Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) :
- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Action extérieure de l’État :
– Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires (M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis) 2
– Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie (M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis) 2
- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables (Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis) 37
– Informations relatives à la commission.....................53
Mercredi
29 octobre 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 11
session ordinaire 2025-2026
Présidence de
M. Bruno Fuchs, Président,
puis de
M. Alain David,
Vice-président
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La commission poursuit l’examen, ouvert à la presse, de ses avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906).
La séance est ouverte à 9 h 00.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président,
puis de M. Alain David, vice-président.
M. le président Bruno Fuchs. Nous poursuivons l’examen de nos différents avis budgétaires sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Ce matin, nous nous prononcerons sur deux missions budgétaires, les missions Action extérieure de l’Etat, « cœur de cible » de nos travaux et objet de deux avis budgétaires, puis Écologie, développement et mobilité durables.
Comme l’an passé – nous avons en cela souhaité donner une certaine continuité à nos travaux –, la mission Action extérieure de l’Etat fera l’objet d’une discussion globale, après la présentation de nos deux rapporteurs pour avis, MM. Michel Herbillon et Frédéric Petit. Je réitère mon appel à la discipline de toutes et tous dans les temps de parole. Il est absolument indispensable, pour la bonne tenue de nos débats et la portée du travail de nos rapporteurs, que nos échanges s’en tiennent à l’essentiel.
M. le président Bruno Fuchs. Les crédits de la mission Action extérieure de l’État s’élèvent à 3,46 milliards d’euros pour 2026, un niveau équivalant à l’enveloppe qui lui était allouée dans la loi de finances pour 2025 : la progression se limite à 0,01 %.
Le rapporteur pour avis Michel Herbillon a choisi d’insister plus particulièrement, dans le volet thématique de son rapport pour avis, sur les contributions financières versées par la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations unies. Pour mémoire, notre participation s’est élevée à 220 millions d’euros en 2025, soit 5,3 % du budget total des onze OMP, ce qui nous place au sixième rang des pays contributeurs.
Le rapporteur pour avis Frédéric Petit a consacré quant à lui une partie de son rapport à la diplomatie culturelle de l’Union européenne (UE), envisagée comme une opportunité à saisir pour renforcer l’influence de la France dans le monde. Il s’est attaché à étudier la manière dont la diplomatie de la France s’articule avec celle de l’UE, en analysant comment la présence française dans le monde s’appuie sur les services et les programmes de l’Union et en esquissant les bonnes pratiques à appliquer pour renforcer l’efficacité de notre diplomatie culturelle et d’influence.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis (Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires). Les crédits de la mission Action extérieure de l’État visent à financer la majeure partie des dépenses de personnel, de fonctionnement, d’intervention et d’investissement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Ils sont répartis au sein des programmes 105, 151 et 185.
Je n’ai été désigné rapporteur pour avis des crédits des programmes 105 et 151 que la semaine dernière, à la suite de la nomination au gouvernement de notre ancien collègue Nicolas Forissier. Compte tenu des délais impartis, des auditions et des deux déplacements – au Kosovo et à Chypre – effectués par mon prédécesseur, la partie thématique de mon rapport pour avis, consacrée aux opérations de maintien de la paix, s’inscrit naturellement dans le prolongement des travaux menés jusqu’alors.
Le montant des crédits de la mission Action extérieure de l’État pour 2026 s’élève à 3,46 milliards d’euros. Il équivaut à celui ouvert en loi de finances initiale pour 2025, laquelle entérinait une restriction budgétaire de 200 millions d’euros par rapport à 2024. L’essentiel de la diminution des dotations concerne les contributions versées par la France aux organisations européennes et internationales au titre du programme 105. Bien entendu, le contexte budgétaire très dégradé impose un effort de redressement des comptes publics auquel le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ne peut échapper : c’est une question de responsabilité.
Des engagements forts avaient cependant été pris par le président de la République et les gouvernements précédents à l’issue des états généraux de la diplomatie organisés en 2023. Après la suppression de près de 3 000 emplois entre 2006 et 2021 – période pendant laquelle le ministère de l’Europe et des affaires étrangères semble avoir été considéré comme une variable d’ajustement –, un consensus s’était dégagé pour réarmer notre diplomatie en renforçant progressivement ses moyens financiers, matériels et humains et lui permettre ainsi d’exercer ses missions. Force est de constater que l’équilibre entre cet impératif politique et les exigences budgétaires demeure complexe, au risque de rendre l’équation insoluble.
Bien qu’elle prolonge la trajectoire enclenchée en 2023, l’augmentation effective de 49 postes prévue en 2026 ne permettra pas d’atteindre la cible de 700 emplois supplémentaires pour 2027 : les prévisions pluriannuelles laissent penser que cette ambition ne sera pas satisfaite. Si j’en comprends les raisons au vu de la conjoncture, je ne peux que déplorer de nouveau une forme d’incohérence, de distance, entre les discours et les actes, qui suscite des frustrations légitimes et jette un doute sur la crédibilité de notre politique en la matière.
Les dépenses financées par le programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde, qui regroupe les trois quarts des crédits de la mission, augmentent de 1,80 %. La diminution des contributions internationales est essentiellement due à la révision automatique des barèmes de calcul des quotes-parts, qui diminue mécaniquement les contributions obligatoires versées par la France aux organisations internationales ; je le précise car nombre de nos collègues semblent avoir ignoré cet aspect au moment de rédiger leurs amendements. Par conséquent, cette évolution octroie une petite marge de manœuvre, qui permet notamment de renforcer de 10 millions d’euros le budget affecté à la communication stratégique – c’est-à-dire à la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères – et de financer l’organisation du sommet du G7, que la France accueillera à Évian l’année prochaine.
Le budget du programme 151, Français à l’étranger et affaires consulaires, baisse de 0,97 % par rapport à 2025, soit une diminution d’environ 1,5 million d’euros, principalement imputable à la baisse du montant des bourses scolaires. Si cette évolution s’explique par la diminution constante du nombre d’élèves boursiers ces dernières années, ces dépenses ne doivent pas faire l’objet d’une sous-budgétisation car les bourses sont décisives pour faciliter la présence à l’étranger de nombreuses familles françaises expatriées. Par ailleurs, je me félicite de la revalorisation, à hauteur de 500 000 euros, des crédits alloués à l’accompagnement scolaire des élèves en situation de handicap : c’est un geste modeste sur le plan budgétaire mais très utile pour les familles concernées.
La partie thématique du rapport pour avis porte sur les contributions financières versées par la France au budget des opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies (ONU).
En 2026, la France y participera à hauteur de 205 millions d’euros, ce qui représente 4,6 % du budget total de ces onze OMP et place notre pays au sixième rang des États contributeurs. Le calcul du barème reposant principalement sur le poids démographique et économique des États membres, le montant de la contribution française a mécaniquement été divisé par deux au cours de la dernière décennie et diminue encore de 15 millions d’euros par rapport à 2025.
Après ce qu’on a appelé « la parenthèse enchantée » des années 1990 et des dividendes de la paix, qui avaient vu les OMP se multiplier – souvent avec succès –, ces missions sont confrontées à de vastes difficultés financières et politiques qui ont pour conséquence de fragiliser durablement leur action. Comme le rappelle le secrétaire général-adjoint aux opérations de paix de l’ONU, notre compatriote Jean-Pierre Lacroix, le budget total des OMP se limite désormais à 5,4 milliards de dollars, soit moins que celui de la police de New York.
En toile de fond, on observe des rivalités interétatiques qui provoquent incidemment des restrictions budgétaires accrues, notamment provoquées par les arriérés et les retards de paiement imputables aux États-Unis. Le secrétaire général de l’ONU a ainsi été contraint de décider en urgence, le mois dernier, d’un plan d’économies qui devrait grever de 15 à 25 % le budget des OMP.
Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de remise en cause profonde du multilatéralisme, la paralysie du Conseil de sécurité et la multiplication des vetos rendant l’ONU impuissante à résoudre les conflits en Ukraine et à Gaza. La fermeture de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) en 2023 et celle de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) à compter du 1er janvier 2027 traduisent concrètement une forme de défiance à l’égard du modèle onusien.
Des doutes, voire des critiques, s’expriment quant à la capacité réelle des OMP à garantir la paix et la sécurité sur les différents théâtres d’opérations. Je considère néanmoins que ces missions restent nécessaires pour pacifier les situations et prévenir l’aggravation des conflits. S’il faut préserver cet instrument utile à la recherche d’une paix durable dans des zones exposées à de fortes tensions, des réformes devraient être conduites afin d’améliorer l’efficacité opérationnelle des OMP et d’assouplir les contraintes budgétaires auxquelles elles sont confrontées.
Sur le plan stratégique, le renforcement des liens avec les États hôtes et l’amélioration de la coordination avec les organisations régionales – comme l’Union africaine – apparaissent primordiales. Les mandats sur la base desquels les OMP sont déployées doivent se structurer autour de priorités claires, davantage centrées sur la protection des civils que sur des ambitions parfois irréalistes de construction de l’État ou state-building.
Sur le plan budgétaire, la France est favorable à l’unité de caisse entre le budget des OMP et le budget régulier de l’ONU. Une trésorerie mutualisée permettrait au secrétariat des Nations unies de tirer parti de la complémentarité des calendriers de collecte des contributions, simplifierait la gestion et dégagerait des économies d’échelle, tout en contribuant à une meilleure maîtrise des dépenses.
Enfin, les OMP sont un véritable levier d’influence pour la diplomatie et les armées françaises. Leur localisation dans des environnements souvent francophones est l’une des nombreuses raisons qui doivent nous conduire à défendre ces missions, tout en restant lucides quant à leurs insuffisances et à l’étendue des progrès à accomplir.
Malgré les réserves exprimées, je prononce un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 105 et 151, dont j’estime qu’ils permettent à notre diplomatie de remplir ses missions au service de la France et de nos compatriotes.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie). Cette année, notre commission a pu commencer ses travaux beaucoup plus tôt qu’à l’accoutumée : j’ai été pressenti au printemps et formellement nommé en juin, ce qui m’a permis de conduire un travail pré-budgétaire. J’ai ainsi soumis au gouvernement, avant toute annonce chiffrée, onze mesures que je liste dans mon rapport pour avis. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas déposé d’amendements non financiers comme je le fais habituellement : j’attends de voir comment le gouvernement traitera ces propositions.
Le budget du programme 185 enregistre une baisse faciale de 45,8 millions d’euros, pour s’établir à 605,9 millions. Par rapport aux crédits qui devraient être effectivement utilisés en 2025, l’écart se réduit toutefois à 32,8 millions d’euros. Par ailleurs, le programme 209, Solidarité envers les pays en voie de développement, inclut désormais les crédits alloués au Fonds Équipe France (FEF), qui sont mis à disposition des ambassadeurs pour conduire des actions transversales. Si l’on comptabilise ces fonds, qui augmentent très fortement malgré les difficultés du programme 209, les moyens alloués à nos actions d’influence se sont accrus depuis 2021.
Un effort particulier est demandé à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Je tiens cependant à vous rassurer : 85 % des lycées français vont très bien et n’ont aucun rapport économique avec l’Agence. Celle-ci a trois missions : gérer soixante-huit lycées – soit une toute petite minorité d’entre eux –, se mettre à disposition de l’ensemble du réseau et conduire des projets de coopération éducative avec les autorités locales. Or, au fil des décennies, elle a abandonné certains de ces rôles pour consacrer les près de 500 millions d’euros que nous lui confions à la gestion des soixante-huit lycées.
Nous devons réformer la gouvernance de l’Agence afin qu’elle nous rende compte, non pas de la façon dont elle utilise cette masse budgétaire, mais de la façon dont elle remplit ses missions principales. Par exemple, quelles sommes affecte-t-elle à la gestion des lycées directement gérés par l’État et quels montants consacre-t-elle au reste du réseau ? De nombreuses personnes, ayant pris connaissance de la baisse des subventions dans la presse, appellent à transformer le statut des lycées du Liban ou d’Amérique du Nord, qui sont florissants. Or, ces derniers n’étant nullement liés à l’Agence, une telle mesure ne rapporterait pas 1 euro à cette dernière. Cet argument n’a pas plus de sens qu’une comparaison entre la gestion d’un club de football et celle de la Fédération française. Je le dis depuis des années et l’idée semble commencer à faire son chemin au ministère : l’Agence doit, à l’instar de ce qu’on observe pour les Alliances françaises, revoir son modèle de coopération avec les établissements, qui sont autonomes.
Je ne reviens pas sur la partie du rapport consacrée à l’articulation entre notre diplomatie d’influence et celle de l’Union européenne. Je conclurai plutôt par quelques considérations sur le rapport présenté par Michel Herbillon.
D’abord, le focus sur les OMP est très intéressant, dans la mesure où il s’agit du type même de missions pour lesquelles la question n’est pas tant de savoir quels moyens accorder que ce à quoi ils doivent servir en priorité.
Ensuite, même s’il est vrai que nous n’atteindrons pas la cible de 700 postes supplémentaires entre 2023 et 2027, nous avons tout de même parcouru la moitié du chemin – en comptant la cinquantaine de postes créés cette année –, dans un ministère qui avait été systématiquement détruit au cours des décennies précédentes.
Troisièmement, les bourses accordées aux élèves en situation de handicap sont d’une importance fondamentale. La France est le seul pays à aider les écoles de son réseau à l’étranger à inclure ces élèves, sans réserver cette assistance à ses propres ressortissants. Ce n’est pas simplement une aide énorme pour les familles ou un geste de solidarité mais bien un véritable acte géopolitique. En permettant à une personne handicapée ou malade d’aller à l’école, on montre ce qu’est la France car tous les systèmes locaux ne fonctionnent pas ainsi : dans certains pays, quand on est handicapé, on mendie dans la rue.
Enfin, certains affirment que les Français qui souhaitent accéder aux services publics à l’étranger vivent un enfer. Des élus locaux de tous bords constatent pourtant que, grâce au travail cohérent conduit depuis cinq ans, les services consulaires se modernisent de façon extraordinaire : il n’y a plus d’attente au téléphone, les remises de passeport sont numérisées, etc. Non seulement les crédits et les équivalents temps plein (ETP) enregistrent une légère hausse, mais celle-ci s’accompagne de réformes de fond qui permettent aux services consulaires à l’étranger de ne plus être ce qu’ils étaient à l’époque où ils faisaient l’objet de plaintes quotidiennes : une foire d’empoigne.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes politiques.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Monsieur Petit, vous avez indiqué avoir débuté vos travaux dès le printemps, avant même de connaître la copie budgétaire du gouvernement. Vous avez engagé d’emblée une série d’auditions en vue de dégager des mesures pré-budgétaires de nature à renforcer l’influence française. C’est une démarche plutôt originale. Que retenez-vous de cette période, au cours de laquelle vous avez en quelque sorte travaillé à l’aveugle, puisque vous n’aviez connaissance d’aucune orientation budgétaire, même si une trajectoire baissière pouvait être anticipée ? Y avez-vous vu une occasion à saisir ou une faiblesse ?
M. le président Bruno Fuchs. Cette démarche s’inscrit aussi dans le combat que nous menons régulièrement pour gagner en temps de travail et intervenir en amont, plutôt qu’en fin de parcours, afin de pouvoir influer sur les décisions budgétaires.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le plus souvent, quand le rapporteur dépose un amendement qui porte davantage sur l’organisation de l’administration ou de l’opérateur concerné que sur un aspect financier, deux réponses peuvent lui être apportées : soit il chiffre sa proposition et on lui explique que ce n’est pas à lui de le faire, soit il ne la chiffre pas et on l’accuse d’avoir déposé un cavalier budgétaire. Dans un cas comme dans l’autre, cela n’aboutit à rien.
À cet égard, le travail que j’ai mené cette année a été intéressant. Par exemple, je considère depuis longtemps que la direction générale de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger devrait être intégrée dans l’annexe de la loi organique du 23 juillet 2010, qui liste les fonctions concernées par l’article 13 de la Constitution : nous devrions valider la désignation de la personne appelée à diriger cet organisme stratégique, comme nous le faisons pour l’Agence française de développement (AFD). Ayant pu soumettre cette mesure aux personnes auditionnées en amont, dans un contexte plus décontracté qu’à l’accoutumée – sans doute parce que rien n’était encore chiffré –, j’ai été agréablement surpris de constater que la direction générale de la mondialisation du ministère et les syndicats de l’AEFE y étaient très favorables.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Notre groupe constate la stabilité du budget de la mission Action extérieure de l’État, qui préserve les moyens essentiels de la diplomatie française, mais nous regrettons l’absence d’ambitions nouvelles. Le gouvernement revendique une politique étrangère active, que nous constatons quotidiennement sur le terrain, mais le budget qui nous est présenté s’inscrit dans une logique de maintien plus que de relance et de dynamisation. L’essentiel des marges est absorbé par la sécurité du réseau, la gestion des crises et la présidence française du G7. Ces priorités, certes légitimes, laissent peu d’espace à la diplomatie de long terme : celle de l’influence, de la coopération scientifique et de l’attractivité économique.
La baisse de 6,4 % des contributions internationales illustre le décalage entre l’ambition affichée d’un multilatéralisme renforcé et la réalité des moyens qui y sont consacrés.
Les crédits du programme 105 sont certes en hausse de 1,8 % mais cela résulte principalement d’une augmentation de 3,5 % des dépenses de personnel et de 8 % des dépenses de fonctionnement.
Les opérations de soutien à l’Ukraine concentrent une part croissante des crédits. Le contexte le justifie pleinement mais cela laisse peu de place aux priorités émergentes que sont l’Afrique, l’Indopacifique et même le climat. Alors que l’Assemblée nationale a adopté il y a quelques mois une proposition de résolution européenne dans laquelle elle exhorte l’Union européenne et ses États membres à procéder sans délai à la saisie des avoirs russes gelés, on ne voit toujours rien venir. J’ai moi-même déposé une proposition de loi en vue de permettre à la France de saisir de sa propre initiative les avoirs souverains gelés sur son territoire. Il faut sans aucun doute aider l’Ukraine mais c’est à la Russie de payer pour les nombreux dommages et crimes qu’elle a commis, dont les conséquences pèseront longtemps sur les Ukrainiens.
Avec une baisse de 7 % des crédits du programme 185, la diplomatie d’influence devient la variable d’ajustement d’un ministère contraint de se recentrer sur le régalien. Cette orientation risque d’affaiblir la présence française là où la compétition éducative et culturelle est la plus vive. Une politique d’influence est un investissement, non une dépense d’agrément.
