Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen pour avis des crédits de la mission « Sécurités » (M. Éric Pauget, rapporteur pour avis) 2
Mardi
28 octobre 2025
Séance de 18 heures 30
Compte rendu n° 9
session ordinaire de 2025-2026
Présidence
de M. Florent Boudié, président
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La séance est ouverte à 18 heures 30.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission procède à l’examen pour avis des crédits de la mission « Sécurités » (M. Éric Pauget, rapporteur pour avis).
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Les crédits de la mission Sécurités sont en hausse – de 1,8 % pour les autorisations d’engagement, qui s’établissent à 26,6 milliards d’euros, et de 2,7 % pour les crédits de paiement, qui s’élèvent à 25,9 milliards.
Les programmes 176, Police nationale, et 161, Sécurité civile, sont ceux qui bénéficient le plus de cette augmentation. Au sein de ce dernier programme, je salue la très forte augmentation des dépenses d’investissement, qui permettra de commander deux avions bombardiers d’eau supplémentaires. Il importait de renforcer la flotte, insuffisante, pour lutter contre les incendies dans un contexte de changement climatique. Plus globalement, le Beauvau de la sécurité civile, dont la première partie s’est achevée, devrait permettre d’avancer sur la question des moyens financiers de la sécurité civile.
Sur l’ensemble de la mission, les dépenses de personnel enregistrent une dynamique satisfaisante : hausse de 3,1 % pour la police nationale, avec un schéma d’emploi de 1 000 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires ; hausse de 1,9 % pour la gendarmerie nationale, avec un schéma d’emploi de 400 ETP en plus ; hausse de 5,2 % pour la sécurité civile, avec la création de 50 ETP.
Néanmoins, je souhaiterais vous alerter sur certains points.
Les crédits accordés à la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale s’avèrent insuffisants au regard des ambitions et des effectifs en hausse. Je formule donc une recommandation visant à les relever – recommandation qui prend tout son sens au regard de la partie thématique de mon rapport.
En outre, si je salue la dynamique donnée aux moyens humains, je considère que celle-ci doit s’accompagner des moyens techniques et équipements suffisants. Il faut que les personnels soient correctement équipés et formés. Or, dans le programme 152, Gendarmerie nationale, les dépenses de fonctionnement sont en baisse, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Il en est de même des autorisations d’engagement du programme 176, Police nationale. Une grande vigilance s’impose donc, comme nous l’ont confirmé les différentes personnes que nous avons auditionnées.
Les crédits du programme 207, Sécurité et éducation routières, sont stables. Si ce programme est le plus petit des quatre que comporte la mission, il est aussi celui dans lequel les enjeux humains sont les plus importants. Je regrette qu’une partie du produit des amendes soit affectée au désendettement de l’État et non à l’amélioration de la sécurité routière.
J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport à la surveillance et au contrôle des frontières face à l’immigration clandestine. Les crédits concourant à cette politique sont répartis entre plusieurs missions, dont celles qui nous intéressent ici, puisque les agents de la PAF, la police aux frontières, relèvent de l’action 04 du programme Police nationale. Je précise toutefois que le contrôle des frontières, à certains points de passage, est effectué par les agents des douanes. Il s’agit donc d’une mission partagée.
Le sujet étant vaste, je me suis concentré sur l’Hexagone et sur les frontières terrestres, qui sont principalement, du point de vue juridique, des frontières intérieures de l’Union européenne. J’ai pu effectuer un déplacement à la frontière franco-italienne, à Menton, et je tiens à remercier ici l’ensemble des personnes que j’ai rencontrées à cette occasion pour leur accueil et la présentation de leur travail.
Mon principal constat est le suivant : les conditions d’exercice de l’activité de lutte contre l’immigration illégale ont connu une évolution significative en raison de l’arrêt du Conseil d’État du 2 février 2024 – évolution qui va se poursuivre, principalement sous l’effet de réformes juridiques menées dans le cadre européen. Cela implique un renforcement des effectifs chargés du contrôle et de la surveillance des frontières, des moyens matériels et des infrastructures, ainsi qu’une adaptation des moyens juridiques mis à leur disposition.
Depuis 2015, la France a rétabli les contrôles à ses frontières, comme le permet le code frontières Schengen. Jusqu’en 2024, il était possible d’opposer un simple refus d’entrée aux étrangers interpellés aux frontières intérieures sans les papiers nécessaires ; ils étaient alors maintenus sur le territoire du pays voisin. Depuis l’arrêt du Conseil d’État, cela n’est plus possible : il faut engager une procédure dite de réadmission, plus complexe à plusieurs égards. Cette dernière nécessite de recueillir l’accord de l’État frontalier par lequel l’étranger est entré en France illégalement : la décision est donc concertée, et non plus unilatérale. Dans l’attente de cette réadmission, la retenue de l’étranger nécessite des locaux, des véhicules pour l’y conduire, des interprètes et des effectifs, en particulier des officiers de police judiciaire. Les frontières intérieures concentrant 90 % des flux d’immigration illégale vers la France, on mesure la portée de cet arrêt.
S’y ajoutent des évolutions à venir. Je pense notamment au pacte européen sur la migration et l’asile, ou encore au nouveau système d’entrée-sortie (EES) entré en vigueur le 12 octobre dernier. Pour respecter ses engagements européens, la France aura un besoin accru d’effectifs et d’infrastructures, en particulier aux frontières extérieures, par exemple pour enregistrer les personnes dans le système EES ou pour les maintenir à la frontière, le temps d’examiner leur situation. Il conviendra d’avoir à l’esprit l’ensemble de ces contraintes lors de l’examen du projet de loi de finances, mais aussi au cours des années à venir.
Je tiens à saluer les solutions qui, depuis quelques mois ou quelques années, sont venues renforcer la flexibilité et l’organisation de la surveillance de nos frontières. Je pense à l’état-major opérationnel des frontières (Emof), chargé d’analyser la situation aux frontières et d’assurer une coordination, mais aussi à la force frontières, un dispositif mis en place dans les Alpes-Maritimes qui est en cours de généralisation sur l’ensemble du territoire. Constitué à moyens constants, il réunit autour de la mission de surveillance des frontières différentes forces – la PAF, les douanes, l’armée, la gendarmerie – tout en tirant parti des spécificités de chacune. Ainsi, dans les Alpes-Maritimes, sur les terrains montagneux, moins accessibles, des militaires de l’opération Sentinelle participent à la surveillance de nos frontières. Je souligne aussi le rôle des réservistes qui assistent les agents de la PAF dans l’exercice de missions dont j’ai proposé d’élargir le champ dans l’une de mes recommandations.
Pour compléter la réflexion sur les effectifs et moyens dévolus au contrôle des frontières, j’ai formulé quelques propositions d’évolution du cadre juridique. Alors que certains outils techniques constitueraient des atouts pour la surveillance des frontières face à l’immigration illégale, leur emploi à cet effet est limité par un cadre juridique très – trop, à mon sens – contraignant. Les agents de la PAF avec qui j’ai pu m’entretenir ne comprennent pas cette frilosité, qui rend leur travail plus complexe. En l’état du droit, l’usage de la vidéosurveillance est impossible ; celui des drones est autorisé, mais il est fortement encadré par la jurisprudence. Et je ne parle même pas des autres technologies existantes. Dans l’hypothèse d’une réintroduction de la vidéoprotection algorithmique (VPA), je propose donc d’envisager un élargissement de son usage à des fins de surveillance des frontières. Le recours à la technologie dans ce cadre ne doit pas être un tabou ; il serait entouré des mêmes garanties et des mêmes garde-fous que pour les missions pour lesquelles il est déjà prévu.
