Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................60
Mercredi
29 octobre 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 12
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à quinze heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Après l’article 12 (suite)
Amendement AS367 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de coconstruction : il a été adopté en 2023 et en 2025 au Sénat lors de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais dégagé ensuite par le 49.3.
Depuis un peu plus de dix ans sont créées des entreprises éphémères, notamment des autoentreprises, dont le seul but est de monter des fraudes aux cotisations sociales. Malheureusement, l’arsenal législatif qui nous permet de lutter contre ce phénomène n’est pas suffisamment développé, d’où cette proposition.
Le Premier ministre s’est engagé à ne pas utiliser le 49.3 cette fois-ci. Dans le souci de travailler avec les territoires et leurs représentants, nous plaidons pour l’adoption de cet amendement.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de lutter contre les entreprises éphémères, un véritable fléau sur lequel les dispositions existantes ne vont pas assez loin.
L’article 21 du projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales prévoit une adaptation de la procédure de flagrance sociale, afin que le directeur de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) puisse prendre des mesures conservatoires, et la suppression du caractère suspensif de l’opposition à contrainte en cas de redressement pour travail dissimulé. Si nous l’adoptions ici, nous prendrions le risque que la mesure n’aboutisse pas, car elle ne relève pas du champ d’une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).
Je vous propose donc de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je suppose que vous craignez une censure par le Conseil constitutionnel, mais ce ne serait pas la première : tentons ! Nous maintenons cet amendement, validé par le Sénat, et qui rend plus opérant le dispositif de l’article.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS526 de Mme Ségolène Amiot et AS532 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends les deux amendements.
Nous vous proposons de rendre impossible le pillage de l’Unedic par décision gouvernementale. En effet, depuis plusieurs années, les gouvernements ponctionnent régulièrement dans ses caisses pour payer par exemple France Travail.
Ce fardeau coûte extrêmement cher, alors même que l’Unedic a pour vocation de payer les allocations des personnes privées d’emploi. À l’heure où se multiplient les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), en réalité des plans de sacrifice de l’emploi, il est primordial de maintenir les fonds de l’Unedic pour pouvoir payer les futurs chômeurs.
M. le rapporteur général. Si les caisses de l’Unedic sont excédentaires ces dernières années, il faut être prudent pour les années à venir, car sa dette s’alourdit.
Mais cette ponction est utilisée pour le financement des politiques de l’emploi et de formation. Le meilleur moyen d’améliorer la situation financière de l’Unedic est d’augmenter le taux d’emploi. Je suis donc opposé au premier amendement.
Le second a déjà été adopté, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel, car il ne relève pas d’une loi de financement de la sécurité sociale. Je vous invite donc à le retirer, sans quoi j’émets un avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il est un peu facile de dire qu’à terme, cette ponction pourrait profiter à l’emploi. Il y a aussi un décalage : vous dites en même temps que l’Unedic est excédentaire et que sa dette s’alourdit.
Et surtout, un excédent n’oblige pas à aller piquer dans la caisse. Il peut au contraire servir pour les années suivantes, en particulier lorsqu’on nous annonce encore plusieurs centaines de PSE à venir : on sait que plusieurs milliers voire centaines de milliers de salariés – d’ArcelorMittal, de General Electric, de Vencorex ou de Michelin par exemple – se retrouveront sur le carreau dans les mois à venir. Ils auront besoin qu’il y ait de l’argent dans la caisse de l’Unedic.
La commission adopte l’amendement AS526.
En conséquence, l’amendement AS532 tombe.
Amendement AS575 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement porte sur l’Agirc-Arrco. Le fonctionnement de ce régime, et notamment son système à points, pourrait être discuté. Mais l’urgence est ici le risque de ponction arbitraire dans ses caisses par le Gouvernement.
Nous refusons le passage en force du Gouvernement sur la convention qui lie la puissance publique à l’Agirc-Arrco. Nous proposons donc de supprimer les dispositions de ce PLFSS qui permettraient un tel transfert de fonds.
M. le rapporteur général. Je faisais partie de ceux qui avaient combattu les ponctions injustifiées de l’Agirc-Arrco. Mais vous ne dites pas tout : ceux qui relevaient des régimes spéciaux jusqu’à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2023 vont être intégrés au régime général et la démographie de l’Agirc-Arrco sera donc favorable.
Il semble donc normal que le régime général contribue à couvrir les régimes spéciaux en extinction. La question concerne le montant de cette contribution. La Caisse nationale d’assurance vieillesse et l’Agirc-Arrco ont signé une convention permettant de fixer cette contribution des régimes de retraite complémentaire à l’équilibre des régimes spéciaux mis en extinction par la réforme des retraites de 2023.
Vous voilà rassuré. Je vous invite à retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS361de Mme Élise Leboucher
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement vise à rendre impossible le report de paiement de cotisations par les employeurs coupables de fraude aux cotisations sociales.
Le droit actuel permet à des employeurs fraudeurs aux cotisations sociales de retarder le paiement de ces cotisations fraudées, après la notification de leur redressement par l’Urssaf. En effet, la contestation par recours contentieux d’une notification permet aujourd’hui la réception d’une attestation de paiement des cotisations. Par cette voie de recours, les entreprises peuvent continuer à frauder.
Cet amendement est donc un moyen de mettre fin aux fraudes en cours.
M. le rapporteur général. Il s’agit là de travail dissimulé et le cas est déjà traité. Votre proposition va trop loin. Il me semble normal que lorsqu’un employeur, possiblement un autoentrepreneur, conteste par voie contentieuse le montant des cotisations qui lui sont demandées par l’Urssaf, il puisse bénéficier de la présomption d’innocence.
Les Urssaf peuvent aussi faire des erreurs, et empêcher les personnes concernées d’obtenir des contrats en leur refusant la délivrance d’une attestation de vigilance me semble être une erreur. Il faut certes lutter contre la fraude, mais en se focalisant sur la fraude à enjeu, pas sur les entrepreneurs de bonne foi. Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). On permet à des personnes qui ont déjà été sanctionnées, redressés par l’Urssaf, de poursuivre leurs méfaits. Il n’y a aucun moyen de les en empêcher si l’on continue à délivrer cette attestation.
Je vous invite à regarder de près ce mécanisme très technique, car nous devons trouver une solution pour empêcher que la fraude se perpétue avec le blanc-seing de l’Urssaf – elle délivre cette attestation de paiement alors même que le document précédent concerne un redressement à cause d’une fraude.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS371 de Mme Ségolène Amiot et AS1748 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’un des deux amendements sera adopté, mais il existe un désaccord entre notre groupe et le rapporteur général. Une réforme sur le recouvrement des cotisations, notamment pour les autoentrepreneurs, fixait un seuil de sanction à 7 500 euros pour les plateformes comme pour les gens qui travaillent pour elles. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut mettre fin à cette uniformité.
M. Bazin propose de diviser par deux la sanction pour les travailleurs et de multiplier par deux celle appliquée aux plateformes. Mais les plateformes n’ont pas un revenu deux fois plus élevé que les travailleurs ! Le revenu moyen d’un travailleur des plateformes est de 590 euros. En 2022, le chiffre d’affaires déclaré de Deliveroo s’élevait à 320 millions d’euros. Le différentiel proposé par le rapporteur n’est donc pas le bon.
C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement AS371, une autre répartition : 75 euros pour les travailleurs et 750 000 euros pour les plateformes, soit un niveau plus équilibré que celui que propose l’amendement de M. le rapporteur général.
M. le rapporteur général. Ma proposition va pourtant dans le même sens ; j’espérais même vous satisfaire. Proposer la même sanction est surprenant, en effet, alors que les plateformes ont en effet des moyens plus importants. Mais votre raisonnement comporte une limite : la sanction pour la plateforme n’est pas de 15 000 euros – dans ma proposition – en tout et pour tout, mais de 15 000 euros par travailleur. La sanction peut donc être multipliée par trois, par dix...
J’ajoute que cette sanction s’applique en cas de non-transmission des éléments permettant l’identification des travailleurs des plateformes. Elle n’est donc pas exclusive de la sanction déjà prévue pour la plateforme en cas de méconnaissance de l’obligation de précompte, qui peut s’élever jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires. La plateforme subit donc aussi une autre sanction.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je me fais peu d’illusions quant à l’avenir de notre amendement. Cependant, je soulignerai que, pour une plateforme, 15 000 euros multipliés par 3, 4 ou 5 sont une somme supportable. Pour un travailleur des plateformes, 3 250 euros ruinent une vie. Je trouve donc votre amendement violent pour le travailleur, mais pas suffisamment pour la plateforme.
Je propose un compromis : garder la sanction de 15 000 euros que vous proposez pour les plateformes – même si nous redéposerons notre amendement pour tenter d’obtenir une somme supérieure – et baisser la limite de 3 250 euros pour les travailleurs, une somme considérable pour des gens dont le revenu moyen est de 590 euros.
Votre amendement ne relevant donc pas vraiment de notre conception de la justice, j’appelle donc à voter le nôtre. J’aimerais cependant connaître votre avis sur ma proposition.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les travailleurs des plateformes sont en quasi‑totalité des autoentrepreneurs dont les revenus mensuels sont bien inférieurs au smic. Parmi eux, les véhicules de transport avec chauffeur sont parmi ceux qui ont les plus hauts revenus – c’est dire à quel point les autres, livreurs à vélo ou agentes de nettoyage, gagnent peu. Le montant de 3 250 euros que vous proposez est donc terrifiant et extrêmement lourd, car un travailleur des plateformes ne se remet pas d’une telle somme en une année.
En revanche, les plateformes brassent énormément d’argent sans aucune responsabilité, puisqu’elles prétendent n’être qu’un moyen de mise en relation pour des services. La transposition dans le droit français de la directive européenne « présomption de salariat » balayera bientôt cela.
Mais le ratio proposé par le rapporteur général, 3 250 contre 15 000 euros, n’est pas à la hauteur du décalage complet entre un livreur à vélo et Deliveroo. Nous préférons l’amendement de Mme Amiot ; mais il faut vraiment changer la règle actuelle.
M. le rapporteur général. Lisant tous vos amendements, je trouvais en effet l’asymétrie non pertinente, d’où la baisse proposée pour le travailleur et l’augmentation pour la plateforme. Les sanctions inscrites dans la loi sont un maximum : la sanction peut donc être inférieure aux fameux 3 250 euros, elle dépend des éléments constatés.
De plus, la sanction pour la plateforme s’applique pour chaque travailleur ; or vous proposez ici 750 000 euros par travailleur. Si la plateforme en a cent, votre sanction me semble disproportionnée. Une comparaison des deux chiffres ne fonctionne donc pas, car il faut le multiplier par le nombre de travailleurs pour la plateforme. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Pour des personnes dont le revenu est souvent inférieur à 590 euros et même s’il ne s’appliquait qu’à une seule personne, un maximum de 3 250 euros reste trop élevé. Pourriez-vous retravailler l’amendement en baissant le seuil pour le travailleur ? Nous sommes prêts à rediscuter les 75 euros que nous proposons.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous nous opposons à l’amendement de Mme Amiot. Nous pouvons entendre que le montant peut être considéré comme disproportionné pour un autoentrepreneur, mais pas le poncif répété à l’envi l’année dernière, celui du gentil fraudeur qui, le pauvre, ne pourrait pas payer une éventuelle sanction.
Les sommes sont quant à elles arbitraires et nous en laissons la responsabilité aux auteurs des amendements.
M. le rapporteur général. Quelle que soit la teneur des amendements que nous adoptons ici, nous repartirons en séance du texte initial – heureusement d’ailleurs, vu la teneur de certains amendements. Nous pouvons donc nous prononcer maintenant et faire d’autres propositions pour la séance.
Je vous alerte simplement sur cette disproportion, après avoir relevé dans votre amendement la partie qui me semblait pertinente.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Si les travailleurs étaient des salariés, ce précompte n’existerait pas. En droit du travail, quelle est l’assise de cette réforme qui oblige les plateformes à faire un précompte de cotisations sociales ? Car soit les travailleurs sont des salariés et les plateformes des employeurs, et elles payent leurs cotisations, soit ils sont des indépendants, et il ne doit pas y avoir de précompte.
M. le rapporteur général. Il s’agissait de leur créer des droits.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit donc bien de ce tiers statut complètement fumeux qui sautera dans un an avec la transposition de la directive, et auquel nous sommes fermement opposés.
La commission rejette l’amendement AS371.
Puis elle adopte l’amendement AS1748.
Article 13 : Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Amendement de suppression AS321 de M. Damien Maudet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet article approuve 5,7 milliards d’euros de compensation d’exonération de cotisations sociales. Or la multiplication des dispositifs d’exonérations de cotisations et de contributions sociales vise à définancer progressivement la sécurité sociale.
Le montant total de ces exonérations atteint 88,5 milliards d’euros en 2025. En 2024, la sous-compensation des allégements généraux représentait 5,5 milliards de pertes de recettes. Cette politique d’abaissement du prix du travail ne produit aucun effet sur l’emploi ; elle ne fait que nourrir les profits et incite les entreprises à maintenir les bas salaires.
La multiplication des exonérations a provoqué une fiscalisation avancée de la sécurité sociale, qui tire désormais moins de la moitié de ses recettes des cotisations sociales. Cet énorme gâchis se paie sur le dos des malades. Nous rejetons d’un bloc cette logique et appelons à reconquérir la valeur produite et à fixer les niveaux des cotisations de telle sorte que les recettes permettent de satisfaire l’ensemble des besoins de la sécurité sociale.
Dans une telle situation, les compensations n’auraient plus lieu d’être. Pour toutes ces raisons, nous appelons par l’amendement AS321 à la suppression de cet article.
M. le rapporteur général. Les allégements généraux, sur lesquels je vous ai répondu lors de la discussion de l’article 12, ne sont pas l’objet de cet article, qui concerne les exonérations ciblées. J’ai déposé un amendement à l’article 40 du projet de loi de finances (PLF) afin que nous puissions récupérer les sommes liées à la réforme des allégements généraux, notamment les 3,1 milliards d’euros espérés l’année prochaine.
Il est paradoxal de vouloir supprimer cet article sur les exonérations ciblées, car cela irait à l’encontre de l’objectif de compensation des exonérations de cotisations sociales.
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Nous sommes contre cet amendement : ce que vous proposez, c’est de supprimer 5,7 milliards d’euros de compensation d’exonérations ; cela priverait la sécurité sociale de cette somme.
M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai une question sur la cohérence de cet article avec les votes précédents. Il prévoit en effet une baisse de 700 millions d’euros de la compensation « pour tenir compte des mesures contenues dans le présent projet de loi en vue de réaliser des économies ».
Or ces économies concernent, notamment, je crois, les exonérations au titre de la loi pour l’ouverture et le développement économique de l’outre-mer. Le tableau est-il à jour par rapport aux votes précédents, puisque nous avons refusé des mesures d’économie qui donnaient lieu à compensation ?
M. le rapporteur général. Les tableaux du projet de loi initial n’ont évidemment pas changé, puisque les votes réalisés ces trois derniers jours ne modifient pas automatiquement le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial.
Après trois lectures, le Gouvernement met à jour les tableaux avec tous les calculs, ce qui permet d’articuler le PLF et le PLFSS.
Cet article aborde le principe même de la compensation des exonérations ciblées. Elles évolueront dans un sens ou dans un autre, en fonction de l’arbitrage de l’Assemblée nationale, mais je pense qu’il ne faut pas supprimer cet article.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 13.
Article 14 : Approbation, pour l’année 2026, des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse
Amendement AS1499 de Mme Joëlle Mélin
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous souhaitons la suppression de cet article, tout comme nous avons soutenu la suppression des premiers articles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’ai employé de terme d’insincérité, repris ensuite par différentes personnes. Il avait déjà été employé par M. Moscovici lorsqu’il était venu présenter les rapports de la Cour des comptes.
C’est pourquoi, comme les années précédentes, nous demandons la suppression de ces comptes et de cet équilibre qui, pour nous, n’en est pas un.
M. le rapporteur général. Comme les années précédentes, vous proposez la suppression d’un article pourtant obligatoire dans une loi de financement de la sécurité sociale. En tant que rapporteur général, je ne peux que rappeler le cadre organique et tendre à le respecter. J’émets donc un avis défavorable.
Je réponds à la question de Jérôme Guedj pour éclairer notre commission avant même d’envisager la partie relative aux dépenses. Certains voudront en effet revenir notamment sur le gel de certaines prestations de retraite, qui représentent plus de 3 milliards d’euros.
Dans la partie relative aux recettes, un calcul rapide montre que nous avons dégradé le déficit prévisionnel, passé de près de 17 milliards d’euros initialement à plus de 19 milliards maintenant, avant même d’envisager ce que nous comptons faire dans la partie dépenses. Je tenais à vous alerter sur cette dégradation du solde global.
Mme Annie Vidal (EPR). Cet article obligatoire nous fournit les tableaux d’équilibre à un instant T. Nous arrivons bientôt à la fin de la discussion de la partie recettes, qu’il serait bien de pouvoir voter pour poursuivre l’examen du texte et parler aussi des dépenses.
Mais je ne vois pas comment nous pourrions voter la deuxième partie sans les articles obligatoires et sans l’affichage des tableaux d’équilibre. Je suis opposée à la suppression de cet article absolument indispensable, même s’il méritera d’être corrigé à l’issue de nos discussions.
M. le rapporteur général. Pour clarifier le processus, nous allons nous prononcer sur cet article, puis sur l’ensemble de la partie relative aux recettes. Mais même si nous rejetions cette partie, nous continuerions à discuter de la partie dépenses : vous n’êtes pas en week-end...
Mme Justine Gruet (DR). Il y a eu une lettre rectificative : ce tableau tient‑il compte de la suspension de la réforme des retraites dans les dépenses supplémentaires de la branche vieillesse ?
M. le rapporteur général. La lettre rectificative est comme un nouveau PLFSS. Les tableaux d’équilibre ont bien été mis à jour.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1548 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement résume les nouvelles recettes proposées par le groupe Écologiste et social pour ce PLFSS, dans l’esprit du programme politique partagé du Nouveau Front populaire. Il rappelle que nous proposions 21,75 milliards d’euros pour réduire le déficit, financer durablement les hôpitaux et abroger la réforme des retraites dès 2026.
À la différence de celles du Gouvernement, nos propositions ne touchent ni les plus modestes ni les classes moyennes. Elles visent ceux qui profitent sans contrepartie : les entreprises qui bénéficient de près de 211 milliards d’euros d’aides publiques non conditionnées, les entreprises pharmaceutiques financiarisées, les hauts patrimoines et les producteurs et marchands de biens nocifs pour la santé ou l’environnement.
Il s’agit donc d’un amendement symbolique, qui résume notre contre-proposition et qui met en valeur ce que serait un budget de la sécurité sociale si la gauche et les écologistes étaient au pouvoir, ce qui ne saurait tarder.
M. le rapporteur général. Comme il est symbolique, le maintenez-vous ?
M. Hendrik Davi (EcoS). Oui. De toute façon, ces tableaux seront tous changés : celui que vous allez voter est tout aussi symbolique.
M. le rapporteur général. Ce qui n’est pas symbolique, c’est que si vous étiez au pouvoir et que nous avions adopté tous vos amendements, nous aurions 21,75 milliards de cotisations en plus ! Comme ce n’est heureusement pas le cas, il me semble incohérent de modifier le tableau.
M. Hendrik Davi (EcoS). Notez bien que, si nous n’avons pas été jusqu’aux 22 milliards d’euros, nous avons cependant cheminé, puisque vous avez adopté une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) – de 1 point certes, et non de 2,8 points –, et que nous avons adopté des amendements sur les taxes comportementales.