Le budget du programme 151 confirme les progrès de la dématérialisation et de la qualité du service rendu mais le recul des moyens alloués aux visas – 41,8 % de baisse – et à l’enseignement français à l’étranger fragilise l’attractivité du service public.
Nous regrettons le manque d’ambitions stratégiques que traduit le budget qui nous est proposé mais félicitons le personnel diplomatique pour la qualité de son engagement et des actions qu’il réalise chaque jour pour la France et au service des Français. La France a besoin d’une diplomatie capable d’investir autant dans le rayonnement que dans la sécurité. Faute de moyens nouveaux, ce budget fige notre outil diplomatique dans une logique de gestion.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous soulignez la difficulté que j’évoquais dans mon propos introductif, à savoir une équation assez difficile à résoudre entre notre ambition en matière de politique étrangère et les contraintes budgétaires qui s’imposent à nous. La faible proportion de dépenses pilotables est une contrainte évidente pour parvenir à boucler le budget.
Je tiens à souligner votre engagement, partagé par certains de nos collègues, en faveur de l’Ukraine. Vous avez raison d’insister sur ce point. La question des avoirs russes devra effectivement être résolue. Des tentatives récentes ont eu lieu en ce sens, comme vous le savez, mais le mécanisme envisagé me paraît assez complexe au vu de l’urgence.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il est un enjeu qui lie les considérations budgétaires et l’engagement en faveur de l’Ukraine : la fermeture du ciel ukrainien. Celle-ci serait d’abord une action humanitaire, qui protégerait les populations – je vous invite d’ailleurs à participer à la soirée de soutien à SkyShield France prévu lundi prochain à la salle Gaveau –, mais comme le souligne le président Zelensky lui-même, elle offrirait aussi à l’Ukraine un gain de 3 points de produit intérieur brut (PIB), voire bien plus en cas de réouverture d’un aéroport international, réduisant d’autant les besoins financiers du pays. En permettant aux habitants de travailler, d’étudier ou de développer de nouvelles entreprises plutôt que de devoir se cacher dans les caves, on les aiderait à travailler bien mieux et bien plus.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je salue le choix du rapporteur pour avis d’insister sur les opérations de maintien de la paix. Outre le fait que c’est un Français qui les dirige, il est bon de rappeler qu’elles suscitent des interrogations, en raison de leurs coûts et de leur utilité parfois incertaine. Dans bien des cas, le mandat qui leur avait été confié au moment de leur création n’est pas respecté, sans que personne n’intervienne. L’ONU n’est pas une instance à proprement parler mais une association d’États. Il revient donc à ces derniers de faire en sorte que les mandats des opérations de maintien de la paix soient respectés.
Celui de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) consistait non seulement à éviter les combats mais aussi à organiser le référendum d’autodétermination et à établir la liste électorale, ce qu’elle a fait peu après sa création. L’organisation du référendum semblait alors l’affaire de quelques mois. La proposition par le Maroc d’une troisième voie, concédant au Sahara occidental une forme d’autonomie, est ensuite venue désamorcer la dynamique enclenchée par la MINURSO. Au vu de la déclaration du président de la République reconnaissant la marocanité du Sahara occidental, quelle sera l’attitude de la France dans ce dossier ? Continuera-t-elle à soutenir et à financer la MINURSO tant que la question n’a pas été réglée ?
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je rends hommage à votre persévérance et à votre détermination à toujours évoquer la situation du Sahara occidental. Vous avez fait part de votre désaccord quant à la position du président de la République, donc de la France à ce sujet. L’actualité ne vous réjouira probablement pas puisque le Conseil de sécurité doit se prononcer demain sur un projet de résolution destiné à clarifier le statut du territoire que se disputent le Maroc et le Front Polisario. Le texte est parrainé par les États-Unis et vise à crédibiliser la perspective d’une autonomie dans le giron du royaume du Maroc.
Mme Marine Hamelet (RN). Le projet de budget du gouvernement Lecornu, qui traduit la vision du président de la République quant à l’action diplomatique de la France, illustre bien ce qui a conduit à l’exaspération d’une majorité de Français envers Emmanuel Macron. Le projet de loi de finances est en effet en décalage avec la réalité que vivent nos concitoyens et illustre l’entêtement du président à poursuivre une politique qui a produit peu de résultats. Alors que des efforts substantiels sont, une nouvelle fois, demandés aux Français, notre pays versera cette année plus de 28 milliards d’euros au budget de l’Union européenne, soit 5 milliards de plus que l’an dernier. Les Français financeront aussi, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, divers fonds et organismes européens, en particulier par l’action 02 du programme 105, dont les crédits de paiement (CP), d’un montant de 178 millions, sont en hausse de 3,75 %.
Cette incohérence budgétaire s’accompagne d’une succession de mauvais choix, à commencer par la destruction de notre corps diplomatique et l’application du « en même temps » à notre diplomatie culturelle, au prix de son efficacité et de sa lisibilité. Cette volonté de rester présent dans l’ensemble des pays, conformément au principe d’universalité, reflète-t-elle réellement une stratégie d’influence transversale et décloisonnée, comme vous le suggérez, monsieur Petit ? Ne conduit-elle pas à un éparpillement de nos ressources ? On peut s’interroger sur la pertinence de l’élargissement des mobilités étudiantes à l’Afrique non francophone, au détriment de nos liens avec les pays francophones.
La politique menée traduit la volonté de fondre l’action diplomatique française dans le multilatéralisme, en particulier à l’échelle de l’Union européenne, ce qui est d’autant plus regrettable que la diplomatie culturelle de l’Union est placée au service de sa politique d’élargissement absurde et sans fin.
Ce budget témoigne de la volonté de poursuivre des politiques que nous ne pouvons pas cautionner. Notre groupe ne le soutiendra donc pas.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les crédits du programme 105 ne sont pas tout à fait pilotables. En particulier, le versement de 28 milliards d’euros à l’UE est réalisé en application des traités. Quant aux autres financements que vous mentionnez, ils sont d’une échelle tout autre, puisqu’ils avoisinent 0,1 milliard d’euros.
S’agissant du corps diplomatique, on n’a rien détruit du tout : on a juste changé le statut d’agents de l’État qui formaient, en quelque sorte, une corporation – laquelle, au demeurant, fonctionnait bien. On a offert un choix aux agents : quelque 15 % des membres du corps diplomatique ont souhaité y rester et bénéficient toujours du même statut ; la grande majorité d’entre eux ont fait le choix de bénéficier de la réforme. Grâce à celle-ci, le métier d’ambassadeur est sans doute mieux reconnu au sein des régions françaises. Je connais des acteurs, en poste dans des ambassades, qui ne sont pas issus du corps diplomatique mais qui se révèlent de très bons diplomates, que ce soit dans le domaine culturel ou dans la sphère consulaire.
Je ne crois pas que l’on s’éparpille, au contraire. Je vous invite à relire le discours du président de la République aux ambassadeurs de 2019. L’ambassade est désormais l’agrégateur des actions menées dans un pays, tous moyens confondus, qu’ils proviennent de l’État, des municipalités, des Français vivant sur place, etc. Cela renvoie, par exemple, à l’action des conseils consulaires. Les Fonds Équipe France sont désormais dans les mains de l’ambassadeur, qui doit savoir ce que toute la France – et pas seulement le gouvernement – fait dans le pays, à charge pour lui de coordonner l’ensemble des actions. À titre d’exemple, la fouille du monastère Saint-Hilarion, à Gaza, est un projet français qui a été rendu possible grâce à l’initiative de l’ambassadeur de France, qui est allé chercher des fonds auprès de différentes institutions.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Les contraintes financières pèsent sur les moyens dévolus à l’action extérieure de l’État. Je ne puis que le regretter compte tenu de l’importance des missions de notre réseau diplomatique et consulaire dans un monde de plus en plus imprévisible. Cela nous offre toutefois l’occasion de réfléchir à l’évolution de notre réseau, en particulier concernant l’enseignement français à l’étranger.
Cela étant, je note des motifs de satisfaction. Au sein du programme 105, les crédits dédiés à la sécurité de nos compatriotes sont renforcés. Cela concerne en particulier le budget du Centre de crise et de soutien (CDCS), dont je souhaite, une fois encore, saluer la grande efficacité.
Les actions du programme 151 concernant l’accompagnement des Français les plus vulnérables à l’étranger bénéficient, elles aussi, d’une hausse des crédits qui, quoique modeste, a le mérite d’exister.
Le budget dédié aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans nos lycées français augmente, à l’instar de celui dévolu aux associations d’entraide française à l’étranger, en faveur desquelles je me bats depuis plusieurs années. En effet, contrairement aux idées reçues, nous avons de nombreux défis à relever en la matière en raison du vieillissement d’une partie de nos compatriotes à l’étranger, qui sont souvent très isolés, et de la paupérisation de nos concitoyens, qui sont parfois confrontés à une inflation élevée.
Enfin, le programme 151 crée les conditions de la poursuite de la simplification de nos services à l’étranger. Fait peu connu, le MEAE est un véritable laboratoire de l’innovation de l’action publique, comme l’illustrent la dématérialisation de l’état civil, le vote électronique, le renouvellement des passeports entièrement dématérialisé… Cela préfigure ce qui pourrait être fait demain sur le territoire national.
Nous pouvons encore accroître notre efficacité en ce domaine. C’est dans cette perspective que je propose que nous expérimentions l’envoi dématérialisé de la propagande électorale aux Français à l’étranger, qui – pour une majorité d’entre eux – ne la reçoivent pas à temps. Je défendrai un amendement en ce sens en séance.
Le groupe EPR est favorable à ce projet de loi mais son soutien se veut très exigeant.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je partage vos propos. Notre pays étant confronté à des contraintes budgétaires très fortes, il serait irresponsable de s’affranchir de cette préoccupation. Dans le même temps, nous devons continuer à défendre l’action extérieure de notre pays. Je sais les combats que vous avez menés concernant, en particulier, l’accès à l’école des élèves handicapés, qui trouvent aujourd’hui une concrétisation grâce à l’augmentation des crédits.
Je partage pleinement votre opinion sur le CDCS. Nous avons souvent eu l’occasion de féliciter l’action des diplomates, qui y effectuent un travail remarquable, notamment pour rapatrier nos compatriotes ainsi que, parfois, des ressortissants d’autres pays, dans des conditions très difficiles.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le terme de « laboratoire » me paraît fort à propos. Je ne connais qu’une administration qui répond au téléphone dans les quinze secondes et apporte, dans 95 % des cas, la réponse à la question posée, souvent de manière approfondie : je veux parler des consulats. La plateforme assurant ce service, qui est située à Saint-Denis, est le fruit de l’action de modernisation que nous avons engagée depuis cinq ans.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Monsieur Herbillon ne me paraît pas tout à fait à l’aise pour donner un avis favorable sur les programmes budgétaires dont il a la charge ; il est vrai que c’est une mission difficile lorsqu’on est attaché à l’ambition de la politique française. Ce budget n’offre aucun motif de satisfaction.
Le MEAE est le seul ministère régalien à ne pas avoir de loi de programmation ; tous ceux qui suivent ces sujets la réclament. On constate des baisses dans tous les domaines. Les crédits du programme 105 sont en diminution, en réalité, car leur évolution ne suit pas l’inflation. Les contributions aux grandes organisations internationales connaissent le même sort, à un moment où l’ONU est fragilisée, entre autres, par le retrait américain. Il convient de réformer l’Organisation mais, en attendant, la diminution de notre contribution ne constitue pas un bon signal.
En revanche, 20 millions d’euros sont budgétés pour l’organisation du G7 en France ; en effet, il ne faudrait pas que le président de la République française montre qu’il n’a pas donné d’ambition à la politique étrangère.
Nous ferons des propositions pour que la France mène réellement une politique étrangère ambitieuse, ce qui passe, par exemple, par un rétablissement de nos contributions à l’ONU, un renforcement des recrutements au sein des corps de diplomates, ou encore l’octroi de crédits destinés à l’ouverture d’une ambassade en Palestine, qui marquerait une véritable ambition pour la paix et l’application du droit international.
Le programme 185, Diplomatie culturelle et d’influence, est encore plus sacrifié. On observe des baisses de plusieurs dizaines de millions d’euros pour l’AEFE, Campus France, les Instituts français, etc. Les Français de l’étranger voient, eux aussi, leur budget diminuer. Nous ferons des propositions pour renforcer la qualité des services qui leur sont apportés. On ne peut pas dire que les lycées français à l’étranger vont tous bien : on constate de plus en plus de départs vers le réseau éducatif américain. Les réseaux consulaires, eux aussi, doivent être renforcés ; nous proposons d’ailleurs des recrutements. Nous entendons faire en sorte que nos concitoyens à l’étranger ne se sentent pas abandonnés – impression qu’ils éprouvent certainement en prenant connaissance de ce budget.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Les crédits sont stabilisés sur l’ensemble de la mission budgétaire. On peut toujours souhaiter plus, évidemment, mais, comme vous le savez, nous opérons dans un cadre budgétaire très contraint. Cela étant, j’ai fait part de mes regrets concernant les effectifs, puisque nous n’atteindrons pas la cible des 700 ETP fixée en 2023.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle que nous avons un consulat général à Jérusalem qui fait office d’ambassade en Palestine et qui dispose de moyens substantiels. Nous avons également un lycée français à Ramallah, qui ne souffrira aucunement de la baisse éventuelle des crédits de l’AEFE, puisqu’il fait partie de la majorité des lycées français qui n’ont aucun lien économique avec l’Agence.
Le budget de la mission est constitué, en grande partie, de dépenses de personnel ; autrement dit, seule une faible proportion de ses crédits sont pilotables. Une loi de programmation présenterait donc peu d’utilité. C’est pourquoi je propose, depuis plusieurs années, que nous alignions la date de renouvellement des contrats d’objectifs et de moyens (COM) et des contrats d’objectifs et de performance (COP) triennaux de tous les opérateurs qui œuvrent dans le champ de la politique extérieure et que nous portions leur durée à quatre ans. Les COM et les COP présentent en effet une caractéristique que n’a pas la loi de programmation : ils doivent être validés par le Parlement à chaque renouvellement. Nous pourrions décider d’auditionner, en début de mandat, les directions qui sont en charge des cinq ou six contrats relatifs à la mission Action extérieure de l’Etat, ainsi que les services de Bercy. Le ministère est intéressé par cette proposition ; je crois même que, cette fois, cela va se faire.
M. Stéphane Hablot (SOC). Dans un contexte de tensions et d’incertitudes, la France doit rester crédible sur la scène internationale. Pourtant, notre pays, qui disposait encore du troisième réseau diplomatique mondial en 2022, est tombé à la cinquième place. L’année dernière, le budget de la mission avait déjà été amputé de 200 millions d’euros. Cette année, les crédits proposés sont à nouveau en baisse, une fois l’inflation prise en compte. Pour ne prendre que deux exemples, l’enveloppe budgétaire dédiée aux élèves français scolarisés au sein du réseau d’enseignement de la langue française a considérablement diminué. Les crédits alloués aux bourses scolaires sont également en baisse. Dès lors, comment le gouvernement peut-il parler d’un « réarmement » de notre diplomatie ? Il faut savoir se donner les moyens d’une politique, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le président de la République, qui est affaibli sur la scène internationale, adopte des positions contradictoires. Pour ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés ne soutiendra pas ce budget.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les bourses octroyées à nos compatriotes leur permettent d’étudier dans un lycée français à l’étranger parfois distant de leur lieu d’habitation car il n’y en a pas partout. Dans ce projet de budget, le montant qui leur est consacré est stable par rapport au réalisé de l’an dernier. Cela étant, le système est un peu trop rigide, ce qui explique que certains ne puissent pas bénéficier d’une bourse. Nous avons proposé, avec madame Lakrafi, que les bourses soient accordées pour un cycle, et non pour l’année scolaire, ce qui permettrait aux familles de s’organiser. Nous avons aussi préconisé la création de bourses exceptionnelles, d’un montant beaucoup plus faible, à la disposition des conseils consulaires et des élus locaux, pour venir en aide aux personnes se trouvant dans une situation administrative particulière, en particulier en cas de divorce. En tout état de cause, je ne pense pas que l’on puisse dire que les 20 000 boursiers français sont en difficulté.
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Le rapport pour avis qui nous est présenté par notre collègue Herbillon est sérieux et lucide, le rapporteur affirmant lui-même qu’il s’agit d’une équation insoluble. En effet, si les ambitions affichées augmentent, les moyens baissent. Le budget 2026, qui fait suite à la forte diminution de 2025, présente une stabilité en trompe-l’œil. Certaines actions voient leurs moyens diminuer de façon préoccupante. Il en est ainsi des contributions françaises aux organisations internationales, dont la baisse est certes liée, en partie, au barème des quotes-parts mais qui envoie un mauvais signal, dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme.
La diminution des crédits consacrés aux bourses scolaires, si elle est justifiée par la baisse du nombre d’élèves boursiers, va à l’encontre des besoins des familles, qui ont de plus en plus mal à payer les frais de scolarité, parfois extravagants, et à faire face à l’inflation. L’incertitude des prévisions budgétaires fait peser un risque réel susceptible de pénaliser les familles les plus modestes.
Enfin, la perspective de la création de 700 postes d’ici à 2027 s’éloigne. Pis, la suppression d’un poste sur trois, prévue à partir de 2027, est très inquiétante. Dans un contexte international marqué par la crise du multilatéralisme et les ambitions impérialistes des grandes puissances, affaiblir nos effectifs diplomatiques serait une faute grave. Nous avons besoin d’une diplomatie forte, crédible et dotée des moyens nécessaires.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. J’ai évoqué la volonté de réarmer notre diplomatie, notamment par le renforcement de ses moyens humains, avant de conclure que l’équilibre entre cet impératif politique et les actuelles exigences budgétaires demeurait complexe, au risque de rendre l’équation insoluble, ce qui n’est pas exactement ce que vous avez dit.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Le réseau de l’enseignement français à l’étranger ne sert pas principalement à scolariser nos jeunes compatriotes dans les établissements français. Sur les 450 000 élèves français qui vivent hors de France, seuls 120 000 étudient au sein du réseau. Plus des deux tiers des élèves scolarisés dans le réseau ne sont pas français ; c’est d’ailleurs ce que nous recherchons. Nous menons un combat avec madame Lakrafi pour promouvoir d’autres solutions de scolarisation des enfants français à l’étranger, que ce soit dans le cadre du Centre national d’enseignement à distance (CNED) ou au sein d’établissements relevant du système d’enseignement local, les deux cursus pouvant être menés de front. Il faut également penser aux associations de français langue maternelle (Flam), qui développent des solutions telles que l’école du samedi et qui sont de plus en plus soutenues en France.
