Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général) 2

  Présence en réunion...................................64


Mardi
21 octobre 2025

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 011

session ordinaire de 2025-2026

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

puis de

M. Philippe Brun,

Vice-président

puis de

M. Éric Coquerel,

Président


  1 

La commission procède à la suite de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général)

M. le président Éric Coquerel. Nous avons examiné 608 amendements ; il en reste 905. Si nous maintenons le rythme nous devrions tenir les délais.

Article 12 : Renforcement des dispositifs fiscaux de soutien à la géographie prioritaire de la politique de la ville

La commission adopte l’article 12 non modifié.

Après l’article 12

Amendements I-CF1640 et I-CF1641 de M. Joël Bruneau (discussion commune)

M. Joël Bruneau (LIOT). Ils visent à créer un statut du bailleur privé : étant donné son utilité sociale, la rentabilité de son investissement devrait être au moins égale à celle qu’il obtiendrait en plaçant son épargne sur un compte dormant.

Ces amendements poursuivent aussi un objectif de simplification : dès lors que le logement, qu’il soit meublé ou non, est affecté à un usage d’habitation principale, le bailleur pourrait bénéficier d’un abattement forfaitaire de 3 % par an.

Inscrire le statut du bailleur privé dans la loi, afin d’en reconnaître l’utilité, marque une rupture avec les dispositifs qui se sont succédé depuis trente ans.

L’amendement I-CF1640 se distingue du I-CF1641 en prévoyant un plafonnement de la fiscalité : quoi qu’il arrive, le bailleur conserverait 25 % des loyers perçus, le cumul de la fiscalité ne pouvant excéder 75 % de leur montant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez un bouleversement total du système. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements posent une véritable question. Il est indispensable qu’avant la fin de l’examen de la première partie on puisse débattre d’un amendement visant à relancer le locatif privé et prévoyant un plafonnement. Où en est la réflexion du rapporteur général ?

M. Inaki Echaniz (SOC). Il est nécessaire de parvenir à créer un statut du bailleur privé fondé sur des critères clairs et qui permettrait de relancer le secteur locatif privé tout en évitant les écueils des précédents dispositifs.

Nous ne sommes pas favorables à ces amendements en l’état. Avec différents groupes, nous travaillons en vue de la séance à la rédaction d’un amendement qui trouve un équilibre entre la fiscalité applicable aux loyers, l’encadrement des loyers et le public concerné.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, ces amendements visent à sortir les meublés de tourisme du régime BIC (bénéfices industriels et commerciaux) pour les inclure dans le régime foncier, qui est moins avantageux.

Deuxièmement, ils permettent au bailleur, sur option, de choisir bien par bien son régime d’imposition : il pourra donc inclure un logement nu dans le régime BIC et inversement.

Troisièmement, ils augmentent le plafond des régimes micro-foncier et micro-BIC à 77 000 euros et plafonnent l’IFI (impôt sur la fortune immobilière).

En réalité, ces amendements bouleversent en profondeur les régimes fiscaux en matière de location immobilière. Leurs effets de bord seraient importants tant pour les finances publiques que pour le marché locatif. Nous ne pouvons envisager de telles modifications sans étude d’impact.

Il faut que nous élaborions un dispositif en vue de la séance, où nous pourrons débattre de manière constructive avec le gouvernement.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’amendement, bien qu’intéressant, comporte un risque : un professionnel qui basculerait de manière involontaire dans le régime BIC serait ainsi soumis à l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, selon les règles de la comptabilité privée, les amortissements sont réintégrés dans le calcul des plus-values de cession du bien.

M. Joël Bruneau (LIOT). Je suis d’accord pour retravailler cet amendement. Un point fait consensus : la situation du logement neuf et ancien est critique.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF570 et I-CF574 de M. François Jolivet (discussion commune)

M. François Jolivet (HOR). Le logement est le sujet le plus important dans notre pays. Il sera central lors de l’élection présidentielle et des élections municipales : contrairement à il y a six ans, les maires sans grue seront les maires battus.

L’amendement I-CF570 accorde aux investisseurs une déduction fiscale de 3 % par an pendant vingt ans, en contrepartie d’une servitude d’intérêt général : plafond de ressources et de loyer. La durée de vingt ans vise à ce que le logement perde son statut de marchandise. Si le bien est cédé avant, en cas de décès, la servitude reste attachée au logement et non au propriétaire, contrairement au dispositif de la loi Pinel.

Cet amendement permettra de relancer la construction de logements lors des opérations intermédiaires puisque, en 2024, 54 % des logements sociaux ont été construits par des promoteurs et que la proportion sera de 64 % en 2025.

L’amendement I-CF574 est de repli.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le dispositif, qui s’inspire du rapport de MM. Daubresse et Cosson, est intéressant. Néanmoins, il présente deux limites : l’absence de plafond d’exonération d’impôt et la question du ciblage des logements.

Avancer à l’aveugle et de manière dispersée n’aboutira à rien. Afin d’élaborer un amendement consensuel, je propose d’organiser avant la séance une réunion avec les équipes du ministre et les députés de tous bords dont la réflexion est la plus avancée.

Avis défavorable en l’absence de réflexion commune.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF573 de M. François Jolivet

M. François Jolivet (HOR). Il vise non pas à une défiscalisation mais à instaurer un système d’amortissement technique par composants, à l’instar de celui s’appliquant aux sociétés foncières, qui disposent ainsi de plus de trésorerie mais font moins de résultats.

Il s’agit d’appliquer aux propriétaires privés investisseurs les normes comptables internationales dites IFRS (International financial reporting standards), déjà appliquées aux foncières.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il me semble qu’il revient plutôt au législateur qu’au Conseil d’État de fixer le taux d’amortissement. Je réitère ma proposition : réunissons-nous avec le cabinet du ministre avant la date limite de dépôt des amendements, jeudi à neuf heures. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ce dispositif concernerait-il les structures assujetties à l’impôt sur les sociétés ? Même s’il mériterait d’être retravaillé, je regretterais que nous n’adoptions pas cet amendement très important, car l’amortissement par composant permet une visibilité sur le vieillissement des bâtiments. Les collectivités devraient s’en inspirer pour avoir une vision à long terme des travaux à réaliser sur les bâtiments communaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF575 de M. François Jolivet

M. François Jolivet (HOR). Je ne comprends pas pourquoi l’amendement précédent a été rejeté, notamment par mes collègues d’EPR, tant le logement est un sujet important.

Cet amendement, qui concerne les logements anciens, propose un amortissement identique de 3 %, réservé aux investisseurs qui réaliseraient des travaux substantiels dans des logements.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je rends hommage à M. Jolivet qui étudie en profondeur ce sujet et cherche une solution consensuelle. Je renouvelle ma proposition. Avis défavorable en attendant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1626 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à baisser les impôts des petits propriétaires assujettis au régime micro-foncier, en rehaussant l’abattement d’impôt sur le revenu de 30 % à 50 %.

Cet amendement, adopté à l’unanimité l’année dernière, tend à inciter les petits propriétaires à louer leurs biens sur une longue durée, dans un contexte d’attrition de ce type de logements. Cette mesure coûterait peu, d’autant qu’elle pourrait être compensée par la suppression des amortissements déductibles pour les locations meublées, comme le propose l’amendement I-CF1458 qui va suivre.

Ce dispositif, préconisé par l’IGF (Inspection générale des finances), est également soutenu par ma collègue Annaïg Le Meur, membre du groupe EPR. J’espère que ce coup de pouce aux petits propriétaires fera l’objet d’un vote consensuel. Vous êtes nombreux à affirmer matin, midi et soir vouloir les défendre, en voici l’occasion.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement reprend une des recommandations du rapport de MM. Daubresse et Cosson.

Cette mesure de simplification vise à aligner le taux d’abattement des logements nus sur celui des logements meublés. Avis favorable bien que nous en ignorions le coût.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cette mesure, qui figure bien dans ce rapport, est également issue des travaux que nous avons menés avec Annaïg Le Meur dans le cadre de la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme. Elle pourra vous en donner le coût.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens cet amendement. Voilà enfin une mesure simple et lisible qui sera très efficace.

M. François Jolivet (HOR). Je suis également favorable à cet amendement. Néanmoins, M. Echaniz se préoccupe uniquement des petits propriétaires qui, par définition, le sont déjà. Selon l’une des règles édictées par le Haut Conseil de stabilité financière, les revenus locatifs ne sont désormais plus pris en compte dans le calcul de la capacité d’emprunt pour un investissement locatif. Ce système n’avantage que ceux qui ont des ressources propres suffisantes pour rembourser l’emprunt. Au-delà des taux d’intérêt élevés, c’est le premier obstacle à l’investissement et, par conséquent, l’une des causes majeures de la crise du logement.

M. Jean-Didier Berger (DR). Pour une fois que les députés socialistes proposent une baisse d’impôt, on serait tenté de soutenir cet amendement.

Porter l’abattement à 50 % est une bonne idée, mais le plafond de 15 000 euros sera très vite atteint. Il conviendrait de retravailler ce dispositif afin de rehausser ce plafond.

M. Inaki Echaniz (SOC). Afin de garantir l’équilibre budgétaire et l’efficacité des dépenses nous avons finalement renoncé à proposer une augmentation du plafond. Toutefois, si Bercy nous y autorisait, nous y serions favorables.

Mme Annaïg Le Meur (EPR). La volonté initiale était d’aligner à 50 % le taux d’abattement du régime micro-foncier s’appliquant à l’ensemble des locations. Cela permettait d’avoir plus de visibilité et d’encourager la location de logements nus.

L’année dernière, nous avons diminué le taux d’abattement s’appliquant aux locations touristiques, qui est passé de 71 % à 50 %. Cet amendement s’inscrit donc dans cette dynamique.

Je vous donnerai le coût de cette mesure, qui tient compte de la réintégration des amortissements dans le calcul des plus-values de cession.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF84 de M. Lionel Causse.

Amendement I-CF682 de M. Aurélien Le Coq

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il vise à supprimer la niche fiscale dont bénéficient les locations meublées, en particulier les locations touristiques. Celles-ci relèvent du régime BIC, qui est très avantageux.

Alors que cinq millions de jeunes vivent encore chez leurs parents, ce qui constitue un obstacle dans leur parcours d’études et professionnel, on dénombre plus d’un million de locations en meublé touristique de type Airbnb, ce phénomène contribuant à la crise du logement.

Les mesures qui seront adoptées devront aussi s’attaquer à la concentration du patrimoine immobilier. On ne peut pas faire comme si la France ne comptait que de touts petits propriétaires qu’on aiderait par des cadeaux fiscaux ; il faut actionner d’autres leviers qui auront un effet sur les loyers, dont la part ne cesse d’augmenter dans le budget des ménages.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer tout abattement fiscal pour les meublés de tourisme. Or nous avons déjà réduit les avantages fiscaux dont ils bénéficient dans le cadre de la loi Le Meur, adoptée l’année dernière. Évaluons les effets de ce dispositif avant d’aller plus loin. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF615 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (DR). Il vise à différencier les chambres d’hôtes des meublés de tourisme afin de ne pas freiner le développement du tourisme local dans les territoires ruraux.

La loi Le Meur a mis dans le même sac les meublés de courte durée et les chambres d’hôtes, qui sont soumises à des règles fiscales et réglementaires plus sévères. Cette loi a pour objet de lutter contre la pénurie de logements dans les grandes agglomérations ou les zones très touristiques. Or les chambres d’hôtes ne peuvent être considérées comme des logements.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les associations d’élus locaux évoquent souvent ce sujet. Les chambres d’hôtes ne peuvent être assimilées aux locations Airbnb. Avis favorable.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Les chambres d’hôtes sont un véritable moteur de vitalité pour les territoires ruraux. Elles font vivre les villages, maintiennent l’activité économique locale et soutiennent les artisans, les producteurs et la gastronomie. Les assimiler à des meublés de tourisme, c’est nier leur spécificité, fondée sur l’authenticité et la valorisation du territoire.

Cet amendement, loin d’accorder un privilège, reconnaît simplement leur rôle indispensable pour la ruralité française. Soutenir ces hébergeurs, c’est soutenir la vie, l’emploi et le patrimoine des campagnes.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je suis très heureux d’entendre M. Di Filippo soutenir cette mesure. Le maintien de l’avantage fiscal pour les maisons d’hôtes, mais également pour les gîtes ruraux, figurait dans la version initiale de la proposition de loi Le Meur. M. Husson, rapporteur général de la commission des finances du Sénat et membre du groupe des Républicains, qui y était fermement opposé, l’a fait supprimer.

Olivia Grégoire, alors ministre, s’était engagée – comme ses successeurs – à prendre un décret définissant le gîte rural. Nous l’attendons toujours.

Je reste pour ma part favorable à cette mesure, mais il faudra convaincre nos collègues sénateurs du groupe Les Républicains. Je compte donc sur M. Di Filippo pour faire entendre raison à M. Husson, qui a failli faire échouer l’adoption de l’ensemble de la loi Le Meur.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1458 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Dans la même logique de rééquilibrage en faveur de la location longue durée, il vise à aligner le régime fiscal de la location meublée sur celui de la location nue, en supprimant les amortissements déductibles des revenus.

Ce dispositif, qui reprend une recommandation du rapport d’Annaïg Le Meur sur la réforme de la fiscalité locative et de celui de MM. Daubresse et Cosson, vise à encourager la location meublée.

Par ailleurs, il conviendra de déposer en séance un amendement tendant à appliquer aux gîtes ruraux le dispositif de l’amendement précédent.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne suis pas convaincu qu’il faille rendre la location meublée financièrement insoutenable pour les bailleurs. Par ailleurs, nous avons toujours besoin de logements meublés, en particulier pour les étudiants. Avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Le régime fiscal resterait avantageux, d’autant que si l’achat de meubles représente un coût, celui-ci est amorti dès la première année de location. Il serait donc incohérent de maintenir ces amortissements durant toute la durée de location.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF551 de M. Dominique Potier

Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement, que M. Potier dépose chaque année, propose un mécanisme incitatif qui prend en compte les écarts de revenus. Il vise à supprimer la déductibilité des charges de personnel du résultat imposable de l’entreprise pour les salaires dont le montant est au moins douze fois plus élevé que celui des salaires les plus bas.

Il vise à garantir un bon partage de la valeur et à favoriser les entreprises vertueuses.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF980 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). En 2016, nous avions adopté à l’unanimité une loi, dont j’étais le rapporteur, pour inciter les entreprises à donner leurs invendus alimentaires plutôt qu’à les détruire. À cette fin, les dons peuvent être déduits du résultat soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 60 % de leur valeur, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires ou de 20 000 euros. Au-delà de ce plafond, les entreprises de la grande distribution peuvent comptabiliser ce qu’elles ne donnent pas – donc qu’elles jettent – en pertes, déductibles de l’IS. D’une certaine façon, l’État incite donc aujourd’hui à la destruction plutôt qu’au don.

L’amendement vise à corriger cette situation en prévoyant que le don de denrées alimentaires ouvrira droit, au-delà du plafond, à une déduction fiscale de 25 %. L’impact pour les finances publiques serait neutre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous proposez. Pour l’heure, les pertes liées à la destruction de denrées sont déductibles du résultat fiscal de l’entreprise. La déduction que vous proposez au titre des dons s’ajouterait-elle à cette possibilité ?

M. Guillaume Garot (SOC). Elle la remplacerait.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le stock qu’une entreprise déclare actuellement comme perdu pourrait donc désormais être déclaré comme donné – s’il l’est effectivement. L’entreprise remplirait deux déclarations distinctes, respectivement au titre des pertes déductibles et des dons réalisés.

M. Guillaume Garot (SOC). Par définition, tout stock donné n’est pas perdu. Le don ouvrirait droit à la déduction fiscale que je préconise, cette dernière ayant vocation à remplacer la déduction actuellement possible au titre des pertes. C’est pourquoi l’amendement n’aurait pas d’incidence sur les finances publiques. Par ailleurs, les pertes justifiées – parfois, on ne peut pas faire autrement que de jeter – ne seront pas incluses dans le champ du dispositif.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne craignez-vous pas que la complexité induite par cette déclaration supplémentaire – celle des dons réalisés – dissuade certaines entreprises de se saisir de cette possibilité ? Pour l’heure, elles déclarent des destructions de denrées qu’elles peuvent défalquer de leur résultat imposable. Ne risquent-elles pas de préférer s’en tenir à ce système plutôt que de se lancer dans une double déclaration ?

M. Guillaume Garot (SOC). Non, car je propose simplement de prolonger le dispositif existant, qui les incite déjà à donner en leur accordant une exonération très intéressante.

M. Charles de Courson (LIOT). Le dispositif existant est effectivement généreux, puisqu’il permet de déduire les dons à hauteur de 60 %. Des responsables des Restos du cœur m’ont d’ailleurs fait part d’abus : les produits donnés sont valorisés au prix de marché, même quand ils sont un peu dégradés, ce qui permet à certains de s’enrichir en détournant quelque peu le système, sans que les bénéficiaires soient en mesure de le contrôler.

La proposition de notre collègue Guillaume Garot est séduisante, mais elle suppose qu’on soit capable de déterminer dans quels cas la destruction des denrées est justifiée et les pertes déductibles, ce qui me paraît très compliqué. Le fait qu’un produit soit périmé, par exemple, est-il un motif légitime de destruction, ou simplement le signe d’une mauvaise gestion des stocks ? Il me semble nécessaire de retravailler le dispositif.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF38 de Mme Corinne Vignon

Mme Corinne Vignon (EPR). Je propose d’instaurer un dispositif fiscal incitatif, simple et neutre pour les finances publiques, afin de soutenir la transition écologique des TPE-PME. Il s’agit de permettre aux entreprises soumises à un régime réel d’imposition de déduire immédiatement de leur résultat imposable le montant d’un investissement à finalité environnementale en constituant une provision réglementée qui sera ensuite reprise progressivement au rythme de l’amortissement comptable du bien.

Ce mécanisme, conçu avec la CCI (chambre de commerce et d’industrie) de la Haute-Garonne, encouragerait l’investissement vert et soutiendrait la modernisation du tissu productif français sans engendrer de coût durable pour l’État.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La définition retenue au II. 1° de votre amendement me semble excessivement large et je crains qu’elle ne donne lieu à des abus comparables à ceux observés pour le dispositif MaPrimeRénov’. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF544 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Mickaël Bouloux (SOC). Le suramortissement applicable aux véhicules propres vise à soutenir la transition écologique du secteur du transport. Or certaines entreprises en profitent pour financer des véhicules qui, par des circuits de location, seront principalement utilisés à l’étranger. Le contribuable français paye ainsi pour décarboner les usages hors de nos frontières, alors que nos transporteurs et nos PME peinent à investir en France.

Nous ne souhaitons pas remettre en cause le dispositif, mais en garantir la cohérence et la justice : le suramortissement doit être réservé aux véhicules utilisés majoritairement sur le territoire national, afin que chaque euro de dépense publique soutienne la transition écologique française.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre idée est séduisante intellectuellement, mais, le secteur du transport routier étant par essence internationalisé, je vois mal comment on pourrait déterminer le nombre de jours que chaque véhicule passe en France ou à l’étranger. Un système aussi complexe ne me semble pas viable.

Il comporte également un risque juridique au regard du principe de libre prestation de services consacré par le droit de l’Union européenne : quel traitement devrait-on réserver à des camions venant d’autres pays ? Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Je crains que cet amendement ne soit contraire au droit communautaire, puisqu’il reviendrait à favoriser le transport intérieur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1754 de M. Pierre Henriet

M. Pierre Henriet (HOR). Je propose de rétablir pour deux ans le dispositif de suramortissement dont bénéficiaient les PME industrielles investissant dans le domaine de la robotique et de la transformation numérique. Dans un secteur soumis à une concurrence internationale très forte, cette disposition, qui a fait ses preuves, aiderait certains fleurons de notre industrie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce dispositif a été éteint sans être réellement évalué. Peut-être son faible coût était-il l’illustration de sa faible utilité. Avis défavorable.

M. Pierre Henriet (HOR). L’initiative Territoires d’industrie prévoit un dispositif complémentaire à ce suramortissement. Il me semblerait de bon ton de continuer à soutenir cette filière indispensable et exposée à une concurrence parfois féroce.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1089 de M. Jimmy Pahun

M. Erwan Balanant (Dem). Le transport vélique est en plein développement. La France compte plusieurs entreprises novatrices engagées dans des chantiers où se construisent les bateaux du futur. Pour les aider, elle doit les faire bénéficier d’un suramortissement vert vraiment efficace. Ce n’est pas encore complètement le cas, ce qui freine l’essor de cette filière qui jouera un rôle central pour faire advenir un transport transatlantique complètement décarboné.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce suramortissement a été modifié cinq fois depuis sa création en 2019. D’après le rapport sur l’application des lois fiscales (Ralf) rédigé par notre collègue Charles de Courson, il semble qu’il soit peu utilisé. Je vous propose d’en rester au système en place et de laisser la filière s’en emparer. En attendant, avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Il se trouve que j’ai cosigné cet amendement transpartisan. Nous avons organisé il y a quelques semaines un colloque consacré à la propulsion vélique. Le développement de ce secteur est une vraie piste de décarbonation et la France a tous les atouts pour en être un des leaders, grâce à sa culture de la course au large et à sa maîtrise des technologies. Toute la filière – armateurs, constructeurs, chantiers – attend cet amendement, même s’il reste perfectible. Une proposition de loi transpartisane, dont j’espère qu’elle sera prochainement présentée au cours d’une semaine de l’Assemblée, est d’ailleurs en cours de préparation.

