Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs (n° 2023) (M. Arnaud Simion, rapporteur) 2
– Présences en réunion .................................14
Mercredi
3 décembre 2025
Séance de 14 heures
Compte rendu n° 31
session ordinaire de 2025-2026
Présidence de
M. Frédéric Valletoux, président
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La réunion commence à quatorze heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs (n° 2023) (M. Arnaud Simion, rapporteur).
M. le président Frédéric Valletoux. Nous reprenons l’examen, commencé ce matin, de la proposition de loi d’Arnaud Simion visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs.
Article 1er : Consolidation et généralisation du dispositif de sentinelles agricoles
Amendement AS32 de M. Arnaud Simion
M. Arnaud Simion, rapporteur. Compte tenu des remarques et des constats que j’ai entendus lors de mes auditions, je proposerai tout à l’heure de renommer la proposition de loi pour qu’elle vise « à prévenir le mal-être et le risque suicidaire dans le monde agricole ». Le présent amendement est de coordination avec ce futur titre.
La notion de mal-être rend compte de la pluralité des facteurs – économiques, sociaux, familiaux, environnementaux, administratifs – à l’origine de la détresse agricole. Elle correspond mieux à la réalité décrite par les personnes concernées. De plus, la référence explicite au risque suicidaire rappelle quel est l’objectif de ce texte : prévenir le suicide paysan. Enfin, les mots « monde agricole » évacuent toute ambiguïté quant aux bénéficiaires des mesures proposées. Celles-ci s’adressent non seulement aux exploitants, mais aussi aux salariés agricoles, aux conjoints, aux aides familiaux et aux retraités.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS33 de M. Arnaud Simion.
En conséquence, l’amendement AS27 de M. Thibault Bazin tombe.
Amendements AS10 de Mme Manon Meunier et AS19 de M. Serge Muller (discussion commune)
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Mon amendement mentionne explicitement les salariés agricoles. Vous venez de le dire : ils sont également sujets au mal-être et ne doivent pas être oubliés, d’autant qu’ils sont le plus souvent employés dans des exploitations industrialisées, par exemple d’élevage porcin.
M. Serge Muller (RN). Je propose pour ma part de parler des acteurs du monde agricole, en général.
M. le rapporteur. Je partage vos intentions. Les salariés agricoles sont exposés au mal-être et au risque suicidaire. Leurs conditions de travail sont précaires et leurs travaux souvent pénibles. Cela étant, grâce à l’amendement AS32 que nous venons d’adopter, la formulation me semble suffisamment claire : l’article 1er embrasse désormais l’ensemble des agriculteurs, depuis l’exploitant jusqu’au saisonnier, sans distinction de statut.
Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS17 de Mme Béatrice Roullaud
Mme Béatrice Roullaud (RN). Cet amendement inclut les parlementaires dans le dispositif national des sentinelles agricoles. Les députés et sénateurs tiennent des permanences, sont en contact direct avec les personnes et jouent par définition un rôle essentiel dans les processus législatifs. Nous ne comprenons pas pourquoi ils ne feraient pas partie de cette démarche, au même titre que les élus locaux.
M. le rapporteur. Rien n’empêche un parlementaire de jouer le rôle de sentinelle. Avis défavorable.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Certes. Toutefois, il y aurait une distorsion si les conseillers municipaux et régionaux sont cités dans le texte, mais pas les parlementaires. Les choses seraient plus claires en les mentionnant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS11 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement, travaillé, comme d’autres à suivre, avec le réseau associatif Solidarité Paysans, précise la nature des acteurs pouvant jouer le rôle de sentinelles. Solidarité Paysans est spécialiste de l’accompagnement des agriculteurs en difficulté, une action qui requiert d’être formé et de connaître le monde agricole ainsi que les difficultés financières auxquelles les professionnels peuvent être confrontés. Je propose donc de spécifier que les personnes et associations participant au dispositif sont réellement impliquées dans l’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices.
