Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

 Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’Etat » (Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis)                            2

 

 

 


Lundi
27 octobre 2025

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 8

session ordinaire de 2025-2026

Présidence
de Mme Sandra Regol, vice-présidente


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La séance est ouverte à 21 heures.

Présidence de Mme Sandra Regol, vice-présidente.

La Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’Etat » (Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis).

Mme Sandra Regol, présidente. Nous poursuivons l'examen des missions budgétaires pour avis avec les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Je me réjouis de vous retrouver ce soir pour vous présenter mon avis budgétaire « Administration générale et territoriale de l’État » (AGTE).

Pour mémoire, cette mission regroupe trois programmes : le programme 354, qui concerne l’administration territoriale de l’État, le programme 232, qui porte sur la vie politique et enfin le programme 216, qui finance les politiques du ministère de l’Intérieur. Trois opérateurs de l’État sont par ailleurs rattachés à cette mission : l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), devenue France Titres, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et enfin l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS).

Je vous propose de revenir succinctement sur l’évolution des crédits de la mission AGTE, notamment par rapport aux prévisions de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi) avant de détailler les principaux enjeux affectant ces programmes et le budget des opérateurs concernés.

Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » connaît une hausse de ses crédits par rapport à 2025, pour atteindre près de 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Cette hausse est en partie conjoncturelle, portée par les 200 millions d’euros supplémentaires prévus au sein du programme « Vie politique », en raison des échéances électorales à venir. Le programme 354 « Administration territoriale de l’État » n’est pas en reste puisque ses crédits augmentent de 60 millions d’euros. En revanche, les crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » sont en retrait de 135 millions d’euros par rapport à l’année dernière. C’est ce programme qui porte en effet l’effort d’économies au sein de la mission AGTE.

Par rapport aux prévisions de la Lopmi, il apparaît que les crédits de la mission sont en retrait, comme l’année dernière. Nous constatons un écart de 200 millions d’euros sur le périmètre de la mission, hors programme 232. Ces économies sont portées essentiellement par le programme 216, puisque les crédits du programme 354 sont conformes aux prévisions de la Lopmi.

Lors de son audition, le ministère de l’Intérieur nous a indiqué avoir choisi de concentrer les efforts d’économie sur le programme 216, afin de préserver les crédits du programme 354 et des missions « Sécurités » et « Immigration, asile et intégration ». Ce jeu d’équilibre permet une hausse totale de 515 millions d’euros au sein de ce périmètre élargi, ce qui nous rapproche de la cible Lopmi, tous programmes confondus.

Les crédits du programme 354 « Administration territoriale de l’État » augmentent de 60 millions d’euros par rapport à l’année dernière. Son schéma d’emplois est aussi en hausse, avec 50 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires afin de renforcer les effectifs des préfectures et la qualité du service rendu aux usagers. Cette hausse de crédits est conforme aux prévisions de la Lopmi.

Ces moyens supplémentaires permettront d’accélérer la modernisation du parc informatique et la rénovation du parc immobilier de cette administration. Ils financeront notamment la mise en œuvre d’un plan « Numérique du quotidien » dont l’objet est de réduire les irritants que rencontrent les agents territoriaux dans l’exercice de leurs missions.

Ces crédits permettront également de renforcer l’attractivité de l’administration territoriale en donnant corps aux engagements pris devant les agents lors des « Rencontres de l’ATE » au cours desquelles plusieurs mesures catégorielles de revalorisation avaient été actées en 2024, notamment la revalorisation des astreintes.

Le budget de France Titres, opérateur rattaché à ce programme, est stable avec 343 millions d’euros de recettes issues de taxes affectées. Lors de son audition, sa directrice nous a indiqué constater une diminution de la demande de titres sécurisés, dans un contexte où les délais de délivrance sont désormais maîtrisés.

Le principal enjeu d’anticipation, sur ce sujet, tient à l’impératif de remplacement, avant 2033, du permis de conduire « trois volets » par un titre plus sécurisé. À ce stade, cet impératif n’est ni financé, ni véritablement organisé. Au regard du volume de permis à remplacer, soit 25 millions de titres, un travail d’anticipation me semble nécessaire afin d’éviter que nos concitoyens rencontrent des difficultés à l’approche de cette date. La mobilisation de l’outil France Identité pourrait offrir une utile solution dématérialisée.

Le programme 232 « Vie politique » est doté de 300 millions d’euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement, soit 200 millions de plus que l’année dernière. Il comprend le financement de l’aide publique aux partis politiques, (68 millions d’euros), l’organisation des élections politiques (221 millions d’euros) et enfin le budget de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) (10 millions d’euros).

Ces crédits sont suffisants pour faire face aux scrutins prévus en 2026, comme me l’ont confirmé lors de leur audition le ministère de l’Intérieur et la CNCCFP. Le coût de l’organisation des municipales a d’ailleurs été revu à la hausse, afin de tenir compte de la loi PLM, de la hausse du coût d’acheminement de la propagande électorale, et enfin du remboursement des frais de sécurité des candidats, en application de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.

Par ailleurs, le financement de tout scrutin imprévu pourra être organisé selon des modalités identiques à celles retenues pour les élections législatives anticipées, à savoir un redéploiement des crédits nécessaires au sein de la mission et une régularisation en fin de gestion.

Enfin, je me réjouis que des efforts réels soient enfin consentis pour permettre à terme aux candidats de déposer leur compte de campagne de façon dématérialisée. Un nouvel outil devrait être développé progressivement afin de tendre vers cet objectif et de remplacer l’actuelle plateforme qui n’a pas donné satisfaction.

Les crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » sont en recul avec un peu plus de 2 milliards d’euros prévus pour 2026 et inférieurs aux prévisions de la Lopmi. Ce programme porte en effet l’effort du ministère de l’Intérieur en faveur du redressement des comptes publics.

Sont réduits en conséquence les crédits destinés aux affaires immobilières, avec un étalement de certains projets, ainsi que les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), et de l’action n° 11 « Equipements de vidéo-protection de surveillance électronique et de sécurisation du Ministère de l'Intérieur, des collectivités, des forces locales et des établissements publics », qui financent notamment le déploiement de la vidéosurveillance. Les autres postes de dépenses du ministère de l’Intérieur sont en revanche sanctuarisés, ce qui est une bonne chose.

Le budget du CNAPS est en très légère augmentation, avec 18,7 millions d’euros. Lors de son audition, son directeur a estimé que le CNAPS disposait de moyens suffisants. Il m’a également indiqué que les efforts en faveur du renforcement de ses outils numériques et de sa capacité de contrôle allaient se poursuivre, dans une dynamique positive après les Jeux Olympiques.

En conclusion, je considère que les efforts d’économies proposés au sein de la mission AGTE sont équilibrés. Les crédits de cette mission restent en hausse par rapport à l’année dernière, tous programmes confondus. Les priorités du ministère de l’Intérieur y sont préservées. Je me prononce donc en faveur de l’adoption de ces crédits.

M. Jonathan Gery (RN). Dans le projet de loi de finances pour 2026, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » augmentent encore. Plus de 5 milliards d'euros sont désormais alloués à cette mission, censée garantir la présence de l'État dans nos territoires, moderniser nos préfectures et préparer les prochaines élections.

Mais derrière ces chiffres, une question simple se pose : à quoi sert réellement cet argent ? Pendant que les budgets gonflent, les Français peinent toujours à joindre leur préfecture, à obtenir un rendez-vous pour une carte d'identité ou à rencontrer un agent en chair et en os. L'État dépense plus, mais il est de moins en moins présent. On ferme des guichets, on dématérialise à outrance et on éloigne encore un peu plus l'administration de ceux qui en ont le plus besoin.

Le Rassemblement national défend une autre vision, celle d'un État fort, humain et proche du peuple. Nous voulons que chaque Français, qu'il vive à Tarare, à Thizy-les-Bourgs ou à Vénissieux, puisse accéder à un service public accessible avec des agents formés, disponibles et respectueux. Nous proposons de réouvrir des services supprimés des sous-préfectures, de renforcer les effectifs sur le terrain et de simplifier réellement les démarches administratives. Notre ambition est claire : rendre l'État aux Français, un État efficace, impartial et enraciné dans les territoires. C'est cela la vraie modernisation de l'administration, c'est cela la vision du Rassemblement national.