M. le président Frédéric Valletoux. Le compromis est un long chemin.
La commission rejette l’amendement.
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Amendement AS1500 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). Cet amendement vise à revaloriser le congé du proche aidant en indexant l’indemnisation sur les revenus de l’aidant, avec une couverture à 100 % des pertes salariales au niveau du smic, à 80 % jusqu’au salaire médian, puis à 50 % au‑delà, et à créer une indemnité spécifique de 300 euros mensuels pour toute personne faisant le choix de vivre au domicile d’un proche dépendant ou de l’accueillir chez elle pour se consacrer pleinement à son accompagnement. Il s’agit de l’une des mesures fortes du programme de Marine Le Pen.
M. le rapporteur général. Vous évoquez un sujet qui me tient à cœur, celui des proches aidants. Pour autant, je ne comprends pas cet amendement : vous vouliez supprimer l’article, et vous proposez ensuite cette modification.
De plus, vous vous êtes également opposés à l’article 12, qui traitait justement des transferts financiers pour intervenir au niveau de la branche autonomie et couvrir les dépenses que vous proposez.
Par souci de cohérence, si vous voulez vraiment avancer sur le sujet des proches aidants, il faut donner des moyens à la branche autonomie. J’invite donc votre groupe à ne pas déposer d’amendement de suppression de l’article 12.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1503 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). On demande régulièrement comment le Rassemblement national finance les dépenses. La réponse se trouve dans le contre-budget présenté par Jean-Philippe Tanguy, qui trouve 36 milliards d’euros d’économies, tant en réductions de dépenses qu’en nouvelles recettes.
En particulier, nous déposons chaque année des amendements sur le problème récurrent qu’est la suradministration de la santé, à la fois au niveau de l’État central, de l’État déconcentré – ou faussement déconcentré, avec les agences régionales de santé (ARS) – et des établissements de santé eux-mêmes. Notre amendement vise ainsi à réduire de 10 % le nombre de postes administratifs, afin de recentrer les ressources humaines et financières sur le cœur de mission des hôpitaux : le soin aux patients.
M. le rapporteur général. Je ne comprends pas bien où veut aller Jean-Philippe Tanguy : pour réduire de 10 % le nombre de postes administratifs dans les hôpitaux, il faudrait commencer par définir ce qu’est un poste administratif. Une secrétaire médicale, par exemple, a-t-elle un poste administratif ? Vous parlez de 300 millions d’euros : je suis vraiment preneur de vos hypothèses de calcul.
En tout cas, le dernier rapport de la Cour des comptes sur le personnel non soignant ne recoupe pas le périmètre de votre amendement. Qu’il y ait des marges d’efficience dans les fonctions support à l’hôpital et un besoin de rationalisation et de mutualisation, cela ne fait pas de doute. Mais un coup de rabot d’un montant fixé de façon hasardeuse ne contribuera pas à améliorer la situation.
Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes là pour vous expliquer les mesures de notre contre-budget que vous ne comprenez pas.
Le personnel administratif des hôpitaux a augmenté de 150 % en vingt ans. Y a-t-il eu en parallèle une amélioration significative de la qualité et de la proximité dans les services publics concrètement rendus aux patients ? Je n’en suis pas sûr, pas en tout cas à hauteur d’une augmentation de 150 %, si on pouvait la quantifier.
Nous avons commencé à chiffrer les marges d’économie. Les ARS représentent ainsi 630 millions d’euros de dépenses de fonctionnement par an. Il y aurait donc mécaniquement des économies d’échelle le jour où nous arrivons au pouvoir et où nous supprimons les ARS. L’administration de la santé est aussi une question d’échelle d’exercice des compétences.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle rejette l’article 14.
Après l’article 14
Amendement AS343 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement vise à transférer les excédents de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à la branche maladie.
Depuis la création de la Cades par les ordonnances Juppé de 1996, les taux de cotisation sont gelés à la fois en montant, en assiette et sur le plafond de la sécurité sociale. Celle‑ci est ainsi privée de ressources essentielles, ce qui la met en déficit, parce que les besoins continuent de croître. Puisqu’il y a un déficit, il y a un endettement ; celui-ci est placé dans une caisse de cantonnement, laquelle emprunte à des taux supérieurs à ceux de l’État, réussissant à gaspiller 75 milliards d’euros en dépenses parasitaires – commissions bancaires et frais d’intérêts. L’intérêt général plaide pour qu’on utilise l’argent disponible pour des besoins sociaux.
M. le rapporteur général. Dans votre excellent rapport d’information sur la gestion de la dette sociale, on apprend que l’écart de taux d’intérêt entre la Cades et l’État sur les emprunts à dix ans est proche de 10 points de base, c’est-à-dire de 0,01 %. Sur un emprunt de 1 milliard d’euros, une telle différence représente 1 million. Cela paraît relativement raisonnable, eu égard au fait que l’autonomie juridique de la Cades lui apporte de la souplesse pour réaliser son programme d’émission, souplesse qu’elle n’aurait pas si l’Agence France Trésor se chargeait du financement de la dette sociale au même titre que de celle de l’État. Je ne sais donc pas comment vous arrivez à un coût dix fois plus élevé du financement de la dette sociale par la Cades : cela m’étonne ; d’habitude vous êtes très rigoureux.
Par ailleurs, la Cades ne reçoit pas 1 euro de cotisations sociales, contrairement à ce qui est écrit dans votre exposé des motifs. Elle n’est financée que par la CSG, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et une dotation du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). La présentation de la Cades faite par notre collègue Clouet ne correspond pas à la réalité. La Cades existe parce qu’une dette sociale a été créée. Celle-ci devait venir en extinction en 2024. Lors de la crise sanitaire, la sécurité sociale a parfaitement joué son rôle d’amortisseur social et économique – mieux que partout ailleurs en Europe. Cela a créé une dette, que l’on a fait reprendre par la Cades en 2020 pour couvrir des déficits jusqu’en 2024.
Tôt ou tard, tous les déficits devront être repris dans le cadre d’une nouvelle dette sociale. La Cades n’est pas un fonds obscur : elle permet à la sécurité sociale de se financer, notamment en cas de crise. Actuellement, le déficit est encore trop important. Malheureusement, bientôt, nous ne verrons plus nos déficits, puisqu’on supprime tous les tableaux d’équilibre de nos textes : nous serons dans une totale obscurité. Un peu de cohérence : ne laissons pas véhiculer de tels propos, qui vont à l’encontre de ce que représente la sécurité sociale.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous sommes favorables à l’amendement. Ce mécanisme a déjà été utilisé l’an dernier pour mettre nos comptes à l’équilibre, si l’on peut dire : ce processus ne correspond pas à ce que nous souhaitons mais je ne peux pas laisser dire que l’on ne peut pas l’utiliser, puisque cela a déjà été fait.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis reconnaissant au rapporteur d’avoir lu mon rapport mais le problème, c’est qu’il n’en a lu qu’une page sur deux. Oui, la Cades est plus souple, mais dans quel but ? Si c’est pour coûter plus cher, cela ne sert à rien. Vous dites que la différence de taux d’intérêt n’est que de 0,01 point. Cela figure en page 65, effectivement, mais vous ne lisez que l’année 2023. N’hésitez pas à regarder les chiffres des années précédentes : le coût est certes de 22 millions d’euros en 2023 il était de 45 millions en 2022 et encore bien supérieur auparavant. Ce que vous dites n’est donc malheureusement pas vrai.
Ensuite, je vous invite à lire la page 74 du rapport – je rappelle que j’ai corédigé ce rapport avec l’actuelle ministre de la santé : c’est vous dire s’il est fiable. Il y est précisé ceci : « Déduction faite des revenus d’intérêts perçus [...], la charge d’intérêt nette de la dette sociale, y compris commissions, s’est élevée à 75 milliards d’euros constants [...] entre 1996 et 2022. [...] Rapportée sur la durée de vie de la Cades, cette somme de 75 milliards d’euros aurait amélioré le solde de 2,8 milliards d’euros par an en moyenne [...] si elle avait été affectée à la sécurité sociale. » Cette information est cosignée par Mme Rist : écoutez-la !
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS165 de Mme Sandrine Runel et AS572 de Mme Élise Leboucher
Mme Sandrine Runel (SOC). Le FRR a été créé pour assurer la protection sociale des générations à venir. Mais vous avez trouvé le moyen de le laisser investir dans des activités polluantes, notamment pétrolières et gazières, avec l’argent provenant des excédents de cotisations sociales. Nous proposons d’interdire à ce fonds d’utiliser cet argent pour continuer à contribuer au développement des activités polluantes.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement AS572 vise à interdire au FRR d’investir dans les secteurs polluants. Sur les 20 milliards d’euros qui lui sont confiés pour investir et bonifier les sommes allouées aux retraites, 1 milliard est investi dans des entreprises très polluantes comme TotalEnergies, Saudi Aramco, BlackRock, JP Morgan ou Monsanto. Plutôt que de continuer à financer les énergies fossiles, le FRR doit investir dans des activités vertes afin d’assurer que l’argent de nos retraites ne serve pas à polluer notre planète.
M. le rapporteur général. Le FRR est déjà très engagé dans une démarche environnementale : il applique une politique d’investissements responsables, fondée sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ; ses portefeuilles ont réduit de plus de moitié leur empreinte carbone depuis 2014 – le fonds s’est d’ailleurs fixé un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 ; de 2016 à 2023, l’empreinte carbone du portefeuille actions a diminué de 41 % ; sa nouvelle stratégie d’investissements responsables pour la période 2024‑2028 renforce les critères d’exclusion des activités liées au charbon thermique et à certaines énergies non conventionnelles.
Vos amendements étant satisfaits, je vous invite à les retirer ; à défaut, avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Leur adoption permettrait d’éviter qu’une nouvelle direction puisse à l’avenir décider de revenir en arrière sur la politique de verdissement des investissements. Je vous invite donc à adopter ces amendements ; le fonds étant déjà engagé dans cette démarche, cela ne sera pas douloureux.
La commission rejette les amendements.
Article 15 : Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites pour 2026
Amendement de suppression AS344 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous vous appelons à supprimer l’article 15, qui fixe les objectifs d’amortissement de la dette sociale par la Cades et les prévisions de recettes pour le FRR.
En 2020, le Gouvernement a décidé le transfert de la « dette covid » à la Cades : 136 milliards d’euros ont ainsi gonflé artificiellement le montant que la caisse est censée rembourser, tandis que le remboursement de la dette sociale immobilise 16,4 milliards d’euros.
La dette qu’il s’agit de rembourser est illégitime, imposée par la droite et gonflée par la Macronie dans le but de servir des intérêts sur les marchés financiers. En 2024, la Cades s’est acquittée de 3,2 milliards d’euros de charges financières. Sur le premier semestre 2025, les marchés financiers ont déjà coûté 1,4 milliard à la sécurité sociale. Les ressources issues des cotisations n’ont pas à alimenter les rentes des investisseurs. Elles doivent financer la réponse aux besoins de santé, assurer la prise en charge de la perte d’autonomie, aider les familles et servir des pensions de retraite.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer cet article orientant les recettes sociales vers la Cades.
M. le rapporteur général. Je sais pourquoi je ne suis pas un insoumis : je suis responsable ; quand on a une dette, on la rembourse.
Nous consacrons 19 milliards d’euros par an au remboursement de la dette sociale : c’est trop, je suis d’accord avec vous sur ce point. Mais si on ne veut pas de dette sociale, il faut avoir le moins de déficit possible. Or tous les amendements que vous avez adoptés depuis trois jours aggravent notre déficit et notre dette : demain, il faudra donc rembourser davantage.
L’objectif n’est pas de faire plaisir aux marchés mais de préserver les générations futures. C’est une question de responsabilité : je ne veux pas transférer à mes enfants une dette qu’ils auront à payer parce que nous aurons mal géré. Notre système de protection sociale est fondé sur la solidarité intergénérationnelle ; plus nos déficits sont importants, plus on entame cette solidarité. Je pense que, chez les Insoumis, vous êtes sensibles à la question de la solidarité ; je vous invite donc à retirer votre amendement.
Enfin, cet article est obligatoire pour respecter notre cadre organique.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il faut vraiment avoir l’esprit tordu pour penser que le but de la Cades serait de financer les marchés financiers – c’est l’idéologie qui pense à votre place ! La Cades se voit confier une dette, qu’elle amortit le mieux possible. Or, actuellement, c’est sur les marchés financiers que cela s’avère le plus efficace. Les agents de la Cades font un très bon travail ; ils sont d’ailleurs reconnus au niveau mondial pour cela. Ils parviennent à faire diminuer la dette sociale : le but n’a jamais été de donner de l’argent aux marchés financiers.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous dites, monsieur Lauzzana, que la Cades amortit au mieux ; or elle fait moins bien que l’État. Visiblement, nous savons faire mieux que vous – nous pourrons y revenir.
Le financement de la Cades repose sur la CSG et la CRDS, autrement dit sur une logique fiscale. Cela pose un premier problème car la fiscalité est régressive. Nous pouvons en discuter mais, pour ma part, j’y suis opposé. Ensuite, si les sommes consacrées à la Cades avaient servi à financer directement la sécurité sociale, on se serait épargné des commissions bancaires et des intérêts à hauteur de 75 milliards d’euros. Quand on jette 75 milliards par les fenêtres, on ne vient pas faire le malin en commission en insultant tout le monde.
Par ailleurs, M. le rapporteur général dit qu’il faut rembourser la dette. Nous sommes d’accord : c’est un engagement contractuel. Mais la question est de savoir si l’on continue à repousser toujours plus loin l’horizon de la clôture de la Cades. Sur ce sujet, nous ne faisons pas de politique : il faut y mettre fin et rapatrier la dette dans l’État. Ayons une discussion intelligente ; cela nous changera !
M. le président Frédéric Valletoux. Gardons un débat serein et des propos modérés. Il n’y a pas eu d’insulte, monsieur Clouet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS348 de M. Damien Maudet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). On entend parfois dire que les générations actuelles font peser la dette sur les générations futures. Ce n’est pas tout à fait exact : en réalité, les enfants des contribuables d’aujourd’hui paieront les créances des créanciers de demain. Le rapport n’est donc pas seulement générationnel : la répartition et la redistribution des richesses sont aussi à l’œuvre. Par la CSG et la CRDS, on enrichit des ménages qui sont créanciers de la Cades, comme d’autres du Trésor public.
M. le rapporteur général. Avis défavorable à votre amendement, qui vise éteindre immédiatement la dette de la Cades.
Dans le débat sur la Cades, la partie consacrée à l’immobilier des hôpitaux mériterait sans doute d’être réexaminée car ce patrimoine relève plutôt de l’État. Il y a là une marge d’évolution.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle rejette l’article 15.
Article 16 : Liste et plafonds de trésorerie des organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes
Amendement AS557 de M. Damien Maudet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons dénoncer la financiarisation de la sécurité sociale et insister sur la nécessité pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de se financer par l’emprunt en priorité auprès de la Caisse des dépôts et consignations, plutôt que sur les marchés financiers. Depuis 2021, l’Acoss se finance uniquement sur les marchés financiers. Selon le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale de 2025, la remontée des taux d’intérêt en 2023 a significativement augmenté le montant des charges financières supportées par l’organisme. Les intérêts acquittés par la Cades sont passés de 1,3 milliard d’euros en 2022 à 3,4 milliards en 2024, pour un montant amorti en baisse de près de 4 milliards. Cette financiarisation accrue des besoins à court terme de la sécurité sociale est une impasse. Il est grand temps d’arrêter de rémunérer les acteurs financiers.
M. le rapporteur général. Je ne lis sûrement pas votre rapport aussi bien que vous, monsieur Clouet, mais il me semble que vous y écrivez que les gestionnaires de l’Acoss remplissaient bien cette fonction de refinancement.
Vous souhaitez que l’Acoss se finance prioritairement auprès de la Caisse des dépôts. Cela pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, d’un point de vue rédactionnel, votre amendement ne prévoit pas réellement d’établir de priorité entre les différentes sources de financement. Ensuite, sur le fond, rien n’interdit à l’Acoss de recourir à des financements de la Caisse des dépôts ; elle l’a d’ailleurs fait pendant la crise sanitaire. Le choix de se financer auprès des marchés répond à un objectif de bonne gestion de la trésorerie de la sécurité sociale. Il tient à la flexibilité qu’offre le recours à des financements de court terme, qui permet d’ajuster le volume des emprunts. Selon les représentants de l’Acoss, que nous avons auditionnés, leur durée moyenne est à peu près de deux mois ; ils ne peuvent pas dépasser un an sur l’ensemble de leurs portefeuilles et durent au maximum vingt-quatre mois.
Je rappelle que le PLFSS prévoit une augmentation de 65 à 83 milliards d’euros du plafond de recours à des ressources non permanentes. Je ne suis pas sûr que la Caisse des dépôts serait en mesure d’accorder des prêts de ce montant sans compromettre ses autres activités de prêt – je sais que vous êtes sensible aux enjeux liés à la souveraineté et aux infrastructures. Il faut laisser aux gestionnaires de l’Acoss le soin de définir les modalités de financement qui leur permettent de remplir leur mission le plus efficacement possible. Si cela passe par la Caisse des dépôts, qu’ils le fassent, mais il faut leur laisser cette flexibilité.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 16 non modifié.
Article 17 : Approbation de l’annexe pluriannuelle
Amendement de suppression AS1627 de M. Hadrien Clouet
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). L’article 17 est inique car il avalise des coupes budgétaires d’une ampleur et d’une brutalité inédites dans les dépenses de santé. Le gel des pensions accélérera la dégradation de la situation de 17 millions de retraités. Leur pension sera amputée d’environ 300 euros dès l’an prochain. Lorsque l’on sait que 34 % des retraités perçoivent une pension inférieure à 1 000 euros – 50 % en Martinique –, on imagine aisément les dégâts que cet article provoquerait.
D’autre part, l’année blanche pénalisera près de 14 millions de foyers, plongeant des familles dans la précarité et poussant certainement beaucoup d’enfants et de jeunes vers des formes de délinquance. On voit bien le caractère irresponsable de cette mesure qui, à terme, renforcera les thèses du Rassemblement national. Les malades chroniques sont également la cible privilégiée de la Macronie : 18 millions de personnes seront pénalisées par la hausse des franchises médicales et de leurs plafonds.
Pour toutes ces raisons, avec l’amendement AS1627 nous souhaitons la suppression de l’article 17.
M. le rapporteur général. L’annexe sert à informer sur la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale mais elle n’a aucune valeur juridique. Rien de ce que l’on enlève de cette annexe ni de ce qu’on y ajoute n’a d’effet sur qui que ce soit. Mon rôle de rapporteur général est de faire en sorte que cette annexe soit la plus cohérente possible. Il ne s’agit pas d’un excès de zèle de ma part à l’égard du Gouvernement – je continue à porter une voix libre et exigeante – mais je suis défavorable à cet amendement de suppression et à tous les autres amendements qui ajoutent des éléments non expressément intégrés dans la trajectoire pluriannuelle.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Pourquoi, dès lors, vouloir à tout prix conserver une annexe manifestement mensongère ? Elle se fonde en effet sur un objectif de croissance de 1 % alors que tous les observateurs ont estimé que ce taux serait au maximum de 0,7 %. Si, dès le départ, on sait que cette annexe est erronée, pourquoi la maintenir ?