M. le rapporteur. Il s’agirait d’une précision utile pour délimiter le périmètre des associations concernées. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS21 de M. Serge Muller
M. Serge Muller (RN). Cet amendement inclut les membres de la famille des professionnels dans le dispositif.
M. le rapporteur. Je préfère la formulation de Mme Meunier que nous venons d’adopter. Elle est plus précise. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS12 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement, lui aussi élaboré avec Solidarité Paysans, exclut du dispositif toute personne ou structure qui pourrait se trouver en conflit d’intérêts. Dans leur grande majorité, les sentinelles sont animées de bonnes intentions. Mais il peut aussi y avoir des situations de concurrence pour l’accès aux terres, sources de dérives voire de stratégies de prédation. Il faut un contrôle du suivi et une mise en sécurité des agriculteurs en difficulté.
M. le rapporteur. J’ai plusieurs réserves vis-à-vis de cet amendement.
D’abord, une part importante des sentinelles agricoles appartiennent à des structures créancières ; 23 % d’entre elles sont salariées ou bénévoles de la Mutualité sociale agricole. Pour autant, rien n’indique que cette situation crée mécaniquement des conflits d’intérêts. D’ailleurs, la charte des sentinelles, dont vous avez certainement pris connaissance, tout comme leur formation et leur encadrement par le service de protection sociale de la Mutualité sociale agricole ou encore par les agences régionales de santé, constituent des garanties substantielles sur lesquelles s’appuyer.
Ensuite, eu égard au faible nombre de sentinelles dans certains territoires, se priver d’autant d’acteurs risquerait d’affaiblir le dispositif alors qu’il peine à se déployer et que les besoins sont immenses.
Dans le même temps, le risque de conflit d’intérêts ne doit pas être minimisé : les représentants de Solidarité Paysans que j’ai auditionnés ont insisté sur ce point. Je propose, d’ici à l’examen en séance publique, de réfléchir ensemble à une rédaction qui tiendrait compte de cet enjeu, sans être trop stricte pour autant. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement de Mme Meunier est à considérer.
Les sentinelles s’efforcent de détecter le plus tôt possible les tendances suicidaires des agriculteurs. C’est une action fondamentale que nous ne pouvons que soutenir. Il convient à cet égard de réfléchir aux structures participant au dispositif pour gagner en efficacité. Les centres de gestion, par exemple, repèrent précocement qu’un bilan comptable n’a pas été déposé, ce qui peut être révélateur de difficultés.
Puis, une fois la détection faite, il faut préciser les modalités de l’accompagnement, qui ne relève probablement pas des sentinelles elles-mêmes. Il me semble qu’il y a une distinction à opérer entre les acteurs et que le réseau Solidarité Paysans est le plus compétent pour l’accompagnement. Peut-être y a-t-il ici une piste de réflexion, monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur. Je suis entièrement disponible pour travailler ensemble d’ici au 11 décembre, jour d’examen du texte en séance.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans ces conditions, j’accepte votre proposition.
L’amendement est retiré.
Amendement AS13 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Afin de garantir la confidentialité des échanges, cet amendement précise que les sentinelles ne peuvent transmettre à la structure à laquelle elles appartiennent les informations que leur confient les agriculteurs en difficulté.
M. le rapporteur. Je proposerai justement, dans un amendement ultérieur, d’ajouter cette notion de confidentialité. Dans cette attente, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS34 de M. Arnaud Simion.
Amendement AS20 de M. Serge Muller
M. Serge Muller (RN). Nous proposons que les organisations professionnelles représentant les exploitants agricoles émettent un avis sur la liste des bénévoles potentiels fixée par arrêté.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Il ne revient pas aux organisations professionnelles de se prononcer sur les personnes autorisées ou non à devenir sentinelles agricoles. Cela excède largement leur rôle et va à rebours de l’esprit du dispositif, fondé sur le volontariat, la neutralité et l’indépendance. Les organisations professionnelles doivent être pleinement associées à la stratégie de prévention du mal-être agricole, mais pas à l’appréciation des candidatures.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1 de Mme Nicole Dubré-Chirat
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous proposons d’inclure dans les modules de formation des sentinelles agricoles la formation aux premiers secours en santé mentale, actuellement assurée par l’association Premiers secours en santé mentale. Elle a le mérite d’exister et d’être performante.