Mme Maud Petit (Dem). Un conflit entre la Russie et l’Ukraine qui s’enlise, une situation qui demeure tendue au Proche-Orient, des tensions entre les États-Unis et le Venezuela, la guerre au Soudan : la conjoncture internationale est marquée par une instabilité profonde, de nombreuses tensions et la multiplication des foyers de crise. Dans ce contexte, la France doit, plus que jamais, faire entendre sa voix et affirmer son rôle de puissance d’équilibre. Pour y parvenir, nous devons poursuivre sans relâche nos efforts en faveur de la paix et du dialogue. Cette action ne peut se concevoir sans une diplomatie culturelle, éducative et d’influence capable de retisser les liens entre les peuples, d’apaiser les tensions et de préparer les fondations d’un avenir commun.
Entre 2021 et 2024, des efforts constants ont été menés en ce sens dans les différentes lois de finances. Le montant total des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d’influence a ainsi progressé de 15 millions d’euros entre 2021 et 2025, ce qui traduit une hausse de 2,2 %. Toutefois, dans le PLF pour 2026, ces crédits sont, comme l’année dernière, orientés à la baisse. La dotation du programme 185 est en repli de 32,8 millions d’euros, ce qui représente une baisse de 5,1 %. Les Démocrates regrettent cette évolution mais, en cette période de restrictions budgétaires généralisées, nous avons conscience de la nécessité de réduire les dépenses publiques. Il n’en reste pas moins que le budget du MEAE est, chaque année, l’un des principaux contributeurs à l’effort budgétaire alors qu’il représente moins de 1 % du budget de l’État.
Monsieur Petit, vous avez choisi de vous pencher, dans votre rapport pour avis, sur l’articulation entre notre politique d’influence et la diplomatie culturelle de l’Union européenne. Vous avez montré comment, depuis le traité de Maastricht et, surtout, depuis 2018, année de publication de l’agenda européen de la culture, l’Union européenne a fait de l’action extérieure l’une de ses priorités. De quelle manière l’action culturelle et d’influence de l’Union permet-elle de renforcer la diplomatie culturelle des États membres et, en particulier, celle de la France ?
Le groupe Les Démocrates apportera son soutien à cette mission Action extérieure de l’Etat.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Faute de temps, je me permets de vous renvoyer à mon rapport car je ne pourrais répondre à votre question sans revenir sur les nombreux points qui y sont développés. Je ferai simplement une remarque : l’Union européenne s’emploie à développer les relations culturelles internationales, terme qui me paraît plus intéressant, d’un point de vue sémantique, que celui de « diplomatie culturelle et d’influence ».
Mme Christine Engrand (NI). Cette mission, dans toutes ses composantes, traduit l’ambition que la France soit présente, active, influente, mais elle révèle aussi l’écart existant entre les objectifs souvent généreux de notre diplomatie et ses moyens parfois limités. L’efficacité, la cohérence et la souveraineté doivent redevenir les maîtres mots de notre action extérieure. Ce n’est pas en multipliant les structures ou les contributions internationales que la France pèsera davantage mais en affirmant ce qu’elle est, ce qu’elle croit et ce qu’elle veut.
Comment justifier la mobilisation de 768 millions d’euros en faveur du multilatéralisme alors que certaines organisations internationales contestent nos positions ? Le Quai d’Orsay dispose-t-il d’outils suffisants pour lutter efficacement contre la désinformation et les opérations d’influence étrangère, notamment dans le domaine numérique ? Dans un contexte d’insécurité internationale, la part consacrée à la protection des personnels et infrastructures diplomatiques est-elle à la hauteur des risques encourus ?
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous mettez en cause le multilatéralisme, donc le droit international, qui est l’une des façons pacifiques de résoudre les conflits. On ne peut pas vous suivre sur ce terrain. En outre, je vous rappelle qu’une grande part de nos versements aux organisations internationales présente un caractère obligatoire.
M. le président Bruno Fuchs. La commission va à présent examiner les amendements déposés sur les crédits de la mission Action extérieure de l’Etat, puis ceux à titre connexe. En raison de ma participation au Forum de Paris pour la paix, je cède la présidence pour la suite de la réunion au vice-président Alain David.
Présidence de M. Alain David, vice-président.
*
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AE53 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). Cet amendement vise à stabiliser le budget alloué aux contributions internationales au moyen d’un abondement de 48 millions d’euros.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le coût d’une telle mesure n’est pas négligeable dans le contexte budgétaire actuel. Par ailleurs, la diminution constante du montant des contributions internationales de la France au cours des dernières années s’explique essentiellement par la révision à la baisse de notre quote-part dans le financement des organisations internationales. Cela a abouti de manière mécanique à réduire le montant de nos contributions obligatoires, que nous versons d’ailleurs dans leur intégralité et dans les délais impartis – contrairement à d’autres grandes puissances, tels les États-Unis, qui accumulent des retards considérables et des arriérés de paiement. Cette évolution ne traduit donc pas un quelconque désengagement de la France des enceintes multilatérales. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE38 de M. Aurélien Taché, l’amendement II-AE15 de M. Hervé Berville n’étant pas défendu
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Nous proposons par cet amendement d’augmenter de façon plus importante les effectifs du MEAE. Il n’est pas possible de naturaliser ce que vous appelez souvent les contraintes budgétaires, comme si elles tombaient du ciel et étaient parfaitement indépendantes de notre volonté. Des choix budgétaires ont été faits au cours des dernières années. En 2017, les recettes publiques représentaient 54,3 % du PIB, contre 51,4 % aujourd’hui. Nous proposons de prendre le contrepied de cette logique de démantèlement de la puissance publique et de recruter 250 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au sein du ministère.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. J’ai indiqué que l’objectif de création de 700 emplois d’ici à 2027 ne serait pas atteint. Selon les informations que j’ai recueillies lors des auditions, seule la moitié des créations de postes prévues depuis 2023 auront lieu.
Cependant, je vous demanderai de retirer votre amendement, pour deux raisons.
Sur la forme, l’enveloppe budgétaire provisionnée doit correspondre à des créations de postes clairement identifiées au sein du budget. Il faut déterminer au préalable le fléchage des crédits au sein des différentes actions du programme 105.
Sur le fond, les contraintes budgétaires, quoique vous en pensiez, existent. Nous ne pouvons pas les écarter d’un revers de la main. Je ne peux qu’en déplorer les effets mais il ne me semble pas réaliste de prévoir une telle augmentation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE60 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il s’agit, par cet amendement, de rétablir la contribution française à la Facilité européenne pour la paix (FEP) à destination de l’Ukraine, qui est un engagement stratégique indispensable. La guerre en Ukraine affecte fortement la stabilité et la crédibilité européenne. Chaque euro investi dans la FEP permet de préserver la stabilité de l’Ukraine et de renforcer son autonomie militaire – des actions que seule l’Union européenne peut orchestrer efficacement. En rétablissant notre contribution, nous affirmerions que la France reste au rendez-vous de la sécurité collective et qu’elle ne laisse pas ses partenaires assumer seuls l’effort.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le financement de la contribution française à la FEP est réparti entre le MEAE, pour ce qui relève des mesures d’assistance à caractère non létal, et le ministère des armées, pour les mesures létales. Le second pilier de la FEP, adopté en mars 2021, devait financer, en grande majorité, des mesures d’assistance à caractère non létal. La guerre d’agression russe en Ukraine ayant renforcé la part létale de ces actions, la participation du MEAE a été ramenée à 104 millions d’euros en 2025, en baisse de 40 millions par rapport à la LFI pour 2024. La dotation pour 2026 est stable, à 104 millions. Compte tenu de ces évolutions, il n’y a pas lieu de modifier ce montant. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE61 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Il ne suffit pas d’envoyer des armes et des munitions : il faut accompagner les efforts de l’État ukrainien, en particulier pour assister les civils.
L’amendement II-AE61 vise à renforcer de 25 millions d’euros nos contributions volontaires aux organisations internationales. Le président américain soutient de moins en moins le multilatéralisme, ce qui a conduit au retrait des États-Unis de plusieurs organisations, comme l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La France, elle, s’est toujours présentée en défenseur du multilatéralisme mais, alors qu’elle était le cinquième contributeur mondial au système onusien en 2015, elle n’en est plus que le huitième. Je crains que, si la France recule, d’autres puissances, telles la Chine, la Russie ou les États du Golfe, ne comblent le vide, ce qui leur offrirait la possibilité de promouvoir des valeurs contraires aux nôtres.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour les raisons exposées précédemment à M. Pribetich, mon avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE46 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). L’amendement propose 20 millions d’euros de crédits pour rénover les infrastructures que nous possédons à l’étranger : consulats, ambassades, etc. Beaucoup de bâtiments sont vétustes, ce qui pose des problèmes de sécurité. Les syndicats de diplomates avec qui j’ai échangé indiquent que le contexte sécuritaire impose de renforcer la sécurité de nos postes.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour l’entretien et la maintenance, la dotation est stable à hauteur de 10,5 millions d’euros. Pour l’entretien lourd à l’étranger, les crédits sont en diminution de 10 millions pour atteindre 42,2 millions d’euros. Cette baisse s’inscrit dans le contexte budgétaire actuel, même si vous n’aimez pas que l’on y fasse référence, mais elle s’explique aussi par l’achèvement du schéma directeur immobilier pluriannuel 2021-2025 pour les locaux des représentations diplomatiques et consulaires. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE49 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Nous proposons d’allouer 20 millions d’euros à l’organisation d’un sommet francophone sur les nouvelles frontières de l’humanité que sont la mer, le numérique et l’espace, trois défis majeurs pour lesquels la coopération doit être renforcée. J’ai déjà dit ce que je pensais de la présidence française du G7 : ce sommet ne débouche plus sur grand-chose. Il serait préférable de rediriger son financement vers un sommet vraiment utile qui donnerait une nouvelle ambition à la francophonie.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je salue votre intérêt pour ces enjeux mais je ne crois pas que le projet de loi de finances soit le texte adapté pour l’organisation du sommet international que vous appelez de vos vœux. Le sommet du G7 à Évian est déjà prévu dans les prochains mois.
Votre proposition est par ailleurs un copié-collé du titre du meeting organisé par Jean-Luc Mélenchon à Nantes le 16 janvier 2022, ayant pour thème : « Les nouvelles frontières de l’humanité : mer, espace et numérique ». Avis défavorable.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Merci pour cette référence.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Au moins, nous, nous sommes cohérents.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE48 de M. Aurélien Taché
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Nous fêtons les quatre-vingts ans de la fondation de l’Organisation des Nations unies. Il ne suffit pas de professer régulièrement notre attachement au multilatéralisme onusien, comme le font le ministre des affaires étrangères et le président Macron ; il faut aussi y mettre les moyens. Au moment où Donald Trump prive de fonds l’UNESCO, l’Organisation mondiale de la santé, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et les actions de maintien de la paix, le budget qui nous est soumis présente une contradiction centrale : 20 millions d’euros sont accordés à l’organisation du G7 mais la contribution internationale à l’ONU est en baisse de 17 millions par rapport à 2024. C’est un scandale. Le G7 ne sert absolument à rien et la diplomatie de club ne vaut rien face à la diplomatie multilatérale onusienne, la seule véritable coopération internationale à laquelle nous sommes attachés.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. La baisse des contributions versées par la France à l’ONU présente un effet mécanique du fait de la diminution de notre quote-part, que notre pays honore en temps et en heure, contrairement à beaucoup d’autres. Nous sommes le sixième État contributeur à l’ONU conformément à notre puissance mondiale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE39 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Nous proposons un nouveau renforcement des effectifs du ministère, cette fois-ci dans le réseau consulaire, avec 100 ETP supplémentaires. On dit toujours que la dématérialisation justifie des fonctionnaires en moins mais cela représente souvent une dégradation du service rendu.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que précédemment, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Vous évoquez dans l’exposé sommaire de votre amendement le service France consulaire, un service d’assistance téléphonique de premier niveau qui sera étendu à l’ensemble des continents à la fin de l’année, avec des plages horaires élargies. Ce service est remarquable et il rencontre un grand succès, puisque 50 000 appels ont été dénombrés en juillet dernier et que le taux de satisfaction des usagers s’élève à plus de 89 %. Il permet utilement de décharger les agents des consulats en leur permettant de se concentrer sur le traitement local des dossiers individuels, les urgences et la protection consulaire.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). On nous répète sans cesse que le budget est contraint mais il y a au moins un ministère dont le budget ne l’est pas : celui des armées. La loi de programmation militaire a même été suralimentée de plusieurs dizaines de milliards d’euros. En tant qu’ancien maire, j’entends la notion de contrainte budgétaire mais je crois aussi que notre commission s’honorerait d’adopter des amendements qui refusent cette contrainte.
La gravité des enjeux que nous évoquons ici avait été entendue par M. Le Drian, qui a reconnu que le ministère des affaires étrangères avait payé très cher l’addition des récessions des années précédentes et s’était engagé à améliorer les moyens dévolus à l’aide publique au développement et ceux du Quai d’Orsay. Notre commission doit avoir le courage de dire : « C’est essentiel », tout comme celle de la défense a dit : « C’est indispensable. » Nous pourrions même suggérer à la commission de la défense de réduire un peu son budget au profit de la diplomatie, dont le but est de ne pas avoir à utiliser le budget de la défense. En tout état de cause, nous devons avoir le courage de dire à nouveau à l’Exécutif qu’il fait fausse route et qu’il doit changer son fusil d’épaule pour travailler davantage à la paix et à la diplomatie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE47 de M. Aurélien Taché
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise propose de consacrer 13 millions d’euros à l’ouverture d’une ambassade de France en Palestine. Nous nous étonnons que rien ne soit consacré à l’ouverture de cette ambassade alors que la France a enfin reconnu l’État de la Palestine le lundi 22 septembre 2025, après plus de soixante-quinze années de tergiversations. À l’occasion de cette reconnaissance très attendue, le président de la République a annoncé que la libération des otages israéliens détenus par le Hamas était la condition préalable à l’ouverture d’une ambassade. Or, depuis l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza le 9 octobre dernier – cessez-le-feu plus ou moins respecté par Netanyahou –, les otages israéliens, mais aussi des prisonniers palestiniens, ont été libérés. La condition est donc remplie.
La France dispose actuellement d’un consulat général mais un consulat ne remplit pas les mêmes fonctions qu’une ambassade : il s’occupe des services aux citoyens tandis qu’une ambassade gère les relations diplomatiques de haut niveau. La reconnaissance de l’État de Palestine restera un acte purement déclaratif si elle n’est pas suivie de l’ouverture d’une ambassade. Nous proposons un acte symbolique, politique et diplomatique.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le projet de loi de finances n’est pas le support juridique idoine pour entériner le choix d’ouvrir ou non une ambassade de France dans les territoires palestiniens. Le consulat général intervient déjà pour tout ce qui concerne les territoires palestiniens.
Je rappelle que la libération des otages détenus par le groupe terroriste Hamas n’était pas la seule condition fixée par le président de la République dans son discours à la tribune de l’ONU pour la reconnaissance de l’État palestinien ; d’autres exigences cumulatives tenant à la démilitarisation de la zone, à la reconnaissance et à la sécurisation de l’État d’Israël par l’ensemble des parties prenantes et au désarmement du Hamas avaient été précisées. Il ne me semble pas qu’à ce jour l’ensemble des conditions soient réunies pour procéder à une telle évolution ; cela arrivera peut-être. En tout état de cause, cela ne doit pas se faire au détour d’un projet de loi de finances. Avis défavorable.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je précise que ce consulat général est une représentation diplomatique de la France et non un consulat de services. Il ne rend pas de services consulaires. Puisqu’il se trouve dans un hôtel historique, il est évident qu’il suffira de le transformer en ambassade, ce qui ne coûtera rien ; il est donc inutile de dépenser 13 millions d’euros. Ce consulat général est extrêmement bien doté, avec du personnel en grand nombre, et il a une influence énorme : de lui dépendent les lycées français de Jérusalem et de Ramallah, un musée à Bethléem et un réseau d’Alliances françaises qui sont coordonnées par lui comme elles le seraient par une ambassade.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Cela fait plusieurs fois que Frédéric Petit cite une liste de représentations culturelles dépendant de ce consulat général mais à aucun moment il n’a cité l’Institut français de Gaza. Cela veut-il dire que celui-ci a été totalement rasé ? Est-ce parce qu’il ne compte pas parmi nos relais d’influence culturelle ou parce qu’il en reste vingt centimètres de cailloux ? Qu’est-il devenu ?
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il était géré par ce poste.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Physiquement, est-il toujours debout ?
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Non.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE62 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). L’Organisation internationale du travail (OIT) est une pierre angulaire du système multilatéral. C’est l’une des premières institutions à avoir été fondées au niveau international. Alors que les États-Unis réduisent leurs programmes sociaux et de coopération, l’OIT voit ses ressources baisser alors même que les inégalités et les violations du droit du travail explosent. Rétablir la contribution française n’est pas une dépense symbolique, c’est un acte politique en faveur de la justice sociale, d’un travail décent et d’un dialogue social mondial. Le multilatéralisme recule partout. La France doit continuer de soutenir cette organisation qui incarne la dignité du travail.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je l’ai déjà dit, la baisse de cette dotation est due à un mécanisme automatique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AS63 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Nous avons examiné plusieurs amendements assez coûteux, de l’ordre de 20 à 40 millions d’euros ; celui-ci propose de déplacer une somme modeste pour rétablir la contribution de la France à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui joue un rôle déterminant pour la sécurité mondiale. En Iran, elle mène depuis 2003 des inspections régulières permettant de documenter avec précision le degré d’enrichissement de l’uranium, garantissant que le nucléaire civil ne dérive pas vers un usage militaire. En Ukraine, ses équipes sont présentes en permanence à Zaporijjia, sous tension militaire, pour éviter un accident nucléaire majeur. En France, enfin, l’AIEA conduit régulièrement des audits de sûreté sur nos centrales et sur les installations du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), contribuant à renforcer la transparence de notre filière.
