Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................46

 

 

 

 

 


Vendredi
31 octobre 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
 

 


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La réunion commence à neuf heures.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n°s 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).

Article 28 : Limiter la durée de prescription des arrêts de travail pour maladie et la durée d’indemnisation des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle et supprimer l’obligation de visite de reprise pour un retour de congé de maternité

Amendements de suppression AS352 de M. Hadrien Clouet, AS749 de Mme Sandrine Runel, AS1007 de M. Hendrik Davi et AS1019 de M. Yannick Monnet

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS352.

Avec l’article 28, la Macronie franchit un nouveau cap dans l’absurdité et la mesquinerie. Coutumiers des attaques contre les droits, vous vous en prenez cette fois à ceux des travailleurs – le droit de se soigner, le droit de pouvoir être malade. L’an dernier déjà, François Bayrou avait pris en douce un décret réduisant les indemnités journalières de 52 à 42 euros. Pour quel résultat ? Des salariés obligés de venir travailler, de contaminer leurs collègues, de reporter leurs soins, donc d’aggraver leur pathologie et de prolonger leur arrêt de travail ; par conséquent, un coût plus élevé pour la collectivité.

C’est absurde, cruel et économiquement idiot. En pleine pénurie de soignants, les malades qui ne sont pas guéris à l’issue des quinze jours d’arrêt devront retourner chez le médecin alors même que 7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant.

Par ailleurs, vous supprimez la visite médicale au retour d’un congé de maternité, alors qu’une femme sur cinq souffre de dépression post-partum. C’est ignoble.

Mme Sandrine Runel (SOC). La journée d’Halloween commence fort. L’infâme article 28 est la pièce maîtresse du musée des horreurs que la Macronie a concocté dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Après avoir tapé sur les retraités, sur les ménages précaires et plus généralement sur tous ceux qui ont besoin d’une aide, vous vous en prenez aux personnes en arrêt maladie, au motif principal que les indemnités journalières coûtent trop cher. Or, 45 % des montants versés concernent des arrêts de plus de six mois.

Face à la hausse des indemnités, deux solutions s’offrent à nous : blâmer les personnes en arrêt qui coûtent trop cher à la Sécurité sociale ou s’interroger sur les causes des arrêts. Sans surprise, vous avez choisi la première. Pourtant, il y a beaucoup à faire en matière de prévention et de santé au travail, en lien avec les employeurs, pour que les travailleurs se sentent mieux.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’article 28 renforce le contrôle administratif des travailleurs et diminue leurs indemnités. Il retire également un droit après un congé de maternité. Il s’inscrit dans une logique d’économies, fondée sur la défiance envers les assurés et les soignants. Il s’appuie sur le postulat selon lequel la hausse des arrêts de travail serait due à une fraude accrue. C’est faux, elle a avant tout des causes structurelles : le vieillissement de la population - et la réforme des retraites n’a rien arrangé en augmentant le nombre de travailleurs plus âgés et par conséquent la probabilité d’arrêts de travail –,la dégradation des conditions de travail et son intensification ; l’exposition accrue au stress et aux pollutions.

Ce n’est ni en supprimant la médecine du travail ni en limitant les visites médicales à la reprise après un congé de maternité que l’on réduira les arrêts de travail. Ces mesures de contrôle risquent de dissuader les salariés d’y recourir donc d’aggraver les pathologies et d’allonger les convalescences, ce qui aboutira à une hausse des coûts médicaux et sociaux à moyen et long termes.

M. Yannick Monnet (GDR). L’article 28 fait partie de la batterie de mesures qui fragiliseront la situation des travailleurs et la santé au travail. Depuis 2017, la logique est toujours la même : porter le soupçon sur les malades et leurs soignants en prétendant que les arrêts de travail sont des arrêts de complaisance.

Les vraies questions ne sont jamais posées par ceux qui veulent sanctionner les malades : quelles sont les raisons de la hausse du nombre d’arrêts et de notre triste record en matière de maladies professionnelles et d’accidents du travail ? Comment déployer des politiques de prévention efficaces ? Comment faire en sorte que les entreprises et les administrations respectent leurs obligations en matière de prévention des risques professionnels ? Comment réduire les inégalités en matière de santé ?

Les restrictions imposées reposent sur une logique totalement absurde : ceux qui reprendront le travail sans être complètement rétablis aggraveront leur état, seront moins productifs et devront de nouveau consulter. L’annexe 9 du projet de loi note que « la mesure aura donc pour conséquence d’augmenter le nombre de consultations médicales ». Outre son caractère préjudiciable pour la santé des travailleurs, elle n’est même pas opportune d’un point de vue économique.

Alors que, depuis 2017, la protection des femmes enceintes dans le droit du travail a été affaiblie puisque l’obligation de surveillance médicale renforcée a été supprimée, voilà que le Gouvernement veut supprimer la visite médicale de reprise après un congé de maternité, qui est pourtant un moment de fragilité.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Madame Runel, l’article 45 bis fait‑il aussi partie du musée des horreurs à vos yeux ? Madame Belouassa-Cherifi, il est difficile de parler de décret pris en douce quand il est publié. Tout n’est pas noir ou blanc. Tâchons d’être mesurés !

L’article ne supprime pas la visite de reprise après un congé maternité. Il la rend facultative. Quoi qu’il en soit, cette mesure est à mon sens un cavalier législatif – la médecine du travail ne relève pas de la branche maladie.

Pour le reste, ne nous voilons pas la face. Nous constatons une augmentation énorme des arrêts de travail, qui a fait des victimes collatérales – les kinésithérapeutes ont vu gelée la revalorisation de leurs tarifs.

L’article ne réduit en rien le droit de prescrire, ni la possibilité de se voir prescrire un arrêt de travail pour maladie ou pour accident du travail-maladie professionnelle (AT‑MP). Il pourrait même faciliter un suivi plus régulier des patients. Des dérogations restent possibles dès lors que le médecin fait l’effort de justifier qu’il ne respecte pas les durées recommandées. Par ailleurs, le fait de limiter à quatre ans le versement d’indemnités journalières en cas d’incapacité temporaire pour AT‑MP donne tout son sens à l’adjectif « temporaire ». À l’issue de ce délai, la victime peut voir son incapacité reconnue permanente.

Avis défavorable à la suppression de l’article.

M. Nicolas Turquois (Dem). Comme l’a dit M. Monnet, il faut se poser les vraies questions. Si nous voulons préserver notre dispositif d’arrêts de travail, nous devons nous interroger sur son financement, sur les raisons de la forte progression du nombre d’arrêts et sur la pertinence de certains d’entre eux, notamment lorsque leur multiplication met en difficulté l’entreprise. Il semble bienvenu d’établir certaines limites. Je voterai contre les amendements.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je soutiens les amendements car l’article 28 rend plus contraignant l’accès à l’affection de longue durée et aux arrêts maladie.

Tous les indicateurs montrent un avant et un après le covid‑19. La dégradation de la santé, en particulier mentale, qui explique la hausse des arrêts de travail, a commencé avant mais elle explose après. S’y ajoute une désaffection pour certains métiers qui manquent de sens. Il en résulte une souffrance au travail, qui ne pourra être résorbée sans une réflexion sur l’organisation du travail et sur le management. Croire que la coercition est la solution est une erreur d’analyse profonde et une négation du malaise dans le monde du travail.

La visite de reprise après un congé de maternité est indispensable pour repérer les dépressions post-partum ou les autres difficultés que peuvent rencontrer les femmes.

M. Yannick Monnet (GDR). Sans vouloir être désagréable, monsieur le rapporteur général, j’ai un peu l’impression d’être au café du commerce. L’inspiration est la même que pour le numerus clausus : à l’époque, on nous expliquait que la baisse du nombre de médecins devait faire diminuer les dépenses de santé. Vous ne vous appuyez à aucun moment sur des éléments objectifs.

Vous ne pouvez pas nier la souffrance au travail, la disparition de la médecine du travail et la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Si vous voulez réduire les arrêts, il faut vous intéresser au bien-être au travail, non incriminer de prétendus abus. Je rappelle qu’un arrêt de travail repose sur un diagnostic médical. Pourquoi faire peser la responsabilité sur le patient ?

La commission rejette les amendements.

Amendements AS353 de Mme Élise Leboucher et AS1014 de M. Hendrik Davi (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer les dispositions limitant la durée des arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle. Les salariés tombent malades à cause des conditions de travail, mais encore une fois, vous inversez la responsabilité : ce sont les salariés qui trinquent, sans que jamais ne soit remise en cause la suppression de la médecine du travail et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

M. Hendrik Davi (EcoS). Le contrôle des arrêts de travail qu’institue l’article est lourd pour les patients comme pour les professionnels de santé. Il aura pour effet de les dissuader de demander, de prescrire ou de prolonger un arrêt nécessaire. Ce renoncement se traduira par une dégradation de l’état de santé, une prise en charge plus tardive et plus lourde, et finalement sans doute par des coûts plus élevés pour la collectivité.

Plutôt qu’un modèle fondé sur la défiance et le contrôle, l’amendement propose un principe simple : faire confiance aux professionnels de santé pour prescrire les arrêts nécessaires. Si l’on veut comprendre la hausse des arrêts de travail, il faut d’abord s’interroger sur le management, en particulier dans les entreprises publiques. Ce n’est pas en niant les épuisements professionnels que vous résoudrez le problème.

M. le rapporteur général. Je ne nie pas les problèmes de santé au travail, mais j’essaie de m’en tenir au texte : en ce qui concerne les arrêts de travail AT‑MP, que change l’article ? Une incapacité, temporaire ou permanente, doit être constatée par un médecin. Cette qualification doit-elle être éternelle ou bornée dans le temps ? Il est proposé une réévaluation à l’issue d’un délai de quatre ans : soit on est capable de retourner au travail, soit on ne l’est pas, auquel cas l’incapacité temporaire devient permanente, ce qui ouvre droit à un autre régime d’indemnisation. On ne laisse personne au bord du chemin. Cela me semble être du bon sens. Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). En matière d’arrêts de travail et d’indemnités journalières, une cruelle inégalité perdure entre le secteur public et le secteur privé, sans parler du secteur libéral où le délai de carence atteint parfois quinze jours. Afin d’éviter les abus, nous pourrions réfléchir à un jour de carence dynamique – une personne qui n’a jamais été malade pourrait être dispensée de jour de carence quand une personne coutumière des arrêts, au risque de déstabiliser une équipe et d’altérer le rapport au travail, se verrait imposer un délai plus long.

En effet, il faut s’interroger sur les causes de la hausse des indemnités journalières. Le fait de ne pas valoriser suffisamment ceux qui travaillent en est une. Nous aurons l’occasion d’en parler au sujet de l’allocation sociale unique, plafonnée à 70 % du salaire minimum, grâce à laquelle celui qui travaille aura toujours raison face à celui profite de l’assistanat. Maintenons la solidarité. Nous aurons l’occasion d’évoquer les fraudes dans le projet de loi sur le sujet.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Ce que nous venons d’entendre est fabuleux : il y a de bons malades et de mauvais malades. Les bons malades sont ceux qui n’ont pas d’enfant, donc pas de gastro-entérites à répétition ; ceux qui vont au travail quoi qu’il arrive, quitte à contaminer leurs collègues. Mais personne ne choisit d’être malade ! Les gens en arrêt maladie ne sont pas des profiteurs ; ils cotisent tout au long de leur carrière pour pouvoir s’arrêter si besoin. Qui peut se substituer au médecin et au patient pour décider de la durée d’un arrêt maladie ? Personne ne devrait s’immiscer dans leur relation.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il faudrait s’interroger sur les conséquences à long terme de la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. N’oublions pas que la hausse des arrêts de travail est aussi le signe de maladies plus fréquentes. C’est particulièrement vrai pour le cancer, notre pays étant celui dans lequel la prévalence est la plus forte. Cela se traduit par une hausse des arrêts de travail et des prises en charge pour affection de longue durée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS14 de Mme Sandrine Runel

Mme Sandrine Runel (SOC). Afin d’éviter un choix discrétionnaire du Gouvernement, il est proposé de rendre obligatoire la consultation de la Haute Autorité de santé avant qu’un décret ne vienne fixer la durée maximale des arrêts de travail et des indemnisations.

Le rapport « Charges et produits » publié par l’assurance maladie préconise ainsi de limiter la durée de l’arrêt de travail à un mois en primo-prescription en cas d’hospitalisation et quinze jours en ville, puis par tranche de deux mois maximum.

M. le rapporteur général. L’amendement est satisfait puisque la Haute Autorité de santé donne déjà un avis, certes pathologie par pathologie. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les arrêts de travail ne sont pas toujours liés à des difficultés dans le travail. Le travail n’est pas que souffrance, on peut aussi s’y épanouir.

La durée de l’arrêt dépend de l’appréciation du médecin qui, pour certaines pathologies, peut s’appuyer sur des recommandations de la Haute Autorité de santé, recommandations que tout le monde ignore superbement alors qu’elles sont bien faites. Il faut laisser au médecin le soin de décider et renforcer les contrôles pour éviter les abus liés à des prescriptions inadaptées.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement est satisfait. En matière d’épuisement professionnel, la Haute Autorité de santé recommande un premier arrêt de travail de quinze jours, à l’issue duquel le médecin revoit le patient pour faire le point et prolonger l’arrêt si besoin. C’est bien mieux que de laisser le patient dans la nature pendant un mois. Peu importe l’arrêt de travail, ce qui compte, c’est d’aider le patient à s’en sortir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS15 de Mme Sandrine Runel

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous souhaitons inscrire dans la loi, plutôt que dans un décret, la durée minimale des arrêts maladie préconisée par l’assurance maladie – un mois pour une première prescription et deux mois pour une prolongation de prescription.

M. le rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission pour choisir, d’une part, la voie réglementaire ou législative et, d’autre part, la durée plancher proposée par l’amendement ou le plafond qu’envisage le Gouvernement.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Qui sommes-nous pour nous immiscer dans la relation entre le patient et le médecin ? Plafond ou plancher, ce n’est pas à nous de décider. L’épuisement professionnel, par exemple, se manifeste chez certains par une impossibilité de se lever un matin, chez d’autres par une tentative de suicide ou par autre chose encore. Le législateur ne peut pas se prononcer sur la durée appropriée de l’arrêt. Des recommandations peuvent être formulées mais le choix regarde le médecin et le patient.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’alinéa 16, qui a été ajouté à la suite des observations du Conseil d’État, vient répondre à ces préoccupations en rappelant que le médecin peut toujours déroger au plafond prévu « lorsqu’il justifie, sur la prescription, de la nécessité d’une durée plus longue au regard de la situation du patient et en considération, lorsqu’elles existent, des recommandations établies par la Haute Autorité de santé ». Ces recommandations, qui sont fondées sur les bonnes pratiques médicales – ce ne sont pas des références médicales opposables –, sont précieuses pour s’assurer de l’adéquation à la situation du patient.

