Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis) 2
– Examen pour avis et vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État : programme Conseil d’État et autres juridictions administratives » (M. Jean- Luc Warsmann, rapporteur pour avis) 44
Lundi
3 novembre 2025
Séance de 16 heures
Compte rendu n° 13
session ordinaire de 2025-2026
Présidence
de M. Florent Boudié,
président
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La séance est ouverte à 16 heures
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission procède à l’examen pour avis et au vote des crédits de la mission
« Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).
M. le président Florent Boudié. Nous poursuivons l’examen pour avis des missions budgétaires avec les crédits de la mission Outre-mer.
M. Yoann Gillet (RN). « Le budget en débat doit refléter les priorités de nos concitoyens des outre-mer » : ces mots ne sont pas les miens, mais ceux de Naïma Moutchou, ministre des outre-mer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça commence très mal. Dans la plus fidèle continuation de la politique menée par Emmanuel Macron, le gouvernement Lecornu, poursuivant le désengagement de l’État, nous présente un projet de loi de finances (PLF) pour 2026 qui est un véritable danger pour nos territoires ultramarins. C’est chaque année la même rengaine : coupes budgétaires massives, économies comptables au détriment des Français, absence de toute vision stratégique pour l’avenir de nos outre-mer. On réduit les moyens, on ferme les yeux sur les réalités et on continue comme si de rien n’était. Parallèlement, les ministres se succèdent, avec leurs discours creux et leurs mensonges.
Ce budget est une menace concrète pour le développement économique, social et humain de nos territoires. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les crédits de la mission Outre-mer passent à 2,91 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une diminution de 17,75 %, et les crédits de paiement (CP) chutent à 2,83 milliards d’euros, en baisse de 5,14 %. Alors que ces territoires sont déjà fragilisés par l’éloignement, l’immigration de masse pour certains, des surcoûts logistiques, un chômage important et la précarité, une telle diminution des moyens est inacceptable. Nous ne parlons pas seulement de chiffres inscrits sur une page : chaque euro retiré, chaque budget amputé, c’est une école qui ferme, un hôpital moins équipé, une route moins entretenue, un emploi qui disparaît. Le gouvernement choisit de regarder ailleurs, comme si les défis des outre-mer n’existaient pas : c’est une erreur historique.
Le programme 138, Emploi outre-mer, enregistre une diminution globale de 16 %, et son action phare, Soutien aux entreprises, perd 19 % de ses crédits – une baisse que le gouvernement justifie par la réforme des mécanismes d’exonération des cotisations sociales prévus par la Lodeom (loi pour l’ouverture et le développement économique de l’outre-mer), mais qui cache une réalité inquiétante. En effet, ce dispositif, essentiel à l’emploi ultramarin, permet de réduire le coût du travail pour les entreprises et les travailleurs indépendants, et donc de soutenir directement la compétitivité et la création d’emplois. Pourtant, le gouvernement a choisi de fragiliser ce pilier en réduisant les exonérations et en supprimant le barème « innovation et croissance », qui permet aux entrepreneurs innovants d’embaucher. Le résultat est clair : une économie dérisoire de 350 millions d’euros sur un budget qui en compte 1,5 milliard, obtenue au prix d’une augmentation du chômage, d’un recours massif au travail informel et d’une baisse des recettes fiscales et parafiscales. Loin d’être un simple ajustement budgétaire, cette décision est un coup dur pour l’emploi et l’avenir économique de nos territoires ultramarins. « Dans tous les outre-mer, une même aspiration : plus de perspectives et plus de confiance. » Là encore, ce ne sont pas mes mots, mais ceux de la ministre Moutchou. Le budget qu’elle présente avec le gouvernement dit pourtant tout l’inverse.
Le programme 123, Conditions de vie outre-mer, suit la même logique : les autorisations d’engagement diminuent fortement, notamment pour le logement social, l’aménagement du territoire et le soutien aux collectivités, tandis que certains crédits de paiement augmentent artificiellement pour masquer la réalité.
Les effets de ce budget sont déjà perceptibles dans l’ensemble des territoires ultramarins : forte montée des inégalités, accès encore plus limité aux services publics, investissements toujours plus insuffisants et fragilisation de l’économie locale, déjà fortement touchée. Le gouvernement Lecornu choisit de rester sourd aux réalités, reproduisant la politique menée ces dernières années – des économies à court terme pour des conséquences sociales et économiques lourdes à moyen et long termes.
La ministre nous dira sans gêne que la mission Outre-mer ne représente qu’une infime partie des crédits injectés dans les territoires ultramarins : certes, mais ni elle, ni sa collègue ministre des comptes publics n’ont été capables de détailler l’ensemble de ces moyens, ministère par ministère, lors d’une réunion de la délégation aux outre-mer le 29 octobre. Une chose est certaine : les coupes budgétaires prévues par le gouvernement dans les différents ministères auront forcément des effets négatifs, y compris en outre-mer. Par exemple, en diminuant de plus de 7 milliards le budget alloué aux collectivités, le gouvernement s’attaque injustement non seulement aux collectivités de métropole, mais aussi aux collectivités ultramarines, sans que cela ne transpire dans le budget de cette mission.
Je le répète : sans économie structurelle sur les mauvaises dépenses de l’État, le budget ne peut pas tenir. Rapporteur pour avis de la commission des lois sur le budget outre-mer, je suis aussi un député engagé, membre du groupe Rassemblement national. Et si mon groupe a pu présenter un contre-budget qui n’affaiblit pas l’outre-mer et ne diminue pas les crédits de cette mission, c’est parce qu’il a eu le courage de dire qu’il fallait faire des économies : des économies sur les dépenses inefficaces, à hauteur de 32,4 milliards, en diminuant la contribution à l’Union européenne et les crédits des agences et opérateurs de l’État ; des économies sur l’immigration, de l’ordre de 11,9 milliards d’euros, en réservant les aides sociales aux Français ou aux étrangers qui auraient cotisé au moins cinq années, en transformant l’aide médicale de l’État (AME) en aide médicale d’urgence, ou encore en supprimant les visas pour raisons médicales ; des économies, aussi, sur les dépenses inutiles, à hauteur de 4,1 milliards, en engageant une réforme structurelle du millefeuille administratif ; sans compter, évidemment, l’augmentation des recettes en rétablissant une certaine justice fiscale – bref, en menant une politique résolument différente de celle menée depuis désormais plusieurs décennies.
Mon rapport budgétaire porte également sur la situation de deux de nos joyaux, la Guadeloupe et la Martinique où, respectivement, le chômage atteint 19,5 % et 17,2 % – des chiffres bien supérieurs à la moyenne nationale –, la pauvreté touche 27 % et 23 % de la population, et plus de 12 000 et 9 500 faits de violence ont été enregistrés, avec une forte augmentation des cambriolages, vols et agressions. Ces chiffres sont un véritable signal d’alarme pour la sécurité et la cohésion sociale. La jeunesse est confrontée à un marché de l’emploi fragile et à des formations insuffisantes. La démographie pose également un défi de taille, car la population est jeune alors que les opportunités se raréfient.
Lors de mon déplacement sur place il y a quelques semaines, j’ai pu constater l’ampleur de ces phénomènes. Les habitants témoignent d’un sentiment d’abandon, déplorent des services publics surchargés et le manque de perspectives ; les entrepreneurs alertent sur la fragilisation du tissu économique, et les collectivités locales sur les moyens insuffisants pour assurer leurs missions essentielles – nombre d’entre elles sont d’ailleurs dans une situation financière très préoccupante. Ces constats ne sont pas abstraits : ils traduisent la vraie vie des Guadeloupéens et des Martiniquais, directement touchés par des choix budgétaires irresponsables. Pourtant, le gouvernement continue dans la même direction, poursuivant la même logique de rigueur aveugle, stupide, contre-productive. Il continue de serrer la vis, alors qu’il faudrait investir, soutenir, accompagner ; il fait des économies comptables au prix de vies humaines et d’emplois : c’est dangereux, et ce n’est pas de la gestion, mais de l’abandon.
Disons-le clairement : nos territoires ultramarins ne peuvent plus attendre. Ce PLF 2026 n’est pas qu’un budget, c’est un signal fort : le gouvernement Lecornu, fidèle exécutant d’Emmanuel Macron, choisit la continuité d’un plan de destruction de l’outre-mer, sans remise en question, sans adaptation aux besoins réels, sans vision pour l’avenir. Face à cette situation, il est urgent d’alerter : nous ne pouvons accepter que nos territoires ultramarins soient abandonnés à des logiques de coupes, alors même qu’ils ont besoin de soutien, d’investissements et de moyens pour se développer durablement. Sans détour, je veux dire à nos compatriotes ultramarins qui nous regardent qu’ils n’ont rien à attendre de ceux qui les méprisent – rien à attendre de la Macronie et de leurs alliés socialistes et LR, qui ont tous mené des politiques néfastes à leur endroit ; rien à attendre non plus de l’extrême gauche, qui a fait de la misère humaine son fonds de commerce.
En revanche, je veux les assurer du soutien de ceux qui offriront une véritable alternance à la France, le Rassemblement national et son alliée l’UDR, qui défendent un projet ambitieux pour restituer à l’outre-mer le respect et la place qu’il n’aurait jamais dû perdre.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux orateurs des groupes.
Mme Katiana Levavasseur (RN). Ce projet de loi de finances prétend faire de l’outre-mer une priorité nationale, mais les chiffres racontent tout autre chose. Les autorisations d’engagement de la mission Outre-mer diminuent de 17,7 %, passant de 3,54 milliards à 2,91 milliards, quand les crédits de paiement tombent de 2,98 milliards à 2,83 milliards, en baisse de 5 %. En clair, 623 millions d’euros en autorisations d’engagement et 151 millions d’euros en crédits de paiement disparaissent, alors que les besoins sociaux et économiques explosent.
Le programme 138, qui prévoit des crédits pour soutenir l’emploi et les entreprises, recule de 16 %, tandis que les crédits visant à compenser les exonérations prévues par la Lodeom chutent de plus de 340 millions par rapport à l’année dernière. Résultat : des centaines de petites entreprises verront leurs charges augmenter, alors qu’elles subissent déjà l’isolement, la vie chère et les surcoûts logistiques.
Côté dotation d’équipement, le message est tout aussi clair : la baisse de 21 % en AE du programme 123, c’est autant de capacités en moins pour construire, rénover et mettre aux normes les logements, mais aussi nos écoles, collèges et lycées. Salles de classe, sanitaires, cantines, internats, accessibilité, protection thermique, climatisation : les besoins sont pourtant immenses, mais la situation se dégrade chaque jour. Si le fonds de reconstruction pour Mayotte passe bien de 100 millions à 200 millions d’euros, cette augmentation reste dérisoire face à la crise de l’eau, aux défaillances structurelles, à l’insécurité record et à l’immigration incontrôlée. En Guyane, l’orpaillage illégal continue de détruire le territoire. En Guadeloupe, le scandale du chlordécone continue d’empoisonner la population. Et à La Réunion comme en Polynésie, les projets énergétiques et climatiques attendent toujours leurs financements, repoussés par l’État d’année en année.
Dans les autres missions du budget, la logique est la même : seuls 2 millions d’euros de la mission Sécurités sont fléchés vers la sécurité routière ultramarine, alors que la mortalité routière y est deux à trois fois supérieure à celle de la métropole. Aucun autre crédit n’est fléché vers Mayotte et la Guyane, qui sont pourtant les deux territoires où notre frontière est la plus exposée, où l’immigration clandestine déstabilise des pans entiers de la vie sociale, où la justice et la police sont débordées. Et si le budget de la mission Immigration, asile et intégration est bien en hausse, l’effort vient avant tout soutenir l’asile, en bénéficiant principalement à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) et à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides).
Ce budget n’est donc pas un budget d’équité ou de justice territoriale : c’est un budget d’abandon. Refusant cette politique de repli et cette logique comptable, le Rassemblement national présente une alternative claire, chiffrée et crédible : rétablir les crédits de la mission Outre-mer, lancer un plan de rattrapage pour l’eau, le logement et les infrastructures, utiliser une part des crédits des missions Sécurités et Immigration, asile et intégration pour renforcer la présence de l’État, rétablir la péréquation énergétique ou encore maintenir les exonérations prévues par la Lodeom. La République ne s’arrête pas aux rivages. L’outre-mer n’est pas un coût, c’est une richesse, c’est notre souveraineté, c’est notre avenir. L’égalité réelle ne se décrète pas, elle se finance : voilà la différence entre de simples mots et une volonté, entre des slogans et une politique de nation ; voilà la différence entre vous et nous. L’outre-mer mérite un État qui le regarde, pas un comptable qui le recalcule.
M. Ludovic Mendes (EPR). Cette mission s’inscrit dans un contexte de redressement des comptes publics, tout en maintenant un effort significatif en faveur des territoires ultramarins. Les autorisations d’engagement diminuent de 17,7 % pour s’établir à 2,91 milliards d’euros, tandis que les crédits de paiement reculent plus modérément, de 5,1 %, pour s’établir à 2,83 milliards d’euros. Cette évolution résulte principalement de la réforme du dispositif prévu par la Lodeom, désormais intégré au PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), et d’un recentrage des politiques de soutien sur les secteurs et publics prioritaires. Malgré cette baisse, les crédits restent supérieurs de 34 % à leur niveau de 2017, signe d’une trajectoire budgétaire globalement dynamique sur le moyen terme.
Le programme 138, Emploi outre-mer, voit ses crédits diminuer d’environ 16 % à la suite de la réforme des exonérations de charges patronales, qui vise à simplifier le dispositif pour en renforcer l’efficacité et l’impact sur l’emploi, et à mieux cibler les entreprises qui en bénéficient. La compensation budgétaire du dispositif s’élèvera à 1,4 milliard d’euros en 2026. Parallèlement, plusieurs dispositifs sont maintenus ou adaptés, comme le service militaire adapté (SMA), qui continue d’accompagner plus de 4 200 jeunes. Les aides au fret et le soutien aux entreprises du secteur productif perdurent, et de nouvelles mesures en faveur de la mobilité sont introduites, tels le passeport pour le retour, destiné aux ultramarins installés en métropole, ou le passeport pour la mobilité des actifs salariés, afin de faciliter les parcours professionnels entre les territoires.
Le programme 123, Conditions de vie outre-mer, traduit quant à lui une évolution contrastée. Les autorisations d’engagement reculent de 20,8 %, mais les crédits de paiement augmentent de 22,4 % pour accompagner le rattrapage des projets en cours, notamment en matière de logement et d’aménagement. La ligne budgétaire unique est reconduite et la continuité territoriale, assurée par L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), progresse légèrement. Le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) connaît en revanche une contraction importante, tandis que le fonds de secours pour les outre-mer (FSOM) est doublé pour mieux faire face aux catastrophes naturelles. Le soutien aux collectivités locales est maintenu, en particulier à Mayotte, à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre des contrats de convergence et de transformation (CCT). Les dépenses fiscales associées à la mission augmentent légèrement, passant de 339 à 370 millions d’euros, notamment du fait de l’extension de l’exonération de TVA sur certains produits essentiels et du maintien des abattements fiscaux en zone franche d’activité nouvelle génération (Zfang). Enfin, les emplois publics restent globalement stables à 5 589 équivalents temps plein (ETP), la légère réduction de dix postes à Ladom étant compensée par des redéploiements internes.
Si la mission Outre-mer pour 2026 marque une phase de rationalisation budgétaire, elle préserve des leviers d’action essentiels en matière d’emploi, de mobilité, de logement et de résilience des territoires. Elle poursuit, quoique dans un cadre plus maîtrisé, l’objectif de soutien au développement économique et social des outre-mer, tout en assurant la continuité des politiques publiques indispensables à leur cohésion.
M. Jiovanny William (SOC). Cette mission avait déjà fait l’objet d’une tentative de purge l’année dernière. C’est donc sans grande surprise que son budget fait de nouveau l’objet de coupes importantes au titre de l’année 2026. Ses crédits sont en baisse de 623 millions en AE et 150 millions en CP. Les programmes 138 et 123 sont fragilisés, le premier par une tentative de déstructuration des économies locales, le second par un manque de considération pour les problématiques auxquelles les ultramarins sont confrontés au quotidien – se loger, se former, se déplacer, pour ne citer que ces exemples.
Notre groupe présentera des amendements qui, tout en tenant compte des difficultés budgétaires de la France, visent un triple objectif : sanctuariser les crédits essentiels en alignant les niveaux de dépense sur ceux de 2025 ; traduire en actes les engagements du gouvernement en matière de réduction du coût de la vie en outre-mer ; redonner espoir à la jeunesse et l’encourager à se saisir des outils destinés à favoriser le retour au pays, les territoires ultramarins étant, faut-il le rappeler, parmi les plus vieillissants.
S’agissant des crédits, le gouvernement a souhaité, cette année encore, diminuer drastiquement le soutien aux entreprises – à hauteur de 400 millions d’euros en AE et CP –, notamment en révisant le dispositif dit Lodeom – une révision qui figure à l’article 9 du PLFSS, dont vous connaissez les termes. Nous rappelons donc à nouveau que l’économie de nos territoires est structurée principalement autour des TPE et des PME (très petites, petites et moyennes entreprises), qui créent chaque année des centaines, voire des milliers d’emplois. Par conséquent, la réforme du dispositif prévu par la Lodeom et du Rafip (régime d’aide fiscale à l’investissement productif) ne saurait être menée sans étude d’impact préalable, territoire par territoire, par activité et par type de structure. En cohérence avec la proposition de suppression de l’article 9 du PLFSS, notre groupe proposera de réintégrer les crédits alloués au soutien des entreprises ultramarines au sein du programme 138 de la mission Outre-mer.
Les crédits du programme 123, Conditions de vie outre-mer, chutent également, avec une baisse de 300 millions d’euros en autorisations d’engagement, et une division par deux du fonds exceptionnel d’investissement à destination des communes, abaissé de 50 millions d’euros en AE et 30 millions d’euros en CP. Cette baisse est inadmissible, et nous proposerons de rehausser ces crédits. Autre baisse tout aussi inacceptable : celle du budget alloué au logement, en particulier au logement social, alors même que les délais d’attente pour y accéder sont particulièrement et anormalement longs. Nous avons également constaté d’autres lacunes, notamment un sous-financement de Ladom, entraînant l’absence de crédits pour financer le passeport pour le retour, nouveau dispositif qui devrait permettre à la jeunesse de réussir son retour au pays, et dont le décret d’application a été publié en septembre. Et je ne parle pas du Febecs (fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif), sous-dimensionné, et des autres dispositifs dont les crédits ont tous été diminués.
Enfin, alors que le Sénat vient d’examiner en première lecture le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, le programme 123 ne contient aucune mesure pour lutter contre ce fléau – nous y reviendrons à travers nos amendements.
M. Steevy Gustave (EcoS). Il y a des chiffres qui disent bien plus qu’une équation budgétaire : ils disent la distance entre la République que nous proclamons et celle que nous vivons. Le budget de la mission Outre-mer en est l’illustration douloureuse. En 2026, ses moyens reculent de plus de 620 millions d’euros en autorisations d’engagement, et de 153 millions en crédits de paiement. Toutes missions confondues, la baisse des crédits dédiés à l’outre-mer atteint même plus de 2,5 milliards d’euros – c’est colossal, inédit et incompréhensible. Ces chiffres ne sont pas des abstractions mathématiques : derrière, il y a des vies, des familles qui peinent à remplir leur chariot de courses, des jeunes diplômés qui ferment la porte de leur maison et embrassent leurs parents avant de s’envoler, contraints de chercher ailleurs ce qu’ils auraient voulu bâtir chez eux. Derrière, il y a des mères qui attendent un logement digne depuis dix ans, et des territoires qui, malgré leur beauté et leur courage, se sentent relégués, comme si la République avait une périphérie. Car sabrer dans les crédits qui permettent le développement, le logement, l’emploi ou la lutte contre la vie chère, c’est refuser de voir ces réalités ; c’est dire à nos concitoyens ultramarins que leur souffrance n’est pas notre priorité.
Le logement, d’abord : les crédits reculent de 26 millions d’euros, et pourtant, dans les outre-mer, tout coûte plus cher – les matériaux, la construction, l’entretien –, et les normes sont souvent inadaptées aux climats tropicaux et aux risques sismiques. Alors que l’habitat insalubre persiste, que des familles vivent dans des conditions indignes, l’État réduit encore les moyens. Le rattrapage, la dignité, l’égalité des conditions de vie s’éloignent encore une fois.
