Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026. 2
Mercredi
29 octobre 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 13
session ordinaire de 2025‑2026
Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à neuf heures une.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner les crédits des missions « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Défense » et le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».
Je vous propose de reprendre l’organisation habituelle pour cette réunion budgétaire annuelle qui est traditionnellement divisée en trois temps.
Dans un premier temps, nos huit rapporteurs pour avis vont nous présenter les résultats de leurs travaux.
Chaque avis fera l’objet d’un débat de trente minutes : dix minutes maximum pour la présentation du rapporteur suivi de vingt minutes de questions-réponses entre les commissaires et les rapporteurs, sans orateur de groupe.
Dans un deuxième temps, chaque groupe aura l’occasion de s’exprimer à travers un orateur pour une durée maximale de 5 minutes sur les trois missions « Sécurités », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » et « Défense ».
Enfin, dans un troisième temps nous passerons à l’examen des amendements et au vote sur les crédits de ces trois missions.
Mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation (M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis)
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. J'ai le plaisir d'ouvrir les travaux de la Commission de la Défense nationale sur le projet de loi de finances (PLF) 2026. C'est un véritable honneur d'avoir été reconduit comme rapporteur pour avis d'un budget que je considère comme l'un des plus beaux de notre République, celui consacré aux anciens combattants. Je ressens à la fois honneur et une certaine timidité face à deux anciens ministres qui connaissent parfaitement la question.
En préambule, je tiens à remercier l'administrateur, Valentin Sayagh, qui a réalisé un travail exceptionnel dans des conditions difficiles puisque nous avons dû étudier un budget que nous ne possédions pas encore, exercice relevant d'un monde fantaisiste et virtuel auquel il s'est prêté avec beaucoup de talent. Je salue également le changement de nom de cette mission, désormais intitulée « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». Il illustre parfaitement la continuité entre nos grands anciens et les militaires d'active, entre ceux qui ont servi la France et ceux qui la servent encore aujourd'hui. Il incarne le rôle premier de cette mission : manifester la solidarité et la reconnaissance de toute la nation envers l'ensemble du monde combattant.
Malheureusement, la lecture de ce projet budgétaire révèle que cet objectif semble avoir été perdu de vue par le gouvernement. En effet, cet avis budgétaire se distingue par une baisse notable des crédits alloués, traduisant, et je le déplore, un recul de la considération envers ceux qui ont servi la France. Si certaines réductions peuvent, à la marge, trouver une justification, j'exprime ici ma plus vive inquiétude face au fait de rogner sans scrupule sur un budget incarnant pourtant la fidélité de la Nation et la transmission indispensable de la mémoire envers ceux qui ont tout donné pour la France. La diminution naturelle du nombre de bénéficiaires devrait logiquement libérer des marges de manœuvre. Les économies réalisées devraient être réinvesties, partiellement, pour renforcer le soutien au monde combattant et non pour amoindrir la reconnaissance qui lui est due.
Avec 1,74 milliard d'euros, les crédits de paiement alloués à la mission connaissent une diminution de l'ordre de 6,3 % par rapport à la loi de finances 2025. Je m'inquiète de cette réduction alarmante de l'effort de la Nation envers ceux qui ont tout donné.
Ce projet de budget permettra, dans l'ensemble, de préserver l'existant. Des points positifs existent et méritent d'être soulignés dans ce contexte budgétaire tendu. Je pense notamment à la consolidation du dispositif ATHOS avec l'ouverture d'une sixième maison, ainsi qu'à la préservation des dispositifs indispensables pour le monde combattant, comme l'allocation de reconnaissance, les droits aux invalides, et la demi-part fiscale pour les conjoints.
Je salue également les efforts menés pour conduire les cycles de commémoration. La mission « 80 ans de la Libération » a connu un succès relevé par les associations du monde combattant et les collectivités locales impliquées. Des événements ont été organisés partout en France en 2024, 2025 et ont permis d'associer la jeunesse aux manifestations organisées.
À propos de la jeunesse, la journée défense et citoyenneté, sur laquelle j'étais revenu l'année dernière dans la partie thématique de mon rapport, a connu une évolution positive pour renforcer l'aspect militaire et immersif. Cette transformation a été conduite à crédits constants.
Toutefois, ces éléments positifs ne doivent pas occulter un budget qui se limite à un effort minimal envers le monde combattant. Ainsi, les crédits finançant les pensions militaires d'invalidité baissent de 6,7 % en crédits de paiement. Les montants alloués à l'allocation de reconnaissance du combattant sont réduits de 8,1 %.
Je souhaite revenir devant vous sur la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI). Le PLF 2026 est construit avec un point PMI à 16,07 euros, soit une valeur égale à celle de 2025. Cette stagnation en trompe-l'œil constitue en réalité un recul. La valeur du point PMI continue de présenter un retard conséquent par rapport à l'évolution de l'indice des prix à la consommation.
Le rattrapage nécessaire est estimé par le ministère des Armées à 12 % au regard de l'écart constaté avec l'évolution des prix hors tabac depuis 2005. Les invalides de guerre ainsi que les anciens combattants percevant une retraite modeste s'inquiètent de cette évolution et voient leurs difficultés matérielles s'accroître. Par conséquent, j'ai déposé un amendement d'appel prévoyant une revalorisation supplémentaire du point PMI au 1er janvier 2026 à hauteur du montant de l'inflation annuelle, soit 1 %. Cette revalorisation représente un strict minimum et ne doit pas empêcher de conduire une réflexion à plus long terme sur la construction du point PMI. Je rejoins ainsi la recommandation formulée par la plupart des associations auditionnées de pouvoir indexer ce point PMI sur l'inflation plutôt que sur l'indice de traitement des fonctionnaires. Une mission flash pourrait être lancée au sein de notre commission pour dresser un bilan des options permettant de construire une nouvelle valorisation de ce point PMI.
J’ajoute que le code des pensions militaires d'invalidité prévoit depuis 2022 que le ministre chargé des anciens combattants et victimes de guerre et le ministre chargé du budget établissent tous les deux ans un rapport comparant l'évolution de la valeur du point PMI et celle de l'indice des prix à la consommation. Ce rapport doit être communiqué au Parlement. Je déplore qu'à ma connaissance, ce document n'ait toujours pas été transmis à la commission, ce qui nuit gravement au débat parlementaire.
Je regrette également l'absence de revalorisation de l'allocation de reconnaissance du combattant. Exprimée en point PMI, elle offre une rétribution méritée à nos anciens combattants. Alors que le nombre de points n'a pas été revalorisé depuis 2017, je propose d'augmenter d'un point de PMI cette allocation de reconnaissance.
Enfin, un geste s'impose envers les malgré-nous. Un mur des noms en hommage aux 40 000 Alsaciens et Mosellans morts ou disparus pendant la Seconde guerre mondiale est en cours d'édification. Je propose que la Direction de la mémoire, de la Culture et des Archives du ministère des Armées (DMCA) renouvelle une subvention au projet en 2026 pour permettre de financer les travaux d'identification.
La partie thématique de mon rapport est consacrée cette année à ceux qui ont fait le plus beau choix possible, celui de la France, c’est-à-dire les rapatriés d'Indochine et d'Algérie. Trois ans après l'entrée en vigueur de la loi de février 2022 portant réparation des préjudices subis par les harkis, et quelques mois après le vote d'une proposition de loi similaire pour les rapatriés d'Indochine, je souhaitais dresser un état des lieux de la reconnaissance et de la réparation qui leur sont dues.
À cette fin, j'ai mené de très nombreuses auditions afin de rencontrer un maximum d'associations et d'obtenir une vision aussi exhaustive que possible de la situation. J'ai ainsi reçu les associations représentant les rapatriés d'Indochine et d'Algérie lors de deux tables rondes organisées début octobre. À l'issue de ces consultations, je formule plusieurs constats et recommandations avec un objectif clair : parachever la réparation due à ces Français trop souvent oubliés.
Concernant les rapatriés d'Indochine, j'invite nos collègues sénateurs à se saisir rapidement de la proposition de loi du 3 juin. Les représentants des associations attendent prioritairement le vote de cette loi de réparation pour que leurs souffrances soient reconnues et que leur mémoire intègre pleinement l'histoire nationale.
S'agissant des rapatriés d'Algérie, je constate que la poursuite du travail engagé en 2022 demeure plus que jamais nécessaire. Le versement du droit à réparation doit être achevé au plus tard en 2027, en prenant en compte les élargissements à de nouveaux sites ainsi que les conséquences de la jurisprudence Tamazount. Je m'étonne donc que les crédits alloués dans le projet de loi de finances 2026 accusent une baisse de 11,2 millions d'euros. C'est pourquoi je porte un amendement d'appel visant à rétablir ces crédits à 70 millions d'euros, montant prévu en 2025 pour assurer l'indemnisation. Par ailleurs, je défends la création d'une fondation autonome destinée à prendre la succession de la Commission nationale indépendante des harkis (CNIH) et à poursuivre l'œuvre mémorielle relative aux harkis.
D'autres modalités de reconnaissance méritent d'être explorées. Sur le plan budgétaire, les associations demandent l'extension des indemnisations accordées aux harkis de première génération à la deuxième génération. Cette demande est légitime et nécessite un travail approfondi au regard des montants concernés. Les supplétifs de statut civil de droit commun, dont l'indemnisation est prévue dans la loi de programmation militaire (LPM), doivent enfin se voir attribuer leur allocation. Je porterai un amendement en ce sens.
D'autres actions de reconnaissance, dépassant le cadre strict de notre mission, sont envisageables : outre la remise de médailles aux combattants encore en vie, je suggère l'exonération d'impôts sur les successions pour les sommes perçues en réparation, ainsi que la suppression de la mention « anciennement de statut civil de droit local » sur les documents d'état civil.
Enfin, je souhaite évoquer le mémorial de Rivesaltes. Je me suis rendu sur cet ancien camp le 25 septembre dernier à l'occasion de la journée d'hommage national aux harkis. J'ai constaté que ce haut lieu du souvenir avait été détourné de sa vocation première au profit d'autres mémoires qui, bien que parfaitement légitimes, devraient être célébrées ailleurs que dans ce mémorial. Les harkis eux-mêmes demandent que ce lieu leur soit restitué, car ils s'en trouvent aujourd'hui écartés alors qu'il devrait leur être dédié.
Pour toutes les raisons précédemment exposées, je ne peux qu'exprimer un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission 2026 en l'état. Toutefois, je n'exclus pas de faire évoluer cette position d'ici la séance publique si Madame la Ministre consent à progresser sur les points de vigilance que j'ai soulignés, qui constituent à mon sens des mesures de justice, notamment concernant la valeur du point PMI et le montant alloué aux droits à réparation pour les harkis.
Mme Florence Goulet (RN). Monsieur le rapporteur, comme vous l'avez souligné dans votre rapport, cette mission incarne la solidarité de la nation et son maintien doit constituer une priorité budgétaire. Or, le programme 169 « reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et lien avec la Nation » connaît une diminution de 110 millions d'euros par rapport à 2025, soit une baisse de 6,3 %.
Cette situation est préoccupante, d'autant que si cette diminution reflète en partie la réduction naturelle du nombre de bénéficiaires, celle-ci devrait au contraire permettre d'élargir le droit à indemnisation à certains oubliés de l'histoire. Ainsi, les pupilles de la nation dont les parents sont morts pour faits de guerre et reconnus par la mention marginale « Morts pour la France » portée sur les registres d'état civil ne bénéficient pas, à ce jour, d'un droit à indemnisation. Qu'il s'agisse des orphelins de la Seconde guerre mondiale, de la guerre d'Indochine ou de la guerre d'Algérie, ils représenteraient environ 20 000 à 25 000 personnes. Cet oubli devrait être réparé.
Mme Nadine Lechon (RN). Dans le cadre de la commission d'enquête relative aux victimes des essais nucléaires à laquelle j'ai participé l'année dernière, de nombreuses recommandations ont été formulées afin de mieux accompagner et encadrer les victimes d'essais nucléaires, particulièrement en Polynésie française : révision des demandes et des blessures, renforcement ou pérennisation des moyens humains et budgétaires de la mission « aller vers » qui aide à la Constitution des dossiers, financement de nouvelles études, etc.
Que prévoit le PLF pour les victimes d'essais nucléaires, quelles innovations, quelles économies, quels maintiens, quelle ligne politique globale ?
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Le sujet des pupilles de la nation fera l'objet d'au moins un amendement. Nous devons désormais affronter cette question délicate, trop souvent éludée, notamment dans sa dimension budgétaire. Malheureusement, l'évolution démographique entraîne une diminution constante du nombre d'allocataires des dispositifs que nous examinons aujourd'hui. Cela génère de facto des économies budgétaires. Dans le contexte financier actuel, on pourrait y voir un bénéfice, mais j'estime qu'une partie des crédits ainsi libérés devrait être réaffectée à la revalorisation des points PMI ou aux pupilles. Je soutiens pleinement cette démarche.
Quant à la question des essais nucléaires, je crois que les indemnisations évoquées, bien que légitimes et méritant notre soutien, ne relèvent pas du périmètre de ce rapport. Cette question devra être examinée dans le cadre d’une autre mission.
Mme Michèle Martinez (RN). Monsieur le rapporteur, lors de la journée d'hommage aux harkis le 25 septembre dernier, vous étiez dans mon département des Pyrénées-Orientales, à Rivesaltes. Vous avez été interpellé par des harkis qui s'émeuvent depuis des années du traitement qui leur est réservé au mémorial du camp, où ils furent relégués pendant de très nombreuses années dans des conditions indignes. Nous nous sommes rendus sur place après la cérémonie, mais la direction du mémorial n'a pas daigné nous recevoir, affirmant que des consignes lui avaient été données. Il est pour le moins étrange de refuser ainsi l'accès à un lieu public à des élus de la nation.
Ce déplacement aura néanmoins été instructif, car vous aurez pu constater ce que nous dénonçons depuis des années. La mémoire des harkis est reléguée au second plan à Rivesaltes. Il ne s'agit aucunement de faire injure aux autres mémoires de cet ancien camp militaire, celle des Espagnols de la Retirade ou celle de nos compatriotes juifs internés. Celles-ci doivent également être reconnues et valorisées. Beaucoup méprisent la parole des harkis et s'indignent lorsqu'on relaye leurs critiques légitimes, alors qu'ils se sentent exclus de leurs propres politiques de mémoire, désormais pensées et accaparées par d'autres. Qu'avez-vous à dire, Monsieur le rapporteur, sur cette situation ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je partage votre analyse Monsieur le rapporteur concernant le point PMI : il avait été décidé en 2022 qu'une clause de revoyure serait mise en place tous les deux ans, ce qui n'a pas été le cas. Il est donc temps d'appliquer cette clause pour vérifier quel est le meilleur niveau de ce point PMI, sachant qu'à l'époque, le point de la fonction publique semblait plus avantageux que l'indexation sur l'inflation.
Sur le droit à réparation pour les harkis, la diminution des fonds s'explique naturellement par le fait que de nombreuses personnes ont déjà été indemnisées.
Enfin, je demeure particulièrement attachée au maintien de l'aide sociale de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) car au niveau départemental cette aide sociale s'avère cruciale pour soutenir les familles, notamment les veuves de nos anciens combattants qui ont souvent besoin du soutien de la Nation.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Concernant Rivesaltes, j'ai effectivement éprouvé une réelle surprise. Des associations de harkis nous ont contactés en déclarant qu’ils n’étaient pas les bienvenus chez eux. Ce constat est préoccupant pour un lieu de mémoire qui devrait leur être normalement consacré. Actuellement, on y célèbre de nombreux événements. Il ne s'agit évidemment pas d'établir une concurrence mémorielle entre des sujets qui méritent d'être célébrés, étudiés et discutés. Le mémorial propose une exposition sur l'Ouganda, une autre sur les droits des LGBT - sujets parfaitement légitimes. Mais lorsque les harkis souhaitent eux-mêmes organiser une exposition, on leur répond qu'il n'y a pas de place. Cette situation soulève des interrogations légitimes.
Nous constatons une approche très militante et idéologique dans la gestion de ce lieu qui devrait être neutre, puisqu'un lieu de mémoire constitue une maison commune et non un espace d'exclusion.
À la suite du refus des dirigeants actuels de ce mémorial de répondre à mes questions - sur ordre direct de la présidente de région et de la présidente du département - je demande qu'un audit soit mené pour déterminer l'utilisation des fonds et comprendre pourquoi les harkis sont ainsi méprisés dans leur propre maison. Il en va du respect de l'argent public et de la mémoire des harkis comme de tous ceux qui sont passés par le camp de Rivesaltes.
Concernant les 70 millions d'euros de droit à réparation qui ne figurent plus au budget, vous avez parfaitement raison sur le fait qu'une partie des sommes a déjà été versée. Cependant, deux éléments nouveaux doivent être pris en compte : l'arrêt de la CEDH Tamazount et la labellisation de nouveaux sites donnant droit à réparation. La CNIH évalue les besoins pour l'année prochaine à 70 millions d'euros. Dans la mesure où nous devons appliquer et généraliser l'arrêt Tamazountà tous les sites, l'enveloppe de 70 millions ne semble pas excessive mais représente plutôt un minimum. Telle est l'analyse que nous avons établie en concertation avec les associations de harkis et la CNIH.
Concernant l'aide sociale de ONaCVG, je partage entièrement votre position. Nous traversons certes une période budgétaire difficile nécessitant des économies, mais certains dispositifs essentiels doivent être préservés.
Mission Défense – Environnement et prospective de la politique de défense (Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis)
M. le président Jean-Michel Jacques. Pour l'avis sur « l'environnement et prospective de la politique de défense », la parole est à Madame Isabelle Rauch, que je tiens à remercier d'avoir accepté de reprendre ainsi « à la volée » l'avis initialement attribué à Madame Anne Le Hénanff, nommée ministre de l'intelligence artificielle et du numérique.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Je suis très honorée de vous présenter les conclusions de mon avis qui s'inscrit dans la continuité du travail d'Anne Le Hénanff sur le programme 144 « environnement et prospective de la politique défense ». Il s'agit d'un programme essentiel pour la préparation de l'avenir dans tous ses aspects, de l'innovation au renseignement, penssant par la recherche stratégique et la diplomatie de défense.
Je tiens à apporter une précision méthodologique. J'ai été nommée rapporteure pour avis la semaine dernière et j'ai choisi de poursuivre la thématique retenue par Anne Le Hénanff, les technologies quantiques. Je n'ai pu mener l'intégralité des auditions sur ce sujet mais celles auxquelles j'ai participé ont conforté mon choix. Je pense notamment à l'audition de l'Agence de l'Innovation de Défense (AID), qui a souligné l'importance d'améliorer la diffusion de l'information en matière d'innovation au sein du ministère, particulièrement concernant les technologies quantiques auxquelles l'AID consacre une part majeure de ses investissements.
Cette année encore, le budget dédié au programme 144 s'inscrit dans une parfaite continuité avec les engagements pris dans la LPM 2024-2030. Dans le cadre du PLF 2026, les crédits du programme 144 s'élèvent à 2,754 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,294 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.
Ce niveau de financement inédit permettra au ministère des Armées et des Anciens Combattants, dans un contexte international marqué par le durcissement de la conflictualité - comme en témoignent les situations en Ukraine, à Gaza et au Liban - de concrétiser les objectifs ambitieux fixés dans la LPM. Ces moyens serviront à investir dans le développement de démonstrateurs innovants dans les nouveaux espaces de conflictualité, à renforcer les capacités de nos services de renseignement et à développer nos capacités de recherche et d'analyse stratégiques.
L'année 2026 se caractérisera par plusieurs échéances d'envergure pour les entités relevant du programme 144. Nous assisterons à la réalisation des premiers travaux d'infrastructures du nouveau siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) au Fort Neuf de Vincennes, après une première phase dédiée aux opérations de démolition. Nous verrons également la mise en service opérationnelle de la nouvelle base de souveraineté de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) : le système d’information de renseignement de contre-ingérence de défense (SIRCID), qui accroîtra ses capacités de détection et de traitement précoces des menaces. S'y ajouteront la construction de l'institut de défense sur le site de l'Ecole polytechnique, dans le cadre de la stratégie ministérielle dans le domaine des technologies quantiques, et enfin la mise en œuvre du nouveau traité de coopération en matière de défense (TCMD) entre la France et Djibouti, ratifié et entré en vigueur à l'été 2025.
J'émets donc un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
J'en viens maintenant à la partie thématique de mon avis. Compte tenu du temps limité dont je dispose, je vous présente d'emblée mes trois recommandations. Je précise que j'ai choisi de reprendre ces recommandations qui concordent avec les travaux que j'ai menés par ailleurs sur ces sujets et leurs enjeux connexes.