Mme Annie Vidal (EPR). Je comprends votre logique : comme vous ne voulez pas de la photo de 2025, vous la supprimez. La prévision pour 2026, vous n’en voulez pas non plus, et celles pour 2027, 2028 et 2029 encore moins. Or cette annexe, qui comporte une projection sur les années à venir, est demandée depuis longtemps. Chacun veut savoir quelle sera la trajectoire budgétaire de la sécurité sociale. Nous avons besoin de ces prévisions : elles nous permettront peut-être, dans un monde idéal, de nous mettre tous autour d’une table pour réfléchir au financement de la protection sociale. Il faut donc vraiment maintenir ces prévisions, qui nous seront très utiles.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 17 est supprimé et les amendements AS1616 de Mme Ségolène Amiot, AS1617 de Mme Élise Leboucher, AS1549, AS1567, AS1568, AS1577, AS1582 et AS1592 de Mme Chantal Jourdan, AS1628 de Mme Élise Leboucher, les amendements identiques AS1595 de Mme Sandrine Rousseau et AS1634 de Mme Ségolène Amiot ainsi que les amendements AS1544 et AS1545 de M. Boris Vallaud, AS1546 de Mme Sophie Pantel, AS1685 de Mme Anne Bergantz, AS1539, AS1541, AS1540 et AS1576 de Mme Isabelle Santiago, AS1640 de Mme Annie Vidal, AS1490 et AS1491 de Mme Sylvie Bonnet, AS1538 de M. Denis Fégné et AS1547 de Mme Chantal Jourdan tombent.
M. le rapporteur général. Nous avons supprimé des articles dont certains sont pourtant obligatoires. Le travail collectif aboutit à quelque chose qui ne respecte pas notre cadre organique. Nous avons adopté quelques mesures très positives, qu’il faudra reprendre en séance publique puisque nous repartirons du texte initial, mais nous avons également voté des choses incohérentes ou pas opérationnelles. Sur le vote de la deuxième partie du projet de loi, je m’en remets donc à la sagesse de notre commission, étant précisé toutefois que l’alourdissement du déficit peut nous être préjudiciable.
La commission rejette la deuxième partie du projet de loi.
TROISIÈME PARTIE :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2026
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Amendements de suppression AS103 de Mme Sandrine Runel, AS332 de M. Hadrien Clouet, AS203 de Mme Josiane Corneloup, AS728 de M. Paul-André Colombani, AS983 de Mme Karine Lebon, AS1581 de M. René Lioret et AS1604 de M. Hendrik Davi
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je pense que cet amendement sera adopté parce qu’il me semble que cette commission est majoritairement hostile au système des franchises médicales. Le principe des franchises médicales et des participations forfaitaires, c’est qu’une personne malade doit s’acquitter d’une somme fixe – 2 euros, 3 euros – quand elle consulte un médecin ou achète un traitement. Cela signifie que, riche ou pauvre, vous payez la même chose. C’est un impôt non seulement sur la maladie, mais sur la maladie des pauvres. Ce dispositif est donc doublement injuste. De plus, les effets attendus ne sont pas là.
Quelle solution alternative proposez-vous aux personnes qui finissent le mois à découvert et n’ont pas les moyens de se soigner ? Devront-elles choisir quelle personne de la famille pourra guérir ? Devront-elles couper le chauffage pendant l’hiver pour faire des économies ? Il faut abroger cet impôt injuste.
Mme Josiane Corneloup (DR). Mon amendement vise à supprimer l’article 18, qui étend le champ des participations forfaitaires et des franchises médicales à de nouveaux actes et produits de santé. En effet, cet article prévoit d’appliquer une participation forfaitaire sur les consultations chez les chirurgiens-dentistes et une franchise sur les dispositifs médicaux, au même titre que pour les médicaments. Ces mesures viendraient alourdir la charge financière des patients dans un contexte de forte inflation et de baisse de pouvoir d’achat, en particulier pour les ménages modestes et les personnes souffrant de pathologies chroniques et nécessitant des soins réguliers. Alors que l’accès aux soins est déjà difficile pour de nombreux Français, notamment dans les zones sous-dotées, une telle disposition risquerait d’avoir un effet dissuasif sur la fréquentation des cabinets dentaires et sur l’achat de dispositifs médicaux, ce qui est pourtant essentiel à la santé quotidienne.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Mon amendement vise à supprimer l’article 18, qui instaure de nouvelles participations forfaitaires et franchises médicales tout en relevant leurs plafonds et en modifiant leurs modalités de recouvrement.
Cet article élargit l’application des franchises et participations aux dispositifs médicaux – lunettes, pansements, orthèses... – et aux soins dentaires, qui en étaient jusqu’à présent exemptés. Par ailleurs, il double les plafonds annuels des franchises et participations forfaitaires en les portant de 50 à 100 euros chacun, pour un plafond global de 350 euros par an.
À ces mesures s’ajoute le doublement par décret des franchises et participations sur les médicaments, les transports et les actes médicaux. Cela entraînerait une augmentation du reste à charge de 42 euros par an pour les patients. Ces dispositions représentent une augmentation significative, particulièrement pour les personnes âgées et les malades chroniques ou en situation de handicap, qui cumulent les soins et les dispositifs médicaux. En période de tension sur le pouvoir d’achat, il est inacceptable de faire peser l’effort budgétaire sur les assurés au détriment de l’accès aux soins.
M. René Lioret (RN). Alors que l’explosion du coût de la franchise sur les médicaments que propose le Gouvernement risque d’accentuer le renoncement aux soins, l’article 18 vise à créer une participation forfaitaire sur les soins dentaires pour les plus de 18 ans et à étendre les franchises aux dispositifs médicaux remboursables et aux transports sanitaires – autrement dit, un moindre remboursement pour les patients sur les soins et sur la maladie.
Progressivement, et même insidieusement, vous officialisez un troisième niveau de prélèvements s’ajoutant aux cotisations à la sécurité sociale et aux mutuelles, qui sont de plus en plus chères. Se soigner deviendrait ainsi toujours plus difficile pour les Français. Ils devaient déjà, pour certains, choisir entre manger ou se chauffer ; il faudra désormais ajouter une troisième option : choisir entre manger, se chauffer ou se soigner. Dans le même temps, les étrangers en situation irrégulière, euphémisme pour désigner les clandestins, bénéficient des soins 100 % gratuits avec l’aide médicale de l’État (AME), ce qui est tout à la fois choquant et inadmissible. Nous demandons en conséquence la suppression pure et simple de l’article 18.
M. Yannick Monnet (GDR). Je défends l’amendement AS983.
Une personne sur quatre renonce déjà à des soins ; il semble logique de ne pas décourager les trois autres. Or, contre toute logique et dans le seul but de réaliser un peu plus d’économies, l’article 18 s’attaque à ceux qui parviennent encore à se soigner. Une étude menée par Eurodentaire et Harris Interactive, en 2023, indiquait que près d’un Français sur trois avait renoncé à des soins dentaires au cours des deux dernières années. La raison était d’ordre économique pour 56 % d’entre eux.
Qu’à cela ne tienne : vous prévoyez d’étendre la participation forfaitaire et la franchise médicale aux consultations chez les dentistes et aux dispositifs médicaux. Un plafond spécifique sera également créé pour les transports de patients. De plus, le Gouvernement confirme le doublement du montant des participations forfaitaires, des franchises médicales ainsi que de leurs plafonds annuels. Après un premier doublement en 2024, les plafonds annuels s’élèveront ainsi à 100 euros. Certes, ces mesures à court terme engendreront quelques moindres dépenses du côté de la sécurité sociale mais, très immédiatement, elles entraîneront un plus grand renoncement aux soins et, à moyen terme, une aggravation de l’état de santé globale des Français.
M. Hendrik Davi (EcoS). Mon amendement vise à supprimer l’article 18, qui prévoit l’extension des forfaits et des franchises médicales aux actes des chirurgiens-dentistes et aux dispositifs médicaux, et crée un plafond de dépenses ad hoc pour les transports sanitaires. Franchement, qui se rend chez le dentiste par confort ? Les franchises et participations ne sont pas des moyens de responsabilisation des patients. Ce sont des impôts déguisés sur la maladie. En imposant un nouveau reste à charge sur chaque acte, médicament ou dispositif, elles font peser le coût de la santé sur celles et ceux qui en ont besoin, autrement dit sur les malades eux-mêmes.
Cette mesure frapperait plus durement les personnes les plus précaires. Selon les dernières enquêtes, 37 % des Français ont déjà renoncé à des soins ou équipements médicaux, dentaires ou optiques alors qu’ils en avaient besoin, et 17 % à plusieurs reprises.
Enfin, nous appelons à une suppression générale des franchises et des participations forfaitaires, dont le doublement a été annoncé et sera fait par décret. Ce seul doublement des franchises par décret vaut censure.
M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, ce n’est pas moi qui ai prévu les dispositions inscrites dans cet article : il s’agit du projet du Gouvernement. Je vais en revanche porter à votre connaissance les éléments que j’ai obtenus en vue de la préparation de ce PLFSS, notamment lors des auditions.
Il existe une confusion : le doublement des franchises fait bien partie des sous‑jacents du PLFSS mais sera décidé par voie réglementaire ; il n’est pas prévu par l’article 18. La suppression de cet article n’entraînera donc pas la suppression des 2,3 milliards d’euros attendus de cette mesure. L’augmentation que vous avez évoquée de la valeur et des plafonds, par exemple de 2 euros à 4 euros pour les médicaments et de 50 euros à 100 euros pour les consultations de sages-femmes, est prévue pour 2026 ; elle ne figure pas dans l’article 18.
Cet article n’a aucun rendement budgétaire en 2026 : en le supprimant, on n’alourdit pas le déficit, on ne l’améliore pas non plus. En revanche, il devrait rapporter 600 millions d’euros à partir de 2027, d’après la direction de la sécurité sociale.
Par ailleurs, je vous avoue que je suis surpris par cet article 18 car l’étude d’impact indique que le passage de 43 à 85 euros en moyenne pour les franchises aura des effets négatifs sur les personnes ayant une affection de longue durée (ALD) et les personnes en situation de handicap. J’essaye de me montrer équilibré ; le principe d’une plus grande responsabilisation ne me rebute pas mais, en procédant ainsi, on risque de pénaliser ceux qui ont le plus besoin de consulter et d’obtenir des produits de santé. L’article 18 cible les dispositifs médicaux et les chirurgiens-dentistes : je ne suis pas sûr qu’il faille procéder de cette façon pour responsabiliser. De même, le fait de demander un paiement direct chez le professionnel n’est pas sans poser des problèmes pratiques. On voit mal comment cela fonctionnera.
Que la branche maladie soit en difficulté, c’est une évidence ; qu’il faille responsabiliser les assurés aussi. Toutefois, un autre problème se pose : celui du transfert de charges de l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires, qui s’élève 400 millions d’euros – un autre sous-jacent. J’ai demandé si on pouvait nous le documenter pour les hospitalisations ; je n’ai pas encore reçu d’éléments mais je l’évoque pour que vous ayez toutes les informations.
Avec l’article 18, nous franchissons un seuil symbolique. Je ne pense pas nécessaire de faire autant peser la responsabilité sur le patient ; les prescripteurs aussi sont concernés.
J’invite donc le Gouvernement à revoir sa copie et je m’en remets à la sagesse de la commission sur le sort de cet article.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suis défavorable à ce doublement des franchises – qui viendrait après un premier doublement il y a dix-huit mois. J’étais opposé à l’augmentation du ticket modérateur l’année dernière et je n’ai pas changé d’avis. Ce n’est pas aux patients de payer les conséquences de l’absence de réformes de structure de notre système de santé. Cette mesure est une solution de facilité qui ne répond pas aux problèmes et qui ne fera qu’alourdir la charge financière qui pèse sur les patients.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis également défavorable à cette solution de facilité. Je mène un combat depuis de nombreuses années contre la désertification médicale. Une telle mesure constituera une double peine pour ceux qui vivent dans ces zones.
Comment assurer une bonne articulation entre le remboursement de la mutuelle et celui de l’assurance maladie ? Si vous vous penchiez sur la répartition pour chaque pathologie, vous découvririez des situations absolument invraisemblables. Le risque est pris en charge par l’assurance maladie et tout ce qui n’est pas risqué échoit aux mutuelles. On cherche de l’argent pour la prévention : 4 milliards d’euros sont éparpillés entre une centaine d’actions sans convergence ni stratégie de long terme.
Retenons le mécanisme des franchises cautionnées si nous voulons vraiment taxer ceux dont les revenus sont les plus élevés, mais ne prélevons pas 100 euros sur le dos de ceux qui paient déjà 50 euros et qui, pour la plupart, sont handicapés ou souffrent d’une affection de longue durée. Étudions plutôt les moyens vertueux de sortir d’une ALD.
Mme Justine Gruet (DR). Je souhaite que mes propos ne soient pas perçus de façon émotionnelle, mais on ne peut pas dire n’importe quoi sur l’accès financier aux soins. Notre pays offre la meilleure prise en charge de la maladie. La comparaison avec le reste à charge dans le secteur médico-social est édifiante, puisqu’une personne âgée placée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) peut devoir payer jusqu’à 2 500 euros.
Nos concitoyens peuvent en revanche ne pas comprendre qu’on leur demande un effort supplémentaire alors qu’aucune franchise ni reste à charge ne sont exigés de certains qui ont pourtant accès à notre système de santé. Nous devons avoir le courage d’interroger ce système en silos, qui repose sur cinq branches de sécurité sociale et dans lequel la perte d’autonomie est sous-financée. Nous devons avoir le courage politique d’imposer un reste à charge sur la branche maladie parce que celui sur la dépendance est très élevé. Enfin, il faut faire des économies sur la suradministration plutôt que sur l’accès aux soins.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous rencontrons des problèmes techniques de retransmission : je vous propose de suspendre la réunion.
La réunion est suspendue de seize heures trente à seize heures quarante-cinq.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il s’agit d’un sujet sensible. Nous n’avons pas à nous prononcer sur le doublement des franchises : cette mesure ne figure pas dans le PLFSS mais dans un texte réglementaire qu’a pris le Gouvernement.
La situation de la sécurité sociale est difficile : si un effort est demandé, il doit être limité et partagé. Le reste à charge est, en France, le plus bas des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Nous devons également porter une grande attention au phénomène de non-recours aux soins. Enfin, un quart de la population française n’est pas soumis aux franchises : les personnes les plus modestes, qui perçoivent la complémentaire santé solidaire (C2S), les mineurs, les femmes enceintes ; de même, les frais liés à la contraception échappent aux franchises. Le rappel de ces exceptions montre que les personnes les plus modestes ne sont pas, contrairement à ce que l’on peut entendre, concernées par les franchises.
Les prescripteurs ont également une responsabilité dans la consommation des médicaments.
Nous sommes opposés au règlement « au comptoir » que prévoit l’article 18.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’article 18 illustre parfaitement le musée des horreurs qu’est ce PLFSS ; elle en est même la principale. Il vise à faire peser sur les plus modestes le doublement des franchises. Vous pensez sans doute que 4 euros pour une consultation chez le médecin ou 2 euros pour une boîte de médicaments ne sont rien, comme quand le Président de la République disait que 5 euros en moins d’aide personnelle au logement ne représentaient pas grand-chose : pourtant ces sommes sont élevées pour les personnes qui ont peu. Encore une fois, vous voulez faire les poches des plus pauvres. Nous sommes évidemment opposés à l’élargissement du champ des franchises et des participations forfaitaires, car ces décisions vont à l’encontre de ce qu’est la sécurité sociale. Les parlementaires doivent unanimement défendre la nature de la sécurité sociale et supprimer cet article infâme.
M. René Lioret (RN). Monsieur le rapporteur général, vous semblez considérer que certains dispositifs médicaux seraient des produits de confort.
M. le rapporteur général. J’ai dit l’inverse !
M. René Lioret (RN). D’accord. Je voudrais préciser que certains dispositifs médicaux méritent d’être remboursés. Je pense en particulier aux pansements modernes utilisés pour la cicatrisation des escarres et des ulcères : ces produits sont très efficaces et évitent l’alitement prolongé des patients. Leur remboursement représente un coût non négligeable, mais bien inférieur à celui de l’immobilisation prolongée. Enfin, le renouvellement de la pose de ces pansements est indolore, aspect important pour le confort du patient.
M. le président Frédéric Valletoux. Connaissant le sérieux et la précision de notre rapporteur général, je doute qu’il ait affirmé que les dispositifs médicaux constituaient des accessoires de confort. En tout cas, vous avez pu rappeler l’importance de ces produits et leur contribution aux soins.
M. Fabien Di Filippo (DR). L’article 18 sera malheureusement supprimé. Je le regrette car il faut ouvrir les yeux sur le déficit de l’assurance maladie. La surconsommation de médicaments y contribue massivement. Elle découle d’ailleurs en partie de la surprescription, phénomène dont nous avons tous été témoins à un moment de notre vie.
Ce qui est en jeu, c’est l’existence même du système social français, lequel est très généreux et soigne tout le monde. Je sais que l’expression de responsabilisation individuelle ne plaît pas à tout le monde sur le plan philosophique, mais c’est ce chemin que nous devons emprunter.
Vous refusez une mesure partielle et plafonnée, d’ampleur très réduite par rapport à notre consommation de soins. Faire des efforts et rationaliser les dépenses déplaisent, mais si nous ne faisons rien, nous ne pourrons peut-être plus soigner certaines personnes à l’avenir.
J’ai déposé un amendement qui vise à imposer une franchise sur chaque acte médical et chaque médicament reçu par les bénéficiaires de l’AME, à savoir les étrangers en situation irrégulière. Depuis 2015, le nombre d’allocataires de l’AME a augmenté de près de 40 % et celui des ayants droit de près de 60 % : une telle situation n’est plus acceptable alors que ces personnes ne contribuent aucunement à notre système social.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet article est totalement scandaleux. Augmenter les franchises médicales et les étendre à de nouveaux secteurs comme le dentaire alors que le renoncement aux soins, notamment dentaires, ne cesse de progresser à cause de la crise sociale et se révélera très coûteux pour la collectivité.
Il y a deux logiques : certains pensent qu’il faut responsabiliser les malades, qui aiment les dépenses et la gabegie, quand d’autres estiment qu’il faut préserver notre histoire – le programme du Conseil national de la Résistance puis les quatre-vingts ans de sécurité sociale. Cette belle histoire peut continuer, car il est possible de sauver, d’étendre et d’améliorer la sécurité sociale : il faut pour cela mettre réellement à contribution celles et ceux qui doivent l’être, donc mettre un terme aux exonérations de cotisations sociales. Les hauts revenus doivent participer à l’effort visant à garantir l’accès aux soins de toutes et de tous.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Cet article constitue un véritable scandale. De nombreuses personnes souffrent d’une ALD provoquée par des politiques publiques irresponsables, qui ont privilégié les intérêts financiers d’une minorité à la santé d’une majorité écrasante et écrasée de la population. Cela est particulièrement vrai dans les dits « outre-mer », où les taux de sucre des aliments sont toujours plus élevés que dans l’Hexagone. Le chlordécone a été massivement répandu sur les plantations de bananes, ce qui a provoqué un nombre considérable de cancers du sein et de la prostate ainsi que de cas d’hypertension et de diabète. Ces gens, qui sont des victimes, devraient s’acquitter d’un reste à charge pour avoir accès à leur traitement médical : on touche là au scandale !
Mme Josiane Corneloup (DR). Le doublement des franchises représente une taxe supplémentaire. J’appelle de mes vœux depuis des années l’élaboration d’une véritable stratégie pour notre système de santé. L’absence d’une telle réflexion est regrettable car nous ne faisons que dégrader un peu plus notre système de soins.