Et que dire de la vie chère ? C’est la blessure la plus ouverte. Alors que le Sénat vient d’adopter le projet de loi de lutte contre la vie chère en outre-mer – certes bien timide –, le PLF pour 2026 réduit de 230 000 euros la dotation des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Ces outils sont essentiels pour comprendre, comparer, dénoncer les injustices, mais on les affaiblit. Dans les outre-mer, les produits alimentaires coûtent jusqu’à 42 % plus cher qu’en Hexagone, alors que les revenus, eux, sont bien plus bas. Les cinq départements d’outre-mer représentent 3 % de la population française, mais 24 % des personnes en grande pauvreté. Ce n’est plus une inégalité, c’est une fracture. En Martinique, des milliers de personnes ont défilé pour dénoncer la vie chère et réclamer une égalité réelle. Et que leur répond ce budget ? Une baisse – une baisse qui sonne comme une rupture d’égalité avec l’Hexagone.
Et la jeunesse, cette jeunesse ultramarine brillante, ambitieuse, souvent condamnée à l’exil ? Les crédits de Ladom, qui accompagne chaque année des milliers de jeunes dans leurs projets de formation, de mobilité ou de réinsertion, diminuent de 2,5 millions d’euros. C’est une erreur et un symbole : priver Ladom de moyens, c’est priver nos jeunes d’un horizon et renoncer à faire des outre-mer un moteur d’avenir pour la France.
Ce budget n’est pas qu’un tableau comptable, c’est une déclaration politique et son message est clair : les outre-mer ne sont pas la priorité de ce gouvernement. Mais je veux dire ici, devant la représentation nationale, que tant qu’il restera en France un territoire où l’égalité est niée, tant qu’il restera une île où la jeunesse n’a plus d’espoir, tant qu’il restera un foyer sans logement digne, notre République sera incomplète. Ce budget est un signal d’alarme : il ne faut pas l’étouffer, il faut l’écouter, car au-delà des chiffres, c’est la dignité de nos concitoyens ultramarins qui est en jeu, et avec elle l’idée même que nous nous faisons de la France. Loin d’être un sujet périphérique, les outre-mer sont le cœur battant de notre République : les négliger, c’est se renier.
M. Éric Martineau (Dem). La mission Outre-mer s’élève, pour 2026, à 2,91 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,83 milliards d’euros en crédits de paiement. Ce budget, qui s’inscrit dans l’effort général de maîtrise des dépenses de l’État, est donc en baisse, mais il témoigne aussi de la volonté continue d’accompagner le développement des territoires ultramarins, notamment à travers le déploiement des mesures prises dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom) 2025 et les dispositifs de lutte contre la vie chère.
La mission est répartie en deux programmes. Si le budget du programme 138, Emploi outre-mer, diminue de presque 16 %, c’est en grande partie en raison de la réforme des exonérations de cotisations sociales de la Lodeom, qui devrait simplifier et recentrer le dispositif pour renforcer son effet sur l’emploi tout en réduisant de 343 millions d’euros son coût pour l’État – j’en profite pour saluer le travail de mon collègue Frantz Gumbs sur ce sujet. En revanche, le budget du programme 123, Conditions de vie outre-mer, augmente de plus de 22 % en crédits de paiement – une dynamique à saluer. Parmi les principales évolutions, on compte la prolongation des dispositifs déployés en réponse aux crises récentes dans les outre-mer, comme les catastrophes naturelles et les émeutes en Nouvelle-Calédonie, le quasi-doublement du fonds de secours pour les outre-mer, qui est recentré sur l’indemnisation des agriculteurs, des particuliers et des entreprises touchées par les catastrophes naturelles exceptionnelles, et la poursuite de l’accompagnement des collectivités, notamment à travers les crédits des contrats de convergence et de transformation, le fonds exceptionnel d’investissement et l’accompagnement au financement bancaire en lien avec l’Agence française de développement (AFD).
Monsieur le rapporteur, vous consacrez une partie de vos travaux à la montée du narcotrafic dans les Antilles françaises, qui a des incidences sur le taux d’homicide et les conditions de vie. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les points soulevés par vos interlocuteurs lors des auditions ?
M. Jean Moulliere (HOR). Pour 2026, les moyens de la mission Outre-mer s’élèvent à 2,9 milliards en autorisations d’engagement et 2,8 milliards en crédits de paiement à périmètre constant, soit une baisse respective de 17 % et 5,1 %, qui s’explique à la fois par la réforme des exonérations de cotisations sociales prévues dans la loi pour l’ouverture et le développement économique de l’outre-mer et par la participation à l’effort collectif de redressement de nos comptes publics, à l’instar des autres missions. Néanmoins, les moyens de la mission demeurent supérieurs de 34 % aux crédits de la loi de finances initiale pour 2017, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Au reste, ces crédits ne reflètent qu’une partie de l’effort global de l’État en faveur des territoires ultramarins. L’essentiel du budget – plus de 1,8 milliard –, est concentré sur le soutien aux entreprises, en particulier à travers le dispositif d’allégement et d’exonération des charges sociales patronales, qui vise à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines. Le groupe Horizons & indépendants souhaite mettre en valeur le travail d’évaluation dont ce dispositif a fait l’objet, afin de le rendre plus efficace demain. La mission confiée en 2024 à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a dressé un diagnostic nuancé des dispositifs d’exonération des cotisations sociales prévus par la Lodeom, et proposé leur réforme dans le cadre du PLFSS pour 2026. L’objectif est de simplifier le dispositif, tout en réduisant de 343 millions d’euros son coût pour l’État, et de recentrer ces exonérations sur les niveaux de salaire où leur effet sur l’emploi est le plus important, contribuant ainsi au renforcement de l’attractivité et de la compétitivité de l’ensemble des outre-mer.
Par ailleurs, malgré sa contribution à l’effort de redressement des comptes publics, le programme 123, Conditions de vie outre-mer, permettra de prolonger le déploiement des dispositifs en réponse aux crises récentes ayant affecté les outre-mer – émeutes en Nouvelle-Calédonie, passage destructeur des cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion, grâce à 200 millions en autorisations d’engagement et 165 millions en crédits de paiement.
Au-delà du soutien national déjà apporté aux outre-mer à travers les autres missions thématiques du budget de l’État, la mission Outre-mer vise donc bien à soutenir la compétitivité économique des territoires, à améliorer les conditions de vie des habitants et à accompagner les collectivités locales dans leurs projets structurants.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). À travers cette mission, qui est loin d’offrir une vision globale des investissements de l’État en outre-mer et des politiques publiques qui y sont menées, nous n’examinons en réalité qu’une infime partie du budget réellement consacré aux outre-mer. Plusieurs constats font, je crois, consensus : le retard en outre-mer est énorme et nécessite davantage d’investissements, les coupes envisagées dans le budget vont plonger ces territoires dans une situation encore plus insoutenable qu’aujourd’hui. Même le gouvernement reconnaît que ce budget a été fait à la va-vite, sans étude d’impact.
Tout le monde s’accorde sur le fait que les économies ultramarines sont sous perfusion de l’État, qui y injecte beaucoup d’argent à travers des niches fiscales et diverses exonérations – un sujet qui fait d’ailleurs débat au sein de mon propre groupe, composé de députés ultramarins qui se battent pour leur maintien faute d’autre solution, et de députés communistes qui appellent à la suppression de ces niches en général.
On nous dit que pour que les économies ultramarines se développent, il faut que les entreprises investissent ; mais si vous supprimez 350 millions de crédits au titre de la Lodeom et 400 millions de l’aide à l’investissement des entreprises, comment voulez-vous que notre tissu économique, composé principalement de très petites, petites et moyennes entreprises, soit capable de se passer de la perfusion de l’État ?
La construction de ce budget souffre d’incohérences graves, prouvant que ceux qui l’ont écrit se sont contentés de modifier quelques lignes d’un tableau Excel, sans mener une réflexion d’ensemble sur l’économie et, plus largement, sur le budget de l’outre-mer. Par exemple, la ligne budgétaire unique visant à financer le logement social est amputée de 10 millions d’euros. Mais à La Réunion, où 80 % de la population est éligible à un logement social, il faudrait environ 50 millions pour en construire suffisamment. En 2024, seuls 2 473 logements sociaux ont été construits, soit 15 % de moins qu’en 2023. Cette crise du logement met à la rue des familles avec de jeunes enfants, et vous diminuez le budget afférent de 10 millions ! Il me semblait que, dans un ménage, il y avait des priorités : on paie d’abord le loyer, la nourriture, l’école et la santé, avant de dépenser ailleurs. Dans ce budget, on n’a même pas le gîte et le couvert !
Le budget de Ladom diminue de 45 %, alors qu’on ne peut entrer et sortir de ces territoires et rejoindre l’Hexagone que par avion ! L’éloignement est la cause première de toutes nos difficultés structurelles, mais vous diminuez les crédits alloués à la continuité territoriale, particulièrement importante pour nos jeunes, qui font déjà face à d’autres difficultés, comme se former – le niveau d’études est plus faible en outre-mer que dans l’Hexagone.
Tout cela donne l’impression que celui qui a écrit le budget a regardé où les manques étaient les plus criants, pour y enlever encore des crédits. Vous l’aurez compris, je ne suis pas du tout d’accord avec le budget proposé.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). La mission Outre-mer devrait permettre de consolider la cohésion nationale, de renforcer l’emploi productif et de soutenir la stabilité sociale, mais le budget qui est proposé pour 2026 prend exactement la direction inverse. Avec une baisse de plus de 18 % des autorisations d’engagement de cette mission, l’État réduit son effort au moment même où les outre-mer subissent des tensions migratoires et sociales inédites. À Mayotte, en Guyane et dans les Antilles, chaque politique publique financée par cette mission – logement, insertion, continuité territoriale, aménagement – est fragilisée par une pression démographique non maîtrisée. Résultat : le budget finance la réparation permanente au lieu de construire la protection durable. On multiplie les dispositifs sociaux sans traiter les causes de la saturation et des dysfonctionnements.
Le gouvernement nous demande des crédits pour amortir la désespérance, alors qu’il faudrait des crédits pour restaurer la souveraineté et construire l’avenir. Il nous demande d’entretenir l’assistanat mais ne parle pas de reconstruire la capacité à produire, à travailler, à entreprendre. À l’inverse, nous demandons un changement de cap clair, une vision politique et une politique budgétaire reposant sur le principe que les outre-mer ne sont pas des périphéries coûteuses, mais des points névralgiques de la nation et de la stratégie française.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Je ne ferai pas la danse du ventre, je ne jouerai pas au parent pauvre, je ne ferai pas un remake de « La Honte de la famille », ce mauvais moment dans lequel on cherche à nous enfermer. Je ne réclamerai pas non plus des faveurs et des privilèges : je ne suis pas un mendiant. Je me contenterai de rappeler les faits et les évidences.
La mission budgétaire Outre-mer est un miroir, et l’image qu’il nous renvoie, celle d’un État qui annonce faire des outre-mer une priorité tout en pratiquant la politique du rabot, est dérangeante. Le gouvernement nous répète qu’il faut faire des économies, mais la France ne saurait les faire sur le dos des seuls outre-mer. Chaque ajustement budgétaire n’est pas qu’une ligne de chiffres : c’est une école qui attend d’être rénovée, un hôpital qui se dégrade, une entreprise qui ne peut plus investir, un jeune qui prépare sa valise pour partir ailleurs, définitivement.
Dans ce paysage, le symbole le plus criant est le sort réservé à la Lodeom : cette loi n’était pas la panacée, seulement une promesse, l’espoir de ne pas s’enfoncer trop rapidement dans le « mal-développement ». C’était un outil pour soutenir la production locale, l’investissement et l’emploi ; à la place, il produira désormais la dépendance et la résignation. Chaque fois qu’on affaiblit la Lodeom, on étouffe un peu plus la capacité des territoires ultramarins à se relever eux-mêmes, on pénalise, on freine la production, on ferme la porte à nos jeunes diplômés, à ceux qui veulent bâtir chez eux la réussite collective. Une baisse de 623 millions d’euros en autorisations d’engagement, de 151 millions en crédits de paiement et de 25 % des crédits alloués au dispositif d’aide aux entreprises ultramarines, c’est un coup de rabot de 750 millions d’euros. On demande donc aux plus fragiles, aux plus vulnérables, de payer à la place des ultrariches qui ont, faut-il le rappeler, reçu 211 milliards d’aides cette année. Il est temps que le gouvernement relève le genou qu’il appuie sur le cou des peuples d’outre-mer.
Reste que la brutalité des coups de rabot successifs, la situation à laquelle on veut nous condamner, ont provoqué une réaction inattendue et très positive chez les députés ultramarins : elles ont renforcé notre solidarité et notre unité. Désormais, nous parlerons collectivement, c’est une évolution avec laquelle il vous faudra composer. Et nous ne nous laisserons pas faire.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Visiblement, nous sommes nombreux à constater le mépris du gouvernement – d’autres y verront un manque de vision. Nous sommes tous d’accord pour dire que ce budget est inacceptable, sauf nos collègues Mendes, qui a parlé de rationalisation – joli mot pour parler de coupes budgétaires –, et Martineau, qui a parlé de participation à un effort général. Peut-on accepter que des territoires déjà fragilisés, en très grande souffrance et sur le point de s’effondrer, participent à un effort général ? Je ne le crois pas.
Notre collègue K/Bidi a taxé le gouvernement d’incohérence. Je dirais même plus : il y a, de la part de ce gouvernement comme des précédents, une véritable volonté d’affaiblir les territoires ultramarins. Ceux qui ont participé à la réunion du 29 octobre avec les ministres de Montchalin et Moutchou l’ont constaté : elles ont assumé leurs choix budgétaires, assumé ces coupes budgétaires, assumé de s’en prendre à la Lodeom – de la « réformer », disent-elles, en réalité d’affaiblir considérablement l’économie de territoires qui sont déjà dans une situation très compliquée – ainsi qu’à l’aide à l’investissement, qui est fortement touchée.
Il ne faut pas oublier que les gouvernements qui se sont succédé ont tous suivi la même trajectoire. Ce gouvernement poursuit avec plus de force ce que les précédents ont commencé. C’est à se demander s’il veut que ces territoires restent français. À la lecture du budget qui leur est alloué, j’en viens à me poser la question.
Toutefois, il ne faut pas être hypocrite. La situation budgétaire, en France, est très compliquée. La dette est ce qu’elle est. Elle explose – 1 400 milliards en plus depuis qu’Emmanuel Macron est président de la République. La charge de la dette deviendra la première dépense publique en 2026, avec deux ou trois ans d’avance sur les prévisions. La situation est dramatique, nul ne peut le nier.
Je défends, et notre groupe avec moi, les territoires ultramarins, mais il n’en faut pas moins ouvrir les yeux sur la réalité économique du pays et sur les économies qu’il faut réaliser sur l’immigration, sur le millefeuille administratif, sur toutes ces agences gouvernementales qui, empilées les unes sur les autres, s’occupent du travail que devraient faire les ministères et gaspillent beaucoup d’argent public. On ne peut pas fermer les yeux sur cette réalité et demander toujours plus de moyens tout en fermant les yeux sur les dépenses inutiles et excessives dans certains domaines.
Pour préserver les budgets consacrés à l’outre-mer sans amoindrir les budgets essentiels pour notre pays que sont ceux de la santé, de l’école, de la sécurité et de la justice, il faut admettre qu’il y a des économies à faire dans des domaines très particuliers et qu’il faut chasser les mauvaises dépenses. Il faut se garder de tout discours démagogique niant les réalités. S’y laisser aller, c’est faire ce que font les membres du gouvernement avec les territoires ultramarins : nier la réalité qui y prévaut.
S’agissant du narcotrafic, j’ai consacré une bonne part de mon rapport à deux territoires, la Guadeloupe et la Martinique. Je salue le travail des forces de l’État en matière de lutte contre le narcotrafic, qui est un réel problème partout sur le territoire national et particulièrement dans les territoires ultramarins. Les projections prévoient un doublement du trafic de conteneurs en Guadeloupe, dont la plupart proviennent de Colombie, ce qui en laisse imaginer le contenu.
Malgré cette prévision connue de tous, les moyens alloués à la sécurisation de nos territoires, au contrôle des conteneurs et à tout ce qu’il faudrait faire pour lutter contre le narcotrafic ne sont pas à la hauteur. Sur place, les forces de l’ordre se sentent totalement délaissées. Certes, l’Office antistupéfiants (Ofast) a récemment réalisé d’énormes saisies de stupéfiants, mais tous les membres des forces de l’ordre que j’ai rencontrés m’ont dit sans détour leur crainte que les territoires ultramarins dont ils ont la charge soient perdus à tout jamais, tant la faiblesse des moyens humains et matériels y est criante. Voilà la triste réalité.
J’ai privilégié, pour préparer ce rapport, les rencontres et les auditions de terrain à l’accumulation d’auditions de cadres et de directeurs de service qui, souvent, débitent un discours standard et policé que leur commande le devoir de réserve auquel ils sont astreints. Les rencontres de terrain permettent d’entendre des discours de vérité et d’être connecté à ceux qui, au quotidien, tentent d’agir avec si peu de moyens contre ce fléau.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL36 de M. Jean-Hugues Ratenon, amendements II-CL245 et II-CL246 de Mme Sandrine Rousseau, amendement II-CL153 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Cet amendement n’est pas un amendement technique, mais un amendement de salubrité publique, un amendement de dignité, un amendement pour que la République tienne enfin sa promesse dans les outre-mer. Nous allons parler du droit fondamental d’accès à l’eau potable, qui est reconnu par l’ONU mais qui n’est pas effectif pour 3 millions de nos concitoyens.
La situation est catastrophique. En mars 2024, l’Unicef a rappelé la France à l’ordre : 30 % de la population de Mayotte et 20 % de la population de la Guyane n’ont pas accès à l’eau potable. Ce n’est pas une fatalité, mais le résultat d’une précarité des infrastructures. Les réseaux sont vétustes, en ruine : 63 % de l’eau est perdue dans les fuites en Guadeloupe, 60 % à la Réunion et 50 % en Martinique. Un litre sur deux se perd dans la nature, contre un sur cinq dans l’Hexagone. Les conséquences – sanitaires, éducatives, financières – sont dramatiques.
L’État a failli. La Cour des comptes l’a dit en mars 2025 : il y a un sous-investissement chronique, le besoin officiel étant chiffré à 2,36 milliards. Depuis 2016, 889 millions seulement ont été mobilisés dans le cadre du plan Eau Dom (Pedom), dont plus de la moitié – scandale supplémentaire – sont des prêts. Les collectivités ont été endettées et mises à genoux. Les associations sont claires : à peine 10 % des besoins réels en investissement sont consommés.
Il faut un choc. Il faut un plan massif. Nous avons pris note de l’importance du respect des règles budgétaires et de la prise en compte du risque de la dette, mais il y a quand même des nécessités d’investissement massif dans les outre-mer. L’amendement II-CL36 vise à créer une ligne budgétaire intitulée Plan pour le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer, abondée de 500 millions en 2026, première étape d’un investissement de 2,5 milliards sur cinq ans.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le constat est clair : près de 32 % des Mahorais n’ont pas accès à l’eau courante ; en Guyane, de 15 % à 20 % des habitants sont privés d’eau potable ; à La Réunion, un habitant sur deux ne peut pas boire l’eau du robinet ; en Guadeloupe, les coupures d’eau sont récurrentes et même organisées en tours. Les territoires ultramarins sont très largement touchés par le manque d’eau potable.
Il faut un plan global, d’autant qu’il faut parfois y faire face à l’urgence, comme à Mayotte, qui subit des coupures d’eau de longue date, à quoi s’est ajouté le passage du cyclone Chido. Notre collègue Anchya Bamana, soutenue par notre collègue Youssouffa, a proposé au précédent ministre et à l’actuelle une solution d’urgence : un bateau-usine de dessalement de l’eau de mer permettant de fournir de l’eau potable en grande quantité.
Le gouvernement n’a jamais donné suite, sans doute pour des raisons budgétaires. Cette solution d’urgence permettrait, pour environ 50 millions, de répondre aux besoins de certains territoires. Il faut non seulement répondre à l’urgence mais aussi trouver des solutions pérennes pour faire en sorte que tous nos compatriotes ultramarins, en 2025, aient l’eau courante.
Sur les amendements II-CL36, II-CL245 et II-CL246, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CL252 de M. Jiovanny William et II-CL78 de Mme Sandrine Nosbé (discussion commune)
M. Jiovanny William (SOC). Il s’agit de préserver le dispositif Lodeom en abondant de 343 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement l’action 01 Soutien aux entreprises du programme 138 Emploi outre-mer.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis favorable. Les deux amendements vont dans le bon sens. Je m’oppose à la réforme du dispositif Lodeom, qui aurait des conséquences dramatiques.
