Compte rendu

Commission d’enquête
sur les dysfonctionnements
obstruant l’accès à une justice adaptée aux besoins
des justiciables ultramarins

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, Mme Marie Lieberherr, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires, et Mme Judith Vailhé, cheffe du pôle justice et libertés              2

– Présences en réunion................................14

 


Lundi
13 octobre 2025

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 46

session 2025-2026

Présidence de
M. Frantz Gumbs,
Président de la commission

 


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La séance est ouverte à treize heures trente.

M. le président Frantz Gumbs. Nous ne pouvions pas, sur un sujet tel que celui de notre commission d’enquête, ne pas recevoir la Défenseure des droits, Mme Claire Hédon.

Madame Hédon, vous êtes entendue aux côtés de Mme Marie Lieberherr, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires, et de Mme Judith Vailhé, cheffe du pôle justice et libertés au sein de cette direction.

Nous nous intéressons aux avis que vous avez rendus sur le service public de la justice dans les outre-mer – notamment le dernier, tout à fait accablant, sur Mayotte – tout autant qu’à l’institution que vous dirigez. Elle constitue pour les justiciables un moyen d’accéder au droit et de faire valoir leurs droits par le biais des délégués dont vous disposez dans la plupart des territoires ultramarins – mais pas dans tous.

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Claire Hédon, Mme Marie Lieberherr et Mme Judith Vailhé prêtent successivement serment.)

Mme Claire Hédon, Défenseure des droits. La loi organique du 29 mars 2011 confie au Défenseur des droits cinq domaines de compétences. Le premier concerne les droits des usagers de services publics, domaine qui fait le lien avec votre commission d’enquête puisque c’est par la défense du droit des usagers dans leurs relations avec les services publics que nous traitons les réclamations relatives aux difficultés d’accès au service public de la justice. Les questions relatives aux usagers des services publics, tous domaines confondus, représentent plus de 80 % des réclamations que nous traitons. Nos autres domaines de compétence sont la lutte contre les discriminations, la défense des droits des enfants, le contrôle de la déontologie des forces de sécurité et, enfin, la protection et l’orientation des lanceurs d’alerte – compétence rajoutée en 2016 et renforcée en 2022.

Nos deux missions, définies par la loi de 2011, consistent à défendre et protéger les droits, en traitant les réclamations dans nos domaines de compétence, ainsi qu’à promouvoir les droits et les libertés. Le législateur, dès 2011, a considéré que le Défenseur des droits n’avait pas uniquement vocation à résoudre des cas individuels, mais aussi à donner des orientations pour améliorer le respect du droit. C’est à ce titre que nous rendons des avis au Parlement sur des projets ou des propositions de loi, que nous rédigeons des rapports, que nous menons des études. Notre enquête sur l’accès aux droits dédiée aux relations des usagers avec les services publics est d’ailleurs publiée aujourd’hui.

En 2024, nous avons reçu 140 000 réclamations, dont plus de 96 000 concernant des difficultés rencontrées par les usagers dans leurs relations avec les services publics. Parmi ces dernières, 8 600 réclamations, soit 9 %, rapportaient des difficultés relatives à la justice au sens large.

Ces chiffres se rapportent à l’ensemble du territoire, outre-mer compris. Le Défenseur des droits est toutefois très rarement saisi au sujet des difficultés d’accès au service public de la justice dans les territoires d’outre-mer. Cela ne signifie pas que ces difficultés n’existent pas : cette quasi-absence de saisine s’explique plutôt par les barrières qui empêchent de nombreuses personnes de faire valoir leurs droits, renforcées par la complexité des démarches administratives, leur dématérialisation croissante et le sentiment d’éloignement des citoyens vis-à-vis des institutions. Je tiens toutefois à rappeler que nos délégués territoriaux sont présents sur l’ensemble du territoire, et je sais que les députés échangent avec eux dans leurs circonscriptions.

Pour mieux cerner ces difficultés, je me suis rendue en Guadeloupe et en Martinique en mars 2023 ; à Mayotte et à La Réunion en octobre-novembre 2023 ; et en Guyane en mai 2025. Mon adjoint Daniel Agacinski, délégué général à la médiation et directeur de l’action territoriale, s’est lui aussi rendu à Mayotte en avril 2025. Nous avons rencontré des habitants et des acteurs institutionnels et il est clair que les difficultés d’accès au droit, en particulier au service public de la justice, sont très importantes. Notre rapport « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits » de 2023 en dresse un état des lieux et délivre des recommandations.

Plus récemment, au terme de plusieurs mois d’instruction à la suite du passage dévastateur du cyclone Chido, nous avons rendu cinq décisions spécifiques à Mayotte, portant sur la scolarisation des enfants, l’évacuation et la destruction de quartiers d’habitat informel, la gestion de la crise de l’eau, l’accès aux services de l’état civil et de la nationalité et leur fonctionnement, et enfin l’accès au service public de la justice.

Depuis que je suis Défenseure des droits, je constate que, si les difficultés d’accès au droit touchent l’ensemble du territoire français, elles se révèlent encore plus marquées outre-mer. Cela dit, j’ai également observé des initiatives locales remarquables portées par des acteurs de terrain pour pallier les carences. La pirogue France Services de Camopi, en Guyane, par exemple, apporte une présence administrative et juridique dans des zones enclavées, en allant vers les habitants. Ces efforts témoignent d’une véritable mobilisation et d’une solidarité locale, mais ils ne peuvent à eux seuls compenser les insuffisances structurelles. J’ai constaté sur place l’engagement des agents de différents services publics autour de la pirogue France Services et notre délégué y tient d’ailleurs une permanence. Je suis convaincue que le fait d’aller vers les usagers est indispensable.

Après ce constat général, j’aimerais vous présenter en détail la décision que nous avons rendue le 5 juin 2025 relative à l’accès au service public de la justice à Mayotte, qui fait suite à un important travail d’instruction.

J’ai évoqué nos travaux d’enquête et de recherche et nos rapports. Dans 80 % des cas où nous sommes saisis, nous nous orientons vers une médiation : c’est notre mode d’intervention majoritaire, qui aboutit les trois quarts du temps. Lorsqu’une médiation n’est pas possible, nous rendons des décisions portant recommandations – nous ne sommes pas la justice et n’avons pas de pouvoir de contrainte – ou des décisions portant observations devant les tribunaux.

La décision portant recommandations sur l’accès au service public de la justice à Mayotte est le résultat d’un travail d’enquête approfondi. Nous disposons en effet d’importants pouvoirs d’enquête : quand nous demandons des documents, des auditions, des accès, on ne peut nous opposer le secret des affaires, mis à part dans le domaine de la défense.

Sur ce sujet, j’avais décidé, comme la loi organique m’y autorise, de me saisir d’office : nous étions alertés, mais n’avions pas de saisine spécifique d’individus – qui parfois ne connaissent pas le Défenseur des droits. Les échanges que nos équipes de juristes et moi avions eus à Mayotte faisaient état de dysfonctionnements de la justice sur l’île mais, en l’absence de réclamations individuelles, nous n’avions pas suffisamment d’éléments pour apprécier l’ampleur et la gravité de la situation.

Dans le cadre de cette instruction, nous avons sollicité par écrit plusieurs autorités afin de recueillir leurs observations : la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou, le procureur de la République auprès du même tribunal, le président de la Cour nationale du droit d’asile, la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Mayotte et la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal de Mamoudzou.

Nous avons également mené les auditions de deux magistrats du siège en poste au tribunal judiciaire de Mamoudzou, du bâtonnier du barreau de Mayotte et d’un membre du Conseil de l’ordre des avocats, d’un référent local de la Ligue des droits de l’homme, d’un juge des enfants en exercice à Mamoudzou, d’une troisième magistrate du siège, et enfin d’une avocate anciennement inscrite au barreau de Mayotte et qui continue à suivre certains dossiers à distance. Ces riches échanges nous ont permis d’établir un état des lieux aussi précis que possible des difficultés que rencontrent les Mahorais au quotidien.

Parallèlement, le travail mené au cours de cette enquête par les juristes du Défenseur des droits au sein du pôle dirigé par Judith Vailhé montre pleinement le rôle, la rigueur et l’utilité de notre institution.

Nous avons adressé notre décision au garde des sceaux et à la présidente du Conseil national des barreaux le 5 juin 2024, suite à une instruction au contradictoire – c’est-à-dire après l’envoi d’une note soumise au contradictoire, mais qui est restée sans réponse. Suite à notre décision, nous avons reçu une réponse de la part du CNB, un accusé de réception de la part du ministère de la justice – mais pas encore de réponse – et une note de la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou.

Nous constatons d’abord le dysfonctionnement des structures d’aide à l’accès au droit telles que les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et les points justice, qui doivent accompagner les citoyens dans leurs démarches juridiques. Nos auditions montrent que leurs permanences sont insuffisantes, peu visibles, difficiles d’accès, et que le manque de personnel et de moyens limite leur fonctionnement. Ainsi, la plupart n’ouvrent qu’une demi-journée par semaine, voire une fois toutes les deux semaines, et certains ne reçoivent même que sur rendez-vous. La formation du personnel est parfois insuffisante, ce qui peut entraîner des conseils inadaptés ou erronés. Pire, les fiches mises en ligne par le CDAD sont souvent obsolètes ou incomplètes, et dès lors contre-productives puisqu’elles compliquent encore l’accès au droit des personnes concernées.

Les Mahorais rencontrent également de grandes difficultés pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. Or, sans cette aide, intenter une action en justice devient presque impossible. Les informations disponibles sur le site de la cour d’appel de Saint-Denis-de-La Réunion orientent uniquement vers une procédure dématérialisée – tout à fait inadaptée à Mayotte où une partie de la population n’a accès ni à internet ni à l’électricité. Le bureau d’aide juridictionnelle n’est ouvert que deux matinées par semaine et les justiciables doivent donc se contenter de retirer un formulaire à l’accueil du tribunal judiciaire, sans pouvoir obtenir d’informations ni de récépissé de dépôt. Cette absence d’accueil est d’autant plus problématique que, d’après les personnes auditionnées par le Défenseur des droits, le formulaire Cerfa en question est peu lisible.

Par ailleurs, comme c’est souvent le cas dans les démarches administratives, certains dossiers peuvent s’avérer incomplets. Un décret du 28 décembre 2020 prévoit que, dans ce cas, le bureau d’aide juridictionnelle doit inviter le demandeur à fournir les pièces manquantes dans un délai d’un mois, sous peine que la demande devienne caduque et dès lors sans recours possible. En contradiction avec ce texte, le site internet du CDAD de Mayotte affirme que tout dossier incomplet sera refusé. Enfin, quand le bureau d’aide juridictionnelle réclame des pièces complémentaires, les notifications n’arrivent souvent pas jusqu’au demandeur – un problème d’adressage qui survient même lorsque le demandeur a élu domicile chez son avocat.

L’appréciation de la situation administrative du demandeur d’aide juridictionnelle et les justificatifs à fournir posent eux aussi problème. L’accès aux avis d’imposition est difficile, et les attestations de non-ressources ne sont plus systématiquement délivrées par l’administration fiscale. Les justificatifs de domicile sont souvent impossibles à produire en raison de l’ampleur des bidonvilles et de l’absence de cadastre à jour.

Enfin, l’accès des étrangers à l’aide juridictionnelle n’est pas assuré. Contrairement aux informations qui sont données par le CDAD de Mayotte, la loi prévoit en effet que certaines personnes étrangères puissent bénéficier de l’aide juridictionnelle, même sans séjour régulier, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès.

Je tiens à souligner que les dysfonctionnements du service public de la justice à Mayotte sont également imputables au déficit de moyens humains. En 2024, le barreau de Mayotte ne comptait que vingt-cinq avocats pour une population de 321 000 habitants, soit un avocat pour 13 000 habitants, contre un pour 3 600 habitants à La Réunion et un pour 900 en moyenne nationale.

Cette pénurie a des conséquences concrètes sur l’accès au droit.

L’aide juridictionnelle d’abord, à laquelle 70 % de la population est éligible, connaît un allongement des délais de désignation des avocats, qui sont de quatre à six mois, et des retards dans le versement des indemnités. En outre, certains avocats refusent des désignations sans en avertir le bâtonnier, ce qui désorganise encore davantage un système sous tension.

Les commissions d’office reposent, elles, sur une quinzaine d’avocats seulement, avec une permanence hebdomadaire assurée par quatre d’entre eux – un dispositif insuffisant compte tenu des besoins, eux-mêmes accentués par les contraintes de transport et de sécurité sur l’unique axe routier de l’île. Il arrive ainsi que des personnes gardées à vue ou déférées ne soient pas assistées dans des délais raisonnables, voire pas assistées du tout.

Enfin, plusieurs contentieux essentiels sont peu, voire pas du tout assurés, par exemple en droit des étrangers, de la nationalité ou de la protection sociale, ou encore en matière prud’homale.

Le Conseil national des barreaux a reconnu que le barreau de Mayotte ne disposait pas des moyens nécessaires pour faire face à la charge actuelle. Plusieurs pistes sont à l’étude, comme l’installation temporaire ou le renfort ponctuel d’avocats venus de l’Hexagone. Toutefois, la présidente du CNB nous signale que les conditions de vie à Mayotte se sont dégradées depuis le passage du cyclone Chido, ce qui rend le territoire peu attractif. La tendance est d’ailleurs plus au départ qu’à l’installation.

Concernant les contentieux peu ou mal assurés, la présidente du CNB indique qu’il est difficile d’imposer aux professionnels libéraux que sont les avocats de se former dans un domaine où ils ne souhaitent pas exercer, même lorsque celui-ci revêt une importance particulière localement, comme, à Mayotte, le droit des étrangers. Elle précise par ailleurs que 36 % des avocats du barreau de Mayotte ont rempli leurs obligations en matière de formation continue en 2024, un taux relativement proche de la moyenne nationale.

Le tribunal judiciaire de Mamoudzou manque également de magistrats expérimentés. Entre 2022 et 2024, le nombre de vice-présidents est passé de cinq à un seul. Si les renforts temporaires envoyés depuis 2023 ont permis de traiter certains contentieux, leurs missions limitées dans le temps ne permettent pas aux magistrats de bien connaître les spécificités du territoire. Cette instabilité nuit au développement de bonnes pratiques ou de politiques pénales cohérentes sur le long terme, en particulier s’agissant des fonctions de juge des enfants ou de juge des libertés et de la détention. Elle favorise également une orientation vers des procédures accélérées – comparutions immédiates ou comparutions sur reconnaissance préalable avec défèrement – au détriment, parfois, d’instructions approfondies. La correctionnalisation de faits criminels est de plus en plus fréquente. En outre, entre 2020 et 2023, les condamnations à des peines d’emprisonnement ferme ont augmenté de 88 % et les mandats de dépôt de 304 %, aggravant la population carcérale. Si je salue les efforts des brigades temporaires, je rappelle donc la nécessité d’un recrutement pérenne de magistrats à Mayotte.

Le tribunal judiciaire connaît également un déficit structurel en greffiers et agents administratifs, malgré l’existence de brigades de greffiers venant de l’Hexagone. Pendant un temps, les trois cabinets de juges d’instruction n’ont fonctionné qu’avec un seul greffier, et le tribunal pour enfants, composé de trois cabinets, ne dispose que de deux greffiers. Ce manque oblige parfois les magistrats à accomplir eux-mêmes des tâches administratives, comme l’envoi des convocations, et des audiences sont reportées, voire annulées faute de personnel. Les juges des libertés et de la détention ont ainsi été contraints d’annuler des audiences pour les personnes retenues en centres de rétention administrative (CRA) en raison de l’absence de greffiers.

À cela s’ajoutent des difficultés de communication avec les justiciables liées à la barrière linguistique. En effet, les greffiers envoyés en renfort ne maîtrisent pas les langues locales que sont le shimaoré et le shibushi.

Il est donc nécessaire de renforcer la présence d’interprètes. À Mayotte, moins de 60 % de la population maîtrise le français. Pourtant, les moyens humains en matière d’interprétariat sont très insuffisants : lorsque nous avons rendu notre décision, seuls deux postes d’interprète étaient pourvus alors que 70 % des justiciables mahorais en auraient besoin. Dans un courrier adressé à nos services, la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou indique que ce nombre a, depuis, été porté à cinq, ce qui lui semble suffisant. Elle précise en outre qu’il est possible de faire appel à des interprètes non-salariés, notamment pour les langues plus rares.

Toutefois, nous suivrons la situation de très près car le peu d’interprètes avait à l’époque de lourdes conséquences : certaines audiences d’assistance éducative se tenaient sans interprète ; des agents pénitentiaires ou de sécurité étaient parfois sollicités pour assurer l’interprétariat, notamment pour les audiences en prison devant le juge d’application des peines ; des juges des libertés et de la détention devaient recourir à une association qui intervenait uniquement à distance, avec un financement du ministère de l’intérieur, pour les personnes retenues en CRA.

J’insiste également sur le nombre très insuffisant d’experts judiciaires. Déjà, le rapport d’activité pour l’année 2022 du tribunal judiciaire de Mamoudzou signalait une pénurie, notamment de psychiatres, alors que plus de 400 expertises sont ordonnées chaque année. En 2025, la liste des experts judiciaires et enquêteurs sociaux pour le ressort de la chambre d’appel de Mamoudzou ne compte que vingt-deux personnes, avec aucun médecin expert et seulement une psychologue. En comparaison, celle de la cour d’appel de Bastia mentionne 179 experts pour une population similaire, et celle de la cour d’appel de Cayenne, plusieurs dizaines. Dans ces cas-là, les magistrats sont censés solliciter des experts non-inscrits, sauf que les deux experts médicaux non-inscrits ont quitté Mayotte. Ils doivent donc faire appel à des experts extérieurs, venant de La Réunion ou de l’Hexagone, ce qui engendre des coûts élevés, des délais rallongés et des expertises sur place menées dans l’urgence. Les experts interviennent d’ailleurs souvent à distance, par visioconférence, notamment lors des audiences devant la cour d’assises. Ce recours systématique pose question quant au respect des droits de la défense, d’autant que les outils techniques utilisés sont souvent défaillants et non conformes aux exigences réglementaires.

Concernant les administrateurs ad hoc, il ressort de nos auditions qu’ils sont quasi inexistants alors même que la situation locale en rend la désignation indispensable. La population de Mayotte est en effet très jeune : 55 % de la population a moins de 20 ans et environ 5 400 enfants vivraient à Mayotte sans leurs parents. Les besoins de représentation des mineurs devant les juridictions civiles, pénales ou administratives sont donc massifs, qu’ils soient auteurs d’infractions, victimes ou en danger.

Jusqu’au 1er janvier 2023, cette mission de représentation était assurée par l’association Mlezi Maore. À la suite de l’arrêt brutal des subventions, le conseil départemental a repris cette compétence via l’aide sociale à l’enfance. En pratique, une seule personne exerce aujourd’hui ce rôle, ce qui rend impossible toute prise en charge effective. Il arrive ainsi que des mineurs victimes soient entendus sans avocat et sans administrateur ad hoc. Pour pallier cette carence, certaines juridictions attribuent arbitrairement à ces enfants un représentant familial – des oncles, des tantes, des cousins – sans véritable lien légal, ce qui évite aussi de nommer un administrateur ad hoc.

Par ailleurs, les décisions en matière pénale rendues par les juges des enfants sont mises en œuvre par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou des services habilités. Or les éducateurs de la PJJ sont en nombre très insuffisant. Le tribunal judiciaire de Mamoudzou alertait déjà en 2022 sur la dégradation de la prise en charge des mineurs et aucun élément ne permet d’affirmer que la situation s’est améliorée. Les mesures judiciaires d’investigation éducative ne respectent pas les délais fixés par les magistrats, malgré l’allègement décidé en 2020 pour désengorger le service. Cette pénurie compromet également l’application de la réforme de la justice pénale des mineurs de 2021, de telle sorte que des mesures censées entrer en vigueur immédiatement après l’audience de culpabilité ne sont souvent pas mises en œuvre, faute de personnel suffisant.

Pour conclure, il est urgent que nous agissions avec détermination. Faut-il attendre qu’un autre drame semblable au cyclone Chido à Mayotte survienne pour intervenir en faveur des territoires ultramarins ? Garantir l’accès des habitants à un juge indépendant et impartial est indispensable pour maintenir le respect effectif des droits et du droit, et, plus largement, la cohésion sociale dans ces territoires. Accéder au droit, c’est aussi pouvoir être écouté, entendu et compris par l’État.

M. le président Frantz Gumbs. Vous avez évoqué Mayotte, qui est un cas extrême en matière de dysfonctionnement de la justice. Quels sont les principaux dysfonctionnements, même s’ils sont moindres, que vous constatez dans les autres territoires ultramarins – sachant que chacun a ses particularités, auxquelles sont liées les difficultés spécifiques d’accès au droit qu’il connaît ?

Par ailleurs, comment devient-on délégué du Défenseur des droits ? De quelles ressources humaines disposez-vous et comment sont-elles organisées ?

Mme Claire Hédon. Le Défenseur des droits est présent, à travers ses délégués, dans l’ensemble des territoires ultramarins, mis à part la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Cette situation n’est pas due à une mauvaise volonté de notre part mais au fait que nous ne parvenions pas à trouver de délégué dans ces deux territoires.

L’an dernier, nous avons enregistré 501 réclamations en Guadeloupe, où nous disposons de sept délégués répartis sur quatorze permanences. En Martinique, nous disposons de six délégués pour 526 réclamations l’an dernier ; en Guyane, de huit pour 361 réclamations. Je vous communiquerai précisément les lieux de permanence si vous le souhaitez. À Mayotte, il y a cinq délégués pour six lieux de permanence, et nous avons reçu l’an dernier 369 réclamations. À La Réunion, nous disposons de six délégués pour 539 réclamations. Enfin, nous disposons d’une déléguée à Saint-Pierre-et-Miquelon et d’un en Polynésie Française.

Dans les outre-mer, nos délégués sont encadrés par des chefs de pôle régionaux : une pour les Antilles et la Guyane, basée à la Guadeloupe, et un pour La Réunion et Mayotte, basé à La Réunion. Voilà les forces dont nous disposons sur ces territoires pour traiter les réclamations qui nous arrivent.

M. le président Frantz Gumbs. Je m’interroge sur la dépendance ou l’indépendance de l’institution du Défenseur des droits par rapport à d’autres pouvoirs.

Mme Claire Hédon. C’est une question très importante qui me permettra d’évoquer également nos moyens et notre fonctionnement.

Nous avons 260 agents au siège, majoritairement des juristes, répartis en trois directions d’instruction – dont l’une est dirigée par Marie Lieberherr –, et 640 délégués territoriaux dont la grande particularité est d’être des bénévoles. Ces derniers s’engagent pour l’institution en moyenne deux jours par semaine – deux demi-journées pour recevoir les réclamants et deux autres pour traiter ces demandes – même si, en réalité, ils travaillent souvent beaucoup plus. Bon nombre d’entre eux sont des retraités mais de plus en plus de jeunes professionnels s’engagent aussi parmi les bénévoles. Lorsqu’ils deviennent délégués du Défenseur des droits, ils sont formés par les juristes du siège. Ils sont aussi accompagnés tout au long de leur travail et peuvent à tout moment demander des précisions ou des informations. Nous pratiquons une formation en continu.

Pour ce qui est de notre indépendance, nous sommes une autorité administrative indépendante dont la grande force est qu’elle est – et c’est la seule – inscrite dans la Constitution. Je n’ai pas à référer à quiconque des décisions que je rends, je suis nommée pour six ans et mon mandat est non révocable et non renouvelable.

Se pose en revanche la question de notre budget, qui relève de vous, mesdames et messieurs les députés. Par comparaison avec ceux de nos homologues à l’international, ce budget est largement insuffisant. Ainsi, en Grèce, l’ombudsman, médiateur qui n’exerce qu’une partie de nos compétences puisqu’il ne s’intéresse qu’aux usagers du service public, dispose d’un budget de 70 % supérieur au nôtre. En Espagne, où le système est plus comparable puisqu’il s’agit d’un défenseur du peuple, l’écart de budget est de 30 %. Quant à l’Europe du Nord, où il s’agit encore d’un ombudsman médiateur, l’écart de budget est de 280 %.

La question de nos moyens est donc essentielle. Pourquoi ne nous sommes-nous pas autosaisis de l’accès au service public de la justice dans les autres territoires que Mayotte, sachant que nous recevons de toute façon très peu de réclamations individuelles sur ce sujet ? C’est qu’en raison de nos moyens humains, nous ne pouvons avancer que petit à petit. Notre première série de décisions pour Mayotte nous pousse évidemment à aller examiner la situation dans les autres territoires ultramarins, mais nous nous heurtons à nos moyens humains et financiers.

L’exemple de Mayotte montre toutefois combien nous sommes utiles pour pointer des difficultés. Je précise que je n’accuse en aucune façon les différents intervenants de la justice, qui sont eux-mêmes en difficulté. L’objectif est plutôt de dire quels seraient les moyens humains, les formations et les financements nécessaires pour obtenir de meilleurs résultats.