M. le rapporteur général. Nous devons veiller à ne pas rigidifier les règles en les gravant dans le marbre de la loi, d’autant que les bonnes pratiques peuvent être amenées à évoluer. Je rappelle que la possibilité de dérogation est prévue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS354 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous nous opposons à la limitation de la durée des arrêts de travail. Le discours macroniste n’est pas faux : le travail peut être émancipateur et plein de gens se plaisent dans leur travail, se lèvent le matin en ayant envie d’y aller. Mais il ne l’est plus lorsque, s’ils sont malades, on leur dit que c’est de leur faute et qu’ils doivent continuer à travailler.

Aujourd’hui, c’est le médecin qui est censé juger si le malade peut reprendre le travail et à quelle échéance. Ce n’est pas le rôle du législateur. Si, dans plusieurs secteurs, les conditions de travail se sont détériorées, c’est aussi sous l’effet de la politique conduite depuis 2017, notamment la fin des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Vous ne pouvez pas infliger une double peine aux travailleurs.

M. le rapporteur général. La suppression de l’alinéa 11 que vous demandez revient à peu près à supprimer l’article. On ne parle ici que de restreindre très modestement la durée de prescription des arrêts et de compléter les informations mentionnées sur la prescription.

Vous revendiquiez hier le fait que la responsabilité pèse sur le prescripteur plutôt que sur le patient. En l’espèce, la responsabilité du prescripteur est importante. L’article ne prive pas le malade de la possibilité de demander un arrêt de travail et n’interdit pas au médecin d’en prescrire. Il prévoit même les conditions dans lesquelles celui-ci peut déroger aux recommandations. Il me semble que tout ceci est très pondéré.

Mme Joëlle Mélin (RN). L’arrêt de travail doit être considéré comme un traitement à part entière, idéalement même le seul traitement – lorsqu’on est à deux doigts d’un épuisement professionnel, un arrêt de quinze jours peut suffire à éviter une bascule violente et imprévisible.

Par ailleurs, les arrêts maladie sont déjà régulés, notamment dans le cadre des AT‑MP. Dès que l’état du patient est consolidé – c’est-à-dire qu’il n’évolue plus, ni en bien, ni en mal, malgré le risque de rechute à tout moment –, celui-ci sort du cadre : soit il retourne dans le monde du travail, soit il est déclaré définitivement en invalidité. En cas de maladie, il est également possible de prescrire un congé de longue maladie, lui-même limité à trois ans – peut-être est-ce un peu long, mais la régulation existe bel et bien.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Les mots utilisés me choquent, notamment ceux du rapporteur général : on ne « demande » pas un arrêt de travail, c’est toujours le médecin qui décide. Il y en a suffisamment dans cette salle pour le confirmer.

Au reste, certaines maladies sont invisibles. Je pense notamment à l’endométriose, qui engendre des douleurs sous-évaluées, y compris par les médecins, alors que pour certaines femmes, la douleur est aussi intense que lors d’un accouchement. Une femme qui évalue sa douleur à 8 sur une échelle allant de 1 à 10 devrait-elle même avoir à solliciter un arrêt ? Cette volonté de régulation est étonnante. Laissons les médecins faire leur travail !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS106 de Mme Sandrine Runel

Mme Sandrine Runel (SOC). Afin d’éviter l’engorgement des cabinets médicaux et le remboursement par la Sécurité sociale de consultations inutiles, cet amendement exclut du dispositif les arrêts liés à une affection de longue durée, par nature susceptibles d’être plus longs.

M. le rapporteur général. Les dérogations sont déjà possibles, c’est écrit noir sur blanc : les médecins « peuvent déroger au plafond prévu au deuxième alinéa lorsqu’ils justifient, sur la prescription, de la nécessité d’une durée plus longue au regard de la situation du patient [...] ». Cela inclut bien les affections de longue durée. Cet amendement étant satisfait, je suis tenté d’en demander le retrait. Pour me montrer constructif, je m’en remettrai à la sagesse de la commission.

Mme Annie Vidal (EPR). Il ne s’agit pas d’empêcher la prescription d’arrêts de travail, seulement de mieux les encadrer en fixant une durée maximale afin de s’assurer que le patient soit bien suivi. Par exemple, on ne peut pas laisser un patient en épuisement professionnel sans suivi pendant un mois. C’est trop long. Nous avons un faux débat. Nous ne voulons pas bloquer les arrêts de travail, mais redonner la main aux médecins.

M. Hendrik Davi (EcoS). Rien n’empêche un patient en épuisement professionnel de prendre rendez-vous avec son médecin. Vous voulez l’y obliger : c’est toute la différence.

Certes, les médecins pourront déroger à cette limitation. Mais il est à craindre qu’on finisse par leur opposer des indicateurs – voyez ce que nous avons voté à l’article précédent ! – au regard desquels on considérera qu’ils prescrivent trop d’arrêts de travail. À terme, s’ils ne réduisent pas les arrêts, on réduira leur salaire.

Voilà la petite musique insidieuse qui se fait entendre ! Au bout du compte, il ne sera plus possible de déroger au plafond. Faisons confiance aux soignants et laissons-les déterminer si un arrêt est nécessaire, et, le cas échéant, pour quelle durée. C’est fondamental. La lutte contre les éventuelles fraudes est un autre sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS994 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit de supprimer l’obligation faite aux médecins de justifier un arrêt de travail supérieur à trente jours lorsque cette prescription est conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Celles-ci devraient constituer un motif suffisant. Les médecins ne devraient pas avoir à motiver une décision relevant de leur expertise clinique, particulièrement pour les quarante pathologies qui nécessitent, selon la Haute Autorité, un arrêt supérieur à un mois.

Les médecins sont déjà surchargés de tâches administratives, notamment à l’hôpital : alléger ces formalités dégagerait du temps de soins. Cet amendement défend un principe simple : faire confiance aux soignants, et respecter le jugement médical comme les recommandations de la Haute Autorité de santé.

M. le rapporteur général. Votre position vis-à-vis des recommandations de la Haute Autorité de santé ne me paraît pas cohérente. En outre, motiver une dérogation ne me semble pas excessif. Au reste, tous les médecins sont surchargés, y compris les médecins de ville.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). N’oublions pas que la multiplication des arrêts de travail courts prive les employeurs de la visibilité nécessaire pour s’organiser : on ne remplace pas systématiquement un employé en arrêt pour quinze jours, mais il en va différemment si on sait dès le départ que l’arrêt durera trois mois. Il faut une vision globale.

En outre, quand la Haute Autorité de santé recommande un arrêt de plusieurs mois pour une pathologie, pourquoi demander des comptes au médecin ? Éviter la multiplication des consultations pour arrêt facilite la vie de tout le monde – l’employeur, le patient. Pourquoi se compliquer les choses ?

M. Michel Lauzzana (EPR). Parce qu’on peut tirer des enseignements de l’évolution épidémiologique ! Par exemple, les conséquences de l’épuisement professionnel étaient moins bien prises en compte par le passé. Beaucoup de patients concernés, qui refusent de sortir de chez eux, ne vont pas voir le médecin. D’où l’intérêt d’imposer des consultations régulières, pour en parler plutôt que de rester enfermés.

Monsieur Davi, vous voyez décidément tout en noir : s’il y a autant de cancers en France – et nous ne sommes pas les champions, tout juste sommes-nous dans le top 10 –, c’est parce que nous les dépistons beaucoup mieux qu’ailleurs en Europe. Les pays moins avancés que nous en détectent beaucoup moins, et en soignent donc beaucoup moins aussi.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS862 de M. Paul-André Colombani.

Amendements identiques AS855 de M. Paul-André Colombani et AS1012 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Pour mieux protéger les travailleurs, mon amendement supprime la limitation dans le temps du droit d’indemnisation dans le cadre de l’AT‑MP. Cet article prévoit que les patients basculent automatiquement vers un régime d’incapacité ou d’invalidité au-delà d’une certaine durée, mettant fin au versement des indemnités journalières et entraînant donc une diminution des revenus. Vous cherchez à faire des économies sur le dos des victimes du travail, qui paient déjà au prix fort un accident dû à leur activité professionnelle : dégradation de leur état de santé, perte d’emploi, perte d’autonomie. C’est indigne.

M. le rapporteur général. À la fin du régime d’incapacité temporaire – ce serait au bout de quatre ans –, les patients ne sont pas abandonnés : soit ils entrent dans le régime d’incapacité permanente, ouvrant leurs droits à compensation par des indemnités ou même une rente, soit ils basculent dans le régime d’invalidité qui ouvre lui aussi droit à une prise en charge.

Avis défavorable.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Monsieur Lauzzana, permettez-moi de lire un extrait d’un article paru dans la rubrique « Décryptages » du Monde : « Au niveau européen, la France fait plutôt figure de mauvaise élève du dépistage. Selon les données publiées par l’Organisation européenne du cancer en 2024, la France se situe en dessous de la moyenne européenne pour les trois principaux programmes mis en place. Le taux de participation au dépistage du cancer du sein n’est que de 46 % en France [...] ». S’il y a tant de cancers, notamment de cancers du sein, ce n’est pas parce que nous les dépistons mieux, seulement parce qu’il y en a véritablement davantage.

M. Hendrik Davi (EcoS). Monsieur le rapporteur général, pour ne pas perdre d’indemnités, il faut un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 %. Même celui qui perd sa main sur un chantier ne l’atteint pas ! En le faisant entrer dans le régime d’incapacité permanente, vous obérez une partie de ses revenus.

M. le rapporteur général. Nous ne touchons pas aux taux.

M. Hendrik Davi (EcoS). Mais vous accélérez le passage vers le régime d’incapacité permanente.

M. Philippe Vigier (Dem). Si le texte avait prévu un écrasement des taux d’indemnisation, cela aurait effectivement été un problème. Ce n’est pas le cas.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS13 de Mme Sandrine Runel et AS730 de M. Paul-André Colombani

Mme Sandrine Runel (SOC). Cet amendement maintient le caractère obligatoire de la visite médicale au retour du congé maternité. Aucun corps médical, aucune autorité scientifique ne recommande de la supprimer, à commencer par la Haute Autorité de santé. Cette mesure sans fondement scientifique ferait peser un risque grave sur la santé physique et mentale des mères – en particulier dans le cas d’un premier enfant. C’est injuste et scandaleux.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Je souscris à ces arguments. En réalité, cet article cherche à pallier la pénurie de médecins, en particulier de médecins du travail. Encore une fois, ce sont les plus fragiles qui en pâtissent.

M. le rapporteur général. Cette disposition est un cavalier et elle sera sans doute supprimée au cours de la navette. Sur le fond, la visite de reprise, bien qu’obligatoire, n’est pas toujours effectuée, sans que cela empêche une femme de reprendre son activité. De là vient la proposition de la rendre facultative et non pas, comme vous l’avez dit, de la supprimer. Les femmes qui le souhaitent pourront toujours en bénéficier.

Sagesse.

M. Yannick Monnet (GDR). Tout à l’heure, vous vouliez forcer les gens à aller voir le médecin. Cette fois, vous rendez la visite médicale facultative. C’est vraiment comme ça vous arrange !

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). C’est dans les semaines qui suivent l’accouchement que les femmes sont le plus vulnérables. J’en veux pour preuve les dépressions post‑partum et la hausse du taux d’accidents du travail chez les jeunes femmes. La visite médicale de reprise après un congé de maternité permet de vérifier que leur poste de travail est compatible avec leur état de santé physique et psychique et, en cas de besoin, de l’adapter ou d’émettre un avis d’inaptitude. La supprimer au motif qu’elle ne serait pas suivie d’effet n’est pas recevable : ce n’est pas parce que certains font une heure supplémentaire non payée qu’il faut supprimer le salaire minimum ou les 35 heures !

M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, je répète que je ne suis pas responsable du texte ! De toute façon, cette disposition n’a rien à y faire. Elle sera supprimée. Passons à des sujets plus importants !

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis sensible à ce sujet, mais je ne vois pas pourquoi cette visite médicale de reprise devrait être obligatoire. Le post-partum est un moment important de la vie, avec parfois des conséquences psychologiques, et il faut que toute femme qui en ressent le besoin soit prise en charge par un gynécologue ou un psychologue dans les meilleures conditions. Rendre la visite de reprise obligatoire n’apporte aucune garantie.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements AS356 de Mme Ségolène Amiot, AS1132 de Mme Prisca Thevenot et AS70 de Mme Marie-Charlotte Garin tombent.

La commission adopte l’article 28 modifié.

Après l’article 28

Amendements AS1205 de M. Fabien Di Filippo, AS1755 de M. Thibault Bazin, AS1182 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé et AS266 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune)

M. Fabien Di Filippo (DR). En moins de dix ans, le montant des indemnités journalières a augmenté de 30 % pour atteindre 17 milliards d’euros par an. Soyons lucides : la situation est hors de contrôle et cette dynamique, aggravée par les consultations à distance, n’est ni soutenable ni acceptable. N’importe qui dans cette salle peut se faire prescrire un arrêt en moins de vingt minutes de manière prétendument légale grâce à une consultation en ligne.

Il faut en finir avec ce phénomène qui met en péril notre système de santé et notre système social. Mon amendement interdit la prescription et le renouvellement d’un arrêt de travail lors d’une consultation en télémédecine. Pour juger de la pertinence de l’arrêt, le médecin doit voir le patient.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS1182 est défendu.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les indemnités journalières s’élèvent à plus de 15 milliards d’euros par an. La prescription d’arrêts de travail par téléconsultation est encadrée mais, d’après un rapport de la Cour des comptes paru en avril 2025, les pratiques frauduleuses persistent. Il faut donc renforcer le cadre. Mon amendement interdit la délivrance ou le renouvellement d’arrêts en téléconsultation, sauf lorsque celle-ci est assurée par le médecin traitant du patient ou que celui-ci justifie de son impossibilité de consulter.

M. le rapporteur général. Ces amendements offrent divers degrés de renforcement du cadre existant. L’amendement AS1205 de M. Di Filippo interdit toute prescription d’un arrêt de travail par téléconsultation. L’amendement AS1182 de Mme Colin‑Oesterlé maintient cette possibilité pour les arrêts de moins de trois jours, mais en les réservant au médecin traitant ou à la sage-femme référente sans possibilité de dérogation pour le patient qui ne trouverait pas de rendez-vous. Mon amendement AS1755 supprime l’opportunité de prescrire un arrêt de plus de trois jours ou de renouveler un arrêt par téléconsultation, mais il maintient la dérogation pour les patients sans médecin traitant ou justifiant qu’ils n’ont pas pu obtenir un rendez-vous classique. Quant à l’amendement AS266 de Mme Nicole Dubré-Chirat, il limite cette modalité aux exceptions déjà prévues – mais sa rédaction s’insère mal dans le code, il faudra la retravailler d’ici à l’examen en séance publique.