Alors que la prolifération nucléaire réapparaît comme un risque politique majeur, réduire notre soutien à l’AIEA enverrait un contre-signal dangereux. Pilier du multilatéralisme, parangon de la sécurité internationale, la France doit maintenir une contribution à la hauteur de ses engagements, de ses responsabilités et de l’utilité de l’AIEA pour la sécurité collective.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Nous ne mettons pas en cause l’action de l’Agence internationale de l’énergie atomique, pas plus que celle de l’Organisation internationale du travail. La baisse des contributions est due à la baisse de notre quote-part en tant qu’État contributeur.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AS55 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). Hier, dans sa sagesse, l’Assemblée nationale, sur la proposition de notre collègue Éric Coquerel, a décidé de taxer les multinationales proportionnellement à leur activité réellement réalisée en France. Les estimations prévoient 26 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Je propose d’en attribuer 200 000 euros au renforcement des crédits alloués au Centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui est l’urgentiste de l’action internationale de la France.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je partage ces objectifs. Les crédits du CDCS sont en légère augmentation en 2026, après avoir déjà augmenté de 100 000 euros en 2024 et en 2025. Je tiens à souligner l’importance du CDCS pour gérer efficacement les crises qui affectent la communauté française partout dans le monde et pour rapatrier nos compatriotes – et parfois, aussi, les citoyens d’autres pays – en cas de crise. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-AE57 de M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich (SOC). Cet amendement propose d’affecter 100 000 euros au programme 105 pour alerter sur la trajectoire de l’action extérieure de la France.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE16 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à supprimer les 166 millions d’euros de crédits dédiés à l’action 02, Action européenne, afin non pas de revenir sur les engagements internationaux de la France mais de constater que ces dépenses font manifestement doublon avec le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR-UE). Faut-il rappeler que la France contribue déjà pour plus de 28 milliards d’euros au budget de l’Union européenne ? Alors que cette contribution a augmenté de 23,3 % sur un an, il est difficile de justifier d’autres crédits dédiés à l’action européenne, d’autant plus qu’ils sont imputés à un programme intitulé Action de la France en Europe et dans le monde, et non Action de l’Europe en Europe et que la hausse de l’action 02 est plus importante que celle de l’ensemble des crédits du programme. Il ne s’agit pas de renoncer à des financements contributifs mais de les imputer sur le PSR-UE.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je ne peux donner qu’un avis défavorable à cet amendement qui supprime la totalité des crédits du programme, ce qui revient à désengager entièrement notre pays du Conseil de l’Europe et de la Facilité européenne pour la paix. C’est probablement un objectif que vous poursuivez de longue date mais ce n’est pas le nôtre, alors que les menaces qui pèsent sur notre continent s’amplifient année après année.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE31 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement propose d’économiser 87 millions d’euros sur l’action visant à promouvoir le multilatéralisme. En effet, nous souhaitons privilégier le bilatéralisme au multilatéralisme, qui est source d’opacité et d’inefficience ; une partie des financements se perd dans une multitude d’intermédiaires et de programmes avant même d’atteindre leurs objectifs. Par ailleurs, les financements multilatéraux font souvent doublon avec les contributions volontaires déjà versées par la France à l’Union européenne, qui finance elle-même de nombreuses organisations internationales agissant dans les mêmes domaines. Cette double dépense augmente l’opacité des financements et contribue à leur illisibilité globale. À l’inverse, les programmes bilatéraux permettent de choisir des partenaires fiables, de définir des priorités stratégiques au service de la France et, surtout, d’établir des indicateurs de résultats précis. Sans remettre en cause l’engagement international de la France, nous proposons de réduire de 30 % notre contribution aux organisations multilatérales.
Suivant l’avis de M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE65 de M. Jorys Bovet
Mme Alexandra Masson (RN). Il n’aura échappé à personne que les crédits de la mission Action extérieure de l’État sont en hausse de 46 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2025, malgré les restrictions budgétaires auxquelles le pays est soumis. Dans un souci de maîtrise des dépenses publiques et de cohérence avec les efforts demandés à tous les Français en cette période difficile, cet amendement propose de supprimer une telle hausse. Il est crucial de recentrer les politiques publiques sur les priorités nationales. Cette mesure ne compromettra pas le réseau diplomatique mais contribuera à diminuer la masse salariale de l’État, et donc à stabiliser les dépenses publiques.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je m’interroge sur la ventilation concrète des 46 millions d’euros que vous proposez de supprimer. S’agit-il des dépenses de personnel, comme vous l’indiquez, c’est-à-dire, concrètement, de supprimer des emplois au sein de notre réseau diplomatique ou de réduire la rémunération des agents ? S’agit-il des dépenses d’intervention liées à nos contributions obligatoires, qui correspondent à l’engagement financier de la France au sein des organisations internationales ? Ou bien s’agit-il de la diminution des budgets alloués à la sécurité ou à la rénovation immobilière ? Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a été suffisamment mis à contribution pour participer à l’effort de redressement des comptes. Une ponction de 46 millions d’euros n’a donc aucun sens. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Il serait effectivement intéressant de connaître le détail des diminutions voulues ici par le groupe Rassemblement national. Je constate et déplore le mutisme de ses membres sur ce point.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE69 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot (RN). Cet amendement propose de réduire de 50 %, au sein du programme 105, la contribution de la France aux missions militaires extérieures des Nations unies, soit une économie de 26 millions sur les 52 millions d’euros prévus. Il vise en réalité à réduire le financement par la France de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS). Pourquoi ?
Premièrement, parce qu’il s’agit d’une gabegie : 17 000 hommes sont théoriquement payés, à raison de 4 000 euros par mois chacun, et 10 000 euros pour les officiers ; en réalité, il y a à peine 13 000 hommes. De même, 2 100 policiers sont payés ; il y en a 1 400 sur le terrain. Vingt véhicules blindés sont prévus ; il y en a quatre. Il faut dire stop. L’argent des Français est précieux.
Deuxièmement, quatorze ans après son déploiement, c’est un échec sécuritaire. Des bandes armées de gangsters coupent les routes et font régner l’insécurité. La MINUSS ne sert absolument à rien. Elle est régulièrement désarmée dans des guet-apens et, quand elle mène des opérations, ce sont des actions sanglantes et inefficaces ; le reste du temps, elle est confinée dans son bunker. Il faut tirer la sonnette d’alarme et couper ces crédits.
Dans un contexte où le déficit atteint 6 % du PIB et où la dette se monte à 114 % du PIB, il vaut mieux redéployer les fonds destinés à aider le Sud-Soudan vers le développement agricole ou pastoral de ce pays, et non vers une mission militaire devenue inefficace.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je ne méconnais pas les difficultés auxquelles est confrontée la mission de maintien de la paix au Sud-Soudan, la partie thématique de mon rapport pour avis étant consacrée aux opérations de maintien de la paix. Le sujet doit faire l’objet d’une approche globale évaluant l’efficacité des opérations conduites sur le terrain et l’adéquation entre les moyens dont elles disposent et les objectifs poursuivis.
Je prononcerai un avis défavorable pour deux raisons.
La première est que le montant de notre contribution à cette mission n’est pas pilotable ; il est calculé selon la quote-part de la France au budget des opérations de maintien de la paix des Nations unies, soit 4,6 % pour 2025-2027. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères n’a dont aucune marge de manœuvre.
La deuxième est qu’une suppression unilatérale de moitié de la contribution reviendrait à méconnaître nos engagements internationaux et accentuerait les très graves difficultés budgétaires des Nations unies, notamment en raison des importants arriérés de paiement des États-Unis, qui ne sont pas un modèle à suivre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE52 de M. Stéphane Rambaud
M. Kévin Pfeffer (RN). La contribution totale de la France au Conseil de l’Europe atteindra 55 millions d’euros en 2026, contre 49 millions en 2025, soit une hausse de 12 %. Cette augmentation est justifiée par des actions qui semblent sans lien avec nos priorités diplomatiques. Nous proposons donc de minorer la contribution de 10 millions d’euros pour ne pas alimenter la dérive budgétaire des organisations multilatérales.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. La hausse de 14 % de la contribution versée par la France au Conseil de l’Europe correspond à la hausse du montant de notre contribution obligatoire en raison de l’augmentation du budget du Conseil. Les raisons de cette évolution tiennent à la mise en place du nouveau pacte démocratique et de mécanismes institutionnels de soutien à l’Ukraine face à l’agression russe. Outre le bien-fondé de ces dépenses au regard du contexte géopolitique, je rappelle qu’il ne s’agit pas de dépenses pilotables mais de contributions qui découlent directement des engagements internationaux de la France. Je suis sûr que vos collègues Sylvie Josserand et Matthieu Marchio, qui sont vice-présidents de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, relaieront auprès de celui-ci vos propositions d’amputation. Avis défavorable.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Le Conseil de l’Europe est l’un des joyeux européens du multilatéralisme, du point de vue tant des sujets abordés que des questions qu’il a fait progresser en matière de démocratie, de droits des femmes et de droits de l’enfant. Si ces sujets sont arrivés jusqu’à l’ONU, c’est souvent parce qu’ils ont été préalablement défendus au Conseil de l’Europe. Que la France donne des moyens à cette organisation qui fait la fierté de notre pays dans les institutions internationales et qui est installée à Strasbourg, c’est la moindre des choses ! Il faudrait même la renforcer car de plus en plus de pays demandent à être observateurs au Conseil de l’Europe pour progresser en matière de démocratie et d’État de droit. Je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme y est adossée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE29 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à faire une économie de 7 millions d’euros sur l’action européenne de la France. En effet, les crédits alloués à la contribution européenne de la France au Conseil de l’Europe ont augmenté de 14 % depuis l’an dernier. Selon les documents adjoints au projet de loi de finances, la dernière hausse du budget du Conseil de l’Europe est de 6,15 %. Qu’est-ce qui justifie de doubler cette hausse, alors que la plupart des crédits liés aux affaires étrangères sont en baisse ? La France contribue déjà au budget de l’Union européenne pour plus de 28 milliards d’euros. Pourquoi dépenser quelques millions supplémentaires dans des missions qui ont des difficultés à trouver une stabilité pourtant essentielle à l’action diplomatique française ? Faute de justification particulière, l’amendement vise à retrouver le niveau budgétaire de l’an passé.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Puisque j’y siège, je tiens à apporter quelques explications sur l’augmentation des besoins du Conseil de l’Europe. La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a entraîné mécaniquement l’expulsion de la Russie de cette organisation. La guerre de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie a aussi entraîné mécaniquement l’expulsion de celui-ci. En vertu de la nouvelle péréquation, les autres pays ont été appelés à augmenter leur dotation. Cela explique l’augmentation de la nôtre.
Par ailleurs, le Conseil de l’Europe, c’est aussi la Cour européenne des droits de l’homme, qui est son bras armé. Dans un moment de raidissement européen où les États se tendent et se braquent contre leurs citoyens, il est important de rappeler son rôle fondamental dans la défense des libertés individuelles. Il me semble d’ailleurs que certains acteurs du monde politique français sont allés plaider leur cause devant elle.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AR73 de M. Kévin Pfeffer et II-AE51 de M. Stéphane Rambaud
M. Kévin Pfeffer (RN). Chaque million d’euros compte. Par ces amendements, nous proposons de réduire de 50 % la subvention de l’État à l’Institut du monde arabe (IMA), soit une économie de 6,17 millions d’euros.
L’Institut du monde arabe maîtrise mal ses charges, avec des dépenses de fonctionnement en hausse. Le personnel a augmenté de 30 % en dix ans pour atteindre 200 personnes et son président, Jack Lang, 86 ans, est payé 10 000 euros par mois depuis treize ans. Inauguré il y a près de quarante ans, l’Institut devait être à l’origine financé à 60 % par l’État français et à 40 % par les pays arabes partenaires. Or, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans un rapport couvrant la période 2012-2023, ces pays ont progressivement cessé toute contribution budgétaire tout en conservant leur siège au conseil d’administration. Le ministère des affaires étrangères, de son côté, est incapable de démontrer les gains diplomatiques de l’IMA pour la diplomatie arabe de la France – encore faudrait-il qu’il y en ait une. Pourtant, la subvention du ministère des affaires étrangères dépasse 12 millions d’euros par an, en plus de la subvention du ministère de la culture de 2 millions d’euros par an, soit une subvention d’environ 20 euros par visiteur.
Le soutien de l’État au titre de la politique étrangère doit se recentrer sur ce qui constitue le cœur de notre influence internationale, la défense de notre patrimoine, ainsi que le rayonnement de la culture et de la civilisation française en France et à l’étranger.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous aviez présenté les mêmes amendements l’année dernière. Avis défavorable. J’ajoute que, depuis l’année dernière, le président Jack Lang a un an de plus. Je ferai à cet égard un seul commentaire : l’avenir dure longtemps. Avis défavorable.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). L’IMA est un joyau de la diplomatie culturelle française. Ce n’est pas parce qu’il est écrit « arabe » dans le nom qu’il faut baisser ses crédits ! Allez visiter ce lieu, si ce n’est pas déjà fait ; vous y verrez un nombre d’expositions et de débats qui attestent de sa vitalité, de son rayonnement culturel et diplomatique avec les pays du monde arabe et même de son influence géopolitique, puisque la reconnaissance de l’État de Palestine par la France est en partie le fruit de l’action volontariste de l’IMA et de son président, Jack Lang. C’est sans doute pour cette raison que vous vous attaquez à cet établissement public magnifique en baissant ses crédits.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AE68 de M. Jorys Bovet
Mme Alexandra Masson (RN). Cet amendement vise à baisser de 10 % le budget de l’action 02.2 Organisations de coopération et de sécurité. Le projet annuel de performance pour 2026 indique que cette mission sert notamment à financer l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le budget est estimé à 19,3 millions d’euros pour 2026, contre 17,5 millions en 2025. Cette évolution correspond à une hausse de 10 % alors que le budget unifié de l’OSCE est globalement stable et que l’efficacité opérationnelle de cette organisation fait débat parmi les États y participant. Nous proposons donc de réduire de 1,8 million d’euros les crédits de cette action pour la ramener à la dotation de 2025, ce qui semble largement suffisant.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Là encore, la hausse de la contribution présente un caractère mécanique car elle correspond à l’augmentation du budget de l’OSCE, qui est financée par les contributions obligatoires des États membres en s’appuyant sur leur quote-part. Je précise que l’OSCE, qui a fêté le cinquantième anniversaire de sa création par l’Acte final d’Helsinki de 1975, joue un rôle, certes, discret mais utile en tant que médiateur afin de contribuer à la pacification des relations et à la stabilisation de la situation sécuritaire en Europe, malgré un contexte éminemment difficile depuis la guerre d’agression de la Russie. Avis défavorable.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cette série d’amendements de l’extrême droite est très instructive concernant leur rapport à la place de la France dans le monde et leur analyse des relations internationales. D’abord, ces amendements sont profondément hostiles au multilatéralisme onusien et européen, c’est-à-dire à la coopération internationale. En ceci, l’extrême droite renoue avec ses origines ; nous nous rappelons qui était hostile à la Société des nations dans les années 1930. Ensuite, ils conduisent à l’affaiblissement de l’influence de la France en réduisant ses moyens. Il ne suffit pas de se payer de mots : lorsqu’il faut passer aux actes, on voit qui aime la France et qui est attaché à ce qu’elle exerce encore une influence dans le mode. Ce n’est manifestement pas eux. Enfin, ils révèlent un mépris pour le personnel du ministère des affaires étrangères, pour son travail et pour la grandeur de sa fonction, le Quai d’Orsay étant largement reconnu dans le monde.
Non seulement le Rassemblement national est bien d’extrême droite, hostile à la coopération et à la France républicaine, mais il est incapable de gouverner tant il méprise les services de l’État.
M. Stéphane Rambaud (RN). C’est un faux procès que l’on fait au Rassemblement national.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Oh non, pas du tout !
M. Stéphane Rambaud (RN). S’agissant d’amendements précédents, la Cour des comptes a bien écrit que, depuis sa création, l’Institut du monde arabe ne dépense que la moitié de ses crédits. Nous proposons donc que les crédits correspondent à la réalité des dépenses. Il n’y a pas de sous-entendu.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE74 de M. Kévin Pfeffer
M. Kévin Pfeffer (RN). Avec une contribution française record de 28,8 milliards d’euros au budget de l’Union européenne, il est consternant de voir le gouvernement y ajouter des subventions volontaires au profit d’associations, de centres de recherche et de think tanks européens dont l’utilité diplomatique pour la France est nulle. Ces structures, qui vivent de fonds publics, produisent des rapports sur l’approfondissement européen ou l’intégration politique mais ne servent en rien le rayonnement international. Elles participent davantage à la promotion idéologique du fédéralisme européen qu’à la défense de nos intérêts nationaux. Pendant ce temps, le gouvernement explique aux Français qu’il faut se serrer la ceinture, que les dépenses publiques doivent être maîtrisées et que les impôts vont augmenter pour combler les déficits. Dans le contexte budgétaire actuel, il est incompréhensible et irresponsable de multiplier les contributions volontaires. Voilà encore 766 000 euros d’économisés.
J’adresse au passage toutes mes félicitations à notre rapporteur pour avis qui, je dois le dire, défend très habilement le budget du gouvernement que son parti soutient.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je ne polémiquerai pas avec monsieur Pfeffer, qui vient de découvrir que deux membres de son groupe siégeaient à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Avis défavorable.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La défense du bilatéralisme aux dépens du multilatéralisme est en contradiction directe avec votre défense du corps diplomatique car ce sont nos ambassadeurs qui ont construit et défendent le multilatéralisme depuis des décennies. Je ne vois pas comment on peut reprocher à quelqu’un d’avoir cassé le corps diplomatique tout en réclamant la sortie du multilatéralisme. C’est aberrant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE17 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement propose une économie de plus de 750 000 euros sur le budget alloué aux subventions relevant du ministère chargé de l’Europe. En effet, selon l’action 02 de la mission, il s’agit d’un financement de l’action européenne hors contributions. Or la France a augmenté de 23 % sa contribution à l’Union européenne, dont les représentants se promènent déjà partout sur le continent. Il ne semble pas opportun, pour un programme dédié à l’action de la France en Europe et dans le monde, de financer des conférences et des universités d’été sur les questions européennes. L’Union européenne est largement en capacité de les financer avec les sommes qui nous sont déjà prélevées. Cet amendement ne vise pas à s’opposer aux associations qui favorisent les échanges sur l’Europe mais bien à recentrer les crédits sur l’action de la France, et non celle de l’Union européenne.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. L’amendement est exclusivement motivé par des ressorts idéologiques que je ne partage pas. L’engagement européen de la France, pays fondateur de l’Union européenne, ne doit pas être mis en cause dans le projet de loi de finances. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE37 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Tous les amendements, hormis ceux du RN et de l’UDR, proposent des augmentations de dépenses. À défaut de tronçonneuse, je sortirai donc mon modeste sécateur.
