Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

 Examen pour avis des crédits de la mission « Justice » (Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis sur les crédits de la justice et de l’accès au droit, et M. Romain Baubry, rapporteur pour avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse)                            2

 Examen en application de l’article 88 du Règlement, des manedements à la proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier (n° 1987) (Mme Sylvie Josserand, rapporteure)                             51

 

 

 


Mercredi  
29 octobre 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 11

session ordinaire de 2025-2026

Présidence
de M. Florent Boudié, président


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La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La Commission procède à l’examen pour avis des crédits de la mission «  Justice » (Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis sur les crédits de la justice et de l’accès au droit, et M. Romain Baubry, rapporteur pour avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse). 

M. le président Florent Boudié. Mes chers collègues, avant de procéder à l’examen des 103 amendements, nous allons entendre nos deux rapporteurs.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis sur les crédits de la justice et de l’accès au droit. « Le service public de la justice souffre de véritables carences volontairement invisibilisées, qui affaiblissent le sens et la portée des décisions rendues. En effet, dans certains domaines, les délais de traitement des procédures sont devenus inacceptables. Il faudra ainsi des mois, voire des années, à un justiciable pour quun juge aux affaires familiales prononce son divorce, fixe la résidence habituelle de ses enfants ou le montant de la contribution alimentaire. De même, les mesures de placement ordonnées par le juge des enfants sont parfois mises en œuvre des mois après la décision rendue, voire elles ne sont pas du tout exécutées, faute de places disponibles, laissant ainsi des enfants dans une situation de danger au domicile.

À linverse, en comparution immédiate, on juge à toute vitesse des faits de gravité inégale, et majoritairement des personnes sans papiers ou sans domicile fixe qui ont commis des atteintes aux biens ou des infractions liées au trafic de stupéfiants.

Le constat du manque de moyens de notre institution ne fait désormais plus débat, le nombre de juges ainsi que le budget alloué à la justice étant nettement inférieurs à la moyenne européenne ».

Tel est lextrait dune tribune du Syndicat de la magistrature, qui exige une véritable révolution judiciaire permettant de restaurer la confiance entre les citoyens et leur justice. Parmi les propositions de cette révolution judiciaire, figure évidemment la révolution budgétaire, tant le service public de la justice est dans un état de délabrement avancé. La loi dorientation et de programmation de la justice 2023-2027, réponse élaborée par lancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, était largement insuffisante.

Elle contenait de graves violations des libertés fondamentales et ses ambitions étaient modestes avec seulement 10 000 recrutements sur cinq ans, pour remédier à des décennies dabandon. Or, comme lannée précédente, force est de constater que la trajectoire de cette loi nest même pas respectée. La justice souffre encore en gestion de crédits annulés et gelés, qui mettent à mal notamment le paiement des contractuels, les magistrats à titre temporaire ou le remboursement des experts. À cette heure, 550 millions deuros sont indisponibles sur lintégralité de la mission Justice. La même logique demeure : le budget de la Justice demeure un budget carcéral.

Les difficultés de recrutement des fonctionnaires, notamment de greffe, déjà constatées en 2023, se sont confirmées en 2024. Il ne suffit pas douvrir des crédits, encore faut-il proposer des conditions de travail dignes pour pouvoir attirer et fidéliser les personnels. En 2026, le ministère parvient péniblement à conserver les crédits nécessaires pour que la trajectoire de création de postes fixée par la loi de programmation soit à peu près respectée. Mais tous les autres postes en souffrent. Toujours en termes d’effectifs, le nombre de créations de postes dattachés de justice est très faible. Il en manque 170 par rapport aux objectifs transmis par le ministère, lannée dernière.

Sagissant des greffiers, il ne faut pas oublier que près de la moitié des postes annoncés constituent en réalité un plan de requalification des adjoints administratifs en greffiers. Le montant alloué aux frais de justice paraît sous-estimé par rapport aux besoins et ne permettra pas de diminuer les restes à payer. Cela entraîne des retards de paiement et pénalise les experts et lensemble des personnes qui collaborent au service public de la justice.

Comment rendre justice dans des délais raisonnables lorsque la situation dans les juridictions est déjà critique, lorsque le délai de traitement des affaires ayant fait lobjet dune instruction est de cinquante-deux mois ? Les délais daudiencement pour les dossiers de divorce peuvent être supérieurs à un an ; il faut en moyenne dix-huit mois pour retenir une décision du juge aux affaires familiales et le délai moyen dinstruction dune affaire est de trois ans.

Comment avancer lorsque le logiciel utilisé par les juges pour rédiger des jugements produit des trames qui peuvent comporter des erreurs juridiques ? Comment défendre correctement, lorsquon est avocat, des clients qui bénéficient de laide juridictionnelle, lorsquon le fait en partie à ses frais ? Comment accompagner dignement une victime bénéficiaire dun téléphone grave danger lorsque le budget des associations baisse chaque année, mais que le parquet se repose toujours plus sur elles ? Comment ne pas être une justice maltraitante, dans ces conditions ?

Au lieu de remédier à ces difficultés, le budget qui nous est proposé constitue une foire aux mauvaises idées. Larticle 30, qui instaure un droit de teinte sur toutes les procédures civiles et prudhomales, restreint de fait laccès à la justice. Larticle 46, qui propose de mettre à la charge des personnes condamnées certains frais denquête n’est qu’une usine à gaz dénuée d’intérêt et créera de la charge mentale aux magistrats. Enfin, larticle 78 propose de restreindre les cas où certaines expertises et enquêtes sociales rapides seront obligatoires. Pourtant, ces enquêtes sociales rapides sont essentielles pour décider ou non des aménagements de peine nécessaires.

Jai par ailleurs déposé plusieurs amendements pour rehausser ce budget. Parmi eux, lun ouvre les financements suffisants pour recruter 235 juges des enfants et 235 greffiers dès 2026. Un autre propose de recruter 603 magistrats spécialisés sur les violences faites aux femmes, notamment pour renforcer les pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales (VIF) ; un troisième de recruter soixante juges dinstruction supplémentaires.

Je vous proposerai également de rehausser le montant de lunité de valeur qui permet de fixer la rémunération des avocats intervenant à laide juridictionnelle. Jambitionne également de renforcer les crédits fléchés vers les associations daide aux victimes, des partenaires indispensables du service public de la justice. Ces amendements ponctionnent le budget de ladministration pénitentiaire. Il devient urgent de sortir de cette folie du « tout carcéral », pour donner enfin les moyens à la justice du quotidien.

J’en viens à présent à la partie thématique de mon rapport, qui porte sur le traitement judiciaire des victimes de violences sexuelles. En préambule, j’aimerais vous citer des extraits de décisions de justice. « [La situation dans laquelle] s’est retrouvé ce jeune homme de 18 ans peu expérimenté en matière sexuelle a pu être à l’origine d’une mésinterprétation de sa part ». Ce premier extrait provient de la motivation dun arrêt de la Cour de cassation, rendu en avril 2022, un arrêt selon lequel un homme a pu légitimement croire que la victime était consentante. Cette motivation justifie, entre autres éléments, l’acquittement de laccusé pour fait de viol.

Un deuxième extrait est tiré d’un arrêt rendu par la chambre de l’instruction de Versailles, rendu non pas en 1990 mais en 2020 : « Le succès habituel [des sapeurs-pompiers] auprès de la gent féminine et le comportement parfois débridé de celle-ci à leur endroit ne les ont pas incités à la réflexion ». Il a justifié une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de lhomme, le 24 avril 2025.

La Cour a considéré que les stéréotypes de genre contenus dans la motivation de la chambre de linstruction étaient à la fois inopérants et attentatoires à la dignité de la requérante, et donc source de victimisation secondaire, cest-à-dire une violence supplémentaire subie par la victime du fait de la procédure judiciaire. À cette première condamnation sest ajoutée une deuxième en septembre 2025. La Cour a considéré que la France avait échoué à protéger la dignité de la requérante qui avait été exposée « à un raisonnement culpabilisant, stigmatisant et de nature à dissuader les victimes de violences sexuelles à faire valoir leurs droits devant les tribunaux ».

Le rapport du Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Grevio) publié le 16 septembre dernier déplore la persistance dun taux élevé de classements sans suite des affaires de violences sexuelles, y compris de viols conjugaux. Il pointe des enquêtes défaillantes qui conduisent à placer le témoignage de la victime au centre de la procédure et à faire peser sur elle la responsabilité dapporter des preuves.

Les faits sont là. Notre justice est maltraitante pour les victimes de violences, en particulier sexuelles. Peu de victimes de violences sexuelles osent parler. Lorsquelles en ont le courage, leur plainte est trop souvent classée sans suite. Si par chance, leur plainte prospère, obtenir une condamnation relève d’un véritable parcours du combattant.

C’est un constat difficile, mais ce n’est pas une fatalité.

Tous, collectivement, nous devons faire mieux ; en votant la loi-cadre réclamée depuis des années par les collectifs féministes ; par une meilleure formation continue de lensemble des professionnels de la chaîne pénale. Si la formation initiale des magistrats intègre des éléments sur le traitement des victimes de violences sexuelles et sexistes, la formation continue demeure facultative. Ceux qui se forment sont ceux qui sont déjà sensibilisés au sujet. Il faut également former les avocats pour éviter toute victimisation secondaire au cours du procès, former les enquêteurs et renforcer les moyens qui leur sont donnés afin quils puissent mener toutes les expertises nécessaires pour établir les faits.

Il me paraît aussi nécessaire délargir le périmètre de laide juridictionnelle pour permettre à la victime dêtre assistée par un avocat dès le dépôt de plainte. Une plainte mal formulée, et c’est toute la procédure qui est fragilisée.

Enfin, les associations daide aux victimes, et particulièrement les associations spécialisées dans laccompagnement des femmes victimes de violences, doivent voir leur budget préservé. Sans elles, nous n’y arriverons pas.

Jai déposé plusieurs amendements qui financent ces différentes propositions et vous encourage à les voter. Cest au prix de ces efforts que nous aurons une justice qui protège réellement, qui écoute sans juger, et qui ne reproduit plus, par maladresse ou par ignorance, la violence quelle est censée réparer.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission Justice et je commencerai nos échanges en vous présentant les grands chiffres et les principales évolutions des deux programmes budgétaires dont j’ai la charge : celui de l’administration pénitentiaire et celui de la protection judiciaire de la jeunesse.

S’agissant des crédits de l’administration pénitentiaire, ce budget s’élève à 5,5 milliards d’euros, soit une hausse de 4,2 % par rapport à l’exercice 2025. Il s’agit donc d’un effort budgétaire, mais qui reste largement insuffisant, impacté par l’inflation, et qui ne rattrape pas des années de sous-investissement. Comme je l’ai souvent rappelé devant notre commission, l’augmentation parcellaire des crédits ne suffit pas à corriger la situation catastrophique dans laquelle se trouve l’administration pénitentiaire après des années de renoncement des gouvernements successifs.

Ces difficultés sont bien sûr nombreuses, mais trois me semblent particulièrement devoir être soulignées : le manque de personnels, la sous-dotation carcérale et la crise sécuritaire.

Ce budget 2026 permet-il d’espérer une réponse à ces trois principales difficultés ? Les crédits de personnels augmentent d’environ 7 % ce qui permettra la création de 855 nouveaux emplois. Ces chiffres sont encourageants sur le papier, mais ils seront en réalité absolument insuffisants.

En effet, pour 60 % d’entre eux, ces nouveaux emplois sont affectés aux nouveaux établissements et aux nouveaux quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Parmi les 330 emplois restants, 117 sont liés à la mise en œuvre du protocole dit d’Incarville, 100 combleront des postes déjà vacants et 100 viendront renforcer la filière insertion et probation.

Ces affectations sont pertinentes et répondent à des besoins du terrain. Mais derrière ces 855 créations d’emplois se cache une réalité bien décevante : le budget ne prévoit, encore une fois, aucune création d’emploi pour venir épauler les surveillants affectés dans les établissements déjà existants.

La population carcérale atteint à 83 500 personnes au 1er octobre 2025, soit une densité moyenne avoisinant 130 %, pouvant atteindre jusqu’à 200 % dans certaines maisons d’arrêt. Il en résulte qu’un établissement pénitentiaire, même avec l’ensemble de ses postes pourvus, souffrirait d’un déficit structurel estimé à environ 30 % de ses effectifs pour maintenir un encadrement normal.

Le directeur de l’administration pénitentiaire estime lui-même qu’il manque 4 000 personnels environ pour que nos prisons puissent fonctionner correctement. Or, aucune création d’emplois n’est destinée à les pourvoir. En effet, les emplois créés sont absorbés par les nouveaux quartiers de lutte contre la criminalité organisée et les nouveaux établissements. Rien n’est prévu pour la pénitentiaire « du quotidien ». Si nous ne changeons rien, nous allons laisser les surveillants face à des conditions de travail toujours plus difficiles et dangereuses. Ces personnels sont à bout de souffle et nous devons entendre leur appel à l’aide. Je vous proposerai certains amendements pour remédier à cette situation.

Sur le plan immobilier, le projet de loi de finances pour 2026 consacre 375 millions d’euros à la construction de nouveaux établissements, mais le rythme de livraison des places est nettement insuffisant. À ce jour, seulement 5 411 nouvelles places nettes ont été mises en service, loin des 15 000 places promises d’ici 2027, et plus loin encore des 18 000 places prévues par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice de 2023.

L’analyse du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 me permet de l’affirmer clairement : les opérations actuellement en phase de travaux ou d’études ne permettront pas d’atteindre ces objectifs. Selon les prévisions de la direction de l’administration pénitentiaire, le plan « 15 000 » ne devrait être achevé qu’à l’horizon 2030, dans le meilleur des cas.

Autrement dit, non seulement le programme de construction prend un retard considérable, mais les travaux aujourd’hui engagés ne seront pas suffisants pour répondre aux besoins d’incarcération et donc assurer la protection de notre société.

Je voudrais le redire très solennellement : la création de nouvelles places de prison constitue une nécessité pour permettre à notre chaîne pénale de fonctionner correctement. Je sais que certains ici continuent de nier cette réalité et remettent en cause les programmes de construction, mais, ce faisant, ils mettent en danger notre sécurité et l’avenir de notre pacte social.

Le troisième point de mon intervention concerne la sécurisation des établissements pénitentiaires. J’avais déjà consacré mon rapport de l’année précédente à ce sujet. Un an plus tard, les constats restent les mêmes. Nos prisons sont des passoires où tout entre, tout circule : drogues en tous genres, smartphones dernier cri, armes blanches, parfois même des armes à feu ; autant d’éléments qui menacent la sécurité de nos agents et qui tournent notre justice en dérision.

Les mesures de sécurité bénéficient dans ce projet de loi de finances d’un budget de 82,9 millions d’euros, en légère hausse par rapport à l’année dernière. Mais là encore, cette augmentation doit être nuancée. D’une part, ces moyens ne retrouvent toujours pas leur niveau de 2024 où ils représentaient 83,7 millions d’euros. D’autre part, cette hausse ne concerne que les mesures de sécurité passive, majoritairement captée par le financement de deux actions : la nouvelle tranche de mise en œuvre du protocole d’Incarville et l’acquisition de matériel de sécurité pour les nouvelles prisons de lutte contre la criminalité organisée de Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe.

Si ces dépenses sont parfaitement légitimes et nécessaires, il est toutefois dommageable qu’elles ne puissent se faire qu’au détriment de la sécurisation des autres établissements et missions pénitentiaires. Là encore, le budget pour 2026 néglige les prisons existantes qui sont pourtant confrontées à de lourdes difficultés en matière sécuritaire.

Nos prisons sont saturéss, vulnérables, et parfois dépasséss technologiquement. Nous devons engager un plan d’ampleur pour sécuriser l’ensemble de nos établissements et, sur ce point encore, le budget pour 2026 n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Gérald Darmanin ne fait donc guère mieux que son éphémère prédécesseur, le socialiste Didier Migaud. Si l’actuel garde des sceaux a largement communiqué sur la création des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, type d’établissement que Rassemblement national réclame depuis de nombreuses années, force est de constater qu’il ne fait rien pour le domaine pénitentiaire « du quotidien ».

Permettez-moi de préciser une évidence : le drame d’Incarville aurait eu tout de même lieu, malgré l’existence des quartiers de haute sécurité. Mohamed Amra n’était pas considéré comme une cible du haut du spectre. En conséquence, il n’aurait pas été plus surveillé. En réalité, le drame d’Incarville n’est pas dû à l’absence de quartier de lutte contre la criminalité organisée, mais à l’absence de sécurisation des établissements pénitentiaires. Hélas, rien n’empêche un nouvel Incarville de se reproduire, car nos prisons ne sont pas étanches, elles prennent l’eau de toute part.

Projections, téléphones, livraisons par drone : autant de causes qui expliquent la situation dramatique de nos établissements, aggravées par l’inaction des dirigeants. Toutes les mesures que j’ai portées l’année dernière ont malheureusement été rejetées par vos votes.

Enfin, je souhaite évoquer un pilier essentiel de la sécurisation de nos prisons, du personnel pénitentiaire et de notre pays : le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP), auquel j’ai consacré une partie de mon rapport pour avis. De création récente, ce service a trouvé immédiatement sa place au sein de la communauté du renseignement et il est aujourd’hui reconnu par l’ensemble de ses partenaires comme le chef de file du renseignement en milieu fermé.

Toutefois, à l’image de son administration de rattachement, le SNRP souffre d’un manque de moyens humains et matériels significatif. C’est pourquoi je présenterai plusieurs amendements destinés à corriger, au moins partiellement, les difficultés rencontrées par ce service.

J’en viens à présent aux crédits de la protection judiciaire. Ce budget s’élève à un peu plus d’un milliard d’euros, relativement stable par rapport à l’exercice précédent, puisqu’il n’augmente que de 0,7 %.  Deux éléments me semblent devoir être signalés à la Commission.

Premièrement, les crédits de personnel augmentent de 3,5 % et permettront ainsi la création de soixante-dix nouveaux emplois, soit bien trop peu pour répondre au rajeunissement de la délinquance.

Deuxièmement, les crédits hors personnel connaissent un mouvement inverse puisqu’ils diminuent d’environ 1 %. Plus précisément, le budget alloué aux mesures de prise en charge des mineurs délinquants baisse même de 2 %, sans la moindre explication. Cela m’inquiète notamment pour la pérennité du financement et du fonctionnement des centres éducatifs fermés (CEF) et centres éducatifs renforcés (CER). Alors même que les actes commis par les mineurs délinquants ne cessent de s’aggraver, la baisse des crédits consacrés à leur prise en charge en milieu fermé met en péril la réponse que la justice espère apporter. Sans moyens supplémentaires, la prise en charge de la délinquance des mineurs demeurera insuffisante, et la justice se condamnera à l’impuissance.

En conclusion, le budget que nous examinons reste bien en deçà des ambitions nécessaires pour redresser durablement notre système pénitentiaire. Nous devons mieux soutenir nos personnels pénitentiaires, dont je salue le travail et l’engagement quotidiens. Nous devons accélérer la construction des établissements, mieux prévenir la radicalisation et, surtout, redonner à la peine son rôle punitif, dissuasif et protecteur de la société.

Le groupe Rassemblement national prendra naturellement en compte les contraintes budgétaires qui s’imposent à nous. En conséquence, je présenterai également plusieurs amendements pour réaliser certaines économies budgétaires. Elles nous permettront de dégager des marges destinées à financer les mesures qui sont prioritaires aujourd’hui.

