Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Audition, ouverte à la presse, du général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, sur le projet de loi de finances 2026 2
Mercredi
22 octobre 2025
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2025‑2026
Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 en recevant le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace.
L’armée de l’air et de l’espace figure au cœur de plusieurs priorités de la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, notamment la modernisation de notre dissuasion nucléaire, y compris sa composante aéroportée ; le renforcement de la défense sol-air et du segment des drones, identifiés comme un axe important d’amélioration ; la confirmation de la dynamique vers le « tout Rafale » et la définition, toujours en cours de négociation, du périmètre précis du standard F5 du Rafale pour une arrivée dans les forces à compter de 2033. Enfin, un accent est placé sur le développement de nos capacités spatiales, notamment de défense active, pour être en mesure de nous protéger, mais aussi d’agir dans l’espace.
Dans le domaine de la très haute altitude (THA), qui fait l’objet d’une stratégie dédiée, pourriez-vous nous indiquer quelle capacité vous envisagez de développer à court, moyen et long terme ? Vous reviendrez certainement sur la concrétisation de ces priorités de la LPM au sein du PLF pour 2026, comme sur la capacité d’engagement opérationnel des aviateurs sur de très courts préavis, qui a été encore une fois démontrée lors du déploiement récent de trois de nos chasseurs des Rafale en Pologne. Nous serions par ailleurs très intéressés de connaître vos priorités capacitaires pour l’emploi des crédits issus de la sur-marche budgétaire prévue en 2026.
Mon général, au-delà des seules évolutions capacitaires, vous avez régulièrement mis en avant trois points d’attention lors de vos précédentes auditions : les ressources humaines, avec notamment la question de la fidélisation ; l’activité, avec l’exigence d’augmenter le nombre d’heures de vol et de préparation opérationnelle de nos aviateurs ; les infrastructures, avec à la fois le durcissement de la protection de nos bases aériennes, mais également les infrastructures opérationnelles (pistes, stations, radars). Comment ces enjeux sont-ils pris en compte dans le PLF pour 2026 ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Je suis honoré de pouvoir échanger avec vous à l’occasion de cette audition. Avant d’évoquer le PLF pour 2026, je tiens à dresser le bilan des actions accomplies au cours des trois dernières années, qui est très éclairant quant à notre capacité de transformation, dans la perspective d’un engagement majeur à l’horizon 2028.
Nous atteignons des résultats qui étaient hors de portée il y a encore trois ans. Il y a trois ans, nos flottes n’avaient ni le volume, ni la maturité opérationnelle pour réussir des ponts aériens de l’ampleur de ceux réalisés pour le soutien aux forces de sécurité intérieure en Nouvelle-Calédonie, ou la réponse au cyclone Chido à Mayotte.
Dans l’espace ensuite, il faut revenir sur la réussite d’une opération de signalement stratégique avec les États-Unis d’Amérique, qui n’avaient jamais procédé à des vols en patrouille sur l’arc géostationnaire, pour perturber les satellites de nos compétiteurs. Dans la très haute altitude, nous avons neutralisé un ballon à plus de 25 kilomètres d’altitude avec un Rafale ou un Mirage 2 000, une opération inédite. Je pense également aux Rafale projetés en Pologne il y a une quinzaine de jours, pour opérer depuis un terrain allié selon le concept d’Agile Combat Employment, soit une projection avec une très faible empreinte logistique, mais extrêmement efficace.
Pour terminer, il faut mentionner notre participation à la coalition des volontaires, réunissant en dehors du cadre Otan et sans les Américains, vingt-trois de mes homologues de l’armée de l’air et de l’espace, pour préparer le volet « air » des garanties de sécurité à l’Ukraine.
Un film de présentation de l’armée de l’air et de l’espace est diffusé
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Nous devons accélérer notre transformation pour gagner la guerre, aujourd’hui comme dans trois ans. Les Ukrainiens révolutionnent leur industrie et obtiennent des résultats impressionnants. En quelques mois, ils ont été capables de développer un missile de croisière d’une portée de 1 000 kilomètres, déjà intégré et tiré au combat par leurs chasseurs. Ce programme Flamingo, parmi tant d’autres, doit nous interpeller, armées et industriels.
Cet exemple capacitaire représente un appel à combattre l’immobilisme, le relativisme, le défaitisme, selon les propres mots de notre chef d’état-major des armées. Plus de trois ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, nous ne pouvons pas nous satisfaire de notre situation sur un certain nombre de sujets. Il n’y a pas de fatalité, mais l’histoire doit nous servir de guide. Trois ans avant la déroute de 1940, la commission de la défense nationale constatait « La Luftwaffe est à même de survoler le ciel français en toute impunité ». Alors que certains, comme Jean Monnet, conseiller du gouvernement, se démenaient pour négocier le soutien de l’industrie américaine, seule capable de livrer à temps et massivement les avions qui nous manquaient, d’autres en France, au sommet de l’État et des armées, se complaisent dans l’immobilisme, le relativisme ou le défaitisme. Ce sont autant d’états d’esprit à combattre, tant le tableau comparatif des menaces et de nos vulnérabilités nous interdit de nous mentir. En quelques mois, il est possible de transformer durablement les choses.
Le tableau comparatif des menaces et de nos vulnérabilités nous interdit de nous mentir. La brutalisation des relations internationales, que nous pointons depuis des années, ne cesse de s’accroître. Le bilan de l’été en l’Ukraine est affligeant : au moins 20 000 drones et missiles russes ont été tirés, soit dix fois plus que pendant l’été 2024. Depuis le 1er janvier 2025, l’Ukraine a fait face à 280 attaques aériennes, dont 60 combinées. Je rappelle qu’une attaque combinée consiste à envoyer simultanément des missiles de croisière, des missiles aérobalistiques et des drones. Les drones Shahed 138 ou 236 sont produits à 1 000 unités chaque mois.
Depuis le 1er janvier 2025, l’Ukraine a été ciblée par 2 000 missiles, dont 500missiles aérobalistiques. En 2025, les Russes auront augmenté leur format de plus de 200 chasseurs de dernière génération, passant ainsi de 226 avions à 434 avions de combat modernes, auxquels il faut ajouter la flotte de bombardiers stratégiques. L’année 2025 a également été marquée par des combats aériens entre Indiens et Pakistanais, deux puissances nucléaires, impliquant 125 chasseurs.
Cet effondrement du cadre normatif international se double parfois d’un feu « de l’intérieur », lorsqu’une démocratie frappe un État souverain, comme le Qatar. La même nuit, des drones russes ont pénétré l’espace aérien de la Pologne, certains ont été abattus par des chasseurs de l’Otan.
L’hybridité n’est plus à nos portes, elle est chez nous ; à l’instar des bateaux de la « flotte fantôme » russe, soupçonnés d’être impliqués dans les décollages de drones survolant le Danemark, et qui se sont rendus au large des côtes françaises. L’hybridité cible des intervalles cognitifs, géographiques, temporels ; mais également des intervalles entre nos propres chaînes d’alerte, entre la posture permanente de sûreté aérienne et la posture permanente de sûreté maritime.
Nous sommes également confrontés au changement climatique : à peine sortis du chaos de Mayotte, il a fallu intervenir à la Réunion. Il ne s’agit là que l’un des symptômes de ce phénomène global, qui n’en est qu’à ses débuts. Il va nous falloir apprendre à effectuer nos missions dans un monde dont les températures auront augmenté de trois à quatre degrés.