Cet amendement vise à supprimer les 500 000 euros destinés à abonder le Fonds européen pour la démocratie. Bien que les sommes concernées soient modestes, nous contestons l’existence même de ce fonds pour deux principales raisons. Tout d’abord, il intervient dans le domaine de la politique étrangère au nom de l’Union européenne ; or, nous nous opposons formellement à tout transfert de souveraineté dans ce domaine. Mais il s’avère aussi un outil d’ingérence dans les affaires de pays tiers, ce à quoi nous nous opposons, au même titre que nous défendons la France contre les ingérences qu’elle subit par ailleurs.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE41 de M. Aurélien Taché
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Cet amendement vise à maintenir les crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger en transférant 58,9 millions d’euros vers le programme Diplomatie culturelle et d’influence. Nous appelons le gouvernement à lever le gage. Les coupes des dernières années entérinent la destruction du service public essentiel qu’est l’école avec l’abandon des objectifs annoncés en 2018 par le gouvernement et par le président de la République lui-même dans le Cap 2030, qui prévoyait le doublement des effectifs d’élèves du réseau international.
Concrètement, ces coupes se traduisent par des professeurs en moins, des classes surchargées, de moins en moins d’enseignants titulaires de l’éducation nationale, de plus en plus d’enseignants recrutés comme contractuels, souvent de droit local, des rémunérations et des droits sociaux au rabais, un nivellement par le bas et une baisse globale de la qualité d’enseignement. C’est tout ce que nous critiquons dans l’éducation nationale sur le territoire français. Nous ne sommes pas obligés d’exporter nos mauvaises habitudes ! Nous demandons au contraire une augmentation des financements partout, y compris dans les établissements français de l’étranger.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Tout d’abord, ce ne sont pas 50 millions d’euros qui ont été retirés à l’AEFE par rapport à l’an dernier, mais 25 millions.
Ensuite, j’explique depuis huit ans que le service public n’existe pas à l’étranger, sauf pour nos ressortissants. Les lycées français à l’étranger s’inscrivent dans la législation de l’éducation locale. Si un État étranger ouvre des écoles chez nous, hors de toute régulation scolaire, nous nous y opposons ; de la même manière, dire que nous devons exporter les lycées français à l’étranger, c’est à la frange du néocolonialisme. L’un des rôles statutaires de l’AEFE est justement la coopération éducative avec les autorités locales, ce qu’elle oublie de plus en plus de faire.
Par ailleurs, vous faites erreur sur les effectifs. Cinq-cents lycées français sur cinq-cents-soixante vont très bien. Une centaine de lycées a ouvert depuis 2018 et le réseau a gagné 40 000 élèves. Vous ne comprenez pas…
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Désolée, je n’ai visiblement pas votre intelligence !
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. … La baisse de crédits ne fera disparaître aucun professeur et ne retirera aucun moyen aux lycées français à l’étranger, qui sont insensibles aux changements apportés au niveau de l’agence. En effet, elle n’est pas le gestionnaire des lycées mais l’animatrice d’un réseau, une fonction qui a été éclipsée par le fait qu’elle gère historiquement soixante-huit établissements sur six-cents. J’appelle justement au rééquilibrage de ses missions. Je précise que le statut d’un lycée – gestion directe par l’AEFE, par une association ou par un État local, comme le lycée de Tel-Aviv ou celui de Ramallah – n’a rien à voir avec son efficacité. C’est le ministère de l’éducation nationale qui le contrôle, pas l’AEFE.
Malgré toutes mes explications, vous ne comprenez toujours pas le rôle de l’AEFE. La subvention à l’AEFE se monte à un demi-milliard d’euros. Son budget est de 1 milliard d’euros. Le budget du réseau des lycées français est de 4,5 milliards, partiellement financés par les États étrangers, par les familles et par d’autres sources. M. Orbán, par exemple, verse 120 000 euros tous les ans à l’association de gestion du lycée français de Budapest.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Il n’était pas question dans mon propos d’exporter les lycées français à l’étranger mais, bien au contraire, de ne pas exporter nos mauvaises habitudes.
Votre réponse fait l’impasse sur deux principes républicains : la continuité pédagogique et la nécessité d’accorder le même niveau d’enseignement partout dans le monde. Vous pouvez présenter les choses comme vous le souhaitez ; toujours est-il que les frais de scolarité exorbitants pratiqués dans certains pays dissuadent les agents publics d’accepter certains postes, alors même qu’ils devraient avoir accès à l’école gratuitement, ou au moins bénéficier de la même exonération que le personnel de l’AEFE et des établissements scolaires.
Vous avez beau le nier, les coupes budgétaires prévues auront bien un impact. On observe déjà les conséquences concrètes de tels arbitrages sur le territoire français. Vous proposez d’étendre cette logique partout ; nous voulons, à l’inverse, augmenter les budgets partout.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE56 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). Nous proposons ici de sanctuariser le financement de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger en le revalorisant de 24 millions d’euros.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE44 de M. Aurélien Taché
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). La baisse de 15 millions d’euros du budget de Campus France s’inscrit dans une dégradation générale de l’accueil des étudiants internationaux ; le gouvernement envisage aussi de sabrer les aides personnalisées au logement (APL) pour les étudiants étrangers. Elle est également cohérente avec la stratégie ironiquement, et même tragiquement, appelée « Bienvenue en France », dont une des principales mesures a consisté à multiplier par dix les frais d’inscription des étudiants étrangers – je vous laisse apprécier le cynisme de cet intitulé.
Nous dénonçons la rupture du principe d’égalité à l’œuvre dans ces politiques et affirmons que la préférence nationale ne doit s’appliquer en aucune façon, dans quelque domaine que ce soit. Or c’est bien ce qui se joue avec ces baisses budgétaires, qui interviennent au moment même où nous devrions accueillir davantage. J’adresse d’ailleurs mon soutien aux chercheurs et étudiants palestiniens lauréats d’une bourse dans le cadre du Programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (Pause), dont l’accès à la France est particulièrement difficile. Le courrier que notre groupe a envoyé au ministère à leur propos est, pour l’heure, resté sans réponse.
Il faut rétablir les crédits de Campus France.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La stratégie « Bienvenue en France » fonctionne, puisque le nombre d’étudiants accueillis s’élevait à 443 000 en 2024-2025, contre 325 000 au lancement du programme.
Il est vrai que les frais d’inscription ont été multipliés par dix, mais seulement pour les étudiants riches, qui ont les moyens de s’en acquitter. Le programme n’en a d’ailleurs pas souffert, puisque le nombre d’étudiants progresse – il dépasse même légèrement la prévision initiale – et que nous sommes en passe d’atteindre l’objectif de 500 000 personnes accueillies. Parmi ces étudiants, on compte à peine 10 000 boursiers, qu’il nous faut effectivement soutenir. Seulement, vous confondez Campus France, dont le rôle est de gérer les bourses une fois qu’elles ont été accordées, avec une évolution très positive intervenue dans le fonctionnement de notre diplomatie : ce sont les ambassades qui perçoivent désormais l’argent des bourses et ont la responsabilité, dans chaque pays, de définir combien de jeunes elles souhaitent voir partir étudier en France.
Nous avons en revanche un problème en matière de délivrance des visas. L’une des mesures pré-budgétaires avancées dans mon rapport pour avis vise d’ailleurs à le régler une fois pour toutes.
Avis défavorable.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Je suis très surprise par votre réponse, même si elle s’inscrit finalement dans la continuité d’une politique discriminatoire. Vous vous targuez de l’augmentation du nombre d’étudiants mais vous n’évoquez nullement la dimension qualitative de leur accueil. De même, vous vous concentrez sur les bourses alors que le problème est bien plus vaste.
L’accueil d’étudiants étrangers contribue très fortement au rayonnement de la France à travers le monde. Nous devrions tout faire pour les recevoir correctement et inclure des personnes de toutes les catégories sociales, plutôt que ne viser que les élites. En choisissant les étudiants sur la base de leurs revenus, nous nous privons de certaines pépites. Vous pouvez froncer les sourcils comme vous le faites chaque fois que nous tentons de vous opposer des arguments mais c’est indubitable.
Il faut également traiter la question des visas et des titres de séjour. Quand un étudiant vient en France pour une licence, par exemple, il faut lui délivrer un titre de séjour valable trois ans, afin qu’il puisse étudier dans de bonnes conditions sans devoir se lancer dans des démarches abominablement compliquées auprès des préfectures une fois son titre d’un an expiré.
Un mot enfin de la suppression des aides personnalisées au logement (APL) pour les étudiants extérieurs à l’Union européenne : chacun sait qui est visé par cette mesure. C’est pour cela que je parlais de politique discriminatoire. Telle est la feuille de route du gouvernement, soutenu, me semble-t-il, par votre parti.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). La hausse des frais d’inscription n’a pas concerné que les étudiants étrangers les plus riches : elle s’est appliquée de façon totalement indifférenciée, forçant les universités à mobiliser leurs fonds propres pour accorder des exonérations aux étudiants peu fortunés qu’elles voulaient accueillir. L’Exécutif s’attaque ainsi une nouvelle fois au budget des universités.
Chacun a d’ailleurs bien compris l’objectif : il s’agit de réduire le nombre d’étudiants issus du monde francophone – d’Afrique, notamment –, au profit d’étudiants originaires d’Inde ou d’autres pays, conformément aux lubies du président de la République.
Il faut rétablir les crédits de Campus France et améliorer l’accueil des étudiants étrangers, d’autant que nous devrons certainement organiser la venue d’étudiants palestiniens si nous voulons respecter le récent engagement de la France.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. S’agissant des visas, nous sommes d’accord, madame Sebaihi. Je ne reviens pas sur la proposition que j’ai faite.
Vous avez également raison d’insister sur la dimension qualitative de l’accueil mais elle ne relève pas du budget qui nous occupe aujourd’hui : ces aspects sont gérés par le Forum Campus France. Depuis le lancement de la stratégie « Bienvenue en France », les universités se sont dotées de dispositifs d’accueil plurilingues, Campus France a engagé un programme de création de logements à destination des étudiants étrangers et l’accent a été mis sur la qualité des études.
Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Taché, le nombre d’étudiants francophones a, en proportion, davantage augmenté que les autres. Je vous invite à consulter les chiffres du programme « Bienvenue en France », qui sont publics.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE54 de M. Pierre Pribetich
M. Pierre Pribetich (SOC). L’augmentation des frais d’inscription imposée aux étudiants étrangers est honteuse ; c’est l’ancien chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et professeur des universités qui parle. Pensez-vous vraiment que cette décision soit utile à la diplomatie, au rayonnement de la France, à l’universalité de la connaissance et de la recherche ? Pensez-vous qu’on fasse de la recherche uniquement entre Français ? La recherche, la connaissance, l’université sont par nature internationales ; les étudiants étrangers doivent être accueillis. Vous devriez avoir honte d’avoir soutenu de telles politiques, unanimement condamnées par les présidents d’université, toutes sensibilités confondues, et Dieu sait si les sensibilités sont nombreuses.
Je vous invite donc à voter cet amendement, qui vise à renforcer de 13,8 millions d’euros les crédits alloués à l’accueil d’étudiants internationaux.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées : la stratégie « Bienvenue en France » est une réussite, les chiffres le montrent.
Je suis par ailleurs tout à fait convaincu du caractère international de la recherche, comme je l’avais rappelé dans une contribution personnelle lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE58 de Mme Marie Récalde, l’amendement II-AE14 de M. Hervé Berville étant non défendu
M. Pierre Pribetich (SOC). Il s’agit ici de renforcer l’action Coopération culturelle et promotion du français à hauteur de 100 000 euros.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE42 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Avec cet amendement d’appel, nous invitons le gouvernement à augmenter la part d’établissements sous gestion directe de l’AEFE. Nous estimons en effet qu’il y a une différence entre enseignement public et enseignement privé et jugeons cette mesure indispensable pour doubler le nombre d’élèves pris en charge dans le réseau, conformément à l’objectif du président de la République.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Certains établissements gérés directement par l’AEFE sont privés. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE27 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Je propose de diminuer de moitié les crédits alloués à l’action 11 du programme 185. À lire le projet annuel de performances, cette enveloppe d’environ 23 millions d’euros est principalement consommée sous forme de subventions. Le document se révèle assez lacunaire s’agissant des bénéficiaires puisqu’il évoque « des entités situées en France », sans plus de précision. La justification du gouvernement n’éclaire pas davantage : elle renvoie simplement à des orientations ministérielles et aux stratégies sectorielles de la direction générale de la mondialisation.
L’argent des Français est précieux. On ne saurait accepter que des dizaines de millions soient octroyés sans transparence ni explications détaillées.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. À titre d’exemple, cet argent permet d’aider des industries culturelles et créatives à s’exporter. Cette année, l’Institut français, en association avec Business France, a aidé cent-vingt entreprises françaises très performantes à partir à l’étranger pendant environ une semaine. Parmi elles, vingt ont poursuivi le programme et dix-sept ont signé un contrat à l’international, ce qu’elles n’auraient pas pu faire sans accompagnement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE26 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). Je souhaite réduire les crédits versés au titre des bourses de mobilité dont bénéficient les étudiants internationaux dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France ». Dans son rapport public thématique de mars 2025, la Cour des comptes dresse un bilan très critique de cette politique : elle souligne « l’estimation incertaine du retour sur investissement » de la stratégie et décrit « une action non concertée des acteurs publics, marquée par une importante inertie et un manque d’arbitrages clairs ».
Depuis 2019, plus de 455 millions d’euros ont été alloués à ces bourses, avec des résultats jugés peu convaincants. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, alors qu’on demande des économies aux Français, nous voulons supprimer une partie de ces crédits.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. La stratégie « Bienvenue en France » ne doit pas être confondue avec les bourses accordées sur proposition des ambassadeurs dans les pays concernés. Je vous rejoins sur le fait que l’articulation entre Campus France et les ambassadeurs est archaïque et ne correspond pas aux évolutions de ces dernières années. C’est, je crois, ce que dénonçait la Cour des comptes. Ce constat ne doit toutefois pas nous conduire à remettre en cause le principe même de ces bourses, qui permettent à des étudiants, généralement issus de pays d’Afrique francophone, de venir en France.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE18 de M. Michel Guiniot
M. Michel Guiniot (RN). Cet amendement vise à réduire de 3,7 millions d’euros le budget alloué aux bourses du gouvernement français. En effet, l’indicateur 2.2 du programme 185, Diplomatie culturelle et d’influence, prévoit une diminution de 23,3 % du nombre de bourses versées, alors que la baisse des crédits est limitée à 19,7 %. Le montant des bourses accordées aux étudiants français n’ayant pas été revalorisé depuis l’arrêté du 4 juillet 2024, il n’y a aucune raison que l’on réévalue le montant accordé aux boursiers étrangers.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Outre les bourses proprement dites, ce budget finance des mesures d’accompagnement des étudiants, par exemple en matière de logement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE43 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à octroyer 25 millions d’euros supplémentaires à la Caisse des Français de l’étranger. Cet organisme de sécurité sociale, qui a l’obligation de prendre en charge tous nos compatriotes, ne reçoit pratiquement aucun soutien de l’État. Il est en grande difficulté, au point que son existence est menacée.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette caisse, comme tous les organismes de cette nature, vit des cotisations de ses adhérents. La dotation de 380 000 euros prévue au PLF vise à permettre l’inscription de nos ressortissants qui n’ont pas les moyens de s’affilier. Avec les élus des Français de l’étranger, nous réfléchissons à la forme que pourrait prendre cette structure ; il s’agit de lui permettre de solder un passif lié à son histoire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE40 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Les bourses accordées aux élèves français à l’étranger ne cessent de diminuer, alors que les frais de scolarité augmentent dans de nombreux établissements de l’AEFE. Nous proposons donc d’augmenter de 12 millions d’euros les crédits qui leur sont affectés.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle que le montant de la dotation a été calculé en fonction des demandes faites par nos concitoyens l’année dernière. Ces 12 millions ne seraient donc pas dépensés. Nous faisons, depuis plusieurs années, des propositions pour favoriser l’accès de plusieurs milliers d’enfants français éloignés du réseau mais cela ne passera pas par ce budget.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AE21 et II-AE22 de M. Jean-Louis Roumégas
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). L’amendement II-AE21 vise à rétablir les crédits des aides à la scolarité au sein du réseau de l’AEFE à leur niveau de 2024, soit à hauteur de 118 millions d’euros, contre 107 millions prévus dans ce budget. En trois ans, le montant dévolu aux aides a chuté de plus de 10 millions d’euros alors que le nombre d’élèves augmente et que les frais de scolarité explosent. L’école française se transforme de plus en plus en une école de riches. Le gouvernement justifie cette baisse par la diminution du nombre d’élèves boursiers mais c’est un prétexte. Les prévisions budgétaires sont en décalage avec les besoins réels. Si les familles sont moins nombreuses à demander une bourse, c’est surtout parce que le dispositif manque de visibilité. Les bourses sont un droit, un rempart contre la privatisation du réseau. L’amendement II-AE22 vise à rétablir les crédits à leur niveau de 2025.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rappelle que l’AEFE est, de longue date, un réseau privé. Les tarifs de l’enseignement français à l’étranger représentent environ un tiers des tarifs moyens pratiqués, à part dans certaines villes. La mixité sociale – qui est valable aussi pour les étrangers – constitue une force diplomatique car nous sommes le seul réseau à la pratiquer. Toutefois, vous proposez d’actionner un outil qui a été verrouillé pour éviter les fraudes. Il convient de plutôt de passer par les conseils consulaires et peut-être d’inventer de nouveaux instruments.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AE23 de M. Jean-Louis Roumégas
M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). La revalorisation des moyens alloués aux AESH dans les établissements du réseau de l’AEFE est insuffisante au regard des besoins des familles. En outre, le système est inadapté puisqu’il exclut les foyers les plus modestes, qui sont incapables d’avancer les frais. Nous proposons d’augmenter les crédits de cette action de 500 000 euros et d’encourager la création d’un mécanisme de tiers payant.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Notre réseau est le seul à intégrer les élèves handicapés, ce dont nous sommes très fiers. Je préconise que les bourses – mais aussi les aides dévolues à l’accompagnement du handicap – soient gérées par la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) et non par l’AEFE, car l’organisation est trop complexe. Toutefois, cette mesure ne relève pas du champ budgétaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE50 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer un fonds de solidarité francophone pour la reconstruction, doté de 500 millions d’euros. Il s’agit de conférer une dimension géopolitique à la francophonie et de montrer qu’à l’heure de la diplomatie transactionnelle, du retour des empires et de la forte baisse de l’aide internationale, le monde francophone propose une autre voie.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait. En effet, nous avons créé en 2021 les Fonds Équipe France, qui servent exactement à cela et qui atteignent 80 millions d’euros dans le PLF pour 2026. Ces crédits, qui ont un effet de levier considérable, ont été utilisés au Liban ou en Ukraine, par exemple. Ils sont dans les mains des ambassadeurs, qui les utilisent pour mener des projets relevant de tous les ministères. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AE75 de M. Jean-Paul Lecoq
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Nous proposons ici de renforcer le soutien financier aux écoles nationales à vocation régionale (ENVR), qui sont gérées par des militaires mais dépendent du Quai d’Orsay. Elles forment des fonctionnaires d’État dans différents pays sur des sujets tels que la sécurité civile, l’état civil, etc. Ce sont d’extraordinaires outils diplomatiques. Monsieur Herbillon m’a dit que c’était un bon amendement mais qu’il faudrait le retravailler en vue de la séance. Pourriez-vous me préciser quels aspects devraient être revus ?