M. le président Florent Boudié. Nous entamons à présent la discussion générale.

Mme Pascale Bordes (RN). Le budget de la justice pour 2026 n’est pas à la hauteur des défis que nous devons relever. Il ne permettra ni de rétablir la confiance des Français dans la justice, ni de lutter efficacement contre le narcotrafic et la criminalité qui explosent partout dans notre pays.

Le gouvernement vante une hausse du budget, mais cette hausse est une illusion d’optique. En réalité, nous passons de 4,6 milliards d’euros en 2025 à 4,7 milliards d’euros en 2026. Mais en euros constants, le budget justice judiciaire stagne. Pendant ce temps, dans nos tribunaux, la situation est critique. Les magistrats croulent sous les dossiers, les greffiers manquent à l’appel et les citoyens qui attendent des mois, parfois des années, pour voir leurs affaires jugées se désespèrent. Comment redonner aux citoyens cette confiance dans une justice qui n’a plus les moyens de juger à temps, ni de protéger efficacement ?

Chez les magistrats, le moral est en berne. Tous ceux que nous avons auditionnés dans le cadre de notre mission sur l’évaluation des cours criminelles départementales nous ont tenu le même discours : « On nous demande de faire mieux avec moins, mais nous n’y arriverons pas. Si rien ne change, nous serons contraints de libérer des criminels, faute de pouvoir les juger dans les délais ». Quand des magistrats alertent dans ces termes, cela signifie bien que le système est exsangue. Or, ce budget de 2026 ne leur apporte aucun espoir.

Pendant ce temps, le narcotrafic prospère. Des quartiers entiers vivent sous la loi de la drogue, les règlements de comptes se multiplient, les services d’enquête manquent de bras et de moyens. On multiplie les plans de communication, mais sur le terrain, les trafiquants se gaussent de notre impuissance.

Le budget pour 2026 ne crée pas de rupture, ni de renfort massif pour les juridictions, de plan d’investissement clair pour la police, de moyens humains et matériels à la hauteur des besoins réels. Or, on ne combat pas le narcotrafic avec des moyens comptés, mais avec des effectifs, des moyens et du courage politique.

En démocratie, l’austérité ne doit jamais s’appliquer à la justice. Pourtant, les ministres passent, mais les moyens demeurent totalement indigents. La trajectoire fixée par la loi d’orientation de 2023 est largement menacée. En effet, les engagements pris devant notre Assemblée sont révisés à la baisse. Or, il faut un plan d’urgence pour la justice, un budget qui permette également à la France de ne plus être un très mauvais élève.

En effet, sur le plan européen, les comparaisons sont accablantes. Selon le rapport de la commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) de 2024, la France consacre 83 euros par habitant à la justice, contre 120 euros en Espagne et 130 euros en Allemagne. Nous comptons 11 magistrats pour 100 000 habitants, contre 25 en Allemagne. En clair, notre justice reste la plus lente et la plus pauvre de l’Europe de l’Ouest, et ce budget ne changera rien à cette situation alarmante.

Ce budget n’est qu’une occasion manquée, il ne redonnera pas confiance aux Français ; ne rendra pas la justice plus rapide, plus humaine, plus forte ; et ne freinera en rien le poison du narcotrafic. Les différents ministres de la justice et de l’intérieur qui se sont succédé ont parlé de guerre à mener contre le narcotrafic. Mais quand on décide de mener une guerre, encore faut-il s’en donner les moyens, ce qui n’est pas le cas de la France, qui entend mener la guerre contre le narcotrafic avec des budgets de paix.

Ce budget 2026 est un budget de paix administrative face à une véritable guerre de terrain. C’est un budget d’impuissance, un budget d’attente et surtout un budget de résignation qui ne fait que traduire une vision purement comptable de la justice. Or la France n’a pas besoin d’une justice comptable, mais d’une justice forte, incarnée et surtout respectée.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Le budget alloué à la justice est à l’image du budget de l’État et du Gouvernement qui le présentent : l’œuvre d’une droite décomplexée, attentive aux attentes et aux obsessions de l’extrême-droite, concentrée essentiellement sur le volet carcéral et sécuritaire.

L’augmentation de 372 millions d’euros pour la justice cache une toute autre réalité. Avec une inflation prévisionnelle de 1,3 %, cette augmentation est en réalité ramenée à 204 millions d’euros, et les annonces du ministre le confirment. Seule l’administration pénitentiaire bénéficie de moyens supplémentaires conséquents, essentiellement destinés à la construction de prisons et au renforcement des quartiers de haute sécurité, dispositif qui constitue un véritable gouffre financier pour notre nation.

La justice judiciaire n’augmente que légèrement et dévie de la trajectoire initialement prévue, rendant les recrutements de magistrats et de greffiers largement insuffisants. De fait, l’état de la justice judiciaire dans notre pays est indigent. La moyenne européenne s’établit à 22 magistrats pour 100 000 habitants, contre seulement 11 pour 100 000 habitants dans notre pays. Ces chiffres témoignent parfaitement du manque dramatique de magistrats en France.

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) alertent depuis des années et se sont mobilisés en début de mois pour dénoncer le manque criant de moyens humains et matériels. La réponse de ce budget est ridicule : alors que le besoin en personnel est urgent, vous nous proposez seulement 100 équivalents temps plein (ETP) dans la filière insertion et probation, là où les professionnels en réclament 1 000 pour pouvoir travailler décemment et suivre correctement les personnes placées sous main de justice.

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ne mérite visiblement pas mieux, puisqu’en prenant en compte l’inflation, il baisse de 6 millions d’euros. Où sont les mesures en faveur du recrutement, de l’amélioration des conditions de travail ou de l’ouverture de lieux ouverts ? Un encadrant ne devrait pas avoir à sa charge plus de vingt jeunes pour que la PJJ puisse fonctionner normalement. Or, aujourd’hui, ce ratio atteint environ 80 jeunes pour un encadrant, entraînant des conséquences concrètes : les jeunes ne peuvent pas bénéficier d’un accompagnement adapté et individualisé, tandis que les conditions de travail des encadrants continuent de se dégrader.

La régulation carcérale est également la grande oubliée de ce budget, en rupture avec les besoins exprimés par les professionnels. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) alerte régulièrement en ce sens, tout comme notre groupe parlementaire, qui a d’ailleurs déposé une proposition de loi sur ce sujet.

 Ce budget s’inscrit dans la continuité des politiques qui ont mené à la situation alarmante actuelle. Il dégrade toujours davantage les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu aux usagers, qu’il s’agisse des justiciables, des mineurs en situation de grande vulnérabilité ou des personnes détenues. Concernant le recrutement dans l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, la situation est encore pire : aucun schéma d’emploi n’est prévu, alors que ces secteurs traversent une crise sans précédent et que la PJJ a déjà subi, cet été, une suppression de 500 postes.

Il nous faudra voter  des mesures indispensables pour permettre à la justice de fonctionner : un recrutement pour l’année 2026 de 2 143 magistrats, 1 762 greffiers, 500 agents pénitentiaires de probation et d’insertion, 500 agents pour la PJJ ; une augmentation du budget de l’aide juridictionnelle ; la mise en place d’une expérimentation de la régulation carcérale et d’un plan de formation des magistrats ; le renforcement de l’aide juridictionnelle ; l’augmentation du budget alloué au téléphone grave danger ; l’ouverture d’un nouveau centre ouvert pour les femmes détenues et l’intégration de la police judiciaire sous l’autorité du ministère de la justice.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Sans surprise, le budget de la justice que nous examinons aujourd’hui est inférieur de près de 60 millions d’euros à ce que prévoyait la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour 2023 à 2027.

Ce budget n’est pas seulement une compilation de dépenses. Il révèle quelle société et quelle justice nous voulons bâtir, et ce que l’on entrevoit ici n’apparaît pas comme très équitable. Il faut en effet relever une certaine créativité budgétaire, qui permet d’une part de réduire les budgets prévisionnels et d’autre part d’accroître les ressources du ministère grâce à plusieurs propositions aussi inattendues les unes que les autres.

Commençons par l’instauration d’un droit de timbre de 50 euros pour ouvrir une procédure. Cette mesure est justifiée par le fait que le financement de l’aide juridictionnelle est actuellement en tension. Selon le projet annuel de performances, ce droit de timbre disposerait de toutes les vertus : il permettrait de responsabiliser à la fois les avocats et les justiciables, en rendant notamment plus attractif le recours à une procédure amiable. Même si tous les justiciables ne seraient pas concernés, l’estimation prévoit que cette contribution concernerait plus d’un million d’affaires chaque année, produisant un rendement de 55 millions d’euros en année pleine.

Une autre source de recettes envisagée concerne la limitation des actes d’enquête pour pallier les moyens insuffisants dédiés aux frais de justice. Pour cela, il est proposé de modifier en le restreignant le champ d’application de l’article 41 du code de procédure pénale. Ainsi, comme le souligne la rapporteure Cathala, des personnes poursuivies pour délit d’atteinte sexuelle ou encore pour délit d’incitation d’un mineur à se soumettre à une mutilation ne seraient plus obligatoirement soumises à une expertise médicale avant le jugement. Cela signifie-t-il que des victimes devraient à terme prendre en charge des expertises pour prouver la culpabilité ou la dangerosité de leur agresseur ?

De même, l’obligation d’enquête sociale est également supprimée en cas de déferrement en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), en l’absence de risque d’incarcération. Sur ces deux points, sommes-nous réellement prêts à renoncer à des actes indispensables, nécessaires pour prononcer une injonction de soins et pour lutter contre la récidive, et ce pour générer une économie inférieure à 8,7 millions d’euros ?

Cette disposition est selon nous problématique et va à rebours des avancées nécessaires pour l’amélioration du traitement judiciaire des victimes d’infractions sexuelles. D’autre part, cette justice payante viendrait encore renforcer le sentiment de déclassement des Français, en instaurant une nouvelle frontière invisible entre ceux qui peuvent avancer les frais d’une procédure, payer un avocat, et ceux qui ne peuvent compter que sur la puissance publique pour que la justice leur soit rendue.

Pourtant, quelques orientations montrent qu’il est possible de dégager des crédits pour des sujets considérés comme prioritaires. Des millions sont ainsi débloqués pour sécuriser les nouveaux quartiers de haute sécurité. Ce n’est malheureusement pas le cas pour les Spip, pourtant essentiels à la prévention de la récidive. Ce n’est pas le cas non plus pour la justice des mineurs, malgré l’urgence et la gravité du sujet que la proposition de loi sur la restauration de l’autorité de la justice avait tenté d’imposer dans le débat public. Ce n’est pas encore le cas pour les maisons d’arrêt qui affichent un taux d’occupation record de 164 %.

Je le répète encore une fois : le taux de suicide dans les prisons françaises figure parmi les plus élevés d’Europe. Dans ces conditions de détention, les violences se multiplient, les activités deviennent impossibles et le sens même de la peine disparaît. Le plan de construction de 15 000 places supplémentaires d’ici 2027 n’apportera aucune solution durable et ne fera qu’alimenter la spirale de la sur-incarcération. Pour le Gouvernement, les moyens sont toujours là pour réprimer, incarcérer, sécuriser, mais où sont-ils pour éduquer, accompagner, protéger, réinsérer ? Ce budget consacre une vision de la société où l’on punit d’abord et où l’on répare, quand on en répare, peut-être plus tard.

M. Patrick Hetzel (DR). L’examen de cette mission Justice nous conduit à formuler un constat sans appel des années écoulées : les années passent, mais les problèmes demeurent. L’analyse budgétaire révèle en effet que sous la direction de M. Dupond-Moretti, le pilotage n’était pas au rendez-vous ; l’ensemble de la nation en paye aujourd’hui le prix. Fort heureusement, le nouveau garde des sceaux semble avoir saisi les enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés.

Ces enjeux méritent d’être rappelés avec précision. Nos concitoyens attendent prioritairement un meilleur pilotage permettant des délais de jugement enfin raisonnables. Ce point constitue véritablement la préoccupation centrale qui émerge systématiquement lors de nos échanges avec la population.

Concernant le volet pénitentiaire, les promesses de construction de prisons formulées par le président Macron dès 2017 accusent un retard considérable. Nous constatons que même les projets initiés en 2017 ne seront pas achevés à l’horizon 2027, créant ainsi un décalage particulièrement préoccupant alors même que les besoins sont plus pressants que jamais.

Par ailleurs, la création de postes demeure insuffisante. L’enjeu réside désormais dans leur pourvoi effectif. La vacance de ces postes pose nécessairement la question de l’attractivité. L’amélioration de la gestion des ressources humaines constitue donc une nécessité impérieuse. J’évoquais à l’instant la pénitentiaire, où un taux d’absentéisme moyen de 15 % chez les surveillants devrait tous nous alerter.

S’agissant des frais de justice, leur augmentation incessante appelle à la réalisation urgente d’un audit approfondi, afin d’instaurer un meilleur pilotage et une réelle maîtrise des dépenses. Force est de constater que cette rigueur fait défaut dans de nombreuses juridictions.

Enfin, la modernisation numérique du ministère reste un défi majeur pour l’ensemble de la chancellerie, tant pour l’administration pénitentiaire que pour la justice judiciaire. Les centaines de millions investis dans ce domaine, confrontés à l’absence de résultats tangibles, soulèvent de légitimes interrogations. Le traitement de cette problématique s’avère essentiel. J’ai certes noté que le garde des sceaux a abordé cet aspect, mais les enjeux de pilotage persistent.

Je conclurai en soulignant un fait particulièrement préoccupant : plusieurs indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne sont pas renseignés. Il est parfaitement inacceptable que de tels indicateurs demandés par le Parlement demeurent vides à ce jour, alors même qu’ils devraient constituer les outils de pilotage fondamentaux de l’administration centrale du ministère de la justice.

Tels sont les points d’alerte majeurs que je souhaitais porter à votre attention. Encore une fois, les années passent, mais les problèmes demeurent.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). En accomplissant sa mission, la justice protège les plus vulnérables, dissipe les germes de la violence et apaise notre société. Telle est sa fonction ontologique première. Elle incarne la confiance entre les citoyens et l’État. Malheureusement, cette institution à laquelle nous tenons continue inexorablement à se déliter. La formule de Jean-Jacques Urvoas sur la clochardisation de la justice, prononcée il y a près de dix ans, conserve malheureusement toute son actualité.

L’insuffisance des moyens ne constitue pas une simple question technique. Elle traduit une orientation politique, notamment carcérale et punitive, au détriment de l’accompagnement, de la réparation, de la réinsertion et surtout de la prévention. Le projet de loi de finances 2026 porte le budget de la justice à 10,7 milliards d’euros. Cette hausse d’à peine 2 % ne répondra nullement aux besoins, d’autant qu’une progression aussi modeste sera très rapidement absorbée par l’inflation.

Pour notre groupe, la justice de la République doit être digne, réparatrice et humaine. C’est précisément dans cette perspective que nous proposerons plusieurs amendements. Nos juridictions sont exsangues et les délais de jugement atteignent des niveaux inacceptables. La création de 286 postes de magistrats supplémentaires constitue certes un rattrapage indispensable, mais demeure sans commune mesure avec les besoins réels d’une institution en tension permanente. Tous les professionnels, tous les corps intervenant dans l’institution judiciaire le confirment.

Cette surcharge de travail résulte également de notre inflation pénale. Des procédures comme les comparutions immédiates génèrent huit fois plus d’incarcérations que les procès classiques. Magistrats, avocats et justiciables subissent collectivement un système qui remplit à saturation nos établissements pénitentiaires, avec des conséquences désastreuses sur les conditions de détention. Ces dernières se dégradent constamment : cellules vétustes, promiscuité extrême, prolifération de rats et de punaises, absence de soins de plus en plus flagrante.

Une justice réparatrice s’impose également, alors même que nos prisons se transforment en véritables écoles du crime. Les crédits consacrés à la réinsertion devraient être considérablement augmentés. Or, à 175 millions d’euros, ils demeurent strictement identiques à l’exercice précédent, tandis que la population carcérale continue de croître. Ceci témoigne d’une persévérance, à mon sens profondément erronée, à privilégier l’approche punitive et carcérale.

Sur les 855 emplois créés, seuls 100 seront affectés au service pénitentiaire d’insertion et de probation. Le décalage est manifeste entre les déclarations formulées lors des états généraux d’insertion et de probation organisés par le gouvernement le 25 juin dernier et leur traduction budgétaire actuelle. En politique, ce ne sont pas que les discours, ce ne sont pas que les actes, c’est l’adéquation entre les deux qui importe. Ce budget révèle clairement le degré d’hypocrisie et d’impuissance politique du gouvernement en la matière.

Je souhaite également souligner la sous-dotation persistante de la protection judiciaire de la jeunesse. Les éducateurs et psychologues, confrontés au manque de reconnaissance et à la dégradation de leurs missions, sont à bout de forces. L’article récemment publié par Le Parisien sur la radicalisation des mineurs attirés par la violence, y compris terroriste, mentionnant une note de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) illustre parfaitement les enjeux. Ces jeunes font face à des failles multiples et cumulatives. Si nous voulons réellement les extraire de ces environnements délétères, il est impératif d’en faire une priorité pour notre justice, à la fois éducative et préventive.

M. Olivier Falorni (Dem). Nous examinons aujourd’hui les crédits de l’administration de la justice pour 2026, et plus particulièrement trois programmes essentiels au bon fonctionnement de notre État de droit : le programme 107, Administration pénitentiaire, le programme 182, Protection judiciaire de la jeunesse, et le programme 101, Accès au droit et à la justice. Ces trois piliers traduisent notre conception d’une justice équilibrée, ferme dans la sanction, mais juste dans la réinsertion, exigeante dans l’application de la loi, mais attentive à la dignité humaine.

Pour 2026, les crédits de l’administration de la justice atteignent 10,63 milliards d’euros en crédits de paiement hors CAS Pensions, soit une progression d’environ 1,5 % par rapport à 2025. Cet effort conséquent dans un contexte budgétaire tendu mérite d’être salué, tout comme la continuité de la hausse engagée depuis 2022, conformément à la loi de programmation de la justice 2023-2027. Cette trajectoire budgétaire traduit un choix politique clair : investir durablement dans la justice après des décennies de sous-financement. Cependant, le montant reste légèrement en dessous de la prévision fixée par la loi de programmation, avec environ 60 millions d’euros de moins que prévu. Il nous appartient donc collectivement de veiller à ce que la mise en œuvre de cette programmation reste sincère et conforme aux engagements pris devant le Parlement.

Le programme 107, Administration pénitentiaire, demeure le plus important, avec 5,55 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse de 4,2 %. Cette progression permet la création de 855 emplois supplémentaires, la modernisation de certains établissements et la poursuite du plan de construction de 15 000 places de prison. Il s’agit d’un signe fort de reconnaissance pour des personnels particulièrement sollicités que je tiens à saluer. Mais le défi reste considérable. La surpopulation carcérale demeure à un niveau critique, 127 % en moyenne et jusqu’à 200 % dans certaines maisons d’arrêt. Nous devons donc accompagner la politique carcérale par une véritable stratégie de réinsertion et de prévention de la récidive. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les peines alternatives, le travail en détention et la préparation à la sortie doivent être pleinement intégrés dans la politique pénitentiaire. Une prison qui prépare à la réinsertion est une prison qui protège mieux la société.

