérôme Guedj –, c’est en vertu du principe constitutionnel d’individualisation des peines, qui s’applique également aux sanctions prononcées par l’administration et place le législateur dans l’impossibilité de prévoir des sanctions automatiques. Adopter des dispositions telles que celles prévues par les amendements faisait courir un risque à tout le dispositif. Celui que court l’amendement de M. Guedj est moindre, mais il comporte quand même une part d’automaticité.

Je n’en souscris pas moins à la nécessité de lutter contre la fraude non seulement des assurés mais aussi des professionnels. Tel est l’objet de l’article 17 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, que nous étudierons dans quelques semaines.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Sandrine Runel (SOC). Le risque de censure du Conseil constitutionnel ne pèse pas sur l’automaticité du prélèvement sur prestation s’il s’agit de bénéficiaires du RSA. Adoptons notre amendement en dépit de ce risque. Nous verrons ce qu’en dira le Conseil constitutionnel. Nous verrons s’il préfère sanctionner les bénéficiaires du RSA ou les médecins.

Mme Joëlle Mélin (RN). Il est tout à fait clair que tout professionnel de santé qui fraude doit être sanctionné. La lutte contre la fraude est un objectif majeur de nos politiques de protection sociale. Mais, quand bien même les professionnels en seraient responsables à hauteur de 68 % et les assurés à hauteur de 18 %, je vous fais gentiment remarquer que les outils de contrôle interne de toutes les branches sont terriblement défectueux, dixit la Cour des comptes.

Par définition, seuls les professionnels de santé sont contrôlés au plus près. Ni les employeurs indélicats ni les usagers de santé qui se permettent des écarts ne sont contrôlés dans leur totalité. Il faut être très prudent. Nous sommes réservés sur ces amendements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La Cour des comptes a été assez claire : la plupart des fraudes sont le fait des professionnels. Si quelqu’un, professionnel ou assuré, enfreint le code de la route, l’amende est la même. De même, si un professionnel de santé est pris en flagrant délit de fraude, il doit intégralement rembourser.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1746 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. Cet amendement s’inscrit dans un débat récurrent sur la réalité de la compensation des exonérations de cotisations sociales. Qu’on y soit favorable ou défavorable par principe, certaines exonérations présentent un intérêt. Quoi qu’il en soit, notre commission peut, me semble-t-il, s’accorder sur la nécessité de compenser les pertes de recettes qu’elles induisent pour la sécurité sociale.

La plupart des exonérations ciblées sont compensées par des crédits budgétaires, en application de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, à hauteur de 5,7 milliards d’euros, dont le détail figure à l’article 13 du présent PLFSS. Le montant des exonérations ciblées non compensées représente environ 2,7 milliards, dont 2,3 milliards relatifs à l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires.

Je vous propose, par cet amendement, de faire entrer dans le droit commun de la compensation des exonérations ciblées celles qui ne sont pas compensées. Il s’agit de l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires – 2,3 milliards d’euros –, de l’exonération de cotisations et contributions sociales des stagiaires en milieu professionnel adapté – 121 millions –, de l’exonération applicable au titre des contrats uniques d’insertion et d’accompagnement dans l’emploi – 110 millions – et de l’exonération applicable aux contrats de sécurisation professionnelle – 79 millions. Ces exonérations auraient dû faire l’objet d’une compensation sur les crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux mais elles ont fait l’objet de dispositions expresses de non-compensation, comme le permet notre cadre organique.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous soutenons l’excellent amendement de M. le rapporteur général. Ainsi, il y a des sujets sur lesquels nous progressons, au sein de la commission ! Bien entendu, nous sommes favorables à la compensation des mesures d’allègement fiscal non compensées.

Une fois cet amendement voté, nous n’aurons pas épuisé la question. Sur les 100 milliards d’euros que coûtent les niches, seuls 66 sont compensés. L’abattement de CSG et de contribution pour le remboursement de la dette sociale et le taux réduit de CSG, en particulier, ne sont pas compensés. Sans doute irons-nous plus loin l’année prochaine pour en finir avec les exonérations non compensées !

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS144 de M. Jérôme Guedj et AS236 de Mme Justine Gruet ; amendements AS161 de M. Jérôme Guedj et AS561 de M. Damien Maudet (discussion commune)

M. Sacha Houlié (SOC). Avec l’amendement AS144, il s’agit d’aller dans le sens des dispositions que nous venons d’adopter sur proposition de M. le rapporteur général, en prévoyant dans que toute mesure de réduction d’exonération de cotisations en vigueur à partir du 1er janvier 2026 est compensée par la suppression d’autres mesures d’exonération de cotisations. Il s’agit en somme de ne pas accroître le volume déjà élevé d’aide publique des entreprises, qui s’élève à 211 milliards d’euros, soit 8,4 % du PIB de notre pays.