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. En effet, nous soutenons votre amendement mais il faut éviter de créer une action, car elle existe déjà. Il faudrait viser soit le programme 105, soit le programme 209 ; en abondant ce dernier, on pourrait placer cet outil dans les mains des ambassadeurs par le biais des FEF.
L’amendement est retiré.
Amendement II-AE64 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Cet amendement a pour objet de rétablir la ligne budgétaire consacrée aux objectifs de développement durable, que le gouvernement a supprimée. Elle permettait de financer des actions concrètes telles que l’accès à l’eau, les énergies renouvelables, l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore la lutte contre la pauvreté, y compris dans des pays ne relevant pas explicitement de l’aide publique au développement (APD). Il est incompréhensible que l’on renonce à un instrument aussi souple et efficace. Cet amendement n’implique pas de hausse de dépenses mais simplement un retour à la nomenclature précédente.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait par les FEF. Vous demandez le rétablissement de 1,7 million d’euros alors que les ambassadeurs disposent de 80 millions pour mener des projets dans des domaines comme le développement durable, ce qui évite le saupoudrage des crédits depuis Paris. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État modifiés.
Avant l’article 66 :
Amendements II-AE19, II-AE20 et II-AE12 de Mme Amélia Lakrafi
Mme Amélia Lakrafi (EPR). L’amendement II-AE19 vise à enrichir le rapport annuel du gouvernement sur la situation des Français établis hors de France en y intégrant un volet consacré à leurs difficultés bancaires. De nombreux expatriés peinent à maintenir un compte en France en raison de contraintes de conformité ou parce que leur résidence fiscale se trouve en dehors de l’Union européenne. Il conviendrait de mieux objectiver ces situations et d’identifier les pratiques restrictives.
L’amendement II-AE20 vise à compléter ce même rapport en y ajoutant une évaluation du soutien public au tissu associatif et solidaire. Les programmes Soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (Stafe) et Organismes locaux d’entraide et de solidarité (Oles) sont des leviers essentiels de la vitalité associative et de la cohésion sociale à l’étranger. Pourtant, aucun bilan consolidé n’existe sur l’attribution, la répartition et l’usage des subventions existant en ce domaine. Ce bilan annuel garantirait une meilleure transparence de l’action publique et une évaluation plus fine de l’efficacité de ces dispositifs.
Les associations d’entraide françaises à l’étranger jouent un rôle essentiel, en complément de l’action sociale consulaire, pour répondre aux besoins croissants liés au vieillissement et à la précarisation de personnes isolées. Ces acteurs ne bénéficient pourtant d’aucun référencement ni d’aucune coordination centralisée, ce qui nuit à leur visibilité et à leur efficacité. L’amendement II-AE12 vise à créer le label « Entraide française à l’étranger », qui les valoriserait et favoriserait la transparence et la cohérence dans l’attribution des subventions relevant d’Oles. Le label pourrait être attribué à une association de droit français ayant son siège en France mais exerçant son activité principale à l’étranger lorsque le droit local ne permet pas la création d’associations à but non lucratif.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis favorable aux deux compléments sur le rapport annuel du gouvernement sur la situation des Français établis hors de France. Je m’en remets à la sagesse de la commission concernant la labellisation Oles ; pour ma part, je suis plutôt pour la mise en place de fédérations.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Il y a parfois de fausses bonnes idées. N’étant pas spécialiste des Français de l’étranger, j’ai saisi qu’il y avait un problème bancaire mais j’ai du mal à comprendre pourquoi : je croyais en effet que tout Français pouvait avoir un compte en France. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas le cas. J’aimerais que l’on nous précise les enjeux.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il y a dans les organismes entrepreneuriaux, y compris les banques, des gens qui ne respectent pas la loi pour gagner plus d’argent. C’est un problème d’application de la loi. L’amendement ne porte pas là-dessus ; il vise à compléter le rapport du gouvernement que nous avions demandé il y a quelques années en y mentionnant ce genre d’incidents.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-AE45 de M. Aurélien Taché
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Cet amendement demande au gouvernement un rapport évaluant l’externalisation – pour ne pas dire la privatisation – d’un certain nombre de prestations délivrées aux Français de l’étranger. On connaît déjà le problème des visas.
Je constate que l’un des rares postes de dépenses en augmentation, outre celui du G7, est celui des dépenses liées à la presse et à la communication, en lien avec les enjeux de guerre informationnelle. Quand on voit l’importance de la somme, on se dit que ce n’est pas pour recruter des fonctionnaires mais plutôt pour faire travailler des opérateurs privés comme Havas. La guerre informationnelle de la France sera-t-elle menée par les grands cabinets de communication ? Cela nous préoccupe, d’où cette demande de rapport. Je suis preneur de tout éclairage de la part du rapporteur pour avis.
M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait. Les députés, en particulier les rapporteurs, peuvent obtenir un état précis de la manière dont sont dépensés les crédits de l’État. Concernant la manière dont les crédits liés à la guerre informationnelle seront dépensés, ce sera au rapporteur de l’an prochain de faire son travail. Il est plus dangereux de demander un rapport au gouvernement que d’avoir un bon rapporteur. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
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M. Alain David, président. Le dernier des avis budgétaires que nous sommes appelés à examiner ce matin porte sur la mission Écologie, développement et mobilités durables, dont les crédits de paiement (CP) s’élèvent à 21,8 milliards d’euros. Je cède immédiatement la parole à madame la rapporteure pour avis.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Nous avons tous entendu le mot « rupture » dans les discours récents du premier ministre mais, pendant que la France cherche sa rupture politique, le monde vit, lui, sa rupture écologique. Notre terre se rompt, les glaciers reculent, les équilibres océaniques se dégradent et les sols meurent. Nous venons de franchir la septième des neuf limites planétaires : celle de l’acidification des océans.
Pendant que la planète bascule, le budget de l’écologie, lui, stagne malheureusement. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit ainsi 24,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 21,8 milliards d’euros en crédits de paiement pour la mission Écologie, développement et mobilité durables. Ce montant pourrait paraître conséquent mais, en réalité, il correspond une stabilisation inférieure à l’inflation, soit une baisse déguisée. Il ne s’agit pas de coupes abstraites mais de coupes dans la vie quotidienne de chaque Français. Quand le Fonds vert perd près de 40 % de ses crédits, les petites communes rurales et les quartiers populaires en souffrent le plus.
Les maires de villes comme Nanterre, Dunkerque ou Saint-Denis ne peuvent plus financer la rénovation des écoles, la désimperméabilisation des cours d’école, la réhabilitation des logements passoires ou les projets de géothermie locale. Des élus doivent choisir entre réparer un gymnase ou isoler une école.
Le programme 113 Paysages, eau et biodiversité recule également, passant de 411 millions à 378 millions d’euros. Pendant ce temps, le nombre d’inondations dans le Pas-de-Calais, de phénomènes de sécheresse dans le Sud, de cancers environnementaux dans la vallée de l’Arve ou dans les Bouches-du-Rhône explose. On parle de justice climatique mais les actions du gouvernement vont dans le sens inverse.
Il fait payer la crise écologique à ceux qui la subissent déjà. La liste continue avec le plan « vélo et marche », dont le budget passe de 100 millions à 73 millions d’euros, alors que les familles modestes, les jeunes, les travailleurs précaires ont besoin d’alternatives à la voiture dans de nombreux endroits. Il est beaucoup question de planification écologique mais, en vérité, le budget de la mission Écologie est une planification de renoncement. Même les moyens humains sont rognés : diminution de 316 postes pour le ministère de la transition écologique et baisse de 14 postes pour l’Office français de la biodiversité (OFB). À force de coupes, les inspecteurs ne peuvent plus contrôler les pollutions, les agences de l’eau sont asphyxiées, les associations environnementales voient leurs subventions fondre. C’est une écologie sans souffle et sans budget pour cette année.
Ce budget signe ainsi une orientation politique : celle d’un État qui préfère peut-être rassurer les marchés plutôt que protéger la planète. En réalité, on nous propose une écologie à crédit. Or derrière ces chiffres, il y a des vies, des parents qui ne peuvent plus payer leurs factures d’énergie parce que l’État recule sur la rénovation thermique, des habitants de zones industrielles qui respirent des particules fines faute d’investissements dans la dépollution, des enfants qui transpirent dans les cours d’école à 45 degrés en été parce qu’on n’a pas financé des îlots de fraîcheur. Voilà ce que produit cette politique de l’injustice environnementale pure et simple.
Pendant que les plus riches achètent des SUV – Sport utility vehicles – électriques subventionnés, les plus pauvres voient disparaître les aides pour changer leurs vieilles chaudières ou isoler leur logement. Pendant que l’État allège les taxes sur le kérosène, il laisse les ménages seuls face à la hausse du prix du carburant. Ce budget n’est pas seulement insuffisant, il est indécent parce qu’il abandonne les territoires, en particulier les plus populaires, à une double peine : subir à la fois la crise sociale et la crise climatique.
Mais cette insuffisance ne s’arrête pas à nos frontières car, pendant que nous parlons de verdir notre économie, nous exportons ailleurs le coût écologique de notre confort. C’est tout le sens de cette deuxième partie du rapport sur le colonialisme par les déchets. Sous les discours de coopération et de recyclage se joue une réalité brutale, celle d’un néocolonialisme environnemental.
Chaque année, plus de 30 millions de tonnes de déchets européens quittent nos ports de Rotterdam, du Havre ou d’Anvers, pour finir sur les plages du Ghana, dans les rivières du Vietnam ou au bord des bidonvilles de Malaisie. Plastiques, vêtements, batteries, métaux lourds, ce que nous appelons ici recyclage est souvent là-bas déversement. Nos déchets y sont brûlés à ciel ouvert, triés par des enfants, manipulés sans protection. C’est un commerce mondialisé du sale, un commerce de la honte. Cette honte a un nom : le colonialisme vert, c’est-à-dire une nouvelle domination sans drapeau mais avec des conteneurs ; une conquête armée sans armée mais avec des contrats.
La production mondiale de déchets solides municipaux atteindra 3,4 milliards de tonnes d’ici 2050, soit une augmentation de 70 % en trente ans. Dans les pays du Sud, 93 % des déchets finissent dans des décharges à ciel ouvert, quand, dans les pays du Nord, ce chiffre tombe à 2 % et moins de 10 % du plastique mondial est réellement recyclé.
Les conséquences sont terribles. Des vaches au Kenya sont retrouvées avec 35 kilogrammes de plastique dans l’estomac. Près de 11 000 tonnes de plastique français rejoignent chaque année la Méditerranée. Des sols, des nappes et des corps sont empoisonnés durablement, à Accra ou à Dakar, par des substances que nous avons produites. Cette pollution par le plastique a été multipliée par 200 en soixante-dix ans. Elle est passée de 2,3 millions de tonnes en 1950 à près de 460 millions de tonnes aujourd’hui et l’augmentation se poursuit, à hauteur de 4 % par an.
Chaque année, plus de 400 millions de tonnes de déchets plastiques sont générées, dont près de 40 % proviennent du seul secteur des emballages : ces plastiques à usage unique, qui ne vivent que quelques minutes avant de devenir un fardeau pour des siècles. Ces emballages superflus, fruits d’un consumérisme absurde, encombrent nos supermarchés, nos poubelles et nos océans. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime qu’au moins de 10 % des plastiques produits dans le monde sont effectivement recyclés, le reste étant enfoui, brûlé ou exporté.
Notre système actuel perpétue des hiérarchies du passé. Les pays du Nord consomment, les pays du Sud subissent. Nous exportons nos pollutions, comme hier, nous exportions nos empires. Mon rapport indique que les réglementations internationales
– convention de Bâle, décision du Conseil de l’OCDE, règlements européens sur les transferts de déchets – ont progressé mais les contournements demeurent.
Au cœur de ces contournements, un angle mort grandit : celui des objets dits de seconde main. Sous couvert de donner une seconde vie à nos biens, l’Europe déverse chaque année des millions de tonnes de vêtements, d’appareils électroniques et de mobilier en Afrique et en Asie. Selon Greenpeace Africa, plus de 15 millions de vêtements d’occasion arrivent chaque semaine au Ghana et près de la moitié sont invendables. Ils finissent brûlés, enfouis ou emportés par les pluies vers la mer.
L’Agence européenne pour l’environnement estime que les exportations européennes de textiles usagés ont triplé en vingt ans, passant de 550 000 tonnes en 2000 à près de 1,7 million de tonnes en 2019. Ce qui est présenté ici comme économie circulaire devient là-bas économie toxique ; nos habits durables deviennent leurs déchets ultimes. Le commerce de la seconde main est ainsi devenu, dans bien des cas, la vitrine propre d’un système sale, une illusion de vertu qui masque un transfert massif de nuisances et de responsabilités.
C’est pourquoi les organisations non gouvernementales (ONG) appellent aujourd’hui à redéfinir strictement la notion de seconde main et à interdire toute exportation d’objets inutilisables sous ce label. Mon rapport formule ainsi douze recommandations, parmi lesquelles : le renforcement des contrôles de suivi de nos déchets lorsqu’ils quittent le territoire national afin de s’assurer qu’ils ne partent pas hors de pays de l’OCDE ; la nécessité d’une redéfinition des produits dits de seconde main ; un renforcement du soutien aux structures multilatérales existantes, telles que le Fonds vert pour le climat, en préalable à la création d’un fonds international de compensation environnementale financé par les pays développés pour réparer les dégâts subis par les pays du Sud ; l’intégration dans le calcul du bilan carbone national des flux de déchets exportés ; une traçabilité obligatoire des matières recyclables sur toute la chaîne logistique et au niveau européen ; une diplomatie écologique offensive conditionnant tout accord commercial à des clauses environnementales et sociales contraignantes. Au fond, il ne s’agit pas seulement de rééquilibrer des flux mais de repenser notre rapport au monde, de passer d’une écologie de façade à une écologie de la dignité, d’une écologie de comptabilité à une écologie de justice.
L’écologie n’est pas une variable d’ajustement budgétaire mais la condition même de la paix et de la prospérité. Refuser d’y investir revient à choisir le chaos climatique et l’injustice sociale. Ce combat doit naturellement être mené sur le terrain des idées et des modèles économiques car, derrière chaque tonne de plastique exportée, chaque hectare de biodiversité sacrifiée, se cache le modèle d’une économie qui confond croissance et destruction, profit et progrès.
Il est impératif d’inventer autre chose : une économie de la sobriété, du soin, du partage, où la valeur ne se mesure plus seulement à ce que l’on produit mais aussi à ce que l’on préserve. La France a un rôle particulier à jouer dans cette bataille, par son histoire et sa voix singulières. Elle peut être une puissance d’équilibre qui relie le Nord et le Sud, la puissance du juste milieu. Cela suppose de faire de la justice environnementale un pilier de notre diplomatie, au même titre que les droits humains.
Le rapport que nous examinons ce matin nous rappelle une idée simple : l’écologie n’est pas un supplément d’âme mais une exigence de justice et de responsabilité. Nous ne pourrons pas construire un avenir commun sur les inégalités environnementales que nous continuons de perpétuer. Il est temps que la France assume pleinement son rôle à travers le monde. Tel est le sens des recommandations du rapport, afin de réinscrire de la cohérence entre nos discours et nos actes, entre nos ambitions climatiques et nos pratiques économiques. C’est seulement à cette condition que notre écologie sera crédible, efficace et juste.
M. Alain David, président. Je cède la parole aux orateurs des groupes politiques.
Mme Laetitia Saint-Paul (HOR). Ma question porte sur les crédits du programme Paysages, eau et biodiversité. En effet, les crédits de la mission prévoient des moyens renforcés mais vous avez dit le contraire. Ainsi, le plafond des recettes des agences de l’eau est notamment relevé de 50 millions d’euros, afin de poursuivre la montée en puissance du plan Eau, qui comprend notamment l’amélioration du partage de la ressource et un meilleur entretien des canalisations. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce point ?
Par ailleurs, je partage pleinement votre inquiétude concernant la seconde main. Plusieurs d’entre nous sont mobilisés contre l’ultra fast-fashion. Quelles solutions proposez-vous concrètement pour remédier à cette problématique ?
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Dans ce contexte budgétaire contraint où il faut trouver 40 milliards d’euros d’économies, le gouvernement procède à des choix pour le moins étonnants. D’un côté, il multiplie les économies sur le dos des Français – je pense notamment aux remboursements de certains médicaments – mais, de l’autre, il augmente la dépense publique en matière d’écologie, de développement et de mobilité durables, c’est-à-dire plus de 24 milliards d’euros cette année, soit 1,3 milliard d’euros de plus que l’an dernier. Il aurait sans doute fallu faire l’inverse. Cette incohérence budgétaire est en partie soutenue par certains groupes d’opposition. Madame la rapporteure pour avis, vous avez exprimé votre déception face à cette hausse, estimant qu’il aurait fallu dépenser davantage pour « répondre pleinement aux enjeux environnementaux ».