Le programme 182, Protection judiciaire de la jeunesse, bénéficie d’un budget de 1,16 milliard d’euros, en progression de 0,7 %. La création de soixante-dix emplois supplémentaires et la poursuite des réformes de la filière éducative constituent des signaux positifs. Toutefois, les besoins restent supérieurs aux moyens. Les équipes éducatives sont confrontées à une hausse du nombre de mineurs pris en charge, souvent dans des situations sociales et psychologiques de plus en plus complexes. Les associations habilitées, partenaires essentiels de la PJJ, subissent des retards de financement et des contrats précaires qui fragilisent leurs actions. Il est indispensable de stabiliser les crédits et de renforcer les liens entre les acteurs publics et associatifs afin d’offrir à chaque jeune un accompagnement éducatif cohérent. La PJJ doit rester un outil de prévention, de reconstruction et d’insertion et non devenir un simple maillon du système répressif.

Enfin, le programme 101, Accès au droit et à la justice, reste un volet trop souvent sous-estimé alors qu’il constitue le premier contact entre nos concitoyens et la justice. L’accès au droit représente la justice du quotidien, celle qui protège les plus fragiles et apaise les tensions sociales.

Pour conclure, la mission Justice n’est pas un budget comme les autres, c’est le socle de la confiance entre l’État et les citoyens. Nous devons continuer à investir dans la modernisation des juridictions, dans les moyens humains, dans la qualité du service rendu, mais nous devons le faire avec lucidité et responsabilité en conciliant efficacité budgétaire et ambition sociale. Ce budget marque une étape importante, mais non suffisante.

M. Jean Moulliere (HOR). Le budget de la mission Justice pour 2026 s’élève à 12,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 13 milliards d’euros en crédits de paiement. Ainsi, après une baisse significative des autorisations d’engagement en 2025 et une hausse des crédits de paiement, les orientations de la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation 2023-2027 du ministère de la Justice seraient de nouveau suivies.

Le groupe Horizon et Indépendants se satisfait du choix courageux, dans le contexte budgétaire difficile que nous traversons, de respecter les objectifs fixés par cette loi d’orientation et de programmation. Cette hausse des crédits permettra de poursuivre le réinvestissement dans notre justice, après des décennies de sous-investissements chroniques ayant mis sous tension l’ensemble de la chaîne judiciaire : magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires, mais aussi avocats et victimes. Nous saluons à ce titre l’accent placé sur le recrutement de personnels supplémentaires qui permettra d’accélérer les délais et de soulager tant les professionnels de la justice que nos concitoyens concernés.

Le ministère bénéficie en effet pour 2026 d’un schéma d’emploi permettant la création nette de 1 600 ETP, dont 855 emplois dans l’administration pénitentiaire pour armer les nouveaux établissements pénitentiaires, 660 emplois pour renforcer les juridictions ainsi que 70 emplois qui soutiendront la prise en charge des mineurs délinquants. La mise en œuvre d’une des dispositions majeures de la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic est d’ailleurs inscrite au programme 166, Justice judiciaire : la mise en place du Parquet national anticriminalité organisée (Pnaco). À partir du 1er janvier 2026, le Pnaco permettra d’améliorer le traitement des phénomènes criminels du haut du spectre grâce à une coordination de l’action judiciaire.

La lutte contre la surpopulation carcérale doit être poursuivie à travers une programmation immobilière renforcée et repensée. En effet, alors que le taux d’occupation de nos prisons atteignait 135,9 % en août 2025, seule la moitié de l’objectif du plan de création de 15 000 places a été atteint : 7 384 places brutes ont été créées, soit 5 411 places nettes, une fois prises en compte les fermetures d’établissements. C’est pourquoi les investissements immobiliers doivent être poursuivis et repensés afin de réduire les délais de livraison des places nouvelles et de baisser leurs coûts de construction. Tant le déploiement de prisons modulaires sous mode constructif hors site en usine que la création de nouveaux quartiers courtes peines répond à cet objectif.

Nous saluons enfin l’attention portée au renforcement de la sécurité des personnels pénitentiaires dans le cadre de la mise en œuvre du protocole d’Incarville, qui permettra de financer la mise à niveau des équipes de sécurité pénitentiaires, ainsi que l’acquisition d’armes et de matériels de sécurité destinés à accroître la capacité de riposte des agents en cas d’attaque d’un convoi pénitentiaire. Le Groupe Horizon et Indépendants votera en faveur de ce budget d’urgence.

M. Paul Molac (LIOT). Il y a quelque chose de paradoxal dans ce budget de 2026. D’un côté, nous disposons d’un budget conséquent, avec 13 milliards d’euros. De l’autre, nous faisons face à un service public qui s’essouffle, des affaires dont le traitement s’allonge de plus en plus, surtout pour celles qui ne seraient pas jugées comme prioritaires, et une crise du milieu carcéral qui perdure.

Nous évoquons chaque année le sujet de la surpopulation carcérale. Chaque année, le constat est identique, voire s’aggrave. Avec 5 milliards d’euros, l’administration pénitentiaire constitue le programme le mieux doté du ministère. Les défis ne manquent pas : surpopulation, conditions indignes de détention, déficit d’effectifs, radicalisation et évidemment problème de réinsertion. Quand je constate l’état de nos prisons, je me dis que la politique de restauration conduite ces dernières années n’a pas mené aux résultats annoncés. En 2026, le taux moyen d’occupation atteindra 169 %, sans aucune perspective d’amélioration. Chaque mois, la surpopulation dans nos prisons bat de tristes records.

Lors de son audition, le garde des sceaux a annoncé 65 millions d’euros pour restaurer dix maisons d’arrêt. Il s’agit d’un effort positif, mais lui-même convient qu’il reste modeste. Désormais, il faut changer de paradigme ; il est temps de relancer les travaux menés sur la régulation carcérale, seul moyen de sortir de l’impasse actuelle. En général, plus on construit de prisons, plus la population carcérale est importante et plus la surpopulation augmente.

Malheureusement, nous empruntons le chemin inverse en 2026. Le garde des sceaux a évoqué plusieurs mesures. La création de courtes peines d’emprisonnement et la suppression de l’aménagement automatique des peines ne feraient qu’accroître la population carcérale en maison d’arrêt. Sans même nous prononcer sur le fond de ces réformes, comment nos prisons pourraient-elles en supporter l’impact ? Cette perspective manque totalement de réalisme.

Au moment où nos concitoyens expriment des attentes croissantes envers notre service public de la justice, notre groupe considère que l’égal accès à la justice doit être plus que jamais sanctuarisé. En commission des finances, nous nous sommes fermement opposés à la création d’un timbre fiscal de 50 euros pour toute procédure en matière civile ou prud’homale. Cette mesure, prévue en première partie du budget, suscite d’ailleurs l’opposition unanime de tous les professionnels du droit. Je dois également aborder le niveau de l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle qui demeure gelée. Je tiens à me faire l’écho de mes collègues ultramarins qui demandent sa revalorisation pour prendre en compte leurs spécificités territoriales.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’augmentation du budget de la justice pour 2026 se trouve en grande partie absorbée par l’inflation et demeure très insuffisante pour répondre aux besoins réels du système judiciaire. Malgré une progression constante ces dernières années, le budget de la justice française reste parmi les plus faibles en Europe.

À plusieurs reprises, nous avons dénoncé la défaillance du service public de la justice qui ne parvient plus à remplir ses missions fondamentales : trancher les litiges dans des délais et conditions décentes et protéger les plus fragiles. L’accumulation des réformes législatives, particulièrement durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, a inutilement complexifié le système judiciaire et accru la charge de travail des professionnels, au détriment des justiciables.

Cet empilement de réformes traduit la vision court-termiste du gouvernement et sa volonté de répondre par la communication dans l’urgence, sans véritable concertation et sans vision globale à long terme des problématiques structurelles. Rappelons que les états généraux de la justice ont eux-mêmes établi le constat de trente années d’abandon, du délabrement avancé de nos juridictions et de la nécessité urgente d’une réforme systémique.

Or, le budget pour 2026 reste très en deçà des besoins exprimés. Certes, l’administration pénitentiaire voit ses moyens augmenter de 222 millions d’euros par rapport à l’année précédente et 855 emplois seront créés en 2026. Cependant, cette hausse se trouve en partie absorbée par l’inflation et ne suffira pas à répondre aux difficultés structurelles. Près de 4 000 personnels de surveillance manquent aujourd’hui dans les établissements pénitentiaires, entraînant des conditions de travail particulièrement dégradées. Combien de ces postes iront à l’outre-mer ? Nous savons qu’à juridiction ou établissement pénitentiaire de taille comparable entre l’Hexagone et l’outre-mer, le manque se révèle toujours plus criant dans nos territoires ultramarins

Dans un contexte de surpopulation carcérale endémique, avec 84 311 personnes détenues au 1er septembre 2025, la solution ne réside pas dans la construction de nouvelles prisons. Je l’affirme clairement : elle ne réside pas non plus dans la construction de bagnes en outre-mer, comme certains en rêvent. Le gouvernement persiste pourtant à privilégier la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, avec un objectif affiché, mais inatteignable de 15 000 places supplémentaires d’ici 2027. L’enfermement demeure la peine de référence alors même que l’augmentation du nombre de places en prison n’a jamais résolu le problème de la surpopulation carcérale et s’avère inefficace pour lutter contre la récidive. À l’opposé de ces choix, nous soutenons une politique de développement des peines alternatives, comme le placement à l’extérieur, accompagné d’un mécanisme de régulation carcérale. Une telle orientation fait d’ailleurs largement consensus chez les acteurs du secteur.

S’agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, la création de 70 emplois ne permettra pas d’améliorer la situation sur le terrain. Le budget pour 2026 apparaît largement sous-dimensionné. Les éducateurs de la PJJ alertent d’ailleurs régulièrement sur le manque de moyens et la dégradation de leurs conditions de travail.

Enfin, alors que le gouvernement présente le bilan de la réforme de la justice des mineurs comme globalement positif, la CGT PJJ et le Syndicat de la magistrature dénoncent au contraire l’échec patent des politiques sécuritaires et des promesses non tenues de moyens supplémentaires. L’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) en 2021 a réduit le temps éducatif et aggravé l’usure professionnelle. Il devient donc urgent de revenir à une justice éducative et préventive. En définitive, notre justice souffrira toujours en 2026 d’un manque patent de moyens humains et matériels, mais aussi d’une absence de vision globale. Or, sans réforme structurelle et sans investissement massif, aucune amélioration concrète de la justice dans notre pays ne sera possible.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Le budget qui nous est présenté veut nous faire croire à une ambition renouvelée. Pourtant, en l’examinant de plus près, l’augmentation des moyens ne suffit pas à masquer les failles structurelles d’un système judiciaire à bout de souffle. Entre les promesses budgétaires et la réalité du terrain se creuse un gouffre que les greffiers, les surveillants pénitentiaires et les avocats constatent chaque jour.

Commençons par la justice judiciaire, cœur battant de l’institution. On nous annonce des recrutements de magistrats et de greffiers ainsi que la réduction du stock d’affaires, mais les chiffres ne correspondent pas à la réalité. Les délais de jugement explosent, les tribunaux sont saturés, les audiences s’enchaînent dans des conditions indignes. Les personnels atteignent leurs limites, les moyens logistiques demeurent insuffisants, et la justice du quotidien, celle que les Français attendent, reste lointaine, lente et souvent incompréhensible.

Quant à la justice pénale, elle reflète l’état de nos prisons débordées. Malgré les promesses répétées d’Emmanuel Macron d’augmenter le nombre de places de prison, les chiffres de la surpopulation carcérale s’avèrent accablants. En parallèle de ces promesses non tenues, les peines fermes ne sont toujours pas exécutées et des milliers de condamnés demeurent dans la nature. Ce constat ne relève pas d’une question de budget, mais bien d’une question de volonté politique.

Par ailleurs, les moyens supplémentaires servent aussi à développer des mesures alternatives à l’incarcération – bracelet électronique, travaux d’intérêt général, libération anticipée. Ces dispositifs, qui ne sont pas condamnables en soi, deviennent souvent, faute de contrôle réel, le symbole d’une justice déresponsabilisante et d’un État qui n’assume plus la sanction.

Concernant enfin l’accès au droit et à la justice de proximité, à quoi bon multiplier les dispositifs si la justice demeure paralysée par la lenteur et la complexité de ses procédures ? La vérité est que la justice française ne souffre plus seulement d’un manque de moyens, mais aussi d’un manque d’autorité dans les décisions, dans l’exécution des peines et dans le respect des institutions. Ce budget n’apporte finalement aucune réponse à cette crise de sens et de crédibilité. Il ne dit rien du déséquilibre croissant entre la sévérité pour certains et la complaisance pour d’autres. Il ne dit rien de la défiance des Français qui voient des délinquants multirécidivistes remis en liberté. La justice doit être juste et, pour être juste, elle doit être forte et cohérente. Une justice financée sans être réformée est une justice maintenue dans l’impuissance.

M. Jean Terlier (EPR). Depuis 2017, le budget de la justice a connu une augmentation sans précédent de près de 40 %. Certes, d’aucuns pourraient considérer ces moyens encore insuffisants pour le recrutement de magistrats, de greffiers ou la création de places de prison. Néanmoins, cette progression budgétaire demeure historique et mérite d’être relevée.

Le garde des sceaux nous a précisé lors de son audition que, malgré un contexte de réduction des dépenses publiques, la trajectoire de la loi d’orientation et de programmation de la justice reste globalement respectée. Pour 2026, les crédits demandés pour la mission Justice atteignent 13 milliards d’euros, soit une augmentation de 2,93 % par rapport à 2025, représentant une hausse de plus de 164 millions d’euros. Nous poursuivons donc une progression significative qui s’inscrit dans la trajectoire fixée.

Cette hausse des crédits s’explique principalement par deux facteurs : d’une part, l’accroissement des effectifs nécessaires à l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires, et d’autre part, la création de nouveaux postes de magistrats, de greffiers et d’attachés de justice. S’y ajoute le financement de réformes importantes, notamment celle du Pnaco.

Le schéma d’emploi global du ministère prévoit pour 2026 une création nette de 1 600 emplois équivalents temps plein, dont 855 pour l’administration pénitentiaire, 660 pour les juridictions dont le Pnaco, 70 pour la protection judiciaire de la jeunesse et 15 pour la réinternalisation des missions numériques.

La mission Justice comprend six programmes, dont quatre principaux. Le programme 166 Justice judiciaire poursuit l’objectif majeur de rendre la justice plus rapide et plus accessible. Les priorités concernent la réduction des délais de traitement des affaires civiles et pénales et le renforcement de l’attractivité des métiers judiciaires. À ce titre, nous avons revalorisé la rémunération des magistrats, des greffiers et des personnels pénitentiaires. Nous travaillons également à maîtriser les frais de justice en responsabilisant les acteurs et en renforçant la gestion déconcentrée.

Concernant le programme 107 Administration pénitentiaire, son budget pour 2026 est également en hausse, représentant 42,5 % du total des crédits de cette mission, soit 5,44 milliards d’euros. Ce programme répond à un double défi : lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention et de travail. L’objectif principal demeure la réduction du taux d’occupation des maisons d’arrêt et l’augmentation à 32 % de la proportion de condamnés bénéficiant d’une mesure d’aménagement de peine.

Enfin, la protection judiciaire de la jeunesse n’est pas oubliée, avec le recrutement prévu de soixante-dix ETP.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Un même constat est largement partagé par l’ensemble des orateurs et oratrices. Il concerne l’insincérité, ou à tout le moins le non-respect de la loi de programmation de 2023. Cette loi prévoyait une trajectoire pluriannuelle de recrutement de greffiers, de magistrats et d’attachés de justice qui n’est manifestement pas respectée. Je rappelle que sur les 1 800 postes de greffiers annoncés dans cette loi, 700 correspondaient simplement à des requalifications et non à des postes supplémentaires. Pour les magistrats, 400 postes sur les 1 500 promis visaient uniquement à combler des postes vacants.

Concernant le budget global, si nous tenons compte de l’évolution de l’inflation sur les vingt dernières années, cette augmentation n’est que faciale. D’ailleurs, tous les programmes ne connaissent pas cette hausse. Le budget de l’accès aux droits, qui finance l’aide juridictionnelle et les associations d’aide aux victimes, est en réalité en baisse cette année lorsqu’on intègre l’inflation.

Ensuite, ce budget demeure fondamentalement carcéral, puisque 5,5 milliards d’euros sur les 13 milliards d’euros sont alloués à l’administration pénitentiaire, notamment pour financer le plan « 15 000 places de prison », devenu plan « 18 000 ». Cette priorité se traduit dans les recrutements : 855 équivalents temps plein sont prévus pour l’administration pénitentiaire contre seulement 660 pour la justice judiciaire.

Je constate que certains orateurs ont tendance à se focaliser exclusivement sur la lutte contre le narcotrafic, en négligeant la justice civile, la justice des enfants et la délinquance financière. Qu’ils se rassurent néanmoins : sur les 1 500 postes de magistrats prévus, 150 sont sanctuarisés pour des annonces ministérielles :, 50 postes seront dédiés à la justice des mineurs, et 95 postes seront fléchés vers la lutte contre la criminalité organisée, dont 45 ont déjà été répartis sur l’année 2025. Malheureusement, nous déshabillons toujours Paul pour habiller Jacques : une partie des postes au nouveau Pnaco seront prélevés sur les effectifs existants de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris.

S’agissant de la justice du quotidien, point crucial insuffisamment évoqué, aucun moyen supplémentaire n’est prévu pour réduire les délais de la justice civile, notamment pour les affaires familiales, les divorces ou les décisions de garde partagée. Je partage le constat de M. Falorni et note avec intérêt que, bien qu’étant membre du socle commun, il n’a pas mentionné le plan des 15 000 places en évoquant la surpopulation carcérale endémique dans notre pays. Il a plutôt mis l’accent sur les réinsertions et les alternatives aux poursuites, orientation que nous soutenons pleinement. C’est précisément pourquoi nous proposons, comme chaque année, un amendement instaurant un mécanisme de régulation carcérale, mesure réclamée depuis longtemps non seulement par l’Observatoire international des prisons (OIP), mais également par la CGLPL et le Conseil de l’Europe.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. L’augmentation du budget représente une avancée positive si les crédits alloués sont utilisés de manière pertinente. Or, ces crédits, issus des impôts des Français, ont parfois été dépensés dans des programmes inutiles sur lesquels le ministère a dû revenir ultérieurement. Je pense notamment au déploiement des tablettes au sein des détentions, qui a coûté 125 millions d’euros et dont j’avais proposé la suppression l’année dernière dans mon rapport et par amendement.

Quand nous observons l’état actuel de notre justice et de l’administration pénitentiaire, nous ne pouvons pas nous satisfaire des résultats obtenus malgré l’attribution de budgets conséquents, car force est de constater l’échec dans de nombreux domaines.

Concernant le recrutement de personnels pénitentiaires, je me dois de nuancer les propos satisfaits des soutiens du garde des sceaux. Comme je l’ai indiqué, 855 créations d’emplois seront déployées dans les nouveaux établissements et les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, mais aucun renfort n’est prévu pour l’ensemble des établissements pénitentiaires de France qui souffrent d’un manque criant de personnel, où les agents travaillent dans des conditions sécuritaires déplorables.

Quant aux affirmations relatives au « tout carcéral », je tiens à rappeler la note du service des statistiques du ministère de la justice de 2023 qui établit que 40 % des peines de prison ferme font l’objet d’aménagements ou de conversions avant incarcération. Avec une telle proportion, il est impossible de prétendre que notre pays pratique une politique du « tout carcéral ».

M. le président Florent Boudié. Nous débutons l’examen des amendements.

Article 49 et État B : Crédits du budget général

Amendements II-CL281, II-CL288, II-CL287, II-CL277, II-CL275, II-CL276, II-CL285, II-CL279, II-CL278, II-CL266 de Mme Gabrielle Cathala, II-CL224 de M. Pouria Amirshahi et II-CL218 de Mme Pascale Bordes (discussion commune)

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. L’amendement II-CL281 s’inscrit dans le prolongement des propos tenus par mon collègue Pouria Amirshahi lors de la discussion générale. Il soulignait à juste titre que la comparution immédiate engendre huit fois plus de détentions que les procédures ordinaires. La comparution immédiate constitue une procédure judiciaire expéditive à moindre coût, conçue pour gérer des flux.

Nous proposons, par cet amendement, de réaliser des économies en limitant le recours à cette procédure. Cette proposition entraînerait ainsi une économie de 189 millions d’euros sur l’administration pénitentiaire, somme qui serait réaffectée à la justice judiciaire. La Cour des comptes estime qu’une journée de détention représente un coût de 105 euros par jour et par personne.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). L’amendement II-CL224 est défendu.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. L’amendement II-CL288 propose un plan de recrutement massif de magistrats. Le II-CL275 vise spécifiquement le recrutement de magistrats spécialisés dans le traitement des violences sexistes et sexuelles. Cette mesure figure parmi les revendications des associations féministes, notamment de la Fondation des femmes qui a chiffré à 2,6 milliards d’euros le budget nécessaire pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles. Le recrutement de 603 magistrats spécialisés constitue l’une des mesures préconisées dans ce chiffrage.

Je défends également un amendement visant à augmenter l’effectif des magistrats au sein du Parquet national financier, le nombre de dossiers traités par chaque parquetier étant excessif et ne permettant pas de conduire les enquêtes dans des délais satisfaisants.

Je propose ensuite un amendement II-CL285, chiffré grâce à l’association des magistrats instructeurs et à diverses études d’impact sur les projets de loi présentés par des ministres de la justice successifs, concernant la création indispensable de postes de juge d’instruction. Je rappelle qu’en moyenne, une instruction dure trois ans dans notre pays, ce qui n’est absolument pas satisfaisant.

Enfin, l’amendement II-CL279 vise à créer 235 postes de juge des enfants, accompagnés de 235 postes de greffiers. Cette proposition s’appuie sur un rapport du Syndicat de la magistrature concernant la paupérisation de la justice des enfants. Actuellement, chaque juge gère environ deux fois plus de dossiers qu’il ne devrait et suit en moyenne 400 fratries, soit environ 800 enfants, ce qui apparaît manifestement disproportionné et porte atteinte au principe d’une justice correctement rendue dans des délais raisonnables.

Mme Pascale Bordes (RN). L’amendement II-CL218 vise à renforcer les moyens affectés à la magistrature. Il concerne les magistrats chargés des affaires pénales, mais également des affaires civiles, car je ne conteste nullement l’état catastrophique dans lequel se trouve la justice civile dans notre pays.

La France occupe depuis longtemps la dernière place en Europe en matière de moyens alloués à la justice, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale. Il est temps de donner aux magistrats les ressources nécessaires pour exercer leur fonction. Ils ne demandent qu’une seule chose : pouvoir accomplir leur travail, c’est-à-dire juger, mais dans les meilleures conditions possibles.

Cet amendement, modeste au regard des propositions de mes collègues, représente néanmoins une mesure budgétaire qui apporterait un peu d’oxygène aux magistrats et leur redonnerait surtout un peu d’espoir. Comme je l’ai souligné précédemment, un profond sentiment de désespoir s’empare actuellement de la magistrature, ce qui n’est pas souhaitable pour une démocratie.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je vous invite à voter en faveur de mes amendements, l’amendement proposé par notre collègue Madame Bordes, d’un montant de 8 millions d’euros, étant nettement inférieur à ceux que je propose.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Nous soutiendrons évidemment les amendements de Mme la rapporteure, mais je souhaite formuler une observation. Lorsque j’entends Madame Bordes affirmer qu’il existe une désaffection pour le métier de la justice et que les magistrats connaissent des difficultés, je me dois de lui rappeler qu’il ne faut pas dans ce cas manifester aux côtés de policiers qui prétendent que le problème de la police réside dans la justice.

Madame, si vous participez à des manifestations avec des personnes qui critiquent la justice de notre pays, si votre présidente, Mme Le Pen, critique la justice lorsqu’elle s’applique à elle-même, si la droite critique la justice lorsqu’elle s’applique à M. Sarkozy, si vous ne cessez de dénigrer la justice quand elle vous concerne, il ne faut guère s’étonner d’une désaffection pour le métier de magistrat.

Je rappelle que certains à droite proposent par exemple d’interdire la syndicalisation des magistrats, mais pas celle des policiers. Cette approche révèle une logique manifeste de deux poids deux mesures concernant les fonctionnaires. Selon notre conception, les fonctionnaires doivent pouvoir exercer correctement leurs missions, ce qui implique, en l’occurrence, le respect des lois de la République.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Si nous sommes tous ici, à la commission des lois, sincèrement préoccupés par l’état de la justice et des institutions judiciaires, par l’état de délabrement avancé dans lequel elles se trouvent en plusieurs points, nous devrions collectivement avoir à cœur de sortir de la routine habituelle d’un débat budgétaire qui se plaint des moyens insuffisants pour véritablement tirer la sonnette d’alarme auprès du Gouvernement.

Nous devons mobiliser l’ensemble des parlementaires et nos collègues en séance pour consentir à l’effort nécessaire, car une justice qui fonctionne est une justice qui prévient de graves difficultés sociales, conflictuelles et violentes auxquelles nous sommes confrontés. Autrement dit, nous pouvons élaborer tous les plans d’action possibles, mais nous aurons du mal à assurer la cohérence entre les orientations générales et la mise en œuvre des politiques publiques.

Notre rôle en tant que commissaires aux lois consiste précisément à veiller à cette prise de conscience qui n’est absolument pas à la hauteur du côté de l’exécutif depuis plusieurs années. Je ne cible pas spécifiquement ce Gouvernement, cette situation perdure depuis longtemps et constitue un problème dramatique. Les comparaisons européennes évoquées par Mme la rapporteure démontrent notre retard considérable dans tous les domaines, particulièrement en ce qui concerne la jeunesse, mais également dans le domaine de l’insertion. Nous n’avons pas abordé la question du travail en prison, qui représente pourtant un enjeu majeur, ni plus largement les conditions de détention qui sont absolument scandaleuses.

M. Michaël Taverne (RN). Lorsque j’entends l’extrême gauche s’exprimer sur la justice, je tiens à rapporter le message qu’un magistrat travaillant avec la police judiciaire m’a transmis. Il me rappelait que la France Insoumise n’a pas voté en faveur des moyens supplémentaires, certes insuffisants, lors de la loi d’orientation et de programmation de la justice. Jamais vous n’avez voté des moyens supplémentaires, que ce soit pour nos gendarmes, nos pompiers, nos policiers, la justice ou nos militaires. En réalité, vous vous opposez systématiquement à tout et venez aujourd’hui nous faire la morale avec vos perpétuelles leçons. Il est essentiel de penser également à l’administration pénitentiaire, aux conditions de travail et aux conditions des détenus. Or, vous proposez de supprimer près de 150 millions d’euros pour l’administration pénitentiaire, ce qui est totalement surréaliste. C’est pour cette raison qu’il faut absolument s’opposer à ces amendements farfelus.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Nous sommes tous d’accord ce matin pour constater l’état de délabrement total de la justice, tant pénale que civile. Vous avez judicieusement rappelé, Mme la rapporteure, que la justice civile est systématiquement oubliée, alors qu’elle constitue la justice du quotidien, celle qui concerne la majorité des justiciables. C’est précisément pour cette raison que nous voterons en faveur de vos amendements.

Les délais actuels sont véritablement insupportables, notamment pour le calcul d’une pension alimentaire devant les juges aux affaires familiales. Nous manquons cruellement de juges pour enfants, alors que nous avons des enfants en grande difficulté, non pas en termes de délinquance, mais d’assistance éducative. Les juridictions prud’homales connaissent également des difficultés majeures. Les délais de jugement soulèvent de sérieuses questions ; nous frôlons le déni de justice.

Vous avez parfaitement raison de rappeler l’état d’épuisement de nos magistrats, contraints de traiter une multitude de dossiers dans des délais extrêmement courts. Cette situation est particulièrement dangereuse, car la question du délai s’avère cruciale, notamment dans les conflits familiaux. Nous observons aujourd’hui des cohabitations forcées, notamment pour les femmes victimes de violences intrafamiliales, simplement parce que la justice n’est pas en mesure de proposer des délais de comparution raisonnables devant les juridictions civiles. Nous voterons donc en faveur de ces amendements qui sont très opportuns.

M. Jean Terlier (EPR). Je tiens à rappeler un élément qui semble échapper à certains de nos collègues. Depuis 2017, le budget de la justice a augmenté de 40 %. La loi de programmation prévoit d’augmenter le nombre de magistrats, de greffiers et d’attachés de justice, dans le cadre d’une progression que certains souhaiteraient accélérer. Comme cela a été justement souligné, il faudrait déjà commencer par voter les budgets pour la justice de certains côtés de notre Hémicycle.

Madame la rapporteure, je ne pense pas que vous ayez consulté les directions de l’École des greffes (ENG) ou de l’École nationale de la magistrature (ENM) lors de vos auditions. Si vous l’aviez fait, vous n’auriez probablement pas proposé ce type d’amendements. La trajectoire actuelle implique déjà le doublement de certaines promotions dans ces écoles, pour atteindre l’objectif de 1 500 magistrats et 1 800 greffiers supplémentaires. Vous souhaitez doubler, tripler, voire quadrupler le nombre de magistrats, mais il existe des principes de réalité concernant les capacités de ces écoles. Une trajectoire est fixée dans le cadre de la loi de programmation et nous devons nous y tenir. Je le répète, il faut commencer par voter les budgets. Notre groupe votera donc contre ces amendements totalement déconnectés de la réalité.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Monsieur Terlier, vous n’avez manifestement pas lu mon rapport cette année, ni celui de l’année dernière. J’avais auditionné l’ENM et l’ENG. L’ENM soulignait déjà l’année dernière qu’elle s’était parfaitement adaptée à l’augmentation des promotions et m’a confirmé cette année que cela n’avait nullement affecté sa sélectivité. Je vous invite donc à lire attentivement ce rapport, particulièrement avant la commission des finances et avant la séance, dans l’hypothèse où les recettes du budget ne seraient pas rejetées et où nous pourrions examiner les dépenses.

Concernant notre vote contre la loi de programmation de 2023, je rappelle que notre opposition était motivée par la présence de mesures attentatoires aux libertés fondamentales, notamment l’instauration de téléphones connectés qui ont été, fort heureusement, censurés par le Conseil constitutionnel, grâce à notre recours. Nous avions donc parfaitement raison de voter contre ce texte.

Nous avions également souligné lors des débats que le nombre de magistrats et de greffiers à recruter demeurait largement insuffisant au regard des besoins réels et des recommandations des divers rapports, notamment du Conseil de l’Europe. Je ne comprends pas la logique de notre collègue du Rassemblement national : si vous nous reprochez l’insuffisance de recrutement de magistrats, pourquoi ne votez-vous pas nos amendements lorsque nous proposons d’y remédier ? Cette position me paraît profondément incohérente. Je vous invite à consulter les rapports des syndicats que vous souhaitez dissoudre ou ceux de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Peut-être serez-vous alors mieux informés sur l’état de délabrement de notre justice.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL265 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à renforcer l’équipe autour du magistrat. La loi de programmation prévoyait un recrutement massif d’assistants de justice, devenus depuis les attachés de justice. Or, la trajectoire qui nous est présentée pour l’année 2026 ne permet de recruter que vingt et une personnes, ce qui se situe nettement en deçà des objectifs fixés dans la loi de programmation. Je vous invite à voter cet amendement afin de permettre ces recrutements indispensables.

La commission rejette l’amendement.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je trouve particulièrement étonnant que les défenseurs de la loi de programmation pour la justice 2023-2027, présentée par Monsieur Dupont-Moretti, refusent de voter cet amendement alors qu’il vise précisément à respecter cette même loi. Tous les syndicats de la magistrature et des services judiciaires ont dénoncé l’inadmissibilité du non-respect de cette trajectoire budgétaire minimale. Il ne s’agit nullement d’un amendement farfelu qui recruterait des milliers d’attachés de justice, mais simplement de respecter une trajectoire établie.

Amendements II-CL144 et II-CL210 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL190 de M. Emmanuel Duplessy, II-CL264 de Mme Gabrielle Cathala et CL120 de Mme Danièle Obono (discussion commune)

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement CL144, porté par la coalition parlementaire transpartisane sur les violences sexistes et sexuelles, vise à renforcer les moyens attribués à la justice pour traiter les infractions sexuelles et garantir une prise en charge des victimes conforme aux exigences de la directive européenne 2024/1385 relative aux droits des victimes.

Le traitement judiciaire des violences sexuelles se dégrade dans notre pays depuis une vingtaine d’années, alors même que la législation sur le viol et les agressions sexuelles a été progressivement renforcée sur cette même période. La loi demeure impuissante sans moyens humains et matériels adéquats, raison pour laquelle nous déposons cet amendement.

Nous déposons également l’amendement II-CL210. Dans le cadre de la coalition transpartisane sur les violences sexistes et sexuelles, notre objectif est de doter la justice de moyens permettant de spécialiser les juridictions dans la prise en charge de ces violences. Cette spécialisation ne concerne pas uniquement l’accueil des victimes et le recueil des plaintes, mais englobe également la formation des magistrats et de l’ensemble des intervenants de la chaîne judiciaire. Ainsi, la justice pourra s’adapter tant au profil des auteurs d’infractions, en termes de sanctions et de suivi, qu’aux besoins spécifiques des victimes, notamment pour éviter leur re-victimisation.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). L’amendement II-CL190 présente un montant modeste, mais revêt une portée considérable. La question des violences sexistes et sexuelles constitue l’un des défis majeurs de notre système judiciaire. Les difficultés sont nombreuses, tant dans l’identification que dans le parcours judiciaire des victimes. Pourtant, cette catégorie de violences connaît malheureusement une explosion dans notre société. Il s’agit donc d’abonder un fonds de formation autour de la prise en charge des violences sexuelles et sexistes afin de répondre à cet enjeu sociétal crucial.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. L’amendement II-CL264 vise à tripler le budget actuel de l’ENM consacré à la formation continue des magistrats. Je rappelle que cette formation continue sur les violences sexistes et sexuelles est facultative, les magistrats ayant une obligation générale de formation continue. Si la formation initiale apparaît satisfaisante sur ce sujet, la formation continue présente certaines lacunes. L’audition de l’ENM révèle qu’en 2024, seuls 725 magistrats ont bénéficié d’une formation aux violences sexistes et sexuelles. Par ailleurs, on considère qu’un magistrat est formé s’il assiste à un simple colloque ou participe à une session de formation d’une journée, sans vérification effective de l’acquisition des fondamentaux enseignés. Notre amendement propose donc de tripler ce budget pour multiplier par trois le nombre de participants en 2026.

M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Le garde des sceaux affirme régulièrement vouloir placer les victimes au centre de la justice. Parlons donc également des victimes de racisme, d’antisémitisme et de discriminations. Pour elles, la justice représente trop souvent une seconde épreuve. Le constat dressé est implacable : la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans son rapport 2024, souligne l’insuffisance de la réponse pénale face aux contentieux racistes. Concrètement, nous observons en audience l’expression de préjugés et un manque d’humilité qui pèsent sur les procédures. Cette situation génère des victimes qui ne sont ni entendues, ni reconnues, ni protégées. La justice ne devrait pas échouer à les protéger.

La CNCDH, comme le défenseur des droits, le répètent inlassablement : il faut former les magistrats pour les armer face aux préjugés. Cette formation est urgente pour que ces plaintes soient enfin prises au sérieux. Votre plan national 2020-2026 prévoyait une mesure simple pour 2023 : actualiser une circulaire incitant les magistrats référents à suivre la formation de l’ENM. Fin 2025, cette mesure n’a toujours pas été mise en œuvre, ce qui constitue une faute manifeste. Nous agissons à l’aveugle, car nous ne disposons d’aucune donnée, ni qualitative ni quantitative, sur cette formation. Personne ne peut donc juger de sa pertinence.

C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement II-CL120, d’allouer 9,3 millions d’euros pour garantir une journée de formation obligatoire et spécialisée à chaque magistrat en exercice. Il ne s’agit pas d’une simple option, mais d’une obligation.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Ma collègue Thiébault-Martinez propose un amendement d’un montant de 120 millions d’euros, qui ne concerne pas uniquement la formation des magistrats, mais comprend également plusieurs mesures, notamment l’augmentation du nombre de téléphones grave danger et le renforcement de l’aide juridictionnelle que je défends moi-même dans d’autres amendements. Ce montant me paraît excessif au regard des seuls besoins de formation.

Je soutiendrai donc plutôt l’amendement de Monsieur Duplessy, dont le montant me semble plus approprié. Je retire par conséquent mon amendement au profit de celui de Monsieur Duplessy et j’émets bien évidemment un avis favorable à l’amendement de ma collègue Obono, présenté par mon collègue Kerbrat.

