Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Projet de loi de finances pour 2026 (seconde partie) (n° 1906) : Missions Santé, Solidarité, insertion et égalité des chances et Travail, emploi et administration des ministères sociaux

Audition de M. Jean‑Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités, Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, et Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées              2

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Lundi
3 novembre 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 17

session ordinaire de 2025-2026

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
 

 


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La réunion commence à vingt-et-une heures.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

Projet de loi de finances pour 2026 (seconde partie) (n° 1906) : Missions Santé, Solidarité, insertion et égalité des chances et Travail, emploi et administration des ministères sociaux.

La commission auditionne M. JeanPierre Farandou, ministre du travail et des solidarités, Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, et Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées.

M. le président Frédéric Valletoux. Après cinquante heures consacrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) la semaine dernière, nous abordons maintenant le projet de loi de finances (PLF). Contrairement aux années précédentes, nous avons, pour des raisons de calendrier, regroupé l’audition des ministres ce soir et adapté les temps de parole, qui seront de six minutes pour les ministres, pour les rapporteurs et pour les orateurs des groupes politiques, temps pouvant être partagé entre plusieurs intervenants, et d’une minute pour les questions des autres députés.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Mon ministère gère deux missions budgétaires : la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux finançant l’insertion et la formation professionnelles, l’amélioration de la qualité de l’emploi et les dépenses de fonctionnement et de personnel des ministères sociaux ; le programme 304 de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, qui finance la prévention et la lutte contre la pauvreté, l’inclusion sociale et la protection des personnes vulnérables, partiellement partagé avec ma collègue Stéphanie Rist.

Notre proposition budgétaire répond à l’urgence de redresser les finances publiques. Cet effort collectif doit impliquer l’État, les collectivités, les entreprises et tous les Français selon leurs capacités contributives. Mon ministère y participe en réduisant ses crédits de 7 % pour le programme 304 et de 15 % en autorisations d’engagement et 12 % en crédits de paiement sur ses missions, sans renoncer à ses politiques essentielles.

Malgré ces baisses, le budget 2026 du programme 304 reste supérieur à la moyenne 2017-2025 avec 13,1 milliards d’euros contre 11,5 milliards. Pour rappel, ce budget a considérablement augmenté depuis 2017, où il atteignait seulement 5,7 milliards d’euros. L’effort de l’État demeure donc substantiel.

Le budget préserve le financement du pacte des solidarités lancé en 2023, pour déployer des dispositifs comme le dédoublement des classes en réseaux d’éducation prioritaire, les cantines à 1 euro pour 200 000 élèves et les petits déjeuners pour 255 000 élèves. L’État honorera ses engagements auprès des départements – 90 millions d’euros – et des métropoles – 12,5 millions d’euros. Le programme « Mieux manger pour tous » conserve 80 millions d’euros, répartis entre l’amélioration de l’aide alimentaire au niveau national – 40 millions d’euros – et les initiatives locales innovantes – 40 millions.

Pour le travail et l’emploi, le budget 2026 s’élève à 16 milliards d’euros et dépasse la moyenne 2015-2024, qui était de 15 milliards d’euros, hors crédits de fonctionnement communs. Comparé à 2017, le budget 2026 pour l’insertion par l’activité économique augmente de 60 % et celui des entreprises adaptées de 30 %. Les contrats d’engagement jeune sont presque trois fois plus nombreux qu’en 2020.

Le budget pour le travail et l’emploi entre dans une phase de réajustement après les fortes hausses post-covid qui l’avaient porté à 21 milliards d’euros en 2023 et 23 milliards d’euros en 2024, contre seulement 12 milliards d’euros en 2019 et une moyenne de 13 milliards d’euros durant la période 2015-2019. Si ces hausses exceptionnelles étaient justifiées pour soutenir l’économie pendant la crise, leur maintien n’est plus soutenable pour nos finances publiques.

Le débat budgétaire actuel s’avère difficile, augmenter les recettes étant toujours plus simple que réduire les dépenses. Je m’engage donc à privilégier l’écoute et le dialogue. Notre situation budgétaire exige une approche différente, axée sur le ciblage et l’efficacité, ainsi que sur la lutte contre la fraude, qui fera l’objet d’un projet de loi. Nous proposons des économies tout en maintenant des politiques publiques efficaces en matière d’emploi et de solidarité, et répondant aux préoccupations des Français.

L’apprentissage illustre parfaitement cette approche. Depuis 2017, cette filière a connu des résultats spectaculaires, le nombre d’apprentis ayant presque triplé, avec 305 000 nouveaux entrants en 2017 contre près de 880 000 en 2024. En stock annuel, la France compte désormais 1 million d’apprentis. Ce succès a nécessité un financement public considérable, atteignant 16 milliards d’euros en 2024. Si cet investissement était justifié pour lancer la réforme, il doit maintenant se stabiliser. Nous poursuivrons notre soutien à l’emploi des jeunes et aux entreprises créatrices d’emploi, mais selon une logique d’efficacité et d’efficience qui s’appliquera également à l’apprentissage.

Je souhaite progresser rapidement sur trois chantiers prioritaires. Le premier concerne l’allocation sociale unifiée (ASU), projet que nous devons accélérer. Notre système de solidarité, bien que remarquable, manque en effet de lisibilité pour combattre efficacement la pauvreté. Il s’est complexifié par l’accumulation de dispositifs aux règles et objectifs différents, insuffisamment coordonnés. Par ailleurs, le travail doit être systématiquement valorisé, et il doit payer. Nous disposons déjà d’une base solide grâce aux nombreux travaux menés ces dernières années. Le Gouvernement présentera très prochainement une méthodologie pour avancer collectivement sur cette réforme.

Le soutien au dialogue social, à l’amélioration des conditions de travail et à la prévention des accidents sera aussi au cœur de mon action. Sur ce dernier point, la France doit progresser au vu des comparaisons européennes – c’est un enjeu moral, économique et pénal pour les dirigeants. Issu du monde de l’entreprise, je mesure l’importance du dialogue social. L’augmentation en 2026 de la subvention à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail démontre notre engagement à soutenir les petites et moyennes entreprises ainsi que les très petites entreprises dans l’amélioration de la qualité de vie au travail. Les crédits destinés au paritarisme et aux acteurs du dialogue social sont maintenus, confirmant notre soutien à la démocratie sociale.

Enfin, je souhaite renforcer la promotion interne en entreprise. Valoriser le travail et le mérite, ouvrir de nouveaux horizons et refuser l’assignation professionnelle doivent guider notre action pour dynamiser les parcours professionnels. Dans le monde du travail comme ailleurs, chacun a besoin de sens, de perspectives et à d’espoirs de progrès.

La question du travail doit se placer au cœur de nos réflexions futures, car elle constitue la solution à de nombreux défis. Demain, je réunirai officiellement les partenaires sociaux pour lancer la conférence sur le travail et les retraites. Nous devons repenser le rapport au travail en France en 2025, à l’heure de la transition écologique et de l’intelligence artificielle et alors qu’il nous faut choisir la réindustrialisation, la souveraineté énergétique et l’innovation.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées. La mission Santé du PLF 2026 comprend trois programmes : le 204, le 183 et le 379. Ses crédits augmentent de 12 % par rapport à 2025, atteignant 1,67 milliard d’euros.

Le programme 379, temporaire, reverse à la sécurité sociale les crédits européens issus de la facilité pour la relance et la résilience. Ces 6 milliards d’euros investis sur cinquante ans financent les projets dans les établissements de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et soutiennent l’amélioration des outils numériques en santé.

Les crédits de paiement du programme 204, consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, atteignant près de 214 millions d’euros. Il vise à coordonner nos opérateurs pour renforcer l’efficacité préventive et sanitaire, notamment l’Institut national du cancer (Inca), engagé dans la stratégie 2021-2030, et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, porteuse de l’approche « Une seule santé ». Ce programme soutient également la recherche, renforce la gestion des crises sanitaires et porte une attention particulière aux outre-mer, avec notamment la construction de l’hôpital de Wallis et Futuna, symbole d’équité territoriale.

Le programme 183 Protection maladie finance l’accès aux soins des plus vulnérables avec 1,2 milliard d’euros, couvrant le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et l’aide médicale de l’État (AME). Cette dernière poursuit trois objectifs : humanitaire en garantissant l’accès aux soins essentiels pour les personnes précaires ; sanitaire en prévenant la propagation de maladies contagieuses ; budgétaire en évitant des hospitalisations tardives plus lourdes pour les patients et plus coûteuses pour la collectivité.

Suite aux recommandations de Claude Évin et Patrick Stefanini pour renforcer la confiance dans l’AME et prévenir les abus, deux décrets seront promulgués : le premier imposera des justificatifs d’identité avec photographie, alignant le niveau de contrôle sur celui du ministère de l’intérieur ; le second permettra aux consulats d’accéder à la base des bénéficiaires pour détecter les demandes motivées par un projet de soins en France et éviter l’octroi de visas à des touristes médicaux. Notre objectif est de garantir la légitimité du dispositif tout en préservant son esprit de protection sanitaire.

Concernant l’enfance, l’action 17 du programme 204 amorce la refondation de la politique de protection de l’enfance. Cette refonte s’appuiera sur un partenariat entre mon ministère, celui de la justice et Départements de France. Malgré l’engagement des professionnels et les 10 milliards d’euros qu’apportent les départements, cette politique est en difficulté, avec une hausse de 50 % des mesures d’aide sociale à l’enfance (ASE) ces vingt dernières années malgré la baisse des naissances. Les crédits augmenteront de 55 millions d’euros, répartis entre 34,7 millions pour améliorer l’encadrement dans les pouponnières, 5 millions pour les expérimentations dans le Var et la Gironde, 10 millions pour renforcer la contractualisation avec les départements et 5 millions pour soutenir les prêts de rénovation des bâtiments via la Banque des territoires.