Il s’agit, au fond, d’arrêter de vider les caisses en continuant d’exonérer jour après jour de nouvelles cotisations sociales au profit de nouveaux dispositifs. Plusieurs groupes, de sensibilités diverses, ont déposé des amendements en ce sens. J’espère qu’ils bénéficieront de la même unanimité que l’amendement AS1746.

Mme Justine Gruet (DR). Il s’agit d’établir le principe de compensation systématique et intégrale des exonérations de cotisations sociales, en faisant en sorte que tout nouveau dispositif induise la suppression d’un dispositif existant. Nous n’avons plus les moyens financiers d’ajouter des exonérations, ni des taxes d’ailleurs, dans notre pays le plus taxé au monde.

Nous devrions appliquer plus souvent le principe consistant à dépenser non plus mais mieux, et de ne pas toujours taxer plus. Ainsi, nous pourrions mieux valoriser le travail, diminuer nos dépenses sociales et protéger nos concitoyens les plus vulnérables.

Par-delà les exonérations, il nous arrive, dans notre travail de législateur, d’empiler des dispositifs sans en analyser et en évaluer suffisamment la pertinence, ni en supprimer quand nous en créons. Il s’agit de limiter un peu la bureaucratie et surtout de redonner du sens à ce que nous faisons dans notre travail de législateur.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai vraiment l’impression qu’il y a un consensus, après le vote de l’excellent amendement du rapporteur général Thibault Bazin, pour rappeler le principe de la compensation de toute exonération. Nous plaçons la focale sur les 2,6 milliards d’euros – désormais 2,7 milliards – d’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires qui ne sont pas compensés. Si j’étais taquin, je dirais que, depuis que cette exonération n’est pas compensée, elle a coûté autant aux finances publiques que le déficit de la sécurité sociale.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS561 vise à créer un principe de non-prolifération des dispositifs d’exonération de cotisations sociales en prévoyant que chaque nouveau dispositif fasse l’objet de la suppression d’un dispositif existant pour un montant équivalent. En 1993, la sécurité sociale se finançait à 82 % par les cotisations. Aujourd’hui, les cotisations ne représentent plus que 49 % de ses recettes.

La prolifération des exonérations dévoie le modèle assurantiel de la sécurité sociale, initialement construit sur la cotisation des travailleuses et travailleurs afin de couvrir les risques auxquels ils sont exposés. Cette prolifération mène à définancer progressivement et à bas bruit la sécurité sociale.

Le montant total des exonérations a dépassé 90 milliards d’euros en 2024. Nous ne pouvons pas continuer sur ce chemin de fiscalisation de la sécurité sociale. Il convient au moins de plafonner le volume global d’exonérations pesant sur la sécurité sociale en instaurant une règle de compensation de toute nouvelle niche sociale.

M. le rapporteur général. Après avoir défendu l’amendement AS1746, je ne peux pas écarter d’un revers de main l’idée d’une compensation automatique des exonérations de cotisations. J’y ai donc réfléchi.

D’abord, notre cadre organique, que nous avons réformé il y a quelques années, a évolué. Les exonérations de cotisations et contributions sociales votées hors loi de financement sont bornées dans le temps. C’est une avancée pour réguler, sinon limiter, leur prolifération – Jérôme Guedj siégeait déjà dans cette commission lorsque nous avons adopté ce dispositif.

Ensuite, une absence de compensation par le budget de l’État n’est pas toujours synonyme de non-compensation. Certaines exonérations entrant dans le champ d’application des amendements sont compensées par l’affectation de recettes. Depuis deux jours et demi, nos débats ont montré que les idées de recettes pour financer des exonérations de cotisations ne manquent pas.

Ce qui m’inquiète, c’est l’application opérationnelle des dispositions proposées, qui obligent, si l’on crée une exonération pour un secteur particulier, à en supprimer une dans un autre secteur même si elle est toujours justifiée, ce qui serait injuste. Je comprends l’idée qui sous-tend les amendements, mais leur application peut aboutir à l’effet inverse de celui recherché.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). S’agissant du déroulement de nos débats, je constate que la règle consistant à donner la parole à deux orateurs par amendement, un pour et un contre, a un peu démobilisé nos collègues. Certains quittent la salle, d’autres parlent entre eux, ce qui crée un bruit de fond désagréable. Sur les sujets importants, cette règle crée des frustrations et décourage certains collègues de prendre part aux débats.