M. Erwan Balanant (Dem). Des bateaux français transportent déjà des marchandises à travers l’Atlantique sans émettre de carbone – sauf pour effectuer les manœuvres dans les ports. Ils sont pour partie produits dans les chantiers Piriou, à Concarneau, dans ma circonscription. Huit sont en cours de construction et deux effectuent déjà chaque semaine des trajets entre Le Havre et New York. Ils sont le transport de l’avenir. La France peut rester leader dans ce domaine, à condition d’aider ces entreprises. En l’occurrence, la dépense ne serait pas énorme comparée au coût d’autres suramortissements, comme celui dont bénéficie un grand transporteur français basé à Marseille.

M. Matthias Renault (RN). Sur le principe, l’amendement est intéressant : la décarbonation est effectivement l’avenir du transport de marchandises et les armateurs se préparent à intégrer une part de propulsion vélique à leur modèle.

En revanche, couvrir 100 % des surcoûts paraît un peu exagéré. Surtout, si la propulsion vélique peut être utilisée à titre accessoire pour économiser du carburant, penser que le transport de marchandises sera à l’avenir assuré par des navires propulsés principalement par le vent paraît un peu illusoire.

M. le président Éric Coquerel. Vous auriez dû assister au colloque : vous auriez constaté qu’il n’en est rien.

M. Matthias Renault (RN). Je m’exprime aussi en tant que rapporteur spécial du programme Affaires maritimes, pêche et aquaculture et après avoir interrogé les armateurs sur ce point.

M. Charles de Courson (LIOT). J’imagine que vous avez tous lu le Ralf. J’y évoque ce dispositif, qui reste très peu utilisé. De mémoire, le nombre de bénéficiaires se compte sur les doigts d’une main. Permettra-t-il à la filière de se développer ? L’auteur de l’amendement nous assure que oui, mais cela reste à voir.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La propulsion vélique est effectivement un moyen de décarboner la filière maritime. Il existe déjà des dispositifs pour la favoriser. J’ai participé au colloque consacré au sujet et je remercie le président Coquerel pour son invitation, mais dans le contexte budgétaire que nous devons affronter, il me semble que nous pouvons attendre avant d’accorder un nouvel amortissement au secteur. Notre champion, CMA-CGM, a déjà bénéficié de la non-taxation des superprofits, qui lui a permis d’investir dans nombre de nouveaux navires moins émetteurs grâce à une motorisation de meilleure qualité, et d’une taxe au tonnage de 2 % en guise d’IS.

M. Daniel Labaronne (EPR). Une entreprise de ma circonscription, qui importe et exporte du poivre, avait fait le choix de le transporter sur un bateau à voile. Or dans les ports où ce dernier fait escale, que ce soit au Brésil, au Maroc ou en Tunisie, il n’est pas considéré comme un bateau de marine marchande, mais comme un voilier. Comment les choses se passent-elles pour les navires que vous évoquez ?

M. Erwan Balanant (Dem). Comme je l’indiquais, la société TOWT, basée au Havre, commercialise des bateaux à voile capables de voyager entre New York et Le Havre presque aussi vite qu’un bateau propulsé par du pétrole ou du gaz. Le temps gagné grâce à une bonne gestion des emplacements de conteneurs, les slots, donc à un déchargement plus efficace des navires, lui permet même d’être plus rapide qu’elle ne le serait avec des bateaux à moteur.

Je suis très étonné d’entendre le groupe Écologiste s’opposer à un amendement qui vise à développer la navigation décarbonée, qui est la navigation du futur – car demain, la plupart des produits, notamment ceux à forte valeur ajoutée, seront transportés à la voile.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF926 de M. Daniel Labaronne et I-CF1811 de M. Paul Midy

M. Daniel Labaronne (EPR). Je propose de proroger jusqu’au 31 décembre 2028 le régime d’exonération fiscale bénéficiant aux jeunes entreprises innovantes (JEI), dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2025.

M. Paul Midy (EPR). Rappelons que des entreprises dont nous sommes tous fiers, comme Mistral AI, Back Market, BlaBlaCar ou Doctolib, sont des anciennes JEI. Il faut continuer à les soutenir.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

M. François Jolivet (HOR). Quel est le coût de cette niche ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le régime adopté dans la loi de finances pour 2024 avait coûté environ 200 millions.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1812 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Nous proposons de créer une nouvelle catégorie, celle des jeunes entreprises d’innovation à impact. Cet amendement, élaboré avec le mouvement Impact France, avait été adopté l’année dernière en séance avec le groupe Socialistes. Il vise à faire bénéficier du dispositif JEI les entreprises de l’ESS (économie sociale et solidaire) qui s’engagent dans l’innovation à impact. Ces entreprises étant malheureusement assez peu nombreuses, le coût sera très restreint.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez non plus de proroger le dispositif existant, mais de l’étendre, créant ainsi une dépense supplémentaire, non évaluée et probablement élevée. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Le coût de la mesure est estimé entre 3 et 5 millions d’euros.

M. Charles Fournier (EcoS). Pour une fois, il n’est pas question uniquement d’innovation technologique. Alors que l’innovation sociale n’est plus perçue comme un progrès et qu’elle ne bénéficie plus d’aucun soutien public, élargir le dispositif à ce secteur a du sens. Je soutiens donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF1483 et I-CF1814 de M. Paul Midy (discussion commune)

M. Paul Midy (EPR). Je vais retirer l’amendement I-CF1483 au profit du I-CF1814, qui vise à créer une catégorie distinguant les JEIR (jeunes entreprises d’innovation de rupture), lesquelles seraient aidées pendant douze ans au lieu de huit. Cette durée est nécessaire dans certains secteurs comme le quantique – je songe à des entreprises comme Pasqal, Quandela ou Quobly, qui ont vocation à devenir les Apple ou IBM de demain.

La mesure ne coûterait rien à l’État au cours des huit prochaines années puisqu’elle ne s’appliquerait qu’aux jeunes entreprises d’innovation de rupture créées à partir du 1er janvier 2026. Symboliquement, il est toutefois très important de la soutenir.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le statut de JEI est récent et assorti de nombreux avantages fiscaux. La durée de huit ans paraît conforme à celle habituellement retenue pour définir une jeune entreprise. Plus on l’allonge, plus on s’éloigne de l’intention initiale. Laissons le dispositif faire ses preuves ; nous aviserons ensuite. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Le dispositif JEI a été créé il y a vingt et un ans, sous Jacques Chirac.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Pour avoir, en tant que membre du Comité de surveillance des investissements d’avenir, beaucoup travaillé sur les entreprises innovantes, je peux affirmer qu’à part celles qui planchent sur l’ordinateur quantique, toutes trouvent leur rythme de croisière en l’espace de cinq ans. Environ 8 milliards d’euros sont déjà consacrés à la recherche à travers le programme d’investissement d’avenir. Il faut aussi laisser le marché trouver son équilibre. Un accompagnement de douze ans serait disproportionné et créerait une distorsion de concurrence au profit de ces entreprises innovantes. Dans ce domaine, il faut rester prudent.

M. Pierre Henriet (HOR). Même si l’esprit de l’amendement est intéressant, de nombreux dispositifs – le plan Quantique, le PEPR (programme et équipement prioritaire de recherche) Quantique – soutiennent déjà la filière. Mickaël Bouloux et moi-même avons rendu en juillet dernier un rapport consacré à la valorisation de la recherche. Constatant la multiplicité des dispositifs existants, dont certains sont assez flous, nous y proposons notamment de simplifier le paysage. Cette mesure me semble plutôt aller dans le sens de la complexification.

L’amendement I-CF1483 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF1814.

Amendements I-CF4 de M. Nicolas Ray et I-CF916 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). Mon amendement vise à introduire davantage d’équité et d’efficacité dans le soutien à l’installation des professionnels de santé.

Les médecins qui s’installent en ZFRR (zonage France ruralités revitalisation) bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés. Or ce zonage ne correspond pas à la cartographie des déserts médicaux, lesquels se trouvent ainsi pénalisés lorsqu’ils ne sont pas classés en ZFRR. Je pense notamment à certaines villes moyennes. L’amendement vise à rendre le système plus cohérent en excluant les professions médicales du zonage FRR, initialement conçu pour les entreprises, et en créant un nouveau dispositif fiscal spécifique qui corresponde réellement à la cartographie des déserts médicaux.

Afin de ne pas aggraver la situation des finances publiques malgré l’extension du soutien à l’installation qui en résultera – davantage de zones en bénéficieront –, je propose de ramener la durée de l’exonération de cinq ans à trois ans.

Nous éviterions ainsi les distorsions de concurrence dont souffrent les déserts médicaux qui ne sont pas situés en ZFRR.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous proposons de recentrer la dépense fiscale sur une vraie priorité de santé publique : la lutte contre les déserts médicaux. Les abattements dont bénéficient les médecins, accordés parfois sans lien clair avec le lieu d’exercice, coûtent plus de 350 millions d’euros par an. Nous proposons de réserver ces avantages à celles et ceux qui s’installent là où les besoins sont les plus criants, dans un souci de justice territoriale, de responsabilité budgétaire et de cohérence avec l’objectif d’égal accès aux soins.

Cette mesure permettrait de réaliser une économie de l’ordre de 200 millions par an.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement de M. Ray aurait pour effet d’exclure les professions de santé du zonage FRR et de leur appliquer un zonage exclusivement fondé sur la carte des déserts médicaux. Cela me semble pertinent : j’y suis favorable.

Celui de Mme Pirès Beaune, qui tend à réserver le bénéfice de l’abattement forfaitaire et de l’abattement complémentaire de 3 % aux praticiens exerçant dans un désert médical, est également très intéressant, mais je ne crois pas qu’une mesure fiscale moins ciblée que celle proposée par M. Ray soit suffisante pour inciter à l’installation. J’y suis donc défavorable.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Comment le dispositif prévu par M. Ray s’articulerait-il avec les ZIP (zones d’intervention prioritaire) et les ZAC (zones d’action complémentaire), qui sont définies par les ARS (agences régionales de santé) selon une méthodologie nationale et ouvrent déjà droit à des aides à l’installation ?

Quel serait le coût de ce système ?

M. Nicolas Ray (DR). Il est vrai que l’installation en ZIP ou en ZAC permet de toucher des subventions, mais celles-ci sont bien moins intéressantes que les exonérations fiscales liées aux ZFRR.

Je ne connais pas le coût exact du dispositif, mais je sais qu’il sera plus élevé que celui en vigueur, d’où la réduction de la durée d’exonération que je propose par ailleurs.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). À titre personnel, je soutiens l’amendement de M. Ray. On associe toujours les déserts médicaux à des territoires très reculés et isolés, alors que, dans certaines agglomérations, la densité en médecins généralistes est très inférieure à celle observée dans des zones rurales. L’exemple le plus criant est celui de la Seine-Saint-Denis, qui reste le plus grand désert médical de France. Il importe donc de corriger le dispositif et de le lier au nombre d’habitants, et non à la seule géographie.

La commission rejette successivement les amendements.

Présidence de M. Philippe Brun, vice-président de la commission

Amendement I-CF1113 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Il y a deux ans, nous avons voté une mesure visant à instaurer des ZRR (zones de revitalisation rurale) dans six départements en difficulté. À la suite de l’adoption d’un amendement sénatorial, les communes de plus de 30 000 habitants ont été exclues de ce dispositif, ce qui a eu un impact important sur l’installation de médecins et d’entreprises dans ces communes.

Dans ma circonscription de la Nièvre, seule la commune de Nevers n’est pas en ZRR. Parce qu’elle compte 34 000 habitants, celle-ci a été sortie du dispositif et se retrouve confrontée au départ de médecins et d’entreprises.

Pour corriger l’injustice résultant de cette décision sénatoriale inepte, cet amendement vise à porter le seuil d’éligibilité aux dispositifs France ruralités revitalisation de 30 000 à 35 000 habitants.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’entends vos arguments, madame Goulet, mais les effets de seuil sont inévitables. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1520 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à clarifier et compléter la fiscalité en matière de cryptoactifs et de jetons de gouvernance.

Certaines personnes participant à des projets d’entreprises de cryptoactifs reçoivent des jetons de gouvernance, qui s’apparentent à des actifs financiers. Ces jetons, qui leur permettent de participer à la gouvernance des entreprises, peuvent être revendus et produire une plus-value. Il faut fiscaliser cette plus-value qui, par nature, a vocation à être intégrée au prélèvement forfaitaire unique (PFU). Plusieurs centaines de milliers de personnes sont concernées.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous voulez intégrer les gains issus de la cession de ces jetons de gouvernance au PFU, comme pour les cessions effectuées par des particuliers. Merci d’explorer cette matière nouvelle, mais ce sujet mérite une plus large réflexion.

Les cryptoactifs sont des produits volatils et je recommande la plus grande prudence s’agissant de l’assouplissement du régime fiscal, en particulier pour les cryptoactifs de gouvernance. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Ces jetons de gouvernance sont possédés par des personnes physiques, qui ont vocation à payer l’impôt sur la plus-value résultant de leur vente. Dans la pratique, actuellement, l’impôt n’est pas payé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF782 de Mme Mathilde Feld

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Depuis ce matin, nous entendons les macronistes dire que trop d’argent va être dépensé, que le budget va être tellement déséquilibré qu’il va finir par s’effondrer.

Je vous propose de remédier à ce problème en taxant les dividendes, ce qui dégagerait 6,7 milliards d’euros. Un amendement similaire avait été adopté l’an dernier, avant que les macronistes ne le rejettent, main dans la main avec les députés du Rassemblement national.

Pourquoi taxer les dividendes ? Parce qu’ils ne servent à rien. Ils ne permettent ni d’augmenter les salaires, ni de procéder à des investissements productifs. La preuve, leur volume explose alors que, d’après l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), les investissements productifs diminueront de 1,6 % l’année prochaine.

Les dividendes sont prélevés sur la valeur produite par les entreprises. En 2024, sur les 130 milliards de bénéfices dégagés par les entreprises du CAC40, 100 milliards ont été versés aux actionnaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette mesure ne rapporterait rien puisqu’elle serait inapplicable aux filières européennes, en raison de l’existence du régime mère-fille. Par conséquent, le Conseil constitutionnel la censurerait s’agissant des filiales françaises, en raison de la discrimination à rebours. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il faut vraiment que nos collègues d’une certaine gauche comprennent qu’il est inutile de mentir de la sorte, que les gens voient ce qui est voté et connaissent la vérité. Hier, nous avons proposé un amendement contre les surdividendes, très précisément définis : vous ne l’avez pas voté ! Aujourd’hui, vous racontez n’importe quoi, proposez un dispositif illégal. Vous n’avez pas changé depuis l’époque où vous étiez étudiants : vous agitez des slogans et faites des promesses mais ce que vous proposez ne sert à rien. Si par miracle cet amendement était voté, il serait censuré par le Conseil constitutionnel.

Vous êtes les meilleurs ennemis des milliardaires ! Vous dites que les dividendes sont inutiles, mais tous les petits porteurs et les détenteurs d’assurance vie savent que c’est faux. Tous ceux qui sont attachés à la souveraineté française savent que sans dividendes, nos entreprises seraient exposées. Rémunérer le capital n’est pas une insulte si cette rémunération est juste et si les détenteurs de dividendes paient leur juste contribution.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Permettez-moi de féliciter MM. Juvin et Tanguy de leur récente nomination au Conseil constitutionnel, qui m’avait échappé.

S’il est bon que toute nouvelle mesure soit soumise au Conseil constitutionnel, il serait néanmoins préférable qu’on ne suppose pas par avance quelle sera sa décision.

Percevoir des dividendes n’est certes pas un crime et il existe de petits porteurs. La question est celle de l’excès de dividendes : trop de dividendes tue le dividende ! Les excès que nous observons depuis des années en la matière ont provoqué des baisses de recettes et la situation sociale que nous connaissons. Les Françaises et les Français attendent une plus grande équité fiscale – même ceux qui votent pour vous, monsieur Tanguy.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF641 de Mme Mathilde Feld

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À l’été 2024, la famille Dassault, sixième plus grande fortune de France, requalifie sa holding familiale en holding animatrice. En d’autres termes, elle déclare du jour au lendemain que sa holding lui sert finalement à gérer les entreprises qu’elle possède. La famille Dassault s’est-elle réveillée un matin en comprenant que la holding familiale était finalement composée de biens professionnels ? Non. Elle a voulu éviter de payer l’impôt sur la fortune immobilière.

Dans certains cas, le dispositif de holding est utilisé pour des montages d’optimisation fiscale massive. Ce n’est guère surprenant puisqu’avec six pages d’exemption, l’article 3 du projet de loi de finances, qui a été largement modifié, ressemble plus à un conseil d’avocat fiscaliste qu’à autre chose.

Grâce au régime mère-fille, les ultrariches ne se versent pas les dividendes directement, ils les versent à leur holding et ne payent quasiment aucun impôt dessus. Parce que nous sommes inquiets de l’état des finances publiques, nous vous proposons de supprimer cette exonération qui permet à certains milliardaires de ne pas payer d’impôts.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement est inapplicable, puisqu’il ne tient pas compte de la directive mère-fille. Vous devriez vous faire élire au Parlement européen !

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Chers collègues LFI, vous omettez de le dire dans vos tweets mais ce matin, plusieurs niches fiscales ont été créées ou étendues grâce à l’adoption d’amendements de votre camp votés par les députés du RN. Arrêtez donc de nous faire la leçon.

Par ailleurs, chers collègues Écologistes, vous avez la mémoire courte : lors de l’examen de textes importants comme la loi sur l’immigration ou la loi Duplomb, vous nous avez vous aussi donné des cours de droit constitutionnel – et à raison d’ailleurs, puisque certaines dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Admettez donc que sur les sujets fiscaux aussi, la Constitution s’applique et que nos arguments en la matière ne valent pas moins que les vôtres.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Monsieur Tanguy, vous êtes prêt à réutiliser tous les arguments de la Macronie pour protéger les ultrariches. Vous essayez de nous faire croire que vous protégez les petits actionnaires et les détenteurs d’une assurance vie, mais l’amendement que vous venez de rejeter proposait une taxe exceptionnelle sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC40. Or je ne crois pas que les 100 milliards d’euros de dividendes qu’elles ont distribués concernaient les petits actionnaires, puisqu’on sait que 96 % vont à 1 % de la population.

Additionner les points finit par former une ligne, celle qui vous relie à la politique d’Emmanuel Macron pour la protection des riches : depuis hier, vous avez refusé de revenir sur la flat tax, d’élargir la contribution différentielle sur les hauts revenus, de modifier des niches fiscales, de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ou de créer la taxe Zucman. Je ne doute pas que vous en ferez autant concernant cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF681 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1544 de M. Paul Midy (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes tous d’accord, il faut cesser de créer des niches fiscales et d’étendre celles qui existent, puisqu’elles grèvent le budget et creusent les déficits. Elles représentent 89 milliards d’euros.

Nous vous proposons donc de revenir sur la première d’entre elles, le crédit d’impôt recherche (CIR), cette arnaque à 7 milliards d’euros qui ne bénéficie qu’à un tout petit nombre de très grandes entreprises : 10 % des bénéficiaires du CIR perçoivent 77 % du montant total ; et même cinquante entreprises en reçoivent 43 %.

Toutes les études montrent que le CIR ne favorise pas la recherche. Ainsi, Sanofi, qui a reçu 1,5 milliard d’argent public au titre de ce crédit d’impôt pendant dix ans, a sur la même période divisé par deux le nombre de ses chercheurs, vendu Doliprane et délocalisé ses activités de recherche. Il est temps de mettre un terme à cette gabegie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le CIR a probablement des imperfections, mais il a un effet d’entraînement et d’incitation réelle à la recherche pour les entreprises – et pas seulement pour les plus grandes. Avis défavorable pour la suppression brute du CIR.

L’amendement I-CF1544, lui, propose une avance de trésorerie. Les jeunes entreprises innovantes ont parfois du mal à attendre douze ou dix-huit mois qu’on leur verse le CIR pour financer un poste de chercheur par exemple. Avis favorable pour cette mesure qui ne coûterait rien au budget de l’État.

M. Gérault Verny (UDR). Nous venons d’entendre un florilège de toutes les bêtises dont vous êtes coutumiers depuis hier.

Hier, monsieur Le Coq, vous nous expliquiez qu’il était nécessaire de développer l’actionnariat salarié afin que les salariés puissent toucher des dividendes. Aujourd’hui, vous dites que les dividendes ne servent à rien. Cherchez la cohérence.

Ensuite, vous clouez au pilori la famille Dassault, sans doute la plus patriote de France, grâce à qui notre pays est quasiment le leader mondial dans le secteur de l’aviation militaire. La requalification de sa holding familiale en holding animatrice résulte du fait que l’entreprise est gérée par les mêmes personnes que cette holding. L’administration fiscale est particulièrement attentive à ce sujet et je ne vois pas en quoi cela pourrait faire débat.

Enfin, le CIR a fait ses preuves depuis de nombreuses années.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Chaque année, à l’occasion de l’examen du PLF (projet de loi de finances), tout le monde admet que le CIR pose problème, qu’il est mal défini et qu’il entraîne des excès. Pourtant, tous les ans, vous rechignez à voter le moindre amendement permettant d’en limiter les abus.

Alors que nous cherchons tous à renflouer les caisses de l’État, il est totalement irresponsable de ne pas se pencher sur le CIR, qui représente 7,7 milliards : c’est la plus grande niche fiscale.

Sachant que Sanofi a licencié 1 000 salariés, dont 400 chercheurs, alors qu’il a massivement bénéficié du CIR, les « circulez, il n’y a rien à voir » et les « nous regarderons ça plus tard » sont complètement irresponsables. Nous devons agir dans ce PLF.

S’il n’est pas supprimé, nous discuterons plus tard des amendements visant à mieux le délimiter. Il faut vraiment traiter le problème.

M. Paul Midy (EPR). J’aimerais que nous prenions un peu de recul pour rappeler pourquoi l’innovation est importante. Comment expliquer que dans notre pays, dont le nombre d’habitants est relativement stable, la richesse créée soit beaucoup plus abondante qu’il y a cent ans ? Par des gains de productivité, qui résultent uniquement de l’innovation.

Lorsque l’agriculture a été mécanisée, les paysans ont pu moissonner beaucoup plus de blé et produire beaucoup plus de richesses. De même, on transporte beaucoup plus de monde avec un bus à hydrogène qu’avec une calèche et cela coûte beaucoup moins cher.

Contrairement à la Chine, notre population n’est pas en expansion : la seule façon de créer plus de richesse, pour une meilleure éducation et une meilleure santé, c’est l’innovation et les gains de productivité. Ne supprimons pas le CIR !

Mme Christine Arrighi (EcoS). Permettez-moi de venir au secours de mes collègues de La France insoumise et de citer la fin de l’exposé sommaire de leur amendement : « Nous proposons en conséquence de mettre un terme au CIR, les moyens ainsi dégagés permettront d’amplifier considérablement la recherche publique, et pourront, sous la forme d’un nouveau dispositif, aider les TPE et les PME dans leurs efforts de découverte de technologies de rupture. »

Vous prétendez être des parangons de vertu en matière de recherche et d’innovation tandis que nous serions favorables au retour de la charrette et de la bougie. En réalité, vous refusez de revoir le CIR alors que de multiples rapports – Cour des comptes, Sénat, Assemblée nationale – ont recommandé de le réformer et de le conditionner à des mesures sociales et environnementales.

La commission rejette successivement les amendements.

M. Philippe Brun, président. Je dois vous informer que le dépôt des amendements en vue de l’examen du texte en séance publique est ouvert. Le logiciel Eloi vous permet de reprendre des amendements déjà déposés en commission en cliquant sur le bouton « redéposer », ce qui n’empêche pas de les modifier. Cela facilite leur suivi et fait économiser un temps précieux aux services. Malheureusement, sur les 1 700 amendements déjà déposés, 88 seulement l’ont été en utilisant cette fonctionnalité.

La Conférence des présidents a décidé ce matin que les amendements en vue de l’examen en séance publique pouvaient être déposés jusqu’à jeudi à neuf heures.

Présidence de M. le président Éric Coquerel

Amendements identiques I-CF1150 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1283 de Mme Constance de Pélichy

Mme Sandrine Le Feur (EPR). Avec mes collègues Constance de Pélichy et Marcellin Nadeau, nous avons travaillé à l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols. Ce travail a donné lieu à un rapport et à des préconisations pour accompagner la mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) sur les territoires, ainsi qu’à une proposition de loi.

Pour tenter de concilier l’objectif ZAN et la demande croissante de logements, je propose la création d’un crédit d’impôt fixé à 25 % des dépenses engagées pour l’amélioration du logement, qui vise spécifiquement les territoires où les besoins de réhabilitation de l’habitat sont les plus marqués. Le plafond de dépenses, fixé à 150 000 euros par logement, garantit un ciblage de l’aide sur des travaux substantiels propices à la revitalisation qualitative du patrimoine bâti.

M. Michel Castellani (LIOT). L’amendement proposé par Constance de Pélichy vise ainsi à créer un crédit d’impôt sur les dépenses engagées pour la réhabilitation et la remise sur le marché de logements vacants depuis au moins cinq ans. Le crédit serait fixé à 25 %, dans la limite de 150 000 euros, dans les territoires où les besoins en logements seraient plus marqués.

Il s’agit de répondre aux besoins de logements tout en soutenant la filière bâtiment et travaux publics, qui en a grandement besoin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable puisqu’il s’agit d’un crédit d’impôt, mais serait-il envisageable d’en estimer le coût en vue de l’examen en séance publique ?

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Ces amendements visent à conforter l’objectif ZAN. Or les groupes politiques qui les ont déposés ont soutenu le projet de loi « simplification », qui a donné lieu à un dégommage en règle du ZAN. Vous pouvez soutenir des projets de loi qui dézinguent les outils imparfaits que vous avez daigné voter pour protéger l’environnement, mais cela manque un peu de cohérence.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF105 et I-CF106 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)

M. Daniel Labaronne (EPR). Notre arsenal fiscal incite les bailleurs sociaux à investir dans la construction de logements sociaux. Certains bailleurs construisent beaucoup, d’autres très peu, voire pas du tout. Ils bénéficient pourtant tous d’un même avantage fiscal : l’exonération de l’impôt sur les sociétés, instaurée pour renforcer leurs fonds propres et les inciter à investir dans la construction.

L’amendement I-CF105 vise à supprimer cette exonération pour les bailleurs sociaux, mais en la réintroduisant grâce au I-CF106, conditionnée à des engagements en matière de construction.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je salue ces amendements disruptifs, mais l’amendement I-CF105 aurait un effet trop vigoureux, ne correspondant probablement pas aux plans d’investissement des bailleurs sociaux. J’y suis donc défavorable.

En revanche, l’amendement I-CF106 me paraît tout à fait vertueux : la raison d’être des bailleurs sociaux est de construire pour le bien public. Avis favorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous êtes prêts à imposer des conditions aux bailleurs sociaux, mais pas à voter nos amendements visant à conditionner les aides aux entreprises.

La crise du logement social – 2,8 millions de ménages sont en attente d’un logement – et le manque de constructions résultent de la diminution constante des moyens donnés aux bailleurs sociaux. Ces derniers ne refusent pas de construire, mais subissent la crise du modèle. Le dispositif que vous proposez ne la réglerait en rien, mais contribuerait à mettre en difficulté les bailleurs sociaux, qui ne sont pas responsables de la situation dans laquelle l’État les a placés.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je suis également opposé à cet amendement visant à créer une contrainte supplémentaire pour les bailleurs sociaux. L’État a prélevé énormément d’argent dans les poches de ces derniers, notamment des fonds propres, affaiblissant le secteur du logement social. Favoriser l’accession sociale à la propriété pour permettre aux bailleurs sociaux de reconstituer leurs fonds propres est une bonne idée, mais ne les obligeons pas à faire des choses qu’ils n’ont plus les moyens de faire à cause de l’État.

M. Daniel Labaronne (EPR). Certains bailleurs sociaux ne construisent pas, alors qu’ils encaissent des loyers et dégagent des bénéfices, tout en étant exonérés de l’impôt sur les sociétés. Vous trouvez cela normal, moi pas.

Nous devons encourager les bailleurs sociaux qui prennent des risques et construisent des logements sociaux, alors que la demande est très forte. L’économie est la science des incitations : de ce point de vue, exonérer de l’impôt sur les sociétés ceux qui construisent des logements me semble être juste et incitatif.

L’amendement I-CF105 étant retiré, la commission rejette l’amendement I-CF106.

Amendement I-CF468 de M. Éric Coquerel

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je sais que nous sommes tous attachés à ce que chacune et chacun paie sa juste part d’impôt. J’imagine donc que taxer les multinationales à la hauteur des bénéfices réalisés en France fera consensus.

Le gouvernement a décidé de s’attaquer à la fraude fiscale – c’est ce qui est affiché dans ce PLF. Mais personne ne croit sérieusement qu’il récupérera 1,5 milliard avec les dispositifs actuels : en 2024, après la suppression de 30 000 emplois à la direction générale des finances publiques, les recettes de la lutte contre la fraude fiscale n’ont progressé que de 200 millions.

Je vous propose de régler définitivement le problème en taxant la part des bénéfices réalisés en France par les multinationales. D’après une étude du Cepii (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), cette part représente un manque à gagner de 36 milliards par an. L’économiste Gabriel Zucman, que vous connaissez bien désormais, estime que 40 % des profits des multinationales sont délocalisés. Il est donc grand temps de faire payer correctement l’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement est contraire à l’accord prévoyant un impôt effectif minimal de 15 % conclu dans le cadre de l’OCDE en 2021 et transposé par la directive du 14 décembre 2022. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement, adopté l’an dernier en séance publique, est particulièrement vertueux. Lors des travaux de la mission d’information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, nous nous sommes aperçus, avec Jean-René Cazeneuve, que le différentiel est moins entre les PME et les grandes entreprises implantées en France qu’entre les entreprises françaises et les multinationales, qui, en jouant sur les prix de transfert, peuvent délocaliser une partie de leurs profits dans des pays à fiscalité privilégiée. C’est apparu de manière très nette, claire et incontestable.

Il faut donc rectifier un tant soit peu ce système par un calcul au prorata de l’activité de la multinationale réalisée en France. D’après les calculs, ce rééquilibrage de l’impôt payé par les multinationales rapporterait 26 milliards d’euros au Trésor.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Sans contredire vos propos sur les conclusions de notre rapport, j’observe que l’amendement comporte deux écueils.

Le premier est que changer les règles qui s’appliquent aux autres leur fera changer les règles qu’ils nous appliquent. Je ne suis pas certain que nous en sortions gagnants. Il y a au sein de l’OCDE des accords. Il ne faut pas imaginer que nous sommes plus malins que les autres ni qu’ils accepteront un écart de rendement de notre fiscalité.

Le second est que les entreprises françaises dont l’activité est très internationale, telles que LVMH, sont imposées très au-delà de ce que pèse leur chiffre d’affaires en France. Pour elles, cet amendement aurait pour effet de réduire l’impôt qu’elles paient en France.

M. Gérault Verny (UDR). L’entreprise LVMH verse en France un impôt sur les sociétés (IS) élevé par rapport au chiffre d’affaires qu’elle réalise sur le territoire national. J’aurais aimé que cet amendement soit beaucoup plus ciblé sur les Gafam, qui échappent de manière massive à l’impôt eu égard à leur activité économique. Il met dans le même panier des sociétés qui contribuent de manière vertueuse et importante au budget de l’État et des entreprises qui cherchent à contourner massivement l’impôt.

M. le président Éric Coquerel. Au contraire. Une société multinationale payant un IS significatif en France, proportionnel au chiffre d’affaires réalisé dans le pays, ne sera pas concernée par cet impôt. Il touchera les entreprises ayant une forte disparité entre le chiffre d’affaires réalisé dans le pays et les profits déclarés Il n’y a pas que les Gafam qui procèdent ainsi, et nous avons peu d’armes pour lutter.

Quant aux accords internationaux, les États-Unis ont dénoncé celui prévoyant un impôt effectif minimal de 15 %. Longtemps, on nous a opposé cet accord ; le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est très fragilisé. Il est temps de prendre des décisions unilatérales.

M. Gérault Verny (UDR). TotalEnergies, entreprise française, paie en France un IS très faible par rapport à son chiffre d’affaires, car elle n’y réalise pas de bénéfices. Elle entrerait dans le cadre de cet impôt.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous avions abordé le sujet dans le cadre de la mission d’information relative à l’impôt universel. L’amendement ignore les conventions fiscales internationales, qui reposent sur deux principes : la localisation et l’absence de double imposition, grâce à des mécanismes de compensation. Il est intéressant mais pas opérant. Revoir les quelque 120 conventions internationales – dès lors que nous créons un déséquilibre – est mission impossible. Avec un amendement comme celui-là, on se fait plaisir, c’est tout.

M. le président Éric Coquerel. Les pays à fiscalité très privilégiée ne sont pas si nombreux.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement, il faut le prendre comme une réflexion sur la façon dont les grandes entreprises internationales peuvent être fiscalisées. Les prix de transfert, que mentionne l’exposé des motifs, sont contrôlés par l’administration.

Quand nous avons demandé à TotalEnergies comment ils sont fixés, ils nous ont répondu que c’était très simple : c’est le prix de marché du jour. Au cours des quinze dernières années, TotalEnergies n’a pas gagné d’argent en France mais en a gagné beaucoup dans les pays d’extraction, lesquels ont fortement augmenté les taux d’imposition – allant jusqu’à 75 % pour récupérer la rente d’extraction, ce qui est tout à fait légitime.

L’amendement soulève un problème de fond, mais l’approche adoptée n’est pas la bonne. De surcroît, on ne pourra avancer qu’en obtenant un accord à l’échelle au moins de l’Union européenne – idéalement à celle du monde, mais ne rêvons pas.

M. le président Éric Coquerel. Pour cela, il faudrait une Union européenne où la fiscalité soit harmonisée, ce qui n’est même pas prévu dans les traités – c’est bien le problème.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF290 de Mme Clémentine Autain

Mme Christine Arrighi (EcoS). La fraude fiscale et les paradis fiscaux ruinent les piliers de nos démocraties, à tel point que nous nous retrouvons dans la situation actuelle, aggravée par la politique de l’offre menée depuis huit ans. 40 % des bénéfices des multinationales sont délocalisés dans des paradis fiscaux. Et ne me répondez pas que la direction générale des finances publiques va y travailler : vous l’avez épuisée ! Vous y avez supprimé tellement d’emplois qu’elle ne sait plus où donner de la tête.

Dans les années 1970, il avait été dit qu’il faudrait une imposition mondiale des entreprises. Vos prédécesseurs disaient que ce n’était pas possible : si, cela a été possible ! Il y a eu une petite avancée en 2021, avec l’accord de l’OCDE. Si nous avions été au pouvoir, cela aurait été beaucoup plus, depuis plus longtemps. Nous proposons d’aller plus loin en taxant le déficit fiscal mondial des entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une telle disposition est contraire au droit international, et à la directive européenne du 14 décembre 2022. Passer des 15 % de l’accord de l’OCDE à 25 % provoquerait par ailleurs des représailles de nos partenaires, qui n’accepteraient pas que leurs entreprises soient doublement imposées et feraient subir la même chose aux sociétés françaises. L’amendement est non seulement inopérant mais potentiellement source de désordre du commerce international. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Dans ce débat, il faut quand même comprendre qu’agir seuls, c’est affaiblir notre pays. On peut être pour ou contre, mais le fait est qu’il y a une concurrence fiscale à l’échelle mondiale.

Madame Arrighi, vous parlez de l’accord de l’OCDE comme d’une petite avancée. Je rappelle, pour être complet, qu’il faut plusieurs années pour négocier de tels accords et les faire aboutir, avec des dizaines de pays autour de la table.

Il aurait aussi été honnête de votre part de rappeler que la France a pris une part substantielle à sa conclusion. Le ministre des finances de l’époque, Bruno Le Maire, a joué un rôle absolument crucial, pendant plusieurs années, pour aboutir à cet accord qu’il a porté à bout de bras. En matière de taxation internationale, il nous arrive de faire des choses conformes à certaines de vos idées.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur Sitzenstuhl, vous apportez de l’eau à mon moulin. Malgré les accords internationaux, le régime mère-fille et autres conventions, vous y êtes arrivé en 2021 ? Ce que nous proposons est encore mieux, et nous le ferons.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous ne pouvons pas nous asseoir sur les accords internationaux. Le Conseil d’État et la Cour de cassation vous feraient savoir que l’amendement est contraire à la Constitution, qui dispose que les accords internationaux priment sur le droit interne, et serait laissé inappliqué.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF824 de M. Nicolas Sansu

M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement porte sur le même sujet, qui est très sérieux : nous ne cherchons pas à nous faire plaisir.

Lorsque je siégeais au Parlement européen, la plupart des eurodéputés français avaient travaillé, de façon transpartisane, à répondre à un problème structurel : comment taxer les bénéfices là où l’activité économique réelle est exercée ? Amazon, Google, mais aussi des entreprises telles que Mcdonald’s, localisent artificiellement leurs profits dans des paradis fiscaux. Résultat : des dizaines de milliards de pertes de recettes fiscales pour la France.

Nous proposons de faire en sorte que, si une entreprise réalise 10 % de son chiffre d’affaires mondial en France, alors 10 % de ses bénéfices mondiaux y sont imposés au taux en vigueur. Je ne comprends pas l’opposition de nos collègues, dans la mesure où, souvent, la France a pris l’initiative avant les autres. L’exemple de la taxe Gafam, que votre président de groupe, M. Attal, a défendue même si elle a été largement contestée en Europe, devrait vous convaincre. Notre rôle est de montrer la voie singulière de la France, qui en général arrive à convaincre les autres pays européens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement vise à imposer les multinationales en France non pas sur le bénéfice réalisé dans le pays mais sur un ratio par rapport aux bénéfices mondiaux.

Le dispositif proposé est contraire au droit international et au droit de l’Union européenne. L’amendement provoquerait de nombreux contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et le juge national. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur Maurel, en quoi votre amendement se distingue-t-il de l’amendement I-CF428 du président Coquerel ? Est-il identique à celui proposé par le rapport d’information sur la lutte contre les paradis fiscaux de MM. Bocquet et Dupont-Aignan ?

M. Emmanuel Maurel (GDR). Mon amendement se distingue de l’amendement I-CF428 par le seuil d’imposition. Quant à l’amendement Bocquet, nous l’avons déposé l’an dernier et il a été voté, notamment avec vos voix.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF428 de M. Éric Coquerel

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons d’inclure dans le régime des sociétés étrangères contrôlées les filiales établies dans un État membre de l’Union européenne. Nous visons l’alinéa 2 de l’article 209 B du code général des impôts, qui prévoit une forme d’exception européenne à la règle.

Si une filiale d’un groupe français est implantée dans un pays à fiscalité plus avantageuse, elle doit théoriquement payer ses impôts en France, sauf si ce pays est membre de l’Union européenne. En permettant de mettre à profit les différentiels de fiscalité entre États membres de l’Union européenne, cette disposition encourage une course infernale vers le bas au sein de l’Union et un dumping fiscal tout à fait délétère, notamment pour nos finances publiques. Nous proposons de supprimer cette anomalie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La CJUE précise, dans un arrêt de 2006, que le droit primaire de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre impose des bénéfices réalisés par une filiale située dans un autre territoire, à moins qu’il s’agisse de montages purement artificiels. Avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Je me demande s’il n’y aurait pas un contresens sur le II de l’article 209 B du code général des impôts. Ce dernier dispose : « Les dispositions du I ne sont pas applicables si l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne [et] si l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entité juridique par la personne morale passible de l’impôt sur les sociétés ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ».

Vous y voyez, d’après l’exposé sommaire, une incitation à échapper à un montage artificiel mais il me semble que cet article vise plutôt à exclure tout montage artificiel.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Tel qu’il est rédigé, je comprends le II de l’article 209 B comme une présomption qu’il ne s’agit pas d’un montage artificiel. Or tel est parfois le cas. Cette espèce de présomption d’innocence empêche de rapatrier et de fiscaliser des bénéfices réalisés par les filiales d’un groupe français dans des pays à fiscalité avantageuse.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous dites l’un et l’autre la même chose et en tirez des conclusions distinctes. Le droit de l’Union prévoit qu’un État membre ne peut pas imposer les bénéfices réalisés par une filiale située dans un autre territoire, sauf si ce dernier est manifestement ce qu’on appelle un paradis fiscal. Dans ce cas, l’arrêt du 12 septembre 2006 Cadbury Schweppes a confirmé l’exclusion de principe de la double imposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF755 de M. Aurélien Le Coq, I-CF595 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF1105 de M. Philippe Brun et I-CF596 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune)

M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer une niche fiscale particulièrement avantageuse : la niche tonnage pour le transport maritime. Elle n’a qu’une seule fonction, soustraire à l’impôt les grandes entreprises maritimes, et elle est particulièrement bien faite : au lieu de payer l’impôt sur les sociétés, les grandes entreprises maritimes paient une taxe de 24 centimes très exactement sur chaque tonne de marchandises convoyée. Pour les finances publiques, cela représente près de 6 milliards en moins par an.

Le quasi unique bénéficiaire de cette niche fiscale, c’est CMA-CGM. Au titre de cette taxe, CMA-CGM a payé 180 millions en 2023. Assujettie à l’impôt sur les sociétés, elle aurait payé plusieurs milliards. Et le groupe a réalisé 14 milliards de bénéfice net en 2024 ! Vous mettrez cela en rapport avec les horreurs contenues dans le PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année, comme le gel des retraites et les attaques contre les malades atteints de maladies chroniques, et vous comprendrez que cette niche fiscale est particulièrement choquante.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Illustration supplémentaire : dès qu’on parle de fiscalité, vous êtes dans l’excès ! Vous vous débrouillez pour qu’on ne puisse pas voter vos amendements. Vous n’êtes pas à la recherche d’un compromis mais de la provocation.

Nous avons absolument besoin d’avoir un champion mondial en France et nous sommes très heureux d’en avoir un. La France n’est pas une île, c’est le cas de le dire : la fiscalité qui s’applique à CMA-CGM doit donc être identique à celle qui s’applique aux autres acteurs du marché dans tous les pays du monde. Sinon, cet acteur pourrait être tenté de changer de port.

L’amendement I-CF596, de faible rapport mais de bon sens, vise à indexer la taxation au tonnage sur l’inflation. Le I-CF595 vise à plafonner la niche – car, à partir d’un certain niveau de profitabilité, on peut s’interroger sur sa pertinence. Il propose donc qu’au-delà de 20 % de bénéfice net, ce soit l’IS qui s’applique sur le bénéfice supplémentaire.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement I-CF1105 en reprend un adopté l’an dernier, en commission et dans l’hémicycle, visant à encadrer la « niche armateur ». La taxe au tonnage est un régime européen, qui n’est pas issu d’une directive mais qui est appliqué de façon symétrique par de nombreux pays. Son coût dérape.

Ce que nous souhaitons, c’est la réserver aux petits armateurs, en en limitant le bénéfice à 500 millions de réduction d’impôt : au-delà, on passerait au régime normal de taxation, ce qui ne concernerait que l’acteur majeur qu’est CMA-CGM. Si cette mesure avait été appliquée de 2022 à 2025, le rendement de l’impôt sur les sociétés aurait été supérieur de 10,4 milliards à ce qu’il a été, sans supprimer la niche armateur pour les autres.

Par ailleurs, le seuil de 20 % proposé par Jean-René Cazeneuve n’est pas suffisant. L’an dernier, la niche fiscale a coûté 1,4 milliard. CMA-CGM a réalisé un chiffre d’affaires de 55 milliards et un résultat de 5 milliards, soit moins de 10 %.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est un marronnier qui revient chaque année. La taxe au tonnage est appliquée dans la plupart des pays maritimes du monde – 90 % de la flotte mondiale est couverte par un régime similaire. Elle a largement rempli son rôle en matière de défense de la compétitivité des armateurs européens, qui sont trois – l‘Italo-Suisse, le Danois et le Français – parmi les quatre premiers armateurs mondiaux.

Hors crise, ce dispositif coûtait de 50 à 200 millions par an. Il est vrai – c’est tout le sujet de notre débat – que son coût a explosé de 2020 à 2023. Toutefois, je mets en garde contre sa remise en cause totale ou partielle, qui nous exposerait à un danger immédiat : la disparition pure et simple de l’assiette. Rien ne ressemble plus à un port européen qu’un autre port européen.

Je suis donc très défavorable aux quatre amendements, d’autant que l’entreprise française dont nous parlons a été soumise à une contribution exceptionnelle cette année. Décidons de contributions exceptionnelles si nous les jugeons nécessaires, mais ayons conscience que remettre en cause la fiscalité de façon générale nous expose à la disparition pure et simple de cette activité industrielle. Les Chinois qui ont racheté le port du Pirée rêvent d’y voir arriver un grand armateur qui le ferait bien vivre ! Il faut être très prudent.

M. Didier Le Gac (EPR). Je rappelle, comme nous le faisons chaque année, que la taxe au tonnage n’est pas une niche fiscale mais un régime d’imposition. Elle est moins encore un régime fiscal franco-français, mais un régime d’imposition qui s’impose à 86 % de la flotte mondiale, et au sein de l’Union européenne à vingt-trois pays.

Supprimer la taxe au tonnage en France, c’est faire disparaître purement et simplement la marine marchande française : plus la peine de former des marins à l’École nationale supérieure maritime ni des matelots ! À terme, 80 000 emplois directs ou indirects sont concernés.

90 % des marchandises dans le monde passent par la mer, 70 % des importations et exportations françaises passent par la mer : si demain nous n’avons plus de puissance maritime, c’est la souveraineté du pays qui s’en va. De plus, il n’y a pas pire moment pour taxer la marine marchande, qui réalise, pour faire face à la transition énergétique, des investissements de l’ordre de 3 à 5 milliards par an jusqu’en 2050.

L’introduction du seuil de 20 % proposé par Jean-René Cazeneuve ouvre une brèche dans le dispositif. Je n’y suis pas favorable. En revanche, indexer la taxe sur l’inflation me semble être une bonne solution, dans la mesure où elle n’a pas été révisée depuis 2003.

En tout état de cause, le pavillon français est très fragile. Certes, il sort la tête de l’eau, ce qui est pour nous une fierté ; mais la fin de la taxe au tonnage, c’est la fin de la marine marchande française.

M. Matthias Renault (RN). Il faut veiller à défendre le pavillon français dans un univers très concurrentiel et alors qu’il est très facile de changer de pavillon – cela prend moins de vingt-quatre heures.

Cette activité exige des investissements colossaux – d’autres sont d’ailleurs prévus pour la décarbonation. Par ailleurs, elle est cyclique. Les bénéfices ont été très importants en 2023 et en 2024, ce qui a justifié l’adoption d’une contribution exceptionnelle l’année dernière. Mais pour 2026, c’est un déficit qui est prévu. Dans ce cas, la taxe au tonnage, contrairement au régime de l’impôt sur les sociétés, permet de maintenir des rentrées fiscales.

Nous sommes donc défavorables à la remise en cause de cette taxation particulière, d’autant qu’elle est appliquée quasiment partout dans le monde. Nous sommes en revanche favorables à l’amendement I-CF395 de M. Cazeneuve, parce que les bénéfices de certaines années sont exceptionnels.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Au lendemain de la crise du covid, notre commission a mené un cycle d’auditions sur l’optimisation fiscale de certains grands groupes. J’avais des idées préconçues, nées des amendements récurrents dénonçant les prétendus avantages procurés par la taxe au tonnage. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que l’entreprise CMA-CGM, qui est un fleuron français, n’était pas coupable d’abus de droit fiscal ! La taxe au tonnage est une vraie taxe, imposée dans tous les pays européens. Cette entreprise peut à tout moment décider de délocaliser son siège social hors de France. Il faut être très prudent : il y a de l’emploi et de l’enjeu économique là-dedans. La taxe au tonnage compense largement ce que vous pouvez imaginer.

M. Philippe Brun (SOC). Notre collègue Le Gac dit que la taxe au tonnage n’est pas une niche fiscale : elle l’est au sens de la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, puisqu’elle figure à ce titre, avec son évaluation, dans l’annexe Voies et moyens du projet de loi de finances. Comment justifier en effet que le boulanger acquitte l’impôt sur les sociétés au taux de 25 % et que CMA-CGM l’acquitte au taux de 0,2 % ?

Nous ne proposons pas de supprimer cette niche, qui est un outil de compétitivité, notamment pour les petits amateurs. Nous souhaitons que, en cas d’année exceptionnelle, l’impôt sur les sociétés s’applique au-delà d’un avantage fiscal de 500 millions, ce qui est quand même gigantesque. Cela permet, monsieur Renault, d’appliquer la taxe au tonnage dans les mauvaises années et même dans les années moyennes.

L’année dernière, lorsque je défendais cette mesure, qui a été adoptée, je m’entendais répondre que l’année 2024 allait être très mauvaise. Elle a été excellente. Ne soyons pas dupes du discours de lobbying, qui est puissant, et attelons-nous à rendre plus juste notre système fiscal.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Chaque année, quelle que soit la situation économique, nous entendons la même chose. Dans le cadre de la mission flash sur la taxation des superprofits, nous avions auditionné – plusieurs d’entre vous y étaient – Rodolphe Saadé, qui ne niait pas en avoir réalisé et assurait qu’il s’acquitterait de leur éventuelle taxation.

Mais chaque année, vous recyclez vos arguments en disant que ce n’est pas le bon moment. Cela vous fait perdre toute crédibilité. Nos amendements ne proposent de passer à une autre taxation qu’au-dessus d’un certain seuil, ce qui préserve la taxe au tonnage les mauvaises années. Vous n’êtes décidément pas crédibles, ni pour ce qui est de ce dispositif, ni pour ce qui est de la bonne gestion des finances publiques.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous soutenons cet amendement, déjà adopté l’an dernier. Il ne s’agit pas de mettre en cause la taxe au tonnage, ce qui mettrait en difficulté les petits armateurs. Simplement, le fait est que notre très gros champion fait des bénéfices records.

Notre groupe proposera un amendement après l’article 12 visant à reconduire la contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime.

Au-delà de cela, les bénéfices préservés par la taxe au tonnage doivent-ils être réinvestis pour acheter RMC, BFMTV et le média Brut ? Pour la décarbonation, cela pourrait s’entendre, mais pas pour grossir dans le monde des médias – et l’on sait très bien à qui cela peut servir.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ces amendements ne vont pas dans le bon sens. Je vous rappelle que la taxe au tonnage est un impôt de production – elle est due, même en l’absence de bénéfices. La remontée des dividendes de CMA-CGM dans des holdings pose question, dans la mesure où celles-ci ont vocation à acheter d’autres biens que ceux pour lesquels cette taxe a été instaurée. S’il faut maintenir la taxe au tonnage – elle est un élément concurrentiel très important pour l’entreprise CMA-CGM –, il faut s’interroger sur l’utilisation des profits qui en résultent.

M. Gérault Verny (UDR). Nous défendons la taxe au tonnage : nous ne pouvons nous permettre de jouer solo dans un système de taxation mondial. Il suffirait en effet à un armateur, qui peut très facilement délocaliser son activité, de changer de pavillon.

Par ailleurs, je nous invite à avoir un raisonnement clair sur la liberté d’entreprendre. Il revient à CMA-CGM de décider de la façon d’investir ses bénéfices : si les investissements sont profitables, le groupe continuera de croître ; dans le cas contraire, il modifiera ses investissements. Faisons confiance aux entrepreneurs, qui créent de la valeur : CMA-CGM nous a déjà démontré ses capacités sur ce point.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF669 de M. Éric Coquerel

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise à instaurer une véritable taxe Gafam, dans la mesure où celle créée par Bruno Le Maire, en 2019, est en partie défaillante. En effet, elle ne permet de récolter que de faibles montants. Elle n’enraye pas non plus la situation de quasi-monopole – voire de monopole – des grandes sociétés du numérique, notamment américaines : le pouvoir de marché qui leur est ainsi conféré leur permet de répercuter la taxe sur les prix.

De plus, cela nous place dans une situation de dépendance, ce qui est un véritable danger pour notre souveraineté. Nous proposons un mécanisme, inspiré du groupe CRCE au Sénat, pour aller beaucoup plus loin en matière de taxation des Gafam et de lutte contre les évitements fiscaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Il est inopérant de vouloir consacrer l’établissement stable virtuel en droit national si l’on ne renégocie pas les conventions fiscales internationales avec nos partenaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF469 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer la niche Copé, dont le coût est évalué à 10 milliards d’euros – sur un total de 89 milliards pour l’ensemble des niches. Cette exonération colossale profite avant tout aux holdings patrimoniales et aux grandes fortunes qui les détiennent. Elle favorise les opérations de rachat avec effet de levier, pour des entreprises dont la seule activité est d’emprunter pour spéculer sur les marchés financiers. Ces opérations spéculatives ne profitent en rien à l’économie réelle, et participent au renforcement d’un capitalisme rapace, tourné vers la rentabilité à court terme pour satisfaire les actionnaires d’un jour.

Cette niche fiscale permet notamment aux entreprises de ne s’acquitter de l’impôt sur les sociétés (IS) qu’à hauteur de 12 % sur les plus-values réalisées lors de la revente de parts de sociétés dont elles détiennent plus de 5 % des parts depuis plus de deux ans.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF483 de M. François Ruffin, I-CF622 de Mme Claire Lejeune, I-CF823 de M. Nicolas Sansu et I-CF484 de M. François Ruffin (discussion commune)

M. François Ruffin (EcoS). Le magazine Challenges a révélé que Bernard Arnault a touché, l’an dernier, 3,1 milliards d’euros de dividendes, ces chiffres s’élevant respectivement à 1,8 milliard et 1,3 milliard d’euros pour les patrons d’Hermès et de L’Oréal. « Difficile à croire, mais ces grandes fortunes ne vont pas payer 1 euro d’impôt sur leurs milliards de dividendes » indique le magazine. Cela est rendu possible par les sociétés écrans ou holdings. Alors que les États-Unis taxent, depuis 1934, les holdings à hauteur de 20 %, nous ne le faisons pas, en raison de l’existence de deux régimes – le régime mère-fille et la niche Copé. Il faut y mettre un terme, pour que les milliardaires ne soient plus taxés qu’à hauteur de 2 % de leurs revenus au maximum.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement I-CF622 vise à augmenter à un taux plancher de 50 % les trois taux actuels de la quote-part pour frais et charges (QPFC). Selon le rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine de MM. Mattei et Sansu, les distributions de dividendes ne sont actuellement taxées qu’à 1,25 %, en raison de dispositifs fiscaux très avantageux – la niche Copé et le régime mère-fille. Or la distribution de dividendes explose – 98 milliards d’euros en 2025 –, ces régimes fiscaux extrêmement avantageux contribuant à la dynamique de concentration du capital – exponentielle sous les années Macron – dans la main des plus riches. La situation économique dramatique que nous vivons justifie grandement de fiscaliser la distribution des dividendes.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF823 vise également à augmenter la quote-part pour frais et charges, dans le cadre des remontées de dividendes vers des sociétés holdings du même groupe. Les entreprises françaises ont distribué 70 milliards d’euros de dividendes et 30 milliards d’euros sous forme de rachat d’actions – nous sommes les champions européens en ce domaine. Le régime mère-fille permet d’exonérer 95 % des dividendes, pour un coût annuel estimé entre 20 et 30 milliards d’euros et 50 000 entreprises bénéficiaires.

Le mécanisme est le suivant : une accumulation de liquidités et des revenus non distribués – donc non soumis à la flat tax – ouvrent la voie à un report d’imposition via la capitalisation intra-groupe. En France, ce type de dispositif consiste à taxer seulement 5 % du capital détenu à un taux de 25 %, soit une taxation globale effective de 1,25 % – contre 20 % aux États-Unis : l’augmenter ne serait pas du luxe.

M. François Ruffin (EcoS). Le Luxembourg a également mis en place un impôt sur la fortune des holdings. L’amendement I-CF484, de repli, se concentre sur la niche Copé, dont le coût est d’au moins 7 milliards d’euros chaque année. Il vise à relever la QPFC applicable aux plus-values à 100 %, pour simplement leur appliquer le taux normal d’IS – les sociétés qui le paient sont bien plus taxées que les holdings de Bernard Arnault, Hermès ou L’Oréal.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dispositions sont contraires au droit européen, en l’espèce à la directive mère-fille. Avis défavorable.

M. François Ruffin (EcoS). Au regard des dizaines de milliards d’euros en jeu, cela vaudrait la peine d’essayer. Si les 3 milliards d’euros gagnés par Bernard Arnault l’année dernière étaient imposés selon le régime de la flat tax – que nous voulons augmenter –, nous aurions pu gratter 1 milliard d’euros, ce qui est considérable. Un rapporteur général est censé relever les injustices et se bagarrer pour changer aussi le régime mère-fille au niveau européen. Par ailleurs, rien ne nous empêche d’en finir avec la niche Copé.

M. Gérault Verny (UDR). Vous avez, monsieur Ruffin, cité trois entreprises qui réalisent l’extrême majorité de leurs bénéfices à l’étranger. Plus généralement, LVMH a rapporté au budget de l’État 5 milliards d’euros d’IS l’année dernière. Plutôt que de faire les poches de cette entreprise – son activité économique permet de générer la moitié du budget du ministère de la justice –, efforçons-nous de créer les conditions pour avoir d’autres entreprises comme LVMH, Hermès ou L’Oréal, qui créent de la richesse et paient des impôts en France. Plutôt que de les assécher et les rendre sous-performantes, créons cet écosystème.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. D’un point de vue juridique, la directive mère-fille empêche la mise en œuvre de ces amendements – au demeurant intéressants, puisque sources de recettes fiscales. Nous devons respecter le droit européen : le combat doit se mener à Bruxelles, au Parlement et au Conseil.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF785 de Mme Marianne Maximi, I-CF825 de M. Nicolas Sansu, I-CF803 de M. Éric Coquerel et I-CF806 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Je présenterai les amendements I-CF785, I-CF803 et I-CF806. Le premier vise à rendre l’impôt sur les sociétés plus équitable et plus progressif – que les gros paient gros et les petits, petit. Je m’interroge : quelle solution propose le bloc présidentiel pour augmenter la justice fiscale pour les petites entreprises, qui semblent n’être qu’un totem que vous brandissez pour vous opposer à nos amendements ? Je le redis, elles paient, proportionnellement, plus d’impôts que les multinationales, ce qui devrait vous scandaliser : 14 % d’impôt en moyenne pour les grandes entreprises, contre 21 % pour les plus petites.

Le deuxième vise à moduler le taux d’IS en fonction de l’allocation faite des bénéfices entre dividendes et conservation en trésorerie.

Le troisième est de repli. Il propose de revenir à l’IS tel qu’il existait avant 2017 et la victoire de votre camp, qui a contribué à creuser le déficit sans créer de rentrées fiscales.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF825 vise également à rendre l’IS plus progressif. Le résultat net moyen des entreprises françaises qui le paient s’élève à environ 22 000 euros. Les TPE-PME – les très petites, petites et moyennes entreprises – seraient les bénéficiaires de ce dispositif, seules les grandes entreprises réalisant des bénéfices au-delà de 152 480 euros étant taxées à partir de 33 %, comme elles l’étaient auparavant. De plus, avec toutes les niches fiscales permettant d’échapper à l’impôt, le taux nominal de 25 % se traduit par un taux réel inférieur à 2 points du PIB, bien en deçà de la moyenne de l’OCDE.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF785, qui vise à rendre les taux d’IS progressifs, est intéressant, malgré un dispositif très compliqué. Toutefois, l’impôt est calculé en appliquant 10 % pour la fraction du bénéfice imposable supérieure à 15 000 euros et inférieure ou égale à 20 000 euros. Or, les petites entreprises étant actuellement sujettes à un taux de 15 %, les seules gagnantes seraient celles ayant un bénéfice imposable inférieur à 20 000 euros. Je ne suis donc pas certain que cette mesure favorise autant les petites entreprises que ce que vous annoncez. Vous vous demandez comment aider les petites entreprises : la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), afin d’aider 20 000 PME, en est un exemple.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Les propos sur l’imposition des entreprises en France sont difficiles à entendre. Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour savoir qu’en termes de prélèvement et d’imposition sur les sociétés, nous sommes les champions d’Europe : discutez-en avec l’entrepreneur d’une TPE.

M. Sansu a fait référence aux grandes entreprises qui font un bénéfice imposable de 152 480 euros : celles-là ne sont pas de grandes entreprises, monsieur.

J’ai relu quatre fois ces amendements et je n’ai pas tout compris : n’avez-vous pas trouvé meilleures usines à gaz ? En matière de complexité fiscale, ce sont des chefs-d’œuvre ! Je pensais que nous avions la volonté commune de simplifier l’enfer que vivent nos entrepreneurs.

M. François Ruffin (EcoS). L’impôt sur les sociétés est actuellement régressif, avec un taux réel de 21 % pour les PME, 17,8 % pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 14 % pour les grandes entreprises. La justice fiscale implique de faire payer les gros plus gros, et les petits, plus petit.

Je reviens sur les propos qui ont été tenus sur LVMH et Bernard Arnault : lorsque l’on donne 1 million d’euros aux PME, cela crée environ 13 emplois ; lorsque l’on donne la même somme aux grands groupes, cela crée 0,6 emploi. Le rapport est de 1 à 20. Il est donc bien plus productif de concentrer l’argent public sur les TPE et les PME ; de plus, cela nous assure d’avoir des champions demain.

M. le président Éric Coquerel. Mme Grégoire, en matière d’imposition, répéter des choses qui ne sont pas vraies n’en fait pas une vérité. Je le redis, selon les statistiques de l’OCDE, nous sommes, en 2022, à la trente-cinquième place au regard du taux d’imposition effectif moyen des sociétés – et, en 2023, à la quarante-sixième place au regard du taux légal de l’IS.

M. Paul Midy (EPR). Ce que vous dites est exact, monsieur le président, si l’on ne regarde qu’un seul impôt, l’impôt sur les sociétés. Mais un entrepreneur qui lance son entreprise paie des dizaines d’impôts ! L’écart des impôts de production entre la France et l’Allemagne représente 20 milliards d’euros. Nous sommes les champions du monde en termes de coût du travail.

M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas le coût du travail, mais le prix du travail. Quant au coût du capital, il est très cher dans ce pays, au regard des 200 milliards d’euros que nous donnons aux entreprises. Non, nous ne sommes pas les champions du monde du coût du travail en France.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF663 de Mme Claire Lejeune

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Vous proposez d’imposer les brevets, certificats d’obtention végétale, logiciels et procédés de fabrication industrielle au taux normal de l’IS de 25 %, contre 10 % aujourd’hui. Or l’innovation commence par le brevet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF852 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise à majorer l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui ne respectent pas le quota de 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration ou de surveillance, comme le prévoit la loi depuis une quinzaine d’années. Il existe en effet des écarts significatifs entre la réalité de la composition des conseils d’administration – les chiffres sont parfois difficiles à obtenir – et les exigences de cette loi.

J’ajoute par ailleurs que c’est l’arbre qui cache la forêt : il ne suffit pas d’assurer la représentativité des femmes dans les plus hautes instances des grandes entreprises pour apporter une réelle solution à la situation des femmes sur le marché du travail – en grande majorité des travailleuses précaires et pauvres, à temps partiel.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Si l’index de l’égalité professionnelle est une bonne chose, le non-respect des manquements ne doit pas être sanctionné via l’IS, qui n’a rien à voir avec ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1086 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à baisser l’impôt sur les sociétés des PME, aussi j’espère qu’il recueillera un avis favorable de la totalité des groupes. Le taux réduit – 15 % – n’a pas été modifié lorsque le taux normal est passé de 33 % à 25 %. Afin de remédier à une inégalité flagrante – le taux apparent d’imposition sur les sociétés est plus élevé pour les PME que pour les grands groupes –, nous proposons d’augmenter son plafond.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre proposition – rehausser à 100 000 euros l’assiette du bénéfice ouvrant droit au taux réduit d’IS – est intéressante, puisqu’elle fera mécaniquement augmenter le nombre de PME au taux réduit et leur facilitera la vie. Je suis toutefois incapable d’évaluer le coût de ce dispositif pour le budget de l’État. J’invite M. Brun à le redéposer en séance, après en avoir évalué – même grossièrement – le coût. Avis défavorable, avec grand regret.

Pierre Cazeneuve (EPR). Je partage l’avis du rapporteur général : cette réduction d’IS ciblée sur les PME va dans le bon sens et est bien plus cohérente que certains des autres dispositifs qui ont été proposés. J’ai néanmoins la même interrogation quant à son coût : si l’on considère qu’il y a 150 000 PME en France, le coût prévisionnel est déjà de 150 millions d’euros sur une base de 10 000 euros au-delà de l’assiette actuelle – soit 10 000 euros de bénéfices supplémentaires au-delà de 42 500 euros. S’il est difficile d’adopter une mesure sans en connaître le coût, je suis prêt à soutenir cet amendement sur le principe et en séance.

Mme Eva Sas (EcoS). Je soutiens cet amendement. Je rappelle au rapporteur général, qui invite à son retrait, que nous ne votons pas le texte discuté en séance : nous gagnerions donc à adopter cet amendement à titre indicatif et à en évaluer le coût d’ici à l’examen en séance. Plus généralement, nous devons aller vers un impôt sur les sociétés progressif, quitte à relever les tranches les plus hautes. Les grandes entreprises ont en effet largement bénéficié de la baisse de l’IS de 33 % à 25 %, une chance que n’ont pas eue les petites structures.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement me laisse sceptique. Il était possible de baisser le taux applicable aux PME quand l’IS était à 33 %. Il se situe désormais à 25 % et constitue généralement le taux marginal d’imposition. Je ne suis donc pas certain qu’il faille le baisser à 15 %, même si je souhaite le rendre plus progressif et l’augmenter pour les grandes entreprises.

J’appelle par ailleurs votre attention sur le fait qu’une personne qui possède plusieurs PME n’est pas forcément un petit chef d’entreprise, mais peut être à la tête d’une fortune : je ne suis pas certain que le critère retenu soit le bon. Ma préférence va à une augmentation du haut de l’échelle, plutôt qu’à une baisse par le bas.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. De mémoire, le coût du taux réduit à 15 % s’élève à 2,8 milliards d’euros. Si les choses étaient linéaires – ce qui n’est pas le cas –, le coût du dispositif proposé serait donc d’au moins 1,4 milliard d’euros. Cette estimation est néanmoins très imparfaite et invite à la prudence.

M. Philippe Brun (SOC). Le coût de la mesure est estimé à environ 1,2 milliard d’euros, avec l’incertitude inhérente au fait qu’est concernée la fraction supérieure des profits des PME. Cet amendement avait déjà été adopté par l’Assemblée, à l’initiative de Valérie Rabault : son estimation était alors inférieure à 1 milliard, mais les chiffres ont évolué depuis. Je vous propose d’adopter cet amendement, qui deviendra ainsi un amendement de la commission : nous pourrons en modifier les paramètres d’ici à la discussion en séance.

M. Paul Midy (EPR). Je salue l’initiative du groupe Socialistes. Cet amendement permettrait d’aider nos PME à se développer. Nous sommes favorables à son adoption, moyennant qu’il soit retravaillé en vue de l’examen en séance. J’espère que nous pourrons aussi travailler en commun sur le sujet des jeunes entreprises innovantes – un amendement précédemment adopté se traduira par une augmentation de 30 % du coût du travail sur leurs salariés.

M. Thierry Liger (DR). Je m’exprimerai en tant que dirigeant de PME. Il ne faut pas se focaliser sur l’IS. En effet, l’impôt de production est le plus important à maîtriser : la diminution de son taux à 25 %, il y a quelques années, a permis à certaines PME d’instaurer l’intéressement et d’autres dispositions, bref, de partager la valeur avec les salariés. Les patrons de PME sont davantage concernés par le coût du travail.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF849 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Quel travail mérite de toucher un salaire 400 fois plus important qu’un autre ? Quelle personne est suffisamment brillante pour réussir à produire 400 fois plus qu’une autre ? Un tel écart de 1 à 400, c’est celui qui existe au sein de l’entreprise Carrefour. Au sein du CAC40 notamment, les écarts de salaires ont explosé, pour arriver à une situation ridicule : Carlos Tavares serait capable de produire la richesse que produit l’un de ses ouvriers pendant l’ensemble d’une année en seulement trois heures vingt-deux, ce que personne ne peut défendre. Nous proposons donc d’encadrer les salaires dans une proportion allant de 1 à 20 et de faire payer l’IS plus cher aux entreprises qui ne l’appliqueraient pas. Non, l’objectif n’est pas toujours de taper sur les riches, mais d’augmenter les salaires les plus bas.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable : l’objet de l’IS est de taxer les bénéfices.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF328 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Les fermes-usines sont ce qu’il y a de pire en matière d’élevage : elles concentrent à l’extrême les animaux dans des espaces réduits, au nom de la rentabilité. La France est un cas d’école en la matière, puisque 60 % des animaux élevés sur notre sol le sont dans des fermes-usines, alors que celles-ci ne représentent pourtant que 3 % des élevages.

En raison des nuisances qu’elles occasionnent sur l’environnement, ces installations sont soumises à autorisation. Malheureusement, les dégâts causés sur l’environnement – concentrations en nitrate et en ammoniac –, sur le bien-être animal avec l’entassement de centaines de vaches, de milliers de cochons ou de dizaines de milliers de volailles, ou sur le plan social sont largement sous-évalués.

Le plus grave, c’est que ces structures menacent l’existence même des exploitations paysannes, qui sont soucieuses de la qualité de leurs produits et des conditions d’élevage de leurs animaux et ne peuvent pas rivaliser, structurellement, avec les économies d’échelle massives réalisées par les fermes-usines. Pourtant, la survie des exploitations paysannes n’est pas négociable, car elles sont pourvoyeuses d’emplois et garantes du tissu économique local.

C’est pourquoi le présent amendement vise à majorer l’impôt sur les sociétés des fermes-usines.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable : en portant à 35 % le taux d’IS appliqué aux sociétés d’élevage, vous pénaliserez fortement le secteur et, mécaniquement, la France sera contrainte d’augmenter ses importations de produits animaux.

M. le président Éric Coquerel. En plus des mesures protectionnistes, je suis d’accord.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il n’y a pas de fermes-usines dans notre pays et nous pouvons nous en réjouir. L’élevage français résiste avec courage et détermination aux pressions du marché, pour maintenir un modèle paysan. Malheureusement, vous lui plantez régulièrement des couteaux dans le dos, au lieu de vous féliciter que les agriculteurs et les éleveurs français tiennent bon – si l’on peut dire, puisque l’élevage français va très mal, que ce soit pour la production de lait ou de viande. Pour la première fois depuis des années, la balance commerciale agroalimentaire de la France pourrait être négative, notamment à cause des produits d’élevage, laitiers en particulier – la grande distribution importe plus de 500 millions d’euros de beurre des pays de l’Est, au lieu de valoriser nos terroirs. Par conséquent, au lieu de majorer le taux d’IS, nous devrions les soutenir en le réduisant, au contraire, de 15 %.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Contrairement à ce qu’affirme M. Tanguy, il y a en France plus de 3 000 élevages intensifs, dont la moitié sont situés en Bretagne, dans lesquels des millions de bêtes sont entassées, dans des conditions terribles – il existe aussi une ferme-usine dans l’Oise, où sont concentrées 1 million de volailles. Or les Françaises et les Français sont de plus en plus sensibles à ce sujet. Vous vous targuez de défendre la condition animale, mais lorsqu’il s’agit de soutenir des amendements qui dénoncent les conditions d’élevage, il n’y a plus personne ! Cessez votre hypocrisie. Cet amendement a toute sa légitimité pour soutenir le petit élevage français.

M. Charles de Courson (LIOT). La majorité des élevages français sont des entreprises individuelles, qui relèvent du droit commun et n’ont pas le statut de société, visé par votre amendement. Et vous ne pouvez pas taxer une entreprise agricole pour la simple raison qu’elle a pris cette forme juridique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF318 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement prévoit d’instaurer une surtaxe de 10 % de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui dégagent plus de 1 milliard de chiffre d’affaires et qui refusent d’aligner leur trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre sur celle prévue par les accords de Paris. Selon un rapport d’Oxfam, seules 9 % des entreprises la respecteraient.

Le dérèglement climatique a un coût énorme pour les finances publiques, estimé entre 1 à 10 points de PIB par an. Vous avez sans doute pu observer, dans vos circonscriptions, l’impact des inondations, de la sécheresse ou du phénomène de retrait-gonflement des argiles. Si nous voulons opérer rapidement la bifurcation écologique, l’effort doit être partagé ; l’incitation des entreprises, seule, ne suffira pas. Cet amendement présente donc l’avantage d’imposer une contrainte relativement musclée aux entreprises et de remplir les caisses publiques, afin d’assurer les financements nécessaires à la transition.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’IS vise à taxer des bénéfices. Ce n’est pas un outil adapté pour atteindre votre objectif, même s’il est louable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF917 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise également à majorer le taux d’IS pour les fabricants de protections hygiéniques qui ne respectent pas les normes sanitaires et environnementales du secteur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’IS n’est ni une pénalité ni une amende. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF944 de Mme Gabrielle Cathala

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Depuis deux ans, un génocide se produit à Gaza dont la France, par son inaction, s’est, de fait, rendue complice : alors que des dizaines de milliers de personnes sont mortes et que la région subit une famine organisée, la France n’a rien trouvé à faire.

Sous la pression populaire, Emmanuel Macron a fini par reconnaître l’État de Palestine, sans toutefois prendre la moindre sanction à l’encontre d’Israël pour faire cesser les bombardements sur les civils et les atrocités qui s’accumulent les unes aux autres.

Il est de notre devoir de parlementaires d’agir et de prendre des dispositions, au sein du budget, contre ce que la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese a qualifié d’« économie opérant sur un mode génocidaire ».

C’est pourquoi nous proposons de traduire dans le budget la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions, en majorant le taux de l’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises qui ont profité du génocide…

M. Emeric Salmon (RN). Il n’y a pas de génocide !

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). …en exploitant les colonies ou en soutenant l’armée israélienne.

Si, il y a un génocide et il est temps d’arrêter de fermer les yeux !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous ne sommes pas des juges et il ne nous appartient pas, en tant que membres de la commission des finances, de décider s’il y a lieu ou non d’employer le terme de génocide. Toutefois, à ma connaissance, aucun jugement international n’a condamné l’État d’Israël pour ce crime.

Ensuite, nous travaillons ici dans le cadre d’un débat fiscal ; gardons-nous des chevaux de Troie moraux et politiques. L’impôt sur les sociétés n’est pas fait pour appliquer des sanctions, qu’elles soient justifiées ou non. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures quarante-cinq.

Amendement I-CF1714 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). J’ai déposé une série d’amendements qui concernent le secteur des films d’animation, pour lequel la France fait figure de référence : je pense à Flow, qui a décroché le César et l’Oscar en 2025, aux Minions que tout le monde connaît ou encore à Arcane, des studios Fortiche, qui est l’une des plus belles réussites françaises de ces dernières années.

Toutefois, j’ai pu constater, dans le cadre de mes travaux en tant que rapporteur spécial, que l’animation française traverse une période compliquée. Nous devons accompagner cette industrie, actuellement dans le creux de la vague, afin que la France reste leader dans le domaine.

Le présent amendement vise donc à rehausser le taux du crédit d’impôt audiovisuel (CIA) de 25 % à 30 % pour les œuvres d’animation. Le coût de la mesure est estimé à 12,7 millions d’euros par an.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez d’augmenter le taux du crédit d’impôt pour les œuvres audiovisuelles de fiction. Or la revue des dépenses menée par l’Inspection générale des finances (IGF) montre que ce crédit d’impôt a, je cite, « constitué un pur effet d’aubaine pour une fraction importante des productions de fiction ». Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Cela tombe bien puisque je ne parle pas des œuvres de fiction, mais de l’animation !

M. Emmanuel Maurel (GDR). Je conteste ce type de réponse, qui met en avant des effets d’aubaine. Il est de notre responsabilité de soutenir un secteur emblématique de l’excellence française, qui participe de l’exception culturelle dont nous sommes fiers collectivement. La proposition de M. Masséglia reste tout à fait raisonnable et n’entraînera pas une dépense excessive.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce n’est pas moi qui dénonce des effets d’aubaine ; je ne fais que rapporter les conclusions de l’IGF. J’entends néanmoins que le dispositif de votre amendement évoque les productions de fiction et non des œuvres d’animation.

M. Erwan Balanant (Dem). Vous reprenez les conclusions de l’IGF, mais de nombreuses études montrent que les crédits d’impôt pour l’audiovisuel, le cinéma ou le spectacle vivant rapportent énormément à l’État français. La culture rapporte autant de points de PIB que l’industrie automobile et le secteur pharmaceutique. Cette bonne dynamique est aussi due aux crédits d’impôt, qui permettent de créer de la valeur, d’avoir des productions qui fonctionnent, de générer de la TVA, de l’impôt sur les sociétés et de créer beaucoup d’emplois.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF319 de Mme Sandra Marsaud et I-CF1218 de M. Anthony Boulogne (discussion commune)

Mme Sandra Marsaud (EPR). Mon amendement vise à soutenir le financement des films français d’animation, reconnus dans le monde entier et primés aux Oscars. Rappelons que les entreprises du secteur emploient environ 10 000 personnes en France.

Il est donc proposé d’augmenter le taux du crédit d’impôt animation de 30 % à 40 %, puisqu’un tel taux existe déjà dans le cadre du crédit d’impôt international (C2I) pour les films étrangers fabriqués en France – les entreprises étrangères bénéficient ainsi d’un crédit d’impôt supérieur. L’objectif est de défendre les productions françaises, comme celles qui sont réalisées à Toulouse, à Paris ou encore à Angoulême – je pense au futur film d’animation long métrage, Astérix, qui a employé 600 personnes.

Mme Stéphanie Galzy (RN). En cinq ans, le coût fiscal des crédits d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel a augmenté de 126 millions d’euros pour atteindre près de 400 millions en 2024. Pire, le surcoût budgétaire entre le chiffrage initial et celui réalisé a atteint 54 millions en un an. Autrement dit, nous assistons à un dérapage de cette dépense fiscale, qu’aucun mécanisme de contrôle ne vient encadrer. À l’heure où les finances publiques sont dans un état critique, il serait irresponsable de laisser filer une telle dépense.

L’amendement de notre collègue Anthony Boulogne vise donc à ramener le dispositif à des proportions raisonnables, en réduisant de moitié le taux du crédit et son plafond. Il ne s’agit pas de remettre en cause le soutien au cinéma français, mais d’adopter une mesure de bon sens budgétaire : chacun doit contribuer à l’effort national de redressement des comptes publics.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Selon le rapport de l’IGF, près de 1,2 milliard d’euros a été accordé dans le cadre de ces dispositifs fiscaux. Le nombre de films français agréés a connu une croissance continue au cours des deux dernières décennies – nous sommes passés de 200 à 300 films –, alors que leur part de marché reste stable. Il en résulte que la majorité des films français ne réalisent qu’un nombre d’entrées dans les salles relativement faible : en 2022, un tiers a obtenu moins de 20 000 entrées. Entre 2012 et 2023, la part des aides publiques dans le financement des films a doublé, passant de 16 % à 29 %. Peut-être pourrions-nous auditionner l’IGF sur ce sujet. Pour l’instant, nous devons rester très prudents. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. L’IGF a une approche comptable et court-termiste, fondée sur le nombre d’entrées dans les salles. Rappelons toutefois que la plupart des cinémas nationaux dans le monde ont disparu et que le cinéma français – en particulier le film d’animation – fait figure d’exception. Par conséquent, il ne faut pas le mesurer sous le seul prisme du nombre d’entrées, mais bien par rapport au prestige qu’il confère à notre pays. Si le système d’aide à la création française – par le biais du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) – n’existait pas, le cinéma français aurait disparu, comme bien d’autres et nous serions encore davantage soumis au modèle américain, qui se développe partout.

M. Erwan Balanant (Dem). Il a été démontré que chaque euro de dépenses fiscales dans le cadre de ces crédits d’impôt rapporte à l’État, en recettes fiscales et sociales, 1,31 euro – soit un rendement de 31 %, ce qui n’est pas si mal ! Par conséquent, au-delà des arguments culturels, ce type de dispositifs rapportent beaucoup fiscalement et économiquement – j’évoquerai ultérieurement un autre crédit d’impôt, qui rapporte 3,75 euros pour 1 euro de dépenses directes de production. Si nous voulons faire preuve de sérieux budgétaire, ne supprimons pas ces crédits d’impôt.

Mme Sandra Marsaud (EPR). Je rejoins M. Balanant. Je dispose d’une évaluation de l’impact des crédits d’impôt relevant du CNC, selon laquelle chaque euro de dépense fiscale associée au crédit d’impôt cinéma a contribué à localiser 6,50 euros en France, dont environ 2,12 euros de recettes sociales et fiscales – soit un niveau d’autofinancement compétitif.

Le coût fiscal supplémentaire qu’entraînerait l’adoption du présent amendement est estimé à 5 millions d’euros. J’ajoute que le film d’animation est une niche : on n’en tourne que dix à quinze par an. Il ne faut donc pas se référer aux chiffres de la création cinématographique dans son ensemble.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je me contente de lire le rapport de l’IGF. Celui-ci indique que l’animation présentait un taux de localisation des dépenses identique en 2023 à celui de 2012 – 77 % –, alors que, dans l’intervalle, ce fameux crédit d’impôt spécifique à l’animation a été renforcé ; il n’a donc pas entraîné une amélioration sur ce point. Libre à vous de me répondre que le taux de localisation n’est pas un critère omniscient, mais c’est la donnée dont je dispose.

En revanche, je considère que la création artistique doit rester libre. Diderot disait que l’art « veut quelque chose d’énorme, de barbare et de sauvage. » J’y crois. Toutefois, en matière de dépenses publiques, l’absence de spectateurs doit nous conduire à nous interroger et la question se pose pour des films qui réunissent moins de 20 000 spectateurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1712 et I-CF1713 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Vous mentionnez le nombre d’entrées dans les salles, mais l’animation française est une référence à l’échelle internationale et le film Les Minions, par exemple, a réalisé des chiffres considérables dans le monde.

Vous nous dites que le taux de localisation dans l’animation est resté stable, mais vous oubliez de préciser que 1 000 emplois ont été supprimés ces derniers mois et que le secteur traverse une période de crise. J’invite d’ailleurs nos collègues du Rassemblement national, qui pensent qu’il n’existe pas d’études sur le sujet, à lire mes travaux parlementaires !

L’amendement I-CF1712 vise à rehausser le plafond des crédits d’impôt, fixé pour l’animation à 3 000 euros par minute produite, pour le porter à 10 000 euros. Le coût de cette mesure est estimé à 4,11 millions d’euros – somme relativement faible, d’ores et déjà gagée sur d’autres amendements pour compenser la dépense.

L’amendement I-CF1713, de repli, vise à rehausser le plafond à 6 000 euros seulement, pour un coût réduit à 4,08 millions d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une nouvelle fois, je m’en tiens au rapport de l’IGF, probablement critiquable, dont je dispose.

Le projet de loi de finances ne diminue pas les financements du cinéma ; si ceux-ci n’augmentent pas, ils restent stables. Ne criez donc pas telles des vierges effarouchées : il n’est pas question de porter atteinte à l’intégrité physique et intellectuelle du cinéma français.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1706 et I-CF1705 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Ces amendements sont issus des conclusions de mon rapport d’information sur le crédit d’impôt en faveur des entreprises de jeux vidéo, mené dans le cadre du Printemps de l’évaluation.

L’amendement I-CF1706 autorise le dépôt d’une demande d’agrément complémentaire de deux ans à l’issue de la période applicable à la demande initiale du crédit d’impôt, pour permettre à un jeu déjà commercialisé d’évoluer et le faire vivre – c’est ce qu’on appelle « The game as a service ». Je considère que si le jeu existe encore au-delà de cette période additionnelle, c’est qu’il fonctionne bien et qu’il n’y a plus lieu, pour le contribuable français, d’en accompagner le financement.

Contre l’avis défavorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1706.

En conséquence, l’amendement I-CF1705 tombe.

Amendement I-CF1704 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Le crédit d’impôt jeux vidéo (CIJV) permet aux entreprises de création de jeux vidéo de déduire de leur impôt, après obtention d’un agrément, une part des dépenses de production d’un jeu pendant trente-six mois. Je propose d’inclure dans l’assiette du dispositif les dépenses intervenues au cours des six mois précédant la demande d’agrément. Cet amendement donnera plus de liberté au secteur, sans entraîner de surcoût.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez d’inclure dans l’assiette du crédit d’impôt jeux vidéo les dépenses de prototypage. Ce crédit d’impôt a été prolongé l’année dernière jusqu’en 2031 : évaluons le dispositif avant de l’assouplir.

M. Denis Masséglia (EPR). Ce sont précisément les conclusions du Printemps de l’évaluation !

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1709 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Je rappelle qu’actuellement il est possible de bénéficier du CIJV pendant une période de trois ans. Les jeux étant de plus en plus longs à développer, je propose de porter cette période à cinq ans.