M. Stéphane Mazars (EPR). Je souhaite répondre brièvement, notamment à Mme Thiébault-Martinez. Les actions entreprises depuis 2017 visent précisément à lutter contre les violences sexistes et sexuelles et à déployer les moyens nécessaires. Je me permets de rappeler que combattre ces violences, particulièrement les plus graves comme le viol, nécessite certes des moyens supplémentaires, humains et financiers, mais exige également d’ajuster les dispositifs que nous avons créés ces dernières années. Je pense notamment à la cour criminelle départementale, devenue une juridiction principalement dédiée au traitement des faits de viol. Lorsque nous avons présenté un rapport sur ce sujet il y a quelques semaines dans cette même enceinte, votre groupe politique a refusé de lui donner une quelconque publicité, alors même qu’il s’agissait d’un moyen d’approfondir notre réflexion pour mieux lutter contre ce fléau que représentent les viols dans notre pays.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Je précise que l’amendement II-CL144 prévoit également le recrutement de magistrats, ce qui explique son chiffrage à 120 millions d’euros.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL213 de Mme Sandrine Josso

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je présente cet amendement conjointement avec ma collègue Sandrine Josso, qui a réalisé un travail considérable sur la soumission chimique. Il vise à renforcer les unités médico-judiciaires. Puisqu’il s’agit d’un amendement de bon sens, comme tous ceux que j’ai présentés, mais qui est également cosigné par une députée du socle commun, j’ose espérer qu’il ne sera pas considéré comme farfelu et qu’il pourra recueillir vos suffrages.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL289 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Défendu.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL269 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Le projet de loi de finances pour l’année 2025 prévoyait initialement de prolonger le délai de carence de un à trois jours et de réduire l’indemnisation des agents en arrêt maladie de 100 % à 90 % durant les trois premiers mois. Cette mesure n’a finalement pas été intégrée au budget définitif pour l’année 2025. Cependant, les économies générées par cette disposition ont néanmoins été comptabilisées dans le budget du ministère de la justice. Le ministère se trouve ainsi privé de 16 millions d’euros, comme si cette mesure était effectivement entrée en vigueur alors qu’elle ne l’est pas. Il s’agit donc de réaffecter ces crédits à la justice judiciaire, afin que ce programme dispose des ressources nécessaires pour indemniser correctement les arrêts maladie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL197 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je conduis depuis plusieurs mois avec notre collègue Ian Boucard une mission d’information sur les transfèrements et extractions effectués par l’administration pénitentiaire. Cette mission met en évidence la nécessité de développer davantage l’usage de la visioconférence. Le dispositif n’est pas suffisamment utilisé en raison de l’absence d’équipements adaptés et fonctionnels, notamment dans les tribunaux, où les magistrats déplorent l’obsolescence du matériel mis à leur disposition. Je vous propose donc un amendement visant à allouer 15 millions d’euros pour développer la visioconférence, ce qui permettrait de réduire le nombre d’extractions judiciaires réalisées par les agents de l’administration pénitentiaire, qui sont particulièrement vulnérables lorsqu’ils interviennent à l’extérieur des établissements pénitentiaires. Ce dispositif contribuerait à sécuriser leur travail.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Cet amendement propose de prélever 15 millions d’euros sur le budget de l’aide juridictionnelle pour financer un recours plus massif à la visioconférence, dispositif qui porte atteinte aux droits de la défense et éloigne le justiciable de son juge. Notre position est diamétralement opposée, nous préconisons au contraire de restreindre le recours à la visioconférence. Il est absolument inconcevable de ponctionner le budget de l’aide juridictionnelle.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il paraît pour le moins surprenant de prélever 15 millions d’euros sur l’aide juridictionnelle puisque, un poste budgétaire est déjà en tension. Pour remédier à cette situation, plusieurs mesures sont envisagées, notamment en faisant davantage contribuer les justiciables. Il est donc contradictoire de vouloir financer une amélioration, si tant est que cela en soit une, en ponctionnant un budget déjà insuffisant et que l’on envisage par ailleurs de faire supporter aux justiciables qui sollicitent une décision de justice. Nous nous opposons fermement à cet amendement.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). La priorité absolue consiste à augmenter les crédits budgétaires alloués à l’aide juridictionnelle. Par ailleurs, il s’agit d’une question fondamentale de principe : la comparution physique devant un juge est toujours préférable. Le magistrat ne peut se contenter d’apprécier des éléments désincarnés à travers un écran qui dépersonnalise. Il a besoin de percevoir des signes tangibles et sensibles comme les gestes, les regards, les attitudes corporelles. Le recours excessif à la visioconférence nuit indubitablement à la qualité de la justice, y compris à la capacité de discernement du magistrat.

M. Michaël Taverne (RN). J’apporte mon soutien à l’amendement de M. le rapporteur. De nombreux magistrats préconisent aujourd’hui le recours à la visioconférence, procédé qui n’a pas été jugé inconstitutionnel et qui permet de préserver nos forces de sécurité intérieure. Je rappelle qu’un transfèrement peut mobiliser dix à quinze policiers. Cette mesure est défendue par de nombreux magistrats ; je ne vois donc aucun problème à son application. Durant la période Covid, ce dispositif a parfaitement fonctionné.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Rencontrer un magistrat en personne et défendre sa cause de vive voix constitue une démarche fondamentalement différente. Les échanges ne se déroulent pas de la même manière par visioconférence que dans le cadre de relations humaines directes. Vous évoquez le Covid comme une référence, mais cette période a pourtant engendré une immense souffrance précisément en raison de la rupture sociale et des relations limitées aux visioconférences. Tous nos compatriotes ont éprouvé cette difficulté particulière durant cette période où nos relations sociales étaient restreintes par le confinement. La visioconférence ne constitue pas une solution appropriée pour traiter des affaires judiciaires. Nous privilégions la rencontre directe avec les personnes et les discussions de vive voix, car les interactions sont profondément différentes en présentiel qu’à travers un écran.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je rappelle que pendant le Covid, la détention provisoire a été prolongée de manière automatique, mesure ultérieurement censurée par le Conseil constitutionnel. Pendant des mois, nous avons assisté à une violation extrêmement grave des droits de la défense. La période Covid nous a toutefois offert une expérience particulièrement intéressante avec le mécanisme de régulations carcérale, puisque nous sommes revenus, uniquement durant cette période, à un taux d’occupation de 100 % dans les centrales et maisons d’arrêt. La raison en était simple : une ordonnance prévoyait de privilégier les réductions de peine et la libération conditionnelle afin d’éviter que les établissements pénitentiaires ne deviennent des foyers de contamination. Cet exemple est pertinent, mais nous ne vous entendons jamais l’évoquer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL225 de M. Pouria Amirshahi

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Les procédures de justice ont bénéficié récemment de dispositifs innovants, qu’il convient de consolider. Je pense notamment aux conciliateurs de justice, ces femmes et hommes sollicités par des milliers de Français pour résoudre des conflits avec un voisin, un artisan ou un opérateur téléphonique. Ces bénévoles de la République méritent une véritable reconnaissance.

En 2023, le garde des sceaux Éric Dupont-Moretti a rendu cette procédure amiable obligatoire pour tous les litiges inférieurs à 5 000 euros avant toute démarche judiciaire. D’après les chiffres pour 2025 qui nous sont parvenus hier seulement, il existe aujourd’hui 2 686 conciliateurs en France, qui ont été saisis l’année dernière dans 192 000 affaires avec un taux de conciliation de 46 %, contribuant ainsi activement à désengorger nos tribunaux.

Ces conciliateurs de justice remplissent une fonction essentielle de maintien du lien social et républicain qu’il nous paraît important de conforter. La mise en œuvre de cette réforme a néanmoins considérablement accru leur charge de travail. Notre amendement propose donc de leur attribuer davantage de moyens pour poursuivre cette mission essentielle en revalorisant leur indemnité forfaitaire annuelle, rendant ainsi la fonction plus attractive. Nous souhaitons particulièrement renforcer leur présence dans les zones rurales, ce qui nous semble prioritaire compte tenu des difficultés d’accès à la justice rencontrées par les personnes vivant en ruralité.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Je partage ces propos. L’amendement prévoit simplement d’allouer 5 millions d’euros pour mieux financer les conciliateurs de justice, j’y suis favorable.

M. Jean Terlier (EPR). Nous nous opposons évidemment à cet amendement. Je tiens néanmoins à souligner le plaidoyer de notre collègue du groupe écologiste vantant les mérites de la loi de programmation justice portée par Éric Dupont-Moretti, particulièrement concernant le volet amiable qui fonctionne remarquablement bien.

Cette procédure amiable, désormais obligatoire dans de nombreuses procédures civiles, favorise efficacement la résolution des litiges. Je souhaiterais simplement rappeler à notre collègue, ainsi qu’au groupe La France Insoumise, qu’il aurait peut-être été judicieux de voter cette loi de programmation à l’époque.

La commission adopte l’amendement.

La séance est suspendue de 10 heures 50 à 11 heures 05.

Amendements II-CL323 et II-CL326 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je présente conjointement les amendements II-CL323 et II-CL326. Le Rassemblement national est pleinement conscient des contraintes budgétaires actuelles, et je déposerai également des amendements de réduction de dépenses en contrepartie.

Concernant l’amendement CL323, notre système pénitentiaire fait face à une grave pénurie d’effectifs. L’administration pénitentiaire estime qu’il manque aujourd’hui plus de 4 000 personnels pour assurer son bon fonctionnement. Dans la continuité de mes propositions de l’année dernière pour le projet de loi de finances 2025, cet amendement vise à financer le recrutement de 300 agents supplémentaires pour la filière surveillance, permettant ainsi de commencer à rétablir une partie des effectifs nécessaires. Il s’agit d’une priorité absolue pour garantir le fonctionnement et la sécurité de nos prisons, ainsi que pour améliorer les conditions de travail du personnel qui se détériorent quotidiennement.

L’amendement CL326 s’inscrit dans le prolongement de la partie thématique de mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances consacrée au renseignement pénitentiaire. Ce service joue un rôle crucial dans la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée. Bien que méconnu, il est pourtant essentiel pour assurer la sécurité de nos établissements et garantir la continuité du renseignement entre milieu fermé et milieu ouvert.

Sur le terrain, la mission de renseignement repose actuellement sur des agents travaillant parfois seuls au sein des établissements. Cet isolement nuit à l’exercice optimal de leurs fonctions et compromet la continuité du suivi des objectifs lorsqu’ils sont absents. Pour remédier à ces difficultés, cet amendement propose de financer le recrutement et le déploiement de deux agents par direction interrégionale afin d’assurer l’animation du réseau des délégués et correspondants locaux du renseignement pénitentiaire. Cette proposition est soutenue par l’administration pénitentiaire elle-même.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL325 et II-CL324 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Ces deux amendements portent tous deux sur le renseignement pénitentiaire et visent à renforcer l’attractivité de ce service qui peine actuellement à recruter.

L’amendement CL325 propose de financer l’application des grilles de rémunération interministérielle pour les agents non titulaires du service national du renseignement pénitentiaire. Il s’agit souvent de profils spécifiques travaillant pour ce service. Le renseignement pénitentiaire compte aujourd’hui à peine plus de 300 agents pour 84 000 personnes incarcérées, un ratio particulièrement préoccupant. Si ce service réalise déjà un travail de renseignement de qualité, il relève de notre responsabilité d’accroître et de pérenniser ses moyens.

L’amendement CL324, également consacré au renseignement pénitentiaire, vise à améliorer les conditions de travail et de rémunération de ses agents. Comme je l’ai précédemment exposé, les agents pénitentiaires en charge du renseignement sont confrontés à des difficultés spécifiques. Ils portent quotidiennement une responsabilité particulière et ne peuvent pas évoquer leur mission avec leurs collègues, devant préserver le secret de leurs activités. Cette position singulièrement délicate doit être prise en considération. C’est pourquoi, suivant la recommandation conjointe de la direction de l’administration pénitentiaire et de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, cet amendement propose la création d’une prime au secret pour les personnels du SNRP.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL339 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Nous constatons malheureusement dans nos circonscriptions que les agents pénitentiaires sont de plus en plus ciblés par la délinquance et la criminalité organisées. L’actualité récente l’a tristement illustré : ces agents sont menacés jusque dans leurs domiciles, certains ont été violentés, leurs véhicules incendiés. Plusieurs d’entre nous ont probablement été sollicités, comme je l’ai été, par des agents qui se sont sentis abandonnés face à ces situations.

Il paraît donc impératif que les agents pénitentiaires bénéficient d’une protection renforcée face aux menaces et aux violences qu’ils subissent. Ces situations sont inacceptables et j’estime que nous devons non seulement accroître les moyens dédiés à leur sécurité, mais également leur garantir un accompagnement adéquat lorsqu’ils sont victimes de telles violences. Cet amendement propose donc la création d’un nouveau fonds, inspiré du fonctionnement du fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions. Ce dispositif permettrait notamment de verser, soit intégralement, soit sous forme d’avances, les sommes dues aux agents et aux familles victimes de ces atteintes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL223 et II-CL222 de M. Pouria Amirshahi, II-CL129, II-CL130 et II-CL131 de M. Jean-François Coulomme, II-CL211 de Mme Colette Capdevielle, II-CL344 de M. Romain Baubry (discussion commune)

M. Pouria Amirshahi (EcoS).  L’objectif premier de notre système pénitentiaire devrait être de faire en sorte que les personnes qui y sont passées ne soient plus amenées à y revenir. Je souhaite rappeler à ce titre cette phrase de Victor Hugo qui inspirait tant Robert Badinter : « Il faut consacrer le droit de tout homme à devenir meilleur ». C’est précisément dans cette perspective que les Spip jouent un rôle fondamental, au-delà de la simple exécution des peines. Ils accompagnent, orientent, soutiennent et œuvrent à transformer des trajectoires de délinquance en parcours de réinsertion. C’est là l’essence même de leur mission et la seule voie véritablement crédible pour désengorger durablement nos prisons.

On conçoit aisément qu’on ne devient pas meilleur par une opération miraculeuse, et certainement pas dans les conditions de dénuement auxquelles sont parfois confrontés prévenus et condamnés, mais au contraire grâce à un accompagnement sérieux. Une étude de 2021 portant sur les déterminants de la récidive a démontré que 31 % des personnes libérées sont à nouveau condamnées pour une infraction dans l’année suivant leur sortie. Ce constat révèle clairement que sans suivi adapté, la prison devient trop souvent une école du crime. Les Spip incarnent ce qu’il reste de l’ambition d’une institution pénitentiaire capable de réinsérer et de réparer, mais leurs moyens demeurent dramatiquement insuffisants. C’est pourquoi nous vous proposons ces deux amendements, en vous invitant à privilégier le premier, plus ambitieux.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je présente conjointement les amendements II-CL129, II-CL130 et II-CL131, qui relèvent de la même logique. Nos conseillers en insertion et probation constituent indéniablement un élément clé du processus par lequel les auteurs d’infractions renoncent à reproduire les actes qui les ont conduits à l’incarcération.

Il convient également de souligner que ces agents interviennent plus largement encore en milieu ouvert. La population sous main de justice a considérablement augmenté, passant de 75 000 personnes en 1980 à 175 000 aujourd’hui. Sur ce total, environ 85 000 personnes sont incarcérées, tandis que 90 000 sont suivies en milieu ouvert par ces personnels. Ces derniers se sont mobilisés pour dénoncer le décalage manifeste entre l’ampleur de leur mission et les moyens dont ils disposent. Actuellement, un agent de probation et d’insertion doit suivre entre 80 et 120 personnes, alors qu’un travail de qualité nécessiterait un ratio de 40 à 60 personnes par agent. Il nous manque donc près de 5 000 agents pour que cette mission essentielle soit correctement accomplie. C’est précisément la raison pour laquelle nous proposons d’allouer des moyens supplémentaires à ces personnels absolument indispensables au bon fonctionnement de notre société.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Je défends l’amendement II-CL211. Le PLF annonce le renforcement des moyens humains des Spip, dont le rôle est essentiel dans la lutte contre les risques de récidive. L’augmentation budgétaire reste pourtant extrêmement faible. Pourtant, les fonds que nous investissons dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation représentent autant de ressources que nous n’aurons pas à consacrer ultérieurement à l’accompagnement des victimes. Il est donc fondamental de renforcer les Spip compte tenu de leur mission cruciale, et tout aussi primordial de disposer d’un personnel formé, qualifié professionnellement, et disposant du temps nécessaire avec les personnes condamnées pour accomplir efficacement leur mission d’insertion et de probation.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Permettez-moi de répondre à ces différents amendements en discussion commune, tout en présentant le mien, le II-CL344.

Cette série d’amendements vise à augmenter les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation en proposant des budgets supplémentaires, allant de 158 millions d’euros pour l’amendement de M. Amirshahi à 10 millions d’euros pour le mien. Je considère également que les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) constituent un maillon essentiel de la chaîne pénale. Ils jouent un rôle majeur dans la lutte contre la récidive en veillant à la réinsertion des personnes détenues. Je partage donc votre volonté de renforcer leurs effectifs et d’allouer davantage de moyens à ces services. Cela me semble particulièrement important pour garantir la bonne exécution des peines en milieu ouvert.

Cela étant, je refuse de le faire au détriment de la solidité du budget de l’administration pénitentiaire, notamment des crédits alloués à la construction de places de prison. Je serai donc naturellement défavorable aux amendements qui vont dans ce sens.

Par ailleurs, les montants proposés par Mme Capdevielle et M. Amirshahi me semblent déraisonnablement élevés en projetant le recrutement immédiat de 1 000, voire 2 000 conseillers d’insertion et de probation. Nous n’aurions même pas la capacité de former une telle cohorte de nouveaux conseillers. L’École nationale de l’administration pénitentiaire (Enap) n’est pas extensible, à moins que vous ne souhaitiez en exclure tous les surveillants pénitentiaires en formation. Je serai donc défavorable à vos amendements.

Pour ma part, je vous propose avec l’amendement CL344 d’allouer 10 millions d’euros pour créer environ un poste de CPIP supplémentaire par département, poste qui aurait vocation à être spécifiquement dédié au suivi de la bonne exécution des travaux d’intérêt général. Cette proposition résulte des échanges que j’ai eus il y a quelques semaines en participant aux assises de la réinsertion à l’établissement pénitentiaire d’Aix-Luynes, dans le département des Bouches-du-Rhône.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL338 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Par cet amendement, je propose de lancer une campagne d’information sur le métier de CPIP, une campagne de communication pour attirer davantage de candidats vers cette filière de l’insertion et de la probation qui est encore méconnue. Je ne connaissais pas moi-même ce métier avant d’intégrer l’Enap en 2009. J’ai pu découvrir lors de cette formation l’importance de leur travail, tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL238 de M. Pouria Amirshahi

M. Pouria Amirshahi (EcoS). J’ai précédemment évoqué l’article paru dans Le Parisien il y a deux jours, qui fait état de la situation des jeunes mineurs radicalisés, tentés par le terrorisme, le djihadisme ou l’extrême droite, à partir d’une note de la DGSI. Cet article identifie, chez ces jeunes mineurs, la présence de troubles et de failles multiples et cumulatives. Cela démontre clairement que l’absence d’accompagnement psychologique chez ces jeunes.

Vous imaginez bien que lorsqu’une personne atteint l’âge adulte sans avoir bénéficié d’une prise en charge pour ses troubles psychologiques, même pour des délits moins graves que ceux que je viens d’évoquer, la situation ne fait que s’aggraver, tant pour la violence que cette personne s’inflige à elle-même que pour celle qu’elle peut infliger aux autres.

L’amendement que nous proposons vise à renforcer les effectifs de professionnels de la santé mentale en prison. Les troubles psychiatriques sont massifs en détention, comme le démontrent de nombreuses études, et les moyens pour y répondre demeurent largement insuffisants. Avec moins de 3,5 psychiatres et à peine cinq psychologues pour 1 000 personnes détenues, nous sommes très loin du compte.

Nous proposons donc d’augmenter les effectifs de psychiatres et de psychologues. Le soin en prison constitue un enjeu fondamental, tant pour la santé mentale que pour la santé physique. Nous proposons ainsi d’allouer 25,5 millions d’euros supplémentaires, pour limiter à 100 le nombre de personnes suivies par psychologue.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Depuis la loi de 1994, le ministère de la santé prend en charge l’accès aux soins des personnes détenues, ainsi que la rémunération et le recrutement des professionnels de santé intervenant en détention. Une augmentation des crédits du programme de l’administration pénitentiaire ne permettrait donc pas de recruter ces personnels de santé. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement. Dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). La prise en charge des troubles psychologiques et psychiatriques qui affectent les détenus constitue une nécessité absolue. Les études évaluent à environ 15 % la proportion de la population carcérale déjà atteinte de troubles psychologiques et psychiatriques au moment de l’incarcération. Cette proportion double pour atteindre près de 30 % des personnes détenues qui, à leur libération, nécessitent des soins psychiatriques. Plutôt que d’attendre la sortie et de faire face aux besoins que cela engendre, le traitement des personnes concernées se justifie pleinement durant la détention. Notre amendement ne présente donc rien de déraisonnable quant au nombre de personnels qui pourraient être mobilisés pour cette mission absolument indispensable.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Je tiens à souligner que nous sommes nombreux à nous rendre régulièrement devant différentes juridictions, et tous les personnels pénitentiaires font état de graves problèmes de santé mentale dans l’ensemble des établissements. Ces agents se retrouvent généralement en sous-effectif, avec un personnel qui n’est absolument pas formé ni préparé pour faire face à ces véritables difficultés en détention. Nous voterons en faveur de cet amendement. Monsieur le rapporteur, nous vous invitons vivement à y réserver également un avis favorable, car cette mesure conforte tous les constats que nous partageons collectivement. Il est également impératif de penser à la réinsertion de ces personnes au moment de leur sortie de détention.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je ne nie pas du tout les problématiques de santé mentale dans les établissements pénitentiaires. En réalité, nous partageons tous ce constat. Mais le dispositif proposé ne correspond pas au bon fléchage budgétaire. L’administration pénitentiaire n’assume pas la charge du recrutement du personnel soignant, qui relève de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), laquelle a pour mission d’assurer la continuité du suivi médical et psychologique des détenus.