Cet état des lieux exige que nous fassions preuve de la plus grande lucidité. Le relativisme n’est plus de mise, lorsqu’un embrasement majeur peut intervenir dans trois ans, ou tout aussi bien demain matin. Du point de vue de la puissance militaire aérospatiale, ces constats appellent des efforts selon quatre dynamiques, quatre défis : l’arrière, l’avant, la verticale et enfin les défis transverses du commandement et contrôle (C2) et du numérique.
Je mentionne pour commencer trois enjeux qui incarnent les défis de l’arrière, qui conditionnent les qualités de la résistance et de la résilience de notre système de combat : les ressources humaines, la défense sol-air et le maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos systèmes d’armes.
Les aviateurs seront près de 41 000 en 2026. Le moral est bon, porté par les engagements et les succès en opération. Les aviateurs sont déployés sur vingt-six bases aériennes, dont cinq en métropole et une base aérienne projetée, bénéficient d’un recrutement performant (plus de 3 600 en 2025) dont 33 % de personnel féminin. Notre cible se situe à 3 800 recrues en 2026.
Il nous faut rester attractifs, entretenir et développer nos liens avec la société et la jeunesse. Nous devons maîtriser un renouvellement trop rapide : un tiers de l’armée de l’air et de l’espace change tous les quatre ans. Nous devons veiller à la revalorisation de nos grilles indiciaires, tant attendue, notamment par nos officiers cette année, après les militaires du rang et les sous-officiers les années précédentes.
Cependant, le cœur de notre système de combat repose sur notre outil de formation, qui doit être repensé dans une logique de haute intensité, en particulier s’agissant du personnel navigant. Les cursus de nos pilotes sont parfois trop longs, trop normés. Or celui qui forme le plus vite et le plus rapidement gagnera la guerre. La LPM nous permet justement de transformer nos méthodes, avec notamment le métaprojet Smart School : 38 millions d’euros sont ainsi investis sur l’exercice 2024-2030 dans la digitalisation et la modernisation de nos outils de formation, afin d’optimiser les cursus, d’autant plus que les nouvelles générations sont les premières utilisatrices des technologies numériques, qu’elles maîtrisent nativement.
Ici aussi, l’histoire doit nous servir de guide. L’une de nos premières écoles de pilotage formait trente-sept pilotes de chasse par an sur la base aérienne d’Ambérieu-en-Bugey, lors du déclenchement de la grande guerre. De manière assez étrange, il s’agit exactement de notre cible cette année. Lorsque la France a basculé dans la guerre en 1914, les chiffres se sont spectaculairement améliorés et le pays formait plus de 2 000 aviateurs en 1918. Nous devons nous libérer des carcans que nous nous imposons par habitude du temps de paix.
La deuxième grande priorité pour le combat de l’arrière concerne la protection de nos espaces aériens et de ses approches ; bases aériennes comme les sites militaires ou les sites sensibles. Les menaces prolifèrent à toutes les couches d’altitude, dans tout le spectre de la technologie, de l’ultra sophistiqué à l’ultra rudimentaire et enfin de l’étatique à l’hybride.
Les nombreux chantiers peuvent être classés en trois axes. Le premier axe concerne la protection de notre espace aérien national et de ses approches par la posture permanente de sûreté aérienne, depuis nos bases aériennes. Cette permanence est particulièrement exigeante : à ce jour, en 2025, nous avons procédé à plus de 350 décollages sur alerte de nos chasseurs, et notamment l’interception de dix-sept bombardiers russes surveillés de très près lorsqu’ils longent nos frontières. Pour poursuivre cet effort, le PLF pour 2026 doit permettre à l’armée de l’air et l’espace de continuer le renouvellement de son parc de radars, d’entretenir ses parcs de chasse et hélicoptères, et de garantir les stocks de munitions nécessaires.
Le deuxième axe porte sur la protection par la dispersion de nos moyens, de façon programmée, comme lorsque nous projetons nos flottes de combat en Suède, en Pologne ou en Croatie ; ou de façon inopinée, dans l’urgence, comme lorsque nous avons fait décoller trente Mirage 2000 depuis Nancy pour se redéployer partout en France.
Le troisième axe est relatif à la protection par la défense sol-air multicouches intégrée, grâce à un commandement et un contrôle de nos opérations, qui connecte tous les moyens de la troisième dimension. La cible porte sur dix-huit systèmes sol-air de moyenne portée SAMP/T nouvelle génération, c’est-à-dire bicouches, à la fois Aster et Mica, à l’horizon 2035. La sur-marche prévue du PLF pour 2026 permettra l’accélération et l’acquisition de deux SAMP/T avant 2030.
Pour autant, beaucoup demeure à accomplir en matière de lutte anti-drones. L’effort est en cours, mais nous devons clairement accélérer sur tout le spectre, qu’il s’agisse de la détection, de l’identification et de la neutralisation, aussi bien cinétique qu’électromagnétique. Nous allons donc passer à l’échelle sur les systèmes de surveillance aérienne partagée, les fusils brouilleurs ou sur les canons antiaériens pour atteindre une cible de sept systèmes en 2035. Nous avons également « stressé » le système il y a un mois par un scénario d’attaque saturante sur nos bases aériennes. Il apparaît que des améliorations doivent être apportées. Par exemple, il n’est pas soutenable de traiter la lutte anti-drones depuis les airs avec des missiles Mica, dont le coût unitaire est de plusieurs millions d’euros. Nous devons donc impérativement développer nos armements à bas coût ou adapter nos conduites de tir canon pour traiter de telles cibles.
Le troisième axe et troisième défi de l’arrière a trait au maintien en condition opérationnelle, pour passer d’un MCO « de contrat » à un MCO « de combat ». Je rappelle que le MCO absorbe 68 % du budget opérationnel de l’armée de l’air et de l’espace, avec 2,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 2,6 milliards d’euros de crédits de paiement. Il faut replacer les impératifs opérationnels et la gestion du risque au cœur des processus décisionnels.
Nous avons réalisé cette année la troisième édition de l’exercice Orionis, qui consiste à réunir tous les acteurs du MCO autour de scénarios concrets de haute intensité. En termes de partage d’expertise et d’acculturation, l’exercice a rencontré un grand succès. Nous avons également bénéficié de témoignages d’officiers ukrainiens concernant la maintenance de haute intensité.
Ensuite, laissez-moi évoquer le défi de l’avant et sa finalité ultime, la frappe dans la profondeur. Celle-ci est parfaitement incarnée par la mission permanente de la composante nucléaire aéroportée, en lien avec les ruptures capacitaires et technologiques comme le Rafale F5 et le missile ASN4G. Le PLF 2026 doit permettre de soutenir cet effort essentiel pour le standard F5, grâce des AE à hauteur de 400 millions d’euros et des CP à hauteur de 190 millions d’euros.
Mais la frappe dans la profondeur ne se limite pas aux raids nucléaires. Il nous faut aujourd’hui plus de capacités conventionnelles pour pouvoir épauler efficacement notre dissuasion. Nous devons pouvoir entrer en premier pour opérer dans la durée, imposer notre supériorité aérienne et ne pas nous enfermer dans un scénario du type ukrainien.