Ma première recommandation concerne les ressources humaines. Le domaine des technologies quantiques demeure très prospectif. Les experts débattent régulièrement sur l'imminence réelle ou supposée de l'apparition de l'ordinateur quantique ou de la cryptographie post-quantique. Cependant, le vivier de recrutement reste relativement réduit dans ce secteur qui évolue lentement et offre encore trop peu de débouchés professionnels. Lors d'une audition, il a été clairement établi que le défi des ressources humaines constitue de loin le plus grand défi auquel le ministère des Armées se trouve confronté. J'appelle donc à mettre en œuvre dès maintenant des mesures spécifiques pour le recrutement et la fidélisation de ces chercheurs en nombre très limité et par essence très volatils.
Ma deuxième recommandation concerne la compétition internationale, particulièrement féroce dans le domaine des technologies quantiques. Nous devons nous interroger sur la capacité du ministère des Armées à retenir les entreprises les plus en pointe une fois passée l'étape de l'étude amont. Plusieurs entreprises ont alerté sur la nécessité d'accéder à un marché de taille suffisamment critique pour poursuivre leur développement, à défaut de financements publics suffisamment calibrés. Or, plusieurs d'entre elles, y compris celles impliquées dans le programme PROQCIMA, se tournent vers le marché américain, ce qui soulève la question de l'extraterritorialité du droit américain et de ses conséquences pour notre souveraineté militaire. La réponse réside dans la construction d'un marché européen potentiellement plus vaste que le marché américain et capable d'offrir des débouchés à nos entreprises.
Ma troisième recommandation porte spécifiquement sur le programme PROQCIMA. Les auditions ont régulièrement souligné l'absence de visibilité quant aux perspectives de financement au-delà de 2028. Cette situation découle en partie de la temporalité politique, mais je crains que cette absence de perspective n'entraîne une fuite de nos pépites technologiques vers d'autres marchés. Nous devons tout mettre en œuvre pour pérenniser ces financements, car il en va de la souveraineté de nos armées dans un contexte de compétition mondiale accrue.
M. Thierry Tesson (RN). Je souhaite vous interroger sur le fonds DefInvest. Le gouvernement évoque fréquemment l'économie de guerre. Or, si nous constatons que les entreprises ont réellement investi, notamment dans l'augmentation de la production des canons Caesar, le soutien que nous leur apportons demeurent très limité. Le Rassemblement national soutient l'augmentation du fonds DefInvest et envisage même, à terme, la création d'un fonds souverain. Pensez-vous que la taille actuelle de ce fonds répond correctement aux besoins de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ?
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je vous remercie pour cette présentation d'ensemble. Je m'interroge sur l'évolution des sommes consacrées à la recherche stratégique. Au titre du la sous-action 07-01, les crédits de paiement passent de 11,950 millions d’euros à 10,048 millions d’euros. Il s'agit du financement des organismes indépendants de recherche, des think tanks, etc. Ces entités constituent un outil de rayonnement extrêmement important sur la scène académique internationale. Nous le constatons à Bruxelles, à Berlin et dans tous les pays où nos think tanks jouent un rôle significatif. Je m'interroge sur les causes de cette diminution dont la conséquence serait, potentiellement, l'arrêt de missions ou la fermeture de postes capitaux pour notre rayonnement universitaire. Vous semble-t-il opportun de modifier cette orientation lors de l’examen du texte dans l'hémicycle ? Les.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Le fonds DefInvest, financé par le ministère des armées et géré par la BPI, reste à son niveau de 100 millions d’euros, ce qui est loin d’être négligeable s’agissant d’investissement dans les PME. Il est complété par d'autres dispositifs de financement comme, par exemple, France 2030. Quant aux crédits consacrés à la recherche stratégique, il est vrai qu’il semble diminuer mais l’essentiel de cette baisse est lié à leur transfert vers l’action 08 Relations internationales et diplomatie de défense du même programme. Je partage néanmoins avec vous la nécessité de soutenir la recherche académique, instrument essentiel de notre rayonnement et de notre influence, comme l’a rappelé la directrice générale de l'école polytechnique lors de son audition.
J'attire votre attention sur un sujet qui me tient à cœur : le financement des start-up créées par les chercheurs et les moyens de maintenir et développer ces entreprises en France ou en Europe C’est un défi essentiel si nous souhaitons conserver notre souveraineté dans des secteurs d’avenir.
Mme Caroline Colombier (RN). En qualité de membre de la délégation parlementaire au renseignement, je souhaite vous poser deux questions. La première concerne la DGSE. L'enveloppe dédiée à l'innovation opérationnelle croît de 30 millions d'euros. Ces crédits visent-ils prioritairement le développement souverain de nos outils d'intelligence artificielle (IA) et de cyber-renseignement, ou plutôt des achats sur étagère, avec les implications que cela comporte pour l'indépendance de nos capacités ? Concernant la DRSD, la hausse de 40 % des crédits pour ses systèmes d'information soutient-elle un objectif quantifiable ? Quels indicateurs précis traduiront dès 2026 l'efficacité de la nouvelle base de souveraineté et l'intensification de l'activité de contre-ingérence, notamment pour la protection de notre BITD ?
M. Bernard Chaix (UDR). En 2024, 67 % des entreprises françaises ont subi des cyberattaques, entraînant des pertes estimées à 100 milliards d'euros. Seuls des investissements massifs dans l’IA, notamment dans le supercalculateur Asgard, nous permettront d'entraîner les algorithmes nécessaires à la neutralisation de ces cyber-menaces. Face à cette urgence, l'augmentation de 10,5 % des crédits du programme 144 constitue un pas dans la bonne direction. Ces crédits répondent à l'objectif initial de la LPM de consacrer 2 milliards d'euros à l’AI. Néanmoins, ces efforts suffisent-ils vraiment ? Le département de la Défense américain a investi 23 milliards d'euros dans l'IA militaire pour la seule année 2025. Dans le rapport de l'année dernière sur ce programme, la rapporteure évoquait le cas de nos petites et moyennes entreprises (PME) actives dans l'IA qui, faute d'investissements et de commandes ministérielles, s'expatriaient aux États-Unis. À la lumière du programme 144 présenté par le gouvernement, estimez-vous que les efforts consentis répondent à l'ampleur de ce défi technologique majeur ?
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. En tant que membre de la délégation parlementaire au renseignement, vous n’ignorez pas que le DGSE limite naturellement la diffusion de nombres d'informations. N'étant pas habilitée à recevoir les informations que vous sollicitez, je ne peux pas vous répondre. S'agissant de votre deuxième question relative à la DRSD, je n’ai pas d’informations plus précises sur ce point.
Quant à savoir si la France sera à la hauteur des efforts nécessaires, je l’espère. J’ai insisté dans mon rapport sur la nécessité de développer des fonds français ou européens permettant à nos entreprises de se développer sans avoir à aller chercher des financements hors UE ou, pire à se délocaliser. Ces fonds doivent être publics mais les fonds privés peuvent aussi être mobilisés et, sur ce point, je plaide depuis plusieurs années pour que l'épargne des Français soit orientée vers les entreprises de défense et de sécurité.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Nous devons impérativement renforcer les capacités européennes de production d'armement. Pourriez-vous préciser comment l'Agence européenne de défense (AED) pourrait jouer un rôle prépondérant dans le futur programme d'investissement de la défense au niveau européen ?
Par ailleurs, la physique quantique constitue un domaine central dans notre société, bénéficiant d'une protection particulière par rapport à d'autres secteurs de la recherche. Dans une perspective de long terme, quelles raisons expliquent l'absence de visibilité concernant les perspectives de financement du programme PROQCIMA au-delà de 2028 ?
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je reviens sur la question de la recherche stratégique. Vous m'indiquez que cette réduction faciale de 1,5 million d’euros est reportée sur d'autres programmes, apparemment l'action 08. Cependant, je ne discerne pas la ventilation précise de ces crédits. J'observe éventuellement un report vers les études amont où nous constatons effectivement une augmentation des recherches, mais celles-ci sont à dominante technologique. Or, nous traitons ici spécifiquement de la recherche stratégique. Je n'ai pas identifié le fléchage précis de ces fonds.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis (Défense : Environnement et prospective de la politique de défense). L’AED joue un rôle central, notamment dans la dynamique de réarmement. Le programme pour l'industrie européenne de la défense (EDIP) est en cours de finalisation et devrait permettre à tous les États partenaires de bénéficier de cette mise en commun des ressources. C'est précisément pourquoi la sécurisation et le financement de l'AED revêtent une importance capitale. Certains souhaiteraient voir ces crédits diminuer, mais ils constituent véritablement l'une des conditions essentielles de la défense européenne aujourd’hui en construction. Je vous remercie pour cette question qui me permet de souligner l'importance de sanctuariser ces moyens qui contribuent à renforcer notre souveraineté.
Vous m'interrogez également sur l'absence de visibilité des financements au-delà de 2028. C’est un fait que le financement des étapes ultérieures (2 et 3) reste encore à définir. L’hypothèse actuelle est celle d’un effort partagé entre des crédits ministériels d’une part (principalement défense et recherche) et des crédits issus d’un éventuel plan d’investissement successeur à France 2030. En tout état de cause, la continuité d’investissement de l’État sera clé pour assurer la mise en œuvre de la stratégie long terme sous-tendue par PROQCIMA
Sur la recherche stratégique, le PLF 2026 présente effectivement une évolution à la baisse de 2 millions d’euros par rapport à 2025 mais cette baisse est en réalité moins prononcée. Elle s'explique principalement par le transfert de 1,7 million en autorisations d'engagement et en crédits de paiement vers l'action 8 « relations internationales et diplomatie de défense », en cohérence avec la finalité des activités menées et dans une logique de rationalisation des études stratégiques.
Mission Défense – Soutien et logistique interarmées (M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La hausse des crédits de la mission défense se poursuit en 2026 avec 66,7 milliards d’euros en crédits de paiement, représentant une augmentation substantielle de 11,3 % par rapport à 2025. Ainsi, le dynamisme des dépenses de défense contraste fortement avec l'austérité mise en œuvre par le gouvernement pour les autres politiques publiques.
L'augmentation pour 2026 se décompose en une marche de 3,2 milliards d’euros, conformément aux prévisions de la LPM, à laquelle le gouvernement a ajouté une surmarche supplémentaire de 3,5 milliards. Je déplore que cet ajustement majeur de la trajectoire de la LPM n'ait pas fait l'objet d'un débat spécifique au Parlement.
Je redoute en outre que cette hausse apparente ne se traduise pas par de nouvelles capacités militaires, mais serve essentiellement à absorber la surchauffe budgétaire du ministère des Armées.
En effet, la mission défense fait face à des rigidités structurelles alarmantes.
Les reports de charges, correspondant aux paiements dus durant l'année courante mais reportés à l'exercice suivant, atteignent 8 milliards d'euros. Ils ont augmenté de 2 milliards depuis 2023. Au-delà des seuls reports de charges, c'est l'ensemble des restes à payer de la mission défense qui connaît une croissance exponentielle. Ces restes à payer, incluant les reports de charges, correspondent aux paiements à venir occasionnés par des engagements déjà réalisés. Ils constituent donc l'essentiel de la contrainte budgétaire pesant sur l'emploi des crédits de paiement appelés à être ouverts dans les années à venir.
Les restes à payer ont considérablement augmenté et représentent aujourd'hui près de 3,4 fois le budget hors T2 de la défense. J’insiste sur ce point : à ce jour, pour apurer l'intégralité des engagements du ministère des Armées, il faudrait décaisser immédiatement l'équivalent de trois ans et cinq mois de dépenses de fonctionnement et d'investissement.
Cette rigidification budgétaire soulève un double enjeu démocratique et stratégique. D'une part, le respect de la souveraineté populaire exige de préserver une capacité d'évolution de la politique de défense en fonction des choix collectifs exprimés par la voie démocratique. La rigidification budgétaire actuelle prive les futurs décideurs de cette marge de manœuvre. D'autre part, se pose un enjeu d'efficacité de la dépense publique. Comment réagir si les orientations actuelles devenaient obsolètes ou si des besoins urgents surgissaient alors que la mission défense ne permettrait plus de soutenir de nouveaux engagements ?
Les représentants du ministère des Armées, notamment le secrétaire général pour l'administration, estiment que le niveau des restes à payer et des reports de charges ne devrait pas susciter d'inquiétude. Le secrétaire général y voit un « découvert autorisé » pour le ministère des Armées qui s'expliquerait par les trajectoires budgétaires de certains programmes du ministère, notamment d'armement. Je laisse au secrétaire général pour l'administration le soin de justifier cette interprétation.
Cette situation me paraît préoccupante. Le ministère des Armées devrait transmettre au Parlement davantage d'informations concernant la trajectoire prévue pour l'inflexion de la courbe des restes à payer afin d'assurer la soutenabilité de la mission défense.
J’en viens maintenant au périmètre de mon avis budgétaire. Concernant les dépenses relatives au programme 178, les crédits du périmètre des soutiens connaissent une hausse. Le PLF 2026 introduit une nouveauté avec la création du Commissariat au numérique de défense (CND) en septembre 2025. Il vise à centraliser l'ensemble des services compétents en matière numérique pour la défense au sein d'une même instance. Je salue cette création, car l'éparpillement des responsabilités en matière numérique avait engendré une organisation en silos inefficace, même s'il conviendra d'évaluer les effets de cette réforme majeure dans la durée. Le premier défi du CND consistera à renforcer les ressources humaines sur la fonction numérique du ministère, en déficit chronique.
Les crédits du programme 212, consacrés aux fonctions transverses du ministère ainsi qu'à l'ensemble des crédits du personnel des Armées, augmentent également pour s'établir à 25,6 milliards en crédits de paiement. Je constate un effort notable sur la politique immobilière avec 116 millions d'euros de hausse en crédits de paiement. Il faut s’en réjouir, tant le logement et l'état des infrastructures constituent un irritant chronique pour les militaires.
Concernant les ressources humaines du ministère, l'embellie constatée en matière de recrutement et de fidélisation en 2024 se poursuit en 2025. Le schéma d'emploi de 2025 sera atteint et le PLF prévoit une progression de 800 équivalents temps plein (ETP) pour 2026. Toutefois, l'objectif de la LPM pour 2030 ne pourra être atteint sans rattrapage du retard accumulé depuis 2023, dépassant aujourd'hui 4 000 postes.
Face à ce constat, je regrette que les cibles d'effectifs inscrites dans la LPM ne soient pas adaptées annuellement pour tenir compte du déficit accumulé par les Armées sur leurs objectifs antérieurs. Or, les Armées bénéficient actuellement d'un contexte favorable en matière d'attractivité et de fidélisation qui pourrait ne pas perdurer en raison de l'évolution démographique.En effet, la baisse de la natalité réduit mécaniquement les classes d'âge susceptibles d'être recrutées dans les années à venir. La conjoncture actuelle constitue donc une fenêtre d'opportunité pour rattraper une partie substantielle du retard accumulé. Le plafonnement annuel engendre des conséquences aberrantes. Ainsi, à la fin 2024, les recrutements ont été interrompus pour ne pas dépasser le schéma d'emploi annuel, alors que de nombreux candidats attendaient de pouvoir intégrer les Armées.
La partie thématique de mon rapport est consacrée au financement des missions sur le flanc est de l'Otan et à l'organisation budgétaire des surcoûts opérationnels. Depuis l'intensification de la guerre en Ukraine en février 2022, la France a considérablement renforcé sa présence et ses actions militaires sur le flanc est de l'Otan. Cette forte sollicitation génère des surcoûts importants, évalués globalement à 460 millions d'euros pour 2024 pour les seules missions opérationnelles. Je souhaite souligner trois points d'attention majeurs sur ce sujet.
Premièrement, la provision annuelle initiale, prévue par l'article 5 de la LPM, est systématiquement dépassée. La hausse de cette provision à 1,2 milliard d'euros pour 2026 manque totalement de clarté et entretient une opacité dommageable au contrôle démocratique des décisions budgétaires. Elle se situe en outre en deçà des surcoûts constatés les années précédentes, qui atteignaient par exemple 1,8 milliard en 2024.
Deuxièmement, un changement d'imputation budgétaire intervient en 2026. À partir de cette année, le mode de gestion des opérations extérieures (Opex) sera étendu aux missions opérationnelles (Missops), permettant aux armées d'imputer directement sur le budget opérationnel de programme (BOP) Opex/missions intérieures (Missint) les dépenses qu'elles estimeront éligibles, sans que les critères d'éligibilité ne soient clairement définis. Cette réforme majeure crée un risque d'opacité et fait peser sur l'ensemble des politiques publiques le coût d'objets budgétaires indéterminés du fait de la clause de financement interministériel.
Troisièmement, l'imputation des surcoûts opérationnels relevant des Missops, missions sur le flanc est de l'Otan, sur le BOP Opex/Missint est illégitime, car l'article 5 de la LPM qui détermine cette provision et la possibilité d'un financement interministériel ne dispose que des « opérations extérieures et des missions intérieures ». Cela alors que le gouvernement se refuse à qualifier juridiquement les Missops ainsi financées comme opérations extérieures.
Surtout, la perspective d'un déploiement de forces françaises en Ukraine dans ce que l'Élysée appelle « la coalition des volontaires » rend plus urgente que jamais la nécessité de rétablir une pratique conforme à l'article 35 de la Constitution.
L'engagement envisagé présente un risque de prise à partie ou de belligérance et constituerait une rupture stratégique majeure pour la France. Un tel déploiement ne saurait relever d'une décision unilatérale de l'exécutif dissimulée sous la qualification administrative de Missops. L'ampleur de l'engagement, les risques encourus par les soldats français, le coût humain et budgétaire potentiel, ainsi que les implications géopolitiques d'une présence militaire française entre la Russie et l'Ukraine, exigent impérativement l'information et l'autorisation préalables du Parlement, conformément à l'esprit de la révision constitutionnelle de 2008 et à la lettre de la Constitution.
Pour conclure, je dois souligner, comme l'année dernière, les difficultés récurrentes du dialogue budgétaire avec le ministère des Armées et le gouvernement. Que dire lorsque je découvre la réforme substantielle de la provision pour les surcoûts opérationnels à la réception du projet annuel de performance, alors même que j'auditionnais le secrétariat général pour l'administration du ministère précisément sur ce sujet le jour même, sans qu'aucune information ni explication spontanées ne me soient transmises ? Cette pratique d'omission s'inscrit dans un contexte plus large de retard systématique. Les réponses aux questionnaires budgétaires ont tardé, tout comme le dépôt du PLF, intervenu le 14 octobre 2025, au mépris des délais prévus par les articles 39 et 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il aura donc fallu un mois au gouvernement Lecornu pour déposer un budget qui, manifestement, reprend la copie du gouvernement précédent.
Cette situation nuit gravement à la qualité du contrôle parlementaire. J'appelle à un changement de pratique et au rétablissement d'un dialogue budgétaire sincère, transparent et respectueux des délais légaux. Je remercie le président de la Commission qui s'est lui-même ému dans un courrier à la ministre de cette situation.
En raison des éléments précités, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission défense.
M. Thierry Tesson (RN). En tant que co-rapporteur d'une mission d'information sur la guerre électronique, j’ai constaté que pour ces experts, le problème de fidélisation relève moins d'aspects salariaux que des conditions de vie : qualité des logements, disponibilité des crèches, offres de soins, etc. Quelles seraient les recommandations prioritaires que nous pourrions formuler pour améliorer la fidélisation de ces techniciens de haut niveau ?
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Vous avez évoqué à juste titre les enjeux de respect de la démocratie en termes de contrôle de la trajectoire budgétaire concernant le domaine de la défense. La semaine dernière, lors des auditions budgétaires, vous mentionniez que la fusion des Missops dans le BOP Opex conduisait à un modèle où la LPM finance une armée de casernes, tandis que les opérations extérieures sont systématiquement prises en charge par la solidarité interministérielle. Pouvez-vous préciser votre analyse sur ce point ? Plus largement, que préconisez-vous pour remédier au manquement démocratique que constitue la systématisation du recours au cadre Missops pour l'envoi de troupes à l'étranger ?
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Concernant les conditions de vie des militaires, nous observons depuis de nombreuses années un délitement manifeste que nous tentons de corriger depuis plusieurs LPM. Les 116 millions d'euros alloués en 2026 à la politique immobilière constituent une première réponse face à ce qui représente un véritable fléau. Deux zones géographiques sont particulièrement critiques – Paris et Toulon – où nos militaires peinent à se loger en raison d'une offre totalement insuffisante. Un travail approfondi s'impose sur cette question essentielle.
