Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Discussion générale, ouverte à la presse, et vote sur les crédits des missions « Sécurités » « Défense » et « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ». 2
Mercredi
29 octobre 2025
Séance de 15 heures 30
Compte rendu n°14
session ordinaire de 2025‑2026
Présidence
de M. Jean‑Michel Jacques,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à quinze heures trente.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons l’examen pour avis des crédits des missions Sécurités, Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation et Défense.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. José Gonzalez (RN). Dans un monde de plus en plus conflictuel, l’examen du budget de la défense revêt une importance particulière. Notre chère France peut compter sur une armée exceptionnelle pour la défendre et faire respecter ses intérêts. Cet outil militaire, qui fait référence en Europe, repose sur des hommes et des femmes exemplaires, dévoués à leur patrie. Je tiens, au nom du groupe Rassemblement national, à les saluer et à leur témoigner notre plus profond respect.
Respecter nos militaires, c’est d’abord dire la vérité sur une réalité qu’ils connaissent et éprouvent sur le terrain. Certes, nous disposons d’un modèle d’armée complet, notre budget de la défense connaît sur le papier une hausse de 6,5 milliards d’euros, nos armées mènent avec succès des opérations comme Sagittaire, mais ce modèle est fragile. Malgré les surmarches annoncées, la loi de programmation militaire (LPM) est compromise et sa sincérité budgétaire remise en question : 13 milliards de recettes supplémentaires annoncées ne sont toujours pas réellement budgétées, et le secrétariat général pour l’administration (SGA) n’a pu donner aucune précision sur ces recettes miracles. L’inflation ronge le budget à hauteur de 30 milliards d’euros, selon les propres estimations du ministère des armées. Les reports de charges ont explosé avec un doublement en deux ans, passant de 3,8 milliards fin 2022 à plus de 8 milliards, et la surmarche de 3,5 milliards annoncée pour 2026 ne suffit même pas à les combler.
Malgré l’explosion de ces reports de charges, justifiés par une hausse légitime des achats de matériels, l’équipement des armées reste en souffrance et nous ne disposons plus, en tant que parlementaires, des données de maintien en condition opérationnelle (MCO), poste de dépenses traditionnellement coûteux.
Permettez-moi également, en tant que doyen de cette assemblée, de relativiser les accents triomphants du gouvernement quand il annonce des hausses budgétaires inédites ou qu’il disserte sur « l’économie de guerre », une expression fumeuse dans laquelle notre base industrielle et technologique de défense (BITD) ne se retrouve pas. La part du PIB consacrée à la défense était de 6,1 % en 1960, elle est estimée à 2,06 % cette année. Pour un pays qui n’est plus totalement en paix, comme le dit Sébastien Lecornu, il n’y a là rien d’exceptionnel – mais il est vrai que la modestie est une qualité peu développée en Macronie.
À cette situation financière déjà grave s’ajoute le coût de l’idéologie. Je pense aux lubies européistes qui, en dehors de toute logique industrielle, minent nos budgets, mettent à mal notre souveraineté et alimentent les carnets de commandes de la BITD américaine. C’est ainsi que 1,2 milliard d’euros sont budgétés pour le SCAF (système de combat aérien du futur) et 120 millions pour le MGCS (système principal de combat terrestre), c’est-à-dire pour des projets qui n’en finissent pas de mourir et que l’on maintient artificiellement en vie, au nom d’une Europe de la défense qui n’existe pas et que ne permet d’ailleurs aucun traité.
Autre idéologie : celle de l’écologisme débridé qui, dans un monde dangereux, ne voit pas d’autre priorité que d’imposer à nos armées des achats de véhicules électriques ou des plans de préservation de la biodiversité dans les casernes.
Nos armées doivent faire face à des failles capacitaires graves : manque de feu, manque de chars, manque de frégates, manque de Rafale, manque de munitions, manque d’entraînement pour tenir dans un conflit de haute intensité… Or, pour certains, la priorité est à l’écologie ou à l’Europe – Europe qui, avec ses programmes, va dépenser l’argent du contribuable français pour acheter américain, on le voit avec l’Allemagne qui passe commande de F-35.
Les armées ne sont rien sans les hommes et les femmes qui les composent. Là encore, il y a urgence. Pour 2026, les cibles de recrutement sont maintenues, mais c’est surtout à la fidélisation qu’il faut s’intéresser. En 2022, 35 % des primo-contrats étaient dénoncés. Certes, les efforts sont faits, notamment avec le plan Fidélisation 360, qui inclut désormais le plan Famille 2, tous deux en hausse pour 2026. Toutefois, sur un vecteur aussi stratégique que le logement pour assurer la fidélisation, les retards et les difficultés s’accumulent.
Respecter les armées, c’est enfin rétribuer à leur juste valeur ceux qui se sont battus en leur sein. Cette année encore, dans le monde combattant, la question du point de la pension militaire d’invalidité (PMI) cristallise les débats. Nous demandons qu’il soit aligné sur l’inflation, donc revalorisé d’au moins 1 %. Nous tenons également à la préservation de la politique de mémoire pour nos compatriotes juifs, qui font face à un antisémitisme débridé, ainsi que pour les anciens combattants indochinois ou harkis, si injustement maltraités.
Depuis l’adoption de la LPM, les constats que nous avons établis sur le manque de sincérité budgétaire, sur les failles capacitaires ou sur les enjeux liés aux ressources humaines se révèlent malheureusement justes.
Nous continuerons de mener notre combat en faveur d’une défense française solide, cohérente et souveraine. Pour reprendre une formule inscrite sur l’un des murs de la salle de notre commission, la raison d’être d’un État, c’est sa défense. Au Rassemblement national, nous aimons la France et nous voulons la défendre. Nous ne la sacrifierons pas à un délire d’État européen que d’aucuns, de manière plus ou moins assumée, appellent de leurs vœux. Vive nos forces armées et vive la France !
M. Yannick Chenevard (EPR). La situation internationale ne cesse de se dégrader. Les empires sont de retour, le droit international est piétiné : la loi du plus fort s’impose désormais. Depuis 2017, les lois de programmation militaire ont été exécutées à l’euro près. Compte tenu du contexte international, nous ne pouvons relâcher nos efforts. Pour 2026, les crédits de la mission Défense s’élèvent à 57,1 milliards d’euros – 6,7 milliards de plus qu’en 2025, soit une hausse de 13 %. Conformément aux annonces du président de la République, cette progression est supérieure de 3,5 milliards à la trajectoire initialement prévue par la LPM, ce qui représente 24,8 milliards de plus qu’en 2017.
Nous avons cru naïvement que la paix était durable. Si la société a profité des dividendes de la paix, nos armées ont largement réglé la facture. Avec le président Jean‑Michel Jacques et mon collègue Sébastien Saint-Pasteur, nous avons présenté un rapport d’information sur la mise en application de la loi de programmation 2024-2030. « Chacun doit mesurer que la préservation de la paix et de notre liberté dépend plus que jamais des décisions qui seront prises aujourd’hui », avons-nous souligné. Nous nous devons d’accompagner nos armées, et cela se traduit par le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire. Nous réparons, nous consolidons afin que le contrat opérationnel soit rempli.
En 2026, l’augmentation des crédits bénéficiera à l’ensemble des postes, mais ce sont plus particulièrement les matériels qui en profiteront, avec 13,9 milliards de crédits alloués aux investissements sur les équipements, soit une augmentation de 31,8 % par rapport à 2025.
Clé de voûte de notre sécurité nationale, le budget de la dissuasion connaît une augmentation de 7 %. Je rappellerai ici la nécessité de valider le lancement en réalisation du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), tout comme celui du porte-avions de nouvelle génération (PANG), qui doivent tous deux avoir lieu avant la fin de l’année.
Pour préserver le rang et la fiabilité de la France au sein de l’espace euro-atlantique et pour garantir la capacité de nos forces à s’engager, à l’emporter, une actualisation de la programmation militaire sera présentée à l’automne. Cette ambition oriente déjà le projet de loi de finances pour 2026, avec un effort ciblé sur des domaines capacitaires stratégiques : innovation, espace, drones, défense sol-air et munitions. Des investissements significatifs sont prévus au bénéfice de toutes les armées et de tous les milieux de conflictualité.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation voit ses crédits reculer d’environ 6 %. Cette baisse tient d’abord à la diminution tendancielle du nombre d’ayants droit et d’ayants cause. L’enveloppe permet toutefois d’améliorer certains droits ou d’élargir l’éligibilité, lorsque cela est justifié. Le programme 169, doté de 1,66 milliard de crédits, garantit la reconnaissance et la réparation, finance la politique de mémoire et renforce le lien armée-nation. Quant au programme 158, il finance les réparations dues aux orphelins de la déportation et des persécutions antisémites ainsi qu’aux victimes de spoliation et d’actes de barbarie ; ces tâches essentielles seront remplies grâce aux 78,4 millions d’euros alloués en autorisations de programme (AE) et crédits de paiement (CP), une enveloppe dont le léger recul est dû à la décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires.
Les crédits alloués à la mission Sécurités augmenteront de 371 millions pour atteindre 17 milliards. Elle concourt aux actions du ministère de l’intérieur et vise à assurer la sécurité de notre nation. Soulignons une nouvelle augmentation des effectifs attendue pour l’année 2026 et prévue par le projet de loi de finances.
Avec ce projet de budget, nous poursuivons les efforts entamés en 2017.
Nos armées ne valent que par celles et ceux qui les servent, et à qui je souhaite rendre hommage.
Mme Anna Pic (SOC). Au premier semestre 2023, lorsque nous examinions le projet de loi de programmation militaire 2024-2030, le groupe Socialistes et apparentés s’inquiétait de la sincérité des éléments budgétaires qui nous étaient présentés. Nous dénoncions un texte financièrement sous-doté au regard des principaux objectifs affichés ‑ maintenir notre modèle d’armée complet pour nous permettre d’être une nation-cadre auprès de nos partenaires européens et otaniens. Deux ans et demi plus tard, avec une surmarche de 3,5 milliards d’euros qui porte le budget de la mission Défense à 57,1 milliards, force est de constater que nous avions fait preuve de discernement et que nos préoccupations étaient fondées.
Une fois pris en considération les reports de charges, qui seraient plus justement désignés sous le terme d’impayés, et l’inflation, les ambitions nécessitaient d’être revues à la baisse. Bien sûr, nous accueillons avec une certaine satisfaction cette hausse des crédits, au vu du durcissement du contexte géostratégique et de la nécessité d’être au cœur de la nouvelle architecture de sécurité collective du continent européen que nous appelons de nos vœux. Néanmoins, cette augmentation ne doit ni se faire au détriment du modèle social auquel nous sommes attachés, ni nous dispenser de nous interroger sur les ambitions affichées par le gouvernement.
Le budget du ministère des armées est menacé par une crise de croissance induite par des rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Ces dernières mettent en péril la soutenabilité à moyen terme de la trajectoire budgétaire. Elles se traduisent d’abord par une hausse des AE affectées non engagées, qui ont atteint 30,3 milliards fin 2023. Elles se manifestent ensuite par une hausse structurelle des restes à payer, qui ont quasiment doublé entre 2017 et 2024 pour atteindre 99 milliards fin 2024, si bien que près de 90 % des CP prévus en 2025, hors dépenses de personnel, étaient destinés à épurer ce stock qui continue d’être alimenté. Début 2025, ces rigidités étaient telles qu’au sein du programme 146, Équipement des forces, aucun crédit n’était disponible pour financer les nouveaux investissements prévus. Elles se révèlent aussi à travers une hausse anormale du report de charges, avec un stock de 8 milliards d’euros transféré de 2024 à 2025. Citons enfin une pratique budgétaire discutable de la réserve de précaution et une sous-estimation chronique des surcoûts, notamment pour les opérations extérieures (Opex) et les missions opérationnelles (Misops).
Parmi les conséquences de cette situation, soulignons des retards sur plusieurs segments capacitaires ou des reports, une absence de visibilité pour les acteurs de la BITD qui pèse cruellement sur la trésorerie des entreprises du secteur – tout particulièrement sur les PME et les ETI – et limite in fine la montée en puissance qu’exige d’eux l’injonction à l’économie de guerre, une baisse des crédits alloués au service de santé des armées, et une absence de marges de manœuvre pour renforcer l’ambition de la politique des ressources humaines et de l’action sociale du ministère.
Tout cela nourrit des inquiétudes sur notre capacité à faire preuve de souplesse en matière de redéploiements de crédits si cela s’avérait nécessaire au cours de l’année à venir, qui sera marquée par la réorientation et le renouvellement de la loi de programmation militaire.
Nous tenons également à souligner que, malgré des missions sans cesse élargies, la marine nationale ne profitera qu’à la marge de la surmarche budgétaire proposée. Si nous pouvons comprendre ce choix, nous tenons à saluer l’agilité de nos marins et appelons le gouvernement à répondre dans les plus brefs délais à certains de leurs vœux – je pense en particulier aux trois frégates qu’ils demandent de longue date.
Le budget de la mission relative au monde combattant connaît une baisse de crédits de 6,3 %. Certes, elle reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, mais elle affecte certaines enveloppes. Nous constatons l’absence de revalorisation du point de PMI en fonction de l’inflation et déplorons que le gouvernement n’ait pas transmis au Parlement le rapport qu’il devait lui remettre à ce sujet. Par ailleurs, les montants alloués à l’allocation de reconnaissance du combattant sont en baisse, tout comme la subvention d’action sociale à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), du fait de la fin de la mesure destinée aux pupilles de la nation devenus majeurs introduite en 2024, dont bénéficiaient 12 000 personnes.
Malgré l’ensemble de ces réserves, auxquelles nos amendements tenteront de répondre, nous voterons très probablement le budget de ces trois missions.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Examiner le budget de la défense, c’est toujours un moment de gravité. Ce que nous décidons aujourd’hui dans notre assemblée, c’est ce qui permettra demain de solder et surtout d’équiper celles et ceux qui portent les armes de la France au risque de leur vie et qui, en s’engageant, ont fait le choix de la mort comme hypothèse de travail. On ne peut avoir de discussions ici sans penser à ces femmes et ces hommes avec infiniment de gratitude.
Notre budget de la défense est marqué par un effort considérable : son augmentation s’élève à 6,7 milliards d’euros avec les marches et les surmarches. Cet effort répond à la gravité de l’heure, alors que pèsent des menaces à 360 degrés : flanc est de l’Europe –°le général Mandon a souligné cette menace majeure, à la suite de son prédécesseur, le général Burkhard –, Méditerranée, commerce maritime, outre-mer, menaces hybrides. Lors de l’examen de la LPM, le groupe Droite républicaine avait souligné que les objectifs fixés constituaient un minimum et que rien n’interdisait d’aller plus loin. Aujourd’hui, nous allons plus loin et nous saluons ce budget, en faveur duquel nous voterons.
Quelques points doivent toutefois retenir notre attention. Tout d’abord, nous ne voterons que des annuités budgétaires. C’est normal, car c’est une exigence de l’exercice, mais je regrette que des premiers jalons ne soient pas posés en vue des changements de format qu’opérera la future mise à jour de la LPM, qu’il s’agisse du nombre de frégates et de régiments ou de l’ampleur de la flotte aérienne. Il y a aussi une urgence : la frappe dans la profondeur. Certains éléments du budget concernent les lance-roquettes unitaires (LRU), mais il faut aller plus vite et réfléchir à nos capacités balistiques – missiles aérobalistiques et missiles balistiques terrestres –, qui sont décisives.
Enfin, je veux insister sur les coopérations. Nous souhaitons tous une mutualisation qui préserve notre souveraineté tout en permettant de faire plus et moins cher. Notre groupe sera favorable aux programmes comme ceux portant sur le SCAF ou le MGCS, à condition qu’ils répondent aux besoins, que le principe du best athlete s’applique et que la France conserve sa liberté de manœuvre au grand export, car il s’agit d’un élément de sa souveraineté et de sa diplomatie à l’échelle mondiale.
Cette hausse budgétaire n’est, je l’espère, qu’une première étape. Le budget de la défense représentera 2,2 % du PIB si le projet de loi de finances est voté ; pendant la guerre froide, lorsque la menace communiste était à nos portes, sa part était de 3,5 %.
Je terminerai en lançant un appel d’une certaine gravité. Tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons n’aura de sens que si nous adoptons un budget. Nous ferons tout pour que ce soit le cas. Dans le cas contraire, les premiers qui souffriront, qui manqueront de moyens et d’entraînement, qui ne pourront pas assurer la sécurité des Français, ce sont nos soldats, nos militaires. La responsabilité commence ici, dans cette commission, et j’appelle tous les groupes à l’avoir à l’esprit quand viendra le moment de voter dans l’hémicycle. Nous le devons à la France, nous le devons à nos armées.
M. Damien Girard (EcoS). L’armée française est une armée expérimentée, efficace, en cours de modernisation. Toutefois, une révision de la LPM est nécessaire pour définir un modèle d’armée qui réponde aux menaces qui pèsent sur notre pays. Ces discussions budgétaires doivent être l’occasion de proposer les premiers éléments d’une doctrine de défense de sécurité globale, car la profondeur stratégique ne peut se penser uniquement en termes géographiques et capacitaires ; elle doit aussi se comprendre comme une capacité des sociétés à renforcer leur résilience face aux conséquences du réchauffement climatique et à maîtriser leur dépendance énergétique, industrielle ou alimentaire.
La France fait face à des puissances qui utilisent tout le spectre de la guerre hybride pour porter atteinte à ses intérêts de sécurité. Nous proposons ainsi de porter à 1 milliard d’euros par an l’effort consacré à la réserve opérationnelle de l’armée de terre. Nous proposons également de renforcer les moyens des services de santé des armées et de moderniser les infrastructures de santé, militaires comme civiles. Ces menaces étant continentales, il appartient à notre pays de s’inscrire pleinement dans un cadre européen, fondé sur la mutualisation des moyens, la complémentarité industrielle et une autonomie décisionnelle partagée.
Pour ces raisons, notre groupe appelle à la préparation, d’ici à 2027, d’un nouveau Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale et européenne, adossé à un débat démocratique approfondi sur notre modèle d’armée, nos dépendances et notre doctrine d’emploi des forces. Il s’agira d’aller beaucoup plus loin que le Livre blanc de la Commission européenne, qui ne remet pas en cause la dépendance européenne à l’Otan et aux États-Unis. Nous saluons à ce titre la poursuite des projets européens financés par le programme 146. Si nous partageons le constat que certains programmes européens présentent un risque de pilotage déséquilibré, nous refusons de claquer la porte et appelons à toujours rechercher des alternatives européennes. L’Europe, c’est en effet la masse, comme l’a déclaré devant notre commission le chef d’état-major des armées, le général Mandon. Et la masse est un facteur de supériorité stratégique. La dissuasion nucléaire ne suffit pas. L’agression d’un pays non doté d’armes nucléaires par un pays qui l’est montre la vulnérabilité de notre modèle. Nous devons renforcer notre dissuasion conventionnelle à l’échelle européenne pour être capables de répondre collectivement à une guerre de haute intensité. La France doit y prendre sa part, en tirant pleinement parti de ses atouts que sont ses forces aéronavales, ses capacités de frappe en profondeur ou ses divisions projetables.
Par ailleurs, même si l’on augmente les crédits dédiés à la défense, nous devrons toujours avancer avec des budgets contraints. Nous savons la nécessité d’un effort de défense accru, mais nous insistons pour que celui-ci ne se fasse jamais au détriment des budgets sociaux et écologiques, qui sont essentiels. Cet effort doit être débattu démocratiquement et financé en priorité par les plus aisés. La politique de défense n’a pas à rester un domaine réservé. Il importe que le Parlement soit pleinement associé à son pilotage. Nous proposons la création d’une instance parlementaire de suivi capacitaire et budgétaire de la LPM, dotée d’experts civils et militaires indépendants.