M. le rapporteur. Les acteurs que j’ai auditionnés ont salué la qualité de la formation dispensée par cette association, qui contribue à améliorer la compréhension des troubles en santé mentale, leur repérage et la connaissance des conduites à adopter face aux risques de suicide. Mais cette formation est générale ; celle des sentinelles prend en compte les spécificités du monde agricole et comporte un travail approfondi sur le risque suicidaire. Cela dit, je ne veux pas opposer l’une à l’autre.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS23 de M. Serge Muller
M. Serge Muller (RN). Il s’agit de rappeler l’obligation de confidentialité imposée aux sentinelles agricoles, obligation indispensable à l’instauration d’un climat de confiance avec les agriculteurs.
M. le rapporteur. Il ne me paraît pas pertinent d’imposer une telle obligation à ces personnes qui exercent à titre bénévole. Pour rappel, le secret professionnel est une obligation attachée à des professions réglementées, dont le non-respect est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Par mon amendement AS35, je vous proposerai d’inscrire dans la loi le respect par les sentinelles de la confidentialité des informations recueillies dans leur mission. Cette formulation me semble mieux adaptée à la nature du dispositif tout en garantissant la protection des personnes accompagnées.
Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS35 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Cet amendement permet aux sentinelles agricoles de transmettre au guichet départemental unique, mentionné à l’article 2, les données personnelles des agriculteurs qu’elles accompagnent à des fins de signalement, sous certaines conditions. Il s’agit de remédier à l’insécurité juridique qui pèse sur les sentinelles et d’assurer une prise en charge adaptée des professionnels en situation de détresse.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS36 de M. Arnaud Simion.
Puis elle adopte l’article 1er modifié.
Article 2 : Création d’un guichet départemental unique de la santé mentale agricole
La commission adopte successivement les amendements de coordination AS37 et AS38 de M. Arnaud Simion.
Amendement AS8 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous proposons que la stratégie nationale de prévention en santé mentale prenne en compte les besoins des agriculteurs particulièrement vulnérables. Je pense aux travailleurs saisonniers, aux agricultrices – qui, bien qu’elles accomplissent un travail essentiel, manquent cruellement de reconnaissance – et, de manière générale, aux familles, dont tous les membres sont affectés par les problèmes que connaît l’exploitation.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Les agriculteurs exercent dans des conditions difficiles qui augmentent les risques de détresse : précarité, surcharge de travail, isolement ou fragilisation économique après un aléa. Les jeunes agriculteurs, par exemple, subissent une pression économique beaucoup plus forte du fait d’un endettement – qui s’élève en moyenne à 200 000 euros – largement supérieur à celui des autres exploitants. Les mentionner explicitement assure que la stratégie nationale et les guichets départementaux prennent bien en compte ces situations particulières.
La commission adopte l’amendement.
Amendement rédactionnel AS39 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Je me suis aperçu que l’acronyme du guichet unique départemental, créé à l’article 2, était malheureux... Préférons parler de guichet départemental unique !
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS40 de M. Arnaud Simion.
Amendement AS2 de Mme Martine Froger
Mme Martine Froger (SOC). Il s’agit d’ajouter aux objectifs du guichet départemental unique la facilitation de l’autodéclaration des agriculteurs. L’objectif est double : d’une part, favoriser le repérage des personnes en difficulté afin de prévenir les situations de détresse ; d’autre part, respecter le libre choix des personnes en leur permettant d’exprimer elles-mêmes leurs besoins au regard des difficultés qu’elles rencontrent.
M. le rapporteur. Nombre des acteurs auditionnés ont plaidé pour le renforcement des dispositifs d’autodéclaration, moyen le plus respectueux et le plus efficace de repérer les situations de souffrance. En effet, si le signalement par un tiers est parfois indispensable pour prévenir un risque suicidaire, il peut aussi être perçu intrusif ou stigmatisant, voire entrer en contradiction avec le choix de la personne de ne pas être accompagnée. L’autodéclaration est une manière de respecter la liberté et la dignité des personnes : elles expriment leurs propres besoins et sollicitent une aide conforme à leurs attentes.