M. Jean Terlier (EPR). Il est important de rappeler que les mesures d'économie budgétaire nécessaires au redressement de nos comptes publics ne doivent pas se faire au détriment de l'efficacité de l'État, notamment dans ses missions régaliennes. La mission de l'administration générale et territoriale de l'État s'avère centrale pour répondre à l'attente de nos concitoyens d'un État fort et efficace, proche de leurs problématiques et recentré sur l'essence de sa raison d'être : leur protection.

Si les crédits de paiement de la mission augmentent globalement de 3,4 % pour atteindre 5,1 milliards d'euros, cette hausse est principalement justifiée par les impératifs que constituent les élections municipales et sénatoriales prévues en 2026. La proposition budgétaire présentée par le Gouvernement va dans le bon sens pour quatre raisons principales : l'État poursuit le renforcement indispensable de la préfectorale, il augmente les moyens alloués à la recherche d'une plus grande efficacité, il garantit les ressources nécessaires au bon déroulement de la vie démocratique et se recentre autour de ses missions régaliennes.

Je souhaite développer trois points essentiels. Premièrement, le renforcement de la préfectorale. On dit souvent que les préfectures représentent le même marteau que l'État, mais avec un manche plus court. Les préfectures sont indispensables tant au maintien de l'ordre public qu'à la mise en œuvre concrète des politiques publiques que nous votons quotidiennement, ainsi qu'au lien entre les citoyens et l'État.

Conformément aux efforts prévus par la Lopmi, le programme 354 « Administration territoriale de l'État » connaît une hausse de 3,6 %. Ce programme finance notamment les moyens de fonctionnement et d'investissement des préfectures et sous-préfectures, ce que nous devons saluer. Ce projet de budget confirme l'ambition de refondation de l'État local. Les préfets doivent être confortés dans leur position de chefs d'orchestre de l'action territoriale de l'État afin de rendre ses actions plus lisibles et cohérentes.

Deuxièmement, la recherche d'une plus grande efficacité de l'État. Le programme 216 participe à l'effort de redressement des comptes publics avec une augmentation de ses crédits de paiement de 5,8 %.

Troisièmement, les crédits alloués à cette mission permettent au ministère de l'Intérieur d'assumer l'une de ses responsabilités fondamentales : l'organisation des élections, notamment les municipales en mars et les sénatoriales en septembre, avec 300 millions d'euros dédiés à ces scrutins.

Pour conclure, l'effort budgétaire qui s'impose à l'ensemble des missions de l'État nous offre l'occasion de déterminer ce qui est véritablement essentiel pour nos concitoyens et ce qui constitue la raison d'être de l'action publique.

Je tiens à saluer le choix du Gouvernement de recentrer les missions du Fonds interministériel de prévention de la délinquance autour de la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Ces missions correspondent à ce que les Français attendent de l'État et, pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur des crédits de cette mission.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je tiens à souligner que nous sommes presque sur la trajectoire de la Lopmi, trajectoire qui demeurait déjà insuffisante pour répondre aux besoins réels des administrations, tant pour le périmètre AGTE que pour les autres budgets. À l'époque, on se félicitait d'augmentations de 150 ou 200 ETP au niveau national grâce à la Lopmi, soit cinq cents sur 5 ans, alors qu'il faut rappeler le point de départ : 14 000 emplois supprimés dans l'administration territoriale de l'État en un peu plus de 10 ans. Donc, si mes calculs sont exacts, -14 000 + 500 équivalent toujours à -13 500. Tout le discours sur le réarmement sonne donc creux.

Par ailleurs, les rapports annuels de performance de l'année précédente révèlent une sous-exécution dans l'administration territoriale de l'État. Plus grave encore, les préfets nous ont signalé à plusieurs reprises une déconnexion entre le plafond d'emploi et les moyens disponibles sur l'enveloppe du titre II. Concrètement, même s'ils souhaitent recruter, ils se retrouvent bloqués par cette inadéquation entre le plafond d'emploi et le montant en euros du titre II. En conséquence, sur le terrain, nous continuons d'employer des vacataires et des contrats courts qui coûtent plus cher, ce que la Cour des comptes a dénoncé il y a environ cinq ans dans son rapport sur l'administration déconcentrée et territoriale de l'État.

Enfin, nous recevons tous dans nos permanences un nombre croissant de personnes qui ne parviennent pas à renouveler leur titre de séjour alors que leur situation personnelle n'a nullement évolué. Ces personnes viennent nous consulter faute de nouvelles de l'administration après l'expiration de leur récépissé. Nous parlons ici de situations dramatiques, y compris pour des détenteurs de cartes de résident de dix ans.

Pourquoi cette situation ? Parce que lorsque nous votons des effectifs supplémentaires pour l'administration territoriale de l'État, les préfets sont finalement incités à les affecter aux procédures d'éloignement, produisant ainsi des obligations de quitter le territoire français (OQTF) en masse qui ne seront pas exécutées mais serviront de munitions médiatiques à l'extrême droite, plutôt que de renforcer l'accueil des personnes étrangères et de traiter efficacement leurs dossiers. Cette situation est proprement insupportable. Voir des personnes résidant en France depuis vingt ou trente ans, dont la situation n'a pas changé, se retrouver avec un premier récépissé puis plus aucune nouvelle, et s'entendre dire qu'elles doivent passer par l'Agence nationale des étrangers en France pour obtenir un nouveau rendez-vous ou utiliser le point d’accès numérique (PAN) E-meraude ou PAN+ pour obtenir des informations sur leur situation, c'est intolérable !

J'exprime ici un véritable cri d'alarme : les quelques ETP supplémentaires, dont nous ignorons d'ailleurs où ils seront affectés, ne suffiront pas à résoudre la situation. Il faudrait véritablement, pour emprunter votre vocabulaire habituel, chers collègues macronistes, un « choc de la relance » ou un « choc d'investissement » ou un « choc des ETP », appelez-le comme vous voulez, mais il est impératif de donner aux préfectures et sous-préfectures les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.

M. Hervé Saulignac (SOC). Je souhaite saluer une certaine forme de lucidité dans les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui déclarait en juin dernier : « sur l'administration territoriale de l'État, nous sommes à l'os ». La question qui se pose désormais est de savoir si ce budget nous permettra de remettre de la chair autour de l'os.

Au regard de ce constat lucide et après analyse de la réponse budgétaire proposée, je doute fortement que nous parvenions à reconstituer substantiellement cette chair manquante. Certes, les autorisations d'engagement progressent de 7 % et les crédits de paiement de 3,4 %. Cependant, le PLF pour 2025 prévoyait une baisse de plus de 15 % des autorisations d'engagement. De surcroît, la hausse globale pour 2026 est essentiellement tirée par des dépenses liées aux échéances électorales à venir, comme la Madame la rapporteure nous l'a exposé.

Les chiffres affichés peuvent donc sembler flatteurs, mais ils ne traitent en réalité qu'une dépense conjoncturelle sans s'attaquer au fond du problème. Madame la rapporteure l'a d'ailleurs clairement indiqué : les crédits de la mission sont en recul sensible si l'on s'en tient au seul périmètre excluant le programme vie politique.

Cet été, le Premier ministre en exercice avait pourtant promis une refondation de l'État local, d'autant plus nécessaire que ce budget prétend justement refonder l'État local. En réalité, rien ne ressemble plus à ce budget que le budget précédent.

Concernant le programme 354 relatif à l'administration territoriale de l'État, la hausse de 3,6 % est présentée comme la traduction budgétaire de cette refondation. Nous constatons en effet une inscription supplémentaire de 6 millions d'euros, essentiellement destinés à des travaux de rénovation énergétique. Ces derniers sont évidemment utiles, mais ne règlent nullement les difficultés de fonctionnement ni la crise des effectifs que nous traversons.

Ce budget annonce 50 ETP supplémentaires en 2026. C'est certes mieux que rien, mais cela reste dérisoire au regard des besoins réels. Par ailleurs, comme Madame la rapporteure l'a souligné, il s'agit quasi exclusivement d'emplois de catégories A et B, davantage A que B d'ailleurs, le solde n'étant établi qu'en prenant en compte la réduction de 100 ETP pour les emplois de catégorie C. Ces derniers sont essentiellement des emplois d'accueil, ce qui signifie que nous aggravons les conditions d'accueil physique de nos concitoyens, situation parfaitement regrettable.

Nous proposerons par amendement la création d'un nombre significatif d'ETP supplémentaires afin de donner une marge de manœuvre aux services préfectoraux sur l'ensemble des catégories. La difficulté réside dans l'identification précise des besoins, car le ministère continue d'utiliser un indicateur manifestement défaillant. L'indicateur actuel, à savoir le nombre de préfectures dont le taux de postes vacants dépasse 3 %, révèle que soixante-quinze préfectures sont concernées, chiffre considérable. Cet indicateur demeure toutefois imprécis puisque l'expression « supérieure à 3 % » ne nous permet pas d'évaluer avec exactitude le déficit réel. Fixer un objectif de cinquante-cinq préfectures en difficulté jusqu'en 2028 revient à reconnaître que l'on n'entend pas véritablement inverser la tendance, mais simplement la limiter.

Un dernier point concernant l'égalité femmes-hommes au sein du ministère : le bleu budgétaire est explicite, la rémunération moyenne des femmes reste inférieure de 10,9 % à celle des hommes. Nous proposerons donc un amendement de rattrapage, car ces inégalités ne constituent ni une fatalité sociologique ni une curiosité statistique, mais traduisent un manque de volonté politique. D'autres pays, comme le Canada, ont agi efficacement en ce domaine.

En conclusion, le ministre avait peut-être raison : nous sommes à l'os, et nous craignons d'y rester avec ce budget.

Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Nous examinons ce soir un budget crucial, celui du bon fonctionnement de notre administration. Ce budget ne répond pas à deux urgences majeures concernant deux niveaux essentiels de notre État : l'accès aux services publics, notamment pour l’obtention des titres de séjour des personnes étrangères, et l'organisation des élections.

Concernant le premier point, il devrait constituer une priorité absolue. Depuis plusieurs années, la situation des personnes demandant le renouvellement de leur titre de séjour s'est considérablement dégradée. Sur le terrain, tant les associations que nous, parlementaires, constatons quotidiennement cette même réalité : les dossiers ne sont pas instruits dans les délais légaux et les récépissés censés prolonger les droits des personnes ne sont pas délivrés à temps.

Derrière chaque dossier bloqué se trouvent des vies en suspens : des contrats de travail interrompus, des pertes de droits sociaux, des études brutalement arrêtées, des logements perdus. En somme, une situation humaine insupportable. Plus grave encore, des personnes en situation régulière depuis de nombreuses années basculent soudainement dans l'irrégularité et se retrouvent exposées à des OQTF. Pendant ce temps, le Rassemblement national prépare des propositions de loi sur ce sujet, « l'État alimente la bête ».

Le PLF 2026 ne prévoit que 50 ETP supplémentaires pour l'ensemble du territoire, ce qui est manifestement dérisoire et ne sera même pas spécifiquement fléché sur cette problématique. Cette augmentation masque en réalité la suppression de 100 ETP de catégorie C. Par ailleurs, les objectifs proposés pour les délais de traitement demeurent inchangés : quatre-vingt-quinze jours pour une première demande et cinquante jours pour un renouvellement. Ces chiffres reposent sur un pari audacieux, pour ne pas dire grotesque. Le Gouvernement se félicite d'un ratio de trois cent quatorze décisions par jour, sans rien dire de leur qualité ni du taux d'annulation par la justice administrative.

À ce propos, l'augmentation prévue du budget alloué aux contentieux du droit des étrangers nous interpelle. La hausse de plus de 6,3 millions d'euros en 2026, après plusieurs années de progression continue, traduit moins un souci d'efficacité juridique qu'une anticipation du coût d'une politique migratoire de plus en plus répressive. L'État budgétise ainsi les conséquences contentieuses de ses propres choix politiques : moins de moyens pour les services publics, mais davantage pour un contentieux qui pourrait être évité. C'est pourquoi le groupe Ecologiste et social soutiendra tous les amendements visant à renforcer les effectifs dédiés au traitement des titres de séjour, tant au nom de la dignité des personnes que de la crédibilité de notre État de droit.

L'organisation des élections constitue une mission fondamentale de l'État. Là encore, aucun enseignement n'a été tiré des travaux remarquables de la commission d'enquête sur l'organisation des élections en France. Les problèmes sont pourtant bien identifiés : la mal-inscription, les radiations abusives, les défaillances matérielles, sans oublier les inégalités d'accès à l'information électorale. Pour ces raisons, nous proposerons de renforcer les moyens d'information sur la question électorale, notamment via le dispositif « alerte citoyenne », issu des recommandations du rapport d'enquête, mais également d'anticiper le coût d'un référendum avant l'élection présidentielle. On nous en parle depuis près d'un an, mais je constate que le Gouvernement n'a toujours pas pris le soin de le préparer dans son budget.

M. Éric Martineau (Dem). Notre groupe salue le travail rigoureux que vous avez fourni, Madame la rapporteure, nous offrant un éclairage pertinent sur les actions menées au regard de ces crédits.

La mission AGTE regroupe trois programmes sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur. Ces programmes visent à assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire à travers les préfectures et sous-préfectures, à coordonner les administrations déconcentrées, à garantir le bon déroulement des élections et à financer les fonctions support du ministère.

L'enveloppe budgétaire de cette mission connaît une hausse notable, tant en crédits de paiement, avec une augmentation de 6,5 %, qu'en autorisations d'engagement en progression de 7 % par rapport à 2025. Ces augmentations s'inscrivent dans la dynamique pluriannuelle fixée par la loi d'orientation de programmation du ministère de l'Intérieur. Parallèlement, les plafonds d'emploi des programmes de la mission bénéficient d'une hausse de 391 équivalents temps plein, dont 348 sur le programme 354, 36 sur le programme 216 et 7 sur le programme 232. Le plafond d'emploi global de la mission atteint ainsi 40 665 ETP en 2026 contre 40 274 en 2025.

Si le schéma d'emplois évolue positivement pour renforcer l'échelon départemental, particulièrement nos préfectures, je souhaite partager une interrogation et solliciter votre éclairage suite aux conclusions de votre rapport. Vous semblez affirmer qu'il existerait une réduction des titres sécurisés et des titres de séjour. Or, concernant le programme 354 relatif à l'administration territoriale de l'État, les documents budgétaires indiquent un déficit d'attractivité persistant, avec un objectif qui se limiterait à maintenir un taux de postes non pourvus à 3 %, soit 670 postes vacants au niveau national. Cette situation illustre des difficultés structurelles à pourvoir l'administration territoriale de l'État malgré les efforts de recrutement.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les documents budgétaires révèlent que cinquante-cinq de nos départements comptent plus de 3 % de postes non pourvus. Le manque de moyens humains dans les préfectures pour la délivrance des titres de séjour engendre des conséquences considérables. La saturation de nos préfectures se traduit par des délais de traitement significativement plus longs, un risque accru d'erreurs dans le traitement des demandes, une multiplication des recours et des contentieux, un engorgement des juridictions et davantage de demandeurs susceptibles de se retrouver en situation d'irrégularité ou d'errance administrative.

Madame la rapporteure, partagez-vous cette analyse ? Les crédits alloués sont-ils suffisants ?

M. Jean Moulliere (HOR). La mission AGTE met en œuvre des politiques publiques fondamentales de notre État de droit : garantir l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques, assurer la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire de la République, et veiller à l'égale mise en œuvre au plan local des politiques publiques nationales.

Le groupe Horizons et Indépendants se félicite du choix du Gouvernement de renforcer les crédits affectés à cette mission, avec une hausse de 7 % des autorisations d'engagement et de 3,4 % des crédits de paiement, pour atteindre respectivement 5 milliards et 5,1 milliards d'euros. S'il est impératif d'assainir nos finances publiques, il convient de préserver les crédits affectés aux domaines d'action fondamentaux de la République, tout en accroissant parallèlement l'efficacité de cette dépense.

Il importe particulièrement de poursuivre le réarmement de l'État territorial dans la continuité des orientations engagées par le législateur dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur. À cet effet, la décision de fixer le schéma d'emplois à 50 ETP supplémentaires pour 2026 mérite d'être soulignée dans le contexte budgétaire actuel.

Notre groupe tient à saluer la contribution de certains programmes de la mission à l'effort de redressement des comptes publics. C'est notamment le cas des dépenses immobilières de l'administration territoriale, qui représentent 14,1 % des crédits de la mission et connaîtraient une baisse de leurs autorisations d'engagement de 7 %. Cette rationalisation des dépenses s'avère nécessaire, la gestion immobilière de l'État étant actuellement pénalisée par une connaissance lacunaire des actifs et une gouvernance éclatée, comme l'a démontré le rapport d'évaluation de la politique immobilière de l'État du Comité d'évaluation et de contrôle de notre Assemblée.