L’effort de défense doit suivre un principe de stricte suffisance et améliorer la gouvernance budgétaire de nos armées, dont les lourdeurs risquent d’annuler les effets bénéfiques de la LPM. Il faut renforcer la subsidiarité budgétaire, qui est un gage d’efficacité, comme l’a montré l’expérience de l’armée ukrainienne. Nous proposons 100 000 euros par formation administrative pour les achats d’équipements de proximité et 100 millions d’euros par armée pour les dépenses urgentes, en gestion autonome. C’est une révolution administrative nécessaire pour renforcer les capacités d’innovation, de subsidiarité et de réactivité de nos armées.
Enfin, nous devons envoyer un signal de solidarité à nos alliés ukrainiens et de constance stratégique à la Russie, qui entretient une menace systémique à notre encontre. La sécurité de l’Europe se joue aujourd’hui en Ukraine. La France lui a déjà apporté près de 8,6 milliards d’euros depuis 2022, mais l’effort européen s’essouffle – l’aide mensuelle a chuté de 57 % depuis le début de l’année. Il nous faut donc sanctuariser dans le PLF, au sein du programme 146, une ligne budgétaire dotée de 300 millions dédiée au soutien à l’effort de défense ukrainien. Cela représente seulement deux jours de combats de l’armée ukrainienne.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il serait difficile de ne pas nous montrer satisfaits devant ce budget de la défense en forte progression, de 6,7 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort remarquable dans la période budgétaire complexe que nous connaissons, tout comme est remarquable l’augmentation constante depuis 2017 du budget des armées, qui est passé de 32 à 57 milliards. Je veux saluer la vision et la volonté forte du président de la République, chef des armées.
Le présent budget s’inscrit dans un contexte international particulièrement tendu : guerre en Ukraine, instabilité au Moyen-Orient et au Proche-Orient, désengagement progressif des États-Unis. Cela impose d’accélérer la montée en puissance de nos armées et de nos engagements auprès de nos partenaires.
Ce budget vient renforcer de 3,6 milliards la trajectoire prévue par la LPM et concrétise de nouvelles ambitions portées par la révision de la revue nationale stratégique (RNS), à laquelle nous avons collectivement apporté notre contribution.
Les quatre programmes de la mission Défense progressent fortement, avec une dynamique particulière pour le capacitaire. Le réarmement donne la priorité aux moyens de souveraineté – dissuasion et espace –, aux munitions et à la capacité des armées à s’engager à court terme – drones, défense sol-air, guerre électromagnétique, frappes dans la profondeur ‑ tout en accentuant l’investissement dans les technologies de rupture.
La remontée en puissance ne saurait être uniquement matérielle ; elle repose aussi sur les femmes et les hommes qui composent nos armées. Ainsi, 830 postes supplémentaires seront créés, notamment dans des domaines stratégiques, et la politique salariale continuera de s’améliorer, en particulier avec le rattrapage indiciaire des officiers. En outre, la réserve opérationnelle poursuit sa montée en puissance.
Je veux remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs analyses. Nous mesurons l’importance de l’adaptation permanente de nos armées et de l’agilité qui leur est nécessaire sur les plans stratégique, capacitaire et humain. Les enjeux sont majeurs dans le contexte international que nous connaissons. Permettez-moi de dire tout mon respect et ma gratitude à l’ensemble de la communauté de défense, militaire et civile. Nous veillerons à la révision de la LPM et à l’utilisation de la surmarche de 3,6 milliards.
Les crédits de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, qui s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, connaissent une baisse qui reflète principalement la diminution naturelle du nombre des bénéficiaires. Aucune des actions mises en œuvre en faveur du monde combattant n’a été supprimée. Toutefois, j’accorderai une attention particulière à la valeur du point de PMI. En 2022, il avait été décidé avec les associations – et je m’y étais personnellement engagée – qu’il y aurait une clause de revoyure tous les deux ans. Or cela n’a pas été le cas. Je demande instamment qu’elle soit mise en œuvre. Ce n’est pas forcément sur l’inflation qu’il faut aligner l’évolution du point de PMI ; déterminer sa progression nécessite de mener des études complexes.
Le programme Gendarmerie nationale, dont les crédits augmentent de 158 millions, est marqué par un renforcement du maillage territorial, le déploiement de cinquante-huit nouvelles brigades et la montée en puissance de la réserve opérationnelle, toutes choses importantes pour nos territoires qui comptent sur la gendarmerie pour assurer leur sécurité. Nous devons être sensibles à l’effort consacré à l’immobilier, qu’il faudra pérenniser, notamment en le plaçant parmi les priorités de la programmation pluriannuelle.
Le groupe Les Démocrates votera bien sûr ces trois budgets, après avoir examiné avec soin les amendements. Notre responsabilité est de trouver toutes les solutions pour que ce projet de loi de finances soit voté, faute de quoi nous mettrions nos armées, en particulier la gendarmerie, en grande difficulté. Ici, dans cette commission, nous voulons les faire avancer. Tâchons de ne pas les faire reculer dans l’hémicycle ! L’heure est trop grave.
M. Loïc Kervran (HOR). Les trois missions que nous examinons sont absolument essentielles pour la protection des Français et de leur territoire. Quand j’ai été élu député, il y a huit ans, la somme que notre pays consacrait à sa défense était d’un peu plus de 30 milliards d’euros ; si nous adoptons ce budget, elle avoisinera 60 milliards. Nous pouvons tous être fiers d’avoir accompagné cette montée en puissance.
Nous vivons dans un monde dangereux. La France est confrontée à de nombreuses menaces émanant d’acteurs variés. Aux conflits conventionnels s’ajoutent les menaces hybrides et de nouveaux champs de conflictualité comme le cyber, l’espace ou la désinformation. La Russie menace le flanc est de l’Europe, l’Indo-Pacifique demeure un foyer majeur de tensions, et les crises se multiplient au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Notre groupe déplore une forme de déconnexion entre le débat national et les priorités qui devraient guider l’action de la nation. Alors que la dette publique et le déficit menacent notre souveraineté, nous dépensons toujours plus. Alors que nous devrions renforcer la compétitivité de nos entreprises face aux géants étrangers, certains souhaitent au contraire taxer davantage, décourager l’investissement et l’entrepreneuriat. Nous espérons que le débat sur ces crédits permettra de nous recentrer sur les enjeux les plus pressants : la protection de nos intérêts et de notre souveraineté, la montée en puissance de nos armées, la participation de la nation tout entière à l’effort de défense.
Sur la mission Défense, avec une augmentation de 6,7 milliards d’euros, soit 3,5 milliards de plus que ce que prévoyait la trajectoire de la LPM, nous faisons le choix d’un réarmement rapide et maîtrisé. C’est un signal de fermeté adressé à nos adversaires, un gage de crédibilité envoyé à nos alliés, et une marque de confiance pour nos armées.
Le projet de loi de finances consacre des moyens inédits à la modernisation de nos équipements et au soutien de la base industrielle et technologique de défense. Ces investissements garantissent notre autonomie stratégique, mais ils irriguent aussi l’économie nationale et soutiennent des milliers d’emplois hautement qualifiés dans l’industrie et la recherche.
L’effort consenti pour les femmes et les hommes du ministère des armées mérite également d’être salué. Pensons au plan Fidélisation 360, à la création de nouvelles crèches, à la rénovation de logements, à la montée en puissance de la réserve, à la réforme statutaire des officiers.
Pour le monde combattant, le budget traduit la constance et la fidélité de la nation envers celles et ceux qui se sont engagés pour elle. Il poursuit une politique ambitieuse de réparation et d’accompagnement à travers, par exemple, le renforcement du dispositif Athos pour la prise en charge des blessures psychiques, et le soutien réaffirmé à l’Institution nationale des Invalides.
La mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation consacre la continuité de notre engagement envers les harkis et leurs familles. Elle incarne le devoir moral de l’État à l’égard des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie de la seconde guerre mondiale. Elle est également tournée vers la jeunesse et vers l’avenir, à travers la journée défense et citoyenneté (JDC) nouvelle génération et le plan Ambition armées‑jeunesse.
Enfin, au sein de la mission Sécurités, la gendarmerie nationale, qui assure la protection de plus de la moitié de la population française, voit ses moyens augmenter tant pour les missions d’ordre et de sécurité publics que pour l’accroissement des effectifs – ce qui est bienvenu, si l’on veut réellement déployer de nouvelles brigades dans les zones rurales ‑ et la montée en puissance de la réserve opérationnelle.
Les crédits de ces trois missions forment un tout cohérent. Ils renforcent la crédibilité de la France sur la scène internationale, la protection des Français au quotidien et le lien armée-nation. Nous les adopterons, conscients de ce que nous devons à celles et ceux qui servent la France tous les jours et à qui nous rendons hommage.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Au nom du groupe LIOT, je tiens d’abord à saluer l’engagement sans faille de tous nos militaires qui, chaque jour, œuvrent pour la sécurité de nos concitoyens et de notre République. Dans un contexte géopolitique toujours plus instable, le soutien des parlementaires envers nos militaires doit être à la hauteur. C’est pour cette raison que, sans suspense, notre groupe votera pour les crédits de ces trois missions. Ce vote favorable ne signifie pas pour autant que nous donnons un blanc-seing au gouvernement. Comme je n’ai que cinq minutes et que le cumul des crédits des trois missions représente 95 milliards d’euros, soit 19 milliards la minute, je vais limiter mon propos à trois sujets.
Je soulignerai d’abord le point le plus positif, la hausse de nos dépenses militaires de 6,7 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, notre groupe salue le respect de la programmation militaire et la surmarche pour accélérer notre réarmement. Le ministère des armées a gagné la bataille des chiffres avec Bercy, il doit maintenant gagner la bataille de l’opinion. Alors qu’on demande des efforts à tous nos services publics, aux écoles, aux hôpitaux, à la culture, il faut que le ministère des armées soit exemplaire. Il y a là un enjeu fort en termes d’acceptabilité. Cette bataille de l’opinion, il faut la gagner au niveau national, mais aussi au niveau européen. C’est sur cette base que l’on pourra prendre des décisions courageuses.
Si l’on cherche des crédits, il y a une manne financière qu’on ne peut plus laisser de côté : les avoirs russes gelés en France. J’ai déposé une proposition de résolution, très largement cosignée par les membres des différents groupes de notre assemblée, demandant que ce capital soit enfin mobilisé au profit de l’Ukraine. Il faut être clair à propos de ce conflit : l’agresseur, c’est Poutine ; l’ennemi, c’est la Russie. Dans ces conditions, il est légitime que ces avoirs contribuent à l’effort de guerre, mais surtout à la reconstruction, conformément au droit international. Au niveau européen, ça bloque : encore cette semaine, la Belgique s’est opposée à l’utilisation des avoirs. Pourtant, il ne faut pas attendre. La France peut agir seule sur les avoirs bloqués sur son territoire, faute de quoi il faudra financer les dépenses par la dette, et je ne pense pas que cela plaise à nos concitoyens.
Le deuxième sujet que je tiens à aborder concerne les conditions de vie de nos militaires. L’efficacité de nos armées passe par des conditions de logement et de vie décentes. C’est d’autant plus vrai pour l’armée de terre, où l’hébergement en caserne a historiquement une fonction éminemment structurante. Or, dans nos territoires, le parc est dégradé : les bâtiments sont souvent vétustes, parfois même insalubres. On a un peu l’impression que les conditions de vie sont devenues, au fil des années, la variable d’ajustement budgétaire du ministère. Lorsque je travaillais au cabinet du ministre de la défense, il y avait à côté de mon bureau une cellule ayant pour unique mission de traiter les problèmes liés aux bâtiments : les documents que j’ai pu voir étaient atterrants, mais nous pouvons malheureusement faire les mêmes constats aujourd’hui. Cette situation présente donc des risques : un risque de fracture sociale au sein même de l’institution militaire, un risque pour la préparation opérationnelle, un risque pour la cohésion des unités, et un risque pour l’attractivité des armées. Le général Hubert Bonneau a dressé le même constat pour la gendarmerie nationale : manque d’effectifs, unités sous tension, flotte automobile vétuste. Quand je vois défiler les milliards que nous votons pour les ministères, je ne peux pas accepter qu’ils ne profitent pas aux femmes et aux hommes qui servent la nation avec un dévouement remarquable.
Je consacrerai mon dernier point à nos liens avec l’Otan. Je rappelle que la logique de défense collective est au cœur de l’idée française d’autonomie stratégique de l’Europe. Elle passe par un renforcement du pilier européen de l’Otan. En 2026, la France reste le quatrième contributeur, avec près de 415 millions ; c’est louable, mais cela n’efface pas le regain de méfiance au sein même de l’organisation. L’enjeu, désormais, est qu’au-delà des contributions budgétaires, notre pays maintienne son niveau d’influence au sein de l’Alliance. Mon collègue David Habib est chargé d’un rapport sur ce sujet, et j’espère que votre commission suivra de près ses recommandations.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour ces crédits, tout en restant bien évidemment très attentif à leur mise en œuvre concrète.
M. Édouard Bénard (GDR). Le PLF pour 2026 prévoit une hausse de 13 % du budget de la mission Défense, soit un montant actualisé de 57,2 milliards de CP, hors pensions civiles et militaires de retraite. Cette somme astronomique marque une progression ô combien significative, conforme, semble-t-il, à la trajectoire fixée par la LPM. Au-delà de cette envolée budgétaire, une question subsiste : que nous dit ce budget de l’état réel de nos armées ? Est-il une nouvelle fois question de dépenser sans compter, ou s’agit-il de renforcer véritablement la capacité opérationnelle de la France ?
Le PLF pour 2026 concentre l’essentiel de ses efforts capacitaires dans ses trois armées. Pour l’armée de terre, le programme Scorpion continue de monter en puissance avec la modernisation du char Leclerc, la transformation d’infrastructures sur plusieurs dizaines de sites, ou encore la livraison des Griffon, des Jaguar et des Serval. Côté pile, l’objectif est clair et assumé, il s’agit de préparer nos forces armées au combat de haute intensité. Côté face, de nombreux problèmes demeurent. La reconstitution de nos stocks de munitions, notamment pour les petits calibres, avance lentement, et le maintien en condition opérationnelle reste sous tension, pesant sur la disponibilité de nos véhicules. Résultat : un équipement flambant neuf sans entretien régulier, des munitions insuffisantes, une capacité qui n’a plus de réelle que le nom.
Dans les airs, le constat est le même. Le budget 2026 consacre plusieurs milliards aux Rafale F5, aux drones Male (moyenne altitude longue endurance), ou encore au programme SCAF qui, soit dit en passant, suscite de plus en plus de frilosité à Berlin. En attendant, le taux de disponibilité de nos flottes aériennes peine encore à dépasser 65 %. En réalité, nous discutons du combat du futur alors que le combat au présent repose encore sur des appareils partiellement immobilisés. La modernisation est nécessaire, mais elle ne peut produire ses effets que si elle s’accompagne d’un soutien industriel solide, d’un nombre suffisant de techniciens spécialisés et d’un renforcement du MCO afin d’éviter les goulots d’étranglement.
Cette question du taux de disponibilité de nos armées renvoie à un enjeu plus large, celui de la transparence budgétaire. Le programme 146, Équipement des forces, fixe bien des objectifs pour l’année 2026 : un taux de réalisation des livraisons de 85 %, une évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales inférieure à deux mois, une évolution moyenne des devis à terminaison inférieure ou égale à 1,5 %, des intérêts moratoires inférieurs ou égaux à 0,5 %. Cependant, ces chiffres échappent au contrôle parlementaire, car nous ne savons pas quels programmes respectent pleinement leurs objectifs et lesquels dérapent. Sans cette visibilité, le Parlement ne peut pas contrôler efficacement la dépense publique et en mesurer les effets sur la disponibilité et la performance de nos forces armées. En ce sens, il serait légitime d’exiger la publication annuelle de ces données, programme par programme.
Cette quête de clarté est d’autant plus nécessaire que notre pays nourrit une ambition maritime de premier plan dans l’Indo-Pacifique, l’Atlantique, la Méditerranée et dans nos territoires ultramarins. Le PLF pour 2026 lui consacre 4,1 milliards d’euros, soit près d’un quart du budget de la préparation des forces. Parmi ces crédits, 108 millions sont fléchés vers le numérique naval, un demi-milliard vers les infrastructures portuaires et près de 600 millions vers le porte-avions du futur. Ici encore, ces milliards n’ont de sens que s’ils s’accompagnent d’une amélioration de la disponibilité réelle des frégates, des sous-marins ou des patrouilleurs. S’agissant du PANG, il est impératif d’anticiper les risques liés aux coûts et aux délais afin d’éviter qu’ils n’absorbent les crédits du MCO et fragilisent toute la flotte existante. Il serait donc pertinent que le Parlement dispose d’indicateurs et de trajectoires de disponibilité très précis pour mesurer la progression réelle du parc naval, ainsi que des plans de maintenance afin de prévoir d’éventuelles périodes de creux opérationnel.
Si ce budget traduit une volonté indéniable de réarmer la France, il doit cependant pouvoir reposer sur trois piliers essentiels : des forces réellement prêtes et disponibles ; une dépense publique transparente et mesurable ; une ambition stratégique mise en œuvre avec rigueur. Pour réarmer, il ne suffit pas d’acheter ; il faut également entretenir, former, anticiper et rendre des comptes.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Entêtement, effets d’annonce et rafistolage : ce n’est pas le titre d’une comédie, hélas, mais le sous-titre de la mission Défense de ce budget, qui est un véritable théâtre d’ombres.
Commençons par le début. Nous avons sous les yeux le budget défendu par une ministre qui n’a pris aucune part dans son élaboration, puisqu’elle l’a découvert à peu près en même temps que nous. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour l’idée que l’on se fait de la démocratie et du contrôle parlementaire, cela veut dire beaucoup. Notons ensuite que si la hausse des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est incontestable, elle pose deux questions : d’une part, celle de la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, que nous avions évoquée l’an dernier avant que le 49.3 nous prive de débats en séance ; d’autre part, celle de la sincérité, car il n’y a pas lieu de se réjouir d’une hausse deux fois plus élevée que celle prévue par la LPM. On ne le répétera jamais assez, si le budget de la défense a dû être doublé par rapport au niveau prévu il y a deux ans, soit plus d’un an après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors il faut nécessairement en conclure que le projet du gouvernement était soit sous-calibré, soit sous-budgété.
Cela n’émeut apparemment pas grand monde, mais c’est là aussi un problème démocratique fondamental. À chaque fois que nous avons ingénument demandé aux personnes auditionnées par notre commission quelles dépenses, au sein de chaque programme, bénéficiaient de la marche et quelles autres de la surmarche, nos interlocuteurs furent en peine de répondre. L’exécutif a avoué à demi-mot que le travail sur la LPM avait été bâclé, puisque le président de la République a annoncé une nouvelle loi de programmation militaire. Je constate néanmoins qu’elle ne figure pas dans l’ordre du jour prévisionnel communiqué par le gouvernement et partagé hier par la présidente Yaël Braun-Pivet. Celles et ceux qui traitent les sujets de défense avec sérieux – et il y en a ! – ne savent plus vraiment à quel saint se vouer.