Le choix du gouvernement est purement comptable. Il vise à réaliser des économies au détriment de l’emploi et de l’investissement dans les territoires ultramarins, ce qui n’est pas acceptable. À court terme, cette réforme créerait une trappe à bas salaires, ralentirait les progressions salariales et risquerait d’entraîner le report d’embauches et, surtout, de nombreuses faillites d’entreprises.
M. le président Florent Boudié. Je vous informe que, si nous adoptons ces deux amendements, nous aurons épuisé près de la moitié des crédits du programme Conditions de vie outre-mer. Beaucoup d’amendements tomberont dès qu’ils le seront en totalité.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CL54 de Mme Sandrine Nosbé, amendements II-CL184 et II-CL183 de Mme Katiana Levavasseur, amendement II-CL231 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Il s’agit de créer un programme pour favoriser l’investissement dans l’autonomie énergétique 100 % renouvelable des collectivités dites d’outre-mer. Dans les territoires insulaires et éloignés, l’autonomie énergétique doit s’imposer comme un objectif prioritaire. Les collectivités d’outre-mer ont un environnement qui, d’après l’Agence de la transition écologique (Ademe), leur permettrait d’atteindre l’autonomie avec 100 % d’énergies renouvelables. Pourtant, elles importent encore largement une énergie très carbonée.
La mission d’information sur l’autonomie énergétique des outre-mer, dont les rapporteurs étaient Jean-Hugues Ratenon et Davy Rimane, estimait en juillet 2023 que les outre-mer ne pourraient pas agir seuls pour accomplir une transition énergétique ambitieuse et que l’État devait s’investir davantage dans ses leviers d’action. Selon les estimations des scénarios de l’Ademe, il faudrait, pour atteindre cet objectif, investir 1,5 milliard sur cinq ans.
Nous en prévoyons 300 millions, pour commencer, dès 2026, grâce à la création d’un programme intitulé Autonomie énergétique des collectivités ultramarines, dont la recevabilité financière est assurée par le prélèvement, en AE et en CP, de la même somme sur l’action 01 Soutien aux entreprises du programme 138 Emploi outre-mer.
Mme Katiana Levavasseur (RN). Les territoires d’outre-mer vivent sous le poids d’une dépendance énergétique structurelle. L’électricité y est plus chère qu’en métropole. Les réseaux sont fragiles, les infrastructures vieillissantes et la moindre rupture d’approvisionnement plonge des communes entières dans la pénombre.
Cette situation est injuste. Elle pèse sur les familles, sur les entreprises et sur les services publics essentiels. Elle entraîne une perte de souveraineté, car nos territoires dépendent presque entièrement de l’importation des carburants.
Par l’amendement II-CL184, le Rassemblement national propose de créer un programme intitulé Création d’un fonds de continuité énergétique ultramarin, doté de 80 millions. Ce fonds permettra de sécuriser les réseaux insulaires, de moderniser les équipements de production et de garantir l’alimentation en électricité des établissements publics en cas de crise.
Il s’agit d’un investissement concret pour stabiliser les prix, protéger le pouvoir d’achat et assurer la souveraineté énergétique de la France dans ces territoires. Nous ne pouvons plus accepter qu’à des milliers de kilomètres de Paris, des Français subissent encore les coupures et les surcoûts d’une énergie importée. Cet amendement est un acte de justice, de responsabilité et de cohérence nationale. L’énergie doit être un droit, pas un privilège.
D’autre part, derrière les grands discours et les annonces gouvernementales, Mayotte attend toujours la reconstruction. Une enveloppe de 4 milliards a été annoncée jusqu’en 2031 et le projet de loi de finances pour 2026 prévoit une enveloppe de 100 millions prévus pour le conseil départemental mais, sur le terrain, rien ou presque ne bouge. Les chantiers sont bloqués, les réseaux détruits, l’hôpital de Mamoudzou et les écoles très loin d’être pleinement opérationnels. Les familles vivent encore dans des logements précaires édifiés après le passage du cyclone Chido en décembre 2024.
Il faut augmenter immédiatement les crédits de reconstruction alloués en 2026 au logement, aux infrastructures de base – eau, assainissement, santé, éducation – et aux projets financés par le fonds exceptionnel d’investissement. L’objectif est clair : éviter une année blanche, remettre les chantiers en marche et rendre à Mayotte des conditions de vie dignes d’un territoire français. Il faut agir, et vite.
L’amendement II-CL183 porte sur la Nouvelle-Calédonie et la Guyane, deux territoires qui possèdent des richesses considérables, mais la France refuse encore de les regarder comme des atouts stratégiques pour son avenir.
En Nouvelle-Calédonie, la filière du nickel s’effondre, les usines ferment, les emplois disparaissent et la dépendance s’installe. Ce minerai est pourtant essentiel pour les batteries, les technologies vertes, l’industrie française et européenne. En laissant mourir cette filière, l’État affaiblit non seulement la Nouvelle-Calédonie, mais aussi la souveraineté industrielle du pays.
En Guyane, le potentiel énergétique est également immense, les ressources gisent sous nos pieds, mais la loi Hulot a figé toute exploitation. Pendant que d’autres nations développent leur propre filière, la France choisit la dépendance et renonce à sa capacité de production.
Cet amendement propose donc la création d’un plan de relance de 50 millions pour préparer la reprise de ces deux secteurs stratégiques. Son objectif est de remettre la France en mouvement là où elle a renoncé, en accompagnant les acteurs locaux, en relançant les investissements et en préparant les conditions d’une exploitation responsable et souveraine de nos ressources. Il s’agit d’un investissement dans l’emploi local, dans la production et, surtout, dans notre indépendance nationale.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CL231 vise à soutenir le développement des énergies renouvelables en outre-mer. Le modèle économique des territoires ultramarins repose sur une dépendance aux énergies fossiles. Les départements et régions d’outre-mer (Drom) dépendent des énergies fossiles à hauteur de 80 % en moyenne, ce qui les expose aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Cette dépendance aux énergies fossiles entraîne des émissions élevées de gaz à effet de serre (GES) et aggrave les problèmes environnementaux locaux.
Une autre solution est possible. En matière d’énergies renouvelables, les territoires ultramarins ont des atouts considérables, de l’hydroélectricité à la géothermie en passant par la biomasse. D’autres restent à développer, telles que l’énergie de la mer, l’éolien et le solaire. Le développement accru de ces filières permettrait de réduire le coût de l’énergie et de favoriser l’autonomie tout en menant à bien la transition écologique et en préservant les écosystèmes des outre-mer.
M. Yoann Gillet (RN). Avis favorable aux amendements II-CL184 et II-CL183. Sur les amendements II-CL54 et II-CL231, je m’en remets à la sagesse de la commission. J’y suis favorable à titre personnel, mais je suis conscient de la nécessité qu’a rappelée M. le président de ne pas épuiser les crédits trop rapidement si nous voulons étudier tous les amendements, d’autant que notre commission n’est saisie que pour avis.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). L’amendement II-CL54 est fondamental mais, compte tenu du contexte rappelé à l’instant, nous le considérons comme un amendement d’appel et le retirons.
L’amendement II-CL54 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements II-CL184 et II-CL183.
Elle adopte l’amendement II-CL231.
Amendement II-CL162 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Il vise à soutenir l’investissement et le développement à l’export dans les outre-mer. Les entreprises ultramarines font face à des freins structurels tels que l’éloignement, la faiblesse des infrastructures et l’importance des coûts logistiques. L’investissement privé y reste limité faute d’attractivité économique et de visibilité. Le potentiel d’exportation des outre-mer demeure largement sous-exploité malgré la qualité et la diversité de leurs produits. L’objectif est de faire de ces territoires des pôles de croissance et d’investissement tournés vers l’international.
Cet amendement vise à abonder de 500 000 euros les crédits de l’action 04 Financement de l’économie pour renforcer le soutien à l’export des TPE, des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ultramarines. C’est une mesure de bon sens qui vise à accompagner la montée en gamme des entreprises locales et leur intégration dans les circuits économiques régionaux et mondiaux, à stimuler la création d’emplois durables dans les territoires ultramarins, à attirer les investisseurs étrangers, à renforcer le rayonnement international des savoir-faire ultramarins et à faire des outre-mer une vitrine économique française dans l’océan Indien et dans l’océan Pacifique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL52 de Mme Sandrine Nosbé, amendements II-CL250 et II-CL251 de M. Jiovanny William (discussion commune)
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Nous proposons – c’est un vieux débat – de relever la dotation de continuité territoriale (DCT) des outre-mer au moins à hauteur de celle de la Corse. Ne parle-t-on pas d’égalité partout sur le territoire ? Il a fallu parler d’égalité réelle, comme s’il existait une égalité irréelle ! Il faut reconnaître humblement qu’il n’y a aucune égalité, mais plutôt des discriminations qui se multiplient partout sur le territoire.
Le dispositif de continuité territoriale avec la Corse a été créé en 1976 pour répondre aux problèmes de desserte aérienne. Il consiste en une dotation annuelle de l’État qui, en 2026, s’élève à 187 millions. Outre-mer, la DCT s’élève à 76,9 millions. Pour la Corse, 519 euros sont versés par habitant, contre 27 euros par habitant des outre-mer. Où est l’égalité ?
Une question simple se pose : la desserte des ex-colonies de l’Hexagone constitue-t-elle oui ou non un service public ? Si elle est un service public, elle doit obéir aux règles du service public, point barre. Le budget des outre-mer illustre l’iniquité de la situation. Les tarifs des vols reliant les outre-mer à l’Hexagone demeurent élevés en raison d’une situation oligopolistique, ce qui a pour conséquence d’empêcher beaucoup de nos compatriotes de se déplacer, notamment en cas d’urgence.
M. Jiovanny William (SOC). L’insuffisance du budget de Ladom oblige les territoires à puiser artificiellement dans d’autres dispositifs, notamment le Febecs normalement alloué aux associations, en particulier sportives et culturelles. Afin de répondre à la demande et aux besoins de nos territoires, il s’agit, compte tenu du contexte budgétaire actuel, de maintenir les crédits alloués à Ladom au titre de la subvention pour charge de service public à hauteur de 2,5 millions.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je suis favorable à rapprocher le niveau d’aide en outre-mer de celui dont bénéficient les résidents corses. Cela permettrait de corriger ce qui m’apparaît comme une inégalité de traitement budgétaire en augmentant les forces de l’État pour compenser les coûts liés à l’éloignement géographique, assurerait aux citoyens ultramarins un accès plus équitable aux services publics et renforcerait concrètement la cohésion nationale, mais aussi de lutter efficacement contre le coût de la vie en outre-mer.
Pour nous permettre d’examiner tous les amendements, je m’en remets à la sagesse de la commission sur l’amendement II-CL52. J’émets un avis favorable à l’amendement II-CL250 et un avis défavorable à l’amendement II-CL251.
M. le président Florent Boudié. Si nous continuons ainsi, nous devrons bientôt clore la discussion, dont je dois signaler l’aspect baroque : décider du sort des amendements en fonction des crédits restants dénote une absence de cohérence d’ensemble.
Les amendements II-CL52 et II-CL251 sont retirés.
La commission adopte l’amendement II-CL250.
Amendements II-CL34 de M. Perceval Gaillard, II-CL254 de M. Jiovanny William et II-CL229 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Nous proposons de renforcer véritablement la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée au logement dans les outre-mer. Les crédits de l’action dédiée au logement diminuent de 9,81 % en AE pour 2026, ce qui menace les projets d’investissement dans le logement à long terme. En 2010, la LBU atteignait 275 millions en AE. Le montant de 236,25 millions du présent budget constitue une régression inacceptable, compte tenu de l’acuité des besoins de construction de logements dans nos territoires dits d’outre-mer.
M. Jiovanny William (SOC). Je retire l’amendement II-CL254.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CL229 vise à rétablir les crédits alloués à la rénovation des logements du parc social et à la lutte contre l’habitat insalubre en outre-mer à hauteur de ceux de la loi de finances de 2025. Le budget 2026 prévoit une baisse de plus de 10 % des crédits consacrés au logement, qui est pourtant un défi majeur dans les outre-mer. D’après le dernier rapport de l’Union sociale pour l’habitat (USH), la production de logements sociaux reste en deçà des besoins, dans un contexte de forte pauvreté et de tension sur le foncier, aggravée par la décroissance de la construction de logements neufs depuis 2018.
Cette situation est plus que préoccupante. Les outre-mer subissent une double peine : à des coûts de construction et d’entretien des logements plus élevés qu’ailleurs s’ajoutent des indicateurs de pauvreté très élevés – à Mayotte, plus de 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ; ils sont 53 % en Guyane et 34 % en Guadeloupe.
Les politiques publiques menées jusqu’à présent dans le cadre du plan Logement outre-mer (Plom) n’ont pas permis d’atteindre les objectifs initiaux. Le Plom 3, le plus récent, n’a pas encore produit ses résultats. Face au double défi de la hausse de la production de logements et de l’adaptation aux contextes locaux, la baisse des crédits envoie un très mauvais signal à nos citoyens ultramarins.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’an dernier, je déplorais déjà, dans mon rapport, la faiblesse de la politique du logement à Mayotte et le manque d’investissement dans la construction et le logement social dans les outre-mer en général. Cette année, le constat est le même. Favorable à titre personnel à une revalorisation des crédits, je m’en remets à la sagesse de la commission sur l’amendement II-CL34 et j’émets un avis favorable sur l’amendement II-CL229.
L’amendement II-CL254 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements II-CL34 et II-CL229.
M. le président Florent Boudié. Je persiste à penser que nos échanges sont particulièrement baroques.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pouvons-nous être informés du montant des crédits restants ?
M. le président Florent Boudié. Non. Il incombe aux signataires des amendements d’avoir conscience de leur portée financière. La comptabilité tenue par les services de la commission est exclusivement à usage procédural, dans la mesure où nous sommes tenus, si les crédits sont épuisés, de clore la discussion. J’invite les signataires des amendements à prendre la mesure des conséquences financières des amendements qu’ils présentent.
J’indique par ailleurs, étant membre de cette assemblée depuis de nombreuses années, que, traditionnellement, l’usage – nous sommes en droit de ne pas nous y conformer, les usages étant faits pour évoluer –, en commission des lois, était de ne pas assortir d’amendements l’avis sur le projet de loi de finances. Il s’agissait non de modifier les crédits, mais de les soutenir ou de s’y opposer selon que l’on était – le rapporteur au premier chef – dans la majorité ou dans l’opposition. Il y avait une discussion sur les crédits relevant du champ de compétences de la commission des lois, mais pas d’amendements, ou très peu.
Nous ne nous sommes donc jamais trouvés dans la situation présente, que l’on me pardonnera de qualifier de délirante, de devoir mettre en regard du sort des amendements l’évolution afférente des crédits de la mission pour que leurs auteurs décident, selon les cas, de retirer ou de maintenir tel ou tel amendement. Honnêtement, ce n’est pas très rationnel, à défaut d’être raisonnable.
Amendements II-CL155, II-CL154 et II-CL161 de M. Yoann Gillet, amendements II-CL230 de M. Steevy Gustave et II-CL244 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’amendement II-CL155 vise à la création d’un fonds exceptionnel destiné à renforcer l’aide alimentaire pour les territoires ultramarins pour soutenir les familles les plus modestes face à l’inflation, garantir l’accès à une alimentation de qualité dans le respect du principe d’égalité républicaine et préserver la cohésion sociale.
L’amendement II-CL154 vise à créer un chèque alimentaire à Mayotte pour soutenir les familles et répondre au moins en partie à la crise du pouvoir d’achat. C’est une mesure urgente, nécessaire et juste. L’amendement II-CL161 vise à créer un chèque alimentaire pour la Guadeloupe.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CL244 prévoit un chèque alimentaire d’urgence pour faire face à la crise des prix de l’alimentation en outre-mer. Le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, récemment adopté au Sénat, n’est pas à la hauteur des enjeux. Qualifié de « loi extincteur » par nos collègues de la Chambre haute, elle n’a d’autre vocation que d’être un signal envoyé par l’État après les émeutes de l’an dernier. Elle n’a aucune ambition pour avoir un impact réel sur les prix et changer réellement la vie de nos concitoyens.
Il est bon de rappeler que, d’après l’Insee, les écarts de prix de l’alimentation entre les outre-mer et la métropole sont de 42 % et qu’un panier de courses d’une valeur de 100 euros dans l’Hexagone coûte 140 euros en outre-mer. Le taux de pauvreté y étant plus élevé que dans l’Hexagone, ces territoires subissent une double peine. Face au constat ancien et invariable de la vie chère en outre-mer, en attendant des mesures concrètes et structurelles pour y remédier, nous plaidons pour l’affectation de 12 millions à la création d’un chèque alimentaire temporaire pour soutenir les ménages.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je trouve à mon tour un peu baroque la manière dont nous nous livrons, à propos de territoires qui ont absolument et prioritairement besoin de politiques publiques, à une forme de marchandage sur des amendements. L’amendement II-CL244…
M. le président Florent Boudié. Madame Rousseau, je ne peux pas laisser dire ça. Si marchandage il y a, les signataires des amendements, quelle que soit leur sensibilité politique, en sont seuls responsables. Je me contente d’organiser les débats. Si l’adoption d’amendements a pour conséquence d’épuiser les crédits d’un programme de la mission – pourquoi pas ? –, les signataires des amendements en sont seuls responsables.
M. Steevy Gustave (EcoS). Le problème, c’est la manière dont vous parlez et amenez les choses, monsieur le président. Les donneurs de leçons, ça commence à bien faire !
M. le président Florent Boudié. La semaine dernière, nous avons adopté des amendements jusqu’à ce que tout le monde prenne conscience que nous avions épuisé les crédits d’un programme d’une mission budgétaire. En procédant ainsi, personne ne votera les crédits. J’ai le droit, en tant que président de la commission des lois, de constater que nos échanges sont quelque peu baroques. Il est rare que je…
M. Steevy Gustave (EcoS). Ce qui est baroque, c’est la façon dont vous vous adressez à nous.
M. le président Florent Boudié. Je ne pense pas qu’on puisse dire que ma présidence est baroque. Ce qui est baroque, c’est demander au président le montant des crédits restants pour décider si l’on maintient ou non un amendement.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le recul de l’autonomie alimentaire des territoires ultramarins a des conséquences en chaîne, notamment une plus grande vulnérabilité face à la vie chère, à cause de l’arrivée de produits alimentaires venus de l’extérieur.
La mesure que je propose, pour un montant de 5 millions, porte sur la partie carnée de l’alimentation et vise à renforcer l’autonomie globale de ces territoires pour qu’ils aient moins besoin de recourir à des ressources extérieures.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement de M. Gustave au profit des miens. J’émets un avis défavorable pour celui de Mme Rousseau, qui préconise une alimentation moins carnée, en décalage avec les préoccupations des habitants des outre-mer, mais qui ne nous surprend pas de sa part.
M. Steevy Gustave (EcoS). Votre amendement portait sur Mayotte et le mien est plus large, je le maintiens donc.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Sans remettre en cause les propos du président, le droit d’amendement est un droit fondamental. Si, pendant les périodes 2012-2017 et 2017-2022, certains députés ne souhaitaient pas déposer d’amendements, c’est leur droit.
Nous appelons dans chaque amendement à lever le gage, car nous savons que nous sommes contraints dans les discussions budgétaires. Mais j’estime que chaque amendement doit être présenté, quelle que soit la situation des crédits. À cet égard, il est déplorable que, pour terminer la discussion plus rapidement, certains députés votent pour des amendements qu’ils n’auraient jamais acceptés autrement. Enfin, j’ai entendu dire que les socialistes avaient rétabli l’ISF vendredi dernier en séance : peut-être les recettes seront-elles finalement plus élevées que prévu et que nous pouvons discuter ces amendements sur les outre-mer.
M. le président Florent Boudié (EPR). Ne vous méprenez pas : je ne remets pas en cause le droit d’amendement, mais je trouve baroque que l’on me demande où nous en sommes des crédits pour savoir si l’on maintient ou non un amendement. Ce travail doit être fait par les auteurs des amendements eux-mêmes.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Une fois n’est pas coutume, je penche en votre faveur, mais pour des raisons bien différentes. Mon groupe et moi-même n’avons déposé aucun amendement dans le cadre de cette mission. En tant que députée de La Réunion, je suis pourtant aux premières loges. Mais le travail accompli en commission n’a aucune valeur, puisque le texte qui nous sera soumis en séance n’est pas celui qui sortira de nos discussions. Nous pouvons toujours nous faire plaisir en débattant six heures en commission sans le moindre effet sur la séance, mais nous devrions plutôt mettre notre énergie ailleurs.
Quant à savoir qui doit tenir les décomptes des sommes de cette maigre mission, je dirais surtout ceci : si la mission était mieux dotée, nous aurions davantage matière à débattre.
M. le président Florent Boudié (EPR). En effet, dans le contexte politique actuel, les avis budgétaires de la commission des lois ont une portée moindre qu’autrefois. Son rôle de simple avis étant bien compris, la tradition n’est pas de déposer des amendements, même si ceux qui le sont ne sont pas illégitimes. Quant à la comptabilité des crédits, elle varie au fil de la discussion et c’est à vous de l’anticiper.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Nous partageons le même objectif : qu’on puisse débattre d’amendements parfaitement légitimes. C’est pourquoi mon groupe retire certains des siens, quand bien même le bon sens les impose.
Je partage néanmoins l’impression de M. Gustave que vous vous adressez parfois à nous comme à des élèves ou à des enfants. C’est assez désagréable, surtout pour le vieux député que je suis.
M. le président Florent Boudié (EPR). Je le note et ferai plus tard mon introspection, après la commission des lois.
La commission rejette successivement les amendements II-CL155, II-CL154 et II-CL161.
Elle adopte l’amendement II-CL230.
Elle rejette l’amendement II-CL244.
Amendement II-CL182 de Mme Katiana Levavasseur
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Votre amendement vise à débloquer 50 millions d’euros pour financer des logements et des infrastructures essentielles à Mayotte. J’y souscris pleinement, d’autant que je défends constamment ces augmentations budgétaires depuis que je suis rapporteur pour avis. Mon déplacement à Mayotte l’an dernier a achevé de me convaincre de la nécessité absolue de renforcer nos efforts.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL164 et II-CL165 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le premier de ces amendements vise à lutter contre l’insalubrité de l’habitat à Mayotte, en renforçant les alloués à la politique de logement pour lutter contre l’habitat indigne et informel.
Le second vise à renforcer les moyens alloués à la politique du logement en Guyane.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL76 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL173 de M. Yoann Gillet, II-CL75 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL232 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Ces deux amendements d’appel concernent des situations de rupture d’égalité entre l’Hexagone et le monde ultramarin. Le II-CL76 contribue à lutter contre les termites dans l’habitat privé en outre-mer. En effet, la question de l’infestation, notamment à La Réunion, dépasse les simples enjeux de salubrité pour devenir une véritable urgence sanitaire. Or le coût du traitement diffère, de 1 000 euros dans l’Hexagone pour une intervention professionnelle – pose d’appâts et injections –, à 5 000 euros en outre-mer. Les financements ne sont donc pas les mêmes.
L’amendement II-CL75 porte sur l’amiante, interdit en France depuis 1997, et vise à financer le désamiantage, car la filière manque de moyens en outre-mer.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à renforcer les crédits alloués à l’amélioration du parc locatif social antillais en raison du risque sismique.
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CL232 propose de renforcer les crédits alloués aux actions de prévention et d’adaptation contre les séismes en outre-mer, notamment le plan séisme Antilles et les abris anticycloniques en Polynésie française.
L’ouragan Melissa vient de dévaster la Jamaïque, d’inonder Haïti et Cuba, et sa course effrénée a fait plus de soixante morts dans les Caraïbes. Nous ne pouvons ignorer plus longtemps les risques climatiques qui pèsent sur les territoires ultramarins.
Le risque sismique en fait partie et constitue une préoccupation majeure dans les Antilles en raison de la position géologique de l’archipel. Lundi dernier, la Guadeloupe et la Martinique ont encore été réveillées par un puissant séisme. Nous devons maintenir les financements à la hauteur des enjeux de la région.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis défavorable au II-CL76 ; sagesse sur le II-CL75 ; je demande le retrait du II-CL232.
M. Steevy Gustave (EcoS). Je le maintiens.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). On ne rigole pas avec la question fondamentale des risques majeurs. J’ai fait adopter dans l’hémicycle, à une large majorité, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur ces risques en outre-mer et les moyens qui y sont dédiés par l’État. Mais pour certains, le risque majeur aurait été que la vérité éclate, et ils ne voulaient pas le courir. Une coalition réunissant les députés de droite, du RN et de la majorité présidentielle d’alors s’est constituée pour faire capoter cette commission d’enquête. J’ai été écarté de sa présidence comme du poste de rapporteur.
M. Gillet, en revanche, a participé à ce coup d’État. Lorsqu’on joue avec la vie des gens pour des raisons de politique politicienne, il n’est ni bienvenu ni correct de prendre ensuite des postures de défenseur de la vie de nos compatriotes face aux risques majeurs. Je tenais à vous le dire depuis longtemps. Proposez d’autres amendements, mais surtout pas celui-là : vous n’êtes pas crédible.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Notre collègue est blessé parce qu’il n’a pas obtenu un poste de président, de vice-président, de secrétaire. Je ne pense pas que la vie de nos compatriotes ultramarins tienne aux postes que vous pourriez obtenir.
Le Rassemblement national est très attentif à ce que vivent nos compatriotes ultramarins. Même si nous ne partageons pas un certain nombre d’idées, tous les groupes politiques ne peuvent que reconnaître l’attachement du RN à ces territoires et notre travail constant sur les problèmes que vous avez cités. Au reste, d’autres groupes y travaillent aussi ; il est certains sujets sur lesquels nous pourrions éviter la politique politicienne.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je trouve déplacés les propos du rapporteur à l’égard de mon collègue Jean Philippe Nilor. À l’origine de la commission d’enquête que nous avons fait voter lors de notre niche parlementaire, il a ensuite été écarté de ses travaux. Or, comme par hasard, rien n’est sorti de cette commission : aucune révélation, pratiquement aucun travail et des auditions très clairsemées.
Je trouve exagéré d’affirmer que le Rassemblement national s’intéresse de très près aux outre-mer. Vous êtes rapporteur, mais je ne crois pas que vous ayez une quelconque expertise sur ces territoires. Vous n’y avez d’ailleurs jamais travaillé. J’ajoute que lorsque le Parlement européen a récemment reconnu le crime d’esclavage comme crime contre l’humanité, le Rassemblement national a voté contre.
M. Jiovanny William (SOC). Le Président a parlé de réunion baroque, mais c’est notre présence ici qui est baroque, tous groupes confondus : dès qu’il s’agit d’outre-mer, il n’y a personne, et je parie que ce sera également le cas en séance.
Nous élaborons nos amendements en lien avec nos collaborateurs et notre population. Comme dans toute commission existent des stratégies de maintien ou de retrait d’un amendement au profit de celui d’un collègue. Cela n’a rien de baroque.
M. le président Florent Boudié. Je précise pour celles et ceux qui nous écoutent que se tient en même temps que cette commission une séance sur la question budgétaire, ce qui explique probablement que nombre de groupes ne soient pas au complet, y compris sur cette question essentielle des outre-mer.
J’aimerais que le ton reste correct entre nous. Je continue à penser qu’il était baroque qu’une députée me demande où nous en étions des crédits budgétaires pour savoir si elle maintenait ou non un amendement. Les citoyens qui nous écoutent doivent savoir que, si nous vidons les crédits budgétaires, nous ne pourrons pas prolonger la discussion.
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous ne sommes pas dans l’hémicycle, mais en commission, où le ton est généralement plus respectueux et amical. Pour ma part, je m’efforce d’ailleurs d’être toujours respectueux, dans l’hémicycle comme en commission. Or votre ton, monsieur le président, était narquois et irrespectueux. Comme un pompier pyromane, vous attisez le feu, notre colère, en affirmant vous expliquer.
M. le président Florent Boudié. J’ai compris, mais je ne vous redonnerai pas la parole sur le même sujet.
M. Steevy Gustave (EcoS). C’est fou, je n’ai jamais vu ça. Je ne vous connaissais pas, j’apprends à vous connaître…
M. Ludovic Mendes (EPR). Rappelons que nous sommes réunis pour avis. L’avis de la commission des lois ne changera ni l’avis des commissaires aux finances ni le budget dans l’hémicycle, notamment parce qu’on ne sait pas ce qui se passera d’ici demain.
Pour ceux qui n’appartiennent pas à la commission des lois, je rappelle que nous sommes très peu nombreux depuis la semaine dernière, et pas seulement sur les outre-mer mais sur tous les avis, même si certains groupes sont parfois un peu plus nombreux, comme lors des discussions sur la justice ou sur l’immigration. Et pour cause : nous sommes aussi présents dans l’hémicycle. Ne le prenez donc pas mal : il n’y a là aucune attaque, ni personnelle, ni de groupe. Malgré ce qu’on pourrait croire, la commission des lois fonctionne plutôt bien aujourd’hui. Je peux vous assurer que le président est très calme et très respectueux, comme toujours – et ce n’est pas seulement pour prendre sa défense. En commission des lois, nous avons connu des moments bien plus difficiles sur des textes bien plus compliqués et nous avons eu de la chance d’avoir un tel président.
M. Steevy Gustave (EcoS). Vous défendez simplement votre collègue…
M. le président Florent Boudié. Je ne demande ni à être défendu ni à être attaqué, je fais simplement des constats.
M. Steevy Gustave (EcoS). Je déteste votre manque de respect.
M. le président Florent Boudié. Si vous continuez, je vais devoir suspendre la réunion.
La commission adopte l’amendement II-CL76.
Elle rejette l’amendement II-CL173.
Elle adopte successivement les amendements II-CL75 et II-CL232.
Amendement II-CL180 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté à Mayotte et plus d’un tiers à La Réunion, en Guadeloupe et en Guyane.
Dans ces territoires français, l’eau et le logement manquent et les services publics s’essoufflent. Partout, la même détresse, les mêmes inégalités se creusent sans que la situation ne s’améliore réellement. Depuis des années, les gouvernements successifs multiplient les visites ministérielles et les grandes déclarations d’intention mais sur le terrain, les habitants ne voient pas de résultats. Les élus locaux n’attendent pas de promesses, mais des moyens. Réparer les réseaux d’eau, rénover les logements insalubres et moderniser les équipements publics essentiels : voilà les urgences.
Cet amendement propose donc 50 millions d’euros supplémentaires pour soutenir sans tarder ces projets de rattrapage et redonner de la dignité aux Français d’outre-mer.
Il s’agit d’une question de justice, d’égalité et de respect national. La République ne peut pas tolérer qu’à 8 000 kilomètres de Paris, des citoyens français vivent encore dans la misère pendant que le gouvernement dilapide des milliards ailleurs. Nous devons faire plus pour nos compatriotes ultramarins, ils comptent sur nous.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement, qui va dans le sens de ce que je défends, même si 50 millions d’euros pour soutenir l’investissement local ne sont qu’une goutte d’eau, et qu’il faudrait bien plus.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Nous ne voterons pas cet amendement parce que nous avons décidé, dans le cadre de cette mission, de ne plus jamais nous contenter de gouttes d’eau, mais de n’accepter que des avancées réelles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL41 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Un constat s’impose : dans les territoires ultramarins, la France crée plus de souffrance qu’autre chose. L’Insee en apporte la démonstration : à Mayotte, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, qui se situe en outre à 600 euros environ, c’est-à-dire au niveau des minima sociaux dans l’Hexagone, qui sont en quelque sorte le baromètre de la pauvreté dans ces territoires.
De même, le smic y est inférieur de presque 30 % et, chose absolument incroyable, le RSA y est fixé à 50 % du RSA sur le territoire hexagonal. Il s’agit d’une injustice totale et, de la part des gouvernements et de l’État, d’un manque de volonté criant pour réaliser l’unité du territoire et de la nation.
Nous demandons donc que 5 millions soient prélevés sur les crédits de paiement, de manière à rehausser les minima sociaux à un niveau digne d’une République comme la nôtre.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Mon avis est défavorable, même si je suis favorable au principe de l’alignement. Mais dans un territoire submergé par l’immigration comme Mayotte, il faut d’abord faire en sorte que toutes les prestations sociales soient versées uniquement aux Français ou aux étrangers ayant cotisé au moins cinq ans, sans quoi ce serait un appel d’air supplémentaire, que ne pourrait pas supporter l’archipel.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Dans un souci de cohérence, après avoir dit que nous n’acceptions plus de goutte d’eau, en l’occurrence 50 millions, je considère ces 5 millions comme une gouttelette. Mon collègue Gaillard a été très prudent et s’est autocensuré dans ce bel amendement d’appel, que nous retirons.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CL149 de M. Yoann Gillet
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CL170 et II-CL171 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’amendement II-CL170 vise à augmenter les crédits alloués à la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires à Mayotte, nécessaires vu la situation de l’île.
Sa population a doublé en vingt ans et quadruplé depuis 1958, de 23 000 habitants à 321 000 en 2024 – avec des statistiques non fiables. Le principal moteur de cette croissance est un excédent des naissances sur les décès, le taux de fécondité s’élevant à 4,7 enfants par femme en 2022, soit plus du double de la moyenne métropolitaine. La population augmente donc en moyenne de 7 700 habitants par an.
La pression démographique affaiblit les écoles, qui accueillaient 3 000 élèves en 1976 contre 113 870 à la rentrée 2023, d’où un véritable défi pour le bâti scolaire. Les besoins d’équipement sont donc réels.
En me rendant à Mayotte l’an dernier, je me suis rendu compte des conditions d’apprentissage insupportables. En métropole, nous avons dédoublé les classes dans les zones REP (réseau d’éducation prioritaire) et REP+. À Mayotte, on fait rentrer quatre classes dans une seule : deux classes sont dos à dos, avec un tableau de chaque côté de la salle ; une classe se réunit le matin, une autre l’après-midi.
L’amendement II-CL171 vise à renforcer les équipements scolaires en Guyane. Là aussi, la pression migratoire est telle que la maire de Saint-Laurent-du-Maroni doit faire construire une nouvelle école par an, soit une quinzaine de classes, pour répondre à la demande. D’autres communes sont bien sûr concernées par ce besoin de construction d’établissements scolaires.
M. Ludovic Mendes (EPR). Cet amendement paraît bienvenu pour répondre aux enjeux de Mayotte et de la Guyane, où je me suis également rendu, et probablement d’autres territoires. Vous oubliez cependant l’incapacité des élus à définir le nombre d’élèves à la rentrée, et donc le personnel nécessaire – à Saint-Laurent-Du-Maroni, comme à Cayenne et une partie de Mayotte, 40 à 60 % de l’habitat est informel.
Nous aurions donc beau augmenter les budgets, cela ne changerait rien : il n’y a pas assez d’écoles, de bâti et parfois de place. Ces amendements semblent donc de bon sens, mais ils ne pourront pas être mis en place et l’éducation nationale sera toujours débordée par une situation compliquée.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Il est en effet difficile de chiffrer précisément le nombre d’habitants, tant l’habitat informel prend de la place dans ces territoires. Il est cependant nécessaire de construire des écoles. À Saint-Laurent-du-Maroni, une école est construite chaque année et les 15 à 20 classes sont remplies.
L’Insee utilise des méthodes de recensement totalement déconnectées des réalités – je m’étais fait chahuter en le disant l’année dernière dans l’hémicycle. Si l’on prenait davantage attache avec les élus locaux pour croiser les données, nous pourrions avoir des chiffres plus précis.
Il est donc nécessaire de renforcer ces crédits et de maîtriser l’immigration – ce que vous dites sans le dire réellement. La submersion migratoire est telle que la situation est devenue insoutenable.
M. Ludovic Mendes (EPR). Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai pas parlé de submersion migratoire !
M. Jiovanny William (SOC). M le rapporteur a oublié d’ajouter que l’immigration augmente le nombre d’élèves, un point important et positif. En effet, l’immigration dynamise le territoire.
Je suis d’accord avec vous concernant l’Insee. Les algorithmes qu’il utilise pour dénombrer la population, notamment celle de nos territoires, ne sont pas bons et doivent être revus, ce que refusent malheureusement les fonctionnaires chargés de ces dispositifs.
Concernant le nombre d’élèves dans les classes, ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas le faire. Nous avons besoin d’écoles et nous en avons avec des infrastructures correctes, notamment sur le plan de la sismicité.
M. Jean-Victor Castor (GDR). Je ne passe pas trois jours ou une semaine en Guyane : j’en viens et j’y vis. Laissez les personnes qui vivent sur ce territoire dire ce qui s’y passe vraiment.
Avant de parler d’immigration, il faut d’abord parler de la natalité : à Saint-Laurent-du-Maroni, il y a plus de 3 000 naissances par an parce que les gens, y compris d’origine guyanaise, font beaucoup d’enfants.
Concernant l’Insee, j’ai fait une déclaration pour dire qu’il ment, dans une stratégie visant à empêcher une dotation globale de fonctionnement à la hauteur des besoins du territoire. C’est connu depuis longtemps : on fait croire à la population guyanaise qu’elle augmente de moins en moins alors qu’elle double tous les trente à quarante ans.
La vraie hypocrisie tient à l’absence totale d’aménagement et d’investissement dans ce territoire. On pourra toujours parler d’immigration, la réalité est que seuls 440 kilomètres de route ont été réalisés en 400 ans de présence française. Mais quand de Gaulle a décidé de faire construire un centre spatial, on a bâti un équipement de pointe en quelques années : la France sait faire, quand elle veut.
Demain, ce seront les terres rares – l’inventaire des ressources minérales est en cours. Comme ce domaine est stratégique, la France y mettra les moyens, il y aura des routes et des ports en eau profonde pour permettre l’extraction : c’est la politique coloniale française, et rien d’autre.
La population guyanaise est multiculturelle en raison de son histoire. J’ai moi-même plusieurs origines, comme 90 % de la population guyanaise. Traitez vos problèmes d’immigration comme vous le voulez, mais n’introduisez pas d’éléments parasites dans la construction du peuple guyanais.
Les Guyanais sont assis sur des ressources gigantesques mais dans tous les discours, y compris ceux du Rassemblement national, elles sont pour la France. Ne parlez donc pas au nom des Guyanais : vous ne vous intéressez pas à eux.
M. Ludovic Mendes (EPR). Le rapporteur me fait dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai pas parlé de problème d’immigration pour la Guyane, contrairement à Mayotte, où Estelle Youssouffa elle-même évoque des enjeux d’immigration que personne ne peut contester.
Quant à la Guyane, elle a le taux de natalité le plus élevé de France. La maternité de Saint-Laurent-du-Maroni est l’une des plus actives du territoire national. Les problématiques qui en découlent, tel que l’habitat informel, sont donc différentes en Guyane et à Mayotte.
Faire un recensement correct dans les quartiers informels est difficile, car certains fonctionnaires ne souhaitent pas y aller : ils ne les reconnaissent pas comme un territoire adapté aux règles de vie sociale de la métropole. Il s’agit aussi d’une réalité territoriale : aller au fin fond de l’Amazonie est compliqué, même pour les gendarmes, justement parce qu’il n’y a pas assez de routes et que, selon les marées, on ne peut pas monter ou descendre.
Il existe donc des besoins complémentaires, mais les communes, le département ou la région n’auront toujours pas les moyens de financer l’ensemble des infrastructures, étant donné les difficultés pour connaître le nombre de gamins qui se présenteront à la rentrée scolaire.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je dis la même chose que vous, monsieur Castor, sur la Guyane – et je rappelle au passage que la Guyane, c’est la France. Le nombre d’enfants dans les écoles s’explique par des problèmes liés à l’immigration mais aussi par le taux de natalité, plus élevé qu’ailleurs.
Nous partageons le même combat concernant l’Insee et j’espère que nous aurons l’occasion de voter ensemble des amendements sur les méthodes de recensement – il est dommage que ce n’ait pas été le cas dans le passé. Il s’agit d’un véritable scandale : avec ces données de l’Insee, l’État veut cacher une vérité, pourtant flagrante.
Il faut quand même être mesuré lorsqu’on dit que l’immigration est une chance pour nos territoires. Mayotte et la Guyane sont deux cas totalement différents. En Guyane, il y a de nombreuses familles multiculturelles, en lien avec son histoire, et l’immigration n’est pas du tout la même. Mais la Guyane subit également l’immigration des demandeurs d’asile, d’abord des Haïtiens puis, plus surprenant, des Afghans et des Syriens, qui passent par le Brésil.