J'avais porté, il y a quelques années, un amendement sur la rénovation des lieux de restauration qui avait été adopté. Cette initiative a permis de relancer un processus indispensable alors que nous constations la fermeture régulière de restaurants pour cause de conditions d'hygiène totalement indignes.
Cet après-midi, je présenterai un amendement sur le financement des bases de défense visant spécifiquement à résoudre une situation paradoxale : aujourd'hui, les rénovations dont le montant est supérieur à 500 000 euros sont financées et gérées par le service d'infrastructure de la Défense (SID) tandis que celles inférieures relèvent directement des bases de défense. Conséquence directe de ce système : aucune rénovation n'est effectuée entre 200 000 et 500 000 euros – trop coûteuses pour les bases de défense mais insuffisantes pour déclencher l'intervention du SID. Nous sommes face à une situation aberrante où l'on attend que les bâtiments se dégradent suffisamment pour que le coût des rénovations dépasse le seuil des 500 000 euros et puisse ainsi être pris en charge par le SID. Mon amendement vise à remédier à cette situation pour améliorer les conditions de vie de nos militaires.
Sur la question plus large de la fidélisation, nous devons considérer tant les conditions de vie que la question salariale. Des réformes ont été engagées concernant les primes et la grille indiciaire. La grille des officiers doit d'ailleurs être révisée le 15 décembre prochain, mais force est de constater que ces mesures sont d'ores et déjà inadaptées et insuffisantes. Les premiers échelons de la grille des militaires du rang sont d’ores et déjà tassés par la hausse du smic, en raison de la non-indexation du point d'indice de la fonction publique sur ce dernier. Nous assistons ainsi à un nivellement par le bas, problématique que la réforme de la grille indiciaire mise en œuvre il y a trois ans visait à résoudre. Il apparaît donc indispensable aujourd'hui de travailler sur le point d'indice de la fonction publique plutôt que sur des mesures catégorielles, puisque sans indexation sur le smic, nous continuerons à courir après des solutions temporaires.
Concernant le risque d'une armée de caserne, je me trouve quelque peu démuni dans mon rôle de rapporteur. Avant la publication des bleus budgétaires, aucun de mes interlocuteurs n'a évoqué cette situation ni cette nouvelle modalité de gestion. Les auditions postérieures à cette publication n'ont guère été rassurantes, l'ensemble de mes interlocuteurs m'ayant confié ignorer quelles dépenses pourraient être imputées sur ce BOP et quelles Missops seraient concernés – s'agit-il de l'ensemble des Missops ou uniquement de ceux déployés sur le flanc est de l'Otan ? Nous n'avons pas obtenu de réponse claire.
Si nous interprétons strictement le bleu budgétaire, nous pouvons comprendre qu'il s'agit de l'ensemble des Missops, avec une attention particulière à celles du flanc est de l'Otan. La création des opérations stratégiques spécifiques (OSS) semble bien extraire certains exercices du champ des Missops et de leur financement sur le BOP Opex, ce qui renforce l'hypothèse que l'ensemble des Missops non transformées en OSS seraient financées par ce mécanisme. Dans cette configuration, dès qu'une unité française devient opérationnelle, l'ensemble des budgets passerait par ce BOP ouvrant droit à un financement interministériel. Cette situation contrevient manifestement à l'article 5 de la LPM. Nous assistons à un mélange des genres entre Missops et Opex qui trouve ici une concrétisation budgétaire particulièrement préoccupante.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je souhaite formuler une observation plutôt qu'une question. Nous ne trancherons pas en quelques instants ce sujet récurrent, dont notre collègue Bastien Lachaud est l'ardent promoteur, du rapport Opex/Missops. Je tiens simplement à souligner qu'une question fondamentale sous-tend ce débat : considérons-nous que les opérations menées en Europe avec nos alliés européens et ceux de l'Otan relèvent d'opérations extérieures, de missions extérieures, ou constituent véritablement la défense de notre sécurité commune ? Dès lors que nous estimons que la sécurité de la France commence à se jouer sur le Dniepr ou sur la Vistule, la distinction devient quelque peu artificielle.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Qu'en est-il de l'hébergement au sein des casernes ? Cette question concerne particulièrement l'armée de terre pour laquelle il s'agit d'une obligation. Nous avons engagé, grâce au « plan Famille », un important travail de rénovation qui n'est manifestement pas achevé. Des lignes budgétaires spécifiques permettent-elles d'accélérer ces rénovations ?
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les 116 millions d'euros que j'évoquais concernent effectivement la politique immobilière. Le plan hébergement comprend 149 millions d'euros de crédits de paiement pour l'année 2026 et prévoit la commande de 2 080 places et la livraison de 2 920 places.
Pour répondre à la remarque du ministre Thiériot, je m'en remets aux analyses des constituants de 2008. Le ministre de la Défense de l'époque, Hervé Morin, expliquait que le gouvernement donnait à la notion d'intervention des forces armées, terme employé dans l'article 35, le sens d'un « envoi de militaires constitués en corps à des fins opérationnelles ». Il ne mentionnait pas explicitement le combat, et la distinction entre « fins opérationnelles » et « missions opérationnelles » me paraît particulièrement ténue.
Je pourrais également citer le rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, le « comité Balladur », à l'origine de la proposition de modification de l'article 35, qui déplorait que « les assemblées assistent sans être appelées à donner leur sentiment, autrement que par le biais de la discussion budgétaire ou de débats très généraux, au déroulement d'opérations militaires qui engagent la réputation de notre pays et parfois son avenir ».
Vous venez vous-même d'affirmer que nos opérations à l'est engagent la défense même de notre nation. J'estime que notre avenir est effectivement en jeu, et les observations du rapport Balladur demeurent malheureusement d’actualité. La manière dont le gouvernement met en œuvre la réforme constitutionnelle de 2008 ne répond pas à la volonté exprimée par les constituants de l'époque, ce que je ne peux que regretter.
M. Yannick Chenevard (EPR). La LPM fixe un objectif final en termes de recrutement, mais les flux varient considérablement d'une année à l'autre. Nous constatons que parfois de nombreuses personnes se présentent aux portes des armées, parfois beaucoup moins. Que pensez-vous d'une approche qui consisterait à définir uniquement un objectif final à atteindre, sans encadrer de manière rigide les objectifs annuels ? Ainsi, lors des années de forte demande de recrutement, nous pourrions ajuster les volumes à la hausse, avec la certitude que l'objectif final serait atteint par l'addition de ces différents volumes annuels.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La fin du service national universel (SNU) est programmée pour début 2026. Il pourrait être remplacé par un service militaire volontaire. Cette transformation impliquerait des coûts d'encadrement en ETP et d'équipements qui ne figurent pas dans le PLF 2026. Avez-vous identifié et quantifié les coûts qu'engendrerait ce remplacement ?
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne peux que souscrire aux propos de notre collègue Chenevard. Nous accusons actuellement un déficit de quatre mille six cents ETP par rapport au plan de marche de la LPM. Mon rapport propose la mise en place d'un dispositif « d'avance-retard » permettant de recruter davantage lorsque les conditions sont favorables afin de compenser les périodes moins propices au recrutement. Ce mécanisme se heurte au principe d'annualité budgétaire mais nous faisons face à une contradiction fondamentale entre une LPM qui planifie sur 7 ans et un budget qui fixe des seuils annuels. Nous devons impérativement travailler à l'instauration de ce dispositif « d'avance-retard », une demande également portée par les différentes directions des ressources humaines de nos armées qui ont besoin de cette souplesse de gestion.
Les années à venir s'annoncent particulièrement difficiles en matière de recrutement. Notre retard sera de plus en plus compliqué à rattraper, même avec une augmentation des postes ouverts dans les prochaines années. Nous assistons à un véritable jeu de dupes : afficher un objectif final sans donner aux armées les moyens de l'atteindre quand elles en ont la possibilité. J'espère que vous soutiendrez les propositions de mon rapport en ce sens.
Le PLF 2026 ne prévoit effectivement aucun crédit spécifique pour le service militaire volontaire issu de la réforme du SNU, ce qui suscite une vive inquiétude. Plusieurs de mes interlocuteurs, notamment au sein de l'armée de terre qui accueillerait l'immense majorité des participants à ce service, expriment leur préoccupation face à l'absence de quantification des coûts. Cette absence découle directement du flou entourant les objectifs en termes d'effectifs. Nous sommes confrontés à un discours politique dépourvu de réalisation concrète, tant en termes d'effectifs que de calendrier.
Les armées nous indiquent qu'elles pourront absorber un effectif relativement faible de quelques milliers de personnes. Au-delà, il faudra concevoir un dispositif ad hoc. La question des ETP n'est pas la seule à se poser. Un service militaire volontaire implique nécessairement un casernement, et donc des infrastructures d'hébergement. Or, les deux mille nouvelles places prévues pour réception en 2026 seraient largement insuffisantes. Nous faisons face à un double problème : celui des ETP et celui des infrastructures. La plupart des casernes qui servaient autrefois au service militaire ont été vendues, détruites ou laissées à l'abandon, ce qui nous renvoie à la dette grise du ministère. La remise en état des casernes dont nous disposons encore entraînerait des frais considérables et ces installations seraient totalement insuffisantes pour répondre aux besoins d'un service militaire volontaire à pleine charge.
Mission Défense – Préparation et emploi des forces : Forces terrestres (Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis)
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Pour la deuxième année consécutive, j'assure la fonction de rapporteur pour avis sur les crédits des forces terrestres et, pour la deuxième fois j'ai dû préparer ce rapport sans disposer du budget définitif. Je tiens à remercier l'administrateur Valentin Sayagh qui m'accompagne dans ce travail, ainsi que nos militaires qui ont facilité nos échanges malgré des circonstances politiques complexes, notamment lors de notre première audition qui a coïncidé avec l'annonce du Premier ministre concernant le vote de confiance.
L’armée de Terre, ce sont d’abord des hommes et des femmes engagées en métropole, en Outre-mer et à l’étranger. Pour illustrer leur rôle structurant, j’ai choisi comme l’année dernière de commencer ma présentation par une vidéo.
Les crédits affectés au programme 178 « Préparation et emploi des forces » connaissent une augmentation substantielle de plus de 1,6 milliard d'euros, les portant à 15,9 milliards d'euros. Cette hausse traduit clairement la priorité accordée par notre Nation à l'adaptation des armées face à la situation géopolitique actuelle. Le PLF poursuit ainsi trois objectifs majeurs : la crédibilité opérationnelle, la solidité stratégique et la cohésion nationale.
Un film est diffusé.
Je remercie l'état-major de l’armée de Terre pour cette vidéo qui nous permet de nous projeter et d'observer le rayonnement de nos armées. Je tiens à saluer les hommes et les femmes qui y servent.
Pour l'armée de terre, les crédits sont en hausse de 14,5 % par rapport à 2025 et s'élèvent à 2,5 milliards d'euros. Ils s'inscrivent l’année 2026 comme un pivot dans la montée en puissance de l’armée de Terre, permettant de renforcer l'activité opérationnelle et l'entretien du matériel. Le niveau d'activité devrait ainsi augmenter de deux points. La hausse des crédits sera mise au service de deux priorités, la préparation opérationnelle et le maintien en conditions opérationnelles (MCO) du matériel.
Premièrement, les crédits permettront de renforcer la préparation opérationnelle. L'armée de Terre participera à l'exercice ORION 2026 et à la prise d'alerte « ARF » de l’OTAN le 1er juillet 2026. ORION 2026 constituera l'exercice majeur de signalement stratégique. Il mobilisera dix mille soldats, dont 15 % issus de pays étrangers, et trois mille véhicules. Cet exercice permettra de tester les moyens de commandement, le soutien, la logistique et la haute intensité. Il se déploiera sur de nombreux territoires où vous pourrez vous rendre aux côtés de nos armées.
En matière de préparation opérationnelle, un effort significatif a également été fait sur la reconstitution des stocks de munitions, avec des crédits de petits équipements en augmentation de 27 %. Je salue cette avancée alorsd que la préparation opérationnelle était un point d’attention l’année passée.
Deuxièmement, les crédits dédiés à l'entretien programmé du matériel (EPM) progressent de 190 millions d’euros. Le plan MCO-2030, mis en œuvre par la SIMMT, fait également évoluer les contrats de soutien d’une logique de flux-tendu à des marchés hybrides plus performants pour la haute intensité. Cette hausse permettra de soutenir l’accélération des livraisons de matériel majeur, avec deux cent quarante-deux véhicules prévus pour 2026 - Griffons, Jaguars, mortiers embarqués pour l'appui au contact (MEPAC) - et vingt et un chars Leclerc rénovés.
Sur le plan humain, je me félicite de l'amélioration de la fidélisation et de la réalisation du schéma d’emploi. Ayant été rapporteure sur le plan Famille 1 et participé au plan Famille 2, je déposerai de nombreux amendements sur ces sujets car ils contribuent directement à la fidélisation dans nos armées. L'objectif de 15 000 recrutements devrait être atteint d'ici à la fin de l'année.
L'armée de Terre est pleinement mobilisée en 2025 et cet engagement se poursuivra en 2026. Nous dénombrons trois mille sept cent cinquante soldats déployés en métropole et en Outre-mer. Le rapport comporte toute une partie consacrée à l'Outre-mer où de nombreuses actions sont menées. L'opération Sentinelle, qui constituait l'année passée l'objet de la partie thématique, a entamé une évolution en profondeur pour mieux s'articuler avec les missions de défense civile et adopter un fonctionnement plus souple. Sur le flanc Est, l'armée de terre poursuit ses missions AIGLE en Roumanie où elle est nation-cadre et LYNX en Estonie. Je me suis rendue sur le camp de Tapa, en Estonie, en septembre dernier, où j’ai pu apprécier le déploiement en cours.
Je souhaite attirer votre attention sur trois points de vigilance. En matière capacitaire, le remplacement du lance-roquettes unitaire (LRU) devient urgent. La reconstitution des stocks de munitions progresse mais doit impérativement se poursuivre. La mobilité et le génie demeurent des sujets de grande attention.
D'un point de vue budgétaire, le financement des missions opérationnelles soulève des questions de fond que nous nous sommes souvent posées ici en Commission de la Défense et lors des débats sur la LPM.
Enfin, la rénovation du segment lourd de décision, le char du futur et l’aéroterrestre, nécessite une stratégie claire de long terme dans un contexte de robotisation et de dronisation. Ces questions fondamentales doivent trouver des réponses précises, l'accélération de l'innovation étant très rapide et exigeant que nous soyons plus qu'au rendez-vous.
Concernant la partie thématique de mon rapport, « gagner la guerre avant la guerre » pour l'armée de Terre, mon objectif est de souligner les avancées concrètes permises par ce budget. Avec la hausse des crédits, la France choisit résolument de se doter d'une armée de terre de combat, prête, comme le dit le chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT) à défendre le territoire et à s'engager en coalition. Cette stratégie implique de disposer d'une armée forte, dissuasive, avec un moral élevé, s'appuyant sur une nation soudée. L'armée de terre doit être capable d'imposer des rapports de force dissuasifs pour gérer l'escalade et montrer sa détermination. Elle doit, par l'envoi de signaux stratégiques, être à la fois crédible à l'égard de ses alliés et redoutée par ses adversaires.
Mme Florence Goulet (RN). Comme vous l'avez souligné dans votre rapport, cette mission bénéficie d’une hausse de crédits. Néanmoins, le niveau de rapport de charges demeure préoccupant et certaines lacunes capacitaires persistent. La solution de remplacement du char Leclerc à l'horizon 2040 n'est toujours pas définie, alors que l'on constate déjà un très faible taux de disponibilité du Leclerc dans les unités. La poursuite du programme main ground combat system (MGCS) apparaît de moins en moins crédible, tandis que l'Allemagne s'est déjà engagée dans une nouvelle voie avec le développement d'un Léopard 3. Les 115 millions d'euros affectés en autorisations d’engagement (AE) pour lancer le développement du projet MGCS seraient-ils mieux utilisés s’ils étaient affectés à un projet de char français ? Le temps presse, le général Schill ayant réaffirmé que le char ou quelque chose qui ressemble à un char ou qui remplit les fonctions d'un char, c'est-à-dire le duel et la capacité de percer, restera un des éléments structurants des armées futures.
M. Guillaume Garot (SOC). Vous évoquez des points de vigilance, dont la mobilité et le génie. Pouvez-vous préciser votre position ?
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Sur le char du futur, le CEMAT a répondu et j’ai détaillé un certain nombre d’éléments dans mon rapport. Je souhaite rester humble concernant ce dossier. Sur le fond, la création de l'entreprise franco-allemande a été finalisée en avril 2025, avec la signature d'un accord entre nos deux pays. Il s'agit d'une avancée majeure, car ce projet stagnait depuis longtemps, ce que les parlementaires dénonçaient chaque année. Les contrats seront lancés en 2026. Maintenant que l'entreprise est créée, nous avons bon espoir que le projet avance. Ce dossier nécessite un suivi rigoureux, sachant que les délais sont traditionnellement longs sur les questions relatives aux chars.
Le génie n'a pas été considéré comme prioritaire pendant très longtemps. Aujourd'hui, dans notre réflexion sur la haute intensité, nous identifions des lacunes importantes dans nos dispositifs, notamment tout ce qui concerne le brêchage, la dépollution des zones et les capacités de franchissement. Nous manquons de ponts spéciaux et d'autres équipements nécessitant l'appui du génie pour la mobilité et la contre-mobilité. Le rapport consacre un chapitre entier au matériel requis, jusqu'aux camions de transport des troupes.
Le génie militaire recouvre un ensemble de sujets souvent éclipsés par les grandes thématiques comme les LRU, les tirs dans la profondeur ou les chars. Pourtant, ces questions très concrètes permettent justement à nos armées de se déplacer efficacement. Nous devons impérativement renforcer nos capacités dans ce domaine, notamment en simplifiant les marchés publics avec des cahiers des charges plus rapides et plus efficaces.
Mme Nadine Lechon (RN). La PME bisontine SilMach a annoncé cet été qu'elle équiperait les gilets pare-balles de nos soldats de capteurs intelligents révolutionnaires, capables de détecter en temps réel la moindre faille dans les équipements de protection. Cette nouvelle est particulièrement positive, d'autant qu'elle provient d'une petite entreprise qui aspire à contribuer à la restructuration de nos armées et à dynamiser notre BITD. L'entreprise a prévu de commencer la livraison de ces nouveaux capteurs dès la fin de l'année 2025. Le coût d'équipement des gilets avec ces capteurs a-t-il été quantifié ? Quelles unités en bénéficieront prioritairement ? Un coût d'entretien a-t-il été évalué ?
M. Thomas Gassilloud (EPR). Madame la rapporteure, je tiens à vous remercier pour ce rapport sur l'armée de terre, composante essentielle de nos forces armées. Il convient de rappeler que l'armée de terre représente plus de la moitié des hommes et femmes en uniforme du ministère, avec plus de 110 000 militaires qui servent notre pays.
Je souhaite vous interroger sur la possibilité de doter nos armées d'équipements plus simples et plus rustiques, correspondant strictement au cahier des charges, notamment grâce au principe de subsidiarité. Ce principe permettrait aux chefs militaires de terrain d'acquérir des équipements peut-être moins sophistiqués mais parfaitement adaptés à leurs besoins opérationnels.
Comme vous le savez, l'armée de terre a expérimenté avec succès des enveloppes de subsidiarité de 100 000 à 150 000 euros par régiment. À l'échelle des 100 unités élémentaires de l'armée de terre, le coût total équivaut au prix de quelques missiles. J'aimerais connaître votre position sur l'augmentation de ces enveloppes de subsidiarité. Avec notre collègue Damien Girard, nous avons proposé de les doubler et, au-delà du niveau régimentaire, de doter le CEMAT d'un budget d'environ 100 millions d'euros pour lui permettre de réaliser des acquisitions réactives avec des matériels disponibles sur étagère.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Les gilets technologiquement avancés n'ont pas été évoqués lors des visites que j'ai effectuées, y compris celles consacrées à l'innovation, bien que leur livraison soit visiblement programmée. Je m'en réjouis naturellement mais je ne peux donc pas vous indiquer si ces équipements ont été intégrés dans la planification budgétaire. Ils s'inscrivent certainement dans le cadre plus large des marchés publics et de la logistique d'équipement de nos forces armées.
Concernant la subsidiarité, je partage entièrement votre analyse. Dans nos bases militaires, nous observons effectivement un contraste entre des technologies très avancées et la nécessité de savoir opérer en mode dégradé. Les exercices, qu'ils concernent les forces navales, terrestres ou aériennes, intègrent systématiquement cette dimension. L'objectif fondamental reste d'assurer l'opérationnalité de nos forces en tout temps et en tout lieu. Si les nouvelles technologies apportent des capacités considérables et stimulent l'innovation, nos militaires apprennent également à fonctionner dans des conditions dégradées, ce qui fait partie intégrante de leur entraînement.