Il s’agit là d’un des axes forts de notre budget et de sa surmarche, avec des commandes supplémentaires de munitions, de missiles Mica, Aster, Meteor ou Scalp. Il convient cependant d’aller plus loin et être capables de contrer les dispositifs de déni d’accès, afin de recouvrer rapidement une capacité de suppression des défenses aériennes ennemies. Tel est l’objet dans ce budget de l’accélération des études en vue de l’acquisition de missiles antiradiations RJ10 de MBDA. Parallèlement, nous réfléchissons à un missile aérobalistique, du type de ceux qui ont paralysé la défense sol-air iranienne et permis des frappes décisives dans la profondeur.
Il faut également penser la saturation des défenses aériennes adverses (Sead), avec des armements à bas coûts et des moyens de guerre électromagnétiques comme le brouillage offensif. La Sead représente le dénominateur commun des défis de l’avant et représente aujourd’hui une lacune.
Les défis de l’axe vertical s’inscrivent dans le continuum de la troisième dimension. Dans le domaine de la très haute altitude, l’enjeu est double, puisqu’il concerne à la fois la supériorité opérationnelle et la souveraineté. En termes de supériorité opérationnelle, il s’agit de tirer parti de l’allonge, de la permanence, de la survivabilité de ces systèmes qui croisent entre 20 kilomètres et 100 kilomètres au-dessus de nos têtes.
Compte tenu de la prolifération des menaces, il est indispensable d’être capable de détecter, d’identifier et d’intercepter dans la très haute altitude. Le radar transhorizon Nostradamus devient ainsi l’un des maillons du dispositif d’alerte avancée que nous souhaitons souverain et pour lequel un investissement en sur-marche de 60 millions d’euros permettra de passer à l’échelle. Je pense également à l’expérimentation d’un ballon manœuvrant en Guyane en fin d’année, pour une multitude d’applications. Il permet ainsi de créer une véritable bulle d’hyperconnectivité de plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres.
S’agissant de l’espace, notre modèle est constitué de capacités de pointe détenues en quantité beaucoup trop réduite et mises en service selon un tempo inadapté aux conflits de haute intensité, qui cibleront nécessairement nos moyens spatiaux. Nous devons accélérer dans ce domaine, mais également muscler notre langage stratégique et nous assumer en tant que puissance spatiale.
Nous avons connu du retard concernant nos lancements sur les orbites basses qui représentent un réel pivot stratégique pour les armées en termes de connectivité, de massification, de résilience de nos moyens ou de souplesse d’emplois. Il s’agit de plus d’un enjeu de souveraineté face à l’offensive Starlink. La première brique de cette souveraineté concerne l’emploi des services OneWeb. OneWeb et Eutelsat représentent un peu plus de 600 satellites et Iris2 comportera à terme près de 300 satellites interconnectés. Je rappelle qu’à l’heure où nous parlons, la Chine est en train de déployer deux méga constellations en orbite basse ; l’une purement étatique à usage militaire (13 000 satellites), et une autre davantage privée et duale (12 000 satellites).
Enfin, un rendez-vous majeur interviendra au mois de novembre, avec l’inauguration du bâtiment du commandement de l’espace (CDE) sur la base aérienne à vocation spatiale de Toulouse.
En dernier lieu, je souhaite évoquer les défis transverses et la fonction C2. En 2026, nous allons procéder au renouvellement de notre parc radars ; au travail sur un troisième avion léger de surveillance et de reconnaissance devant de se déployer à l’horizon 2030 ; et débuter le renouvellement de notre composante de détection aéroportée avec le programme Global Eye, pour lequel nous commandons deux avions, sur étagère. En effet, la réponse aux défis posés par les menaces à toutes les altitudes du minidrone au satellite butineur en passant par le missile hypersonique, impose l’exploitation combinée des informations recueillies depuis le sol, l’air et l’espace, pour orchestrer dans le bon tempo la boucle qui relie le capteur et l’effecteur
Tel est le rôle du C2 de la troisième dimension, structuré à terme du sol à l’espace et connecté à l’interarmées, en veillant à ce qu’il soit interopérable avec nos alliés et nos partenaires. Ce C2 constitue la véritable clé de voûte de notre puissance militaire aérospatiale.
Après le C2, il convient de mentionner la transformation numérique, qui recouvre un très grand nombre d’enjeux, dont l’intelligence artificielle de combat. Pour l’armée de l’air et l’espace, cela signifie faire de la base aérienne un hub de la data, acculturer les aviateurs et développer nos cas d’usage. Je pense notamment au domaine des ressources humaines, avec le plan de mutation de nos 23 700 sous-officiers et leurs 10 00 mutations par an. Nous testerons en 2026 un logiciel fondé sur l’IA pour optimiser la résolution de cette équation complexe à trois variables : les besoins de l’armée de l’air et l’espace, les compétences des individus et les aspirations des aviateurs.
Enfin, il importe d’évoquer les architectures ouvertes. Le Mirage 2000, avion des années quatre-vingt, doté d’un système des années quatre-vingt-dix, est en train de devenir un véritable banc d’expérimentation pour l’intelligence artificielle embarquée au centre d’expériences aériennes militaires (CAEM) de Mont-de-Marsan. Nos aviateurs développeurs nous ont fait prendre conscience de l’immense plus-value qu’offre aux armées un système ouvert que l’on peut plus facilement mettre à jour selon nos besoins opérationnels.
Cependant, il s’agit davantage d’une exception que la norme. Les A400M ou Rafale standard F4 sont construits sur des systèmes propriétaires, avec des architectures beaucoup trop fermées. Il s’agit donc d’arriver à ouvrir davantage les modèles d’architecture pour développer et surtout mettre à jour des systèmes de combat, durablement.
Pour y parvenir, nous avons d’une part besoin de pouvoir accéder librement à la donnée générée par nos systèmes d’armes ; et d’autre part de pouvoir implémenter rapidement des évolutions logicielles dans ces systèmes, notamment à base d’intelligence artificielle, en fonction de nos besoins opérationnels.
C’est d’ailleurs dans ce sens que nous avons modifié notre expression de besoins du standard F5 du Rafale. Les États-Unis ont réalisé ce travail de leur côté, et procédé à des modifications, afin que la donnée générée appartienne à l’État. Les industriels sont tenus de respecter une architecture de référence gouvernementale s’ils veulent pouvoir répondre aux appels d’offres des différentes composantes de l’armée américaine.
Dans ce domaine, il convient de prendre un tournant majeur. Il en va non seulement de notre interopérabilité mais de notre capacité à agir. Si la guerre commence ce soir, il faudra innover avec l’existant. Les deux enjeux immédiats concerneront le MCO et les munitions. Si elle commence dans trois ans, notre victoire dépendra de la façon dont nous aurons amorcé les transformations que je viens d’exposer sur la défense sol-air, et notamment la lutte anti-drones ; sur la Sead ; sur la THA et l’espace ; sur le C2 et les architectures numériques ouvertes.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède la parole aux orateurs de groupe.
M. Frank Giletti (RN). Mon général, nous vous avons reçu en juillet dernier, peu de temps avant l’annonce des sur-marches budgétaires par le président de la République. De nombreuses questions étaient alors en suspens, notamment sur notre flotte d’avions de chasse, et nous attendions légitimement que l’exercice budgétaire 2026 y apporte des réponses concrètes. Nous attendions également que les recommandations parlementaires, notamment celles émises par le RN, soient a minima considérées. Ce n’est toujours pas le cas.