L’action 17 financera également la contribution de l’État aux nouvelles compétences communales pour l’accueil du jeune enfant, à hauteur de 87 millions d’euros. En collaboration avec les communes, nous relancerons le service public de la petite enfance, levier essentiel pour la natalité, le développement optimal des enfants et l’égalité femmes-hommes.

Les moyens du programme des 1000 premiers jours de l’enfant augmenteront de 50 % pour atteindre 4 millions d’euros, en préparation de la feuille de route 2025-2027, qui intégrera le congé de naissance. Ce congé, actuellement débattu dans le cadre de l’examen du PLFSS, devra s’accompagner d’un soutien substantiel à la parentalité, particulièrement à la coparentalité concernant les pères.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. Ce budget s’inscrit dans un contexte contraignant, avec une dette dépassant 115 % du produit intérieur brut en 2025 et des intérêts considérables. Conçu dans un esprit de responsabilité, il constitue, comme l’a souligné le Premier ministre dans sa déclaration du 14 octobre dernier, une proposition ouverte au débat parlementaire. Le Premier ministre ayant renoncé à user de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le Parlement a donc pleinement la main sur ce budget.

La progression du programme 157 Handicap et dépendance résulte principalement de l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représente 80 % de cette mission et a connu une hausse de plus de 60 % depuis 2017. Son montant actuel de 1 033 euros mensuels, en augmentation de 220 euros depuis 2017, bénéficie à 1,3 million de personnes. Rappelons que la déconjugalisation de cette allocation, votée il y a deux ans, a été mise en œuvre sans perte de revenus pour les foyers concernés.

Le Premier ministre a annoncé la levée du gel des prestations sociales initialement prévu dans ce projet de budget, mesure qui concerne notamment l’AAH.

Le programme 157 inclut également des crédits pour l’emploi et l’insertion professionnelle des personnes handicapées, notamment le financement et l’accompagnement des travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (Esat). Depuis janvier 2023, les bénéficiaires de l’AAH peuvent travailler simultanément à temps partiel en Esat, améliorant ainsi leur rémunération. Nous observons une baisse du taux de chômage des personnes handicapées, désormais à 12 %, chiffre qui reste néanmoins supérieur à la moyenne nationale.

La vingt-neuvième semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées se tiendra du 17 au 23 novembre, incluant le Duoday. Je sais que nombreux d’entre vous sont attachés à cet événement et y participeront pour valoriser l’initiative des personnes handicapées et leur inclusion professionnelle.

Dans le programme 157, le financement de l’aide au poste est maintenu malgré l’apparente baisse budgétaire. L’évolution salariale liée notamment au smic sera en effet financée par un prélèvement sur la trésorerie de l’Agence de services et de paiement (ASP), garantissant ainsi la stabilité du financement pour les Esat et leurs travailleurs.

Ce programme finance également la stratégie nationale contre les maltraitances dans les établissements sociaux et médico-sociaux. En 2026, un numéro d’appel national sera déployé, accessible 7 jours sur 7, y compris pour les personnes sourdes et malentendantes, ainsi que des cellules territoriales de traitement des signalements.

La protection des majeurs demeure également prioritaire, avec une attention particulière portée en 2026 aux professionnels des services mandataires. Les crédits du programme compenseront durablement les extensions du Ségur.

Au-delà du PLF, le financement des politiques du handicap et de l’autonomie figure substantiellement dans le PLFSS. Ce budget augmentera de 1,5 milliard d’euros, permettant notamment de financer 50 000 solutions d’accompagnement et d’investir 100 millions supplémentaires dans l’habitat intermédiaire.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure pour avis (Solidarité, insertion et égalité des changes), suppléant M. Didier Le Gac, rapporteur des crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux. La mission Solidarité, insertion et égalité des changes, dotée de 29,5 milliards d’euros, comprend principalement 14,6 milliards pour l’AAH et 9,3 milliards pour la prime d’activité, représentant plus de 80 % des crédits. Pour la première fois depuis 2017, les crédits de la mission diminuent d’environ 1 milliard d’euros, en raison de la stabilisation de la prime d’activité après plusieurs années de forte croissance. Les crédits de l’AAH continuent néanmoins d’augmenter de 1,7 %, confirmant la priorité accordée aux personnes en situation de handicap.

Le pacte des solidarités, en hausse de 2 % à 259 millions d’euros pour 2026, prolonge la dynamique partenariale entre État, régions et départements engagée en 2018. Il confirme l’approche interministérielle de lutte contre la pauvreté jusqu’en 2027. Je salue le maintien des crédits d’aide alimentaire, alors que la précarité financière persiste pour de nombreuses familles.

Les moyens pour l’égalité femmes-hommes progressent de 1,7 %, renforçant l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. La généralisation du pack nouveau départ doit rester prioritaire.

Les crédits de l’action 17 du programme 304 pour la protection de l’enfance atteignent 421,6 millions d’euros, en légère hausse. Ils financent la stratégie nationale de protection de l’enfance, le soutien aux communes pour l’accueil du jeune enfant et la refonte réglementaire des pouponnières à caractère social.

Au-delà des retards de versement et de la diminution des aides au poste en Esat, l’article 79 du PLF m’inquiète particulièrement. Il supprime la prise en compte de l’AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d’activité, privant ainsi 90 % des bénéficiaires actuels, dont 95 % des travailleurs en Esat. Un travailleur handicapé perdrait 150 à 170 euros mensuels. Le Gouvernement évoque une économie de 90 millions d’euros, mesure contradictoire avec le discours sur l’incitation à l’emploi des personnes handicapées.

Je recommande d’agir plus efficacement sur la reconnaissance de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE), comme préconisé dans le rapport que j’ai présenté avec Sébastien Peytavie sur l’évaluation de la loi de 2005. Les critères actuels de la RSDAE enferment trop de bénéficiaires dans des temps partiels subis et freinent leur retour à l’activité. Madame la ministre, quel est votre avis sur ce point ?

Concernant la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, les crédits, soit 17,4 milliards d’euros, reculent de près de 12 % par rapport à 2025, inquiétant fortement les acteurs du secteur. Les crédits des programmes Accès et retour à l’emploi, en baisse de 11,3 %, et Accompagnement des mutations économiques, en baisse de 21,2 %, sont particulièrement affectés, malgré la priorité affichée du plein emploi. Les acteurs de terrain alertent : leurs missions s’élargissent, l’accompagnement s’intensifie, les situations individuelles se complexifient et les exigences d’efficience augmentent, alors même que leurs moyens diminuent drastiquement.

La suppression de 515 équivalents temps plein (ETP) à France Travail et la baisse de 13 % des financements pour les entreprises adaptées contraignent 51 % d’entre elles à envisager un gel des embauches. La réduction de 14 % des aides au poste prive 60 000 personnes d’accompagnement dans l’insertion par l’activité économique. Les baisses affectent également l’apprentissage, en baisse de 31 %, et les missions locales, en baisse de 19 % en deux ans, réduisant le nombre de jeunes accompagnés dans le cadre du contrat d’engagement jeune.

Ces réductions ne se limitent pas aux financements d’État mais touchent aussi les subventions des collectivités. Les inquiétudes sont vives : des postes menacés, des portefeuilles d’accompagnement alourdis, des structures fragilisées. Sans maintien des crédits, nous risquons de briser la dynamique engagée depuis 2018.

Ce projet de budget entend réaliser des économies sur les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi qui, précisément, permettent d’augmenter le taux d’emploi et donc les recettes fiscales. Cette approche contredit totalement les objectifs de la loi pour le plein emploi que j’ai portée avec Paul Christophe. L’emploi et la formation constituent des priorités de notre action depuis huit ans. Si le contexte économique exige davantage d’efficience, nous nous étonnons des coupes opérées dans des dispositifs qui ont fait leurs preuves.

Les acteurs de l’emploi et de l’insertion réclament une stabilité des crédits pour leurs dispositifs et structures d’accompagnement, assortie d’une vision pluriannuelle. Davantage de personnes en emploi génère plus de cotisations et de recettes nationales. Ces financements représentent non des dépenses mais un investissement d’avenir, sans lequel davantage de personnes resteraient exclues du marché du travail.

M. Christophe Bentz, rapporteur pour avis (Santé). Vu le contexte dans lequel les recettes sont actuellement débattues, l’examen des dépenses du PLF se fera probablement uniquement en commission, et non dans l’hémicycle.

Les positions de chaque groupe politique sur l’AME sont connues. Le nôtre soutient l’esprit initial de ce dispositif, incarnant le devoir de protection nationale envers les Français, les étrangers en situation régulière mais aussi irrégulière. Nous estimons néanmoins que l’utilisation du panier de soins proposé, dont le coût est de 1,2 milliard d’euros, connaît des dérives.

Nous déposerons des amendements, car de nombreux Français jugent certaines dépenses du panier de soins excessives, celui-ci s’étant trop élargi au fil des ans. Ma collègue Anchya Bamana, députée de Mayotte, avait déjà proposé des amendements similaires, malheureusement rejetés par le Gouvernement.

Madame la ministre, adopterez-vous une position constructive envers vos oppositions, notamment le Rassemblement national ? Êtes-vous prête à reconsidérer cette question, voire à infléchir votre position pour trouver une solution budgétaire consensuelle ?