Quelques chiffres suffisent pourtant à rappeler la réalité. L’Union européenne ne représente que 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tandis que les États-Unis, la Chine et l’Inde en produisent à eux seuls 53 %. Sans surprise, la vision que nous portons au sein de notre contre-budget est radicalement différente. Plutôt que d’alourdir encore la facture pour les Français, nous proposons de réduire les dépenses inefficaces de l’État ainsi que son train de vie. Sur cette seule mission budgétaire, nous proposons 1,8 milliard d’euros d’économies en réinternalisant plusieurs agences publiques, symbole d’une technocratie coûteuse qui dépossède l’administration de ses compétences. À cela s’ajoutent 2,5 milliards d’euros supplémentaires en annulant la hausse de crédits destinés à l’éolien terrestre et maritime, ainsi qu’au photovoltaïque, soit 4,3 milliards d’euros d’économies sans toucher un seul centime du quotidien des Français.
Pour le Rassemblement national, l’écologie ne doit pas être l’alibi d’une dépense publique sans fin mais une écologie concrète, locale et au service de notre souveraineté. Nous voterons donc contre les crédits de cette mission.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je remercie ma collègue Sabrina Sebaihi pour son intervention et la qualité du rapport. Je comprends pleinement les inquiétudes qu’elle exprime et que partagent de nombreux Français face à ce qui peut parfois ressembler à un recul de nos ambitions climatiques sous contraintes budgétaires. Et c’est peu de le dire, la contrainte budgétaire est réelle. Je la rejoins aussi sur un point essentiel : l’exportation de nos déchets vers des pays en développement. Aucune logique de coûts ne saurait justifier que nous transférions notre empreinte écologique ailleurs.
Cela étant, il convient de souligner que le budget de cette mission progresse, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. C’est un signe encourageant dans le contexte économique actuel. Sur la scène internationale, la mobilisation reste forte. La 30e conférence des parties sur le climat (COP 30) au Brésil ou encore la conférence sur l’eau à Abu Dhabi traduisent la volonté de nombreux États d’agir concrètement. Je me réjouis particulièrement de voir les États du Golfe, longtemps peu impliqués, s’engager résolument dans les transitions écologiques innovantes.
En tant que déléguée générale de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), je peux témoigner du rôle moteur des pays francophones, notamment africains. L’APF a participé cette année notamment à la conférence des Nations unies sur les Océans (UNOC) à Nice et conduit plusieurs travaux législatifs sur le climat et la lutte contre la pollution plastique que vous avez citée. Je tiens également à saluer les initiatives locales de nos compatriotes à l’étranger, ces associations françaises qui mènent des actions concrètes de sensibilisation à l’écologie, souvent avec des moyens modestes mais une détermination exemplaire. Leur rôle mérite d’être davantage soutenu.
Les attentes sont immenses mais la France tient le cap. Elle agit avec lucidité, responsabilité et constance pour concilier transition écologique et soutenabilité budgétaire. Le Groupe EPR votera donc en faveur de l’adoption de ces crédits.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). La destruction immense liée au changement climatique est là, sous nos yeux. Une septième limite planétaire a été passée cette année. L’acidification de l’océan menace les espèces qui y vivent et des équilibres planétaires plus largement. Ces effets sont d’ores et déjà prégnants.
Les négateurs du changement climatique ont une responsabilité majeure. Cette négation prend deux formes : d’une part, l’attaque de front à la Trump ou à la Le Pen ; d’autre part, l’inaction dans la communication à la Macron. Ce budget en est une preuve supplémentaire. Les limites planétaires indiquent les dommages irréparables infligés à nos milieux de vie et le déclenchement de processus irréversibles au sein de l’écosystème terrestre : changement climatique, extinction de masse des espèces, perturbation des cycles du phosphore et de l’azote, artificialisation des sols, pollution chimique, qualité et quantité des ressources en eau et, désormais, acidification de l’océan. La situation établie scientifiquement est désastreuse. Les effets concrets sont patents : la multiplication et l’aggravation des intempéries, la dégradation des milieux nécessaires à notre vie et l’épidémie de maladies chroniques.
L’écologie n’est pas une lubie ou un passe-temps ; c’est une crise existentielle majeure. Elle perdurera tant que nous ne parviendrons pas à faire bifurquer un système économique fondé sur l’accumulation illimitée, la production toujours plus grande de biens et, selon une formule juste et toujours plus littérale de Karl Marx, « l’anéantissement de l’espace par le temps ». Il est décisif d’inscrire la discussion budgétaire de la mission écologique dans ce cadre.
La question écologique ne peut être à compartiments et ce budget est déjà un échec complet car il refuse absolument que la puissance publique se dote de moyens réels pour agir. La planification écologique, au contraire, suppose de piloter non seulement des investissements, de se doter des moyens, d’en assurer le suivi et de planifier la bifurcation de nombreux secteurs. Les coûts budgétaires et le refus de considérer que l’État doit assumer un rôle stratégique dans l’économie vont de pair. Ce budget est hostile à l’écologie ; c’est l’une des raisons majeures pour lesquelles ce gouvernement doit être censuré.
En l’occurrence, le budget diminue de nouveau les crédits pour le programme Eau et biodiversité, augmente les subventions à l’aérien, réduit encore drastiquement les crédits alloués au Fonds vert. Nous nous y opposons donc, en toute logique. Ce budget n’est tout simplement pas à la hauteur des enjeux, ni dans sa philosophie générale, ni pour la mission écologique en particulier.
M. Alain David, président. Je vous présente pour ma part l’avis du groupe Socialistes et apparentés. La légère hausse des crédits de cette mission ne rattrape même pas le niveau déployé en 2024, avant le décret relatif à l’annulation des crédits. Or, les besoins en matière de financement de la transition écologique sont croissants. Cela a de quoi inquiéter notre commission, à l’heure où l’adaptation au changement climatique devrait devenir une politique publique maîtresse, compte tenu de la non-atteinte prévue de l’objectif de limitation de la hausse du réchauffement climatique à 1,5 degré d’ici la fin du siècle. Ces premiers éléments d’analyse budgétaire doivent être mis en relief avec les besoins en matière de financement de la transition écologique. En effet, depuis maintenant plusieurs années, le budget de la France ne tient pas compte du besoin d’investissement nécessaire pour atteindre nos objectifs en matière de transition climatique.
En France, le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz estime l’effort d’investissement annuel supplémentaire, public et privé, à 66 milliards d’euros à l’horizon 2030, soit environ 2,4 % du produit intérieur brut (PIB) annuel. Cette estimation en valeur nette suppose la réorientation totale des investissements carbonés actuels. Afin de garder le leadership patiemment et opiniâtrement acquis lors de la négociation de la COP21 de Paris en 2015, nous devrions préparer avec ambition la COP30 de Belém au Brésil en novembre, mais également la COP17 d’Erevan sur la diversité biologique et celle d’Oulan-Bator sur la lutte contre la désertification.
En tout état de cause, les députés du groupe Socialistes et apparentés porteront des amendements visant notamment à orienter une partie plus importante des taxes sur les billets d’avion ou de la taxe sur les transactions financières vers les actions environnementales de l’aide au développement et de la transition écologique. L’attention à ces amendements, qui devraient recueillir un large soutien si notre commission reste constante dans ses engagements, déterminera notre vote sur les crédits de la mission.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Je salue la qualité de ce rapport, qui place des mots forts et justes sur une réalité trop souvent ignorée : celle du colonialisme vert, où des pays du Nord externalisent leur pollution, leurs émissions de carbone, leurs déchets, vers les pays du Sud. Ce sujet rappelle que la lutte contre le changement climatique passe forcément par la justice et la solidarité internationale.
Le PLF pour 2026 n’est toujours pas à la hauteur des enjeux écologiques. Après une baisse de 10 % des crédits en 2025, on parle aujourd’hui d’une stabilisation pour le prochain exercice. Or, non seulement la hausse en autorisations d’engagement de 5,7 % de la mission ne couvre pas les pertes de l’an dernier, mais la hausse en crédits de paiement de 0,5 % est en réalité inférieure à l’inflation. Il s’agit d’un désengagement déguisé.
Le Fonds vert, essentiel pour accompagner les collectivités dans la transition écologique, subit une nouvelle baisse de 40 % de ses autorisations d’engagement, après déjà une diminution de 60 % l’an dernier. Le programme Paysages, eau et biodiversité est lui aussi amputé, alors que la stratégie nationale Biodiversité 2030 était présentée comme une priorité nationale.
Les effectifs des opérateurs publics, l’OFB, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) sont à nouveau réduits. Comment prétendre mener une planification écologique quand on affaiblit les services publics qui la portent ? Le budget est supposé permettre à la France d’atteindre la neutralité carbone mais il fait de la transition écologique la variable d’ajustement de la rigueur budgétaire. Les aides aux ménages, notamment, transférées vers des dispositifs parafiscaux opaques, comme les certificats d’économie d’énergie, restent hors de contrôle du Parlement.
Le gouvernement choisit également de dépenser des milliards pour la relance du nucléaire. Ce pari technologique à long terme détourne nos moyens des énergies renouvelables, des économies d’énergie et des solutions locales qui pourraient être déployées pour des sommes bien moins élevées, dès aujourd’hui. La Cour des comptes considère que les six premiers équipements pourraient coûter plus de 100 milliards d’euros. En outre, l’EPR
– European pressurized reactor ou réacteur pressurisé européen – de Flamanville, qui a coûté pour l’instant 23,7 milliards d’euros, ne produit toujours pas d’électricité alors qu’il est raccordé au réseau depuis un an. La Cour des comptes prévoit d’ailleurs une rentabilité médiocre. C’est un fiasco industriel.
Les crédits de la mission Écologie ne suivent absolument pas les ambitions déclarées et les discours ronflants qui accompagnent tout sommet international sur le sujet.
M. Frédéric Petit (Dem). J’ai particulièrement apprécié le thème que vous avez choisi, qui me semble effectivement extrêmement important. Néanmoins, je m’interroge sur un sujet qui ne figure pas dans votre rapport : il s’agit de l’enjeu de la fermeture du cycle des produits. Je suis convaincu qu’il s’agit de la seule démarche législative nationale intéressante sur laquelle nous pourrions travailler. Elle pourrait également engendrer un effet bénéfique sur notre propre industrie.
M. Lionel Vuibert (NI). Je souhaite exprimer mon profond mécontentement concernant le Fonds vert, dont le montant passe d’un peu plus de 1 milliard d’euros à 650 millions d’euros. Ce dispositif représente une ressource précieuse pour nos territoires, dans les domaines de la rénovation des bâtiments publics, de la gestion de l’eau, de l’éclairage public. Dans mon département, il s’agit de 4 millions d’euros, qui ont notamment permis de financer une maison des internes en médecine. Sa diminution impactera directement les collectivités territoriales, particulièrement en milieu rural, mais également nos artisans.
En résumé, bien que je sois globalement favorable à ce texte, je déplore vivement cette décision concernant le Fonds vert.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Au niveau global, le programme Paysages, eau et biodiversité subit une baisse de près de 8 % sur les AE et de près de 5 % sur les CP.
La seconde main renvoie fondamentalement à la problématique de la première main et, au-delà, de notre modèle de consommation. Nous faisons face à une surproduction manifeste. Tout ce qui n’est pas ou plus utilisé sur notre territoire est simplement déversé ailleurs. Nous avons proposé de progresser sur la question de la seconde main en instaurant une certification spécifique, qui garantirait que les articles expédiés soient effectivement utilisables et ne finissent pas dans des décharges à ciel ouvert.
Ensuite, le RN a soulevé des questions relatives aux financements. Nous examinerons ce point ultérieurement lors de la discussion de vos amendements, qui ne consistent qu’en des suppressions de crédits. Je tiens à rappeler que la question écologique ne s’arrête pas aux frontières de la France. Si l’Union européenne ne représente que 7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’Afrique n’en émet que 3 %. Pourtant, ce continent est celui qui subit le plus les conséquences du changement climatique. Il est évident que tous les pays doivent contribuer aux efforts nécessaires.
Pour répondre au groupe Socialistes et apparentés concernant les rendez-vous internationaux, la toute première COP Océan à New York aura lieu juste après l’entrée en vigueur de l’accord sur la haute mer, dont la France a été un acteur essentiel pour réunir le plus grand nombre de signatures.
Monsieur Petit, mon rapport ne s’est pas penché sur la fermeture du cycle mais, plus fondamentalement, l’enjeu principal concerne notre modèle de consommation. Comment consommons-nous, comment produisons-nous ? Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir. Pour l’heure, nous nous sommes concentrés sur les douze recommandations principales du rapport.
Je ne peux que regretter moi aussi l’affaiblissement du Fonds vert. Ce dispositif correspond à un besoin essentiel pour les collectivités ; il permet de rénover les passoires thermiques, les écoles et les bâtiments publics.
M. Alain David, président. Je donne à présent la parole aux collègues qui souhaitent intervenir à titre individuel.
M. Michel Guiniot (RN). Je souhaite ouvrir une parenthèse pour souligner que les fabricants des produits en Occident ne peuvent être tenus responsables du comportement des utilisateurs.
Ma question concerne la proposition n° 2, que vous avez développée dans la partie thématique de votre rapport. Vous affirmez que le commerce des déchets est une forme de « néocolonialisme », sans considérer qu’il existe un consentement à ce commerce et que nous faisons de notre mieux pour limiter nos déchets, en créant des emplois pour les recycler au mieux.
Pour autant, je vous le concède, tout n’est pas jeté. Il y a encore beaucoup de pratiques qui consistent à racheter ce qui ne fonctionne plus, ce qui est abîmé ou ce qui ne plaît plus. Or, nous avons encore beaucoup de professionnels spécialisés qui peuvent réparer, prolonger la vie d’un certain nombre d’objets.
À la lecture de votre rapport, je me demande si les particuliers qui vendent des biens usagés sur des plateformes auront le courage, le temps ou l’envie de remplir une « certification de fonctionnalité » pour envoyer ailleurs un vêtement pour enfant, un vieux téléphone ou même un ustensile de cuisine en Espagne ou en Belgique. Madame la rapporteure pour avis, ne pensez-vous pas que l’encouragement du réemploi passe avant tout par une procédure simplifiée et non par une nouvelle surenchère normative ?
Mme Christine Engrand (NI). Je souhaite vous interroger sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM). Dispose-t-il de ressources suffisantes face à la multiplication des épisodes climatiques extrêmes ? Si nous étions confrontés à une situation identique à celle des inondations du Pas-de-Calais en 2023, quels moyens pourraient-ils être attribués ? Enfin, comment la France compte-t-elle concilier la protection des écosystèmes marins avec la compétitivité de sa flotte de pêche et de commerce ?
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Je ne partage pas votre point de vue, monsieur Guiniot. J’estime au contraire que les producteurs portent des responsabilités indéniables. L’offre est abondante, pour toujours plus inciter à acheter de nouveaux produits au lieu de réparer ceux que nous possédons déjà. Privilégier des durées de vie plus importantes ou la réparation serait bénéfique tant pour la planète que pour le pouvoir d’achat des consommateurs. En réalité, ces questions relèvent de choix de société fondamentaux. Souhaitons-nous privilégier encore une surproduction et une surconsommation permanentes ou véritablement évoluer vers davantage de sobriété ? Pour les vêtements, la problématique est identique.
En revanche, je considère qu’il devient impératif d’instaurer une réglementation car nous rencontrons actuellement des difficultés majeures pour identifier le contenu réel des conteneurs étiquetés « seconde main ». Or très souvent, ces produits ne sont plus réutilisables et finissent dans des décharges ou brûlés en plein air. C’est précisément ce problème que nous souhaitons résoudre par cette certification, afin de garantir que seuls des articles de seconde main en bon état quittent notre territoire.
S’agissant de la prévention des risques majeurs, le groupe RN a présenté un amendement pour réduire le budget de la prévention des risques.
M. Michel Guiniot (RN). Permettez-moi d’ajouter brièvement un point. Les vêtements étaient autrefois réutilisés par nos aînés mais vous n’étiez certainement pas née à cette époque. Par ailleurs, on ne peut pas rendre responsables Renault ou Citroën des accidents de la route.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Je vous remercie pour la qualité de ce rapport. La question du réemploi appartient à un phénomène systémique. Dans notre conception des choses, il s’agit de reconsidérer l’ensemble des étapes de la fabrication des produits, quels que soient les secteurs d’activité. L’utilisation de la ressource en eau pour la fast-fashion atteint des proportions phénoménales. Il est impératif de repenser nos modèles de production. Par ailleurs, concernant la vision du néocolonialisme dans le domaine de l’écologie, nous affirmons qu’il existe effectivement un rapport de force car certaines régions du globe subissent directement les conséquences néfastes de ces modes de production et de la division du travail.
Quels sont, selon vous, les leviers disponibles au niveau multilatéral pour prendre en charge cette problématique du néocolonialisme environnemental ?
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Monsieur Guiniot, j’entends votre remarque concernant une époque où l’on réutilisait davantage les vêtements. Cependant, la production mondiale des déchets solides municipaux atteindra 3,4 milliards de tonnes d’ici 2050, soit une augmentation de 70 % en trente ans. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’un étiquetage précis sur la seconde main.
Je rappelle à nouveau que la pollution par le plastique a été multipliée par 200 en soixante-dix ans. Elle est passée de 2,3 millions de tonnes en 1950 à près de 460 millions de tonnes aujourd’hui. J’entends parfaitement qu’autrefois, les vêtements étaient utilisés plusieurs fois successivement. Force est de constater qu’aujourd’hui, nous en sommes très loin.
Madame Abomangoli, s’agissant de la réglementation, il faut reconnaître qu’une partie significative des conteneurs échappe totalement aux contrôles. Même si la situation s’améliore progressivement grâce à des suivis, nous observons que, dans certaines régions du monde, nos déchets ont provoqué des dommages environnementaux et sanitaires considérables.
Le fonds que nous proposons pourrait permettre d’évaluer l’impact du transfert de nos déchets dans certains pays et, le cas échéant, de réparer les dommages environnementaux et sanitaires qui ont pu être causés. Lorsque nous figurons parmi les responsables de la dégradation de l’environnement, notre devoir moral est d’entreprendre les actions nécessaires pour réparer ces dommages.