Pour Mayotte, personne ne peut nier le terme de submersion migratoire. Le système scolaire et sanitaire s’effondre, l’insécurité est galopante, entre autres à cause de cette immigration. Les enseignants dans les établissements de Mayotte disent qu’on n’y apprend rien car, dans certaines classes, 80 % des enfants ne parlent pas un mot de français et qu’il ne s’agit que de garderie.
Les Mahorais qui en ont les moyens, malheureusement assez peu nombreux, envoient leurs gosses en métropole pour les sortir d’un système à bout de souffle. Je trouve donc déplacé de dire que l’immigration est une chance pour la France quand on voit ce qui se passe à Mayotte.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). La situation n’est pas la même à Mayotte qu’en Guyane, à la Martinique, à la Guadeloupe ou à La Réunion. Mon collègue évoquait plus précisément la Martinique, où l’immigration est effectivement une chance.
Seriez-vous devenu sélectif dans vos comparaisons entre les immigrations ? Que pensez-vous de celle qui vient de l’Hexagone et qui fait que, dans certaines classes, il n’y a pas d’enfants d’origine martiniquaise, mais seulement de France hexagonale ? Est-ce un envahissement ? Un tsunami migratoire ? Est-ce que, dans ce sens-là, ça vous dérange ? Il faut savoir raison garder. Nous connaissons la réalité de nos territoires, et l’immigration peut en effet être, comme le dit M. William une chance pour la Martinique, compte tenu de l’hémorragie démographique que nous subissons, provoquée par des politiques publiques inconsistantes.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL243 de Mme Sandrine Rousseau et II-CL233 de M. Steevy Gustave (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). L’économie circulaire dynamise les territoires tout en mettant en œuvre des principes de sobriété reposant sur la réduction de la production de déchets et de la consommation. Or, dans les territoires ultramarins, les infrastructures de tri, de recyclage et de valorisation des déchets sont souvent insuffisantes. À cela s’ajoute un manque de sensibilisation et d’éducation des populations aux enjeux de circularité. De plus, l’isolement géographique et le coût élevé du transport des matières recyclables limitent la viabilité économique de certaines initiatives. L’amendement II-CL233 vise à soutenir les entreprises de ce secteur en créant un fonds de soutien à l’économie circulaire dans les territoires d’outre-mer.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sur l’amendement II-CL243, compte tenu des aspects budgétaires, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, même si j’y suis favorable à titre personnel. En effet, la gestion des déchets est préoccupante partout, mais les problèmes sont bien plus importants en outre-mer.
Avis favorable sur l’amendement II-CL133, qui vise à soutenir des projets concrets de réemploi, de réparation et de valorisation locale qui sont créateurs d’emplois, non délocalisables et utiles contre la vie chère.
M. Jiovanny William (SOC). Je suis très favorable à ces deux amendements, car la gestion des déchets dans nos territoires est très difficile, et bien plus qu’en France hexagonale, territoire connecté qui peut gérer les déchets avec l’Espagne, l’Allemagne et d’autres pays. C’est une possibilité que nous n’avons pas chez nous, où la réglementation internationale nous oblige à gérer les déchets in situ ou à les déplacer : nous devons faire avec ce que nous avons chez nous, où les politiques publiques sont insuffisantes et où les éco-organismes ne suffisent pas à faire le travail.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-CL156 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’orpaillage illégal en Guyane est un véritable fléau qui menace à la fois la sécurité publique et le développement durable, avec des conséquences graves. L’or illégal grève les perspectives de croissance économique et de développement durable. L’écotourisme subit la destruction de paysages remarquables, la filière forestière pâtit de la perte de capital sur pied et la filière minière déclarée assiste au pillage de la ressource aurifère – la production d’or clandestine, évaluée entre 10 et 12 tonnes par an, dépasse largement la production légale, qui est de 1 à 2 tonnes.
L’orpaillage a également un impact sur la santé et sur l’environnement : en l’espace de trente ans, il est devenu le premier facteur de dégradation environnementale. Le mercure utilisé pour amalgamer l’or est un polluant dangereux qui s’accumule dans les milieux naturels et contamine les populations locales.
L’orpaillage a, enfin, un impact sur la sécurité, cette activité clandestine alimentant la délinquance et générant des affrontements entre les orpailleurs clandestins et les forces déployées – on a déjà eu à déplorer la mort de militaires de l’opération Harpie.
L’amendement vise donc à renforcer les crédits alloués à la lutte contre l’orpaillage illégal.
M. Jean-Victor Castor (GDR). La lutte contre l’orpaillage illégal, ou LCOI, est un programme créé avec l’opération Harpie, qui avait pour ambition l’éradication de cette activité. Or, depuis trois ans, la doctrine officielle présentée aux élus dans différentes réunions est que la France ne sait pas éliminer l’orpaillage illégal et se borne donc à le contenir. C’est une capitulation du pouvoir régalien face aux garimpeiros et aux cartels qui, depuis quarante ans, pillent l’or de Guyane, détruisent la forêt, la faune et la flore, et intoxiquent les populations au mercure. Il n’y a pas un député de cette assemblée qui ne connaisse cette vérité.
Le ministère de la défense travaille prétendument à la protection de la forêt guyanaise, mais c’est une vaste hypocrisie. Il faut tout dire ! Pourquoi personne en France ne parle de ces neuf gendarmes qui se sont pris pour des garimpeiros et ont lancé une opération commando pour aller récupérer des kilos d’or ? On l’a caché et il a fallu que ce soit moi qui révèle cette situation pour que quelques médias locaux et hexagonaux en parlent. Ces personnes ont été évacuées en toute discrétion et personne ne sait ce qu’elles sont devenues. Est-ce que vous vous rendez compte ? Neuf gendarmes qui vont braquer des orpailleurs illégaux pour récupérer leur or – qui coûte aujourd’hui 120 000 euros du kilo ! Il est vrai qu’il y a des gendarmes qui tentent de défendre la forêt en y risquant leur vie, mais ceux qui décident savent très bien que c’est une vaste hypocrisie depuis quarante ans.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL150, II-CL157, II-CL160, II-CL159 et II-CL158 de M. Yoann Gillet et amendement II-CL161 de M. Perceval Gaillard
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le taux d’homicide pour 100 000 habitants est de 16,5 en Guyane, contre 1,2 en métropole, et il est de 7,5 en Guadeloupe, 7,3 en Martinique. Il est de 5,7 à Mayotte, où 5 000 faits de délinquance ont été recensés sur les neuf premiers mois de 2025 et où les vols avec arme sont onze fois plus nombreux que sur le reste du territoire national – Mayotte est au bord de l’implosion sécuritaire. En Guyane, on dénombre 836 vols à main armée et 49 homicides pour la seule année 2024, avec 528 armes saisies. À La Réunion, on constate de nombreuses violences de bandes – à Saint-Denis, il y avait 1,9 victime de violences sexuelles pour 1 000 habitants entre 2021 et 2024 et de nombreuses violences conjugales. À la Guadeloupe, la délinquance est hors norme sur fond de trafic d’armes, comme le disait le général Lamballe en 2022. Du 1er janvier au 25 juin 2025, c’étaient encore 28 homicides, 111 tentatives de meurtre et 300 vols à main armée pour un territoire de 300 000 habitants – il faut en effet resituer les chiffres pour comprendre à quel point la situation est dramatique. Pour le procureur général de la cour d’appel de Basse-Terre, il s’agit d’un taux de criminalité « colossal ». Les tirs d’armes à feu sont désormais quasiment quotidiens en Martinique avec, depuis le début 2025, 31 homicides, dont 27 par arme à feu, le dernier voilà quelques jours, le 25 octobre.
Voilà la situation. Mes amendements visent donc à créer un fonds d’équipement de sécurité pour chacun de ces cinq territoires.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). La pénétration des territoires ultramarins par tous les trafics liés aux stupéfiants est un constat unanime, ces territoires étant la proie de narcotrafiquants très organisés. En Guyane, par exemple, les moyens manquent pour lutter contre les trafics, qui passent par les voies aériennes, maritimes et fluviales. L’amendement vise donc à affecter une somme qui, bien que relativement modeste, permettra d’équiper les ports et aéroports de scanners afin de mieux lutter contre le transit de produits stupéfiants.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de cet amendement au profit de ceux que j’ai présentés, car il ne suffit pas pour répondre aux besoins. Les scanners utilisés aujourd’hui ne sont pas totalement efficaces, tandis que les scanners à rayons X n’ont pas d’encadrement juridique – problème qui, même s’il ne relève pas du budget, devra faire l’objet d’une évolution législative permettant d’utiliser des technologies plus performantes.
M. Ludovic Mendes (EPR). Comme l’a rappelé M. Coulomme et comme le montre le rapport qu’Antoine Léaument et moi-même avons rendu au nom de la commission des lois, le besoin de renforcer les contrôles dans les ports est réel. Ainsi, quand ces systèmes sont en fonction en Guyane, le trafic se déplace vers les Antilles – c’est le cas en ce moment en Martinique et en Guadeloupe, avec un détournement passant par le Brésil. Le port de Cayenne est sous-doté en moyens de scan. Une opération a été menée récemment et les douaniers ont encore procédé à une grosse saisie en début d’année, mais les moyens complémentaires en scanners sont insuffisants.
Pour ce qui est des aéroports, un dispositif mis en place au départ de Cayenne fonctionne sur le modèle de celui qui a été installé à l’arrivée à l’aéroport de Schiphol, à Amsterdam, pour les vols en provenance du Suriname. La voie qui a été privilégiée passe par la France. Notre pays fait un effort monumental pour réduire le nombre de mules dans les avions, mais le trafic se déplace, passant désormais par Belém, São Paulo et l’Afrique, avant d’atterrir sur le territoire national. Il faut protéger les ports, qui sont une voie complémentaire pour ces trafics. Les petits ports, comme Dunkerque ou Gravelines, sont les plus touchés, car les grands, comme Marseille ou Le Havre, sont équipés. Or ce n’est pas le cas pour les Antilles et la Guyane, où il faut renforcer les moyens des douaniers et des dockers afin de contrôler l’ensemble des bateaux, qui expédient beaucoup plus de tonnes de cocaïne que les mules ne peuvent en emporter en avion.
En outre, ce n’est pas la Colombie qui est le premier fournisseur de cette cocaïne, mais le Pérou, où règne une forte corruption de la classe politique. Je rappelle que, sur les six derniers présidents de ce pays, cinq sont en prison et le sixième est mort. On se trompe donc de combat : ce n’est pas avec la Colombie qu’il faut passer des accords, mais avec le Pérou, pour limiter les sorties de cocaïne vers le territoire national, à savoir la Guyane.
M. Jean-Victor Castor (GDR). J’ai deux choses à dire là-dessus. D’abord, il ne faut pas que les gens au pouvoir – les macronistes – annoncent des choses et que rien ne soit fait. M. Dupond-Moretti, ministre de la justice, M. Attal, qui était à l’époque chargé des douanes, et M. Darmanin, ministre de l’intérieur – belle palette ! – ont été reçus devant tous les élus Guyane réunis en congrès. M. Darmanin nous avait annoncé l’arrivée d’un scanner dans les mois qui suivraient sur le port de Dégrad-des-Cannes. C’était en 2023 et nous sommes en 2025. Il y a les paroles, et il y a les actes…
Deuxièmement, pour ce qui est du narcotrafic, tout le monde sait qu’il n’y a plus de cloisonnement entre le trafic de l’or, des armes, celui des personnes et la prostitution. Voilà déjà quelques années, j’avais demandé au général Lavergne, responsable de la gendarmerie pour l’ensemble des outre-mer, de me dire franchement si ces cartels étaient capables de corrompre les autorités. Vous avez la réponse ! Ces gens-là brassent des milliards de dollars. Que cherche M. Darmanin lorsqu’il nous propose d’installer un quartier de haute sécurité en pleine Amazonie, à la prison de Saint-Laurent ? Ne sait-il pas que ces gens sont capables de mener des opérations héliportées et d’arriver avec des armes de guerre ? Que peut faire la France, qui ne parvient déjà pas à éradiquer l’orpaillage illégal sur l’ensemble de la forêt amazonienne ? Il faut en finir avec les décisions parisiennes déconnectées de la réalité. Entre la parole et les actes, il faut écouter les élus et les acteurs locaux, qui sont les meilleurs experts des réalités de notre pays.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Monsieur Castor, ne soyez pas étonné : M. Darmanin, qui était à l’époque ministre de l’intérieur, a fait beaucoup de promesses, dont beaucoup n’ont pas été tenues et lorsque cet été son successeur, M. Retailleau, est venu en Martinique et en Guadeloupe, il a fait à son tour des promesses sur des promesses non tenues de M. Darmanin. C’est, là encore, une réalité. Il ne faut pas être naïf. Les choses se répètent.
J’ai découvert avec beaucoup d’intérêt, voilà deux ou trois ans, l’opération 100 % contrôle menée à l’aéroport de Cayenne contre les mules, qu’a évoquée M. Mendes. Cette opération, qui fonctionnait très bien même si elle mobilisait beaucoup de personnels, existe encore sur le papier mais, dans les faits, n’existe plus telle qu’on la connaissait à l’époque.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL37 de M. Perceval Gaillard et II-CL79 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune)
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Il était temps d’envisager la création d’instituts régionaux d’administration (IRA) dans les collectivités dites ultramarines, où il n’en existe aucun. Un tel dispositif encouragerait pourtant l’administration centrale et déconcentrée à mieux prendre en compte les réalités ultramarines et à développer une culture dite d’outre-mer qui permettrait de renforcer l’efficience des politiques publiques et la représentativité de nos territoires.
Ce serait également une grande avancée en termes d’insertion professionnelle pour les ultramarins, qui doivent trop souvent quitter leur collectivité pour aller se former dans l’Hexagone, faute d’offre suffisante dans les outre-mer. Je rappelle qu’une mission d’information relative à la situation démographique des outre-mer et au maintien des forces vives dans ces territoires a présenté le 22 janvier 2025 un rapport qui recommande fortement – comme nous le faisons depuis des années – la création d’un IRA dans les territoires d’outre-mer.
Quant à l’amendement II-CL79, il touche à la question épineuse des conditions de passage de certains concours par des jeunes originaires des pays dits d’outre-mer. En effet, les candidats admissibles à l’oral doivent impérativement se rendre dans l’Hexagone, à leurs frais et à leurs risques et périls. Il serait temps de changer cette culture qui fait de Paris le centre du monde.
Ce problème renvoie également à celui de l’appellation d’« outre-mer ». Quand je suis en Martinique, je suis certes outre-mer pour les habitants de l’Hexagone, mais l’Hexagone, comme la Guadeloupe et la Guyane, est aussi outre-mer pour moi. On est toujours l’outre-mer de quelqu’un d’autre.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis très favorable sur l’amendement II-CL37. Sur l’amendement II-CL79, sagesse.
M. Jiovanny William (SOC). La création d’un IRA dans nos territoires, préconisée par une mission parlementaire, posera certes le problème du nombre de candidats, qu’il faudra dimensionner correctement pour obtenir la création de ces instituts, mais la demande est forte dans nos territoires. Je suis favorable à ces deux amendements.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-CL151 de M. Yoann Gillet et II-CL66 de M. Perceval Gaillard (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’amendement II-CL151 vise à renforcer l’aide en faveur du fret, levier essentiel contre la vie chère dans les territoires ultramarins. Du fait de leur éloignement géographique, ils subissent des surcoûts massifs de transport qui pèsent directement sur les prix de consommation, aggravant la vie chère et les difficultés de pouvoir d’achat des ménages.
Sur l’amendement II-CL66, sagesse.
La commission rejette l’amendement II-CL51 et adopte l’amendement II-CL66.
Amendement II-CL73 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Cet amendement s’attaque au scandale silencieux qu’est l’abandon de la jeunesse ultramarine : 60 000 étudiants doivent choisir entre la possibilité de se loger, de manger ou d’étudier. Que ce soit dans l’Hexagone ou dans les outre-mer, la précarité étudiante n’est pas un concept, mais une réalité brutale.
Le baromètre 2025 du Cop1 – Solidarités Étudiantes est un coup de poing : en Martinique et en Guadeloupe, 65 % des étudiants ont moins de 50 euros par mois pour vivre, une fois leur loyer payé. Selon les chiffres de l’Unef (Union nationale des étudiants de France), un étudiant ultramarin, boursier ou non, subit un surcoût structurel de 50 à 70 euros par mois à cause de la vie chère. Or la grande mesure prise en réponse à cette situation est un complément dérisoire de 30 euros par mois, soit moins de la moitié du surcoût réel pour un boursier. C’est une humiliation.
Nous refusons que la réussite de nos jeunes dépende de leur lieu de naissance ou de la bourse de leurs parents. Cet amendement qui propose des crédits de 8 millions n’est qu’un début. C’est une mesure de justice sociale pour commencer à compenser ce surcoût. Nous gageons ce montant sur les aides aux entreprises et le proposerons en séance car, entre les dividendes et le droit d’étudier, nous avons choisi.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je voterai cet amendement car les conditions de vie des étudiants sont en effet déplorables, en raison du manque de logements pour étudiants et parce que la vie est plus chère pour eux aussi. Certaines mesures ne coûteraient cependant pas très cher, notamment pour ce qui concerne le mode de sélection des étudiants dans nos universités. Ainsi, à La Réunion, sous prétexte de concurrence et de notation des établissements, certaines universités ont ouvert massivement les masters à des étudiants venus d’ailleurs et les étudiants réunionnais n’y ont plus de place, alors qu’on a précisément investi dans ces universités pour qu’ils puissent y faire des études. On leur dit d’aller chercher des places de master ailleurs, notamment dans l’Hexagone, mais cela suppose de pouvoir prendre l’avion et se loger, ce qui n’est pas évident. Dans nos territoires, ceux qui font des études supérieures sont donc ceux dont les familles ont de l’argent.
Ne pas être boursier ne signifie pas forcément qu’on est très riche. Des parents de classe moyenne dont les enfants n’ont pas de bourse n’ont pas forcément les moyens de payer le loyer, transport et la nourriture pour leur permettre de faire des études. Cela contribue à ce que, dans nos territoires, les jeunes soient moins diplômés que dans le reste de l’Hexagone. Revoyons donc aussi le mode d’attribution des places en master et en faculté – et je ne parle pas de Parcoursup, car il me faudrait bien plus de temps.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL62 de M. Perceval Gaillard
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). L’Assemblée évoque souvent la santé mentale, notamment celle de nos plus jeunes, qui sont entre un sur dix et un sur cinq à se considérer comme atteints de problèmes mentaux, psychiques ou psychiatriques. Ce taux explose dans les territoires ultramarins, pour des raisons connues, liées à des taux de chômage élevés, à l’inégalité d’accès au logement et au travail, et à des défis infrastructurels. Le problème est donc d’une intensité particulière dans ces territoires et, malgré les plans d’aide à la santé mentale déjà existants, si l’on attend le dernier moment, c’est-à-dire la décompensation, il est trop tard pour faire du bon travail. Des outils de prévention appropriés, qui n’existent pas aujourd’hui, sont donc nécessaires. L’amendement vise à doter le système éducatif de médecins et d’infirmiers pour la prévention auprès des plus jeunes.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.
La commission adopte l’amendement
Amendements II-CL50 de Mme Sandrine Nosbé, II-CL53 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL40 de M. Perceval Gaillard, II-CL256 et II-CL257 de M. Jiovanny William (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Ces amendements visent à lutter contre la vie chère, problème qui donnera lieu très prochainement à un projet de loi qu’examinera notre assemblée. Si nous voulons nous doter des outils nécessaires contre la vie chère, nous pouvons demander poliment aux grands distributeurs de faire des efforts, ou choisir d’augmenter les moyens de régulation de l’État – ce qui demande un peu de sous. Rejeter en bloc ces amendements mettra en péril l’examen du projet de loi relatif à la vie chère ou, du moins, ne nous donnera pas les moyens de lutter efficacement contre la vie chère.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Tous ces amendements proposent certes des dépenses, notamment pour les OPMR (observatoires des prix, des marges et des revenus), mais cette dépense rapportera beaucoup plus. Si nous parvenons à faire en sorte que les situations de monopole ou d’oligopole ne se traduisent pas systématiquement par des prix excessifs, nous aurons gagné et ces sommes seront considérées comme relativement modestes par rapport aux bienfaits collectifs qu’elles engendrent.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Il ne faut pas se tromper de combat. La vie chère est un vrai sujet outre-mer mais, malgré l’avis de sagesse que j’ai émis, je doute fortement que la création d’une autorité de la concurrence spécifique aux outre-mer permette, in fine, de faire baisser le coût de la vie pour nos compatriotes ultramarins. Si on veut agir réellement contre la vie chère, il faut pouvoir aborder certains sujets, qui du reste se cumulent, comme le fret maritime – car l’importation de produits, surtout à bas prix, coûte très cher – ou l’octroi de mer, dont nous devons pouvoir parler sans pour autant déshabiller les collectivités qui ont besoin de cette recette.