M. Benoît Biteau (EcoS). Est-ce un dispositif complémentaire du 3114 ou vise-t-il à pallier des dysfonctionnements de ce dernier ?
M. le rapporteur. Il s’agit de favoriser l’« aller vers ». Dans le rapport départemental du plan de prévention du mal-être et du risque suicidaire en agriculture des Deux‑Sèvres – le seul dont j’ai pu prendre connaissance –, il est explicitement indiqué que la communication encourageant l’autodéclaration n’est pas suffisante. Il était donc important d’insister sur cet aspect.
Mme Martine Froger (SOC). C’est un dispositif complémentaire du 3114 : il s’agit de favoriser toutes les voies qui permettent l’expression.
M. Benoît Biteau (EcoS). C’est bien la réponse que j’espérais.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS9 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous proposons d’alléger la pression qui s’exerce sur le quotidien des agriculteurs en permettant le financement par l’État d’emplois liés à la gestion administrative et comptable des exploitations agricoles.
Une telle mesure favoriserait la reconnaissance financière d’un travail essentiel, accompli dans 80 % des cas par les agricultrices. Même lorsque ces dernières cumulent plusieurs tâches – administrative, agricole et domestique –, ce sont en majorité les hommes qui sont chefs d’exploitation. Entre 2 000 et 5 000 agricultrices n’ont ni ce statut ni celui de conjointe collaboratrice ou de salariée. Or, cette absence de statut les expose à une précarité qui s’aggrave en cas d’accident ou de veuvage, ou lorsqu’elles atteignent l’âge de la retraite.
M. le rapporteur. Avis favorable.
La complexité des démarches administratives contribue au mal-être de certains agriculteurs et agricultrices. Nombre des acteurs auditionnés l’ont rappelé : souvent, l’abandon des tâches administratives, comme la comptabilité de l’exploitation, est le premier signe de détresse.
Au moment des déclarations liées à la politique agricole commune, composées d’une vingtaine de notices qui comptent chacune une dizaine de pages, la charge administrative devient un facteur majeur de stress et d’anxiété. Pourtant, ces tâches constituent un poste déterminant pour les exploitations. Selon la chambre d’agriculture de Bretagne, 60 à 70 % des revenus dépendent directement de la gestion administrative.
Pour protéger la santé mentale, il est donc essentiel de soulager de ce fardeau en réduisant le stress lié aux erreurs et aux oublis qui aboutissent à des sanctions ou à des refus d’aide particulièrement dommageables.
M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement présente un double intérêt. D’abord, on l’a dit, l’absence de dépôt d’une comptabilité est un signe évident de détresse. Éviter que cela survienne, c’est déjà prévenir et anticiper. Ensuite, lorsqu’on s’aperçoit que la gestion administrative et comptable d’une exploitation fait défaut, il faut se hâter d’accompagner l’exploitant de manière à lui éviter de s’enfermer dans un cercle vicieux. Il s’agit du principal facteur d’explication du risque suicidaire. Par conséquent, en finançant des emplois liés à ces tâches dans les structures où l’on détecte une détresse mentale, on limite ce risque.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Pour l’accomplissement des tâches administratives et comptables, il est possible de solliciter l’aide de la Mutualité sociale agricole et des chambres d’agriculture. Gardons-nous de créer des usines à gaz qui n’allégeront pas forcément la tâche des agriculteurs !
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS41 et AS42 de M. Arnaud Simion.
Amendement AS24 de M. Serge Muller
M. Serge Muller (RN). En l’absence de garantie explicite d’anonymisation et de respect du règlement général sur la protection des données, la transmission continue de données sensibles expose le dispositif à un risque juridique majeur. En encadrant strictement ces transmissions, mon amendement apporte une sécurité juridique préservant les droits fondamentaux des agriculteurs.
M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait : comme toute personne publique ou privée, les administrations sont soumises au règlement général sur la protection des données lorsqu’elles traitent des données à caractère personnel. L’adopter conduirait à alourdir la rédaction de l’article.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS25 de M. Serge Muller
M. Serge Muller (RN). L’amendement renforce l’effectivité du droit à la prise en charge des agriculteurs en souffrance psychique. Le texte ne prévoit aucun délai maximal entre le signalement et le premier contact avec un professionnel qualifié, alors que l’urgence peut être vitale dans certaines situations. L’instauration d’un délai maximal de soixante-douze heures garantirait la réactivité du dispositif en évitant une rupture dans la chaîne de prévention.
M. le rapporteur. L’urgence ne se décrète pas par amendement. Les cas les plus critiques sont pris en charge en urgence : le 3114, la Mutualité sociale agricole, les services de santé mentale ou le service d’aide médicale urgente interviennent immédiatement lorsque la situation l’exige.
Fixer un seuil normatif de soixante-douze heures pourrait paradoxalement créer un effet pervers, en laissant croire que toute prise en charge peut attendre aussi longtemps, quand certains cas nécessitent une intervention instantanée. L’article 2 prévoit déjà l’orientation et la prise en charge rapide.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3 : Création d’une mission nationale pour la santé mentale des agriculteurs
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS43 et AS44 de M. Arnaud Simion.
Amendement AS45 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Avec cet amendement, la mission nationale sera placée sous la tutelle des ministres chargés du travail de l’environnement, en plus des ministres chargés de la santé et de l’agriculture.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision AS46 de M. Arnaud Simion.
Amendement AS18 de Mme Béatrice Roullaud
Mme Béatrice Roullaud (RN). Je propose d’ajouter un cinquième objectif à la mission nationale : garantir qu’en cas de risque connu de suicide, une prise en charge, même provisoire, soit immédiatement proposée à l’agriculteur afin qu’il ne soit pas laissé sans assistance. Cet objectif compléterait utilement les autres, qui sont très généraux. Il correspond à l’essence même de la proposition de loi.
M. le rapporteur. Votre amendement créerait une confusion entre les rôles respectifs de la mission nationale et du guichet départemental unique. La mission nationale a vocation à définir, coordonner et évaluer la politique publique, tandis que la mise en œuvre concrète des accompagnements individuels relève des guichets départementaux. Ces derniers s’assurent qu’une prise en charge a bien été proposée aux agriculteurs en détresse qui leur ont été signalés.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS47 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer la référence au conseil d’administration, qui est une scorie dans la rédaction proposée.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS48 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Il est ici question de réparer un oubli : il importe d’associer les organisations syndicales agricoles à la mission nationale.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS30 de M. Yannick Neuder
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur. J’entends l’objectif de cet amendement, qui élargit la composition de la mission nationale au délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, ainsi qu’aux représentants des professionnels de santé. La prévention du mal-être agricole nécessite effectivement une coordination avec les soignants et les responsables de la politique nationale de santé mentale.
Toutefois, plusieurs éléments me conduisent à émettre un avis défavorable. Tout d’abord, l’article 3 prévoit expressément que la mission nationale est placée sous la tutelle du ministre chargé de la santé, afin qu’elle s’articule avec la politique nationale de santé mentale. Ensuite, une composition aussi large risquerait d’alourdir considérablement le fonctionnement de la mission nationale, qui doit rester un outil opérationnel et agile, capable de coordonner l’action des différentes parties prenantes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS15 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il s’agit de préciser à quelles associations il sera fait appel pour participer au dispositif des sentinelles agricoles, en ciblant les associations d’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices en difficulté – comme Solidarité Paysans.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendement AS16 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il faut assurer une bonne représentation du pluralisme syndical au sein de la mission nationale. Compte tenu des difficultés à assurer une bonne représentativité dans le monde agricole, le respect du pluralisme dans cette instance est d’autant plus important. Tous les syndicats peuvent accompagner les agriculteurs en difficulté. Chacun doit avoir voix au chapitre et être représenté dans l’instance que nous sommes en train de créer.
M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui laisse penser que la représentation des organisations syndicales devrait être proportionnée à leurs résultats électoraux ou à leur poids relatif. Cela ne correspond ni à l’esprit du texte ni à l’objectif poursuivi.
En matière de santé mentale et de mal-être agricole, toutes les organisations doivent pouvoir contribuer de manière égale. Autour de la table siégeront des représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, des Jeunes Agriculteurs, de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne. Parce qu’elles interviennent quotidiennement auprès des agriculteurs, ces organisations sont légitimes.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS49, AS50 et AS51 de M. Arnaud Simion.
Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.
Article 3 bis (nouveau) : Élargissement du bénéfice du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé aux agriculteurs en souffrance psychique
Amendement AS7 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il s’agit d’améliorer l’accès au crédit d’impôt pour remplacement, l’un des dispositifs à disposition des agriculteurs en détresse psychique. Bien qu’imparfait et toujours non compensé par l’État, il joue un rôle important pour faciliter l’accès au répit, dont l’importance est cruciale.
Alors que 35 % des agriculteurs sont exposés à un risque avéré d’épuisement profesionnel, nous savons combien il leur est difficile d’interrompre leur travail plusieurs jours d’affilée. C’est pourquoi nous proposons de reconnaître dans la souffrance psychique un motif légitime pour bénéficier d’un taux de prise en charge de 80 % des dépenses engagées pour être remplacé.
M. le rapporteur. Ce taux de prise en charge est prévu pour les arrêts maladie, les accidents du travail et les formations. Or, la souffrance psychique constitue un réel handicap, qu’il faut prendre en compte au même titre que la souffrance physique. La mesure proposée est cohérente avec le développement des aides au répit instaurées par la Mutualité sociale agricole pour permettre aux agriculteurs en situation de détresse de souffler. Ces aides sont un outil prometteur pour prévenir le mal-être.
Avis favorable.
La commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.
Article 3 ter (nouveau) : Demande de rapport sur l’efficacité des mesures et sur l’opportunité de faire évoluer la mission nationale
Amendement AS52 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Je souhaite la remise d’un rapport au parlement dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. Il évaluera l’opportunité de transformer la mission nationale en groupement d’intérêt public, organisme hybride réunissant l’État, les collectivités, les organismes agricoles, les associations, les chercheurs, les services de santé et les acteurs privés dans une même maison administrative.
Pour un sujet aussi délicat et complexe que la souffrance au travail dans le domaine agricole, une telle coopération structurée serait précieuse.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je crains que ce rapport ne soit redondant avec la mission du comité interministériel dédié à la santé mentale, dont la création vient d’être annoncée, qui prévoit la rédaction d’un rapport sur les actions en matière de santé mentale et sur l’évolution des données relatives à ce sujet.
M. le rapporteur. Ces rapports ne portent pas sur les mêmes sujets.
La commission adopte l’amendement. L’article 3 ter est ainsi rédigé.
Après l’article 3
Amendement AS22 de M. Serge Muller
M. Serge Muller (RN). Je demande un rapport, dans un délai d’un an, sur les évolutions possibles de ce texte.
M. le rapporteur. Tout d’abord, la rédaction de la proposition de loi englobe déjà l’ensemble des personnes exerçant une activité agricole, qu’elles soient salariées ou saisonnières.
Ensuite, l’article 3 précise que la mission nationale produit un rapport transmis au Parlement, avant le 30 juin de chaque année, présentant ses travaux, ses résultats et ses recommandations pour améliorer les politiques publiques de santé mentale à destination des agricultrices et agriculteurs.
Je vous demande donc un retrait.
L’amendement est retiré.
Article 4 : Gage financier
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Titre
Amendement AS31 de M. Arnaud Simion
M. le rapporteur. Cet amendement constate que la proposition de loi vise « à prévenir le mal-être et le risque suicidaire dans le monde agricole », et à le transcrire dans son intitulé.
La notion de mal-être rend compte de la pluralité des facteurs à l’origine de la détresse agricole et correspond davantage aux remarques et aux constats formulés par les personnes auditionnées ; la référence explicite au risque suicidaire rappelle que ce texte a pour objet la prévention du suicide paysan.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion s’achève à quatorze heures quarante-cinq.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Benoît Biteau, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Sacha Houlié, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Marie Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Christophe Mongardien, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, M. Aurélien Rousseau, M. Arnaud Simion, M. Frédéric Valletoux
Excusés. – Mme Anchya Bamana, M. Paul Christophe, Mme Stella Dupont, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Stéphane Viry
Assistait également à la réunion. – Mme Béatrice Roullaud