Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances 2026 2
Mercredi
22 octobre 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 7
session ordinaire de 2025‑2026
Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à neuf heures.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous poursuivons notre cycle d’audition consacré au projet de loi de finances (PLF) pour 2026 avec l’audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. La direction générale de l’armement (DGA) remplit cinq grandes missions : équiper et soutenir les armées ; préparer l’avenir ; orienter et soutenir la base industrielle et technologique de défense (BITD) ; promouvoir la coopération et l’exportation et maintenir les capacités stratégiques, notamment en matière de dissuasion nucléaire.
Monsieur le délégué général, vous assurez le co-pilotage du programme 146, « Équipement des forces » avec le chef d’état-major des armées (CEMA). Le PLF pour 2026 traduit la poursuite de la montée en puissance prévue par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, dont 2026 constitue la troisième annuité. À ce titre, le programme 146 bénéficie d’une enveloppe en forte progression liée à la sur-marche de 3,5 milliards d’euros.
Elle permettra d’assurer la continuité des grands programmes majeurs comme le Scorpion, le Rafale F5 et la dissuasion nucléaire, tout en consolidant de nouvelles capacités, par exemple les drones, la défense sol-air, la lutte anti-drones (LAD) ; et en accentuant la dynamique des livraisons de véhicules Scorpion, de frégates de défense, de munitions. Cela traduit l’exigence de répondre aux besoins opérationnels de nos armées, dans un contexte géostratégique durci. Dans le PLF pour 2026, l’équipement des forces représente plus de 50 % des autorisations d’engagement (AE), soit 47 milliards d’euros, et 34 % des crédits de paiement (CP), soit 23 milliards d’euros.
Dans ce cadre, nous souhaiterions obtenir des précisions sur les programmes prioritaires de la DGA, et notamment ceux mis en lumière par le retour d’expérience de la guerre en Ukraine, à l’instar des drones, de la défense sol-air, de la guerre dans le champ électromagnétique et des frappes en profondeur. Enfin, le contexte géostratégique nous rappelle l’urgence de disposer d’une BITD agile et réactive, capable de s’adapter à des besoins opérationnels qui évoluent constamment. Dans cette perspective, vous pourrez nous dresser un état des lieux des récentes initiatives prises par la DGA pour s’assurer de l’entrée dans une logique d’économie de guerre.
Enfin, dans notre rapport sur la mise en application de la loi de programmation militaire, rédigé avec M. Yannick Chenevard et M. Sébastien Saint-Pasteur, nous appelions à intensifier la simplification des normes et le retour à des pratiques contractuelles agiles ou innovantes pour coller au plus près aux besoins des armées. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement. Je salue une forme d’unité nationale autour des sujets de défense. Le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, a rappelé l’importance du Parlement, et je mesure l’importance d’échanger avec vous autour de la préparation de notre avenir.
Le contexte est clair : aucune des menaces n’a faibli, induisant des effets capacitaires. Nous sommes passés d’une grille de lecture paix-crise-guerre à un continuum compétition-contestation-affrontement. Le théâtre ukrainien conforte le besoin de masse, mais il n’a pas non plus écarté les autres besoins. Le conflit au Moyen-Orient et les frappes américaines sur l’Iran témoignent ainsi de la nécessité de disposer de systèmes sophistiqués et performants.
Les menaces sur notre territoire sont toujours d’actualité, le terrorisme n’a pas disparu, renforçant les besoins en termes de renseignements. De nouvelles tentatives de déstabilisation interviennent par des survols de drones au-dessus d’aéroports européens et de certains camps militaires. Elles nous interpellent et nous obligent à nous adapter. Le retour du fait nucléaire et de sa grammaire nucléaire ; l’hybridation des menaces ; la hausse des attaques cyber, notamment sur les acteurs de notre BITD ; l’action dans l’espace ou l’intelligence économique obligent la France à continuer à se préparer à faire face à ces menaces, en investissant dans tous les milieux, dans tous les champs de conflictualité.
L’effort de défense se poursuit de manière extrêmement dynamique depuis 2022. Ce contexte justifie l’accélération de la trajectoire budgétaire, qu’il importe de confirmer à travers l’actualisation de la LPM annoncée en juillet par le président de la République.
Le début d’année 2025 a été particulièrement complexe, la période de service voté ayant retardé notre exercice de gestion d’environ deux mois. Cependant, nous avons su nous adapter, répondre aux besoins d’accélération des commandes et des livraisons aux armées. Dès cet été, le niveau des prises de commandes 2025 était équivalent à celui de 2024 à la même période. Aujourd’hui, nous en sommes à 12,9 milliards d’euros d’engagements, et 18,6 milliards d’euros de paiements.
Parmi les commandes clefs lancées en 2025 qui matérialisent cette accélération, il faut mentionner le lancement en réalisation du missile M51.4 de notre composante océanique, des lots de missiles Meteor, et des radars tactiques reposant sur le système de commandement et de conduite des opérations aérienne (SCCOA), radars utilisés pour la protection contre les drones.
D’ici la fin de cette année, nous passerons des commandes de munitions armement air-sol modulaire (AASM), des bombes guidées développées par Safran, des commandes dans le domaine spatial pour servir notre souveraineté. À titre d’exemple, nous avons signé un accord-cadre Paladin avec Infinite Orbits nous permettant d’envoyer des objets en orbite géostationnaire. Grâce à cette société, nous disposerons d’une première capacité d’action dans l’espace, d’inspection et de signalement stratégique. Le radar Aurore est quant à lui un radar de veille spatiale qui nous permet de développer les premières briques ultra haute fréquence (UHF) nécessaires pour disposer d’un système de veille avancée.
Nous poursuivons également des travaux dans le domaine des satellites d’observation spatiale, de la génération Iris. Enfin, certaines commandes sont liées à l’actualité, notamment la commande de systèmes anti-drones Parade, qui a été accélérée. Cette compilation de commandes nous permet de préparer le futur, mais également de remplir un certain nombre de besoins immédiats pour répondre aux défis d’aujourd’hui.
La LPM évolue, mais elle délivre également. Aujourd’hui, l’objectif de prise de commandes n’a jamais été aussi ambitieux. Le montant total sera conditionné par des décisions politiques fortes qui seront prises cette fin d’année. Je pense en particulier au lancement en réalisation du porte-avions de nouvelle génération (PANG), pour un montant de 6 milliards d’euros, mais également à des contrats à fort enjeu ; par exemple, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G). Le montant cumulé de ces deux contrats représente à peu près la moitié des objectifs que nous nous sommes fixés pour cette année 2025. Ces décisions nous engagent sur plusieurs décennies. La DGA reste donc extrêmement vigilante à opérer ces choix dans les bonnes conditions et dans les intérêts de l’État.
À présent, laissez-moi aborder les efforts de réarmement pour préparer la France à un engagement majeur. Cette concrétisation de l’effort de réarmement intervient dès 2026. L’ancien chef d’état-major des armées (CEMA), Thierry Burkhard parlait de « gagner la guerre avant la guerre » et le nouveau CEMA de « gagner la guerre au premier choc ».
Pour y parvenir, pour produire l’effet militaire, il nous faut disposer de munitions. Un certain nombre de commandes sont prévues en 2026-2027 : des missiles Aster, des bombes AASM, des missiles Meteor. Un effort conséquent sera également effectué sur les munitions télé-opérées de toute portée, qui sont intermédiaires entre des missiles et des drones armés, mais également sur les capacités de défense. Il se traduit par une augmentation quantitative et qualitative des effecteurs de défense sol-air et de lutte anti-drones, avec l’accélération des livraisons des systèmes SAMPT de nouvelle génération, qui portent les missiles Aster et bientôt les missiles Aster 30 B1NT. Il faut également relever la livraison de lanceurs Mica-VL, sans oublier la guerre électronique.