La révision de la directive « retour », engagée en mars 2025 par la Commission européenne, est susceptible de répondre aux difficultés que j’ai cernées au cours de mes travaux. L’une d’elles réside dans l’identification des étrangers en situation irrégulière (ESI), dont dépend en partie le succès d’une éventuelle procédure d’éloignement. C’est l’un des enjeux du rétablissement du délit de séjour irrégulier, dont nous avons récemment discuté. En l’état du droit européen, un tel rétablissement, dans des conditions permettant la fouille des téléphones des étrangers concernés, n’est pas possible. Le futur règlement « retour » pourrait créer un cadre juridique permettant aux autorités compétentes de consulter les téléphones portables des ESI lorsqu’elles n’ont pu obtenir autrement des informations fiables sur leur identité et leur pays d’origine. En outre, il faudrait inscrire explicitement dans le futur règlement « retour » la possibilité de prononcer des refus d’entrée en cas de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures.
Ces constats étant posés, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités.
M. Michaël Taverne (RN). Ensauvagement de notre société, immigration submersive incontrôlée et criminalité organisée : tels sont les trois grands défis auxquels les crédits de la mission Sécurités doivent répondre. Si nous saluons leur augmentation, nous n’oublions pas que le diable se cache dans les détails, comme bien souvent avec la Macronie. Derrière cette hausse totale de 1,8 % – un taux à peine supérieur à celui de l’inflation prévue pour 2026 –, on trouve ainsi une baisse de 1,5 % des crédits dédiés à la gendarmerie, d’autant plus incompréhensible que notre ruralité est de plus en plus gangrenée par la délinquance, la criminalité et le narcotrafic. Avec une coupe de près de 10 % des crédits alloués à l’action Commandement, ressources humaines et logistiques en autorisations d’engagement, soit quasiment 350 millions d’euros, nous nous interrogeons quant à la volonté réelle du gouvernement d’assurer la sécurité dans notre ruralité.
S’agissant de la police nationale, plusieurs éléments nous inquiètent. La hausse du budget de la police judiciaire, de 4 %, est une bonne nouvelle, mais elle ne compense pas la baisse de 8 % enregistrée l’année dernière. Il manque encore près de 130 millions d’euros pour revenir au niveau de la loi de finances initiale pour 2024. Avec un budget pareil, comptez-vous vraiment lutter contre la criminalité organisée ? Permettez-moi d’en douter.
La formation, enjeu essentiel, nous préoccupe également. La fusion en 2025 de la sous-action Formation au sein d’une sous-action Fonctionnement courant des services, plus large, ne permet pas de s’assurer qu’un effort réel est prévu en la matière. Nous ne pouvons pas connaître le montant précis des crédits alloués à la formation, lesquels avaient diminué de 31,49 % dans le PLF pour 2024. Les crédits de la sous-action Fonctionnement courant des services connaissent une diminution de près de 26 % en autorisations d’engagement, nous faisant craindre un nouveau coup de rabot massif sur la formation de nos policiers.
J’appelle également votre attention sur les annulations de crédits subies l’an dernier par trois des quatre programmes de la mission Sécurités, pour un montant total de 77 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 51,93 millions en crédits de paiement.
Les amendements proposés par le groupe Rassemblement national révéleront les angles morts et les insuffisances de ce budget, qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la sécurité civile, sur laquelle notre collègue Julien Rancoule a déposé de nombreux amendements de fond.
Comme d’habitude, les Français n’ont rien à attendre des macronistes ni de la gauche pour assurer leur sécurité. En 2020, Emmanuel Macron affirmait que l’immigration était une chance pour la France – aïe ! En 2021, il déclarait : « il y a un sentiment d’insécurité » – aïe, aïe ! Enfin, plus récemment, il a évoqué le « brainwashing sur les faits divers » – aïe, aïe, aïe ! Il faut le dire, après des années de laxisme et d’absence d’efforts significatifs en faveur de nos forces de l’ordre et de notre sécurité civile, le gouvernement minoritaire essaie de faire croire qu’il agit pour la sécurité de nos concitoyens. Malgré ces hausses budgétaires, dont je viens d’exposer les limites, le ministre de l’Intérieur nouvellement nommé, Laurent Nuñez, n’établit aucun lien entre insécurité et immigration, contrairement à beaucoup de nos voisins européens, qui plus est de gauche. Il a déclaré sans aucune hésitation : « Je suis fier d’être un ministre du président de la République ». La boucle est bouclée, rien ne changera.
Sur ce sujet comme sur tant d’autres, vous n’avez jamais été à la hauteur. La gauche a fait preuve de laxisme et s’est enfermée dans l’idéologie. Quant aux macronistes, ils se disaient, en 2017, fiers d’être des amateurs ; huit ans après, force est de constater qu’ils le sont toujours.
M. Vincent Caure (EPR). Nous en sommes à la quatrième année de mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi), ce cadre pluriannuel défendu par notre groupe qui trace une trajectoire de transformation et de modernisation pour nos forces de sécurité et de secours.
Pour l’exercice 2026, les crédits de paiement de la mission enregistrent une hausse de 2,7 %. Cette progression peut sembler modérée après deux années de très forts investissements, mais elle correspond à une phase de consolidation. Nous passons d’une logique d’expansion à une logique de stabilisation et de montée en puissance : il s’agit de conforter les moyens, d’accompagner les réformes engagées, tout en veillant bien sûr à la maîtrise de la dépense publique dans un contexte budgétaire que nous ne rappellerons à personne.
Cette trajectoire se traduit d’abord par la poursuite des engagements pris dans le cadre de la Lopmi. En 2026, il est prévu de recruter 400 ETP dans la gendarmerie nationale et 1 000 dans la police nationale. Ces créations sont destinées en particulier à la police judiciaire et aux services d’investigation, au cœur de la lutte contre la criminalité organisée et le narcotrafic. Nous nous félicitons de cette orientation, qui fait bien sûr écho à la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, que notre assemblée a adoptée au printemps dernier. À cela s’ajoute la création de cinquante-huit nouvelles brigades de gendarmerie, mesure emblématique attendue sur l’ensemble du territoire national.
Nous saluons cette volonté de maintenir l’ambition de la Lopmi malgré un contexte budgétaire contraint. Cette continuité est le signe que la sécurité des Français demeure une priorité absolue.
Ces hausses de crédits s’accompagnent d’une réduction des nouveaux engagements en matière de fonctionnement et d’équipement, particulièrement au sein de la gendarmerie nationale. Or un schéma d’emploi positif, aussi nécessaire soit-il, ne saurait à lui seul compenser certaines carences matérielles encore trop fréquemment observées sur le terrain. Le général d’armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), l’a rappelé lors de son audition devant la commission de la défense. La situation reste, par exemple, préoccupante s’agissant des véhicules. En principe, un huitième du parc automobile devrait être renouvelé chaque année ; or, ces quatre dernières années, la gendarmerie n’a pu en acquérir que 5 000, au lieu des 15 000 nécessaires. L’articulation entre qualité et disponibilité du matériel doit nous inviter à la vigilance.
Je souligne enfin l’augmentation significative des crédits alloués à la sécurité civile, dont l’action est plus que jamais cruciale. Les récents événements climatiques – je pense notamment à la tempête Benjamin, qui a fait un mort et plusieurs blessés – rappellent la nécessité de renforcer nos dispositifs de prévention et de secours qui interviennent en amont, pendant et après. Le budget demandé pour l’année 2026 s’élève à près de 882 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 6,2 % par rapport à 2025. Il s’agit du programme le plus dynamique de la mission Sécurités. Notre groupe salue cet effort budgétaire important, qui contribue directement à la protection des populations face aux risques.
Nous nous félicitons que cette mission poursuive la trajectoire d’investissement et de modernisation engagée depuis 2022. Toutefois, nous restons vigilants s’agissant de la mise en œuvre complète des engagements de la Lopmi et de la capacité de nos forces de sécurité intérieure à maintenir leur présence vitale sur l’ensemble du territoire.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). La police nationale rassemble quelque 150 000 agents. Nous regrettons que l’essentiel des 1 000 ETP supplémentaires dont elle bénéficiera viennent alimenter la police aux frontières. Cela en dit long sur la vision et les priorités du gouvernement en ce domaine. Alors que nos concitoyens attendent une police du quotidien, une police de proximité, une police rassurante qui évolue au milieu des habitants et dont les effectifs sont connus de tous parce qu’ils se consacrent à un secteur en particulier, à l’opposé de la police d’intervention qui cogne, priorité est donnée à des opérations « coup de poing », de type « place nette », vides de sens. C’est l’infini recommencement des contrôles en bas des immeubles, toujours les mêmes, toujours au même endroit. L’intention est de lutter contre le stup et le deal, mais ce n’est pas la bonne méthode. Assécher le trafic, mener des politiques de prévention sanitaire et empêcher l’entrée dans le trafic, qui brise des vies, cela suppose plutôt de mener une réflexion globale sur la légalisation de ces produits, pour en reprendre le contrôle.
C’est la police aux frontières, police de poursuite des étrangers, qui verra donc ses effectifs augmenter. Nous savons pourtant que les murs les plus hauts du monde seront toujours franchis, tant la misère économique est grande et l’effet du bouleversement climatique puissant. En outre, la création de 3 000 places en centre de rétention administrative (CRA) est programmée ; cette logique, qui va vers toujours plus d’enfermement, conduira notre pays à être de nouveau condamné pour non-respect des droits fondamentaux. N’oublions pas non plus la police technologique, la vidéosurveillance algorithmique dite intelligente – des outils souvent testés sur les étrangers avant d’être imposés à tous.
Au bout du tunnel, il y a tout de même une lumière : les annonces du ministre de l’Intérieur au sujet de la police judiciaire, à laquelle il serait question de consacrer 139 millions d’euros, notamment pour financer un concours spécifique et une prime nouvelle. Nous partageons la volonté du ministre de redorer le blason de la filière « enquêteur », si prestigieuse et si nécessaire. Cela permettra de s’attaquer davantage à la délinquance du haut du spectre et à la délinquance financière, dite parfois délinquance en col blanc. Au-delà des annonces, il nous faudra nous assurer du bon emploi des crédits programmés. On espère au passage que les logiciels de recueil de plainte pourront enfin être utilisés de façon correcte.
La sécurité civile a besoin d’équipements, de Canadair, d’hélicoptères. Or, globalement, le compte n’y est pas.
S’agissant de la sécurité routière, nous contestons la stratégie de surenchère pénale. Mieux vaudrait mettre l’accent sur la prévention, la qualité de l’apprentissage et l’amélioration de l’état des routes.
M. Roger Vicot (SOC). Je n’irai pas jusqu’à dire que le diable se cache dans les détails, mais si on analyse avec un peu de recul la dynamique à l’œuvre depuis l’an dernier, on ne peut effectivement que regretter un certain nombre de choses. Néanmoins, le budget de la mission Sécurités augmente de 2,7 %, pour atteindre 26 milliards d’euros en crédits de paiement – une augmentation conforme à la trajectoire définie dans le cadre de la Lopmi.
On peut se réjouir qu’un certain nombre de mots sont au rendez-vous : la priorité affichée à la sécurité du quotidien, même si sa réaffirmation souligne aussi l’échec de la police de sécurité du quotidien (PSQ) de 2017 ; le renforcement des capacités d’investigation, absolument indispensables ; l’attractivité des filières d’enquête ; le maintien de l’ordre public ; le renforcement des moyens de la sécurité civile.
Nous saluons la création de 1 000 postes dans la police nationale, notamment dans la filière d’investigation, d’autant plus indispensable que le taux d’élucidation des vols avec violence et des cambriolages, respectivement de 16,9 % et de 9,4 %, est en chute libre. Nous observons aussi avec inquiétude la hausse du nombre de victimes de violences physiques non crapuleuses et de violences sexuelles, en particulier chez les femmes. Les effectifs de la police judiciaire sont passés de 46 745 à 42 101 ETP en deux ans, malgré cette augmentation qui ne compense donc pas la baisse décidée dans la loi de finances pour 2024. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la diminution de 229 postes qui touche spécifiquement la catégorie « hauts fonctionnaires de police, corps de conception et de direction et corps de commandement » ? Quels seront les fonctionnaires affectés par cette diminution, et avec quelles conséquences ?
Lundi matin, le ministre de l’Intérieur et le directeur général de la police nationale (DGPN) ont souligné l’importance accordée au programme de mobilisation contre le suicide. Pourtant, le budget alloué à la prévention reste constant, à 1,6 million d’euros, alors qu’il s’élevait à 2,89 millions en 2024 – et il fallait bien ça ! L’effort n’est donc pas à la hauteur.
Par ailleurs, si nous saluons la hausse de 2,6 millions d’euros des crédits en faveur de la formation de la police nationale, nous aimerions en savoir davantage, notamment s’agissant de la formation de la filière d’investigation, qui a été longuement évoquée lors de la récente présentation du rapport d’information d’Ugo Bernalicis et Thomas Cazenave sur le bilan de la réforme de la police nationale. Depuis 2022, nous déposons chaque année des amendements visant à renforcer les moyens investis dans la formation des policiers, condition sine qua non pour garantir une police efficace. Lors du dernier projet de loi de finances, un amendement prévoyant une augmentation de 150 millions de ces crédits avait été adopté, à notre initiative, mais il n’a malheureusement pas été retenu dans le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité.
Compte tenu des avancées affichées, nous abordons plutôt favorablement l’examen des crédits de cette mission, mais nous resterons vigilants, notamment au sort qui sera réservé à nos amendements.
M. Patrick Hetzel (DR). Je concentrerai mes remarques sur les programmes 176, Police nationale, et 152, Gendarmerie nationale, avant de vous faire part de quatre points de vigilance.
Concernant le programme Police nationale, nous considérons qu’il convient de recentrer l’action de la police autour de ses missions régaliennes – sécurité, ordre public et lutte contre les trafics. Il nous semble important d’évaluer la matérialisation des créations de postes : les 1 500 postes supplémentaires doivent se traduire concrètement en effectifs sur la voie publique. Nous jugeons également nécessaire d’accélérer la modernisation des équipements et le déploiement du numérique, tout en supprimant les redondances administratives. Enfin, il faut absolument en revenir à une culture du résultat et de la proximité.
Concernant le programme Gendarmerie nationale, il convient d’achever le plan de création des brigades avant 2027, et de garantir leur répartition équitable dans tout le territoire. Nous plaidons pour un plan pluriannuel de rénovation immobilière, tourné en priorité vers les casernes en milieu rural – dans ma circonscription, le problème de vétusté des locaux se pose avec une acuité croissante. Il faut également réduire les charges administratives des gendarmes, afin de leur libérer du temps opérationnel, et donner la priorité à l’investissement matériel – des efforts ont été faits, mais il reste une marge de progression.
Le groupe Droite républicaine souhaite également appeler votre attention sur quatre points de vigilance. Tout d’abord, il est nécessaire de refonder l’État régalien autour de la sécurité, de la justice et de la cohésion nationale, ce qui implique une bonne articulation avec le ministère de la justice. Deuxième priorité : réorienter les moyens vers le terrain, et non vers les administrations centrales. Troisième priorité : accélérer la modernisation de l’équipement et des infrastructures pour l’ensemble des programmes de la mission. Enfin, il faut absolument rétablir la chaîne de l’autorité : police, gendarmerie et justice doivent pouvoir agir de concert, avec des moyens et une volonté politique alignés.
Nous comptons sur vous, monsieur le rapporteur pour avis, pour vous faire le relais de ces points de vigilance dans les débats parlementaires. J’ai cru comprendre que vous y étiez vous-même sensible : soyez-en remercié.
Mme Sandra Regol (EcoS). Sur le programme 176, Police nationale, nous saluons la priorité affichée par le ministre consistant à réparer un peu la police judiciaire, particulièrement fragilisée par la réforme intervenue il y a quelques années – une situation dénoncée par l’ensemble des syndicats et que nos collègues chargés d’évaluer le bilan de cette réforme ont également soulignée. Désireux de donner un coup de pouce au nouveau ministre de l’Intérieur, nous défendrons des amendements visant à doubler le nombre d’ETP dans la police judiciaire, dont l’altération a, entre autres choses, entraîné le délitement du lien entre la police et la population. À Strasbourg, par exemple, la PJ a dû tracter pour expliquer à la population pourquoi les victimes devaient parfois attendre jusqu’à trois ans pour que leur dossier soit traité. Des pistes ont été évoquées pour pallier cette difficulté : une police plus locale, par exemple, permettrait de rétablir le lien entre la police et la population – on parle plus facilement avec des agents que l’on connaît. Cela vous rappellera sans doute ce vieux truc qui s’appelait « police de proximité », devenu « police du quotidien » ou « police de sécurité du quotidien ».