Dans ce contexte budgétaire contraint, l’optimisation de chaque euro public est essentielle pour maximiser l’efficacité des soins aux patients. Or nos nombreuses auditions auprès d’acteurs variés ont révélé d’importantes défaillances de gestion, tant à l’échelon central qu’à celui des agences régionales de santé (ARS), qui ne sont pas véritablement des services déconcentrés, ainsi que dans les établissements de santé.

Nous proposerons plusieurs solutions contre la suradministration sanitaire, combat que nous menons à chaque PLFSS par des amendements visant à réduire les dépenses administratives. Nous préconisons la suppression des ARS et la redistribution de leurs compétences aux préfets départementaux, comme auparavant. Cette réorganisation offrirait un service de proximité départemental plutôt que régional, l’échelon régional étant inadapté car trop éloigné des réalités. Les ARS sont devenues des instances technocratiques déconnectées des besoins réels des patients.

Madame la ministre, êtes-vous disposée à collaborer constructivement avec vos oppositions, particulièrement le RN, pour lutter contre la suradministration du domaine sanitaire ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Notre action s’inscrit dans un cadre contraint par la nécessité de maîtriser le déficit public, imposant des ajustements budgétaires qui, j’espère vous en convaincre, ne compromettent pas les politiques fondamentales.

Concernant la suppression de la prise en compte de l’AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d’activité, rappelons le système actuel : lorsqu’un bénéficiaire de l’AAH perçoit un revenu d’activité mensuel supérieur à 25 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), son allocation est intégralement assimilée à un revenu d’activité pour calculer sa prime. Cette dérogation très favorable, que nous souhaitons reconsidérer, traite comme un revenu d’activité ce qui devrait être considéré comme une prestation sociale. Cette assimilation de l’AAH à un revenu d’activité manque de cohérence, les autres prestations sociales étant intégralement comptabilisées dans les ressources. Par souci d’équité, cette exception a déjà été supprimée pour d’autres prestations –pensions d’invalidité, rentes accidents du travail – par la loi de finances pour 2018. De plus, le barème de l’AAH intègre déjà des abattements spécifiques favorisant l’emploi, créant ainsi un double avantage avec la prime d’activité. Notre proposition garantira l’absence de dégressivité des ressources quand les revenus d’activité augmentent. Nous restons néanmoins ouverts au débat parlementaire.

S’agissant de l’insertion professionnelle, nous poursuivons une politique fortement soutenue, avec un budget 2026 de 1 milliard d’euros, en hausse de 60 % par rapport à 2017, où il s’élevait à 800 millions d’euros. Dans ce contexte d’économies nécessaires, nous procédons à un ajustement tout en maintenant un effort considérable.

L’enveloppe 2026 pour les entreprises adaptées reste supérieure de 30 % à celle de 2017, tandis que celle des missions locales augmente de 14 %. L’effort financier demeure substantiel, avec 2,5 milliards d’euros en 2026 pour les politiques d’insertion, hors France Travail, soit une augmentation de 60 %.

Pour optimiser l’ajustement budgétaire, nous proposons d’améliorer l’efficience des politiques d’insertion en renforçant la qualité de l’accompagnement, en intensifiant la collaboration avec les employeurs, par des immersions, visites d’entreprises et contrats courts, en simplifiant les procédures administratives et en consolidant l’approche territoriale grâce à la fongibilité totale entre dispositifs prévue pour 2025, offrant ainsi la flexibilité nécessaire aux besoins locaux spécifiques.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. L’articulation actuelle entre AAH, prime d’activité et revenu d’activité présente un défaut structurel. En considérant l’AAH comme un revenu professionnel, nous activons la prime d’activité de façon inadaptée à son objectif initial de complément à des revenus du travail insuffisants. Cette construction crée un effet pervers : au-delà d’un certain seuil d’activité, le revenu global stagne malgré l’augmentation du temps de travail, limitant la reconnaissance des efforts professionnels. Cette situation soulève la question de la RSDAE.

Cette problématique mérite le débat ouvert par la proposition inscrite dans le projet de loi de finances, conçue comme point de départ pour nourrir la discussion parlementaire. Nous devons concevoir un système garantissant simultanément un revenu digne aux personnes handicapées tout en valorisant réellement leur progression professionnelle. La complexité s’accroît avec les fluctuations d’activité liées à leur état de santé, nécessitant des mécanismes novateurs pour atteindre cet équilibre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. En tant que ministres, nous accompagnerons les débats et votes parlementaires relatifs au PLF et au PLFSS, en émettant un avis sur tous les amendements déposés.

Le rapport Évin-Stefanini confirme que l’AME constitue un dispositif sanitaire utile et globalement maîtrisé, tout en permettant des adaptations. Nous publierons deux décrets renforçant les exigences relatives aux pièces d’identité pour les demandes d’AME.

La transparence concernant le panier de soins de l’AME, dont nous devons parler sans tabou, s’impose d’autant plus que celui-ci évolue régulièrement : privilège aux génériques depuis 2008, exclusion des médicaments à faible service médical rendu depuis 2015 et, depuis 2020, délai d’ancienneté de neuf mois pour les prestations non urgentes destinées aux majeurs, y compris pour l’obtention d’un bon de transport pour hospitalisation. Ces informations sont essentielles pour nos concitoyens et démontrent notre engagement envers la transparence.

Sur la prétendue suradministration, le rôle des ARS et l’efficacité du ministère, j’appelle à la prudence. Considérez-vous les secrétaires médicaux comme du personnel superflu dans les établissements de santé ? Estimez-vous que le contrôle de la qualité de l’eau par les ARS, politique sanitaire majeure, est de trop ?

L’État doit se réformer en permanence, d’où les missions d’inspection régulières adaptant l’action publique. Nous devons viser un État plus efficace et lisible, objectif de la mission « État efficace » lancée par le Premier ministre. Privilégions l’efficacité finale pour nos concitoyens plutôt que la suppression de services sans alternatives. Ce travail concerne l’organisation ministérielle, l’efficacité des services, puis la déconcentration et la décentralisation. Définissons précisément la « suradministration » sans y inclure indûment des fonctions essentielles comme les secrétariats médicaux.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Christine Loir (RN). Je salue la présence de mesdames Rist et Parmentier‑Lecocq. Votre expérience parlementaire et votre connaissance du terrain rendent cet échange particulièrement utile. Malgré nos divergences, j’apprécie votre engagement envers cette mission.

Je dois néanmoins formuler un bémol. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances subit une réduction budgétaire de près de 800 millions d’euros, avec notamment une baisse de 7 % des moyens pour l’inclusion et la lutte contre la pauvreté. Parallèlement, les crédits pour l’égalité hommes-femmes, la protection de l’enfance et le handicap stagnent ou progressent modestement, souvent sous l’inflation.

Il faut rappeler l’intervention récente du Premier ministre évoquant un possible dégel des prestations sociales. La décision initiale de geler l’ensemble des prestations sociales constitue un marqueur préoccupant du projet gouvernemental, rompant avec le principe d’indexation sur l’inflation qui protégeait minimalement le pouvoir d’achat des plus vulnérables. Le gel de l’AAH, en particulier, franchit une ligne rouge sociale et morale, contredisant vos engagements antérieurs. Si nous saluons le revirement annoncé par le Premier ministre, les arbitrages sont-ils définitivement tranchés ? Quelles économies envisagez-vous pour financer ces dispositions ?

Le programme Inclusion sociale et protection des personnes subit les plus fortes réductions de la mission, avec une baisse de 7,3 %, soit un montant de près d’un milliard d’euros. Cette diminution affecte directement la prime d’activité, désormais recentrée et non revalorisée, ainsi que la prime de Noël, limitée aux seuls foyers avec enfants. Ces dispositifs soutiennent pourtant des millions de foyers modestes, alors que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) recense déjà 10 millions de personnes en situation de pauvreté. Comment justifiez-vous que ces économies ciblent prioritairement les actifs modestes et les personnes isolées ? Combien de bénéficiaires perdront leur accès à ces deux prestations en 2026 ?

Le programme 157 Handicap et dépendance est maintenu presque à l’identique, principalement pour financer la déconjugalisation de l’AAH, mesure que notre groupe a soutenue et inscrite dans le programme présidentiel de Marine Le Pen. Des problèmes persistent néanmoins dans l’accès aux droits. Dans l’Eure, les délais de traitement de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) atteignent un an pour un nouveau dossier et neuf mois pour un renouvellement. Quelles mesures concrètes prévoyez-vous pour renforcer ces structures dès 2026 ? Le transfert de dispositifs comme l’emploi accompagné hors de ce programme ne risque-t-il pas d’affaiblir sa cohérence globale ?

Le rapport de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance publié en avril dernier décrit un système exsangue : moyens insuffisants, inégalités territoriales et milliers d’enfants sans solution adaptée. Sur 400 000 mineurs sous mesure de protection, plus de la moitié sont placés dans des structures saturées. Les professionnels signalent des placements non exécutés faute de places, une pénurie de familles d’accueil et l’épuisement du personnel. Face à ce délabrement, le PLF 2026 n’alloue que 40 millions d’euros pour améliorer l’encadrement en pouponnières et 10 millions pour la contractualisation avec les départements, bien en deçà des besoins identifiés. Le Gouvernement envisage-t-il un plan d’urgence pour garantir qu’aucun enfant ne reste sans solution appropriée dès 2026 ?

Mme Christine Le Nabour (EPR). Les enveloppes nationales ne reflètent pas les financements réellement perçus par les structures locales, car les critères d’attribution varient considérablement selon les régions. Une mission locale en Bretagne, par exemple, se voit appliquer des critères spécifiques à cette région. Nous observons également un effet d’accumulation inquiétant : les collectivités locales, elles-mêmes soumises à des contraintes budgétaires croissantes, réduisent parallèlement leur soutien aux structures d’insertion.