S’agissant des capacités dans l’espace, les satellites d’observation CSO ont été mis en orbite en 2018, 2020 et 2025. Nous disposons également d’un démonstrateur d’action dans l’espace et en orbite basse Toutatis, que nous avons lancé en 2024 avec la start-up U-Space. Ces capacités sont nécessaires pour préparer un engagement majeur et faire face aux diverses menaces précitées.
Par ailleurs, l’effort de défense doit également préparer le temps long et anticiper les ruptures technologiques. Je pense ainsi au développement d’une capacité renouvelée de frappe dans la profondeur, à la commande de travaux de montée en maturité des technologies nécessaires, afin de disposer d’un démonstrateur de la future génération de contre-mesures anti-torpille.
Il faut également mentionner la commande d’expérimentation, comme les ballons captifs tactiques (BALMAN), des ballons manœuvrants pouvant être dotés d’une charge utile, en particulier en termes de renseignement, persistante dans la très haute altitude (THA). Nous poursuivons le partenariat d’innovation PROQCIMA dans le domaine du quantique. PROQCIMA vise à développer deux prototypes d’ordinateurs quantiques universels tolérants aux fautes ; chacun doté de 128 qubits logiques et prêts à passer à l’échelle industrielle. Le passage à la phase 2 est prévu à l’horizon de la fin 2026, avec la sélection des trois projets les plus performants.
J’en profite pour inviter la commission à venir visiter le Forum innovation défense qui se tiendra au Parc des Expositions de la Porte de Versailles du 27 au 29 novembre. Il ne s’agit pas d’un salon commercial ou d’une opération de communication, mais d’un forum de présentation de projets d’innovation portés par le ministère des armées. Si vous le souhaitez, nous sommes prêts à organiser un parcours particulier pour les membres de la commission qui souhaiteraient s’y rendre.
Troisièmement, un effort de réarmement doit être réalisé au niveau européen, compte tenu de la diversité des capacités à acquérir et du possible désengagement de nos alliés américains. Les Européens s’organisent à travers des programmes en coopération, mais aussi à travers avec des achats communs, voire de l’export, y compris au sein de l’Union européenne (UE).
La DGA s’efforce d’être pragmatique dans ses coopérations et proactive dans ses démarches d’export. Ce contexte géostratégique nous impose d’entreprendre avec des partenaires partageant avec nous des intérêts communs, dans le cadre du passage d’un modèle de coopération de temps de paix à une coopération fondée sur les meilleurs athlètes, afin de gagner du temps. Cela implique d’être capable d’acheter sur étagère, ou de coopérer avec des pays dotés de capacités qui nous intéressent, pour gagner notamment en termes de délai d’approvisionnement. La France doit accepter d’acheter sur étagère des solutions plus performantes et plus rapidement disponibles à nos partenaires.
Il importe de conserver une BITD pérenne et compétitive, notamment face à une concurrence aujourd’hui mondialisée, composée à la fois d’acteurs classiques, mais également d’acteurs émergents comme Kratos ou Anduril ; tout en veillant à maintenir une industrie de défense nationale capable de répondre aux enjeux souverains. En complément, la France défend les acquisitions conjointes. La DGA contribue activement à l’accélération du réarmement de l’Europe, en s’investissant pour conquérir les ressources mises à disposition par la Commission, à condition qu’elles puissent irriguer la BITD française.
C’est le cas par exemple du mécanisme Security Action for Europe (SAFE), dont 16,2 milliards d’euros ont été alloués à la France, qui a porté en particulier deux projets, deux flagships, dont le bouclier antimissile européen Air Shield et le transport stratégique avec l’A400M.
La DGA est également productive pour organiser des communautés d’intérêts autour de projets concrets. Nous avons ainsi réuni en mai 2025 à Paris les différents directeurs nationaux d’armement et les directeurs d’agences, dont l’Agence européenne de défense (AED). Cette initiative a été une grande réussite et a abouti à 157 propositions de projets d’acquisition commune ou de partenariat, dont 52 sont portées par la France. Nous allons poursuivre cet effort dans les prochaines semaines.
Ces différentes actions contribuent naturellement au renforcement du pilier européen de l’Otan. À ce sujet, je tiens à vous faire part de la Task Force X, une initiative intéressante portée par le Commandement allié Transformation (ACT). Celle-ci a pour objet de trouver une réponse innovante face aux menaces maritimes. Nous avons mis en place une flotte expérimentale de près de quarante drones de surface, complétée par trente capteurs aériens et sous-marins qui ont été déployés réellement dans les eaux de la Baltique. Cette initiative a permis de faire travailler ensemble soixante-dix entreprises, dont cinq françaises, épaulées par la DGA et la marine nationale. Nous avons ainsi pu tester des systèmes en environnement réel.
Enfin, ce réarmement doit bénéficier à l’industrie française. Dans ce contexte, la DGA renouvelle sa relation avec l’industrie et réaffirme son rôle de stratège de la politique industrielle de défense. Il s’agit d’abord de « challenger », notre industrie pour l’inciter à produire plus vite et à coûts maîtrisés. Nous avons ainsi initié des revues avec les grands maîtres d’œuvre industriels, notamment pour les accompagner dans leurs plans d’affaires.
Nous agissons en faveur de la structuration et de l’orientation des filières industrielles. J’en veux pour preuve le lancement d’une relocalisation de filières petits calibres, afin de contribuer à la sécurisation de nos approvisionnements. L’année 2025 a également vu l’inauguration d’une nouvelle capacité de production de poudre d’Eurenco à Bergerac.
Les arrêtés stocks de la LPM imposent à nos industriels un stock minimal de matières, de composants, de rechanges ou de produits semi-finis. Cette action a pour objet d’offrir de la visibilité aux sous-traitants et de rendre nos acteurs de la supply chain plus résilients. À fin septembre 2025, sept arrêtés stocks ont été signés et ont été notifiés, concernant MBDA, KNDS, Arquus, Naval Group, Airbus, Safran et Dassault. Le travail est en cours avec Thales.
Nous encourageons nos industriels à prendre des risques, à travers l’autofinancement, mais nous accompagnons cette prise de risque, par exemple à travers des subventions. Nous avons ainsi agi de la sorte pour stimuler l’écosystème industriel et faire émerger des solutions dans le domaine des drones MALE (moyenne altitude, longue endurance) bas de spectre. Nous subventionnons à ce titre cinq acteurs industriels qui portent des projets innovants dans ce domaine.
Nous réalisons en outre des financements innovants, par exemple à travers l’anticipation de commandes. Nous avons ainsi adopté une approche des coques blanches de frégates de premier rang, afin d’optimiser le planning de production et rendre le matériel plus rapidement disponible pour l’export.