Le sentiment de ne plus servir autant qu’avant a aussi des conséquences sur les policiers. Non seulement leur taux de suicide ne diminue pas, mais en plus, les agents concernés sont de plus en plus jeunes. Chaque année, nous défendons des amendements visant à renforcer le budget consacré à la lutte contre le suicide ; ils sont systématiquement rejetés. Peut-être arriverons-nous enfin à avancer sur ce sujet, qui est loin d’être anecdotique.
En matière d’insécurité, les chiffres sont clairs : comme nous l’avait confirmé le précédent ministre de l’Intérieur, ce sont les violences intrafamiliales et les violences sexuelles qui augmentent le plus. Les violences physiques et les atteintes aux biens, elles, diminuent respectivement de 9 % et 2,4 %. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, selon l’enquête annuelle « Fractures françaises », si le sentiment d’insécurité global progresse, le ressenti des Françaises et des Français pris individuellement est beaucoup plus nuancé.
Sur le programme 161, Sécurité civile, nous nous félicitons de l’investissement dans de nouveaux avions bombardiers d’eau – Canadair et Dash – et hélicoptères, promis depuis la Lopmi – il était temps ! Nous rappellerons au gouvernement ses engagements en la matière, ainsi que ceux concernant la protection des pompiers face aux cancers et aux PFAS (substances per- ou polyfluoroalkylées). J’aimerais enfin évoquer les associations de protection civile, grandes oubliées du budget, dont l’action permet d’aider nos forces de sécurité civile. Là encore, nous défendrons des amendements pour les soutenir.
M. Éric Martineau (Dem). Le budget de la mission Sécurités est porté à près de 26 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,7 % qui mérite d’être soulignée et permettra de doter nos forces de l’ordre des moyens nécessaires pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
Je tiens avant tout à saluer le travail des brigades de police et de gendarmerie, qui se mobilisent au quotidien pour notre protection dans tout le territoire. Nous leur devons beaucoup. Ces brigades font face à des menaces sécuritaires nouvelles et diverses – terrorisme, criminalité organisée, narcotrafic, cybercriminalité, délinquance, violence routière, trafics en tous genres. Le renforcement des moyens financiers de la police et de la gendarmerie nationales doit donc être considéré non pas comme une charge budgétaire, mais comme un investissement stratégique pour la stabilité, la cohésion et la sécurité nationales.
Les crédits de paiement de la gendarmerie nationale – c’est elle qui est plus particulièrement mobilisée dans mon département de la Sarthe – atteignent plus de 11 milliards d’euros, soit une hausse de 1,84 %. Avec ses 3 110 brigades qui assurent une sécurité de proximité sur 96 % du territoire, notamment dans les zones rurales et périurbaines, la gendarmerie nationale est l’un des piliers essentiels de notre sécurité intérieure. Proche des citoyens, elle assure à la fois réactivité, vigilance et prévention, tout en rassurant la population.
Le développement de la réserve opérationnelle a permis d’atteindre plus de 38 000 militaires. Son enveloppe est portée à 100 millions d’euros, soit une hausse de 33 %, mais le DGGN, le général Bonneau, la juge insuffisante pour atteindre l’objectif de 50 000 réservistes en 2027 fixé par la Lopmi. La mobilisation de cette réserve opérationnelle en renfort des unités de la gendarmerie départementale est particulièrement importante dans les secteurs les plus touchés par la délinquance. Nous veillerons donc à ce que les objectifs de la Lopmi soient respectés.
J’aimerais aussi évoquer la qualité des logements de nos gendarmes, souvent en deçà des besoins en raison d’un parc immobilier vieillissant, voire dégradé. Je salue l’inauguration de nouvelles gendarmeries, comme au Lude, dans la Sarthe. Pour permettre aux forces de l’ordre d’exercer au mieux leurs missions de sécurité publique, nous devons leur proposer des logements en bon état.
Nous serons aussi vigilants en matière d’investissements technologiques, qui facilitent le travail de nos forces de l’ordre. Le général Bonneau soulignait ainsi que la gendarmerie avait besoin d’être augmentée par la technologie. La vidéoprotection est un outil majeur de prévention, de dissuasion et d’élucidation des faits de délinquance. Pour la police nationale, les dépenses numériques, informatiques et technologiques sont portées à 654 millions d’euros, ce qui permettra de donner aux agents les moyens opérationnels pour mieux gérer les crises.
Dans le cadre de la mission d’information que j’ai menée avec Stéphane Peu sur le bilan des Jeux olympiques et paralympiques dans le domaine de la sécurité, nous nous sommes intéressés, entre autres, à l’utilisation de la VPA. Le recours à cette technologie avait pour but de détecter en temps réel des phénomènes susceptibles de présenter ou de révéler des risques d’attaque terroriste ou d’atteinte grave à la sécurité des personnes, et de les signaler aux services compétents. Nous avons préconisé de prolonger l’expérimentation de la VPA au-delà des Jeux, afin de mieux en juger les effets au quotidien et l’utilité pour l’action de nos forces de l’ordre. Monsieur le rapporteur pour avis, pensez-vous que l’utilisation de la VPA et de l’intelligence artificielle (IA) leur permettrait de gagner du temps ou d’être plus efficaces ?
M. Xavier Albertini (HOR). Le budget de la mission Sécurités traduit une mission fondamentale de l’État – certainement même la plus importante : garantir la protection de l’ensemble des Français. À ce titre, c’est l’un des budgets les plus scrutés. La montée de l’insécurité constatée par nos compatriotes et les menaces toujours plus diversifiées, évolutives et violentes auxquelles nos forces de sécurité font face appellent un engagement plein et entier de l’État. Cela passe par un budget renforcé pour nos forces de l’ordre, en moyens humains et financiers.
Les priorités fixées par le gouvernement nécessitent aussi des crédits supplémentaires, en particulier pour la lutte contre les trafics de stupéfiants, qui sévissent désormais dans les villes moyennes – dans le périurbain comme en milieu rural –, et contre les crimes et l’insécurité qui en découlent. Plus aucun territoire de France n’est épargné. Je pense aussi à la lutte contre la délinquance organisée et l’immigration clandestine, et à celle contre les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes.
Le budget de cette mission, qui augmente de 1,8 % en autorisations d’engagement et de 2,7 % en crédits de paiement, vise à traduire ces priorités. Cette hausse de crédits est plus importante encore pour le programme Police nationale. Elle permettra de créer 1 000 emplois supplémentaires dans la police nationale, afin de renforcer en priorité les moyens consacrés à l’investigation, mais aussi le maillage territorial de la gendarmerie, les schémas d’emploi positifs accordés au programme 152 se traduisant par l’octroi de plus de 400 ETP.
Au-delà des moyens humains, il est impératif de renforcer les moyens techniques et technologiques. Je pense en particulier aux outils informatiques, à l’IA et aux outils d’investigation scientifique, qui sont primordiaux. Les outils de la police nationale doivent être aussi performants que ceux de la gendarmerie – c’est une demande répétée des acteurs de terrain.
Satisfait des arbitrages réalisés par le gouvernement, le groupe Horizons & indépendants soutiendra les crédits de cette mission.
M. Paul Molac (LIOT). Je tiens tout d’abord à souligner l’engagement des personnels de sécurité, qu’ils soient policiers ou gendarmes. Chez moi, ce sont plutôt les gendarmes qui sont à l’œuvre pour tenter de juguler les violences intrafamiliales, le vol de métaux ou encore le trafic de drogue, qui irrigue désormais tout le territoire ; et ils y parviennent. Leur engagement est crucial, et lorsqu’ils savent se faire aimer, leur proximité – voire leur connivence – avec la population leur permet d’obtenir des renseignements.