On en est donc réduit à conjecturer que, aux yeux même de ceux qui l’ont faite, quelque chose dans cette LPM ne va pas et mérite d’être corrigé, tout en constatant que les orientations structurantes qu’elle comporte sont toutes confirmées, jusqu’à l’absurde parfois ‑ et jusqu’au sabotage, suis-je même tenté de dire. Il en va ainsi du projet de SCAF, mais aussi et peut-être surtout du MGCS, dont nous annonçons depuis des années qu’il signera la liquidation de la capacité industrielle française dans le secteur des chars, notamment du fait de la déloyauté du « partenaire » allemand, trop heureux que Rheinmetall demeure le seul acteur sur le marché européen à l’issue de ce fiasco programmé. Cette histoire est emblématique, et nous appelons à un sursaut. L’exécutif doit absolument cesser de se bercer d’illusions s’agissant de ce qu’il appelle abusivement « l’autonomie stratégique européenne », dont la seule manifestation concrète, le programme ReArm Europe, n’est autre chose qu’un moyen pour l’Allemagne de convertir son outil industriel et pour les États-Unis de consolider leur influence en vendant du matériel produit en Europe sous licence américaine. Il serait temps de se réveiller : le déclassement de la France n’est pas loin.
Le cadre géopolitique dans lequel le gouvernement situe son action n’a nullement changé, comme l’atteste l’explosion de la contribution financière à l’Otan, alors même que Trump, à la Maison-Blanche, menace et pressure ses alliés. Ses foucades n’ont d’ailleurs pas fini de nous mettre en danger, puisqu’il évoquait hier l’idée d’en finir avec la technologie des catapultes électromagnétiques qui doivent équiper notre futur porte-avions. Cette dépendance massive devrait cesser, à mon avis, de faire lever les yeux au ciel quand on l’évoque. Et que dire de la dépendance de la France tout entière vis-à-vis des services informatiques des Gafam ?
S’il est évident que dans les armées, soldats et officiers œuvrent sans relâche – et nous les saluons – pour anticiper la guerre de demain avec d’incontestables réussites, il est aussi clair qu’ils sont freinés par l’absence de réflexion politique sur le format des armées. On hésite à passer de quinze à dix-huit frégates, sujet d’importance certes, mais où en est-on du programme massif de drones dont la marine aurait besoin pour assurer notre souveraineté sur notre vaste territoire maritime et protéger nos approches ? Qu’on autorise en passant le membre du Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) que je suis à alerter sur le besoin de lancer la construction du Marion Dufresne 3, navire à la fois civil et militaire qui dessert les Taaf.
Il reste beaucoup à dire concernant l’espace, la frappe dans la profondeur, le changement climatique ou encore la production de munitions – nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. Ne disposant que de cinq minutes, je suis obligé de dire brièvement qu’il est regrettable de devoir déposer, année après année, des amendements semblables pour revaloriser le point de PMI, garantir la demi-part fiscale des veuves et s’assurer que les droits des tirailleurs, des combattants d’Afrique du Nord et de leurs descendants sont réellement reconnus. Force est de constater qu’il y a loin des paroles sur la reconnaissance de la nation aux actes.
J’ajoute, monsieur le président, que mon groupe regrette que vous n’ayez pas suivi l’exemple de Thomas Gassilloud, qui avait choisi de saisir notre commission pour avis au sujet de la réforme des retraites. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, en cours d’examen devant la commission des affaires sociales, comporte des dispositions entravant le cumul emploi-retraite, un dispositif spécifique aux carrières militaires qui concourt à leur attractivité. Notre commission aurait dû éclairer ce point technique complexe, qui suscite non sans raison l’inquiétude dans nos armées. Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire sera extrêmement vigilant à ce sujet durant l’examen du PLFSS en séance.
Mission Sécurités : Gendarmerie nationale (Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis)
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-DN75 de M. Pascal Jenft
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cet amendement d’appel est relatif à la montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Le PLF pour 2026, qui intègre un rehaussement significatif du budget de la réserve, s’inscrit dans une dynamique favorable qu’il conviendra de préserver dans la durée.
En revanche, cet amendement, qui mentionne les besoins en effectifs, ne me paraît pas bien placé, car il ne vise pas à abonder les crédits du titre 2 du programme. Sagesse.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN139 de Mme Valérie Bazin-Malgras
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il vise à financer cinquante‑cinq postes supplémentaires pour la gendarmerie de Mayotte, conformément au plan Mayotte debout lancé par le Premier ministre après le cyclone Chido. Sur le terrain, les gendarmes font face à une tension sécuritaire extrême avec seulement 316 effectifs pour 321 000 habitants. Les engagements pris par l’État n’ont reçu aucune traduction budgétaire concrète, fragilisant la crédibilité de l’action publique. Le présent amendement propose donc de réaffecter 3 millions d’euros du programme 161 vers le programme 152, afin de respecter la parole donnée et de renforcer durablement la sécurité à Mayotte.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je comprends l’intention, qui est louable. Néanmoins, je doute de l’opportunité de diminuer le budget de la sécurité civile alors que son action est importante, notamment à Mayotte.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Il faut que la parole donnée soit respectée. Pour trouver des crédits supplémentaires, je n’avais d’autre choix que de ponctionner le programme Sécurité civile. Je me suis rendue à Mayotte : ce renfort est nécessaire.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je comprends également l’intention. Il s’agit d’un amendement d’appel, dans la mesure où la répartition des moyens est une décision relevant de l’exécutif. J’espère que vous le redéposerez en séance afin que nous puissions débattre de ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN73 de Mme Nadine Lechon
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. En 2024, plus de 5 000 gendarmes ont été blessés en mission. Ce sacrifice nous oblige à garantir la meilleure prise en charge possible. Cet amendement rappelle cette exigence.
Dans un esprit de responsabilité budgétaire, il me paraît toutefois préférable de ne pas augmenter encore les crédits du programme Gendarmerie nationale, dont le budget, déjà en hausse, permettra notamment d’améliorer la prise en charge des militaires blessés. Avis défavorable.
M. Laurent Jacobelli (RN). Si j’en crois Mme Bazin-Malgras, seuls les députés du groupe Droite républicaine peuvent augmenter le budget de la gendarmerie nationale. C’est tout à fait étonnant. Nous nous en souviendrons.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Si j’ai défendu l’amendement II-DN139, c’est parce que le Premier ministre avait pris des engagements dans le cadre du plan Mayotte debout.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN66 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti (RN). Cet amendement d’appel, qui ne crée pas de charge, vise à souligner la nécessité de recruter plus de gendarmes. En effet, les effectifs de la gendarmerie n’ont pas évolué depuis 2007 ; seuls 72 % des objectifs de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) sont atteints alors que la programmation arrive à échéance dans deux ans. Le ratio entre le nombre de gendarmes et le nombre d’habitants est passé de 3,2 ‰ en 2007 à 2,8 ‰ aujourd’hui.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Votre amendement est mal placé car il ne vise pas des dépenses de titre 2. Sagesse.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Nous nous abstiendrons sur tous les amendements d’appel, dans la mesure où ils s’adressent directement au gouvernement, lequel est absent en commission. J’imagine que nous débattrons de nouveau de ces sujets en séance.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN67 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti (RN). Dans le même esprit, il vise à augmenter les effectifs des réservistes de la gendarmerie nationale, qui participent également à la défense opérationnelle du territoire.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Comme le précédent, cet amendement est mal placé, car il ne vise pas à abonder les crédits du titre 2. Sagesse.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Par principe, je ne voterai que les amendements d’appel à 1 euro afin d’interpeller le gouvernement sur ces sujets. L’une des ambitions majeures du budget de la défense est la cohérence, à laquelle contreviennent les mouvements de crédits.
En l’occurrence, la défense opérationnelle du territoire (DOT) est essentielle ; je voterai donc cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN14 de M. Daniel Grenon et II-DN 76 de M. Pascal Jenft (discussion commune)
M. Daniel Grenon (NI). Je tiens d’abord à rendre hommage à l’ensemble de nos gendarmes. Chaque jour, sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les outre-mer, ils assurent avec courage, dévouement et professionnalisme la sécurité de nos concitoyens, souvent au péril de leur vie.
Les événements survenus l’an dernier en Nouvelle-Calédonie ont toutefois révélé la fragilité de notre organisation. En effet, le déploiement massif de gendarmes sur place, rendu indispensable par la gravité de la situation, a entraîné une hausse considérable des dépenses que le gouvernement n’avait pas anticipée. S’y sont ajoutées les exigences de sécurité exceptionnelles liées à la tenue des Jeux olympiques, dont le coût a également été sous‑évalué. Face à cette accumulation, la gendarmerie a été contrainte, à l’automne dernier, de reporter de plusieurs mois le paiement de ses loyers.
Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2026 apparaissent dès lors inadaptés aux réalités opérationnelles auxquelles elle est confrontée. Alors que notre pays fait face à des menaces multiples, qu’elles soient terroristes, sociales ou géopolitiques, il est à craindre que de telles situations se reproduisent. Cet amendement d’appel vise donc à alerter le gouvernement sur le manque de moyens alloués à la gendarmerie.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Ces amendements alertent sur les risques d’impayés de loyer de la gendarmerie, à la suite des difficultés qui avaient marqué la fin de gestion 2024. Toutefois, en 2025 et dans le PLF pour 2026, les crédits de fonctionnement ont été augmentés afin de remédier à ce problème. En conséquence, ces amendements ne me paraissent pas pertinents. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN 78 de M. Pascal Jenft
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Les auteurs de cet amendement appellent notre attention sur les problèmes relatifs à l’immobilier, alors que la vie en caserne est au fondement de l’institution. Les auditions que j’ai menées en tant que rapporteure pour avis ont mis en évidence l’ampleur des besoins.
Le PLF pour 2026 prévoit un effort bienvenu en la matière. S’il ne permet pas de relever immédiatement l’ensemble des défis, il s’inscrit dans une dynamique favorable. Je veillerai à ce que cet effort s’inscrive dans la durée. Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il ne me paraît toutefois pas pertinent d’accroître davantage les efforts en matière d’immobilier alors que la gendarmerie fait face à d’autres besoins urgents, s’agissant notamment des véhicules ou des hélicoptères. Avis défavorable.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il existe un vrai enjeu en matière d’immobilier. En dépit du principe d’annualité budgétaire, je réclame depuis longtemps l’élaboration d’une programmation pluriannuelle qui nous donnerait plus de visibilité et nous permettrait d’agir plus efficacement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN140 de Mme Valérie Bazin-Malgras, II-DN15 de M. Daniel Grenon et II-DN 77 de M. Pascal Jenft (discussion commune)
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Mon amendement d’appel II-DN140 pointe la vétusté critique du parc d’hélicoptères de la gendarmerie nationale. Près de la moitié de la flotte, composée de AS350 Écureuil mis en service dans les années 1970, affiche un taux de disponibilité tombé à 54 %. Sans renouvellement rapide, la gendarmerie fera face à une rupture capacitaire dès 2027, compromettant notamment la réalisation de missions de secours et d’intervention. Il est urgent d’engager la commande de la tranche complémentaire de vingt-deux appareils, prévue par le marché d’acquisition de 2023, pour garantir la continuité des missions de la gendarmerie.
M. Daniel Grenon (NI). Mon amendement d’appel II-DN15 vise à alerter sur la situation préoccupante du maintien en condition opérationnelle de la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie nationale. Celle-ci peut assurer des missions de secours, de maintien de l’ordre, de transport de matériel ou de personnel, de protection de sites stratégiques, voire de lutte contre le terrorisme.
Selon le projet annuel de performances annexé au PLF pour 2026, la disponibilité du parc actuel, composé notamment de vingt-six AS350 Écureuil âgés de plus de 40 ans, se dégrade rapidement. Leur taux de disponibilité est ainsi tombé à 54 % en 2024. Quant au taux de disponibilité des autres modèles, les EC135 et les EC145, il est respectivement de 75 % et de 70 %, bien loin de l’objectif de 90 % visé par le commandement de la gendarmerie il y a quelques années.
Les difficultés croissantes d’approvisionnement en pièces détachées entraînent un allongement des visites périodiques et une saturation des capacités de maintenance. Cette situation contraint certaines unités à suspendre temporairement leurs activités.
Le vieillissement des Écureuil, qui présentent désormais des signes de corrosion structurelle, accentue cette tension. La perte de dix appareils renforce la nécessité de commander dès 2026 une tranche complémentaire de vingt-deux hélicoptères EC145 D3, faute de quoi certaines missions accomplies spécifiquement par les hélicoptères de la gendarmerie devront être abandonnées.
Vous l’aurez compris, la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie est dans une situation critique et risque de ne plus être opérationnelle si nous ne réagissons pas rapidement.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’ensemble de ces amendements en discussion commune. La flotte d’hélicoptères de la gendarmerie nationale doit être renouvelée le plus rapidement possible.
La commission adopte l’amendement II-DN140.
En conséquence, les amendements II-DN15 et II-DN77 tombent.
Amendement II-DN121 de Mme Catherine Rimbert
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’action sociale des armées assure déjà l’accompagnement des familles de gendarmes décédés en service ou en activité.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Madame la rapporteure pour avis, il ne vous reste plus qu’à nous donner votre avis sur ces crédits, tels qu’ils viennent d’être modifiés.
Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Même si nous ne sommes pas tous satisfaits, un réel effort a été accompli en matière budgétaire. Je souhaite donc que ces crédits soient adoptés.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités relatifs à la gendarmerie nationale, modifiés.
Mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation (M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis)
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-DN28 de M. Aurélien Saintoul et II-DN83 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). L’amendement II-DN28 fait écho à une proposition de loi, cosignée notamment par Zahia Hamdane, Alma Dufour et moi-même, visant à accélérer l’indemnisation des harkis et des enfants de harkis. Celle-ci se heurte à des difficultés bien connues : la première réside dans la lenteur de l’instruction des dossiers, la seconde dans la lenteur particulièrement grave dont fait preuve l’État français pour se conformer à l’arrêt Tamazount rendu par la Cour européenne des droits de l’homme. Malgré les avancées réalisées ces dernières années, nous déplorons une forme d’inertie, qui nous fait craindre que les premiers concernés par ces mesures de réparation et d’indemnisation disparaissent avant même la reconnaissance du tort qui leur a été fait.
Comme pour tous les autres amendements, nous appelons le gouvernement à lever le gage que la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) nous impose de faire porter sur le programme 158, Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale, dont nous n’avons évidemment pas l’intention de diminuer les crédits.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Selon la Commission nationale indépendante des harkis (CNIH), le budget nécessaire pour respecter la jurisprudence Tamazount et accélérer le versement des indemnisations serait de 70 millions d’euros, alors que seuls 58,8 millions sont prévus dans le PLF – soit un écart de 11,2 millions. Or l’amendement II-DN28 ne prévoit qu’une augmentation de 10 millions. Aussi avons-nous préféré déposer un amendement d’appel à 1 euro afin de convaincre Mme la ministre des armées et des anciens combattants de débloquer les fonds nécessaires.
Même si M. Saintoul a été très clair, je précise qu’il n’est pas opportun, dans le contexte actuel, de réaliser un mouvement de crédits au détriment de ceux du programme 158.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Monsieur Thiériot, accepter de ne voter que des amendements à 1 euro revient à admettre que le Parlement n’a plus son mot à dire et que la copie gouvernementale est définitivement figée ; c’est regrettable, voire délétère.
Par ailleurs, il vaut mieux abonder une action à hauteur de 10 millions, quand bien même les besoins s’élèvent à 11 millions. Notre amendement permettrait au moins d’accélérer le traitement des dossiers l’année prochaine, tandis que celui de M. Jacobelli nous soumet au bon vouloir du gouvernement.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Alors que nous assistons partout à une recrudescence des actes antisémites, même symboliquement, ponctionner de 10 millions le programme 158 est une faute de goût majeure. Vu l’impécuniosité de l’État, cette somme ne se trouvera pas sous les sabots d’un cheval. La somme de 1 euro est symbolique ; celle de 10 millions n’est pas acceptable, car elle implique de réduire d’autres budgets. Je voterai évidemment contre l’amendement de M. Saintoul.
M. François Cormier-Bouligeon (EPR). Dans le contexte de recrudescence des actes antisémites, ce n’est pas seulement une faute de goût, c’est également une faute politique. Peu importe qu’on prélève 1 euro ou 10 millions, cette mesure est inacceptable. Je ne peux donc que m’opposer à ces deux amendements.
Mme Anna Pic (SOC). À chaque fois que nous souhaitons lancer une alerte sur des sujets en lien avec cette mission, nous sommes accusés d’une forme d’antisémitisme. Je mets en garde contre ce type de raccourci. Nous ne faisons qu’appliquer la règle comptable et, systématiquement, nous appelons le gouvernement à lever le gage. Nous n’avons pas d’autre choix, dans la mesure où cette mission ne comporte que deux programmes budgétaires.
Prenons garde, dans notre commission, de ne pas jeter ce genre de remarques à la figure des uns et des autres. Nous devons pouvoir discuter de ces sujets.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Contrairement à d’autres, je n’imagine pas que quiconque dans cette commission souhaite salir la mémoire de qui que ce soit et nourrir l’antisémitisme actuel. Cependant, certains pourraient mal interpréter ces amendements, en se sentant soit visés soit légitimés dans leur volonté de nuire à une partie de la population française.
Je vous propose de voter mon amendement à 1 euro, afin d’appeler l’attention de Mme la ministre sur la nécessité de revoir le budget sans être suspendus à une levée de gage. Nous touchons là à du TNT, il faut donc être très vigilant – du reste, je ne vous accuse pas de ne pas l’être.
M. François Cormier-Bouligeon (EPR). Je déplore, comme Anna Pic, que le carcan des règles budgétaires soit aussi strict. Néanmoins, ces initiatives ne sont pas isolées ; elles s’inscrivent dans un contexte de prises de parole réitérées qui vont toujours dans le même sens. Je redis mon opposition à ce type d’amendements et de pratiques.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Je constate qu’il est impossible de débattre sereinement de cette mission. Les amendements sont très clairement rédigés, la levée de gage est demandée dans l’exposé sommaire. Certains amendements déposés sur la mission Défense seront probablement gagés sur des programmes dont personne n’aura l’intention de diminuer les crédits ; tout cela est instrumentalisé.
Je propose que nous donnions un avis favorable sans réserve à l’adoption des crédits de la mission, dans la mesure où il est impossible d’en débattre. Par conséquent, notre groupe retire tous les amendements qu’il avait déposés sur cette mission, à savoir les amendements II-DN28, II-DN22 et II-DN19.
La commission adopte l’amendement II-DN83, l’amendement II-DN28 étant retiré.
Amendement II-DN87 de Mme Michèle Martinez
Mme Michèle Martinez (RN). Cet amendement d’appel fait suite à la proposition de loi que j’ai déposée pour créer une fondation nationale pour la mémoire des harkis, qui fait consensus dans le monde combattant. Le rapport du contrôleur général des armées Franck Le Guen en a clairement montré le besoin.
Je plaide cependant pour que cette fondation soit autonome, alors que le gouvernement préconise qu’elle soit hébergée par la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. Les harkis s’y opposent, en raison du risque de dilution de leur mémoire – cette opinion est partagée par le directeur de cette fondation. Il n’y a pas de lieu spécifique pour entretenir cette mémoire harkie ; le mémorial du camp de Rivesaltes en est la preuve.
L’histoire des harkis est trop méconnue et leurs souffrances sont étouffées. Ils sont insultés sur les réseaux sociaux, et les députés de La France insoumise se rendent même à Alger chanter les louanges du Front de libération nationale (FLN) – une honte ! Il est temps d’agir alors que les harkis, témoins directs de cette tragédie, disparaissent peu à peu. Ils en ont assez que d’autres pensent à leur place. Rendons leur justice en créant une fondation pour eux et codirigée par eux.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Avis favorable. Je recommande la création de cette fondation, que soutiennent les associations. Elle devrait être dotée de 10 millions d’euros, dont la moitié serait de l’argent public, la moitié de l’argent privé, comme expliqué dans mon rapport. La question de savoir si elle doit être indépendante, comme je le souhaite à titre personnel, ou adossée à une autre fondation reste en débat. Les harkis attendent notre soutien.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ces discussions, qui n’ont plus qu’un objet symbolique, donnent aux héritiers de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) l’occasion de revendiquer le soutien de cette famille politique, ce qui n’est pas de nature à rendre réellement justice aux harkis. Sur ce sujet plus encore que sur tout autre, nous ne pourrons joindre nos voix à celles du Rassemblement national.