Mon groupe et moi-même soutenons une augmentation substantielle des enveloppes de subsidiarité. Nous proposons de les porter à environ 500 000 euros pour donner aux régiments une véritable capacité d'action, en lien avec le tissu économique local. Cette agilité est cruciale face à la rapidité de l'innovation. Les procédures d'acquisition centralisées entraînent des délais considérables, au point qu'un drone peut devenir obsolète avant même sa livraison. Il est donc impératif de donner à nos forces cette flexibilité au plus près du terrain.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je tiens à saluer l'évolution significative de l'armée de Terre ces dernières années ainsi que ce budget en augmentation substantielle, notamment pour les munitions qui demeurent un élément essentiel pour l'entraînement de nos soldats.
Concernant l'opération Sentinelle, qui constitue un dispositif majeur de protection de notre population sur le territoire national, plusieurs stratégies de modulation ont été mises en œuvre. Sommes-nous toujours dans la même configuration qu'il y a quelques années ou cette doctrine a-t-elle récemment évolué ?
Par ailleurs, s'agissant du matériel, particulièrement l'équipement SCORPION qui transforme en profondeur l'armée de terre et ses capacités opérationnelles, respectons-nous le calendrier initialement prévu ?
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question porte sur les hautes technologies et les stratégies d'acquisition en produits innovants. J'aimerais obtenir des précisions sur la doctrine et les priorités établies en la matière. Nous parlons d'intelligence artificielle, du programme PENDRAGON, de dronisation et de numérisation. Ces orientations peuvent créer des effets d'aubaine pour de nombreuses start-up qui se positionnent sur ces créneaux sans nécessairement répondre aux besoins réels des forces.
Je m'interroge donc sur nos priorités et sur les risques de saupoudrage dans un écosystème où certaines entreprises n'ont pas la capacité de monter en échelle. Les retours d'expérience sur ces stratégies sont-ils véritablement probants ?
Je m'inquiète particulièrement des risques de discontinuité de service avec des entreprises qui promettent beaucoup mais délivrent finalement peu.
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Concernant l'opération Sentinelle, nous constatons effectivement une évolution significative. Les recommandations présentées en commission de la Défense sont désormais mises en œuvre. Nous avons évolué vers davantage d'agilité et de capacité de réponse aux demandes exceptionnelles, tout en réduisant le dispositif permanent à trois mille hommes. Cette transformation n'altère en rien la sécurité sur notre territoire, car elle s'appuie sur une coordination renforcée, inspirée notamment de l'expérience des Jeux olympiques, avec des forces plus mobiles.
Le programme Pendragon intègre drones, robotisation et intelligence artificielle dans un ensemble cohérent d'innovations majeures. Les capacités robotiques que nous avons pu observer, notamment en Estonie, offrent des possibilités exceptionnelles : livraison de matériel sans exposition humaine, évacuation de blessés en zone de combat, etc. La France ne peut se permettre de manquer ce virage technologique déterminant. Le rapport détaille ces innovations dont les applications concrètes présentent un intérêt stratégique considérable pour nos forces.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). J'ai interpellé la semaine dernière le délégué général pour l’armement (DGA) et le chef d’état-major des armées (CEMA) au sujet du programme du char du futur, le MGCS. Le remplacement du Leclerc à l'horizon 2040 constitue un besoin prioritaire pour l'armée de terre, mais nous manquons actuellement de visibilité sur cette transition. Comment cette jonction serait-elle échelonnée ? Est-il envisagé de rejoindre le programme européen Main ARmoured Tank of Europe (MARTE) pour assurer cette période transitoire ?
Ma seconde question concerne le génie militaire. En tant que co-rapporteure d'une mission sur ce sujet, j’ai constaté que des efforts considérables restent à accomplir pour atteindre nos objectifs opérationnels. Quels sont les besoins budgétaires spécifiques pour le génie, considérant le retard à rattraper dans la préparation aux conflits de haute intensité ?
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je partage entièrement votre analyse, Madame la rapporteure, concernant la nécessité d'un processus d'acquisition plus proche des régiments, intégrant un principe de subsidiarité pour garantir davantage d'agilité. Dans les échanges que vous avez menés, avez-vous identifié des modifications nécessaires du code des marchés publics, tant dans sa partie législative que réglementaire, et quelles seraient ces modifications ?
Par ailleurs, concernant PENDRAGON et le rôle de l'innovation dans l'évolution de l'art militaire, l'une des conditions essentielles de réussite, comme l'a démontré l'exercice Task Force X, réside dans l'adoption d'une architecture logicielle ouverte permettant l'intégration de solutions développées par des start-up. Avez-vous mené une réflexion sur cette nécessité d'ouverture des systèmes logiciels et quelles conclusions en tirez-vous ?
Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis. Concernant le char du futur, le rapport expose de façon détaillée la situation actuelle de ce programme. Nous avons franchi une étape importante avec la création d'une co-entreprise franco-allemande en avril 2025 et la signature du mémorandum d'entente. Le premier contrat sera signé en 2026, permettant de lever progressivement les incertitudes sur la stabilité financière et technique du projet. En attendant l'arrivée de son successeur, le char Leclerc poursuit sa modernisation pour assurer la transition. Les travaux de rénovation sont actuellement réalisés sur le site de l'industriel KNDS à Roanne, avec un total de 200 chars modernisés commandés par la DGA. Il convient néanmoins de rappeler que ces programmes s'inscrivent dans le temps long.
Concernant le code des marchés publics, nous avons effectivement identifié ce point comme essentiel. Face à l'accélération de l'innovation, nous devons impérativement trouver les solutions juridiques permettant davantage d'agilité. Cette réflexion doit être collective, car nous ne pouvons pas nous permettre de conserver un système qui, sans négliger les exigences du droit, ralentit excessivement les procédures d'acquisition. Cette question a également été soulevée lors de l'audition du DGA, confirmant qu'il s'agit d'une problématique majeure nécessitant des évolutions législatives.
Les start-up travaillent activement sur les innovations. Pour avoir observé sur le terrain comment cela se déroule, je peux affirmer qu'il est véritablement impressionnant de constater aujourd'hui la richesse du tissu territorial, l'implication des entreprises, le déploiement d'imprimantes 3D et tout un écosystème extrêmement innovant, y compris parmi nos jeunes recrues militaires. Cette dynamique contribue à la fidélisation des effectifs, car ces personnels sont réellement passionnés par les projets qu'ils nous ont présentés et qu'ils développent en collaboration avec les entreprises implantées dans nos territoires.
Mission Défense – Préparation et emploi des forces : Marine (M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis)
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis.
« Pour avoir une marine, il faut la vouloir beaucoup et surtout la vouloir longtemps. » C'est par ces mots que le prince de Joinville nous rappelle l'importance de la constance en matière navale. Figure emblématique de l'histoire maritime française du XIXe siècle, innovateur et passionné de révolution industrielle, il prit la mer dès l'âge de 13 ans. Devenu amiral, il présida en 1846 la commission qui adopta la propulsion mécanique pour la marine de guerre, alors que la voile dominait encore largement.
L'année prochaine, nous célébrerons les 400 ans de la création de notre marine de combat par le cardinal de Richelieu. Ces quatre siècles représentent en réalité une succession de phases contrastées pour construire, armer et entretenir une marine digne de notre pavillon. Au fil du temps, des décisions malheureuses l'ont parfois affaiblie, notamment à la fin du XIXe siècle où contraintes budgétaires, erreurs stratégiques et instabilité politique se sont conjuguées pour la fragiliser. Compte tenu du rôle essentiel de la mer comme instrument de puissance, ces périodes se sont révélées durablement préjudiciables à la France.
À l'inverse, d'autres époques ont été portées par une forte ambition pour notre pavillon, hissant notre marine au plus haut niveau grâce aux compétences humaines et technologiques qu'elle a toujours su préserver. Ce fut notamment le cas pendant la Guerre froide où, après avoir été détruite durant la Seconde guerre mondiale, notre pays alignait deux porte-avions, vingt-deux sous-marins dont dix nucléaires, et quatre-vingt-deux bâtiments de surface, auxquels s'ajoutaient les navires de soutien. Une marine puissante pour un monde instable.
Cette grande marine, comme l'ensemble des armées, fut considérablement réduite dès 1990. Les pays occidentaux croyaient naïvement à l'avènement d'un homme devenu pacifique et à l'instauration d'une paix perpétuelle. Nous nous sommes donc empressés de recueillir les dividendes de la paix, réduisant nos dépenses de défense jusqu'à 1,35 % du PIB, hors pensions. Nous avons commis une erreur.
Retrouvant le cycle habituel de la marche du monde et des guerres qui l'accompagnent, nous constatons que les empires sont de retour. La mer constitue tout naturellement l'un de leurs terrains d'affrontement, car maîtriser la mer, c'est maîtriser le monde. La guerre en Ukraine mobilise légitimement toutes les attentions depuis 2022. Prenons garde cependant qu'elle ne détourne notre vigilance des enjeux maritimes.
Les prochains engagements majeurs pourraient bien se dérouler en mer. Je pense particulièrement à la mer de Chine, à l'océan Indien ou à la mer Rouge, où nos marins sont régulièrement visés par des missiles balistiques lorsqu'ils escortent les navires de commerce. Les grandes routes maritimes et les détroits comme ceux de Malacca, de la Sonde, de Lombok, ainsi que les canaux comme Suez, risquent de devenir des zones de confrontation maritime. Des sous-marins et bâtiments russes naviguent délibérément à proximité de nos côtes. Par ailleurs, les pressions exercées dans nos zones économiques exclusives outre-mer, le narcotrafic et la traite des êtres humains ne faiblissent pas. N'oublions pas notre dépendance au commerce maritime pour nos approvisionnements en biens et en énergie.
Nos compétiteurs ont parfaitement intégré ces réalités. Depuis 2000, la Russie a admis au service actif vingt sous-marins d'attaque. La Chine possède aujourd'hui, en nombre d'unités, la plus grande marine du monde avec soixante sous-marins et trois porte-avions - elle en alignera six d'ici 2035. En revanche, les États-Unis accumulent les déconvenues dans leurs programmes navals, cumulant retards, problèmes techniques et surcoûts. De son côté, la Royal Navy souffre d'années de sous-investissement et de ruptures capacitaires. Elle peine à recruter, voire à conserver ses marins, ce qui la contraint à désarmer certains bâtiments.
Face à ce sombre tableau, réjouissons-nous que depuis 2017, la France renforce durablement sa marine. Des investissements considérables ont été consentis pour notre flotte qui se renouvelle, se modernise et se transforme. Aucun secteur capacitaire n'est négligé et les recrutements progressent. Son objectif est de faire face aux menaces. Nous devons saluer cet effort qui a mis un terme à des décennies de sous-investissement et conjuré le risque de déclassement qui en découlait.
Néanmoins, il faut amplifier encore cet effort, car nos compétiteurs accélèrent et les menaces s'aggravent partout. Dans le budget 2026, marches et surmarches de 6,7 milliards d'euros permettront d'augmenter de 4,5 % les crédits de paiement de la marine au titre du P178, les portant ainsi à 3,986 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement demeurent quasiment stables à 4,141 milliards d'euros, et de nombreux investissements se poursuivent. Je suis donc favorable à leur adoption.
Toutefois, j'identifie plusieurs risques concernant certains programmes sur lesquels je souhaite attirer votre attention. Le premier concerne les bâtiments de guerre des mines (BGDM), dont la première livraison n'interviendra qu'en 2031. En raison de l'âge avancé de nos chasseurs de mines tripartites, du retour de la guerre des mines, du besoin de sécurisation des abords de la pointe bretonne et de la nécessité d'assurer la liberté de navigation dans les détroits, il est impératif de trouver des solutions évitant toute rupture capacitaire. Ces moyens seraient cruciaux si nos propres ports devaient être minés dans le cadre d'un conflit avec la Russie.
Le deuxième programme concerne les frégates de surveillance déployées dans nos territoires d'outre-mer. Pour des raisons budgétaires, leur service sera prolongé jusqu'en 2034, soit 4 à 5 ans de plus que prévu initialement. Faiblement armées et dépourvues de sonar, malgré leurs qualités indéniables, elles doivent être remplacées par des bâtiments plus puissamment armés. Les corvettes de patrouille européenne semblaient programmées pour prendre leur relève, mais les différentes auditions que j'ai menées n'ont pas dissipé les incertitudes quant à la participation de notre pays à la deuxième phase de ce programme européen.
Enfin, dernier point préoccupant, le contrat du porte-avions de nouvelle génération (PANG) n'est toujours pas signé malgré le vote des autorisations d'engagement dans le PLF 2025. Il en va de même pour les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE-3G).
Par ailleurs, les retards de paiement qui mettent en péril programmes et entreprises qui les réalisent s'accumulent.
Ces décalages de programme soulèvent la question plus large du format de notre marine. Il apparaît aujourd'hui clairement insuffisant au vu des missions à accomplir. Le Premier ministre, alors ministre des Armées, l'a lui-même reconnu : quinze frégates de premier rang, ce n'est pas assez. J'ajouterai pour ma part qu'un seul porte-avions est insuffisant pour assurer la permanence de l'alerte, tout comme demeure insuffisant l'effort sur les drones et sur les munitions, malgré une nette amélioration. Tout cela démontre que la LPM, malgré l'augmentation des crédits, mérite a minima une réévaluation.
Face à des enjeux au moins aussi importants que pendant la Guerre froide, notre pays doit retrouver son format de 1989. Il y va de nos approvisionnements, de la sécurité de nos outre-mer et de notre indépendance.
« La France sans une grande Marine ne saurait rester la France ». C'est ce que le général de Gaulle a rappelé dans un discours à l'école navale. Depuis quatre cents ans, la France est une nation monde. Au moment où les incertitudes politiques sont majeures, rien ne serait pire que de relâcher nos efforts. Une marine s'inscrit dans le temps long, il faut la vouloir longtemps pour qu'à la fin elle dispose des moyens d'accomplir ses missions.
Au fil des siècles, il y a toujours eu de bonnes raisons pour refuser les sacrifices nécessaires, vitaux même. Décaler un programme, c'est faire quelques économies aujourd'hui qui seront payées bien plus chères demain. Lors de sa dernière audition, le CEMA nous a rappelé craindre une confrontation avec la Russie d'ici 4 ans. Ne relâchons pas nos efforts au moment où l'Histoire nous contraint de les accroître. En termes marins, cela se dit : ne mollissons pas !
Mes chers collègues, « la France, par sa situation, est destinée à commander sur les mers. Et il est de l'intérêt de l'État de donner à la Marine les moyens de sa grandeur. » Ces paroles ont 400 ans, l'âge de notre Marine. Elles sont du cardinal de Richelieu.
M. Frédéric Boccaletti (RN). Votre rapport souligne le renoncement à la masse sans laquelle la Marine ne retrouvera jamais la cohérence nécessaire à l'accomplissement de ses missions. Alors que la mission défense acte le renoncement à la dixième unité de patrouilleurs hauturiers et ne prévoit toujours pas la contractualisation des huitième et neuvième, nous craignons un scénario similaire à celui des frégates de défense et d'intervention (FDI).
Dans le même temps, les rapports de charge s'alourdissent, fragilisant nos industriels. Additionnées à ces annonces restées sans suite, ces contraintes menacent la solidité de notre tissu industriel. Comment éviter que cette double tendance ne casse la dynamique industrielle et ne compromette davantage la remontée en puissance de notre Marine nationale ?
M. François Cormier-Bouligeon (EPR). Ces dernières années, les menaces auxquelles nos armées sont confrontées se sont superposées, diversifiées et aggravées. Cette réalité est particulièrement vraie pour notre Marine nationale.
Face à cette situation, notre Marine s'appuie sur des outils formidables : nos quinze frégates de premier rang, polyvalentes. Ces navires assurent la protection du groupe aéronaval ainsi que la défense anti-sous-marine, antiaérienne et antisurface. Ils incarnent la liberté d'action et la capacité d'intervention autonome de la France sur toutes les mers et tous les océans.
Depuis 2022, vous appelez à rehausser leur format afin de passer à dix-huit unités. Le ministère y a répondu. Vous réitérez cet appel dans le rapport que vous venez de nous présenter. Pouvez-vous nous éclairer sur la capacité actuelle des chantiers à produire ces navires supplémentaires ainsi que sur les calendriers probables de livraison, compte tenu de la LPM en cours et des contraintes industrielles identifiées ?
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La LPM actuelle prévoit sept patrouilleurs hauturiers et trois supplémentaires sur la LPM suivante. Le premier est actuellement en chantier chez Piriou et les travaux avancent de manière satisfaisante. Il est important de rappeler la mission de ces patrouilleurs hauturiers : ils remplaceront nos vieux avisos escorteurs type 1969, qu'il est véritablement temps de renouveler. Ces nouveaux bâtiments, d'environ 2 400 tonnes et 92 mètres de long, seront de très beaux navires bien armés. Pour le moment, la fabrication suit le calendrier prévu, même si je ne peux évidemment pas vous garantir l'absence de glissement sur la fin de la LPM
Sur les frégates de premier rang, Naval Group produit actuellement à Lorient une FDI tous les 18 mois. La LPM actuelle prévoit trois FDI et deux sur la suivante. Nous respectons donc les délais, la production avance correctement, et d'ailleurs, la première unité, l'Amiral Ronarc'h, fait le bonheur des marins.
Si nous devions passer à un format à 18 frégates de premier rang, il faudrait que la marine définisse précisément ses besoins. Devons-nous poursuivre la série FDI, éventuellement avec seize silos de lancement supplémentaires d'Aster 30, en plus des seize existants ? Cette question a été soulevée par notre commission il y a 2 ans. Ou bien avons-nous besoin de frégates multimissions (FREMM) supplémentaires, des navires bien plus lourds, de plus 7 000 tonnes ? Ou d’un autre navire, encore à définir ? C’est à la Marine de répondre.
Avec cette perspective de monter en puissance, le principe des « coques blanches », utilisées par l’Italie, a tout son intérêt. Ce principe consiste à construire des navires et, en l'absence d'acheteur immédiat à l'export, c'est la Marine qui les acquiert, ce qui permet de maintenir l’activité dans les chantiers navals, de tenir les délais et les prix.
Mme Caroline Colombier (RN). La Marine nationale est aujourd'hui confrontée à deux défis majeurs : la prolifération des drones sous-marins offensifs, parfois de type kamikaze, et la vulnérabilité croissante de nos câbles sous-marins qui assurent plus de 95 % du trafic mondial de données. Le PLF 2026 prévoit-il un renforcement significatif des moyens dédiés à la surveillance et à la protection de ces infrastructures, notamment dans le cadre du système de lutte antimines navales futur (SLAM-F) ou via le développement de drones autonomes anti-sous-marins ? Plus largement, comment la Marine anticipe-t-elle la montée en puissance des menaces hybrides sous-marines, à la fois technologiques et informationnelles, dans un contexte de compétition stratégique accrue sur les fonds marins ?
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous venez d'affirmer qu'un modèle à un seul porte-avions n'était sûrement pas suffisant. Je ne vais pas entrer dans le débat un porte-avions, deux porte-avions ou zéro porte-avions. Un choix semble avoir été fait d'un porte-avions en acceptant certaines dépendances. Je pense notamment aux catapultes électromagnétiques, où la décision a été prise d'une dépendance aux États-Unis avec l'achat de ces équipements déjà planifié. Dans votre rapport, vous précisez que seules deux nations produisent aujourd'hui des catapultes électromagnétiques : les États-Unis et la Chine. Le président Trump vient de déclarer lors de son déplacement au Japon qu'il souhaitait abandonner les catapultes électromagnétiques et qu'il allait prendre un ordre exécutif pour revenir aux catapultes à vapeur afin d'éviter des coûts de 900 millions de dollars. Si les États-Unis arrêtent cette production, je ne crois pas que l'industriel américain continuera la fabrication ou assurera le maintien en conditions opérationnelles pour les catapultes françaises. Quel est donc le plan B pour notre porte-avions si les États-Unis arrêtent cette production ?
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Votre question sur la maîtrise des fonds marins est particulièrement importante. Comme vous l'avez rappelé, 95 % de nos communications transitent par des câbles sous-marins, lesquels peuvent également supporter divers capteurs susceptibles d'accomplir bien d'autres fonctions.