Le Groupe Horizons et Indépendants prend enfin acte de la hausse des crédits affectés au programme « Vie politique ». Bien qu'importante, cette augmentation est mécanique et s'explique par la tenue des élections municipales et des élections sénatoriales, après une année 2025 sans échéance électorale nationale.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Quand l'État s'éloigne de nos territoires, c'est une partie de la promesse républicaine qui s'efface. Ce sentiment est aujourd'hui partagé par un grand nombre de nos concitoyens, particulièrement dans les zones rurales, où l'on ne sait plus toujours à quelle porte frapper.

Face à ces enjeux, le budget 2026 de la mission AGTE demeure décevant. Certes, 5 milliards d'euros sont prévus, ce qui est substantiel, mais le compte n'y est pas réellement. En 2023, nous avions voté une loi d'orientation, la Lopmi, et deux ans plus tard, cette trajectoire n'est plus véritablement respectée.

Je tiens à rappeler un engagement fort pris dans mon département, en Mayenne, en 2022, par le président de la République. Il s'était engagé à réaffirmer le retour des services publics dans les territoires ruraux, en nous promettant notamment deux brigades de gendarmerie que nous attendons toujours. Si des avancées significatives ont été réalisées, comme la réouverture de certaines sous-préfectures ou le déploiement du réseau des maisons France services, cet effort doit impérativement se poursuivre. Ce n'est certainement pas le moment de ralentir.

Notre groupe s'interroge particulièrement sur deux points. Premièrement, concernant les moyens des préfectures. Nous partageons tous l'objectif d'un État plus proche et plus humain. Le ministère annonce la création de 50 emplois, mais parallèlement, on constate une diminution des emplois de catégorie C, précisément ceux des agents en contact direct avec les usagers. Concrètement, quels services vont bénéficier de ces 50 ETP ?

Dans son rapport pour avis, notre rapporteure évoque le plan de refondation de l'État local de juillet dernier. Au-delà du renforcement des pouvoirs des préfets, que prévoit ce plan en 2026 pour les usagers ? Quels crédits spécifiques sont consacrés à sa mise en œuvre ?

Le second sujet qui intéresse le groupe LIOT concerne les élections municipales et l'application du scrutin de liste paritaire à toutes les communes. Les objectifs de la loi votée en mai dernier sont louables : favoriser la parité et l'engagement des femmes dans la vie locale. Cependant, sur le terrain, dans nos communes rurales, notamment dans ma circonscription en Mayenne, cette réforme suscite des inquiétudes et représente un défi majeur à mettre en œuvre. L'État doit être à la hauteur sur ce dossier. Quels moyens spécifiques sont donc mis en œuvre par l'État pour accompagner efficacement ces petites communes rurales ?

Mme Elsa Faucillon (GDR). Je concentrerai mes propos sur l'une des actions du programme administration territoriale de l'État et plus particulièrement sur la question des préfectures. Dans nos circonscriptions, nous sommes constamment sollicités et interpellés concernant les retards d'instruction des dossiers de régularisation. Alors même que les personnes ont effectué toutes leurs démarches en temps voulu, elles sont sans titre de séjour ou sans renouvellement de celui-ci. Ces personnes sont ainsi contraintes, bien malgré elles, à une situation d'irrégularité et d'invisibilisation administrative.

Avec mes collègues députés Stella Dupont, Léa Balage El Mariky, Clémence Guetté et Céline Hervieu, nous avons porté la pétition « Débloque ta Préf » afin de mettre en lumière ce phénomène et de permettre aux personnes concernées de se mobiliser et de témoigner. Je souhaite partager avec vous quelques témoignages. Celui d'Irina, qui a déposé sa demande de renouvellement de carte de séjour dans les délais impartis, mais qui perd son allocation adulte handicapé en raison du silence de la préfecture. Celui de Maria, toujours en attente d'une réponse de l'administration et qui craint désormais pour son CDI. Celui de Samir, présent en France depuis 26 ans, malade et confronté à une attente interminable. Ou encore celui de Victor, travailleur handicapé, qui risque de perdre son emploi et nous confie sa crainte de ne plus pouvoir honorer son loyer.

Nous recevons quotidiennement de nouveaux témoignages et, à chacune de nos interpellations, que ce soit auprès de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), des différents ministères ou de nos préfectures locales, chacun reconnaît l'existence des problèmes sans qu'aucune amélioration concrète ne suive. Alors même que nous avons pu constater, lors de la dématérialisation des cartes grises ou des permis de conduire, des dysfonctionnements similaires qui ont été résolus en deux ans, nous faisons face aujourd'hui à des problèmes qui s'accumulent depuis 4 à 5 ans sans qu'aucune solution ne soit apportée.

Ces lenteurs et entraves administratives engendrent des conséquences humaines et sociales particulièrement graves : impossibilité d'accéder à l'emploi ou de le conserver, de signer un bail, de percevoir des aides sociales ou de renouveler une assurance maladie. Elles plongent des salariés, des étudiants et des familles entières dans une précarité insupportable, alors même que ces personnes vivent, travaillent ou étudient dans notre pays depuis de nombreuses années.

Voilà les effets concrets d'une dématérialisation improvisée, accompagnée de réductions drastiques d'effectifs. Ces situations constituent une rupture de droits manifeste, une atteinte au principe fondamental de continuité des services publics et traduisent également l'impact des différentes lois sur l'immigration et de la perception actuelle des personnes étrangères, même parfaitement intégrées dans notre société.

L'analyse du tableau du bleu budgétaire révèle certes un léger effort concernant les ETP dans le programme 354, avec des crédits budgétaires qui passeront de 4,12 milliards à 4,25 milliards d'euros. Cependant, ces mesures demeurent nettement insuffisantes. Je rappelle qu'entre 2010 et 2020, ce sont 4 700 ETP qui ont été supprimés dans les services déconcentrés. Au-delà de l'entrave aux droits des étrangers, ces dysfonctionnements alourdissent considérablement la charge de travail des agents du service des étrangers en préfecture. La multiplication des titres de séjour de courte durée génère mécaniquement un volume croissant de titres à produire, ce qui contribue à l'engorgement des préfectures.

À trois reprises, en 2020, 2022 et 2023, la Cour des comptes a alerté sur l'insuffisance des effectifs préfectoraux en charge de la délivrance des cartes de séjour. Notre collègue Blandine Brocard, qui avait également rapporté sur cette question, avait déjà formulé ce constat il y a plusieurs années.

Les quelques postes proposés dans le bleu budgétaire ne permettront manifestement pas de résoudre la situation. Il est donc impératif de cesser de simplement reconnaître l'existence des problèmes et d'affirmer la nécessité d'agir : il faut désormais passer concrètement à l'action. C'est pourquoi nous avons formulé plusieurs propositions dans le cadre d'amendements visant à améliorer la situation. Je note d'ailleurs que certains collègues ont présenté des propositions encore plus ambitieuses que celles de mon groupe, et je tiens à les assurer de mon soutien.

M. Ian Boucard (DR). Le budget général de l’AGTE pour 2026 présente une augmentation qui satisfait visiblement nombre de mes collègues. Je ne partage pas cette satisfaction, car la question fondamentale que nous devons nous poser est la suivante : qu'accomplit concrètement un citoyen dans une préfecture aujourd'hui ? Quelles démarches y effectuait-il auparavant et ne peut plus y réaliser désormais ? Que pourra-t-il y faire demain ? Que vient faire le citoyen ordinaire de nos circonscriptions à la préfecture ? La réponse est simple : rien.

Aujourd'hui, dans une préfecture, se présentent essentiellement les ressortissants étrangers pour le renouvellement ou la demande de titres de séjour, et éventuellement les chasseurs pour leur permis de chasse. Depuis des années, nous avons retiré de nombreuses missions aux préfectures et décentralisé maintes compétences vers les collectivités territoriales, notamment l'instruction des permis de construire et les autorisations d'urbanisme. Malgré la suppression de toutes ces missions, nous maintenons des effectifs constants dans nos préfectures.

Dans un contexte où nous recherchons des marges de manœuvre et des économies budgétaires, nous devons nous interroger sur la pertinence de certaines affectations, comme les trois personnes dédiées à la communication d'un préfet ou ses deux chauffeurs. Ces questions, qui nous sont posées en tant que députés, doivent également être adressées aux représentants de l'État.

Par ailleurs, quels résultats avons-nous obtenus lorsque nous avons voulu moderniser certains services ? Dans le Territoire de Belfort, il faut aujourd'hui patienter plusieurs mois pour obtenir un passeport ou une carte d'identité. Nous avons créé l’ANTS, ce qui a retiré ces missions des préfectures. Nous conservons pourtant le même nombre d'ETP dans ces administrations. Ces missions ne sont plus assurées pour les citoyens qui ne peuvent plus obtenir rapidement un passeport ou une carte d'identité. Nous le constatons quotidiennement en tant qu'élus : les citoyens nous sollicitent après quatre, cinq, six semaines d'attente pour le renouvellement de leur passeport, sans avoir reçu la moindre nouvelle. Généralement, ils s'en prennent à leur mairie puisque nous avons organisé un système qui contourne totalement les préfectures.

Deuxièmement, on se félicite aujourd'hui de la création de 10 ETP d'inspecteurs du permis de conduire. Dans mon département, un candidat qui échoue une première fois à l'examen doit attendre six à huit mois pour le repasser, sachant que le taux de réussite national au premier passage n'est que de 50 %. Cet été, en Corse du Sud, l'attente pour un premier passage du permis de conduire atteignait huit mois. Alors que nous débattons de grandes politiques nationales et conjoncturelles, ne devrions-nous pas nous interroger, puisque nous évoquons l'État au cœur des territoires, sur l'utilité concrète de l'État dans les territoires pour les citoyens ?

Aujourd'hui, les citoyens souhaitent simplement obtenir leur carte d'identité dans des délais raisonnables. Ils veulent que leurs enfants puissent passer leur permis de conduire dans de bonnes conditions pour accéder à leur apprentissage ou poursuivre leurs études.

Certes, on annonce la création d’ETP, mais ces efforts paraissent très insuffisants au regard des besoins nationaux. Parallèlement, aucune économie n'est réalisée. Pour illustrer mon propos, prenons un dernier exemple particulièrement éloquent. Lorsque l'État a décentralisé les autorisations d'urbanisme vers les intercommunalités, il n'a même pas transféré les personnels concernés. Dans le cas du Grand-Belfort, où j'occupais les fonctions de vice-président au logement à cette époque, nous avons dû recruter des instructeurs d'autorisation d'urbanisme alors que ceux qui exerçaient précédemment cette mission à la préfecture ont été maintenus pour contrôler le travail des nouveaux instructeurs recrutés par les intercommunalités. Lorsque l'État se désengage, il finit par faire deux fois moins bien avec deux fois plus de personnes. Voilà la question fondamentale que nous devons nous poser concernant cette mission.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteur pour avis. Je souhaite répondre de façon globale à plusieurs sujets évoqués. Concernant les renouvellements et l'obtention des titres de séjour, je précise que la mission prévoit une augmentation de 30 millions d'euros dans l'action 2 du programme 354, comme l'a honnêtement rappelé Madame Faucillon. Cette augmentation permettra de créer 50 ETP dont la majorité sera fléchée vers ce service qui connaît effectivement d'importantes difficultés. Dans le contexte budgétaire actuel, cette création de 50 postes constitue déjà un effort significatif. Nous évaluerons ensemble l'année prochaine si cette mesure a permis d'améliorer l'accès à ce service, comme nous le souhaitons tous.

S'agissant de l'exécution budgétaire, j'ai interrogé les responsables du ministère de l'Intérieur qui m'ont confirmé que le taux d'exécution du budget 2023 atteignait 99,9 %. Nous pouvons donc nous satisfaire d'une exécution quasi complète.

Concernant le permis de conduire, il est clair que les 10 postes créés, bien qu'utiles, ne seront sans doute pas suffisants face à l'augmentation des délais, passés de quarante-deux à soixante-quatorze jours entre 2019 et 2025. La réponse à vos interrogations est donc sans ambiguïté : ces mesures ne seront probablement pas suffisantes.

Quant à l'accès aux services publics, je rappelle l'importance des maisons France services qui permettent désormais d'accéder en un lieu unique à une multiplicité de services auparavant dispersés.

Par ailleurs, face aux difficultés d'attractivité des métiers de la fonction publique d'État, nous espérons que les rencontres de l'activité territoriale des agents de l'État porteront leurs fruits, notamment grâce aux orientations données en matière de revalorisation des astreintes et d'amélioration des conditions de travail, particulièrement avec le redéploiement autour du numérique du quotidien.

Je n'aborde pas certains points spécifiques qui seront traités lors de l'examen des amendements.

Article 49 et État B : Crédits du budget général

Amendement CL30 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Mon collègue me fait remarquer que je propose d'emblée 200 millions d'euros supplémentaires. Ce montant est justifié car il s'agit d'un enjeu fondamental pour notre démocratie. Si tout s'était parfaitement déroulé lors des scrutins précédents, on pourrait considérer ces sommes comme excessives. Cependant, les réformes successives inspirées par le libéralisme ont conduit à une situation où notre administration n'est même plus capable de distribuer correctement la propagande électorale.

Les rares endroits où le système a fonctionné sont ceux où les préfectures ont repris directement cette mission en faisant appel au volontariat de leurs agents, rémunérés en heures supplémentaires pour réaliser les mises sous pli et assurer, avec un service postal moins soumis à la concurrence, une distribution effective dans toutes les boîtes aux lettres. Ces 200 millions d'euros permettraient notamment de garantir que 100 % des plis électoraux arrivent à destination.

Nous considérons par ailleurs que ce budget devrait financer des campagnes de lutte contre la mal-inscription sur les listes électorales, afin de permettre au maximum de citoyens de participer sincèrement aux scrutins en étant correctement inscrits. Cette mission ne peut reposer uniquement sur les militants, les organisations politiques ou les communes dont les budgets sont déjà contraints par la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF). L'État doit prendre ses responsabilités en matière de vie démocratique, et 200 millions d'euros ne seraient pas excessifs pour assurer le bon fonctionnement de notre démocratie.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Le programme 232 comporte déjà 200 millions d'euros supplémentaires qui permettront de fonctionner correctement pour l'année 2026 avec les élections programmées. Vous semblez anticiper des élections qui ne figurent pas actuellement dans notre calendrier électoral. Je vous confirme néanmoins que le ministère de l'Intérieur et la CNCCFP m'ont assuré que ces montants seraient pris en charge si des élections imprévues devaient être organisées.

Par ailleurs, les exemples que vous mentionnez dans l'exposé des motifs, comme la radiation ou la mal-inscription sur les listes électorales, ne relèvent pas directement d'organisations budgétaires.

Concernant l'acheminement de la propagande électorale, je tiens à préciser que le coût a été revu à la hausse afin d'atteindre un objectif le plus proche possible de 100 % de plis distribués.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'émets un avis défavorable.

M. Jean Terlier (EPR). Je partage entièrement l'analyse de Madame la rapporteure sur cet amendement. Je tiens également à m'excuser auprès d'elle pour mon manque d'attention lors de sa réponse précédente, car nous étions en discussion avec mon collègue Boucard concernant son intervention que je jugeais trop sévère.

Il est important de rappeler que la Lopmi de 2023 représente un investissement sans précédent de 15 milliards d'euros pour le ministère de l'Intérieur. Certes, nous constatons une légère sous-exécution, mais jamais les crédits de ce ministère n'ont connu une telle augmentation. Provenant moi-même d'un territoire rural, je peux témoigner du déploiement effectif des maisons France services dans l'ensemble du territoire, avec une sous-préfète spécifiquement affectée à cette mission. Nous avons également bénéficié de rénovations de gendarmeries et du renforcement de la brigade anticriminalité dans le sud du Tarn.

Il est donc inexact d'affirmer que les crédits du ministère de l'Intérieur ont été insuffisants depuis 2017, bien au contraire. Si nous rencontrons aujourd'hui quelques difficultés d'exécution dans un contexte budgétaire contraint, l'orientation générale demeure satisfaisante. Je tiens donc à rappeler que ce sont 15 milliards d'euros qui ont été votés pour le ministère de l'Intérieur en 2023, un effort budgétaire considérable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je tiens à rappeler trois évidences fondamentales. Ce budget peut et doit combattre la mal-inscription et la non-inscription sur les listes électorales par des campagnes de communication efficaces. Si les radiations relèvent effectivement des mairies et non directement du ministère de l'Intérieur, le meilleur moyen d'éviter ces problèmes demeure une bonne inscription des citoyens. Cette information essentielle incombe précisément à ce budget.

Concernant l'acheminement des plis électoraux, nous constatons actuellement un système insatisfaisant avec des arbitrages variables selon les territoires : appels d'offres à certains endroits, gestion à 100 % par les préfectures ailleurs, ou encore des solutions hybrides. La meilleure garantie consisterait à mettre fin aux appels d'offres sur cette mission pour la confier entièrement à l'État. Quand nous lui accordons les moyens nécessaires, l'État accomplit efficacement ses missions. Cette solution requiert certes des financements, et je préconise d'allouer les montants correspondant aux besoins réels.