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Je vois comment le Rassemblement national instrumentalise la question des harkis. Ma position est particulière, en tant que fils de personne assassinée par l’armée française – et donc forcément probablement des harkis y ont participé. Si vous voulez vraiment leur témoigner du respect, n’employez pas le mot « harkis », qui signifie « traîtres ». Utilisez plutôt l’expression « supplétifs de l’armée française ». Ils ont fait partie de l’armée française, donc commencez par changer le mot, c’est important.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Même après de nombreuses années, le débat sur cette mémoire est toujours aussi vif et compliqué. De nombreuses personnes restent meurtries.
Il existe déjà de nombreuses fondations qui ne fonctionnent pas. Lorsque j’étais ministre, nous avons essayé de les regrouper afin de donner plus de sens et de puissance à leur action. Je défends des politiques très concrètes : créer une nouvelle fondation serait inutile. Parmi les nombreux organismes qui œuvrent dans le domaine de la mémoire, l’ONaCVG a beaucoup travaillé sur la mémoire des harkis – une démarche que moi-même et mes successeurs avons soutenue.
Cette nouvelle fondation pourrait donc, à la rigueur, être adossée à une autre fondation. Mais la création d’une structure ex nihilo ne fonctionnerait pas : elle disparaîtrait progressivement, et nous aurions alors investi de l’argent pour rien.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Ce débat montre l’importance de voter cet amendement afin que soit respectée la mémoire de ceux qui ont fait le choix de la France. On peut soutenir la mémoire des harkis sans avoir fait partie de l’OAS – je n’étais pas né à cette époque. On a le droit de considérer que les harkis, parce qu’ils ont servi la France, ont accompli un acte honorable ; ils ne sont pas des traîtres comme le mot vient d’être prononcé. On a le droit de considérer que les porteurs de valises avaient tort et que ceux qui ont fait le choix de la France avaient raison. On peut envoyer un signal favorable à nos compatriotes harkis plutôt que de mettre un genou à terre devant un monument à la gloire du FLN.
J’entends votre position, madame Darrieussecq. Lors des auditions que j’ai menées, j’ai eu d’autres échos. C’est la raison pour laquelle j’ai ouvert la porte à deux solutions. Par ailleurs, l’amendement d’appel à 1 euro permettra de discuter de l’ensemble de ces solutions. Je crois que les débats que nous avons entendus aujourd’hui nous amènent à penser qu’il est important d’avoir une fondation pour que la mémoire de ceux qui ont fait le choix de la France soit respectée.
M. François Cormier-Bouligeon (EPR). Même si je partage l’analyse de M. Saintoul sur les origines du Rassemblement national, que ce dernier semble lui-même vouloir ignorer, je considère que nous devrions apaiser ce débat.
Je me souviens des échanges que nous avions eus dans cette commission lors de l’examen de la loi, issue d’une demande du Président de la République et portée par la ministre Geneviève Darrieussecq, exprimant la reconnaissance de la Nation envers les harkis. Nous devons avoir un grand respect pour nos compatriotes harkis. Je me permets de corriger M. Lahmar : le mot « harka » signifie en arabe « mouvement ou expédition militaire » et non « traître ». Ne poursuivons pas cette mémoire de notre vindicte ; même si nous respectons la vôtre tout autant.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Ce débat est absolument navrant : dans un moment où nous aurions besoin d’unité, toutes les plaies françaises s’ouvrent.
Les harkis ont choisi la France, sont morts pour la France, souvent égorgés par les forces du FLN, et ont été mal accueillis par la France. C’est une réalité que personne ne peut contester.
Spontanément, j’aurais très envie de voter cet amendement. Néanmoins, je rejoins Geneviève Darrieussecq : il existe une pléiade de fondations qui alourdissent la gestion administrative et contribuent à une embolisation des structures mémorielles. Peut-être faudrait-il créer un département dédié à la mémoire des harkis au sein de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN88 de Mme Michèle Martinez
Mme Michèle Martinez (RN). Par cet amendement, je souhaite interpeller notre commission sur un sujet grave qui touche la mémoire encore à vif des harkis et de leurs familles, tant il symbolise les mauvais traitements qu’ils ont subis, pour ne pas dire le manque de respect dont ils ont fait l’objet.
Dans les Pyrénées-Orientales, le camp de Rivesaltes a accueilli des harkis, dont des enfants et des bébés qui y sont morts en raison de conditions de vie indignes. Des décennies après, certains corps demeurent introuvables. Je ne veux créer aucune polémique, car l’État et les collectivités locales concernées par ces cimetières, comme la ville de Perpignan, effectuent un travail méticuleux pour retrouver les corps. En témoignent, par exemple, les travaux remarquables accomplis par le professeur Adalian grâce au carbone 14. Néanmoins, identifier les corps venant de fosses communes coûte cher, et la technologie s’avère peu efficace s’agissant de corps de nourrissons ou d’enfants de 3 ou 4 ans. Il faut donc prévoir des moyens pour mettre un terme à cette insulte à la mémoire des harkis et de leurs familles.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. On ne peut pas dire que rien n’est fait. Néanmoins, lors de mon déplacement dans les Pyrénées-Orientales, le préfet a souligné le manque de moyens consacrés à l’identification et à la recherche des corps. Les besoins sont réels, et nous enverrions un signal de fraternité à nos compatriotes harkis en votant cet amendement. Avis favorable.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Vous parlez beaucoup de Rivesaltes, mais il existait d’autres camps, notamment celui de Bias, où les conditions de vie étaient similaires. De nombreux jeunes enfants y sont morts en raison de conditions sanitaires déplorables et d’une prise en charge insuffisante au regard du soutien que le pays aurait dû apporter à ces populations. Il convient toutefois de replacer la situation dans son contexte : nous étions en 1963, non en 2025.
Avec tout le respect que je porte aux familles et à leur douleur, nous ne pourrons pas tout faire. Lorsque j’étais ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, j’ai beaucoup travaillé sur ce sujet, j’ai rencontré les associations et les familles. J’appelle à consacrer des moyens à l’identification des victimes, mais cela sera difficile.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-DN22 de M. Bastien Lachaud est retiré.
Amendement II-DN127 de Mme Florence Goulet
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. L’ONaCVG accompagne les pupilles de la nation dont les parents sont morts pour la France dans le cadre de nombreux dispositifs efficaces pour leurs études ou leur recherche d’emploi. Néanmoins, aucune allocation n’est spécifiquement prévue ; aussi cet amendement d’appel vise-t-il à leur en allouer une. Une mesure d’indemnisation pourrait s’inspirer du dispositif instauré par le décret de 2000 pour les orphelins victimes de persécutions antisémites. Quoi qu’il en soit, cet amendement ouvre un débat utile. Avis favorable.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). S’il y a eu des indemnisations pour les pupilles de la nation dont les parents ont souffert de graves actes antisémites, c’est seulement à cause de l’horreur exceptionnelle de ces événements, dont on ne peut pas remettre en cause la singularité. Les pupilles de la nation sont aidés par l’ONaCVG à de nombreux niveaux, comme les familles qui les prennent en charge. Il faut donc en rester aux dispositions actuelles.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Comme Mme Darrieussecq, je considère que la singularité de la Shoah est irréductible à toutes les autres tragédies.
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement. En effet, la guerre semble s’être éloignée – nous avons vécu soixante-dix ans de paix, et le nombre d’orphelins de guerre et de pupilles de la nation est par définition relativement limité –, mais si nous devions être engagés demain dans un conflit de haute intensité, avec les pertes que cela suppose, comment ferions-nous face ? Je n’ose même pas imaginer ce qui serait advenu si nous avions adopté ce dispositif après la guerre de 1914-1918. Nous ne serons évidemment pas confrontés à une reproduction à l’identique de ce conflit ; il n’en reste pas moins que voter cette disposition reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN123 de M. Laurent Jacobelli et II-DN45 de M. Guillaume Garot (discussion commune)
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN123 vise à indemniser les anciens supplétifs de statut civil de droit commun en appliquant la mesure prévue par la loi de programmation militaire, à savoir une allocation unique de 4 195 euros.
Les anciens supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie ont une expérience de cette guerre comparable en tout point à celle d’un ancien supplétif de statut civil de droit local. Pourtant, les premiers ne peuvent prétendre à aucune mesure de reconnaissance pour leur engagement au bénéfice de notre nation, alors que la LPM a prévu une allocation spécifique.
Seuls dix-huit à vingt-deux de ces anciens supplétifs sont encore en vie. Aussi le coût budgétaire de la mesure est-il minime – 92 290 euros –, raison pour laquelle nous avons dérogé à la règle de l’amendement à 1 euro.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement II-DN45 est une proposition que nous présentons chaque année, et ce n’est que l’année dernière que des suspicions ont été exprimées dans ce débat. Le montant de 75 510 euros qui permettrait de régulariser définitivement la situation des supplétifs de droit commun s’explique par le fait que, malheureusement, un certain nombre d’entre eux sont morts ces dernières années. Nous demandons évidemment la levée du gage, ce qui ne devrait pas vraiment alourdir la charge des finances publiques.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Durant les cinq ans que j’ai passés au ministère, ce marronnier a fleuri tous les ans. J’ai expliqué chaque année que les supplétifs de droit commun avaient eu les mêmes droits, indemnités, subventions et aides au reclassement que les rapatriés. Assimilables à ces derniers, ils n’entraient donc pas dans une catégorie particulière. En revanche, nous avions entendu les revendications et demandé aux associations les noms des personnes concernées. On nous en a communiqué soixante-quatorze, dont vingt-quatre n’entraient pas du tout dans le cadre et vingt-cinq étaient introuvables : il restait alors vingt-cinq personnes, dont certaines sont peut-être décédées depuis.
Tous ces cas ont été traités individuellement par l’ONaCVG, qui a appelé et accompagné ces personnes. Avec tout le respect que j’ai pour elles, il faut dire qu’il n’y a plus lieu de discuter de ce problème, car il a été traité et la reconnaissance a été mise en œuvre.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Les arguments de Mme la députée sont aussi ceux de Mme la ministre, mais lorsque nous défendons un amendement qui n’avait pas été adopté lorsque vous étiez ministre ou qui corrige une décision que vous aviez prise, il ne s’agit aucunement d’une attaque personnelle.
J’entends le conservatisme que vous nous imposez depuis tout à l’heure. D’autres ministres sont venus depuis, dont certains sont présents dans cette salle. Ils ont mené des actions tantôt semblables à la vôtre, et tantôt différentes. Nos amendements, je le répète, ne sont pas une critique personnelle, mais nous sommes ici pour faire avancer les choses. Tout n’a pas été fait, mais vous n’aviez pas le temps de tout faire.
La commission rejette successivement les amendements.
L’amendement II-DN19 de M. Abdelkader Lahmar est retiré.
Amendement II-DN134 de M. Romain Tonussi
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement d’appel vise à rappeler la nécessité d’une trajectoire budgétaire claire et ambitieuse pour les maisons Athos, destinées à la réhabilitation des militaires souffrant de blessures psychiques. Les précédents gouvernements s’étaient engagés à créer dix de ces maisons d’ici à 2030, mais les crédits demeurent figés à 6 millions d’euros, sans perspective d’évolution.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Cet amendement de bon sens donne l’alerte en soulignant le financement insuffisant des maisons Athos, qui sont pourtant une belle expérience. Beaucoup a déjà été fait et une nouvelle maison a encore été créée cette année. C’est un succès, et aucune des personnes que nous avons auditionnées n’a exprimé le moindre avis différent. La seule question, qui revient comme une antienne, est celle du manque de moyens. C’est un thème classique, me direz-vous, au moment de l’élaboration d’un budget, mais en l’espèce, c’est tout à fait vrai : on décèle de plus en plus de blessures psychologiques et le besoin est croissant, tandis que le rythme de création de maisons Athos, réelles ou budgétées, n’est probablement pas suffisant. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN12 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Cet amendement d’appel vise à rappeler le rôle considérable que jouent les associations de mémoire et d’anciens combattants pour soutenir le lien armée-nation L’identité de nombreux territoires, comme celui de Lorient, est marquée profondément par la présence historique de forces militaires. Les associations font vivre cette mémoire, participent au lien social et à la connexion entre l’armée et la société. Le maintien du budget de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation crédibiliserait le soutien de l’État à ces citoyens engagés dans le lien social de mémoire.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. On ne peut que souscrire à ces propos sur le rôle des associations d’anciens combattants, qui font un travail formidable, et à la nécessité de leur allouer des moyens.
Avis défavorable, cependant, car le besoin diminue malheureusement à cause de la démographie. On ne peut reconduire l’intégralité des crédits : une part doit se transformer en économies tandis qu’une autre doit être redéployée vers d’autres lignes budgétaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN86 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à allouer une subvention au projet de construction d’un musée dédié à la mémoire des rapatriés d’Indochine, dans le cadre de la loi que l’Assemblée a votée cette année, dans la commune de Noyant-d’Allier, où un camp a accueilli quelque 3 000 personnes dans les années 1950 et 1960. La première pierre de cet espace muséal a été posée le 10 mai 2025, et l’association des rapatriés de Noyant-d’Allier, que j’ai auditionnée, soutient activement ce projet. Le futur espace sera installé dans deux anciennes maisons de corons entièrement réhabilitées pour l’occasion. L’ONaCVG estime le budget nécessaire à 1 million d’euros, dont la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) pourrait financer 50 %, soit 500 000 euros, au moyen d’une subvention d’investissement.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). J’ai un peu le sentiment qu’on se livre ici, dans tous les domaines, à une forme de surenchère mémorielle. Toutefois, dès lors que notre assemblée a fait le choix d’accepter une indemnisation pour les rapatriés d’Indochine, je ne vois pas pourquoi on leur refuserait un monument.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN102 de M. Julien Limongi
M. Julien Limongi (RN). Dans nos cimetières, de plus en plus de tombes de soldats morts pour la France durant la Première guerre mondiale sont abandonnées et tombent sous le régime de la concession. Une loi de 1919 a certes acté le principe d’une reconnaissance éternelle, mais les moyens alloués ne suivent pas toujours les lois. Cet amendement d’appel vise à souligner le besoin d’un recensement de toutes ces tombes par l’ONaCVG. Il conviendrait d’alerter le ministre lors de l’examen des crédits en séance, et l’adoption de cet amendement par notre commission donnerait à cette demande plus de poids.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Avis favorable à cette œuvre utile.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Le Souvenir français fait très bien cela. Il faudrait d’ailleurs demander à tous les maires, responsables des cimetières, de lui signaler ces tombes.
M. Julien Limongi (RN). Le Souvenir français n’a pas toujours les moyens de le faire dans tout le pays, et certaines de ses sections ont parfois des moyens limités. Ce travail doit effectivement être réalisé en coopération avec les mairies et les correspondants défense, mais les maires n’ont pas toujours conscience de l’existence de ces tombes dans leur commune, et l’ONaCVG pourrait les aider dans ce recensement. Un soutien de l’État serait donc utile pour mener cette action de mémoire.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je saisis cette occasion de saluer le travail des correspondants défense, qui font souvent ce travail de mémoire dans les communes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN84 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il vise à revaloriser le point de PMI, comme le demandent l’ensemble des associations que j’ai auditionnées. Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes : alors que, selon le ministère des armées, le rattrapage nécessaire serait de 12 %, il sera de 0 % cette année. Le symbole est négatif et tout à fait injuste.
Il ne s’agit évidemment pas de déplacer des millions d’une ligne à l’autre, mais l’adoption de cet amendement d’appel permettra d’entamer une discussion avec Mme la ministre, qui semble ouverte à cette question, en vue d’obtenir un amendement du gouvernement qui fera évoluer la situation. Notre commission indiquerait ainsi qu’elle est alertée et vigilante.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il avait été décidé avec les associations, en parfaite connaissance de cause, de ne pas indexer le point de PMI sur l’inflation, mais de lui faire suivre la trajectoire du point d’indice de la fonction publique, ce qui devait être plus avantageux. Nous avions proposé une revoyure au bout de deux ans, mais elle n’a pas eu lieu.
Avant que notre commission ne se prononce sur cette question, celle-ci doit faire l’objet d’un travail important pour déterminer s’il vaut mieux indexer le point de PMI sur le point d’indice de la fonction publique, sur l’inflation, ou encore recourir à d’autres facteurs. En tout cas, nous ne déciderons pas à la place des associations sans une étude approfondie.
Mme Anna Pic (SOC). Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, un rapport du gouvernement aurait dû nous être fourni au mois de mai, mais personne ne l’a vu. Nous le réclamons donc à nouveau.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Nous avons en effet regretté ce matin que ce rapport ne nous ait pas été remis et évoqué l’idée d’une étude sur la meilleure manière de revaloriser le point de PMI.
C’est un amendement d’appel que j’ai déposé, car nous n’allons pas tout révolutionner ici et maintenant : toute prise de décision à ce sujet nécessite de la concertation et une sérieuse étude chiffrée qui permette un certain consensus. Il s’agit en revanche de donner l’alerte et de témoigner que la commission est consciente de la situation : une revalorisation de 0 % du point de PMI est difficilement défendable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN85 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il vise à augmenter d’un point de PMI l’allocation de reconnaissance du combattant en la fixant à 53 points au 1er janvier 2026, ce qui correspondrait à une augmentation de 16,07 euros à la valeur actuelle du point de PMI.
Cet amendement d’appel porte un montant de crédits de 1 euro afin d’éviter de déséquilibrer le budget et de ne pas envoyer un signal négatif à nos compatriotes de confession juive. Il importe, en revanche, de souligner ce problème, sachant par ailleurs que nous avons évalué à environ 6,7 millions le coût de cette mesure de justice.
M. Yannick Chenevard (EPR). Monsieur le président, étant tous deux concernés en tant qu’anciens combattants, je vous propose que vous et moi nous déportions pour ce vote.
M. le président Jean-Michel Jacques. C’est tout à fait juste.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN119 de M. Thibaut Monnier
M. Thibaut Monnier (RN). Cet amendement d’appel, qui reprend le dispositif d’une proposition de loi transpartisane, vise à attribuer la mention « mort pour le service de la nation » aux militaires qui décèdent par accident pendant un entraînement ou un exercice de haute intensité. Il est inacceptable qu’ils ne reçoivent que celle, laconique, de « mort en service », alors que l’attribution de la mention « mort pour le service de la nation » ouvre droit à des compensations financières et matérielles telles que le versement d’une pension de réversion à taux plein ou l’octroi du statut de pupille de la nation aux enfants du militaire décédé.
Ces serviteurs de la France évoluaient dans des conditions très proches de la guerre réelle et exerçaient des missions de préparation qui les exposaient à la mort ou à des blessures. Leur mort mériterait donc la solidarité nationale, la reconnaissance et le soutien indéfectible de l’État à leurs familles, sans pour autant dénaturer la mention « mort pour la France ».
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel, juste et de bon sens, dénonce une situation intolérable pour nos soldats morts pendant un exercice ou dans un accident. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN124 de M. Laurent Jacobelli
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il vise à soutenir la construction du « Mur des noms », qui rappelle que 40 000 malgré-nous sont morts au front durant la Seconde guerre mondiale, en reconduisant la subvention d’investissement de 350 000 euros dont ce projet a déjà bénéficié en 2024. Cette cause, dont on parle peu, est très importante pour la nation, particulièrement en Moselle et en Alsace.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN21 de M. Emmanuel Fernandes
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Durant la Seconde guerre mondiale, près de 146 000 femmes et hommes furent arrachés à leur foyer et enrôlés de force dans les armées ou les structures du IIIe Reich. Ces incorporés de force de Moselle et d’Alsace, alors annexées de fait, n’ont pas choisi leur sort. Le refus d’obéir signifiait pour eux une exécution sommaire, et pour leurs familles la confiscation de leurs biens, l’arrestation, l’internement dans une annexe du camp de concentration du Struthof, puis la déportation vers l’Allemagne.
Cet amendement vise à réparer une injustice mémorielle en étendant aux orphelins de ces incorporés de force le bénéfice du décret de 2004 qui s’applique aux descendants de victimes d’autres actes de barbarie nazie. Le même amendement a été adopté l’année dernière par notre commission et, quelques semaines plus tard, le président de la République affirmait, lors de la commémoration des quatre-vingts ans de la libération de Strasbourg, que « la tragédie des malgré-nous doit être nommée, reconnue et enseignée, car elle est celle de la nation ». J’invite donc notre commission à s’inscrire dans la ligne de ces paroles en votant cet amendement, pour lequel nous appelons évidemment le gouvernement à lever le gage.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je comprends la question, mais c’est à l’État allemand qu’il faut demander cette indemnisation. Les malgré-nous reçoivent – ou plutôt : recevaient, car il ne doit plus y en avoir – des indemnisations de la part de l’État allemand. Ces mémoires sont toujours difficiles et fortes, et ces personnes sont dans notre nation, mais il y a une hiérarchie dans les choses et parfois, quand on ne respecte pas les hiérarchies, on crée beaucoup de problèmes dans nos sociétés. Il faut sérier les sujets. J’attache beaucoup d’importance à l’histoire des malgré-nous, mais je ne suis pas d’accord avec cette proposition.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Les propos que le président de la République a tenus à Strasbourg voilà quelques mois laissent penser qu’il met ce sujet tout en haut de la hiérarchie que vous établissez.
Par ailleurs, avez-vous sollicité l’Allemagne, lorsque vous étiez ministre des anciens combattants, pour qu’elle octroie cette indemnisation aux orphelins de malgré-nous ? Des procédures ont du reste été engagées devant la justice allemande par ces mêmes associations qui demandent à la France d’élargir l’application du décret de 2004. Aux termes de ce décret, ce n’est pas l’Allemagne qui paie, mais la France ; or nous devons considérer que les malgré-nous et leurs familles ont bien été victimes d’actes de barbarie nazie. Comme je l’ai dit, en effet, toute la famille partait en camp de concentration et était dépossédée, tandis que les malgré-nous eux-mêmes étaient sommairement exécutés s’ils refusaient. Le décret de 2004 doit donc pouvoir s’appliquer.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Il faut tout de même se rappeler qui est à l’origine de quoi. Je souscris donc pleinement aux propos de Mme Darrieussecq. En 1979, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt ont signé un accord solennel entre la France et l’Allemagne, prévoyant une indemnisation et précisant explicitement que cette indemnisation éteignait les éventuels recours. Peut-être s’est-on planté à l’époque, mais il faut savoir renoncer à toujours recommencer. Si vraiment il y a un problème, il faut rappeler que l’Alsace-Moselle avait été transformée en terre allemande : ce n’était ni l’État français ni la zone occupée, mais un territoire au statut particulier. À l’Allemagne d’assumer, le cas échéant, ses responsabilités.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Sur le fond, je souscris à la proposition de mon collègue, car j’avais moi-même proposé un amendement en ce sens. J’ai toutefois un doute quant à la somme et aux implications, pour les raisons que nous avons déjà évoquées.
Je suis par ailleurs choqué par l’idée d’une hiérarchie des souffrances et des mémoires.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Le mot était mal choisi. Je m’en excuse auprès de la commission.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. J’en prends acte je m’en réjouis. Quant à l’amendement, sagesse.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le raisonnement de M. Thiériot n’est pas possible, car ce serait renoncer à indemniser tous ceux qui ont un jour eu à pâtir des défaillances de l’État français.
Par ailleurs, vous dites que l’Alsace et la Moselle étaient territoire allemand, mais allons-nous, législateur français de la Ve République, reconnaître l’invasion de l’Alsace et de la Moselle ? Les indemnisations des victimes du IIIe Reich sont-elles comptées en fonction de la date des événements, selon qu’ils ont eu lieu avant ou après l’invasion de la zone libre ? Ces distinguos n’ont pas de sens. Une majorité s’était dégagée l’année dernière pour voter cet amendement et il est temps de retrouver un peu de bon sens.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vais maintenant mettre aux voix les crédits de la mission.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Des amendements d’appel ont été proposés pour demander au gouvernement de revoir sa copie. Ce n’est pas encore le cas et, comme je l’ai dit ce matin, ce budget ne nous convient pas, car il comporte trop de manques, trop de baisses là où il ne faudrait pas, et trop d’oublis. Avis défavorable.
Mme Anna Pic (SOC). Si les nombreux amendements à 1 euro qui ont été votés avaient été de vrais amendements d’appel, retirés après la discussion, le groupe socialiste aurait certainement pu voter les crédits de cette mission, mais nous ne prendrons pas part au vote, car l’insincérité est beaucoup trop grande.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, modifiés.
Article 52 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-DN120 de M. Romain Tonussi
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à introduire un indicateur de performance pour les maisons ATHOS, portant notamment sur le taux de réinsertion ou de reprise d’activité de nos militaires six mois après un séjour. Cet indicateur donnerait un suivi objectif et mesurable de la reconstruction de nos soldats blessés, afin que leur accompagnement ne se limite pas à des intentions, mais produise des résultats.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Avis favorable à cet amendement de bon sens.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Il me semble qu’il est, au contraire, totalement illogique. C’est mal connaître les troubles psychiques qui se manifestent dans les armées que de parler d’indicateurs, car il n’y a pas de performance à attendre, mais il faut un accompagnement sur une très longue période. Les militaires concernés ont des hauts et des bas permanents sur des périodes très longues. Je n’attends pas de niveau de performance, mais un accompagnement aussi adapté que possible pour ces personnes.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Mon groupe est très investi sur la question des blessés psychiques, sujet sur lequel nous avions déposé une proposition de loi dès 2018 afin de faciliter l’accompagnement et la prise en charge de ces blessés.
Comme Mme Darrieussecq, toutefois, je considère que cet amendement témoigne d’une approche formaliste des blessures psychiques, qui entraînent des hauts et des bas, et des difficultés dont on ne guérit, pour ainsi dire, pas vraiment. Dire que, si un patient n’est pas rentré dans la vie la plus ordinaire au bout de six mois, la maison Athos n’a pas eu d’effet ou de pertinence, reviendrait à nier la pertinence de tout ce qui relève du soin. Ce n’est pas une bonne idée.
Pour le reste, la création de nouveaux indicateurs de performance étant l’une de mes marottes personnelles, je saisis cette occasion de dire que nous consacrerons peut-être un jour une mission d’information à la révision des indicateurs de performance du PAP (projet annuel de performances), qui sont, pour la plupart, peu pertinents.
L’amendement est retiré.
Après l’article 71
Amendement II-DN16 de M. Jean-Michel Jacques
M. le président Jean-Michel Jacques. Le présent amendement a pour but d’évaluer et de comparer l’impact du changement de mode de calcul du point de PMI. J’ai pu mesurer, en échangeant avec les associations d’anciens combattants, le besoin en ce sens. Le point de PMI indemnise les militaires et anciens militaires blessés, malades ou victimes d’accidents imputables au service, ainsi que leurs ayants droit. Son montant est actuellement indexé sur la valeur du point de traitement des fonctionnaires civils.
L’objectif de cet amendement est de voir quel serait l’impact d’une éventuelle indexation du point de PMI sur la rémunération indiciaire brute moyenne des militaires, plus représentative de la singularité et de la sujétion propres à l’état militaire. Il est important de bien évaluer et de comparer l’impact de cet éventuel changement d’indexation, afin de nous assurer de faire le bon choix pour les bénéficiaires.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Monsieur le président, j’aime votre optimisme ! Demander un deuxième rapport alors que la clause de revoyure n’a pas été appliquée et que nous n’avons toujours pas le rapport lié, c’est faire preuve la fois de ferveur et de croyance.
Sur le fond, et plus sérieusement, il est important de faire les études nécessaires pour savoir si un changement du mode de calcul pourrait avoir un impact positif. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN17 de M. Jean-Michel Jacques
M. le président Jean-Michel Jacques. Cet amendement vise à renforcer la reconnaissance de la nation envers les équipages des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Ces sous-mariniers sont garants de la permanence de la crédibilité et de la mise en œuvre de notre dissuasion nucléaire, qui est la clé de voûte de notre défense. Ils partent en mission jusqu’à quatre-vingts jours d’affilée, en vigilance 24 heures sur 24, sur tous les océans et toutes les mers.
En raison de leur caractère secret, ces déploiements permanents ne sont pas considérés comme un théâtre opérationnel ouvert au titre de l’arrêté du 12 janvier 1994 – en effet, on ne sait jamais où ils sont. Les équipages de SNLE ne peuvent donc pas prétendre à l’attribution du titre de reconnaissance de la nation. Pour y remédier, cet amendement vise à objectiver les coûts de cet élargissement et à permettre ensuite la mise en œuvre de cette reconnaissance légitime pour nos sous-mariniers.
M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je rappelle que ma collègue Muriel Lepvraud avait déposé l’an dernier un amendement en ce sens, dont les implications financières ne lui laissaient guère de chances de prospérer cette année. Nous voterons donc au moins celui-ci.
M. Yannick Chenevard (EPR). Nous avions fait la même chose les années précédentes et sommes donc tout naturellement favorables à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Mission Défense : Environnement et prospective de la politique de défense (Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis) ; Soutien et logistique interarmées (M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis) ; Préparation et emploi des forces : forces terrestres (Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour avis) ; Préparation et emploi des forces : marine (M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis) ; Préparation et emploi des forces : air (M. Frank Giletti, rapporteur pour avis) ; Équipement des forces ; Dissuasion (M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis)
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-DN3 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à concrétiser l’adaptation opérationnelle de nos forces à la réalité de la guerre de haute intensité. La semaine dernière, le chef d’état-major des armées a confirmé devant nous la pertinence des propositions du rapport d’information sur la masse et la haute technologie, élaboré par M. Thomas Gassilloud et moi-même, s’agissant d’un besoin de confiance accrue dans l’autonomie capacitaire de nos forces. Des enveloppes à disposition des unités existent déjà, mais elles sont limitées et supposées être dédiées à des dépenses logistiques.
Faire confiance au terrain et à nos militaires est donc l’objet de cet amendement, qui vise à créer de véritables enveloppes de subsidiarité en offrant une marge de manœuvre supplémentaire aux unités administratives de base pour l’achat de petit capacitaire. Je garde ainsi en mémoire l’achat de drones sur ses fonds logistiques régimentaires par le 1er RHP (régiment de hussards parachutistes) de Tarbes afin de s’entraîner à ce nouvel outil. De telles enveloppes dédiées à l’innovation et à la dotation capacitaire seraient un terreau pour l’innovation, l’expérimentation et l’adaptation de nos forces, tout en permettant rattrapage du petit capacitaire encore manquant sur le terrain.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Le sujet est intéressant, mais il relève de l’actualisation de la LPM et je propose en outre de ne pas pénaliser la politique immobilière du programme 212.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Merci, monsieur Cormier-Bouligeon, de défendre la politique de logement du programme 212, qui est en effet fondamentale.
Pourrions-nous, au lieu d’évoquer les gages, avoir un débat sur le fond ? Notre groupe votera contre cet amendement parce que, d’après ce que j’ai compris des auditions que j’ai menées, l’essentiel du budget de la surmarche a déjà été affecté à des munitions. Cela pose problème : soit la LPM a été bien pensée, et les munitions auraient alors déjà dû être prévues, soit elle a été sous-évaluée, et nous avons alors besoin d’une surmarche. Je ne pense donc pas que la question soit de savoir si cela relève de la révision de la LPM, qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Parlement. De fait, puisque nous disposons de l’ordre du jour prévisionnel jusqu’en février, j’ignore si cette LPM sera examinée avant le début du mandat du prochain président.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Je voterai contre l’amendement mais j’en soutiens le principe et souhaite que nous en débattions en séance publique.
Je voterai contre car il faut être attentif à l’affectation et au montant des crédits transférés. Il y a dans l’armée de terre 100 unités élémentaires et nous parlons de 150 000 euros par unité, soit 15 millions en tout et non 1,5 milliard.
Ce qui importe, c’est la subsidiarité. Il faut offrir aux chefs militaires de terrain davantage de souplesse et de réactivité pour acheter des équipements. Les enveloppes de subsidiarité de l’armée de terre sont sans doute les euros les mieux dépensés du ministère.
Elles permettent aux chefs de terrain de se fournir auprès d’entreprises de leur territoire, de façon réactive et utile, sans forcément passer sous les fourches caudines des classiques procédures d’attribution des marchés publics. Les augmenter un peu présente un grand intérêt pour nos forces. Si un chef de corps peut envoyer 1 000 personnes au combat, nous devrions pouvoir lui donner l’équivalent de 100 euros par personne pour acheter des petits équipements de terrain.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La subsidiarité telle que la décrit notre collègue Thomas Gassilloud me laisse sceptique. Je comprends la logique de réactivité, de souplesse et d’efficience, mais en ce qui concerne le capacitaire stricto sensu, à l’exclusion du MCO, surtout s’il s’agit de munitions, sa proposition va trop loin.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Ces enveloppes, d’un montant unitaire d’environ 150 000 euros, servent à trois choses dans les régiments : l’entretien des infrastructures – depuis la réforme des bases de défense, il faut parfois remonter très haut pour changer une ampoule ; le soutien aux familles ; l’achat de petits équipements à usage spécifique au régiment, dont les munitions ne font pas partie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN148 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il vise à augmenter de 150 millions les crédits de la sous-action Soutien des forces par les bases de défense alloués au Centre interarmées de coordination du soutien (Cicos). Trois déficits structurels majeurs menacent le fonctionnement quotidien de nos forces.
Premièrement, la hausse des coûts de l’énergie des dernières années a grevé le budget des bases de défense de 160 millions. Deuxièmement, le Cicos ne récupère pas les 100 millions attendus en 2025 du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État, en violation des dispositions de l’article 4 de la LPM 2024-2030, qui prévoit le retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère des armées. Troisièmement, l’accumulation de la dette grise et les transferts de charges nouvelles, notamment liées aux grandes opérations d’armement, pèsent sur le soutien des bases de défense, dont les travaux de maintenance lourde ne peuvent plus être différés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN2 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Cet amendement vise à rappeler le trou capacitaire significatif que constitue notre capacité réduite et largement obsolète de frappe dans la profondeur. L’acquisition au plus vite d’une capacité renouvelée de frappe dans la profondeur de quarante-huit systèmes est une priorité, comme le rappelle le rapport d’information « De la professionnalisation à l’hybridation, pour une transformation de notre défense » de la mission menée par Thomas Gassilloud et moi-même. Le présent amendement vise à préparer dès maintenant une politique de dotation capacitaire en la matière, par exemple en s’appuyant sur la solution Foudre de la société Turgis & Gaillard.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de l’auteur de l’amendement, mais nous débattrons de ce sujet lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les autorités militaires que nous avons auditionnées ont rappelé l’urgence d’un tel achat et de sa dotation aux unités. Je ne pense pas qu’ils ont le temps d’attendre une hypothétique révision de la LPM 2024-2030.
Malheureusement, nous ne voterons pas l’amendement car il lui manque la garantie que la capacité envisagée soit souveraine. La solution proposée par Turgis & Gaillard, que je suis avec beaucoup d’intérêt, est citée parmi d’autres. Or acheter américain ou indien sur étagère n’est pas exclu, ce qui réduirait notre capacité indépendante.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN6 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Mon amendement vise à améliorer la préparation et la gestion de nos stocks face au retour des guerres de haute intensité. Il appelle le gouvernement à garantir une remise en service optimale de nos véhicules terrestres, notamment ceux retirés du service à l’occasion du programme Scorpion, afin de conforter la profondeur capacitaire de nos stocks.
Thomas Gassilloud et moi-même avons constaté que les stocks susceptibles d’être exploités en cas de besoin capacitaire urgent ou de soutien à un pays allié comme l’Ukraine ne peuvent l’être dans des délais satisfaisants, faute de capacité de reconditionnement et d’entretien. Nous pouvons éviter de reproduire les erreurs du passé en donnant à nos militaires les moyens humains et logistiques de stocker, dans des conditions propices à leur remise en service rapide, les équipements retirés des unités actives.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Sur ce segment, les dépenses que nous avons adoptées dans le cadre de la LPM 2024-2030 sont déjà élevées. Le taux de scorpionisation de notre armée de terre dépasse 50 %. Cette année, nous avons été livrés de 150 Griffon, 103 Serval et 33 Jaguar. En 2026, nous attendons 122 Griffon, 110 Serval et 30 Jaguar. Demander des dépenses supplémentaires me semble excessif. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN30 de M. Aurélien Saintoul et II-DN96 de M. Laurent Jacobelli (discussion commune)
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement quasi traditionnel vise à créer une ligne budgétaire dédiée à un système de char du futur souverain. Le partenariat avec l’Allemagne visant à produire le MGCS est voué à l’échec, comme nous le disons depuis un moment.
La récente association de Rheinmetall et de Leonardo dans le projet Marte (Main armoured tank of Europe) est une nouvelle démonstration que l’enjeu, pour les Allemands, ne consiste pas vraiment à aller au bout du projet mais bien à immobiliser la trésorerie de Nexter et à s’assurer que, in fine, l’entreprise française disparaisse du marché pour y rester seule. L’opération, habile, ne profite certainement pas à la France.
M. Laurent Jacobelli (RN). Faire semblant de s’allier, neutraliser l’adversaire économique, prendre le pas sur lui, développer ses propres solutions pour tuer un concurrent : c’est exactement la stratégie de l’Allemagne dans le cadre du développement d’un char européen. Si même certains de ses fervents défenseurs admettent que le MGCS pourrait aller dans le mur, c’est qu’il est temps de réallouer les montants qui lui sont dédiés au développement d’une solution souveraine, donc française – la souveraineté étant le propre des États, la souveraineté européenne n’existe pas.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne me semble pas pertinent d’opposer le MGCS et la capacité intermédiaire, d’autant qu’elles s’avéreront sans doute complémentaires. Nous aurons ce débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Je serai le premier à déposer un amendement prévoyant des crédits pour aller vers la capacité intermédiaire. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-DN4 de M. Damien Girard, II-DN47 de Mme Anna Pic et II-DN101 de Mme Caroline Colombier (discussion commune)
M. Damien Girard (EcoS). L’amendement II-DN4 vise à rappeler la nécessité, pour la marine nationale, de confirmer le format à dix-huit navires de premier rang, par exemple en recourant à une stratégie de « coques blanches » mises à disposition de la marine nationale et prélevées en cas de commande à l’export.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement II-DN47 vise à rappeler la nécessité de doter la marine nationale de ses dix-huit frégates de premier rang, prévues lors de l’examen de la LPM 2024-2030 pour lui permettre de faire face à une crise sans compromettre ses missions.
Une permanence sur zone requiert trois frégates, une alerte permanente deux. La France assure une permanence dans l’océan Indien, une en Méditerranée orientale, une dans l’Atlantique Nord et la Baltique, et deux alertes permanentes à Brest et à Toulon, où les deux frégates restantes sont en entretien. Le plafond capacitaire est atteint.