Comment ne pas le déplorer, à la lumière des failles capacitaires avec lesquelles nos armées doivent manœuvrer quotidiennement, en l’occurrence celles que vous commandez et dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur budgétaire ? Le 18 mars dernier, en déplacement sur la base aérienne 116, le président de la République annonçait que l’armée de l’air et de l’espace allait bénéficier d’investissements massifs pour accueillir les deux prochains escadrons de Rafale, précisant par la même occasion que le format de la BA 116 doublerait pour atteindre près de 2 000 civils et militaires à l’horizon 2035. Ces annonces se matérialisent-elles ?
Où sont les vingt Rafale supplémentaires pour l’armée de l’air et de l’espace, annoncés par le président ? Le PLF pour 2026 les prend-il en compte ? À quelle hauteur ? Si ces promesses ne sont pas tenues, comment le gouvernement justifie-t-il auprès de vous une telle opération de communication, à l’heure où nos aviateurs attendent des mesures complètes ?
L’année passée, l’annonce du lancement des études liées au standard F5 du Rafale nous a tous soulagés. Cependant, un élément continue de m’alerter, en tant que rapporteur Air. Il s’agit du moteur T-REX, produit par Safran à destination du Rafale, un impensé de la LPM. Alors que la masse de la charge utile qui a déjà considérablement évolué, puisqu’elle atteint maintenant aujourd’hui plus de deux tonnes, ne cesse de croître, que nos besoins en puissance électrique et en matière de dissuasion continuent eux aussi d’évoluer, la puissance du moteur M88 reste, quant à elle, inchangée. Pour que ce dernier continue de répondre aux évolutions du Rafale, en l’occurrence le standard F5, et dans une réalité alternative, le système de combat aérien du futur (SCAF), nous pourrions légitimement nous attendre à ce que la phase d’étude d’un tel objet soit urgemment prise en compte par l’exercice budgétaire 2026.
Pourtant, aucune ligne ne semble y être dédiée. D’ailleurs, puisque nous abordons le sujet, qu’en est-il du périmètre exact du standard F5, lequel doit être arrêté en fin d’année ? Vos éclaircissements seront, comme d’habitude, les bienvenus.
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Le président de la République a effectivement annoncé le 18 mars à Luxeuil que l’armée de l’air et de l’espace bénéficierait de davantage de commandes de Rafale, que nous allons accroître et accélérer. Le format idéal pour l’armée de l’air et de l’espace serait de 230 Rafale. Si l’on démutualise les contrats opérationnels, il nous faudrait quarante-cinq avions supplémentaires. Aujourd’hui, nous continuons de compenser ce manque par une surutilisation de la flotte Rafale, à peu près à hauteur de 15 %, impliquant un MCO très efficace.
La base 116 deviendra donc une base aérienne à vocation nucléaire. Des plans ont déjà commencé à être élaborés pour les infrastructures, les pistes et les hébergements. Un futur escadron de défense sol-air y sera également déployé. Les surmarches contiennent deux Rafale supplémentaires pour compenser l’attrition de l’été 2024.
Nous sommes extrêmement attentifs concernant le T-REX, qui ne figure pas dans la LPM. Le T-REX est indispensable pour le Rafale F5 et il constituera un élément décisif et préfigurateur du moteur de l’avion de chasse de sixième génération (NGF). Les études de levée de risque ont été lancées en juin 2025, afin d’éclairer ces décisions qui devraient se prendre d’ici la fin de l’année. Le standard F5 représente une rupture technologique, un nouvel avion en termes de connectivité et de combat collaboratif, capable de travailler dans un cloud, que l’on espère interopérable, et notamment avec le GCAP anglo-saxon. Cette interopérabilité est décisive pour les futures générations et pour la supériorité aérienne globale.
Ce système doit être capable d’intégrer différents types de drones : des drones de combat, des drones capteurs, des drones de saturation de l’espace aérien. Cette plateforme centrale pourra transmettre des ordres aux autres plateformes dans un cloud, afin d’utiliser le meilleur effecteur, au meilleur moment, en fonction de la situation rencontrée.
Enfin, nous nous attachons également aux armements, qu’il s’agisse de l’ASN4G ou du RJ10.
Mme Corinne Vignon (EPR). La France demeure une puissance spatiale majeure, mais le contexte stratégique mondial évolue à une vitesse inédite, les rivalités technologiques sont exacerbées. Dans ce cadre, la souveraineté spatiale de notre pays dépend directement de notre capacité à investir dans les technologies de rupture et à les transformer en capacités opérationnelles concrètes.
Alors que la nouvelle stratégie nationale spatiale a été reportée, il est essentiel d’en clarifier les orientations et priorités face à l’arsenalisation croissante de l’espace. Nos partenaires et compétiteurs européens, les Italiens, les Allemands, les Espagnols, ont annoncé des investissements massifs dans ce secteur. La rencontre interministérielle de l’Agence spatiale européenne (ESA), qui constitue un moment décisif pour l’avenir du spatial européen, aura lieu en novembre.
La France ne doit pas manquer ce rendez-vous, sous peine de voir sa position historique fragilisée. La mise en œuvre de cette future stratégie reposera directement sur la montée en puissance du commandement de l’espace, véritable bras armé opérationnel de cette ambition nationale. Il doit permettre à la France de maîtriser le continuum air-espace, y compris la très haute altitude, cette zone grise encore peu régulée, mais déjà porteuse de menaces de surveillance, de brouillage ou d’interception, où se multiplient les ballons stratosphériques, les drones solaires ou les plateformes de haute altitude (Haps), qui peuvent observer, écouter, brouiller, imiter les signaux satellitaires depuis la haute atmosphère ou espionner et menacer nos infrastructures au sol.
Cette responsabilité, confiée au commandement de l’espace, en coordination avec le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, est essentielle. Quels moyens spécifiques nos forces développent-elles pour assurer la surveillance, la détection et la protection de la très haute altitude ? À quelle échéance ces capacités pourront-elles devenir pleinement opérationnelles ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. L’emplacement du commandement de l’espace se situe à côté du futur centre d’excellence spatiale de l’Otan, qui sera inauguré au mois de janvier. Cette proximité montre bien que la France est considérée par nos alliés, surtout par les États-Unis, comme le principal point d’entrée dès qu’il est question des sujets concernant l’espace. Cependant, l’enjeu principal de ce commandement de l’espace concernera bien son C2 spatial, c’est-à-dire cette capacité à pouvoir commander et contrôler des opérations depuis ce bâtiment.
Sur la très haute altitude, je vous rejoins complètement. La zone s’étendant entre 20 kilomètres et 100 kilomètres est une « zone grise », un véritable Far West. Il est très difficile d’identifier ce qui s’y passe. La brique Nostradamus, un radar transhorizon, a précisément pour objet de détecter ce qui se passe réellement dans cette tranche d’altitude. Ensuite, après la réussite du tir de Rafale sur le ballon du Centre national d’études spatiales (Cnes), nous considérons le Rafale F5, dont le domaine de vol élargi pour aller un peu plus en altitude et pouvoir y intercepter.
Dans le domaine de la THA, des ballons de grande taille permettront demain d’emmener des systèmes bien plus lourds, qui serviront de relais de communication satellitaire, permettront de mener des observations, de réaliser de la surveillance.