*
Article 49 et état B : Crédits du budget général
M. Alain David, président. Notre commission a été saisie de quatorze amendements.
Amendement II-AE77 de Mme Sabrina Sebaihi
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à réinstaurer le Pass Rail pour l’année 2026. En 2024, il avait permis à des centaines de milliers de jeunes de voyager pour 49 euros par mois sur les trains express régionaux (TER) et Intercités. Destiné aux 16-27 ans, il concernerait 300 000 jeunes, pour un coût de 14,7 millions d’euros. Il serait financé à 80 % par l’État et 20 % par les régions. Il s’agit d’une mesure environnementale mais surtout de permettre à cette jeunesse aussi de s’émanciper grâce à une facilité de mobilité.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE32 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement propose la suppression du plan « vélo et marche » pour trois raisons majeures : l’efficacité économique, car les budgets publics doivent prioriser les infrastructures utiles au plus grand nombre et non les équipements souvent sous-exploités ; l’équité territoriale, afin de ne pas pénaliser les zones rurales et périurbaines, où la voiture reste indispensable ; enfin, la liberté de choix, car le vélo ne doit pas être imposé comme une norme mais rester une option parmi d’autres.
Avec près de 70 millions d’euros investis, ce plan est très coûteux pour l’État, alors que les dépenses liées aux infrastructures devraient être prises en charge par les collectivités territoriales.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Le plan « vélo et marche » a pour objectif fondamental de former les citoyens à la pratique du vélo dès leur plus jeune âge et, ainsi, de faire du vélo une alternative aux autres moyens de transport tout en développant une filière économique et industrielle du vélo.
Il enregistre déjà une baisse des crédits, passant de 100 millions d’euros en 2025 à 73 millions d’euros en 2026. Et en réalité, vous ne proposez pas une diminution mais purement et simplement la suppression de cette mesure, ce qui est irresponsable.
Je rappelle que 85 % des trajets effectués en voiture en France font moins de cinq kilomètres, dont 60 % pour les déplacements domicile-travail ; 85 % des Français sont situés à moins de cinq kilomètres d’un service public ou d’un mode de transport en commun. Le vélo est le mode de déplacement le plus performant pour les trajets de moins de cinq kilomètres, particulièrement lorsqu’il est à assistance électrique.
Mon avis est donc résolument défavorable, même si j’entends que, dans certains territoires, la voiture reste le seul moyen de transport ou de déplacement, bien évidemment. Néanmoins, je crois qu’il ne faut pas opposer les deux. Le déplacement à vélo a également son utilité.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE59 de Mme Dominique Voynet
Mme Dominique Voynet (EcoS). Cet amendement vise à rétablir les crédits du CEREMA, en baisse de plus de 5,2 millions d’euros dans le PLF pour 2026. Le CEREMA est le bras technique et scientifique de l’État pour les politiques d’aménagement du territoire, de transition écologique et d’adaptation au changement climatique. Il accompagne les collectivités pour la gestion des risques naturels, la prévention des inondations, la mobilité durable, la rénovation énergétique.
Il fournit les données et modélisations indispensables aux plans locaux d’urbanisme, aux stratégies littorales face à la montée des eaux, aux diagnostics de vulnérabilité des infrastructures routières et ferroviaires. Fragiliser le CEREMA revient à affaiblir la capacité de l’État à piloter ses propres politiques publiques sur des bases scientifiques solides. Rétablir ces moyens est un choix de renforcement et de résilience de l’État pour la transition écologique.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Avis favorable.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE25 de Mme Marine Hamelet
Mme Marine Hamelet (RN). À l’heure où le projet de budget prévoit de créer ou d’augmenter une vingtaine de taxes, d’impôts et de prélèvements divers, mais aussi de diminuer le remboursement de médicaments, ainsi que certaines prises en charge médicales, le gouvernement prévoit d’augmenter le budget de l’Agence de la transition écologique (Ademe) de 135 %, soit une hausse de 1,2 milliard d’euros. Rappelons que l’Ademe, financée par les contribuables, s’est illustrée pendant des années par des études biaisées contre le nucléaire, tout en vantant les mérites des éoliennes et des panneaux solaires, souvent au détriment de la rigueur scientifique et des intérêts stratégiques de la France. Cette agence a ainsi contribué à fragiliser notre filière nucléaire pour servir un agenda purement idéologique. Elle s’est également distinguée par des recommandations absurdes comme le fait de conseiller aux Français de porter un pantalon trente jours avant de le laver.
Avec cet amendement, nous proposons de réduire les crédits alloués à cette agence pour les ramener à leur niveau de 2021, où ils s’élevaient déjà à 541 millions d’euros, montant amplement suffisant pour assurer le fonctionnement de cette structure.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Il ne vous aura pas échappé que le mode de financement de l’Ademe évolue à compter de 2026. La nouvelle présentation budgétaire de l’Ademe crée, pour 2026, un décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les autorisations d’engagement incluent un rattrapage technique de 856 millions d’euros, destinés à couvrir les paiements qui devront encore être réalisés.
Ce changement de présentation budgétaire ne traduit pas une hausse soudaine des moyens mais une mise en cohérence comptable entre les engagements pluriannuels et les paiements réels. En réalité, 2026 est une année de transition technique pour adapter la gestion budgétaire de l’Agence à ce nouveau mode de fonctionnement.
Enfin, vous avez écrit que l’Ademe serait la courroie de transmission d’une idéologie faussement écologique. Vous avez le droit de le penser mais ce que vous appelez une idéologie est simplement de la science : la mesure des particules fines, la lutte contre les passoires thermiques, le soutien aux communes rurales et aux quartiers populaires pour isoler les écoles, rénover les logements, créer des emplois verts.
Il ne s’agit pas d’un outil farfelu, comme vous l’insinuez, mais il soutient la transition écologique, la lutte contre le réchauffement climatique. Par ailleurs, je rappelle que les agents de l’Ademe réalisent un travail remarquable, qui ne mérite absolument pas le mépris contenu dans l’exposé des motifs. En réalité, il est évident que vous pratiquez une forme de déni climatique. Vous préférez le mensonge au progrès.
Avis défavorable.
Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). J’écoutais les arguments du RN. L’Ademe ne recommande pas de porter trente fois certains vêtements mais indique simplement que certains habits, comme les jeans, peuvent être portés jusqu’à trente fois avant de devoir être lavés. Les habitantes et les habitants de vos circonscriptions souffrent de la hausse des prix de l’électricité et des coûts associés. En conséquence, les recommandations de l’Ademe constituent une bonne nouvelle.
Arrêtez de tout caricaturer au nom de votre idéologie climato-sceptique. Si vous voulez laver vos jeans trois fois par jour, faites-le. Il s’agit simplement d’une recommandation de bon sens qui allège le quotidien de nos concitoyens.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE 33 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Je propose de réduire de 20 % le budget de l’Ademe. Cette mesure s’impose par un souci de rigueur budgétaire. Dans un contexte de contraintes financières inédites, chaque euro public doit être optimisé. Or l’Ademe est régulièrement pointée du doigt pour son coût élevé et sa sous-utilisation de certaines de ses aides.
Une baisse de 20 % permettrait de réallouer ses fonds vers des priorités plus urgentes. Malgré son rôle dans la transition écologique, l’Ademe est critiquée pour sa rigidité, son manque de transparence et les chevauchements avec d’autres structures. Réduire son budget permet aussi d’inciter l’Agence à se recentrer sur ses missions essentielles et d’éviter les doublons.
Enfin, l’allocation de ces fonds à l’Ademe contrevient à la nécessité d’équité. Les collectivités rurales et périurbaines sont souvent oubliées par les politiques écologiques et subissent de plein fouet les coupes budgétaires. Une baisse ciblée du budget de l’Ademe enverrait un signal fort. L’État doit soutenir tous les territoires, et non seulement ceux qui bénéficient déjà de subventions.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Si vous voulez vraiment que tous les territoires soient couverts par l’Ademe, vous devriez au contraire demander une augmentation de l’enveloppe. L’Agence soutient les collectivités. Certains territoires sont beaucoup plus impactés que d’autres par les questions environnementales.
Par ailleurs, l’Ademe ne génère pas de doublons, contrairement à ce qui peut être dit, comme l’a relevé sans équivoque l’Inspection générale des finances (IGF) en 2023. L’Ademe est bien gérée et une hausse des effectifs a même été préconisée par l’IGF.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE24 de Mme Laurence Robert-Dehault
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Cet amendement vise à supprimer les hausses de crédits alloués à l’éolien et au photovoltaïque, pour une économie de 2,5 milliards d’euros. Ces énergies intermittentes, dépendantes du vent et du soleil, sont imprévisibles, non pilotables et fragilisent notre réseau électrique. Pendant que le gouvernement subventionne ces filières coûteuses, les Français paient toujours plus cher leur électricité. Le nucléaire et l’hydroélectricité sont les seules énergies stables, souveraines et bas carbone sur lesquelles la France s’est bâtie ; il faut les renforcer.
Nous refusons de financer une écologie dogmatique et ruineuse. Nous défendons une écologie du bon sens et de la souveraineté nationale.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. L’action que vous visez permet en réalité à l’État d’encourager la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, à travers des infrastructures éoliennes, solaires, hydrauliques ou de production de biogaz.
À cet effet, les producteurs d’énergie renouvelable bénéficient de dispositifs de soutien public prenant la forme de contrats d’achat ou de compléments de rémunération. Le surcoût résultant de la mise en œuvre de ces dispositifs, qui correspond à la différence entre le coût d’achat de l’électricité produite et le prix du marché, est compensé aux fournisseurs. Le niveau du soutien public évolue donc avec les volumes de production d’électricité renouvelable et avec les prix du marché de l’électricité.
Le niveau du soutien public augmente ainsi quand les prix baissent. La hausse constatée correspond donc à des volumes d’installations renouvelables toujours dynamiques et à la baisse des prix de marché de l’électricité, qui renchérit le coût du soutien public. La hausse des crédits, notamment concernant l’éolien, ne traduit pas une augmentation des investissements mais une mise en production effective des projets lancés ces dernières années. Nous produisons ainsi plus d’électricité verte que par le passé : c’est une bonne nouvelle dont nous devrions tous nous réjouir.
Avis défavorable.
L’amendement est rejeté.
Amendements II-AE72 et II-AE71 de M. Guillaume Bigot
M. Guillaume Bigot (RN). L’amendement II-AE72 propose de supprimer 73 millions d’euros en autorisations d’engagement et 79 millions en crédits de paiement d’études consacrées au développement de l’éolien en mer. Il s’agit pour l’essentiel d’études préparatoires à un appel d’offres massif de 8 à 10 gigawatts de production d’éolien maritime, dont la pertinence économique et environnementale est fortement contestée.
D’abord, le projet annuel de performances indique que cette ligne de dépenses a atteint son pic en 2025. Nous sommes maintenant dans la préparation des appels d’offres. Il me semble déraisonnable de dilapider de l’argent public dans des études techniques, des études d’impact, des débats publics autour de ce sujet, pour des projets dont la réalisation elle-même peut être remise en cause.
Deuxièmement, cette suppression pour des projets dont la réalisation peut être remise en cause permettra de préserver les crédits alloués à la sûreté nucléaire et au programme EPR2. Rappelons que les énergies intermittentes produisent de l’électricité qui ne se stocke pas, créent une tension sur le réseau électrique. Les centrales nucléaires n’ont pas vocation à être allumées et éteintes. Nous refusons cette vision énergétique qui se diffuse, au détriment du nucléaire pilotable, la seule énergie capable d’assumer notre souveraineté énergétique et notre décarbonation effective.
L’amendement II-AE71 vise à rationaliser les dépenses du médiateur national de l’énergie en réduisant sa subvention de 5,5 millions à 2,9 millions d’euros, soit une économie de 2,6 millions d’euros qui serait réalisée sur le programme 174. Le médiateur national de l’énergie traite 31 000 demandes chaque année, dont 15 000 concernent des litiges effectivement instruits. Cet amendement, à travers cette économie, propose de réinternaliser une partie de cette activité au sein du ministère pour permettre à cette instance de se recentrer sur le traitement des litiges qui impliquent des entreprises, c’est-à-dire les litiges réellement importants.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Je commencerai par aborder la question du médiateur. Il s’agit d’une autorité publique indépendante. La subvention qui est prévue par le projet de loi de finances représente la seule source de financement de cette instance. Au regard du volume de demandes traitées, il n’apparaît nullement souhaitable de réduire son champ d’action. Je rappellerai également son indépendance, son impartialité, gage d’autonomie et de confiance pour les consommateurs. J’émets donc un avis défavorable.
Concernant le parc éolien en mer, vous affirmez que son usage est contesté. Par qui, puis-je vous demander ? Par les climato-sceptiques ? Le vent demeure, jusqu’à preuve du contraire, une ressource gratuite, décarbonée et inépuisable.
Compte tenu de la répartition du parc éolien sur le territoire français, cette source d’énergie participe à la relocalisation de la production d’énergie, apportant ainsi aux diverses collectivités territoriales des bénéfices financiers, des opportunités de projets citoyens et participatifs ou de nouveaux emplois directs et indirects. Selon la commission de régulation de l’énergie, une éolienne génère ainsi entre 10 000 et 12 000 euros de recettes fiscales par an et par mégawatt installé, au bénéfice des collectivités territoriales.
Il ne s’agit pas d’une énergie miracle mais, combinée à d’autres énergies renouvelables, elle doit permettre à la France de respecter sa trajectoire de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Je rappelle par ailleurs que l’EPR de Flamanville ne fonctionne pas. Malgré les 20 milliards d’euros dépensés, il s’agit d’un fiasco industriel
Vous devriez plutôt être fiers que l’éolien devienne justement l’avenir industriel de la France. Collègues du Rassemblement national, vous êtes vraiment les gardiens du Moyen Âge énergétique. C’est très grave.
Avis défavorable.
Les amendements sont successivement rejetés.
Amendement II-AE76 de Mme Sabrina Sebaihi
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Cet amendement propose de réinstaurer le fonds friche.
Des territoires ayant contribué significativement à la richesse nationale en hébergeant des industries très polluantes (sidérurgie, chimie, métallurgie, mines, énergie) voient aujourd’hui leurs sols souillés. Nous proposons d’apporter un soutien aux collectivités qui sollicitent une assistance pour dépolluer ces terrains et redonner le foncier aux habitants de ces territoires.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE34 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement propose la suppression des 2 milliards d’euros alloués à l’éolien. Malgré des milliards de subventions, l’éolien n’atteint pas ses objectifs, alourdit la facture des Français, crée des distorsions sur le marché de l’électricité par son intermittence. Il contribue au bétonnage des sols, menace la biodiversité, suscite le rejet local massif, défigure les paysages et impose des nuisances aux ruraux. Enfin, nous ne maîtrisons pas la chaîne de valeur. À titre d’exemple, l’approvisionnement en terres rares indispensables à cette industrie est menacé depuis les annonces chinoises du 8 octobre dernier.
Il est donc temps de réallouer ces fonds vers des solutions énergétiques plus stables, efficientes comme le nucléaire, dont nous prônons la relance.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Vos propos sont toujours particulièrement intéressants à entendre. Si vous trouvez qu’une éolienne est dérangeante, je vous invite à demander leur avis à ceux qui vivent à côté de centrales nucléaires. L’EPR de Flamanville ne fonctionne toujours pas.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NFP). Je constate une incohérence manifeste dans les propositions avancées. D’un côté, vous nous dites que le problème concerne l’artificialisation des terres supposément due aux éoliennes ; de l’autre, vous prônez la prolifération de centrales nucléaires. Il importe de faire preuve de cohérence. La réalité démontre que vous vous engagez dans une véritable croisade idéologique anti-écologiste, en mobilisant les arguments les plus absurdes.
M. Nicolas Dragon (RN). Une centrale nucléaire représente un kilomètre carré d’emprise au sol, contre 1 500 mètres carrés pour une éolienne. Ensuite, en 2024, le nucléaire représentait 67 % du mix énergétique français, contre 8,7 % pour l’éolien L’invasion d’éoliennes ou de panneaux solaires sur le territoire national provoque des dérèglements sur la bonne marche de nos centrales nucléaires, qui sont constamment obligées d’effectuer des stop-and-go pour adapter leur puissance.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Il faut utiliser toutes les énergies renouvelables. Contrairement à l’uranium que nous allons chercher au Kazakhstan et au Niger, nous avons à notre disposition l’air, l’eau, le soleil, gratuitement. Votre idéologie est totalement opposée aux énergies renouvelables. Vous défendez le nucléaire à tout prix. Vous ne voulez pas reconnaître que l’EPR de Flamanville constitue un fiasco total, qui a coûté plus de 20 milliards d’euros aux contribuables. C’est votre choix ; ce n’est pas le nôtre.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE 67 de M. Jorys Bovet
M. Jérôme Buisson (RN). Défendu.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il n’est pas envisageable de supprimer la Commission nationale du débat public.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE 36 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Défendu.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Avis défavorable.
L’amendement est rejeté.
Amendement II-AE35 de M. Jérôme Buisson
M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement vise à supprimer les fonds publics alloués au partenariat associatif pour les actions internationales en faveur du développement durable. Ces fonds, à hauteur de 3,3 millions d’euros, sont certes modestes mais font partie de ces maintes enveloppes dont la distribution s’effectue de manière opaque. Les Français n’en peuvent plus de subventionner avec leurs impôts les officines qui développent bien trop souvent des discours totalement politisés, voire moralisateurs.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis : Avis défavorable.
L’amendement est rejeté.
Amendements II-AE 66 de M. Jorys Bovet
M. Jérôme Buisson (RN). Défendu.
Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure pour avis. Avis défavorable.
L’amendement est rejeté.
Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
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Informations relatives à la commission
Au cours de sa réunion, la commission désigne :
– M. Jean-Paul Lecoq, rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Observatoire du réseau d’antennes d’un kilomètre carré (SKAO) relatif à l’adhésion de la France à l’Observatoire (n° 1109) ;
– M. Michel Herbillon, rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre sur la coopération lors des opérations d’évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d’une situation de crise (n° 1615) ;
– Mme Maud Petit, rapporteure du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname (n° 1616) ;
– M. Laurent Mazaury, rapporteur du projet de loi autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations Unies représentée par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, signée à Genève le 12 juin 2024 (n° 1664).
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La séance est levée à 13 h 25.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Michel Barnier, M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Nicolas Dragon, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, Mme Gisèle Lelouis, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, M. Christophe Naegelen, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert, Mme Caroline Yadan
Excusés. - Mme Christelle D’Intorni, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, Mme Clémence Guetté, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, M. Vincent Trébuchet, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa