Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen pour avis et vote des crédits de la mission « Sécurités » (M. Eric Pauget, rapporteur pour avis) 2
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Laure Miller, rapporteure pour avis) 13
Mardi
28 octobre 2025
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2025-2026
Présidence
de M. Florent Boudié, président
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La séance est ouverte à 21 heures 05.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen pour avis et le vote des crédits de la mission « Sécurités » (M. Eric Pauget, rapporteur pour avis).
Article 49 et état B : Crédits du budget général (suite)
Amendement II-CL43 de M. Ugo Bernalicis
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Cet amendement, financièrement neutre, vise à redéployer des effectifs de la police judiciaire dans les domaines de la lutte contre la délinquance économique et financière, de la criminalité organisée et du trafic d’armes – le haut du spectre, en d’autres termes. Ceux d’entre nous qui ont eu l’occasion de rencontrer des représentants de la police judiciaire ont pu constater la gravité de la situation, en particulier concernant la délinquance économique et financière.
Certains ministres multiplient les déclarations incantatoires réclamant davantage d’enquêtes, de saisies et de confiscations, mais sans prévoir les effectifs nécessaires. La priorité est donnée aux actions de court terme, plus visibles. Ainsi, la démultiplication des opérations Place nette permet de déployer une belle communication politique, interpellations, gardes à vue et comparutions immédiates à l’appui – mais donne de maigres résultats judiciaires.
La réforme de la départementalisation de la police a permis de réorienter une partie de l’activité de la police judiciaire, qui était sanctuarisée sur les enquêtes visant le haut du spectre, vers des opérations d’un niveau inférieur, mais plus visibles et plus rentables en matière de communication politique.
Mon amendement s’inscrit dans la continuité des deux rapports parlementaires que j’ai conduits. Oui, investissons dans la filière judiciaire, réaffectons-y davantage d’officiers de police judiciaire (OPJ) et surtout, sanctuarisons les moyens consacrés au haut du spectre.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je souscris à votre demande, mais la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic met déjà en œuvre ce que vous appelez de vos vœux : elle prévoit la concentration de différents moyens dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée, afin d’en augmenter l’efficacité – mais je crois que vous ne l’avez pas votée. Il serait intéressant de demander au ministre, lors de l’examen du texte en séance publique, où en est son application.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL177 de M. Antoine Villedieu
M. Michaël Taverne (RN). Il vise à harmoniser les techniques d’enquête avec nos partenaires, notamment grâce à des stages immersifs, une meilleure traçabilité financière ou la transmission de preuves numériques, afin de renforcer l’efficacité en matière de lutte contre les réseaux criminels.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Non seulement vous ponctionnez des crédits à l’action Sécurité routière, mais ce type de coopération se pratique déjà, notamment avec l’Allemagne et l’Italie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL39 de M. Ugo Bernalicis
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Il a pour objectif de réagir à une crise de confiance, qui rompt le lien entre la population et sa police. Le cœur du problème est simple : il n’existe pas de contrôle indépendant de la police. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, est juge et partie ; hiérarchiquement, elle dépend organiquement du directeur général de la police nationale. Elle ne pratique pas un contrôle, mais une autoévaluation.
La France insoumise dénonce cette situation ; le code européen d’éthique de la police, pourtant validé par la France, exige un contrôle externe efficace et des procédures impartiales de recours. Le Conseil de l’Europe lui-même, en octobre 2023, a rappelé son inquiétude face au manque de transparence concernant les personnes blessées lors des manifestations contre la réforme des retraites et a invité la France à réformer ce corps d’inspection pour améliorer la perception de son indépendance.
Face à cette exigence, les annonces du Beauvau de la sécurité ont été des écrans de fumée. Nous demandons une révolution structurelle : la désincarcération de l’IGPN de la hiérarchie policière. Nous proposons de la remplacer par une instance de contrôle externe rattachée à une autorité indépendante, comme le Défenseur des droits. C’est le seul moyen de garantir l’impartialité, de mettre fin à la suspicion et de restaurer la confiance. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement d’appel, dont le coût s’élève à un million d’euros.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. J’y suis totalement défavorable. Nous avons l’une des polices les plus contrôlées et surveillées d’Europe. L’IGPN, avec à sa tête une magistrate, fait correctement son travail et il est inutile d’accroître la suspicion envers nos services de police.
M. le président Florent Boudié. C’est bien une autorité administrative indépendante, le Défenseur des droits, qui est chargée du contrôle de la déontologie des forces de sécurité publiques.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Vous avez raison, monsieur le président, mais cette autorité n’a aucun pouvoir de sanction ; elle remet ses conclusions au ministre de l’Intérieur.
M. le président Florent Boudié. Le Défenseur des droits n’a aucun pouvoir de sanction à l’encontre d’aucune autorité, quelle qu’elle soit.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Nous sommes d’accord.
Permettez-moi de rappeler un précédent assez fâcheux : lorsque M. Castaner était ministre de l’Intérieur, le Défenseur des droits lui avait transmis trente-six dossiers demandant des sanctions à l’encontre de policiers ; aucune n’avait été appliquée. Un contrôle externe existe bien, mais il ne se traduit pas par des sanctions effectives – ce qui pose problème.
Pire encore, j’ai la faiblesse de croire que de nombreux policiers sont en droit de se plaindre des sanctions émises par l’IGPN et par leur hiérarchie directe. Ce qui est le plus souvent sanctionné, ce ne sont pas les mauvais comportements vis-à-vis de la population, c’est la désobéissance au chef. Dans bien des cas, je me rangerais sans doute à l’avis des policiers, qui considèrent que ces sanctions sont injustes. Ce n’est pas parce que les sanctions sont nombreuses qu’elles sont qualitatives et conformes à l’intérêt général.
Nous pourrions nous inspirer de l’exemple anglais : la réforme de l’IOPC (Independent Office for Police Conduct) en a fait un organe entièrement indépendant, habilité à prendre des sanctions, et qui est largement plébiscité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL20 M. Roger Vicot
M. Roger Vicot (SOC). Cet amendement d’appel, dont le coût se limite à un euro, vise à nourrir un débat d’actualité concernant la police de proximité. Le ministre et le DGPN (directeur général de la police nationale) nous ont indiqué leur volonté de se réapproprier le rapport de proximité entre la police et la population.
Que s’est-il passé depuis 2017 ? Ou plutôt, qu’est-ce qui ne s’est pas passé depuis 2017 ? Emmanuel Macron avait promis le développement de la police de sécurité du quotidien, avec le slogan suivant : « La présence sur le terrain doit être la norme et la présence au commissariat, l’exception. »
Les policiers eux-mêmes prennent part à ce débat. Le secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale, Frédéric Lauze, n’est pas précisément un gauchiste – il a été conseiller police de François Fillon – et je ne souscris pas à toutes ses propositions. Dans son dernier ouvrage sur l’insécurité, paru il y a une dizaine de jours, cet homme de terrain, policier depuis des décennies, reconnaît que la police nationale s’est coupée de la population.
Il nous faut revenir à une forme de police de proximité. À cette fin, j’ai déposé le 16 septembre une proposition de loi d’expérimentation des brigades de tranquillité publique de la police nationale.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Qu’on l’appelle police de proximité ou police de sécurité du quotidien, elle est cruciale. Néanmoins, avis défavorable sur cet amendement d’appel.
Le ministre a évoqué l’élaboration d’un projet de loi relatif à la sécurité du quotidien, intégrant les polices municipales ; nous devrions l’examiner d’ici à la fin de l’année.
Au cours des vingt dernières années, les forces de sécurité de l’État – police et gendarmerie nationales – ont eu tendance à se concentrer sur des missions nationales. Dans le même temps, les communes se sont dotées de policiers municipaux, désormais au nombre de 28 000. Environ 10 000 nouvelles embauches sont attendues dans les collectivités territoriales au cours des cinq prochaines années. Les notions de proximité, d’îlotage et de contact avec la population sont incarnées par les polices municipales.
Mme Sandra Regol (EcoS). J’entends vos propos, monsieur le rapporteur pour avis, et j’ai bien conscience du travail effectué en matière de sécurité du quotidien, mais si la police nationale incarne l’égalité de tous devant la loi, ce n’est pas le cas des polices municipales.
Demander aux collectivités locales de compenser les lacunes de l’État ne correspond pas à l’idéal républicain. Les polices municipales ne peuvent rivaliser avec la police nationale, ses missions et ce qu’elle est censée incarner.
La police de proximité est le chaînon manquant, permettant d’alimenter le renseignement, de rétablir la confiance et de redonner aux agents de police nationale le temps nécessaire pour remplir leurs propres missions – investigations, répression, maintien de l’ordre.
Faire des polices municipales un remède revient à poser un pansement sur une jambe de bois. Nous devons cesser d’esquiver la réalité et renforcer la police nationale. C’est pourquoi je voterai cet amendement.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Quand M. Castaner était ministre de l’Intérieur, lors du lancement de la police de sécurité du quotidien, il avait annoncé que des analyses scientifiques seraient menées. Elles devaient être effectuées par le Lab’PSQ ; je n’ai trouvé aucune trace de ses travaux.
Monsieur le président, compte tenu des pouvoirs que votre fonction vous confère, pourriez-vous demander que nous soient communiqués les résultats des analyses scientifiques promises – même si je crains qu’ils n’existent pas ?
M. le président Florent Boudié. Je vous suggère de me saisir officiellement de cette demande, afin que le bureau de la commission puisse la traiter.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL90 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il vise à augmenter le budget de la réserve opérationnelle de la gendarmerie – un sujet qui dépasse les clivages.
En 2023, la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur) prévoyait que la réserve de gendarmerie atteigne 50 000 réservistes d’ici à 2030 ; elle en compte aujourd’hui 37 000. En commission de la défense, le général Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a déploré les faibles budgets réservés à cette réserve. Si l’objectif est facilement atteignable, encore faudrait-il que les budgets suivent.
Permettez-moi également de vous faire part d’un témoignage : en juillet dernier, j’ai reçu dans ma permanence un réserviste, engagé depuis plusieurs années et effectuant plusieurs dizaines de réserves par an. Il n’avait été mobilisé que trois jours depuis le début de l’année ; on lui a expliqué que l’enveloppe départementale était trop juste et que les crédits étaient conservés pour les mois suivants, au cas où des événements – notamment des manifestations – survenaient. Pourtant, la réserve joue un rôle très important, notamment en période estivale où elle permet aux gendarmes d’active de prendre des congés.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je partage votre crainte. Lors de son audition, le DGGN avait en effet regretté la faiblesse du budget consacré à la réserve de la gendarmerie. Je vous invite à défendre cet amendement en séance publique, en présence du gouvernement ; en tant que rapporteur pour avis, j’ouvrirai cet important débat.
Néanmoins, je ne peux émettre d’avis favorable parce qu’il n’est pas souhaitable de soustraire 10 millions au budget de la sécurité routière.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL148 de Mme Sandra Regol, II-CL83 de M. Julien Rancoule, II-CL139 de Mme Sandra Regol, II-CL84, II-CL91 et II-CL92 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
Mme Sandra Regol (EcoS). La flotte de Canadair est vieillissante : les avions ont plus de trente ans et ont été rafistolés autant qu’il est possible – un exemple d’économie circulaire. La Lopmi prévoyait de les rénover, mais aussi d’en acheter de nouveaux. La production de Canadair ayant été suspendue, il nous faut la reprendre et innover. Des doutes persistent en effet quant à la capacité de l’entreprise canadienne de fournir les appareils dans les temps ; néanmoins, nous devons prévoir les investissements correspondants.
Face au réchauffement climatique, les pompiers sont en première ligne. L’amendement II-CL148 a pour objectif de débloquer les crédits nécessaires à l’acquisition de deux Canadair supplémentaires, afin que nous disposions au total de quatre nouveaux Canadair.
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL83 a pour objectif de consacrer 50 millions à l’acquisition d’un avion bombardier d’eau. Contrairement au précédent, il ne cible pas exclusivement les Canadair, compte tenu des difficultés dans lesquelles se trouve la société De Havilland, qui ne parvient pas à construire suffisamment de Canadair pour honorer ses commandes ; il est possible qu’elle ne parvienne pas à produire dans les délais impartis les quatre Canadair que nous lui avons commandés.
Nous devons sortir de ce monopole et développer des solutions souveraines – ou européennes.
Mme Sandra Regol (EcoS). La production des avions bombardiers d’eau, qu’elle soit canadienne, européenne ou française, est l’enjeu central de notre investissement en matière de sécurité civile. Compte tenu du coût et de la durée de cette production, pour que des entreprises soient capables de la mener à bien, nous devons montrer clairement que cet investissement sera bien effectué : on ne peut développer ou relancer une telle expertise sans avoir de certitude quant à la réalité des investissements nécessaires. Les Canadair sont très résistants et présentent la plus grande capacité.
Désormais, les super-feux, qui se relancent sans cesse, sont de plus en plus fréquents ; les petits hélicoptères de location ne peuvent suffire, non seulement parce que les quantités d’eau transportées sont réduites, même pour les plus grands d’entre eux – deux à quatre fois moins qu’un Canadair – mais aussi parce que le coût de la location finit par être démesuré.
La même logique est à l’œuvre avec les abonnements de téléphonie mobile : on vous fait croire que vous achetez votre téléphone peu cher, mais en payant chaque mois, il vous revient cinq à dix fois plus cher que si vous l’aviez acheté dès le début. Ces pratiques commerciales classiques visent à faire dépenser beaucoup plus que prévu.
L’argent des contribuables est utilisé pour louer de nombreux hélicoptères au lieu d’être investi. L’investissement est certes plus massif à l’instant T, mais il permet à terme d’économiser les deniers publics. Il me semble que notre fonction consiste précisément à nous assurer du bon usage de ces derniers.
Nous avons recours, de façon récurrente, à la location de six hélicoptères bombardiers d’eau lourds, sans compter celle de petits hélicoptères localement. Il est temps d’investir massivement pour cesser de jeter l’argent des Français par les fenêtres. Tel est l’objectif de l’amendement II-CL139.
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL84 vise à investir 5 millions d’euros dans deux entreprises françaises, Hynaero et Kepplair Evolution, qui développent des programmes de construction d’avions bombardiers d’eau français. Elles ne sont pas suffisamment soutenues par les pouvoirs publics, alors que leurs produits permettraient de sortir du monopole des Canadair.
Les congrès des sapeurs-pompiers ont émis des lettres d’intention, mais ces entreprises attendent des précommandes pour commencer à investir et à lancer le développement de leurs programmes. Hynaero développe un avion bombardier d’eau amphibie, qui pourrait remplacer le Canadair d’ici à 2031 ou 2032 ; Kepplair Evolution propose la transformation d’avions de ligne en bombardiers d’eau utilisant les pélicandromes, qui pourraient remplacer les Dash d’ici à 2027 – si elle est suffisamment soutenue.
L’amendement II-CL91 a pour objectif la commande de quatre kits A400M, permettant de transformer les avions militaires A400M en avions bombardiers d’eau ayant une capacité supérieure à celle des Canadair. Ces avions seraient efficaces pour lutter contre les incendies tel que celui qui a dévasté les Corbières cet été. Enfin, l’amendement II-CL92, de repli, a pour objectif la commande d’un seul kit A400M.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Les investissements en matière de sécurité civile sont un enjeu important.
Le PLF pour 2026 prévoit 209 millions pour l’achat de deux Canadair bombardiers d’eau. Malheureusement, je crains que l’entreprise canadienne ne soit pas en mesure d’en produire davantage.
Avant tout, nous devons répondre à une question fondamentale : est-il préférable d’investir ou de louer ? Certes, nous devons renforcer nos investissements, comme le prévoit le PLF – et nous devrons poursuivre cet effort. Mais nous devons déterminer quelle part doit être consacrée aux investissements et quelle part doit être consacrée à la location de matériels. La location permet d’apporter une réponse plus adaptée et plus ciblée aux besoins ponctuels, qui émergent durant la saison des feux, entre juin et septembre.
À mon sens, lorsque nous avons besoin des Canadair ou des Dash, il est déjà trop tard. Pour réagir à un feu, il faut intervenir vite et fort, c’est-à-dire avec des moyens héliportés.
Nous devons nous doter de renforts d’hélicoptères bombardiers d’eau ; outre la flotte qui est en cours de développement, je crois beaucoup au système de location. Dans les Alpes-Maritimes, très exposées au risque d’incendies, nous louons du 15 juin au 15 septembre une flotte de trois hélicoptères – un gros porteur et deux hélicoptères légers. Depuis que ce dispositif est en place, c'est-à-dire une dizaine d’années, nous n’avons pas eu à déplorer de grands feux. Les hélicoptères permettent d’intervenir immédiatement et massivement, ce qui évite d’avoir à recourir à des Canadair.
Nous devons aller plus loin dans nos investissements, mais la location ponctuelle de moyens héliportés pendant la saison estivale reste un moyen de suivre la doctrine des pompiers consistant à agir vite et fort.
Mme Sandra Regol (EcoS). Il ne s’agit pas uniquement de s’assurer d’avoir du matériel facilement mobilisable : investir permet de conserver et de développer des emplois sur le sol français.
Il n’est pas évident d’anticiper des événements climatiques extrêmes ; avec des locations, le temps de réaction ne permet pas toujours de disposer du matériel nécessaire immédiatement. Avoir du matériel qui nous appartient en propre permet de réagir rapidement, pour un coût lissé dans le temps qui est très faible. Le prix d’achat des Canadair, qui sont les appareils les plus coûteux de notre flotte, est amorti après trente ans ; c’est l’un des meilleurs investissements des Français !
Il serait temps de procéder de la sorte pour le reste du matériel, les événements liés au réchauffement climatique ne faisant qu’empirer : une tempête extrême s’abat en ce moment même sur les Antilles, des inondations et des feux surviennent régulièrement et une tornade a récemment sévi aux portes de l’Île-de-France. Il y a encore peu, nous n’étions pas capables d’anticiper de tels événements.
Vous parlez de locations à situation constante ; je parle d’investir pour faire face et sauver des vies.
M. Julien Rancoule (RN). Monsieur le rapporteur pour avis, votre département a les moyens de louer trois hélicoptères bombardiers d’eau pendant la saison estivale, mais nombre de Sdis (services départementaux d’incendie et de secours) ne peuvent en faire autant.
Chaque année, dix hélicoptères bombardiers d’eau sont loués en France ; dans l’Aude, nous avions la chance d’en avoir un à disposition durant la saison estivale, mais compte tenu de l’ampleur et de la rapidité d’expansion des feux de forêt, ces appareils ne sont pas toujours suffisants. Nous avons vu des milliers d’hectares brûler en quelques heures, ravagés par un incendie se déplaçant à 6 kilomètres par heure ; vous pouvez envoyer autant d’hélicoptères que vous voulez, vous ne parviendrez pas à éteindre de tels incendies.
La commission adopte l’amendement II-CL148.
En conséquence, les autres tombent.
Amendement II-CL137 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il porte sur les inondations, auxquelles la sécurité civile a de plus en plus de difficultés à faire face. Non qu’elle manque de compétences, mais parce que les matériels adaptés lui font défaut, en particulier les grands extracteurs permettant de pomper l’eau. Plusieurs pays voisins en sont équipés, mais ces matériels ne sont pas toujours disponibles : le réchauffement climatique, malheureusement, concerne tout le monde.
Le Nord et le Pas-de-Calais ont été touchés à plusieurs reprises et le Sud l’est régulièrement. Les habitants souffrent de ce manque et les pompiers, comme leurs syndicats, le disent : nous devons investir dans ces matériels pour être plus réactifs. Certes, cet amendement vise à mobiliser des moyens importants, mais il s’agit de sauver des vies.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Les capacités de pompage sont un véritable enjeu de la lutte contre les inondations et je souscris à votre analyse. J’avais d’ailleurs évoqué ce sujet dans mon rapport, rendu il y a deux ans. La direction de la sécurité civile en a conscience et commence à se doter d’outils en ce sens. Néanmoins, avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL188 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il vise à acquérir un hélicoptère H145 Dragon pour porter secours et assistance à nos compatriotes de La Réunion, qui en sont dépourvus.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Nos compatriotes de La Réunion en ont sans doute besoin, mais cet appareil ne peut être financé en privant le budget de la sécurité routière de 30 millions. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL140 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). S’agissant de la santé des sapeurs-pompiers, de légers progrès ont été faits en matière de reconnaissance des maladies professionnelles, mais nous restons en retard sur nos cousins québécois.
Des analyses pratiquées sur les cheveux de pompiers, professionnels et volontaires, ont montré que ces derniers étaient contaminés aux PFAS (substances per- ou polyfluoroalkylées) ; nous le sommes tous, mais les sapeurs-pompiers le sont particulièrement. Or il existe des mousses anti-incendie sans PFAS.
Le SIS (service d’incendie et de secours) du Bas-Rhin, dans ma circonscription, a effectué une transition complète vers des émulseurs sans fluor, pour un coût total de 335 000 euros, en s’inspirant de l’exemple de nos voisins allemands et en élaborant un plan de projection et de programmation. L’Alsace est une terre d’innovation pragmatique et respectueuse des deniers publics ; cet amendement a pour objectif de faire profiter tous les Français de cette excellente initiative.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Les maladies professionnelles des sapeurs-pompiers sont un sujet très important, qui est au cœur des préoccupations de la fédération nationale des sapeurs-pompiers depuis plusieurs années. Le ministère de l’Intérieur y est également très sensible.
Il y a deux ans, nous avons voté à l’unanimité l’exonération de la taxe sur les carburants des véhicules des Sdis, afin de leur réaffecter chaque année 40 millions. Les Sdis pourraient s’équiper de ce type de matériel avec leur propre budget.
Mme Sandra Regol (EcoS). J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur pour avis, mais dans ce genre de transition, une aide est nécessaire. Localement, les Sdis et les SIS doivent s’engager dans cette démarche, mais ils sont également confrontés à d’autres obligations et à d’autres urgences.
L’objectif de cet amendement est d’amorcer le changement pour aider à la transition : celle-ci ne correspond pas à nos habitudes et à notre culture, mais elle est faisable à un coût raisonnable, pour peu qu’elle soit encouragée. En Alsace, la coopération transfrontalière des sapeurs-pompiers a permis cette acculturation, mais ce ne sera pas le cas ailleurs.
La contribution bienveillante de l’État, par le biais du budget, me semble la meilleure manière d’encourager cette transition.
M. Julien Rancoule (RN). Ces produits ont un coût relativement négligeable pour les Sdis. De plus, les fabricants ont désormais l’interdiction de produire des émulseurs contenant des PFAS. La transition se fera donc naturellement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL85 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il vise à augmenter les crédits alloués aux pactes capacitaires, qui avaient été lancés après les feux en Gironde, notamment pour financer des camions-citernes feux de forêt (CCF). Notre parc de véhicule est vieillissant et la fédération des sapeurs-pompiers a fixé un objectif de doublement du nombre de CCF en l’espace de quelques années, ce qui suppose des investissements.
Or les moyens des Sdis sont limités ; afin de les renforcer, nous appelons d’ailleurs de nos vœux la présentation d’un projet de loi de modernisation de la sécurité civile dans les prochains mois.
Plusieurs CCF ont été rendus indisponibles l’été dernier en raison de la jurisprudence Gabian – dans l’Hérault, un incendie avait fait des victimes parmi les sapeurs-pompiers et des responsables du Sdis ont été reconnus coupables d’homicide et blessures involontaires. Nous devons donner aux Sdis les moyens de renouveler ces véhicules qui ne sont plus aux normes.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je vous incite à solliciter le ministre lorsque vous défendrez cet amendement en séance publique. Les pactes capacitaires ont bien fonctionné. De plus, depuis le PLF pour 2025, environ 40 millions d’euros sont réinjectés chaque année dans les budgets alloués aux Sdis, grâce à l’exonération de la taxe sur les carburants. Ces sommes peuvent être utilisées pour investir dans de nouveaux camions.
Le Beauvau de la sécurité civile a abordé ce sujet et un projet de loi – très attendu – devrait nous être présenté prochainement – vous pourrez également interroger le ministre à son sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL200 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry (RN). Il vise à équiper les centres de secours de stylos injecteurs d’adrénaline, afin de permettre aux sapeurs-pompiers d’intervenir en cas de choc anaphylactique – la réaction la plus sévère aux allergies. Depuis l’adoption de la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite Matras, les sapeurs-pompiers ont le droit d’effectuer ce geste. Il est désormais nécessaire de les équiper et de les former.
Cet amendement présente un coût dérisoire au regard du nombre de vies qui pourraient ainsi être sauvées.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Ce sont typiquement des matériels qui doivent être acquis au plus proche du terrain, au niveau des Sdis ; ce genre d’investissement ne relève pas de l’État.
Mme Sandra Regol (EcoS). Je comprends l’intention de l’amendement, mais les syndicats de sapeurs-pompiers font valoir qu’ils ne peuvent sans arrêt pallier les carences de l’État – notamment le manque de soignants et d’hôpitaux. Cet amendement vise à prolonger une situation que les sapeurs-pompiers eux-mêmes subissent ; nous ne le voterons pas.
M. Julien Rancoule (RN). Les parlementaires ont choisi d’autoriser les sapeurs-pompiers à pratiquer cette technique, mais sans augmenter les budgets des Sdis. Il serait cohérent que pour la première année d’application de la loi Matras, l’État participe à cet investissement, qui n’est pas neutre : des centaines de véhicules de secours et d’assistance aux victimes doivent être équipés. Le recyclage et le renouvellement de ces stylos reviendraient ensuite aux Sdis.
Madame Regol, en cas de choc anaphylactique, il faut réagir dans les premières minutes, raison pour laquelle les sapeurs-pompiers sont concernés ; on ne peut attendre la prise en charge dans un centre hospitalier ou l’arrivée du Smur (structure mobile d’urgence et de réanimation) pour procéder à cette injection. Celle-ci consiste en un geste très simple, d’autant que le stylo est prédosé ; les personnes dont l’allergie est connue en ont souvent un sur eux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL87 et II-CL86 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL87 tend à affecter au programme Sécurité civile les crédits nécessaires au financement d’une campagne de communication en faveur du recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, dont nous manquons, notamment en zone rurale. Si les Sdis ont pour mission d’organiser des campagnes locales, il est du rôle de l’État de mener des campagnes nationales, à l’instar de celles qui existent pour l’armée, la gendarmerie ou l’administration pénitentiaire.