La DGA soutient également le tissu industriel sur l’ensemble de la chaîne de valeur, sur l’ensemble du territoire, vers les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous avons mis en place des attachés industriels de défense en région auprès des préfets de région, un plan d’aide aux entreprises PME et start-up de défense ; mais également identifié des PME critiques dites « goulets d’étranglement ». Une entreprise « critique » porte des caractéristiques propres en matière de délais et des coûts pour reconstituer des compétences ou un savoir-faire si elles étaient temporairement abandonnées ; un nombre limité d’alternatives nationales, qui peut impliquer un risque de dépendance ; et enfin l’emploi de matières premières rares ou de composants dont l’accès peut être interdit. La DGA suit également des entreprises dites stratégiques dès lors qu’elles détiennent un savoir‑faire ou des compétences indispensables pour le futur de nos systèmes d’armes.
En conclusion, depuis cinq ans, le nombre des programmes et opérations d’armement a augmenté de 50 %, passant de 167 opérations et programmes d’armement en 2020 à plus de 200 aujourd’hui, en 2025. Les niveaux de commandes ont triplé, de 13 milliards d’euros en 2020 à 44 milliards d’euros de commandes cette année. Les missions se sont multipliées, avec notamment la mission d’assistance à des alliés attaqués.
Ce défi nécessite de transformer encore plus vite l’institution DGA, sans qu’elle ne perde sa force, c’est-à-dire son expertise technique et stratégique en interne. La DGA dispose ainsi de ses propres centres d’essais. Certains ont été créés en 1961 et sollicitent une adaptation et un renouvellement des moyens, notamment des capacités dans le domaine de la dissuasion. Dans d’autres pays, cette expertise est souvent externalisée, conduisant à ralentir les processus ou à réduire la maîtrise des technologies critiques, la souveraineté et l’autonomie technologique.
La DGA veille à ce que la France conserve des capacités industrielles et technologiques indépendantes, pour être capable d’équiper les forces sur l’ensemble des composantes. Par exemple, peu de pays sont en mesure de produire leurs propres sous-marins, les rendant davantage dépendants de partenariats internationaux, et limitant évidemment leur autonomie décisionnelle.
La DGA poursuit la gestion de programmes complexes, en collaboration avec l’industrie, sur des périodes longues, dépassant les trente années. À titre d’illustration, lorsque nous construisons un porte-avions de nouvelle génération, nous allons jusqu’à concevoir les étapes de son démantèlement, en 2090. Ce modèle intégré s’inscrit dans une vision de long terme, qui s’appuie sur le cadre pluriannuel de la LPM, vecteur de stabilité et de visibilité pour tous, qui doit être respecté dans sa déclinaison annuelle pour être crédible. Encore une fois, gagner la guerre au premier choc implique d’équiper nos combattants. Tel est le rôle de la DGA, qui s’investit pleinement dans cette mission.
Monsieur le président, vous m’avez également interrogé sur les programmes prioritaires de la DGA. Il s’agit en premier lieu du renouvellement de nos composantes de la dissuasion, avec le lancement du missile M51.4, le SNLE 3G et la préparation du lancement de notre nouvelle composante de missiles aéroportés, le missile ASN4G. Dans les programmes conventionnels, nous travaillons sur le futur de l’aviation de chasse, la prochaine capacité de combat terrestre, les munitions. Dans le domaine spatial, nous n’attendons pas l’achèvement du programme Iris2 et avons commencé à travailler avec Eutelsat, dans le cadre de l’accord Nexus signé au Bourget.
Ensuite, nous recherchons activement une simplification des normes, dont certaines sont assez délétères pour le ministère des armées. Le règlement Reach a par exemple besoin d’être adapté aux défis que nous rencontrons. En interne, nous avons promu le principe du drone certifiable non certifié, c’est-à-dire un drone qui n’a pas besoin des autorisations de vol de la DGA pour opérer des vols opérationnels sous conditions.
Dans le domaine des achats, un décret a d’ores et déjà permis d’augmenter le seuil de certains marchés de défense et de sécurité de 100 000 euros à 300 000 euros au 1er janvier de cette année, en attendant la publication d’un autre décret. Enfin, nous conduisons en interne un important travail sur les normes, concernant par exemple la pyrotechnie, où nos normes sont plus contraignantes que celles de l’OTAN.
M. Thibaut Monnier (RN). Dans le cadre budgétaire normatif et énergétique en vigueur, il y a fort à craindre que notre BITD ne puisse garantir la montée en puissance de nos capacités de défense pourtant garantes de l’autonomie stratégique de la France, malgré les efforts louables de la DGA. Nos entreprises de la BITD font face à quatre pierres d’achoppement. Il s’agit d’abord de la contrainte de l’annualité budgétaire. L’explosion de la dette publique obère la capacité de financer la massification des commandes militaires. De plus, la LPM ne couvre pas certains investissements stratégiques comme le moteur M88 T‑REX développé par Safran qui doit permettre au futur Rafale F5 d’emporter le missile nucléaire ASN 4G.
La deuxième pierre d’achoppement concerne le manque de financement de prêts bancaires, qui empêche les entreprises d’atteindre une certaine résilience pour tenir la chaîne de sous-traitance, financer des technologies de rupture. La troisième contrainte est liée au prix de l’énergie et aux conséquences du marché européen de l’énergie, de l’électricité et du choix énergétique désastreux en faveur des renouvelables intermittents qui aggravent la volatilité des prix. Enfin, la quatrième pierre d’achoppement relève de l’enfer normatif européen qui, à travers les dispositifs Reach, CS3D et CSRD, exclut nos entreprises de défense des dispositifs d’investissement dits responsables.
Êtes-vous favorable à l’intégration dans la LPM du soutien à ces investissements de rupture à l’instar du moteur M88 T-REX ? Que pensez-vous de relever le plafond du livret A et de flécher l’épargne vers nos entreprises de défense ? Concernant le prix de l’énergie, quels sont les moyens envisagés pour garantir aux entreprises de la BITD un prix stable de l’électricité ? Ne faudrait-il pas explorer la piste d’une exonération des taxes d’acheminement, voire le recours à des outils de régulation du prix, à l’instar des contrats d’allocation de production nucléaire ou des contrats pour différence ? Enfin, quelle est votre position concernant la soumission des entreprises de défense au carcan normatif européen ?
M. Emmanuel Chiva. Un certain nombre de discussions sont en cours sur le règlement Reach, notamment concernant des simplifications et des exemptions génériques pour le monde de la défense ; mais aussi sur les permis et autorisations de construction liés à des capacités industrielles de défense. D’autres simplifications sont liées au fonds européen de défense (FED) et aux marchés publics de défense et de sécurité. Dans ce dernier domaine, le projet de la Commission européenne est inspiré de propositions formulées par la France.
Vous avez également évoqué les évolutions du moteur T-REX, pour préparer les 11 tonnes de poussée nécessaires au système de combat aérien du futur (SCAF), tout en conservant le niveau de performance du Rafale dans des configurations plus lourdes, sans compromis sur son rayon d’action. Des essais sont en cours au centre de la DGA de Saclay, pour pouvoir développer de nouvelles aubes, qui seront au cœur de la turbine haute pression d’un moteur qui pourrait être le T-REX.
Je ne peux répondre à votre question concernant l’électricité, qui ne relève pas de mon champ de compétences. S’agissant de l’investissement, nous avons d’abord adapté notre manière de passer des commandes auprès des PME et ETI, afin de les soutenir. Nous rendons visite à un quart des entreprises de la BITD chaque année, ce qui nous permet d’être sensibilisés à leurs enjeux de financement et notamment à la question des prêts bancaires. Nous avons également créé le Club des investisseurs de défense il y a quelque temps, qui regroupe aujourd’hui une trentaine de sociétés.