Pas plus que les mesures proposées par ces amendements, le projet de loi qui arrive et dont nous avons tous lu au moins les contours n’est capable de faire baisser le coût de la vie pour nos compatriotes ultramarins – il en est même très loin et reflète bien la déconnexion totale de nos dirigeants, ou de ceux qui écrivent pour eux, avec la réalité du quotidien.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements II-CL168 et II-CL167 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’amendement II-CL168 vise à renforcer les crédits de la lutte contre la pollution massive par la chlordécone, substance toxique utilisée pendant vingt ans qui a entraîné une pollution des sols, de l’eau des rivières et du milieu marin proches des secteurs où elle a été utilisée.
Quant à l’amendement II-CL167, il tend à renforcer les crédits santé pour les outre-mer en multipliant les actions de prévention et d’information, afin de garantir l’accès à des soins de qualité.
M. Jiovanny William (SOC). Le premier amendement est inefficace car la dépollution de la chlordécone suppose des milliards d’euros. Le deuxième est superfétatoire, car il nous parle de pédagogie, mais on sait bien de quoi il s’agit, qui a fait quoi et ce qu’il faut faire.
La commission rejette successivement les amendements
Amendement II-CL196 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Plusieurs collectivités ultramarines sont dans une situation financière très difficile. Les contrats de redressement en outre-mer (Corom) sont un outil efficace pour restaurer leur équilibre et leur permettre de retrouver une gestion saine. Ce dispositif a obtenu des résultats concrets : six communes sur neuf engagées dans un Corom ont amélioré leur situation financière d’après un rapport du Sénat de 2023, et on constate une réduction des dettes envers les fournisseurs et des délais de paiement. De fait, certaines collectivités outre-mer accusent des retards de paiement très importants qu’on ne peut imaginer en Hexagone. Les Corom permettent également un meilleur pilotage budgétaire et un accompagnement de proximité, à la satisfaction des élus. Ces derniers sont également surpris que d’autres collectivités n’aient pas fait ce choix.
Force est de constater que, malgré leurs difficultés, le gouvernement fait dans ce budget, le choix de réduire les crédits destinés à aider les collectivités qui font l’effort de redresser leur situation budgétaire.
M. Jiovanny William (SOC). Cet amendement est surprenant car le contre-programme que vous annoncez prévoit une réforme de l’octroi de mer et la suppression du report de la baisse de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), qui a une conséquence sur les collectivités. Y a-t-il là une contradiction ? Je souhaiterais des explications.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. En évoquant tout à l’heure l’octroi de mer, je parlais d’une compensation pour les collectivités locales, qu’on ne peut évidemment pas laisser sans recettes. J’y suis très vigilant et je suis personnellement très attaché aux collectivités locales. Pour avoir été moi-même élu local et directeur de cabinet du maire d’une commune de taille moyenne, je sais combien les recettes sont difficiles à trouver pour les collectivités et je connais le besoin de stabilité de ces recettes sur le moyen et le long terme pour pouvoir mener à bien des projets – ce qui n’est pas le cas en outre-mer car l’octroi de mer peut être variable, en positif comme en négatif. Surtout, je sais qu’il est nécessaire de redresser la barre pour des collectivités qui ne parviennent plus à investir et n’ont aucune capacité d’autofinancement. C’est dramatique, car elles n’ont pas un seul euro pour construire une route ou une école, ou pour acheter un ordinateur pour un établissement scolaire.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). On entrevoit le funeste sort que vous réservez aux collectivités de nos pays. Vous remettez systématiquement en cause l’octroi de mer, à dessein. Les études les plus sérieuses indiquent qu’il affecte les prix, c’est vrai, mais à hauteur de 4 %, pas davantage. Il faut donc chercher ailleurs les causes profondes du mal-développement et du phénomène de vie chère.
Nous ne voulons pas revenir ici chaque année pour quémander des dotations d’un État qui n’a plus d’argent, surtout quand on voit à quel point il faut se battre pour obtenir des crédits. Nous préférons conserver la petite part d’autonomie fiscale dont nous disposons. Nous n’allons pas la remettre dans les mains d’un État qui ne nous redistribuera jamais ces prébendes. Notre position est donc claire : nous nous y opposons frontalement.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Globalement, votre amendement est assez populiste. Les gens pointent l’octroi de mer comme étant la cause de la vie chère. Peu importe que ce soit vrai ou pas, vous déclarez qu’on va supprimer l’octroi de mer.
Nos économies vivent sous perfusion de l’État ; il faut leur donner des ressources propres. Or l’octroi de mer est une ressource propre ; c’est le seul petit point d’autonomie fiscale dont nous disposons. Si vous le remplacez par une dotation aux collectivités mais qu’elle subit une coupe – c’est le cas dans ce texte, avec une baisse de 5 milliards –, les collectivités d’outre-mer la subiront aussi. Ainsi, au lieu de trouver des solutions, vous nous rendez encore plus dépendants du pouvoir central. Nous ne pouvons pas valider ce modèle. Ce n’est pas parce que certains vous demandent la tête de l’octroi de mer qu’il faut s’en tenir à un raisonnement aussi réducteur et ne pas s’interroger sur les causes profondes de la vie chère.
On peut tout à fait discuter de ce sujet : il n’est pas normal que des médicaments soient taxés à l’octroi de mer pour rentrer chez nous ; il n’est pas normal que des matériaux soient exonérés d’octroi de mer pour des raisons plus politiques qu’économiques. S’il est indispensable de tout remettre à plat, on ne peut pas décider qu’on supprime l’octroi de mer et que l’État compensera. Nous ne voulons plus de la charité de l’État, nous ne voulons pas faire l’aumône : nous voulons trouver des solutions pour rendre nos économies pérennes.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je n’ai à aucun moment affirmé qu’il fallait supprimer l’octroi de mer. J’ai dit qu’il fallait mettre le sujet sur la table pour pouvoir réformer l’octroi de mer. Voilà tout ce que j’ai dit : vous lisez très mal dans mes pensées et, surtout, vous m’écoutez très mal.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’année dernière, vous aviez déposé un amendement de suppression de l’octroi de mer.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Il s’agissait d’un amendement d’appel ; c’était précisé dans l’exposé des motifs.
Ensuite, la lutte contre la vie chère soulève la question du fret maritime. Elle passe également par une amélioration du pouvoir d’achat de nos compatriotes ultramarins.
Enfin, je vous rappelle que mon amendement ne concernait pas l’octroi de mer ni la vie chère, mais les dispositifs Corom.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL55 de M. Jean-Hugues Ratenon
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Cela fait déjà huit ans que nous vivons en Macronie mais le ruissellement promis ne s’est pas produit : au contraire, le budget des ménages s’est asséché et les conditions de vie se sont aggravées. La grande pauvreté observée dans l’Hexagone est cinq à quinze fois plus importante dans les collectivités dites d’outre-mer.
Nous souhaitons accorder un accompagnement financier aux associations ultramarines. Elles jouent en effet un rôle essentiel, alors que l’État ne parvient plus à remplir ses fonctions – il n’arrive plus à loger, à soigner, à lutter contre les violences intrafamiliales. Encore faut-il qu’elles en aient les moyens : par cet amendement, nous proposons de créer un nouveau programme baptisé Aide aux associations outre-mer. Il serait financé en prélevant 5 millions sur l’action Soutien aux entreprises.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL69 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Si, dans l’Hexagone, la natalité chute drastiquement en raison de la désespérance du modèle de société que nous propose la Macronie, en revanche, dans les territoires ultramarins, les animaux sauvages se multiplient sans qu’il y soit fait obstacle. L’objet du présent amendement est donc de procéder à des stérilisations massives des populations canines et félines, devenues considérables, notamment à La Réunion où elles attaquent les troupeaux et nuisent à la biodiversité – les chats errant sont d’ailleurs les premiers prédateurs des oiseaux.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je vais malheureusement être obligé de donner un avis défavorable. Si vous aviez voté mon amendement précédent sur les dispositifs Corom, les collectivités auraient pu assumer leurs compétences, dont celle de stériliser les animaux errants. Si l’on veut que les deniers publics soient bien utilisés, c’est le b.a.-ba.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Vous imaginez bien que je ne vais pas suivre le rapporteur qui donne un avis défavorable sans tenir compte du bien-fondé de cet amendement, par mesure de rétorsion contre des positions prises sur un amendement précédent.
L’enjeu des animaux errants est très important pour les agriculteurs dans les outre-mer, en particulier sur le plan sanitaire, en raison du risque de propagation des maladies. Certains estiment peut-être que, chez nous, tout va bien, c’est la fête, c’est le zouk. Or nous avons de vraies difficultés, et il faut s’en occuper sérieusement. Tel est le sens de cet amendement.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). L’amendement peut faire sourire parce que nous sommes un peu à bout de nerfs dans cet examen budgétaire, mais il traite de l’enjeu très important de la biodiversité. En effet, la prolifération des animaux, non pas sauvages mais errants, porte atteinte à la biodiversité et aux éleveurs.
J’ajoute, pour prendre la défense de nos collectivités, que lorsqu’un territoire n’a pas d’eau, pas de logement, pas de route, il a tendance à établir des priorités. Les chats et les chiens, fussent-ils errants, passent alors au second plan. Il faut redonner des moyens aux collectivités mais les besoins sont tellement criants que, quand bien même on leur accorderait 5 millions de plus, la plupart des collectivités chercheraient d’abord à régler leurs problèmes majeurs plutôt que celui des chats et des chiens errants, même si la biodiversité est importante et même si les éleveurs rencontrent de vrais problèmes.
Au passage, il n’y a quasiment plus d’éleveurs dans nos territoires : les normes européennes sont tellement complexes et il est tellement difficile de faire venir des aliments que la filière est en train littéralement de crever.
M. Jiovanny William (SOC). Pour ma part, c’est un amendement que je ne pourrai pas voter car, d’une part, il vise une autre mission et, d’autre part, il prévoit de retirer des fonds alloués à l’action Soutien aux entreprises. Or, en l’état actuel des choses, le soutien aux entreprises est primordial. Chaque euro compte pour nos entreprises ; il y a des emplois à la clé. Les collectivités qui ont la mission de stériliser des animaux errants doivent faire mieux ; les citoyens aussi doivent prendre leur part et gérer leurs animaux.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. J’allais dire la même chose.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Notre collègue nous dit qu’il faut investir dans l’action Soutien aux entreprises. L’activité de stérilisateur est assurée par de petites entreprises de services ; elle nécessite peu d’investissements en matériel et sa rentabilité est excellente puisqu’elle repose essentiellement sur de la main d’œuvre. Ces 5 millions créeront donc autant d’emplois que nécessaire.
M. Ludovic Mendes (EPR). À Paris, les élus de La France insoumise défendent les rats, les moustiques et les mouches. Désormais, ils veulent stériliser les chats et les chiens un peu partout, en prélevant 5 millions sur l’emploi en outre-mer. Ce n’est pas possible, car il existe un véritable besoin de soutien des entreprises en outre-mer – vous l’avez d’ailleurs reconnu vous-mêmes, chers collègues. Soyez honnêtes dans le choix des sujets que vous voulez mettre en avant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL172 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. La pêche et l’aquaculture marines sont au cœur du développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Elles représentent un levier stratégique pour l’emploi local, la valorisation durable des ressources marines et la souveraineté alimentaire du territoire. Cet amendement vise à renforcer le fonds Pêche et aquaculture à Saint-Pierre-et-Miquelon avec pour objectif de soutenir l’investissement et l’innovation, de structurer durablement la filière, d’accompagner la montée en compétences des professionnels, et de favoriser une économie bleue forte, durable et compétitive.
M. Jiovanny William (SOC). Les aquaculteurs ont besoin de surfaces supplémentaires. Or la législation actuelle leur impose des surfaces trop petites pour qu’ils puissent les exploiter correctement. Cet amendement n’est donc malheureusement qu’un coup d’épée dans l’eau – cela vaut aussi pour la Martinique et la Guadeloupe.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je vous invite à voter mon amendement et à corédiger avec moi une proposition de loi sur ce sujet pour faire évoluer la législation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CL163 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le présent amendement me tient particulièrement à cœur. Il vise à abonder les crédits pour le service militaire adapté (SMA) de 5 millions d’euros.
Le SMA est un pilier de l’emploi pour la jeunesse ultramarine. En 2024, le taux de chômage s’élevait à 28,6 % à Mayotte, 17,3 % à La Réunion et 16,9 % en Guyane. Le service militaire adapté offre une seconde chance aux jeunes ultramarins éloignés de l’emploi. Ce dispositif d’insertion professionnelle, qui forme près de 5 800 volontaires chaque année, dont 1 000 jeunes à Mayotte, enregistre un taux d’insertion supérieur à 75 %, et même 85 % certaines années. À chaque fois que je me rends dans un territoire ultramarin, je tiens à rendre visite aux régiments du service militaire adapté, parce que je trouve ce dispositif très intéressant.
Force est toutefois de constater que les moyens sont en recul ces derniers temps. Le service militaire adapté accueille de moins en moins de jeunes. Pour une fois qu’un dispositif fonctionne, on lui retire des moyens. Plutôt que d’en donner plus à des dispositifs qui ne fonctionnent pas, soutenons le SMA !
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Cet amendement ne déchaîne pas notre enthousiasme, tant il cherche à reproduire l’abominable expérience du service national universel dans les territoires ultramarins Si c’est pour faire sauter des jeunes à cloche-pied en imitant le cri du kangourou, comme on l’a vu dans une vidéo montrant toute une équipe obéissant à des ordres ineptes… Voilà pour l’aspect philosophique.
Sur un plan économique, il faudra nous expliquer en quoi le service militaire adapté constitue un emploi. À moins que ces jeunes ne soient payés au smic ?
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. C’est de l’insertion professionnelle.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il existe d’autres dispositifs permettant aux jeunes d’accéder à l’emploi, avec des formations vraiment qualifiantes, et sans avoir à tenir un fusil ou à lancer des grenades.
M. Jiovanny William (SOC). Je suis gêné : le SMA, sachez-le, forme des centaines de jeunes et plus de 90 % d’entre eux sont ensuite insérés professionnellement. Il ne s’agit absolument pas de sauter à cloche-pied.
La difficulté que nous rencontrons est que de moins en moins de jeunes souhaitent faire un SMA, raison pour laquelle les crédits ont été réduits. Or ils y apprennent un savoir-faire et un savoir-être qui sont très valorisés auprès des entreprises. Il faut donc non seulement renforcer le SMA mais aussi faire œuvre de pédagogie pour convaincre les jeunes de s’engager.
M. Ludovic Mendes (EPR). Vos propos, monsieur Coulomme, sont regrettables. Le service militaire adapté, qui est bien plus vieux que le service national universel, a servi d’exemple pour le service militaire volontaire, créé en 2015 à Montigny-lès-Metz, dans ma circonscription. Il permet à 4 000 ou 5 000 jeunes par an de se réinsérer par le travail en étant pris en charge par les militaires. Le SMA est un peu différent car il s’agit d’un service militaire adapté spécifiquement aux outre-mer. De plus en plus de jeunes y participent dans les îles du Pacifique – un peu moins dans les Antilles. Ils sont pris en charge et formés ; on leur paye le permis et on les accompagne sur de nombreux sujets.
La caricature que vous venez d’en faire est une insulte pour tous ces jeunes qui servent la France sur des théâtres d’opérations militaires. Car c’est aussi une réalité du SMA : nombre d’entre eux sont présents sur le territoire national, dans l’opération Sentinelle, pour protéger les cathédrales, les mosquées et les synagogues. Vous leur crachez au visage en tenant de tels propos.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Je veux introduire une nuance, parce qu’il faut sortir de la caricature. Le service militaire adapté permet à des jeunes de sortir de l’oisiveté et de la désocialisation, c’est vrai. Mais ce n’est pas non plus la panacée. Je ne considère pas qu’une formation militaire soit la seule solution envisageable pour offrir une perspective à des jeunes.
Le succès du SMA a mis en difficulté toutes les autres filières de formation et d’insertion professionnelles, parce que les financements sont fléchés prioritairement vers le SMA. Tant qu’il y a des résultats, cela me va, mais ce sentiment d’exclusivité et le fait que le succès du SMA tient beaucoup à la promotion qui en est faite par le gouvernement me le rendent suspect. Autour, c’est table rase : toutes les structures qui offraient des perspectives de réinsertion et de socialisation à nos jeunes sont en train de disparaître, si ce n’est déjà fait. Je le dis en toute objectivité : un excès reste un excès.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Mais il ne faut pas être dans l’excès. La différence entre un dispositif d’insertion classique et le SMA, c’est la dimension militaire, et c’est aussi le taux d’insertion. Il faut donc reconnaître que cela fonctionne.
De plus, ce n’est pas la caricature que vous en faites. Il y a un encadrement militaire, certes, mais les jeunes apprennent un métier avec des civils. La réalité, c’est que l’aspect militaire permet de les sortir de certaines difficultés, de leur apprendre à se lever le matin et à respecter leur futur patron : cela rassure les employeurs, qui se disent qu’un jeune ayant suivi un SMA a appris des valeurs et un métier.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CL248 de Mme Sandrine Rousseau et II-CL169 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CL248 vise à renforcer le financement du plan Sargasses. Depuis plusieurs années, la Guadeloupe et la Martinique font face à une prolifération massive des sargasses qui s’échouent sur les plages, conséquence du réchauffement de l’océan et des apports excessifs de fertilisants. Leur décomposition libère des gaz toxiques à l’origine d’odeurs insupportables, de dégradations matérielles et de risques importants pour la santé.
Les conséquences économiques sont lourdes : le tourisme décline, les populations sont affectées. Mis en œuvre en 2022 avec un budget de 36 millions sur quatre ans, le plan Sargasses s’est révélé insuffisant pour faire face à l’ampleur de ce fléau. L’année 2025 a été particulièrement catastrophique. Les arrivages record ont submergé les dispositifs existants. En Martinique, 4 500 tonnes d’algues ont été collectées en trois mois, soit trois fois plus que l’an dernier.
Il est nécessaire de renforcer les financements dédiés. Le groupe Écologiste et social souhaite soutenir les initiatives locales qui œuvrent à la valorisation des sargasses collectées – production d’isolants, de compost, de papier, etc. – ainsi que les projets de recherche universitaire , freinés par le manque d’appels à projets. Je vous invite donc à voter cet amendement.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je considère que l’amendement II-CL169 a été présenté puisque mon collègue a à peu près tout dit. J’émets un avis favorable à son amendement. C’est un vrai sujet : il faudrait bien plus d’argent pour lutter contre les sargasses, en investissant dans l’achat de Sargator pour récolter les algues et en installant davantage de barrages. Les sargasses ont une incidence énorme sur la santé mais aussi sur le tourisme car elles dénaturent totalement le littoral. Le futur plan Sargasses devra être doté de moyens importants, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les collectivités chargées de ramasser les algues n’ont pas suffisamment de moyens. Surtout, il faudrait développer la recherche et l’innovation concernant la valorisation des sargasses.
M. Jiovanny William (SOC). Ma circonscription est la plus touchée par les sargasses en Martinique. Alors que l’achat d’un seul bateau de ramassage coûte 1 million d’euros, le coût de l’inaction se chiffre en milliards. J’invite donc l’ensemble des collègues à voter pour cet amendement : ce serait un signal fort et puissant en faveur d’un véritable plan Sargasses III pour la Martinique et la Guadeloupe.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Je soutiens avec beaucoup de détermination et de conviction ces amendements. Il serait souhaitable que nous les votions à l’unanimité.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-CL234 de M. Steevy Gustave
M. Steevy Gustave (EcoS). Il s’agit d’augmenter de 2 millions le soutien à l’économie sociale et solidaire (ESS) dans les territoires d’outre-mer. D’après l’association Avise, celle-ci présente un grand potentiel, tant sur le plan des filières stratégiques que de l’engagement citoyen. En effet, les entreprises de l’ESS génèrent une forte valeur ajoutée dans leur territoire avec la création d’emplois non délocalisables et la mise en place d’un lien social. L’ESS permet de lutter contre les inégalités et la précarité, tout en soutenant l’emploi local.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
La commission rejette l’amendement II-CL166 de M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis.