Je plaide depuis longtemps pour une refonte complète du secteur de l’insertion, actuellement fragmenté entre trop d’acteurs et de dispositifs. Chaque structure applique ses propres règles d’entrée et de sortie, ses modalités de financement et ses critères d’évaluation. Ainsi, une sortie jugée positive dans une mission locale ne correspond pas à celle d’une structure d’insertion par l’activité économique. Cette réforme favoriserait la coopération entre structures plutôt que leur mise en concurrence.

Les acteurs du secteur reconnaissent la nécessité d’efforts collectifs, mais dénoncent le caractère brutal et précipité des restrictions actuelles. Pour cette raison, ils réclament une programmation pluriannuelle qui leur permettrait d’absorber plus efficacement les éventuelles baisses budgétaires.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Après L’Étrange Noël de Monsieur Jack, voici L’Affreux Noël des macronistes. Vous avez dissimulé jusqu’au dernier moment une mesure particulièrement sévère : la réduction de moitié de la prime de Noël destinée aux chômeurs de longue durée en allocation de solidarité spécifique, aux chômeurs proches de la retraite et aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA).

Réduire cette prime de Noël relève du cynisme. Vous aviez prévu 467 millions d’euros pour cette prime en 2025, mais n’accordez plus que 261 millions cette année, divisant l’enveloppe par deux. Cela implique automatiquement une baisse du montant versé à chaque bénéficiaire. Cette économie de 200 millions représente seulement deux jours du rendement potentiel d’une « taxe Zucman » ou une semaine de recettes d’un impôt sur la fortune, mais vous choisissez délibérément de prélever ces sommes dans les poches des plus vulnérables.

Vous annoncez un « recentrage de la prime de Noël sur les seuls foyers éligibles ayant un ou plusieurs enfants à charge ». En termes clairs, vous la supprimez pour tous les foyers sans enfant, seul moyen d’atteindre les 200 millions d’euros d’économies prévues. Quel est votre objectif réel ? Humilier les bénéficiaires ? Les dissuader d’accueillir leur famille pendant les fêtes ou d’acheter un billet de train pour visiter leurs proches ? Les empêcher d’offrir des cadeaux ? Ou pire, les contraindre à décliner des invitations par honte de se présenter les mains vides ?

Cet exemple, loin d’être isolé, illustre l’orientation actuelle du Gouvernement : votre projet prive littéralement les familles précaires de la moitié, voire plus, de leurs cadeaux de Noël. Tel le Grinch au service de la grande bourgeoisie, vous semblez prêts à supprimer la prime de Noël pour 1 500 000 personnes. Confirmez-vous cette intention ? Si non, comment expliquer les 200 millions d’euros d’économies prévues sur cette prime ?

L’article 80 supprime également l’aide de 500 euros au permis de conduire pour les apprentis, équivalant aux trois quarts du salaire mensuel des plus jeunes. Avec un coût réel d’environ 1 Smic pour vingt heures de conduite, et une rémunération débutant à 775 euros, ces jeunes devront désormais consacrer deux mois de salaire à leur permis. Paradoxalement, le même Gouvernement qui verse 2 000 euros aux employeurs pour l’embauche d’apprentis reprend 500 euros à ces jeunes, les contraignant à financer indirectement les avantages accordés au patronat. Quant à l’alternative du compte personnel de formation (CPF), l’article 81 en limite justement l’utilisation pour le financement du permis.

Pour essayer de noyer le poisson, certains ministres évoquent des hausses sectorielles de crédits. Regardons la réalité : France Travail perd 515 postes. Y a-t-il trop de conseillers gérant les droits ? Trop d’agents répondant au 3949 ? Trop de personnel d’accueil accompagnant la dématérialisation ? Trop d’intervenants conduisant les entretiens ? Où précisément ces suppressions vont-elles s’appliquer ?

Parallèlement, l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) perd 506 postes. Qu’estimez-vous superflu ? Le personnel, alors que le nombre de stagiaires a diminué de moitié en quinze ans ? Les formations, alors que vous réduisez les heures par stagiaire ? Les qualifications, remplacées par de l’accompagnement certifiant ? L’accessibilité, alors que vous supprimez les subventions de restauration, forçant des stagiaires à choisir entre manger ou dormir dans leur véhicule ? Les programmes d’intégration pour réfugiés et détenus ? Les sites, après en avoir déjà fermé trente-huit ? Le bien-être au travail, malgré les hospitalisations récurrentes d’agents pour stress professionnel ?

Ces exemples révèlent le caractère purement idéologique de votre approche. Vous annoncez des coupes budgétaires sans jamais préciser leurs implications concrètes, supprimant 500 postes ici et là sans définir lesquels ni pourquoi. Nous exigeons de comprendre précisément comment et où s’appliqueront ces milliers de suppressions annoncées aujourd’hui.

Mme Océane Godard (SOC). L’examen de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux du PLF 2026 révèle une attaque sans précédent contre les politiques de l’emploi. Cette mission, amputée de près de 3 milliards d’euros, devient la grande sacrifiée du PLF, choix particulièrement inquiétant dans un contexte social et économique déjà tendu.

Depuis des décennies, l’emploi est au cœur du discours politique, mais les approches restent essentiellement comptables. Dès que le taux de chômage diminue ou que les inscriptions à France Travail reculent, la conclusion politique invariable consiste à réduire les crédits. Or un marché de l’emploi performant ne se mesure pas uniquement à ces indicateurs, mais à sa capacité d’intégration. Le sous-emploi, comme l’a souligné le Conseil d’analyse économique, rattaché au Premier ministre, constitue le principal obstacle au plein emploi. Cette réalité affecte particulièrement les jeunes, les femmes, les seniors et les personnes peu qualifiées, à la marge du marché du travail.

La qualité des emplois proposés représente un critère fondamental et un pilier du pacte républicain. Le travail structure notre société et notre système social, mais quand il ne garantit plus la sécurité, ne rémunère pas décemment et génère du rejet, c’est que les politiques publiques ont failli. Selon vos propres termes, elles ne sont plus efficaces.

Le bon fonctionnement du marché de l’emploi se mesure également à la qualité du dialogue social dans les entreprises, les branches et au niveau national. Sur ce plan, la démocratie sociale s’est considérablement dégradée depuis 2017. Il s’évalue également au sentiment de sécurité qu’éprouvent nos concitoyens, qu’ils soient en activité ou au chômage. Or le travail suscite aujourd’hui l’inquiétude, comme l’a dramatiquement illustré la réforme des retraites de 2023.

Nous partageons votre attachement à l’efficience et l’efficacité, mais ces principes ne consistent pas à considérer les opérateurs financés par l’État seuls comptables de l’accès et du maintien dans l’emploi. Les entreprises en sont l’acteur essentiel. Quand la législation et les dispositifs fiscaux les incitent à maximiser la flexibilité de leur gestion des ressources humaines et à maintenir des salaires bas, ne nous étonnons pas que notre marché de l’emploi soit défaillant. N’attendons pas des opérateurs qu’ils remédient aux causes structurelles et culturelles du chômage et du sous-emploi persistants en France.

Pour cette mission, notre boussole doit être : la qualité de l’accompagnement telle que ressentie par ses bénéficiaires ; la qualité de service perçue par les entreprises ; la capacité à prévenir les sorties durables du marché du travail et à enrayer l’appauvrissement croissant, marqué par l’augmentation d’un point du taux de pauvreté ; et l’aptitude à proposer des solutions globales intégrant l’emploi mais pas uniquement. Tous les élus locaux peuvent témoigner que logement, mobilité et garde d’enfants constituent les principaux obstacles à l’insertion professionnelle.

Votre budget fragilise tous les filets de sécurité avec une réduction de 500 ETP à France Travail. Bien que représentant seulement 1 % des effectifs, cette baisse survient alors que l’opérateur peine déjà à gérer l’inscription obligatoire des allocataires du RSA depuis janvier et à déployer la loi pour le plein emploi, pourtant prioritaire dans les engagements présidentiels de 2022.

Nous déplorons également la suppression de 1 000 ETP dans les missions locales, victimes du plan social affectant le secteur associatif. S’y ajoutent 20 000 ETP supprimés dans l’insertion par l’activité économique, soit 60 000 places d’insertion en moins pour les personnes vulnérables. Les crédits pour l’emploi des personnes handicapées chutent de 25 %, tandis que le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée manque crucialement de financement.

Ces choix politiques peuvent-ils réellement renforcer l’efficacité des acteurs de l’emploi et de l’insertion ? Le groupe socialiste en doute fortement et se tient prêt à réviser avec vous les indicateurs d’efficience permettant un pilotage plus juste des opérateurs de nos politiques publiques.

Plusieurs mesures s’avèrent particulièrement préoccupantes : suppression de la prise en charge des cotisations salariales des apprentis du secteur public, fin de l’aide au permis de 500 euros pour les apprentis majeurs, plafonnement des dépenses du CPF et disparition des bilans de compétences. Ces restrictions budgétaires compromettront directement la dynamique de l’apprentissage.

Sur le CPF et le bilan de compétences, nous avons régulièrement critiqué la loi de 2018 censée garantir la liberté de choisir son avenir professionnel. Après renoncement sur renoncement, que subsiste-t-il réellement de cette ambition ?

Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, le nombre des bénéficiaires de l’activité partielle, dispositif essentiel pendant la crise du covid, a baissé de 33 % en un an. Cette diminution libère potentiellement des ressources budgétaires. Avez-vous identifié ces crédits non consommés et envisagez-vous de les réorienter vers la formation, la reconversion ou l’insertion professionnelle ?