Quant à l’amendement II-CL86, il a pour objet de financer une campagne de prévention à destination du grand public contre le risque d’incendie à domicile. Le 13 octobre, notre pays célèbre la journée nationale de la résilience ; beaucoup d’entre vous l’ignorent sans doute, car les moyens alloués à cet événement sont très faibles. Or, ne l’oublions pas, nos concitoyens sont le premier maillon de la sécurité civile.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Le ministère organise déjà certaines campagnes de communication. Par ailleurs, le problème est toujours le même : quand 3 500 personnes meurent sur la route chaque année, il est délicat de prélever 7 millions sur les crédits alloués à la sécurité et à l’éducation routières pour financer une campagne de communication sur le recrutement des sapeurs-pompiers. Il aurait peut-être été plus pertinent de déposer un amendement d’appel en proposant un financement symbolique de 1 euro afin d’interpeller le gouvernement à ce sujet en séance publique.
M. le président Florent Boudié. Excellent conseil !
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CL89 de M. Julien Rancoule, II-CL141 de Mme Sandra Regol et II-CL95 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL89, analogue à un amendement adopté l’an dernier, tend à porter à 1 million le montant de la subvention versée à la quinzaine d’associations nationales agréées de sécurité civile. Les 270 000 euros prévus dans le PLF pour 2026 sont ridicules : cette somme correspond davantage à une subvention municipale. Or ces associations jouent un rôle essentiel : elles acculturent la population aux risques, contribuent aux dispositifs de secours lors d’événements ou interviennent en cas de catastrophe importante. Je crois qu’une telle mesure transcende les clivages partisans.
Mme Sandra Regol (EcoS). Une fois n’est pas coutume, mon amendement a le même objet que celui de M. Rancoule, mais il ne se fonde pas sur le même mode de calcul et comporte donc une somme légèrement inférieure.
M. Julien Rancoule (RN). L’amendement II-CL95 est de repli. Je ne doute pas que nous adopterons les trois amendements.
M. le président Florent Boudié. L’adoption de l’amendement II-CL89 ferait tomber les deux autres.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Les associations agréées de sécurité civile, composées de bénévoles qui s’engagent, sont un maillon indispensable de notre chaîne de sécurité civile. Ainsi, dans mon département, les Alpes-Maritimes, les comités communaux de feux de forêt (CCFF) dépendent de telles associations : elles jouent un rôle majeur dans la prévention des risques. La question de leur financement est un des enjeux du Beauvau de la sécurité civile.
Je vais déroger à la règle que je me suis fixée et m’en remettre à la sagesse de la commission, car je crois que le citoyen doit être acteur de sa sécurité.
La commission adopte l’amendement II-CL89.
En conséquence, les amendements II-CL141 et II-CL95 tombent.
Amendement II-CL94 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement d’appel vise à alerter le gouvernement sur les disparités qui existent entre les Sdis. Il convient en effet de revoir le mode de financement de ces structures dans le cadre du projet de loi consacré à la sécurité civile qui, nous l’espérons, nous sera présenté prochainement. On nous l’avait promis pour le printemps dernier, puis pour le mois de septembre, à l’issue du Beauvau de la sécurité civile. Or il ne figure toujours pas à l’ordre du jour.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. Cette question, que j’avais évoquée il y a deux ans, a fait l’objet de discussions lors du Beauvau de la sécurité civile. La piste qui pourrait être exploitée immédiatement serait une nouvelle répartition de la fameuse TSCA (taxe spéciale sur les conventions d’assurance). Mais, sur ce point, je vous renvoie au débat budgétaire, car la part du produit de cette taxe qui serait affectée à la sécurité civile manquerait ailleurs.
Quoi qu’il en soit, nous devrons trouver une solution dans les toutes prochaines années. J’espère que le projet de loi attendu traitera de cette question, car il y va de la pérennité de notre chaîne de sécurité civile. En tout cas, il n’est plus possible que tout repose sur les Sdis ; les départements et les communes, qui les financent, ont atteint leurs limites dans ce domaine. Il y a deux ans, j’avais évoqué la question de la valeur du sauvé ; il faut que les compagnies d’assurances se posent ces questions. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL88 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Je souhaite, par cet amendement d’appel, interpeller le gouvernement sur la nécessité de généraliser les plateformes d’appel communes 15, 18 et 112, conformément à l’une des recommandations de la loi Matras de 2021. La fusion de ces plateformes serait source d’économies pour les ARS (agences régionales de santé) et les Sdis. Il faut en finir avec les guéguerres qui opposent parfois les corporations – les blancs et les rouges, par exemple. La base réclame une collaboration, gage de réactivité et de qualité du service pour nos concitoyens.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. L’exécutif doit prendre une décision courageuse, et s’y tenir. À force d’écouter les blancs d’un côté, les rouges de l’autre et la direction centrale de la sécurité civile, on se retrouve dans la situation qui perdure depuis quelques années : on tourne autour du pot. J’espère que la question sera traitée dans le cadre du futur projet de loi sur la sécurité civile. Il serait plus simple qu’à l’instar des autres grands pays européens, nous n’ayons plus qu’un numéro d’appel. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL93 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit de créer, en faveur des Sdis, un fonds d’intervention d’urgence, mobilisable en cas de crise majeure, afin de soutenir financièrement les départements touchés. Je reprends là une recommandation qui figure dans les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. L’été dernier, le Sdis de mon département, doté de moyens très modestes, a dû assumer des dépenses de personnel et de matériel très importantes pour faire face à de nombreux feux de forêt : plus de 20 000 hectares ont brûlé en l’espace de quelques semaines. Un tel fonds permettrait de le soutenir dans de telles circonstances.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Votre amendement renvoie à la question du financement de notre sécurité civile, qui ne peut pas être traitée dans le cadre de l’examen de la mission Sécurités. Au reste, il me semble que le ministère dispose déjà de capacités d’intervention d’urgence.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL96 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Conformément à une recommandation du Beauvau de la sécurité civile, nous proposons d’affecter 2 millions à la création d’un fonds d’innovation de la sécurité civile, chargé d’investir dans l’innovation technologique, que ce soit en matière de détection ou de protection des sapeurs-pompiers.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Une fois de plus, c’est une question qui a été abordée dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile. Cependant, il est bon que l’innovation se fasse au plus près du terrain. La brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et celle de Marseille sont à la pointe dans ce domaine. Ainsi, la fameuse lance diphasique a été créée et testée au sein de la BSPP.
M. Julien Rancoule (RN). La BSPP est en effet très avance dans ce domaine ; elle consacre à l’innovation un budget annuel d’environ 90 000 euros et permet à chacun de ses sapeurs-pompiers de proposer des innovations. Cependant, l’échelon national pourrait jouer un rôle complémentaire : doté de moyens plus importants, il pourrait développer des projets plus lourds.
La commission rejette l’amendement.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Monsieur le président, puisque nous avons examiné l’ensemble des amendements, pourriez-vous nous donner une estimation de ce qui reste des crédits du programme Sécurité et éducation routières, puisque tous les amendements adoptés étaient gagés sur celui-ci ? La route représente tout de même un danger croissant.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités modifiés.
Après l’article 78
Amendement II-CL97 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Les indemnités perçues par les sapeurs-pompiers volontaires sont revalorisées par décret tous les quatre ou cinq ans ; cette année, cette revalorisation a été d’environ 1,2 %. Nous proposons donc que le gouvernement remette au Parlement un rapport dans lequel il évaluerait l’instauration de l’indexation sur l’inflation du barème d’indemnisation horaire de base des sapeurs-pompiers volontaires. Une telle mesure permettrait en effet à ces derniers de ne pas perdre du pouvoir d’achat chaque année.
M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Par principe, je suis défavorable aux demandes de rapport.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL201 de M. Romain Baubry
M. Romain Baubry (RN). Il s’agit de demander au gouvernement un rapport sur l’état des moyens aériens disponibles notamment aux abords des parcs naturels régionaux ou nationaux. Les incendies importants se multiplient et touchent notamment ces parcs. Or on s’est aperçu que les moyens aériens n’étaient pas disponibles parce que, faute d’entretien, ils sont hors d’usage.
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
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Puis la Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » (Mme Laure Miller, rapporteure pour avis).
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. La mission Immigration, asile et intégration est cœur des attentes de nos concitoyens : il y va à la fois de notre souveraineté, de notre capacité d’accueil et de la cohésion de notre communauté nationale.
Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une hausse globale de 3,83 % de ses crédits de paiement (CP), dont le montant s’établit à 2,16 milliards d’euros, et une augmentation de plus de 25 % de ses autorisations d’engagement (AE). Cet effort substantiel, dans un contexte budgétaire contraint, traduit la volonté claire du gouvernement de mener une politique migratoire maîtrisée et efficace et de sauvegarder les moyens dédiés à ses missions régaliennes.
Cette mission comporte deux programmes – le programme 303, Immigration et asile, et le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française – entre lesquels ses crédits sont répartis à hauteur de près de 80 % pour le premier et d’environ 20 % pour le second.
Le programme 303 finance les politiques publiques relatives à l’entrée et à la circulation des étrangers ainsi qu’à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile. Il connaît une hausse de 4,5 % de ses crédits de paiement et atteint désormais près de 1,8 milliard en autorisations d’engagement. Cette progression se concentre autour de deux priorités : le renforcement du droit d’asile et la lutte contre l’immigration irrégulière.
La garantie du droit d’asile demeure un pilier de notre République. En 2024, la France a enregistré plus de 153 000 demandes de protection, un niveau historique. Face à cette augmentation, il était indispensable de renforcer les capacités de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui bénéficiera donc de l’ouverture de 48 postes supplémentaires en 2026. Ces moyens doivent lui permettre de ramener les délais d’instruction, qui s’élèvent encore à près de 160 jours, à deux mois à l’horizon 2027.
L’action 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, finance également l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). La dotation inscrite dans le projet de loi de finances est en baisse de 10 % s’agissant de l’ADA « classique », destinée aux demandeurs d’asile. Cette diminution apparente ne traduit toutefois pas un désengagement budgétaire de l’État : elle s’explique par un financement complémentaire assuré par le Fonds asile, migration et intégration (Fami) de l’Union européenne à hauteur de 19,3 millions.
Les crédits consacrés à l’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés s’élèvent à 907,2 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 42 %, et à 946,6 millions en crédits de paiement, soit une hausse de 0,2 %. Le parc national d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile a connu une forte croissance au cours des dernières années, passant de près de 83 000 places en 2017 à 122 500 places en 2024. En 2026, il comptera 111 855 places, soit un niveau légèrement inférieur à celui de 2025.
La seconde priorité du programme 303 est la lutte contre l’immigration irrégulière. Les crédits qui lui sont consacrés augmentent de plus de 40 % en CP et 87 % en AE, pour atteindre 327 millions, traduisant la détermination du gouvernement à garantir l’effectivité de nos décisions et la crédibilité de notre droit. Ces moyens permettront de renforcer la chaîne de l’éloignement, grâce à la poursuite du plan de création de centres de rétention administrative (CRA), dont la capacité passera de 1 959 places à 2 299 places en 2026, à la faveur notamment de la mise en service des CRA de Bordeaux et de Dunkerque, et à l’extension de ceux de Rennes et de Metz. Cette dynamique doit se poursuivre pour atteindre l’objectif de 3 000 places.
Quant au programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, qui comprend quatre actions relatives à l’intégration des étrangers en situation régulière, ses crédits demeurent stables pour s’établir à 368,5 millions d’euros en AE et en CP.
L’action 11, qui regroupe 70 % des crédits du programme, est consacrée à l’accueil des primo-arrivants et est dotée de 268 millions d’euros. Elle finance l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), opérateur central de cette politique. Les crédits permettront d’assurer la mise en œuvre du contrat d’intégration républicaine (CIR), signé chaque année par plus de 100 000 étrangers primo-arrivants. Ce contrat formalise les engagements réciproques de l’État et de l’étranger : l’apprentissage de la langue française, la connaissance des valeurs de la République et l’accès à l’emploi. À compter du 1er janvier 2026, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (CIAI) impose un niveau linguistique A2 pour obtenir un titre de séjour pluriannuel, ce qui doit conduire à une adaptation du dispositif de formation linguistique financé par l’Ofii.
Je salue également la hausse de 13 % des crédits de l’action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants. Ces crédits permettent notamment de financer Agir, le programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés, qui accompagne ces derniers vers l’emploi et la formation afin de favoriser leur bonne intégration.
Enfin, l’année 2026 marquera l’entrée en vigueur du pacte européen sur la migration et l’asile, qui dotera les États membres de nouveaux moyens de maîtrise des flux migratoires et permettra une gestion plus équilibrée et solidaire de l’accueil des demandeurs d’asile dans l’Union. Il impose toutefois l’adaptation de certains dispositifs, pour un coût budgétaire estimé à 66 millions d’euros en 2026.
Cette année, j’ai fait le choix de m’intéresser, dans le cadre de la partie thématique de l’avis, à la politique d’accès à la nationalité française. L’acquisition de la nationalité française touche à ce que notre République a de plus essentiel : la définition du lien civique, l’appartenance à une communauté de droits et de devoirs et la promesse d’égalité qui fonde notre pacte national.