La récupération des franchises chez les professionnels de santé me semble en outre une mesure extrêmement complexe. Son déploiement nécessiterait des développements informatiques importants et coûteux. Elle risque non seulement de retarder les projets d’amélioration du parcours de soins, mais également de représenter pour le professionnel de santé une grande complexité : il devra y consacrer beaucoup de temps et apprécier la situation du patient – celle-ci variera selon qu’il est en ALD ou non, invalide ou non. Cette mesure pourrait pénaliser le suivi des traitements et la prévention, que nous souhaitons tous renforcer.
Voilà pourquoi je soutiens la suppression de l’article.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Deux aspects de l’article 18 me choquent. D’abord, les dentistes n’étaient jusqu’à présent pas soumis aux franchises. L’accès aux soins dentaires est particulièrement marqué socialement ; la qualité de la dentition et des soins des dents est très corrélée au revenu. Instaurer des franchises sur les soins dentaires, c’est faire des économies sur le dos de personnes qui éprouvent déjà des difficultés à se soigner.
Le second élément est le terme, employé notamment par la ministre de la santé lors de son audition, de « responsabilisation ». Quand on est malade, on doit se soigner : voilà ce qu’est un comportement responsable. Dire que l’augmentation des franchises équivaut à un forfait de responsabilisation signifie que les malades doivent prendre conscience du coût qu’ils représentent pour la société. Il s’agit d’une opération de culpabilisation. Je veux dire à toutes les personnes qui souffrent d’une ALD, d’un cancer ou d’une maladie chronique qu’elles ne sont pas des boulets pour la société et que nous sommes fiers que la solidarité joue pour les soigner.
Mme Anne Bergantz (Dem). Mon avis sera quelque peu dissonant. J’entends toutes les voix qui s’opposent au doublement des franchises et de la participation forfaitaire. Prendre une telle décision n’est ni facile ni populaire. Je souscris aux appels à conduire des réformes structurelles, mais si jamais nous parvenions à nous mettre d’accord sur ces transformations d’ampleur, celles-ci ne produiraient leurs effets que dans plusieurs années. Or nous n’avons pas le temps d’attendre.
Compte tenu de la structure de notre système social et de notre exigence collective à son égard, je doute vraiment, en responsabilité, que nous puissions nous dispenser de faire des efforts. Ces derniers épargnent 18 millions de personnes, les plus fragiles de nos concitoyens. Ils me paraissent donc raisonnables par rapport au faible reste à charge actuellement en vigueur pour les assurés. Dans notre situation budgétaire, l’article 18 est responsable.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il est toujours plus facile de s’opposer aux franchises que de soutenir leur augmentation. Le déficit de la sécurité sociale est énorme et le système de protection sociale est fragilisé. La mesure épargne 18 millions de personnes.
Il est vrai qu’une refonte structurelle de notre système est nécessaire. Il faudra responsabiliser les prescripteurs et mettre un terme au tout-gratuit pour tout le monde. Le tiers payant pour tous n’est sans doute pas non plus la solution. Les patients doivent connaître le coût des traitements, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Les ALD doivent bien entendu être exclues du dispositif : nous connaissons tous des personnes atteintes d’un cancer ou d’une ALD, madame Rousseau. Il est facile de leur dire qu’elles ne vont rien payer, mais il faudrait au moins qu’elles connaissent le coût de leur traitement. Ne tombons pas dans la démagogie !
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’impact de la non-observance des traitements est un problème peu souvent évoqué. Certains patients ne suivent pas complètement les prescriptions des médecins et ne prennent que deux comprimés par jour au lieu de trois, par exemple. Le traitement est donc moins efficace. Des antibiorésistances peuvent se développer. Le médecin, ne comprenant pas ce qui s’est passé, peut demander une batterie d’examens supplémentaires pour comprendre la situation et prescrire des doses encore plus élevées de médicaments.
Si l’on ne consent pas à financer les soins dès le début, la facture sera, au bout du compte, plus élevée. En outre, des accidents, des erreurs médicales et des décès peuvent résulter du refus par certaines personnes de prendre une partie ou l’intégralité de leur traitement.
M. Christophe Bentz (RN). Notre opposition au doublement des franchises est totale. Cette mesure est inacceptable car elle augmente trop fortement les restes à charge pour les soins dentaires, les dispositifs médicaux et le transport sanitaire – les représentants des taxis sanitaires étaient prêts à accepter une franchise de 1 euro par trajet –, surtout dans un contexte de crise aiguë du pouvoir d’achat. La décision du Gouvernement s’apparente à une provocation.
Nous nous réjouissons que presque tous les groupes politiques réclament la suppression de l’article. Le Gouvernement doit absolument entendre le message de notre commission : l’article 18 n’est pas viable économiquement, il est injuste socialement, il est bancal politiquement et il n’est pas pérenne financièrement.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il est toujours plus facile de ne pas faire payer que de demander une contribution à l’effort collectif pour combler le déficit de la sécurité sociale. Une ligne sépare ceux qui ont du courage et ceux qui n’en ont pas.
Non, ce ne sont pas les plus fragiles qui paieront ! En effet, 18 millions de personnes sont exonérées de la mesure. En outre, les franchises sont plafonnées : le plafond sera doublé, mais il ne disparaîtra pas. Certains veulent faire croire que nous paierons 1 euro sur chaque boîte de médicaments tout au long de l’année : c’est faux. Nous conservons le plafond car nous ne sommes pas irresponsables.
Enfin, je tiens à rappeler que nous avons instauré le remboursement intégral des soins dentaires, ophtalmologiques et auditifs : tout le monde l’a oublié. Quand j’entends que des personnes n’ont pas les moyens de consulter un dentiste, je tiens à rappeler que notre majorité a créé le 100 % dentaire il y a quelques années. Je suis médecin et je peux vous assurer qu’il s’agit d’une avancée majeure ; pourtant, personne n’en parle. Que l’on ne nous fasse pas le procès de vouloir enfoncer les plus fragiles, ce n’est pas vrai !
M. Yannick Monnet (GDR). Nous n’instruisons aucun procès, nous participons à un débat. De plus en plus de gens renoncent à se soigner. À cela, vous nous répondez que la sécurité sociale est trop dispendieuse et que tout le monde doit participer à son financement. Avec cette politique, encore plus de gens renonceront aux soins.
Le seuil de déclenchement de la C2S est inférieur à celui de la pauvreté. Toute une partie de la population n’a donc pas accès à cette complémentaire.
Certains professionnels, y compris des dentistes, n’acceptent pas la C2S. Trouver un dentiste quand on perçoit le revenu de solidarité active est très difficile.
Enfin, vous suivez avec constance votre ligne libérale, monsieur Di Filippo, mais quand vous dites qu’il a trop de prescriptions, attaquez-vous à la liberté de prescription des médecins ! Allez jusqu’au bout et faites preuve de courage ! Mais je ne suis pas certain que vous soyez capable d’aller jusque-là.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’article 18 se situe au cœur de l’injustice de ce PLFSS. Depuis cinq ans, le budget annuel des frais de santé a crû de 75 % : en 2018, il s’établissait à 715 euros et il atteint désormais 1 249 euros. Pensez-vous vraiment que c’est encore là qu’il faut récupérer de l’argent ? Nous avons avancé de nombreuses propositions pour augmenter les ressources de la sécurité sociale, notamment en faisant contribuer celles et ceux qui en ont les moyens, mais vous les avez toutes refusées pour privilégier la taxation des Français sur leur santé alors qu’ils n’ont aucune marge de manœuvre sur celle-ci.
Une collègue de droite a dit qu’il était temps que les Français connaissent le prix d’une boîte de médicaments : très bien, mais informons-les également du taux de profit de l’entreprise produisant le médicament. Soyons transparents jusqu’au bout !
M. Jean-François Rousset (EPR). Si vous vous intéressez à la C2S, ne supprimez pas les articles. Nous avons déposé un amendement visant à augmenter le plafond de cette complémentaire et à rendre l’inscription à celle-ci automatique. En effet, certains jeunes se pensent à l’abri de tout problème de santé et ne souscrivent pas à la C2S : en cas de maladie ou d’accident, ils se retrouvent à devoir acquitter des frais élevés.
Acceptons le débat et ne supprimons pas les articles. Nous pourrons ainsi nous prononcer sur l’ensemble du PLFSS une fois nos discussions achevées.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) intègre le doublement des franchises pour un rendement de 2,3 milliards d’euros. L’article 18 crée de nouvelles franchises sur les soins dentaires et les dispositifs médicaux. Cette mesure avait déjà été proposée à l’été 2023, mais le ministre de la santé d’alors, Aurélien Rousseau, ne l’avait opportunément pas retenue.
Une opposition de principe sépare les uns et les autres. Des collègues et la ministre de la santé, Stéphanie Rist, affirment que certaines personnes peuvent se permettre de payer les franchises et que celles qui ne le peuvent pas, à savoir les 18 millions de détenteurs de la C2S, sont épargnées. Au-delà de la question du rendement, il faut s’arrêter à l’aspect philosophique de la discussion en cette année de quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale : si on module le remboursement en fonction des revenus des intéressés, on touche à l’universalité de la sécurité sociale et on crée un système à deux vitesses. Ceux qui, comme moi, sont attachés à la sécurité sociale ne peuvent pas accepter cette orientation : c’était une erreur d’instaurer les franchises, la gauche a eu tort de ne pas les supprimer lorsqu’elle était au pouvoir et vous vous trompez en les doublant tous les deux ans.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Certains d’entre vous réclament du courage. Dont acte. Sortons de la responsabilité individuelle et tournons-nous vers la responsabilité collective : faisons preuve de courage et attaquons-nous aux industriels qui répandent la malbouffe, à l’utilisation des pesticides, au tabagisme, à l’alcoolisme, à la précarité, au mal‑logement et à toutes les politiques qui détériorent la santé de nos concitoyens.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 18 est supprimé et les amendements AS1431 de M. Fabien Di Filippo et AS965 de M. Hendrik Davi, les amendements identiques AS231 de Mme Josiane Corneloup, AS951 de M. Jean‑Pierre Bataille et AS1422 de M. Frédéric Valletoux ainsi que les amendements AS1522 de Mme Justine Gruet, AS1278 de M. Hendrik Davi, AS232 de Mme Josiane Corneloup, AS915 de Mme Danielle Simonnet, AS280 de Mme Josiane Corneloup et AS877 de M. Cyrille Isaac‑Sibille tombent.
Après l’article 18
Amendement AS645 de M. Sébastien Chenu
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS212 de M. Stéphane Viry et AS912 de M. Michel Lauzzana
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS212 est défendu.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cette proposition a été élaborée avec la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) : il s’agit de mieux lutter contre la fraude à l’assurance maladie, notamment en améliorant la coordination entre celle-ci et les mutuelles. Une marge de progression existe.
M. le rapporteur général. Vous proposez que les professionnels de santé appliquant le tiers payant puissent se voir suspendre, sous un certain délai, la garantie de paiement de la prise en charge par l’assurance maladie si cette dernière a porté plainte pour fraude contre un professionnel au cours des deux dernières années : toutes les fraudes sont concernées, pas simplement celle touchant à la prescription d’arrêts donnant lieu à l’attribution aux assurés d’indemnités journalières. En outre, une suspension peut être prononcée dès l’ouverture d’une procédure de déconventionnement pour fraude.
Je soutiens bien entendu toute mesure empêchant le versement de sommes indues. Le tiers payant est intéressant pour les assurés, mais il s’accompagne d’une garantie qui invite une minorité de professionnels de santé à frauder.
Vous suggérez également que les contrats responsables ne doivent plus assumer le tiers payant dans le cas où la complémentaire a été informée par l’assurance maladie obligatoire qu’une enquête pour fraude ou une procédure de déconventionnement d’un praticien avait été ouverte.
Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS917 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Dans le même esprit, l’amendement, élaboré avec la FNMF et inspiré par le rapport « Charges et produits » pour 2026 de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), a pour objet d’autoriser la suspension du tiers payant pour les assurés sanctionnés ou condamnés pour fraude.
M. le rapporteur général. C’est à la loi de prévoir les conditions dans lesquelles le bénéfice du tiers payant peut-être temporairement suspendu, non à un simple décret comme le prévoit votre amendement. Je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements AS1424 de M. Fabien Di Filippo et AS1150 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)
M. Fabien Di Filippo (DR). Vous connaissez mon attachement à la société des droits et des devoirs. Certains de nos concitoyens s’en éloignent. L’amendement prévoit que tous les bénéficiaires de la C2S s’acquittent d’une franchise médicale, fixée par décret. J’en ignore le montant : peut-être doit-il être symbolique dans un premier temps, mais personne ne peut se présenter à un guichet en exigeant toujours plus de droits. La fracture s’aggrave entre la France des gens qui paient toujours tout et celle qui se contente de bénéficier des aides.
Mme Justine Gruet (DR). Le groupe Droite Républicaine croit aux symboles. L’amendement AS1150 vise à supprimer la gratuité de la C2S. L’objectif de cette complémentaire est de préserver l’accès de tous à des soins de qualité tout en assurant la viabilité de notre modèle de remboursement. Or le nombre de bénéficiaires ne cesse de croître : il s’établissait à 7,7 millions en juillet 2024, dont 6 millions disposent d’une C2S gratuite.
Nous souhaitons maintenir le subtil équilibre entre solidarité et responsabilité budgétaire. Il importe que nous travaillions collectivement à fixer un reste à charge compatible avec les capacités de chacun mais également une contribution de tous à hauteur des moyens de chacun. On doit contribuer pour bénéficier d’un système : c’est ainsi que l’accès à la C2S deviendra plus juste.
M. le rapporteur général. Il y a lieu de revoir les seuils de la C2S par rapport à celui de la pauvreté.
Vous proposez d’octroyer la C2S sous réserve d’une participation symbolique à son financement. Monsieur Di Filippo, je vous demande de retirer votre amendement au profit de celui de votre président de groupe, plus complet, auquel je donne un avis favorable. À la lecture de votre amendement, on ne peut en effet pas savoir si le plafond correspond aux ressources de l’assuré ou au montant de sa participation.
L’intérêt de la participation symbolique est d’ouvrir un champ des possibles, dans lequel le Gouvernement et la Cnam pourront fixer les critères de la participation financière des assurés.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je retire mon amendement.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Depuis le covid, nous savons qu’il est essentiel que tout le monde puisse bénéficier de soins et je déplore que nous n’ayons pas tous évolué sur ce point. En effet, si l’argument humaniste ne vous touche pas, peut-être que la préoccupation de votre propre santé vous convaincra davantage : en effet, la prise en charge des personnes trop pauvres pour accéder aux soins sans la C2S renforce la santé de l’ensemble de la population.
L’amendement AS1424 est retiré.
La commission rejette l’amendement AS1150.
Article 19 : Prévenir l’augmentation des affections de longue durée par la mise en place de prestations d’accompagnement dédiées
Amendement AS334 de M. Damien Maudet
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La France insoumise veut bannir votre infamie d’une ALD à deux vitesses, pensée par des technocrates pour dérembourser des soins. Sous le prétexte cynique de la prévention, le Gouvernement invente un système de tri : d’un côté, les malades assez graves pour mériter une prise en charge complète, de l’autre, les moins graves, que l’on sort du dispositif. En clair, vous déremboursez de nombreuses pathologies et vous faites payer les malades chroniques, notamment les personnes diabétiques, pour boucher le trou de la sécu ; dans le même temps, vous rechignez à faire contribuer les vrais responsables que sont les lobbys, les industriels et les publicitaires.
Concrètement, vous vous attaquez à des prises en charge de transport, de soins de santé mentale, de thérapies douces, d’adaptation du logement pour des patients dont le reste à charge s’élève déjà à 2 000 euros et jusqu’à 8 200 euros pour les 10 % les plus exposés. Il y a 40 millions pour la prévention, mais 500 millions sont ponctionnés sur le dos des malades. C’est une opération comptable, pas une politique de santé publique et humaine. Pour nous, la santé n’est pas une variable d’ajustement : nous défendons l’universalité, la solidarité et le droit à être soigné sans condition de gravité ni de revenu. Par l’amendement AS334, nous exigeons la suppression de cette mesure ignoble.
M. le rapporteur général. La Haute Autorité de santé (HAS) sera appelée à se prononcer sur une éventuelle modification des critères d’entrée dans le dispositif d’accompagnement préventif des ALD, mais l’article 19 ne le modifie pas.
Nous soulignons souvent l’importance de la prévention. Il faut non supprimer ce dispositif, ce que votre groupe est seul à vouloir faire, mais en discuter. Qui y entre ? Qui en sort ? À quel moment ? Voilà les questions qu’il faut poser. Ensuite, il faut définir le parcours, établir la prise en charge et prévoir le financement.
Concrètement, s’il ne prévoit pour un patient diabétique de stade 1 qu’un bilan diététique et un bilan des activités physiques et sportives possibles, il ne le prémunira pas du stade 2. Mais si le parcours évite le basculement et les soins associés, par exemple les injections, c’est un investissement qu’on ne peut pas critiquer.
Les questions sont légitimes mais l’objectif de l’article est sensé. Il nous faut l’avis de la HAS.
Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On sait que certaines personnes ont des prédispositions à développer des pathologies. Il est intéressant de leur offrir un panier de soins, qui pourrait contenir du dépistage, des analyses biologiques et des conseils pour prévenir une déclaration de la maladie. Parce que je plaide souvent pour faire de la prévention une politique industrielle ; je pense qu’il faut généraliser ce dispositif et je ne comprends pas que La France insoumise s’y oppose.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1638 de Mme Ségolène Amiot et AS92 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je me suis engagé à vous lire le message d’une personne concernée. Le voici.
« Je m’appelle Cerise, j’ai 19 ans et je viens du Doubs. J’ai un cancer depuis mes 17 ans, qui m’a laissée lourdement handicapée. J’ai des besoins spécifiques, notamment pour écrire. Les factures de pharmacie s’alourdissent. Mes parents, pourtant considérés comme faisant partie des classes moyennes supérieures, n’arrivent plus à subvenir à tous mes besoins.
« Pour étudier, j’aurais besoin d’argent, de matériel. J’ai toujours été une élève sérieuse – j’ai eu mon baccalauréat à tout juste 15 ans. Mais mes parents se ruinent pour mes soins, donc ils ne peuvent se permettre de m’acheter, par exemple, l’iPad contenant les technologies dont j’aurais besoin, ou le stylet ergonomique qui me serait nécessaire parce que les nerfs de mes mains sont coupés. Non, ils doivent aller plusieurs fois par semaine se ruiner à la pharmacie. À ça, l’État répond que je perçois l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, 140 euros, même pas le prix d’une piqûre, même pas ce qu’on avance pour un rendez-vous avec un spécialiste.
« S’il vous plaît, c’est un cri du cœur, aidez-moi, aidez-nous, aidez nos familles ! Je vous remercie de l’attention que vous porterez à mon message car aucun de mes messages aux politiques n’a pour l’instant eu de réponse, même celui que j’ai écrit à notre président, il y a un an. »
L’amendement AS1638 tend à faire participer les associations à la prise de décision. Je vous ai lu ce message pour que vous compreniez l’importance d’entendre la parole de ceux qui sont concernés avant de faire des choix.
Mme Josiane Corneloup (DR). La HAS doit définir les critères pour bénéficier d’un parcours d’accompagnement. Il faut qu’elle le fasse en concertation avec les associations d’usagers. C’est l’objet de l’amendement AS92.