Mme Caroline Colombier (RN). La semaine dernière, devant cette commission, la ministre des armées a annoncé le renoncement aux trois frégates supplémentaires, pourtant considérées comme indispensables par le chef d’état-major de la marine. Cette décision est lourde de conséquences pour notre souveraineté.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il est exclu de mettre ce sujet de côté. Il fera l’objet d’un très beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, à l’issue duquel nous serons sans doute nombreux à voter la même chose. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Chacun ici est convaincu de la nécessité de disposer de trois frégates supplémentaires. Il incombe à la marine d’en définir la nature et le tonnage pour que nous puissions y travailler lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030, ce qui est exclu dans le cadre en vigueur. Avis défavorable.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Disposer de trois frégates supplémentaires est une nécessité, chacun en convient. S’il faut distinguer la programmation pluriannuelle des annuités budgétaires, il est toujours bon que notre commission, en ces temps d’incertitude budgétaire, administre une piqûre de rappel. L’adoption d’amendements d’appel transférant la somme symbolique de 1 euro en offre l’occasion.
L’amendement II-DN47 est retiré.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN4 et adopte l’amendement II-DN101.
Amendement II-DN81 de M. Thierry Tesson
M. Thierry Tesson (RN). Le ministre de la défense qu’était l’actuel premier ministre a reconnu à plusieurs reprises que nous pouvions aller plus loin. Il dispose désormais, dans un contexte budgétaire certes contraint, de tous les leviers.
Il serait bon que les crédits de la défense progressent à la hauteur des ambitions affichées. Cet amendement d’appel vise à minorer de 1 euro les crédits de l’action 08, Relations internationales et diplomatie de défense, du programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, au profit de l’action 09, Engagement et combat, du programme 146, Équipement des forces.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai peut-être mal compris les propos de notre collègue, mais dire que les crédits ne progressent pas à la hauteur des ambitions affichées alors même que nous allons voter une surmarche au sein d’une LPM record laisse songeur. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Les besoins sont identifiés. Nous en débattrons dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN82 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). La réduction d’une unité de la cible des patrouilleurs hauturiers est un signal capacitaire désastreux envoyé à nos marins. Y substituer un patrouilleur côtier de nouvelle génération n’est manifestement pas adapté à nos besoins. Nous craignons que le programme subisse, coup de boutoir après coup de boutoir, le même renoncement que celui constaté concernant les frégates de défense et d’intervention (FDI).
Si le gouvernement considère réellement que la défense est un budget sanctuarisé, nous proposons deux mesures de bon sens permettant d’allouer des ressources sur quatre ans au financement du dixième patrouilleur hauturier. À défaut, vous n’aurez ni masse ni cohérence.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit sept patrouilleurs hauturiers ; la suivante en prévoira trois. Il faut savoir raison garder.
L’actualisation de la LPM permettra d’évaluer les besoins supplémentaires, dont je me permets de rappeler qu’ils exigent non seulement des crédits supplémentaires mais aussi une capacité industrielle. La LPM 2024-2030 offre un cadre dans lequel je suggère de rester. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN46 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Nous donnons l’alerte. Si nous comprenons que les besoins sont partout dans le cadre de la montée en puissance de notre effort de défense, nous constatons que la hausse de 13 % des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2026 ne bénéficiera qu’à la marge à la marine. C’est compréhensible à l’aune des priorités actuelles, mais les enjeux stratégiques, sur les océans, sont forts, de la capacité de projection et d’intervention à la dissuasion nucléaire des puissances dotées en passant par le contrôle des voies d’approvisionnement et la sécurisation des infrastructures sous-marines.
Tandis que le voisinage immédiat de la France demeure un espace de friction, elle doit assurer sa liberté d’action en mer et de navigation et faire respecter ses droits dans ses frontières maritimes, notamment au large de ses territoires ultramarins. Nous proposons de soutenir la montée en puissance de la marine nationale en fléchant 10 millions d’euros, en AE et en CP, de l’action 07 vers l’action 03 du programme 178.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Là comme ailleurs, la cohérence est de mise. Notre stratégie repose sur le renouvellement capacitaire de tous les secteurs, des patrouilleurs outre-mer (POM) aux frégates de surveillance (FS) en passant par le porte-avions de nouvelle génération (PANG) et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).
Il faut rester dans ce cadre, qui nous permet d’atteindre nos objectifs. Si demain nous devons monter en puissance, nous verrons comment faire dans le cadre de l’actualisation de la LPM 2024-2030, en gardant à l’esprit l’indispensable capacité industrielle.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN142 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à régler le problème posé par le statut d’officier marinier commissionné (OMC) des baleiniers civils de Polynésie, où la complexité de la navigation dans les atolls et du franchissement des récifs exige une solide expérience qui s’acquiert au contact d’aînés. La possibilité de servir sous contrat offerte aux baleiniers civils de Polynésie s’arrête, faute de pouvoir accéder au brevet supérieur, au grade de maître, atteint à l’âge de quarante-sept ans ou à l’issue de dix-sept ans de service. Il en résulte une perte de compétences obligeant à former de nouveaux baleiniers.
Il serait sage de permettre aux baleiniers civils de Polynésie d’accéder au brevet supérieur pour les conserver plus longtemps en service actif. Le montant de l’amendement est symbolique, mais la mesure proposée changerait le quotidien des forces armées en Polynésie française (FAPF).
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. C’est la troisième année consécutive, me semble-t-il, que nous soutenons collectivement cet amendement. Il y a quelque chose d’un peu inique à considérer que, après dix-sept ans de service, les gens ne sont plus en capacité de remplir leur mission. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN24 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à soulever la question de la pertinence du PANG, dont nous ignorons s’il sera lancé d’ici à la fin de l’année. En 2040, un porte-avions sera-t-il en capacité de résister à des nuées de drones à faible coût – quelques dizaines de milliards d’un côté, quelques centaines de milliers d’euros de l’autre ? Sommes-nous certains de la pertinence d’un tel projet ? Par ailleurs, l’approvisionnement en catapultes électromagnétiques crée une dépendance à l’égard des États-Unis.
Cela fait beaucoup de questions pour un programme très onéreux. Nous souhaitons que le débat se tienne avant une éventuelle actualisation de la LPM 2024-2030.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Un porte-avions, c’est une base aérienne dont on ne connaît pas les coordonnées GPS. Un porte-avions parcourt à peu près 1 000 kilomètres par jour. Si un satellite le repère, il doit, au survol suivant, le rechercher dans une zone aussi grande que le département de la Loire.
Si les États-Unis ont onze porte-avions, si les Chinois en sont au troisième, si plusieurs pays tels que l’Italie envisagent la construction d’un porte-avions à propulsion nucléaire, c’est bien qu’il s’agit d’un outil de suprématie navale et aérienne. Au surplus, le porte-avions français emporte l’arme nucléaire. Avis défavorable.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La plaidoirie de notre rapporteur pour avis Chenevard est impeccable. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Nous retirons l’amendement, qui visait à ouvrir le débat. Nous l’aurons avec la ministre en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN133 de M. Frédéric Boccaletti
M. Frédéric Boccaletti (RN). La semaine dernière, j’ai rappelé à la ministre des armées l’importance stratégique de la protection de nos intérêts au sein de notre zone économique exclusive (ZEE) et les tensions croissantes qu’elle fait peser sur notre marine. Pour que cet atout en reste un, il est impératif d’être à la hauteur en matière de densité des équipements mobilisables.
Nous avons cru comprendre que la défense est un enjeu stratégique pour le bloc central et rappelons que les deux dernières LPM prévoient la rétrocession intégrale du produit des cessions immobilières du ministère. Nous appelons donc à la restitution des 150 millions issus de la vente de l’îlot Saint-Germain pour financer trois POM supplémentaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. La LPM 2024-2030 prévoit six POM, dont trois ont été livrés. Les trois autres le seront avant 2030. Pour l’heure, il ne semble pas nécessaire d’aller au-delà. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Notre stratégie est très équilibrée. Les nouveaux POM font trois fois la taille des précédents. D’une jauge de 1 300 tonnes, ils ont une allonge de 5 500 nautiques, soit près de 1 000 nautiques de plus que les précédents. Ils embarquent plus de marins. L’équilibre prévu par la LPM est parfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN90 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à réaffecter les fonds alloués au SCAF à un avion de chasse de sixième génération (NGF) souverain. Le blocage des industriels ne faisant plus de doute, il est urgent de trouver une solution faisant confiance à la BITD des Français, qui a toutes les capacités nécessaires pour créer le premier pilier du SCAF.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN29 de M. Bastien Lachaud, II-DN150 de M. Frank Giletti et II-DN5 de M. Damien Girard (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. L’amendement II-DN29 est un amendement d’appel, à hauteur de 50 millions. Il faut agir vite et faire vivre le débat sur l’avenir de la Patrouille de France, car rien n’avance.
Les Alpha Jet continuent de vieillir et sortiront bientôt du service actif sans qu’aucune solution souveraine n’existe. La Patrouille de France volera-t-elle un jour avec des avions qui ne seront pas français ? Ou bien nous sommes en capacité de lui fournir des Rafale, ou bien nous trouvons une solution alternative.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Il faut trouver une solution souveraine pour remplacer les avions de la Patrouille de France, qui assurent aussi la mission Red Air nécessaire à l’entraînement des forces de l’armée de l’air et d’espace (AAE).
M. Damien Girard (EcoS). Acquérir un segment d’aviation de chasse léger susceptible d’effectuer, à un coût maîtrisé, des missions d’entraînement, de démonstration et d’attaque au sol en milieu permissif offrirait à nos forces une masse intéressante, complémentaire du Rafale et respectueuse des contraintes budgétaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Ce sujet nous donnera l’occasion d’un échange de vues sans doute convergentes lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030. Pour l’heure, tenons-nous à l’annualité budgétaire 2026 rappelée par le ministre Jean-Louis Thiériot. Avis défavorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait de l’amendement II-DN29 au profit du mien. J’émets un avis défavorable à l’amendement II-DN5, n’ayant pas entendu, lors des auditions que j’ai menées, l’expression d’un besoin en matière d’avion léger – les besoins identifiés sont la succession de l’Alpha Jet, le remplacement, dans l’aviation de transport tactique, des Casa et CH-130 vieillissants, et le NGF.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’aurais été ravi de retirer mon amendement au profit du vôtre, cher collègue. Malheureusement, il est moins-disant de 5 millions. Nous ne pouvons souscrire à ce manque de volontarisme.
Successivement, la commission rejette l’amendement II-DN29 et adopte l’amendement II-DN150.
En conséquence, l’amendement II-DN5 tombe.
Amendement II-DN117 de M. Romain Tonussi
M. Romain Tonussi (RN). Cet amendement vise à réorienter une partie des crédits consacrés à la transition écologique du patrimoine immobilier des armées vers la préparation et l’entraînement de l’AAE. Une part non négligeable des moyens est absorbée par des études environnementales et par des installations photovoltaïques dans les emprises militaires.
Ces démarches ne répondent pas toujours directement aux besoins quotidiens de nos forces, mais plutôt à des contraintes idéologiques. Nous souhaitons privilégier l’entraînement et les capacités de préparation opérationnelle de nos bases aériennes.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Notre collègue Tonussi évoque une dimension idéologique, dans le travail de nos armées, en matière de performance énergétique. J’y vois au contraire une preuve éclatante de pragmatisme. Les économies d’énergie réalisées sur le parc immobilier dégagent des marges financières.
Par ailleurs, il y a un enjeu de disponibilité et d’efficacité du service de l’énergie opérationnelle (SEO), y compris en opération. Croire que l’on peut se dispenser de préparer l’avenir et de réfléchir aux moyens de doter un camp des meilleurs standards en matière énergétique, c’est ne pas comprendre les besoins réels des armées en opération. Du point de vue du soutien, s’assurer de la plus grande diversité possible des ressources en énergie de nos soldates et de nos soldats est une priorité.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). J’ai eu la responsabilité de certains de ces dépenses, que j’ai engagées au sein du ministère. Le ministère des armées n’est pas un objet particulier qui vit à côté de la société. Nos militaires sont jeunes et, comme tels, très sensibles aux mesures environnementales, contrairement à ce que vous semblez penser, monsieur Tonussi. Ils ont à cœur de travailler dans un environnement où tout cela est mis en œuvre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN68 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement devenu classique vise à assurer la réalisation de la promesse du gouvernement, qui est aussi celle du président de la République, d’augmenter de trente Rafale le format de l’aviation de chasse française, qui est sursollicitée.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous ne financerons pas deux escadrons supplémentaires sur l’annualité 2026, mais ce sujet nous offrira l’occasion d’un beau débat lors de l’actualisation de la LPM 2024-2030.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Par cohérence, je suis favorable à l’administration d’une piqûre de rappel s’agissant du format de notre flotte d’avions de chasse comme je l’étais s’agissant de nos frégates. Je voterai donc l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-DN70 de M. Frank Giletti et II-DN106 de M. Jean-Louis Thiériot
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Le moteur du futur Rafale standard F5 est un impensé de la LPM 2024-2030 et du projet de loi de finances pour 2026. Il faut absolument étudier l’évolution du moteur M88-T-REX produit par Safran. Les besoins électriques et la masse emportée du Rafale augmentent. Il faut passer, pour le Rafale actuel, d’un moteur de 7,5 tonnes de poussée à un moteur de 9 tonnes de poussée et, pour le Rafale standard F5 et le NGF, à un moteur de 11 tonnes de poussée.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Le moteur M88-T-REX peut constituer un jalon dans l’élaboration du Rafale standard F5 et du SCAF, qu’il soit produit en coopération ou non. À ce sujet, si le programme SCAF, qui suscite dans cette commission des inquiétudes répandues que je partage, devait ne pas aboutir, la responsabilité ne saurait en incomber à la France. Elle ne pourrait qu’incomber aux industriels ou à nos partenaires.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis parfaitement aligné avec ce que viennent de dire nos collègues. Il faut financer le développement du moteur M88-T-REX en répartissant la charge entre l’État et l’industriel. J’émets, une fois n’est pas coutume, un avis favorable à cet amendement d’appel.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-DN69 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel vise à rétablir la cible de cinquante avions A400M prévue par la LPM 2013-2019. Sursollicités, ces avions ont fait preuve d’une efficacité remarquable dans les dernières crises.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, elle rejette l’amendement II-DN104 de M. Julien Limongi.
Amendements II-DN38 de M. Bastien Lachaud et II-DN151 de M. Frank Giletti (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit de créer une ligne budgétaire Système d’alerte avancée pour dénoncer le nouveau programme de coopération franco‑allemand Odin’s Eye et le remplacer par un programme national ou en coopération sous direction française. Une nouvelle fois, la France fait le choix d’une coopération franco-allemande perdante.
En dépit de l’échec du MGCS et du SCAF, la France continue, au nom d’un intérêt franco-allemand illusoire, à abandonner son industrie et ses capacités : ce programme confié à l’industriel allemand OHB relègue nos acteurs nationaux à un rôle secondaire alors même que nous possédons toutes les briques technologiques permettant de le développer. Nous souhaitons que la France reprenne ses esprits et développe une capacité propre d’alerte avancée.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. En matière d’alerte avancée, la France avait de l’avance. Malheureusement, la LPM 2024-2030 n’en fait pas mention. Nous proposons la création d’un programme budgétaire dédié. La prolifération des missiles balistiques nous oblige à nous doter de cette capacité.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le sujet mérite une réponse un peu plus argumentée. Je constate que rien ne justifie ce programme sinon l’idéologie du franco‑allemand à l’exclusion du reste.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Il ne s’agit pas d’une coopération exclusive entre la France et l’Allemagne. Elle s’inscrit dans le cadre européen et inclut l’Espagne, l’Italie, la Lituanie et l’Autriche, en attendant que d’autres pays la rejoignent.
Compte tenu de l’ampleur des systèmes, la France n’a pas les moyens de développer seule un tel programme. Certes, elle en maîtrise les briques technologiques, mais ce programme vise à défendre l’espace aérien européen dans son ensemble et pas seulement l’espace aérien français.
M. Thomas Gassilloud (EPR). Le programme Odin’s Eye inclut des industriels français tels que Thales et MBDA ainsi que l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales). Par ailleurs, en dépit de divergences de vues en matière capacitaire selon les systèmes d’armes et les doctrines des uns et des autres, il s’agit d’assurer le suivi tactique des situations, qui est une exigence identique quelles que soient les différences, au demeurant légères, entre les doctrines défensives. Il semble possible d’avancer raisonnablement sur ce projet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN152 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Par cet amendement d’appel je demande le développement d’un missile aérobalistique, qui est une nécessité pour l’armée de l’air et de l’espace. Les avantages opérationnels sont en effet connus : difficulté de détection, rapidité accrue, manœuvrabilité lors de la course finale et portée allant de 500 à 1 000 kilomètres, ce qui augmenterait de manière substantielle l’allonge d’un raid aérien conventionnel.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je vous renvoie, à mon tour, à l’actualisation de la LPM.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN32 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement, lui aussi d’appel, vise à garantir l’existence des satellites de communication nécessaires à nos armées dans le cadre du projet IRIS² (infrastructure de résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite). J’avais alerté notre commission l’année dernière sur les difficultés que nous traversions, mais la situation est encore plus compliquée que prévu, en raison de désengagements probables, notamment de l’Allemagne, qui consacre beaucoup d’argent au développement de sa propre constellation de satellites – on voit, là encore, que la coopération franco-allemande peut patiner. Le rapport que j’ai publié avec Mme Vignon insistait sur la nécessité d’assurer le déploiement du programme à l’horizon 2030, de garantir l’interopérabilité d’Iris² avec d’autres systèmes, comme Syracuse, et de renforcer les capacités d’observation militaire et les systèmes antibrouillage, à des fins de sécurisation, mais le problème reste entier.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous en avons débattu ce matin. Votre rapport a mis en lumière le besoin capacitaire dans ce domaine. Avis favorable.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je souscris au raisonnement qui sous-tend cet amendement. J’ai déploré, moi aussi, la situation dans un rapport consacré au spatial de défense. Il serait très hasardeux de renoncer à un satellite patrimonial ultrasécurisé au profit d’une constellation européenne civile de connectivité en orbite basse. Même avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN71 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel incite, dans la lignée des précédents, à une accélération du programme IRIS², qui va remplacer les satellites CSO (composante spatiale optique). Les décalages deviennent, en effet, préoccupants. Il faut sécuriser le passage à la réalisation industrielle afin d’éviter une faille capacitaire en matière de Roim (Renseignement d’origine image).
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il ne faudrait pas que notre collègue y prenne goût, mais j’émets un avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN72 de M. Frank Giletti
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Cet amendement relatif au programme Celeste, qui doit remplacer Ceres – capacité de renseignement électromagnétique spatiale – vise aussi à éviter un trou capacitaire, en matière de renseignement d’origine électromagnétique.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle rejette l’amendement II-DN116 de M. Thibaut Monnier.
Amendement II-DN35 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un programme de radars acoustiques pour la lutte contre les drones. La guerre en Ukraine démontre l’importance cruciale de disposer de programmes aussi performants que possible dans ce domaine.
M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN7 de M. Damien Girard
M. Damien Girard (EcoS). Il s’agit de contribuer à l’effort d’adaptation de nos armées, dans toutes leurs strates, au tournant capacitaire que constitue le développement des drones. Leur diffusion massive dans la société et l’armée est un élément fondamental de la capacité d’adaptation et d’innovation de l’Ukraine face à l’armée russe. Cet amendement, qui est inspiré d’une proposition de la mission d’information sur la masse et la haute technologie et s’inscrit dans la continuité de la création de l’École des drones de l’armée de terre, vise à doter chaque élève sous-officier et officier d’un drone FPV (vol en immersion) commercial, pour favoriser une appropriation systématique par nos forces de cet outil nouveau, qui transforme durablement le visage des théâtres d’opérations.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’ai plutôt l’impression, pour m’être rendu à l’École des drones et au 61e régiment d’artillerie, que la remontée actuelle des crédits est suffisante. Nos soldats m’ont dit qu’ils avaient surtout besoin de davantage de souplesse par rapport au catalogue au sein duquel ils peuvent passer commande au moyen des crédits de subsidiarité. Avis défavorable.
M. le président Jean-Michel Jacques. J’ajoute qu’il faut penser à la question de l’industrialisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN143 de M. Bastien Lachaud et II-DN50 de Mme Isabelle Santiago (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je vous propose une augmentation de crédits afin de soutenir la montée en puissance du service de santé des armées (SSA). Malgré la hausse globale du budget de la fonction santé, les crédits de fonctionnement du SSA doivent baisser de 12 millions d’euros, ce qui constitue une incohérence.
Mme Anna Pic (SOC). Nous dénonçons également, par notre amendement, la baisse de 17 % des crédits alloués au service de santé des armées. Cette évolution est d’autant plus inacceptable que deux rapports, l’un de la Cour des comptes et l’autre du Sénat, critiquaient déjà en 2023 des choix budgétaires qui touchaient d’une manière disproportionnée à cette pièce maîtresse de notre outil de défense et appelaient, au contraire, à la consolider.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les deux amendements vont dans le même sens, mais je considère que le mien est mieux calibré, puisque la hausse des crédits qu’il propose correspond exactement à la baisse prévue pour les crédits de fonctionnement et aux besoins du service de santé des armées. J’invite donc au retrait de l’amendement II-DN50 au profit du mien.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons tous fait le constat ces dernières années, me semble-t-il, que ce qui s’est passé au SSA avait un effet destructeur. Je propose plutôt que la commission se saisisse de cette question en créant une mission d’information chargée d’établir un rapport sur la réalité des déflations de crédits qui sont intervenues et les besoins réels de remontée en puissance du SSA.
Mme Anna Pic (SOC). On nous explique chaque année que les rapports, ça va bien. En l’occurrence, il en existe plusieurs, de la Cour des comptes et du Sénat, qui dénoncent la situation. Nous avons déjà quelques éléments.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Tout cela n’est pas faute d’avoir lancé des alertes, notamment lors des débats consacrés à la loi de programmation militaire. Nous avons demandé au ministre une feuille de route claire pour les projets concernant le SSA. Remettre encore la question à demain serait une sorte de renoncement qui ne me paraîtrait pas très sage.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-DN141 de M. Bastien Lachaud et II-DN137 de Mme Catherine Hervieu (discussion commune)
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je propose, pour les mêmes raisons, une augmentation des crédits d’infrastructure du service de santé des armées.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Notre amendement vise aussi à augmenter les moyens alloués aux infrastructures de santé. La multiplication des crises et des conflits et le changement climatique exposent les combattants à des risques sanitaires qui évoluent, notamment lors des opérations extérieures. La feuille de route du SSA pour 2024‑2030 n’a été élaborée et validée qu’après l’adoption de la LPM. Aborder cette question lors des débats budgétaires me paraît tout à fait pertinent.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Tout cela est bien documenté dans mon rapport. Je demande le retrait de l’amendement II-DN137, qui me semble moins bien calibré que le mien.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN135 de Mme Catherine Hervieu
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vous séduira peut-être davantage puisqu’il propose une augmentation de crédits un peu plus faible – 3 millions d’euros au lieu de 5 – au profit du SSA.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Une hausse de crédits de 3 millions d’euros me paraît insuffisante, mais ce serait toujours mieux que rien. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN37 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à enclencher un programme de nationalisation d’ArianeGroup. La privatisation du programme Ariane 6 était une lourde erreur stratégique et industrielle, qui a conduit à quatre années de retard pour le développement, la construction et le tir inaugural du lanceur, lequel a finalement eu lieu en juillet 2024. Nous avons ainsi subi une rupture temporaire, mais tout à fait délétère, de notre accès souverain à l’espace : les satellites Galileo ont été lancés grâce à SpaceX, ce qui est quand même assez scandaleux.
Il faut reconstruire notre autonomie stratégique en interrompant la longue marche vers la privatisation, qui se poursuit depuis les années 1990. L’indépendance de notre accès à l’espace n’a pas de prix, et c’est le minimum pour honorer notre statut historique de puissance spatiale. Nous devons, par ailleurs, veiller à anticiper l’après-Ariane 6, par la montée en puissance de MaiaSpace et la consolidation de nos efforts stratégiques, notamment pour contrer la concurrence de nos sympathiques partenaires allemands, qui développent la même gamme de lanceurs. La nationalisation d’ArianeGroup permettra de redonner de la puissance financière et capacitaire au programme spatial français dans ce domaine.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Même si vous proposiez en contrepartie l’installation d’un site d’ArianeGroup, je resterais opposé à un changement de capital. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN36 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement, qui vise à nationaliser Atos, avait été adopté l’an dernier, avant d’être balayé lors du recours au 49.3. La situation a passablement changé sur le plan financier, puisque le cours de bourse est sensiblement remonté. Les décisions de restructuration de la dette d’Atos ont permis aux banques d’éponger leurs pertes, d’une certaine façon, et Atos reste un acteur incontournable pour tout projet de mise en œuvre de la souveraineté numérique. En revanche, la situation industrielle n’a pas réellement évolué : c’est une liquidation ou en tout cas une vente à la découpe qui se dessine. Or il ne faudrait pas laisser se produire une catastrophe semblable à celle d’Alstom. Si nous voulons avoir une ambition en matière de souveraineté numérique, nous ne pouvons pas passer notre temps à confier notre destin à d’autres, à travers un financement des Émirats arabes unis, par exemple.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je salue votre cohérence idéologique, mais la nôtre est à l’opposé. Avis défavorable.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je crois que l’amendement avait été adopté, la dernière fois, grâce aux voix du Rassemblement national. Vous aurez peut-être un petit souci ce soir, monsieur Saintoul, en l’absence des membres de ce groupe.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN132 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à vous alerter sur la situation de l’entreprise Europlasma, dont j’ai déjà dit à plusieurs reprises qu’elle était un dangereux repreneur en série. Elle a en effet repris les Fonderies de Bretagne – vous connaissez bien ce dossier, monsieur le président – ainsi que Valdunes et Luxfer. En réalité, ce repreneur met en danger l’ensemble des sites qu’il rachète successivement en faisant de la cavalerie budgétaire. La situation est en train de devenir critique : la bulle ne cesse de grossir et son explosion fera extrêmement mal. Nous ne proposons pas de nationaliser, stricto sensu, Europlasma, mais de racheter l’entreprise pour 1 euro symbolique. Faire bénéficier des escrocs – j’ose employer ce mot – d’argent public en récompense de leur cavalerie budgétaire n’aurait, en effet, pas de sens. Il est urgent de remettre de la cohérence dans la filière des munitions, qui est indispensable pour notre souveraineté.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si nous pouvons aller dans la direction souhaitée par notre collègue. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il existe un carnet de commandes, notamment pour des munitions de 155 mm. Les difficultés de l’entreprise ne peuvent donc pas venir d’un manque de commandes publiques. J’émets un avis défavorable à cet amendement, qui reviendrait quand même un peu à réaliser une nationalisation, mais nous devrons rester attentifs à l’avenir de ce groupe.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Cette société a complètement obliqué à partir de l’invasion de l’Ukraine, en tout cas pour ce qui est des Forges de Tarbes, reprises en 2021. Elle a fait des annonces frauduleuses, comme celle de la conclusion d’un contrat avec l’Ukraine pour la livraison de 100 000 obus, alors qu’elle n’en produit pas plus de 40 000 par an depuis trois ans. Nous avons, par ailleurs, affaire à un mode de financement totalement opaque, reposant sur des instruments un peu complexes, qui relèvent de la finance dilutive, laquelle pose de graves problèmes, y compris selon l’Autorité des marchés financiers. Dans le cas des Forges de Tarbes, la solution la plus évidente était une réinternalisation au sein de Nexter, dont cette entreprise a été une filiale, mais cela s’est révélé impossible parce que, comme nous l’a dit un conseiller de la ministre de l’époque, Mme Parly, le partenaire allemand au sein de KNDS l’a refusé. Nous aurions tort de balayer d’un revers de la main un problème aussi profond.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN49 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). L’attractivité des carrières et la fidélisation, nécessaire, des hommes et des femmes qui servent dans nos armées dépendent des conditions de vie offertes aux militaires et à leur famille. Pourtant les crédits du programme 212 ne bénéficient d’aucune augmentation. Nous proposons, par cet amendement, de renforcer l’investissement dans les crèches et le logement.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La question du logement est évidemment cruciale pour la fidélisation des militaires, mais il ressort de mes auditions et de la lecture du bleu qu’il existe déjà une volonté du ministère d’investir massivement dans ce domaine. Comme je l’ai indiqué ce matin, la ligne budgétaire concernée est en hausse de 116 millions d’euros. Je préférerais que l’on évalue les réalisations que permettra cette hausse avant de confier au ministère plus d’argent : soyons prudents. Je vous demande de retirer cet amendement.
Mme Anna Pic (SOC). Je vais le retirer au profit du suivant, qui prévoit uniquement un renforcement de l’offre de structures d’accueil pour les jeunes enfants.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN53 de Mme Isabelle Santiago
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne un enjeu majeur pour la condition des militaires et leur fidélisation. Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a encore rappelé dans un rapport publié cet été que près d’un militaire sur deux avait au moins un enfant à charge, ce qui représente au total 350 000 enfants, dont plus de la moitié a moins de 11 ans. Malheureusement, la mobilité régulière et les sujétions de service rendent souvent difficile la gestion des foyers familiaux. Dans ces conditions, il me paraît tout indiqué de renforcer les moyens d’accueil des enfants de militaires et j’émets donc un avis favorable à l’amendement.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est effectivement un sujet important. La LPM comporte un plan Famille 2, repris dans le plan Fidélisation 360, qui prévoit des crédits en la matière. Je veux bien qu’on augmente toujours les lignes budgétaires, mais ce sont les capacités de mise en œuvre qui comptent. Prévoir 10 millions d’euros de plus, comme le demande cet amendement, serait facialement bien, mais on ne pourrait pas nécessairement déployer 10 millions supplémentaires pour créer des crèches.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Quand on augmente de 116 millions d’euros le budget prévu pour le logement, on sait comment dépenser ces crédits. Si nous prévoyons 10 millions de plus pour les crèches, on saura aussi comment les dépenser. Sinon, il faudra que la ministre démissionne pour laisser la place à quelqu’un de plus compétent. Si c’est ce que vous pensez, madame Darrieussecq, dites-le clairement.
Mme Anna Pic (SOC). Mme Santiago travaille sur les plans « famille » depuis de nombreuses années – elle a conduit plusieurs missions d’information à ce sujet. Si elle propose un tel amendement, il n’est pas d’appel. Nous aurons là un levier pour travailler conjointement avec les collectivités territoriales, qui souhaitent mieux insérer les familles de militaires dans les territoires. Nous saurons parfaitement comment dépenser ces 10 millions d’euros là où se trouvent des bases de défense.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis Bastien Lachaud, la commission rejette l’amendement II-DN54 de Mme Isabelle Santiago.
Amendement II-DN144 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens de la cellule Thémis, placée au sein du contrôle général des armées. La mission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) a appelé à un dimensionnement de cette cellule à la mesure des tâches qui lui sont confiées. Son effectif était de quinze personnes à la fin 2024, ce qui demeure largement insuffisant au vu de l’ampleur de ces violences, d’autant que le ministre précédent, Sébastien Lecornu, a engagé un renforcement de la lutte menée dans ce domaine au sein de la défense. Les armées ont recensé 42 faits de VSS en 2022, 49 en 2023, 252 en 2024 et 133 au premier semestre de cette année : la parole se libère, ce qui est une bonne chose. Nous devons mettre en face les moyens pour la recueillir.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN146 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La NPRM (nouvelle politique de rémunération des militaires) s’est notamment traduite par la création, en 2023, d’une prime de parcours professionnels (3PM), qui a fusionné l’ensemble des primes liées à la qualification professionnelle. La 3PM vise à valoriser les parcours de carrière et à reconnaître l’expertise acquise au fil du temps par les militaires. Seuls ceux du rang ne peuvent pas en bénéficier, car il n’existe aucune balise pour ce faire au sein de leurs carrières. Cela constitue un handicap en matière de fidélisation, particulièrement pour les militaires du rang expérimentés, dont le savoir-faire est précieux pour les armées. Mon amendement étendra le bénéfice de la 3PM aux militaires du rang à partir de huit ans de service. Cette mesure permettra de les fidéliser en reconnaissant leur parcours professionnel et leur expertise acquise, tout en alignant leur traitement sur celui des autres catégories de militaires.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis François Cormier-Bouligeon, la commission rejette l’amendement II-DN51 de Mme Isabelle Santiago.
Amendement II-DN18 de Mme Corinne Vignon
Mme Corinne Vignon (EPR). Depuis 2020, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, l’Inria, s’engage résolument aux côtés du ministère des armées dans le cadre d’une cellule « défense et sécurité » qui a déjà conduit plus de 120 projets stratégiques avec la DGA (direction générale de l’armement), la DRM (direction du renseignement militaire), l’Agence de l’innovation de défense ou le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales). Les domaines concernés sont essentiels : les drones, le renseignement spatial, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, la détection de deep fakes, la protection de systèmes autonomes ou encore la fusion de données massives. Cet amendement vise à donner à l’Inria les moyens d’amplifier ces coopérations.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Pour avoir auditionné l’Inria et savoir ce que fait cet institut depuis de nombreuses années – il a notamment fait le choix, depuis un certain temps, de ne pas recourir aux Gafam –, j’émets un avis favorable. Les 5 millions d’euros prévus par cet amendement donneront à l’Inria une agilité supplémentaire pour répondre à certains appels d’offres ou à certaines demandes.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-DN33 de M. Aurélien Saintoul, II-DN95 de Mme Catherine Hervieu, II-DN26 et II-DN27 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune)
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’amendement II-DN33 vise à augmenter les crédits destinés à la recherche stratégique. Les autorisations d’engagement pour cette sous-action doivent en effet baisser de 11,07 %, et les crédits de paiement de 15,92 %. Alors que les lignes budgétaires consacrées à la prospective de défense augmentent globalement, celle dédiée à la recherche stratégique est en baisse. Le signal ainsi envoyé est celui d’un désintérêt pour la réflexion stratégique indépendante au moment où la France devrait au contraire renforcer ses capacités d’analyse, d’anticipation et de compréhension des crises internationales, qui sont suraiguës en ce moment.
Ces capacités permettent de décrypter les mutations géopolitiques, militaires ou technologiques dans un contexte marqué par une instabilité mondiale croissante et des violations du droit international. La revue nationale stratégique de 2025 a ainsi rappelé à deux reprises que cette recherche constituait une priorité de la politique de défense. Les actes contredisent, hélas, le discours. L’augmentation des crédits de la recherche stratégique que nous proposons permettrait au gouvernement de tenir sa parole, alors que le budget des armées est globalement en hausse d’environ 13 % en 2026. Le groupe La France insoumise souhaite que les crédits destinés à la recherche stratégique suivent la même trajectoire.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Les crédits alloués à la sous-action Recherche stratégique ne doivent faire l’objet d’aucune baisse si nous voulons préserver la continuité, la diversité et la visibilité de la recherche française en la matière. Ces crédits doivent soutenir une réflexion nationale indépendante, l’anticipation des menaces émergentes et la formation d’une expertise souveraine dans les domaines de la stratégie, de la géopolitique, de la défense et des nouvelles conflictualités ; ils doivent également permettre l’ouverture de nouveaux champs d’investigation prioritaires : l’espace numérique et ses vulnérabilités, la désinformation et les opérations d’influence, la guerre hybride ainsi que les impacts sécuritaires du réchauffement climatique.
Comme le rappelle régulièrement la revue Défense nationale, la France a développé une pensée stratégique propre, alliant profondeur historique, approche globale et sens politique. Les financements de la recherche restent souvent modestes alors qu’ils sont essentiels pour la formation d’une nouvelle génération d’experts français et européens. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement qui vise à consolider les crédits alloués à la recherche stratégique.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nos amendements ont le même objet. Dans un contexte géopolitique marqué par de profonds bouleversements, il importe de préserver les moyens de notre recherche stratégique et ainsi l’expertise développée dans nos think tanks.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable. Comme je l’ai dit ce matin lors de la présentation de mon rapport, l’essentiel de la baisse est faciale : des crédits passeront de l’action 07 à l’action 08 du programme 144. Il n’y a donc pas lieu d’adopter ces amendements. Je constate néanmoins qu’ils nous ont donné l’occasion, ce qui est vraiment heureux, de mettre en lumière l’importance de la recherche stratégique pour notre rayonnement et notre influence.
Les amendements II-DN26 et II-DN27 sont retirés.
La commission rejette successivement les amendements II-DN33 et II-DN95.
Amendement II-DN25 de Mme Natalia Pouzyreff
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Cet amendement fait suite au rapport de la mission « influence » que j’ai conduite avec Marie Récalde. Face à la guerre hybride menée par certains compétiteurs, je propose des crédits supplémentaires pour les travaux de recherche scientifique, en particulier ceux portant sur la guerre cognitive.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. Même position que sur les amendements précédents. Les mêmes causes, à savoir des transferts de crédits d’une action à une autre, produisent les mêmes effets : demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous souhaitons, en réalité, la création d’une nouvelle ligne budgétaire, relative à la guerre cognitive. C’est important, au moins pour le symbole.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN8 de M. Damien Girard
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Cet amendement vise à aligner les moyens budgétaires de la réserve opérationnelle sur la réalité du besoin de masse de l’armée française. Notre cadre budgétaire fortement contraint ne permet ni de fidéliser les réservistes ni d’en faire un usage opérationnel totalement adapté aux besoins. Comment donner envie de consacrer du temps à son pays lorsque des équipements doivent être partagés entre plusieurs réservistes et que les paiements sont retardés de plusieurs mois, voire d’une année ? Le rapport de la mission d’information sur la masse et la haute technologie a évalué à 1 milliard d’euros les besoins budgétaires pour la montée en puissance de la réserve et la constitution d’une véritable division de réservistes low tech (basse technologie) pour augmenter notre profondeur stratégique.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne suis pas convaincu, à titre personnel, de l’utilité de la réserve opérationnelle dans ce cadre. Néanmoins, les auditions que j’ai menées ont montré qu’il était important de garantir aux réserves des moyens budgétaires stables, un équipement suffisant, assez de jours d’activité et des missions suffisamment intéressantes. Je salue à ce titre le rehaussement de la norme d’activité à quarante-cinq jours par an en 2026.