Le programme SLAM-F revêt une importance capitale. Je dois cependant reconnaître qu'il accuse actuellement un dérapage dans le cadre de la LPM, ce que je regrette profondément, notamment concernant la partie BGDM. Une capacité intérimaire est donc nécessaire, sur laquelle la Marine travaille actuellement.
Il convient néanmoins de souligner que le premier module de lutte contre les mines a déjà été livré, qu'il remplit parfaitement sa mission et démontre une efficacité remarquable. De ce point de vue, nous n'aurons pas à déplorer de perte capacitaire, ce qui est fondamental.
Concernant les catapultes électromagnétiques, leur nécessité s'explique d'abord par l'évolution considérable du poids des aéronefs depuis les années quatre-vingt. Considérez simplement la différence entre les Étendard, les Super Étendard et les Rafale actuels - nous parlons d'appareils radicalement différents. L'armement embarqué sous ces appareils et leur capacité d'emport en kérosène impliquent également des masses extrêmement importantes. C'est précisément en cela que la catapulte électromagnétique démontre toute son efficacité. Son avantage réside également dans sa capacité à effectuer des lancements répétés sans interruption, contrairement aux systèmes à vapeur. Cette caractéristique confère une efficacité nettement supérieure pour le déploiement d'un groupe aérien embarqué.
Quant au président Trump et ses choix en la matière, nul doute qu'il changera encore d'avis demain. Je pense que lorsque ses marins lui auront fait comprendre que les catapultes à vapeur ne conviennent que pour lancer des appareils légers, et non les aéronefs modernes, il reviendra sur sa position. Il est d'ailleurs significatif que les Chinois, qui viennent de lancer leur troisième porte-avions - un véritable porte-avions cette fois, et non un simple porte-aéronefs - l'aient équipé de catapultes électromagnétiques. Si la Chine a fait ce choix, c'est qu'il présente manifestement un intérêt stratégique.
Pour revenir au fond de votre question, je tiens à rappeler qu'au moment du lancement du Charles de Gaulle, un sister-ship était prévu. Nous aurions dû, quelques années après le désarmement du Foch, disposer d'un second porte-avions à propulsion nucléaire. Ça n’a pas été le cas. Je soutiens aujourd’hui la nécessité d'un second porte-avions pour assurer la permanence de l'alerte. Si ce choix devait être fait, il serait alors peut-être rentable d’investir nous-mêmes dans des catapultes magnétiques et les brins d’arrêt associés.
Mme Nadine Lechon (RN). Je souhaite revenir sur les FDI. La frégate Amiral Ronarc'h, livrée à la Marine nationale le 17 octobre dernier, sera suivie dans les années à venir par plusieurs autres frégates qui viendront renforcer nos forces navales. Si ces bâtiments peuvent déjà accomplir de nombreuses missions, il a été indiqué que nos frégates sont moins bien équipées que celles livrées à la marine grecque. Certes, la Grèce se trouve dans une situation de tension permanente avec son turbulent voisin turc, mais cette différence soulève néanmoins des interrogations. Est-ce que le PLF 2026 prend bien en compte le coût éventuel d'une mise à niveau de nos FDI, dans l'hypothèse où nous devrions ultérieurement améliorer leur armement et leurs équipements.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je tiens à souligner la pertinence de votre rappel : la guerre en Ukraine ne doit pas nous faire oublier que nous devons être prêts à affronter des menaces à 360 degrés. Lorsque nous entendons aujourd'hui le Secrétaire américain à la Défense affirmer que l'approvisionnement de l'Europe qui transite par les détroits relève d'abord d'un intérêt européen, nous pouvons imaginer que si demain un conflit éclate en zone Asie Pacifique mobilisant les forces américaines, la protection de Bab-el-Mandeb, de Malacca ou d'Ormuz deviendra essentiellement un problème français.
Ma question porte sur la guerre des mines, sujet qui, vous le savez, constitue l'une de mes préoccupations constantes. Le retard que nous accusons concernant les BDGM - pas le programme SLAM-F dans sa partie robotique - est-il dû à un problème budgétaire ou à une difficulté technique ? En termes plus précis, les marches ou surmarches budgétaires actuelles ou futures permettront-elles de le résoudre ?
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Comme je l'indiquais en préambule, nous avons commandé cinq FDI : trois dans le cadre de l'actuelle LPM, deux dans la suivante. Les trois premières unités sont équipées de seize missiles Aster. Les unités numéro 4 et 5 seront dotées de 32 Aster. Par la suite, une mise à niveau des unités 1, 2 et 3 sera effectuée.
Trois pays ont passé commande de BGDM construits en France chez Piriou : la Belgique, les Pays Bas et la France. Les Belges ont reçu leur premier bâtiment il y a quelques semaines, ce qui démontre que le programme avance correctement.
Quant à notre retard, il s'explique par plusieurs facteurs. L'une des raisons principales réside dans la spécificité de notre approche de la guerre des mines : la France emploie des plongeurs démineurs qui interviennent parfois à des profondeurs nécessitant la présence à bord d'un caisson hyperbare pour traiter d'éventuels accidents de remontée. Comme vous le savez, en cas d'accident de plongée, il faut pouvoir recomprimer les bulles d'azote pour éviter qu'elles ne provoquent des lésions cérébrales. Cet équipement représente une extension de 3,50 mètres de la longueur du bâtiment. Si ce n'est pas nécessairement la cause première du retard, c'est néanmoins un élément significatif. Par ailleurs, la Marine réfléchit également aux modalités de mise à l'eau des équipements, hésitant entre un déploiement latéral bâbord/tribord ou par l'arrière du navire.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Merci Monsieur le rapporteur de nous faire partager votre passion pour la Marine nationale, et je dois dire que nous partageons pleinement vos constats.
Si nous recevons effectivement de nouvelles unités navales, nous disposons également de bâtiments plus anciens dont le MCO peut parfois entraîner l'immobilisation pendant de très longs mois. Le MCO est-il suffisamment agile, efficace et rapide ? Quelle analyse faites-vous de cette situation ? Considérez-vous que ce poste est correctement financé ?
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail approfondi concernant notre marine, dont les capacités sont essentielles, y compris dans le contexte de la guerre d'agression russe en Ukraine. Lors de mes échanges avec le chef d'état‑major de la marine ukrainienne à Odessa, celui-ci m'a décrit comment il était parvenu à immobiliser la flotte russe en mer Noire, permettant ainsi la réouverture des routes commerciales ukrainiennes.
Essayons de raisonner avec les moyens dont nous disposerons effectivement dans les prochaines années, et non avec ceux de nos aspirations idéales. Je souhaite vous interroger sur votre travail concernant la flotte stratégique. J’ai constaté hier dans l'hémicycle que nous avions besoin de consolider le consensus autour de l'importance du pavillon français. Notre marine nationale dispose d'une centaine de bâtiments, tandis que la flotte stratégique, c'est-à-dire la flotte marchande, compte environ quatre cents navires. Pour conduire des opérations d'envergure, comme l'ont démontré les Britanniques en 1982 lors de la reprise des Malouines malgré l'importance de leur Royal Navy, la mobilisation des capacités civiles s'avère indispensable. Durant la guerre froide, nous bénéficions à la fois du volume de nos moyens militaires et d'une articulation efficace avec les moyens civils. Le PLF 2026 prévoit-il des ressources permettant de retrouver cette cohérence capacitaire entre la marine nationale et la marine marchande ?
M. Damien Girard (EcoS). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la clarté de votre rapport. Je me réjouis que vous y repreniez le besoin d'une évolution à 18 frégates de premier rang pour notre marine, constituant un minimum comparable à celui de l'Italie qui dispose pourtant d'un périmètre stratégique bien plus restreint.
Face aux nombreuses menaces en Europe, en Outre-mer, et pour assurer notre dissuasion, l'acquisition de trois FDI supplémentaires apparaît véritablement nécessaire. L'hypothèse que vous évoquez d'un prêt de frégates de la marine italienne à la marine nationale semble toutefois peu opérationnelle et difficilement compatible avec notre souveraineté nationale. Je comprends que nos marges de manœuvre budgétaires sont limitées – nous en sommes tous conscients – mais pourquoi ne pas avoir davantage exploré dans votre rapport la possibilité de commandes supplémentaires en format « coques blanches » ? Vous venez d'ailleurs de l'évoquer oralement, et cette option est également approuvée par le chef d'état-major de la marine nationale. Cette approche nous permettrait de renforcer notre compétitivité industrielle en disposant de bâtiments immédiatement disponibles pour des clients étrangers, tout en les mettant à disposition de notre propre marine dans l'attente d'une éventuelle conclusion de ces contrats.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En matière de MCO, nos équipes parviennent à accomplir de véritables miracles. Cela concerne notamment plusieurs bâtiments anciens, tels que les avisos – désormais appelés patrouilleurs de haute mer – qui nécessitent un travail remarquable des équipes, tout comme nos vieux chasseurs de mines.
La mission Clémenceau 25 illustre parfaitement cette excellence : l'envoi pendant plusieurs mois d'un groupe aéronaval aussi loin de nos bases, en mer de Chine et dans l'océan Indien, représente un défi logistique considérable. La réussite du MCO, y compris à grande distance de nos infrastructures, démontre notre grande capacité d'intervention rapide. Cette performance mérite d'être saluée, car l'arrière est ce qui permet à l'avant de tenir.
Le principe de la flotte stratégique est effectivement fondamental. Je vous remercie d'avoir rappelé la mission gouvernementale qui m'a été confiée sur la réactualisation de ce dispositif. Actuellement, un certain nombre de navires ont été identifiés pour intégrer la flotte stratégique. Parmi les quelque quatre cent cinquante bâtiments sous pavillon français, tous n'ont pas vocation à y être incorporés. Un navire poseur de câbles sous-marins y sera intégré, de même que des bâtiments assurant certaines missions spécifiques avec des équipages combinés. Le dispositif progresse de manière très satisfaisante. Nous avons déjà mis en œuvre plus de 65 % des recommandations formulées dans ce rapport. La marine marchande, les armateurs et la marine nationale avancent efficacement, ensemble, notamment sur le volet des formations avec des préparations militaires supérieures spécialement créées pour permettre aux élèves de l'École de la Marine Marchande d'endosser l'uniforme, de suivre une préparation militaire spécialisée, et de pouvoir ensuite être mobilisés au titre de la flotte stratégique. Cette évolution est très encourageante et mérite d'être soulignée. La LPM a d'ailleurs modifié plusieurs articles du Code de la Défense en ce sens.
Pour conclure sur le point évoqué par Monsieur Girard, j'ai peut-être été mal compris : il ne s'agit aucunement d'emprunter des frégates italiennes, mais bien d'adopter le principe que les Italiens ont mis en place, à savoir celui des « coques blanches » dont j’ai rappelé les avantages.
La séance est suspendue de 11 heures 20 à 11 heures 30.
Mission Défense – Préparation et emploi des forces : Air (M. Frank Giletti, rapporteur pour avis)
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. En préambule, je souhaite rendre hommage à l'aviatrice de première classe Lauriane Begue, décédée accidentellement le 22 juillet 2025 lors d'une marche d'instruction avec sa section en Guyane, ainsi qu'à l'adjudant-chef Frédéric Delamort, retrouvé sans vie dans sa chambre le 1er septembre 2025 alors qu'il effectuait un stage sur la base de Cazaux.
Plus que jamais, nous devons nous montrer à la hauteur de l'engagement de nos militaires. La capacité à contrôler efficacement la politique publique de défense constitue un prérequis fondamental pour leur donner les moyens d'accomplir leurs missions.
Avant de vous présenter l'évolution des crédits de l'armée de l'air et de l'espace, je tiens à attirer votre attention sur les conditions dans lesquelles nous avons préparé cet avis. Je souligne une fois encore la difficulté que nous rencontrons pour évaluer l'efficacité des crédits votés en faveur de l'amélioration du maintien en condition opérationnelle des matériels. Ces crédits représentent près de 58 % des crédits du BOP de l'armée de l'air. Or, depuis le PLF 2024, les indicateurs de disponibilité des matériels ne sont plus accessibles aux parlementaires, à l'exception des rapporteurs pour avis qui ne peuvent toutefois pas en faire état. En outre, à cette heure, plus d'une quinzaine de réponses à mon questionnaire budgétaire, pourtant envoyé dès le 10 juillet, me font encore défaut. Peut-être arriveront-elles demain mais alors il sera trop tard. L'incertitude politique actuelle ne peut justifier l'ensemble de ces manquements.
Afin que nos armées n’arrivent pas trop tard, examinons plus en détail ce budget 2026. Le gouvernement affiche cette année un effort budgétaire présenté comme historique en faveur de la mission défense. La seule question qui doit nous préoccuper est la suivante : que financera réellement cette marche de 3,2 milliards d’euros et cette surmarche de 3,5 milliards si nécessaires ? Je m'inquiète particulièrement de l'augmentation continue des reports de charge de la mission défense. Ils atteignent 8 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 32 % par rapport à 2023.
L'augmentation tendancielle du report de charges a pour conséquence directe de rigidifier les paiements et de réduire les liquidités puisqu'une partie substantielle des ressources de l'année sera consacrée au financement des dépenses obligatoires de l'exercice précédent. Dans ce contexte budgétaire particulièrement alarmant, il convient de s'interroger sur la part de cet effort budgétaire supplémentaire qui reviendra à l'armée de l'air et de l'espace.
Les crédits de paiement de l'action 4 du programme 178 connaissent une augmentation très significative cette année par rapport à l'exercice précédent, avec une hausse de 31 % en autorisations d'engagement et de 6,5 % en crédits de paiement. Dans le détail, les principales augmentations concernent notamment une hausse de 30 % des crédits de paiement relatifs à l'entretien programmé du matériel des flottes aéronautiques des forces aériennes stratégiques, une progression de plus de 34 % des autorisations d'engagement relatives à l'entretien programmé des flottes aériennes hors dissuasion, une augmentation des engagements de 28 % sur l'opération budgétaire relative aux munitions et armements, et enfin une hausse sensible des autorisations d'engagement consacrées aux projets d'infrastructures opérationnelles.
Au-delà des strictes autorisations du programme 178, la marche et la surmarche financeront des objets majeurs pour l'armée de l'air et de l'espace que j'appelais de longue date : prémices d'une capacité d'alerte avancée, capacités de suppression des défenses aériennes ennemies (suppression of enemy air defenses - SEAD), accroissement de la cible A400M, commande des deux premiers avions Global Eyes destinés à remplacer à terme les avions Awacs de guet aérien.
Pour autant, j'exprime dans ce rapport de nombreux points d'attention. Qu'est devenue la promesse formulée par notre ancien ministre des Armées concernant les vingt avions Rafale supplémentaires pour l'armée de l'air et de l'espace ? Nous la cherchons encore dans l'indigence des documents budgétaires.
Concernant la disponibilité des flottes et l'activité des aviateurs, je constate que, sur le segment de l'avion de chasse, si la disponibilité semble en très légère progression cette année encore, la montée en puissance des contrats verticalisés prend cependant un temps considérable. S'agissant de l'aviation de transport tactique, bien que la montée en puissance de la flotte A400M se poursuive, la disponibilité de cet agrégat reste limitée en raison de la durée des visites industrielles et des chantiers de rétrofit rencontrés sur les flottes vieillissantes du C130H et du Casa CN-235.
Concernant la flotte d’hélicoptères, les difficultés structurelles de la flotte Puma vieillissante impactent significativement la disponibilité. Enfin, sur le segment des armements de défense sol-air, le fort engagement opérationnel ainsi que les opérations de cession ont limité une disponibilité qui reste néanmoins en progression.
Comme l'an dernier, je déplore que la cible d'activité des pilotes de chasse pour l'année 2026 demeure malheureusement inférieure à l'activité qui a pu être réalisée dans les années récentes et toujours en deçà de la norme Otan de 180 heures par an et par pilote. Cette cible d'activité de nos pilotes de chasse reflète les limites structurelles induites par le format insuffisant de notre aviation de chasse.
J'effectue par ailleurs les mêmes constats pour la cible annuelle d'heures de vol des pilotes de transport tactique. Si je me réjouis de voir augmenter cette cible en 2026 et les années postérieures, celle-ci demeure trop distante de l'objectif visé dans la LPM.
Concernant le segment des hélicoptères, le remplacement progressif de la flotte vieillissante de Puma par les H225M en 2025-2026 devrait permettre à la fois d'augmenter la disponibilité du parc, mais aussi, mécaniquement, le temps de vol des pilotes.
Enfin, concernant les enjeux capacitaires majeurs pour l'armée de l'air, une décision est toujours en attente sur un futur avion de transport et d'assaut de segment médian. Le soutien au projet de cargo médian tactique doit demeurer une priorité, qui plus est dans un contexte où la cible initiale de cinquante A400M a été substantiellement révisée à la baisse.
Je souhaite par ailleurs transmettre un message très clair. Le périmètre définitif du standard F5 du Rafale doit être le plus ambitieux possible. Le lancement des travaux de développement des principales capacités du standard F5 et de son drone de combat furtif accompagnateur (UCAV) devrait intervenir en 2026. La décision relative au périmètre exact du standard F5.1 devrait être arrêtée à la fin de l'année 2025. Par ailleurs, la connectivité renforcée du standard F5 se traduira par des besoins en puissance électrique embarquée toujours croissants.
Or, la puissance du moteur Rafale, 7,5 tonnes, est restée inchangée depuis son lancement. La solution de moteur T-Rex de9 tonnes proposée par Safran doit donc inexorablement figurer dans le périmètre final du standard F5. L'implantation du T-Rex sur le standard F5 permettra de s'assurer que Safran sera en capacité de concevoir un moteur de 11 tonnes pour le futur new generation fighter (NGF). Je déplore que le T-Rex ne figure pas dans le budget présenté par le gouvernement, alors même que son développement constitue une garantie de souveraineté non négociable.
Les travaux menés actuellement dans le cadre de la phase 1B du système de combat aérien du futur (SCAF) devaient aboutir à une architecture de référence en 2025. Or, j'ai appris que la fin de cette phase 1B ferait l'objet d'un report au milieu de l'année 2026. Le projet accuse donc actuellement un retard de près de six mois. D'après les éléments qui m'ont été transmis, les parties françaises, allemande et espagnole seraient d'accord sur le besoin opérationnel. Aujourd'hui, la coopération semble achopper essentiellement sur des désaccords au niveau industriel. Au sein du pilier 1 relatif au chasseur de nouvelle génération, dont il est censé être le maître d'œuvre, Dassault est minoritaire face à Airbus Allemagne et Airbus Espagne, qui gèrent de facto les deux tiers de ce projet. Ce déséquilibre pénalise indubitablement l'efficacité du programme, alors même que le savoir-faire unique en matière de conception et de production d'avions de combat de Dassault est reconnu par tous.
Dans le cas où la renégociation entre les industriels du pilier 1 se heurterait à une fin de non-recevoir, je plaide pour une émancipation souveraine du pilier 1 hors du cadre de la coopération européenne, et ce, dans l'intérêt de nos forces armées.
La seconde partie de mon rapport porte sur la nécessité de reconquérir dans les meilleurs délais une capacité d'entrée en premier pour nos chasseurs. Je plaide pour un renforcement du volet offensif de la défense aérienne intégrée.
La récente guerre des 12 jours entre Israël et l’Iran a mis en lumière la valeur stratégique des capacités israéliennes de suppression des défenses aériennes ennemies. Dans un contexte d'asymétrie structurelle des coûts entre l'attaque et la défense au profit de l'attaque, le glaive doit être mis au service du bouclier en imposant des dilemmes stratégiques à nos adversaires. Or, la France a abandonné le missile antiradiation Martel à la fin des années 1990. = Il est donc urgent de regagner aujourd’hui une capacité SEAD de moyenne et longue portée.
Sans cette capacité, il existe un risque majeur que la France soit reléguée en deuxième rideau lors d'une opération en coalition, les nations dotées de capacités SEAD effectuant dans un premier temps une mission d'ouverture de brèche dans l'espace aérien adverse avant de faire entrer les nations non SEAD dans un second temps. Mon rapport détaille l'ensemble des éléments et programmes d'armement en cours visant à reconquérir cette capacité. Le Rafale au standard F5.1 devra ainsi être équipé de capacités SEAD de moyenne et longue portée. Cette capacité doit être non négociable dans le périmètre qui sera bientôt retenu pour ce standard. Il nous appartient donc de donner aux armées les moyens d'être à l'heure avant qu'il ne soit trop tard.
Mme Caroline Colombier (RN). Il me semble important de le souligner à nouveau : le taux de disponibilité moyen des appareils de l'armée de l'air et de l'espace, toutes flottes confondues, est bien trop insuffisant pour répondre aux besoins de leurs missions. Vous avez d'ailleurs parlé de « format insuffisant ». Je pense notamment à notre flotte de chasse. Dans le cadre d'un engagement de haute intensité, cette faiblesse structurelle réduirait considérablement notre potentiel aérien réel. Vous ne cessez d'ailleurs d'alerter sur ce sujet. Encore l'année dernière, vous vous inquiétiez du format sous-dimensionné de notre aviation de chasse. Le PLF 2026 prend-il acte de cette carence ?
Mme Marie Récalde (SOC). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour vos propos. Ma première question porte sur le Red Air que vous mentionnez aux pages 28 et 29 de votre rapport. Une solution de remplacement est effectivement nécessaire. Je partage votre constat quant à la nécessité d'une solution souveraine, mais faut-il accroître le budget d'acquisition des successeurs des Alpha Jet vieillissants par le développement d'un segment d'aviation de chasse léger, ou plutôt externaliser vers l'acquisition d'avions de type Pilatus, déjà utilisés, voire des plateformes plus économiques comme l'Air Tractor AT802 ? Existe-t-il en France une entreprise capable de répondre à ces besoins et quelles garanties avons-nous qu'une solution pérenne sera trouvée ?
Ma seconde question porte sur le SCAF. Tout en poursuivant les investissements nécessaires prévus dans la LPM 2024-2030, y a-t-il lieu de demander un rapport sur la faisabilité technique et l'acceptabilité politique, tant au niveau national qu'européen, d'une telle solution, notamment concernant la possibilité de poursuivre le développement du cloud et des remote carriers en coopération européenne ?
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Le format est effectivement structurant pour l'armée de l'air et de l'espace. Il ne s'agit pas uniquement de l'aviation de chasse, mais également du transport et du segment hélicoptère. L'armée de l'air est actuellement sursollicitée entre ses activités opérationnelles, son entraînement et ses multiples missions. Je pense à l'armement de ses bases en Jordanie, à sa présence à Djibouti, à la réassurance du flanc est, à Mayotte, ainsi qu'à diverses activités de service public, notamment pour la mission Héphaïstos, pour le transport de greffons dans le cadre de programmes de santé, ou encore le pont aérien effectué après les inondations à Mayotte. Nous observons un empilement d'opérations qui met cette armée de l’air en tension permanente. Je n'évoque même pas les exercices pourtant essentiels à la crédibilité et à la robustesse de notre dissuasion et de notre armée de l'air et de l'espace.
Ce constat est unanimement partagé, tant par l'état-major de l'armée de l'air et de l'espace que par le ministre qui a affirmé ici même que, tout comme le format optimal pour les frégates est de dix-huit bâtiments de premier rang, celui de l'armée de l'air et de l'espace doit être de deux cent trente plateformes aériennes.
Le problème réside dans la mutualisation imposée par l'empilement des contrats opérationnels. En cas d'alerte nucléaire, par exemple, un arbitrage inévitable devra être fait entre l'opération stratégique et l'opération conventionnelle, au détriment des missions opérationnelles ou des postures permanentes de sûreté aérienne et de dissuasion. Cette situation n'est pas acceptable. C'est pourquoi je plaide pour la démutualisation de ces missions, avec une sanctuarisation claire des Rafale nécessaires à la dissuasion d'une part, et l'affectation des autres Rafale ou Mirage aux missions conventionnelles d'autre part.
Ce format impacte également l'entraînement. La norme Otan est de 180 heures de vol par pilote et par an. Nous en sommes très loin, et bien que ces chiffres soient en diffusion restreinte, les objectifs sont toujours ambitieux mais le réalisé demeure constamment insuffisant. Cette situation affecte particulièrement les jeunes pilotes qui, n'ayant pas l'occasion de participer aux opérations, volent moins que leurs collègues plus expérimentés. Cette réalité nuit à la fidélisation de ce personnel hautement qualifié qui pourrait envisager d'autres horizons s'il ne vole pas suffisamment. Par ailleurs, nos avions, trop peu nombreux, subissent une surutilisation estimée à 15 %.
Concernant le PLF 2026, dont je dois souligner l'indigence, les vingt Rafale supplémentaires, pourtant annoncés par notre Premier ministre et confirmés par le président de la République, n'y figurent pas. Paradoxalement, le terme « réarmement » est utilisé plus d'une cinquantaine de fois dans ces documents, sans que cela ne se concrétise clairement. Les seules commandes qui apparaissent visent malheureusement à compenser l'attrition due au tragique accident survenu l'année dernière entre deux Rafale.
Concernant le Red Air, j'estime qu'il s'agit d'une nécessité à laquelle nous répondons avec retard. L'année dernière déjà, une réponse à l'appel d'offres aurait dû intervenir. Celui-ci a été renouvelé et les offres sont en train d’être étudiées. Je plaide résolument pour une solution française, car ces activités de plastron - pour lesquelles on utilisait beaucoup les Fouga Magister - peuvent potentiellement dévoiler des informations sensibles à nos compétiteurs. Les autres sociétés, d'après mes renseignements, disposent de fonds ou d'origines anglo-saxonnes, ce qui renforce ma conviction qu'une solution nationale doit être privilégiée.
Il faudra également, et c'est je crois le fond de votre question, envisager sérieusement le successeur de l'Alphajet. J'ai alerté à plusieurs reprises sur ce point, qui fait l'objet d'amendements repris par d'autres groupes. Nous devons penser à remplacer ces appareils qui, au-delà de la fierté nationale qu'ils procurent en équipant la Patrouille de France, assurent ces missions essentielles d'opposition pour l'entraînement de nos forces. Actuellement, aucune solution n'est définie. Dans un premier temps, donnons au moins les moyens à nos armées de s'entraîner correctement en contractualisant cette mission Red Air.
Sur le SCAF, nous nous dirigeons vers une impasse. Clarifions d'abord ce dont nous parlons. Le NGF constitue la plateforme destinée à remplacer le Rafale. Ce NGF s'inscrit dans le next generation weapon system (NGWS) qui comprend non seulement la plateforme, mais aussi le cloud de combat et les remote carriers - ces drones d'accompagnement. Le SCAF englobe l'ensemble avec des systèmes de connectivité étendus, y compris terrestres, et intégrant le Rafale F5.
Aujourd'hui, les industriels peinent à s'entendre, ce qui est compréhensible au regard de la structure du projet. Dassault, qui représente à mes yeux le meilleur compétiteur dans ce domaine, n'a pas la main sur ce pilier fondamental car, dans une configuration à trois partenaires, deux s'opposent généralement au troisième - ces deux autres étant Airbus Espagne et Airbus Allemagne. Néanmoins, nous comprenons parfaitement que ces aéronefs évolueront dans un contexte allié et en collaboration. Nous pouvons donc tout à fait envisager des coopérations européennes sur le cloud ou sur la connectivité, mais à une condition sine qua non : qu'elles servent les intérêts des armées françaises.
Nous avons trop longtemps initié des coopérations, comme le SCAF ou le MGCS, sur des bases idéologiques ou politiques, avant même de considérer les besoins réels de nos armées. Définissons d'abord un programme précis, allouons les moyens nécessaires, désignons un maître d'œuvre pour ces collaborations, et alors oui, nous pourrons avancer, mais uniquement si cela répond véritablement aux besoins de nos forces armées, avec pour objectif l'interopérabilité entre notre futur chasseur de nouvelle génération et les chasseurs européens et de l'Otan.
M. Thierry Tesson (RN). J'aimerais vous interroger sur les capacités SEAD, c'est‑à‑dire la neutralisation des défenses aériennes adverses. Actuellement, cette capacité repose sur le programme Stratus de MBDA, mais également sur le programme Armement air surface futur (AASF), dont la commande est prévue en 2026. Je note avec préoccupation que ce programme ne devrait être pleinement opérationnel qu'en 2035, ce qui nous laisse une décennie de vulnérabilité potentielle. Ne serait-il pas judicieux d'acquérir d'ici là, sur étagère, des moyens qui permettraient de combler cette lacune capacitaire, comme nous l'avons fait pour le renseignement d'origine électromagnétique avec le système Solar de Saab ? Je pense notamment à la solution américaine de missiles antiradars à grande vitesse HARM, déjà éprouvée chez nos alliés.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je m'interroge sur notre façon d'évaluer la situation de l'armée de l'air. Les budgets augmentent dans des proportions importantes et nous devons continuer à investir pour renforcer ses capacités. Il convient de reconnaître le chemin parcouru, en gardant à l'esprit que l’armée de l’air avait subi la déflation la plus rapide lors de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et qu'elle a dû faire face à d'importantes difficultés pour se reconstruire. Je tiens à saluer l'engagement de tous les aviateurs et aviatrices.
Au-delà des équipements, ce sont bien des hommes et des femmes qui font fonctionner notre système de défense aérienne. Où en sommes-nous concernant la formation ? Devient-elle plus agile ? Cette question est cruciale pour la fidélisation de nos militaires. Identifiez-vous dans ce budget, malgré les difficultés que vous avez rencontrées pour l'analyser dans les délais impartis, un volet formation adapté aux besoins de notre armée de l'air à l'horizon 2026 ?
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Permettez-moi de préciser, Madame la Ministre, que mes propos ne sont nullement négatifs. Je ne critique en aucun cas nos armées, et encore moins l'armée de l'air et de l'espace. Je soulève des points d'attention, ce qui relève pleinement de notre rôle de parlementaire d'identifier les lacunes et les failles capacitaires.
Je me fais simplement l'écho des déclarations du Premier ministre, anciennement ministre des Armées, et du chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace, qui affirment clairement que le format optimal devrait atteindre deux cent trente plateformes pour répondre à l'empilement opérationnel auquel notre armée de l'air fait face avec beaucoup de courage et de dévouement. Notre responsabilité est de lui donner tous les moyens nécessaires, particulièrement pour sa mission fondamentale qu'est la dissuasion, cœur même de notre défense nationale.
Concernant la formation, le recrutement, après avoir connu quelques difficultés ces dernières années, affiche désormais des résultats positifs. D'après les informations obtenues auprès du directeur du personnel de l'armée de l'air et de l'espace, le plafond d'emploi est atteint en 2024 et le sera également en 2025, avec des perspectives très favorables pour 2026. Cette armée jeune et technique doit former de nombreux spécialistes, notamment des pilotes. Un chiffre illustre particulièrement ce défi : un tiers des effectifs est renouvelé tous les quatre ans. J'avais constaté l'an dernier des retards dans la formation des pilotes à Cognac, dus à un engorgement et à l'impossibilité de leur proposer suffisamment d'activité aérienne. Cette situation est en voie de résorption et je fais confiance à cette armée reconnue pour son agilité pour absorber ce flux.
La capacité SEAD constitue une condition sine qua non pour que la France conserve son statut de grande nation militaire avec cette capacité d'entrée en premier. Cette compétence, que nous avons perdue, mérite d'être analysée à la lumière des conflits récents. Le conflit russo-ukrainien démontre que sans supériorité aérienne, totale ou partielle, la bataille s'enlise dans une configuration rappelant la Première guerre mondiale, avec des tranchées, car aucun des belligérants n'a pu établir cette supériorité à cause des défenses sol‑air.
Un autre conflit moins médiatisé mais particulièrement instructif est la plus grande bataille aérienne du XXIe siècle, entre l'Inde et le Pakistan, où des centaines de plateformes se sont affrontées face à des défenses sol-air très actives, soulignant l'importance cruciale de la capacité à neutraliser les défenses antiaériennes adverses.
Enfin, la guerre des 12 jours entre Israël et l'Iran constitue une démonstration éclatante de la nécessité de disposer d'armes de suppression des défenses sol-air ennemies pour garantir l'efficacité d'une action militaire, tant sur le plan diplomatique que militaire. Rappelons que deux vagues d'attaques ont détruit les défenses sol-air iraniennes, suivies d'un grand raid qui a neutralisé de nombreuses installations stratégiques, avec un impact significatif sur le programme nucléaire iranien et sur l'arrêt des hostilités.
Aujourd'hui, nous ne disposons pas d'armement spécialisé dans ce domaine. Nous utilisons des missiles Scalp et des AASM, mais ces armes servent également à détruire des cibles à haute valeur ajoutée. Depuis l'abandon du missile Martel en 1997, dans le contexte de fin de la Guerre froide et d'évolution de notre modèle d'armée reposant sur la dissuasion nucléaire et la capacité expéditionnaire, cette capacité a été délaissée alors qu'elle devient désormais indispensable.
J'ai rencontré des industriels, notamment MBDA, qui développe actuellement un projet de missile de croisière supersonique destiné à la SEAD. Je pense en particulier au RJ10, récemment renommé Stratus RS. Cette capacité, vraisemblablement une première mondiale en Europe, permettra de cibler et de détruire un système de défense antiaérienne même lorsque celui-ci n'est pas en émission active. Traditionnellement, les radars qui cessent d'émettre deviennent indétectables, mais cette nouvelle technologie franchit ce seuil qualitatif. Ce missile combinera vitesse, manœuvrabilité et donc une faible vulnérabilité à l'interception, ainsi qu'une charge militaire suffisante pour détruire non seulement le radar, mais l'ensemble du système de défense antiaérienne, comprenant le centre de commandement, les lanceurs et les radars associés. D'autres armes moins onéreuses en développement, comme le Smart Glider et le Smart Cruiser de MBDA, offriront la possibilité de saturer les défenses sol-air.
Le missile HARM américain équipe plusieurs pays européens comme l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie et la Grèce. Cependant, les délais de contractualisation, d'acquisition et d'adaptation nécessaire à nos plateformes prendraient probablement autant de temps que le développement d'une arme souveraine. Un missile américain resterait sous leur contrôle, avec les difficultés inhérentes d'évolution ou d'utilisation autonome, car ils conserveraient toujours une forme d'autorité sur cet équipement.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Je souhaite vous poser deux questions précises concernant le projet Stratus et la nécessité de disposer de capacités SEAD. Vous n'avez pas évoqué dans vos propositions la nécessité de disposer, pour les missions SEAD notamment, de capacités aérobalistiques. Quelle analyse faites-vous de ce sujet ?
Ma seconde question concerne le SCAF. Rappelons cette évidence : les coopérations ne constituent pas une fin en soi. Elles s'avèrent positives uniquement lorsqu'elles permettent d'obtenir le produit adéquat à un coût raisonnable et mutualisé, tout en préservant notre liberté de manœuvre sur le marché du grand export. Dans l'hypothèse que vous évoquez, qui reste bien entendu une simple hypothèse, où la France devrait développer seule un NGF, à combien estimez-vous les coûts de recherche et développement ? Cette évaluation constitue un élément clé des réflexions stratégiques actuelles.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je remercie le rapporteur pour son travail. Je suis particulièrement frappé par la discordance manifeste entre l'augmentation substantielle des budgets depuis 2017, dont nous pouvons nous satisfaire, et la persistance des problèmes de format et des carences capacitaires régulièrement évoqués. Vous mentionnez le missile Martel, programme lancé dans les années soixante et arrêté dans les années quatre-vingt-dix.
Malgré les augmentations budgétaires prévisibles dans les années à venir, nous devons fondamentalement interroger notre modèle d'armée. J'estime impératif d'avancer plus rapidement vers une différenciation capacitaire. Je m'interroge également sur la pertinence des deux milliards d'euros investis dans le programme Eurodrone, ainsi que sur la nécessité de recentrer nos armées sur leurs missions fondamentales.
Serait-il opportun de suspendre totalement la mission Sentinelle dont la Cour des comptes évalue le coût à 2 milliards d'euros. Si cette opération peut avoir du sens en mode réactif, est-il vraiment pertinent que des aviateurs continuent à patrouiller dans nos aéroports, mission relevant manifestement des forces de sécurité intérieure ?
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Ma question concerne l'espace. Votre rapport reste particulièrement discret sur cette dimension. Les crédits apparaissent dans la sous-action concernée, mais sans véritable exposé substantiel. Je souhaite connaître votre analyse sur la montée en puissance de cet ensemble de capacités, notamment avec le commandement de l'espace dont l'inauguration prochaine a été récemment annoncée par le chef d'état-major de l’armée de l’air et de l'espace. Je m'interroge sur le dimensionnement des crédits et des budgets au regard des objectifs fixés, des défis identifiés et des menaces auxquelles doit répondre ce commandement. Quelles sont, dès à présent, les priorités en matière de dépenses ? Atteignons-nous le niveau requis ? Vous évoquez les systèmes d'alerte avancée, mais d'autres capacités nécessitent également des investissements conséquents. Je pense notamment aux constellations de satellites radars qui font actuellement défaut, ainsi qu'aux capacités de protection, voire d'interception en orbite, sujets déjà présents dans les discussions stratégiques.
Quelle est votre appréciation sur le dimensionnement de ces crédits ?
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Concernant les capacités aérobalistiques, je plaide activement pour leur développement. J'ai déposé un amendement en ce sens que nous examinerons cet après-midi. Cette faille capacitaire doit être comblée.
Sans entrer dans un potentiel conflit de prérogatives entre les différentes composantes des forces armées, la France doit impérativement recouvrer la capacité de frappe dans la profondeur. Les missiles balistiques aéroportés offrent une portée pouvant varier entre 1 000 et 2 000 kilomètres, à laquelle s'ajoutera l'allonge du Rafale.
S'agissant du NGF, je n’ai connaissance d’aucune évaluation précise concernant le coût d'une plateforme souveraine. En revanche, plus de 1,7 milliard d'euros ont déjà été investis dans le SCAF : 1 milliard au titre de la coopération et 700 millions pour des recherches et études souveraines nationales. L'histoire nous a prouvé qu'une société française était parfaitement capable de concevoir un avion de combat d’A à Z. Notre BITD possède les compétences nécessaires pour développer non seulement l'aéronef, mais également l'ensemble de son écosystème : systèmes embarqués avec Thales, missiles avec MBDA, moteurs avec Safran et Dassault comme avionneur. Je crois fermement à notre savoir-faire et à nos compétences, à condition de garantir la visibilité et les moyens adéquats pour la réalisation de cet appareil. La réussite du Rafale constitue un précédent encourageant pour cette nouvelle plateforme. Ce développement nécessite cependant la mise au point de briques technologiques essentielles. J'évoquais précédemment le T-Rex, qui participera à ce nouvel avion mais n'apparaît pas dans le budget actuel. Je déposerai également un amendement pour que son étude débute dans les meilleurs délais.
Concernant l'opération Sentinelle, son interruption s'avère difficile. Au-delà des différents théâtres d'opérations mondiaux, la menace terroriste et islamiste persiste malheureusement en France et exige une réponse appropriée. Nous constatons avant tout les carences de nos forces de sécurité intérieure. Cette mission devrait légitimement relever de nos policiers et gendarmes, eux-mêmes confrontés à des réductions d'effectifs depuis la RGPP, sans retour aux niveaux antérieurs. Les militaires eux-mêmes reconnaissent que les patrouilles dans les grandes villes comme Bordeaux, Marseille ou Paris, ou dans les aéroports ne correspondent pas à leur vocation première. Cette responsabilité incombe fondamentalement à nos forces de l'ordre intérieur.
J'ai néanmoins recueilli des témoignages de hauts gradés de l’armée de l’air et d’un chef d'état-major des armées, attestant que ce type de mission permet l'acquisition d'expérience opérationnelle et s'inscrit dans la culture militaire d'accomplissement des missions confiées. Actuellement, 109 aviateurs participent à ce dispositif qui contribue également au renforcement du lien entre l'armée et la nation.
S'agissant de l'espace, j'ai abordé cette dimension à travers le continuum air, très haute atmosphère (THA), espace. Ce sujet constituait le cœur de mon rapport de l'année dernière. Je plaidais pour le développement de l’action dans l’espace avec des satellites patrouilleurs de type Yoda ou Toutatis. Un commandement de l'espace ne pourra être véritablement opérationnel et crédible qu'à condition de disposer des moyens effectifs d'intervention dans l’espace. Notre capacité d'action y demeure limitée, même si le développement de la détection, de l'analyse et de la connaissance situationnelle spatiale est essentiel pour y évoluer en toute sécurité.
Le programme Yoda, initialement prévu pour 2025 et qui devait permettre cette capacité d'action spatiale, semble désormais reporté à l'horizon 2028. J'ai également défendu l'étude, inscrite dans les crédits budgétaires 2026, d'un satellite d'alerte avancée. Il s'agit fondamentalement de notre capacité à nous protéger, selon le principe du bouclier et du glaive, bien que j'estime aujourd'hui que le glaive doit représenter une menace suffisamment dissuasive et économiquement efficiente pour protéger le bouclier.