M. le rapporteur général. Monsieur Boyard, je ne connais pas Cerise et je ne sais pas quel est son statut mais je ne suis pas certain que cet article la concerne : elle semble relever plutôt du post-ALD que d’un parcours de prévention. Nous pourrons en reparler.
Sur le fond, vous pouvez être tranquilles, les associations participeront à la définition des critères d’inclusion. Il se trouve que je représente notre commission auprès de la HAS pour le suivi des organismes. Les associations siègent à la commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs. Lorsque la HAS élabore des recommandations, elle sollicite cette commission, donc les associations.
Je vous invite à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet article crée un parcours de soins, qui plus est consacré à la prévention : il préfigure la médecine du futur. Il faut déployer ce dispositif novateur et en observer les effets. La gauche, qui dénonce la tarification à l’activité (T2A), ne devrait pas s’y opposer.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement que je défends a été proposé par France Assos Santé, en premier lieu parce que les associations s’opposent à l’article 19. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’elles siègent dans quelques commissions, à côté de beaucoup d’autres personnes, que leur parole est entendue comme elle devrait l’être. Leur avis, c’est‑à‑dire celui des personnes qui ont besoin de la sécurité sociale, devrait compter autant que celui de la HAS – c’est d’ailleurs ce qu’elles demandent.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS940 de M. Fabrice Brun
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement vise à préciser que le parcours peut inclure des prises en charge non médicamenteuses ainsi que l’accompagnement par une structure spécialisée.
M. le rapporteur général. C’est l’objet de l’article : l’amendement est satisfait. De plus, nous avons prévu de nous en remettre à l’avis de la HAS pour définir le parcours ; il ne serait pas cohérent de le faire dans la loi.
Si vous tenez à le redéposer en vue de l’examen en séance, il faudra en modifier la rédaction, qui n’est pas opérante.
Avis défavorable.
Mme Camille Galliard-Minier. Par cet article, il ne s’agit pas de modifier la prise en charge des ALD mais de faire de la prévention afin que les personnes à risque soient moins malades. On passe d’un modèle centré sur le soin et la réparation à un modèle qui valorise la prévention et l’accompagnement. Ce dispositif devrait faire l’unanimité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS77 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je défends cet amendement. Le rôle des facteurs environnementaux dans l’aggravation des pathologies chroniques croît. Je pense à la pollution de l’air, responsable de 40 000 décès prématurés par an ; à celle des bâtiments, liée à la vétusté, à l’humidité et à la moisissure ; à l’exposition aux produits chimiques, cause de maladies respiratoires et cardio-vasculaires ; aux perturbateurs endocriniens. Les politiques de prévention sanitaires doivent en tenir compte.
M. le rapporteur général. Le concept d’exposome le montre, votre préoccupation est légitime. Cependant l’article 19 prévoit de créer un parcours de prévention composé d’actions concrètes, comme améliorer l’alimentation et prévoir une activité physique adaptée. L’assurance maladie remboursera un panier de soins. Je crains que l’adoption de votre amendement ne rende son élaboration plus compliquée. Que pourrions-nous proposer pour prévenir les expositions que vous dénoncez ? La question risque d’être trop vaste.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les médecins s’intéressent déjà de plus en plus à l’environnement du patient pour définir la prise en charge de sa maladie. Nous allons devoir modifier nos politiques publiques afin d’empêcher que les facteurs environnementaux n’accélèrent le développement de certaines pathologies en maladies chroniques incurables. Cet amendement, dont l’adoption ne coûtera pas 1 centime, peut y contribuer.
M. Michel Lauzzana (EPR). Ce que vous proposez ne coûte pas cher mais c’est une déclaration d’intention, non l’élément d’un panier de soins. Il faut prendre les facteurs environnementaux en considération, c’est une évidence. J’ai été rapporteur de la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers : les enseignements qu’on tirera de son application permettront de définir des actions concrètes. Ici, nous parlons d’un panier de soins ; votre proposition est inopérante.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS941 de Mme Sandrine Runel, AS93 de Mme Sylvie Bonnet et AS1713 de Mme Ségolène Amiot
Mme Sandrine Runel (SOC). Le dispositif que vous proposez constitue une rupture de prise en charge de pathologies risquant d’évoluer vers une ALD. Il s’agit de maladies graves : cancers, sclérose en plaques, diabète, mucoviscidose, Parkinson. Nous proposons d’interdire les dépassements d’honoraires pour les prestations effectuées dans le cadre de ces actions de prévention. L’objectif est d’éviter une prise en charge ALD. Il y va du bien-être des patients et de la santé publique.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je défends l’amendement AS93.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement AS1713, identique, vise à s’assurer que le parcours ne pourra pas donner lieu à des dépassements d’honoraires. Ceux-ci coûtent de plus en plus chers aux Français : si vous n’avez pas le courage de les encadrer, voire de les interdire, il faut éviter que les personnes qui suivront le parcours pré-ALD ne les subissent.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas moi qui propose le texte, madame Runel, je n’ai pas participé à son élaboration. Je parle d’une voix libre. Le Gouvernement ne participe pas aux travaux de la commission ; vous pourrez interpeller ses représentants lors de l’examen en séance publique.
Sur les amendements, je comprends votre intention et je partage votre volonté. La Cnam voudrait interdire les dépassements d’honoraires pour les actes de prévention. Nous ne pouvons pas déposer d’amendement en ce sens parce que ce serait un cavalier social, mais nous en discutons.
Il est vrai que la question se pose pour les analyses biologiques ou les actes de dépistage, par exemple. En revanche, les diététiciens, kinés, ergothérapeutes, psychomotriciens et autres professionnels habilités à faire pratiquer une activité physique adaptée ne pourront pas forcément procéder à des dépassements d’honoraires. Donc la portée de l’amendement est limitée.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Justine Gruet (DR). Les professionnels paramédicaux n’ont pas de secteur 3 : ils pratiquent peu le déconventionnement et les actes hors nomenclature. Je comprends l’avis du rapporteur général parce qu’il faut une vraie prise en charge de la prévention.
Nous finançons mieux les bilans que la prise en charge. Je m’inquiète que nous ne parvenions pas à financer les soins qui devraient suivre lesdits bilans.
M. le rapporteur général. D’un autre côté, il faut faire attention. Si nous voulons inciter les professionnels concernés à jouer le jeu de la prévention, il faut coter les actes concernés en conséquence.
Nous avons un autre défi à relever. La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) doit veiller à la répartition des charges respectives de l’assurance maladie et des complémentaires santé. Il va falloir obtenir que ces dernières prennent mieux en charge les actes de prévention.
M. Philippe Vigier (Dem). La HAS est indépendante. Commencer à contester ses décisions serait mettre le doigt dans un engrenage. Je dis ça en sachant, par exemple, qu’obtenir un avis sur les tranches d’âge pour la vaccination contre le covid n’est pas allé sans mal.
La HAS consulte les associations d’usagers. Faisons-lui confiance.
M. Jean-François Rousset (EPR). J’ai présenté avec Yannick Monnet un rapport sur les dépassements d’honoraires ; nous proposons notamment de les interdire pour les actes de prévention. Si une politique publique amène aux professions de santé une patientèle spécifique, il est logique de leur demander en contrepartie de ne pas pratiquer de dépassements. Mais ce n’est pas si simple : il faut suivre tout un processus, incluant les négociations conventionnelles, pour définir les actes qui permettraient ou non les dépassements.
Je ne voterai donc pas ces amendements mais je vous proposerai sans doute une autre rédaction ultérieurement.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1333 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement vise à élargir le parcours de prévention à la santé psychique, cruciale mais souvent oubliée.
M. le rapporteur général. La santé mentale a été déclarée grande cause nationale de l’année et il y a fort à faire. Cependant, votre amendement tend à ajouter que le parcours « prend en compte [des] risques » : la rédaction, peu claire, est dépourvue d’effets juridiques. C’est aux médecins qui élaborent le parcours de « prendre en compte » les risques en question. Je vous propose de le retravailler pour la séance.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 19 modifié.
Après l’article 19
Amendement AS1396 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement vise à réviser le protocole de soins des bénéficiaires du dispositif ALD dès que leur état de santé indique une rémission ou une guérison, et à obtenir un rapport annuel du Gouvernement sur les révisions effectuées.
Comment se fait-il que 350 000 personnes entrent en ALD chaque année mais que jamais personne n’en sorte, malgré le nombre élevé de guérisons ? Un éclairage est nécessaire.
Par ailleurs, nous devons aider les praticiens à résister à la pression qui s’exerce sur eux : certains patients veulent rester en ALD quoi qu’il arrive. Quand on guérit d’un cancer, on n’a pas besoin d’y rester.
M. le rapporteur général. Vous avez raison : la sortie du dispositif pose un problème. L’ALD consiste à prendre en charge à 100 % les patients qui en ont vraiment besoin ; quand il n’y a plus de pathologie grave, il faut réviser la situation.
Toutefois, le dispositif de l’amendement renvoie à l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale mais, dans la nouvelle numérotation, c’est l’article L. 160-14 qui prévoit les conditions d’une prise en charge totale.
Je vous demande donc de retirer votre amendement et de corriger ce point avant de le redéposer pour l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS763 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à mettre en conformité la situation des patients irrégulièrement reconnus en affection de longue durée sans limitation de temps.
M. le rapporteur général. Vous voulez limiter à dix ans la durée des protocoles de soin des ALD. Cependant, la voie réglementaire définit la durée des ALD inscrites sur la liste établie par le ministère et fixe à trois ans par défaut la durée des autres. Si le protocole de soins ne prévoit pas de durée spécifique, la durée réglementaire s’applique par défaut.
De plus, le Gouvernement saisira la HAS pour qu’elle édicte de nouvelles recommandations relatives à la durée de reconnaissance des différentes ALD.
Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Dans un rapport de 2025, la Cour des comptes affirme que 524 500 personnes sont en ALD sans limitation de durée.
Mme Justine Gruet (DR). Comment sont déterminées les pathologies ouvrant droit à l’ALD ? La HAS met-elle à jour régulièrement la liste ? Même si je fais pleinement confiance aux médecins pour faire la part des choses, il arrive que des pathologies qui ne sont pas forcément des affections de longue durée hors liste, dites ADL 31, soient prises en charge.
Pour les patients qui ont besoin d’une prise en charge lourde et complète, ce dispositif est indispensable. Je ne le remets pas en cause, je m’interroge sur la définition scientifique de la liste encadrant la prise en charge des ALD.
M. le rapporteur général. Le ministre de la santé établit la liste, sur recommandation de la HAS, qui est la mieux placée pour déterminer la durée des soins, et qui définit de même les critères permettant d’inclure des ALD hors liste dans le dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Article 20 : Simplifier et rendre plus efficiente la politique vaccinale
Amendement AS1357 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes réservés – pour dire le moins – quant à l’opportunité de confier le pilotage de la vaccination aux ARS, dont nous voulons restreindre les prérogatives. Pendant la crise du covid, elles ont montré qu’elles étaient déconnectées et inefficaces, au contraire du couple préfet-collectivités.
L’article 20, si l’on en croit l’exposé des motifs, a pour ambition de simplifier l’organisation des centres de vaccination grâce à l’intervention des agences régionales de santé. Mais pour nous, les termes « simplifier » et « ARS » sont antinomiques.
M. le rapporteur général. Il faut unifier le pilotage de la vaccination dans les territoires. Vous voulez le confier aux collectivités. Certaines gèrent en effet des centres, par délégation de l’État, mais les périmètres ne sont pas toujours harmonisés. Je suis favorable au rapprochement avec les échelons territoriaux mais il faut que l’État conserve son rôle : la solidarité nationale et la souveraineté sanitaire sont de son ressort. Or, dans les territoires, ce sont les ARS qui conduisent son action.
Il faut certes en renforcer le contrôle parlementaire des ARS, mais ce n’est pas l’objet de l’amendement. Vous voulez supprimer une partie du dispositif sans pour autant proposer de solution de pilotage. Il évoluera peut-être en séance parce que les collectivités n’interviennent pas de la même manière dans tous les territoires.
Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Je prends note de votre scepticisme quant à la gestion des ARS en tant que telles.
En qualité de rapporteur pour avis de la mission Santé, j’ai mené des auditions sur l’évolution du rôle des collectivités territoriales dans ce domaine. J’aurai donc l’occasion d’y revenir. En attendant, il va de soi que l’État doit rester le premier responsable du pilotage de la vaccination, mais l’État déconcentré, c’est-à-dire le préfet.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il faut coordonner la gouvernance. Lors de l’épidémie de covid, il a fallu s’organiser en urgence ; certains départements et régions ont très bien travaillé avec l’ARS ; à l’inverse, certaines communes ont déployé des dispositifs inadaptés, ce qui ne les a pas empêchées de demander la rentabilisation de leurs installations. Il faut une territorialisation adaptée pour prévenir les inégalités.
S’agissant des vaccins, le contexte est au scepticisme. Il faut augmenter la vaccination, notamment celle des personnes âgées fragiles et du personnel soignant contre la grippe, qui provoque de nombreuses hospitalisations et quelque 10 000 décès par an – ce qui coûte beaucoup plus cher que le vaccin. J’ajoute que l’absentéisme du personnel médical pendant les épisodes grippaux est très pénalisant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1129 de Mme Prisca Thevenot
Mme Prisca Thevenot (EPR). L’amendement vise à garantir l’application rapide des recommandations de la HAS, afin de rendre notre politique vaccinale plus réactive.
Le calendrier vaccinal est mis à jour en avril ; seules des exceptions discrétionnaires justifient une modification en cours d’année. Cela entraîne un décalage entre les recommandations de la HAS et leur inscription effective dans le calendrier. Il faut réduire ce délai administratif pour accélérer la protection de la population. Le virage préventif, dont l’ancienne majorité a dessiné la trajectoire il y a plusieurs années, profite directement aux finances de sécurité sociale. Il faut le poursuivre.
M. le rapporteur général. Je comprends votre intention, mais la rédaction que vous proposez ne réglerait pas le problème. En effet, elle est très proche de dispositions du code de la santé publique déjà en vigueur et n’impose pas de délai au ministre chargé de la santé pour prendre un arrêté après avis de la HAS.
Si vous souhaitez que le calendrier vaccinal soit mis à jour plusieurs fois par an, au lieu d’une fois par an, comme c’est le cas actuellement, vous devriez donc retravailler votre amendement, en vue de la séance publique.
Pour ma part, je m’en remettrai à la sagesse de la représentation nationale.
L’amendement AS1129 est retiré.
Amendement AS681 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). Cet amendement tend à introduire une exception médicale explicite à l’obligation vaccinale contre la grippe pour les professionnels de santé exerçant à titre libéral.
Il faut reconnaître, conformément au principe de proportionnalité, que certains professionnels peuvent présenter une contre-indication médicale qui rend la vaccination impossible ou risquée.
Cette précision ne remettrait pas en cause le principe général de l’obligation vaccinale, qui demeure justifiée pour la protection des patients et des soignants.
M. le rapporteur général. L’alinéa 5 du présent article prévoit déjà une exception similaire pour les personnes résidant en Ehpad. La précision est donc utile : avis favorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je me félicite du chemin parcouru pour aboutir à l’obligation vaccinale des soignants contre la grippe. Après qu’elle a été inscrite dans la loi en 2006, elle n’a jamais été déclinée par un décret que Xavier Bertrand n’a pas pu ou su prendre. En 2016, Marisol Touraine avait permis d’introduire la notion de « vaccination altruiste » dans la loi, pour lever les objections à cette obligation, mais elle n’avait pas eu le temps de prendre le décret d’application.
Aujourd’hui, la HAS recommande la banalisation de l’obligation vaccinale pour les soignants, les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social. Toutefois, le taux de vaccination contre la grippe des professionnels des Ehpad reste désespérément bas, à 30 %.
Quant à l’opportunité du présent amendement, le PLFSS mentionne déjà les recommandations de la HAS, qui, évidemment, exemptent de l’obligation vaccinale les personnes présentant des contre-indications. C’est suffisant. Si nous reprenions dans la loi tout le contenu des recommandations et des avis de la HAS, nous la rendrions très bavarde.
M. le rapporteur général. Cette exemption est déjà inscrite à l’alinéa 5 du présent article, pour les personnes résidant en Ehpad. Soit nous ne l’inscrivons pour personne, soit nous l’inscrivons pour tout le monde.
Mme Annie Vidal (EPR). Je suis favorable à l’amendement. En inscrivant cette exemption, nous soulignerons le parallèle entre les secteurs médico-social et sanitaire.
Il faut mener le virage préventif et développer la politique vaccinale. Or tous mes amendements allant dans ce sens ont été jugés irrecevables, alors qu’ils ne coûtaient rien ou permettaient des économies. Je proposais notamment d’expérimenter l’intégration des départements et de tous les élus locaux dans la politique vaccinale, dans une logique d’aller vers, en s’appuyant sur les données démographiques de chaque territoire.
Quoi qu’il en soit, la politique vaccinale devrait être développée, car elle constitue une source d’économie.
M. le président Frédéric Valletoux. Notre commission devrait traiter de l’extension du champ de la vaccination indépendamment du PLFSS. De fait, les amendements qui en traitent sont souvent déclarés irrecevables sur avis du président de la commission des finances. En effet, même s’ils permettent des économies indirectes, ils créeraient des dépenses immédiates.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je souscris à cet amendement, notamment pour des raisons psychologiques. Je suis provaccination à 100 %, mais l’obligation vaccinale a suscité des résistances – souvent pour de mauvaises raisons, d’ailleurs.
Plus généralement, je trouve que l’organisation de la discussion du PLFSS ne fonctionne pas. Nous essayons de bâtir une politique sans vision globale, à partir de microdécisions, qui ne sont pas cohérentes entre elles et font exploser le compteur des dépenses. Et en même temps, des amendements visant à favoriser la vaccination ou la prévention sont déclarés irrecevables. En outre, nous ne pouvons pas discuter d’un cadre pluriannuel, alors que le budget de la santé devrait être planifié à plus long terme.
M. le président Frédéric Valletoux. Tout à fait. Nous sommes unanimes sur ce point.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 20 modifié.
Après l’article 20
Amendement AS1244 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans le cadre de la mission d’information sur la santé mentale des mineurs, nous avons constaté que le dispositif Mon Soutien psy – une avancée majeure qui permet le remboursement de douze séances d’accompagnement psychologique – ne fonctionne pas auprès des publics les plus précaires, en raison de l’absence de tiers payant. Nous proposons donc d’instaurer le tiers payant pour tous. Cela aiderait certainement à désengorger les centres médico-psychologiques, qui sont saturés, souvent à mauvais escient.
M. le rapporteur général. Je ne peux que souscrire à votre propos. Toutefois, le tiers payant est déjà obligatoire pour les publics précaires que vous évoquez. Les psychologues et les médecins sont tenus de le pratiquer pour les bénéficiaires de la C2S et de l’AME, ainsi que pour les soins en lien avec une ALD, une maternité, un accident de travail, ou une maladie professionnelle. Le problème est que, souvent, les assurés ne le savent pas. Le premier enjeu est de faire connaître leurs droits aux assurés.
Sagesse.
M. Nicolas Turquois (Dem). Cet amendement prévoit une avance de trésorerie. Il devrait donc être irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, qui s’applique parfois pour moins que ça. Pourquoi n’est-ce pas le cas ?
M. le président Frédéric Valletoux. C’est au président de la commission des finances qu’il revient d’en juger. Peut-être a-t-il considéré que l’amendement ne crée pas de charge nouvelle, mais modifie simplement les modalités de prise en charge ?