J’ajoute que, sur l’ensemble du budget, mes amendements représenteraient un surcoût de quelque 100 millions, mais entraîneraient dans le même temps une réduction des dépenses de l’ordre de 5 milliards. C’est pourquoi j’encourage mes collègues à me suivre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Les années précédentes, nous avions adopté des amendements qui accordaient un crédit d’impôt pour une période de trois ans ; vous souhaitez la porter à cinq ans pour les jeux dont le budget est supérieur à 5 millions d’euros. Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, nous élargissons considérablement le dispositif du crédit d’impôt et en faisons une niche fiscale qui risque de devenir incontrôlable. Certes, il s’agit d’une activité importante en France, qui emploie de nombreux jeunes et répond à une demande. Néanmoins, elle doit trouver son modèle économique et ne peut pas être en permanence biberonnée à l’argent public – sinon, c’est que l’activité n’est pas rentable.

M. le président Éric Coquerel. C’est assez vrai de nombreuses aides aux entreprises…

M. Denis Masséglia (EPR). Un crédit d’impôt est fait pour être expertisé et adapté à la réalité du secteur économique – j’ai fait un rapport en ce sens.

M. Daniel Labaronne (EPR). Vous êtes juge et partie !

M. Denis Masséglia (EPR). Non. Simplement, je travaille sur le sujet et je pense avoir une certaine légitimité pour l’aborder.

Il n’existe pas des dizaines de possibilités : soit le jeu vidéo est produit en France, soit il l’est à l’étranger. Vous pouvez remettre en cause le crédit d’impôt, mais ne venez pas ensuite vous plaindre qu’il n’y a plus de jeux vidéo réalisés en France. Nous avons eu ce problème avec la Tech par le passé : on casse un système et, après, on pleure face au résultat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1710 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Il existe, pour les jeux vidéo, des productions dites AAA, c’est-à-dire qui nécessitent parfois des centaines de millions d’euros de développement. L’objectif de l’amendement est d’adapter le crédit d’impôt à ces jeux, pour lesquels la France est un leader mondial. Et pour ceux qui ne les connaîtraient pas bien, je propose de faire un Clair obscur : Expédition 33 ; sur le plan du graphisme, de la musique et des histoires, ce jeu est extraordinaire. Vive le jeu vidéo français !

M. le président Éric Coquerel. Cela devient commercial !... 

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je salue la passion de M. Masséglia pour cette industrie, évidemment importante. Néanmoins, je rejoins M. Labaronne : chaque année, nous en remettons une couche. Quel modèle économique voulons-nous financer ? Vous souhaitez, par cet amendement, rehausser le plafond du crédit d’impôt à 10 millions d’euros. Je pense qu’à un moment donné il faut arrêter. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). C’est une nouvelle illustration de l’incrémentation du dispositif. Vous voulez porter le plafond du crédit d’impôt, actuellement fixé à 6 millions, à 10 millions ; l’année prochaine, ce sera peut-être 12 millions, puis, l’année suivante, 15 millions, et ainsi de suite. Il faut savoir s’arrêter, d’autant que la situation budgétaire est tendue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF832 de Mme Sophie Mette

M. Erwan Balanant (Dem). Les crédits d’impôts que nous proposons rapportent de l’argent à l’État.

Le présent amendement vise à garantir que les films qui bénéficient du C2I continueront d’en bénéficier jusqu’à la fin de leur réalisation, grâce à l’instauration d’une clause « grand-père ».

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Dans sa revue des dépenses relatives aux aides au cinéma, l’IGF a indiqué que le C2I « paraît » être un outil efficace, mais « ne préconise pas d’évolution de ce dispositif ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF35 de Mme Géraldine Bannier, I-CF801 de Mme Sophie Mette et I-CF1716 de M. Denis Masséglia, amendement I-CF1717 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le crédit d’impôt international, qui concerne les films et série d’initiative étrangère dont la fabrication a lieu pour partie en France, a largement montré son efficacité :1 euro consacré à ce crédit d’impôt génère 1,31 euro de recettes fiscales et sociales directes. Entre 2017 et 2023, le C2I a permis plus de 3 milliards d’euros de dépenses directes et un montant équivalent de dépenses non éligibles ou indirectes, soit un total de 6 milliards d’euros, en France – plutôt que dans un pays étranger.

Mon amendement vise à proroger ce dispositif au-delà de 2026, afin de donner aux acteurs du secteur une visibilité suffisante, faute de quoi les productions en train d’être décidées échapperont à la France.

M. Erwan Balanant (Dem). Oui, 1 euro dépensé dans ce crédit d’impôt génère 3,75 euros de dépenses directes en France et 1,31 euro de recettes fiscales et sociales pour l’État.

M. Denis Masséglia (EPR). Le C2I permet d’accompagner la réalisation des films, qui dure souvent entre trois et quatre ans. Or le C2I doit s’éteindre en 2026. Pour donner de la visibilité aux acteurs du secteur, je propose également sa prorogation – jusqu’en 2031 avec l’amendement I-CF1716 et jusqu’en 2028 avec l’amendement de repli I-CF1717. Cette prorogation ne coûtera rien.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il n’est pas exact que ces prorogations ne coûteraient rien. Par ailleurs, le ratio entre argent public investi et recettes fiscales que vous citez est inférieur à celui qui prévaut en matière industrielle – dans ce domaine, 1 euro d’argent public rapporte plutôt 2 ou 2,50 euros. Même si ce ne sont que des évaluations grossières, elles justifient ma prudence.

Toutefois, puisque le dispositif doit s’achever le 31 décembre 2026 et puisque nous avons désormais l’habitude d’adopter les lois de finances tardivement – quand on les vote –, il paraît logique, pour ne pas gêner des investissements de long terme, d’émettre un avis favorable à sa prorogation – même si vous voyez très loin, avec l’année 2031. En tout cas, c’est une question de viabilité économique et de bon sens.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement I-CF1717 tombe.

Amendement I-CF1217 de M. Anthony Boulogne

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement tend à diviser par deux les taux du crédit d’impôt international. Je n’étais pas favorable à ce qu’on les augmente ; je ne suis pas favorable à ce qu’on les divise, étant donné que l’IGF juge que le taux actuel est d’une efficacité relative. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1718 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Cet amendement vise également à introduire une clause « grand-père » dans le C2I, afin d’accroître la visibilité des acteurs du secteur.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1219 de M. Anthony Boulogne

M. Anthony Boulogne (RN). Le présent amendement vise à limiter le coût du crédit d’impôt au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés, en restreignant son périmètre. De fait, le coût pour l’État de ce crédit d’impôt a explosé. En 2024, alors qu’il était initialement chiffré à 17 millions, il s’est finalement élevé à 42 millions, selon le rapport annuel de performance de la mission Culture. Nous ne pouvons pas nous permettre ce genre de dérapage en ces temps de tempête budgétaire. Il faut réduire la voilure du dispositif, tout en le sanctuarisant pour les microentreprises et les petites entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les éléments dont je dispose laissent entendre que le coût de ce dispositif est plutôt stable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1729 et I-CF1730 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Ces deux amendements visent à proroger le crédit d’impôt au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés, jusqu’en 2031 pour l’amendement I-CF1729 et jusqu’en 2028 pour l’amendement I-CF1730

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La fin de ce dispositif n’est prévue que pour fin 2027, ce qui nous laisse de temps de réfléchir à la prorogation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1564 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Le bénéfice du crédit d’impôt « au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation de représentations théâtrales, d’œuvres dramatiques ou de cirque », dit crédit d’impôt spectacle vivant, est actuellement réservé aux productions qui comptent au moins six personnes sur le plateau – cette condition avait été instaurée pour réserver le dispositif aux spectacles les plus importants.

Le secteur demande que ce nombre soit ramené à deux, car, de plus en plus souvent, dans des productions importantes, on compte moins de six personnes sur le plateau – c’est-à-dire sur scène –, malgré des effectifs nombreux à la technique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Actuellement, ce crédit d’impôt bénéficie à soixante-dix-sept entreprises, pour un coût de 4 millions.

Près de deux tiers des spectacles du Festival d’Avignon comptent deux personnes sur scène. Votre proposition augmenterait donc beaucoup le nombre de bénéficiaires, tout comme la dépense. Avis défavorable.

M. Tristan Lahais (EcoS). Un crédit d’impôt n’est pas forcément le bon moyen de soutenir la création. Toutefois, puisque la création artistique connaît une crise dans notre pays, à cause de la baisse des crédits de l’État et de la perte de ressources des collectivités territoriales, puisque les compagnies ont moins souvent qu’avant les moyens de déployer des spectacles avec des effectifs importants sur le plateau, je voterai pour cet amendement, qui apporte une réponse indirecte.

M. le président Éric Coquerel. Le budget du ministère de la culture baisse cette année, après avoir baissé drastiquement l’an dernier. C’est, nous dit-on, parce que les dépenses publiques sont trop élevées – mais ce n’est pas en diminuant les recettes que l’on améliorera les choses.

Nous sommes donc obligés de proroger des crédits d’impôt, alors que ce sont des pis-aller. Pour soutenir la culture, un système vertueux reposerait plutôt des subventions ciblées, dont l’attribution serait éventuellement soumise à des critères.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’aide publique aux spectacles vivants ne se réduit pas à ce crédit d’impôt. Celui-ci ne bénéficie qu’à soixante-dix-sept entreprises et n’offre qu’une vision très partielle. Il existe un nombre considérable de dispositifs : l’intermittence du spectacle, de nombreuses subventions et des achats de spectacle par les collectivités territoriales, notamment.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1565 et I-CF1566 de M. Erwan Balanant (discussion commune)

M. Erwan Balanant (Dem). Je propose d’amender le code général des impôts pour intégrer les œuvres chorégraphiques au crédit d’impôt spectacle vivant – pourquoi la danse en est-elle actuellement exclue ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce crédit d’impôt a déjà été élargi au cirque en 2024 – comme M. Labaronne tout à l’heure, je note la tendance à élargir encore et encore le champ des crédits d’impôts.

Par ailleurs, la définition de ce qu’est une œuvre chorégraphique pourrait poser problème : comment qualifier des spectacles de théâtre qui intègrent de la danse ?

M. le président Éric Coquerel. Je découvre que les arts chorégraphiques sont exclus de ce crédit d’impôt. Il faudrait y remédier. C’est important car ces arts font, comme l’animation qu’évoquait M. Masséglia, la fierté de notre pays, y compris à l’étranger. Je voterai pour cet amendement, afin de permettre une égalité de traitement entre les différents arts vivants.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1731 et I-CF1732 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Il n’y a pas d’art supérieur ou inférieur ; il n’y a que de l’art. Notre pays compte de nombreux artistes, dans une foule de domaines. Il est bon de les défendre et de les accompagner.

Ces deux amendements visent à donner de la visibilité aux bénéficiaires du crédit d’impôt spectacle vivant en prorogeant ce dispositif, jusqu’en 2031 pour l’amendement I-CF1731 et jusqu’en 2028 pour l’amendement I-CF1732.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le dispositif ne s’achèvera qu’à la fin de 2027. Nous aurons donc le temps d’étudier son éventuelle prorogation lors du prochain PLF. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Ces amendements relèvent de la politique de gribouille. Depuis des années, vous diminuez les ressources des collectivités et tous les budgets pour lesquels nous nous battons, notamment ceux de la culture et de l’éducation. Ensuite, par le biais de prorogation de crédits d’impôts très circonscrits, vous tentez de remédier aux conséquences de votre politique ! Vivement que tout cela s’arrête.

M. Denis Masséglia (EPR). Vous répétez tous les jours que les dépenses de l’État baissent. Pourtant, l’article liminaire du présent texte – contre lequel vous avez voté – est très clair : le montant des dépenses publiques des administrations publiques centrales était de 651 milliards d’euros en 2024, de 663 milliards en 2025 et il sera de 683 milliards en 2026. Les dépenses augmenteront donc de 20 milliards l’an prochain.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1557 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Cet amendement vise à créer un nouveau crédit d’impôt, pour les podcasts, cette nouvelle forme artistique. Un Français sur deux écoute un podcast au moins une fois par mois. Ce sont des œuvres documentaires ou de fiction, qui ont l’intérêt d’écarter les enfants des écrans. C’est prouvé, l’écoute d’un podcast est bien plus bénéfique à l’imaginaire des enfants que les écrans.

Les producteurs de podcasts ne disposent, pour l’heure, d’aucune politique publique. Ils ne sont rattachés à personne ; ils ne sont soutenus ni par le CNM (Centre national de la musique) ni par le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), ni par le Centre national du livre et ne bénéficient pas de crédit d’impôt.

Le crédit d’impôt proposé ne coûterait pas grand-chose, alors qu’il permettrait de pérenniser le développement des producteurs de podcasts indépendants.

Enfin, évitons les contre-vérités : le budget du ministère de la culture a augmenté de 40 % depuis 2017.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Madame Arrighi, le budget de la culture n’a connu aucune baisse – et personne, ni ici, ni au gouvernement, n’a proposé sa diminution. Notre débat en commission porte seulement sur l’opportunité de l’augmenter – pour ma part, vous l’aurez compris, j’y suis défavorable.

Quant à l’amendement en discussion, j’y suis défavorable, car il créerait un nouveau crédit d’impôt.

M. Erwan Balanant (Dem). Le crédit d’impôt proposé ne coûterait qu’entre 600 000 et 900 000 euros, alors qu’il permettrait le développement d’une filière qui, dans quelques années, produira beaucoup de richesses et de valeur. Ne ratons pas le train, comme nous avons raté le train pour de nombreux sujets numériques. Aidons les producteurs de podcasts, car les podcasts ont de nombreuses vertus, en matière de souveraineté, de lutte contre les fakes news, de développement de la francophonie, notamment. Ce sont les outils de demain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF838 de M. Nicolas Sansu, amendements identiques I-CF683 de M. Éric Coquerel, I-CF689 de Mme Estelle Mercier, I-CF747 de M. Charles Fournier et I-CF842 de M. Nicolas Sansu, amendement I-CF693 de M. Éric Coquerel (discussion commune)

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous proposons de mieux encadrer le crédit d’impôt recherche (CIR), pour gagner de l’argent – il ne s’agit pas de supprimer ce dispositif, car il aide à l’innovation.

Il y a quelque temps, dans une note pour le CAE (Conseil d’analyse économique), un prix Nobel préconisait d’abaisser le plafond des dépenses éligibles au CIR à 20 millions d’euros, car il constatait que les dépenses de R&D des TPE-PME (les très petites, petites et moyennes entreprises) sont bien plus intelligentes que celles des grandes sociétés.

Par l’amendement I-CF838, nous proposons de diviser par deux le plafond des dépenses de recherche éligibles au CIR – y compris quand elles sont externalisées, conformément aux préconisations du rapport de Fabien Gay sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Le plafond pour les dépenses non externalisées passerait de 100 millions à 50 millions d’euros. Par ailleurs, nous proposons de calculer les dépenses éligibles au CIR au niveau du groupe, et pas seulement des filiales, mais aussi de subordonner le bénéfice de ce dispositif au maintien des emplois de chercheurs et de techniciens de recherche.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF683 est quasiment identique à celui que vient de présenter M. Sansu. L’efficacité du CIR est inversement proportionnelle à la taille des entreprises qui en bénéficient. Ce n’est pas moi qui le dis mais le Sénat, dans un rapport d’information de 2012 « Crédit d’impôt recherche : supprimer l’effet d’aubaine pour les grandes entreprises, réorienter le dispositif vers les PME ».

Nous proposons donc de recentrer le CIR sur les petites entreprises. Le taux de 30 % ne vaudrait plus que jusqu’à 50 millions de dépenses en recherche et développement – cela n’affectera pas exagérément les grands groupes, puisque la moyenne des dépenses éligibles au CIR pour cette catégorie est de 37 millions d’euros. Nous éviterons ainsi les abus. C’est un amendement de bon sens, sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, pour récupérer plus de 1 milliard d’euros.

Mme Estelle Mercier (SOC). Rappelons que 0,17 % des bénéficiaires du CIR – soit cinquante entreprises sur 28 800 –, accaparent près de la moitié du montant de la niche. Les différents rapports, notamment celui du CAE, ont pointé l’inefficacité de la niche. Il faudrait la recentrer sur les TPE et PME, ce qui soulagerait en outre nos finances publiques.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Oui, il faut recentrer le dispositif sur les TPE et PME, mais aussi plafonner les dépenses éligibles au niveau du groupe et non de ses entités. De fait, les multinationales créent des unités spécifiques pour contourner le système actuel de plafond et engranger davantage de bénéfices. Enfin, il faut exclure l’immobilier d’entreprise de l’assiette du calcul du CIR. Ces amendements permettraient à l’État de gagner de l’argent.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF842 est identique à ceux des autres groupes du NFP (Nouveau Front populaire). J’ajoute que le CIR ne représente pas grand-chose par rapport à la totalité des dépenses de R&D des grandes sociétés. Stellantis, par exemple, a dépensé 2,3 milliards d’euros en R&D en 2023 et a gagné 63 millions d’euros au titre du CIR. Ce n’est donc pas ce crédit d’impôt qui décide de leurs dépenses de R&D.

M. Philippe Aghion indique que le CIR est 2,5 fois plus efficace pour les TPE et les PME que pour les multinationales. Or le coût du CIR est hors de contrôle – alors qu’il n’était que de 3 milliards il y a quelques années, il atteint désormais 7,8 milliards.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF693 est de repli.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vos amendements tendent à modifier considérablement la structure du CIR avec, chaque fois, des effets de bord difficiles à chiffrer. Avis défavorable.

Je regrette que M. Jean-René Cazeneuve n’ait pas présenté son amendement, le I-CF591, au sein de cette discussion commune. Cet amendement aurait permis de calculer le plafond des dépenses éligibles au CIR au niveau des groupes fiscalement intégrés, en prenant en compte les analyses de France Stratégie et du Conseil d’analyse économique. Cela représenterait une économie de 470 millions d’euros.

M. Paul Midy (EPR). Notre groupe repoussera tous ces amendements. Nous n’investissons pas du tout suffisamment dans l’investissement. L’investissement lancé par le général de Gaulle pour que la France se dote de l’arme nucléaire – encore si fondamentale pour notre autonomie, tout comme notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU – représente l’équivalent de 50 milliards d’euros actuels. C’est comme si nous lancions un plan France 2030 tous les ans.

Ainsi, même avec les 7 milliards d’euros du CIR, nous restons très loin de la balle, en matière d’investissement dans l’innovation. Nous décrochons par rapport à la Chine et aux États-Unis depuis vingt à trente ans – historiquement, les pays dans une telle situation finissent toujours par se soumettre ou par subir des invasions.

Les amendements visant à limiter le crédit d’impôt recherche ne peuvent donc pas aller dans le bon sens. Nous pourrions toutefois discuter de propositions visant à le développer ou à l’optimiser, car nous ne prétendons pas qu’il ne peut l’être.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur général, tout à l’heure, vous avez cité l’IGF. Mais si vous citez des rapports officiels, il faut tous les citer. Ceux que la Cour des comptes, en 2022, et le CPO (Conseil des prélèvements obligatoires), en 2025, ont consacrés au CIR, notamment, plaident de manière imparable pour une modification des seuils de ce crédit d’impôt, au motif qu’il est beaucoup trop avantageux pour les grandes entreprises et produit des effets d’aubaine – dont certains sont sans doute encore mésestimés. On connaît l’exemple de Sanofi.

M. Nicolas Sansu (GDR). La défense fiscale est-elle plus efficace que la dépense directe ? Bien sûr qu’il faut investir dans la recherche, mais c’est une erreur de laisser aux groupes les décisions en matière de recherche, et de les laisser intégrer dans les dépenses éligibles au CIR des immeubles ou d’autres actifs qui n’ont pas de lien avec la recherche.

C’est une erreur de ne pas toucher au CIR, alors que la dynamique de cette dépense est hors de contrôle. Même l’administration fiscale ne peut pas contrôler la réalité des dépenses du CIR. Il faut privilégier les dépenses directes aux défiscalisations – c’était, je crois, la logique du général de Gaulle.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Oui, il faut investir dans la recherche. Mais ne faut-il pas garder des marges pour investir dans la recherche publique ? Le CIR est désormais l’une des niches les plus coûteuses, avec près de 7 milliards d’euros par an, alors que son efficacité fait débat. Ce crédit d’impôt, même s’il soutient certaines entreprises innovantes, est mal ciblé. Dans le même temps, les engagements pris dans la loi de programmation de la recherche (LPR) pour les années 2021 à 2030 afin de garantir la montée en puissance des financements publics de la recherche ne sont pas intégralement tenus.

Ainsi, la recherche publique est sous-dotée, alors que l’État consacre plusieurs milliards d’euros à des dispositifs fiscaux au rendement incertain. Recentrer le CIR reviendrait à restaurer la cohérence de notre politique publique de recherche.

M. Charles de Courson (LIOT). Premier problème : faut-il calculer les dépenses éligibles au CIR par entreprise ou au niveau du groupe ? Les simulations ont montré qu’un calcul au niveau du groupe réduirait drastiquement les bénéfices dans les grands secteurs – aéronautiques, pharmacie, automobile. Veut-on affaiblir les fleurons actuels de l’industrie française, dans l’aéronautique, et ses fleurons d’autrefois, dans le secteur pharmaceutique et dans l’automobile ?

Deuxième problème : le crédit d’impôt doit-il être de 5 % au-delà de 100 millions d’euros de dépenses ? Un crédit d’impôt à 5 % ne sert à rien. Supprimer ce taux rapporterait 400 millions.

Il faudrait aussi débattre du taux pour les 100 premiers millions de dépenses éligibles, et de ce plafond. Si nous l’abaissons, les entreprises bénéficieront moins du CIR.

M. Thierry Liger (DR). Il ne faut pas modifier le CIR en tant que tel, mais mieux contrôler l’usage qu’en font les sociétés. Or cela implique une vraie connaissance technique des domaines dans lesquels celles-ci opèrent.