J’ajouterai que certains établissements pénitentiaires disposent de services médico‑psychologiques régionaux (SMPR), qui constituent un atout pour le personnel pénitentiaire et pour les détenus qui bénéficient ainsi d’une prise en charge plus efficace. Cependant, la création de tels services nécessite des budgets spécifiques dans la construction des établissements.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). J’entends l’argument du rapporteur. Néanmoins, cette ligne de programme d’administration pénitentiaire existe bel et bien. Il me semble que la commission des lois doit précisément renforcer ce programme pour les raisons que j’ai exposées précédemment. Ces personnes se mettent non seulement en danger, mais peuvent également mettre en danger leur environnement, d’où l’importance cruciale pour le personnel pénitentiaire de disposer d’une prise en charge précoce, continue et pérenne face à ces situations problématiques.

Dans l’hypothèse où l’amendement serait adopté, je propose que nous puissions ultérieurement le réaffecter vers la ligne de programmation adéquate. Je maintiens donc cet amendement en espérant qu’il soit adopté et ensuite correctement réorienté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL348 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. J’aborde maintenant la question de l’immobilier pénitentiaire. Les établissements pénitentiaires sont confrontés à un important phénomène de vétusté. Les besoins budgétaires pour la maintenance des établissements augmentent donc constamment, dimension que le projet de loi de finances ne prend pas suffisamment en considération.

Je propose donc, par cet amendement, d’augmenter de 30 millions d’euros les crédits dédiés à la maintenance et à la mise à niveau des établissements pénitentiaires. Cette augmentation s’avère nécessaire pour garantir la sécurité de nos prisons et de nos personnels, pour améliorer leurs conditions de travail et pour assurer des conditions de détention dignes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL336 et II-CL337 de M. Romain Baubry (discussion commune)

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je vous présente conjointement les amendements II-CL336 et II-CL337. L’année dernière, j’avais consacré mon rapport pour avis à la question de la sécurité des établissements pénitentiaires. À l’issue de plusieurs déplacements, j’avais constaté sur le terrain des insuffisances manifestes des systèmes de vidéosurveillance.

Je considère que la sécurisation des établissements pénitentiaires doit constituer une priorité du budget de la mission Justice, tant pour la sécurité de nos agents que pour celle de la société. Nous devons impérativement garantir l’étanchéité et la sécurité de nos prisons.

Par l’amendement II-CL336, je vous propose donc de financer le renouvellement partiel du parc de caméras de vidéo-protection. Par l’amendement II-CL337, je propose, en outre, de financer l’intégration d’une composante d’intelligence artificielle (IA) dans certains systèmes de vidéosurveillance de l’administration pénitentiaire. Cette intégration permettrait notamment de détecter plus rapidement les situations à risque. Il ne s’agit aucunement de remplacer les agents de surveillance, mais de les assister en facilitant la détection des situations dangereuses. Compte tenu du manque actuel de personnel dans l’administration pénitentiaire, cette innovation représenterait un atout considérable pour la sécurité des agents et de tous ceux qui travaillent dans ces établissements, ainsi que pour les personnes détenues elles-mêmes.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Celles et ceux d’entre nous qui fréquentent assidûment les établissements pénitentiaires constatent que les agents ne réclament pas prioritairement la vidéosurveillance pour faciliter et améliorer leurs conditions d’exercice. En réalité, les établissements sont plutôt confrontés à une problématique majeure : le manque d’agents pénitentiaires.

L’administration pénitentiaire présente cette caractéristique préoccupante d’être l’un des secteurs où les arrêts maladie sont proportionnellement les plus nombreux, situation certainement liée aux conditions de travail difficiles et à la pénurie de personnel déjà existante. Nous devons écouter ce que demandent véritablement nos agents pénitentiaires : davantage de moyens humains, et non des gadgets technologiques comme la vidéosurveillance qui n’ont aucun effet réel sur la sécurité de nos personnels.

M. Jordan Guitton (RN). Nous soutenons évidemment les amendements de M. le rapporteur. Il est essentiel d’utiliser les nouvelles technologies à bon escient, en complément de l’action des personnels pénitentiaires qui travaillent souvent dans des conditions difficiles et avec des effectifs insuffisants.

Pourquoi ne pas recourir à l’intelligence artificielle pour renforcer la sécurisation des établissements pénitentiaires et des personnes qui y sont incarcérées ? Le débat rejoint celui que nous avons eu précédemment concernant la visioconférence et les nouvelles technologies. Ces outils pourraient permettre de limiter certains déplacements des personnels pénitentiaires, parfois mobilisés pour escorter un détenu à une audience qui ne durera que cinq minutes. Ces agents pourraient alors être redéployés sur le terrain, dans les établissements, en leur épargnant des déplacements souvent disproportionnés par rapport à la durée des procédures judiciaires concernées.

Je considère que la gauche commet une erreur en refusant de doter nos personnels pénitentiaires des moyens technologiques susceptibles d’améliorer significativement leurs conditions de travail.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Soyez rassuré, monsieur Coulomme : j’écoute attentivement le personnel, ayant moi-même appartenu à ce corps. Lorsque j’exerçais à la prison des Baumettes, j’ai occupé ce poste de vidéo-protection où je devais surveiller simultanément une quarantaine d’écrans, tout en gérant les alarmes automatiques, les alertes des surveillants pénitentiaires agressés dans les coursives, ainsi que les communications avec l’aviation civile ou encore les services de police. 

Si j’avais pu bénéficier de cette IA pour faciliter mon travail quotidien, nous aurions certainement pu intervenir plus rapidement afin d’assurer la sécurité des personnels pénitentiaires qui subissent des agressions quotidiennes et se retrouvent parfois seuls face à 150 détenus. Ce dispositif permettrait assurément de prévenir certains actes de violence à leur encontre.

Vous évoquiez la nécessité de recruter davantage de personnel pénitentiaire. Je partage entièrement cette position, comme en témoigne ma proposition antérieure d’augmenter le budget consacré au recrutement. Or, vous avez précisément refusé l’embauche de 300 agents supplémentaires qui auraient renforcé les effectifs actuels.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL340 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Il s’agit d’octroyer davantage de moyens pour lutter contre la problématique des téléphones circulant dans nos établissements pénitentiaires. La majorité des brouilleurs téléphoniques actuellement déployés sont obsolètes. Or, comme je l’ai précisément documenté dans mon rapport de l’année dernière, l’utilisation de téléphones portables permet aux détenus de poursuivre leurs exactions depuis l’enceinte carcérale, parfois même de continuer à harceler leurs victimes, notamment leurs ex-conjointes qu’ils ont violentées, menacées ou persécutées. Ces appareils permettent également aux narcotrafiquants de perpétuer leur commerce depuis leurs cellules. Ils permettent même de commanditer des assassinats, comme nous l’avons constaté dans les Bouches-du-Rhône il y a quelques mois.

Il convient donc d’allouer davantage de crédits à la lutte contre l’utilisation des téléphones portables dans les établissements pénitentiaires. Je vous rappelle que l’usage de téléphones portables en détention a précisément conduit à l’évasion de Mohamed Arma et à la mort tragique de deux agents pénitentiaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL335 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Dans le même ordre d’idées que l’amendement précédent visant à mieux équiper les juridictions en matière de visioconférence, je propose ici d’équiper les établissements pénitentiaires de ces outils.Il ne s’agit aucunement de systématiser la visioconférence, mais de permettre, pour certains actes ne nécessitant pas impérativement le déplacement du détenu en juridiction, de recourir à cette solution. Cette mesure permettrait d’une part de soulager le personnel pénitentiaire chargé des extractions et de préserver leur sécurité, et, d’autre part, d’optimiser le fonctionnement de notre justice.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL341 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je présente à nouveau un amendement visant à mieux équiper nos établissements pénitentiaires pour les rendre impénétrables, notamment face à la menace des drones. Il s’agit de financer des brouilleurs anti-drones, ces appareils étant de plus en plus utilisés par les détenus pour se faire livrer directement dans leurs cellules parfois des repas, mais plus fréquemment de la drogue, des armes ou des téléphones portables. Ce phénomène existe certes depuis plusieurs années, mais nous constatons sur le terrain une croissance exponentielle de cette pratique.

Il est impératif de déployer les moyens nécessaires pour faciliter le travail du personnel pénitentiaire, pour réduire les risques qu’il encoure et pour soutenir les forces de sécurité intérieure qui interviennent dans la lutte contre ces drones.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL342, II-CL343 et II-CL347 de M. Romain Baubry (discussion commune)

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Notre système pénitentiaire ne peut fonctionner efficacement si nos prisons ne sont pas étanches. Nous ne pouvons garantir la protection de notre société si les détenus peuvent communiquer librement avec l’extérieur, souvent pour poursuivre leurs trafics et autres exactions. Nous devons impérativement lutter contre tous les moyens permettant l’introduction de drogues et de téléphones au sein des établissements pénitentiaires.

Je propose à cette fin trois amendements distincts.

L’amendement II-CL342 vise à financer de nouveaux filets anti-projections. Ces dispositifs ont démontré leur efficacité lorsqu’ils sont correctement installés, et il me paraît donc essentiel de poursuivre leur déploiement.

L’amendement II-CL347 propose quant à lui de financer une étude destinée à identifier les établissements susceptibles d’être équipés d’un dispositif de protection de type « volière ». Ce dispositif a déjà été mis en place à la prison du Ducos ou à celle de Charleville-Mézières avec des résultats très probants, selon les retours de terrain que nous avons recueillis auprès du personnel pénitentiaire. Il permet efficacement d’empêcher la récupération des projections par les détenus et, ainsi, de protéger l’enceinte pénitentiaire contre toute introduction de téléphones portables et d’armes.

Par l’amendement II-CL343, je propose d’améliorer la sécurisation des abords des établissements pénitentiaires. Certains de ces établissements souffrent d’un isolement insuffisant, avec une sécurité périmétrique très limitée, particulièrement au niveau des glacis – ces zones vides censées entourer les murs d’enceinte – qui sont parfois trop accessibles en raison de grillages constamment dégradés par les proches des détenus qui, lorsqu’ils en ont l’opportunité, n’hésitent pas à découper ces clôtures pour s’approcher du mur d’enceinte et lancer leurs colis.

Suivant les recommandations des syndicats de personnel de surveillance, je propose par cet amendement de financer l’installation des concertinas à la base de ces grilles, protégeant ainsi les glacis des établissements pénitentiaires. Cette mesure permettrait de compliquer significativement toute intrusion dans le domaine pénitentiaire et donc de limiter le phénomène des projections, l’objectif global étant de renforcer la sécurisation de nos prisons.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL333 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. En ma qualité de rapporteur pour avis du programme « administration pénitentiaire » et compte tenu des sujets que je considère comme prioritaires, je soutiens naturellement cette administration et défends avec conviction le budget qui lui est alloué. Nous l’avons démontré tout au long de l’examen de ces amendements. Malheureusement, vous les avez rejetés. Néanmoins, face au contexte budgétaire particulièrement contraint, je reconnais également la nécessité de réaliser des économies. Nous ne pouvons exiger des citoyens qu’ils se serrent la ceinture si nos propres administrations ne procèdent pas à leur introspection budgétaire.

Par cet amendement et les suivants, je vous proposerai donc plusieurs mesures de réduction des dépenses de l’administration pénitentiaire. Je propose tout d’abord de diminuer de 35 millions d’euros le budget consacré à l’hébergement et à la restauration des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires. En s’imposant un minimum de produits issus de l’agriculture biologique, ce poste de dépense s’est en effet alourdi. Un effort de rationalisation, notamment dans le choix et la mutualisation des marchés publics, est nécessaire pour contenir ces coûts.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL328, et II-CL327 de M. Romain Baubry, II-CL239 de M. Pouria Amirshahi (discussion commune)

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je sais que vous souhaitez tous réaliser des économies sur le train de vie de l’État et réduire certains gaspillages budgétaires. Ces amendements devraient donc vous satisfaire. Dans la continuité de cette logique de réduction des dépenses, je vous propose par l’amendement II-CL328 de diminuer de 9,8 millions d’euros les moyens consacrés au financement des activités culturelles, sportives et sociales en détention.

Par l’amendement II-CL327, je suggère de réduire de 5 millions d’euros le budget alloué aux associations intervenant en milieu carcéral à des fins culturelles ou artistiques, hormis les projets contribuant véritablement à la réinsertion. Les expérimentations créatives actuelles ne peuvent continuer à grever le budget de l’administration pénitentiaire et, par extension, celui de l’État. J’estime que de telles activités détournent notre système pénitentiaire de la finalité essentielle de la peine, qui consiste à sanctionner et à réinsérer le condamné. C’est précisément pour cette raison que je préconise une diminution des crédits affectés à ces budgets.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je souhaite proposer le renforcement d’un dispositif original autour de la médiation animale. Cette médiation favorise un mieux-être en présence des animaux, lutte contre l’isolement, réduit l’agressivité des jeunes détenus, améliore leur socialisation, prévient les risques suicidaires et facilite l’expression verbale.

Ce dispositif a déjà fait ses preuves, initialement auprès des adultes. En 2010, à la maison centrale d’Arles, sur 120 détenus, 98 se sont portés volontaires, et certains ont par la suite bénéficié d’une meilleure réinsertion grâce au lien établi avec les animaux.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. J’ai personnellement connu cette médiation animale lorsque j’exerçais à la maison centrale d’Arles. Je peux donc affirmer que la majorité des détenus qui s’inscrivaient à cette activité le faisaient uniquement dans l’objectif d’obtenir des remises de peine. Par conséquent, j’émets un avis défavorable concernant cet amendement.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. L’amendement du rapporteur Baubry est particulièrement surprenant puisqu’il supprime plus de 9 millions d’euros du budget qu’il est censé défendre sans les réallouer vers un autre poste budgétaire. Il aurait pu transférer ces fonds vers la protection judiciaire de la jeunesse, vers la justice judiciaire ou vers l’accès au droit.

Par ailleurs, il nous assène ces représentations stéréotypées de la prison présentée comme un « Club Med » regorgeant d’activités sociales. Le rapporteur nous rappelle que la peine a une fonction de sanction, ce que personne ne conteste. Cependant, je tiens à lui rappeler les termes précis de l’article 130-1 du code pénal : « Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions de sanctionner l’auteur de l’infraction, mais aussi de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ».

Je vois difficilement comment, en supprimant toutes les activités en détention, nous pourrions assurer la réinsertion de personnes incarcérées qui, rappelons-le, vivent dans des établissements surpeuplés. Certains s’intéressent depuis quelques semaines à la prison de la Santé en raison de l’incarcération d’un ancien président de la République. Je tiens à préciser que cet établissement, cette maison d’arrêt, connaît une surpopulation considérable avec un taux d’occupation de 190 %. J’espère donc que tous les détenus de cet établissement pourront continuer à bénéficier d’activités de réinsertion. C’est le minimum que nous puissions garantir.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Je souhaite appuyer les propos de Mme la rapporteure. Placer des personnes en détention répond d’abord à l’objectif de les retirer de l’espace public pour protéger la société d’éventuelles récidives. C’est la mission première, que nous pouvons d’ailleurs questionner lorsque nous constatons qu’aujourd’hui, de nombreuses personnes se retrouvent incarcérées simplement parce qu’elles sont indigentes dans l’espace public, sans constituer un réel danger pour autrui.

La seconde mission fondamentale est la suivante : le séjour en détention doit servir à quelque chose. Vous lui attribuez une fonction essentiellement vengeresse, punitive, afflictive. Vous souhaitez transformer la prison en enfer pour dissuader les individus d’y retourner, mais ce n’est absolument pas ainsi que fonctionne la réinsertion. Nous nous inscrivons dans une perspective humaniste et considérons que la resocialisation permet précisément la désistance et la réintégration dans l’espace public..

Pour nous, la culture, l’éducation, l’école en prison et les activités socioculturelles constituent des éléments absolument indispensables à la resocialisation de personnes qui n’ont pas nécessairement eu la même chance que vous de bénéficier d’une éducation privilégiée.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Je m’étonne profondément que l’on puisse présenter le maigre budget alloué aux activités en prison comme des dépenses relevant du train de vie de l’État. Voilà une conception particulièrement étrange. Cet amendement est manifestement caricatural, tant par sa portée, amputant une large partie du budget concerné, que par son orientation idéologique qui vise à véhiculer des contrevérités auprès de nos concitoyens et à stigmatiser davantage des personnes déjà en grande difficulté.

Contrairement aux affirmations récurrentes de votre camp politique, la prison n’est en rien comparable à un « Club Med ». Je tiens à rappeler que le quotidien de la majorité de nos détenus consiste à partager une cellule à plusieurs, avec une promenade d’une demi-heure, peut‑être une heure dans la journée. Le reste du temps se résume à l’enfermement. Seule une infime minorité de détenus accède à ces activités, et ce à une fréquence extrêmement limitée, peut-être un atelier deux fois par semaine. Mesurez-vous réellement ce que représente un enfermement de vingt-deux heures par jour dans une cellule surpeuplée, sans pratiquement aucune activité.

Comme l’a justement souligné mon collègue, la détention doit permettre aux personnes de ressortir meilleures, ou à défaut, moins dégradées qu’à leur entrée. On ne progresse pas dans la vie en restant inactif vingt-deux heures par jour, semaine après semaine.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas ce plaisir à priver des personnes de la possibilité de s’améliorer et de se sentir mieux. Je cherche vraiment le raisonnement qui mène à cette justification.

La médiation animale associe des animaux pour améliorer le bien-être et accompagner des personnes fragiles. Les détenus, particulièrement lorsqu’ils sont mineurs, présentent des fragilités. À moins de vouloir les enfermer éternellement dans leurs fautes, notre objectif en tant que législateurs, et plus largement les principes fondamentaux de notre politique pénale, consistent à veiller au mieux‑être pour que le condamné sorte de sa peine en devenant une personne meilleure.

La médiation animale repose sur les liens bienfaisants entre animaux et humains pour déployer des forces préventives, éducatives ou thérapeutiques. Vous pourriez demander à Mme Le Pen, qui affectionne particulièrement les chats, de confirmer l’impact immédiat sur le comportement des individus. Les mineurs, notamment, qui subissent des conditions d’enfermement particulièrement dures, ne méritent pas qu’à la peine s’ajoute un sadisme pénal privatif – privatif d’art, privatif de soins, privatif d’accompagnement, privatif aussi de relations avec le sensible. Il demeure fondamental de considérer que la vie des personnes incarcérées comporte aussi la possibilité de s’émerveiller et de s’éveiller à des dimensions sensibles par la relation avec d’autres êtres vivants. Je vous invite à y réfléchir, non seulement pour les mineurs détenus, mais de façon générale.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Notre discussion présente un grand intérêt, car nous observons d’un côté un amendement qui relève d’une certaine forme de sadisme, et à l’opposé, un amendement qui affirme qu’une personne, même ayant commis un acte délictueux ou un crime, peut changer et évoluer. Le rôle de la société, y compris de l’institution carcérale, consiste précisément à permettre cette réinsertion, ce retour à une vie normale, sans jugements perpétuels ni enfermement définitif.