Amendements II-CL235 de M. Steevy Gustave et II-CL255 de M. Jiovanny William (discussion commune)
M. Steevy Gustave (EcoS). L’amendement II-CF235 vise à renforcer les subventions dans le domaine de la culture, de la jeunesse et des sports. Elles sont essentielles pour soutenir la production et la diffusion artistiques et culturelles. De plus, elles financent des projets éducatifs et encouragent l’autonomie, la mobilité, la citoyenneté ainsi que l’insertion sociale et professionnelle des jeunes ultramarins. Nous devons valoriser ces initiatives.
M. Jiovanny William (SOC). L’amendement II-CF255 a pour objet d’abonder le Febecs, qui a permis à de nombreux jeunes ultramarins de participer aux Jeux olympiques et à des associations sportives et culturelles de s’exprimer en France hexagonale. Dans un souci de continuité territoriale, je vous demande de voter cet amendement d’un montant de 200 000 euros.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la commission pour le premier amendement. Avis favorable sur le second.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Je suis très favorable à ces deux amendements. Les outre-mer, grands pourvoyeurs de médailles dans toutes les disciplines sportives – à l’exception du ski alpin… –, font la fierté de la France. Pourtant, le sport dans nos pays est maltraité, avec des équipements qui ne sont pas à la hauteur et qui finissent par blesser les sportifs. De plus, nous n’avons pas de moyens financiers à la hauteur des enjeux de resocialisation. Or c’est là qu’il faut mettre le paquet si on veut changer la société ; c’est sur le sport et la culture qu’il faut mettre le paquet pour que demain, les jeunes fassent couler des larmes de fierté dans nos yeux.
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous avions un budget de 2,3 milliards. À l’heure où je vous parle, nous en avons dépensé 1,7 milliard : nous avons été sages !
L’amendement II-CL255 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CL235.
Amendement II-CL253 de M. Jiovanny William
M. Jiovanny William (SOC). Cet amendement vise à anticiper la mise en place de l’expérimentation d’un service public logistique prévue dans le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Il s’agit d’une plateforme logistique à destination des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), conçue dans le but de réduire le nombre d’intermédiaires à deux ou trois au maximum – on en dénombre entre dix et quinze entre l’achat d’un produit et sa vente au consommateur. C’est un amendement d’appel, que je vais retirer.
L’amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Outre-mer modifiés.
Après l’article 71
Amendement II-CL56 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Cet amendement vise à obtenir la rédaction d’un rapport exhaustif sur la pénurie de logements étudiants dans les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) des collectivités dites d’outre-mer, détaillant bien la situation dans chaque territoire.
La carence de logements étudiants au sein des Crous a un impact significatif sur la vie des étudiants en France. La situation est encore plus préoccupante pour les jeunes qui étudient dans les outre-mer car ils sont confrontés à des difficultés accrues en raison de leur faible pouvoir d’achat et du coût de la vie, notoirement plus élevé dans les territoires ultramarins. Cette pénurie entrave considérablement leur accès à un logement abordable et adapté. Il est grand temps de disposer d’éléments objectifs permettant d’éclairer les prochaines politiques publiques, qui seront cruciales pour l’avenir de nos étudiants.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL58 de M. Jean-Hugues Ratenon
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Nos compatriotes ultramarins se rendent souvent dans l’Hexagone pour poursuivre leurs études, trouver un emploi ou accéder à des soins médicaux spécialisés – on connaît l’état de l’hôpital en France, qui n’est pas réjouissant, mais chez nous c’est encore pire.
Les opportunités d’études dans les outre-mer sont limitées. Des dispositifs existent pour accompagner la mobilité – bourses régionales, aides spécifiques, programmes d’accompagnement – mais ils ne sont pas suffisants ni adaptés aux besoins des jeunes, car les défis sont multiples – logement, alimentation, déplacements, etc. De nouveaux passeports mobilité ont été récemment développés dans le cadre de la continuité territoriale : il convient impérativement de les évaluer pour savoir s’ils répondent réellement aux besoins. Tel est l’objectif de cet amendement.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL59 de Mme Sandrine Nosbé
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Cet amendement est à la fois judicieux et intelligent. Il propose en effet d’étudier le principe d’une continuité territoriale économique entre l’Hexagone et les outre-mer concernant le fret de marchandises, afin de disposer d’éléments objectifs sur le rôle de ce dernier dans la vie chère.
Il s’agit également de se demander si le transport entre Paris et Fort-de-France relève d’un service public ou pas. Si on considère que c’est le cas, parce que nous sommes sur un même territoire, alors il faut mettre en place une délégation de service public : on ne peut pas laisser cela à la rudesse du privé, et en l’occurrence à la CMA-CGM.
Beaucoup de produits sont importés, ce qui entraîne des coûts de transport et de stockage. Plutôt que de raconter que l’octroi de mer est la cause de la vie chère, il faut se pencher sur cette question. Un rapport rassemblant des éléments objectifs d’analyse permettra d’éclairer nos actions et nos décisions dès le budget de l’année prochaine.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. S’agissant d’une demande de rapport en vue d’éclairer le débat, j’y suis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CL152 de M. Yoann Gillet
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Cet amendement logique vise à ce que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur les besoins d’infrastructures et d’équipement à Mayotte, un territoire qui, en théorie, est en pleine reconstruction. Une liste exhaustive des besoins permettrait de prévoir les investissements à réaliser dans les années à venir. À vrai dire, l’État devrait dresser de telles listes en lien avec chacun des territoires ultramarins. Plutôt que de réagir au coup par coup, il pourrait ainsi établir un plan d’investissement à long terme et fixer des priorités – santé, éducation, etc.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Cet amendement est le dernier du rapporteur pour avis, mais ce n’est pas le plus nul ; nous ne voterons pas contre.
M. Steevy Gustave (EcoS). Nous voterons pour également.
La commission adopte l’amendement.
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Puis, la Commission procède à l’examen pour avis et vote des crédits de la mission
« Conseil et contrôle de l’État : programme Conseil d’État et autres juridictions administratives » (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur pour avis).
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur pour avis. Les crédits du programme 165 financent les dépenses des cinquante juridictions administratives non spécialisées – les quarante-deux tribunaux administratifs, les neuf cours administratives d’appel et le Conseil d’État – et des deux juridictions spécialisées que sont la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et le Tribunal du stationnement payant (TSP).
Je me suis donné comme priorité de travailler sur la qualité du service public de la justice administrative, dont le premier critère est, évidemment, la rapidité avec laquelle sont traitées les saisines de nos concitoyens. C’est une vraie question, car les tribunaux administratifs sont confrontés à une augmentation considérable du contentieux, de 20 % en 2025, ce qui représente 45 000 requêtes de plus. Sur le plan des délais, les moyennes ne veulent rien dire, car elles portent à la fois sur les référés, dont la part est croissante, et sur les décisions au fond. Si le délai moyen tourne autour de neuf mois, il s’élève en réalité hors procédure d’urgence à un an et cinq mois. Et c’est aussi un délai moyen : certaines affaires prennent beaucoup plus de temps. La justice est parfois rendue si tardivement qu’elle n’a pas l’efficacité qu’on pourrait attendre d’elle.
Le TSP est frappé par le même tsunami. Son délai moyen de traitement a augmenté de neuf mois depuis 2021 : il est désormais de deux ans et trois mois.
Si j’ai présenté ma candidature pour rapporter ces crédits, ce n’était pas pour détourner les yeux. Je vous présenterai donc deux amendements visant à résoudre ces problèmes.
Les magistrats administratifs que j’ai rencontrés ne savent expliquer qu’en partie la hausse du contentieux et ils ignorent si elle sera durable. En tout état de cause, nous ne pourrons pas voter ces crédits en faisant comme si de rien n’était. Je vous propose donc un plan pour rattraper le retard auquel la justice administrative est confrontée.
La loi de programmation des finances publiques prévoyait la création de quarante postes par an, mais cela n’a pas été le cas cette année et il n’est pas proposé de nouveaux postes pour l’an prochain. Je vous propose néanmoins de recruter 250 personnes dans les tribunaux administratifs l’année prochaine : 200 étudiants en droit, en tant que vacataires « aides à la décision », dix magistrats et quarante agents de greffe.
Le système de l’aide à la décision fonctionne bien. Deux types d’organisation sont possibles : un magistrat peut être entouré de deux aides à la décision, pour du contentieux de masse, un peu répétitif, mais il existe aussi des pôles pour des contentieux plus spécifiques, au sein desquels les aides à la décision sont chargés de toutes les recherches nécessaires. Ce système est positif pour les étudiants en master concernés, qui acquièrent ainsi une expérience professionnelle et peuvent financer leurs études, ainsi que pour les tribunaux. Ces derniers sont confrontés à deux problèmes : celui du flux et celui du stock. Pour traiter le stock, il faut mobiliser des moyens supplémentaires. Selon une hypothèse basse, le plan que je vous propose permettra de traiter 30 000 dossiers supplémentaires par an, ce qui correspond aux deux tiers de l’augmentation constatée cette année. Je vous donne rendez-vous l’an prochain : si la hausse continue, il faudra accroître encore les moyens.
La mesure que je vous propose permettra, par ailleurs, de donner à nos fonctionnaires, greffiers et magistrats, un encouragement qui est leur dû. Les déplacements que j’ai faits ont confirmé qu’ils travaillaient beaucoup. Il est important que la représentation nationale montre qu’elle est consciente qu’ils sont de plus en plus sollicités.
Un autre défi, qui représente quelques centaines de milliers d’euros, est celui de l’intelligence artificielle. Selon les magistrats, des requêtes s’appuient désormais sur des mémoires extrêmement touffus, dont ils pensent qu’ils ont été produits en ayant recours à l’intelligence artificielle. Il est important que la justice administrative mette aussi l’intelligence artificielle dans son camp. Or ce travail ne fait que commencer.
Quel serait le financement des 10 millions d’euros que coûterait mon plan d’action ? Il repose sur une proposition de loi que je vais déposer afin de remédier à une situation qui me paraît très inégale. Selon les statistiques, l’administration est la partie gagnante dans 70 % des cas. Or les textes en vigueur permettent au juge – qui est libre de le faire ou non – de condamner la partie perdante à verser une somme correspondant aux frais exposés. Les magistrats statuent en fonction des circonstances : si la partie perdante n’est pas en état de payer, il ne serait pas juste de la condamner à le faire. Ce qui me choque beaucoup, en revanche, c’est que l’administration ne puisse pas bénéficier de ce dispositif lorsqu’elle n’a pas eu recours à un avocat parce qu’elle a demandé à ses propres cadres d’assurer sa défense. Des fonctionnaires y ont pourtant consacré du temps de travail. Je propose, pour des raisons d’équité, de ne plus pénaliser ainsi l’administration qui se gère bien. Cette évolution permettrait, par ailleurs, de dégager un peu plus de 10 millions d’euros, ce qui permettrait de financer l’opération que je vous propose.
Je compte traiter dans ma proposition de loi une autre question ; la justice administrative est, notamment, exposée à des recours parce que le travail de l’administration n’a pas été fait en amont. Certaines administrations laissent passer les délais et des recours administratifs préalables obligatoires – Rapo – ne sont pas traités. Je propose que le juge puisse prononcer une sanction – il sera, là encore, libre de le faire ou non – lorsqu’un Rapo n’a pas été traité dans le délai prévu et que l’administration n’a pas répondu au justiciable.
J’en viens au Tribunal du stationnement payant. Le législateur a décidé, il y a quelques années, que le stationnement illégal ne constituerait plus une infraction mais une occupation du domaine public, pour laquelle toutes les villes-centres pourraient désormais décider d’imposer une redevance. Cela répond à une préoccupation morale, puisqu’il s’agit de faire respecter les règles du code de la route, mais certaines municipalités peuvent aussi y voir, avec un certain cynisme, une occasion de taxer des gens qui votent ailleurs. Dans ma préfecture, on taxe ainsi des contribuables d’autres villes, qui viennent là pour effectuer des démarches. Par ailleurs, ce n’est plus fait, comme dans les films du siècle dernier, par des pervenches munies d’un carnet, mais de manière industrielle, par voie de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi). La masse des procès-verbaux (PV) croît de l’ordre de 15 % par an, et les saisines du TSP explosent en conséquence.
J’ai demandé au président et à la responsable du greffe de ce tribunal, que j’ai auditionné à deux reprises, de présenter un plan pour traiter le retard accumulé, ce qui ne pourra raisonnablement se faire, compte tenu de l’ampleur du stock, que sur trois ans. Je vous propose, dans cette perspective, de mobiliser une soixantaine d’étudiants en droit, en plus des personnels et fonctionnaires actuels du tribunal, des ressources informatiques et des locaux, pour un coût de 1,7 million d’euros par an. Cela permettra à des étudiants en droit de Limoges de financer leur master et d’acquérir une expérience, mais surtout nous redonnerons des perspectives à des magistrats et à des fonctionnaires qui voient chaque jour le retard s’accumuler et ne reçoivent jamais le moindre signe positif. Je ne ferais pas mon travail de rapporteur pour avis si je ne vous proposais pas une solution.
Quel sera le financement ? Dans la masse des dossiers en retard, certains se concluront par une condamnation des automobilistes. Je ne vous propose pas qu’ils risquent de payer un euro de plus, car ils sont déjà assez matraqués. Nous resterons à droit constant. Simplement, certains d’entre eux ont tort et seront donc condamnés. Si nous rattrapons le retard actuel, 1 million d’euros supplémentaires, issu de la majoration légale du forfait post-stationnement (FPS), ira chaque année à l’État. Pour financer les 700 000 euros restants, je vous propose d’instaurer une charge exceptionnelle de 0,2 % sur le produit des FPS perçus par les collectivités locales, pour une durée de trois ans. Comme les FPS augmentent de 15 % par an, ce ne sera qu’un petit effort – un taux de 0,2 % me semble très modéré. Je ne trouverais pas normal que les collectivités fassent flamber le nombre de recours tout en laissant à l’État le soin d’utiliser son propre budget pour payer des magistrats chargés de rattraper le retard accumulé dans le traitement du contentieux.
J’en viens aux autres recommandations de mon rapport, qui ne sont pas toutes législatives ou réglementaires.
Tout d’abord, le Rapo est une bonne solution qu’il faudrait peut-être étendre, notamment dans le cadre du titre exécutoire émis en cas d’impayé du forfait post-stationnement.
La médiation administrative est aussi une bonne solution, surtout à un stade précontentieux. Ce n’est pas la panacée, mais je pense que nous pourrions tout de même aller plus loin.
Le Conseil d’État a par ailleurs lancé des ateliers de la simplification, démarche dont je suis, vous le savez, un grand défenseur. Il faudra néanmoins que nous nous montrions très vigilants sur leur poursuite.
Dans certains cas, je l’ai dit, les juges administratifs ont à traiter des requêtes parce que le travail de l’administration n’a pas été fait en amont. Je propose que la notation des préfets porte notamment sur le fonctionnement de leurs services. Dans certains domaines, dont celui des étrangers, on laisse filer les délais, ce qui conduit à la naissance de décisions implicites de rejet. Or les saisines des tribunaux administratifs pourraient être limitées si l’administration répondait aux requérants.
En revanche, je ne vous propose pas d’augmenter les délais contraints de jugement. C’est souvent une fausse bonne idée : quand on impose des délais aux magistrats pour un type de contentieux, c’est le délai de jugement des autres affaires qui dérape. Il vaut mieux privilégier des solutions globales.
Sous réserve de l’adoption de mes deux amendements, j’émettrai avis favorable à l’adoption des crédits du programme 165.
Mme Pascale Bordes (RN). Au sein de la mission Conseil et contrôle de l’État, le programme 165, Conseil d’État et autres juridictions administratives, regroupe les moyens affectés aux cinquante-deux juridictions non spécialisées que sont le Conseil d’État, les quarante-deux tribunaux administratifs et les neuf cours administratives d’appel, ainsi qu’à deux juridictions administratives spécialisées, la Cour nationale du droit d’asile et le très décrié Tribunal du stationnement payant. Les crédits du programme s’établiront à 537,9 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui représente une hausse de 5,2 %, et à 568 millions en crédits de paiement, en baisse de 5,2 %.
Bien qu’il soit prévu de consacrer plus de 81 % des moyens du programme 165 aux dépenses de personnel, celles-ci seront en diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2025 et non conformes aux engagements pluriannuels. La Cour des comptes a souligné, dans un rapport de janvier 2024, que la massification du contentieux des étrangers représentait un défi – c’est peu dire – pour les juridictions administratives, dont les moyens n’ont pas crû à due proportion, puisque les effectifs affectés à la fonction juridictionnelle n’ont augmenté que de 4,6 % entre 2012 et 2021. La Cour des comptes a relevé que le contentieux des étrangers représentait 41 % des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs en 2021, contre 30 % en 2016. Alimenté par le caractère suspensif du recours contre les OQTF (obligations de quitter le territoire français) et par l’aide juridictionnelle allouée aux personnes en situation irrégulière, le contentieux des étrangers représente jusqu’à 61 % des affaires soumises aux cours administratives d’appel. En 2022, près de 70 000 dossiers avaient été enregistrés par les juridictions administratives. En Guyane, le contentieux des étrangers représente plus des deux tiers de l’activité du tribunal administratif. La préfecture, de son côté, ne dispose que de trois rédacteurs pour traiter 1 900 dossiers par an. Pour pallier l’insuffisance des moyens, une partie du contentieux administratif et judiciaire a même été confiée à des cabinets d’avocat, pour un coût de 559 000 euros.
Le Rassemblement national déplore les besoins exponentiels causés par une immigration irrégulière non maîtrisée qui condamne les juridictions administratives – c’est le tonneau des Danaïdes – à subir un déficit critique et inexorable de moyens, dont l’allocation s’avère de surcroît totalement vaine. Les crédits du programme 165 illustrent la fuite en avant qui caractérise l’action du Gouvernement, dont la chronique est celle d’un échec annoncé – mais accepté. Aussi le groupe Rassemblement national s’abstiendra-t-il.
M. Vincent Caure (EPR). Ce programme est l’un de ceux qui participent le plus à la garantie de l’État de droit, puisqu’il concerne le budget alloué au Conseil d’État, aux neuf cours administratives d’appel et aux quarante-deux tribunaux administratifs ainsi qu’à deux juridictions spécialisées, le TSP et la CNDA.
Les crédits de paiement, qui s’élèveront à 568 millions d’euros, seront en baisse de plus de 5 %. Cette évolution est à mettre en perspective avec l’achèvement de grands projets immobiliers, comme le relogement de la CNDA et du tribunal administratif de la Guyane. À moyen terme, la progression des crédits de personnel, qui représentent les deux tiers du programme, est d’environ 45 % depuis 2017. La hausse de ces crédits a permis des créations d’emplois pour renforcer les juridictions. Le nombre de magistrats administratifs a ainsi augmenté d’environ 9 % sur la période 2017-2024.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez évoqué deux questions centrales : les délais et l’efficacité de la justice administrative. Les délais de jugement sont un élément déterminant de la confiance que nos concitoyens peuvent avoir dans la justice. En la matière, les juridictions administratives se sont largement améliorées en vingt ans, puisque les délais de jugement moyens ont été divisés par deux. Hors procédures d’urgence, ils restent néanmoins proches d’un an et demi. Cette situation résulte de l’accroissement du contentieux devant les juridictions administratives, dont un des facteurs est l’élargissement de la mise en cause de la responsabilité en général, phénomène lié à la complexité de notre société et des interactions entre les citoyens et l’administration. Ces différents éléments pèsent désormais sur la capacité des juridictions à statuer dans des délais raisonnables.
Vous pointez tout de même des évolutions positives dans votre projet de rapport, notamment en ce qui concerne la CNDA. Vous soulignez les effets de la réforme adoptée en 2024 : la création de chambres territoriales a permis de réduire le délai de jugement à moins de six mois.
Vous formulez par ailleurs des propositions visant à poursuivre la modernisation de la justice administrative, pour la rapprocher encore de la société, sur les plans organisationnel, administratif et numérique, et améliorer la manière dont elle est rendue.
S’agissant du stock d’affaires devant le TSP, qui concentre l’engorgement le plus fort et les délais de jugement les plus longs, vous proposez des pistes concrètes que je ne qualifierai pas, même si ce terme a beaucoup été utilisé cet après-midi, de baroques. Votre plan national de résorption du stock repose sur la mobilisation d’étudiants en droit, que vous espérez financer, ce qui est peut-être le point le plus intéressant, à effort budgétaire constant pour l’État.