La France occupait une position de leader dans les années 2 000 avec le programme Spirale d'alerte avancée, un satellite infrarouge capable de détecter le lancement d'un missile balistique ennemi et de transmettre l'information via une chaîne de commandement spécifique pour son traitement. Le budget 2026 intègre des briques technologiques particulièrement pertinentes, notamment le radar Nostradamus et le radar UHF, qui offriront cette redondance nécessaire tant pour l'alerte initiale que pour le suivi de trajectoire. Cette architecture permettra de faire face à des systèmes conçus pour saturer nos défenses, l’interception finale étant assurée par le SAMPT-NG équipé du nouveau missile Aster 30 B1NT. Ces éléments technologiques apparaissent dans le budget 2026, et il convient de développer la redondance et d'améliorer le command and control (C2) car l'ensemble de ces capteurs et senseurs, qu'ils soient spatiaux, dans la très haute attitude ou au sol, doivent fonctionner de manière parfaitement intégrée pour garantir l'analyse optimale et le traitement efficace de la menace.
Je tiens à remercier Claire Durand pour son appui déterminant dans la rédaction de ce rapport.
Mission Défense – Équipement des forces – Dissuasion (M. François Cormier‑Bouligeon, rapporteur pour avis)
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. « Pour être libre dans ce monde, il faut être craint, et pour être craint, il faut être puissant. » Cette déclaration du président de la République lors de son discours aux Armées le 13 juillet dernier a suscité des réactions, mais je la reprends entièrement à mon compte. Notre nation fait face à une dégradation générale de la situation géopolitique qui doit conduire à assumer nos responsabilités. La situation européenne et mondiale nous oblige à réarmer nos forces, à moderniser nos équipements et à financer davantage encore notre effort en matière de défense.
Le ministère des Armées a pleinement pris en compte la nécessité d'accélérer nos programmes capacitaires. Il a ainsi été intégré au budget 2026 une surmarche à la LMP 2024‑2030, manifestation d'un nouvel engagement collectif en faveur de nos armées.
Pour la mission défense, les crédits de paiement augmentent de 6,7 milliards d'euros, soit une accélération de 3,5 milliards par rapport aux objectifs initialement fixés dans la LPM. Cet effort est appelé à se poursuivre, avec une actualisation de la LPM prévue cet automne. Nous ferons donc mieux que respecter la programmation, nous irons plus loin.
Le programme 146 est au cœur de ce défi. La programmation capacitaire représente en effet, aux côtés du recrutement des soldats, la pierre angulaire de l'expression de notre souveraineté. Le budget 2026 renforce à ce titre les efforts en faveur des équipements. Le programme 146 bénéficie d'une augmentation de 4,2 milliards d'euros en crédits de paiement. La surmarche est donc fortement orientée vers le renouvellement de nos équipements, orientation que nous ne pouvons qu'approuver.
Les priorités s'articulent autour de plusieurs axes majeurs : la dissuasion, qui demeure un programme fortement doté ; les munitions, du petit au gros calibre, poursuivant les engagements pris dans ce domaine ; les technologies de rupture, absolument essentielles dans un contexte d'accélération de l'innovation ; les capacités d'engagement à court terme, notamment les drones, la défense sol-air, la guerre dans le champ électromagnétique et les frappes dans la profondeur.
Parmi ces éléments, j'attire particulièrement votre attention sur les systèmes d'information et le spatial qui font l'objet d'une forte accélération cette année. L'action 7, « commandement et maîtrise de l'information », bénéficie ainsi de 13,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement, contre 4,6 milliards l'an passé. Dans cette action, nous relevons des augmentations significatives sur des projets tels que le remplacement de l'Awacs, le cloud projetable que j'appelais de mes vœux l'année dernière, le renseignement d'origine électromagnétique et le réseau de radiocommunication tactique haut débit. Sur le segment spatial, les augmentations concerneront notamment le programme Syracuse 4, le renseignement par imagerie et le programme Action et résilience spatiale (ARES).
Je souhaite partager plusieurs points d'attention relevés durant mes travaux. En premier lieu, l'année 2025 a été marquée par une exécution budgétaire perturbée. L'année a débuté dans le contexte spécifique des services votés après la censure du gouvernement Barnier, engendrant des retards d'un trimestre dans la libération des crédits. Parallèlement, la dégradation de nos finances publiques a conduit Matignon à procéder à des gels et surgels de crédits, y compris sur la mission défense et le programme 146, provoquant un ralentissement des programmes et des commandes.
Face au risque d'insoutenabilité du programme 146, le gouvernement a finalement décidé de dégeler ces crédits en deux temps, la seconde phase n'intervenant qu'à l'été 2025. Cette instabilité budgétaire a considérablement réduit la visibilité des armées comme des industriels sur l'avancement des programmes. Les répercussions sur la BITD ne sont pas négligeables. Les entreprises auditionnées ont toutes rapporté des difficultés dans la gestion de leurs commandes, avec d'importantes tensions sur la trésorerie, particulièrement pour les plus petites structures, tandis que les grands donneurs d'ordre signalaient une fragilisation de leur chaîne de production. Si la direction générale de l'armement (DGA) confirme que l'ensemble des commandes a été rattrapé en septembre, et je salue d'ailleurs son effort considérable, force est de constater que cette situation doit absolument être évitée l'année prochaine.
Malgré ce contexte budgétaire, je tiens également à souligner les avancées majeures réalisées en 2025. De nombreuses livraisons de commandes ont été effectuées, parachevées par un événement majeur : la mise à l'eau de la première Frégate de défense et d’intervention (FDI) le 17 septembre 2025. Je dois également mentionner la poursuite de livraison de véhicules Scorpion, permettant aujourd'hui d'atteindre un taux de 50 % de scorpionisation de notre armée de Terre, mais aussi la livraison de douze Mirage 2000 rénovés, d'hélicoptères de combat de type Tigre, de systèmes de lutte anti-drones, de missiles comme le MICA ou l'ASTER, et d'un A400M. L'année 2025 aura donc été riche et s'inscrit parfaitement dans les ambitions de la LPM telle que nous l'avions conçue en 2023. Cet effort se poursuivra en 2026 avec de nouvelles commandes et livraisons importantes pour les trois armées.
Le troisième point de mon rapport concerne les programmes qui, à mon sens, nécessitent encore un renforcement afin de garantir nos capacités. Mes recommandations sont au nombre de quatre.
Premièrement, nous devons assurer le remplacement des Awacs d'ici 2035. La solution semble sur le point d'être trouvée, ce qui constitue une excellente nouvelle. Le choix porte sur le GlobalEye, produit par l'entreprise suédoise Saab. Nous ne pouvons qu'appeler de nos vœux la bonne poursuite de ce programme, bénéfique pour nos forces, pour nos finances et pour une coopération européenne dynamique.
Deuxièmement, concernant le LRU, comme je l'ai exposé l'année dernière, le système est aujourd'hui vieillissant et rencontre des problématiques de maintenance. Une solution doit être trouvée rapidement. Le vecteur du LRU devra être retiré en 2027-2028. Or, le projet annuel de performance reste en deçà des ambitions de nos armées, avec seulement 315 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour 2026. Deux groupements d'entreprises travaillent actuellement à une solution souveraine. Ils doivent être soutenus. Cependant, dans l'urgence et pour éviter un trou capacitaire, nous ne devons éliminer aucune option et une solution intermédiaire pourrait être examinée avec un partenaire allié, notamment le partenaire indien avec le Pinaka.
Troisièmement, le PANG continue d'être un enjeu essentiel pour les prochaines années. Il s'agit de l'un des programmes les plus complexes, mais aussi l'un des plus centraux pour notre capacité de projection. Nous ne pouvons pas nous permettre de décaler l'entrée en service du PANG au risque de perdre nos capacités de projection. Nous devons poursuivre ce programme en permettant à nos entreprises de tenir les délais afin de doter la France d'un nouveau porte-avions en 2038.
Le renforcement de la lutte anti-drones constitue le dernier point que je souhaite soumettre à votre vigilance. L'espace aérien de l'Europe et de l'Otan a été violé à plusieurs reprises en septembre et octobre 2025. Cette situation a révélé des fragilités dans nos capacités de lutte anti-drones. Les systèmes commencent à irriguer nos armées, avec notamment les MILAD, PARADE et BASSALT ainsi que les fusils brouilleurs. Nous devons poursuivre nos efforts dans ce domaine afin de pouvoir réagir en cas d'attaque massive. Les commandes s'accélèrent en la matière, mais doivent atteindre un nouveau niveau qui pourra être concrétisé lors de l'actualisation de la LPM.
J’en viens désormais à ma partie thématique. Cette année, j’ai décidé de consacrer mes travaux à la trame drones. Au regard des exigences qu'impose le présent exercice, j'ai concentré mon étude thématique sur les drones aériens des trois armées, dont l'impact stratégique sur les conflits est sans commune mesure, comme le démontrent la guerre en Ukraine, au Haut-Karabakh ou les frappes entre l'Iran et Israël à l'été 2025.
Alors que la France avait pris un retard certain, la LPM 2024-2030 et les budgets successifs ont permis une accélération notable de l'investissement dans les drones. Les programmes nationaux se multiplient avec des achats de drones légers, de drones tactiques, drones de medium altitude long endurance (MALE) et de munitions téléopérées. Nos armées s'équipent et s'entraînent, comme j'ai pu le constater lors de mes déplacements. Notre administration s'organise avec des procédures d'achat innovantes comme le « Pacte drones aériens de défense » ou le projet Colibri. Des essais sont menés par la DGA TT à Bourges et par les industriels. Les propositions se multiplient dans la BITD, portées par des entreprises souvent jeunes, nativement innovantes, qui s'affirment chaque jour sur le marché national. La France a donc réellement pris le virage capacitaire.
Néanmoins, des défis restent à surmonter. La question de l'organisation de la BITD française et de l'émergence d'entreprises de taille critique constitue l'une de nos principales problématiques. Les évolutions rapides des technologies représentent un autre défi avec, par exemple, des avancées en cours sur l'intelligence artificielle et les essaims de drones.
La question de la souveraineté demeure l'une des dernières limites pointées dans mon rapport avec l'absence de solutions de drones MALE pour l'instant et une dépendance au marché international pour certaines matières premières.
En conclusion, je salue le travail mené par la DGA et par le ministère des Armées. Le travail d'expression des besoins et d'interface avec notre BITD française dans un monde où les enjeux évoluent à grande vitesse sont des éléments essentiels sans lequel nos programmes de défense ne pourraient pas aboutir. Je ne peux qu'encourager la poursuite des politiques actuellement menées qui vont, selon moi, dans le bon sens, fondées sur l'accélération de notre réarmement, sur un rapprochement avec l'industrie de défense que nous devons consolider, sur la valorisation des innovations, la simplification des normes et des procédures internes et la mise en place de commandes publiques innovantes.
Comme j'ai eu l'occasion de le faire l'année dernière, j'appelle notre commission à la cohérence et à la cohésion face aux enjeux que la France rencontre actuellement et que chacun d'entre nous mesure parfaitement. L'adoption du budget défense engage tout à la fois des enjeux en matière de défense et de dynamisme économique en termes de richesse produite, d'innovation, d'emplois et de compétences. Je le mesure chaque jour à Bourges, qui renoue avec le fil de son histoire industrielle de défense depuis la LMP de 2019 et encore plus avec celle de 2024, après un quart de siècle de crise, et je suis certain que chacun d'entre vous le constate également dans son territoire.
Nous devons donc permettre, par le vote de ce budget, la validation de la surmarche et de l'ensemble des efforts pour les armées afin de construire le glaive et le bouclier dont notre nation a besoin.
Souvenons-nous de l'alerte du Général de Gaulle qui disait : « Les Français ne savent pas que la renaissance de la France tient du miracle. Ils pensent qu'il y a toujours un homme qui sauvera la France. Ils croient donc qu'ils peuvent agir à leur fantaisie et se quereller. Ce n'est pas vrai. Il n'y aura pas toujours un miracle pour sortir d'affaire les Français, ni la France. »
Pas de miracle donc, mais un effort de la nation tout entière auquel je vous appelle, puisqu'en effet, au regard de l'ensemble des éléments réunis et examinés par mes soins, j'émets un avis favorable à ce budget.
Je remercie Émilie Janin, toute jeune administratrice de l'Assemblée nationale et dont le mérite est d'autant plus exceptionnel qu'elle a été lancée dans le grand bain du programme 146 à la rentrée de septembre par la grâce d'une gestion que je qualifierais de « baroque » des ressources humaines de notre Assemblée. J'associe également à mes remerciements Éliette Courilleau ma collaboratrice, ainsi que Thibault Le Moteux, stagiaire à la Commission.
Mme Corinne Vignon (EPR). Je tiens à remercier Monsieur le rapporteur pour cet exposé d'une grande clarté.
La stratégie spatiale française formalisée en 2019 comprend de nombreux systèmes couvrant un ensemble de missions essentielles : l'observation avec la composante spatiale optique (CSO), la capacité de renseignement électromagnétique spatiale (Ceres), et la surveillance avec le radar au sol Grave. Nous devons toutefois nous adapter constamment pour éviter tout retard face aux évolutions stratégiques. Nous attendons avec intérêt la future stratégie de défense spatiale française ainsi que le positionnement de notre pays pour la prochaine réunion ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) en novembre.
Face à l'accélération de l'innovation, les systèmes nécessitent encore des améliorations significatives. Je pense particulièrement à la nouvelle génération de lanceurs, au développement des constellations, à la connectivité haut débit, et aux télécommunications sécurisées. Je note notamment l'abandon de Syracuse 4C, alors que les modèles 4A et 4B ont été lancés respectivement en 2021 et 2023. Il s'avère donc impératif de faire face aux pays compétiteurs et maintenir la capacité opérationnelle de nos armées. Pourriez-vous préciser les mesures supplémentaires envisagées pour 2026 concernant le domaine spatial ?
Mme Sophie Errante (NI). Votre rapport évoque le programme MGCS qui suscite des interrogations quant à son opérationnalisation à l'horizon 2040, moment où les chars Leclerc, même portés au standard XLR, auront atteint la limite de leur potentiel après près de 50 ans de service. Le chef d'état-major de l'armée de terre a d'ailleurs mentionné la possibilité d'un engin intermédiaire assurant la jonction entre les deux générations. Dans cette perspective, pouvez-vous préciser la crédibilité actuelle d'une solution intérimaire destinée à combler ce vide capacitaire critique et à assurer la transition entre le parc existant et le futur MGCS ?
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Concernant le spatial, je tiens à remercier Corinne Vignon pour sa question et à saluer le rapport remarquable qu'elle a présenté avec Arnaud Saint-Martin devant notre commission.
L'année 2026 sera marquée par très forte une augmentation des crédits en faveur du spatial. Les sous-actions couvrant les différents programmes connaîtront une hausse massive. La sous-action 7-43, dédiée aux moyens de communication par satellite, passera de 173 millions d'euros à 1,9 milliard d'euros. La sous-action 7-44, consacrée au renseignement spatial, à la surveillance et à la reconnaissance, évoluera de 110 millions d'euros à 2,2 milliards d'euros. Enfin, la sous-action 7-45, centrée sur la maîtrise de l'espace, atteindra 2 milliards d'euros.
Ces différentes sous-actions englobent des programmes majeurs que vous pourrez retrouver en détail dans mon rapport. Le CELESTE remplacera les satellites CERES à partir de 2029 pour les capacités de renseignement électromagnétique spatial. Le programme Syracuse 4 comprend déjà le satellite 4A en service depuis 2021 et le 4B depuis 2023. Ces dispositifs répondent aux besoins en matière de télécommunication par satellite. Les programmes Multinational Passe-bas Imagine System (MUNIS) et son successeur Infrastructure for Resilience, Interconnectivite and Security by Satellite (IRIS2) assurent quant à eux la capacité d'observation spatiale, tandis qu’ARES garantit la surveillance et la protection des satellites depuis le sol.
Les programmes de développement progressent avec des livraisons et des commandes prévues en 2026. Un satellite MUSIS a été livré en 2025, des stations pour Syracuse ont été livrées en 2025 et continueront à l'être en 2026 et au cours des années suivantes. Les programmes de recherche et développement se poursuivent malgré le ralentissement du programme Syracuse. Nous devons envisager son relancement, d'une part avec la reprise du Syracuse 4C pour éviter une rupture dans nos capacités spatiales, et d'autre part avec notre projection vers une nouvelle étape via le développement de la génération Syracuse 5.
Sur le char du futur, trois idées fondamentales doivent guider notre réflexion. Premièrement, nos chars Leclerc, même rénovés, présenteront une durée de vie limitée et devront être remplacés à l'horizon 2040. Deuxièmement, je reste favorable aux coopérations européennes sur ces sujets, avec toutefois une réserve importante : ces coopérations doivent servir nos besoins opérationnels et engendrer un moindre coût. Or, nous constatons que malgré la convergence des armées sur l'expression de leurs besoins et les efforts déployés par les ministres français et allemands depuis des mois pour faire avancer ce programme, nous rencontrons une problématique industrielle avec, soyons directs, un industriel allemand, Rheinmetall, dont les ambitions paraissent démesurées.
Nous devons absolument nous prémunir contre un éventuel échec du MGCS ou, à tout le moins, réfléchir à une capacité intermédiaire qui s'intégrerait dans le futur système MGCS. Mon approche sur cette question a évolué. Nous devons maintenant établir comme priorité absolue le rehaussement de l'ambition du plan national capacitaire « chars ». Il nous faut préserver les briques technologiques critiques et franchir un seuil politique déterminant avec le lancement concret d'une capacité de chars intermédiaires en 2026. Ce sujet suscitera certainement de riches débats et pourrait faire l'objet d'un consensus lors de l'actualisation de la LPM. Je considère que nous pourrions maintenir un échelon de coopération sur le châssis avec nos partenaires allemands, tout en préservant notre souveraineté, notamment sur la tourelle téléopérée, la puissance de feu et plusieurs autres éléments critiques. La sagesse nous impose d'avancer dans cette direction.
M. Yannick Chenevard (EPR). Le 25 octobre, le missile M51.3 a commencé à équiper la Force océanique stratégique (FOST). Les SNLE concourent à notre dissuasion nucléaire, et les SNLE de troisième génération remplaceront progressivement les types Triomphant. Le premier exemplaire devrait être livré aux environs de 2035 et le quatrième vers 2050, ce qui souligne l'importance du temps long dans la construction de ces systèmes stratégiques.
La livraison des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de nouvelle génération se poursuit, et je tiens à souligner l'excellence de ces bâtiments dont les équipages se montrent extrêmement satisfaits.
Pourriez-vous dresser un état des lieux de ces deux programmes et rappeler les efforts budgétaires qui y sont consacrés ?
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je remercie le rapporteur pour son travail et son dialogue constant avec tous les industriels, pas uniquement ceux du Cher.
Vous l'aurez compris, ma position évolue vers une conviction : s'il est essentiel d'augmenter nos dépenses de défense, nous devons également repenser nos modes d'action. C'est pourquoi, après avoir questionné les deux milliards alloués à l'opération Sentinelle, je m'interroge sur les deux milliards consacrés à l'Eurodrone. Je ne remets pas en cause sa dimension européenne, mais bien le concept même de ce programme lancé en temps de paix pour un drone aux dimensions considérables - plus de 20 mètres d'envergure et dix tonnes, soit le double de l'envergure d'un Rafale. Quel est selon vous l'utilité militaire réelle de ces deux milliards d'euros ? Pour mettre cette somme en perspective, elle représente 10 000 euros par soldat. Avec un tel montant par soldat, nous aurions pu acquérir, par exemple, 20 drones tactiques pour chacun d'entre eux, plutôt que trois systèmes d'Eurodrone. Quelle est l'utilité militaire de cet investissement ? Disposez-vous d'une estimation du coût que représenterait une sortie de ce programme et des dépenses à venir si nous décidions d'y rester engagés ?
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je m'étonne qu'un fusil brouilleur coûte 70 000 euros. La lutte anti-drone doit constituer une priorité absolue et nous allons devoir équiper de très nombreuses unités. Je m’interroge sur l’accès à ces matériels.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Votre question sur nos sous-marins doit être l'occasion de nous féliciter à la fois de nos capacités militaires, qui sont très grandes et qui nous distinguent de nombreux pays compétiteurs, mais également de nous féliciter de l'excellence de notre industrie de défense française. Sur le programme des SNA, le programme Barracuda a permis de développer les SNA de classe Suffren, dont le premier a été admis au service actif le 1er juin 2022. Le deuxième de la série a été réceptionné le 28 juillet 2023, le Duguay-Trouin, et a été admis au service actif le 4 avril 2024. Le troisième, le Tourville, a été réceptionné le 16 novembre 2024, son admission au service actif ayant été prononcée le 1er juillet 2025.