M. Ian Boucard (DR). Je crains que mon collègue Jean Terrier et moi-même ne nous soyons pas bien compris. J'adhère pleinement à ses propos, mais ils ne concernent pas cette mission budgétaire. L'ouverture et la rénovation de gendarmeries ne relèvent pas de la mission AGTE. De même, le déploiement de la brigade anticriminalité (BAC) dans le sud du Tarn, initiative que je soutiens entièrement, s'inscrit dans la mission « Sécurités » que nous examinerons demain et que j'approuverai sans réserve.

Vous le savez parfaitement, puisque j'étais à vos côtés comme orateur sur la Lopmi où j'ai défendu ces dispositifs. Aujourd'hui, nous traitons spécifiquement de la mission AGTE, comme nous avons précédemment abordé la fonction publique et sa transformation. J'analyse chaque mission distinctement. Si demain nous serons vraisemblablement en accord sur le déploiement des crédits Lopmi pour la sécurité, j'estime aujourd'hui que les efforts demandés à la mission examinée demeurent insuffisants.

Je m'oppose catégoriquement à l'amendement de Monsieur Bernalicis et je souscris entièrement aux observations de Madame la rapporteure. Prévoir l'organisation d'une élection présidentielle qui n'interviendra qu'en 2027 me paraît inapproprié. Quant au coût d'une élection législative, il est stupéfiant : 6 euros par électeur. Ceux qui tiennent de grands discours sur l'état des finances publiques, notamment dans les rangs du Rassemblement national, devraient mesurer le coût d'une dissolution.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL11 de Mme Léa Balage El Mariky

Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement vise à permettre à l'État d'anticiper l'organisation d'un référendum. Le Groupe écologiste et social attache une importance particulière à l'existence de dispositifs de démocratie en continu. On évoque la perspective d'un référendum depuis de nombreux mois, sans qu'aucune provision budgétaire ne soit prévue pour son organisation. Nous rendons service au président de la République et au Gouvernement qu'il a nommé en prévoyant les budgets nécessaires à l'organisation d'un référendum, dont le sujet reste à déterminer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteur pour avis. Allouer 150 millions pour un référendum dont l'éventualité reste hypothétique, tant pour 2026 que pour 2027, ne me paraît pas sérieux. J'émets donc un avis défavorable.

Léa Balage El Mariky (EcoS). Le référendum de 2005 a coûté 130 millions d'euros, ce qui correspond approximativement au coût standard d'une telle consultation. Nous prévoyons ce montant car nous considérons que la démocratie relève d'une volonté politique qui se manifeste par l'allocation de budgets conséquents. L'intention du président de la République d'organiser un référendum apparaît d'ailleurs manifeste depuis plusieurs mois. Il serait malvenu que les crédits destinés à ce référendum soient prélevés sur ceux actuellement affectés aux campagnes municipales, à l'acheminement des professions de foi et des bulletins de vote. Nous voulons donc une enveloppe spécifique de 150 millions d'euros, en référence au coût de 130 millions constaté en 2005.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL10 de Mme Léa Balage El Mariky

Léa Balage El Mariky (EcoS). Cet amendement trouvera peut-être un meilleur accueil. Nous proposons d'allouer 600 000 euros pour initier l'utilisation du dispositif FR-Alert, infrastructure déjà existante, afin d'informer les citoyennes et les citoyens sur les jours de scrutin et les dates limites d'inscription sur les listes électorales. Cette proposition émane du rapport de la commission d'enquête sur l'organisation des élections en France. Le coût reste modéré et permettrait une diffusion très large de ces informations essentielles.

Face aux taux préoccupants de mal-inscription et d'abstention électorale – je pense notamment à la Guyane qui a enregistré un taux d'abstention de 73 % lors des avant-dernières élections – la mise en place de dispositifs d'information efficaces constitue une politique publique indispensable à notre vitalité démocratique. Si certains ont été choqués par les 150 millions d’euros proposés pour un référendum, cet amendement, d'une ampleur bien moindre, devrait pouvoir recueillir l'assentiment des plus réticents.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Je souscris à la nécessité de renforcer l'information des citoyens sur les échéances électorales. Néanmoins, détourner le dispositif FR-Alert de sa fonction première me paraît inapproprié. Ce système est destiné à alerter toute personne d'un danger imminent présent afin de lui permettre de se protéger. Bien que l'on puisse parfois considérer certains résultats électoraux comme périlleux, je pense qu'il convient de réserver FR-Alert aux situations de crise. Je ne juge pas opportun de mélanger les usages de ce dispositif et émets donc un avis défavorable.

M. Hervé Saulignac (SOC). J'ignore si les députés socialistes figurent parmi les plus frileux, mais nous soutiendrons l'amendement de notre collègue. Nous n'avons pas approuvé l'amendement précédent car les 150 millions faisaient référence au référendum très spécifique de 2005 sur la modification constitutionnelle, avec des coûts d'impression particulièrement élevés. Je ne crois pas qu'un référendum standard atteigne de tels niveaux de dépenses.

Certes, le dispositif FR-Alert ne constitue probablement pas le canal le plus approprié pour ce type d'information. Néanmoins, nous considérons que notre pays déploie des efforts très insuffisants, voire quasi inexistants, pour encourager la mobilisation électorale. Toute initiative contribuant à cet objectif mérite d'être soutenue, même si d'autres vecteurs que FR-Alert devront être envisagés.

M. Ian Boucard (DR). Cet amendement soulève deux questions distinctes. La première concerne les dates limites d'inscription sur les listes électorales, dont nos concitoyens n'ont pas nécessairement connaissance. Il est indéniablement nécessaire de réfléchir à l'amélioration des procédures d'inscription et à une meilleure information des citoyens sur ce sujet. Concernant le second point, je récuse l'idée que la forte abstention résulte principalement d'un manque d'information.

L'exemple des dernières élections législatives est révélateur : la participation a fortement progressé entre 2022 et 2024, sans que l'État n'ait intensifié sa communication. Au contraire, ces élections ont été organisées en quatre semaines, contre habituellement six mois de préparation. C'est manifestement le contexte politique national et l'intérêt des citoyens pour ces élections qui ont favorisé leur mobilisation. Je pense qu'il ne faut pas prendre les gens pour des idiots. Leur abstention ne traduit pas un déficit d'information, mais relève d'un choix délibéré.

La question des inscriptions sur les listes électorales reste néanmoins distincte, car elle souffre effectivement d'un déficit d'information. Nous le constatons d'ailleurs avec certains collègues qui lancent actuellement d'importantes campagnes d'inscription en prévision d'une hypothétique dissolution dans trois semaines, alors même que les inscriptions effectuées aujourd'hui ne permettraient pas de voter dans un tel délai.

M. Julien Rancoule (RN). Je crains que cet amendement ne compromette l'efficacité du système FR-Alert, dispositif expressément conçu pour les urgences, comme l'a souligné la rapporteure. Nos téléphones reçoivent déjà de nombreuses notifications quotidiennement. Si nous commençons à utiliser FR-Alert pour signaler des élections ou des démarches administratives, nous risquons de créer un effet de banalisation qui nuirait à la réactivité des citoyens en cas de crise véritable. Notre population n'est pas suffisamment formée pour distinguer l'importance relative des alertes. L'extension du dispositif à des informations électorales, puis demain potentiellement aux déclarations fiscales, affaiblirait considérablement la portée et l'efficacité de cet outil essentiel.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Même si cet amendement était adopté, il demeurerait inopérant puisque FR-Alert est financé par le programme 216 qui ne figure pas dans la mission budgétaire actuellement en discussion.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL25 de M. Ugo Bernalicis, CL5 de M. Hervé Saulignac, CL2 de Mme Elsa Faucillon et CL26 M. Ugo Bernalicis (discussion commune)

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Notre proposition prend délibérément le contre-pied des coupes budgétaires actuelles en recommandant une augmentation substantielle des effectifs dans les préfectures. Le bilan est alarmant : 4 000 postes ont été supprimés entre 2010 et 2020. Concernant spécifiquement les services de délivrance des titres de séjour, cette pénurie d'agents pour l'accueil et l'instruction des dossiers engendre des délais absolument insoutenables. Cette situation administrative précipite de nombreuses personnes dans l'irrégularité, avec pour conséquences dramatiques la perte d'emploi, de logement et de nombreux droits fondamentaux. La première fabrique de sans-papiers réside dans nos propres procédures administratives.