En 2024, 66 745 personnes sont devenues françaises par acquisition de la nationalité. Il faut y ajouter près de 34 000 acquisitions anticipées par des mineurs et 2 150 certificats de nationalité établis pour des majeurs sur le fondement du droit du sol. La naturalisation demeure la voie principale d’acquisition de la nationalité : 48 829 personnes ont été naturalisées en 2024. Ce mode d’accès, profondément symbolique, repose sur une décision de l’autorité publique, qui engage la souveraineté de l’État. C’est aussi une procédure exigeante : elle suppose cinq ans de résidence régulière, la maîtrise du français, la stabilité professionnelle et, surtout, une adhésion démontrée aux principes et aux valeurs de la République.
Toutefois, l’examen des procédures d’acquisition de la nationalité française relevant du ministère de l’Intérieur met en évidence plusieurs hétérogénéités importantes entre les voies déclaratives et la procédure de naturalisation par décret. Notre système demeure fragmenté, parfois incohérent. Les procédures déclaratives sont ainsi marquées par une grande automaticité et une diversité d’exigences. Je pense, par exemple, à l’acquisition de la nationalité par mariage avec un conjoint français, qui pourrait à tout le moins être conditionnée à la résidence sur le territoire national. De même, la France se distingue de ses voisins européens par une automaticité forte du droit du sol. Sans remettre en cause ce principe, il serait légitime de renforcer les conditions liées à l’adhésion aux principes et valeurs de la République.
Enfin, un mot sur l’organisation administrative. Depuis 2015, les demandes de naturalisation sont instruites par 41 plateformes interdépartementales, sous le pilotage de la sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère de l’Intérieur. La généralisation de la dématérialisation en 2023 via la plateforme NATALI a permis d’améliorer la transparence du suivi des dossiers et de supprimer les délais cachés. Mais elle a également provoqué une hausse de près de 30 % du nombre de demandes et un allongement des délais d’instruction. Les délais moyens de traitement demeurent préoccupants : en 2024, ils atteignaient 760 jours pour les décisions favorables et 467 jours pour les décisions défavorables, si l’on prend comme point de départ la date réelle de dépôt du dossier. Une action résolue est donc nécessaire pour réduire ces délais.
En outre, la cohérence territoriale dans l’application des critères d’accès à la nationalité doit être assurée. La nationalité française a une portée éminemment symbolique et unitaire : elle fonde l’égalité entre citoyens et l’unité du corps politique. C’est pourquoi l’hypothèse d’une recentralisation de la procédure pourrait être étudiée.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Bryan Masson (RN). L’examen de la mission Immigration, asile et intégration permet de répondre à une question simple : l’État protège-t-il la nation en maîtrisant les flux migratoires ou s’organise-t-il pour absorber ces flux et en gérer les conséquences ?
Quand on étudie ses crédits, la réponse est très claire : ceux du programme 303, Immigration et asile, s’élèvent à 1,870 milliard d’euros. C’est colossal : c’est, en fait, le cœur financier de votre politique migratoire. Or, sur l’ensemble du programme, 435 millions seulement sont consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière. Cela signifie, politiquement, qu’une part minoritaire de l’effort budgétaire est utilisée pour faire respecter la loi : contrôle des frontières, éloignement des personnes en situation irrégulière, exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Quant à la part majoritaire, elle sert à financer la présence sur le territoire : hébergement, allocations, accompagnement administratif, gestion des demandes d’asile, contentieux, etc. Votre priorité n’est donc pas de limiter l’immigration illégale mais de financer sa gestion une fois qu’elle est là.
Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire reste stable, autour de 10 %. Autrement dit, sur dix personnes sous le coup d’une OQTF, neuf ne partent pas. Avec les 435 millions alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière, vous êtes censés financer les préfectures, qui doivent suivre les dossiers d’éloignement du début à la fin, la police aux frontières, qui doit physiquement exécuter ces décisions, les centres de rétention administrative, déjà saturés, les escortes, les billets, les formalités, les démarches consulaires pour obtenir les laissez-passer auprès des pays d’origine… Tout cela doit entrer dans une enveloppe qui reste objectivement trop faible au regard du volume migratoire constaté. Résultat : le droit est théorique. Vous devez quitter le territoire, mais l’État n’a pas les moyens d’aller au bout de la procédure.
Officiellement, le programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, doté de 368 millions, finance l’intégration ; dans les faits, il finance l’installation, c’est-à-dire des dispositifs d’accompagnement linguistique, social et administratif, des parcours d’accès au droit ainsi que des subventions à des structures associatives qui construisent ce que vous appelez l’intégration mais qui ressemble de plus en plus à un sas d’installation durable.
D’abord, le signal envoyé. Tant que le message est : « Venez, on vous accompagnera, on financera vos démarches », les flux continueront. Ensuite, la charge réelle : ce sont les collectivités qui subissent la pression. Je reviens un instant sur l’asile. L’État prend en charge les demandeurs d’asile, puis une part importante des demandes est rejetée Mais les personnes restent sur le territoire. Nous payons deux fois : la procédure, puis les conséquences de l’absence d’effet de la décision.
Le groupe RN propose une autre logique, qui consiste à réarmer la capacité d’éloignement et à clarifier ce que signifie intégration, à augmenter les capacités des centres de rétention administrative, à renforcer les effectifs des préfectures et de la police aux frontières, à utiliser le levier diplomatique pour conditionner les visas et la coopération, à définir l’assimilation comme une exigence, à exiger la maîtrise du français, le respect des lois et l’autonomie financière avant toute naturalisation.
Votre mission budgétaire telle qu’elle est construite dit une chose simple aux Français : l’État n’empêche pas, il gère après coup et leur envoie la facture. Le groupe Rassemblement national ne se satisfait pas de la mission Immigration, asile et intégration parce qu’elle traduit, une politique non pas de maîtrise, mais d’accompagnement du renoncement. Nous défendons une ligne différente : contrôle des frontières, exécution réelle des éloignements, fermeté dans l’accès au séjour, exigence pour l’accès à la nationalité. C’est cela, protéger la nation, les Français.
M. Ludovic Mendes (EPR). La mission Immigration, asile et intégration illustre les équilibres complexes de notre politique migratoire. Elle cherche en effet à concilier trois exigences : la maîtrise des flux, le respect du droit d’asile et l’intégration durable des étrangers dans notre société.
En 2026, ses crédits atteignent 2,16 milliards d’euros, soit une hausse de près de 4 % de ses crédits de paiement et de 25 % de ses autorisations d’engagement. Ce renforcement traduit la volonté du gouvernement de poursuivre la mise en œuvre de la loi du 26 janvier 2024, qui vise à mieux contrôler les flux migratoires tout en améliorant les parcours d’intégration. Les efforts les plus visibles concernent la lutte contre l’immigration irrégulière, dont les crédits connaissent une forte progression. Cette hausse vise à soutenir le plan CRA 3 000, dont l’objectif est d’augmenter les capacités de rétention administrative. Ainsi, de nouveaux centres ouvriront à Bordeaux, à Dunkerque, à Rennes ou à Metz pour porter les capacités des CRA à plus de 2 200 places en 2026. Ces investissements visent à rendre la politique d’éloignement plus efficace tout en garantissant des conditions de rétention dignes et conformes à nos engagements internationaux.
Parallèlement, l’État renforce le droit d’asile. En 2024, plus de 153 000 demandes ont été enregistrées, atteignant un niveau record. Pour y faire face, l’Ofpra bénéficie de 48 postes supplémentaires et d’une subvention portée à près de 123 millions. L’objectif est clair : réduire les délais de traitement et préparer la mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l’asile, qui modifiera le standard d’accueil à partir de mi-2026. La transformation de plus de 12 000 places d’hébergement d’urgence en place Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) témoigne également d’un effort d’humanisation de notre dispositif d’accueil.
S’agissant de l’intégration, le programme 104, doté de 368 millions d’euros, finance le contrat d’intégration républicaine et les formations linguistiques dispensées par l’Ofii. Toutefois, la réforme du 15 juillet 2025, qui rend obligatoire la maîtrise du niveau B2 de français et un examen civique pour accéder à la nationalité, suscite un débat légitime. Car si la maîtrise de la langue est sans conteste un levier essentiel d’insertion, elle ne saurait devenir une fin en soi ni un critère exclusif d’appartenance à la communauté nationale. L’intégration ne se mesure pas simplement à la grammaire ou au lexique, mais aussi à la participation à la vie sociale, au respect des lois et à l’engagement de la société. Exiger le niveau B2, c’est risquer de transformer un outil d’émancipation en barrière administrative et écarter injustement des personnes qui, bien que ne maîtrisant pas encore correctement le français, contribuent déjà pleinement à notre vie collective.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Si l’on écoute Mme Le Pen, M. Retailleau ou CNews, l’immigration serait la cause de tous les malheurs de notre pays. Ils présentent systématiquement les immigrés comme des criminels, des délinquants, des assistés qui viendraient profiter d’un système social jugé trop généreux. La réalité, c’est l’inverse : ce ne sont pas les immigrés qui profitent du système, c’est le système qui profite des immigrés. Ceux qui cherchent à vous faire détester les immigrés sont des menteurs et des semeurs de haine. Leur objectif est simple : diviser pour mieux régner.
Je vais dire la vérité. Non, les immigrés ne sont ni des délinquants ni des criminels. Toutes les enquêtes scientifiques le prouvent : il n’existe aucun lien entre immigration et délinquance. Sur les 5,6 millions d’étrangers qui résident en France, seulement 0,3 % d’entre eux sont en prison. Sur les 7,3 millions d’immigrés que compte notre pays, 34 % d’entre eux sont devenus nos compatriotes par naturalisation. Autrement dit, quand on est immigré en France, on devient cent fois plus souvent français que délinquant !
C’est l’histoire même de notre pays. Selon l’Insee, 20 millions de nos compatriotes ont au moins un ancêtre étranger – belge, algérien, italien, marocain, espagnol, sénégalais, polonais, congolais, vietnamien, haïtien, portugais, tunisien, chinois… Le peuple de France vient du monde entier – j’en suis, le ministre Nuñez aussi, et combien d’autres ici ! Voilà ce qu’est la France. C’est pourquoi ce qui menace notre pays, ce n’est pas l’immigration mais le racisme et la xénophobie.
Laissez-moi vous dire des immigrés autre chose que ce que l’on entend toujours à la télé. Ils sont des êtres humains : des femmes, des hommes, des enfants ; ils ont fui la guerre, la misère, le changement climatique. Ils sont parfois partis parce qu’ils espéraient trouver ailleurs le bonheur ou juste une vie meilleure. Les immigrés sont des pères et des mères de famille et, comme tous les parents, ils sont prêts à tous les sacrifices pour donner le meilleur à leurs enfants. Ceux qui m’écoutent se reconnaîtront, eux qui bossent, triment, s’usent le corps. Car il faut dire ici la dure réalité : non, les immigrés ne profitent pas du système, c’est le système capitaliste qui les exploite.
On nous parle de l’aide médicale de l’État, mais 50 % de ceux qui y ont droit n’y ont pas recours. On nous parle des aides pour les demandeurs d’asile, mais le montant de l’allocation est de 209 euros par mois. Voici ce dont on ne parle jamais. Les immigrés sont des travailleuses et des travailleurs, et pas n’importe lesquels : ils occupent les emplois les plus pénibles, les plus dangereux, les plus mal payés. Ce sont eux que le système capitaliste exploite le plus durement. En Île-de-France, région la plus riche de notre pays, ils représentent 61 % des aides à domicile, 60 % des ouvriers du bâtiment, 50 % des cuisiniers, 47 % des agents de sécurité, 44 % des assistantes maternelles. Et voici la plus terrible des vérités : ces travailleuses et ces travailleurs qui construisent de leurs mains la France de demain, vous leur pourrissez la vie avec des demandes de papiers.
Vous prévoyez d’augmenter de 87 % le budget de la lutte contre l’immigration irrégulière. Mais ce qui crée l’immigration irrégulière, c’est l’administration elle-même ! Dans mon département, l’Essonne, des dizaines de milliers de personnes attendent le renouvellement de leur titre de séjour et, partout en France, c’est pareil. On attend des mois, des années, le sésame qui permet de travailler, d’étudier, de vivre, d’aimer. Et quand on ne reçoit pas le titre à temps, souvent à cause d’une lenteur de l’administration elle-même, on fait l’objet, de manière désormais quasiment automatique, d’une OQTF – quatre lettres qui sonnent comme un couperet.
Je veux avoir une pensée pour Celestino, élève au lycée Marcel-Pagnol d’Athis-Mons, frappé d’une OQTF et pour Mamadou Garanké Diallo, un Guinéen de 21 ans, qui avait un travail mais qui a reçu une OQTF, a fui et est mort noyé dans la mer en tentant de rejoindre le Royaume-Uni. La vérité, c’est que 96 % des personnes sous OQTF n’ont jamais commis aucun crime ou délit. Pourtant, ils sont sans arrêt criminalisés. Ça suffit ! Si vous voulez lutter contre l’immigration irrégulière, donnez des papiers, régularisez les travailleurs et les étudiants sans papiers et, plutôt que de les enfermer dans des CRA, libérez-les de la peur, de la pauvreté et de la précarité. Et, pour les Français comme pour les étrangers, pour les natifs comme pour les immigrés, faites respecter ces trois mots : Liberté, égalité, fraternité.
M. Marc Pena (SOC). La mission Immigration, asile et intégration devrait refléter la fidélité de notre République à ses valeurs, à ses principes, notamment humanistes et démocratiques. Mais, à la lecture de ce budget, une impression domine, celle d’un déséquilibre profond. En effet, l’essentiel de la hausse des crédits est consacré à la lutte contre l’immigration irrégulière, dont les moyens explosent de 87 %. Pendant ce temps, les crédits alloués à l’intégration et à l’accès à la nationalité reculent. Le message est clair : le gouvernement a choisi la répression a priori avant la protection, la fermeture avant l’accueil.
Ce budget est la traduction financière de la loi « immigration » de janvier 2024, issue d’un compromis avec la droite la plus dure. Il permet d’en appliquer les plus iniques mesures : faciliter les expulsions, prolonger la rétention, restreindre les droits des étrangers. Ce projet de loi de finances poursuit la même logique : traiter la migration comme un problème à contenir, non comme une réalité humaine à accompagner. Comme l’écrivait Albert Camus, mal nommer les choses, c’est ajouter du malheur au monde. Ainsi, parler d’« optimisation de la chaîne d’éloignement », comme c’est le cas dans le bleu budgétaire, c’est oublier qu’il s’agit de femmes et d’hommes, pas de statistiques. Et c’est oublier que la France a construit son identité sur l’accueil, l’asile et l’intégration.
Le groupe socialiste propose une autre approche, fondée sur la dignité et l’efficacité. Nos amendements visent donc à rétablir les places d’hébergement d’urgence, à augmenter les effectifs de l’Ofpra, car on ne peut pas diviser par deux les délais d’instruction sans donner les moyens de le faire, à renforcer l’accès aux soins dans les centres de rétention et à pérenniser la présence dans ces lieux des associations, garantes du respect du droit et de la dignité. Enfin, nous insistons sur un pilier essentiel : l’apprentissage du français. Car l’intégration ne se décrète pas, elle se construit. La langue, c’est la clé de tout : du travail, du logement, de la citoyenneté. Or les formations linguistiques sont dématérialisées et souvent inaccessibles pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Nous voulons une politique d’immigration cohérente avec nos principes républicains, une politique qui, comme le disait Jean-Pierre Chevènement, ne se limite pas à gérer et à exclure, mais qui accueille, protège et intègre. C’est le sens de notre engagement : défendre une France qui ne cède pas à la peur que certains attisent mais qui choisit la justice.
M. Patrick Hetzel (DR). Mon intervention portera sur le programme 303 Immigration et asile.
S’agissant des constats et des points de vigilance de notre groupe, nous observons tout d’abord que le coût du droit d’asile explose. Les crédits destinés à le garantir dépassent désormais 1,7 milliard et progressent de manière constante depuis cinq ans. Cette augmentation s’élève à 53 % par rapport à 2019.
Nous notons également que le contentieux augmente de manière structurelle. La CNDA (Cour nationale du droit d’asile) fait ainsi face à une hausse de 18 % des recours. La saturation des juridictions administratives est désormais un problème.
Quant aux mesures d’éloignement, elles sont d’une faible efficacité. Malgré l’augmentation des crédits, le taux d’exécution des OQTF reste encore inférieur à 15 %, alors que l’augmentation des mesures d’éloignement figure dans les indicateurs de performance.
Par ailleurs, l’hébergement d’urgence est saturé. Plus de 50 000 places sont utilisées, avec un coût moyen unitaire désormais supérieur à 18 000 euros par an.
Enfin, nous assistons à une augmentation du coût de la rétention, avec une progression de plus 6 % des crédits destinés aux CRA – sans effet dissuasif réel, il faut bien le dire.
Ce budget traduit une politique migratoire que l’on peut considérer comme subie.
Notre groupe souhaite insister sur quatre recommandations.
La première consiste à conditionner les crédits à des objectifs chiffrés d’éloignements effectifs. Désormais, chaque euro investi doit produire des résultats mesurables en la matière.
Deuxième recommandation : créer un objectif de performance lié au taux d’exécution des OQTF, avec un suivi et une publication semestrielle, de telle sorte qu’il devienne un véritable outil de pilotage du ministère. On voit bien que les indicateurs de performance sont insuffisamment utilisés pour cela, tant en ce qui concerne la mission que le programme 303.
Troisième recommandation : rationaliser les dépenses d’asile. Il faudra en passer par une simplification des procédures, une réduction des délais et une mutualisation européenne, pour être sûr d’atteindre une plus grande efficacité.
Enfin, quatrième recommandation : renforcer les moyens du contrôle aux frontières. On voit là aussi qu’il est possible d’améliorer encore l’efficacité de ce programme ;
Nous serons attentifs à tous ces points.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). S’agissant de l’immigration, il y a ceux qui veulent toujours aller dans la même direction en consacrant de l’argent à exclure ; et puis il y a notre groupe et ses partenaires à gauche, qui préfèrent investir dans ce qui fonctionne, c’est-à-dire l’inclusion.
En réalité, le budget qui nous est proposé emprunte encore le même chemin que celui ouvert par les précédents, cette démarche ayant été accentuée par l’adoption de la loi immigration à la fin de 2023. C’est un triptyque composé par l’incapacité de prendre en compte la réalité du terrain, par une compromission devant les exigences d’une droite toujours plus démagogue – voire devant les menaces de l’extrême droite – et par l’impasse sur l’essentiel.
Le budget qui nous est proposé pour cette mission fondamentale pour la cohésion sociale est véritablement à contresens de nos engagements internationaux et à rebours de nos valeurs – et même du bon sens élémentaire. Les associations engagées sur le terrain, mais aussi les collectivités territoriales, tentent chaque jour d’alerter sur le désengagement croissant de l’État en matière d’inclusion des étrangers. En vain.
Prenons l’exemple de l’hébergement d’urgence, dont les crédits ont été réduits en 2025, avec la suppression de 6 500 places. Les dispositifs tels que l’Huda (hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile) et les CPH (centres provisoires d’hébergement) sont saturés, ce qui entraîne des sorties plus rapides, y compris sans qu’une solution soit fournie à l’intéressé. Nous nous sommes pourtant engagés à héberger les demandeurs d’asile qui disposent d’un titre de séjour. On peut se demander s’il n’y a pas une forme de cohérence dans cette volonté d’organiser le chaos en matière d’hébergement des demandeurs d’asile.
En revanche, c’est plutôt l’incohérence qui prévaut en matière linguistique. Les nouvelles dispositions de la loi immigration prévoient d’augmenter les exigences du niveau de langue pour ceux qui demandent la nationalité française ou une carte de séjour pluriannuelle. Or les moyens consacrés à cette mission fondamentale baissent au regard des besoins des associations et des personnes. On n’apprend pas bien une langue étrangère en suivant des cours en visioconférence ou sur une application. Il faut des cours en présentiel et, surtout, des interactions sociales.
Enfin, on parle trop peu de la protection des femmes. Nous devons reconnaître que l’apartheid de genre engendre aussi des départs, et les femmes concernées connaissent des parcours migratoires violents. La protection des femmes ne peut pas rester un vœu pieux.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements qui visent à expérimenter des permanences médico-sociales dans les Spada (structures de premier accueil des demandeurs d’asile), afin que ces femmes puissent bénéficier, dès le premier jour de leur arrivée, d’un accueil digne et à la hauteur de la promesse républicaine. Les associations qui gèrent ces structures nous montrent la voie quand elles expérimentent. À nous de les soutenir.
Nous voterons également en faveur de tous les amendements qui réaffirment l’ambition de la promesse républicaine et d’émancipation.
M. Éric Martineau (Dem). Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration s’élèvent à 2,24 milliards en AE et à 2,16 milliards en CP, en hausse par rapport à 2025. Cette progression marque la poursuite du renforcement structurel des moyens alloués à la politique migratoire et d’asile, notamment pour anticiper l’entrée en vigueur du pacte sur la migration et l’asile en juillet 2026. Sa mise en œuvre représente à elle seule 66 millions de CP en 2026.
La mission comprend le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française.
Avec 1,8 milliard d’euros, le premier représente 80 % du budget de la mission. L’accent est mis sur la lutte contre l’immigration irrégulière, dont les crédits augmentent de plus de 40 %. Cela couvre les dépenses liées au maintien des personnes en zone d’attente ou en CRA, ainsi qu’à la mise en œuvre des procédures d’éloignement. Le programme finance également l’accompagnement social, juridique et sanitaire des étrangers non admis sur le territoire, ainsi que les opérations de transfert ou d’éloignement des personnes faisant l’objet d’une mesure de non admission ou d’une OQTF.
La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a renforcé les outils d’éloignement des étrangers constituant une menace pour l’ordre public. Elle a notamment supprimé certaines protections légales contre les OQTF, assoupli les protections applicables aux expulsions, autorisé la prise en compte de motifs d’ordre public pour le placement en rétention et allongé la durée maximale d’assignation à résidence. La loi du 11 août 2025 visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive a, quant à elle, contribué à simplifier et sécuriser le régime de la rétention administrative.
D’importants efforts sont engagés dans ce budget pour l’ambitieux plan d’extension du nombre de CRA, prévu par la Lopmi. Son objectif est d’atteindre 3 000 places en 2027, ce qui se traduit par le renforcement des capacités d’accueil de plusieurs centres existants. Nous sommes sur la bonne voie et il est important de continuer ces efforts pour atteindre les objectifs fixés.
La rapporteure pour avis s’est plus particulièrement penchée sur l’acquisition de la nationalité, en soulignant que presque 67 000 personnes sont devenues françaises en 2024, dont 70 % par naturalisation. Elle a observé un écart croissant entre la procédure de naturalisation et les autres modes d’acquisition de la nationalité française – écart qui ne semble pas toujours justifié au regard de la réalité des liens avec la France. Il convient donc d’être vigilant sur la cohérence des critères retenus dans les procédures déclaratives et de naturalisation – maîtrise de la langue française, insertion professionnelle, stabilité du séjour et adhésion aux valeurs républicaines. Ces exigences doivent être perçues, non comme des obstacles, mais comme des garanties d’une intégration réussie et d’une cohésion sociale durable.
Ces observations et ces chiffres permettront d’étayer nos discussions en commission.
M. Xavier Albertini (HOR). Ce budget s’inscrit dans la continuité de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, grâce à laquelle la France s’est dotée d’instruments renouvelés pour renforcer les exigences d’intégration, assurer le respect des principes de la République et mettre fin au séjour de ceux dont le comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics. À ce titre, le groupe Horizons & indépendants salue la hausse globale des crédits de près de 4 %, qui donne à la France les moyens d’une politique migratoire à la fois ferme et équilibrée, fidèle à nos valeurs humanistes.
Les crédits de la mission permettent d’abord de poursuivre l’accélération du traitement des demandes d’asile, toujours plus nombreuses puisqu’on en compte plus de 170 000 en 2025. Malgré la hausse des demandes, leur délai de traitement diminue en effet depuis 2021 grâce à un renforcement des moyens humains et techniques de l’Ofpra.
Nous sommes également satisfaits qu’après plusieurs années de sous-financement les crédits de l’action Lutte contre l’immigration irrégulière augmentent de manière significative, avec + 87 % en AE et + 40 % en CP. Cette hausse traduit une volonté politique claire d’assurer l’exécution effective de l’éloignement et de mettre en œuvre le plan CRA 3 000, avec la livraison de nouveaux centres à Bordeaux, Dunkerque et Metz.
En parallèle, l’effort en faveur de l’intégration et de la cohésion républicaines est maintenu pour consolider le CIR, avec une obligation de résultats linguistiques et civiques. Le pilotage de 90 % des crédits par les préfets de région permet une territorialisation accrue de la politique d’intégration. C’est l’illustration d’une méthode d’intégration pragmatique, qui s’appuie sur les acteurs locaux et les besoins concrets.
Le groupe Horizons & indépendants votera en faveur des crédits de la mission.
M. Paul Molac (LIOT). Notre groupe est plus que réservé sur cette mission qui doit faire face à de nombreux défis – exécution des OQTF, manque de places en CRA, mise en œuvre du pacte sur la migration et l’asile, intégration – et qui, exercice après exercice, a bien du mal à atteindre ses objectifs.
Le Parlement n’a pas accès à une vision globale, car les crédits liés à l’immigration sont répartis sur dix-neuf programmes. En réalité, avec à peu près 2 milliards, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration représentent moins de 30 % de ceux de notre politique migratoire globale, qui totalise environ 8 milliards d’euros. Cet éparpillement a des conséquences pratiques, puisque nous ne pourrons pas débattre au cours de cette réunion des mineurs non accompagnés, des contrôles aux frontières ou de la durée des procédures de la CNDA, ce qui est assez regrettable.
Je vais donc concentrer mon propos sur deux sujets.