J’ai évidemment une préférence pour ma proposition. Mais je n’ai pas l’orgueil de l’écrivain : à notre commission de décider où elle veut placer le curseur.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). À la différence de ce qui se passe dans d’autres pays, la télémédecine est encadrée en France : un médecin ne peut pas accomplir plus de 20 % de son activité selon cette modalité, contre 50 % en Allemagne ; certains pays n’imposent même aucune limite. En outre, l’arrêt ainsi prescrit ne peut excéder trois jours. N’oublions pas que la télémédecine permet aux patients des déserts médicaux d’avoir accès à un médecin. Elle rend service à des millions de Français : depuis le covid‑19, ils sont de plus en plus nombreux à recourir à la téléconsultation. Nous devons trouver une solution équilibrée.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous avons ce débat chaque année. La télémédecine permet aux patients qui n’ont pas de médecin traitant, ou qui ne peuvent pas obtenir un rendez-vous dans les quarante-huit heures imparties pour envoyer l’arrêt de travail à l’employeur, d’éviter de se trouver le bec dans l’eau. À l’instar de ce qui existe pour France Travail, vous voudriez que le patient justifie qu’il n’a pas pu obtenir de rendez-vous : c’est ridicule et déconnecté de la réalité. Aucun médecin n’enverra une attestation pour confirmer qu’il n’a pas de rendez-vous disponible pendant trois semaines !

La commission rejette l’amendement AS1205.

Puis elle adopte l’amendement AS1755.

En conséquence, les amendements AS1182 et AS266 tombent.

La réunion est suspendue de dix heures cinq à dix heures quinze.

Amendement AS1756 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. L’article 26 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 dispose : « En cas de fraude avérée d’un assuré en vue du versement d’indemnités journalières [...], les organismes [d’assurance maladie obligatoires] transmettent à l’employeur les renseignements et les documents strictement utiles et nécessaires à la seule fin de caractériser ladite fraude. » Par cet amendement, je propose qu’elles informent aussi les complémentaires santé, puisque la fraude peut également les concerner.

Pour sécuriser le dispositif d’un point de vue juridique, la commission mixte paritaire avait précisé que les informations ne pouvaient être transmises qu’une fois la fraude avérée, donc après épuisement des voies de recours et non dès le contrôle primaire. J’ajoute que cette disposition vise exclusivement les déclarations frauduleuses relatives au bénéfice des indemnités perçues en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, et que le champ des informations transmises est limité à celles nécessaires pour constater la fraude, à l’exclusion de toutes celles qui porteraient atteinte à la vie privée. C’est un point important.

Mme Joëlle Mélin (RN). C’est une mesure de bon sens, qui mérite d’être gravée dans la loi. Nous l’avions déjà adoptée l’an dernier mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS219 de M. Stéphane Viry et AS1401 de M. Nicolas Turquois

Mme Justine Gruet (DR). Face à la hausse continue des dépenses d’indemnités journalières, l’amendement AS219 permet aux médecins de prescrire la poursuite ou la reprise d’une activité en télétravail lorsque l’état de santé du patient le permet et que son poste est compatible avec cette modalité, afin d’encourager une reprise progressive et adaptée. L’objectif est triple : prévenir la désinsertion professionnelle, réduire les arrêts évitables et maintenir le lien entre le salarié et son entreprise. Les modalités d’application, notamment les conditions médicales et l’accord de l’employeur, seront précisées par décret.

M. Nicolas Turquois (Dem). Effectivement, pourquoi un employé de bureau qui s’est cassé la jambe ne pourrait-il pas télétravailler ? Certains hésitent parfois à s’arrêter : ils seraient plus sereins s’ils pouvaient simplement continuer à distance. C’est une mesure de bon sens, équilibrée, qui peut faciliter la vie de l’entreprise sans nier les droits de l’employé.

M. le rapporteur général. Je comprends l’intention. Mais cette mesure est discriminante, car tous les métiers ne permettent pas le télétravail. En outre, les salariés toucheraient-ils alors des indemnités journalières ? Au vu de vos interventions, je crois comprendre que non, mais ce point gagnerait à être précisé dans le dispositif d’ici à l’examen en séance publique.

Sagesse.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Tant que vous y êtes, autorisez le télétravail depuis un lit d’hôpital ! Comment penser qu’une personne ayant besoin d’un arrêt maladie puisse travailler de chez elle ? C’est incroyable ! Demain, ce sera avec une jambe cassée, après-demain avec une grippe. Les arrêts de travail sont un droit. Ils doivent être respectés.

M. Philippe Vigier (Dem). Voyons les choses positivement. C’est une possibilité sur laquelle les syndicats ont attiré notre attention. Si le salarié souhaite reprendre son travail mais qu’il ne peut pas se rendre sur place, pourquoi ne pas l’autoriser à télétravailler ? Cela n’entrave pas sa récupération puisqu’il est accompagné par un médecin dans sa démarche. En revanche, il faudra revenir sur la rédaction des amendements.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage l’analyse du rapporteur général. Pour éviter tout abus et rendre le dispositif effectif, sans doute faut-il le construire avec les partenaires sociaux.

M. le rapporteur général. Je vais essayer d’ici à la séance publique même si les délais sont serrés.

Mme Justine Gruet (DR). Arrêtons les caricatures. Ce dispositif concerne la reprise du travail et non l’arrêt de travail : notre but est d’offrir au salarié qui le souhaite la possibilité de reprendre son activité en télétravail dans des conditions adaptées.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1754 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. La rédaction de l’article L. 321‑1 du code de la Sécurité sociale est ambiguë. Pour clarifier les choses, je m’appuie sur deux arrêts de la Cour de cassation – l’un de juin 2018, l’autre de mai 2025 – selon lesquels « le bénéfice des indemnités journalières est subordonné à la seule constatation de l’incapacité physique de l’assuré de reprendre le travail et que cette incapacité s’analyse non pas dans l’inaptitude de l’assuré à remplir son ancien emploi, mais dans celle d’exercer une activité salariée quelconque ». Reprenant cette jurisprudence vertueuse pour les comptes publics comme pour les employeurs, nous proposons de remplacer le mot « travail » par les mots : « une activité salariée ou non salariée quelconque ».

Par ailleurs, il est actuellement prévu que le médecin du travail, lui-même sollicité par le médecin-conseil de l’assurance maladie, vérifie qu’un assuré en arrêt peut reprendre le travail ou envisager une formation, mais seulement pour les interruptions de plus de trois mois. Je propose de supprimer cette borne temporelle.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1183 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

M. François Gernigon (HOR). Pour les arrêts maladie de courte durée – inférieurs ou égaux à sept jours –, nous introduisons la possibilité pour le salarié, en accord avec son employeur, de rattraper les heures perdues plutôt que de recourir au versement d’indemnités journalières. Cette adaptation répond à un problème d’organisation identifié. Les arrêts longs sont aisés à anticiper, notamment en recourant à des contrats à durée déterminée de remplacement ou à l’intérim. En revanche, les arrêts courts, souvent imprévus et répétés, perturbent le travail des équipes sans laisser le temps à l’employeur de trouver une solution.

En permettant au salarié concerné de récupérer ultérieurement les heures non effectuées, sous réserve d’un accord avec son employeur, la mesure garantit le maintien intégral de son salaire, une souplesse d’organisation pour l’entreprise et une économie pour l’assurance maladie, les indemnités journalières n’étant pas versées lorsque l’accord est activé.

M. le rapporteur général. La combinaison que vous suggérez est bonne : le salarié obtient son arrêt de travail mais il renonce aux indemnités journalières versées par l’assurance maladie en rattrapant les heures non travaillées qui lui sont payées normalement par l’employeur. C’est même une forme de mesure de pouvoir d’achat puisqu’il n’y a aucune perte de revenus. Le calibrage, avec une limite de sept jours, me semble raisonnable. Tout cela va dans le sens de la responsabilité, qu’il s’agisse du budget ou du plein respect de la liberté des contrats.

Avis favorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cela va à l’encontre de la jurisprudence la plus récente en vertu de laquelle les salariés ont la possibilité de reporter leurs congés payés s’ils tombent malades pendant leurs vacances. Un arrêt de travail, ce n’est pas un congé : c’est le temps de se rétablir. Votre mécanisme nie cette finalité en faisant porter au salarié la responsabilité du travail non fait. Ces heures récupérables seraient des heures supplémentaires non payées. Il me semble gravissime de s’approprier le temps de vie des salariés.

M. Philippe Vigier (Dem). Ma lecture est différente de la vôtre. Soulignons d’abord qu’il s’agit d’une simple possibilité laissée aux salariés. En outre, grâce à cette disposition, la rémunération serait maintenue puisque les heures seraient payées normalement alors que les arrêts de travail se traduisent par des pertes de revenus du fait des délais de carence – un jour dans la fonction publique, trois dans le privé, même si 82 % de salariés reçoivent une compensation de leur entreprise. C’est donc plutôt une avancée, fruit du dialogue social.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1216 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (DR). L’augmentation des arrêts maladie que l’on observe depuis quelques années se traduit par une hausse exponentielle des coûts pour notre système de santé. Les arrêts courts engendrent moins de dépenses que les arrêts longs, mais ce sont eux qui augmentent le plus. La croissance ne saurait être corrélée à l’état de santé de la population. Nous proposons, pour endiguer ce phénomène, un « jour de carence dynamique » : il s’agit de relever le délai de carence d’un jour pour chaque nouvel arrêt de travail sur douze mois glissants. Seraient exclus bien sûr les arrêts de travail liés à une affection de longue durée ou à une maladie lourde ou chronique.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

Cela me paraît une excellente idée, d’autant que vous avez intelligemment calibré le mécanisme en prévoyant une durée de douze mois et des exceptions. Le groupe Droite Républicaine avait déjà réfléchi l’année dernière à cette solution mais votre rédaction est beaucoup plus simple. Beaucoup de Français trouveront sans doute responsable cette disposition qui contribue à la maîtrise de nos dépenses. Elle appellera des compléments sur le plan du droit du travail et de la fonction publique.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Votre amendement nie certaines réalités vécues par les femmes. Vous pénalisez toutes celles qui, de manière cyclique, souffrent à cause de leurs règles, du fait notamment de l’endométriose, du syndrome des ovaires polykystiques ou du syndrome prémenstruel. Vous leur imposez une nouvelle taxe après avoir refusé le congé menstruel !

M. Fabien Di Filippo (DR). Ces arguments apportent plutôt de l’eau à mon moulin. Le dispositif que je propose ne s’appliquerait pas aux personnes qui souffrent d’une maladie lourde ou chronique. Et c’est vous qui êtes sexiste en réduisant le problème des arrêts maladie aux problèmes menstruels des femmes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS525 de Mme Élise Leboucher

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement sollicite un rapport sur l’impact sur nos comptes publics de la limitation à trois jours des arrêts de travail prescrits par téléconsultation instaurée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024.

M. le rapporteur général. Vous allez être satisfait : les assises de la télémédecine, lancées en juin dernier, doivent rendre leurs conclusions en janvier 2026.

Demande de retrait.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ce rapport pourrait compléter les travaux des assises. Nous savons que la vérité existe et qu’elle est toujours révolutionnaire !

M. Philippe Vigier (Dem). Je trouve plutôt pertinente cette demande de rapport. Simplement, d’ici à la séance publique, il serait bon d’ajouter parmi les questions à explorer les raisons de l’explosion du nombre de téléconsultations pendant le covid‑19.

La commission rejette l’amendement.

Article 29 : Limiter la durée d’indemnisation des arrêts de travail des assurés ne relevant pas du dispositif de l’affection de longue durée

Amendements de suppression AS17 de Mme Sandrine Runel, AS357 de M. Hadrien Clouet, AS731 de M. Paul-André Colombani et AS1672 Mme Sandrine Rousseau

M. Arnaud Simion (SOC). Après avoir réduit la durée des arrêts maladie, le Gouvernement veut faire basculer le régime d’indemnisation des arrêts de travail des personnes atteintes d’une affection de longue durée non exonérante, comme l’épilepsie ou l’arthrose, dans le droit commun. Il cherche ainsi à faire des économies en pénalisant les patients plutôt que de s’attaquer aux causes de ces affections, privilégiant une logique comptable au détriment de la santé publique. C’est une injustice sociale et sanitaire qui stigmatise des malades aux parcours souvent épuisants. Par l’amendement AS17, nous demandons la suppression de ce recul majeur.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le fil rouge de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est de faire passer à la caisse les malades chroniques : suppression du régime des affections de longue durée non exonérantes au bout d’un an, déremboursements, franchises médicales, participations forfaitaires. Vous tapez toujours sur les mêmes. Les personnes atteintes d’une affection de longue durée non exonérante ne peuvent pas travailler et vous voulez leur retirer le peu de droits qu’elles ont pu arracher : c’est une double peine pour elles. Ce n’est pas parce que vous réduisez l’indemnisation des gens qu’ils iront mieux. Arrêtons les frais et supprimons cet article !

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous voulons aussi supprimer cet article. Les affections exonérantes comme le diabète ou le cancer, recensées dans une liste, ouvrent droit à une prise en charge intégrale. Parmi les affections non exonérantes figurent des situations graves – par exemple les suites d’un accident de la route qui immobilise pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Retirer aux personnes qui en sont atteintes le bénéfice du compteur de 1 095 jours d’indemnités journalières sur trois ans ou l’application de règles spécifiques pour les délais de carence serait une mauvaise chose.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je vais donner à une partie des membres de cette commission une raison de supprimer cet article en parlant dans leur langue : la productivité dans la sphère du travail dépend de la bonne santé des travailleurs. En vue d’une pleine reconstitution de la force de travail, il faut s’abstenir de porter atteinte aux arrêts maladie. Cet article est une attaque de plus contre les plus fragiles, les plus vulnérables, les malades, bref, contre toutes les personnes que nous devrions chercher à protéger.

M. le rapporteur général. Un problème se pose : l’assurance maladie a utilisé les termes d’affection de longue durée non exonérante pour désigner des pathologies qui ne sont pas des affections de longue durée. Il s’agit d’affections longues, nécessitant plus de six mois de soins, et lourdes au point d’ouvrir droit à l’attribution d’indemnités journalières sans limitation de durée, comme pour les affections de longue durée proprement dites, mais pas à l’exonération du ticket modérateur.

Je ne défends pas aveuglément le Gouvernement mais la mesure proposée me semble équilibrée : limiter les indemnités journalières à 360 jours par période de trois ans. Cette borne, celle du droit commun, est très élevée mais nous pouvons toujours discuter de ce plafond.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Soyons clairs : il est proposé de limiter les droits de personnes atteintes de dépression sévère, de glaucome, d’arthrose... Vous votez ce que vous voulez, mais c’est dit.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je voterai contre ces amendements de suppression car j’estime nécessaire de débattre du régime des affections de longue durée et de réfléchir à leur financement, qui doit se concentrer sur les personnes qui en ont le plus besoin. Il y a toutefois des précisions à apporter et je proposerai un amendement pour en discuter.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis choquée. Notre rôle, en tant que parlementaires, est d’améliorer la santé de tous. Nous assistons à une explosion des dépressions et des troubles musculosquelettiques. Nous devrions nous demander quels dysfonctionnements dans notre société, dans les conditions de travail en particulier, provoquent une telle souffrance. Face à ce problème, que faites-vous ? Vous cherchez des sous ! C’est inacceptable sur le plan humain mais aussi absurde sur le plan économique car en vous attaquant aux droits de ces personnes, vous les empêchez d’être assez en forme pour reprendre leur travail.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Pour un diabète, la prise en charge en affection de longue durée est quasiment automatique. Pour une affection non exonérante, l’attribution est précédée d’une discussion entre le médecin traitant et le médecin de la caisse. Il ne faut pas toucher à cette durée de trois ans : si vous avez les deux jambes cassées dans un accident, il vous sera difficile de revenir travailler au bout d’un an.