M. le rapporteur général. Ou peut-être est-ce une question d’échelle ? Cela peut jouer en matière de recevabilité. Vous pourrez interroger le président de la commission des finances. Nous sommes tous victimes des règles de recevabilité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1176 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Le présent amendement vise à modifier les modalités d’utilisation des crédits alloués aux fonds d’intervention régionaux (FIR), afin de recentrer ces crédits sur les missions les plus essentielles pour l’accès aux soins et leur qualité.
De fait, mon groupe s’interroge sur l’utilisation actuelle des crédits des FIR. Puisqu’ils ont été créés pour permettre d’adapter les financements aux besoins des territoires, les ARS sont libres de leur utilisation. Toutefois, celle-ci n’est soumise à aucun contrôle parlementaire, alors que le montant alloué aux FIR a doublé en cinq ans. Le Gouvernement devrait donc transmettre un rapport à ce sujet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale du Sénat, afin qu’elles formulent un avis sur l’ensemble des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom).
M. le rapporteur général. Je bois du petit-lait, car il s’agit de l’une de mes grandes souffrances de parlementaire. Par exemple, je n’ai pas pu accéder à la documentation concernant le FIR de l’ARS Grand Est. Pourtant, les parlementaires devraient pouvoir contrôler l’usage de ces dotations, d’autant que leur montant est important.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Nicolas Turquois (Dem). L’enveloppe des FIR se chiffre en centaines de millions d’euros. Pourtant, leur usage, qui est à la main des directeurs d’ARS, échappe à tout contrôle. Dans mon territoire, les sommes sont même phénoménales – alors qu’on embête par ailleurs les députés pour des mesures – une politique vaccinale, par exemple – qui ne coûtent pas grand-chose.
Je suis donc favorable à des mesures renforçant la gouvernance et la transparence des FIR.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS246 de Mme Justine Gruet et AS1247 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Justine Gruet (DR). La nécessité d’une planification pluriannuelle des dépenses et des grandes évolutions de notre système de santé fait désormais consensus parmi les acteurs de la santé – et parmi les membres de notre commission. Nous proposons donc d’instaurer une loi de programmation pluriannuelle de la santé.
Notre système de santé connaît une crise profonde, liée au vieillissement de la population, à la forte augmentation de la prévalence des maladies chroniques et aux conséquences de la crise du covid en matière de santé publique. Il faut agir sans délai et mieux anticiper les besoins de santé futurs. Or le pilotage annuel des dépenses de santé dans le cadre de l’Ondam a montré toutes ses limites.
Afin d’organiser l’accès aux soins de la population et de soutenir l’investissement ainsi que la recherche et l’innovation, les acteurs de la santé ont besoin de confiance et de visibilité. Une programmation pluriannuelle renforcerait la cohérence des budgets, à l’hôpital ou en médecine de ville, et permettrait de mieux orienter l’évolution du système de santé vers la prévention.
Enfin, il faut aller plus loin dans le décloisonnement entre les cinq branches de la sécurité sociale, en renforçant notamment les liens entre la branche maladie et la branche dépendance.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). En effet, une loi de programmation pluriannuelle apporterait davantage de visibilité aux acteurs de la santé.
M. le rapporteur général. Sur le fond je ne peux que vous rejoindre : nous avons besoin de visibilité. C’est toute la logique des Cpom. Pour planifier et piloter, il faut formuler des objectifs en prenant en compte les besoins des territoires, puis déployer les moyens nécessaires. Or le pilotage de notre système de santé pose problème. L’Ondam, notamment, n’est pas forcément un outil adéquat.
Toutefois, il ne suffit pas de décréter que la programmation doit être pluriannuelle pour que cela fonctionne. Il faudrait sans doute mener une réforme d’ensemble, y compris de la loi organique. Peut-être pourriez-vous retirer ces amendements, pour les redéposer en séance publique, afin d’en débattre avec le Gouvernement ?
En attendant, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS635 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). À l’issue d’un travail avec les associations concernées, nous proposons de créer des espaces dédiés exclusivement aux femmes dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud). Ces établissements médico-sociaux qui accueillent les usagers de drogues sont des acteurs de première ligne en matière de réduction et de prévention des risques sanitaires et psychosociaux. Ils jouent également un rôle souvent essentiel dans l’accès aux soins.
Cependant, les Caarud sont principalement fréquentés par des hommes. Seules 20 % des personnes accueillies en 2019 étaient des femmes. Plusieurs facteurs l’expliquent, dont la crainte de subir des violences sexistes ou sexuelles, les représentations stéréotypées de la consommation de drogues, ou le fait que le matériel mis à disposition dans ces espaces est plus souvent adapté à la consommation des hommes qu’à celle des femmes. Pourtant, les femmes sont elles aussi concernées par la consommation de drogues et doivent pouvoir bénéficier d’espaces de réduction des risques, au même titre que les hommes.
M. le rapporteur général. Mon expertise en la matière est très limitée et je ne dispose pas d’éléments suffisants pour juger de la pertinence de cet amendement.
Sagesse.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Les consommateurs de drogues accueillis dans ces lieux ont parfois des accès de violence, qui peuvent donner lieu à des agressions sexuelles. Nous soutenons cet amendement.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’expérimentation proposée serait fondamentale. Monsieur le rapporteur général, vous en remettrez-vous également à la sagesse de la commission sur l’amendement suivant AS560, qui prévoit le même type d’expérimentation, mais dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie ?
M. le rapporteur général. J’allais vous proposer de retravailler ces deux amendements pour n’en soumettre qu’un en séance publique. Mais, puisqu’il s’agit d’établissements différents, je m’en remets également à la sagesse de la commission sur le suivant.
La commission adopte l’amendement, puis elle adopte l’amendement AS560 de Mme Élise Leboucher.
Amendement AS1759 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Il faut dépister les troubles du rachis, notamment la scoliose, au début de l’adolescence, au vu de leurs effets. Or certains troubles passent encore entre les mailles du filet.
Pour y remédier, une expérimentation a été lancée en 2021-2022, dans un cadre conventionnel, avec des masseurs kinésithérapeutes. Elle a été étendue en 2023 à treize départements. Le présent amendement tend à la relancer et à l’amplifier pour la période 2026‑2028, dans un maximum de cinq régions.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS631 de M. Damien Maudet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous demandons par cet amendement la production d’un rapport évaluant le niveau de la prévention en santé, notamment la ventilation des crédits qui y sont alloués. Le mot « prévention » recouvre tout et n’importe quoi – je serais ravie de vous apporter mon éclairage personnel. Quoi qu’il en soit, un état des lieux est nécessaire, pour comprendre quels dispositifs fonctionnent.
M. le rapporteur général. C’est un beau et vaste sujet, qui a donné lieu à de nombreuses publications – il pourrait même faire l’objet d’une thèse. Je ne sais pas si un rapport du Gouvernement apporterait une plus-value. Plutôt que de multiplier les rapports, l’important est de favoriser la prévention.
Avis défavorable. Vous pourrez redéposer l’amendement en séance publique, pour échanger avec le Gouvernement à ce propos.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1669 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). Nous demandons la production d’un rapport évaluant la politique de vaccination contre les infections à papillomavirus, notamment son impact épidémiologique et financier, en prenant en compte le coût de la vaccination et les économies qu’elle permet. En Australie, la vaccination a fait ses preuves puisque l’incidence des cancers du col de l’utérus a baissé.
M. le rapporteur général. Santé publique France a déjà publié beaucoup d’éléments concernant cette campagne de vaccination. Elle coûte 88 millions d’euros chaque année, en rythme de croisière. Nous connaissons également le taux de couverture vaccinale pour les garçons et les filles et pour une ou deux doses. Enfin, le vaccin est pris en charge et les professionnels de santé qui vaccinent dans les collèges sont rémunérés. Nous n’avons pas besoin d’un rapport.
Avis défavorable.
M. Théo Bernhardt (RN). Je retire l’amendement, mais disposons-nous d’informations sur les économies permises par ces vaccinations ?
M. le rapporteur général. Nous savons que le vaccin est efficace pour les patients, ce qui est le plus important. Sur le plan financier, il évite la prise en charge – coûteuse – de nombreux cancers du col de l’utérus.
L’amendement AS1669 est retiré.
Amendement AS51 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). La LFSS 2024 prévoyait la prise en charge des protections périodiques pour les femmes en situation de précarité. À l’époque, les organisations féministes avaient salué cette mesure, qui répondait à une attente importante dans la population.
En mai, quand j’ai interpellé Aurore Bergé, alors ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, concernant l’entrée en vigueur du remboursement, elle m’a indiqué qu’il serait effectif en septembre de cette année. Or ce n’est toujours pas le cas.
Nous demandons donc la production d’un rapport concernant les mesures réglementaires prises ou en cours de préparation pour appliquer ce remboursement et le calendrier prévisionnel de son déploiement. Le rapport préciserait en outre quels moyens sont envisagés pour garantir un accès effectif et équitable au dispositif sur l’ensemble du territoire.
M. le rapporteur général. Le Gouvernement s’était engagé à déployer la mesure d’ici à la fin de 2025. Plus que d’un rapport, nous avons besoin d’interroger le Gouvernement, ce que vous pourrez faire si vous redéposez l’amendement pour la séance publique. En attendant, n’étant pas le Gouvernement, je ne peux pas vous répondre.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous soutiendrons cet amendement. Il y a de quoi être en colère. Depuis deux ans que la mesure a été adoptée, nous attendons les décrets d’application en vain. Je suis persuadée que si c’étaient les hommes qui avaient leurs règles, un remboursement, des systèmes d’allocations ou des garanties de gratuité seraient prévus depuis belle lurette.
Rappelons que chaque femme dépense entre 8 000 et 23 000 euros pour ces produits essentiels à la santé et la dignité. L’absence de gratuité est un calvaire pour les plus précaires, qu’elle plonge dans l’indignité. Espérons qu’avec cet amendement d’appel, le Gouvernement passera aux actes.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS555 et AS449 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Depuis quelques années, des maternités ferment, de manière inégale selon les territoires. Certains y voient un scandale, d’autres une nécessité.
Dans ce contexte, nous proposons, avec l’amendement AS555, une évaluation de l’expérimentation des maisons de naissance – des structures autonomes où les sages-femmes réalisent des accouchements physiologiques.
Quant à l’amendement AS449, il concerne les services de protection maternelle et infantile (PMI), dont la situation est elle aussi très hétérogène. Alors que certains départements ne comptent qu’un ou deux centres de PMI, d’autres en comptent quinze, sans que la densité de population justifie toujours ces écarts. Nous proposons qu’un rapport évalue le rôle de ces services départementaux, l’adéquation entre leurs moyens et leurs missions, notamment au regard de l’augmentation de la mortalité infantile dans notre pays – qui est une anomalie sans équivalent dans les pays dits développés. Il faut en comprendre le pourquoi du comment.
M. le rapporteur général. S’agissant de l’amendement AS555, la Mecss avait lancé une mission concernant les maisons de naissance, dont les rapporteurs étaient Sandrine Josso, Joëlle Mélin et Sébastien Peytavie. Toutefois, à cause de la dissolution, cette mission n’a pas pu rendre ses travaux. Il vaudrait mieux relancer cette évaluation, plutôt que de demander des éléments au Gouvernement.
Concernant l’amendement AS449, le financement de la PMI relève essentiellement des conseils départementaux – l’assurance maladie n’intervient que très marginalement. Je vous propose d’en rester dans cette commission aux politiques qui concernent directement l’assurance maladie.
Je sais toutefois que de nombreux postes restent vacants dans les centres de PMI. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour interpeller le Gouvernement à ce sujet en séance publique.
Mme Joëlle Mélin (RN). La mission d’évaluation des maisons de naissance nous avait permis de recueillir des témoignages sur ces structures. Autant ces maisons peuvent apporter de très bonnes choses et répondre à la demande des parturientes, autant il semblerait que leurs résultats médicaux ne soient pas si encourageants. Pour tirer les choses au clair, il faut impérativement un rapport.
Quant à la PMI, elle joue un rôle de prévention fondamental. Il est urgent qu’un rapport dresse un bilan de l’état actuel de ces services.
M. le président Frédéric Valletoux. Seriez-vous d’accord, monsieur Guedj, en votre qualité de coprésident de la Mecss, pour relancer, après l’examen du PLFSS, ce travail d’évaluation ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous avons toute latitude pour le faire, soit dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, l’année prochaine, soit après l’examen du PLFSS, lorsque la commission sera moins sollicitée, sous réserve aussi de disposer de volontaires, au sein de la Mecss, pour reprendre ce travail. Que ceux qui sont intéressés se fassent connaître, sachant que nous formons habituellement des binômes – un député de droite, un de gauche.
L’amendement AS555 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS449.
Amendement AS661 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous souhaitons évaluer l’opportunité d’intégrer la santé mentale des enfants et des adolescents aux rendez-vous de prévention. En effet, ceux-ci couvrent un spectre tellement large que les troubles psychiques peuvent facilement passer inaperçus. Pourtant, il y a urgence. Entre 2016 et 2021, le nombre de passages aux urgences pour troubles psychiques chez les mineurs a augmenté de 65 % ; 13 % des enfants âgés de 6 à 11 ans présentent au moins un trouble probable de santé mentale ; un quart des jeunes se disent atteints de dépression et 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois.
La création de rendez-vous de prévention spécifiquement dédiés à la santé mentale est une piste sérieuse, afin d’améliorer la prévention, le repérage et l’accompagnement des enfants et des adolescents.
M. le rapporteur général. Votre demande est déjà satisfaite : vingt examens de santé sont prévus entre la naissance et l’âge de 16 ans, au cours desquels les pédiatres ont une approche globale et préventive qui couvre aussi les troubles de la santé mentale. Le rapport que vous demandez au Gouvernement ne changera pas grand-chose. Toutefois, si vous voulez être rassurée, je vous invite à le retirer et à le redéposer en séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1086 de M. Sébastien Peytavie, AS543 de M. Damien Maudet et AS609 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Avec l’amendement AS1086, notre objectif est de tirer les leçons des défaillances structurelles du dispositif Mon soutien psy et de réaffecter les 170 millions d’euros qui lui sont alloués au recrutement d’au moins 2 500 psychologues, notamment dans les centres médico-psychologiques (CMP).
Alors que la santé mentale est une énième grande cause nationale du quinquennat, il ne se passe rien : trois ans après son lancement, Mon soutien psy continue à être délaissé par 80 % des psychologues. Les patients doivent entrer dans des cases trop étriquées, qui ne correspondent pas à un travail psychique à la hauteur des besoins. Pourtant, nous avons en France un service public de la santé mentale : les centres médico-psychologiques. Mais ceux‑ci sont sous-financés et saturés, ce qui crée des délais d’attente pouvant aller jusqu’à deux ans et demi. Appuyons-nous sur les psychologues des trois fonctions publiques – que je salue, car ils ont été très fortement mobilisés ces derniers temps.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par l’amendement AS543, nous appelons également à tirer les leçons de l’échec du dispositif Mon soutien psy, en vue d’y mettre fin et de réaffecter les crédits alloués au recrutement de 2 500 psychologues en CMP. Les troubles psychiques concernent chaque année un Français sur cinq. Pourtant, la grande cause nationale de 2025 repose sur un investissement équivalent à 1,66 euro par personne. Trois ans après son lancement, le dispositif est, au mieux, un échec, au pire, un gâchis d’argent public – les syndicats de psychologues l’ont réaffirmé devant la commission d’enquête sur la santé mentale que préside Mme Dubré-Chirat. Construit sans concertation, ce dispositif ne prévoit que douze séances et ne répond absolument pas aux besoins des patients. Si le Gouvernement voulait atteindre les plus précaires, il a raté sa cible.
Ni une enveloppe supplémentaire ni un changement de nom tous les six mois ne suffiront pour répondre aux besoins. Nous disposons déjà de consultations de psychologues prises en charge au sein des centres médico-psychologiques, mais ces derniers sont saturés. Sortons donc de cette politique d’effets d’annonce et finançons les CMP pour permettre une réelle prise en charge par la sécurité sociale des consultations de psychologues pour toutes et tous.
Ensuite, par l’amendement AS609, nous demandons la remise d’un rapport sur la disponibilité, dans chaque département, des professionnels de santé pour les femmes concernées par une interruption de grossesse. Selon le baromètre sur l’accès à l’avortement publié par le Planning familial en septembre 2024, les difficultés d’accès à cet acte médical font partie des freins les plus régulièrement relevés : 55 % des femmes qui ont avorté témoignent du manque de structures ; neuf femmes sur dix n’ont pas accès à un gynécologue conventionné de secteur 1 et un quart vivent dans un désert médical gynécologique. 77 % des départements ne sont pas assez dotés en gynécologues médicaux, ce qui provoque une réduction drastique de la prévention, du dépistage et du soin. Quelle est la réalité de la prise en charge post-interruption de grossesse, alors que la fausse couche concerne au moins 200 000 femmes chaque année et l’interruption volontaire de grossesse (IVG) environ 240 000 ? La prise en charge des femmes concernées par une IVG est un enjeu de santé publique, qui appelle des solutions opérationnelles et ambitieuses.
M. le rapporteur général. Vous évoquez des sujets très différents. En principe, les demandes de rapports portent sur des dispositions adoptées dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale.
S’agissant du dispositif Mon soutien psy, votre demande est satisfaite puisque le Gouvernement a publié le 27 mars un rapport d’évaluation sur son déploiement. C’est pourquoi je vous invite à retirer vos amendements.
M. Hendrik Davi (EcoS). Ce rapport ne convient pas aux psychologues. Je rencontre régulièrement des professionnels de santé, des psychologues ou des professionnels de l’éducation nationale qui déplorent le manque de places dans les CMP : à Marseille, par exemple, un enfant qui a besoin d’un suivi pluridisciplinaire doit parfois attendre un an – c’est inadmissible ! De nombreux psychologues ne se reconnaissent pas dans le dispositif Mon soutien psy et, en définitive, très peu sont conventionnés. L’abroger permettrait d’utiliser les crédits pour recruter 2 500 psychologues en CMP et de traiter le sujet à plus long terme.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Certes, les CMP sont totalement saturés, mais ils accueillent aussi beaucoup de jeunes patients qui n’y ont pas vraiment leur place. Le dispositif Mon soutien psy permet également, grâce au système du tiers payant que nous avions adopté, de désengorger les CMP.
La commission adopte l’amendement AS1086.
En conséquence, les amendements AS543 et AS609 tombent.
Article 21 : Renforcer l’accès aux soins
Amendement AS337 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’objectif de cet amendement, qui ne coûtera pas un centime, est que les praticiens libéraux exerçant au sein des centres de santé en soins non programmés (CSNP) participent à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), qui est l’une des composantes du service public et de l’accessibilité de la population aux soins. Il est important de rétablir une obligation intégrale de participation à cette permanence pour les patients qui, en l’absence de solution alternative, se tournent vers d’autres types de structures, telles que les urgences, qui ne sont pas nécessairement les plus adaptées. On en arrive à des situations comme celle du centre hospitalier universitaire de Toulouse, contraint de filtrer les patients et qui s’apprête à fermer, dans les prochaines semaines, une partie de ses urgences pour éviter l’engorgement hivernal – même s’il est toujours préférable de prendre les patients en charge plutôt que de les laisser sur le pas de la porte !
Cette obligation de permanence des soins présente aussi un intérêt pour le tiers de praticiens qui exercent à eux seuls toutes les permanences : si elles étaient réparties sur l’ensemble des praticiens, chacun en ferait moins.