Tout d’abord, notre politique de rétention dans les CRA. Dès sa première audition, le nouveau ministre de l’intérieur a annoncé un nouveau texte pour allonger la durée de rétention des étrangers. Je rappelle que la dernière loi que nous avons votée, pas plus tard qu’en août dernier, a été largement censurée par le Conseil constitutionnel, qui a jugé la mesure excessive. Dont acte. Est-il besoin d’y revenir ?
Au lieu de prévoir une nouvelle loi, le gouvernement ferait mieux de dégager des moyens pour améliorer les conditions de rétention. Pas moins de 156 millions sont certes consacrés aux investissements immobiliers dans les CRA. C’est une somme conséquente, mais on ne peut pas se contenter d’allouer ces moyens à l’ouverture de nouvelles places, car il faut aussi réhabiliter les centres actuels. Notre groupe est également très inquiet au sujet de l’ouverture des nouveaux locaux d’unité familiale, créés spécifiquement à Mayotte, qui pourront accueillir des mineurs. Nous regrettons l’absence de données sur ce sujet. Il est pourtant essentiel que les enfants placés dans ces centres bénéficient de toute la protection nécessaire.
Second sujet : l’intégration par la langue et le travail, qui reste, comme toujours, le parent pauvre de notre politique migratoire, alors que c’est l’élément essentiel. À ce titre, je note que la création de deux postes au profit de l’Ofii en 2026 ne peut faire oublier la suppression de 29 emplois l’an dernier. Comme d’autres groupes, nous regrettons aussi le choix de durcir les critères linguistiques pour l’obtention des titres de séjour. Certains Français dits de souche seraient parfois bien désarçonnés par ce que l’on demande. Cette décision pose un vrai problème de légitimité, puisqu’elle a été prise par un ministre de l’intérieur démissionnaire.
Il y a beaucoup d’hypocrisie au sujet de l’immigration. On voit de très nombreux d’étrangers travailler, en particulier à Paris, dans les secteurs du BTP, de la propreté et de l’aide aux anciens. C’est également vrai dans ma région – qui n’est pourtant pas une terre d’immigration – dans l’industrie agroalimentaire et même pour les médecins. Nous avons besoin de ces gens. S’ils partaient, nous serions bien ennuyés. On s’honorerait donc en leur accordant tout simplement des papiers.
Je pourrai citer de très nombreux exemples de personnes à qui l’on ne donne pas des papiers à temps et qui sont obligées de cesser de travailler, alors qu’elles ne posent aucun problème. Leurs employeurs me demandent alors d’intervenir auprès de la préfecture, qui ne veut pas délivrer les documents alors qu’elle sait qu’elle ne va de toute manière pas expulser les personnes concernées. On marche sur la tête.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Depuis quelques jours, des collègues de différents groupes ont alerté au sujet des délais en préfecture. On sait que les difficultés vont perdurer cette année et nous ne pouvons pas faire comme si cela n’existait pas.
Le budget de la mission Immigration, asile et intégration augmente légèrement, avec une hausse de 3,83 %, mais il fait la part belle à la répression des migrants plutôt qu’à leur intégration. On voit bien que cette politique d’expulsions a un coût, sans être pour autant efficace par rapport à l’objectif affiché.
Le budget prévoit d’augmenter le nombre de places de rétention dans le cadre du plan CRA 3 000 – que l’on pourrait aussi appeler amendement Ciotti –, en portant la capacité à 2 299 places en métropole en 2026. Les crédits d’investissement repartent fortement à la hausse, notamment du fait de la construction du centre de Bordeaux et d’un nouveau CRA au Mesnil-Amelot, mais aussi de locaux dits d’unité familiale pour accueillir les mineurs à Mayotte. En comptant les crédits affectés à la PAF, le dispositif relatif aux expulsions représente 1,6 milliard d’euros – 327 millions dans le programme 303.
Ces chiffres ne prennent pas en compte le coût de l’externalisation par les Britanniques du contrôle de leur frontière sur notre littoral nord. La politique consistant à expulser les campements toutes les quarante-huit heures mobilise des budgets énormes, sans compter les charges indues liées à la mise en œuvre du dernier accord « un pour un » avec le Royaume-Uni.
Comme pour les précédents, la représentation nationale n’a reçu aucune information sur cet accord, notamment s’agissant de la répartition entre les crédits dédiés à la sécurité et ceux affectés au volet dit humanitaire. J’ai l’intuition que les sommes versées par les Britanniques servent uniquement au premier et que la France supporte l’intégralité du trop mince volet humanitaire. Tel est le prix à payer lorsqu’on accepte de devenir le bras armé du contrôle de la frontière britannique.
Dans le même temps, les garanties procédurales des demandeurs d’asile sont fragilisées en raison de la volonté d’accélérer l’instruction des demandes, qui trouve sa traduction dans ce budget. Si cet objectif peut paraître a priori favorable au demandeur, il est en pratique susceptible de le léser en réduisant le temps disponible pour rassembler un dossier solide.
Conjuguée au manque de moyens, l’accélération du traitement des demandes épuise également les agents de l’Ofpra. Ces derniers dénoncent régulièrement la politique du chiffre à laquelle ils sont soumis. Le bleu budgétaire l’admet d’ailleurs de manière feutrée, puisqu’il y est écrit que « L’Ofpra est confronté à un taux de rotation important des officiers de protection […]. » Cette phrase révèle que la complexité des choses est également source de souffrance pour les officiers de protection.
Enfin, le PLF consacre 66 millions d’euros à la mise en œuvre de la nouvelle procédure d’asile à la frontière, à l’évolution des procédures d’asile et à la refonte des systèmes d’information, en prévision de l’entrée en vigueur du pacte sur la migration et l’asile à la mi-2026.
Interrogé sur ce dernier point la semaine dernière, le ministre de l’intérieur n’a pas été capable de dire comment ce pacte allait être transposé et quelles seraient ses conséquences. Un budget est pourtant prévu à cet effet. Soit le ministre ne nous a pas dit exactement ce qu’il entendait faire, soit ce budget a été déterminé au pifomètre. Je n’ai pas trouvé dans l’avis de la rapporteure les éléments qui permettraient de me rassurer.
Pour notre groupe, ce budget s’inscrit dans la lignée des précédents. Il conforte une politique qui alimente un récit de la peur.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Monsieur Masson, vous avez évoqué le manque de moyens de la PAF, mais celle-ci ne relève pas de cette mission. Il en est de même pour ceux des préfectures. Il faut avoir une vision plus large des crédits si l’on veut les analyser avec honnêteté.
Le sujet des OQTF revient en permanence. Là encore, il faut tenir un discours honnête. Vous savez très bien que nous pratiquons d’une manière très différente d’autres pays. Un même individu peut ainsi faire l’objet de plusieurs décisions d’éloignement, ce qui peut laisser croire que notre taux d’exécution est très faible. En réalité, la France réalise un tiers des mesures d’éloignement exécutées au sein de l’Union européenne. Peut-être ne sommes-nous pas si mauvais, finalement. Il est toujours bon de rétablir les faits.
Vous avez déclaré que, si vous arrivez au pouvoir vous réarmerez notre capacité d’éloignement, mais vous avez évoqué des dispositifs qui existent déjà. Nous avons accru les exigences de maîtrise du Français. Même si ce n’est pas suffisant, nous renforçons les effectifs dans les préfectures. Quant à l’exécution réelle des mesures d’éloignement, je n’ai toujours pas compris comment vous alliez faire – et je ne pense pas être la seule dans ce cas. Vous avez souhaité que l’on soit plus exigeant en matière d’accès à la nationalité. Ça tombe bien, c’est ce que prévoit la circulaire de M. Retailleau du 2 mai dernier. Je ne crois pas vous avoir entendu vous en féliciter.
Par ailleurs, plusieurs orateurs ont évoqué un désengagement de l’État en matière d’accueil et d’intégration des étrangers. Cela me semble excessif si l’on considère quelques exemples. Le nombre de places d’hébergement pour les demandeurs d’asile est ainsi passé en quelques années de 83 000 à 111 000. Les crédits de l’action 12 Intégration des primo-arrivants ont augmenté de 12 %, ce qui, là encore, est significatif. Enfin, de nombreux postes ont été créés au sein de l’Ofpra. Tout cela ne correspond pas à ma conception d’un désengagement.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CL46 et II-CL48 de M. Jonathan Gery, amendement II-CL65 de M. Marc Pena (discussion commune)
M. Jonathan Gery (RN). En 2023, l’État a versé plus de 11 milliards au secteur associatif. Pour la seule mission que nous examinons, ces subventions ont atteint plus de 1 milliard, somme complètement délirante.
L’amendement II-CL46 propose donc de diminuer les versements en faveur des associations d’aide aux migrants, en réduisant les crédits de l’action 02 Garantie de l’exercice du droit d’asile du programme 303. L’amendement II-CL48 a le même objet mais porte sur les crédits de l’action 01 Accueil des étrangers primo-arrivants du programme 104.
M. Marc Pena (SOC). Mon amendement vise à garantir la pérennité de la présence associative au sein des CRA, menacée notamment par la proposition de loi tendant à confier à l’Ofii certaines tâches d’accueil et d’information des personnes retenues, votée au Sénat le 12 mai 2025.
Nous sommes absolument opposés à cette mesure, car les associations conventionnées assurent une mission essentielle d’accompagnement juridique, social et humain des personnes retenues.
Elles sont garantes du respect des droits fondamentaux dans ces lieux de privation de liberté, en facilitant l’accès à l’information, à la défense et à la santé. L’évolution proposée par le Sénat irait à rebours de plus de vingt ans de partenariat entre l’État et les associations, dont le rôle, reconnu par le Conseil d’État et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, garantit l’exercice effectif des droits et la transparence du fonctionnement des CRA.
Aussi est-il proposé d’augmenter de 1 euro les crédits de l’action 03 Lutte contre l’immigration irrégulière du programme 303 et de prélever le même montant sur l’action 16 Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants du programme 104. Il s’agit bien évidemment d’un amendement d’appel.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Monsieur Gery, les crédits de l’action Garantie du droit d’asile contribuent au respect des engagements internationaux de la France. Même si l’on diminuait ces crédits, la France resterait dans l’obligation d’examiner les demandes d’asile déposées.
Les associations qui bénéficient de subventions dans le cadre de la mission Immigration, asile et intégration agissent en tant qu’opérateurs. Elles ont répondu à des marchés publics de l’État. L’exposé sommaire de l’amendement II-CL46 évoque une réinternalisation des missions, mais il serait bien plus coûteux pour l’État d’assurer l’hébergement des demandeurs d’asile que de le déléguer à des associations.
Vous indiquez également que ces associations « […] sont le plus souvent des structures idéologiques n’ayant pour seul horizon que l’entrée et le maintien sur notre sol de personnes en situation irrégulière. » Je me permets de rappeler qu’elles interviennent de manière différente selon les publics qui leurs sont confiés – demandeurs d’asile, étrangers primo-arrivants ou personnes retenues. Si certaines fournissent une assistance juridique dans les CRA, d’autres interviennent dans le cadre des CIR ou gèrent des structures d’hébergement, dont les Spada. Il ne s’agit donc pas seulement de s’occuper de personnes en situation irrégulière, comme vous le laissez entendre. Je relève en outre que, selon un rapport du Sénat, le coût des associations qui interviennent dans les CRA est marginal par rapport à l’ensemble des crédits finançant les associations d’aide et d’accompagnement.
Dans un rapport sur les associations intervenant dans la politique d’immigration, la Cour des comptes a estimé qu’« il n’est pas douteux que les associations remplissent effectivement leurs missions d’assistance juridique, qui ont notamment pour conséquence le dépôt de recours devant les tribunaux, au vu du volume soutenu de ceux-ci. » On peut donc s’interroger sur le rôle et la vocation réels de certaines d’entre elles.
Mais je souligne également qu’à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a récemment censuré des dispositions excluant du bénéfice de l’aide juridictionnelle les étrangers qui ne résident pas régulièrement en France. On peut dès lors s’interroger, comme le Sénat l’a fait, sur l’opportunité de confier à l’Ofii un rôle d’information sur l’accès aux droits des personnes placées ou maintenus en rétention administrative, incluant la possibilité de demander la désignation d’un avocat et le bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Nous aurons l’occasion d’en discuter si la proposition de loi du Sénat est inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée, mais cette question n’a pas d’incidence sur le projet de budget. Il faut de toute façon des crédits pour accompagner les demandeurs d’asile et, de manière plus générale, les migrants. Même si l’on confiait une bonne partie de l’assistance juridique dans les CRA à l’Ofii, cela ne ferait pas obstacle à l’intervention d’avocats et à leur rémunération dans le cadre de l’aide juridictionnelle.
Avis défavorable.
M. le président Florent Boudié. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, notamment à certaines des associations concernées, je m’opposerai à la proposition de loi du Sénat.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL117 de M. Yoann Gillet, II-CL199 de Mme Monique Griseti et II-CL80 de M. Marc Pena (discussion commune)
M. Marc Pena (SOC). Avec cet amendement, nous souhaitons rétablir les crédits de l’ADA, injustement réduits dans ce projet.
Cette baisse, qui priverait des dizaines de milliers de personnes d’une aide essentielle, envoie un signal contraire à nos valeurs humanistes et à nos obligations européennes.