Avec 13,9 milliards d’euros rien que pour la police nationale en crédits de paiement, ce budget signe indéniablement un effort particulier. Surtout, il renoue avec les créations de postes, qui avaient été gelées l’an dernier en dépit des discours sécuritaires de Bruno Retailleau, entraînant une stagnation des effectifs contraire à la trajectoire prévue dans la Lopmi. En 2026, la police nationale devrait ainsi enfin connaître une hausse de 1 000 ETP. Pouvez-vous nous indiquer quels services en bénéficieront ? Notre groupe souhaiterait qu’une partie de ces effectifs supplémentaires revienne en priorité à la police judiciaire, dont la réforme organisationnelle reste source de nombreuses inquiétudes. En effet, comme l’a souligné le rapport d’information de nos collègues Bernalicis et Cazenave, la crainte d’un manque d’enquêteurs se fait toujours sentir sur le terrain, et avec elle la peur que cela obère l’efficacité et l’attractivité de la filière d’investigation.
J’en viens aux crédits dédiés à la gendarmerie nationale. Alors que celle-ci doit faire face à un regain de violence, notre groupe ne peut que déplorer l’état alarmant de l’institution décrit par le général Bonneau. Sur le terrain, on nous fait comprendre qu’il y a toujours un décalage entre les promesses de la Lopmi et la traduction concrète des objectifs fixés. Rien que sur le volet des moyens humains, notre groupe constate qu’en dépit de la hausse des effectifs, nos gendarmes restent toujours moins nombreux qu’il y a quinze ans. En conséquence, certaines unités sont mobilisées au-delà du seuil de soutenabilité dans certaines zones rurales – je l’ai moi-même constaté dans ma circonscription – et dans les outre-mer. En outre, les conditions de travail des gendarmes ne sont pas à la hauteur. Les locaux des casernes n’ont pas à être la variable d’ajustement de cette mission. L’an dernier, j’avais fait adopter un amendement de 200 millions d’euros permettant à l’État de régler les impayés de loyer des gendarmeries – là encore, les bailleurs, qui sont souvent des collectivités locales, n’ont pas à être la variable d’ajustement du budget national. Enfin, la gendarmerie continue de connaître des problèmes d’équipement – nous avons déjà parlé de la flotte automobile. Malgré les crédits mis sur la table, ce manque de moyens risque de l’empêcher de faire son travail dans les meilleures conditions.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je concentrerai mon intervention sur le budget de la sécurité civile, dont les crédits progresseront l’an prochain de 15,7 % en autorisations d’engagement et de 6,3 % en crédits de paiement. L’essentiel de cette hausse doit permettre la réalisation progressive des annonces présidentielles de 2022, matérialisées par la commande, en 2026, de deux nouveaux avions bombardiers d’eau. Mais ce qui nous frappe, c’est qu’en dépit de la progression des crédits, les gouvernements successifs ne semblent toujours pas prendre la mesure du risque de rupture capacitaire, qui s’aggrave chaque année avec l’emballement du réchauffement climatique. De fait, la promesse du chef de l’État de remplacer les douze Canadair en service par seize nouveaux appareils d’ici à 2027, confirmée dans la Lopmi, ne sera pas tenue : non seulement l’échéance a été reportée à 2033, mais en plus, il n’est plus question d’un renouvellement intégral de la flotte, seulement de l’achat de quatre nouveaux appareils – et encore, seuls deux ont été commandés à ce jour, grâce à un cofinancement européen, car le décret du 21 février 2024 avait annulé les 53 millions de crédits prévus pour l’achat des deux appareils supplémentaires. Et ce ne sont pas les engagements d’Emmanuel Macron en matière d’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique qui me rassurent sur cette question.
Les crédits de cette mission montrent bien l’épuisement du modèle de financement de la sécurité civile et les lacunes de l’État. Le Beauvau de la sécurité civile, dont le rapport de synthèse a été publié en septembre 2025, a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme : 80 % des acteurs demandent un engagement plus fort de l’État, et la majorité déplore la désynchronisation persistante entre les budgets publics et la réalité des risques climatiques. Nous continuons ainsi à déléguer aux territoires une mission nationale, alors qu’il conviendrait de rehausser la part de financement étatique des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), de soutenir les associations de sécurité civile, de mobiliser les assureurs à hauteur de la sinistralité climatique, aujourd’hui supérieure à 6 milliards d’euros par an, et de prévoir un fonds national de péréquation pour les départements les plus exposés. Mais aucune de ces propositions ne figure dans le programme Sécurité civile.
Un mot, monsieur le président, à propos de l’organisation des débats. J’ai parlé pendant deux minutes et vingt secondes, ce qui est suffisant pour aborder le seul budget de la sécurité civile, mais en séance, nous n’aurons que trois minutes pour nous exprimer sur l’ensemble des programmes des trois missions Administration générale et territoriale de l’État, Sécurités et Immigration, asile et intégration. C’est trop peu. Je sais que c’est une décision de la conférence des présidents, mais je ne suis pas sûre que les collègues aient compris qu’il y avait trois missions en même temps.
M. le président Florent Boudié. C’est effectivement une décision de la conférence des présidents, qui s’applique à toutes les discussions budgétaires.
Mme Hanane Mansouri (UDR). La mission Sécurités est l’une des plus importantes, puisqu’elle concentre les moyens alloués à la police, à la gendarmerie, à la sécurité civile et à la sécurité routière. Autant dire qu’elle incarne le cœur de l’autorité du pays et qu’elle correspond à la première attente de nos concitoyens, celle de vivre en sécurité.
Les crédits de cette mission, présentée comme une priorité gouvernementale, augmentent certes dans le projet de loi de finances pour 2026, mais cela ne masque pas le manque de résultats concrets sur le terrain.
Le programme 176, Police nationale, premier poste budgétaire de la mission, affiche près de 12 milliards d’euros de crédits, en progression par rapport à 2025. C’est une évolution favorable, mais encore faut-il qu’elle permette d’accroître la présence policière, de moderniser les équipements et de renforcer la formation des forces de police. En effet, les policiers sont à bout, usés par les heures supplémentaires, les procédures à rallonge, les conditions matérielles dégradées et un sentiment d’abandon croissant. Les véhicules manquent, les commissariats tombent en ruine et la réforme numérique, tant vantée par le gouvernement, occasionne de plus en plus de paperasse au détriment du terrain, où les effectifs restent insuffisants et où les renforts promis se font attendre. Les zones rurales, périurbaines et sensibles restent les angles morts de la République.
Les crédits du programme 152, Gendarmerie nationale, atteignent 10,5 milliards, mais là encore, les moyens ne suffisent pas à enrayer le découragement des personnels. Les gendarmes, notamment en milieu rural, sont confrontés à une explosion de la délinquance du quotidien et des violences intrafamiliales. Face à cette montée de la violence, les réponses pénales tardent ou manquent de fermeté.
Chaque été, nos territoires brûlent et nos pompiers sont laissés sans moyens suffisants, résultat d’une insuffisance budgétaire mais aussi d’un manque de cohérence et de planification de l’action.
Pour ce qui est de la sécurité routière et de la conduite et du pilotage des politiques de l’intérieur, nous ne pouvons nier la réalité : la France est un pays où l’autorité recule, où les forces de l’ordre sont contestées et où les délinquants sont plus craints que la loi elle-même.
On nous présente un budget de moyens ; c’est bien, mais les Français attendent aussi un budget de résultats. Ils veulent que l’État les protège, pas qu’il se contente d’investir dans des logiciels ou des campagnes de communication. Ils veulent des policiers et des gendarmes visibles, soutenus, respectés et non pas épuisés. La sécurité n’est pas seulement un coût, c’est un devoir. Quand l’État faillit à ce devoir, ce sont les Français qui en paient le prix – celui de l’insécurité, de la peur et du sentiment d’abandon.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je remercie les orateurs d’avoir souligné que les crédits augmentaient. Cette hausse notable de 2,7 % traduit la volonté de réaffirmer la place du ministère de l’Intérieur et des missions régaliennes dans l’ensemble des politiques publiques.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué des éléments dont j’ai moi-même fait le constat à l’occasion des auditions.
Ainsi, les équipements – véhicules, immobilier, armement, logiciels, nouvelles technologies – sont un sujet de préoccupation. Certes, des efforts financiers et humains sont réalisés : pour la première année, la police nationale bénéficiera ainsi de 1 000 ETP supplémentaires. Cependant, les crédits destinés aux équipements et à leur mise à niveau n’évoluent pas au même rythme. Il faudra y être attentif, car cela joue énormément sur le moral et l’efficacité de nos troupes. La volonté de rattraper le retard des effectifs doit se doubler d’un effort en matière d’équipements.
La charge administrative, qui ne cesse de s’accroître et use les policiers et les gendarmes, a également été soulignée lors des auditions. Je l’aborde dans la partie thématique de mon rapport consacrée à la surveillance des frontières : dans ce domaine, la charge administrative liée aux contraintes juridiques empêche les agents de la PAF d’être efficaces.
La police judiciaire est un sujet de préoccupation depuis quelques années. Il faut lui accorder des moyens. Nous n’avons pas manqué de le dire au DGPN lorsque nous l’avons auditionné ; il a précisé que sur les 1 000 ETP accordés au ministère de l’Intérieur, 700 correspondaient à des officiers de police judiciaire (OPJ). Cela va dans le bon sens.
Je m’intéresse à la vidéo algorithmique depuis des années ; de toute évidence, nous devons progresser dans ce domaine. À Menton, dans ma circonscription, les agents de la PAF m’ont expliqué que la surveillance d’une bande de cailloux située entre la route nationale et le bord de mer, entre l’Italie et la France, nécessitait deux CRS vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an. Ils m’ont assuré que le même travail pouvait être réalisé par une caméra capable de détecter des passages, ce qui économiserait des moyens humains. Il en est de même un peu plus au nord de Menton, sur de longues portions de sentier proches de la frontière.
Avant d’être rapporteur des crédits de la mission Sécurités, j’ai travaillé deux années consécutives sur la sécurité civile. Comme vous le savez, le Beauvau est arrivé à son terme, et des investissements s’imposent. Les crédits de la sécurité civile connaissent une augmentation sans précédent, de 15 %, et deux avions seront achetés. Au-delà, nous devons réfléchir à l’évolution du modèle de financement de la sécurité civile. Il y a deux ans, j’avais préconisé une nouvelle répartition de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA). Rappelons en effet que la sécurité civile est assurée pour l’essentiel par les Sdis, les départements et les collectivités territoriales. J’espère que ce sujet sera traité à la suite du Beauvau. Dans mon rapport sur le budget de la sécurité civile pour 2024, je m’étais penché sur la notion de « valeur du sauvé », qui consiste à valoriser les conséquences bénéfiques des interventions des sapeurs-pompiers.
J’en viens à la réserve opérationnelle. Elle existait depuis longtemps dans la gendarmerie, tandis que celle de la police nationale, plus récente, monte en puissance. C’est un outil extrêmement intéressant, qui permet une certaine souplesse et une certaine réactivité. La gendarmerie nous demande d’y être vigilants ces prochaines années, car elle recourt énormément à la réserve opérationnelle mais n’a pas toujours les crédits nécessaires pour finir l’année.
La gendarmerie a tenu les engagements immobiliers inscrits dans la loi de finances pour 2025. Elle revient désormais à un mode normal. Les problèmes rencontrés l’année dernière, dans lesquels des propriétaires bailleurs – notamment des collectivités – ne touchaient pas les loyers, ne se posent donc plus. Toutefois, une réflexion doit être menée sur l’avenir du parc immobilier de la gendarmerie : cette dernière doit-elle continuer à louer des locaux ou investir dans son propre parc ? Le DGGN a précisé que l’essentiel de l’enveloppe correspondait à de la location, ce qui place la gendarmerie dans une situation de dépendance vis-à-vis d’un parc qu’elle ne maîtrise pas.
Monsieur Taverne, les abandons de crédits de 2024 tenaient essentiellement aux Jeux olympiques et aux événements en Nouvelle-Calédonie. Cela ne devrait pas se reproduire.
Dans le contexte budgétaire que traverse le pays, les moyens consacrés au ministère de l’Intérieur et au régalien sont donc en augmentation, conformément à ce que demandent les uns et les autres depuis des années.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CL138 de Mme Sandra Regol, II-CL12 de M. Roger Vicot, II-CL187 de M. Michaël Taverne et II-CL44 de M. Ugo Bernalicis (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). La police judiciaire rencontre des difficultés, nous l’avons dit, et il est nécessaire d’accroître ses moyens humains. En 2022, un enquêteur traitait en moyenne 180 dossiers par an, dont plus de la moitié étaient des procédures vieilles d’au moins un an. Il est urgent d’agir. Nous proposons la création de 2 000 postes d’ici à 2027.
M. Roger Vicot (SOC). La police judiciaire a subi des baisses de financement pendant plusieurs années. Les auditions ont par ailleurs montré que sa départementalisation avait créé des difficultés. Ses crédits augmentent de 3,8 % dans le PLF pour 2026, mais cela ne compense pas la diminution de plus de 8 % inscrite dans la loi de finances pour 2025. C’est pourquoi nous proposons d’abonder les crédits de l’action 05, Police judiciaire, de 63 851 000 euros.
M. Michaël Taverne (RN). Les crédits de la police judiciaire, hors administration centrale, ont massivement reculé en 2025, ce que ne comble pas la hausse prévue dans le PLF pour 2026 : il persiste une différence de 100 millions d’euros. Or la lutte contre la criminalité organisée et le narcotrafic sera un enjeu majeur dans les temps à venir. Pour des raisons de recevabilité financière, notre amendement d’appel vise à abonder la sous-action 05-02, Missions de police judiciaire et concours à la justice – hors administration centrale et cabinets, du programme 176, Police nationale, de 1 euro.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Vous connaissez notre attachement à la filière « enquêteur », qui permet de lutter contre la délinquance en col blanc ou du haut du spectre. L’amendement CL44 vise à réorganiser cette filière afin de l’unifier et de faire en sorte qu’elle ne soit plus corsetée par la départementalisation de la police, qui n’a pas de sens dès lors que la délinquance elle-même ne connaît pas de frontières. Cela améliorerait la coordination et garantirait une meilleure efficacité, tout en permettant de projeter les effectifs d’une façon structurée et hiérarchisée, en fonction des priorités. De surcroît, on éviterait que cette filière soit utilisée à autre chose, en particulier à la sécurité publique. Nous partageons d’ailleurs avec le ministre de l’Intérieur le souhait que soit créé un concours spécifique.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. De manière générale, les affectations de crédits que vous proposez peuvent être pertinentes ; le problème est qu’à chaque fois, il faut diminuer d’autant les crédits sur une autre ligne. Mme Regol suggère par exemple de retirer 152 millions d’euros à la sécurité civile, quand M. Vicot propose d’en retirer 63 millions à la gendarmerie, ce qui mérite évidemment d’être discuté. J’émettrai donc un avis globalement défavorable sur les amendements de ce type, même si j’en partage parfois la finalité. Certains collègues ont compris le problème et déposé des amendements d’appel à 1 euro. Notez tout de même que sur les quarante-cinq amendements, vingt-cinq ponctionnent les crédits de la sécurité routière, qui est déjà le programme le plus faiblement doté. Les accidents de la route causent pourtant 3 500 morts et 16 000 blessés graves par an. Je ne saurais être favorable à ce qu’on déshabille Paul pour habiller Pierre, d’où ma position de principe.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les arguments du rapporteur pour avis sont un peu spécieux. D’une part, nous indiquons dans les exposés sommaires de nos amendements que nous demandons au gouvernement de lever le gage. D’autre part, dans la première partie du PLF, nous sommes allés chercher 800 millions d’euros afin d’assurer la cohérence entre les recettes et le niveau des dépenses du programme. Et encore, je compte bien que nous adoptions une nouvelle répartition du produit de la TSCA…
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Un article paru dans Le Monde fait état d’un plan de 139 millions d’euros pour la police judiciaire – ce chiffre n’est sans doute pas définitif, mais c’est l’ordre de grandeur. On peut se satisfaire de cette prise de conscience. J’étais le seul, lors de la remise du rapport de la mission d’information en 2023 – et même avant –, à militer pour un recrutement direct très important pour cette filière. Je me réjouis donc que cette proposition soit devenue majoritaire, parce que nous sommes au bord du précipice en matière de lutte contre la délinquance du haut du spectre.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le DGPN nous a confirmé qu’il y aurait bien un plan « police judiciaire » avec le recrutement de 1 000 ETP, dont 70 % seront des OPJ. La loi « narcotrafic » ainsi que la gestion de la PAF, qui sera soumise à de nouvelles contraintes européennes, rendent nécessaire ce renforcement des effectifs. J’ai eu le sentiment, cette année, d’une prise de conscience que je n’avais pas ressentie les années précédentes.
Successivement, la commission adopte les amendements II-CL138 et II-CL12 et rejette les amendements II-CL187 et II-CL44.
Amendements II-CL18 de M. Roger Vicot et II-CL186 de M. Michaël Taverne (discussion commune)
M. Roger Vicot (SOC). Dans le cadre de leur formation, les policiers sont astreints à trois séances de tir d’une heure par an, permettant de tirer quatre-vingt-dix cartouches. Or la moyenne est de quatre-vingt-cinq ou quatre-vingt-six cartouches, et dans certains départements, les policiers ne bénéficient d’aucune séance de tir. Il nous paraît donc très important de renforcer les moyens consacrés à la formation des policiers. Comme nous sommes des personnes responsables, nous ne demandons pas 150 millions, comme l’an dernier, mais 50 millions pour abonder le programme 176, que nous proposons de prélever sur l’action 04, Commandement, ressources humaines et logistique, du programme 152, Gendarmerie nationale.
M. Michaël Taverne (RN). La sous-action Formation a été fusionnée l’an dernier dans une sous-action plus large intitulée Fonctionnement courant des services. Que signifie ce terme ? Quel est le budget alloué à la formation ? Je souhaiterais que le gouvernement nous donne beaucoup plus de détails car, au-delà des séances de tir, les policiers doivent être formés aux gestes techniques professionnels, au secourisme, à la lutte contre l’incendie et à tout ce qui est susceptible de sauver une vie. On sait très bien que la formation au tir sert surtout à ce que certains chefs de service touchent des primes. Tant que l’on n’aura pas répondu à cette question, on ne réglera pas le problème de la formation générale dans la police nationale.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Les crédits de l’École nationale supérieure de police sont en augmentation de 8 %. Cette hausse a pour vocation de financer l’augmentation des effectifs ainsi que le renforcement de la formation des encadrants de la police nationale.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, 8 % de pas grand-chose, cela ne donne pas grand-chose. L’école des officiers n’est qu’un élément ; le budget de la formation concerne l’ensemble de la formation initiale et de la formation continue. On se souvient que Gérald Darmanin avait doublé le budget de la formation, lequel avait ensuite été exécuté à hauteur de 50 %. Il y a une différence entre les effets d’annonce et la réalité.
Depuis 2017, je ne cesse de répéter qu’il faut construire des écoles de police. Je le répète donc cette année encore : il faut construire des écoles de police ! Sans cela, on ne peut pas faire un recrutement dédié à la filière judiciaire. Il avait d’ailleurs été proposé la création d’une académie de police, puis d’une académie de l’enquête pour augmenter les moyens de la formation initiale et continue. Le compte n’y est pas, alors même que le budget était prévu. Il faut donc à la fois le budget et la volonté politique : j’espère que nous aurons les deux.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL142 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). L’amendement vise à renforcer les moyens de la lutte contre le suicide dans la police. Vingt-sept personnes se sont donné la mort en 2024, et seize personnes depuis le début de l’année 2025. Or les budgets alloués ont diminué de moitié entre 2024 et 2025, ce qui n’envoie pas un signal très positif. Nous proposons donc l’embauche de quatre-vingt-dix psychologues supplémentaires pour le service de soutien psychologique opérationnel.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. C’est un sujet dramatique, qui dévaste nos forces de sécurité, en particulier nos policiers. Plusieurs dispositifs existent pour les soutenir – je pense notamment à une ligne d’écoute psychologique externalisée au profit des agents de la police nationale et de leurs familles, par un système de numéro vert, ou encore au dispositif Sentinelles, qui repose sur plus de 2 000 policiers volontaires formés pour détecter les agents en détresse et agir comme des relais. Ce n’est pas satisfaisant, mais il faut tout de même savoir que le nombre de suicides a été divisé par deux en cinq ans.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL29 de Mme Colette Capdevielle
Mme Colette Capdevielle (SOC). Il s’agit de renforcer les moyens budgétaires alloués à Pharos, la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements de contenus illicites en ligne, et, ce faisant, de mieux lutter contre la pédocriminalité. Au vu du nombre de signalements, les moyens alloués à Pharos apparaissent sous-dimensionnés, alors même que ce type d’infractions explose. Les professionnels demandent que l’on donne à la police les moyens de mener une véritable lutte contre les contenus pédopornographiques.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je le disais tout à l’heure, il est nécessaire d’augmenter les crédits relatifs aux ETP, notamment pour ce qui concerne Pharos. Je maintiens toutefois mon avis défavorable par principe, car cela ne peut se faire en retirant des crédits à d’autres programmes. L’amendement de Mme Capdevielle priverait la gendarmerie nationale de 5 millions d’euros qui lui manqueraient certainement.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Mieux vaut renforcer Pharos avec des êtres humains, des signalements humains et un traitement humain plutôt que de surenchérir au niveau européen en prenant tout, en copiant tout et en donnant tout à des algorithmes de surveillance généralisée, comme le prévoit le fameux projet « Chat Control ». Il ne faudrait pas que le manque de moyens accordés à Pharos serve de prétexte pour affirmer que la plateforme ne fonctionne pas et qu’il faut contrôler tout le monde.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). La disponibilité des contenus pédopornographiques sur les réseaux sociaux est absolument hors de contrôle. Il a été scientifiquement démontré qu’ils exercent une influence sur les comportements des personnes qui les regardent et qu’ils sont générateurs d’une plus grande violence. C’est sans doute la raison pour laquelle on assiste, ces derniers temps, à des faits divers sordides dans lesquels de jeunes enfants ou de très jeunes adolescents se prêtent à des comportements sexuels totalement répréhensibles. Tout cela est entretenu par une forme d’impunité. Un renforcement des moyens alloués à Pharos contribuerait à lutter contre ces comportements et permettrait à la police et à la gendarmerie d’intervenir d’une autre manière, tout aussi fondamentale dans le contexte actuel.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL45 de M. Ugo Bernalicis, II-CL143 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL22 de M. Roger Vicot, II-CL47 de M. Ugo Bernalicis, II-CL175 et II-CL174 de Mme Sandra Regol (discussion commune)
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Les féminicides, qui sont la marque ultime du patriarcat, sont encore trop nombreux. Les choses avancent, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir. Aussi l’amendement II-CL45, précisément chiffré, vise-t-il à multiplier les moyens dédiés à l’accueil des femmes victimes de violences : recrutement d’OPJ polyvalents et d’enquêteurs spécialisés ; organisation des locaux afin que l’accueil, le recueil de la parole et le dépôt de plainte se fassent dans les meilleures conditions possibles ; présence d’intervenants sociaux à l’intérieur des commissariats et des gendarmeries, dans la mesure où les faits de violences soulèvent d’autres questions comme la place des enfants, la possibilité d’accéder à un logement ou encore la protection contre le conjoint ou le compagnon violent.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement II-CL143 vise à améliorer la qualité des enquêtes relatives aux infractions sexuelles et à renforcer la formation des forces de l’ordre quant à l’accueil et à la prise en charge des victimes.
En 2024, 85 % des 122 600 victimes de violences sexistes et sexuelles enregistrées par la police ou la gendarmerie étaient des femmes. Pour les victimes, il est assez compliqué d’aller déposer plainte, parce qu’elles ressentent souvent de la honte et de la culpabilité. Elles craignent également de ne pas être crues, d’être mal accueillies, et redoutent le coût et la longueur des procédures, alors que le risque de classement sans suite est important – neuf cas sur dix.
Il est donc réellement nécessaire de former les policiers et les gendarmes à l’écoute, à la compréhension et à la prise en charge des victimes. Il faut aussi leur permettre de se positionner à la bonne place car, selon une enquête de plusieurs journalistes sur le MeToo Police, il existe des problèmes de comportement et de culture au sein même de la police.
Je précise que cet amendement est soutenu par une coalition parlementaire composée de quatre-vingts sénateurs et députés qui a repris à son compte les propositions de la Coalition féministe pour une loi intégrale contre les violences sexuelles. Son chiffrage a également été réalisé par des associations féministes.
M. Roger Vicot (SOC). L’amendement II-CL22 vise à créer, au sein de la mission Sécurités, un nouveau programme doté de 100 millions d’euros afin d’améliorer les conditions d’accueil des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats et les gendarmeries.
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). L’amendement II-CL47 vise à mettre en place une formation continue obligatoire pour les policiers et les gendarmes en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Cette proposition part d’un constat d’échec : 94 % des plaintes pour viol et 80 % des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite. Très souvent, la chaîne pénale se brise dès le premier maillon : le dépôt de plainte. Nous avons beau voter des lois et inscrire le principe de non-consentement dans le marbre, si la victime qui pousse la porte du commissariat est accueillie avec suspicion, la loi reste lettre morte. C’est ce que l’on appelle la victimisation secondaire : toutes les questions fondées sur des stéréotypes de genre – « Êtes-vous sûre ? », « Ce n’était pas juste une dispute ? », « Pourquoi n’êtes-vous pas partie avant ? » – découragent les victimes. Or comment pouvons-nous exiger des policiers un accueil irréprochable quand ils ne reçoivent que neuf heures de formation initiale pour comprendre l’emprise, les mécanismes du trauma et déconstruire des préjugés ancestraux ? C’est dérisoire.
La formation continue obligatoire que nous proposons n’est donc pas une option : c’est une nécessité absolue pour garantir que chaque policier, chaque gendarme dispose des outils pour accueillir la parole, croire la victime et qualifier correctement les faits. Cet amendement, chiffré à 7,6 millions d’euros, c’est le minimum pour que la peur change de camp.
Mme Sandra Regol (EcoS). Si une réelle amélioration a été notée dans l’accueil des personnes victimes de violences sexuelles et sexistes, des inégalités demeurent. Aussi les amendements II-CL175 et II-CL174 visent-ils à augmenter les moyens consacrés à la formation des policiers et des gendarmes afin de poursuivre sur cette bonne trajectoire.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Depuis le Grenelle des violences conjugales, il y a eu une prise de conscience des forces de sécurité. J’ai visité un commissariat et une petite caserne de brigade territoriale de gendarmerie qui comportaient des espaces d’accueil dédiés. Des OPJ se forment sur ce sujet. À Antibes, les violences sexuelles et sexistes ainsi que les violences intrafamiliales représentent la principale activité du commissariat. La sensibilisation des effectifs dépend beaucoup des patrons de casernes ou des commissaires, mais j’ai tout de même le sentiment qu’une prise de conscience est en train de s’opérer. Tout n’est pas parfait, mais la dynamique est réelle.
Avis défavorable, par principe, comme je l’ai expliqué tout à l’heure.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL51 de M. Ugo Bernalicis
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Selon la Défenseure des droits, 21 % des personnes qui viennent porter plainte en raison de discriminations fondées sur leur handicap, leur couleur de peau, leur religion supposée ou leur adresse se voient refuser leur dépôt de plainte. S’agissant des faits de racisme, d’après la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, plus d’un cas sur deux est classé sans suite. C’est un sujet complexe, qui renvoie à ce qu’est la France. Cependant, il serait sans doute fort utile que les policiers bénéficient d’actions de sensibilisation et de formation à la manière dont se construisent les préjugés.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le ministère de l’Intérieur doit monter en puissance, tant sur la formation que sur les équipements. Il est vrai que, s’agissant du sujet que vous évoquez, la formation de nos forces de sécurité doit être repensée, autant en milieu police qu’en milieu gendarmerie. Cependant, je suis contraint d’émettre un avis défavorable car, contrairement au ministre, je ne peux me permettre de réduire de 3 millions d’euros le budget de la sécurité routière – vingt-cinq amendements sur quarante-cinq affaiblissent ce programme.
M. Ludovic Mendes (EPR). Nous partageons tous l’objectif de Mme Martin. Depuis 2021, la Dilcrah (délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT) a renforcé ses formations au sein de la police et de la gendarmerie, non seulement dans les écoles, mais aussi dans les commissariats. Elle fait désormais intervenir des associations extérieures qui luttent contre les discriminations sexuelles et raciales. Quant aux procureurs et aux cours d’appel, ils disposent maintenant d’un référent spécifique sur ces thématiques, ce qui n’était pas le cas avant 2022. La situation s’améliore donc, même si cela ne va sans doute pas assez vite. Il faut laisser le temps à cette politique publique de s’appliquer afin de démontrer qu’elle fonctionne.
En revanche, le rapport de la Défenseure des droits est accablant. Nous devons apporter des réponses complémentaires aux personnes qui n’osent pas aller vers les agents de police ou de gendarmerie parce qu’elles craignent de ne pas être écoutées, crues et prises en charge.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL176 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il convient de financer le développement d’une application numérique permettant la délivrance simple et rapide d’un récépissé en cas de contrôle d’identité – un engagement de longue date d’un ancien président de la République. Cela faciliterait le travail des agents tout en restaurant la confiance entre la police et la population. C’est vraiment un tout petit budget…
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. C’est quand même 300 000 euros, une fois de plus ponctionnés dans le budget de la sécurité routière !
Sur le fond, la plupart des syndicats de police s’opposent à cette mesure, parce qu’elle conduirait à rigidifier et à complexifier massivement les interventions et les procédures. J’émets donc un avis totalement défavorable, tant sur la forme que sur le fond.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL185 de M. Michaël Taverne
M. Michaël Taverne (RN). Il s’agit d’un amendement d’appel. Lors de son audition, le DGPN a soulevé le problème du malus écologique sur les véhicules de police. Le Raid (recherche assistance intervention dissuasion) intervient : malus ! Les CRS (compagnies républicaines de sécurité) interviennent : malus ! Cela représente 4 millions d’euros.
Je déposerai prochainement une proposition de loi visant à supprimer ce malus, qui est totalement irréel et illogique. Un amendement allant dans le même sens a également été déposé en commission des finances.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le malus écologique a déjà été supprimé pour les pompiers et les Sdis, de même que la taxe sur les carburants. Sur le fond, j’adhère à cette proposition, mais le sujet ne peut être traité dans le cadre de cette mission budgétaire. Un autre vecteur législatif – par exemple une proposition de loi – serait peut-être plus indiqué.
La commission rejette l’amendement.
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La séance est levée à 20 heures.
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Présents. - M. Xavier Albertini, M. Pouria Amirshahi, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Jordan Guitton, M. Patrick Hetzel, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, Mme Hanane Mansouri, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Ludovic Mendes, M. Paul Molac, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, Mme Lisette Pollet, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, M. Hervé Saulignac, M. Michaël Taverne, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot, M. Jiovanny William
Excusés. - Mme Émilie Bonnivard, Mme Émeline K/Bidi, M. Roland Lescure, M. Nicolas Metzdorf, Mme Naïma Moutchou, Mme Andrée Taurinya