M. Thibault Bazin (DR). Redresser nos comptes sociaux exige de lutter contre les fraudes plutôt que d’augmenter taxes et cotisations. Pour pérenniser notre protection sociale, nous devons améliorer notre taux d’emploi et assurer le renouvellement des générations. Comme la Droite Républicaine le propose depuis des années, nous voulons créer un véritable écart entre revenus du travail et prestations sociales. L’actuel millefeuille de trente‑deux prestations nécessite simplification et harmonisation avant tout plafonnement. Je propose un amendement pour expérimenter rapidement un revenu social de référence.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous éliminer les trappes à inactivité qui dissuadent certains citoyens de passer à temps complet ou d’effectuer des heures supplémentaires par crainte de perdre un montant équivalent d’aides ? Quelles mesures concrètes prévoyez-vous pour améliorer l’emploi des jeunes, des personnes expérimentées et des parents de jeunes enfants ?

Madame la ministre de la santé et des familles, une mesure sous-jacente du PLFSS 2026 consiste, par la voie réglementaire, dans le décalage à 18 ans de la majoration pour âge des allocations familiales, pénalisant principalement les familles nombreuses à revenus modestes. Par ailleurs, la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) a créé des perdants chez la moitié des bénéficiaires, notamment les foyers où chaque parent gagne plus de 2 000 euros mensuels, des familles de classe moyenne et non des riches. Quelles corrections envisagez-vous pour mieux soutenir le pouvoir d’achat des familles actives avec enfants ?

Madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes handicapées, le partenariat État-départements est fondamental pour répondre aux besoins réels d’autonomie. La branche autonomie sera déficitaire d’ici 2026 malgré l’affectation de nouvelles recettes. Ne serait-il pas préférable de privilégier les compensations directes par l’État via le PLF pour les compétences transférées aux départements, plutôt que de ponctionner les ressources de la sécurité sociale ?

M. Fabien Di Filippo (DR). L’AME représente 1,2 milliard d’euros de crédits, approchant probablement 1,3 milliard aujourd’hui, sans compter les bénéficiaires passant à la couverture maladie universelle qui n’y reviennent pas après basculement dans la clandestinité. Le nombre de bénéficiaires a augmenté de 40 % en dix ans, tandis que l’enveloppe a presque doublé. Nous y voyons une prime à la clandestinité, car le panier de soins dépasse largement l’urgence. Vos ajustements restent symboliques sans remettre en question le dispositif. Actuellement, après neuf mois de présence irrégulière, sont accessibles gratuitement des prothèses articulaires, des gastroplasties contre l’obésité ou des opérations pour oreilles décollées. La pertinence de ces prises en charge intégrales par le contribuable français mérite d’être questionnée.

Envisagez-vous de modifier par décret le panier de soins pour transformer l’AME en véritable aide médicale d’urgence ? Comptez-vous instaurer une franchise médicale, même symbolique, pour responsabiliser les bénéficiaires et mettre fin à la gratuité totale ? Les témoignages de nos hôpitaux sont éloquents, au-delà des postures idéologiques. Comment justifier l’augmentation continue de ces coûts alors que notre système de santé doit financer des traitements toujours plus onéreux pour une population vieillissante ? Ces efforts devraient s’imposer à tous, excepté aux plus vulnérables, mais certainement pas favoriser ceux qui séjournent irrégulièrement en France.

M. François Ruffin (EcoS). Dans l’hémicycle, on refuse de prélever des milliards sur les grandes fortunes tandis que vous exigez des « ajustements » au nom du déficit public. Qui en fait les frais ? Les travailleurs les plus précaires. Les personnes en situation de handicap en Esat – 95 % des effectifs – perdront 150 à 170 euros mensuels de prime d’activité. Les structures d’insertion par l’activité économique subissent une baisse de 14 %, menaçant 20 000 postes et privant 60 000 personnes d’accompagnement. Parallèlement, les entreprises adaptées voient leurs moyens réduits de 13 %, les missions locales de 19 %, et l’Afpa supprime 506 postes.

Cette politique frappe un marché du travail déjà difficile pour certaines catégories : personnes maîtrisant mal le français, jeunes sans diplômes ni confiance, travailleurs licenciés après 50 ans, 100 000 personnes sortant annuellement du marché par inaptitude, victimes de troubles musculosquelettiques ou d’épuisement professionnel. Toutes ces personnes ont besoin d’avoir un travail alternatif offrant une passerelle vers l’emploi classique.

Or votre politique menace précisément cette passerelle essentielle. Je vous invite à écouter l’alerte lancée par une députée macroniste : la contradiction est flagrante entre votre discours prônant le travail et vos actions qui, paradoxalement, découragent l’emploi en supprimant les dispositifs d’insertion professionnelle comme les Territoires zéro chômeur, les Esat et les entreprises adaptées.

Je m’inquiète également du manque de mesures pour l’enfance. La légère hausse budgétaire annoncée répond-elle vraiment à l’urgence ? Édouard Philippe lui-même écrivait que « la protection des enfants, leur épanouissement, leur éducation, leur santé psychique et l’accompagnement parental devraient devenir une grande cause nationale ». Nous en sommes loin. L’ASE, départementalisée dans un contexte d’appauvrissement des ressources, fonctionne mal. Une nationalisation s’impose face aux dégâts du système actuel. De même, alors que dix enfants par classe seraient victimes de violences sexuelles, nous manquons d’un plan national efficace pour les repérer au sein de l’éducation nationale.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous concluons ce soir les débats sur le volet recettes du PLF avant d’aborder demain le PLFSS, pendant que l’hôpital traverse une crise majeure. Malgré l’augmentation de 1,6 % des dépenses, la Fédération hospitalière de France dénonce la pire cure d’austérité jamais imposée à l’hôpital public. Notre système de santé se détériore : l’accès aux soins recule, la désertification médicale s’étend et l’inquiétude grandit parmi nos concitoyens. Cette situation s’aggrave avec la montée de la précarité et la concentration des ressources dans de grands pôles hyperspécialisés au détriment des structures de proximité.

Les centres de santé, trop peu évoqués dans nos débats, pourraient garantir l’accès aux soins sur tout le territoire mais restent structurellement déficitaires. Quelles mesures prévoyez-vous pour assurer leur viabilité ? Qu’entreprendrez-vous également pour les centres de contraception et d’interruption volontaire de grossesse (CIVG) ? Nous avons constitutionnalisé le droit à l’avortement, mais ces centres figurent parmi les premières victimes du manque de moyens hospitaliers.

La France détient le record du nombre de cancers. Or nous savons que les pesticides, réintroduits par la loi Duplomb, jouent un rôle majeur dans cette épidémie. La pollution atmosphérique, les perturbateurs endocriniens et la malbouffe aggravent également considérablement les problèmes de santé publique. Quelles politiques de prévention, particulièrement en santé environnementale, comptez-vous mettre en œuvre ?

Concernant l’AME, vous êtes revenue sur vos projets de décrets : c’est fondamentalement une question de santé publique. Garantir l’accès aux soins pour tous prévient des hospitalisations plus graves et limite les risques pandémiques. Comment les restrictions envisagées préserveront-elles cette fonction essentielle ? Médecins du Monde signale qu’au moins un tiers des personnes accompagnées relèveraient de ce dispositif.

Nous pourrions mettre fin à l’épidémie de VIH, mais les associations alertent sur le non-recours aux soins qui entraîne des diagnostics tardifs et des traitements inadaptés, favorisant l’évolution vers le sida. Quelles actions prévoyez-vous face à cette urgence sanitaire ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Je tiens tout d’abord à dénoncer le show de notre collègue Clouet, dont l’idéologie et la démagogie sont insupportables. Notre sécurité sociale et notre État frôlent l’effondrement financier. Sans approche pragmatique et raisonnable, malgré toutes les figures de style possibles, nous constaterons demain l’effondrement de notre système de protection sociale. La situation est d’une extrême gravité, comme le confirme le rapport de la Cour des comptes qui nous a été communiqué ce matin.

Je formulerai plusieurs critiques sur le projet qui nous est présenté. Notre économie manque de richesse et pour en avoir davantage, il faut davantage de travail. Pourtant, les crédits diminuent significativement : – 4,2 % pour l’accès à l’emploi au programme 102, – 19,4 % pour l’accompagnement des mutations économiques au programme 103, – 8 % pour le programme 111, tandis que le programme 155 stagne. France Travail perd 515 postes tout en devant assumer l’accompagnement du RSA avec 17,3 millions d’euros en moins. Le dispositif Territoires zéro chômeur, malgré son coût justifié, subit une coupe de 12 millions. Les missions locales voient leurs contrats d’engagement jeune réduits. Comment accompagner efficacement vers l’emploi les personnes qui en sont éloignées alors qu’elles représentent un potentiel de création de richesse et de recettes ? J’attends vos éclaircissements, car nous devons allier rigueur budgétaire et investissement résolu dans l’emploi.

Je m’associe également à la question sur la rémunération dans les Esat et l’AAH. Actuellement, les travailleurs en Esat bénéficient de la solidarité nationale sans percevoir véritablement le fruit de leur travail, ce qui dévalorise leur contribution. Dans certains établissements, l’écart financier entre activité et inactivité est si minime qu’il n’incite nullement les personnes handicapées à s’engager professionnellement.

Concernant la santé, comment envisager l’avenir de notre système sanitaire et de la sécurité sociale sans une loi pluriannuelle de santé ? Seuls des objectifs à moyen et long terme permettront d’élaborer des politiques générant des économies progressives grâce à la prévention. Quelle est votre position sur ce point ?