Les compensations prévues par les amendements sont trop automatiques. Pourquoi faudrait-il annuler des exonérations pertinentes ? L’amendement du rapporteur général est pertinent, ceux-là ne le sont pas, quand bien même il faut sécuriser nos finances publiques.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Le rapporteur général nous objecte que nous obligeons à supprimer une exonération ici pour en créer une là. La question mérite d’être posée. Outre que les exonérations doivent d’ores et déjà être compensées, l’objectif n’est pas d’en donner à tout le monde. Une exonération, c’est un trou que l’on creuse dans le budget, compensé avec les impôts des Français par la TVA. Elle doit présenter un intérêt stratégique évident.

D’après le rapport du sénateur Fabien Gay, il y a eu 210 milliards d’euros d’aides aux entreprises et d’exonérations de cotisations en 2023. Cela ne laisse pas d’interroger. En 2024, LVMH a perçu des aides à hauteur de 275 millions d’euros, dont 197 millions sont des exonérations de cotisations, et réalisé 15 milliards de bénéfices. Avait-il besoin de ces 197 millions d’exonérations de cotisations sociales ? Je n’en suis pas sûr. Il est donc possible de réduire les exonérations pour en augmenter d’autres, car elles pourraient l’être dans de nombreux secteurs, auxquels elles ne sont pas absolument nécessaires.

M. le rapporteur général. Il faut mettre un terme à la non-compensation des exonérations. Tel est le sens de l’amendement que j’ai défendu, qui s’inscrit dans l’esprit de la loi Veil de 1994.

La limite du raisonnement qui sous-tend les amendements que nous examinons est qu’il ne tient pas compte de la dynamique des exonérations. Il faudrait par exemple, pour créer une exonération qui coûte 100 millions d’euros, en supprimer une autre au coût identique l’année considérée mais différent trois ans plus tard.

L’impact des exonérations, à la hausse et à la baisse, varie selon les secteurs et l’activité. Il faut s’inscrire dans une logique dynamique tenant compte de la vie des dispositifs.

La commission rejette les amendements identiques AS144 et AS236.

Puis elle adopte l’amendement AS161.

En conséquence, l’amendement AS561 tombe.

Amendements identiques AS36 de Mme Sylvie Bonnet et AS1711 de M. Stéphane Delautrette

Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS36 vise à faire en sorte que l’État partage à égalité avec les départements la charge de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), afin de garantir la cohérence et la pérennité du financement de la perte d’autonomie et du handicap. Le constat, nous le connaissons tous : les montants de PCH et d’APA versés par les départements ont fortement augmenté, en raison notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires.

L’accroissement de la charge des départements résulte de facteurs dont ils n’ont pas la maîtrise et relèvent de ce fait de la solidarité nationale, au premier rang desquels le vieillissement de la population. Les données dont nous disposons sont suffisamment documentées pour que nous ne doutions pas que les dépenses liées à l’APA augmenteront. Quant à l’explosion du coût de la PCH, il est dû au vieillissement des personnes en situation de handicap et à l’extension des droits, les maladies mentales ayant été incluses dans le champ du handicap.

À l’aune de ce constat, il est nécessaire de rééquilibrer la participation de l’État à égalité avec les départements.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Les départements jouent un rôle primordial en matière d’action sociale et assurent les versements afférents, dans leur grande diversité. Pour diverses raisons, notamment l’évolution des critères d’éligibilité, le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter. Tout cela a le plus souvent été décidé par l’État sans progression de sa compensation au titre de la conduite de ces politiques, qui relèvent de la solidarité nationale, ce qui place les départements en difficulté.

Mon amendement vise à faire en sorte que l’État contribue à hauteur de 50 % de la dépense engagée par les départements pour les politiques du handicap et du vieillissement. Je ne peux que vous inviter à les soutenir. Par anticipation de ce que dira peut-être M. Bazin, je rappelle qu’il n’y a rien de plus normal à financer les politiques sociales avec l’argent collecté pour le social.

M. le rapporteur général. Je rejoins votre préoccupation pour les départements, qui sont en première ligne. Toutefois, votre proposition de prélever une fraction de la CSG dont bénéficie actuellement la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) causerait le déficit de la branche autonomie. De fait, cela induirait un transfert d’environ 630 millions d’euros en 2026 et de 1,4 milliard d’ici à 2027.