BPI France vient de lancer un produit d’épargne qui permet à chaque citoyen de pouvoir investir dans l’industrie de défense, à partir de 500 euros. Nous menons également une action auprès des banques pour les sensibiliser, notamment à travers de nos correspondants dans les principaux réseaux bancaires, afin de faciliter l’accès des PME aux prêts dans le domaine de la défense.
Mme Corinne Vignon (EPR). En 2017, la nation a alloué 32,3 milliards d’euros à sa défense. En 2026, elle y consacrera plus de 57 milliards d’euros, avec pour objectif d’arriver en 2027 au doublement du budget par rapport à 2017. Les investissements prévus par la LPM permettent de conforter les fondamentaux de notre défense, la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et le renforcement de nos capacités cruciales en matière d’engagement majeur.
Pourtant, dans leur rapport d’information, mes collègues co-rapporteurs Yannick Chenevard et Sébastien Saint-Pasteur mettent en garde quant à l’effectivité de son application. Le rapport pointe d’abord que sur plusieurs points, la LPM a été bien respectée. Sur le plan capacitaire, les livraisons de matériel ont bien été effectuées, par exemple 35 Jaguar, 150 Griffon et 103 Serval. Il faut aussi mentionner le renforcement des capacités navales et aériennes.
Toutefois, il subsiste un différentiel entre les livraisons prévues et réalisées en 2024, qui se traduit par des reports concernant par exemple le satellite d’observation CSO, les systèmes de neutralisation et protection des drones en milieu maritime, les systèmes de drones tactiques vecteurs ou encore deux avions de patrouille maritime.
Enfin, le rapport pointe la complexité du cadre normatif et des procédures d’achat, notamment dans le domaine des soutiens, qui demeure un obstacle pour le développement capacitaire et notre BITD.
Monsieur le délégué, pouvez-vous et comptez-vous prendre en compte les conclusions de ce rapport ?
M. Emmanuel Chiva. La LPM vit, évolue, en fonction des nouvelles menaces et actions. Certains décalages peuvent intervenir en raison des difficultés techniques rencontrées par les industriels. Vous avez par exemple cité le système de drones tactiques. Mais ces décalages nous conduisent à nous engager dans d’autres opportunités. Je pense par exemple à l’accélération des systèmes de défense sol-air ou de la lutte anti-drones.
En 2025, nous devons livrer 33 véhicules Jaguar (dont 22 déjà livrés à ce jour) ; 162 blindés Griffon (dont 94 livrés à fin août) et 103 Serval, dont 99 ont déjà été livrés. En outre, la frégate de défense et d’intervention Amiral Ronarc’h a été livrée la semaine dernière à la marine nationale, moins de deux semaines après avoir effectué son premier trajet entre Lorient et Brest. Ensuite, treize Rafale devraient être livrés, cinq l’ont déjà été à fin août.
En résumé, la LPM vit. Elle doit permettre, tout en conservant la cible, de ménager un certain nombre d’adaptations pour nous permettre de répondre de manière réactive aux nouveaux défis.
Enfin, la question des soutiens ne relève pas de la DGA, mais nous discutons naturellement avec les services de soutien, pour disposer d’une approche globale et visible du coût global de possession d’un système.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je souhaite vous interroger en premier lieu sur l’échéancier des dépenses de l’agrégat de dissuasion. En deux ans, 34 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) ont été ouvertes, soit 35 % des AE du programme 146. Les échéances de paiement figurent dans le PAP, mais aucune donnée n’est fournie quant au calendrier de la production. J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Pour l’année 2026, la hausse des crédits de paiement (CP) de 4,2 milliards d’euros s’accompagne d’une baisse des dépenses de fonctionnement de 30 %, soit presque 1,2 milliard d’euros de dépenses de fonctionnement en moins. Comment est-il possible de conjuguer les deux ?
Dans le domaine du cloud projetable, j’ai lu qu’il était question de recourir le plus possible à des achats sur étagère. Quels seront les fournisseurs ?
Par ailleurs, j’alerte depuis plusieurs années sur la situation des Forges de Tarbes. Hier, nous avons appris que son repreneur Europlasma avait licencié le directeur général des Fonderies de Bretagne. Le « boom » du secteur des munitions sur le marché européen est largement compensé par l’offre allemande. Quel est votre diagnostic sur la survivabilité d’une entreprise comme Europlasma ?
Enfin, j’ai déposé une résolution européenne concernant l’affectation des bandes de fréquence électromagnétiques à l’horizon 2030. La DGA est-elle intéressée par de nouvelles bandes ?
M. Emmanuel Chiva. Nous vous répondrons par écrit à cette dernière question, ainsi qu’à celle relative aux coûts d’intervention.
Europlasma honore aujourd’hui normalement ses engagements. La DGA porte une vigilance tout à fait particulière à ses fonderies, des instruments industriels qui ont su s’adapter pour répondre aux défis actuels. Nous suivons activement la situation des Forges de Tarbes et des Fonderies de Bretagne. À date, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, puisqu’un montant doit encore être versé par l’investisseur, qui a jusqu’à la fin de l’année pour le faire.
S’agissant de la dissuasion, j’ai mentionné le renouvellement de nos trois composantes principales : M51.4, ASN4G et SNLE3G. Dans le cas du SNLE3G, l’enjeu porte sur la cohérence avec la nouvelle composante aéroportée, pour un horizon de mise en service vers l’année 2040.
Le programme sur les missiles M51 se poursuit, selon un échéancier que je ne peux détailler, compte tenu de la confidentialité du sujet.
S’agissant du cloud projetable, nous nous efforcerons de garantir un fonctionnement souverain, notamment grâce aux solutions de sociétés comme Thales. Je rappelle qu’il existe différents systèmes de protection des données, selon qu’il s’agit de protéger le cloud ou les données en elles-mêmes. Nous regardons de près l’approche data‑centrée, notamment car il s’agit d’une des stratégies aujourd’hui employée par l’Otan.
Mme Isabelle Santiago (SOC). La DGA est située au cœur de la résilience et de l’autonomie stratégique de notre pays. Elle doit conjuguer performance industrielle, souveraineté technologique et réactivité face à l’environnement.
Rapporteure pour le budget des forces armées terrestres, je constate que dans un temps d’innovations permanent, nos procédures d’achat et de contractualisation demeurent très figées. Les contraintes des codes de marché public, la rigidité de nos procédures freinent la mise à disposition rapide des innovations, surtout aux PME de défense.
Dans le domaine des drones, des munitions télé-opérées et du combat collaboratif, cette inertie peut devenir évidemment un enjeu stratégique. Ne faut-il pas accélérer la modification des marchés publics, tout en conservant une forme de sécurité financière et budgétaire ?
M. Emmanuel Chiva. Je le confirme : il faut évoluer, être plus réactifs, plus agiles. Nous avons agi en ce sens au sein de l’Agence de l’innovation défense (AID), qui doit désormais passer à l’échelle les innovations via la DGA.
Sans changer le code des marchés publics, beaucoup peut être accompli avec un nouvel état d’esprit. Nous avons par exemple mis en place un pacte drone, qui nous permet de nous concentrer sur ce qui nous intéresse. Nous avons ainsi la possibilité d’acheter des vecteurs sur étagère, et ensuite de pouvoir nous concentrer sur la standardisation des interfaces, notamment pour les charges utiles, les charges militaires ; et sur les liaisons de données résistantes au brouillage, soit les deux grands points d’attention.