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Mon général, ma première question concerne le SCAF, fleuron virtuel d’une insondable défense européenne. Alors que les Allemands menacent de se retirer du programme, Emmanuel Macron persiste et s’enlise dans un projet connaissant pourtant un « trou d’air », hanté par le fantasme de la coopération franco-allemande. Parce que les intérêts français sont lésés, Dassault propose de conduire le programme sans les Allemands.
Les accords industriels franco-allemands fonctionnent rarement et mettent à mal notre industrie, notre maîtrise technologique et l’exercice de notre souveraineté. Il est grand temps d’arrêter les frais des coopérations qui ont conduit la France à renoncer à une position stratégique pour la partager avec ce partenaire peu fiable. La France est capable de développer un avion de sixième génération seule, ou dans le cadre d’un partenariat respectueux. Dans ces conditions, faut-il encore poursuivre le programme SCAF ?
Ma deuxième question concerne la défense aérienne dans sa grande extension capacitaire et multicouches, à tous les niveaux du spectre des menaces. À la lumière des évolutions géopolitiques et stratégiques, quels sont les axes prioritaires, les stratégies d’acquisition ou de développement à court et moyen terme ? Quelle est votre évaluation de la surenchère en cours dans les dômes et boucliers antimissiles, de Trump à Merz, qui multiplient les annonces tonitruantes en la matière ? L’Allemagne cherche à enrôler des pays autour du programme Sky Shield, lequel ferait les affaires des industriels allemands, américains et israéliens, mais certainement pas les nôtres.
Il est impossible de passer en revue tous nos systèmes qu’il faudrait rendre plus robustes, notamment le SAMP/T et son successeur de nouvelle génération, en cours d’acquisition. Pensez-vous que notre stratégie en matière de défense aérienne et antimissiles est encore adaptée et budgétairement soutenable dans ce contexte de fuite en avant dans les dômes, boucliers et autres systèmes integrated air-and-missile defense (IAMD), mais aussi de diversification des menaces low cost, destructrices dans le bas du spectre ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Concernant le SCAF, mes homologues espagnol et allemand convergent avec moi sur le besoin opérationnel. Je rappelle que le SCAF n’est pas qu’un NGF, mais qu’il est composé de trois autres piliers : un moteur, des drones accompagnateurs (remote carriers) de combat collaboratif, et surtout cette bulle de connectivité entre toutes ces plateformes. Nous devons absolument développer ce cloud de combat ensemble, mais également s’intéresser à ce que font les Britanniques, les Italiens et les Japonais, afin de proposer des architectures à peu près similaires.
En résumé, nous avons réaffirmé le besoin opérationnel et les échéances, à l’horizon de 2040. Je n’ignore pas les difficultés existantes sur le plan industriel, mais suis conforté par les confirmations du pouvoir politique. Si nous devions réaliser un programme sans les Allemands, ni les Espagnols, il s’agit véritablement d’un autre projet. Quoi qu’il en soit, sur le quatrième pilier, celui du cloud de combat, nous devons absolument rester unis.
S’agissant de la défense sol-air, nos spécificités sont liées à la dissuasion nucléaire et ne correspondent pas aux caractéristiques des dômes dont il est souvent question. Par ailleurs, on ne peut comparer la taille de l’espace aérien israélien avec celle de l’espace aérien français.
Enfin, le SAMP/T NG sera capable d’intercepter des missiles supersoniques en quantité et nous permettra, au sein de cette défense solaire multicouches, de pouvoir assurer la protection des sites militaires, mais également d’autres sites sensibles sur le territoire.
Mme Isabelle Santiago (SOC). Dans le contexte actuel, la supériorité aérienne spatiale est déterminante dans les conflits de haute intensité. L’armée de l’air et de l’espace est située au cœur de notre crédibilité stratégique. Dans le PLF pour 2026, elle consacre des moyens importants à la modernisation, y compris du Rafale ; mais aussi au renforcement sol-air et à la composante spatiale.
Cependant plusieurs signaux d’alerte demeurent, notamment concernant le MCO, qui demeure sous tension. La filière technique peine également à recruter et fidéliser ses personnels. Ces fragilités sont structurelles et posent la question de la soutenabilité de notre modèle. Nous rencontrons de plus en plus de difficultés pour fiabiliser notre chaîne du MCO, la logistique, l’organisation industrielle et la modernisation de nos équipements. Dans le cadre de la LPM pour 2026, comment est-il possible de sécuriser cette chaîne ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Ainsi que je l’ai indiqué au préalable, l’un des premiers défis de l’avant constitue bien à passer d’un MCO de contrat à un MCO de combat. Nous, opérationnels, devons être libres de pouvoir utiliser un matériel en mode dégradé si nous estimons que le risque est maîtrisé. Nous sommes particulièrement attentifs au MCO, qui représente pratiquement 70 % du budget opérationnel de programme (BOP) de l’armée de l’air. La disponibilité est disparate, mais en nette amélioration. Les contrats verticalisés ont été bien pensés : ils se traduisent notamment par une hausse de 8 % de la disponibilité de la flotte Rafale ; de 5 % de la disponibilité de la flotte Mirage 2000 ; et de 6 % pour les flottes de transport.
Le coût du MCO explose sur certaines flottes, notamment sur des flottes américaines, comme le C-130H, nous conduisant justement à programmer la cessation de son exploitation. La sécurisation de l’intégralité de la supply chain dépend également des ressources humaines, notamment dans les armées. Nous avons la chance de disposer d’un personnel fidèle et de conventions avec les industriels. Globalement, l’édifice tient.
Enfin, nous avons augmenté notre flotte d’A330 MRTT et d’A400M.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Mon général, je vous remercie pour ces propos extrêmement francs et lucides.
La référence que vous avez faite au général Vuillemin et à la période des années 1930 est particulièrement bienvenue. En effet, nous savons bien que l’impréparation de l’armée de l’air a été déterminante dans les décisions prises au moment de la conférence Munich. Vous assumez pleinement votre responsabilité de chef militaire, qui consiste à nous dire la vérité. En tant que responsables politiques, il nous revient de ne pas laisser la politique à courte vue ralentir le réarmement à long terme. Le pays en a besoin.
Je suis particulièrement préoccupé par la capacité d’entrer en premier, la capacité Sead pour contourner les stratégies de déni d’accès de nos adversaires. Nous avons abandonné le missile Martel il y a déjà un certain temps. Comment considérez-vous la situation ? Sous quelles échéances ? Comment trouver des stratégies nous permettant de frapper dans la profondeur ?
Ensuite, je souhaite connaître votre retour d’expérience sur le théâtre ukrainien, particulièrement concernant les missiles de croisière, les missiles balistiques et éventuellement les missiles aérobalistiques pour la frappe dans la profondeur.
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Il s’agit effectivement d’une réelle préoccupation, que nous avons rapidement identifié à partir du moment nous avons perdu cette capacité de suppression des défenses aériennes ennemies. Notre réflexion est enrichie par l’expérience ukrainienne, mais également la neutralisation des défenses sol-air par Israël depuis la Syrie jusqu’à l’Iran, créant un « boulevard » utilisé quelques mois plus tard par des missiles aérobalistiques pour mener des raids déterminants et neutraliser l’ensemble des objectifs fixés.