J’ajouterai simplement que la problématique des prisons françaises, évoquée à de multiples reprises dans cette enceinte, demeure préoccupante. Sans reprendre tous les éléments du rapport de la CGLPL, je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour traitement inhumain et dégradant en prison en 2020. Cinq ans plus tard, ce même CGLPL dénonce toujours des conditions préoccupantes en établissement pénitentiaire qui contribuent à ces traitements inhumains et dégradants en prison. Je considère qu’il ne faut pas ajouter du malheur au malheur.

M. Jordan Guitton (RN). Je soutiens évidemment M. le rapporteur concernant la réduction des crédits pour toutes les activités ludiques. Le groupe Rassemblement national a déposé une proposition de loi pour siffler la fin de la récréation. Quel message envoyons-nous aux familles de victimes de criminels, délinquants, voleurs, violeurs, lorsque ces personnes, censées purger une peine d’incarcération, bénéficient de massages, pratiquent la danse, le surf, font du poney ou participent à des ateliers cinéma ? Cette situation jette un discrédit honteux sur notre système judiciaire.

Notre système judiciaire gagnerait en crédibilité en cessant de proposer ce type d’activités à des criminels dont la place est en prison. La prison ne doit pas devenir un club de vacances. À travers la réduction des crédits proposée par M. le rapporteur, le Rassemblement national entend mettre fin à cette aberration, et je reste convaincu qu’une majorité de Français partage notre position.

M. Stéphane Mazars (EPR). Je constate un paradoxe assez frappant : j’ai l’impression que Mme la rapporteure valorise de plus en plus, à chaque opposition aux amendements de son co-rapporteur, les dispositifs que nous avons instaurés depuis 2017, alors même que ni elle, ni son groupe politique n’ont voté en faveur d’aucune loi ni d’aucun crédit.

L’exemple actuel illustre parfaitement cette contradiction. Nous savons pertinemment que le meilleur moyen de favoriser la réinsertion positive d’une personne détenue réside dans l’accès au travail. Nous avons d’ailleurs approfondi ce sujet dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, où nous avons promu le travail carcéral et octroyé aux détenus qui travaillent de nouveaux droits sociaux.

À l’époque, votre groupe parlementaire s’était opposé avec véhémence à ces mesures, prétendant qu’elles constituaient un moyen d’asservir davantage les personnes détenues.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. J’ai écouté avec intérêt toutes ces déclarations d’humanistes professant leur amour pour les détenus. Vous en parlez abondamment, mais j’ai personnellement partagé leur quotidien pendant cinq ans. Je connais précisément leur réalité : les détenus ne restent pas enfermés vingt-quatre heures sur vingt‑quatre dans leur cellule. Ils disposent de nombreuses opportunités d’en sortir tout au long de la journée, pour participer à des activités, suivre des cours, se former, travailler, prendre l’air en promenade ou se rendre à divers rendez-vous au sein de l’établissement.

Je tiens à vous rassurer : la médiation animale ne constitue qu’une activité parmi d’autres. J’ai personnellement pu observer des sorties en ski au Mont Ventoux, des excursions en catamaran en Méditerranée et des activités équestres aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Vous ignorez même le fonctionnement d’une politique d’insertion et de probation. Vous auriez dû assister aux échanges que nous avons tenus dans le cadre de ce rapport, ainsi que l’année dernière.  J’ai échangé avec l’ensemble de l’administration pénitentiaire, du personnel de surveillance aux responsables de l’administration centrale. Tous affirment l’impossibilité de maintenir autant d’activités face au manque de personnel, alors même que vous venez encore de rejeter notre amendement visant à recruter davantage de surveillants.

Madame Thiébault-Martinez, vous déplorez l’état de délabrement des prisons, mais vous avez rejeté les crédits destinés à renforcer la rénovation de ces établissements pénitentiaires. Cessez donc de vous lamenter sur des situations que vous refusez de contribuer à améliorer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL329, II-CL331, II-CL332 et II-CL330 de M. Romain Baubry

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Dans le cadre de l’amendement II-CL329, je propose de réduire de 5 millions d’euros les crédits prévus au titre de la lutte contre la pauvreté en détention. Les personnes détenues sont nourries aux frais de l’État et du contribuable. Les autres dépenses telles que les équipements, appareils électroménagers ou télévisions constituent des dépenses accessoires dont le budget peut raisonnablement être réduit.

L’amendement II-CL331 propose de diminuer de 3 millions d’euros les crédits alloués à la réalisation de dossiers professionnels individuels numériques. L’intérêt d’une telle démarche apparaît en effet secondaire au regard des contraintes budgétaires et des urgences de notre système pénitentiaire.

L’amendement II-CL332 vise à réduire de 2 millions d’euros le budget alloué aux programmes collectifs, par exemple ceux censés aider les détenus à mieux gérer leurs émotions. Ces activités sont souvent suivies dans l’unique objectif d’obtenir des remises de peine, ce qui justifie cette réduction budgétaire.

Enfin, s’agissant de l’amendement II-CL330, la réforme du travail pénitentiaire votée par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021, a instauré un contrat d’emploi pénitentiaire déployé depuis le 1er mai 2022. Trois ans après, ce déploiement ne devrait plus engendrer de tels coûts. Je propose donc de diminuer de 2 millions d’euros le budget qui y est consacré.

M. Yoann Gillet (RN). Je soutiens les amendements de M. le rapporteur, qui relèvent du bon sens. Si nous interrogions les Français, ils approuveraient ces amendements. Ces Français qui travaillent dur et qui n’ont pas les moyens d’emmener leurs enfants pratiquer diverses activités le mercredi ou le week-end constatent qu’avec leurs impôts, nous finançons des activités ludiques pour ceux qui sont incarcérés pour ne pas avoir respecté les lois de la République.

Les Français rejettent ces privilèges accordés aux prisonniers. Ils refusent que les prisons se transforment en camps de vacances. Il est temps d’écouter les Français. À gauche, vous avez peut-être tendance à considérer les prisonniers avant tout comme des électeurs, mais ce sont d’abord des personnes qui ont fauté, qui n’ont pas respecté les lois de la République et qui n’ont pas à bénéficier de tels privilèges. Ils sont en prison, entre quatre murs, et certainement pas pour aller se promener sur la plage à cheval.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Ce débat sur les prisons est absolument passionnant. Quand il s’agit de Mme Le Pen, accusée d’avoir détourné 4 millions d’euros – un acte particulièrement grave –, vous ne parlez plus d’incarcération, mais de présomption d’innocence.

Non, la prison n’est pas un « Club Med ». S’il est si plaisant d’être incarcéré, je vous invite tous à séjourner en prison, à profiter de ce prétendu club de vacances, de ces sorties à cheval que vous évoquez.

La réalité est tout autre. Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière de sûreté publique, nous devons avant tout prévenir la récidive des personnes sanctionnées par la justice. En effet, lorsque des individus enfreignent la loi, notre système actuel les place dans un environnement carcéral dont ils ressortent parfois dans une situation  plus propice encore à la récidive. Vous pouvez déployer tous les efforts possibles pour châtier, punir avec une brutalité sans nom, mais si vous n’abordez pas la question fondamentale de la récidive, vous n’obtiendrez aucun résultat.

Vous nous accusez de considérer les prisonniers comme des électeurs potentiels, mais sachez que le taux de participation en prison n’était que de 2 % avant la mise en place du vote par correspondance, ce taux ayant ensuite atteint 20 % avant que cette possibilité ne soit supprimée par vos soins. Les détenus ne sont généralement pas des électeurs, mais des abstentionnistes.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, ce ne sont pas simplement des électeurs, mais des êtres humains. Si nous voulons résoudre les problèmes des personnes incarcérées, nous devons les considérer comme tels. Avoir des enfants constitue le meilleur rempart contre la récidive, car les personnes concernées souhaitent alors s’améliorer pour leurs enfants. Le jour où vous considérerez les prisonniers comme des êtres humains plutôt que comme des individus à châtier, nous aurons peut-être résolu une partie des problèmes.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis. Les collègues du Rassemblement national souhaitent réaliser des économies sur l’administration pénitentiaire. Je les invite donc à voter en faveur de notre mécanisme de régulation carcérale qui permettrait de réduire le nombre de détenus et, par conséquent, les dépenses associées. Cela rendrait également superflue la construction des 15 000 places de prison prévues.

Je remercie mon collègue Léaument d’avoir rappelé que si vous souhaitez véritablement préserver l’argent des contribuables européens et français, il conviendrait d’éviter les détournements de fonds publics, notamment les 4,4 millions d’euros évoqués, sans compter les autres affaires en cours. Une nouvelle procédure est d’ailleurs engagée au Parlement européen concernant un montant de 4 millions d’euros, sans mentionner l’affaire récente impliquant votre imprimeur. Je rappelle également, puisque nous évoquions la médiation animale il y a quelques instants, qu’une de vos collègues avait récemment financé ses frais de chenil avec de l’argent public.

Vous ignorez manifestement le fonctionnement réel des prisons et le coût effectif de la détention pour les personnes incarcérées. Selon un rapport sénatorial, ce coût s’élève au minimum à 200 euros mensuels par détenu. Votre démonstration concernant la télévision et le téléphone comme prétendus privilèges est totalement erronée. La télévision est louée pour 14 euros par mois, le réfrigérateur pour 7,50 euros mensuels. L’accès au téléphone fixe en cabine, et depuis peu en cellule dans certains établissements, est également payant : entre 70 euros et 110 euros par mois pour seulement vingt minutes d’appels quotidiens vers des téléphones portables dans l’Hexagone, et bien davantage pour les communications vers l’outre-mer. Dans les prisons équipées de buanderies, la lessive coûte entre un et deux euros par machine.

Ces éléments conduisent effectivement à un coût mensuel de 200 euros, tandis qu’un détenu sur quatre ne dispose d’aucune ressource. Par ailleurs, 22 % des personnes incarcérées sont considérées en situation de pauvreté carcérale, disposant de moins de 50 euros mensuels, ce qui les place dans une position de grande vulnérabilité. Elles ne reçoivent comme seule aide que quelques vêtements, des produits d’hygiène basiques, des kits de correspondance et, au maximum, une allocation de 20 euros. La télévision, censée être mise à disposition gratuitement, est pourtant facturée aux détenus.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Madame Cathala, il est particulièrement savoureux de vous entendre dresser la liste des personnes qui auraient des ennuis avec la justice quand M. Kerbrat, membre de cette commission, a été condamné pour avoir acheté de la drogue à un mineur dans le métro.

Je considère que lorsque l’on est parlementaire et complice de la délinquance des mineurs, que l’on accentue la charge de la justice et de l’administration pénitentiaire, il serait préférable de garder ses leçons pour soi. Lorsque vous évoquez les détenus auxquels il faudrait accorder davantage de moyens afin de gérer leurs émotions, je trouve particulièrement ironique de savoir que M. Quatennens, alors député qui siégeait avec vous, a été condamné pour violences conjugales. Vous devriez d’abord faire le ménage dans vos rangs avant de venir examiner ce qui se passe ailleurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL145 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CL189 de M. Emmanuel Duplessy

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cet amendement vise à renforcer les moyens alloués aux Spip pour améliorer en particulier le suivi des auteurs de violences sexuelles. Le suivi socio-judiciaire des auteurs constitue un élément essentiel dans la prévention de la récidive. Nous proposons que, dans les 186 établissements pénitentiaires présents sur notre territoire, soit instauré un poste CPIP dédié spécifiquement aux auteurs de violences sexuelles, pour un coût de 8,3 millions d’euros. L’objectif consiste à mettre en place une prise en charge adaptée à ces auteurs afin d’éviter la récidive.

M. Emmanuel Duplessy (EcoS). À la suite du Grenelle sur les violences conjugales de 2019, une expérimentation a été mise en place sur dix sites concernant des contrôles judiciaires avec placements probatoires concernant les personnes en attente de jugement pour des faits de violences conjugales. Le principe consiste à réunir ces personnes et à proposer un accompagnement contre la récidive, à la fois collectif et individuel. L’affaire des viols de Mazan a démontré à quel point les auteurs de ce type de délit sont présents dans toutes les strates de la société et regroupent différentes catégories sociales, des profils très variés, du travailleur au père de famille en passant par le retraité.

L’expérimentation conduite jusqu’à présent sur ces structures semble très concluante, particulièrement en termes de non-récidive et de prévention de la désinsertion. Nous proposons donc de doubler ce budget afin d’ouvrir dix nouvelles structures.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Nous vous avons précédemment proposé un amendement visant à augmenter les crédits pour recruter davantage de personnel pour les services d’insertion et de probation. Je ne comprends pas que vous proposiez, dans cet amendement, quasiment la même chose pour des motifs différents. Je tiens également à appeler à la prudence sur la prise en charge en milieu ouvert qui pourrait permettre à ces personnes condamnées de s’en prendre de nouveau à leur victime.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL133, II-CL134 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune)

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Les femmes représentent un peu plus de 3,5 % de la population carcérale en France, soit une part très faible. De ce fait, elles se retrouvent dans des conditions de détention où les équipements et les infrastructures ne sont pas adaptés à leur faible nombre. Le manque de personnel pénitentiaire pour effectuer l’ensemble des mouvements de cellules rend les conditions de détention des femmes encore plus difficiles que celles des hommes.

Il convient de noter qu’une grande partie de ces femmes détenues l’ont été pour des raisons de transport de drogue, en tant que « mules ». Ces femmes ont été entraînées dans une spirale délictuelle contre leur gré sous la pression de leur milieu social. Je souhaite également signaler que le taux de suicide en prison est huit fois supérieur à la moyenne et même vingt fois supérieur pour les personnes placées en isolement. À travers l’amendement II-CL133, nous demandons, afin d’améliorer les conditions de détention des femmes, la mise en place de dispositifs qui existent déjà pour les hommes, par exemple un centre de détention ouvert équivalent à celui de Casabianda, permettant ainsi une réinsertion plus rapide et plus efficace.

L’amendement II-CL134 s’inscrit dans le prolongement du précédent amendement, considérant que les femmes ont des nécessités et des besoins spécifiques qui requièrent des moyens adaptés, par exemple la fourniture de protections hygiéniques. De ce fait, nous avons besoin d’un budget pour pouvoir satisfaire ces demandes.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis.  Je souhaite souligner que j’ai entendu quelqu’un murmurer que « Ce n’est pas très écolo ». Nous parlons de la précarité menstruelle des femmes détenues, mais certains ne trouvent rien de mieux à dire. Depuis le début de l’examen de ce projet de budget, pas un seul euro supplémentaire n’a été voté pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, contre les violences conjugales et contre les violences intrafamiliales.

Pourtant, la lutte contre les violences conjugales a été un outil de communication utilisé lors ce quinquennat et du précédent, dont elle devait être la grande cause nationale. La réalité est que les budgets sont en constante baisse et qu’ils ne correspondent absolument pas aux besoins exprimés par les associations féministes.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Je souhaite apporter mon soutien à l’amendement de Mme Cathala, qui fait référence à la ferme Emmaüs Baudonne, située juste à côté de ma circonscription. Cette structure a été créée par une ancienne personne détenue et constitue un véritable modèle en matière de réinsertion. Elle accueille des femmes qui travaillent dans le secteur agricole et présente un taux de récidive pratiquement nul.

Les femmes qui se rendent dans cette ferme ne sont pas nécessairement en fin de peine. Elles y cultivent de nombreux produits, qui sont ensuite commercialisés sur les marchés régionaux, notamment celui de Bayonne. Contrairement à certains propos entendus ce matin, ce modèle fonctionne remarquablement bien et mérite d’être développé, tant pour les femmes que pour les hommes.

Nous voterons bien évidemment cet amendement ainsi que le suivant concernant la situation des femmes en détention. Face à la précarité carcérale, les femmes se trouvent souvent dans une situation encore plus vulnérable, ce qui rend leur détention particulièrement complexe.

M. Jean Terlier (EPR). Nous nous opposerons clairement à ces amendements. Il devient véritablement insupportable que l’on nous fasse constamment la leçon en prétendant que les budgets ne sont pas au rendez-vous ou qu’ils diminuent. Ces affirmations sont factuellement erronées : depuis 2017, le budget de la justice a augmenté de 40 %. Vous pouvez estimer, madame la rapporteure, que cette augmentation reste insuffisante, mais affirmer que les budgets sont en baisse est tout simplement inexact. Je trouve particulièrement paradoxal de recevoir des leçons de la part d’un groupe politique qui n’a jamais voté en faveur d’une augmentation du budget de la justice. Je vous invite à mettre vos votes en cohérence avec vos discours avant de venir nous présenter des amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL135 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Gabrielle Cathala, rapporteure pour avis.  Cet amendement vise à supprimer les quartiers de lutte contre la criminalité organisée créés par le garde des sceaux. Nous avions saisi le Conseil constitutionnel contre la création de ces quartiers, considérant, selon les critères du Conseil de l’Europe, que soumettre un individu à de telles conditions de détention et à un isolement aussi prolongé s’apparente à de la torture blanche.

Malheureusement, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré cette disposition, tout comme il n’a pas invalidé la retraite à 64 ans malgré l’utilisation manifestement inconstitutionnelle de l’article 47-1. Cette absence de censure ne constitue donc pas nécessairement un argument de validité. Je rappelle que s’opposent formellement à ce type de quartiers la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CGLPL, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature (SM).

Ces quartiers avaient d’ailleurs été supprimés par Monsieur Badinter en 1982. Nous avons panthéonisé Monsieur Badinter au début du mois d’octobre, précisément le jour de la journée nationale contre la peine de mort. Quarante ans après, nous assistons à un recul considérable. Ces quartiers, qui soumettent des individus à des conditions inhumaines, ne servent finalement qu’à faire de la communication politique.

M. le président Florent Boudié. Je tiens à intervenir, car vous mettez en cause les décisions du Conseil constitutionnel, une pratique malheureusement partagée par de nombreuses formations politiques. Généralement, quand les décisions ne sont pas favorables à la saisine, elles sont critiquées par les parlementaires. Force est de constater que ces dernières années, le Conseil constitutionnel tantôt censure, tantôt confirme, parfois dans le sens souhaité, parfois à l’inverse.

Je rappelle que nous avons la chance, en France, de disposer d’un juge constitutionnel indépendant et impartial. Je souhaite également souligner la faiblesse des moyens dont il dispose : moins de 80 salariés et un budget de fonctionnement de seulement 14 millions d’euros. Malgré cela, il accomplit sa mission avec rigueur en tant que juge suprême au sommet de la hiérarchie des normes. À titre personnel et en tant que président de la commission des lois, j’exprime ma lassitude face aux attaques récurrentes contre notre juge constitutionnel.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Concernant ces quartiers de haute sécurité, ma collègue Cathala a évoqué leur caractère inhumain, raison principale pour laquelle nous souhaitons les supprimer. Je tiens également à alerter nos collègues sur les problèmes de sécurité qu’ils soulèvent. Le ministre de la justice Gérald Darmanin a décidé d’y regrouper notamment les narcotrafiquants, ce qui revient, en réalité, à faciliter la constitution d’un cartel. Concentrer tous ces individus au même endroit, sous prétexte d’empêcher leurs communications, démontre une méconnaissance profonde du fonctionnement carcéral.