Pour les PME, même si le CIR est important, il faut privilégier le crédit d’impôt innovation., qu’elles mobilisent plus facilement.

M. Paul Midy (EPR). Bien sûr qu’il faut investir davantage dans la recherche publique. C’est pour cela que nous défendons la LPR chaque année. Il faudrait d’ailleurs faire plus.

Toutefois, si l’Europe décroche fortement par rapport aux États-Unis et à la Chine, c’est à cause de la recherche privée en technologie. N’opposons pas recherche publique et privée : ce sont les chercheurs en physique quantique qui révolutionnent le monde depuis cent ans, car leurs résultats ont des applications dans le domaine du nucléaire, des semi-conducteurs ou encore d’internet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF447 de Mme Claire Lejeune et I-CF449 de M. Éric Coquerel (discussion commune)

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons de remplacer le seuil de déclenchement de l’impôt sur les bénéfices des multinationales, actuellement fixé à 750 millions d’euros de chiffre d’affaires, par un seuil de 100 millions d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dispositions sont contraires à l’accord de l’OCDE de 2021 et à la directive européenne de 2022. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF821 de M. Manuel Bompard, I-CF837 de Mme Marianne Maximi et I-CF1335 de M. Tristan Lahais (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement I-CF821 reprend l’une des rares bonnes idées de Michel Barnier, qui était de majorer l’impôt sur les sociétés des très grosses entreprises, même s’il ne l’avait pas poussée assez loin.

On ne peut pas ignorer que le CAC40 bat des records de profits depuis huit ans et que, chaque année, il décide d’en verser la quasi-totalité aux actionnaires plutôt que d’investir ou d’augmenter les salaires. Puisque le CAC40 n’est manifestement pas capable d’allouer équitablement les profits, qui sont le produit des efforts des travailleurs et des travailleuses, la puissance publique doit s’en charger pour lui. Nous proposons donc une contribution exceptionnelle pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, de façon à ce qu’elles paient 40 % ou, pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards, 55 % d’impôt sur les sociétés. C’est, encore une fois, une mesure de justice fiscale.

M. Tristan Lahais (EcoS). L’adoption de cet amendement compenserait la division par deux de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises proposée par le gouvernement et adoptée par la commission, dont le groupe EPR avait même proposé la suppression pure et simple. Il est navrant que, sur des objets qui font consensus de la société, EPR fasse preuve d’une telle inflexibilité et reste sourd à la demande de justice et d’équité fiscale, l’exemple du CIR étant particulièrement parlant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dispositions créent une surtaxe sur les superprofits dont le chiffre d’affaires dépasse un certain montant. Cette surtaxe s’ajouterait à la surtaxe exceptionnelle, ce qui aboutirait, dans le cas de l’amendement I-CF837, à un taux d’impôt sur les sociétés de 55 %. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1129 de M. Philippe Brun et I-CF702 de M. Fabrice Roussel (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement vise à reconduire la surtaxe exceptionnelle sur les armateurs que nous avions adoptée l’année dernière. Le projet de loi de finances pour 2026 propose une surtaxe exceptionnelle sur toutes les grandes entreprises ; or, les armateurs ne payant pas l’impôt sur les sociétés, cette surtaxe ne les concerne pas. Il y aurait une injustice à ce que les grandes banques, les grandes entreprises, la SNCF et les transporteurs s’acquittent cette année encore d’une surtaxe tandis que celle touchant les armateurs ne serait pas reconduite.

Ma collègue Christine Arrighi et mon collègue Nicolas Sansu ont déposé des amendements similaires un peu plus loin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements rouvrent le débat sur la taxe au tonnage. L’amendement I-CF1129 propose de reconduire en 2026 la contribution exceptionnelle sur les entreprises de transport maritime et l’amendement I-CF702 revient à supprimer, de facto, la taxe au tonnage. Compte tenu de la concentration du secteur et des régimes similaires appliqués par les autres pays, le risque est de faire disparaître l’assiette de la taxe par la fuite des bateaux de CMA-CGM vers d’autres pays et, partant, la disparition de la marine marchande française. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Nous avons eu ce débat l’année dernière. La taxe au tonnage est un dispositif européen. J’y reviendrai lorsque nous examinerons la série d’amendements portant sur le sujet.

M. Philippe Brun (SOC). La question de la taxe au tonnage a été tranchée par la commission. Il ne s’agit pas de cela.

L’année dernière, nous avions adopté une surtaxe sur les armateurs en parallèle de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, auquel les armateurs ne sont pas soumis. Cette année, le gouvernement reconduit la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, à laquelle nous sommes favorables, mais pas la surtaxe sur les armateurs. Il serait injuste qu’Air France et la SNCF s’acquittent d’une surtaxe et que les armateurs en soient exemptés. C’est une mesure d’équité.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons contre l’amendement. Toutefois, en vue de la séance publique, il serait judicieux de demander à l’entreprise intéressée quels sont les bénéfices attendus en 2026, car elle avait travaillé sur ce dispositif avec la direction de la législation fiscale l’année dernière.

M. Charles de Courson (LIOT). L’année dernière, le PDG de CMA-CGM nous a dit clairement qu’il était prêt à consentir un effort à titre exceptionnel – qui, de mémoire, se montait à 500 millions d’euros – mais que, si la surtaxe était reconduite, il en tirerait toutes les conclusions. Elles sont très simples : 25 % de la flotte de CMA-CGM naviguent sous pavillon français, ce qui est le minimum ; du jour au lendemain, a-t-il dit, je peux changer de pavillon. En effet, la taxe au tonnage étant un dispositif communautaire, les quatre grands opérateurs européens – un Italien, un Français, un Allemand et un des Pays-Bas – sont en concurrence, ce qui pousse à la délocalisation. Le dispositif actuel permettra au moins de garder les officiers, qui sont français et formés dans des écoles françaises. En tout état de cause, il est illusoire de croire que la surtaxe rapportera le montant escompté.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Je ne savais pas que Rodolphe Saadé siégeait dans notre commission ! Quoi qu’il ait dit publiquement, c’est nous qui décidons en tant que députés, et nous pouvons décider autre chose. CMA-CGM a fait 5 milliards de résultat cette année. J’ajoute que changer de pavillon n’est pas la même chose que délocaliser son siège social. Les menaces proférées en permanence par les grands patrons d’entreprise pour éviter l’impôt et ne pas participer à l’effort fiscal, dans la situation que nous connaissons, relèvent d’un chantage auquel nous ne devons pas céder, sans quoi ceux qui paieront seront les retraités, les salariés, le secteur culturel, celui du jeu vidéo, etc.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF841 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement tend à introduire une contribution temporaire de solidarité sur les entreprises productrices d’hydrocarbures. Nous n’avons pas seulement un déficit à combler, nous avons aussi 34 milliards d’euros d’investissements publics à réaliser par an, d’après les chiffres du rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, si nous voulons réussir la bifurcation écologique. C’est un minimum. Non seulement ces entreprises ont récemment engrangé des superprofits qui ont été très peu fiscalisés, mais elles sont les premières responsables du dérèglement climatique et du cortège de dommages qu’il inflige à notre société et dont la réparation incombe aux deniers publics. Ces entreprises réalisent des profits sur des produits qui nous mènent dans le mur climatique, et les classes populaires sont les premières à en payer le prix.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Lors de sa création, on a cru que la contribution temporaire de solidarité sur les entreprises productrices d’hydrocarbures rapporterait beaucoup d’argent ; en réalité, elle a rapporté 60 millions d’euros et le gouvernement a fini par revenir sur cette mesure. Il n’y a pas de situation de superprofits. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Chers collègues, il y a une façon de financer une partie de la transition, c’est d’exploiter les ressources nationales, mais vous ne le voulez pas. Vous l’avez interdit. Vous avez donc organisé l’importation massive de ressources exploitées à l’extérieur de nos frontières, sur lesquelles vous ne touchez absolument rien et ne toucherez jamais rien, puisque vous n’allez pas piller, dans une version néocoloniale, les ressources des autres. Si l’on exploitait le peu de ressources que la nature a bien voulu nous laisser dans l’attente de la transition, nous pourrions y investir 80 % à 90 % du profit tiré de ces ressources. Votre idéologie n’a donc pas de sens. Elle refuse certaines réalités, à savoir que, même dans les scénarios de transition les plus optimistes, il faudrait encore vingt à trente ans d’énergies fossiles décroissantes. Vous voulez le beurre et l’argent du beurre, et c’est toujours dans le portefeuille du crémier qu’on finit par piocher.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF961 de Mme Claire Lejeune

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à nationaliser ArcelorMittal. C’est une entreprise que son actionnaire est en train de détruire. Elle devait réaliser des investissements pour décarboner son activité d’ici à 2030 afin de rester viable. L’État était prêt à mettre 850 millions d’euros sur la table ; Arcelor devait aussi, de son côté, mettre 850 millions. Finalement l’ensemble des projets est à l’arrêt, alors qu’ils devaient être achevés avant 2030. Nous avons tout juste le temps de les réaliser.

Derrière tout cela, il y a des réalités : 15 000 emplois directs sont menacés, dont plus de 3 200 à Dunkerque. Ce serait une destruction pour toute l’économie du Dunkerquois et pour l’ensemble de l’industrie française. Sans acier français, il n’y a plus de planification écologique, plus d’automobiles, plus de trains, bref, il n’y a plus rien.

Pourtant, ArcelorMittal a l’argent pour réaliser ces investissements. L’entreprise a fait en 2024 1,2 milliard de bénéfices et elle a versé 710 millions de dividendes. Je vous invite donc à envoyer un message fort en adoptant cet amendement et les deux suivants, qui appellent également à des nationalisations.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est un amendement d’appel que je prends comme tel. Il devra être débattu en séance. Avis défavorable. Pour mémoire, l’Institut La Boétie estime le coût de cette nationalisation entre 2,6 et 6,25 milliards d’euros.

M. le président Éric Coquerel. Ayons en mémoire l’audition du PDG d’Arcelor France, qui a confirmé ici qu’il ne réaliserait pas le plan de décarbonation qui était prévu à Dunkerque pour 2030. Sans décarbonation, les deux puits ne seront pas créés car ils n’auront plus d’intérêt, notamment pour des raisons liées aux subventions européennes, et ce sera la fin de la sidérurgie française.

On peut toujours se persuader que l’on trouvera des solutions de rechange si Arcelor, qui menace aussi de fermer Fos-sur-Mer, ferme Dunkerque– c’est ce qu’on m’a dit au ministère de l’industrie –, mais ces solutions n’existent pas. Si nous voulons conserver la sidérurgie, il va falloir envisager ce qu’on fait les Britanniques. Sans sidérurgie, il n’y a pas d’industrie. Je ne vois donc pas d’autre solution, même temporaire, que la nationalisation. Le problème va se poser très vite : si le plan de décarbonation n’est pas lancé dès l’année prochaine, tout sera déjà fini.

M. Charles de Courson (LIOT). La sidérurgie européenne est dans une situation particulièrement dégradée car elle est concurrencée par la sidérurgie chinoise et, dans une moindre mesure, singapourienne. L’Union européenne vient enfin d’adopter des mesures de protection pour réduire les importations à 10 % du marché européen ; si elle ne l’avait pas fait, ce ne serait pas simplement l’effondrement de la sidérurgie française, mais aussi celle de la sidérurgie européenne. Maintenant que la décision est prise, il faut conforter la sidérurgie européenne pour assurer l’indépendance de l’Europe en acier. Ce n’est pas par ce mécanisme que nous y parviendrons.

M. le président Éric Coquerel. Par lequel, alors ?

M. Charles de Courson (LIOT). D’abord, par les mesures de protection qui ont déjà été décidées par l’Union européenne.

M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas incompatible.

M. Charles de Courson (LIOT). Ensuite, il faut aider les sidérurgistes français à rester compétitifs. L’investissement énorme de Dunkerque – que je suis allé contrôler avec la présidente de la commission des affaires économiques – se montait à un peu plus de 2 milliards, avec une aide de l’Ademe (Agence de la transition écologique) prévue à hauteur de 850 millions d’euros. Ils ont renoncé devant l’effondrement du marché européen. Si le marché se redresse grâce aux mesures de protection, et en demandant à tous les sidérurgistes européens de se moderniser en basculant vers l’électrification – en mettant des barrières à l’entrée, pour que le prix de revient de l’acier soit viable…

M. le président Éric Coquerel. Le problème, c’est qu’Arcelor est en train d’ouvrir des centres sidérurgiques en Indonésie et en Amérique latine. Il n’a pas intérêt à entrer en concurrence avec lui-même. Je suis favorable aux mesures protectionnistes mais, à partir du moment où Arcelor ferme, il faut bien trouver une solution de rechange.

M. Charles de Courson (LIOT). Tout cela pour dire que la nationalisation, même temporaire, n’est pas la solution.

M. Philippe Brun (SOC). Nous voterons pour cet amendement. L’absence de nationalisation des hauts-fourneaux de Florange en 2012, contre l’avis du ministre de l’industrie, Arnaud Montebourg, a été une erreur majeure. On ne peut aucunement faire confiance au groupe ArcelorMittal qui organise déjà sa délocalisation. Ma collègue Sophie Pantel me dit à l’instant qu’en Lozère, à Saint-Chély-d’Apcher, le transfert des savoir-faire et du personnel a commencé. Nous devons reprendre le contrôle, mettre fin au laisser-faire et nationaliser la filière acier française, comme l’ont fait les Britanniques, pour retrouver notre souveraineté dans un secteur essentiel à l’industrialisation du pays.

J’ajoute, en ma qualité de rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, que celui-ci dispose de réserves non utilisées. Du fait de l’instabilité politique, peu d’opérations capitales ont été menées à bien. Nous avons donc l’argent nécessaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Que ce soit Arcelor, Sanofi ou Atos, il faut que ce débat ait lieu en séance en présence du gouvernement.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans les conditions actuelles, la nationalisation d’ArcelorMittal sera la dernière cartouche de la France pour sauver sa sidérurgie et, avec elle, celle de l’Europe, même si celle-ci ne s’en rend pas compte. Toutefois ArcelorMittal est un groupe d’intérêt national indien. Sauf erreur, il n’y a pas de cas récents de nationalisation d’entreprises françaises qui, malheureusement, ne le sont plus vraiment. Quand on parle de nationaliser ArcelorMittal, qu’est-ce qu’on nationalise exactement : les sites en France, en Europe ou les sites mondiaux ? Ce n’est pas une question piège.

M. le président Éric Coquerel. La nationalisation concernerait les sites industriels sidérurgiques français.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette successivement les amendements I-CF967 de M. Aurélien Le Coq et I-CF970 de Mme Mathilde Feld

Amendement I-CF875 de Mme Béatrice Bellay

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement de ma collègue martiniquaise s’inscrit dans le combat du groupe Socialistes et apparentés pour lutter contre la vie chère dans les territoires des océans – j’utilise à dessein cette expression que Béatrice Bellay privilégie à celle de territoires d’outre-mer. Depuis des années, les populations des océans subissent des prix anormalement élevés sur les produits de première nécessité. Ces écarts ne s’expliquent pas seulement par les coûts de transport, mais aussi par les situations de monopole ou d’oligopole dans la distribution, l’importation et l’énergie qui permettent à certains grands groupes de capter une part disproportionnée de la valeur.

L’amendement crée donc une contribution exceptionnelle de 5 % sur le chiffre d’affaires réalisé dans les territoires des océans par les sociétés dont le chiffre d’affaires consolidé dépasse 500 millions d’euros. Son objectif est simple : faire contribuer les acteurs dominants à l’effort collectif et financer les politiques publiques en faveur du pouvoir d’achat, de la production locale et de la régulation économique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne craignez-vous pas qu’en surtaxant un groupe monopolistique qui, par définition, dispose d’un pouvoir sur le marché, celui-ci ne répercute la totalité de la taxe sur les consommateurs ? Il me semble, malheureusement, que c’est mécanique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1652 de M. Christophe Naegelen

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Sans aller jusqu’à copier les Italiens, qui viennent de décider de taxer les entreprises de banque et d’assurance à hauteur de 4,5 milliards d’euros, l’amendement sollicite une contribution exceptionnelle de 3 % de l’impôt sur les sociétés applicable aux établissements de crédit et aux entreprises d’assurance afin de contribuer au rétablissement de nos comptes. Le rendement de cette mesure serait de 400 millions d’euros pour les établissements bancaires et de 140 millions d’euros pour les assureurs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement crée une surtaxe sur la surtaxe d’impôt sur les sociétés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF836 de M. Manuel Bompard

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je sais que chacun dans cette commission est un défenseur des agricultrices et des agriculteurs. Eh bien, pour défendre les agriculteurs, il faut que ceux-ci soient justement rémunérés pour leur travail et que les prix auxquels ils vendent à la grande distribution augmentent ; en même temps, puisqu’il y a dix millions de pauvres dans le pays du fait des macronistes, il faut que la population puisse acheter ces mêmes produits. La solution, c’est l’encadrement des marges pour que la grande distribution arrête de se gaver à la fois sur le dos des Français et sur celui des agriculteurs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, l’amendement crée une surtaxe sur la surtaxe. Deuxièmement, croyez-vous qu’une surtaxe soit l’outil juridique ad hoc pour lutter contre un monopole, puisque vous suggérez qu’il y en a un ? Le droit de la concurrence serait un meilleur outil. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). La rédaction de l’amendement rappelle étrangement une proposition de loi de M. Bompard qui visait non pas à créer une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, mais à bloquer les prix – et c’est effectivement ce à quoi aboutirait l’amendement. Le blocage des prix n’a jamais été demandé par les agriculteurs et il n’a jamais fonctionné dans aucun pays, où l’on a au contraire observé qu’il vidait les rayons des supermarchés, créait un marché au noir où les agriculteurs vendent des produits sous le manteau et, à la fin, amenait à un effet de rattrapage lorsqu’on libère enfin les prix. C’est une vision marxiste de l’économie qui n’a jamais fonctionné nulle part.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF758 de Mme Mathilde Feld, I-CF648 de Mme Claire Lejeune, I-CF652 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1696 de M. Nicolas Sansu, amendements identiques I-CF309 de Mme Christine Arrighi et I-CF1396 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). La discussion a déjà eu lieu. Ces amendements portent sur la contribution exceptionnelle des armateurs.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous pouvons encore nous rattraper : le résultat du vote était de 17-17 tout à l’heure.

Mme Christine Arrighi (EcoS). En 2021, les bénéfices de CMA-CGM s’élèvent à 17,9 milliards de dollars, en 2022 à 24,9 milliards, en 2023, ils connaissent une petite chute, à 3,64 milliards, en 2024, ils progressent de 56 %, à 5 milliards. Pas de taxation des superprofits, maintien de la taxe au tonnage, et vous ne voulez pas de la reconduction de la contribution exceptionnelle. Les Français jugeront.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Je retire mon amendement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

Successivement, la commission rejette les amendements I-CF758 et I-CF648 et adopte l’amendement I-CF652, l’amendement I-CF1396 ayant été retiré.

En conséquence, les amendements I-CF1696 et I-CF309 tombent.

Amendements I-CF761 de M. Éric Coquerel, amendements identiques I-CF749 de Mme Estelle Mercier, I-CF777 de Mme Marianne Maximi et I-CF1189 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). C’est un amendement de décence eu égard au contexte dans lequel nous nous trouvons.

Les actionnaires du CAC40 ont touché en 2025 près de 100 milliards d’euros qui sont à peine taxés, sur lesquels il n’y a pas de cotisations et qui ne participent pas même pour un euro à notre modèle social. On comprend la colère des gens : il est indécent d’expliquer aux malades, aux précaires, aux apprentis, aux classes populaires et moyennes qu’ils doivent encore faire des efforts quand les actionnaires, eux, continuent à se gaver. Les milliards de dividendes ne tombent pas du ciel, ils viennent de la richesse produite par les travailleurs et les travailleuses de notre pays qui, eux, n’ont pas le droit à la moindre augmentation de salaire. Avec le gel du barème de l’impôt sur le revenu, ils vont même, au contraire, perdre du pouvoir d’achat.

L’amendement vise à faire participer les actionnaires du CAC40 à l’effort budgétaire avec une petite taxe de 5 %, uniquement sur les superdividendes. Nous ne comprendrions pas que vous ne le votiez pas.

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle de 5 % sur les superdividendes versés par les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires excède 1 milliard d’euros. Cette taxe s’appliquerait uniquement lorsque les dividendes dépassent de 20 % la moyenne des cinq dernières années.

Mme Maximi a employé le mot décence. C’est exactement ce dont il s’agit. Ce que nous vous expliquons depuis deux jours, c’est que, compte tenu de la situation économique de la France et du puissant sentiment d’injustice qui étreint la plupart des Français, il faut rééquilibrer la balance entre la fiscalité du capital et celle du travail. C’est ce que nous proposons dans cet amendement, qui est décent et raisonnable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF761 vise à créer une contribution sur les dividendes exceptionnels des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros, entendus comme les dividendes qui dépassent de 1,25 fois la moyenne des dividendes versés entre 2017 et 2019. Cette notion crée une asymétrie de traitement. En effet, les entreprises qui feraient profiter leurs actionnaires d’un profit exceptionnel seraient pénalisées, tandis que celles qui versent des dividendes élevés de façon régulière et stable ne seraient pas assujetties à la taxe.

Par ailleurs, puisque les dividendes sont déjà taxés, ces amendements risquent de contrevenir à la directive mère-fille en portant la quote-part au-delà des 5 %. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai l’impression que cet amendement est le même que celui du Rassemblement national. Pour vous, quelle est la différence entre cette taxe et celle qui n’a pas été adoptée hier ?