M. le rapporteur général. M. Colombani a raison d’insister sur le rôle du médecin. On ne peut qu’être sensibles aux cas que vous mentionnez : nous sommes là aussi pour veiller à toutes les personnes malades. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous préoccupons de la bonne santé de la Sécurité sociale : c’est un préalable pour qu’elle soit en mesure de prendre soin de ceux qui en ont besoin.

J’ai entendu certains propos qui vont loin. Je ne nie pas que des réductions de droits sont envisagées mais le caractère limité des modifications apportées au régime des affections de longue durée non exonérantes invite à être plus nuancé.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1077 de M. Jean-François Rousset

M. Jean-François Rousset (EPR). Cet amendement ne remet pas en cause les modifications auxquelles procède l’article 29. Il les entoure de précautions dans un esprit de responsabilité. Des milliers de patients vivent avec des pathologies chroniques parfois invalidantes qui nécessitent un suivi régulier et une coordination spécifique. Ils ne bénéficient pas de remboursements à 100 % mais ils profitent d’un cadre qui reconnaît la singularité de leur situation, notamment pour les arrêts de longue durée. Supprimer ce dispositif sans évaluation préalable, c’est prendre le risque de fragiliser ces parcours de soins et de créer des ruptures dans la prise en charge.

Je vous propose de conditionner l’extinction du régime dérogatoire des affections de longue durée non exonérantes à la publication d’un rapport de la Haute Autorité de santé. Celui-ci dressera l’état des connaissances scientifiques, médicales et épidémiologiques relatives aux maladies concernées, et formulera, le cas échéant, des recommandations pour une transition sécurisée et équitable vers le droit commun.

M. le rapporteur général. Il me semble que nous disposons déjà de nombreuses publications scientifiques et administratives au sujet des affections de longue durée. En réalité, subordonner l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles à la publication d’un rapport me paraît revenir à supprimer l’article 29.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle rejette l’article 29.

Article 30 : Mise en place d’un cadre de certification et de prise en charge des systèmes d’aide à la décision médicale

Amendement AS1769 rectifié de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. Mon amendement met la rédaction de l’article 30 en cohérence avec l’étude d’impact. Il doit viser les systèmes d’aide à la décision médicale, et non des logiciels d’aide à la prescription. En conséquence, il importe de supprimer la référence à la certification par la Haute Autorité de santé qui ne s’applique qu’auxdits logiciels.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, les amendements identiques AS18 de Mme Sandrine Runel et AS1024 de Mme Karine Lebon tombent.

Amendement AS359 de M. Damien Maudet

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Par cet amendement, nous voulons préciser que ces logiciels contribuent à l’amélioration de la « qualité » des soins plutôt que de leur « pertinence ». Nous savons que dans l’esprit du Gouvernement, rechercher la pertinence revient à faire des économies. Je vous renvoie à la déclaration horrible que la ministre chargée de la santé a prononcée ce matin.

M. le rapporteur général. Tout le monde vise, bien sûr, la qualité des soins. Mais je ne vois pas comment parvenir à mesurer, à l’échelle de chaque praticien, l’amélioration qui découlerait du recours à un système d’aide à la décision médicale. La pertinence renvoie à des économies chiffrées quantifiables. La qualité n’est pas facilement mesurable, nous le voyons bien avec l’incitation financière à l’amélioration de la qualité.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Cessons d’associer la pertinence aux économies. La pertinence, c’est le bon soin au bon patient, au juste prix et au bon endroit.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame Vidal, votre définition, qui associe la pertinence à la qualité des soins, contredit l’intervention du rapporteur. Notre amendement dénonce vos politiques. Pour l’hôpital et la santé en général, vous passez votre temps à vous demander comment faire des économies et à les imposer pour compenser les exonérations de cotisations sociales distribuées sans frein aux entreprises, sans aucun résultat. Et quand nous voulons remettre un peu de justice et de raison dans ces exonérations, vous vous y opposez. Nous refusons que des logiciels viennent accroître encore la pression. C’est de qualité que notre système de santé a besoin, pas de logiques comptables.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS358 de Mme Élise Leboucher

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par cet amendement, il s’agit d’instaurer des garde-fous en nous assurant que ces logiciels constituent un appui, mais ne contraignent pas les prescriptions des médecins et ne freinent pas non plus l’accès aux soins.

M. le rapporteur général. Le praticien garde une liberté de prescription. Le logiciel, comme son nom l’indique, a pour objet de l’aider. Il n’est pas contraignant. Je suis le premier à m’opposer à des diminutions de crédits injustifiées, à des coups de rabot qui se retournent contre les bénéficiaires de notre système de santé. À côté de cela, il y a des économies intelligentes à faire ; les exemples abondent dans nos territoires. On pourrait se passer de certains actes, inutiles ou redondants, comme de certains médicaments. Cela rejoint, dans une perspective écologique qui est souvent la vôtre, la volonté de mieux consommer. Cela n’est pas uniquement motivé par des raisons économiques mais aussi par des préoccupations liées à la santé du patient. Le système d’aide peut faire prendre conscience qu’un acte n’est pas pertinent et, ainsi, l’éviter. Je ne sais pas si cela fonctionnera parfaitement mais il ne faut pas s’opposer à tout par principe. Dans le cadre des efforts menés pour améliorer le système de santé, le développement de la prévention doit aller de pair avec l’amélioration de la pertinence des soins.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Un outil n’est pas bon ou mauvais en soi : il est ce que l’on en fait. Nous proposons une définition bordée, qui n’empêche pas l’aide à la décision. Il nous semble préférable que ce soit un humain qui décide de la pertinence d’un acte, plutôt qu’une machine. Il faut s’assurer que l’outil est toujours utilisé à bon escient et qu’il ne devient pas un frein parce qu’il aurait été calibré de telle ou telle manière. Définir les choses d’emblée permettrait de se prémunir contre ce genre de problèmes.

M. Jean-François Rousset (EPR). Les médecins sont demandeurs d’aide au diagnostic et au traitement. En effet, la médecine est devenue de plus en plus technique et sophistiquée. Je citerai deux exemples. En matière de diagnostic, l’examen radiologique le plus fréquent est la radiographie du crâne standard trois profils, qui est complexe et n’a aucune utilité. À la longue, ce type d’irradiations pourrait entraîner une maladie dégénérative. En matière de traitement, on utilise mal, parfois trop souvent, les antibiotiques, ce qui crée des résistances. L’aide au traitement, qui recourt à des applications remarquables, permet de prescrire le traitement le plus adapté en tenant compte par exemple des épidémies du moment. Les généralistes ne voient parfois que trois fois dans leur vie certaines maladies, comme la leptospirose. Il convient de favoriser les aides au diagnostic, qui doivent être sécurisées et bien utilisées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS360 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il s’agit, par cet amendement, de s’assurer que les données fournies par le logiciel d’aide au diagnostic ne seront à aucun moment opposées au prescripteur ou au patient – en justice ou par la Sécurité sociale, par exemple. La décision doit rester humaine.

M. le rapporteur général. Je comprends votre crainte, mais elle n’est pas fondée. Le texte ne crée pas de malus. Au contraire, il prévoit la possibilité de recevoir un bonus. Les systèmes d’aide ne pourront pas envoyer à l’assurance maladie les données relatives à un médecin ; il faudrait, pour cela, qu’on les autorise explicitement à le faire, ce que ne prévoit pas l’article.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Pour le moment, ce n’est pas le cas. Je propose que l’on s’assure dès maintenant que cela n’arrivera pas.

M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis opposé à l’amendement. Les médecins sont preneurs de l’évaluation car elle permet d’améliorer les choses. J’avais déposé un amendement, déclaré irrecevable, destiné à soutenir la recherche publique vers la désescalade thérapeutique. Cette dernière, qui permet une économie de moyens, est de plus en plus utilisée dans le traitement des cancers. On s’appuie sur l’évaluation pour réduire la quantité de médicaments, adapter le traitement, etc.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les propos de M. Lauzzana me paraissent fondés. Je ne comprends pas pourquoi le projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’a pas repris une des propositions du rapport « Charges et produits » qui est de faire financer par les laboratoires pharmaceutiques les essais en lien avec la désescalade thérapeutique. On sait que, pour certaines pathologies, il y a de la surprescription. Voilà une mesure d’économie – qui se chiffrerait en dizaines, voire en centaines de millions d’euros – qui n’affecterait ni les assurés sociaux ni les patients. Peut-être pourra-t-on amender en ce sens en séance publique, ou tout au moins convaincre le Gouvernement de s’orienter dans cette direction.

M. le rapporteur général. Monsieur Lauzzana, votre idée est intéressante. Je suis favorable à la désescalade thérapeutique. Nous allons regarder pourquoi votre amendement a été déclaré irrecevable. S’il crée une charge, je vous invite à prendre l’attache du Gouvernement, qui pourrait reprendre votre disposition. C’est une mesure qui n’aurait pas d’impact direct sur les dépenses d’assurance maladie : on pourrait donc considérer qu’elle ne se rattache pas à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, même si elle mériterait d’être examinée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS732 de M. Paul-André Colombani

M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement complète les critères d’intéressement prévus pour les logiciels d’aide à la décision médicale, afin que le financement ne dépende pas uniquement des économies pour l’assurance maladie. L’article 30 prévoit un intéressement des exploitants fondé uniquement sur les gains financiers, ce qui pourrait encourager des décisions axées sur la réduction des dépenses au détriment de la qualité ou de la pertinence médicale des prescriptions.

M. le rapporteur général. Je ne pense pas que l’on pourra faire de la dentelle et aller voir dans quelle mesure ces logiciels améliorent aussi la qualité et l’intérêt thérapeutique des soins. Il faut prendre en compte le caractère mesurable des choses de manière simple et opérationnelle. Toutefois, je vous rejoins sur les objectifs d’amélioration de la pertinence médicale, de qualité des prescriptions et d’intérêt thérapeutique des soins dispensés.

Sagesse.

M. Michel Lauzzana (EPR). Comment cela s’articule-t-il avec la rémunération sur objectifs de santé publique, qui prévoit des mesures destinées à inciter les médecins à utiliser l’outil numérique ?

M. le rapporteur général. En l’occurrence, nous discutons de la rémunération des exploitants de logiciels d’aide à la prescription, non de celle des médecins.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 30 modifié.

Article 31 : Systématiser l’utilisation de Mon espace santé par les professionnels de santé

Amendement AS363 de Mme Élise Leboucher

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité offerte à l’assurance maladie de prononcer des pénalités financières à l’encontre des professionnels de santé en fonction du taux de report dans le dossier médical partagé des patients. Vous cherchez à faire primer la logique du chiffre sur celle du soin en transformant un acte censé être au service du patient en une obligation administrative, qui risque d’être contreproductive. Rappelons que la création d’un dossier médical partagé n’est pas obligatoire. L’article instaure une pénalité pouvant atteindre 2 500 euros, soit l’équivalent de l’astreinte qui peut être exigée des laboratoires pharmaceutiques qui ne se conforment pas à leurs obligations en matière de stock de sécurité des médicaments. On nous a souvent dit que ces astreintes étaient démesurées mais, lorsqu’il s’agit des professionnels de santé, cela ne pose pas de problème, ce qui montre bien qu’il y a deux poids et deux mesures.

M. le rapporteur général. Cet article a une portée limitée. Les pénalités ne pourront pas dépasser un certain plafond. Il y a des garanties. Aucune pénalité ne sera appliquée de manière prématurée et injustifiée. Avant d’être sanctionné, le professionnel sera averti et mis en mesure de présenter ses observations. Le message me semble devoir être passé. Si l’établissement n’a pas mis en place l’infrastructure nécessaire en matière de systèmes d’information, sa responsabilité se substituera à celle du professionnel salarié. Concernant la médecine de ville, la pénalité ne sera applicable que si le professionnel dispose de logiciels à jour et fonctionnels, ce qui n’est toujours pas le cas pour certaines spécialités. Il faut s’efforcer d’avoir un espace santé partagé qui fonctionne.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Je soutiens l’amendement car, pour l’heure, le dossier médical partagé fonctionne mal. Les professionnels y accèdent difficilement. Peut-être pourra-t-on en rediscuter d’ici un an mais il n’est pas possible, en l’état actuel des choses, de sanctionner les professionnels de santé, qui essaient tant bien que mal d’utiliser le système.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1519 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). L’alimentation du dossier médical partagé par les professionnels de santé libéraux est un enjeu majeur de coordination, de pertinence et de qualité des soins. Cependant, l’obligation d’alimentation n’est parfois pas effective, faute d’outils adaptés. Or, malgré les promesses du Ségur du numérique en santé, plusieurs professions de santé libérales, dont les kinésithérapeutes, ne bénéficient toujours pas des logiciels adéquats. Avant de prévoir des sanctions, il est indispensable que les pouvoirs publics s’assurent de la possibilité d’appliquer concrètement cette obligation. Cet amendement vise à fixer par le biais des négociations conventionnelles, plutôt que par la loi, les dispositifs d’incitation et de sanction concernant le report d’informations. Je plaide pour une automatisation du processus afin d’épargner aux professionnels une lourdeur administrative excessive.

M. le rapporteur général. La mesure que vous proposez se heurte à une difficulté : elle laisserait de côté tous les professionnels exerçant en établissement. Il est essentiel d’avancer sur l’utilisation du dossier médical partagé et sur l’amélioration de la pertinence, en particulier dans les établissements. On voit bien, en effet, que des actes redondants y ont lieu faute de consultation du dossier partagé. Cela étant, je donnerai un avis favorable à l’amendement AS1784, qui reporte à 2028 l’application des pénalités.

Mme Justine Gruet (DR). Pourrait-on emprunter la voie conventionnelle pour la médecine de ville et prévoir, pour les établissements hospitaliers voire médico-sociaux la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ? Les enjeux et le mode de fonctionnement diffèrent en effet dans l’un et l’autre cas.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). On ne peut qu’être favorable à l’esprit du texte. La consultation systématique du dossier médical partagé ferait gagner du temps aux professionnels, permettrait une meilleure coordination des soins, éviterait des prescriptions inutiles, et procurerait donc des économies. En revanche, on peut nourrir un doute quant aux moyens. Peut-être serait-il souhaitable de créer, au préalable, une forte incitation à l’utilisation du dossier médical partagé, dont le fonctionnement devrait être amélioré. Le code de la santé publique prévoit déjà, en ses articles L. 1111‑14 et L. 1111‑15, l’obligation de consultation et d’alimentation. Il faut rappeler que cet outil devrait être utilisé, demain, par la totalité des professionnels de santé.

M. le rapporteur général. Je donnerai un avis favorable à l’amendement AS1101 de M. Rousset, qui ajoute l’alinéa suivant : « L’application de cet article est conditionnée à l’harmonisation du système numérique du dossier médical partagé permettant aux professionnels et structures concernés de l’alimenter et d’en faciliter la consultation ». En outre, comme je l’ai dit, je suis favorable à un report des pénalités au 1er janvier 2028. On ne pourrait sécuriser davantage les choses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS364 de M. Damien Maudet

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Promouvoir le dossier médical partagé est une bonne idée. L’imposer au moyen de sanctions financières l’est beaucoup moins. Cette mesure amplifie la politique austéritaire et de contrôle autoritaire. Alors que les services hospitaliers souffrent d’une insuffisance chronique de moyens humains et matériels, voilà que le Gouvernement entend les punir, dans le cas où ils n’auraient pas le temps de remplir le dossier médical partagé, par des amendes pouvant atteindre 100 000 euros par an ! Celles-ci retomberont naturellement sur les patients. Nous défendons les établissements publics hospitaliers et ceux qui les tiennent à bout de bras. Nous appelons le Gouvernement à trouver d’autres moyens de promouvoir le dossier médical partagé.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Nous devons aussi faire en sorte que les établissements s’engagent. Cet article ne rend pas les sanctions automatiques : celles-ci sont modulables et plafonnées.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS1025 de Mme Karine Lebon et AS1248 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

M. Yannick Monnet (GDR). Par l’amendement AS1025, nous proposons de sanctionner les éditeurs de logiciels défaillants, ce qui arrive souvent.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS1248 est défendu.

M. le rapporteur général. Ces sociétés subissent, d’une certaine manière, la sanction du marché si leurs produits sont insatisfaisants. Néanmoins, on pourrait envisager qu’elles soient sanctionnées en lieu et place des professionnels de santé.

Sagesse.

M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens ces amendements. Le marché des logiciels ne comporte que quatre ou cinq acteurs, qui ont la main sur tout et qui se refusent à assurer l’interopérabilité des systèmes et à transmettre les données, au motif d’une trop grande complexité. Les praticiens sont entre les mains de ces entreprises, qui font payer très cher le développement et la maintenance des applications.

M. le rapporteur général. Je tiens tout de même à rappeler que des systèmes ont été développés par les établissements eux-mêmes, parfois avec le soutien financier des collectivités locales.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS176 de Mme Sandrine Runel

Mme Sandrine Runel (SOC). Le dossier médical partagé est un outil efficace, qui permet à tous les professionnels de santé d’accéder aux mêmes informations relatives à un patient donné et favorise la pertinence des soins. Toutefois, le taux d’alimentation n’était que de 29 % en 2024, tous secteurs d’activité confondus – les laboratoires de biologie médicale, par exemple, se pliant fort peu à l’exercice. Nous proposons de systématiser l’utilisation du dossier médical partagé, ce qui permettrait des économies, en dehors des avantages déjà évoqués, sans que cela n’affecte en rien les assurés sociaux ni la qualité de la prise en charge.

M. le rapporteur général. Vous proposez de réduire d’autorité le tarif des actes qui n’ont pas fait l’objet d’un report dans le dossier médical partagé. Cette proposition me semble brutale et difficilement applicable, car la Caisse nationale de l’assurance maladie ne pourra jamais vérifier que le dossier médical partagé a été renseigné pour chaque acte. Je préfère m’en tenir au dispositif proposé, qui allie pédagogie et à terme sanction, en se fondant sur des niveaux d’alimentation généraux des dossiers médicaux partagés des patients.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous nous opposons à cet amendement. La situation d’errance que nous connaissons au sujet du dossier partagé depuis vingt-cinq ans a coûté des sommes folles. Ce n’est pas aux médecins, aujourd’hui, de régler l’addition. Le dossier médical partagé est certes un outil très utile et théoriquement obligatoire. Mais il n’est toujours pas généralisé. Le problème des comptes de la Sécurité sociale vient en grande partie d’un système informatique insuffisant, largement obsolète, dont on se demande même si les dirigeants des caisses souhaitent qu’il s’améliore.

La commission rejette l’amendement.


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Amendement AS362 de M. Hadrien Clouet

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Par cet amendement, nous demandons la suppression de la pénalité financière infligée aux professionnels de santé qui n’auraient pas consulté le dossier médical partagé avant de prescrire un acte. C’est une mesure injuste et absurde. On prétend vouloir faire des économies mais on pénalise les médecins au lieu de leur redonner du temps médical. On leur demande de passer du temps derrière un écran à cocher des cases pendant que les patients attendent. Au passage, on fait peser une nouvelle suspicion sur les patients, supposés abuser du système, comme sur les soignants, suspectés de surprescrire. La santé est un droit, pas une variable d’ajustement budgétaire.

M. le rapporteur général. Vous parlez d’injustice et d’absurdité. Il ne s’agit que d’un système d’aide. Avant de rédiger une prescription onéreuse, la moindre des choses est que le médecin consulte le dossier médical partagé pour certaines vérifications.

La suppression de ce dispositif reviendrait à rétablir celui voté en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, qui oblige les patients à produire un formulaire certifiant que le médecin a bien consulté le dossier médical partagé pour obtenir le remboursement. Je ne suis pas sûr que ce dispositif soit préférable, car il pèse au moins autant sur le patient que sur le prescripteur.

Le mécanisme prévu n’impose pas une consultation systématique du dossier médical partagé. Un médecin traitant qui connaît bien son patient n’aura pas besoin d’accéder à chaque fois à l’historique. Il faut être pragmatique. La rédaction actuelle me paraît adaptée.

M. Philippe Vigier (Dem). Si le médecin ne vous connaît pas, il saura, grâce au dossier médical partagé, quels praticiens vous avez consultés, quels soins vous ont été prodigués, quels médicaments vous ont été délivrés. C’est un outil d’accompagnement. Parfois, dans les établissements privés, on n’arrive pas à lire l’imagerie par résonance magnétique réalisée à l’hôpital, ce qui oblige à en faire une autre. Le système proposé permettrait un réel gain. Quant au temps administratif, il sera réduit car, grâce à l’informatique, il n’est plus nécessaire de tout retranscrire par écrit.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1784 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

M. François Gernigon (HOR). Afin de garantir l’applicabilité des obligations définies par l’article 31 et le respect de l’équité entre les professionnels, nous proposons de reporter à 2028 l’entrée en vigueur des pénalités en cas de non-alimentation ou de non-consultation du dossier médical partagé.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS1078 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS1101 de M. Jean-François Rousset (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Cet amendement conditionne l’obligation de renseignement du dossier médical partagé à l’opérationnalité effective du carnet de vaccination numérique dans Mon espace santé. Patients et médecins s’accordent sur l’utilité du dossier médical partagé, qu’il faut promouvoir. Toutefois, la difficulté provient de son caractère insuffisamment opérationnel. Le professionnel de santé doit avoir un accès simple au dispositif. La Caisse nationale de l’assurance maladie avait promis, avant le covid‑19, un carnet de vaccination numérique opérationnel, ce qui n’est toujours pas le cas. Je suis favorable à ce que l’on mette davantage à contribution les éditeurs de logiciels mais cela n’est pas envisageable tant que le dossier médical partagé n’est pas structuré. De même, avant que cet objectif ne soit atteint, on peut difficilement imposer des obligations aux médecins. Le système doit être conçu de telle manière qu’en un clic, le patient ou le médecin puisse consulter le dossier partagé.

M. Jean-François Rousset (EPR). La deuxième vague du Ségur numérique pour les professionnels et le programme cyber accélération et résilience des établissements de santé sont en cours de mise en œuvre. Ils permettront à certains logiciels métiers d’entrer des données dans le dossier médical partagé. Cet amendement conditionne l’application de la procédure de sanction à l’harmonisation des logiciels numériques. L’objectif est que tous les logiciels métiers des professionnels de santé, des établissements et des structures médico-sociales permettent le transfert automatique des données et en facilitent la consultation. Il convient de donner aux professionnels la capacité de respecter leurs obligations.

M. le rapporteur général. L’amendement AS1078 se focalise sur la vaccination. Or nous devons agir sur l’ensemble des usages du dossier médical partagé. C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter l’amendement de M. Rousset, sur lequel j’émets un avis favorable. Je vous alerte toutefois : il est en discussion commune avec l’amendement de M. Isaac-Sibille, à qui je demande de bien vouloir le retirer. S’il ne le souhaite pas, je vous invite alors à ne pas l’adopter car cela ferait tomber celui de M. Rousset.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends l’intention de mon collègue Rousset mais je trouve son amendement trop ambitieux. Cela fait cinq ou six ans que je demande la mise en place d’un carnet de vaccination, et l’assurance maladie n’est toujours pas en mesure de le faire. Si vous lui demandez de tout faire, rien ne se fera jamais. Je préfère que l’on avance petit à petit, en commençant par le carnet de vaccination. Si nous y parvenons, nous aurons fait un grand pas et nous pourrons envisager d’aller plus loin.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je suis pour l’amendement de M. Rousset. Une forte ambition est nécessaire car nous avons besoin d’améliorer ces outils. Nous devons mettre la pression sur les éditeurs de logiciels pour que la transmission ait un caractère automatique, tout en conservant la possibilité pour les médecins de ne pas le faire. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité retenir la date proposée par l’amendement précédent, à savoir 2028.

La commission adopte l’amendement AS1078.

En conséquence, l’amendement AS1101 tombe.

La commission adopte l’article 31 modifié.

Après l’article 31

Amendements AS1155 de M. Laurent Wauquiez et AS1441 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (DR). Plusieurs rapports ont remis en cause, ces dernières années, l’opacité et le coût du titre de séjour pour soins. Selon le rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration de 2023, la France dispose d’un système unique au monde se situant bien au-delà des obligations qui s’imposent aux pays européens. Par ailleurs, le rapport de 2023 sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, de Véronique Louwagie, dénonçait des critères flous, précisant qu’il existe des dispositifs de prise en charge des étrangers ne résidant pas habituellement en France, en particulier pour des soins urgents.

Aussi, l’amendement AS1155 remet en cause le fonctionnement actuel du titre de séjour pour soins en empêchant tout remboursement de la Sécurité sociale. Cela ne signifie pas qu’un étranger possédant un titre de séjour pour soins ne sera pas soigné, mais simplement qu’il paiera ses frais médicaux.

M. Fabien Di Filippo (DR). Je souhaite la suppression du titre de séjour pour soins. Le nombre de demandes d’admission a connu une forte augmentation, quasiment 200 000 demandes entre 2017 et 2022, alors que le taux d’avis favorables se limite à un sur deux, ou à peine plus.

Les exemples ne manquent pas de gens venant de Djibouti pour une procréation médicale assistée, venant d’Afrique parce que le grammage des médicaments disponibles n’est pas le même dans leur pays ou, encore mieux, de patients venant de pays très avancés, y compris dans le domaine des soins, pour se faire soigner aux frais du contribuable français – on parle de quelque 5 600 demandes.

Au-delà de cette problématique, le dispositif a été dévoyé par des personnes dont la demande de régularisation a été rejetée et qui tentent d’obtenir un titre de séjour pour soins. Ce dernier n’a absolument plus lieu d’être.

M. le rapporteur général. Je partage l’avis que le dispositif a été dévoyé. Les excès sont documentés. Mais ce qui m’a le plus marqué, ce sont les rapports successifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration indiquant que la France va très loin en la matière, y compris pour des personnes venant des États-Unis, du Canada ou de Suisse dans le but de bénéficier de notre système très généreux à leur égard.

S’il faut réformer ce dispositif, je ne crois pas que vos amendements proposent une solution opérationnelle. Nous risquerions de perdre ceux que l’on souhaitait initialement prendre en charge, c’est-à-dire des étrangers entrés régulièrement en France, qui tombent gravement malades et qui ne peuvent être pris en charge dans leur pays d’origine. Je vous invite donc à retravailler votre dispositif pour préserver l’idée initiale tout en évitant les abus.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Je vois bien les manœuvres qui consistent à tout mélanger – ceux qui ont le titre de séjour pour étrangers malades, et des cas particuliers cités sans avoir connaissance des dossiers médicaux des personnes – afin de fonder une sorte de mythe autour d’un tourisme médical venant de l’étranger.

Or la réalité n’est pas celle-là. Tout d’abord, le nombre de titres de séjour pour étrangers malades a baissé depuis 2016. Il est encadré et concerne majoritairement hépatite, tuberculose, virus de l’immunodéficience humaine et maladie rénale sévère. Surtout, la grande majorité de ces titres est accordée non à des gens qui viennent en France se faire soigner, mais à ceux qui découvrent leur pathologie alors qu’ils se trouvent en France. Vous pouvez inventer ce qui vous arrange, mais ces chiffres sont confirmés par le monde médical.

Nous avons vu, ces derniers jours, à quel point les relents xénophobes pouvaient faire dire des contrevérités. Il faut absolument préserver ce titre, tant pour les personnes que pour la santé publique en général.

M. le rapporteur général. J’essaie d’être mesuré et équilibré dans mes propos. Je ne suis pas sûr qu’on puisse dire qu’il y a un mythe. S’agissant des maladies graves, il n’est pas question de refuser de les prendre en charge : nous devons être au rendez-vous en matière de santé publique. Mais l’Office français de l’immigration et de l’intégration lui-même affirme que la politique de la France a connu une évolution qui ne se justifie pas au regard des autres pays. Traiter les excès en continuant à prendre en charge ceux qui ont besoin de l’être, voilà l’esprit qui m’anime.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous soutenons ces amendements, mais avec une précision préalable. Manifestement, vous parlez d’un des cinq dispositifs permettant à des étrangers, européens ou non, de se faire soigner sur notre territoire, en l’occurrence le dispositif pour pathologies particulièrement graves, et qui n’auraient pas la possibilité d’être traités dans leur pays d’origine. Il s’agit d’un domaine précis, contrôlé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui remet chaque année un rapport éclairant sur ce sujet. Ces pathologies sont particulièrement lourdes et coûteuses, et nous n’avons aucune assurance quant aux récupérations des créances. En effet, il devrait s’agir d’une avance et non de paiements directs par la caisse de Sécurité sociale française. À tout le moins, si ce dispositif est respecté, il nécessite un titre de séjour.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS838 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). La téléconsultation, qui a pris son essor avec l’épidémie de covid‑19, joue un rôle important pour les patients. Or, certaines cabines ont été installées dans des locaux commerciaux alimentaires. La Caisse nationale de l’assurance maladie a dénoncé ce choix d’implantation car il soulève des questions d’hygiène, de salubrité et de confidentialité. Cela ne répond pas non plus aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Il est essentiel de stabiliser la régulation de la téléconsultation et d’encadrer l’implantation des dispositifs connectés.

M. le rapporteur général. Notre commission a déjà débattu, ces dernières années, de la question du lieu d’implantation. On ne prévoit pas de téléconsultation dans un supermarché ou dans un lieu commercial. Une réponse par voie réglementaire a été apportée pour encadrer les lieux de téléconsultation, en reprenant la recommandation de la Haute Autorité de santé datant du 29 février 2024, Lieux et conditions d’environnement pour la réalisation d’une téléconsultation ou d’un télésoin.

Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

L’amendement est retiré.

Article 32 : Lutter contre le gaspillage des produits de santé

Amendement AS682 de M. Guillaume Florquin

M. Guillaume Florquin (RN). Cet amendement étend l’expérimentation de redispensation des médicaments non utilisés, ouverte aux établissements et services sociaux et médico-sociaux – établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, maisons d’accueil spécialisées, foyers d’accueil médicalisés, instituts médico-éducatifs, services de soins infirmiers à domicile –, qui gèrent chaque année des stocks significatifs de médicaments non entamés et encore conformes dans des conditions de conservation et de traçabilité encadrées. En les intégrant au dispositif, il devient possible de réduire le gaspillage pharmaceutique, de valoriser les produits sûrs et d’associer le secteur médico-social à la politique d’efficience du médicament. Cette extension est sans incidence financière directe et conduite à moyens constants par les organismes de Sécurité sociale. Cela répond à la volonté du projet de loi de financement de la Sécurité sociale de lutter contre le gaspillage et de sécuriser le circuit du médicament.

M. le rapporteur général. Votre amendement part d’une bonne intention. Il se heurte à deux limites. La première réside dans le faible nombre d’établissements sociaux et médico-sociaux disposant de pharmacies à usage intérieur, peu rentables du fait de leur financement par le forfait soins. La deuxième tient au fait que de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux conventionnent avec des officines de ville pour la gestion de leur pharmacie, ce qui limite la traçabilité des produits redispensés et pose des difficultés pour assurer la sécurité des patients. Votre amendement compliquerait le suivi des circuits d’approvisionnement, sans pour autant permettre de réduire sensiblement le gaspillage en produits de santé.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Guillaume Florquin (RN). Je maintiens mon amendement. De nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent récupérer les médicaments de leurs patients, qui arrivent avec des valises entières de médicaments non utilisés. Des professionnels m’ont dit que c’était tout à fait concevable et que cela limiterait le gaspillage.

Mme Brigitte Liso (EPR). Je soutiens cet amendement car il permettrait de faire de véritables économies sans affecter les patients. J’avais moi-même déposé un amendement visant à étendre l’expérimentation aux pharmacies d’officine pour les mêmes raisons, puis je l’ai retiré pour le réécrire car il soulevait en effet un problème de traçabilité. Mais, sur le fond, on ne peut qu’être d’accord.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1026 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Les dates de péremption des médicaments, souvent fixées à trois ans, sont arbitraires et sous-estiment la stabilité réelle de nombreux produits. Plusieurs études scientifiques montrent que la majorité des médicaments restent efficaces et sûrs au-delà. Aux États-Unis, un programme mené par l’autorité des médicaments a permis de prolonger la durée de conservation de 88 % des lots testés, pour une durée moyenne de 66 mois, et seuls 18 % des produits ont dû être retirés en raison d’un défaut de stabilité.

Une évaluation similaire en France permettrait de réduire le gaspillage, de faire baisser les coûts financiers comme environnementaux et de lutter contre les pénuries. L’objectif de cet amendement est d’inclure cette question dans le rapport prévu à l’article 32.

M. le rapporteur général. Le rapport prévu à l’article 32 vise les effets potentiels de l’extension de la date de péremption des médicaments dans le cadre de l’expérimentation. Votre amendement va au-delà de ce cadre. Je ne suis pas convaincu.

Mme Justine Gruet (DR). Je suis hostile à cet amendement. Il faut faire confiance aux autorisations de mise sur le marché. Le médicament est une question qu’il faut traiter dans sa globalité. En revanche, nous pouvons tomber d’accord sur le reconditionnement, qui permettrait une distribution individualisée avec le nombre précis de médicaments prescrits. Je sais que ce serait une révolution dans le monde de la pharmacie mais cela permettrait de répondre aux besoins tout en faisant des économies.

Je m’interroge sur le reconditionnement du matériel médical – fauteuils roulants, lits, béquilles –, même si ce n’est pas l’objet de l’amendement. Dans le Jura, il existe une expérimentation afin de redonner une seconde vie à ces objets. À l’heure où l’on parle de recyclage, il est de notre devoir de législateur de faire mieux avec ce qui nous est donné.

M. Michel Lauzzana (EPR). Il y a des médicaments dont on peut prolonger la durée de vie, par exemple les collyres, que l’on peut conserver bien au-delà de leur durée de péremption une fois ouverts. Nous avons des progrès à faire et nous devons prêter attention aux coûts. Je suis donc d’accord sur le fond. De plus, s’agissant d’un amendement visant à compléter un rapport, ce sera une manière d’interpeller la ministre.

M. le rapporteur général. L’article 32 a pour objet une expérimentation sur la redispensation. Il prévoit un rapport d’évaluation de cette expérimentation. Vous souhaitez le compléter avec une évaluation sur la péremption des médicaments : cela s’éloigne de l’objet de l’article. Ce n’est pas impossible mais la cible n’est pas exactement la même. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 32 modifié.

Après l’article 32

Amendement AS1034 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). La pénurie de médicaments ne cesse d’augmenter depuis 2021. On dénombrait 4 925 occurrences en 2023, et leur nombre a encore augmenté en 2024. Nous proposons d’imposer un stock minimal qui ne peut être inférieur à quatre mois de couverture des besoins pour les médicaments reconnus d’intérêt thérapeutique majeur.

M. le rapporteur général. Votre amendement est louable : il poursuit une lutte contre les pénuries. Je crains, même si c’est contre-intuitif, qu’il ne fasse qu’aggraver ce phénomène. En effet, si vous permettez une hausse du stock de sécurité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur sans relever le seuil des médicaments contribuant à une politique de santé publique ou des autres médicaments, vous incitez les exploitants à sous-déclarer les molécules qui relèvent pourtant de cette catégorie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Ce faisant, vous priveriez l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de la possibilité d’anticiper des pénuries susceptibles de produire des effets significatifs.

Il est aujourd’hui possible au directeur général de l’Agence de relever le seuil minimal du stock jusqu’à quatre mois pour les médicaments faisant l’objet de risques de ruptures ou ayant subi des ruptures au cours des deux années précédentes. Je rappelle que la durée moyenne de production d’un médicament ordinaire oscille entre quatre et six mois. Fixer un stock de sécurité minimal de quatre mois revient donc à faire peser une contrainte qui ne me semble pas proportionnée et fait courir le risque d’un retrait pur et simple de la commercialisation de la molécule. Ce risque est mentionné dans un rapport d’enquête de la sénatrice Laurence Cohen du 4 juillet 2023.

Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis favorable à cet amendement. La clause de sauvegarde est une arme de destruction massive concernant l’industrie du médicament parce que les carences sont toujours plus nombreuses. Mais l’amendement est ciblé sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur : les laboratoires ne peuvent pas se soustraire à l’exigence de constituer des stocks importants et de quatre mois. Pour les autres molécules, on aura beau faire, on n’y arrivera pas. Mais nous devons vraiment adopter cette disposition pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur, votre réponse s’entend peut-être parmi les spécialistes, mais elle est incompréhensible pour toute personne manquant de médicaments alors qu’elle en a réellement besoin. Moi-même, d’ailleurs, je ne comprends pas votre réponse.

M. le rapporteur général. Le problème tient au fait que c’est l’exploitant qui décide si un médicament est d’intérêt thérapeutique majeur. Il en fait la déclaration à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

M. le président Frédéric Valletoux. C’est l’Agence qui valide.

M. le rapporteur général. Oui mais c’est l’exploitant qui le déclare à l’Agence. C’est bien le problème.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS272 de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (DR). Nous savons tous combien les pénuries de médicaments constituent un enjeu majeur de santé publique. Selon un rapport du Sénat, 37 % des Français déclarent avoir déjà été confrontés à une rupture de stock. Ces situations fragilisent la continuité des soins et mettent en difficulté les professionnels de santé comme les patients.

Or nous avons un problème majeur : le droit en vigueur ne permet d’agir qu’en cas de rupture avérée. Les pharmaciens d’officine ne peuvent substituer un médicament d’intérêt thérapeutique majeur que lorsque la rupture de stock est constatée. Cette logique réactive ne permet pas d’anticiper les tensions qui précèdent la pénurie. Le rapport « Charges et produits » soulignait d’ailleurs que l’accroissement des tensions d’approvisionnement dans de nombreux champs thérapeutiques plaidait pour un élargissement des actions à la main des autorités sanitaires afin de prévenir les ruptures et d’engager un plan d’action graduée dans des délais courts.

Cet amendement intègre la notion de tension d’approvisionnement afin de permettre une détection et une intervention plus précoces par les autorités sanitaires et les pharmaciens d’officine, pour agir en amont de la rupture.

M. le rapporteur général. Je ne sais pas comment distinguer le risque de rupture de stock du risque de rupture d’approvisionnement, le premier recouvrant bien souvent le second. De plus, il existe déjà plus de 8 000 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Si l’on adopte votre amendement, j’anticipe une hausse des signalements du fait des critères extensifs que vous proposez, notamment celui sur les tensions d’approvisionnement. Or des signalements prématurés ne permettraient pas aux équipes de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’identifier correctement les pénuries devant susciter des mesures immédiates.

Enfin, des dispositifs de signalement précoces risquent de pousser les industriels à une sous-déclaration, ce qui menace l’architecture d’un système de prévention des pénuries fondé sur le transfert d’informations entre l’exploitant et le régulateur.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1777 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à réintroduire une disposition adoptée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 et déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel en raison de son caractère trop large. Le dispositif proposé tire les leçons de cette jurisprudence en octroyant la faculté au ministre chargé de la santé de prendre par arrêté des mesures de limitation ou d’interdiction de prescription de médicaments par actes de télémédecine si les trois conditions suivantes sont réunies : l’existence d’une situation de rupture ou de risque de rupture d’approvisionnement est constatée pour le médicament concerné ; le médicament concerné par la mesure de restriction doit appartenir à la catégorie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et faire l’objet d’une mesure de contingentement ; les actions de limitation ou d’interdiction de prescription ne doivent pas porter une atteinte d’une particulière gravité à la continuité des soins des patients concernés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1123 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement, adopté l’année dernière, propose que certains médicaments soient délivrés à l’unité en officine lorsque leur forme pharmaceutique le permet. Le gaspillage de médicaments est important, ce qui a un impact économique et environnemental notable. L’écart entre les médicaments distribués et l’usage qui en est fait ou les besoins réels s’élève à 40 %.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). C’est un très bel amendement. Des centaines de millions de tonnes de médicaments sont jetées à la poubelle chaque année. Il faut y mettre un terme : cela représente un coût considérable et pose des problèmes écologiques.

Dans certains pays, cette mesure est en application depuis quelques années avec succès. On ne peut pas le faire pour toutes les thérapeutiques et tous les médicaments, mais on peut le faire sur certains protocoles. Cela existe déjà en France pour des protocoles isolés. Élargissons le spectre : ce serait un grand bond en avant pour nos concitoyens et pour l’assurance maladie.

Mme Josiane Corneloup (DR). J’entends cette volonté de faire des économies en délivrant à l’unité, mais c’est une fausse bonne idée. La délivrance à l’unité est d’une complexité impressionnante et elle fait surtout naître un risque d’erreur thérapeutique pour une personne âgée avec plusieurs délivrances à l’unité. N’oublions pas que notre population vieillit !

Nous devrions nous montrer beaucoup plus exigeants envers les industriels dont les conditionnements ne respectent pas les recommandations de la Haute Autorité de santé. Je ne vois pas pourquoi ils commercialisent des boîtes de quatorze médicaments pour une prescription d’antibiotiques alors que la recommandation est d’un comprimé matin et soir pendant six jours.

Mme Annie Vidal (EPR). Chaque Français jette en moyenne 1,5 kilogramme de médicaments non utilisés. Autoriser la délivrance à l’unité serait pertinent car cela permettrait de faire des économies sans affecter la prise en charge du patient. Cette disposition a été votée à l’Assemblée nationale l’année dernière.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS761 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Chaque année, notre système de santé consacre 34,5 milliards d’euros à la consommation de médicaments en ville, sur lesquels 25,5 milliards sont remboursés par l’assurance maladie. Or une part importante de ces médicaments n’est pas utilisée et finit à la poubelle. La Cour des comptes estime que cela représenterait entre 561 millions et 1,735 milliard d’euros chaque année.

Une solution existe : la délivrance à l’unité. L’expérimentation menée en 2014 a montré qu’elle réduisait jusqu’à 10 % des volumes de médicaments délivrés, notamment pour certains antibiotiques. Le Royaume-Uni, le Portugal ou l’Espagne ont déjà mis en place ce modèle avec succès. Leur approche repose sur la préparation industrielle à l’unité, le ciblage précis des médicaments, une traçabilité numérique et une rémunération adaptée des pharmaciens.

M. le rapporteur général. Nous venons d’adopter une mesure similaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour information, cet amendement n’est pas tombé avec l’adoption du précédent car il n’est pas rattaché au même article du code de la santé publique.

L’amendement est retiré.


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Amendement AS1249 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

M. François Gernigon (HOR). Il est essentiel de lutter pour la réduction de l’impact environnemental de l’activité pharmaceutique. En ce sens, l’expérimentation proposée à l’article 32 doit être encouragée. Cet amendement AS1249 renforce l’action des pharmacies à usage intérieur en la matière.

Les sorties d’hospitalisation donnent parfois lieu à une perte de médicaments sous forme de déchets lorsque leurs conditionnements de vente ne sont pas adaptés aux durées de séjour. Il s’agirait de permettre aux établissements de santé de dispenser les conditionnements entamés de médicaments aux patients pour qu’ils continuent leurs traitements après hospitalisation.

M. le rapporteur général. Votre idée entre en concurrence avec les dispositions de l’article 32. Pour tout vous dire, j’ai même été saisi par les représentants des pharmaciens hospitaliers selon lesquels la généralisation de l’expérimentation est prématurée au regard des moyens des pharmacies à usage intérieur. Cet amendement pose aussi problème en ce qu’il donne au ministre de la santé la possibilité d’inscrire sur la liste en rétrocession de toutes les pharmacies à usage intérieur des médicaments qui ne sont pas classés dans la catégorie des médicaments réservés à l’usage hospitalier.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1778 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. J’ai travaillé cet amendement avec l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé et la chambre syndicale de répartition pharmaceutique. Il vise à assurer le respect de l’interdiction légale d’exportation de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Entre novembre 2023 et avril 2024, près de quarante-huit transactions illégales ont été effectuées pour une quantité totale de 6 487 produits. Ce dispositif ne vise pas une interdiction pure et simple : son but est d’interdire les abus afin que tous les grossistes-répartiteurs soient traités de façon équivalente.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS489 de M. Damien Maudet

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous demandons un rapport sur l’élargissement de la délivrance à l’unité de certains médicaments – qui fait désormais consensus. Des pharmaciens ont été sanctionnés par le conseil de discipline de leur ordre pour avoir distribué des médicaments à l’unité. C’est le cas de deux professionnels du nord de la Corrèze qui, en pleine période de pénurie et pour aider leurs concitoyens, ont été condamnés à six mois, dont quatre avec sursis, d’interdiction d’exercer. La Cour des comptes estime pourtant à 1,7 milliard d’euros les pertes associées au gaspillage des médicaments.