En revanche, vous concentrez ainsi des personnes disposant d’énormes capacités de corruption, mettant directement en danger le personnel pénitentiaire. J’ai personnellement interrogé M. Darmanin lors d’un entretien sur les mesures prévues pour assurer la sécurité des agents affectés à ces quartiers de haute sécurité. Il m’a simplement répondu qu’il en installerait trois pour permettre une rotation et garantir que tout se passe bien. Lorsque je l’ai questionné sur les dispositions concernant l’extérieur de ces quartiers, sa réponse a été inexistante. Nous exposons le personnel pénitentiaire à un risque majeur en concentrant au même endroit le pouvoir corruptif considérable de ces narcotrafiquants.

Mme Pascale Bordes (RN). Nous nous opposons fermement à ces amendements qui demandent la suppression des quartiers de lutte contre la criminalité organisée pour des raisons purement idéologiques. Ces arguments émanent manifestement de personnes déconnectées des réalités.

Connaissez-vous réellement le profil des individus placés dans ces quartiers ? Sans prétendre que leur création constitue une solution parfaite, nous agissons concrètement pour éviter ce qui se produit actuellement dans toutes nos prisons, notamment à la maison d’arrêt des Baumettes à Marseille, où les hauts responsables du narcotrafic se retrouvent et poursuivent tranquillement leurs activités criminelles, dans un contexte presque serein.

Il est donc impératif d’intervenir. Je comprends que la création de ces quartiers puisse vous heurter idéologiquement, mais il s’agit d’une question de sécurité pour le personnel pénitentiaire. Ces agents ont le droit d’exercer leur métier dans des conditions sûres, ce que seuls ces quartiers permettent actuellement. Sans affirmer que ce système est parfait, et en reconnaissant qu’il reste des aspects à améliorer, nous sommes précisément là pour travailler à ces améliorations.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur le président, vous avez raison de rappeler que le Conseil constitutionnel a jugé la conformité de cette disposition au regard de la Constitution.

Aujourd’hui, il s’agit simplement d’un débat budgétaire. Cette disposition peut être supprimée pour réaliser des économies tout en maintenant une politique pénale adaptée. Ces quartiers de haute sécurité, dont le coût est exorbitant, n’ont manifestement pas encore démontré leur pertinence. Ces structures mobilisent des moyens conséquents et peuvent engendrer des risques de corruption pour certains personnels pénitentiaires.

Elles sont surtout conçues exclusivement de manière coercitive et punitive, imposant des restrictions exorbitantes aux droits communs des détenus, notamment concernant leur correspondance, leur vie privée et d’autres dispositions dont nous avons déjà discuté lors du débat sur le rapport relatif au trafic. Sans revenir sur le fond, si notre objectif est de réaliser des économies, ce qui semble être un consensus partagé par beaucoup, nous pourrions prélever sur cette ligne budgétaire. Par conséquent, nous soutiendrons cet amendement.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Nous avons entendu beaucoup d’absurdités. Ne nous faites pas croire que vous vous préoccupez du personnel pénitentiaire. Leur sécurité et leurs conditions de travail ne vous intéressent absolument pas.

Ces établissements pénitentiaires spécifiques tentent simplement de faire respecter les règles qui devraient s’appliquer dans toutes les prisons du pays. Dans ces structures, il ne devrait y avoir ni téléphones, ni livraisons par drones, ni objets interdits transitant par les parloirs. Ces établissements pénitentiaires dédiés à la lutte contre la criminalité organisée visent uniquement à faire respecter les règles qui devraient prévaloir dans l’ensemble de nos prisons.

Le Rassemblement national défend depuis longtemps le modèle de ces établissements spécifiques adaptés aux profils des détenus, une demande portée d’ailleurs par le personnel pénitentiaire et la direction de l’administration pénitentiaire qui réclament par exemple des structures spécifiques pour les détenus atteints de troubles psychiatriques, les détenus radicalisés et ceux impliqués dans le narcotrafic. Je donnerai donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL118 de Mme Danièle Obono, II-CL228 de M. Pouria Amirshahi (discussion commune)

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Cet amendement II-CL118 vise à créer un fonds pour expérimenter un dispositif contraignant de régulation carcérale. Ce dispositif permet, lorsqu’un seuil d’occupation des prisons est atteint, d’engager des procédures d’aménagement des peines pour certains détenus en fin de peine. Cette approche favorise le désengorgement des prisons et contribue aux procédures de réinsertion des détenus.

Comme nous l’avons souligné dans toutes nos discussions relatives aux prisons, la situation des établissements pénitentiaires est catastrophique dans notre pays. Chaque mois, nous battons des records de surpopulation carcérale. Au 1er septembre 2025, 84 311 personnes étaient incarcérées contre 78 969 à la même date en 2024.

Je me suis rendu récemment à la prison de la Santé où le taux d’occupation atteint 190 %. Cette situation a évidemment des conséquences pour tous les détenus, pas uniquement les personnalités politiques préférées de la droite et de l’extrême-droite, mais également pour les agents pénitentiaires avec lesquels nous dialoguons régulièrement lors de nos nombreuses visites en prison. Pour ces agents, la suroccupation constitue un obstacle majeur à l’exercice de leurs missions.

Voilà pourquoi nous estimons que la création de ce fonds est nécessaire. Nous assumons notre cohérence, contrairement à la droite et l’extrême-droite qui font preuve d’une hypocrisie sans faille, en réclamant l’emprisonnement et la tolérance zéro pour ceux qu’ils considèrent comme des animaux, pour reprendre le terme employé récemment sur un plateau de télévision, des personnes qu’ils jugent différentes d’eux, tout en réclamant l’impunité pour leur propre camp.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je souhaite apporter mon soutien à cette initiative engagée par Elsa Faucillon, par le gouvernement et par vous-même, monsieur le président, concernant la régulation carcérale. Il s’agit de l’amendement CL228. Les montants proposés pour créer cette nouvelle ligne de programme intitulée « Conduite et pilotage de la politique de régulation carcérale » sont nettement moins importants que ceux de l’amendement précédent.

Je rappelle les chiffres : au 1er septembre 2023, 84 300 personnes étaient incarcérées pour 62 600 places disponibles, soit un taux d’occupation moyen de 127 %, dépassant 200 % dans certaines maisons d’arrêt. Ces données révèlent une inhumanité profonde de traitement qui nous a valu des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitement inhumain et dégradant. Le Conseil de l’Europe nous exhorte d’ailleurs à créer un mécanisme contraignant de régulation carcérale. Sans vouloir anticiper les travaux que vous avez vous-même initiés et sur lesquels nous souhaitons progresser, la création de cette nouvelle ligne de programme budgétaire nous permettrait de nous doter de moyens proportionnés à l’importance de l’enjeu pour évaluer, coordonner et prévenir la surpopulation carcérale.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Nous souffrons d’une sous-dotation carcérale. Le problème n’est pas l’excès de détenus, mais l’insuffisance de places. J’ai déjà eu l’occasion de le mentionner au garde des sceaux et de le rappeler tout à l’heure : il ne faut pas incriminer les élus locaux qui s’opposent à l’installation de prisons sur leurs territoires, alors que parfois le domaine pénitentiaire permettrait de construire davantage de bâtiments sur le foncier dont dispose déjà le ministère.

Nous sommes typiquement confrontés à votre idéologie du laxisme où vous cherchez à libérer tout le monde. Pour vous, la prison devrait être totalement abolie.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Nous assumons pleinement notre conception différente de la prison et de sa fonction dans notre société. Nous considérons effectivement que, comme à la prison de la Santé, près de 50 % des personnes en détention provisoire n’ont aucune raison d’y être incarcérées. Cette position est également défendue par la CGLPL et par de nombreuses organisations de défense des droits humains.

Je sais que les droits humains constituent pour l’extrême-droite un concept dérangeant, mais il existe aujourd’hui un consensus parmi les républicains et démocrates sur la nécessité de réduire la population carcérale, notamment pour que la prison retrouve son sens véritable. Notre approche ne relève pas du moralisme ou de la simple punition des fautes, mais bien d’une logique de réparation : réparation pour la société, pour les victimes, et pour les auteurs qui devront un jour se réinsérer.

Afin que cette réinsertion se déroule dans les meilleures conditions possibles, l’environnement carcéral doit être adapté, tant pour les détenus que pour les personnels pénitentiaires eux-mêmes. Ces derniers témoignent d’ailleurs régulièrement, loin des plateaux de télévision et des instrumentalisations politiciennes, du poids considérable que les conditions actuelles font peser sur leur travail. Je pense également aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation qui croulent sous des dizaines de dossiers. Notre approche représente donc la solution la plus humaine, mais également la plus efficace et intelligente.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL132 de Mme Danièle Obono

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Cet amendement vise à développer le placement à l’extérieur. Notre proposition s’appuie sur de nombreuses recherches démontrant que l’environnement carcéral constitue un milieu profondément désocialisant, situation aggravée par la surpopulation que nous avons déjà évoquée. Il s’avère donc particulièrement nécessaire d’accompagner la sortie de prison des détenus afin d’éviter les « sorties sèches » qui favorisent les spirales de récidive.

L’aménagement de la fin de peine représente une nécessité absolue qui ne peut se limiter à la surveillance par bracelet électronique. Aujourd’hui, seules 1 167 personnes bénéficient d’un placement à l’extérieur, un chiffre manifestement insuffisant au regard du nombre record de détenus. Le dispositif de placement à l’extérieur, qui comporte plusieurs modalités d’application, mérite d’être considérablement revalorisé. Nous proposons donc de redéployer une partie des crédits vers le financement des associations partenaires et, parallèlement, de créer un centre en milieu ouvert plutôt qu’un nouvel établissement pénitentiaire.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Vous proposez donc de ponctionner le budget de l’administration pénitentiaire, notamment en ce qui concerne le plan de construction de 15 000 places, afin de promouvoir davantage les alternatives à l’incarcération, particulièrement le placement à l’extérieur.

Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous avions, il y a un an, organisé au sein même de l’Assemblée nationale la projection d’un film consacré au placement à l’extérieur pour les détenus en fin de peine. Ce documentaire démontrait clairement que, dans le modèle de désistance que nous préconisons, le placement à l’extérieur durant les dernières années de détention constitue la solution la plus efficace pour lutter contre la récidive. Je vous invite vivement à visionner ce film, désormais accessible librement sur les réseaux.

Ce dispositif de placement à l’extérieur présente également l’avantage de réduire le nombre de personnes détenues en établissements pénitentiaires. Il allège ainsi la charge de travail des personnels dont vous prétendez défendre les intérêts, bien que vous vous opposiez généralement à toute revalorisation des rémunérations des fonctionnaires. La réduction de la surpopulation carcérale passe nécessairement par le placement des personnes dans des structures ouvertes en fin de peine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL237 de Mme Colette Capdevielle

Mme Colette Capdevielle (SOC). Cet amendement s’appuie directement sur le rapport d’information déposé le 11 juin 2025 par notre collègue Les Républicains, le député Jean-Didier Berger. Ce rapport conclut à l’absence d’évaluation démontrant l’efficacité des(centres éducatifs fermés (CEF) et recommande de suspendre le plan de création de vingt-six CEF..

Notre amendement propose donc de réaffecter ces fonds considérables, actuellement destinés au dispositif le plus coûteux de la protection judiciaire de la jeunesse, vers d’autres missions de cette même protection judiciaire, qui en a cruellement besoin.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Michaël Taverne (RN). J’ignore dans quel univers évolue ma collègue lorsqu’elle affirme que les centres éducatifs fermés ne fonctionnent pas. Je vous invite à visiter ces établissements. Ma circonscription en compte deux, ainsi qu’un centre éducatif renforcé (CER). La PJJ des Hauts-de-France m’indique précisément que nous manquons de moyens dans ces centres. Lors de mes nombreux échanges avec les jeunes qui y sont accueillis, ceux-ci expriment leur reconnaissance envers ces structures.

Consultez les équipes de la PJJ et vous constaterez leur efficacité pour réinsérer ces jeunes. Il est essentiel de disposer d’un CEF dans chaque département, afin d’assurer la réinsertion des jeunes.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Je ne peux pas vous laisser dire que les CEF fonctionnent efficacement. Je vous invite, cher collègue, à consulter ce rapport d’information du 11 juin 2023. Un député Les Républicains y affirme précisément qu’aucune évaluation nationale ne démontre l’efficacité de ces centres. Votre expérience personnelle ne saurait contredire les conclusions d’un rapport parlementaire. Je vous suggère d’en discuter directement avec son auteur qui, contrairement à vous, a effectué un tour de France complet des CEF et mené de nombreuses auditions sur ce sujet. Malheureusement, ces structures extrêmement coûteuses ne produisent pas les résultats escomptés.

M. Jean Terlier (EPR). Je souhaite apporter quelques précisions concernant les centres éducatifs fermés. Je tiens à rappeler à ma collègue socialiste l’existence d’un autre rapport que j’ai corédigé avec notre ancienne collègue socialiste Cécile Untermaier. Dans le cadre de ce travail, nous avions visité plusieurs établissements de ce type. Force est de constater, chère collègue, que ces structures fonctionnent parfois remarquablement bien. Il convient de rappeler que ces CEF constituent la dernière alternative avant l’incarcération. Ils permettent effectivement de réinsérer des jeunes confrontés à de graves difficultés et, souvent, de les extraire de leur environnement d’origine.

Chaque jeune y bénéficie de l’accompagnement d’un éducateur dédié. On y réapprend parfois les fondamentaux, comme se lever le matin, respecter un horaire, suivre une scolarité. Je ne peux donc accepter l’affirmation selon laquelle ces centres ne fonctionneraient pas. Si certains établissements rencontrent des difficultés, la grande majorité d’entre eux remplissent parfaitement leur mission. Je rappelle que cette politique de création de CEF avait été initiée par Nicole Belloubet lorsqu’elle était garde des sceaux, une initiative qui me paraît toujours pertinente.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL212 de Mme Colette Capdevielle, II-CL121, II-CL123 et II-CL124 de Mme Danièle Obono, II-CL212 de M. Pouria Amirshahi, II-CL345 de M. Romain Baubry (discussion commune)

Mme Colette Capdevielle (SOC). Je défends l’amendement II-CL212. Nous considérons qu’aujourd’hui nous devons accorder la priorité à la jeunesse, car elle se trouve en danger et mérite un avenir plus durable. C’est précisément pour cette raison que nous proposons de créer des postes, notamment au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, qui connaît actuellement une situation véritablement préoccupante.

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Je défends conjointement les amendements II-CL121, II-CL123 et II-CL124. Nous proposons un plan de recrutement de personnel au sein de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Nous déplorons que les orientations politiques de ces dernières années concernant les mineurs délinquants contredisent l’essence même de la PJJ, qui devrait privilégier l’éducatif plutôt que le répressif.

Depuis la loi Perben de 2002 jusqu’à la refonte du code de la justice pénale des mineurs, en passant par la proposition de loi Attal qui a tenté de mettre fin à l’excuse de minorité et de créer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, ces différentes réformes ont remis en cause les fondements de l’ordonnance de 1945. Ces principes n’ont pourtant pas pour objectif de chercher des excuses, mais plutôt d’inscrire la justice dans une vision humaniste que nous partageons.

La situation actuelle au sein de la PJJ est absolument catastrophique, comme le soulignent également les agents de ce secteur et leurs syndicats. Elle est marquée par un manque de moyens et une réduction des personnels sociaux et éducatifs. L’ensemble des organisations syndicales alerte sur cette situation depuis des années et rappelle la nécessité de disposer d’éducateurs, d’éducatrices, de psychologues et de personnels nécessaires pour accompagner efficacement les mineurs. Un éducateur ou une éducatrice ne devraient pas avoir plus de 20 jeunes à leur charge, quand ce ratio atteint aujourd’hui 180 jeunes. Pour ces raisons, nous jugeons urgent de recruter un millier d’ETP dans la catégorie des métiers sociaux, de l’insertion et de l’éducatif.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Notre amendement II-CL221 propose de renforcer les moyens à hauteur de 30 millions d’euros, soit l’équivalent de 500 équivalents temps plein. En 2023, plus de 137 000 jeunes ont été suivis par la PJJ ; soit autant d’histoires fragiles, de parcours de vie qui auraient pu basculer sans l’action des éducateurs, des psychologues, des assistants sociaux et des travailleurs spécialisés dans le domaine de la prise en charge et de l’accompagnement de ces jeunes en construction.

Le travail accompli par ces éducateurs spécialisés et tous ceux qui contribuent à ces résultats empêche la récidive, le décrochage, la violence et le repli sur soi. Ces professionnels ne disposent manifestement pas des moyens suffisants pour agir de façon qualitative ni quantitative. Ce coût social pèse lourdement sur chacun d’entre nous, mais aussi sur ces jeunes dont l’avenir se trouve compromis, et sur la société tout entière, pour toutes les raisons déjà développées à maintes reprises dans cette commission.

M. Romain Baubry, rapporteur pour avis. Je délivre un avis défavorable aux amendements proposés, car l’effort demandé est démesuré et irréaliste. Je vous propose en revanche un amendement visant à allouer 12,6 millions d’euros pour accroître les moyens de la PJJ, proposition bien plus réaliste et abordable.

M. Michaël Taverne (RN). Ces amendements démontrent à quel point la gauche se trouve totalement déconnectée de la réalité du terrain, faisant preuve d’une idéologie poussée à un niveau inconcevable. Vous vous opposez aux centres éducatifs fermés alors que ces structures, dotées de professeurs, de psychologues, d’éducateurs et d’encadrants sportifs, fonctionnent remarquablement bien.

Je vous invite à dialoguer directement avec les personnes concernées. Lors de ma visite dans ces CEF, où je me suis présenté comme député du Rassemblement national et ancien policier, j’ai reçu un excellent accueil. Un jeune du centre m’a même confié : « Monsieur le député, tout ce que vous avez dit depuis le début s’avère exact. Aujourd’hui, j’ai un emploi, je reviens dans le droit chemin, et j’envisage désormais de fonder une famille. Vous aviez raison, et ce centre éducatif fermé m’a permis de m’en sortir ».

Il faut évidemment privilégier et voter l’amendement de Monsieur le rapporteur.

La commission rejette successivement les amendements.

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Puis, la Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier (n° 1987) (Mme Sylvie Josserand, rapporteure).

Les amendements qui n’ont pas été examinés lors de la réunion tenue en application de l’article 86 du Règlement ont été repoussés.

 

 

La séance est levée à 13 heures 05.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Marie-José Allemand, M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, M. Romain Baubry, Mme Sophie Blanc, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Thomas Cazenave, M. Paul Christophle, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jonathan Gery, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jordan Guitton, M. Patrick Hetzel, M. Jérémie Iordanoff, Mme Sylvie Josserand, Mme Marietta Karamanli, Mme Émeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, Mme Katiana Levavasseur, Mme Marie-France Lorho, Mme Hanane Mansouri, M. Éric Martineau, Mme Élisa Martin, M. Bryan Masson, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Jean Moulliere, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Marc Pena, Mme Lisette Pollet, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, M. Hervé Saulignac, M. Michaël Taverne, M. Jean Terlier, Mme Céline Thiébault-Martinez, M. Roger Vicot, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - Mme Émilie Bonnivard, M. Roland Lescure, Mme Naïma Moutchou, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Andrée Taurinya, M. Antoine Villedieu, M. Jiovanny William