Face à ces difficultés, le Gouvernement a privilégié la dématérialisation, stratégie qui n'a fait qu'aggraver la situation. La Défenseure des droits souligne que cette complexification des procédures et de leur accès empêche de nombreux usagers d'accéder à leurs droits légitimes. C'est pour cette raison que Danièle Obono a déposé une proposition de loi visant à garantir systématiquement des alternatives en présentiel aux procédures dématérialisées. Nous considérons donc impératif d'augmenter significativement les effectifs dans les préfectures.

M. Hervé Saulignac (SOC). Nous estimons également qu’il est nécessaire de renforcer les capacités des préfectures en matière d'accueil et de traitement des demandes de titres de séjour. La situation actuelle donne le sentiment qu'en France, l'obtention d'un titre de séjour s'apparente à une épreuve quasi inhumaine, ce qui contrevient fondamentalement à l'esprit républicain. Il n'est pas à l'honneur de notre pays de traiter ainsi celles et ceux qui disposent de droits légitimes.

La dématérialisation a entraîné une réduction massive des effectifs dans les préfectures. Je rappelle que le PLF 2024 prévoyait la création de 147 ETP, alors qu'aucune création n'était planifiée pour 2025. Les 50 ETP programmés dans le projet qui nous occupe aujourd'hui sont très loin de compenser les pertes accumulées. C'est pourquoi notre amendement propose la création de 1 000 ETP de catégorie B.

Mme Elsa Faucillon (GDR). L'essentiel des arguments a déjà été exposé. J'ajouterai simplement un élément important lié à la complexité croissante du droit des étrangers, résultant de l'accumulation des réformes législatives qui compliquent considérablement le travail des agents. Nous constatons un important turnover dans ces services et de nombreux agents n'ont pas le temps de se familiariser avec ces dispositifs juridiques complexes. Des équipes à la fois renforcées et stables permettraient de mieux répondre aux besoins existants et d'assurer un respect véritable des usagers des préfectures en général, et des services dédiés aux étrangers.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). L’amendement CL26 figure en discussion commune en raison de sa nature budgétaire, mais sa philosophie diffère sensiblement des précédents. Il s'agit d'une protestation annuelle, récurrente et déterminée contre le Concordat d'Alsace-Moselle dans sa dimension de financement des cultes. Nous défendons l'application intégrale de la loi de 1905 sur l'ensemble du territoire national. Par cet amendement, nous proposons que les crédits actuellement alloués aux cultes en Alsace-Moselle soient réaffectés à l'administration générale et territoriale de l'État, notamment aux préfectures, qui en feront, selon notre perspective, un usage plus conforme à l'intérêt général.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Mon avis demeure identique à celui des années précédentes pour les trois amendements proposant la création de 4 000, 1 000 et 260 postes. Vos amendements visent à renforcer les moyens dont disposent les préfectures, objectif que nous partageons. Cependant, cette demande me semble déjà satisfaite de façon équilibrée dans ce PLF. Des efforts importants ont été consentis, avec des créations d'emplois supérieures sur ce programme à ce que prévoyait la Lopmi. En effet, 101 emplois ont été créés à la suite des rencontres de l'administration territoriale en 2025, alors que la Lopmi n'en prévoyait que 45. Cette année, le schéma d'emplois est également positif avec 50 ETP supplémentaires. En cumulé sur les deux dernières années, ce sont donc 151 emplois supplémentaires qui sont prévus, alors que le schéma d'emplois initial n'était que de 126.

Dans ces conditions, le programme 354 est relativement préservé. Les efforts d'économie au sein de cette mission sont concentrés sur le programme 216. L'équilibre trouvé me paraît approprié pour renforcer les moyens de nos préfectures et sous-préfectures, tout en tenant compte des contraintes économiques actuelles. Je ne suis donc pas favorable à ce que nous diminuions les crédits du numérique du ministère de l'Intérieur, qui participent également à la modernisation de son action. J'émets par conséquent un avis défavorable sur ces quatre amendements.

La commission adopte l’amendement CL25 et rejette l’amendement CL26.

Les amendements CL5 et, CL2 sont retirés.

Amendement CL28 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet amendement concerne la vidéosurveillance algorithmique et vise à mettre fin à cette expérimentation et à son déploiement, désormais intégré dans un cadre général. Je constate que l'on invoque maintenant les Jeux Olympiques de 2030 pour justifier une nouvelle étape. La stratégie est toujours la même : on nous présente d'abord ces dispositifs comme de simples expérimentations temporaires pour les Jeux Olympiques, pour entraîner les algorithmes et évaluer leur efficacité, avec la promesse d'y mettre fin s'ils s'avèrent inefficaces. Nous recevons ensuite des bilans attestant de résultats médiocres, mais on nous explique que c'est parce que les algorithmes n'ont pas suffisamment appris et que l'expérimentation doit se poursuivre. À terme, nous nous retrouvons sous un système de surveillance algorithmique permanent. L'étape suivante consistera à mettre en place une notation sociale sous prétexte de contrôler les comportements problématiques pour la société. Cette évolution nous conduit vers un modèle de société que nous refusons.

Je propose donc de mettre immédiatement un terme à cette vidéosurveillance algorithmique, d'autant plus que la France ne s'est pas distinguée par ses positions au sein de l'Union européenne sur les directives successives, notamment concernant l'utilisation par l'État de techniques extrêmement intrusives, prétendument réservées aux situations de crise.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Je vous remercie pour cette présentation. Mon avis est défavorable pour deux raisons principales. Sur le fond, les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) sont déjà en baisse afin de les recentrer sur l'accompagnement des collectivités souhaitant mettre en place la vidéosurveillance, et non plus sur un développement général. Sur la forme, votre proposition de réduire ces crédits de 8 millions d'euros ciblerait la vidéosurveillance algorithmique qui ne relève pas de ce programme mais du programme 176 concernant la police nationale. Je suis donc défavorable à une réduction du budget du FIPD.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Comme vous l'indiquez, nous sommes confrontés à un problème de forme et de fond. Sur la forme, l'utilisation des crédits du FIPD fait généralement l'objet de négociations entre le représentant du préfet et les élus locaux. En pratique, ces négociations se déroulent souvent ainsi : si une commune souhaite obtenir des effectifs de police supplémentaires, elle doit s'équiper en caméras de vidéosurveillance. Voilà ce que signifie véritablement le continuum de sécurité. Il ne s'agit pas d'une coopération intelligente où chacun apporterait sa valeur ajoutée, mais d'une imposition par les services de l'État aux collectivités locales. Nous constatons malheureusement un gaspillage de fonds qui ne servent pas à prévenir la délinquance mais à acquérir des caméras.

Sur le fond, Monsieur Bernalicis a raison de souligner qu'il suffit de cocher une case pour transformer une vidéosurveillance classique en vidéosurveillance algorithmique, c'est-à-dire programmable pour repérer tel ou tel comportement jugé suspect. La question fondamentale est précisément celle de la définition d'un comportement suspect. D'ailleurs, un chercheur affirmait que pour connaître les préjugés d'une société, le plus simple était d'examiner ce qu'on demande au logiciel de repérer.