Cet exemple témoigne de la puissance aérospatiale et des opportunités qu’elle peut engendrer. Dans ce domaine, nous souffrons de difficultés, il nous manque des missiles antiradiations de type RJ10, des missiles aérobalistiques, lesquels offrent des portées de 500 kilomètres à plus de 1 000 kilomètres. Ces missiles aérobalistiques offrent l’avantage d’être bien plus difficiles à détecter, bien plus rapides, et d’être dotés de capacités de manœuvre remarquables.
La combinaison des moyens, intégrant des missiles supersoniques, hypersoniques, des missiles de croisière et des drones est redoutable pour la position attaquée. À titre d’exemple, le Shahed-238 est équipé de brouilleurs. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de disposer de matériel permettant de neutraliser ces drones à bas coût, mais également d’un C2 capable de gérer ces éléments, depuis les basses couches jusqu’à la très haute altitude. Dans le même ordre d’idée, les systèmes de surveillance en très haute altitude, en aérien et en basses couches doivent pouvoir communiquer entre eux pour pouvoir combiner leurs effets.
Enfin, nous devons absolument nous améliorer en matière de ciblage, en utilisant l’IA pour procéder de manière bien plus rapide, et pouvoir accélérer la boucle de décision, y compris politique. Celui qui parviendra à décider plus rapidement que son adversaire l’emportera.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). L’un des objectifs de l’armée de l’air et de l’espace concerne la sécurisation de l’espace national et européen. Les exercices communs avec nos alliés européens et internationaux sont majeurs.
Ensuite, le climat change de manière indéniable, malheureusement. Les exercices en environnement grand froid ou dans les déserts constituent le signe d’une volonté d’adaptation de l’armée à des conditions extrêmes. De ce point de vue, sommes-nous prêts à soutenir humainement et financièrement l’adaptation de l’armée de l’air et de l’espace au changement opérationnel dans des environnements extrêmes ?
Ensuite, le spatial est aujourd’hui un marqueur essentiel de la puissance internationale. La supériorité opérationnelle dans les domaines de la surveillance, de l’observation et des communications est devenue un enjeu stratégique. L’espace est un lieu partagé entre les nations, qui connaît une prolifération des objets en orbite basse et géostationnaire. A fortiori, les débris spatiaux auront un impact sur notre défense, notre sécurité et les futures opérations civiles et militaires. Investissez-vous dans des systèmes de surveillance et d’évitement, ainsi que dans le développement de capacités de désorbitation ou de neutralisation des objets et débris spatiaux ?
Quelle est la participation de la France à des initiatives européennes ou internationales de gestion du trafic spatial, qui impliqueront forcément des contributions financières ? Enfin, quels seront les investissements consacrés aux brouillages aéroportés, aux lasers et micro-ondes dans la lutte anti-drones ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Deux sujets doivent être distingués en matière climatique. Il s’agit d’abord d’adapter l’armée de l’air et l’espace, en termes d’équipement, de formation et d’organisation, pour pouvoir effectuer nos missions dans un environnement aux températures plus élevées.
Après le cyclone Chido à Mayotte, nous avons été en mesure de déployer rapidement des moyens d’urgence grâce aux A400M, mais aussi une tour de contrôle, qui a permis à l’aéroport de recouvrer sa pleine autonomie et d’être opérationnel pour accueillir d’autres avions. Nous avons également testé avec succès des équipements dans le Grand Nord, dont le A400M.
Après l’adaptation, le deuxième volet concerne l’atténuation : tout en maintenant notre efficacité opérationnelle, il peut s’agir d’envisager du carburant durable d’aviation (SAF) pour alimenter nos avions en énergie « verte ». De même, pourquoi ne pas développer du photovoltaïque sur nos bases aériennes, qui nous permettrait d’améliorer notre autonomie énergétique ?
S’agissant de l’espace, nous investissons sur tous les domaines, dont le radar transhorizon Nostradamus, le radar Aurore. Nous menons également des coopérations extrêmement importantes avec nos alliés. Nous échangeons au sujet des bases de données, pour nous permettre d’obtenir la situation la plus complète possible sur l’espace.
La mission sur les débris spatiaux est endossée par le Cnes. Certaines startups extrêmement innovantes étudient la possibilité, non seulement de pouvoir rejoindre un satellite en difficulté, d’estimer s’il est réparable et si, tel n’est pas le cas, de le désorbiter, afin qu’il ne crée pas davantage de débris.
Nous investissons notablement dans le brouillage aéroporté, les lasers et les micro-ondes, pour la neutralisation des drones, laquelle peut également intervenir de manière cinétique. Dans le domaine des armes à énergie dirigée, nous avons développé un laser pour les Jeux olympiques, qui fonctionne très bien. Par ailleurs, il existe sur étagère des brouilleurs extrêmement efficaces, couplés à des détecteurs acoustiques, ils permettent de brouiller un essaim de drones qui tenterait de franchir une certaine limite.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Vous avez souligné à juste titre les enjeux de la formation, non seulement pour les pilotes, mais également les mécaniciens ou tous ceux travaillent autour d’un avion, d’un radar ou d’un système sol-air. Cette formation est essentielle et doit évoluer aussi rapidement que la technologie et le numérique. Les exercices doivent également changer ; vous avez parlé de combats collaboratifs. Comment envisagez-vous l’évolution de cette formation ? Des étapes spécifiques doivent-elles être franchies ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Vous avez raison, madame la ministre : la formation représente un point clé. Aujourd’hui, les jeunes rentrent dans l’armée de l’air, non pas pour être abreuvés de théorie pendant un an, mais parce qu’ils ont envie d’être sur le terrain, en tant que mécaniciens, pilotes, sous-officiers ou officiers de renseignement.
Nous avons développé, depuis deux ans une formation en alternance, qui permet de leur affecter dès leur entrée une unité d’affectation et de commencer à appréhender leur futur métier. Le métaprojet Smart School comporte plusieurs facettes : une digitalisation des cours, mais aussi une adaptation en fonction de la formation et des résultats des candidats, notamment grâce à l’intelligence artificielle, qui aiguille et adapte au cas par cas. Aujourd’hui, la technologie permet d’adapter la formation des pilotes, nous permettant de gagner un temps précieux, pour tous. Plus nous parvenons à les former rapidement, plus nous serons en mesure d’emporter le combat. La numérisation de notre formation représente bien un point clé pour, une fois encore, pouvoir gagner du temps.
Mme Isabelle Rauch (HOR). Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit un effort marqué en faveur de l’armée de l’air et de l’espace, avec une augmentation des crédits destinés à l’entretien et à l’équipement des forces aériennes. Il s’agit d’un signal fort de confiance et d’une traduction concrète du réarmement, que nous portons collectivement depuis l’adoption de la LPM 2024-2030.
Mais cet effort soulève plusieurs questions. Comment ces crédits seront-ils répartis entre les impératifs de modernisation et la nécessaire remontée en disponibilité des flottes existantes ? Ensuite, le maintien en condition opérationnelle, un maillon critique, peut être affecté par des retards de livraison, la rareté des pièces détachées et des tensions industrielles pesant sur les taux de disponibilité, y compris pour certaines flottes stratégiques. Quels leviers concrets sont-ils aujourd’hui activés pour consolider cette chaîne du MCO ?