Je vous rejoins concernant l’enjeu du financement à parité de la compensation. Oui, il faut que l’État contribue mieux, mais pas en retirant des fonds à la CNSA. Celle-ci en a besoin, justement pour aider financièrement les départements !

C’est l’une des frustrations de notre débat : la compensation des prestations versées par les collectivités locales relève du PLF et non du PLFSS. Je vous demande donc de retirer vos amendements, afin de ne pas fragiliser la CNSA, qui a de grands défis devant elle.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Très bien, évoquons donc le PLF. La suppression de diverses ressources fiscales des départements a été compensée par le versement d’une fraction de la TVA. Les promoteurs de cette réforme l’ont vendue en expliquant que les départements bénéficieraient du dynamisme de cette taxe – ils n’en bénéficieront finalement pas, car le PLF prévoit un écrêtement de leurs recettes de TVA.

C’est absurde. On finance des politiques sociales par la TVA, alors que tout le monde mesure que c’est l’impôt le plus injuste. Il serait plus cohérent que les budgets sociaux financent les politiques sociales et que les autres politiques territoriales soient financées par d’autres ressources.

Mme Josiane Corneloup (DR). J’entends que la question pourra être abordée dans le PLF, mais je me demande comment les départements pourront assumer leurs charges financières dans les mois et années qui viennent.

Mme Joëlle Mélin (RN). Alors que nous comptions nous abstenir, cette discussion nous pousse à voter contre ces amendements.

La cinquième branche – celle de l’autonomie – est inaboutie. Faute d’avoir prévu un financement ad hoc, nous sommes contraints à des transferts entre le budget de l’État, celui de la sécurité sociale et celui des collectivités territoriales, alors que ces trois budgets reposent chacun sur une philosophie et des prélèvements différents. En outre, la Cour des comptes nous rappelle que la cinquième branche ne dispose d’aucun outil technique de contrôle interne.

Je comprends que les départements sont à l’os, mais peut-être y a-t-il d’autres postes de dépenses à limiter dans leur budget. Je comprends qu’on veuille les aider, mais pas de cette manière. La porosité entre les trois budgets est une mauvaise chose.

Mme Justine Gruet (DR). Alors que les députés doivent respecter l’article 40 de la Constitution, qui impose de compenser toute création d’une charge publique, l’État, lui, n’a pas à compenser les nouvelles charges qu’il impose aux collectivités. Il devrait pourtant y être obligé.

Il importe de décloisonner les cinq branches. Actuellement, celles-ci ne fonctionnent absolument pas de la même manière. Alors qu’un dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ne pose aucun problème, la prise en charge de la dépendance est limitée par le manque de financements.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS1315 et AS1335 de M. Karim Ben Cheikh (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). Ces amendements visent à transférer une partie de la fraction de la CSG sur les revenus du patrimoine affectée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à la Caisse des Français de l’étranger (CFE), pour donner à celle-ci les moyens d’assurer durablement sa mission de service public. L’amendement AS1335 prévoit un transfert moindre que l’AS1315 car c’est un amendement de repli.

Actuellement, la CFE, qui a le même statut que les caisse primaires d’assurance maladie, est intégralement financée par les Français de l’étranger. Elle ne reçoit aucun soutien de l’État, ni aucune taxe affectée, alors même que les Français de l’étranger contribuent à la CSG sur leurs revenus de source française et participent donc au financement de la solidarité nationale. C’est une rupture d’équité flagrante.

Comme toute caisse de sécurité sociale, la CFE a une obligation d’accueil universel, sans sélection médicale ni limite d’âge, ce qui fragilise son équilibre financier. Elle demeure le seul lien de sécurité sociale pour nos compatriotes établis hors de France.

Le transfert de CSG proposé dans ces amendements transpartisans garantirait un financement pérenne à la CFE. À défaut de soutien de soutien financier, cette caisse de sécurité sociale pourrait disparaître dans les trois à cinq ans, selon les alertes notamment lancées par l’Inspection générale des affaires sociales,.

M. le rapporteur général. M. Ben Cheikh avait déjà déposé de tels amendements l’an dernier. Mon prédécesseur l’avait appelé à attendre les conclusions des assises de la protection sociale des Français de l’étranger. Ces assises ont rendu leurs conclusions il y a une dizaine de jours. La ministre déléguée chargée des Français de l’étranger les analyse. J’ai hâte de connaître le retour de l’exécutif, pour apporter une réponse au problème que vous soulevez.