Il me semble que cet amendement manque de précision. S’il s’agit de garantir l’activité des réservistes, il serait préférable de verser tout ou partie des crédits concernés au programme 212, qui finance les dépenses de personnel de la mission Défense, y compris pour les réservistes. Or cet amendement ne vise que le programme 178. Je vous suggère de le retirer pour le retravailler en vue de la séance. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN147 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai longuement abordé ce matin la question de la différence entre les Missops et les Opex, le bleu budgétaire nous ayant informés que le financement de certaines Missops, sans qu’on sache exactement lesquelles, serait désormais complètement intégré dans le BOP (budget opérationnel de programme) consacré aux Opex, ce qui pose un vrai risque d’insincérité budgétaire. Je vous propose, en réponse, de créer un programme dédié aux Missops, qui permettra de déterminer précisément les surcoûts liés à ces opérations et l’éventuelle contribution interministérielle. Il ne faut pas, en tout cas, fusionner les Missops et les Opex. J’ajoute que l’adoption de cet amendement vous donnera le moyen de contrer mes prises de position concernant le risque de confusion entre ces missions, puisqu’une véritable distinction budgétaire sera désormais établie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN92 de Mme Catherine Hervieu
Mme Catherine Hervieu (EcoS). La menace durable qui est posée par la Russie confirme que la sécurité de l’Europe sur le long terme se joue en Ukraine. De cette épreuve doit émerger l’architecture de sécurité du continent européen pour les décennies à venir. Cependant, l’aide militaire apportée par les pays européens à l’Ukraine a fortement faibli ces derniers mois.
Ce soutien militaire a coûté jusqu’à présent 5,9 milliards d’euros à la France, auxquels s’ajoutent 400 millions investis dans le fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et la contribution de la France au mécanisme de la Facilité européenne pour la paix. Paris contribue à hauteur de 18 %, soit 2,3 milliards d’euros, à cette enveloppe financière des Vingt-Sept qui a été instaurée pour aider les États membres livrant des armes à Kiev.
Le présent amendement vise à conforter le financement de notre action pour l’Ukraine en augmentant la dotation de l’action 13, Soutien à l’effort de défense de pays tiers, du programme 146.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous conscients, me semble-t-il, que la France prend pleinement sa part dans le soutien à l’Ukraine. Je suis obligé d’évoquer le canon Caesar, qui est une pépite berruyère, c’est-à-dire de Bourges, mais notre soutien à l’Ukraine ne s’y limite pas, puisqu’il inclut aussi la lutte antiaérienne, la lutte antichar ou encore la mobilité sous blindage. Nous faisons déjà beaucoup dans le cadre de notre contribution à la Facilité européenne pour la paix, du fonds bilatéral de soutien à l’Ukraine et du fonds de concours spécifique au sein du programme 146. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-DN149 de M. Bastien Lachaud est retiré.
Amendement II-DN131 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention du gouvernement et de la représentation nationale sur la nécessité de créer une direction des affaires européennes au sein de la DGA afin de contribuer à l’émergence d’une véritable BITD européenne, objectif qui nous paraît indispensable pour la structuration de l’architecture de sécurité collective à l’échelle du continent. L’idée de renforcer le pilier européen de l’Otan ne saurait suffire : nous devons aussi être en mesure de porter la voix de nos industriels, de travailler à l’élaboration et à la structuration de partenariats ou encore de faire de la prospective par filières. Pour des raisons de cohérence et d’efficacité, cette nouvelle direction de la DGA pourrait devenir l’interlocutrice privilégiée de la Commission européenne et de ses services.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. On voit qu’il existe une très importante divergence d’approche au sein du Nouveau Front populaire.
Mme Anna Pic (SOC). Quelle grande nouvelle !
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Il faudrait au moins l’assumer devant les électeurs.
Vous voulez une BITD européenne. Nous souhaitons plutôt des coopérations entre les BITD nationales en Europe et nous plaidons plutôt pour un pilier européen au sein de l’Otan.
Par ailleurs, il existe déjà à la DGA des organes, tels que la direction internationale de la coopération et de l’export, la direction de l’industrie de défense et la direction de la préparation de l’avenir et de la programmation, qui prennent en compte la dimension européenne et dialoguent avec la Commission pour mettre en avant et soutenir les industries françaises dans le cadre des programmes européens.
Par conséquent, avis défavorable.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Nous devons privilégier les liens entre l’AED, l’Agence européenne de défense, dont nous avons eu l’occasion d’auditionner le directeur exécutif adjoint, et la DGA. Cela pourrait passer par la création de nouveaux canaux d’interaction, mais le montant prévu par cet amendement – 10 millions d’euros – me paraît un peu élevé.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur pour avis a cru pouvoir jeter une pierre dans le jardin du Nouveau Front populaire, mais il serait sans doute très édifiant de se reporter aux comptes rendus des interventions de nos collègues macronistes, qui ont toujours dit qu’ils croyaient en une BITD européenne – nous avons très régulièrement eu droit à ce genre de propos. Je suis un peu étonné d’entendre les mêmes collègues dire maintenant qu’ils n’en veulent pas. Ce sont peut-être des raffinements un peu byzantins, mais une telle évolution témoigne d’une capacité à louvoyer qui n’annonce rien de bon.
Mme Anna Pic (SOC). L’amendement visait à susciter une discussion. Je peux maintenant le retirer.
J’ajoute tout de même que l’idée qu’il faudrait structurer une BITD européenne apparaissait très clairement dans les propos tenus devant nous par les différents chefs d’état-major, notamment M. Mandon, lors des auditions de ces dernières semaines. Je ne crois donc pas que ce soit chez moi un tropisme proprement socialiste.
La création d’une direction européenne au sein de la DGA permettrait d’avoir un interlocuteur unique en la matière. Lors des auditions de la mission d’information sur la BITD qui est en cours au sein de la commission des affaires européennes, nous avons entendu des industriels, mais aussi d’autres acteurs, déclarer qu’il était difficile de trouver des spécialistes de ces questions. Par ailleurs, nous ne sommes peut-être pas suffisamment présents auprès de la Commission pour tirer le meilleur parti des outils qui ont été mis à la disposition de nos industriels et de nos armées pour construire une architecture de sécurité collective.
L’amendement est retiré.
Amendement II-DN48 de Mme Marie Récalde
Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons de renforcer l’action internationale du ministère des armées au moyen d’une légère augmentation du budget alloué à la diplomatie de défense. Cet amendement fait suite à la mission d’information sur les stratégies d’influence.
Mme Isabelle Rauch, rapporteure pour avis. À en croire son exposé sommaire, cet amendement vise à « renforcer considérablement » l’action internationale du ministère des armées. Vous ne parlez plus que d’une de « légère augmentation » de ses crédits, ce qui me semble plus conforme, étant donné que vous proposez une hausse de 100 000 euros, sur un budget total de 98,1 millions. Mon avis est défavorable, même si je salue cette mise en valeur de notre diplomatie de défense.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN52 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds de préfinancement au profit des PME et ETI participant à la base industrielle et technologique de défense, afin de soutenir notre souveraineté industrielle.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Nous sommes tous sensibles au financement des PME et ETI, mais la première chose à faire pour les aider serait de voter un budget dans les temps. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN107 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Anna Pic (SOC). Toujours pour soutenir la BITD, cet amendement vise à faciliter le passage de commandes fermes, à accélérer le recomplètement des stocks et à donner à nos TPE et PME la visibilité dont elles ont besoin s’agissant des munitions, des drones et des capacités anti-drones.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. L’objectif est louable, mais il y a un problème : l’action 11 du programme 146 que vous souhaitez abonder concerne le financement des activités de fonctionnement de la DGA. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-DN126 et II-DN125 de Mme Christine Arrighi
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Ces deux amendements ont le même objet : le renforcement de notre souveraineté fiscale à l’heure où l’effort de défense ne peut être que militaire.
Il s’agit d’abord d’aider les PME de la BITD à se mettre en conformité fiscale et à respecter les règles de transparence des marchés publics et des exportations, ce qui requiert un conseil public, compétent et disponible. Or le plafond d’emplois de la DGFIP (direction générale des finances publiques), dont c’est la mission, doit encore diminuer de 400 ETP (équivalents temps plein). Renforcer ses crédits de 3 ou 2 millions d’euros, comme y tendent respectivement les amendements II-DN126 et II-DN125, permettrait de mobiliser 60 ou 40 ETP supplémentaires et ainsi d’assurer un niveau minimal de service public fiscal auprès des entreprises.
De plus, ces moyens supplémentaires nous permettraient de mieux nous assurer que les grands groupes et leurs sous-traitants respectent le droit fiscal français. Il s’agirait donc aussi d’un outil de souveraineté économique et budgétaire, qui sécuriserait nos dépenses de défense et garantirait un juste retour pour l’État.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’idée de ponctionner les crédits de la mission Défense pour renforcer les effectifs de la DGFIP.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-DN40 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Comme nous l’avions fait lors de l’examen de la loi de programmation militaire, nous proposons ici de créer une nouvelle action, destinée à préparer l’après-pétrole. Lors de son audition par notre commission, le général Burkhard a en effet confirmé notre intuition en soulignant la nécessité d’anticiper la fin du moteur thermique. La somme que nous proposons d’allouer est modeste, mais elle permettrait d’enclencher une réflexion et même une action volontariste de la part du ministère sur une question qu’il ne faut pas négliger. Il serait illusoire de penser que, lorsque le peak oil (pic pétrolier) sera atteint, les armées pourront bénéficier des dernières gouttes de pétrole disponibles.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement réaffirme l’importance de consolider notre souveraineté énergétique, en plus d’anticiper les futurs besoins des forces armées. Il vise à prendre l’initiative de la transition énergétique et écologique, plutôt que d’en subir les conséquences, ainsi qu’à répondre aux enjeux capacitaires prégnants de nos armées. Les auditions que j’ai menées auprès des services de soutien et des unités responsables de la logistique et des acheminements ont montré combien la question énergétique conditionne la capacité opérationnelle de nos armées. Avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN1 de M. Damien Girard
Mme Catherine Hervieu (EcoS). Par cet amendement nous soulignons le manque de moyens dont dispose le Parlement pour contrôler l’application concrète de la LPM. Dans un récent rapport d’information, Damien Girard et Thomas Gassilloud ont en effet constaté que notre institution a besoin de spécialistes de l’armement et des budgets régaliens. Nous proposons donc de dégager des crédits pour vérifier que les engagements du gouvernement sont tenus.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. La création d’un institut parlementaire de suivi de la LPM est un objectif louable, tant nous nous interrogeons sur la sincérité de son exécution. Cependant il me semble qu’un tel amendement n’a pas sa place dans un projet de loi de finances. Il conviendrait plutôt de le défendre dans le cadre des discussions relatives au budget des assemblées parlementaires. Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense, modifiés.
Article 52 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-DN145 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. J’ai évoqué ce matin la rigidification de la trajectoire budgétaire de la mission Défense. Afin de la maîtriser, il me semble important de disposer d’un objectif et d’un indicateur de performance afférents.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Je fais le même constat : avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 68
Amendement II-DN34 de M. Arnaud Saint-Martin
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement vise à ce que le gouvernement établisse un état des lieux des moyens consacrés à la météo spatiale et à la lutte contre les débris spatiaux. Pareille proposition a déjà été approuvée l’an dernier à l’unanimité par notre commission, mais les problèmes restent entiers, voire deviennent critiques.
En matière de météo spatiale, il convient d’étudier le phénomène des éruptions solaires, qui peuvent endommager les plateformes et mettre en danger des opérations. Se pose également la question de la contractualisation avec des entreprises privées, alors qu’il convient évidemment de soutenir le développement d’applications et de services robustes.
Quant à la pollution spatiale, elle demeure un énorme problème. Le trafic orbital est largement contrarié par l’expansion de ce qu’on appelle les mégaconstellations. Nous connaissons celle d’Elon Musk, mais doivent s’y ajouter celle de Jeff Bezos, à laquelle sera associée Arianespace, ou encore la constellation chinoise Guowang. Le risque d’encombrement auquel nous faisons face interroge quant à l’avenir de l’industrie spatiale à court et moyen termes. Disposer enfin d’un rapport et donc d’un diagnostic à ce sujet permettrait d’éclairer nos décisions.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN130 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons un rapport évaluant le coût financier et les besoins humains nécessaires à la commande et au fonctionnement d’un deuxième porte-avions de nouvelle génération.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. Nous avons déjà inclus une demande de rapport à ce sujet au sein de la LPM. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN55 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). La mer étant un espace très contesté et l’heure étant à la réduction de la dette publique, nous demandons la remise d’un rapport sur le coût de la sécurisation, par la marine nationale, du commerce maritime international, ainsi que sur son évolution. De fait, 90 % des échanges ont lieu par voie maritime, tandis que 98 % des transferts de données sont effectués grâce aux câbles sous-marins.
Je précise qu’une telle évaluation pourrait nous permettre de sortir ces dépenses du calcul de notre déficit, celles-ci étant en lien avec les intérêts de l’Union européenne.
M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En mer rouge, Les navires commerciaux sont escortés par des bâtiments participant à l’opération Aspides, menée par l’Union européenne Le coût est donc partagé entre pays européens et avec l’Union européenne.
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement, même si nous aurions aimé que le rapport porte aussi sur les gains que cette action de l’État représente pour les compagnies maritimes, notamment en matière d’assurance. J’avais d’ailleurs posé cette question à la représentante de CMA-CGM lorsque notre commission l’a auditionnée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN39 de M. Aurélien Saintoul
M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit là d’un amendement récurrent visant à demander au gouvernement la remise d’un rapport présentant une stratégie globale en matière de surveillance maritime, ainsi que le coût d’une telle stratégie. Nous répétons depuis des années que la marine n’a pas les moyens de surveiller l’ensemble de notre territoire maritime, le deuxième plus vaste du monde, c’est-à-dire d’assurer notre souveraineté pleine et entière. Nous avons besoin d’un plan global et ne pouvons-nous contenter d’une approche pointilliste.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis Yannick Chenevard, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN56 de M. Sébastien Saint-Pasteur
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement, nous proposons la création d’un « marron » budgétaire, soit un rapport annuel annexé au projet de loi de finances, afin de disposer d’un suivi consolidé et transparent de l’accès des acteurs français, notamment les PME et ETI, aux financements européens de défense, et ce afin d’accompagner la montée en puissance de notre BITD.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN57 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Dans la mesure où des zones floues entourent les Opex, les Misops et les Missint (missions intérieures), nous demandons un rapport sur les modalités de financement et le statut des forces déployées dans les différentes missions.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement fait écho aux préoccupations soulevées dans mon rapport pour avis et je suis ravi que d’autres parlementaires estiment qu’il y a un flou. De fait, le cadre juridique et financier des interventions de l’armée française à l’étranger est rendu opaque par une pratique arbitraire et illégitime du gouvernement, qui cherche à s’exonérer du contrôle parlementaire, pourtant prévu à l’article 35 de la Constitution.
Un rapport sur les opérations extérieures est bien transmis au Parlement chaque année. Cependant, je note que si le gouvernement y inclut les missions opérationnelles que nous assurons sur le flanc Est de l’Europe, il refuse de modifier en conséquence le statut et la rémunération des militaires qui y participent. Il y a donc bien un problème : le ministère ne fait plus la différence entre les opérations.
Quoi qu’il en soit, je demande donc le retrait de cet amendement. Le rapport annuel du gouvernement ne nous apprend déjà rien, ce dernier ne souhaitant pas être honnête sur cette question.
Mme Anna Pic (SOC). Je reste optimiste ! Sébastien Lecornu, alors ministre des armées, nous avait promis les informations précises et transparentes que nous demandions depuis très longtemps. Je suis sûre qu’elles nous parviendront.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN58 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Cet autre amendement du groupe SOC vise à renforcer le contrôle parlementaire sur la soutenabilité, donc la sincérité budgétaire de la mission Défense. En effet, malgré la hausse de 13 % des crédits qui lui sont alloués, nous craignons que le budget du ministère des armées ne connaisse une crise de croissance en raison de rigidités budgétaires particulièrement préoccupantes. Nous demandons donc qu’un rapport nous soit remis chaque année pour garantir la transparence et la cohérence de la trajectoire financière avec les ambitions affichées dans la LPM.
M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. Avis défavorable : la Cour des comptes a déjà rendu un rapport à ce sujet cette année. D’ailleurs, dans le cadre de nos réflexions sur les moyens de l’Assemblée, peut-être pourrions-nous réfléchir à adosser cette institution à la nôtre !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN154 de M. Bastien Lachaud
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à obtenir un rapport sur les conséquences budgétaires qu’aurait le recours à un dispositif de recrutement fonctionnant sur un principe d’avance-retard. Nous en avons parlé, et M. Chenevard a lui-même fait part de sa préoccupation : il y a une inadéquation entre la gestion annuelle des recrutements et la programmation pluriannuelle du budget des armées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-DN59 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Par cet amendement nous demandons qu’un rapport nous soit remis sur l’exécution de la loi de programmation militaire, en intégrant le retour d’expérience du conflit en Ukraine. Les choses ont beaucoup évolué depuis la promulgation de cette loi et nous craignons que le délai de trois ans que nous nous sommes fixé nous empêche de réorienter nos capacités de manière dynamique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN61 de Mme Isabelle Santiago
Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons ici une évaluation des besoins des conjoints de militaires en matière d’accès à l’emploi et à la formation, des dispositifs existants et des possibilités de coordination entre les politiques des ministères chargés des armées, du travail et des collectivités territoriales.
M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme je l’avais dit dans mon rapport pour avis de l’an dernier, l’accompagnement des conjoints de militaires est insuffisant pour compenser leurs difficultés. L’accès à l’emploi est très variable selon les territoires et les employeurs sont parfois réticents à les recruter, anticipant une mobilité proche du conjoint ‑ des difficultés qui touchent très majoritairement les femmes.
Les travaux engagés en faveur d’un éventuel pass emploi pour les conjoints de militaires allant dans le bon sens, je ne suis pas sûr qu’un rapport sur cette question suscite une évolution sensible. Sagesse.
Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). C’est notre job d’évaluer les politiques publiques ! Certes, il faut que l’Assemblée nous en donne les moyens et que nos questions fassent l’objet de réponses transparentes, mais ce travail est plus utile que beaucoup d’autres que nous pouvons faire ici.
Mme Anna Pic (SOC). Je suis parfaitement d’accord avec vous. Nous aimerions pouvoir conduire davantage de missions d’information et disposer des moyens suffisants pour ce faire, c’est-à-dire en n’étant pas restreints par des délais très courts ou par un nombre limité de déplacements. C’est à ces conditions que nous pourrions réaliser nous-mêmes les rapports que nous demandons.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je rappelle que six missions d’information ont toujours lieu simultanément : les administrateurs travaillant pour notre commission ne peuvent en faire davantage. De plus, tous les déplacements demandés ont été acceptés. Peut-être faudrait-il avoir les moyens de recruter davantage de collaborateurs ou d’administrateurs.
Mme Anna Pic (SOC). C’est cela même !
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN128 de Mme Anna Pic
Mme Anna Pic (SOC). Ce dernier amendement vise à obtenir un rapport étudiant le coût d’une participation de la France à une coalition de pays chargés d’établir une zone d’exclusion aérienne en Ukraine.
Mme Natalia Pouzyreff (EPR). La question étant loin d’être tranchée, demander un rapport me semble prématuré.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous avons achevé l’examen des amendements. Je rappelle que les crédits des missions Sécurités, Défense et Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation seront examinés le 5 novembre par la commission des finances et le 13 novembre en séance publique.
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La séance est levée à vingt heures cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Édouard Bénard, M. Frédéric Boccaletti, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Sophie Errante, M. Emmanuel Fernandes, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, M. José Gonzalez, M. Daniel Grenon, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, Mme Nadine Lechon, M. Julien Limongi, Mme Michèle Martinez, M. Thibaut Monnier, Mme Sandrine Nosbé, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Isabelle Rauch, Mme Catherine Rimbert, M. Arnaud Saint-Martin, M. Aurélien Saintoul, M. Mikaele Seo, M. Jean-Louis Thiériot, M. Romain Tonussi
Excusés. - Mme Delphine Batho, M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Manuel Bompard, M. Bernard Chaix, M. Moerani Frébault, M. Didier Lemaire, Mme Alexandra Martin, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Boris Vallaud, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - M. Laurent Mazaury, M. Thierry Tesson