M. Nicolas Sansu (GDR). L’entité qui paye n’est pas la même, monsieur Tanguy. Ce n’est donc pas le même amendement que celui du Rassemblement national.

En revanche, cet amendement présente de grandes ressemblances avec celui proposé par Jean-Paul Mattei et adopté en séance dans le PLF pour 2024. Il peut donc susciter un large consensus.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). À l’époque, cet amendement sur les superdividendes était cohérent car les entreprises d’énergie faisaient des bénéfices très importants. À mon grand regret, il a disparu du projet de loi de finances (PLF), adopté par 49.3 après un bras de fer avec le ministre des finances. Depuis, les choses ont évolué.

Nous avons d’abord adopté la contribution différentielle sur les hauts revenus, qui fait que la flat tax peut atteindre 37,2 %, si les 12,8 % et les 20 % sont cumulés. Nous avions d’ailleurs débattu de l’augmentation de son montant. Il me semble donc que l’objectif est atteint, d’autant que nous avons adopté la pérennisation de cette contribution.

Ensuite, au vu de l’évolution du monde des affaires, je ne suis pas sûr que ces amendements soient opérationnels comme en 2023, année de profits exceptionnels où ils avaient un rôle pédagogique.

Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF761 et adopte les amendements identiques.

Amendements I-CF1393 de Mme Estelle Youssouffa, I-CF377 de M. Kévin Mauvieux, I-CF810 de Mme Claire Lejeune, I-CF813 de M. Éric Coquerel et I-CF815 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). Cette mesure reprend l’initiative du groupe Démocrate lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

Les rachats d’actions opérés par les grandes entreprises françaises cotées représentent chaque année un montant de l’ordre de 25 à 30 milliards d’euros en moyenne – sur les 100 milliards de dividendes, dont environ 70 % sont directement versés et 30 % réinvestis dans le rachat d’actions. Lors de pics récents, ces rachats ont atteint 40 à 50 milliards.

Ces opérations, qui permettent essentiellement de soutenir le cours de bourse et de rémunérer indirectement les actionnaires, ne contribuent ni à l’investissement productif, ni au partage de la valeur avec les salariés. Dans un contexte de nécessaire rétablissement des finances publiques, il est légitime de solliciter davantage ces pratiques.

Le taux de la taxe est fixé à 2 % de la valeur des rachats d’actions réalisés par les sociétés dont le siège est situé en France, cotées sur un marché réglementé, et dont le chiffre d’affaires excède 1 milliard d’euros.

Cette mesure aligne la France sur la dynamique internationale ouverte par les États-Unis avec l’Inflation Reduction Act tout en adaptant ce taux pour correspondre au poids réel des rachats d’actions en France – dans la mesure où ils sont encore plus importants aux États-Unis. Elle permet de réorienter les comportements des entreprises vers l’investissement et le partage de la valeur, tout en assurant une ressource nouvelle et équitable pour l’État.

Le produit serait de l’ordre de 2 % sur ces 25 à 30 milliards, soit 600 millions d’euros.

M. Kévin Mauvieux (RN). Notre amendement prévoit de modifier la taxe sur les opérations de rachats d’actions qui n’est pas concluante pour l’instant.

Pour dégager un rendement de plus de 8 milliards d’euros sur la première année et dissuader ces opérations de spéculation, nous proposons un élargissement de l’assiette à toutes les entreprises qui réalisent des rachats d’actions et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros – seuil retenu notamment pour les Gafam – ainsi qu’une augmentation du taux à 33 %.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons avec cet amendement de taxer le rachat d’actions à hauteur de 10 %. Avec l’amendement I-CF813, de repli, nous proposons une taxe de 4 %.

La pratique du rachat d’actions est néfaste à notre économie puisqu’elle consiste, d’une part, à faire augmenter artificiellement la demande d’actions et, d’autre part, à retirer des actions de la circulation, ce qui conduit à l’augmentation mécanique du dividende par action. Cette pratique de spéculation, contre laquelle il n’existe aucune mesure significative, se fait au détriment de l’investissement des entreprises dans l’économie réelle. Le président Macron lui-même a dénoncé son cynisme.

Nous proposons une taxe sur la base de la valeur réelle des actions, et non pas sur leur valeur nominale, comme l’avaient fait les gouvernements Bayrou et Barnier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour résumer, l’amendement I-CF1393 propose une taxe sur le rachat d’actions assise sur leur valeur d’acquisition. La disposition adoptée l’année dernière dans la loi de finances pour 2025 asseyait cette taxe sur leur valeur nominale. Avec l’amendement I-CF377 M. Mauvieux entend quadrupler le taux de la taxe, le portant de 8 % à 33 %. Enfin, les amendements I-CF810, I-CF813 et I-CF815 proposent une taxe assise sur la valeur réelle des actions, ce qui va à l’encontre de la directive mère-fille puisqu’elles seraient alors taxées une deuxième fois. Ils sont donc contraires au droit européen. En outre, toutes ces dispositions aggravent la pression fiscale. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Taxer le rachat d’actions a forcément une incidence sur le cours de l’action, qu’il ferait baisser, créant ainsi une opportunité formidable pour les fonds vautours qui pourraient racheter les titres d’entreprises françaises cotées.

Sans vouloir “ramener ma science”, j’ai dirigé une thèse sur le sujet : la baisse du cours d’une action – pour des raisons de gouvernance, de mésentente entre les actionnaires ou de stratégie – expose en effet au risque d’une offre publique d’achat (OPA) hostile ou d’un rachat de titres par des hedge funds. Toute la littérature académique en sciences économiques s’accorde sur ce réel danger. Il ne me paraît donc pas adapté de désarmer notre économie en taxant le rachat d’actions.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le rachat d’actions spéculatif vient des États-Unis, où, afin de taxer les dividendes, il a été détourné de sa fonction principale de structuration des opérations de marché. Le rachat d’actions sert à présent à soutenir artificiellement les cours de bourse, envoyant d’ailleurs le message que les bénéfices de l’entreprise sont supérieurs aux investissements nécessaires, suscitant ainsi des désaccords sur l’utilisation du capital. Il ne s’agit donc pas d'une pratique nationale et les entreprises françaises l’emploient pour copier les pratiques des fonds américains, au demeurant déjà majoritaires dans le CAC40.

Or le rachat d'actions nourrit l’attrait étranger pour les actions françaises. Il faut donc soutenir l’actionnariat français ! Vous rejoignez paradoxalement les gauches en ne faisant rien. Rien ! Pourtant, le rapport de M. Jolivet et moi-même montre bien que l’épargne française ne va pas, ou de manière très marginale, vers le CAC40 – l’épargne des classes moyennes notamment, sans parler de celle des classes populaires. Faute de soutien, vous avez laissé les intérêts américains entrer au CAC40.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les amendements qui défendent une taxe sur le rachat d’actions à une valeur de marché s’opposent à la réglementation européenne. Nous avions insisté là-dessus l’an dernier lorsque nous avons dû en rester à une taxe assise sur la valeur nominale des titres, alors que nous souhaitions, au départ, adopter une taxe de 1 % assise sur leur valeur de marché.

Concernant le rachat d’actions, j’ai toujours dit que le vecteur privilégié n’était pas forcément le bon. Il faudrait travailler à un droit d’enregistrement pour un partage d’annulation des titres, mais nous n’y parvenons pas. Nous considérons tous que c’est un sujet de fond et il nous faut désormais travailler à une taxe raisonnable, qui ne soit pas confiscatoire et qui tienne compte des contraintes européennes, d’autant que la mesure décevante votée l’an dernier n’a pas été aussi rentable que prévu.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF691 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement tend à taxer les compléments de loyer dans les zones tendues : ils augmentent artificiellement le montant des loyers, touchent souvent les locataires les plus précaires et ceux qui ont le plus de difficultés à se loger, et atteignent parfois des montants très élevés – 192 euros en moyenne, et jusqu’à 237 euros à Paris et 161 euros à Lyon et Villeurbanne. Mediapart a enquêté sur la question. Pour dissuader les propriétaires d’utiliser ces compléments de loyer excessifs, nous proposons de les taxer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’émets un avis défavorable à cet amendement qui vise à taxer les compléments de loyer, lesquels sont déjà taxés au titre de l’impôt sur le revenu (IR) et des prélèvements sociaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF334 de M. Arnaud Bonnet

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à exclure les établissements d’enseignement privés – y compris les établissements d’enseignement supérieur – des réductions d’impôts accordées sur les dons des entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.

Ces réductions d’impôt posent en effet un problème de transparence et d’équité territoriale. L’intervention sur ce sujet de deux ministères, celui du budget et des comptes publics et celui de l’éducation nationale, accentue en outre les difficultés de suivi et d’évaluation, sur le plan tant qualitatif que quantitatif, de cette niche. C’est ce qu’a rappelé la Cour des comptes en avril 2024.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat et je rappelle que les établissements privés d’éducation ont une mission de service public. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF903 de M. Pouria Amirshahi

M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement peut faire consensus : il tend à activer le droit au mécénat des sociétés publiques locales (SPL) de manière à reconnaître leur action, notamment dans le champ culturel. La disposition, déjà proposée l’an dernier, avait été adoptée en commission et mériterait cette fois de figurer dans la loi de finances.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Mener des actions de mécénat sur des sociétés publiques locales me semble de bon sens. Avis favorable.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Sur ce sujet, je ne peux pas ne pas saluer le travail de la sénatrice rennaise Sylvie Robert, qui, en portant avec conviction une proposition de loi votée à l’unanimité au Sénat, a inspiré cet amendement que je remercie le groupe Écologiste et social de présenter.

Il permet en effet de résoudre une inégalité fiscale devenue incompréhensible. Les SPL sont au cœur de la vie culturelle de nos territoires puisqu’elles gèrent des musées, des théâtres, des festivals et des équipements culturels essentiels à la vitalité locale. Cet amendement rétablit une équité de traitement et offre un nouveau souffle aux acteurs culturels de proximité. Notre groupe votera donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1072 de M. Christophe Plassard

M. Christophe Plassard (HOR). Cet amendement concerne le patrimoine architectural et culturel de nos gares, qui appartient à l’État mais est mis en gestion auprès de SNCF Gares et connexions, et dont la rénovation est plus que nécessaire, comme en témoignent différents rapports pointant leur dette grise.

Cet amendement entend permettre de faire appel à des financements privés pour ces rénovations – un avantage fiscal ordinairement possible pour les bâtiments inscrits au titre des monuments historiques, sauf en cas de gestion déléguée. Ce n’est pas normal.

Cette mesure aurait très peu d’impact sur les finances publiques : pour 500 millions de travaux sur une dizaine d’années et avec une participation du privé à hauteur de 10 %, cela ne représenterait que 5 millions d’euros par an. Cet avantage fiscal limité permettrait ainsi d’entretenir et de rénover ce patrimoine national confié à la SNCF.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cela fait deux fois que nous travaillons sur cet amendement, je réitère donc mon avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous revenons en effet pour la deuxième fois sur cet amendement poussé par la SNCF, ce que ne mentionne pas l’exposé sommaire.

Ces financements privés viendraient finalement pallier le manque de financements publics. À titre personnel, je n’ai aucune envie d’avoir du LVMH partout sur nos gares, et de voir écrit « Merci, Bernard ! ». C’est ce qui arrivera ! Si nous voulons rénover nos gares, engageons des moyens publics.

M. Christophe Plassard (HOR). Il ne s’agit pas de pallier un manque de financements publics mais de renforcer le budget de la SNCF pour ces rénovations.

Si l’appel aux financements privés n’est pas rendu possible par l’amendement, la question ne portera pas sur le défaut de financements publics mais bien sur le fait que le budget de la SNCF serve à rénover des biens de l’État qui lui sont simplement confiés en gestion.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1291 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Lottiaux (RN). La rénovation d’un monument historique donne droit à du mécénat au titre de l’article 238 bis du code général des impôts. Or ces travaux comprennent fréquemment des fouilles archéologiques, de la rénovation énergétique et, parfois, du remembrement – le regroupement de biens meubles pour les replacer dans le bâtiment rénové –, opérations qui, elles, n’entrent pas dans le cadre de l’article 238 bis. Le but de l’amendement est, dans un souci de cohérence de cet article, de corriger ce manque en y ajoutant ces opérations – au demeurant assez marginales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Même avis qu’hier : favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1579 de Mme Anne-Cécile Violland.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Cet amendement vise à supprimer un avantage fiscal qui a été détourné.

Les entreprises présentes sur le marché français ne peuvent pas détruire leurs stocks de vêtements invendus. Elles doivent les recycler, les vendre à des déstockeurs ou les donner à des associations en échange d’une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés équivalant à 60 % de la valeur du don.

Cela crée un effet d’aubaine pour les entreprises françaises ou étrangères de fast fashion et d’ultrafast fashion et contribue à l’engorgement déjà massif de toutes nos filières de tri, de collecte et de traitement des déchets. Il faut mettre fin à cet effet de bord que nous n’avions pas imaginé au départ. Je précise que cet amendement a été adopté au Sénat en première lecture de la loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’avais cru que nous parlions de gaspillage alimentaire, mais il s’agit des pratiques industrielles et commerciales du secteur du textile. J’ignorais qu’il y avait des abus. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1659 de Mme Olivia Grégoire

Mme Olivia Grégoire (EPR). Les entreprises souhaitent de plus en plus s’engager pour soutenir des causes, faire du mécénat et mener des actions sociales. Elles ont également des obligations en la matière – que l’on pense aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ou à la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD). Enfin, les Français attendent que les entreprises s’engagent dans le débat public.

Cet amendement rendrait possible, pour les entreprises qui s’engageraient dans de telles actions de mécénat sur au moins trois ans – la pluriannualité du financement des causes et des associations est en effet un enjeu majeur –, de faire passer de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires le plafond prévu de la réduction d’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette proposition me semble pleine de bon sens : elle permet aux bénéficiaires d’avoir une vision budgétaire sur trois ans, ce qui est vertueux compte tenu de leurs difficultés de financement. Avis favorable.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il faut réaliser le niveau d’hypocrisie de cet amendement, qui prétend aider des causes ou des associations. La Macronie – celle-là même dont le projet de loi de finances, dans sa seconde partie, présente 300 millions d’euros de coupes sur le budget du sport et des associations, soit près de 20 % de moins – nous propose donc une réduction fiscale pour les entreprises qui aideraient ces mêmes associations ! Vous augmentez au fond les 211 milliards de cadeaux dissimulés offerts chaque année aux entreprises.

M. Charles Rodwell (EPR). Cet amendement est plein de bon sens.

Par ailleurs, monsieur le président, vous avez très judicieusement fait remarquer hier que les membres de cette commission se moquaient parfois des femmes qui prenaient la parole. Ce rappel à l’ordre est valable pour tout le monde, y compris pour le collègue de La France insoumise qui vient de le faire.

M. le président Éric Coquerel. Ce que j’ai dit s’adressait à tous les groupes.

Mme Perrine Goulet (Dem). Cet amendement me paraît intéressant. Depuis plusieurs années, nous essayons de mettre en place des dispositifs de soutien à la protection de l’enfance sur le soin. Or de grandes entreprises se sont réunies pour installer des structures pour accueillir des enfants protégés, notamment à Paris. Il n’est donc pas inutile d’orienter les entreprises qui souhaiteraient venir en soutien à ces projets – pour lesquels l’État et les départements sont défaillants. Il ne me choque pas non plus que les entreprises privées fournissent une aide sur ces causes importantes, plutôt que d’augmenter leurs dividendes. Nous avons demandé aux entreprises de s’engager pour des causes sociales et environnementales : quand elles le font, il faut les encourager.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF987 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez (EPR). L’article 238 bis AB du code général des impôts permet aux entreprises qui investissent dans des œuvres originales d’artistes vivants de déduire de l’impôt sur les sociétés le coût de leurs acquisitions, dans la limite de 0,5 % de leur chiffre d’affaires ou de 20 000 euros. Au-delà d’asseoir le rayonnement culturel de la France et d’assurer une plus large visibilité des œuvres auprès du grand public, ce dispositif, dont la fin est programmée au 31 décembre 2025, permet de soutenir financièrement les artistes français. C’est pourquoi je propose de le proroger de trois ans, d’autant que nous observons déjà une légère baisse des commandes auprès des artistes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En réalité, ce dispositif que vous souhaitez proroger jusqu’en 2028, a très peu de bénéficiaires. Avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous sommes interloqués ! Par cet amendement, vous voulez, une fois de plus, amplifier les déductions fiscales accordées aux entreprises pour leurs bonnes œuvres ou pour leur soutien aux associations qui remplissent, en réalité, des missions de service public. D’un côté, vous rejetez nos amendements qui visent à augmenter la fiscalité sur les entreprises et, de l’autre, vous nous demanderez, dans le cadre de l’examen de la seconde partie du PLF, de procéder à des coupes budgétaires ! D’ailleurs, l’exemple donné par Mme Goulet, qui souligne que l’État est défaillant, est emblématique. Posez-vous plutôt la bonne question : pour quelle raison est-il défaillant ? Tout simplement parce que nous procédons à des coupes budgétaires. Je trouve grave de vouloir recourir au privé pour combler les défaillances de l’État que nous organisons nous-mêmes ici !

Mme Céline Calvez (EPR). Très peu d’entreprises bénéficient de ce dispositif, j’entends bien. Néanmoins, ce qui compte n’est pas tant le nombre d’entreprises qui en profitent que le nombre d’artistes qui sont soutenus grâce à lui. J’ajoute qu’il permet aussi de prêter des instruments de musique.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Avant de clore la réunion, M. le rapporteur général souhaite faire une communication sur l’état des recettes tel qu’il résulte de nos travaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une première évaluation, très imparfaite, a été réalisée aux alentours de seize heures trente, pour faire le point sur l’impact de ce que nous avons voté en commission : globalement, nous arrivons à une dégradation de l’équilibre de l’ordre de 9 milliards d’euros.

Sans entrer dans le détail, permettez-moi de vous indiquer les grandes masses de nouvelles réductions fiscales, c’est-à-dire de plus de 150 millions d’euros : la revalorisation partielle du barème de l’impôt sur le revenu devrait coûter 700 millions d’euros ; le maintien de la réduction d’impôt accordée aux personnes résidant dans un Ehpad, environ 600 millions d’euros ; la réécriture globale de l’article 3 qui visait à instaurer une taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales devrait diminuer les recettes de l’ordre de 1 milliard d’euros ; l’exclusion des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros du champ de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises devrait représenter 500 millions d’euros. S’agissant des niches fiscales, le maintien de l’exonération des indemnités journalières pour les malades atteints d’affections de longue durée (ALD) représenterait un coût de 880 millions d’euros et le crédit d’impôt pour les frais de scolarité de 450 millions d’euros ; le maintien de l’avantage fiscal pour le superéthanol E85 et le biogazole B100 représenterait 289 millions en 2026, 430 millions d’euros en 2027 et 571 millions d’euros à terme ; la suppression de l’article relatif à l’abattement spécial de 10 % pour les retraités coûterait 1,2 milliard d’euros ; le rehaussement à 50 % du taux d’abattement du régime microfoncier, 150 millions d’euros ; et l’augmentation à 100 000 euros de la tranche des bénéfices des PME imposée au taux réduit de 15 % coûterait entre 1,5 milliard d’euros et 3,5 milliards d’euros.

En contrepartie, quelques mesures ont été adoptées créant des recettes supplémentaires, telles que l’exclusion des biens non professionnels du champ de l’exonération de droits de mutation au titre du pacte Dutreil, qui devrait rapporter 500 millions d’euros ou encore la suppression des amortissements déductibles au titre du régime réel BIC (bénéfices industriels et commerciaux), qui rapporterait un peu moins de 400 millions d’euros.

Les dispositions adoptées par la suite n’ont pas encore été évaluées.

M. le président Éric Coquerel. Plusieurs taxes ont été votées, qui rapporteront des milliards – comme la taxation des multinationales à proportion de leur chiffre d’affaires. Il faut en tenir compte.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tout à fait, mais je vous donne les chiffres dont je dispose à cette heure.

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 14 heures 30

 

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Erwan Balanant, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Christophe Blanchet, M. Arnaud Bonnet, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Jean-René Cazeneuve, M. Pierre Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, Mme Edwige Diaz, M. Benjamin Dirx, M. Alexandre Dufosset, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, Mme Stéphanie Galzy, Mme Félicie Gérard, M. Antoine Golliot, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Guillaume Kasbarian, M. Daniel Labaronne, M. Tristan Lahais, Mme Marie Lebec, M. Aurélien Le Coq, M. Corentin Le Fur, M. Jérôme Legavre, Mme Claire Lejeune, M. Thierry Liger, M. Philippe Lottiaux, M. Sylvain Maillard, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, M. Paul Midy, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Anna Pic, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Emmanuel Tjibaou, M. Gérault Verny, M. Jean-Pierre Vigier

 

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Éric Ciotti, Mme Sophie-Laurence Roy

 

Assistaient également à la réunion. - M. Pouria Amirshahi, Mme Géraldine Bannier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, Mme Cyrielle Chatelain, M. Fabien Di Filippo, M. Inaki Echaniz, M. Charles Fournier, M. Guillaume Garot, Mme Olivia Grégoire, Mme Sandrine Le Feur, M. Didier Le Gac, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, Mme Sandra Marsaud, M. Dominique Potier, Mme Natalia Pouzyreff, M. François Ruffin, Mme Corinne Vignon, Mme Anne-Cécile Violland