La stratégie décennale contre le cancer évoque le dépistage précoce, mais quelles mesures concrètes sont prévues ? Par ailleurs, concernant le virus respiratoire syncytial (VRS) causant la bronchiolite chez les nourrissons et plus de 20 000 hospitalisations chez les personnes âgées de plus de 65 ans, une politique vaccinale efficace permettrait d’importantes économies. Ces hospitalisations laissent souvent des séquelles irréversibles chez les seniors. Pour le groupe Les Démocrates, cet exemple illustre qu’une prévention ambitieuse, associée à une stratégie industrielle pour des soins plus efficaces, peut parfaitement s’articuler avec une gestion budgétaire rigoureuse.

Enfin, quelle est votre stratégie pour valoriser les données de santé ? Nous disposons d’un volume considérable d’informations, notamment grâce à la carte Vitale, mais de nombreux rapports démontrent que ce potentiel reste largement sous-exploité pour optimiser l’efficacité de notre système.

M. François Gernigon (HOR). La mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux comprend plusieurs dispositifs d’accompagnement : fonds d’inclusion professionnelle, insertion par l’activité économique, entreprises adaptées, programme Territoires zéro chômeur et comités locaux pour l’emploi. Le fonds d’inclusion professionnelle regroupe les ressources pour contrats aidés, insertion par l’activité économique et entreprises adaptées. Ce dispositif privilégie l’amélioration qualitative de l’accompagnement socioprofessionnel et renforce les liens avec les employeurs, incitant les structures d’insertion à professionnaliser leur organisation et mutualiser certaines fonctions.

Pour les personnes handicapées, le programme vise à sécuriser les transitions entre entreprises adaptées et emploi ordinaire via les plans régionaux d’insertion et l’outil décisionnel relatif à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Il devient impératif d’intégrer tous ces dispositifs dans un pilotage territorial unifié, car chaque personne sans emploi présente une situation singulière qui évolue. Elle doit bénéficier d’évaluations régulières et pouvoir changer de dispositif si nécessaire, évitant toute rupture de parcours et favorisant son intégration en milieu ordinaire. L’accès au travail constitue avant tout une nécessité individuelle fondamentale.

Chaque territoire doit mettre en place un arbitrage annuel des fonds alloués à chaque dispositif, nécessitant un bilan précis des résultats. Cette évaluation doit mesurer tant les retours vers l’emploi que la situation comptable des 6 600 entreprises engagées contre la privation d’emploi. L’analyse doit intégrer non seulement le coût pour l’État, mais aussi les recettes indirectes générées : TVA issue du travail et de la consommation, économies sur les allocations, telles que le RSA ou les allocations de logement, et cotisations sur les salaires. Cette approche globale démontre que l’emploi aidé ne représente pas une charge nette pour les finances publiques.

Que pensez-vous d’un pilotage territorial des dispositifs pour répondre précisément aux besoins des personnes sans emploi ? Je m’apprête à déposer une proposition de loi sur ce sujet. La question fondamentale est claire : voulons-nous financer l’exclusion ou investir dans l’inclusion ? Concrètement, cela implique de maintenir les crédits de 2025 dans le PLF 2026.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Je salue l’accélération annoncée concernant l’ASU. En tant que corapporteure de la mission « flash » sur cette réforme, je la considère essentielle pour garantir que le travail soit toujours plus rémunérateur que l’inactivité et pour renforcer notre lutte contre la pauvreté.

L’apprentissage reste un levier majeur vers le plein emploi. Pourtant, il est prévu dans la mission Travail de supprimer l’aide de 500 euros au permis de conduire des apprentis. Cette aide est cruciale dans les zones rurales et périurbaines où, sans véhicule, aucun contrat n’est possible. Un jeune incapable de rejoindre son centre de formation des apprentis (CFA) ou son entreprise représente une alternance échouée et une offre d’emploi non pourvue. Pourquoi supprimer cette aide ? À défaut de revenir sur cette décision, envisagez-vous un soutien ciblé pour les jeunes des territoires où l’absence de mobilité bloque l’accès à l’emploi ?

La prévention du diabète de type 1 constitue un enjeu de santé publique insuffisamment visible. Cette maladie, parmi les plus fréquentes chez l’enfant, voit son incidence augmenter de 3 à 4 % par an. Pour quatre enfants sur dix, le diagnostic tardif entraîne des passages en réanimation qui peuvent altérer durablement leurs fonctions cognitives. 80 % des patients sont hospitalisés en urgence lors du diagnostic, causant traumatismes familiaux et coûts élevés pour notre système de santé. Des méthodes existent pourtant pour identifier précocement les personnes à risque via le repérage d’auto-anticorps. Plusieurs pays ayant lancé des programmes de dépistage constatent déjà moins de formes graves et une meilleure éducation thérapeutique. Envisagez-vous d’expérimenter ce dépistage nationalement ou sur des territoires pilotes ?

M. Stéphane Viry (LIOT). L’examen des documents budgétaires de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux m’incite à m’interroger sur votre véritable ambition. Je croyais comprendre – et j’y adhérais – que l’objectif visé était le plein emploi. Cela implique de réduire durablement le chômage, de favoriser l’insertion des personnes éloignées de l’emploi et de fournir aux entreprises confrontées à des pénuries les collaborateurs dont elles ont besoin.

Pendant que nos collègues débattent du redressement des comptes publics dans la salle voisine, rappelons que, pour réduire déficits et dette, nous devons produire davantage de richesse. Cette production passe par le travail – tous, différemment peut-être, mais tous. Sans mobilisation nationale pour accroître le nombre de travailleurs, nous échouerons. La réussite collective repose sur la possibilité pour chacun d’apporter sa contribution, même modeste, à la création de valeur et au financement de notre protection sociale.

Or les documents budgétaires de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux révèlent une réduction drastique de tous les dispositifs d’insertion professionnelle. Sans détailler chaque mesure déjà évoquée par d’autres intervenants, cette logique d’économies budgétaires suscite une profonde incompréhension quant au projet sociétal que vous proposez.

Je défends une France inclusive où le travail est accessible à tous. Si certains n’éprouvent aucune difficulté à trouver un emploi, six à sept millions de personnes en sont incapables. Allons-nous les laisser en marge, comme si elles ne faisaient pas partie de la communauté nationale ? Comment construire une France unie, une véritable cohésion sociale et républicaine en renonçant à l’insertion comme politique d’emploi prioritaire ? Une véritable politique de l’emploi ne se limite pas à un taux de chômage conjoncturel à 7 %, mais garantit l’égalité des chances dans l’accès au travail.

La lisibilité en matière d’insertion par l’activité économique fait défaut. La réduction de 14 % du budget prive 60 000 personnes d’accès à l’emploi. Plus de fonds de développement, plus de formation, cela a été dit, tandis que les financements des structures d’insertion par l’activité économique et des missions locales accompagnant les jeunes sont drastiquement réduits.

Concernant France Travail, nous avions collectivement choisi de doter cet opérateur des moyens nécessaires à son action. Cette année, vous le fragilisez au moment même où une réforme l’invite à gagner en performance. Comment comptez-vous améliorer l’accès à l’emploi tout en réduisant la capacité opérationnelle de notre opérateur public ?

Plusieurs gouvernements successifs ont développé une véritable culture de l’apprentissage dans notre pays. Pourtant, toutes les mesures actuelles semblent décourager cette voie et marquer un coup d’arrêt à cette dynamique.

Mon engagement pour le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée est connu. Ce programme fonctionne, comme le confirment les évaluations récentes. Avec les choix budgétaires actuels, vous compromettez l’avenir des territoires expérimentaux performants et bloquez l’extension du dispositif à de nouvelles zones, contredisant ainsi les conclusions des rapports d’évaluation.

Que dire également de la suppression du bilan de compétences dans le CPF, bien que cela ne figure pas directement dans ce budget ? Cet outil clarifie les parcours professionnels et facilite les reconversions. Là encore, le Gouvernement remet en question un dispositif ayant prouvé son efficacité.

Les crédits destinés aux entreprises adaptées et aux entreprises adaptées de travail temporaire, c’est‑à‑dire pour les personnes en situation de handicap, sont également réduits dans tous les dispositifs cette année. Cette décision va déstabiliser des modèles qui ont nécessité du temps pour être consolidés. Ces structures seront fragilisées et donc moins performantes, au préjudice des plus vulnérables et sans emploi.

Seul le travail résoudra les problèmes de compétitivité et d’endettement de la France. Je déposerai des amendements pour corriger ce PLF qui, au-delà des finances, concerne la cohésion sociale et le pacte républicain. Ce document révèle une politique de l’emploi sous contrainte comptable, au détriment de l’inclusion, de la formation et du lien social.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Michel Lauzzana (EPR). Concernant les registres des cancers votés à l’unanimité, les décrets sont-ils prêts pour publication d’ici la fin de l’année ? Par ailleurs, l’Inca avait évalué ce dispositif à plus de 6 millions d’euros, mais nous constatons seulement 4,6 millions d’euros de transferts plus 1 ETP, insuffisants pour son déploiement complet en 2026. Comment planifiez-vous sa montée en charge ? Enfin, la gouvernance est-elle suffisamment inclusive pour répondre aux attentes des associations, chercheurs et oncologues ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Notre groupe a toujours défendu le travail comme valeur fondamentale, en promouvant l’activité professionnelle de qualité pour tous les âges. Or ce budget néglige la formation continue, nécessaire pour s’adapter aux métiers en mutation et préparer les reconversions, alors même que nous avons instauré un bilan de santé à mi-carrière. Des moyens existent pourtant. Nous devrions également rationaliser les multiples bilans de compétences proposés par des organismes à l’efficacité contestable.

Sur l’inclusion, tous les organismes accompagnent des personnes très éloignées de l’emploi confrontées à des situations de plus en plus complexes. Ne faudrait-il pas analyser ces dispositifs en profondeur pour les regrouper plutôt que de disperser les financements sans contrôle adéquat ?

M. Thomas Ménagé (RN). Je souhaite revenir sur l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que vos services, pour le soutien à l’ouverture d’une école de la deuxième chance à Montargis. Cependant, ce budget fragilise un pilier essentiel de l’insertion : les missions locales, dont les moyens diminuent de 13 % après une première baisse en 2025. En deux ans, c’est près d’un cinquième des ressources étatiques qui disparaît. Votre argument d’une augmentation de 14 % depuis 2017 est invalidé par une inflation de 16 % sur la même période. Vous exigez aujourd’hui que ces structures accompagnent davantage de jeunes avec moins de ressources, alors que le chômage des 16‑25 ans avoisine 17 %. Ces réductions entraîneront des fermetures et des attentes prolongées. Comment permettrez-vous aux missions locales de poursuivre efficacement leur travail d’accompagnement ?

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Monsieur Farandou, vous disposez d’un an pour transposer la directive européenne de présomption de salariat, permettant d’augmenter les recettes des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) en reconnaissant aux travailleurs des plateformes le statut de salariés. Prévoyez-vous de recruter des inspecteurs du travail supplémentaires pour accompagner cette mesure ?

Madame Rist, la santé mentale, déclarée grande cause nationale, touche particulièrement les jeunes dont plus d’un quart souffre de troubles psychologiques importants. Les délais d’attente en centre médico-psychologique (CMP) atteignent près d’un an, le nombre de psychologues dans les trois fonctions publiques est insuffisant, et la psychiatrie hospitalière est exsangue. Quelles mesures comptez-vous prendre face à ces urgences ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Nous assumons pleinement l’ajustement des moyens alloués aux politiques publiques, convaincus que des gains d’efficacité sont possibles. Certaines de vos propositions, d’ailleurs pertinentes, seront reprises. L’évaluation de l’efficacité des politiques publiques relève d’une bonne gouvernance, particulièrement nécessaire dans notre contexte de maîtrise des déficits.

Concernant la prime d’activité, notre enjeu est d’assurer sa soutenabilité financière. Son budget a pratiquement doublé, passant de 5,4 milliards d’euros en 2018 à 10,2 milliards en prévision pour 2025. Cette progression ne peut continuer indéfiniment. Notre réflexion explore diverses pistes paramétriques tout en préservant les effets positifs de cette prime sur la revalorisation salariale. Ces éléments seront discutés avec les branches professionnelles.

Nous proposons en effet de recentrer la prime de fin d’année sur les familles avec enfants. Cette orientation nous permet de maintenir cette aide exceptionnelle pour ces foyers malgré un budget réduit. Cette proposition fait actuellement l’objet de discussions.

Je suis particulièrement attentif aux remarques sur les dispositifs destinés aux publics éloignés de l’emploi et leur déploiement territorial. Je constate effectivement une prolifération de dispositifs nécessitant une meilleure coordination locale. Vos suggestions s’inscrivent précisément dans cette recherche d’efficience, et je suis tout à fait disposé à collaborer avec les députés intéressés pour améliorer cette situation.

France Travail représente un outil performant qui démontre la priorité accordée à l’emploi. Avec ses 55 000 salariés, cette agence innovante fonctionne efficacement. La réduction budgétaire de 1 % n’affectera pas le personnel en contact avec le public, mais permettra d’optimiser les fonctions support grâce à la digitalisation. Nous renforcerons les ressources dédiées à l’accompagnement direct tout en soutenant cette agence performante dont les déclinaisons locales participeront à l’effort d’optimisation.

Pour le permis de conduire des apprentis, plusieurs dispositifs existent déjà pour en réduire le coût, notamment le permis à 1 euro déployé dans plusieurs territoires.

Concernant l’apprentissage, nous préservons prioritairement la formation et les aides aux entreprises. Après un pic à 16 milliards d’euros en 2024, nous ajustons le budget entre 12 et 13 milliards tout en maintenant l’efficacité du dispositif. L’équilibre offre-demande reste essentiel : les aides aux entreprises – 1 000 euros pour les petites et 2 000 euros pour celles dépassant 250 salariés – sont maintenues. Après l’ajustement de 2025, aucune réduction supplémentaire n’est envisagée.

Quant à la formation, nos ajustements visent une meilleure efficience. Nous avons retiré des autorisations à certains CFA aux pratiques inadéquates, car l’allocation massive de moyens a parfois engendré des problèmes de qualité. Nos services agiront pour identifier les organismes exploitant abusivement le système, permettant ainsi une utilisation plus efficace des ressources.

La suppression du financement du permis pour les apprentis vise à préserver le budget global de l’apprentissage, en priorisant la qualité de formation et le maintien des aides aux entreprises.

Concernant France Travail, une discussion directe et responsable entre son directeur et moi-même, en tant que ministre de tutelle, constitue l’approche la plus efficace, sans besoin d’intermédiaires.

Nous reconnaissons l’importance des missions locales, financées conjointement par l’État et les collectivités territoriales. Vous avez justement souligné que ces deux sources subissent des tensions budgétaires simultanées. Vos propositions d’ajustement territorialisé sont pertinentes car elles respectent la diversité des réalités locales. Parmi ces nombreux dispositifs, certains excellent tandis que d’autres nécessitent des ajustements et une vérification approfondie de l’utilisation des moyens alloués.

Sur l’insertion, notre approche reste cohérente. Elle représente la dimension solidarité d’un ministère principalement voué au retour à l’emploi. Notre mission fondamentale est de permettre à chacun de trouver un travail et d’évoluer professionnellement. Je partage votre conviction que le travail constitue une dignité, une position sociale et un vecteur d’émancipation, tout en contribuant à la création de richesse collective. Cette vision s’inscrit dans un continuum avec notre stratégie industrielle nationale : pour créer du travail, nous avons besoin d’entreprises qui se développent et génèrent des emplois.

Certaines personnes éloignées de l’emploi nécessitent un accompagnement spécifique, mais notre objectif n’est jamais de les maintenir durablement dans l’inactivité. Notre finalité demeure le retour à l’emploi. Ma position est claire : la meilleure utilisation des fonds publics consiste à favoriser ce retour. Face à la prolifération des instruments d’insertion, un inventaire plus exhaustif nous permettrait d’optimiser notre action sans renoncer à cette politique fondamentale. Dans le contexte d’ajustement budgétaire actuel, l’efficience des dispositifs doit être améliorée.

Concernant l’exonération des cotisations sociales des apprentis, deux considérations s’imposent. La sécurité sociale est financée par les cotisations prélevées sur les rémunérations. Toute forme de salaire devrait logiquement y contribuer. L’apprentissage étant désormais une politique mature, nous proposons d’appliquer des cotisations uniquement aux nouveaux apprentis, sans modifier la situation des actuels. Leur rémunération, comme celle des autres salariés en contrat à durée indéterminée, justifie ces cotisations pour assurer l’équité et financer la protection sociale.

L’ASU est fondamentale. Le Premier ministre s’apprête à prendre clairement position sur ce dossier dont les travaux préparatoires sont achevés. J’ai personnellement examiné de nombreuses études et propositions architecturales pour son déploiement. Cette mesure poursuit deux objectifs complémentaires : lutter contre la pauvreté, priorité absolue, et favoriser le retour vers l’emploi.

Notre système d’aides démontre son efficacité contre la pauvreté, évitant à 3 à 4 millions de personnes d’y basculer. Pour l’optimiser, nous proposons d’unifier d’abord trois allocations fondamentales : RSA, prime d’activité et aides au logement. Cette démarche exigera un travail substantiel sur les systèmes d’information, les bases de données et l’harmonisation des définitions. Une expérimentation territoriale permettrait de préfigurer ce dispositif. Malgré l’ampleur du chantier informatique, nous devons immédiatement le lancer. Une volonté convergente existe pour lancer ce programme par étapes, dont le Parlement sera régulièrement informé.

Nous rencontrons parfois des difficultés à gérer efficacement l’ensemble de ces aides. Pour garantir l’équité, il faudra raisonner par foyer en tenant compte de la composition familiale. Proportionner les aides au travail constitue une approche pertinente. Ce nouvel instrument permettra un pilotage impossible actuellement, où nous sommes parfois démunis face aux effets d’aubaine.

Dans le PLF 2026, 77,6 millions d’euros sont inscrits pour l’activité partielle contre 52 millions en 2025, une amélioration notable du dispositif d’une année sur l’autre.

L’Afpa traverse actuellement une phase de réorganisation, expliquant probablement les problèmes soulevés. Accordons-lui le temps d’achever cette restructuration avant d’évaluer correctement son fonctionnement.

Le dispositif Territoires zéro chômeur reste en phase expérimentale, sans bilan définitif. Une fois celui-ci établi, nous évaluerons son efficacité au regard des fonds publics engagés. Je suis disposé à examiner le rapport mentionné pour en tirer les enseignements nécessaires.

Nous soutenons les propositions d’analyse territoriale approfondie. Monsieur le député, nous sommes prêts à collaborer sur votre projet de loi. Nous partageons votre vision et reconnaissons que ces sujets se traitent plus efficacement à l’échelon local qu’à l’échelon central.

L’emploi des jeunes constitue un enjeu prioritaire, avec le double défi de leur entrée précoce sur le marché du travail et du maintien prolongé des seniors. Nous avons récemment progressé grâce à un accord national interprofessionnel concernant les seniors. Pour les jeunes, je propose de collaborer avec les députés intéressés, dont plusieurs ici présents, afin d’envisager un travail législatif comparable. Cette piste me semble prometteuse.

J’ai été sincèrement troublé d’apprendre que le coût horaire des bilans de compétences est huit fois supérieur à celui de la formation. Ce rapport soulève légitimement des questions sur d’éventuels détournements ou abus. Je tiens à affirmer clairement que je ne cautionnerai pas ces pratiques, position que je crois partagée par plusieurs d’entre nous.

Concernant l’inspection du travail, nous comblons actuellement la diminution des effectifs par de nombreux recrutements. En 2026, nous retrouverons le niveau requis pour ce corps essentiel.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Pour les Esat, la diminution apparente du budget est compensée par une ponction sur la trésorerie de l’ASP. Le financement des Esat, l’accompagnement des personnes et la rémunération des travailleurs seront intégralement assurés dans la continuité de 2025, incluant la revalorisation du Smic.

Dans notre contexte de maîtrise des dépenses, le financement des entreprises adaptées diminue de 5 % et non de 13 %. Cette réduction, bien que réelle, reste mesurée. Notre objectif est d’éviter toute réserve ultérieure pour préserver le montant attribué par rapport à 2025. Au regard de la trajectoire de réduction de la dette, les impacts demeurent relativement contenus.

L’articulation entre AAH, revenus du travail et prime d’activité présente des incohérences fondamentales. Le système actuel désincite mécaniquement à l’activité et ne valorise pas la progression professionnelle. Toute modification d’un élément, comme l’exclusion de l’AAH du calcul de la prime d’activité puisqu’elle n’est pas un revenu professionnel, entraîne des baisses de revenu. Cette contradiction structurelle se manifeste également dans l’impossibilité de cumuler l’AAH au-delà d’un mi-temps avec un salaire. L’AAH, conçue comme un dispositif lié à une restriction d’emploi, génère des effets contraires à ses objectifs. Nous devons repenser l’articulation de ces aides pour résoudre ces incohérences.

L’intégration des acteurs du handicap aux politiques de l’emploi progresse déjà avec l’incorporation des Cap emploi et du dispositif d’emplois accompagnés au sein de France Travail, fluidifiant ainsi les parcours professionnels. Parallèlement, nous renforçons les partenariats entre France Travail, les Esat, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées et le Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique via des conventions qui seront mises en valeur lors de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées.

Concernant le financement de la branche autonomie, nous n’avons pas encore trouvé de solution pérenne face au mur démographique et au déficit imminent. La question fondamentale reste le choix entre impôt ou cotisation comme source de financement durable. Ce débat essentiel sur l’équilibre intergénérationnel et la contribution des différents acteurs devra être tranché d’ici 2027, dans le cadre d’une réflexion sociétale approfondie, bien que plusieurs options soient déjà à l’étude.

Le PLFSS prévoit 300 millions d’euros pour compenser aux départements l’augmentation de la prestation de compensation du handicap et de l’allocation personnalisée d’autonomie, maintenant ainsi le taux de compensation malgré la hausse des dépenses. Les financements de la sécurité sociale continuent donc de soutenir les départements, pendant que nous poursuivons les discussions sur le niveau de cette aide compte tenu de l’évolution des volumes.

Pour résoudre les difficultés d’accès aux droits et les délais excessifs des MDPH, nous avons mis en œuvre diverses mesures : allongement des durées d’attribution pour éviter les renouvellements inutiles, meilleur séquençage des périodes d’attribution pour limiter les demandes multiples, et application effective de l’attribution définitive des droits lorsque la loi le prévoit. Nous développons également des outils innovants intégrant l’intelligence artificielle, l’ensemble étant structuré dans une feuille de route que je supervise attentivement.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Les crédits de l’action 17 s’élèvent à 420 millions d’euros et, malgré la diminution du nombre de mineurs non accompagnés, les moyens spécifiquement dédiés à la protection de l’enfance augmenteront de 55 millions d’euros.

Suite aux recommandations de la commission d’enquête, nous avons renforcé l’encadrement des pouponnières avec 35 millions d’euros inscrits dans ce PLF. J’ai également annoncé la généralisation du parcours de soins coordonnés d’ici 2026, incluant notamment la santé mentale. Notre plan de refondation renforce aussi la prévention et développe l’accueil familial, plus bénéfique pour ces enfants. Ces mesures intégreront un projet de loi dédié, déjà lancé par Catherine Vautrin, que nous porterons conjointement avec le garde des sceaux.

Le report de la majoration des allocations familiales de 14 à 18 ans, prévu dans le cadre du PLFSS, s’appuie sur une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques démontrant que les besoins évoluent plus significativement entre 17 et 18 ans, c’est‑à‑dire la fin du lycée, qu’entre 13 et 14 ans, justifiant ainsi une majoration plus pertinente à 18 ans.

Concernant la réforme du CMG, certaines situations sont effectivement défavorables, principalement pour les très faibles volumes d’heures. En revanche, les familles monoparentales bénéficient généralement d’une augmentation du complément, passant de 310 à 340 euros. Je remercie Mme Bergantz d’avoir déposé un amendement au PLFSS qui permettra notamment d’éviter les hausses imprévues de reste à charge.

D’un point de vue médical, limiter l’AME aux urgences serait contre-productif. Intervenir en amont s’avère non seulement plus humain mais aussi plus économique pour la société. Je rappelle qu’un Français sur trois parmi les plus fragiles est déjà exonéré des forfaits et franchises, catégorie dont relèvent également les bénéficiaires de l’AME.

Avec la haute commissaire à l’enfance, Sarah El Haïry, nous avons intensifié nos actions contre les violences sexuelles, notamment par la mise en place en octobre d’un système informatique vérifiant l’honorabilité des professionnels, qui a déjà permis d’écarter certaines personnes du secteur de la petite enfance. Nous généraliserons également les unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger dans chaque juridiction afin de recueillir la parole des enfants dans des conditions adaptées, tout en engageant diverses actions en réaction aux problèmes soulevés ces derniers jours par la vente de poupées sexuelles.

Sur les liens entre cancer et environnement, malgré la complexité qu’il y a à établir des relations directes entre expositions environnementales et pathologies, nous finançons dès maintenant des études et analysons les données disponibles.

Concernant l’hôpital, son budget relève du PLFSS et le Premier ministre a annoncé une augmentation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

Le Gouvernement proposera prochainement un amendement au PLFSS allouant 130 millions d’euros pour 2026 qui permettront de labelliser « France santé » quinze à vingt maisons de santé par département. Cette initiative garantira l’accès à un médecin en moins de 30 minutes dans un délai de 48 heures. La labellisation s’appliquera aux maisons et centres de santé, bus médicaux et autres dispositifs améliorant l’accès aux soins de proximité.

Pour la santé mentale, nous maintenons une enveloppe de 65 millions d’euros dans le PLFSS. Notre action interministérielle, lancée en 2021, a déjà déployé cinquante‑trois mesures, notamment la création de quinze centres régionaux de psycho-traumatismes. Les maisons des adolescents, désormais présentes dans chaque département avec 125 structures, accompagnent plus de 100 000 jeunes et parents. Par ailleurs, 400 professionnels supplémentaires renforcent les CMP pour enfants depuis 2021. Le dispositif Mon soutien psy a été amélioré par l’accès direct et l’augmentation du forfait de 30 à 50 euros, bénéficiant à 600 000 personnes.

Concernant les CIVG, nous avons revalorisé leur forfait de 25 % l’an dernier. Parallèlement, nous renforçons l’offre médicale de ville en élargissant les compétences des sage-femmes.

Le dépistage du diabète de type 1 constitue un enjeu important, mais la Haute Autorité de santé (HAS) n’a pas recommandé un dépistage organisé. Cette pathologie présente des symptômes caractéristiques, bien identifiés et d’évolution rapide. Je m’interroge donc sur la pertinence d’un dépistage systématique pour une affection aussi aiguë, tout en prenant note de votre préoccupation, sans me substituer à l’expertise de la HAS.

La France bénéficie d’un atout majeur avec le système national des données de santé. Je salue l’initiative du ministre Neuder d’établir des solutions d’hébergement intermédiaires pour le Health Data Hub, qui migrera vers un cloud de confiance à moyen terme. Le PLFSS prévoit des mesures favorisant le déploiement de logiciels d’aide à la prescription et à la décision médicale, améliorant ainsi notre analyse des données de santé.

Concernant le VRS, la vaccination des nourrissons montre un succès notable avec 450 000 bébés protégés l’année dernière, preuve de l’efficacité de la stratégie que nous poursuivons. Pour les seniors, les gestes barrières restent fondamentaux, leur efficacité étant scientifiquement prouvée. L’arrêté autorisant la vaccination dans les collectivités et établissements de santé a été publié, levant tout obstacle à la vaccination.

Le décret relatif au registre des cancers est rédigé et actuellement soumis à l’examen de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, avant transmission au Conseil d’État. Nous prévoyons son lancement dès janvier 2026. Ce projet est doté de 4,6 millions d’euros dans le PLF actuel, avec une augmentation de 10 millions pour l’Inca.

 

La réunion s’achève à vingt-trois heures vingt.


Présences en réunion

Présents.  Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Fabien Di Filippo, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Zahia Hamdane, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Thomas Ménagé, M. Éric Michoux, Mme Joséphine Missoffe, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry

Excusés.  Mme Béatrice Bellay, Mme Sylvie Bonnet, M. Elie Califer, M. Paul Christophe, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Karine Lebon, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon

Assistait également à la réunion.  M. François Ruffin