M. le rapporteur général. Le renforcement des structures de soins non programmés fait précisément l’objet de l’article 21. Dans mon département, un centre permet d’apporter une réponse dans des délais satisfaisants, notamment le samedi ou le dimanche, à des besoins de prise en charge, de manière coordonnée avec les urgences du centre hospitalier régional universitaire à côté. La participation à la permanence des soins sera évidemment l’un des attendus du cahier des charges. Votre amendement étant satisfait par la rédaction du texte, je vous invite à le retirer.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis ravi de vous entendre affirmer que la permanence des soins sera, évidemment, un attendu du cahier des charges. Dans ce cas, votez notre amendement : vous serez certain que le cahier des charges respectera vos attentes. Votre réponse est sans doute votre manière très délicate d’exprimer l’avis favorable que vous ressentez au fond de votre cœur.
M. le rapporteur général. Je confirme mon avis défavorable, puisque l’amendement est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1033 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Cet amendement a été adopté par l’Assemblée lors de l’examen de la proposition de loi d’initiative transpartisane visant à lutter contre les déserts médicaux. Pourtant, en raison de la désertification médicale qui continue de s’étendre, l’absence de réponse aux besoins de soins en soirée ou le week-end conduit à des difficultés en chaîne : problèmes de déplacement, engorgement des urgences, allongement des délais de prise en charge.
Depuis la suppression de l’obligation de permanence des soins en 2003 au profit du volontariat, l’accès aux soins en dehors des horaires classiques repose sur moins de 40 % des médecins ; quarante-deux départements sont même des zones blanches nocturnes. Pourtant, l’accès aux soins est un droit, quel que soit son lieu de vie et quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. L’obligation de permanence des soins permettrait de réduire l’affluence aux urgences – qui sont engorgées et subissent une pression constante –, une prise en charge plus rapide des patients et une meilleure répartition de la charge de la permanence entre l’ensemble des médecins.
M. le rapporteur général. La situation n’est pas parfaite, mais il existe déjà un outil contraignant à la main des préfets, qui peuvent réquisitionner les médecins. Il ne me semble pas souhaitable d’aller au-delà.
M. Jean-François Rousset (EPR). Au-delà de la réquisition rendue possible grâce aux lois que nous avons adoptées, la permanence des soins sous la forme du volontariat a permis de couvrir 97 % des besoins en 2024. Les jeunes praticiens y participent d’ailleurs volontiers, puisque la moyenne d’âge est de 45 ans. Quinze centres de soins supplémentaires ont été ouverts pour assurer cette permanence. Les choses se mettent donc en place et il n’est pas utile de réguler davantage.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1555 de Mme Fanny Dombre Coste
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). L’amendement concerne aussi les CSNP qui s’installent sans aucune autorisation préalable ni répartition liée à une analyse territoriale de l’offre de soins. Si les CSNP répondent effectivement à un besoin de prise en charge rapide et permettent de désengorger les urgences, nous observons néanmoins une augmentation des prescriptions et d’examens complémentaires. De plus, la continuité des soins n’est pas assurée et leur pertinence peut être remise en question. Par ailleurs, et c’est ce qui nous pose problème, les CSNP recrutent des médecins généralistes et urgentistes, notamment dans les grandes villes, attirés par des conditions de travail plus favorables, ce qui entraîne la fermeture de certains services d’urgences.
Cet amendement propose donc de fixer des objectifs quantitatifs d’implantation, pour avoir un regard sur la permanence des soins, la continuité et l’organisation, en lien avec les services d’accès aux soins (SAS) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
M. le rapporteur général. J’admets que le problème que vous soulevez existe dans certains territoires métropolitains. L’article 21 y répond précisément, puisque son objectif est d’éviter que des CSNP ne soient créés en excès dans des zones où il n’y aurait pas suffisamment de besoins, car ils génèrent une surconsommation de soins, de manière non régulée par le SAS et la PDSA. La rédaction de l’article permettra de réguler ces pratiques et il n’est pas souhaitable de donner un pouvoir trop important aux agences régionales de santé. Mieux vaut trouver un juste équilibre.
Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis d’accord avec le rapporteur général : avant que le SAS existe, il n’était pas possible d’obtenir un maillage complet dans chaque département ; il a fallu forcer les ARS, qui étaient réticentes, à organiser ce maillage, par le biais des CPTS qui incluaient des services de soins non programmés. N’ajoutons pas de la rigidité au système et laissons les professionnels de santé s’organiser, en lien avec l’ARS, dans le cadre de la régulation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1358 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous contestons la pertinence de l’échelon régional, considérant que les préfets de département peuvent exercer les compétences et prérogatives en matière d’accès aux soins.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS3 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Si je partage le constat sur les inégalités d’accès aux soins et la nécessité d’apporter des réponses à la désertification médicale, je considère que les rémunérations complémentaires versées aux jeunes médecins ne sont pas la solution. La Cour des comptes l’a démontré : l’impact des aides à l’installation, qui représentent un coût non négligeable de 100 millions d’euros, est décevant. Dans un contexte budgétaire tendu, qui implique des économies, nous proposons donc que ces aides ne dépassent pas 10 % de la rémunération des médecins. Nous, socialistes, avons formulé dans la proposition de loi transpartisane déjà mentionnée, des recommandations pour lutter contre les déserts médicaux, dont celle de réguler l’installation des médecins pour assurer une présence médicale dans tous les territoires.
M. le rapporteur général. Je pense, comme nos collègues Yannick Monnet et Jean-François Rousset dans leur évaluation présentée dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, qu’il faut mettre de l’ordre dans le maquis des aides et des incitations destinées aux médecins. Toutefois, le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, prévu dans les déserts médicaux répond à un besoin. Le ratio de 10 % que vous voulez fixer, sans que nous ayons pris le temps de nous assurer de sa validité, me semble arbitraire. De plus, cette disposition relève plutôt du domaine réglementaire. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en séance si vous voulez avoir un échange avec le Gouvernement – il semblerait que certains d’entre vous aient des discussions avec lui, mais je n’en fais pas partie. Il faut rendre l’installation des jeunes médecins plus attractive et cela ne passe pas uniquement par un maquis d’aides.
Mme Sandrine Runel (SOC). Contrairement au fantasme des uns et des autres, nous n’avons aucune discussion avec le Gouvernement. Je maintiens mon amendement.
M. Jean-François Rousset (EPR). L’évaluation que nous avons réalisée avec Yannick Monnet confirme que les aides à l’installation ne sont pas déterminantes : c’est plutôt l’environnement – crèches, maisons de santé permettant un exercice pluridisciplinaire, etc. – qui incite le jeune médecin à choisir son lieu d’implantation. D’autant que, dès le premier mois de son installation, en l’absence d’autre médecin dans le territoire, la patientèle est bien présente et les revenus assurés. Par conséquent, ces crédits pourraient être fléchés vers d’autres postes, pour favoriser par exemple un parcours de soins ou mener une expérimentation dans le cadre d’une CPTS. Évitons de réguler et favorisons l’installation autrement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS801 de M. Elie Califer
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1762 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. L’amendement vise à préciser par décret les conditions dans lesquelles le contrat prévu au présent article peut être cumulé avec d’autres dispositifs d’aides, afin d’offrir la visibilité nécessaire aux jeunes médecins. Il est essentiel, par ailleurs, de réviser régulièrement la définition des zones rouges identifiées comme prioritaires.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS953 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). Le réseau des pharmacies françaises est en recul constant : on compte 2 000 officines de moins qu’il y a dix ans et 4 000 de moins qu’en 2007 ; près d’une officine ferme ses portes chaque jour ouvré. Les fermetures sèches, c’est-à-dire sans repreneur, constituent une majorité inquiétante : 64,2 % ont fermé sans être reprises en 2023, contre 45 % en 2022.
L’alinéa 22 du présent article vise à permettre l’installation d’une officine par voie de création dans les communes de moins de 2 500 habitants, dans lesquelles la dernière officine a cessé définitivement son activité. Il semble toutefois illusoire de vouloir créer des officines, sachant que celles qui ont fermé l’ont fait faute de repreneur, par manque d’attractivité et parce qu’elles ne parvenaient pas à survivre. Mieux vaut préserver le maillage territorial actuel, en donnant la possibilité à celles qui existent de vivre correctement.
M. le rapporteur général. La viabilité économique des officines est une vraie question. Hier soir, nous avons adopté une mesure conférant au législateur la possibilité de fixer les remises sur les médicaments biosimilaires et les génériques, mais ce n’était pas suffisant.
Je partage votre scepticisme sur la disposition de l’article qui autorise la création d’officines dans les villes de moins de 2 500 habitants. La loi Valletoux de décembre 2023 a autorisé un dispositif expérimental donnant la possibilité de créer des antennes de pharmacie ; les premières commencent à se déployer mais je ne suis pas totalement convaincu. Ouvrir une antenne avec des horaires réduits, alors qu’il y a des problèmes de viabilité économique, n’est pas forcément une bonne solution. C’est pourquoi je vous propose d’attendre les résultats de l’expérimentation. À ce stade, je ne suis pas favorable à supprimer l’alinéa 22 : ne prenons pas le risque de bloquer la création d’une officine là où, par un miracle économique, entrepreneurial ou territorial, elle serait possible.
M. Philippe Vigier (Dem). Je ne soutiendrai pas cet amendement. Savez-vous comment ont évolué les conditions d’ouverture des pharmacies ? Auparavant, les règles étaient d’une pharmacie pour 2 000 habitants puis ce seuil a été porté à 5 000. Pour un regroupement de communes, l’ouverture d’une deuxième officine nécessite qu’il y ait au moins 7 500 habitants. Je connais des pharmacies dans des villages de moins de 2 500 habitants qui, grâce à un petit bassin de vie, fonctionnent très bien. La création ne serait-ce que d’une seule officine permet déjà de fournir un service aux habitants. Laissons l’expérimentation se dérouler et nous verrons dans un an ce qu’il en est.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1556 de Mme Joëlle Mélin
Mme Joëlle Mélin (RN). Renforcer l’accès aux soins passe par le maintien d’un maillage territorial d’officines. Or force est de constater qu’un désert pharmaceutique est en train de s’installer, puisqu’une pharmacie ferme chaque jour en France. Ce n’est donc pas la création de nouvelles officines dans les communes de moins de 2 500 habitants qui réglera le problème. Cet article contrevient au numerus d’installation des pharmacies, destiné à assurer un volume de clientèle suffisant à chacune. Elle est en outre contreproductive car elle risque d’affaiblir les officines existantes. Dès lors, la sagesse et l’efficience recommandent d’autoriser l’ouverture d’antennes de pharmacies existantes plutôt que de favoriser des implantations qui seraient déficitaires dès leur création. La présence d’un pharmacien titulaire dans chaque antenne serait obligatoire.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces amendements me surprennent un peu car en Occitanie, où il y a de nombreuses petites communes, des jeunes sont prêts à ouvrir une officine, y compris à une certaine distance d’une ville importante, pour éviter un effet de concentration. Mais on leur conseille généralement de se rattacher à la plus grande ville du coin, ce qui ne correspond pas à leur projet. Nous gagnerions donc à lever cet obstacle et à permettre, dans un rayon de 100 kilomètres, l’ouverture ou la réouverture d’officines. Avec ma collègue Sylvie Ferrer, nous avons déposé une proposition de loi visant à favoriser l’accès aux pharmacies en milieu rural, pour laquelle nous avons obtenu le soutien des acteurs, y compris l’ARS et les CPTS, lesquels estimaient qu’il convenait effectivement de lever cet obstacle.
Mme Joëlle Mélin (RN). J’entends ce que vous dites mais les jeunes pharmaciens qui souhaitent s’installer peuvent aussi reprendre les officines qui ferment. Pourquoi ne le font‑ils pas ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1098 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement poursuit deux objectifs : donner aux étudiants en médecine la possibilité de réaliser des stages dans des centres de santé à but non lucratif dans tout le territoire et accorder une priorité aux stages réalisés dans les centres de santé non lucratifs plutôt que dans des cliniques privées ou des cabinets. La loi permet aux centres de santé de recevoir des étudiants mais certains départements de médecine générale de l’université du secteur n’ouvrent pas cette possibilité.
Plus largement, il faut développer les centres de santé publics, car les jeunes médecins souhaitent exercer la médecine de manière pluridisciplinaire et collective. Par ailleurs, on assiste à une multiplication des centres de soins privés, qui font du chiffre et coûtent beaucoup d’argent à la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Vous voulez imposer aux départements de médecine générale de proposer des stages en centres de santé dès lors que les conditions d’accueil le permettent. Les centres accueillent d’ores et déjà des étudiants pour leurs stages, à condition que les médecins du centre soient volontaires pour devenir maîtres de stage. Ensuite, la commission d’évaluation des besoins de formation arrête la liste des lieux de stage qui seront proposés aux étudiants : les représentants de l’ARS, les coordonnateurs de la spécialité et les représentants des internes sont les mieux à même de choisir, de manière concertée, les lieux de stage les plus adaptés, en fonction des besoins du territoire.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS921 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Les maisons de santé sont des structures pluridisciplinaires qui regroupent des professionnels de santé assurant des missions de premier recours, de prévention et de coordination. Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi leur participation aux soins non programmés puisque, sur le terrain, elles répondent déjà à ce besoin de la population, en raison de leur nature pluridisciplinaire et de leur organisation collective.
Cela permettra de clarifier le cadre de leur intervention, de renforcer la coordination avec les ARS et les services d’accès aux soins et de valoriser leur rôle dans la continuité de l’offre de soins de proximité.
M. le rapporteur général. L’article 21 cherche précisément à faire le contraire et à éviter que tout le monde fasse un peu de soins non programmés dans son coin. Cela suppose que les centres de soins non programmés soient des structures bien identifiées, dotées d’un cahier des charges ad hoc, répondant à une mission spécifique, en coordination avec les SAS. Pour être centre de soins non programmés, les maisons de santé devront donc répondre à ce cahier des charges.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je dis simplement qu’il faut favoriser cette mission et qu’elle s’intègre dans la coordination, avec les SAS.
M. le rapporteur général. J’ai bien compris que votre objectif est qu’un maximum de centres de soins participent à cette mission, mais le concept de maisons de santé englobe des réalités très différentes et certaines disent participer à la prise en charge des soins non programmés alors que, dans la réalité, elles ne répondent pas au cahier des charges.
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement de notre collègue Rousset ne semble pas totalement abouti. Il y a les maisons de santé et le SAS ; l’ARS valide l’architecture et octroie les financements complémentaires, qui passent par le SAS et sont alimentés par les CPTS. Réfléchissons à une nouvelle rédaction de l’amendement d’ici à la séance, en évitant en outre que des soins non programmés se fassent à l’hôpital en même temps qu’en ville – cela existe. Il faut prévoir une obligation d’articulation et de mutualisation, de manière que le SAS soit parfaitement efficace, avec une régulation par le 15 qui permette de répondre à tous les cas de figure.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’ai sous les yeux un courrier de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et d’AVECsanté, qui ne sont pas favorables à cette nouvelle définition. Ils estiment que les CPTS sont le pivot de l’organisation des soins non programmés dans les territoires et appellent à mieux comprendre les difficultés des centres et des maisons de santé. J’insiste pour ma part sur les centres de santé, qui sont hélas financés exclusivement par la T2A, sans prise en compte de leurs frais de fonctionnement, ce qui les rend structurellement déficitaires ; mais là n’est pas le sujet. Au vu de la carence en médecins de ville, n’organisons pas un nouvel îlot.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). On ne peut pas réaliser des soins non programmés n’importe où. Chez moi, des médecins généralistes ont créé une structure spécifique pour les soins non programmés et ils sont détachés de leur maison de santé pour pouvoir y travailler. Il faut cibler pour répondre à la demande, qui n’est pas la même que celle des patients lambda. C’est aussi une indemnisation différente.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1351 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne sommes pas contre l’idée de mieux organiser les soins non programmés. La question est de savoir qui va en bénéficier.
Notre amendement vise à préciser que les structures spécialisées en soins non programmés doivent être publiques ou non lucratives. Notre groupe s’oppose à la privatisation du système de santé et refuse que le financement forfaitaire spécifique proposé dans l’article contribue à l’enrichissement d’établissements privés et lucratifs. Vous ne pouvez pas ignorer que de puissants groupes privés agissent comme de véritables prédateurs sur l’ensemble du territoire. Il est urgent de mettre un terme à cette logique et d’enrayer leur expansion. Je me réjouis que la loi avance, mais il faut éviter de favoriser les centres de santé lucratifs.
J’ai discuté du sujet avec les responsables de l’ARS de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui ont fait fermer sur certains horaires des centres de santé privés qui fonctionnent à la chaîne. Ces centres sont parfois dangereux pour les patients, qui perdent la continuité des soins, et coûteux pour la sécurité sociale du fait des dépassements d’honoraires.
M. le rapporteur général. L’amendement aurait pour effet de supprimer les rares centres de soins non programmés qui existent dans les territoires périurbains et ruraux. En Meurthe-et-Moselle, le seul centre qui existe, et qui heureusement fait du bon travail, est géré par une association de professionnels libéraux sous forme de société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa), c’est-à-dire sous statut de droit privé. Nous ne pouvons pas distinguer, comme vous le faites, le public, le privé non lucratif et le privé lucratif.
Je partage votre préoccupation pour la financiarisation et je mène des concertations sur le sujet depuis plusieurs mois, mais vous sous-estimez l’ingéniosité des néo-centres de santé : parfois, ils mettent en façade une association, ce qui donne l’impression que la structure est non lucrative, mais il y a derrière toute une ingénierie financière. Vous vous trompez de cible. Pour assurer le maillage et une organisation coordonnée entre les centres de soins non programmés, il ne faut surtout pas interdire les Sisa, car cela portera préjudice aux territoires. Ce n’est pas comme cela que nous lutterons contre la financiarisation.
Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis également défavorable à l’amendement. Les arguments de M. le rapporteur général sont absolument justes. Nous avons besoin de structures non publiques sinon, il faudra fermer beaucoup de lieux.
J’appelle votre attention sur les centres de santé employant des médecins salariés, dont les coûts de fonctionnement sont très élevés car les jeunes médecins ont de plus en plus d’exigences. Chez moi, un centre de santé privé a fermé des structures dans plusieurs départements car elles n’étaient pas rentables. Il ne faut pas voir de l’hyper-financiarisation partout... Enfin, je citerai ce chiffre donné par l’assurance maladie : pour remplacer un ancien médecin, il en faut 2,3 nouveaux. Avant de retrouver le nombre de médecins nécessaire pour irriguer le territoire, il faudra composer avec la raréfaction de la ressource. Imaginez s’il faut, en plus, accéder à toutes les demandes des médecins salariés !
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement ne propose pas de supprimer les centres privés lucratifs. Simplement, nous ne voulons pas qu’ils bénéficient de financements publics. Ceux qui sont très rentables n’ont pas besoin de financements publics supplémentaires. Il faut adopter cet amendement si vous ne voulez pas favoriser davantage la financiarisation.
M. le rapporteur général. Vous allez exclure les médecins des centres de santé privés qui jouent le jeu de la permanence des soins ambulatoires. Cela va se retourner contre les patients et les territoires. Vous ne vous en rendez pas compte ! J’imagine que vous venez d’un territoire urbain doté de plusieurs centres de santé. Dans les autres territoires, il y aura un gros problème si nous ne travaillons pas avec les Sisa.