Nous souhaitons donc étendre la délivrance de certains médicaments à l’unité et souligner le décalage entre Paris, où le législateur y est favorable, et certaines situations de terrain.

M. le rapporteur général. Ceux qui ont participé l’an dernier au débat savent que cette mesure n’avait pas survécu car elle posait des problèmes opérationnels. Un tel bilan pourrait être un des sujets du Printemps social de l’évaluation : je ne suis pas sûr qu’une telle expertise nécessite un rapport.

Demande de retrait.

M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur le rapporteur, votre suggestion est excellente. Nous en reparlerons en bureau et en commission après l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement.

Article 33 : Améliorer la pénétration des biosimilaires et des génériques en ville

Amendement AS172 de Mme Sandrine Runel

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous souhaitons favoriser la prescription et l’utilisation des médicaments génériques. Ils sont l’une des sources les plus efficaces d’économie pour l’assurance maladie sans que cela n’affecte la prise en charge des assurés. En l’état actuel du droit, il faut attendre deux ans après l’inscription du premier générique pour que le remboursement du médicament d’origine soit aligné. Nous proposons de le faire plus rapidement et d’abaisser ce délai de deux à un an.

M. le rapporteur général. Je vous invite à retirer votre amendement qui n’est pas opérationnel. Un problème de rédaction rend en effet impossible son application à compter du 1er septembre 2026.

L’amendement est retiré.

Amendement AS366 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons supprimer une disposition instaurant une sanction financière pour les patients qui refusent la substitution d’un médicament par des médicaments biosimilaires ou hybrides. Nous soutenons cette substitution. Toutefois, nous pensons qu’un travail pour convaincre les patients de l’opérer de leur plein gré vaudrait mieux qu’une pression financière suscitant l’incompréhension et fragilisant la confiance.

M. le rapporteur général. Les patients n’ont pas à régler le montant des médicaments : ils avancent les frais et bénéficient, dans tous les cas, d’une prise en charge par l’assurance maladie. Le reste à charge n’est pas affecté. L’argument de la défiance que susciterait l’avance des frais n’est donc pas recevable.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS235 de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (DR). La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 a précisé le cadre d’une dispensation par substitution d’un médicament biosimilaire dans le cas où celui-ci n’est pas inscrit sur la liste des groupes de biosimilaires substituables. En absence d’inscription, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dispose d’un délai de deux ans pour rendre son avis sur le droit de substitution. Or une dizaine de molécules ne disposent toujours pas de médicaments biosimilaires alors même que leur brevet est échu.

Le présent amendement supprime ce délai d’inscription instauré au moment de l’introduction des biosimilaires et qui ne se justifie plus. Il serait possible de dégager 988 millions d’euros d’économies supplémentaires sur cinq ans, tout en maintenant le même niveau de sécurité pour les patients.

M. le rapporteur général. Je vois bien l’intérêt d’une telle accélération mais je crains qu’une modification du cadre applicable n’affecte la sécurité des soins, notamment pour les patients qui pourraient être induits en erreur par des substitutions trop régulières. Le chiffrage de 988 millions d’euros d’économies supplémentaires me semble en outre élevé : j’aimerais avoir le détail de son calcul.

Je vous propose donc de laisser entrer en vigueur les mesures prévues par l’article 33 quitte à ce que nous y revenions dans un prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Demande de retrait sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1256 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). La substitution par des médicaments biologiques similaires est importante pour la soutenabilité du système de santé. Cependant, des substitutions répétées peuvent provoquer chez certains patients des effets nocebo et une baisse de l’observance thérapeutique.

Nous proposons qu’un patient ayant commencé un traitement avec un médicament biologique similaire continue à recevoir le même produit lors des renouvellements, sauf raison médicale ou indisponibilité. Cette mesure garantit la continuité et l’efficacité du traitement, la stabilité clinique et l’adhésion du patient ainsi que la sécurité de la substitution. Elle respecte la liberté de prescription et les exigences de traçabilité pharmaceutique. Cet amendement a été travaillé avec la Confédération des syndicats médicaux français.

M. le rapporteur général. Les consignes données aux pharmaciens me semblent contradictoires. Votre amendement leur donnerait la mission supplémentaire de veiller à la dispensation du même biosimilaire, qui n’est ni d’une interdiction ni une obligation, alors que la loi est par nature normative. En outre, des exceptions à la procédure de substitution existent déjà, pour raisons de santé notamment.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous informe que la Cour des comptes a travaillé sur la dispensation à l’unité des médicaments. Son rapport vous sera communiqué dans les prochains jours.

La commission adopte l’article 33 non modifié.

Après l’article 33

Amendement AS837 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement revient sur l’article 52 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 qui introduit la possibilité pour les pharmaciens de procéder à des tests rapides d’orientation diagnostique et de prescrire des antibiotiques de manière conditionnelle. L’objectif est d’obtenir un rapport sur les économies réelles résultant de cette initiative, en tenant compte des coûts liés à la rémunération de l’acte, pour évaluer l’impact économique de ces nouvelles compétences accordées aux pharmaciens.

M. le rapporteur général. Il sera difficile pour les services des ministères et l’assurance maladie de chiffrer les effets des seuls tests rapides d’orientation diagnostique et de prescriptions d’antibiotiques sans tenir compte des évolutions de la rémunération à l’acte comme pour tout médicament.

Avis défavorable.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je suis également défavorable à cet amendement. La possibilité donnée aux pharmaciens devait pallier l’absence de médecins et permettre des diagnostics et des prescriptions plus rapides. Cette mesure a demandé aux pharmaciens des efforts, de la souplesse et des formations. La question économique n’est donc pas prépondérante et une telle évaluation ne me paraît pas adéquate.

M. Thierry Frappé (RN). Ce rapport sur les tests rapides d’orientation diagnostique est important et il présenterait aussi un aspect médical.

La commission rejette l’amendement.

Article 34 : Adapter les dispositifs d’accès précoces, d’accès compassionnels et d’accès direct

Amendement de suppression AS1779 de M. Thibault Bazin

M. le rapporteur général. J’ai évoqué l’article 34 avec le cabinet de la ministre de la santé : non seulement il ne fonctionne pas mais il présente des risques nombreux. Il faudrait le réécrire intégralement. Je vous propose de le supprimer.

Dans un contexte où les droits de douane applicables aux produits pharmaceutiques augmentent, la réforme des modalités d’accès dérogatoires au traitement ferait peser un risque de surcoûts pour l’assurance maladie et, pire encore, menacerait l’accès de nombreux malades à l’innovation thérapeutique. En effet, la restriction du bénéfice de l’accès précoce fait redouter un retrait de commercialisation de molécules alors que la France présente déjà un délai d’inscription au remboursement très élevé. La création d’une prise en charge à titre gracieux pour une durée minimale de 12 mois pourrait, elle, induire une inflation par anticipation de l’indemnité libre fixée pour le prix de la molécule.

Je vous invite donc à supprimer cet article pour inciter le Gouvernement à déposer un amendement qui renonce aux dispositions relatives à la réforme de l’accès précoce et ne conserve que les mesures vertueuses sur l’accès direct et le tarif de responsabilité.

M. Michel Lauzzana (EPR). Rien ne va dans cet article. Je suis étonné qu’il ait été écrit par le Gouvernement : Mme Vautrin m’avait assuré que l’accès précoce ne serait ni touché, ni surtout remplacé par l’accès direct qui ne concerne pour le moment que six molécules. Comment, dans ces conditions, tirer des conclusions sur l’accès direct ? L’accès précoce permet de disposer de médicaments innovants en 77 jours, contre 600 jours pour l’accès normal. C’est un des seuls dispositifs que nous ayons pour obtenir des médicaments innovants et permettre une meilleure prise en charge. Il faut effectivement supprimer cet article.

M. le rapporteur général. À ma grande surprise, le Comité économique des produits de santé, qui a diligenté une mission « flash » cet été, a déclaré pendant les auditions préparatoires que cet article ne lui convenait pas.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 34 est supprimé et les amendements AS1040 et AS1042 de M. Hendrik Davi, AS1253 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, AS370 de Mme Élise Leboucher, AS1029 de Mme Karine Lebon et AS369 de M. Hadrien Clouet tombent.

Article 35 : Expérimenter le référencement de médicaments thérapeutiquement équivalents

Amendements de suppression AS1780 de M. Thibault Bazin, AS238 de Mme Josiane Corneloup et AS822 de M. Michel Lauzzana

M. le rapporteur général. Cet article m’a posé question : d’où vient-il ? Le Comité économique des produits de santé, que j’ai interrogé, a déclaré qu’il avait les mêmes inquiétudes que nous. La procédure de référencement constitue un préalable à la décision de remboursement. Par conséquent, les molécules non référencées seront déremboursées et les entreprises exploitantes sortiront du marché, ce qui conduira à une diminution de l’intensité concurrentielle et à une hausse des prix. En outre, la multiplication des critères de la procédure de référencement altère sa lisibilité et renforce un risque de référencement des seuls acteurs pharmaceutiques détenteurs d’importantes parts de marché.

L’article ne fonctionne pas non plus sur le plan opérationnel. Il faut des garanties sur le caractère multi-attributaire du référencement et surtout, sur les compétences et les moyens du Comité économique des produits de santé, qui semblent insuffisants.

J’invite donc le Gouvernement à réécrire totalement cette disposition. Pour l’heure, ne perdons pas de temps et supprimons-la.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 35 est supprimé et les amendements AS199 de Mme Sandrine Runel, l’amendement AS1030 de Mme Karine Lebon ainsi que les amendements AS1781 et AS1782 de M. Thibault Bazin tombent.

Après l’article 35

Amendement AS963 de M. Yannick Monnet, AS118 de M. Sébastien Saint-Pasteur, AS1091 de M. Hendrik Davi, AS480 de M. Damien Maudet (discussion commune)

M. Yannick Monnet (GDR). Mon amendement transpose dans le droit national les engagements que la France a contractés lors de la résolution sur la transparence du marché des médicaments, vaccins et produits de santé.

Mme Sandrine Runel (SOC). Il s’agit de mieux réguler les dépenses de médicaments et de faire des économies sans détériorer la qualité de la prise en charge des assurés ni augmenter leur reste à charge. Les industriels justifient souvent leurs prix élevés par le coût de la recherche et du développement, des dépenses qui ont certes une part importante mais qui sont financées par des fonds publics.

Afin de permettre des négociations éclairées et d’évaluer la légitimité des prix demandés par les industriels, l’amendement AS118 rend transparentes les informations sur les financements publics de la recherche et développement des médicaments. Ces informations présenteront les investissements publics directs et les aides indirectes comme le crédit d’impôt recherche.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’objectif de mon amendement est de renforcer la transparence sur les financements publics de la recherche pharmaceutique. Les entreprises justifient les prix élevés des médicaments par les coûts de la recherche et développement alors qu’une grande partie de cette recherche est financée par des fonds publics, comme l’ont démontré l’Organisation mondiale de la santé et de nombreux articles scientifiques, notamment publiés dans la revue Prescrire.

L’exemple du Zolgensma, une thérapie génique sur une maladie rare commercialisée par Novartis et dont le prix atteint deux millions d’euros par patient illustre cette situation. Les recherches fondamentales qui ont permis son développement ont été financées par le Centre national de la recherche scientifique, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’AFM-Téléthon.

Malgré l’obligation de transparence sur les financements publics de la recherche inscrite dans la loi de finances de 2021, en 2023, seules deux entreprises ont déclaré 1,4 million d’euros de financements publics. L’amendement rend publique la traçabilité de ces financements – aides directes et crédit impôt recherche notamment.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS480.

Pourquoi les médicaments coûtent-ils cher ? « Parce que l’innovation coûte cher » répondent les industriels. Heureusement pour les laboratoires, ils ne sont pas seuls : une part non négligeable des dépenses de recherche et développement proviennent de financements publics.

Nous finançons sans savoir à quel point cela aide les laboratoires. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’assurance maladie, qui indique que le manque de transparence empêche de distinguer la part des investissements publics et privés pour le développement de nouvelles molécules. Il est encore plus difficile d’évaluer la légitimité des prix avancés par les industriels. Le laboratoire Sanofi est par exemple particulièrement réticent à communiquer. Dans le même temps, il supprime 325 postes de chercheurs et verse plus de 4 milliards d’euros de dividendes. Peut-être que Sanofi n’a rien à se reprocher, que les aides publiques ont été utilisées de la meilleure manière possible et que les prix étaient parfaitement justifiés. Il n’y a alors rien à cacher et nous pouvons exiger une transparence sur ces investissements.

M. le rapporteur général. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux grandes entreprises rédigé par notre collègue Fabien Gay indiquait qu’en 2022, le secteur pharmaceutique représentait 10 % du montant total des dépenses de recherche et développement en France, soit 5,4 milliards d’euros.

Il faut être réaliste : le marché français du médicament ne pèse que 3 % du marché mondial. Or, soumettre ces entreprises à des contraintes excessives engendrerait un risque de décommercialisation de molécules. Vous voulez obliger les entreprises à transmettre ces informations au Comité économique des produits de santé. Je me pose une question opérationnelle : comment pourrait-il vérifier qu’elles sont exactes, s’agissant des pays étrangers, et dans des matières aussi complexes que celles du prix des médicaments ? Je comprends votre idée, même si d’un point de vue politique je ne la partage pas, mais ce problème me conduit à émettre une demande de retrait ou un avis défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). J’ai la même position que le rapporteur général. Je comprends vos exigences et j’aimerais que ce que vous demandez soit possible. Mais cet amendement n’est pas opérationnel. Le Comité économique des produits de santé est conscient qu’on ne peut déterminer quelle partie de recherche va s’appliquer à quel médicament. La recherche est multiple, avec des résultats qui s’appliqueront de manière tout à fait imprévue. C’est tout le problème du Comité. Celui-ci, je le rappelle, fait un travail internationalement reconnu afin de définir en France le prix facial le plus bas, sur lequel beaucoup de pays s’appuient.

Successivement, la commission rejette l’amendement AS963 et adopte l’amendement AS118.

En conséquence, les amendements AS1091 et AS480 tombent.

Amendement AS459 de M. Hadrien Clouet

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement vise l’interdiction de substances contaminantes, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et de perturbateurs avérés ou suspectés dans les protections périodiques réutilisables prises en charge par la Sécurité sociale. L’association 60 millions de consommateurs relevait en 2023 la présence de ces contaminants dans vingt-quatre produits testés, en particulier les culottes menstruelles, dans lesquelles ont été retrouvées des traces de nanoparticules d’argent et des substances per- ou polyfluoroalkylées aussi appelées polluants éternels.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a confirmé la présence de résidus de produits toxiques potentiellement nocifs dans diverses protections menstruelles mais reste dans l’incapacité d’estimer leur dangerosité, faute de référentiel adapté aux muqueuses exposées. En outre, les études actuelles ne tiennent pas compte de l’impact d’une pluri-exposition à ces contaminants sur plusieurs dizaines d’années.