Les enjeux se poursuivent en 2026 avec l'achèvement du SNA De Grasse que j'ai observé à Cherbourg dans les ateliers de Naval Group. Les essais à la mer sont prévus en 2026 en vue d'une livraison à l'été 2026. Après avoir eu l'opportunité, avec l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), de monter à bord de ces SNA de classe Suffren, je peux affirmer que leurs capacités sont sans commune mesure avec la génération précédente, et que le confort pour les femmes et les hommes qui sont amenés à y servir est absolument incomparable.
S'agissant des SNLE, vous avez raison de les mettre en parallèle avec les missiles qu'ils emportent. La réalisation du programme SNLE-3G a été lancée début 2021. Il est destiné à remplacer les SNLE de deuxième génération entrés en service de 1997 à 2010. Le passage à l'étape 2 est prévu pour fin 2025. Le SNLE-3G est conçu pour emporter les futurs missiles M51.3, mais surtout M51.4. Je peux attester que les travaux menés par la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-DAM) pour assurer l'innovation et la modernisation de notre capacité de dissuasion nucléaire progressent conformément à nos attentes et à nos financements. Le budget 2025 a marqué une accélération très forte de ces programmes, avec 11 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour le programme SNLE-3G et 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour les SNA.
Les crédits ralentissent nécessairement en 2026, car il convient désormais de mettre en œuvre les programmes et écouler les crédits de paiement. Les crédits de paiement augmentent pour les deux programmes cette année, avec 810 millions investis pour le SNLE‑3G et 900 millions d'euros en crédits de paiement pour les SNA.
La question de l’Eurodrone reflète deux problématiques majeures : d'abord celle de la différenciation capacitaire, à savoir de quels équipements de haute performance nos armées doivent se doter et de quels équipements nous avons besoin en masse - c'est l'un des retours d'expérience du conflit en Ukraine. La seconde problématique soulevée concerne les ruptures technologiques. Ce programme a effectivement été lancé il y a maintenant de nombreuses années, en 2013, avec une proposition commune d'Airbus Defence & Space, de Dassault Aviation et d'Aermacchi. En 2020, la France, l'Allemagne et l'Italie ont validé le contrat de réalisation. L'Espagne a rejoint le programme en 2022, et les pays s'organisent à travers l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).
Le ministre des Armées a confirmé en audition devant la commission de la défense nationale que ce programme accusait des retards. Au-delà de la problématique des délais, une forte incertitude existe sur la pertinence des spécifications de l'Eurodrone au regard de l'évolution des besoins opérationnels. Nous devons remplacer les Reaper que nos armées utilisent depuis de nombreuses années. Nous les avons acquis en urgence pour les opérations en Afrique, mais leur principale faiblesse réside évidemment dans la dépendance vis-à-vis des États-Unis, dépendance à la fois en termes de technologie, mais également par le fait que les Américains exercent un contrôle extrêmement intrusif sur l'utilisation que nous en faisons.
Nous devons les remplacer, d'où la réflexion sur l'Eurodrone. Toutefois, les critères pertinents que notre armée de l'Air et de l'Espace met en avant sont la mise en œuvre facile et rapide, avec le moins de moyens possibles, un coût d'exploitation maîtrisé et une efficacité opérationnelle avec un capteur performant. Or, nous constatons aujourd'hui que la proposition actuelle de l'Eurodrone doit être jugée plutôt défavorablement, car ce drone est manifestement trop imposant. La solution bimoteur proposée entraînerait des coûts d'exploitation excessivement élevés, ce qui nous amène à privilégier une solution monomoteur. De plus, le capteur nous semble trop limité par rapport aux besoins actuels.
Concernant votre question sur le coût de sortie et le coût d'investissement pour remplacer ce programme, je ne peux pas vous fournir de réponse précise. Vous avez cependant noté que Sébastien Lecornu a déjà indiqué que le coût de sortie du programme serait plus élevé que celui de sa poursuite. Nous devons probablement continuer à travailler sur la convergence des besoins avec nos partenaires, mais je crois que nous devons investir dans des solutions souveraines de drones MALE. Des industriels français sont prêts à relever ce défi, notamment Turgis & Gaillard, dont j'ai visité les installations à Blois il y a quelques semaines, et qui a effectué un deuxième essai en vol du drone AAROK. Je pense que nous devons poursuivre nos investissements dans cette direction.
Je vous invite à consulter mon rapport qui aborde la question de la masse des drones, des petits drones et des munitions téléopérées sur lesquelles nous devons investir.
Madame la Ministre, je me pose exactement la même question que vous concernant les fusils brouilleurs, dont le prix élevé s'explique manifestement par des technologies complexes. Dans le cadre de nos travaux, nous devons impérativement mener une évaluation approfondie de ces fusils, comprendre précisément pourquoi ils coûtent aussi cher et explorer d'éventuelles alternatives.
M. le président Jean-Michel Jacques. Permettez-moi d'ajouter une remarque concernant le drone et son double moteur. J'avais posé cette questionà un expert éminent sur ce sujet qui m'a expliqué que le bimoteur était important car si un drone équipé d'un seul moteur s'écrasait, se poserait la question de l'indemnisation des victimes potentielles, et par conséquent celle de la création d'un fonds d'indemnisation spécifique. Cette réflexion me rappelle les propos tenus récemment par le CEMA qui nous indiquait que les bâtiments des forces spéciales devaient être équipés d'ascenseurs pour les personnes en situation de handicap. Nous, parlementaires, nous devons nous saisir de ces questions, mais il est essentiel que chaque organisation prenne sa part de responsabilité pour éviter d'aboutir à de telles aberrations.
Mission « Sécurités » : Gendarmerie nationale (Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis)
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je tiens à témoigner ma reconnaissance et à saluer l'engagement, le dévouement et le courage de tous nos gendarmes qui assurent notre protection et notre sécurité au quotidien.
Je remercie également tous les officiers, sous-officiers, gendarmes et personnels de la gendarmerie auditionnés pour la qualité et la pertinence de nos échanges, ainsi que Thibaut Houriez, l'administrateur de la commission, pour son travail efficace dans la préparation des auditions et l'élaboration de ce rapport.
En dépit de fortes contraintes budgétaires, le PLF 2026 maintient l'effort en faveur de la gendarmerie nationale et relance la montée en puissance du maillage territorial visé par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) de 2023. Les crédits du programme 152 atteignent ainsi 7 milliards d'euros en crédit de paiement hors compte d'affectation spéciale des pensions, soit une hausse de 158 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2025.
Les crédits de personnel progressent parallèlement aux effectifs, avec un schéma d'emploi positif. Cette question des effectifs est capitale et appelle toute notre vigilance. En 2025, aucune création de nouvelle brigades n’était intervenue. Je déplore cette « année blanche », qui a privé les territoires d'un renforcement attendu et nécessaire de leurs services publics de sécurité.. Le PLF 2026 renoue heureusement avec une trajectoire en hausse et permet le déploiement de 58 nouvelles brigades, dynamique que je salue. L'effort devra cependant se poursuivre en 2027 pour atteindre l'objectif global de 239 créations de brigades fixées par la LOPMI, ce qui implique encore 101 nouvelles brigades à déployer.
La montée en puissance de la réserve opérationnelle se poursuit également, avec un budget conforté en 2026. Je réitère les recommandations exprimées dans mon avis précédent : les réserves ne sauraient constituer une variable d'ajustement budgétaire et doivent voir leurs moyens sanctuarisés dans les exercices à venir pour atteindre l'objectif de 50 000 réservistes en 2027.
L'activité opérationnelle des unités de gendarmerie mobile demeure préoccupante, avec une sollicitation très forte en 2025, notamment en Outre-mer, au-dessus du standard d'aisance opérationnelle. La gendarmerie, consciente de ces difficultés, met en place des mesures d'aménagement pour les personnels de la gendarmerie mobile afin de faciliter leur repos et la conciliation entre vie professionnelle et familiale. Elle recourt notamment à des « compagnies de marche », constituées de gendarmes départementaux et réservistes mobilisés temporairement. Ces unités ont par exemple été déployées pour des dispositifs saisonniers de protection des populations ou en renfort à Mayotte après le cyclone Chido.
J’en viens maintenant aux crédits d’équipement, de fonctionnement et d’investissement. Bien qu'en progression, cette enveloppe reste contrainte et exige de la gendarmerie des arbitrages difficiles. La gendarmerie porte un effort bienvenu sur l'immobilier, lançant enfin une dynamique de réhabilitation de son patrimoine domanial très vieillissant. Cette évolution constitue une amélioration indéniable mais ne permet pas de résorber immédiatement l'intégralité de la dette grise accumulée au fil des années, évaluée à plus de 2 milliards d'euros. L'effort devra donc s'inscrire dans la durée pour soutenir la politique de casernement, élément central du modèle de la gendarmerie nationale.
La situation du parc automobile s'avère alarmante. Un renouvellement optimal nécessiterait le remplacement d'environ un huitième du parc chaque année, objectif qu'aucun des trois derniers exercices budgétaires n'a atteint. L'année 2026 s'annonce également difficile avec un renouvellement bien en deçà des besoins. Ce sous-investissement chronique entraîne le vieillissement et une moindre disponibilité du parc, déjà porté à sa limite.
Le vieillissement de la flotte d'hélicoptères suscite quant à lui un risque sérieux de rupture capacitaire, particulièrement pour les hélicoptères « Écureuil ». Mise en service dans les années soixante-dix, cette flotte représente près de la moitié du parc en service et la gendarmerie prévoit un retrait définitif de ces appareils à partir de 2028. Un renouvellement partiel est engagé avec l'acquisition de six nouveaux hélicoptères H145 qui seront livrés entre 2025 et 2028, mais cette opération reste insuffisante face aux besoins. Le marché des H145 prévoit pourtant une tranche complémentaire. Je soutiens qu’il faut signer cette tranche complémentaire au plus vite. Le directeur général de la gendarmerie a clairement évoqué ce danger devant notre commission : sans renouvellement de ses hélicoptères, la gendarmerie sera contrainte à un abandon de mission. Très concrètement, cela signifie une remise en cause des missions de secours en montagne ou de l'action de la gendarmerie en Outre-mer.
J'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la Gendarmerie de Mayotte afin de rendre compte de l'action de l'institution pendant le cyclone Chido.
Je tiens à rendre hommage au chef d'escadron Florian Monnier du Centre national des opérations de la gendarmerie, décédé en service à Mayotte en décembre 2024 lors d'une mission de renfort à la suite du cyclone. Je rends également hommage à l'adjudant Nicolas Verriez de la Brigade de gendarmerie maritime de Mayotte, décédé en service en septembre de cette année.
Dans ce département soumis à de fortes tensions sécuritaires et migratoires, les gendarmes déploient une énergie quotidienne considérable pour assurer l'ordre public. Ces militaires font face à des affrontements récurrents entre bandes, à une forte prévalence des vols à main armée, et à des tensions qui dégénèrent parfois en violences urbaines. Les gendarmes et leurs véhicules subissent régulièrement des attaques d'une extrême violence avec jets de pierres et fers à béton. Le département de Mayotte représentait ainsi 11,3 % de la totalité des agressions de gendarmes recensées pour l'ensemble de la France en 2024.L'engagement à Mayotte se caractérise par une intensité opérationnelle soutenue. Je citerai également pour exemple la sécurisation des espaces scolaires. Cette mission très chronophage vise à garantir l'école comme sanctuaire face à un phénomène de violence juvénile accablant. Durant l'année scolaire 2024-2025, sept mineurs scolarisés ont été tués, essentiellement lors d'affrontements ou de règlements de comptes, principalement sur le chemin de l'école et ses abords. Les établissements eux-mêmes parviennent à être sécurisés grâce à l'action du rectorat, de la police et de la gendarmerie.
En décembre 2024, le cyclone Chido, d'une ampleur sans précédent depuis 90 ans, a frappé violemment cet archipel déjà fragile. Plus que jamais, la gendarmerie, en collaboration étroite avec les autres forces armées, a constitué l'ossature de la réponse de l'État face à cette crise.
Dans l'immédiat après-Chido et durant les jours et semaines qui ont suivi, la mission de la gendarmerie, renforcée depuis La Réunion et l'hexagone, s'est concentrée sur quatre actions majeures, menées avec succès : le rétablissement des axes et relais de communication ; le secours aux personnes ; le maintien de l'ordre public ; le désenclavement des communes. J'insiste particulièrement sur ce point : les gendarmes ont souvent été les premiers à rompre l'isolement des populations. Les autorités auditionnées saluent unanimement le rôle majeur joué par l'institution dans la restauration de la confiance institutionnelle.
Surtout, cette crise a démontré la force des deux atouts majeurs de la gendarmerie qu'il convient impérativement de préserver et de conforter : sa militarité et son casernement. La proximité des personnels et la disponibilité immédiate des infrastructures opérationnelles ont permis une mobilisation rapide et continue des effectifs, malgré des conditions extrêmes.
Mon sentiment profond est que nous devons, à la gendarmerie de Mayotte et aux Mahorais, de tenir les objectifs de la loi de refondation que nous avons votée cet été. À l'instar d'autres services de l'État, la gendarmerie nationale à Mayotte ne dispose pas aujourd'hui de l'assise nécessaire pour assurer pleinement ses missions. Le plan gouvernemental « Mayotte debout » programme l'arrivée de 55 ETP supplémentaires et des moyens renforcés. Je déplore qu'à ce jour, aucune des mesures annoncées n'ait été suivie d'une traduction budgétaire concrète. Cette situation place la gendarmerie nationale dans une position particulièrement délicate vis-à-vis de la population et des élus qui attendent légitimement la mise en œuvre effective de ces annonces.
Sans abondement spécifique, l'institution se verrait contrainte de renoncer à ses engagements ou à les financer à moyens constants, ce qui aurait inévitablement un effet d'éviction sur la programmation d'autres investissements nationaux. Il relève de notre responsabilité collective de doter ces engagements des moyens financiers qui leur correspondent. Je proposerai un amendement sur ce sujet.
En conclusion, j'exprime un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2026, sous réserve, bien entendu, des points de vigilance que j'ai exposés.
Mme Sophie Errante (NI). Je souhaite vous interroger sur les solutions industrielles permettant de massifier rapidement la construction des bâtiments et logements, notamment pour nos brigades de gendarmerie. Si les budgets ont effectivement été renforcés, je déplore comme vous une année blanche sur l'immobilier et les habitations. Avez-vous connaissance de méthodes permettant de changer d'échelle et d'approche concernant la massification de la réhabilitation ? Dans les Pays de la Loire, nous disposons de belles entreprises aujourd'hui très impliquées dans ce domaine.
M. Pascal Jenft (RN). Je souhaite attirer votre attention sur le talon d'Achille de la gendarmerie nationale : le logement. Nos gendarmes vivent trop souvent dans des casernes vétustes et parfois insalubres. Cette situation affecte directement le moral, la cohésion et la fidélisation des personnels. Depuis deux ans, les alertes se multiplient concernant la hausse des loyers et la dégradation du parc immobilier. Le général Hubert Bonneau l'a rappelé le 15 octobre : la situation est critique. En 2025, 73 % du budget partiront dans les loyers, et en 2026, ce chiffre atteindra 77 %. Nous faisons face à un cercle vicieux qui condamne la gendarmerie à l'immobilisme.
L'an passé, j'ai déposé un amendement sur ce sujet que je représenterai aujourd'hui. Nos gendarmes méritent mieux que des murs fissurés et des logements précaires, ils méritent la reconnaissance concrète de la nation.
J'ai constaté que vous partagiez ce constat sans appel dans votre rapport. Il devient urgent de créer un front dédié à la rénovation et à la construction des casernes pour redonner de la dignité à ceux qui assurent notre sécurité. Pensez-vous que la gendarmerie puisse continuer encore longtemps dans ces conditions ?
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage entièrement vos préoccupations concernant le logement. Nous pouvons toutefois noter une augmentation des crédits destinés à la rénovation des logements. À Satory, une importante rénovation va être engagée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Les besoins en rénovation sont présents sur l'ensemble du territoire. La gendarmerie nationale en est pleinement consciente.
Je tiens à souligner qu'une démarche a été engagée avec les bailleurs sociaux pour optimiser les investissements réalisés, permettant potentiellement à ces logements d'intégrer le patrimoine de la gendarmerie nationale. Les rénovations ne seront donc pas effectuées à fonds perdus, puisque la gendarmerie pourra bénéficier de ces appartements.
Comme je l'ai mentionné, nous constatons une augmentation des crédits qui, bien qu'insuffisante, représente néanmoins une évolution positive. Il conviendrait certainement d'amplifier encore davantage cet effort. Nous y travaillerons et des amendements seront déposés à ce sujet. Cette orientation demeure positive, car pendant de nombreuses années, cette problématique n'avait pas reçu l'attention qu'elle méritait. Les casernements sont essentiels au bon accomplissement des missions de nos gendarmes et, malheureusement, un nombre important de logements se trouve dans un état de vétusté préoccupant. Soyez assurés que nous ferons tout, collectivement, pour remédier à cette situation.
Mme Catherine Rimbert (RN). Je souhaite évoquer les familles de nos gendarmes qui ne doivent pas être oubliées. En cas de décès en service d'un de leurs proches, elles vivent un double drame : le deuil et le silence de l'administration. Que pensez-vous de la création d'un dispositif national d'accompagnement pour ces familles, constituant en quelque sorte un guichet unique, offrant un soutien psychologique et des démarches simplifiées ?
Mme Nadine Lechon (RN). En septembre dernier, le régiment de cavalerie de la Garde républicaine était dans le viseur de la Cour des comptes qui estimait que cette unité était inutile, désuète et trop onéreuse. La Cour, sans l'exprimer explicitement, préconisait sa disparition. Il faut être particulièrement aveugle pour soutenir de telles assertions. Sur le fond comme sur la forme, le régiment de cavalerie de la Garde républicaine sert avec brio la nation. Il contribue au maintien de l'ordre, peut mener des opérations, se forme au combat et constitue un véritable symbole intemporel et prestigieux pour le pays entier. Ces considérations dépassent largement les simples débats budgétaires.
Le budget consacré au régiment de cavalerie de la Garde républicaine a-t-il été revu à la baisse ?
M. le président Jean-Michel Jacques. La Cour des comptes avait également considéré les armées comme coûtant trop cher et n'étant pas suffisamment employées.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il existe un service d'action sociale dans nos armées. Ce dispositif robuste mérite toute notre attention et il me paraît préférable d’y concentrer les efforts. Je partage entièrement votre préoccupation : les familles ne doivent pas être laissées-pour-compte lorsqu'un drame survient. Je sais que la gendarmerie accorde une attention toute particulière aux familles touchées. Elle remplit cette mission avec soin et nous pouvons faire confiance à ce dispositif d'action sociale de nos armées, qu'il convient néanmoins de renforcer. Vous avez parfaitement raison, nous resterons vigilants concernant l'accompagnement des familles de nos militaires, et particulièrement de nos gendarmes.
Concernant la Garde républicaine, je partage totalement votre analyse. Une telle remise en question est tout simplement aberrante et inacceptable. La Garde républicaine fait partie intégrante du prestige de la gendarmerie nationale et, plus largement, de la France. Je m'engage pleinement, comme vous tous sans doute, à défendre cette institution que nous chérissons et qui rend d'inestimables services. J'ai d'ailleurs pu constater à Mayotte l'existence d'un service de forces spéciales au sein de la Garde républicaine qui accomplit un travail remarquable, et nous pouvons nous féliciter de sa présence. Soyez assurée que nous veillerons à ce que le budget soit respecté et que notre Garde républicaine continue à rayonner.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie tous et vous donne rendez-vous cet après-midi à quinze heures trente pour la suite de nos travaux.
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La séance est levée à treize heures huit.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Édouard Bénard, M. Christophe Blanchet, M. Matthieu Bloch, M. Frédéric Boccaletti, M. Manuel Bompard, M. Hubert Brigand, M. Bernard Chaix, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, M. Moerani Frébault, M. Guillaume Garot, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, M. José Gonzalez, Mme Florence Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, Mme Nadine Lechon, M. Julien Limongi, Mme Lise Magnier, Mme Michèle Martinez, M. Thibaut Monnier, M. Karl Olive, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Isabelle Rauch, Mme Marie Récalde, Mme Catherine Rimbert, M. Arnaud Saint-Martin, M. Sébastien Saint‑Pasteur, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Thierry Sother, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon
Excusés. - Mme Delphine Batho, M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Didier Lemaire, Mme Alexandra Martin, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Aurélien Rousseau, M. Boris Vallaud, M. Éric Woerth