L’ADA est un droit, celui de toute personne sollicitant la protection de la France de pouvoir vivre dignement le temps de l’examen de sa demande. Derrière ces crédits, il y a des femmes, des hommes et des familles qui, souvent sans hébergement, dépendent de ce soutien minimal pour se nourrir, se déplacer et accéder à des soins.
Réduire les crédits de l’ADA reviendrait à fragiliser davantage des vies déjà marquées par la précarité, et à dégrader les conditions d’accueil que notre nation s’est engagée à garantir. La France ne peut construire sa politique d’asile sur l’austérité et la défiance : elle doit rester fidèle à l’esprit du droit d’asile.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. S’agissant des amendements II-CL117 et II-CL199, je souligne que l’ADA et l’hébergement des demandeurs sont une garantie de l’effectivité du droit d’asile et qu’ils découlent de nos engagements internationaux, et notamment du droit de l’Union européenne.
Le traitement des demandes d’asile depuis les consulats semble assez peu réaliste. L’asile suppose par nature de protéger une personne qui a fui son pays. Lui imposer de déposer sa demande dans le pays où elle est persécutée parait quelque peu délicat.
Avis défavorable à ces deux amendements de réduction de crédits.
Je souligne par ailleurs que la baisse de 10 % de la dotation de l’ADA en 2026 est très largement compensée par la mobilisation des crédits issus du Fami, ainsi que par la réduction des délais de traitement des demandes d’asile grâce aux 48 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires pour l’Ofpra.
Contrairement à ce que vous affirmez dans l’exposé des motifs, monsieur Pena, ces recrutements permettent d’assurer la qualité du traitement des demandes. Nous devons saluer le travail des officiers de protection de l’Ofpra, qui examinent chaque demande rigoureusement.
Avis défavorable à l’amendement II-CL80.
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Depuis 2022, le budget de l’ADA a été divisé par deux, puisqu’il est passé de 480 millions à 220 millions. Une solution très simple consisterait à autoriser les demandeurs d’asile à travailler pendant les six mois qui suivent le dépôt de leur demande. Nous avons essayé en vain de faire adopter cette solution lors de l’examen de chaque texte sur l’immigration. Le blocage fait que le système marche sur la tête. L’interdiction de travailler a fini par devenir un totem, alors qu’autoriser les demandeurs d’asile à le faire est absolument nécessaire pour leur permettre de s’intégrer.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL81 de M. Marc Pena, II-CL103 de Mme Andrée Taurinya, II-CL49 de Mme Sandrine Runel et II-CL193 de Mme Léa Balage El Mariky (discussion commune)
M. Marc Pena (SOC). Par cet amendement, nous souhaitons rétablir les crédits dédiés à l’Huda.
Alors que le dispositif national d’accueil reste sous tension, avec une part significative de demandeurs d’asile sans solution d’hébergement, la baisse proposée par le projet viendrait aggraver une situation déjà fragile.
L’hébergement constitue la première condition d’un accueil respectueux du droit, garantissant la sécurité, la dignité et l’efficacité des procédures.
Cette mesure ne relève pas seulement d’une exigence humanitaire : elle est nécessaire pour assurer la crédibilité et la maîtrise de la politique d’asile. En réduisant le parc disponible, l’État risque de déplacer la charge vers les dispositifs d’urgence de droit commun, déjà saturés, et d’affaiblir la cohérence de l’action publique.
Rétablir ces 80 millions permettrait de maintenir la continuité du service de l’asile et de donner à la France les moyens d’une politique digne, stable et prévisible, à la hauteur de ses engagements européens et de ses principes républicains.
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). N’oublions pas que des rapports de force s’exercent autour des Cada. Face aux pressions, le maire de Saint-Brévin, où un centre devait être installé, a démissionné. Loger les demandeurs d’asile est essentiel pour leur assurer une stabilité dans le cadre d’un accueil inconditionnel et je m’étonne qu’en Loire-Atlantique, les services préfectoraux cherchent à pénétrer dans ces centres pour transmettre des avis d’expulsion. Évitons une catastrophe qui serait du pain béni pour ceux qui ne se nourrissent que de la haine.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’amendement II-CL193 vise, comme les précédents, à demander à l’État de remplir sa mission. Le fait qu’une part des demandeurs d’asile ne soient pas accueillis dans des dispositifs d’hébergement – un tiers d’entre eux en 2024 – crée du désordre : aux difficultés pour rester en contact avec les services sociaux et les associations s’ajoute l’inconfort des riverains face aux campements. Parmi ceux qui sont sans solution d’hébergement, un quart est en situation régulière et certains sont bénéficiaires d’une protection internationale (BPI).
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Les crédits totaux alloués à l’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés augmentent de 42 % en autorisations d’engagement et de 0,2 % en crédits de paiement par rapport à la LFI pour 2025. Le nombre de places d’hébergement a connu une baisse en 2025 mais celle-ci est intervenue après des années de hausse – 122 582 dans la LFI pour 2024 contre 82 762 en 2017. En outre, le taux d’hébergement, de 72 % en 2024, est en augmentation. La diminution du nombre de places est compensée par une meilleure gestion du parc d’hébergement ainsi que par la réduction des délais de traitement des demandes d'asile, pour laquelle, précisons-le, l’objectif fixé n’est pas une division par deux, monsieur Pena.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements en discussion commune II-CL111 et II-CL109 de M. Yoann Gillet, II-CL198 de Mme Monique Griseti, II-CL179 de M. Bryan Masson, II-CL112 de M. Yoann Gillet, II-CL146 de Mme Katiana Levavasseur, II-CL110 et II-CL113 de M. Yoann Gillet.
Amendement II-CL105 de M. Marc Pena
M. Marc Pena (SOC). Il s’agit de créer au sein de la mission Immigration, asile et intégration un nouveau programme destiné à accompagner les victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) très nombreuses parmi les migrants. The Lancet, revue de renommée internationale, a publié les résultats d’une enquête de santé publique menée à Marseille mettant en évidence l’incidence élevée des violences sexuelles parmi les femmes migrantes nouvellement arrivées en France. Il appartient à la collectivité de garantir à ces victimes un accueil adapté.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le parc d'hébergement destiné aux demandeurs d’asile prévoit des places réservées aux femmes victimes de violences ou de traite des êtres humains – 300 en 2024. L’Ofii organise également des sessions de formation et de sensibilisation à l’attention de ses agents, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM). C’est, par ailleurs, avec le concours de la direction de son service médical que l’étude que vous évoquiez a été réalisée, dans le cadre d’un partenariat poussé avec les associations accompagnant des femmes vulnérables dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
En outre, des dispositifs juridiques spécifiques existent pour les femmes qui ne pourraient prétendre à l'asile comme les titres de séjour « étranger victime de la traite des êtres humains ».
Mme Elsa Faucillon (GDR). L’accompagnement que vise notre collègue Pena est plus large que celui que vous évoquez, madame la rapporteure pour avis. Il comprend aussi une prise en charge psychologique, bien souvent assurée par des associations. Sur les navires de SOS Méditerranée, des psychologues entament un travail de recueil de la parole qui s’interrompt pour bon nombre des victimes de VSS une fois qu’elles débarquent.
Ajoutons que les femmes subissent des VSS non seulement sur leur parcours de migration mais aussi sur le territoire français, elles y sont même davantage exposées que les autres femmes. Leur garantir une place d’hébergement, c’est aussi mieux les protéger.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL192 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Après la prise de Kaboul, en 2021, plus de 2 000 Afghanes et Afghans ont été évacués par la France dans le cadre de l’opération Apagan. J’ai moi-même contribué à sauver la vie de 200 personnes et reste en contact avec de nombreuses femmes, journalistes, professeurs, médecins ayant participé à des programmes d’éducation à la santé sexuelle dans leur pays.
En Iran et en Afghanistan, et ailleurs, les femmes sont victimes d’un apartheid de genre, que nous essayons de faire reconnaître par la diplomatie féministe française. Notre amendement propose de créer un programme d’accueil destiné à offrir à celles qui souhaitent rejoindre l'Europe par des voies légales et sûres. Il reposerait sur trois piliers : une aide humanitaire aux pays frontaliers ; un engagement à faciliter et accélérer les délivrances de visa ; un accueil digne à l’arrivée en France.
Mme Laure Miller, rapporteur pour avis. Sous l'égide du HCR, la France participe à des programmes de réinstallation des réfugiés. L’Ofpra se déploie sur place pour identifier les personnes éligibles qui sont ensuite prises en charge par Organisation internationale pour les migrations (OIM) jusqu'à leur arrivée en France où elles sont accompagnées pendant un an par des opérateurs associatifs. En 2024, 2 371 personnes venues d’Afrique subsaharienne ou du Moyen-Orient ont pu être accueillies en France, dont 51 % de femmes et parmi elles 294 Afghanes. En 2025, l’objectif est d’accueillir 3 000 réfugiés, majoritairement des femmes, dont 500 Afghanes et leurs enfants. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL101 de M. Paul Christophle, II-CL3 Mme Elsa Faucillon et II-CL107 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune)
M. Paul Christophle (SOC). Notre amendement a pour but de créer une ligne budgétaire destinée à financer des opérations de sauvetage en mer dans le cadre d’une politique d’asile digne de ce nom.
Mme Elsa Faucillon (GDR). D’après l’OIM, de 2014 à 2023, 63 000 migrants sont morts en mer, dont 30 000 en Méditerranée, auxquels s’ajoutent de nombreux disparus. Le sauvetage en Méditerranée centrale repose uniquement sur les ONG, dont le budget est alimenté par des dons de particuliers pour une large part et par les collectivités, dans de moindres proportions. L’État ne participe pas au financement de ces opérations alors même qu’il a délégué la surveillance des frontières extérieures à des pays non-membres de l’Union européenne qui sont accusés de crimes contre l’humanité, auxquels il verse des subsides. Cette absence de soutien met en danger à la fois les personnes qui font la traversée et les membres des associations. Un navire de SOS Méditerranée a, à plusieurs reprises, été la cible de tirs des garde-côtes libyens ces derniers mois.
Certes, cette association n’a pas le pavillon français, mais son siège est situé en France et son président comme la plupart de ses membres est français. Pour que l’État lui apporte son soutien, je propose de créer une ligne budgétaire de 20 millions, qui correspond à son budget d’il y a dix ans.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Notre amendement II-CL107 poursuit le même objectif. En 2024, 2 500 personnes sont mortes en traversant la Méditerranée et si l’on prend l’ensemble des routes migratoires, le total des décès monte à 9 000. Cela renvoie à des questions morales et éthiques, qu’il importe de poser quand on considère que les valeurs ont leur place en politique : notre pays peut-il accepter que des gens meurent ainsi ? La militarisation des frontières, à l’œuvre dans les Hauts-de-France, n’empêche rien : malgré grillages et murs, les gens continuent de passer.
Seules les associations viennent en aide aux migrants et leurs membres sont criminalisés. Pour inverser cette logique, je vais déposer une proposition de loi visant à valoriser le geste humanitaire des personnes qui aident à l’entrée et à considérer comme un crime l’activité des passeurs.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Les sauvetages en mer ne sont pas seulement assurés par des associations financées par des fonds privés. Des moyens leur sont déjà consacrés, seulement ils ne relèvent pas de la mission que nous examinons : la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) bénéficie ainsi d’une subvention de 7,6 millions d’euros et nous allouons des crédits aux centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross).
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL116 de M. Yoann Gillet et II-CL57 de M. Marc Pena (discussion commune)
M. Marc Pena (SOC). L’augmentation substantielle de places dans les centres de rétention administrative voulue par le Gouvernement, augmentation à laquelle s’oppose par principe le groupe socialiste, doit s’accompagner d’un renforcement des moyens dédiés aux personnels de santé qui travaillent en leur sein afin d’assurer aux personnes retenues un accès effectif aux soins et de garantir leur dignité. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté comme de nombreuses associations soulignent des carences persistantes dans la couverture médicale des CRA : insuffisance des permanences médicales, manque de continuité des soins, difficultés d’accès à la psychiatrie ou à la médecine spécialisée. Je détaille dans l’exposé sommaire les recommandations en termes de journées de présence par catégorie de personnel soignant.
Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL104 de Mme Andrée Taurinya
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). On sait les conséquences de la dématérialisation : complexification des procédures et difficultés accrues d’accès aux droits génèrent un non-recours au droit, comme l’a relevé la Défenseure des droits. Notre amendement a pour objectif de recruter de nouveaux personnels dans les préfectures et sous-préfectures afin de garantir un meilleur accueil des personnes étrangères. Cela fait écho à la proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics de Danièle Obono dans laquelle elle prévoit que l’administration maintienne « plusieurs modalités d’accès aux services publics pour qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée. »
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. L’accueil réservé aux personnes étrangères dans nos préfectures est un sujet important mais il ne relève pas de cette mission.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL77 de M. Marc Pena
M. Marc Pena (SOC). Une augmentation du nombre d’agents de l’Ofpra est nécessaire pour assurer une réduction soutenable des délais d’instruction des demandes d’asile. Alors que le Gouvernement affiche l’ambition de les diviser par deux pour les faire passer à soixante jours, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit seulement 48 recrutements. Cette trajectoire réclamerait, à effectif constant, une intensification du rythme d’instruction sans précédent. Autrement dit, les exigences gouvernementales reposent sur une logique de productivité et non de protection. Réduire les délais sans renforcer les équipes reviendrait à sacrifier la qualité de l’examen, au détriment des droits fondamentaux des demandeurs et de la mission même de l’Ofpra : garantir une décision individuelle, motivée et éclairée pour chaque dossier.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, ces 48 recrutements représentent une augmentation substantielle, d’autant qu’ils s’inscrivent dans une trajectoire de hausse continue des effectifs – 200 ETPT en 2020, 29 en 2025. Je saluerai ici l’effort engagé par l’office pour réduire les délais d'établissement des actes d'état civil des personnes protégées, documents nécessaires à leur bonne intégration.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements en discussion commune II-CL178 de M. Bryan Masson, II-CL38 de M. Paul Christophle et II-CL100 de M. Marc Pena
Amendement II-CL106 de de Mme Andrée Taurinya
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Cet amendement porte sur l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA), question sur laquelle notre collègue Faucillon s’est particulièrement investie. Le comité des droits de l'enfant des Nations unies a dénoncé dans un rapport publié le 16 octobre dernier les « violations grave et systématique » de leurs droits commises en France à leur encontre : enfants privés de soins, laissés sans abri dans des conditions dégradantes, risque élevé d’être exposés à la traite, aux abus, à la maltraitance et aux violences policières, machine administrative broyant la présomption de minorité avec des tests défaillants – jusqu’à 80 % sont reconnus mineurs après réévaluation de leur âge.
Le système d’accueil s’effondre : des départements refusent, en toute illégalité, de les prendre en charge et, comme l’a souligné la commission d’enquête de notre assemblée sur les manquements de la protection de l’enfance, leurs conditions d’hébergement sont parmi les plus précaires. Et où vont les fonds publics ? À la répression, à la lutte contre l’immigration irrégulière, aux CRA, pire, aux infâmes locaux d’unités familiales à Mayotte. Faites un choix de décence et adoptez notre amendement : nous proposons de prendre 10 millions à la répression pour assurer à ces enfants protection et accueil digne.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. L’accueil des MNA est un sujet important mais il ne relève pas notre mission. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL42 de M. Karim Benbrahim, II-CL194 de Mme Léa Balage El Mariky, II-CL32 de M. Paul Christophle et II-CL1 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
M. Paul Christophle (SOC). Nos amendements II-CL42 et II-CL32 proposent d’accroître les moyens alloués à l’apprentissage de la langue française.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Des cours de français sont dispensés par l’Ofii pour les primo-arrivants mais les personnes étrangères déjà présentes sur notre territoire manifestent aussi le besoin d’apprendre notre langue, notamment parce qu’elles souhaitent mieux s’insérer dans le travail ou mieux accompagner la scolarité de leurs enfants. Dans le centre social à côté de chez moi, il y a une liste d’attente de 300 personnes pour les cours de français. On ne peut pas exiger des résidents étrangers une maîtrise du français pour l’obtention de leurs papiers et leur refuser de continuer à l’apprendre quand ils le demandent. Mon amendement, qui porte sur une toute petite somme – 1 million –, vise à alerter sur ce problème persistant.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Je partage votre conviction que la maîtrise de la langue est indispensable pour une intégration pleinement réussie. Les cours de langue sont ouverts aux signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR). Chaque année, 100 000 contrats sont signés : ils ouvrent droit à une formation linguistique et à 600 heures de formation en présentiel pour les non-lecteurs. Dans un contexte de moyens budgétaires limités, il est naturel de réserver ces formations aux seuls étrangers souhaitant se maintenir durablement en France. Les efforts en la matière n’ont pas concerné seulement les CIR : de 2016 à 2023, les crédits dédiés aux formations linguistiques et civiques ont plus que doublé alors que l’augmentation de la signature de ces contrats a été de 27 %. Avis défavorable.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous vivons dans le même pays, nous avons croisé des personnes vivant depuis longtemps en France et souhaitant continuer à y vivre qui aspirent à mieux connaître le français. Il est insupportable que les discours stigmatisants et les injonctions à maîtriser notre langue persistent alors qu’on ne se donne pas les moyens de répondre aux besoins d’apprentissage qui s’expriment chez ces gens qui participent à la richesse de notre pays. Répondre à cette demande devrait tous nous réunir.
M. Ludovic Mendes (EPR). Je suis d’accord sur le fond mais pas sur la forme. L’État est en charge de l’apprentissage durant le parcours d’obtention de la nationalité, puis ce sont les régions qui prennent le relais, que les personnes aient un emploi ou pas. Elles financent aussi des formations complémentaires pour la certification B1 ou B2. Demandons-leur d’appliquer la loi car cela relève de leurs compétences.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL108 de Mme Andrée Taurinya et II-CL191 de Mme Léa Balage El Mariky (discussion commune)
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). L’étranger est souvent vu comme un délinquant, un irrégulier, un illégal. Pour nous, c’est souvent une personne qui a souffert et qui a subi des violences invisibles à travers les épreuves de l’exil. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a alerté sur le manque de prise en charge de cette population particulièrement exposée aux troubles mentaux. Elle recommande de tenir compte de leur grande exposition aux violences aggravées, sexistes et sexuelles et d’accorder une attention particulière aux persécutions spécifiques. À Paris, Capsys, unité de soins spécialisée dans la santé mentale des migrants, est débordée : elle a assuré plus 6 000 consultations, soit un triplement par rapport à 2021, évolution qui appelle un triplement des soignants.
Par notre amendement, nous souhaitons financer une politique d'accompagnement psychologique des personnes ayant subi l’exil.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Nous proposons d’étendre les permanences médico-psychosociales destinées aux femmes au sein des Spada. La direction générale des étrangers en France (DGEF) reconnait que les expérimentations déjà menées fonctionnement mais qu’il n’y a pas de crédits suffisants pour les pérenniser.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Outre des dispositifs destinés à détecter les demandeurs d’asile vulnérables, l’Ofii a mis en place des rendez-vous santé gratuits ouverts aux demandeurs d'asile, aux réfugiés et aux signataires du CIR, par lesquels sont assurés dépistage et orientation vers des soins adaptés. Le pacte européen pour l’asile et la migration renforce les obligations en termes de prise en charge des publics vulnérables : 3,2 millions sont inscrits dans le PLF pour la formation des acteurs de l’asile aux besoins spécifiques des publics accueillis dans les hébergements, notamment en matière de santé.
Des structures de santé mettent déjà en place des permanences pour le public étranger. Toutefois leur financement ne relève pas de cette mission mais bien de nos politiques de santé. Or nous savons combien les structures de soins psychiatriques et psychologiques sont saturées de manière générale.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je vous rejoins sur la santé mentale mais il faut avoir à l’esprit que les personnes migrantes sont particulièrement exposées aux violences tout au long de leur parcours. Quand on consacre des moyens à l’accueil, comme on l’a fait pour les Ukrainiens, on voit que les choses se passent bien.
Autre exemple : j’ai visité il y a deux semaines la prison de Fleury-Mérogis. Le personnel m’a indiqué que 30 % des 4 823 détenus y sont incarcérés pour des faits qui relèvent davantage de la manifestation d’un trouble psychologique que de délits de droit commun. Or le service psychiatrique de la prison ne compte que dix-huit places. Voilà la réalité des prisons françaises. Je m’y attarde car je sais que certains essayent de faire, entre insécurité et immigration, un lien dont aucune enquête, nationale ou internationale, n’a pourtant montré l’existence.
Les besoins en matière de psychiatrie sont criants dans tous les secteurs, que l’on s’intéresse aux personnes migrantes, à la population générale ou aux détenus.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement II-CL114 de M. Yoann Gillet.
Amendements II-CL35 de M. Paul Christophle et II-CL115 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Paul Christophle (SOC). Le délai moyen d’instruction d’un dossier de naturalisation s’établit à deux ans : visiblement, la dématérialisation de la procédure crée un phénomène d’embouteillage. Nous souhaitons augmenter les moyens des préfectures afin d’y remédier.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Je partage cette préoccupation, que j’ai évoquée dans mon propos introductif, mais les effectifs des préfectures ne relèvent pas de la mission soumise à notre examen.
S’agissant de l’amendement II-CL115 du Rassemblement national, qui vise à durcir les critères de naturalisation, je rappelle qu’ils l’ont déjà été dans la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, ainsi que dans la circulaire signée par le ministre de l’intérieur le 2 mai 2025 – circulaire que je ne crois pas vous avoir entendu saluer.
Avis défavorable sur les deux amendements.
M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je comptais effectivement rappeler qu’avant de partir, le précédent ministre de l’Intérieur, qui ne nous manquera absolument pas, a fait paraître une circulaire assez odieuse et s’est félicité de la baisse du nombre de naturalisations. Ainsi, ceux-là mêmes qui conspuent les étrangers et répandent leur xénophobie à longueur de journée se réjouissent qu’il y ait moins de Français, peu importe que les étrangers naturalisés soient précisément des personnes qui souhaitent devenir françaises et qui remplissent tous les critères. À moins qu’il s’agisse de s’arrêter à une couleur de peau ou à autre chose qu’un critère objectif, cette logique est absolument incompréhensible.
Pire, les mêmes conduisent une politique assumée de restriction des moyens, alors même que les délais d’attente sont déjà de deux ans – et encore, dans la préfecture du Nord, ils dépassent même trois ans. La baisse dont se félicitait M. Retailleau est ainsi la conséquence de décisions déjà problématiques prises il y a plus de deux ans. Je ne sais plus qui était en poste à l’époque, d’ailleurs – ce devait être un certain Gérald – mais cela revient de toute façon à peu près au même : ces discours sont la pire démonstration de la xénophobie à l’œuvre dans notre pays. Je les trouve infâmes et j’espère que les députés de la Macronie, qui se disent humanistes, réagiront la prochaine fois qu’un de leurs ministres s’attaquera aux naturalisations.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL99 de M. Marc Pena
M. Marc Pena (SOC). J’appelle l’attention du gouvernement sur les conséquences, notamment pour le secteur agricole, de l’arrêté ministériel du 3 janvier 2025, qui modifie la procédure de délivrance des autorisations de travail aux ressortissants étrangers extérieurs à l’Union européenne. Cet arrêté, dont les acteurs de terrain assurent qu’il a été adopté sans concertation, introduit de nouvelles exigences administratives – dont la fourniture d’une attestation de logement, d’une copie de la pièce d’identité de l’employeur et d’un contrat de travail déjà signé – qui complexifient fortement les démarches des exploitants. Ces obligations s’ajoutent à un cadre déjà lourd, sans apporter de réelle plus-value en matière de contrôle.
Dans un contexte de tension extrême sur l’emploi agricole et alors que la main-d’œuvre locale ne couvre qu’une part limitée des besoins, cette mesure tend à fragiliser une activité vitale pour la souveraineté alimentaire. Elle intervient au pire moment, en pleine préparation des recrutements saisonniers, et fait peser sur les exploitants une charge administrative disproportionnée ainsi que des incertitudes quant à la venue effective de leurs salariés.
Le groupe socialiste ne saurait être soupçonné de ne pas vouloir améliorer la transparence et renforcer la lutte contre la fraude. Ces objectifs ne sauraient toutefois se traduire par un renforcement de la bureaucratie, au détriment de la capacité à produire et à nourrir le pays.
Mme Laure Miller, rapporteure pour avis. Ne représentant pas le gouvernement, je vous invite à interpeller ce dernier en défendant cet amendement d’appel en séance publique. Avis défavorable.
M. Ludovic Mendes (EPR). Il est vrai que les syndicats sont opposés à cet arrêté, mais le fait est que différents services ont relevé de nombreux cas d’exploitation de ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne, comme la Turquie ou les pays du Maghreb, dans des structures agricoles qui ne respectent pas leurs obligations en matière de salaire, de logement ou de conditions de travail. C’est pour cette raison que l’État veut protéger ces personnes.
J’ai bien conscience de l’impact de ces nouvelles exigences pour ceux qui respectent les règles, mais si l’État prend une telle décision, ce n’est pas pour lutter contre l’immigration, mais pour mettre un frein à l’exploitation humaine dont se rendent coupables, par appât du gain, les passeurs et certains employeurs.
M. Marc Pena (SOC). Il est toujours intéressant d’entendre les macronistes se dresser contre l’exploitation de l’homme par l’homme, mais là n’est pas la question. Les organisations professionnelles expriment une demande précise. Personnellement, je n’ai rencontré que des gens honnêtes, qui travaillent et s’inquiètent des récoltes à venir. Il faut trouver un équilibre. Je ne nie pas que l’exploitation existe, mais je crains que cet arrêté ne traite pas le problème de la bonne façon.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.
La séance est levée à 23 heures 55.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Colette Capdevielle, M. Vincent Caure, M. Paul Christophle, M. Emmanuel Duplessy, Mme Elsa Faucillon, M. Jonathan Gery, M. Philippe Gosselin, M. Patrick Hetzel, Mme Sylvie Josserand, M. Andy Kerbrat, M. Antoine Léaument, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, Mme Lisette Pollet, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, M. Michaël Taverne, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot
Excusés. - Mme Émilie Bonnivard, Mme Émeline K/Bidi, M. Roland Lescure, M. Nicolas Metzdorf, Mme Naïma Moutchou, Mme Andrée Taurinya, M. Jiovanny William