En attendant, la réponse que vous apportez avec cet amendement n’est pas adaptée, car elle réduirait les ressources de la Cades de plusieurs dizaines de millions d’euros. Or la Cades sert à rembourser notre dette sociale. Nous ne devons surtout pas réduire nos capacités de remboursement, sinon, emprunter nous coûtera plus cher. Je vous invite à relancer la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger et à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). Comment pourrait-on priver la Cades de ressources, alors qu’à plusieurs reprises, nous avons dû chercher des financements pour lui permettre de faire face au remboursement de la dette ? Ces amendements ne tournent pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS202 de M. Jérôme Guedj et sous-amendement AS1757 de M. Thibault Bazin

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à augmenter la majoration de cotisations sociales pour les employeurs qui se sont soustraits intentionnellement à leur obligation de déclaration d’un travail salarié – en la matière, le caractère intentionnel importe, car il permet d’écarter les employeurs de bonne foi.

Cette proposition mesurée renforcerait la lutte contre le travail dissimulé. J’y suis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement de coordination. La France insoumise nous accuse d’être forts avec les faibles, mais ici, nous sommes durs avec les forts. J’essaie d’être le plus juste possible dans mes avis, au service du bien commun.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous souscrivons à la philosophie de cet amendement, mais pour que nous le votions, il faudrait modifier son exposé sommaire, car celui-ci attaque les « macronistes ». Même si cela n’a pas d’incidence sur le plan législatif, nous ne pouvons pas laisser écrire n’importe quoi.

M. le rapporteur général. Je ne peux pas sous-amender l’exposé sommaire.

Mme Sandrine Runel (SOC). Si les socialistes devaient s’abstenir chaque fois qu’un exposé sommaire les insulte... Nous modifierons toutefois l’exposé sommaire de cet amendement pour sa présentation en séance publique, car nous sommes constructifs !

Monsieur le rapporteur général, nous sommes favorables à votre sous-amendement de coordination.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS201 de M. Jérôme Guedj

Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. C’est bien de redresser les entreprises ; c’est encore mieux de recouvrer les sommes redressées. Or cet amendement risque d’empêcher leur recouvrement.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS335 de M. Damien Maudet et AS338 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Ces deux amendements visent à augmenter les majorations de redressement en cas de récidive de travail dissimulé, dans les cinq années suivant la notification de la première infraction.

Monsieur le rapporteur général, je compte que vous les soutiendrez, car vous expliquiez tout à l’heure que les employeurs qui se soustraient intentionnellement et de manière répétée à leurs obligations doivent être sanctionnés. Il faut augmenter les sanctions pour fraude aux cotisations patronales.

M. le rapporteur général. Chers collègues de La France insoumise, je vous écoute toujours très attentivement, même si je suis souvent en désaccord avec vous. Ici, vous allez trop loin.

Pour lutter contre la fraude, le Haut Conseil du financement de la protection sociale recommande de mettre davantage l’accent sur la prévention des risques et de limiter l’accumulation de normes. En effet, lorsqu’elles sont mal construites ou trop permissives, les normes peuvent être « fraudogènes » selon l’expression du Haut Conseil. Paradoxalement, ainsi, vos propositions permettraient aux employeurs fraudeurs de continuer à bénéficier d’exonérations de cotisations sociales.

Selon moi, il faut favoriser les échanges d’information entre les administrations concernant les fraudes – nous avons déjà beaucoup légiféré en la matière et nous examinerons bientôt le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Vous demandez une majoration très importante. Commençons déjà par recouvrer les sommes dues et par procéder aux majorations prévues.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il est normal que les sanctions soient majorées pour les fraudeurs qui récidivent dans les cinq ans : c’est une question de principe. Je ne veux pas qu’ils fraudent une troisième fois ! Cet amendement entre totalement dans la philosophie de l’amendement AS202 de M. Guedj, que vous venez de soutenir. Je ne comprends pas votre avis défavorable.

M. le rapporteur général. L’amendement de M. Guedj était plus équilibré. Il nous permet déjà de porter de 25 % à 35 % le taux de majoration des cotisations sociales en cas de travail dissimulé, et de 40 % à 50 % le même taux en cas de travail dissimulé d’une personne mineure. Peut-être faudrait-il une majoration en cas de récidive, mais le doublement que vous proposez me semble disproportionné.

La commission adopte l’amendement AS335.

En conséquence, l’amendement AS338 tombe.

 

 

La réunion s’achève à treize heures.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusés.  Mme Anchya Bamana, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Stella Dupont, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Stéphane Viry

Assistaient également à la réunion.  M. Karim Ben Cheikh, M. Charles de Courson, M. Stéphane Delautrette, M. Emmanuel Taché, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Boris Tavernier