Enfin, dans un contexte de forte sollicitation opérationnelle et de préparation à la haute intensité, comment l’armée de l’air et de l’espace s’assure-t-elle que cette montée en puissance budgétaire se traduira effectivement par une augmentation du nombre d’heures de vol en entraînement et une meilleure soutenabilité des rythmes pour les équipages et les mécaniciens ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. L’effort de la LPM se traduit dans les faits. La flotte d’A400M sera accrue, puisqu’elle atteindra trente-sept exemplaires d’ici 2028, et même quarante-et-un depuis les décisions prises lors du Salon du Bourget ; contre trente-cinq d’ici 2030 précédemment. Cet avion connaît également de nouvelles configurations intérieures, notamment au bénéfice des forces spéciales. Les surmarches permettront d’assurer la nouvelle configuration.
Ensuite, nous faisons évoluer l’A330 MRTT, d’un standard 1 vers un standard 2, afin que de disposer d’avions de transport stratégiques au bénéfice d’autres missions, en termes de ravitaillement, mais également de C2 aéroportés.
Enfin, le MCO, et notamment le contrat verticalisé, sera effectivement décisif pour assurer une meilleure disponibilité et augmenter le nombre d’heures de vol d’entraînement de nos pilotes.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de plusieurs questions complémentaires, en commençant par une première série de trois questions.
M. Julien Limongi (RN). En tant que rapporteur de la mission d’information sur la mobilité stratégique de nos forces armées, je souhaiterais revenir sur la question des très gros porteurs. Nos A400M, bien que performants, montrent certaines limites en termes de volume utile et leur nombre reste inférieur à la cible initialement prévue. Nous continuons donc à recourir de manière régulière à la location d’aéronefs de type Antonov.
Lors de la crise Chido à Mayotte l’an dernier, le transport de 90 tonnes de fret avait nécessité le recours à un Antonov jusqu’à La Réunion, là où un A400M ne pouvait emporter qu’environ 20 tonnes par vol. Or ces Antonov, issus de la période soviétique, constituent une flotte résiduelle et leur disponibilité future est incertaine. Dès lors, quelles perspectives envisagez-vous pour pallier cette dépendance ? Faut-il envisager une montée en puissance encore plus importante du parc d’A400M ? Plus largement, le concept même de très gros porteurs a-t-il encore vocation à être maintenu au sein de l’armée de l’air et de l’espace ?
Mme Nadine Lechon (RN). Le programme européen Sécurité pour l’action en Europe (SAFE) attribuera à la France une enveloppe de 16,22 milliards d’euros de prêts. Le programme exige que 65 % des dépenses à venir, grâce à cette enveloppe, soient à destination de pays membres de l’UE, mais aussi de la Corée du Sud, du Japon ou encore de l’Ukraine. Il y a là un objectif de réarmement européen par les Européens relativement hypocrite, puisque des industriels extracommunautaires peuvent être inclus.
Au sein de la LPM, quels objets seraient aujourd’hui financés par ces prêts européens ? Quelles garanties peuvent-elles nous être apportées afin que ces financements soient prioritairement dirigés vers des industriels et fabricants français ? Enfin, en particulier, en ce qui concerne l’air et l’espace, quels pays européens bénéficiant du programme SAFE ont déjà fait savoir qu’ils souhaiteraient engager ces dépenses auprès de notre BITD et de nos armées ?
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Général, je souhaite tout d’abord saluer votre discours augurant de l’avènement du combat collaboratif. Permettez-moi aussi de nous féliciter collectivement sur l’augmentation de cibles de la défense sol-air, puisque nous l’avions fortement préconisé dans notre rapport sur le sujet, avec mon collègue Jean-Louis Thiériot.
Vous paraît-il réaliste de disposer de deux avions de sixième génération en Europe ? Pensez-vous qu’à terme, il puisse exister une éventuelle convergence avec le programme anglo-italo-nippon GCAP ?
Enfin, l’Otan a lancé l’opération Eastern Sentry pour renforcer sa posture sur le flanc est. Celle-ci mobilise notamment trois Rafale. Des appareils A400M et MRTT seraient-ils disponibles pour un éventuel déploiement, en appui de cette opération ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. Effectivement, nous ne disposons pas d’appareils de type Antonov. Il n’en demeure pas moins compliqué d’entrer dans ce segment, compte tenu du retour sur investissement. En outre, comme vous le soulignez avec justesse, nous n’atteignons pas forcément la cible des cinquante A400M initialement prévue. Le « global deal » et les décisions du Bourget nous permettront cependant d’atteindre quarante-et-un exemplaires d’ici 2028-2029, soit une force de frappe malgré tout très importante.
Nous sommes l’une des rares armées de l’air et de l’espace à pouvoir effectuer des missions du type de l’opération Pegasus, qui s’est déroulée en Indopacifique. À cette occasion, nous avons ainsi été en mesure de projeter des forces comprenant Rafale, A400M et MRTT. Encore une fois, l’A400M n’est pas uniquement un avion de transport tactique. Demain, il fera directement partie d’un raid conventionnel, car il pourrait embarquer des drones, du brouillage offensif, des radars passifs.
Le MRTT est un avion multirôles, utilisé prioritairement pour la composante nucléaire aéroportée, mais qui a également permis à l’armée de l’air et de l’espace de devenir mondiale. À un moment donné, durant la crise en Nouvelle-Calédonie, neuf MRTT sur douze volaient pour acheminer plus de 4 000 passagers.
Ensuite, le recours à SAFE est effectivement possible pour des projets d’acquisition conjointe d’armement stratégique. La France s’est majoritairement proposée en tant que leader, à hauteur de 17 milliards d’euros pour nos besoins sur différents segments, à la fois les munitions et les missiles. Dans ce domaine, nous pouvons jouer un rôle de leader, à en juger par la qualité de nos missiles, notamment les missiles Mica, Meteor, Scalp, Aster, SAMP/T. Il en va de même dans le segment du transport tactique. L’A400M est un avion que nous partageons déjà avec un grand nombre de pays européens. Nous pourrions nous porter leader ou coleader pour augmenter cette cible d’A400M.
Ensuite, le GCAP n’est qu’une plateforme, et non un système de systèmes comme le SCAF. Il ne s’agit pas des mêmes périmètres. Le GCAP est surtout un bombardier stratégique, beaucoup plus lourd, dont l’armement en soute sera certainement très différent. Cependant, il est impératif que ces deux systèmes NGF et GCAP, ces plateformes de sixième génération, puissent communiquer, demain. J’en parle régulièrement avec mes homologues britannique, italien et japonais. Par ailleurs, il me semble également que l’avènement du GCAP n’est pas non plus un long fleuve tranquille, même si le projet progresse.
Nous avons participé à Eastern Sentry, à travers trois Rafale ; mais nous pourrons naturellement participer demain à des opérations semblables avec des A400M ou des ravitailleurs en vol. Nous avons bien conscience avoir changé de monde et nous mettrons tous les moyens nécessaires pour être les mieux préparés.
M. Romain Tonussi (RN). Je tiens d’abord à saluer l’engagement exemplaire de nos jeunes aviateurs, ainsi que le travail remarquable mené à la base aérienne 701 de Salon-de-Provence, pilier de la formation et de l’excellence aéronautique française. Je souhaite également évoquer le projet du futur système aérien pour le transport tactique européen (FMTC), mentionné dans le PLF pour 2026 à l’état de simple phase de définition. Ce programme, appelé à remplacer nos CASA CN-235 d’ici 2035, soulève déjà des inquiétudes.