Pour le reste, le groupe Ensemble pour la République souscrit aux perspectives que vous ouvrez pour le développement des modes alternatifs de règlement des différends, comme les recours administratifs préalables obligatoires et la médiation préalable en phase précontentieuse. Vous suggérez également des pistes pour réduire des contentieux évitables, notamment en matière de droit opposable, votre projet de rapport évoquant, en particulier, la création d’un droit opposable en matière de soins palliatifs prévu par la proposition de loi visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs, que nous avons examiné en mai 2025.
Dans le cadre budgétaire contraint que nous connaissons, le groupe EPR considère que le budget demandé pour le programme Conseil d’État et autres juridictions administratives va dans le bon sens. Nous le soutiendrons.
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Alors que nous examinons le budget alloué au conseil et au contrôle de l’État, mon groupe ne peut pas ne pas évoquer la confusion de plus en plus manifeste entre ces deux missions, par le jeu des nominations et la casse méthodique des autorités de contrôle. Nous sommes attachés à un changement radical dans le fonctionnement de nos institutions, notamment celles chargées du conseil et du contrôle de l’État. Il faut séparer ces deux missions dans nos plus hautes juridictions administratives : la formation des conseillers d’État, leur nomination et le déroulement de leur carrière ne garantissent pas une séparation étanche entre les missions. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a d’ailleurs condamné la France sur ce point. Malgré des évolutions tendant à assurer une meilleure séparation entre les formations consultatives et contentieuses, la porosité reste grande.
Si l’on s’en tient à la structuration actuelle, force est de constater que le budget des juridictions administratives, Conseil d’État en tête, n’a pas évolué à la mesure de l’augmentation des contentieux. Celui de l’urgence devant les juridictions administratives a explosé. Cette évolution ne vient pas de nulle part ; elle est la conséquence de la multiplication de lois, de réglementations et de décisions attentatoires aux libertés fondamentales et de la défaillance de certaines administrations, comme les préfectures. Les administrés étrangers ne peuvent désormais obtenir des rendez-vous qu’au moyen des référés mesures utiles, par lesquels un tribunal administratif fait injonction au préfet de délivrer un rendez-vous. Par ailleurs, les référés suspension se multiplient afin de neutraliser le temps de la délibération au sujet de recours pour excès de pouvoir portant, par exemple, sur des refus de séjour, des interdictions de manifester et des autorisations de projet écocidaires.
Si j’évoque le contentieux des étrangers, c’est aussi parce qu’il représente 44 % du contentieux administratif et que son augmentation est liée à l’adoption de lois xénophobes et à la destruction méthodique du service public préfectoral, qui n’arrive plus à traiter les dossiers et finit par déployer, entre l’administré et l’administration, une plateforme qui n’est qu’un écran de fumée.
Il faut également souligner que les référés sont inclus dans les indicateurs relatifs aux délais de jugement, ce qui fausse le débat. Un référé est obligatoirement traité en quarante-huit heures ou quinze jours, alors que la durée des procédures au fond dépasse parfois dix–huit mois, par exemple au tribunal administratif de Nantes. En incluant les référés, on travestit la réalité pour parader en disant que la justice administrative traite les affaires en moins de douze mois. C’est ignorer certains délais de jugement, les fractures territoriales et les compétences spéciales de certaines juridictions administratives. Je pense en particulier aux recours concernant les refus de visa, qui engorgent le tribunal administratif de Nantes. Alors que tout spécialiste de la justice sait que le traitement des référés se fait au détriment des procédures classiques et conduit à faire exploser le contentieux ainsi que les délais, on préfère se bander les yeux et se servir de données erronées. Du reste, on ne parle plus d’augmentation du contentieux mais de « surchauffe ».
Au cours des huit premiers mois de l’année, les entrées devant les juridictions administratives ont augmenté de 18 %, contre 8,4 % en 2024 et 6,7 % en 2023. C’est l’effet pervers des politiques menées depuis des années. Face à cela, les moyens ne suivent pas. Nous attendons toujours les crédits qui devaient accompagner la territorialisation de la Cour nationale du droit d’asile. Elle n’a bénéficié d’aucun recrutement de magistrats ou de greffiers. Seule la généralisation du juge unique, contre laquelle nous nous étions mobilisés, a été mise en place, ce qui a endommagé la qualité de l’instruction et des délibérations. La célérité des procédures ne doit pas être le seul horizon en matière de justice.
S’agissant de la Cour des comptes, qui devient une cour de copains où les postes les plus honorifiques font l’objet de deals et de discussions au sein du socle commun, ce ne sont pas les budgets votés qui répareront l’image abîmée de cette institution, devenue le défenseur zélé d’une idéologie économique. Alors que la même trajectoire budgétaire et le même aveuglement politique se poursuivent du côté de l’exécutif, nous continuons de porter une autre vision, reposant sur une séparation claire et effective entre les pouvoirs, sur une justice administrative indépendante et disposant de moyens à la hauteur de ses missions ainsi que sur un contrôle accru, que nous mettrons en place grâce à la VIe République.
M. Jiovanny William (SOC). Nos concitoyens ont plus que jamais besoin d’un fort sentiment de justice, qui passera par une amélioration des décisions rendues.
Le groupe Socialistes et apparentés salue la hausse de 5,18 % des autorisations d’engagement du programme 165, consacré au Conseil d’État et autres juridictions administratives. Selon le bleu budgétaire, ces juridictions ont été saisies de 320 000 affaires en 2024 – 9 528 au Conseil d’État, 31 522 devant les cours administratives d’appel et 278 964 devant les tribunaux administratifs. Ces juridictions ont rendu plus de 295 000 décisions : 9 763 pour le Conseil d’État, plus de 30 000 pour les cours administratives d’appel et près de 260 000 pour les tribunaux administratifs. La justice a besoin de moyens en conséquence pour travailler.
C’est au sujet de la CNDA que nous éprouvons des inquiétudes. Le Gouvernement exerce en effet une pression constante pour obtenir une diminution des délais de jugement, au risque de ne plus respecter le droit à un procès équitable en ce qui concerne les demandeurs d’asile. La CNDA est parvenue à réduire de 15 % son stock global. Celui des affaires de plus d’un an s’élève à 10 %, et le délai global de jugement a été réduit de vingt-quatre jours, ce qui est assez important. À compter du 1er septembre 2024, la Cour comprenait, outre son siège installé à Montreuil, cinq chambres territoriales, une à Bordeaux, deux à Lyon, une à Nancy et une à Toulouse. La création de deux autres chambres territoriales, à Nantes et à Marseille, était en outre prévue au 1er septembre 2025. Il est indispensable que l’accélération des procédures devant la CNDA s’accompagne d’un renforcement des moyens humains afin de garantir le droit à un recours effectif.
S’agissant du programme dédié à l’activité du Conseil économique, social et environnemental (Cese), c’est du côté de la visibilité de l’institution que le bât blesse. La pertinence de l’indicateur choisi dans ce domaine mérite d’être questionnée.
Pour ce qui est du programme relatif à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières, les crédits demandés s’élèvent à 267 millions d’euros – 242 millions en dépenses de personnel et 25 millions en dépenses de fonctionnement et d’investissement. La masse salariale, qui correspond à 1 804 ETP (équivalents temps plein), représente ainsi 90 % des crédits. S’agissant de l’objectif d’assistance aux pouvoirs publics qui est assigné à ces juridictions, on peine à comprendre que la cible pour 2026 soit une diminution des auditions au Parlement, dont le nombre devrait passer de 83 à 75. Le bon fonctionnement de ces juridictions étant indispensable à l’État de droit, nous serons attentifs aux explications qui seront apportées à leur sujet et aux éventuels amendements de précision ou de mise en cohérence.
En ce qui concerne la proposition de loi évoquée par le rapporteur pour avis, il me semble que certaines questions se posent. Pour ce qui est des sanctions envisagées à l’encontre des administrations qui ne répondraient pas aux justiciables, il faudrait notamment savoir s’il s’agit de recours de plein contentieux ou pour excès de pouvoir. En matière d’urbanisme, par exemple, une absence de réponse vaut décision implicite d’acceptation. Quant aux demandes indemnitaires, la décision d’y répondre ou non peut avoir un caractère stratégique pour l’administration ou la collectivité.
M. Éric Martineau (Dem). Le budget du programme Conseil d’État et autres juridictions administratives sera reconduit en 2026 à la hauteur de 358 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 568 millions en crédits de paiement. Ce programme regroupe les crédits alloués au Conseil d’État, aux quarante-deux tribunaux administratifs, aux neuf cours administratives d’appel, à la CNDA et au TSP. C’est un budget important pour la garantie du respect du droit par l’administration. Les contentieux sont de plus en plus massifs : le nombre de recours devant les tribunaux administratifs a augmenté de 21 % entre 2019 et 2024, ce qui se traduit par un grand nombre de dossiers en attente de jugement et un allongement des délais de jugement.
S’agissant du TSP, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez parlé d’une explosion particulièrement préoccupante du stock d’affaires. L’augmentation du nombre de requêtes – presque 220 000 ont été enregistrées en 2025, soit trois fois plus qu’en 2018 – s’explique principalement par l’usage de plus en plus fréquent par les collectivités du dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, qui simplifie la détection des infractions et le contrôle du stationnement payant. Les délais de jugement du tribunal atteindraient désormais deux ans et trois mois, ce qui constituerait un record. Quelles sont vos recommandations pour alléger la charge de travail du TSP ? Je tiens à vous remercier pour la présentation de votre plan visant à résorber le stock de contentieux en trois ans. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?
De son côté, la CNDA, qui est chargée de juger les décisions prises par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), a enregistré 56 500 recours et rendu 62 600 décisions en 2024. Son délai de jugement, de cinq mois et neuf jours en moyenne, est assez remarquable. La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a permis de créer des chambres territoriales et d’étendre la compétence du juge unique à certains contentieux. Nous devons être attentifs à cette évolution territoriale et juridictionnelle, qui vise à réduire encore les délais de jugement de la CNDA. Avez-vous des précisions à nous apporter à cet égard ?
M. Jean Moulliere (HOR). Alors que la France traverse une situation budgétaire alarmante qui exige un effort collectif important pour 2026, il est impératif que l’État montre l’exemple. Toutes ses institutions devront contribuer aux efforts en accroissant l’efficacité avec laquelle leurs dépenses sont gérées. Le groupe Horizons et indépendants se satisfait de l’effort budgétaire prévu pour l’ensemble de la mission Conseil et contrôle de l’État, qui verra ses crédits de paiement diminuer de 2,59 %. Il convient en particulier de souligner la baisse de 5,18 % des crédits de paiement à laquelle consentent le Conseil d’État et les juridictions administratives. Mon groupe est favorable aux crédits budgétaires qui nous sont proposés.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Comme beaucoup a déjà été dit, je vais un peu écourter mon intervention – mes collaborateurs se plaindront donc d’avoir travaillé rien, un peu comme nous au sein de cette commission, puisque nous allons débattre d’amendements qui, en l’état, ne devraient pas être examinés dans l’hémicycle.
Certains collègues se félicitent de la baisse du budget des juridictions administratives ; j’ai plutôt tendance à m’en inquiéter pour notre État de droit. Quand l’État est en difficulté, il est important que le contrôle, notamment celui des juridictions administratives, s’exerce d’une façon accrue. Plus les services publics sont défaillants, plus les juridictions administratives sont engorgées. C’est parce que les préfectures ne reçoivent plus ceux qui demandent des visas ou l’asile dans notre pays que les recours sont de plus en plus fréquents. C’est aussi parce que les rectorats ne sont plus capables de déployer des AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) aux côtés des élèves qui en ont besoin que des parents saisissent les juridictions administratives. À La Réunion, l’État vient d’être condamné pour ce motif, et un paquet de jugements similaires risque de suivre : le rectorat nous a dit que 1 000 enfants attendaient un AESH. On peut donc s’attendre un fort contentieux à l’avenir. De même, c’est parce que certaines collectivités ne parviennent plus à payer des entreprises dans des délais raisonnables que ces dernières saisissent les juridictions administratives. Les exemples foisonnent.
Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de la baisse des crédits alloués aux juridictions administratives alors qu’elles sont confrontées à un nombre croissant de dossiers à traiter parce que l’État ne donne plus aux services publics les moyens nécessaires pour faire face aux demandes qui leur sont adressées.
Il me semble qu’un lien peut être fait avec la mission que nous avons examinée juste avant celle-ci : il faudrait mettre un petit billet supplémentaire pour doter les juridictions administratives d’outre-mer de moyens suffisants. L’article R. 223-1 du code de justice administrative prévoit une mutualisation des moyens humains dans de nombreux départements d’outre-mer. S’il existe un tribunal administratif à Mayotte et un autre à La Réunion, les juges administratifs de ce territoire traitent aussi les dossiers venant de Mayotte, et il en est de même dans beaucoup d’autres départements d’outre-mer. On a mutualisé les moyens pour faire des économies et, très certainement, parce que les conditions de vie sont tellement dégradées à Mayotte que les juges ne veulent pas y résider. Ils préfèrent y aller ponctuellement, presque de manière foraine, et passer le plus clair de leur temps à La Réunion. Si on consacrait davantage d’argent aux juridictions d’outre-mer, on éviterait aussi qu’un magistrat ait à traiter 372 dossiers par an.
Article 49 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CL349 de M. Jean-Luc Warsmann et II-CL202 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)
M. Jean-Luc Warsmann pour avis. Il n’y a eu, je l’ai dit, aucune création de postes l’année dernière dans les tribunaux administratifs, et le projet de loi de finances n’en prévoit pas non plus pour 2026. Je vous propose de recruter 250 personnes : dix magistrats, pour un coût de 1,3 million d’euros, quarante agents de greffe, ce qui correspond également à des postes permanents de fonctionnaires, pour 2,7 millions d’euros, et 200 étudiants aides à la décision, pour 6 millions d’euros. On peut en attendre une capacité de traitement supplémentaire de 30 000 dossiers par an. J’ose espérer, madame K/Bidi, que l’administration, dans un souci d’équité, déploiera une partie de ces moyens dans l’outre-mer.
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). Nous proposons également de créer des postes supplémentaires de magistrats.
J’en profite pour apporter une précision au sujet du TSP. L’augmentation du contentieux résulte non seulement des évolutions techniques – les véhicules qui circulent en ville pour relever directement les plaques d’immatriculation – mais aussi de la multiplication des zones de stationnement payant, dont les conséquences sont beaucoup plus négatives pour les personnes venant d’autres communes, ce qui crée une fracture. Vous savez, par ailleurs, que nous sommes plutôt favorables à la gratuité de l’espace public.
M. Jean-Luc Warsmann pour avis. Je me permets de vous suggérer de retirer cet amendement au profit du mien, qui prévoit aussi de recruter 200 aides à la décision.
L’amendement II-CL202 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CL349.
Amendements II-CL203 de Mme Gabrielle Cathala et II-CL295 de M. Marc Pena (discussion commune)
M. Andy Kerbrat (LFI-NFP). L’amendement II-CL203 vise à allouer 2 millions d’euros supplémentaires à la Cour nationale du droit d’asile pour lui permettre de recruter vingt magistrats et vingt greffiers, dont elle a besoin en urgence.
Le Gouvernement a imposé, dans la loi « immigration » de 2024, une réforme majeure qui est la territorialisation de la CNDA, par la création de sept chambres régionales, mais cette évolution se fait à moyens constants. Le Gouvernement demande ainsi à la Cour de faire plus avec moins, ce qui est intenable. Une telle pression budgétaire n’est pas technique, mais politique, car le seul horizon est la célérité. Cette obsession de la vitesse se fait au détriment de la qualité de la justice et des droits des justiciables, puisque la réforme impose également la généralisation du juge unique, c’est-à-dire la suppression de la collégialité, qui est pourtant la meilleure garantie contre l’arbitraire, comme l’a prouvé l’affaire du juge Argoud. Par ailleurs, l’assesseur du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) apporte une expertise géopolitique indispensable. La réforme, comme l’a démontré l’avocate Sonia El Amine, porte aussi une atteinte directe aux droits de la défense. Convoquer les gens sous quinze jours rend la préparation d’un dossier impossible.
Pour un gain de temps minime, de deux mois en moyenne, le Gouvernement sacrifie l’oralité, l’expertise et l’impartialité. Notre amendement ne demande pas l’impossible, mais simplement de prévoir des moyens humains pour accompagner la réforme que le Gouvernement a imposée et faire en sorte que la Cour nationale du droit d’asile, qui est la juridiction de la dernière chance pour les demandeurs, puisse garantir ce qui n’est pas négociable, à savoir le droit à un procès équitable. Nous demanderons en séance au Gouvernement de lever le gage.
M. Jiovanny William (SOC). L’amendement déposé par mon excellent collègue Marc Pena vise à renforcer les crédits alloués à la CNDA afin de la doter de 10 ETP de catégorie A supplémentaires. Cela nous semble pertinent pour garantir l’effectivité du droit d’asile et rendre la justice dans les meilleures conditions.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur pour avis. Je n’ai pas déposé d’amendement concernant la CNDA car on ne m’a pas demandé de moyens supplémentaires lorsque je m’y suis rendu. Depuis 2010, le budget de la CNDA est passé de 22 à 95 millions d’euros. Par ailleurs, le nombre de requêtes et les délais ont baissé l’an dernier. Ce qui m’a été dit en revanche, mais cela ne relève pas du domaine législatif, c’est que le fonctionnement de la CNDA était limité par un accord prévoyant qu’un avocat ne pouvait traiter que sept affaires par jour. La CNDA se trouve donc dans une situation un peu aberrante où elle pourrait juger plus d’affaires mais doit en renvoyer certaines du fait de cette règle. Je recommande dans mon projet de rapport qu’une discussion ait lieu à ce sujet. La raison était que quelques cabinets d’avocats cumulent énormément d’affaires et d’aide juridictionnelle, mais l’ouverture de nouvelles chambres en province a un peu changé la donne. Il me semble que la première mesure à prendre, qui ne coûterait pas d’argent public et serait la plus efficace, serait de faire passer la limitation actuelle de sept à neuf. Avis défavorable à ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL294 de M. Jean-Luc Warsmann
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur pour avis. Cet amendement va me permettre d’apporter davantage de précisions sur ma proposition de plan d’action, comme l’a demandé notre collègue Éric Martineau.
Le travail que j’ai mené avec le président et la responsable du greffe du TSP me conduit à proposer d’allouer 970 000 euros pour le recrutement de soixante aides à la décision, des étudiants en droit – la faculté de Limoges en compte beaucoup –, en master, qui auront le statut d’assistants de justice ou d’apprentis. J’ai demandé au président du tribunal de regarder si des personnels accepteraient de faire des heures supplémentaires pour les encadrer – certains ont besoin de gagner un peu plus parce qu’ils ont des enfants à élever, d’autres un appartement à rembourser ou que sais-je encore. Je prévois 600 000 euros pour financer ces heures supplémentaires ou le recrutement de magistrats en surnombre afin d’encadrer les étudiants. À cela s’ajoutent 90 000 euros de frais informatiques et 75 000 euros de frais immobiliers. J’ai demandé au président du tribunal s’il y avait des bureaux disponibles à côté. Il a évoqué le rectorat, tout en soulignant qu’il déménagerait trop tard et qu’il ne fallait surtout pas créer un deuxième site, parce que cela coûterait trop cher. Le tribunal va donc installer des bureaux provisoires juste à côté.
Je vous propose un plan cohérent, sur trois ans, qui vise à écluser le retard accumulé, pour un coût total de 1,735 million d’euros. Comme je l’ai expliqué précédemment, les efforts de rattrapage permettront de dégager 1 million d’euros à droit constant, c’est-à-dire sans demander un euro de plus aux automobilistes. Le reste sera financé par la contribution de 0,2 % sur le produit des FPS perçu par les collectivités.
La commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État (programme Conseil d’État et autres juridictions administratives) modifiés.
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La séance est levée à 20 heure 05.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Romain Baubry, M. Florent Boudié, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Jean-François Coulomme, M. Emmanuel Duplessy, M. Yoann Gillet, M. Steevy Gustave, M. Jérémie Iordanoff, Mme Émeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, MmeKatiana Levavasseur, Mme Marie-France Lorho, Mme Élisabeth de Maistre, M. Éric Martineau, M. Ludovic Mendes, M. Jean Moulliere, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Sophie Ricourt Vaginay, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Jean-Luc Warsmann, M. Jiovanny William
Excusés. - Mme Sophie Blanc, Mme Marietta Karamanli, M. Roland Lescure, Mme Naïma Moutchou, M. Julien Rancoule
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Victor Castor, Mme Sandrine Rousseau