M. Hendrik Davi (EcoS). À Marseille aussi, il y a des déserts médicaux !
M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur Davi, laissons faire les acteurs de terrain. Si certains ne jouent pas le jeu de la PDSA, l’autorité administrative a tout loisir de leur retirer l’agrément. C’est ce qu’il s’est passé dans mon territoire quand l’ARS a constaté que certains professionnels libéraux ne faisaient pas le travail demandé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS919 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Les CSNP ont pour mission de prendre en charge les malades qui ne sont pas en urgence vitale pour leur proposer un diagnostic et une prise en charge rapides. C’est un métier de médecine générale. L’amendement a pour but de garantir qu’au moins un médecin généraliste exerce dans chacun de ces centres.
M. le rapporteur général. Vous voulez mettre fin aux dérives observées dans certains territoires, où les centres de soins non programmés pillent les ressources médicales des services d’urgences. Je serai plus nuancé que vous sur la question. En effet, de nombreux médecins généralistes n’assurent plus certains types de soins non programmés, pour lesquels ils renvoient vers les services d’urgences – il y a là des enjeux de formation et de parcours, ainsi qu’un effet de génération.
Il ne faut pas rigidifier à l’excès le fonctionnement de ces structures au risque d’exclure les complémentarités. À l’échelon local, on trouve dans les centres de soins non programmés des médecins qui sont passés par les urgences et des spécialistes de médecine générale ; ils apprennent les uns des autres, en coordination avec le service des urgences voisin.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je retiens surtout de nos échanges précédents qu’il faut faire avec les acteurs concernés. Je pourrai vous transmettre, si vous le souhaitez, le courrier du 28 octobre 2025 que je citais à l’instant. Le titre est clair : « La FNCS et AVECsanté s’opposent à la création d’un statut pour les structures spécialisées en soins non programmés et appellent à renforcer les équipes de soins primaires de proximité. » Je n’invente pas ! Ils considèrent que la mesure risque de fragmenter les soins primaires. Je peux vous en lire un extrait : « Les SNP sont déjà au cœur de l’activité quotidienne des professionnels de santé »...
Mme Annie Vidal (EPR). Nous l’avons tous reçu !
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Eh bien, cela ne vous interpelle pas ? Vous ne vous dites pas qu’il y a un problème ?
M. le président Frédéric Valletoux. Je connais les revendications de la FNCS. Elle représente légitimement les maisons de santé pluridisciplinaires, qui fonctionnent bien. Le texte peut encore évoluer. Je ne sais pas ce que défendra la ministre dans l’hémicycle ; sans trop m’avancer, il me semble que la rédaction actuelle n’est pas tout à fait dans sa philosophie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS920 M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Pour que les CSNP fonctionnent, il faut qu’ils s’intègrent dans la réalité d’un territoire, en coopération avec les médecins généralistes, les SAS et les services d’urgences. Je propose donc que ces centres soient membres à part entière de la CPTS, quand elle existe.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas moi qui ai écrit l’article, c’est le Gouvernement ; il faudra échanger avec lui.
Vous voulez imposer l’adhésion des CSNP aux CPTS pour assurer une réponse coordonnée sur l’ensemble du territoire. La difficulté tient au fait que le périmètre du CSNP ne recouvre pas toujours celui de la CPTS. Dans mon département, il y a plusieurs CPTS ; une partie du territoire n’en a pas ; de plus, le centre de soins non programmés est implanté sur le territoire d’une CPTS, mais il rend surtout service aux patients de l’autre. La PDSA doit être envisagée à l’échelle du département.
Par ailleurs, une adhésion obligatoire serait contradictoire avec le fait que les CPTS sont des associations de loi 1901, laquelle pose distinctement le principe de la liberté d’adhérer et de sortir d’une association. C’est la raison pour laquelle le principe de l’adhésion volontaire aux CPTS est maintenu à ce jour.
M. Philippe Vigier (Dem). Certes, le maillage du territoire n’est pas complet, mais n’a-t-il pas triplé au cours des quatre dernières années ? La réponse est oui. Deuxièmement, que se passe-t-il si le CSNP n’appartient pas à une CPTS ? J’en ai un dans ma circonscription ; il a été créé de façon indépendante, il ne répond à personne et il fait comme il veut. Il faut structurer l’offre.
Je propose donc de modifier l’amendement pour obliger les centres à s’inscrire dans le cadre du projet médical de la CPTS lorsque celle-ci existe. Comment sont financés les services de soins non programmés lorsqu’il n’y a pas de SAS ? Par des subventions versées par l’assurance maladie aux CPTS ! C’est ça, la vraie vie.
M. Jean-François Rousset (EPR). Nous allons le réécrire pour la séance, mais l’amendement précise bien que la mesure s’applique dans le cas où il existe une CPTS.
L’amendement est retiré.
Amendement AS339 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement vise à mettre en conformité le fonctionnement concret des centres de santé avec l’objectif qui leur est attribué : avancer vers le reste à charge zéro. Nous proposons donc, afin de soulager les patientes et les patients sur le plan financier, de rendre obligatoire le tiers payant et d’y interdire les dépassements d’honoraires. C’est une mission d’intérêt général et public, a fortiori dans un texte qui prévoit des franchises médicales, des participations forfaitaires et des taxations complémentaires.
M. le rapporteur général. C’est un non-sujet. Les professionnels exerçant en CSNP sont soit salariés – auquel cas ils ne peuvent pas pratiquer de dépassements d’honoraires – soit installés en secteur 1, comme 96 % des médecins généralistes. Sur les 4 % restants, 2 % exercent en secteur 2 avec option de pratique tarifaire maîtrisée et pratiquent des dépassements d’honoraires, souvent pris en charge par les complémentaires santé. Le problème tient à la prolifération de centres dont le panneau indique « maison de santé » ou « centre de santé », alors que la réalité est toute autre. Ces confusions sémantiques ne sont pas de notre fait, mais il faut clarifier le maquis.
Par ailleurs, il faut avoir en tête que les tarifs des soins non programmés ne sont pas les mêmes qu’en journée : des majorations s’appliquent le soir et le week-end qui peuvent être assez importantes. Ces majorations aboutissent à ce que la consultation soit plus chère, sans qu’il y ait facturation de dépassements d’honoraires.
Concernant le tiers payant obligatoire, la loi prévoit déjà de protéger les patients les plus vulnérables dans certains cas : patients en ALD, bénéficiaires de la C2S ou de l’AME, etc. Cela me semble suffisant.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Si ces mesures sont déjà appliquées dans la majorité des situations, faisons en sorte qu’elles le soient dans la totalité. Nous serons tous plus heureux que le monde que vous décrivez soit garanti dans son existence matérielle.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 21 modifié.
Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur le président, Eloi fixe toujours la limite de dépôt des amendements pour la séance publique à demain, dix-sept heures. Il faudrait le modifier car il est clair que nous ne serons pas prêts demain. Pouvez-vous apporter des précisions ?
M. le président Frédéric Valletoux. Thibault Bazin et moi avons plaidé en ce sens lors de la dernière Conférence des présidents. La Présidente nous a répondu qu’elle adapterait le délai de dépôt des amendements en fonction de l’avancée de nos discussions et de la fin de nos travaux.
M. le rapporteur général. Si nous n’avons pas fini nos travaux ce soir à minuit, nous reprendrons nos discussions vendredi matin à neuf heures et le délai de dépôt sera décalé en conséquence. Cela ne veut pas dire que nous avons encore dix jours devant nous, car le texte sera examiné en séance mardi...
Après l’article 21
Amendement AS1118 de M. Jean-François Rousset
M. le rapporteur général. Vous voulez mettre en extinction le contrat de début d’exercice au motif qu’il ne profite plus qu’aux médecins remplaçants et que son effet propre apparaît limité. C’est l’une des recommandations de votre rapport, que j’ai parcouru ; j’avais également participé à certaines auditions.
La Cnam, que j’ai consultée, a souligné que le contrat de début d’exercice ne disposait d’aucun équivalent pour les médecins remplaçants au sein de la nouvelle convention médicale. En substance, il y a beaucoup de dispositifs d’aide, mais ils ne sont pas forcément tournés vers les médecins remplaçants, dont nous avons aussi besoin. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Jean-François Rousset (EPR). Il est important de mettre fin à ce contrat qui coûte et qui n’est pas utile.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1330 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Les organismes d’assurance maladie sont confrontés à une pyramide des âges défavorable des médecins-conseils et des chirurgiens-dentistes-conseils. L’article 63 de la LFSS 2024 a modifié l’article L. 315‑1 du code de la sécurité sociale pour en tenir compte. Toutefois, les contrôles médicaux du régime agricole ont été oubliés. L’amendement vise à corriger cet oubli.
M. le rapporteur général. L’amendement vise à permettre la délégation encadrée de tâches aux auxiliaires médicaux du service du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole, par parallélisme avec ce qui a été voté en LFSS 2024 pour les praticiens conseil des caisses du régime général. Vous parlez de rectifier un oubli ; c’est aussi mon impression. Je ne vois pas pourquoi cette délégation ne serait pas autorisée selon les mêmes termes dans le régime agricole. J’ai d’ailleurs déposé le même amendement.
Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1355 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement vise à retirer la possibilité d’un remboursement à toute personne qui refuserait un transport sanitaire partagé lorsque celui-ci a la possibilité d’être mutualisé.
M. le rapporteur général. L’amendement paraît intéressant en première approche ; néanmoins, avec le recul, je vous trouve un peu sévère. Le dispositif me semble équilibré. Si la personne ne veut pas de transport sanitaire partagé, elle paie plus cher, un peu comme pour avoir une chambre seule à l’hôpital, et la Cnam ne souhaite pas aller plus loin. Cette majoration avait déjà fait polémique au moment où elle a été instaurée.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je sais que le dispositif est déjà contraignant. Mais vous connaissez ma fibre écologiste et je suis sûr que cet amendement suscitera l’adhésion de l’autre côté de la salle.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Monsieur Di Filippo, comment faites-vous quand, comme moi il y a deux ans, vous avez une multifracture de la rotule et que vous ne pouvez pas plier le genou, ce qui vous oblige à occuper toute la banquette arrière du taxi ? Le covoiturage, c’est bien sympathique, mais certaines personnes atteintes de troubles psychologiques ne peuvent pas partager leur taxi avec des inconnus. Dans de nombreux cas, le covoiturage n’a rien d’évident, or la personne à l’accueil de l’hôpital chargée de remettre le bon de conventionnement pour le taxi n’est pas toujours en mesure de distinguer si la pathologie de la personne permet un transport partagé. Ce n’est pas un luxe, c’est une question de dignité et de respect humains.
M. le rapporteur général. Ce que vous décrivez ne correspond pas au cas prévu par M. Di Filippo. C’est le médecin qui prescrit le transport sanitaire ; vous concernant, j’imagine qu’il avait conscience de la nécessité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS606 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI‑NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS612 de Mme Karen Erodi
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La loi sur la profession d’infirmier, promulguée cet été, avait un but : reconnaître les compétences propres des infirmiers et infirmières et libérer du temps médical. Parmi les hypocrisies de ce texte, la consultation infirmière est reconnue, mais l’accès direct, lui, reste au point mort. Le patient doit encore passer par un médecin pour des actes de routine. Même dans le cas où l’infirmière s’aperçoit pendant sa visite qu’une prescription pour un bilan sanguin, par exemple, a été oubliée par le médecin, il faut le renvoyer vers le médecin – médecin qui manque cruellement dans les déserts médicaux, notamment dans les départements ruraux. À cause de qui, de quoi ? À cause de l’ordre des médecins, appuyé par certains députés médecins, mais aussi par des ministres médecins, qui s’opposent aussi à la régulation de l’installation des médecins.
Depuis la pandémie du covid-19, plus de 58 % des infirmiers et infirmières libérales envisagent de quitter leur métier. La crise s’enracine : délais allongés, renoncement aux soins, inégalités accrues. Notre amendement vise à réclamer l’application des dispositions votées et à définir clairement le rôle propre de l’infirmier, ses compétences ainsi que les modalités de consultation et d’accès direct.
M. le rapporteur général. La LFSS 2025, promulguée en février, incluait une demande de rapport au Gouvernement sur le sujet. Depuis, nous avons fait mieux en adoptant la proposition de loi que vous citez. Il ne me semble donc pas pertinent de modifier la demande de rapport.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La loi sur la profession d’infirmier a été promulguée cet été. Il faut y aller.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS537 de M. Damien Maudet
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La France insoumise aborde au travers de cet amendement la question de la rémunération des infirmiers et infirmières libérales, dont les actes n’ont pas été revalorisés depuis 2009. En seize ans, pas une révision de la lettre clé qui définit les rémunérations. Les actes ont été très faiblement revalorisés. Doit-on rappeler leur rôle décisif pendant la pandémie ? Ce sont eux et elles qui allaient au domicile des patients quand plus personne ne s’y rendait. La reconnaissance promise n’est jamais venue. Pour rappel, plus de 58 % des infirmiers et infirmières libérales envisagent de quitter leur métier. Pendant que les consultations médicales ont été revalorisées à 30 euros, elles subissent de plein fouet la crise inflationniste – électricité, carburant, matériel. Les indemnités kilométriques ne compensent plus les frais et la dégressivité des soins les précarise encore davantage. Leurs conditions de travail se répercutent directement sur la qualité des soins.
La dernière LFSS prévoyait un rapport à ce sujet, qui n’a jamais été rendu. Nous demandons qu’il le soit enfin et qu’il intègre deux pistes précises : la revalorisation, incluant les indemnités kilométriques indexées sur l’inflation, et un mécanisme automatique d’indexation des tarifs sur cette même inflation.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Le décret prévu dans la loi sur la profession d’infirmier est actuellement en discussion avec les professionnels de santé. Les indemnités kilométriques prévues dans cette loi ont été augmentées de 10 % depuis 2023. Le reste sera décliné dans l’année. Il est donc inutile de faire un rapport sur des mesures qui seront mises en œuvre en janvier 2026.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Souvent, nous espérons et rien n’arrive. C’est une piqûre de rappel pour que personne n’oublie les infirmiers libéraux en colère.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS656 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement propose une expérimentation pour répondre à l’urgence de l’accès aux soins dans nos territoires. Plus de 6 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant, dont près d’un demi-million de patients en ALD. Derrière ces chiffres, il y a des renoncements, des diagnostics retardés, des parcours de soins décousus ; bref, la réalité des déserts médicaux, que vous connaissez vous‑même en Seine-et-Marne, monsieur le président.
Le système fondé sur le médecin traitant a montré ses limites. Nous devons passer d’un médecin traitant isolé à une équipe de soins traitante, pluridisciplinaire et coordonnée. Elle serait composée au minimum d’un médecin, d’un infirmier, d’un pharmacien et d’un assistant médical ; elle permettrait de mieux coordonner les parcours de santé, de renforcer la prévention, d’optimiser le temps médical par le partage des compétences et, in fine, de réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins. Il ne s’agit pas de remplacer le médecin traitant mais de travailler ensemble pour mieux soigner les patients. En permettant une prise en charge partagée, les équipes de soins offrent une réponse concrète à la crise de l’accès aux soins et à la désertification médicale.
M. le rapporteur général. L’amendement relaie une demande de la Mutualité française, dont j’ai auditionné les représentants en préparation du PLFSS. L’expérimentation demandée est en cours. Elle a bénéficié de l’article 51 de la LFSS 2018, sous l’appellation « paiement en équipe de professionnels de santé » (Peps), et elle a été conduite de 2019 à 2024 ; comme les résultats étaient encourageants, le ministère a lancé au début de l’année une deuxième phase d’expérimentation qui concerne davantage d’équipes.
L’amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Je suis surprise par votre réponse. Je connais bien la Mutualité française ; si l’expérimentation était déjà en cours, elle n’aurait pas suggéré cet amendement.
M. Philippe Vigier (Dem). Cette expérimentation donne de très bons résultats. Néanmoins, il est important qu’il y ait un médecin de contrôle pour ventiler les tâches ; à partir de là, on peut faire de la délégation de tâches très avancée mais, sans médecin, il finira par y avoir un problème de responsabilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS905 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Les transports sanitaires ont un coût exorbitant ; par ailleurs, certains patients ne veulent pas d’un transport partagé ou préféreraient prendre leur voiture. Je propose donc une expérimentation qui permettrait au patient d’engager le transport de son choix, puis d’en demander le remboursement. Cela ne toucherait pas une proportion élevée des patients, mais une indemnité kilométrique coûte beaucoup moins cher qu’un transport sanitaire.
M. le rapporteur général. Les frais de transport de certaines catégories de patients sont pris en charge par l’assurance maladie. Si je vous suis, ils devraient tenter leur chance en prenant un transport et essayer d’en obtenir le remboursement a posteriori. Je ne crois pas que beaucoup soient prêts à prendre un transport sanitaire si celui-ci risque d’être entièrement à leur charge. Par transparence, il faut leur dire d’emblée s’il est remboursé ou non, sans quoi nous risquons de créer de la frustration et de la déception.
L’amendement ne me semble pas opérationnel. Je vous invite à le retirer et à le déposer en séance pour échanger avec la ministre, Stéphanie Rist.
M. Jean-François Rousset (EPR). L’expérimentation participerait à la responsabilisation des usagers et au respect pour notre système de santé. Il suffirait de créer une case supplémentaire sur le bon de transport.
M. le président Frédéric Valletoux. Effectivement, cela les responsabilise.
M. le rapporteur général. J’ai évolué. Avis de sagesse.
Mme Josiane Corneloup (DR). Actuellement, la personne peut demander le versement d’une indemnité kilométrique à la caisse primaire d’assurance maladie, sous réserve d’un accord préalable, mais rien n’est remboursé en dessous de 150 kilomètres parcourus. C’est la première chose à changer. Il est certain que beaucoup de personnes prendraient leur véhicule si elles étaient assurées d’être remboursées en dessous de 150 kilomètres.
M. le président Frédéric Valletoux. On tordrait le cou à une usine bureaucratique.
M. Philippe Vigier (Dem). Mme Corneloup a tout à fait raison. Nous devrions revoir l’amendement avant la séance pour nous assurer qu’il fonctionne. C’est un acte de responsabilisation.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS603 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous proposons d’autoriser à titre expérimental, les entreprises de transport de personnes à mobilité réduite à réaliser des missions de transport sanitaire et à véhiculer des personnes à mobilité réduite jusqu’à leur lieu de soins. C’est d’ailleurs une recommandation de la Cour des comptes de 2019.
Les personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite du fait d’une pathologie ont des difficultés supplémentaires pour se rendre à leurs rendez-vous médicaux. Elles subissent de plein fouet l’inaccessibilité des transports, la persistance des déserts médicaux et les restrictions budgétaires, et essuient de nombreux refus de prise en charge pour des motifs de rentabilité. Le tri des patients selon leur pathologie porte directement atteinte à l’accès aux soins des personnes malades et en situation de handicap. La situation risque d’être aggravée par l’adoption de mesures contraignantes visant à conditionner le remboursement du transport sanitaire au recours à des transports partagés. Notre proposition vise donc à favoriser l’accès aux soins des personnes à mobilité réduite et en situation de handicap.
M. le rapporteur général. Vous aviez déposé cet amendement l’an dernier. Depuis, la mesure a été votée : elle figure à l’article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui autorise à prévoir des conditions spécifiques pour les entreprises de transport sanitaire exerçant exclusivement une activité de transport de personnes à mobilité réduite. Le problème est donc réglé au niveau de la loi ; il ne manque plus que le décret d’application.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La réunion s’achève à vingt heures.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Sacha Houlié, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Stella Dupont, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Stéphane Viry
Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Garot, Mme Béatrice Piron, M. Jean-Claude Raux, Mme Isabelle Santiago, Mme Céline Thiébault-Martinez