Plusieurs partenaires européens, comme la Suède, ont déjà préféré acheter des avions américains ou brésiliens, ce qui interroge sur la souveraineté et la cohérence industrielle de ce projet. Quelle est la vision de l’armée de l’air et de l’espace quant à l’avenir du FMTC ? Comment faire en sorte que la France garde la maîtrise de ses choix stratégiques et que ce projet ne devienne pas lui aussi un chantier européen sans fin ?
Mme Catherine Rimbert (RN). Le PLF pour 2026 poursuit l’effort engagé en faveur de la modernisation de l’armée de l’air et de l’espace, avec des crédits accrus pour la disponibilité des flottes et la préparation opérationnelle. Mais la réussite de cette trajectoire dépendra largement de la maîtrise technologique et industrielle dans les années à venir.
Le programme T-REX représente un jalon critique de notre autonomie aéronautique. Or les incertitudes industrielles se multiplient. Quelle part des crédits 2026 de l’armée de l’air et de l’espace sera-t-elle effectivement mobilisée pour soutenir la maturation de ce programme T-REX ? Et surtout, comment préserver nos compétences nationales dans ce domaine alors que la dépendance technologique européenne s’accroît vis-à-vis des États-Unis ?
Mme Josy Poueyto (Dem). J’ai eu l’occasion de rencontrer une femme extraordinaire sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, dans le cadre de l’exercice Volfa, un exercice extraordinaire. Je parle de Claire Mérouze, la seule femme pilote de chasse du Rafale et la douzième aviatrice de l’armée de l’air, historiquement. Cet exemple témoigne clairement de l’importance de la formation et de la féminisation des armées.
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question concerne le commandement de l’espace, qui doit ouvrir ses portes prochainement. Sa montée en puissance illustre sur le segment des ressources humaines l’implémentation des services spatio-critiques (imagerie, communication, navigation), mais aussi la surveillance de la situation spatiale, qui est également critique, à l’heure de l’intensification anarchique du trafic sur les orbites. Cette montée en capacité du CDE doit enfin s’accompagner de la présentation d’une nouvelle stratégie spatiale nationale, qui devait initialement être dévoilée cet été. Pourriez-vous dresser un état des lieux complet de cette installation en cours, ne serait-ce qu’une date d’inauguration, des éléments sur les recrutements, rendus certes complexes du fait du turnover dans les effectifs que vous avez évoqués dans votre présentation ?
Enfin, dans notre rapport d’information sur les satellites de défense, présenté avec ma collègue Corinne Vignon, j’avais émis la recommandation d’étudier la consolidation d’une surveillance spatiale sous forme d’une division interne au CDE, non sujette aux aléas de prestataires privés externes. Cette orientation est-elle mise à l’étude du CDE ?
M. le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger. L’École de l’Air et de l’Espace est un endroit magique, que j’ai eu la chance de commander. Cette école est effectivement en avance depuis qu’elle est passée sous statut d’établissement public.
Ensuite, dans le domaine du transport tactique, nous disposons effectivement des CASA, prévus pour durer après 2035. Le développement d’un avion prend beaucoup de temps et dans certains segments, nous devons aussi être attentifs aux offres sur étagère, à l’instar du CASA nouvelle génération, qui pourrait très bien succéder au CASA actuel.
Ensuite, le programme T-REX est essentiel. Il équipera non seulement le Rafale F5, mais constituera également une brique indispensable au NGF. Cependant, il faut rappeler que Safran n’a pas construit de moteur depuis le M88. Il est donc indispensable de retrouver certaines capacités, certains savoir-faire pour pouvoir être au rendez-vous de 2035. Je suis confiant dans la capacité de Safran de pouvoir l’honorer, tout comme l’échéance 2040 pour le NGF. Pour des raisons de souveraineté, il est très difficile de pouvoir accepter un autre moteur que celui de Safran dans ces appareils. Concernant le volet maturation du T-REX, une levée de risque de 15 millions d’euros a été décidée en juin 2025 pour commencer les premières études sur ce moteur.
L’exercice Volfa est effectivement extraordinaire. Il y a quelques années, il ne concernait que quelques nations, mais nous avons désormais totalement changé d’échelle. Des observateurs sont venus d’un grand nombre de pays. Je discutais de cet événement avec mon homologue égyptien il y a quelques jours, qui relevait avec pertinence le caractère incroyable de cet exercice, qui concourt directement à notre entraînement à la haute intensité, avec des partenaires européens et étrangers.
Madame Poueyto, vous avez également évoqué la féminisation de l’armée de l’air. Comme je l’ai indiqué précédemment, un tiers des recrues chez les aviateurs sont des femmes. Il n’existe plus aucun quota ; les jeunes femmes peuvent accéder à tous les métiers de l’armée de l’air et de l’espace depuis les années 2000. Certaines d’entre elles sont aujourd’hui colonels et passeront certainement rapidement généraux.
J’ajoute que nous n’avons jamais considéré que cette féminisation était une difficulté, ni un problème. Nous avons la chance de posséder des aviatrices de très grande qualité. Je pense au lieutenant-colonel Claire Mérouze et au colonel Anne-Laure Michel, que j’avais choisie pour diriger la base aérienne d’Istres lorsque je commandais les forces aériennes stratégiques. Je suis de la génération du capitaine Caroline Aigle, une femme extraordinaire, polytechnicienne et triathlète, avec qui j’étais en escadron. À cette époque, j’ai assisté à la transformation des escadrons de chasse, qui étaient auparavant assez rugueux.
Enfin, le commandement de l’espace représente un jalon extrêmement important du C2. Nous avons commencé à résoudre certaines difficultés en matière de ressources humaines et de formation. Ainsi, un déménagement est par exemple intervenu, qui permet désormais d’occuper des locaux désormais spécifiquement dédiés. La salle d’opération sera très prochainement opérationnelle et disposera d’un C2, en version bêta 0.
La surveillance de l’espace est décisive. Pour pouvoir obtenir une situation spatiale complète, il est nécessaire d’être reliés à un très grand nombre de logiciels. Nous ne pourrions pas y parvenir de manière exclusivement autonome. À Toulouse, nous sommes surtout colocalisés avec le centre d’excellence de l’Otan, qui nous permet de nouer des relations essentielles en matière de doctrine, de formation et d’opération. Ces relations très proches permettent au C2 et au Cnes d’avancer extrêmement vite en la matière, dans tous les domaines. L’inauguration du commandement de l’espace devrait intervenir en novembre et la stratégie spatiale devrait être dévoilée d’ici la fin de l’année.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.
*
* *
La séance est levée à dix-neuf heures vingt.
*
* *
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Frédéric Boccaletti, M. Yannick Chenevard, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Sophie Errante, M. Frank Giletti, M. José Gonzalez, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Abdelkader Lahmar, Mme Nadine Lechon, M. Julien Limongi, Mme Michèle Martinez, M. Thibaut Monnier, Mme Josy Poueyto, Mme Isabelle Rauch, Mme Catherine Rimbert, M. Arnaud Saint-Martin, Mme Isabelle Santiago, M. Jean‑Louis Thiériot, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon
Excusés. - M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Matthieu Bloch, M. Manuel Bompard, M. Hubert Brigand, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Caroline Colombier, Mme Alma Dufour, M. Moerani Frébault, M. Thomas Gassilloud, Mme Emmanuelle Hoffman, Mme Alexandra Martin, M. Marcellin Nadeau, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Aurélien Rousseau, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud, M. Éric Woerth
Assistait également à la réunion. – Mme Natalia Pouzyreff