En compagnie de l’état-major des armées (EMA), nous avons lancé « la révolution des affaires capacitaires », pour raccourcir les délais et améliorer les normes, qui nous empêchent de répondre immédiatement aux besoins des forces. La situation s’améliore cependant, comme en témoigne la mise en place d’une force d’acquisition réactive, qui enregistre déjà un certain nombre de succès. Je rappelle qu’elle intervient dès lors que le critère des délais est prépondérant dans une acquisition. À l’heure actuelle, quarante affaires sont ouvertes et certains marchés ont été passés en moins d’un mois, par exemple pour la brigade de combat, les exercices de l’armée de terre. Nous nous sommes par ailleurs investis dans le canon Proteus, un canon de 20 millimètres spécialisé dans la lutte anti-drones, à travers une approche incrémentale.
Vous avez également évoqué les achats sur étagère. Aujourd’hui, pour être efficace, il faut être au plus près des besoins. Nous avons donc constitué des équipes mixtes DGA-EMA, implantées au sein des centres, avec des équipes, à l’échelon local. Les équipements de moyens de communication sont supervisés par une équipe DGA-EMA spécialisée dans maîtrise de l’information, qui se trouve à Rennes. L’optronique est située à Bourges, l’aérolargage à Toulouse.
Ces multiples actions nous permettent d’accélérer et cette approche rencontre déjà des succès. À titre d’exemple, nous avons acheté des drones marins dérivants de longue endurance, des embarcations kamikazes dronisées, des protections anti-drones, des faux véhicules de leurrage pour la brigade bonne de guerre, des détecteurs de brouillage de positionnement satellite pour les fantassins.
Nous nous inscrivons donc dans une nouvelle dynamique de transformation, conjointement avec l’état-major des armées. Sous certaines conditions, elle nous permet d’aller plus vite, en privilégiant les délais et les coûts, en laissant une certaine créativité à la fois aux échelons locaux et aux industriels, qui peuvent nous proposer un certain nombre de systèmes, sans passer par de lourds et longs cahiers des charges et spécifications.
Nous nous orientons en outre vers la simplification du document unique de besoin. Nous formulons les effets que nous voulons obtenir ; charge aux industriels de nous proposer des solutions.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je souhaite vous interroger sur la lutte anti-drones. Face à cette menace prégnante, qui engendre le blocage tactique, nous avons à la fois besoin de la protection du corps de bataille aéroterrestre, mais aussi de protéger nos opérateurs d’importance vitale (OIV) et nos points d’importance vitale (PIV), qui pourrait subir des attaques de déstabilisation. Quels outils la DGA développe-t-elle dans ce domaine ?
Ensuite, quelles actions peuvent-elles être entreprises face aux nouveaux types de menaces portées par les drones ? Je pense notamment aux drones guidés par fibre optique, non brouillables. Existe-t-il d’autres moyens que cinétiques de les abattre ? Où en sommes‑nous sur le sujet des essaims de drones, qui produisent des effets de masse ? Le dispositif Épervier de l’AID est-il en cours de déploiement ?
Par ailleurs, il semblerait qu’une première marche soit réalisée sur le missile balistique tactique, dont l’objectif est de fournir une capacité de frappe dans la profondeur à longue distance. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Enfin, vous avez brièvement mentionné l’acquisition de coques blanches concernant les frégates. Pourriez-vous nous fournir de plus amples détails à ce sujet ?
M. Emmanuel Chiva. Nous accélérons effectivement dans le domaine de la lutte anti-drones. L’AID a lancé le projet Épervier pour établir des solutions innovantes, notamment l’expérimentation d’un système de détection et de neutralisation en vol, pour une durée maximale de huit mois.
Le système Proteus d’artillerie sol-air mobile pour la lutte anti-drones est réalisé conjointement avec l’armée de terre, dans le but de densifier le nombre d’effecteurs. Un premier standard sera assemblé par la section technique de l’armée de terre ; un second standard fera l’objet d’une industrialisation à travers un marché qui sera posé par la DGA.
Nous sommes naturellement préoccupés par les essaims de drones, sujet sur lequel nous avions déjà longuement réfléchi lors de la préparation des Jeux olympiques de Paris. Nous avons conduit des premières expérimentations, avec des essaims anti-essaims, des armes électromagnétiques. La suite des travaux sera composée de plusieurs briques.
À ce titre, nous interrogeons nos homologues ukrainiens sur leur retour d’expérience pour lutter contre les menaces russes. Nous expérimentons des solutions sur étagère ou en centre d’essai de la DGA. À terme, la capacité sera composée à la fois d’équipements achetés sur étagère et d’équipements ad hoc, pour la différenciation sur le champ de bataille, et en particulier la résistance au brouillage de nos essaims de drones. Au‑delà des drones aériens, un certain nombre d’initiatives concernent les drones terrestres.
Au titre de la programmation actuelle, des évolutions incrémentales portent sur le SCCOA, le système de conduite de contrôle des opérations aériennes ; les systèmes intégrés de lutte anti-drones et la commande de dispositifs LAD additionnels. Nous allons en particulier commander neuf systèmes Parade d’ici fin 2025 pour densifier la protection, élargir la couverture. Les évolutions concernent également les effecteurs, les armes électromagnétiques, les armes lasers, les brouilleurs et systèmes de leurrage.
S’agissant du missile balistique terrestre, l’évolution du contexte nous impose effectivement de pouvoir disposer de capacités de frappe dans la profondeur. Ce domaine est discuté dans une enceinte européenne, le système European Long Range Strike Approach (ELSA), lancé par la France et auquel se sont alliés le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suède, l’Italie et la Pologne, à travers neuf clusters d’intérêts qui couvrent toutes les portées : tactique, opérative, préstratégique.
L’approche adoptée sur les coques blanches permet d’assurer la continuité, notamment du chantier naval de Lorient, et préparer sa capacité à répondre aux besoins exports. Je rappelle que les exports ont connu l’année dernière la deuxième meilleure année de l’histoire de la BITD française, à hauteur de 21,6 milliards d’euros. La production de coques blanches nous permet d’ajuster les besoins nationaux et les demandes à l’export. Si la France remporte des compétitions, l’objectif est de répondre à la demande dans les délais contenus.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La projection de visibilité et de trajectoire pour l’industrie est en cours de construction. Certaines PME et PMI souffrent. Des glissements dans les calendriers de livraison concernant plusieurs segments capacitaires ont également eu lieu dès 2024.
Comment soutenir directement les PME et PMI, afin qu’elles soient plus flexibles et adaptables aux besoins plus ou moins croissants de l’économie de défense ? Comment les PME et PMI peuvent-elles être mieux prises en compte dans le cadre des projets européens ?
Nous soutenons la coopération européenne de défense et le développement d’une BITD européenne (BITDE). La France doit s’engager pour une Europe de la défense plus cohérente. Nous sommes actuellement incapables de nous fédérer autour de grands projets comme l’Eurodrone, le système principal de combat terrestre (MGCS) et le SCAF. Quel est l’avenir de ces programmes ? Dassault souhaite avancer seul dans un environnement de coopération. Dans ce cas, comment la France se positionne-t-elle sur le SCAF ? Quelle image et quelle confiance renvoyons-nous à nos partenaires européens ? Si le SCAF est arrêté, combien aurons-nous dépensé pour un possible échec et comment financerons-nous l’après-SCAF ?
De son côté, KNDS est en mutation. Pourriez-vous nous partager l’avancée de la production du MGCS ? Enfin, avez-vous étudié l’acquisition de K239 Chunmoo en remplacement des lance-roquettes unitaire (LRU), comme solution intermédiaire ? Avez-vous étudié le développement de biens pouvant traiter la question des débris spatiaux ?