M. Julien Rancoule (RN). Nous savons que vous êtes opposés à la vidéoprotection sur la voie publique. Toutefois, vous n'évoquez que l'aspect lié à la délinquance, alors que les technologies de reconnaissance algorithmique peuvent également détecter des situations nécessitant une assistance aux personnes. Par exemple, lorsqu'une personne chute sur la voie publique, la caméra algorithmique peut détecter cette chute, notamment si elle se produit sur la route. De même, en cas d'accident impliquant deux véhicules, le logiciel alertera l'opérateur. Il convient donc de considérer l'ensemble des applications de cette technologie qui peut être bénéfique au-delà de la lutte contre la délinquance. Nous connaissons votre réticence à cet égard, mais je vous invite à reconnaître l'utilité de ces dispositifs pour porter assistance aux personnes.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL7 de Monsieur Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac (SOC). Cet amendement d'appel concerne les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, qui demeurent particulièrement prononcés au sein de notre administration. Il incombe au Gouvernement de garantir l'égalité de rémunération en adoptant des mesures structurelles ou des dispositifs ponctuels de rattrapage. C'est précisément l'objectif de cet amendement qui abonde de 1 million d'euros l'action 4 relative à l'action sociale et à la formation.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Je comprends et partage vos préoccupations concernant l'égalité femmes hommes. Toutefois, la difficulté que pose votre proposition réside dans son mécanisme de financement : vous retirez des crédits d'un programme que vous souhaitiez précédemment renforcer. Je vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable, car je refuse la diminution des crédits du programme 354. Votre proposition, bien que pertinente sur le fond entre en contradiction avec les positions que vous avez défendues dans vos amendements précédents.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Pardonnez-moi, Madame la rapporteure, mais votre argument ne tient pas. Vous savez parfaitement que nous sommes contraints par cette procédure budgétaire et qu'en séance, le ministre dispose de la faculté de lever ou non le gage. Vous opposez artificiellement le bon fonctionnement des services publics dans les préfectures à l'égalité salariale entre hommes et femmes. Si je devais trancher, je préférerais allouer 148 millions aux préfectures tout en garantissant l'égalité salariale. Votre argumentation constitue, à mon sens, une manière d'éluder la question fondamentale de l'égalité salariale.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Vous n'avez pas saisi l'intégralité de mon raisonnement. J'ai clairement exprimé mon adhésion au principe, mais notre difficulté dans cet exercice budgétaire tient au fait que nous devons impérativement retirer des crédits d'un programme pour en abonder un autre. En l'occurrence, retirer des crédits du programme 354 équivaut à supprimer des emplois, alors que l'amendement précédemment défendu visait à créer des postes. C'est pourquoi je suggérais un retrait, considérant qu'il s'agit d'un amendement d'appel sur une question que nous pourrons soumettre au ministre lors du débat en séance publique. La contradiction réside dans le fait que nous supprimerions des postes alors que vous demandiez précédemment d'en créer.

M. Hervé Saulignac (SOC). Madame la rapporteure, si vous étiez véritablement convaincue de la pertinence de cet amendement, vous auriez pu, connaissant la nécessité de retirer des crédits, suggérer de les prélever sur une autre action. Vous ne l'avez pas fait, ce qui me laisse douter de votre conviction profonde quant à la nécessité d'atteindre cet objectif d'égalité. Vous ne semblez pas particulièrement disposée à proposer des solutions alternatives. Je maintiens donc cet amendement.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. Merci, Monsieur Saulignac, pour ce procès d'intention. Je vous signale que je conduis actuellement, avec plusieurs de nos collègues, une mission sur l'égalité femmes-hommes. Malheureusement, nous sommes contraints par les règles d'écriture budgétaire, situation que je regrette. C'est précisément pour cette raison que je vous ai demandé un retrait plutôt que d'émettre un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État modifiés.

Après l’article 65

Amendement CL31 de M. Hugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). La situation de l'année dernière était véritablement insatisfaisante. J'entendais tout à l'heure l'argument selon lequel « nous verrons avec l'exécuté ». En réalité, nous votons des dispositions qui sont ensuite soumises à des gels, des surgels et des sous-exécutions. Le Gouvernement conserve une liberté d'action considérable. Nous définissons un plafond que l'exécutif peut même dépasser en cas de circonstances exceptionnelles. Un déséquilibre manifeste existe entre le pouvoir gouvernemental et le contrôle parlementaire, particulièrement sur les questions financières. Cette réalité devient plus évidente en période de crise. Une gestion rigoureuse exigerait de limiter le recours aux contractuels, la Cour des comptes ayant elle-même souligné que l'emploi de contractuels, vacataires et contrats courts entraîne finalement des coûts supérieurs. Ainsi, ceux qui prétendent rationaliser les dépenses de l'État gèrent en réalité les finances publiques de manière incohérente, notamment en ne recrutant pas suffisamment de fonctionnaires titulaires. Nous maintenons donc cet amendement et le soumettons à nouveau au vote cette année, car il répond à des impératifs de bon sens, de stabilité pour les agents publics et même de saine gestion budgétaire.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. J'exprime le même avis défavorable que l'année dernière.

M. Jean Terlier (EPR). Je souhaite simplement indiquer à mon collègue Bernalicis que je partagerais, comme lui, le désir de voir respectés les objectifs budgétaires votés en 2023, notamment l'augmentation des crédits du ministère de l'Intérieur à hauteur de 13 milliards d'euros. Qui pourrait s'opposer à un tel principe ? Nous sommes cependant contraints par un périmètre budgétaire qui nous impose d'ajuster nos dépenses. Comme l'a justement souligné Madame la rapporteure, nous atteignons plus de 99 % d'exécution par rapport aux prévisions budgétaires initiales de 13 milliards d'euros. Certains efforts d'adaptation sont nécessaires, ce qui justifie précisément les crédits proposés dans cette mission, bien que ceux-ci aient été sensiblement altérés par les amendements adoptés.

C'est pourquoi le groupe Ensemble pour la République s'est abstenu ou a voté contre ces crédits. Néanmoins, avec plus de 99 % des crédits votés effectivement engagés, nous devons tous faire preuve de responsabilité et éviter d'affirmer qu'une sous-évaluation justifierait des comportements budgétaires irresponsables. Telle était la motivation de notre vote négatif.

Mme Sandra Regol, présidente. Je rappelle que notre commission ne se prononce ici que pour avis.

M. Hervé Saulignac (SOC). Concernant l'exécution budgétaire, le phénomène que décrit notre collègue Bernalicis s'applique également à l'ensemble des collectivités territoriales de notre pays. Nous votons régulièrement des budgets qui ne sont pas intégralement exécutés, voire des budgets primitifs sciemment biaisés, servant d'affichage politique sans intention réelle de mise en œuvre complète.

Quant à l'amendement en discussion, nous constatons aujourd'hui une prolifération inquiétante des contractuels dans la fonction publique. Cette tendance fait peser un risque sérieux sur le statut même de fonctionnaire, qui pourrait être remis en cause. Nous pouvons anticiper qu'un jour, lorsque les contractuels deviendront majoritaires, certains gouvernements argumenteront que le statut de fonctionnaire est devenu superflu. Face à ces dérives et excès actuels, nous voterons en faveur de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Amendement CL31 de M. Hugo Bernalicis

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous sollicitons un rapport précis sur les conditions de délivrance des titres aux personnes étrangères. Cette procédure est profondément bouleversée par la dématérialisation et le manque de moyens humains. Dans certains cas, nous constatons même une volonté délibérée de faire obstacle à la régularisation administrative des personnes concernées. Je pense notamment aux « gilets noirs », ces travailleurs des Jeux Olympiques de 2024 auxquels des titres de séjour avaient été promis. Il a fallu l'intervention de plusieurs députés pour déposer leurs dossiers afin qu'ils soient enfin pris en compte et qu'un récépissé de dépôt leur soit délivré. Cette situation mérite d'être objectivée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour avis. J'émets un avis défavorable. Un rapport de la Cour des comptes de 2024 traite déjà de ce sujet. Par ailleurs, les informations financières demandées sont accessibles au sein du PAP. Un nouveau rapport me paraît donc superflu.

M. Ian Boucard (DR). J'ai lu attentivement l'exposé des motifs de Monsieur Bernalicis et de Madame Martin, et je souhaite une précision concernant la dernière phrase qui indique : « Il serait aussi, à ce titre, un outil de prévision bienvenu dans l'optique des renouvellements massifs de titres attendus en 2031 et 2033 par le ministère de l'Intérieur et l’ANTS. » Je voudrais comprendre les raisons de cette précision.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cette référence s'explique par l'obligation de renouveler l'intégralité des titres d'identité pour qu'ils adoptent tous le nouveau format numérique pour France Identité. Si nous considérons les 66 millions de Français, même en excluant les nouveau-nés qui n'ont pas immédiatement besoin d'une carte, nous constatons qu'aujourd'hui, même les très jeunes enfants ont besoin d'un titre d'identité pour diverses démarches. Le ratio entre les cartes numériques déjà en circulation et celles à l'ancien format, représente un volume considérable à traiter dans un délai relativement court.

La commission rejette l’amendement.

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La séance est levée à 22 heures 30.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Marie-José Allemand, Mme Léa Balage El Mariky, M. Ugo Bernalicis, M. Ian Boucard, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marietta Karamanli, M. Éric Martineau, M. Ludovic Mendes, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, M. Hervé Saulignac, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez

Excusés. - Mme Émilie Bonnivard, M. Florent Boudié, Mme Émeline K/Bidi, M. Roland Lescure, Mme Naïma Moutchou, Mme Andrée Taurinya, M. Jiovanny William

Assistait également à la réunion. - M. Yannick Favennec-Bécot