Les substances retrouvées représentent pourtant un risque considérable pour la santé. Qui souhaiterait que des polluants éternels traversent la paroi de ses muqueuses vaginales ? Même si les seuils sanitaires ne sont pas dépassés, qui serait prêt à prendre ce risque ? Ayons le courage de souscrire au principe de précaution et d’interdire purement et simplement la présence de substances toxiques dans les protections périodiques.

M. le rapporteur général. Je souligne votre combat permanent pour améliorer la qualité des produits d’hygiène féminine. La question des chocs toxiques est centrale. Toutefois, en 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a émis un avis plus nuancé que votre exposé sommaire. Il n’y a pas de dépassement des seuils sanitaires.

Le déremboursement présente deux risques : augmenter le reste à charge des ménages et faire baisser le volume de protections périodiques sur le marché, avec un risque de pénurie. Cela irait à l’encontre de ce que vous souhaitez. Il faut donc selon moi approfondir les analyses du marché et des conséquences d’une telle mesure sur le budget des ménages.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). J’ai l’impression que vous ne répondez pas au principe de précaution en matière de toxicité des produits hygiéniques, mais plutôt aux enjeux de l’amendement suivant.

M. le rapporteur général. Votre amendement comporte cette phrase : « L’inscription de produits contenant des substances contaminantes, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs avérés ou suspectés est interdite. » Vous posez donc un principe d’interdiction qui conduit au déremboursement.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Sauf si les industriels se mettent en conformité !

M. le rapporteur général. Ce qui conduit au risque de pénurie.

M. Michel Lauzzana (EPR). En matière de toxicité, la question du seuil est importante. Il n’y aura pas forcément d’effet si on est exposé à un produit en faible quantité. Nous sommes entourés de produits toxiques et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – dont nous avons récemment voté et garanti l’indépendance – est reconnue pour sa compétence. Votre proposition est un dévoiement du principe de précaution : si on l’applique de cette manière, on stérilise tout !

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur Lauzzana, votre intervention est insupportable. S’il s’agissait de mettre en contact la muqueuse de votre gland avec un produit qui pourrait potentiellement vous rendre stérile ou vous donner un cancer, nous n’aurions pas ce débat. Nous proposons que les produits remboursés par la Sécurité sociale, c’est-à-dire censés prendre soin des femmes, soient sains et que, faute de recul, certains produits que nous soupçonnons fortement d’être mauvais ne soient pas remboursés. L’amendement invite les industriels à se mettre en conformité et à produire sainement. Ne nous opposons pas à un principe élémentaire de précaution qui protège toutes les personnes qui ont un vagin et un utérus et qui vont perdre du sang tous les mois !

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS457 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement étend la prise en charge des protections périodiques réutilisables au-delà de l’âge de 26 ans. D’après l’association Règles élémentaires, 4 millions de personnes au moins, en France, sont touchées par la précarité menstruelle. Alors que les dépenses en protections menstruelles et antidouleurs représentent en moyenne 3 800 euros au cours de la vie, la précarité menstruelle entraîne de multiples privations qui touchent au droit, à l’hygiène et à la santé, et n’a pas de limite d’âge – c’est le cas d’une femme de 18 à 50 ans sur trois et 75 % d’entre elles ont plus de 25 ans. Ainsi, fixer un âge de 26 ans au-delà duquel ce risque serait soudainement réduit paraît sans fondement. Nous proposons la suppression de cette limite de 26 ans.

M. le rapporteur général. Cet amendement qui demande un rapport est une sorte d’amendement d’appel. Je vous invite à le retirer afin que vous puissiez avoir un échange à ce propos avec le Gouvernement. J’indique par ailleurs que 48 % des amendements que nous examinons cette semaine visent à introduire des articles additionnels, tandis que 52 % seulement portent sur les 55 articles du texte qui nous est proposé.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas d’un amendement d’appel et nous sommes sérieux quand nous disons avoir besoin de ce rapport. En effet, il est insupportable que la moitié de la population doive payer pour des protections périodiques. Ce produit indispensable devrait être gratuit ou remboursé. Or cela suppose toute une organisation sociale : où allez-vous chercher ces protections, où les mettez-vous à disposition des femmes, comment organisez-vous la production et le remboursement ?

Nous insistons sur les jeunes femmes car les apprenties qui travaillent pour moins que le salaire minimum sont taxées et les étudiantes connaissent une précarité totale, mais les protections périodiques devraient être gratuites pour toutes. Nous sommes donc sérieux quand nous demandons un rapport sur ce projet de transformation sociale.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Le décret qui devait assurer la gratuité pour les moins de 26 ans n’est même pas encore publié. Même pour les petites avancées positives du Gouvernement, les décrets ne sont pas pris !

M. le rapporteur général. Nous ne devons pas tout attendre du Gouvernement et je vous suggère de soumettre cette question à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS461 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous demandons un rapport sur la faisabilité d’une distribution gratuite des préservatifs à l’ensemble de la population, sans limite d’âge à 26 ans. On observe une recrudescence de syphilis et autres infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’un retour du virus de l’immunodéficience humaine, car une grande partie de la population n’est plus exposée à des messages de sensibilisation et de prévention. Or, dans les espaces communautaires, certaines personnes utilisent la prophylaxie pré‑exposition pour se prémunir du virus de l’immunodéficience humaine, mais pas de préservatif, de sorte que la syphilis et les gonorrhées continuent à se développer, ainsi que le papillomavirus, qui risque de provoquer un cancer du col de l’utérus, et d’autres infections.

Il est grand temps de revoir les politiques de prévention face à l’ensemble des infections sexuellement transmissibles et pour l’ensemble de la population, sans laisser les seules structures communautaires prendre en charge la prévention.

M. le rapporteur général. Ce n’est pas moi qui peux vous répondre sur ces questions, car je ne suis pas le Gouvernement. Je vous invite à retirer l’amendement pour avoir cet échange avec lui en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Article 36 : Réforme de la tarification des établissements et services qui accompagnent des enfants et des jeunes handicapés (Serafin-PH)

Amendement de suppression AS1068 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Il faut supprimer cet article qui met en œuvre la réforme de la tarification des établissements et des services médico-sociaux accueillant des enfants en situation de handicap – la réforme Serafin-PH. Nous sommes fermement opposés à l’extension de la tarification à l’acte aux établissements sociaux et médico-sociaux avec cette réforme, qui fait peser une menace grave sur le service public d’accompagnement du handicap. Sa logique est de découper le travail social en une multitude de taches disjointes : on chronométrera chaque acte et, ainsi, on perdra de vue la prise en charge globale des personnes en situation de handicap, ce qui déshumanise les métiers du social.

Cette réforme, inspirée de la tarification à l’acte hospitalière, déjà responsable de beaucoup de bureaucratie et de souffrance au travail, favorise une logique de rentabilité ouvrant la voie à une privatisation progressive du secteur. Le privé captera les activités rentables, comme cela a été le cas dans le milieu hospitalier, tandis que le public supportera les activités plus lourdes et moins dotées.

Notre amendement réaffirme un principe simple : le financement de l’accompagnement des enfants en situation de handicap ne peut dépendre d’une logique comptable et doit garantir dignité, continuité et qualité de l’accompagnement.

M. Hadrien Clouet, rapporteur pour la branche autonomie. Avis favorable.

D’une part, en effet, la modification des logiques de tarification par Serafin-PH a des effets opaques, puisque l’équation tarifaire qui entrera en vigueur est renvoyée à un décret : nous ne nous prononçons donc pas sur l’ensemble des dimensions permettant de calculer les coûts et nous ne connaissons pas les effets sur les établissements. La direction générale de la cohésion sociale a admis, durant son audition, qu’il y aurait des perdants, mais on ne sait pas de quels types d’établissements il s’agit. C’est la raison pour laquelle j’étais favorable à une clause de non-régression évitant que les nouvelles modalités de calcul soient moins favorables que les anciennes afin que nous puissions, le cas échéant, nous poser la question.

D’autre part, la réforme est censée accompagner la transformation de l’offre médico-sociale, sans que l’on sache ni comment ni avec quels moyens, hormis ceux du plan 50 000 solutions, dont nous sommes bien en peine de contrôler l’emploi. Nous n’avons donc aucune idée des moyens supplémentaires qui seraient alloués à cette transformation.

Mme Christine Le Nabour (EPR). L’idée est de mieux objectiver les objectifs de financement et de sortir de dotations historiques qui, avec le temps, ne sont souvent plus adaptées à la réalité. L’article prévoit une nouvelle tarification et de nouvelles modalités quant à la taille des structures, aux modalités d’accueil et à la complexité des accompagnements, avec une incitation à l’inclusion, tant au travail qu’à l’école. Nous nous opposons à sa suppression.

M. Yannick Monnet (GDR). Ce n’est pas parce qu’un produit est mauvais qu’il faut en choisir un autre qui soit pire. Comment peut-on, dans le médico-social, tarifer à l’acte alors qu’il y a autant d’actes que de personnes et de difficultés ? On a vu le résultat à l’hôpital public. D’ailleurs, les hôpitaux de proximité sortent de cette tarification car ils ont besoin de lisibilité. Fondamentalement, un accompagnement social et médico-social ne peut pas se tarifer car, en évaluant le cœur de métier, on évalue toujours la marge, puisque beaucoup de choses reposent sur la relation qui, par définition, ne s’évalue pas. Cette mesure est donc un moyen de faire des économies sur le dos de ces structures.

M. le rapporteur. La part principale et la modulation étant toutes deux renvoyées à des décrets, nous ne savons pas qui gagne et qui perd. Ce serait prendre un risque que d’adopter cet article. J’en soutiens la suppression.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 36 est supprimé et les amendements AS1652 de M. Sébastien Peytavie, AS987 de M. Hendrik Davi, AS1653 et AS1262 de M. Sébastien Peytavie, AS26 de Mme Sandrine Runel, AS1036 de M. Yannick Monnet, AS1051 de M. Sébastien Peytavie et AS1038 de Mme Karine Lebon tombent.

Après l’article 36

Amendements AS451 de M. Hadrien Clouet, AS1311 de Mme Annie Vidal et AS230 de M. Sébastien Saint-Pasteur (discussion commune)

M. Hadrien Clouet, rapporteur. Mon amendement vise à expérimenter pour trois ans, dans trois départements volontaires, le système canadien de mesure de l’autonomie fonctionnelle afin d’évaluer la perte d’autonomie des personnes âgées. La grille nationale « Autonomie gérontologie groupes iso-ressources » (Aggir) propose un prisme médicalisé et ne prend pas assez en considération l’environnement de la personne et ses capacités physiques ou mentales. En outre, dans la mesure où elle détermine le niveau de financement des structures qui accompagnent les personnes âgées en fonction de leur groupe iso-ressources moyen, cette grille pénalise celles qui accompagnent les personnes à faible perte d’autonomie.

Nous voulons faire évoluer ce système vers un meilleur financement de structures qui accompagnent plus précocement et de manière plus préventive les personnes en perte d’autonomie pour en ralentir ou limiter la progression.

Mme Annie Vidal (EPR). L’accompagnement des personnes âgées se fonde sur les capacités perdues, et pas assez sur les capacités restantes, qui peuvent être exploitées pour un maintien, voire un gain d’autonomie. Cette expérimentation permettrait d’évoluer vers une refonte de nos grilles, qui ne sont pas appropriées à ce stade.

M. Jérôme Guedj (SOC). On sait ce que notre grille a permis d’obtenir mais, comme vient de le dire Mme Vidal, la dimension « capacitaire » des personnes en perte d’autonomie n’est pas prise en compte à sa juste mesure. Par ailleurs, elle présente des lacunes en matière de perte d’autonomie, notamment pour ce qui concerne des déficiences sensorielles comme la vue ou l’ouïe. Par l’amendement AS230, nous soutenons donc cette proposition d’expérimentation. Voilà longtemps que la grille canadienne de mesure de l’autonomie fonctionnelle est dans le débat, mais elle n’a pas été assez explorée. L’idée d’expérimenter dans trois départements volontaires semble donc pertinente.

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous sommes tout à fait d’accord. Cet amendement propose d’expérimenter une autre façon, plus humaine et plus juste, d’évaluer la perte d’autonomie. Étant donné que tout repose aujourd’hui sur la mesure de ce que les personnes âgées ne peuvent plus faire, les établissements qui parviennent à maintenir l’autonomie de leurs résidents sont pénalisés : moins de dépendance, donc moins de financements. C’est le monde à l’envers.

Mon groupe politique souhaite tester un autre outil, déjà utilisé au Canada et même dans certains établissements français : le système de mesure de l’autonomie fonctionnelle, qui ne regarde pas seulement les pertes, mais s’intéresse à ce que la personne peut encore faire. C’est une manière de valoriser le travail des équipes de gérontologie qui accompagnent, stimulent et rééduquent. Avec trois départements volontaires et trois ans d’expérimentation, il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de redonner du sens à l’évaluation de l’autonomie pour qu’elle serve enfin à accompagner, non à comptabiliser.

La commission adopte l’amendement AS451.

En conséquence, les amendements AS1311 et AS230 tombent.

Amendement AS447 de M. Damien Maudet

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Certains groupes ont bénéficié indûment d’argent public issu de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je sais, monsieur le rapporteur, que vous seriez favorables à ce que tous les biens immobiliers et les contrats soient collectivisés afin de créer un véritable service public de l’autonomie et à cet égard, j’en conviens, cet amendement AS447 ne va pas assez loin. Il propose toutefois une forme de compromis car il vise à ce qu’aucune personne morale sanctionnée pour avoir indûment bénéficié de fonds publics versés par la Caisse ne puisse plus jamais prétendre à ces sommes. Je citerai à cet égard Orpea, qui avait construit tout un système permettant de toucher de l’argent public qui ne se retrouvait jamais dans la vie des personnes dont elle avait la charge.

M. le rapporteur. Je suis évidemment favorable à cet amendement interdisant le financement public à des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui ont dû rembourser des sommes reçues indûment de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, à l’image des rétrocommissions du groupe Orpea.

J’ajoute, à titre personnel, qu’on pourrait aller plus loin, d’une part en retirant les autorisations aux établissements qui cherchent à faire des économies sur le dos des résidents par des logiques de privation et de rationnement, et d’autre part en se donnant pour objectif d’interdire les établissements privés lucratifs. Je considère qu’il y a une contradiction entre la recherche de bénéfices rapides et le maintien de la dignité et des droits humains des résidents.

La commission adopte l’amendement.

La réunion s’achève à douze heures cinquante-huit.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Théo Bernhardt, M. Louis Boyard, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, Mme Elsa Faucillon, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Julie Laernoes, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, Mme Sabrina Sebaihi, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusés.  M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Stella Dupont, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Stéphane Viry