M. Emmanuel Chiva. Environ 80 % de nos contrats sont passés auprès de grands maîtres d’œuvre de l’industrie, de gré à gré – qui bénéficient ensuite indirectement à la chaîne de sous-traitance – mais 20 % sont passés directement auprès des 4 500 PME et des ETI de la BITD française, dont 1 200 sont critiques.
Le plan Défense des PME s’est poursuivi par Action PME, puis le plan en faveur des ETI, PME et start-ups (PEPS), lequel s’accompagne d’ailleurs par la mise en place d’un délégué aux PME et aux ETI et d’un médiateur des entreprises au sein de la DGA. Néanmoins, je ne nie pas la problématique du ruissellement. Le retard pris lors de la période de services votés a dû être compensé par des commandes aux grands groupes, pour des objets qui impliquent un certain nombre d’acteurs de la chaîne de sous-traitance. Nous travaillons conjointement avec les grands maîtres d’œuvre industriels, le Conseil des industries de défense françaises (CIDEF) et les groupements professionnels, afin d’offrir rapidement de la visibilité, à la fois en termes de commandes mais aussi d’avances de paiement aux PME et aux ETI.
Vous avez également évoqué Eurodrone. Le précédent CEMA avait écrit à ses homologues pour les questionner sur la pertinence opérationnelle d’un tel système, conçu à l’époque pour un emploi dans une zone non contestée. Il ne s’agit pas de savoir si nous nous sommes fourvoyés, mais de pouvoir nous adapter au contexte des conflits actuels. La réflexion est en cours avec nos partenaires, d’abord d’un point de vue opérationnel. Le programme Eurodrone peut effectivement faire l’objet d’un certain nombre d’adaptations ou d’ajouts de briques technologiques.
Permettez-moi de corriger un élément concernant le SCAF : Dassault n’a pas indiqué vouloir travailler seul. Dassault demande 51 %, c’est-à-dire le leadership clair sur l’architecture de l’avion et une gouvernance simplifiée. Nous travaillons actuellement à l’entrée dans la phase 2, la phase de prototype.
Aujourd’hui, une voie permettant d’y parvenir passe par une amélioration de la gouvernance et des responsabilités industrielles, afin de respecter nos lignes rouges. Elles sont au nombre de trois : une capacité initiale opérationnelle en 2040 au plus tard ; des moteurs capables d’assurer une poussée suffisante ; et la liberté d’export. Les autorités politiques ont convenu de trouver des solutions d’ici la fin de l’année. De notre côté, nous travaillons avec nos homologues allemands et espagnols pour relever ces différents défis.
La situation est complètement différente en ce qui concerne le MGCS. Une project company rassemble KNDS France, KNDS Allemagne, Rheinmetall et Thales. Nous discutons actuellement avec elle pour faire converger les positions, afin de fournir un premier contrat aux industriels pour une durée de quatre ans, dès le début de l’année prochaine, voire la fin de cette année. Se pose ici pour nous la question du maintien d’une capacité de chars lourds alors que les chars Leclerc seront bientôt frappés d’obsolescence. Il importe traiter la question de l’entrée en service de nouveaux chars à la charnière 2030-2040. En ce qui nous concerne, le projet MGCS n’est pas arrêté. Il n’est pas en défaut, mais en démarrage.
Vous m’avez questionné sur les déchets spatiaux. Le radar Aurore, qui bénéficiera de crédits européens, permettra de détecter des petits objets comme les nano-satellites cubiques et offrira une performance très supérieure à celle du radar de veille spatiale actuel. La question du traitement des débris spatiaux reste ouverte. Un certain nombre de sociétés et de startups ont approché l’Agence de l’innovation de défense à ce sujet.
Enfin, s’agissant du successeur du LRU, la LPM avait indiqué que la France se doterait de solutions souveraines. Dans le respect de la LPM, nous avons lancé un dialogue compétitif avec deux groupements, qui devront produire une démonstration de tir en mai 2026. La décision sera prise à l’issue de ces tirs ; elle pourra poursuivre la solution souveraine en prenant garde au délai de livraison ou opter pour des solutions sur étagère, y compris étrangères.
La solution HIMARS n’est pas envisageable, les Américains étant comme nous confrontés à des problématiques de production et de livraison dans les temps. Une autre solution consisterait à utiliser le missile EuroPULS, un missile israélien. Aujourd’hui, nous nous orientons davantage vers l’étude d’une solution dérivée du Pinaka, un lanceur indien, dans le cadre de nos relations globales et de coopération avec l’Inde. Une évaluation est en cours.
Il existe d’autres initiatives, qui sont d’ailleurs auto-financées par des industriels, que nous saluons et surveillons de près. Je pense notamment au projet Foudre de Turgis et Gaillard, qui a récemment signé avec Airbus pour adapter la conduite de tir.
Mme Sabine Thillaye (Dem). L’innovation en recherche reste un élément clé pour pouvoir parvenir à des avances stratégiques. J’ai constaté que dans le programme 144, un effort financier serait accentué au profit de l’Institut Saint-Louis, un institut franco‑allemand, né en 1958. Il effectue des recherches fondamentales et appliquées, des études techniques, des démonstrateurs de faisabilité technologique, ainsi que des expertises dans le domaine de l’armement. Quels sont les objectifs concrets de cet effort budgétaire supplémentaire ? Quelles sont les principales thématiques de recherche ? Quel regard portez‑vous sur l’Institut ?
Vous avez aussi évoqué le développement du New Space. J’ai été interpellé par une entreprise, Prométhée Earth Intelligence, qui est capable de fournir en un temps quasi réel des informations exploitables pour la défense. Ils ont signé un accord industriel stratégique avec l’Ukraine pour la doter d’une constellation souveraine de satellites d’observation de la terre. Cette entreprise dispose d’un soutien financier privé à hauteur de 97 %, mais le soutien financier public est très faible.
Comment la DGA entend-elle mieux intégrer les acteurs émergents du New Space dans la politique d’investissement de soutien de l’État, afin d’éviter que des entreprises innovantes ne quittent la France ou soient contraintes de fermer ?
M. Emmanuel Chiva. L’Institut Saint-Louis réunit un nombre impressionnant d’expertises. Il a connu des hauts et des bas au gré des relations entre la France et l’Allemagne. J’ai récemment rencontré mon homologue Jens Plötner et nous sommes convenus de nous rendre ensemble à l’Institut pour réaffirmer le soutien des États.
Celui-ci porte en effet un certain nombre de très beaux projets, comme celui des canons électromagnétiques. Je rappelle qu’un canon électromagnétique a en théorie la capacité de tirer à 400 à 600 kilomètres, avec une charge uniquement cinétique et non pyrotechnique. En augmentant les efforts sur ce centre, nous voulons réduire les délais entre le temps de la recherche, celui du cas d’usage et de l’industrialisation. Quoi qu’il en soit, soyez rassurée sur le fait que nous portons une attention particulière à cet opérateur, qui travaille d’ailleurs avec d’autres laboratoires en France et avec les instituts Fraunhofer en Allemagne.
Depuis 2021, le NewSpace constitue l’une des priorités de l’innovation ouverte, une innovation issue du monde civil et conduite par l’AID, qui joue son rôle de guichet unique. Il faut mentionner à ce titre l’appel à projets Flore sur l’observation du spectre radioélectrique, remporté par les petites sociétés U-space et Unseenlabs. Par ailleurs, la DGA considérera naturellement la solution proposée par la société Prométhée.
S’agissant des relations avec les sociétés, et notamment les start-up, nous avons créé avec l’AID un guichet unique permettant très facilement à des entreprises de nous exposer leur projet. Celles-ci sont ensuite contactées sous quinze jours, pour un premier état des lieux. Si les propositions suscitent notre intérêt, il nous revient de trouver le meilleur moyen de les accompagner, à travers diverses modalités. Il peut s’agir de projets d’accélération d’innovation, de subventions rapides, de subventions de thèse, de marchés publics.
M. Bernard Chaix (UDR). Les fleurons de notre BITD évoluent sur un marché ultra concurrentiel, une course technologique frénétique permettant aux hyper-puissances de peser dans les affaires du monde. Dans ce contexte, le programme 146 concentre les crédits les plus stratégiques notamment la dissuasion nucléaire et nos capacités aéronavales. Les récents événements en Iran nous rappellent à quel point nous devons maintenir notre crédibilité nucléaire.
Ainsi, l’augmentation des crédits consacrés aux porte-avions va dans le bon sens. Alors que la Chine envisage de disposer de six porte-avions d’ici 2035 et qu’elle bénéficie déjà – comme les États-Unis – de catapultes électromagnétiques, la France doit maintenir le cap concernant le PANG. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la déclinaison des crédits 2026 pour le programme PANG ? Cette déclinaison sera-t-elle conforme à l’objectif de mise en service à l’horizon 2038 ?
M. Emmanuel Chiva. Le projet PANG a encore été réaffirmé hier par Mme la ministre. Il nous faut désormais accélérer sur les éléments clés, maintenir le cap sur les capacités. Il ne s’agit pas d’un porte-avions, mais d’un Catobar, une plateforme d’innovation qui bénéficie de catapultes électromagnétiques, de brins d’arrêt avancés ‑ d’ailleurs fournis par les États-Unis.
Comme je l’ai indiqué, la décision concernant le lancement en réalisation de ce PANG devra être prise d’ici la fin de l’année. Nous avons mis en place des systèmes de financement assez innovants en discutant avec l’industriel. Les crédits sont conformes au calendrier visé. Des anticipations ont été réalisées en 2024 pour le développement des chaudières K22, qui nécessite une expertise également nécessaire à nos sous-marins nucléaires d’attaque et à nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engin.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de sept questions complémentaires, en commençant par une première série de trois questions.
Mme Sophie Errante (NI). Face aux rouleaux compresseurs chinois et nord‑coréens, au développement militaire accéléré, sur quelles briques technologiques devons-nous concentrer nos efforts ? Si le modèle de coopération doit évoluer, quelle direction faut-il emprunter ? Les joint-ventures semblent constituer une possibilité, mais nos entreprises européennes peinent à s’entendre. Comment éviter d’être en retard sur nos objectifs industriels ? Il y a eu urgence et je vous fais confiance pour trouver des solutions.
M. Frank Giletti (RN). Un article de M. Cabirol dans La Tribune m’a interpellé. Il y évoque la commande de 61 Rafale supplémentaires. Pouvez-vous nous en dire plus ? Est‑ce une fausse information ? J’en étais resté à une cible de 178 pour fin 2030 et de 225 à horizon 2035.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). La coopération avec le ministère de l’intérieur sur la lutte anti-drones lors des Jeux olympiques s’est bien déroulée. Qu’en est-il d’une coopération avec le ministère de la justice pour nos centres pénitentiaires ?
Ensuite, je souhaite évoquer le retour sur investissement sur les fonds européens, pour rassurer nos collègues eurosceptiques. Vous avez parlé de 16 milliards d’euros perçus au titre des prêts bonifiés du mécanisme Security Action for Europe (Safe).
Enfin, dans un article du Monde, certains chefs d’entreprise se plaignaient de ne pas encore voir la concrétisation du supplément de budget annoncé. Que pouvez-vous leur répondre ?
M. Emmanuel Chiva. Nos compétiteurs portent leurs efforts dans des domaines clés. Je pense notamment à l’ordinateur quantique, sur lequel la Chine concentre son attention, et publie de moins en moins. Il fait partie de ces ruptures technologiques qui peuvent engendrer des ruptures géostratégiques. Ensuite, la feuille de route d’aviation de combat chinoise est extrêmement ambitieuse.
D’autres domaines sont moins visibles, comme les armes à énergie dirigée, l’hypervélocité, l’intelligence artificielle, les systèmes autonomes. Le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DrOID) a ainsi pointé les dix technologies prioritaires sur lesquelles l’effort devrait porter.
Un domaine est particulièrement bien manié par nos compétiteurs ; il recouvre la guerre cognitive, la désinformation. La manipulation de l’information dans le monde aujourd’hui est une technologie indissociable des opérations militaires actuelles. Ce sujet nous tient particulièrement éveillés. Comment détecter les manipulations de l’information ? Comment y répondre ? Comment éviter de subir la guerre cognitive qui pourrait nous être imposée avec des approches technologiques très variées, dans l’ensemble du champ des perceptions ?
En matière de coopération, nous portons l’effort sur le regroupement de best athletes, plus efficace que les coopérations équilibrées sur l’ensemble des piliers. La joint‑venture (JV) représente un modèle industriel intéressant, à condition de pouvoir établir un bon équilibre, dès son montage. Dans le domaine spatial, certaines JV en cours de création sont effectivement essentielles pour constituer la taille minimale critique nous permettant de faire face à une concurrence internationale. Dans ce cadre, les commandes du programme 146 sont importantes pour donner du poids à nos industriels, en particulier dans le domaine spatial, où nous faisons face à un nécessaire renouvellement de nos capacités.
Je n’ai pas lu l’article de Michel Cabirol concernant les Rafale. Deux Rafale supplémentaires sont prévus d’ici 2030 pour compenser la tragique attrition que nous avons connue en 2024. Mais la priorité est plutôt accordée à l’armement de nos capacités.
La lutte anti-drones doit effectivement faire l’objet d’un travail interministériel, comme cela fut le cas lors des Jeux olympiques. En revanche, il importe de bien distinguer l’usage de la lutte anti-drones sur notre territoire et sur un théâtre d’opération. En effet, sur le territoire national, un drone est moins susceptible de subir un brouillage et des contre-mesures de guerre électronique.
S’agissant des fonds européens, le taux de retour est supérieur à notre contribution, notamment pour le Fonds européen de défense. Toutefois, nous demeurons vigilants, afin que la base industrielle technologique de défense européenne bénéficie de la priorité. Il n’est pas question que l’argent européen destiné à la BITDE serve à acheter des armes hors Europe.
Enfin, la concrétisation des efforts sur le terrain, au profit des PME et ETI, a déjà été évoquée. Les retards sont liés à un manque de visibilité ou une visibilité trop tardive au sein de la chaîne de sous-traitance. Nous œuvrons à ce titre avec les industriels, pour disposer d’un schéma compatible.
Mme Alexandra Martin (DR). Aujourd’hui, les salles blanches de nos deux grandes entreprises de l’industrie du spatial sont désespérément vides de tout satellite de la défense française. La situation est très inquiétante pour l’avenir de ces entreprises et des équipementiers clés. Alors que l’Allemagne a annoncé investir 35 milliards d’euros dans le secteur du spatial de défense et que l’Italie est très active, que prévoit la DGA pour lancer dans les semaines à venir la poursuite du développement du programme d’observation Iris ou encore Syracuse 5, Égide ou Céleste ?
Mme Nadine Lechon (RN). Encore l’année dernière, le groupe Rassemblement National mettait en garde contre plusieurs projets, notamment franco-allemands, tels que le SCAF et le MGCS. Un an après, l’actualité récente nous a encore prouvé que le SCAF était un cuisant échec.
Il est fort probable que le MGCS connaisse le même sort, entraînant par la même occasion une perte de temps, de moyens, mais aussi de souveraineté. Nous devons financer prioritairement des projets souverains. D’autre part, nous devons soutenir des projets en commun avec des pays fiables, dont les intérêts sont compatibles avec les nôtres. Je pense par exemple à l’Espagne et à l’Italie.
La DGA a-t-elle encore un intérêt à financer des projets mort-nés et ne devrait-elle pas plutôt investir plus encore auprès de notre BITD et de coopérations internationales réellement viables ?
Mme Florence Goulet (RN). Monsieur le délégué général, vous avez salué dans votre propos le nouveau fonds d’investissement en défense de BPI France, qui ouvre des possibilités d’investissement aux particuliers dès 500 euros. Mais pensez-vous réellement que les petits épargnants vont investir dans ce fonds où ils peuvent perdre jusqu’à 100 % de leur capital ?
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). J’aimerais obtenir des éléments d’appréciation sur la stratégie de déploiement et d’acquisition des capacités d’alerte avancée dans le contexte de surdéploiement de la très haute altitude. L’Allemagne et la France ont tout récemment formalisé un accord d’application pour le programme Odin’s Eye. Le consortium industriel est placé sous l’autorité d’OHB. Non seulement ce portage nous pose question, car la collaboration avec les partenaires allemands n’est pas toujours optimale, mais nous nous interrogeons également sur l’utilité d’un tel système intégrant des capacités de détection en orbite. Nous disposons déjà d’un système d’alerte avancé à travers le radar transhorizon, Nostradamus, brique de l’alerte avancée conçue par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera). Nostradamus bénéficie encore d’innovations paramétriques sous supervision de l’AID, pour affronter des menaces du type missiles hypervéloces.
Dans l’hypothèse d’un besoin réellement constaté, pourquoi notre pays ne s’engage-t-il pas dans un programme français de satellites à détecteurs infrarouges pour compléter l’infrastructure ? Il existe des précédents concluants en ce domaine, comme la démonstration Spirale initiée il y a vingt ans et testée à partir de 2009. Le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Onera, la DGA et les industriels ont toute notre confiance pour relever le défi de convertir un démonstrateur en capacité opérationnelle.
M. Emmanuel Chiva. Dans le domaine satellitaire et dans la filière du spatial, la BITD française était en avance, mais il existe un risque réel de rattrapage par nos partenaires. C’est la raison pour laquelle nous avons maintenu en 2025 la mise en service opérationnelle du satellite CSO3. L’enjeu consiste à renouveler et de renforcer nos capacités, en maintenant un équilibre entre l’altitude géostationnaire et l’orbite basse.
En 2025, nous poursuivons la préparation d’IRIS, pour un lancement en réalisation en 2026. Le chef de l’État inaugurera bientôt le Commandement de l’espace. L’accord-cadre Paladin permettra d’opérer des objets en orbite géostationnaire.
S’agissant des capacités de communication, l’accord-cadre Nexus préfigure Iris2. Nous n’attendons donc pas le programme européen pour nous doter d’une capacité qui nous permettrait d’être résilients, par exemple en cas de coupure de Starlink.
S’agissant du renseignement d’origine électromagnétique spatiale, une consultation est en cours pour la capacité CELESTE. Par ailleurs, afin de bénéficier de la dynamique du New Space, nous avons lancé le Pacte espace il y a deux semaines, sur le modèle du Pacte drone. Celui-ci nous permet ainsi de remplir les salles blanches d’un certain nombre de nos industriels.
Les sujets SCAF et MGCS sont évoqués à chacune de mes venues devant la commission. Madame Lechon, je ne partage pas votre point de vue concernant un supposé échec du SCAF. En revanche, il s’agit d’un programme complexe, dont nous voulons modifier la gouvernance. Je rappelle que le SCAF n’est pas un avion, mais une plateforme connectée à un cloud de combat, avec des ailiers dronisés. Si nous voulons conserver son ambition initiale, il convient de travailler à plusieurs. Je crois toujours que nous pouvons y parvenir.
Nous diversifions aussi partenariats, par exemple, avec la Pologne dans le domaine spatial ; mais également avec la Suède, dans le cadre du programme Global Eye.
Le fonds d’épargne constitue une solution parmi d’autres. Il s’agit en l’espèce de lancer des produits complémentaires. Les mentalités ont heureusement changé, le financement de la défense n’est plus un repoussoir, ce qui était encore le cas il y a peu. L’évolution du contexte géostratégique a permis aux gens de changer de mentalité. Le fonds BPI France Défense constitue un bon moyen d’entretenir le lien entre la défense, les armées et la nation.
S’agissant de l’alerte avancée, je rappelle que la lettre d’intention a pour objet d’exposer des capacités complémentaires. Le système actuel utilise des capacités satellitaires nécessaires, dans la mesure où il ne s’agit pas uniquement de détecter, mais également de suivre la trajectographie des objets détectés pour savoir quelles sont leurs cibles et comment les intercepter. Le segment spatial est sous leadership allemand, mais la lettre d’intention spécifie un segment terrestre sous leadership français, et qui repose sur des capacités complémentaires.
Ces capacités complémentaires concernent notamment des radars UHF de très grande portée, des radars UHF aussi qui peuvent être mobiles, très complémentaires du segment spatial. De la même manière, le radar transhorizon Nostradamus est complémentaire des deux autres types de radar. Il ne peut cependant pas tout détecter à lui seul, notamment parce qu’il est dépendant des conditions atmosphériques.
En résumé, dans le domaine de l’alerte avancée, il existe une réelle volonté d’une capacité fédératrice européenne, précisément parce que certains aspects de l’alerte avancée qui dépendent de notre collaboration avec les États-Unis peuvent être remis en question, à l’aune des décisions politiques prises outre-Atlantique.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour ces réponses nourries et précises.
*
* *
La séance est levée à dix heures quarante-quatre.
*
* *
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Delphine Batho, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Anne‑Laure Blin, M. Matthieu Bloch, M. Frédéric Boccaletti, M. Hubert Brigand, M. Bernard Chaix, M. Yannick Chenevard, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, M. Moerani Frébault, M. Guillaume Garot, M. Frank Giletti, M. José Gonzalez, Mme Florence Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, Mme Nadine Lechon, M. Julien Limongi, Mme Lise Magnier, Mme Michèle Martinez, Mme Alexandra Martin, M. Thibaut Monnier, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Isabelle Rauch, Mme Marie Récalde, Mme Catherine Rimbert, M. Alexandre Sabatou, M. Arnaud Saint-Martin, M. Aurélien Saintoul, M. Sébastien Saint-Pasteur, Mme Isabelle Santiago, M. Thierry Sother, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon
Excusés. - M. Christophe Bex, M. Manuel Bompard, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Caroline Colombier, Mme Alma Dufour, M. Thomas Gassilloud, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Marcellin Nadeau, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Marie‑Pierre Rixain, M. Aurélien Rousseau, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, Mme Natalia Pouzyreff