Pour ce qui est des dysfonctionnements que nous avons pu observer dans les autres territoires ultramarins, je citerai quelques saisines récentes. Une réclamante s’est plainte d’une absence de suivi de la part de l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle après la mort tragique de sa fille, noyée durant une traversée clandestine. En Guyane, une autre réclamation visant un avocat désigné lui aussi au titre de l’aide juridictionnelle, émanant d’une personne victime d’un accident de la route, a révélé plusieurs dysfonctionnements : la compagnie d’assurances n’a jamais reçu le dossier, l’avocat n’a pas répondu malgré plusieurs relances, pas davantage que le tribunal judiciaire après interpellation de notre délégué. En Guadeloupe, nous avons été saisis d’une plainte classée sans suite sans information préalable de la plaignante. Nous sommes régulièrement saisis aussi de difficultés liées à des courriers qui auraient été envoyés et qui n’arrivent pas, et de situations de litige avec des avocats. Voilà quelques types de réclamations reçues et de difficultés observées.

M. le président Frantz Gumbs. J’observe – et c’est terrible pour moi – qu’il est deux territoires que, depuis le début, vous n’avez pas cités : Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Mme Claire Hédon. Vous avez raison, je ne les ai pas cités. Je crois qu’une de nos déléguées traite à distance les questions relatives à Saint-Martin.

M. le président Frantz Gumbs. On a tendance à oublier les territoires îliens et exigus, éloignés des grands centres administratifs. En l’espèce, le tribunal judiciaire et la cour d’appel se trouvent à Basse-Terre, en Guadeloupe, ce qui est assez loin. La situation est la même pour Cayenne et Saint-Laurent, ainsi que pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, territoires très dispersés.

Pourriez-vous décrire quelques-uns des freins ou obstacles à un égal accès aux droits et à la justice, qu’ils soient liés à ces spécificités géographiques ou à des facteurs comme la pauvreté ou l’illettrisme ? Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles certaines personnes peuvent être plus éloignées que d’autres du droit et de la justice.

Mme Claire Hédon. Vous avez tout à fait raison. Avec les réclamations dont nous sommes saisis, nous ne voyons que ce qui ne va pas, mais nous ne voyons pas tout ce qui ne va pas. L’institution reste mal connue. Peu de gens pensent à nous saisir, ou savent que leur réclamation sera traitée entièrement gratuitement, ce qui est un point important.

Il y a plusieurs façons de nous saisir. Nous avons maintenu un accueil physique, nos délégués reçoivent les réclamants dans des permanences. On peut nous saisir par notre plateforme téléphonique, par courrier – sans même mettre un timbre – ou sur notre site internet. Nous veillons à être omnicanaux et multi-entrées.

Comme vous venez de le dire, ce que nous avons observé à Mayotte existe certainement dans les autres territoires ultramarins. La géographie, les distances, la pauvreté – qui soulève la question de l’aide juridictionnelle, raison pour laquelle nous avons voulu mettre l’accent sur ce point –, l’illettrisme, la langue – qui est une grande difficulté –, la méconnaissance des droits : tous ces facteurs contribuent à des difficultés d’accès à la justice comme au fait que nous ne soyons pas systématiquement saisis.

Mme Marie Lieberherr, directrice « Protection des droits et affaires judiciaires » auprès de la Défenseure des droits. C’est pour cette raison que nous avons voulu dans cette décision relative à Mayotte examiner chaque maillon de la chaîne, en commençant par l’accès au droit, c’est-à-dire le fonctionnement du CDAD et des maisons de la justice et du droit. Or ce premier chaînon est manquant, défaillant, pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer. Qu’il s’agisse de langue ou de logement, toutes les difficultés interfèrent avec l’accès à la justice. Se pose également la question des auxiliaires de justice car, même si le tribunal fonctionnait parfaitement bien, l’accès à la justice ne serait pas assuré sans un réseau suffisant d’avocats, d’interprètes et d’administrateurs ad hoc.

Ce sont des problèmes que l’on peut retrouver sur d’autres territoires. Lors d’un déplacement en Guyane, j’ai été frappée de constater à quel point la géographie des juridictions est un frein à l’accès au tribunal : les chefs de juridiction nous ont décrit le véritable parcours du combattant qu’il faut accomplir pour y accéder par les transports publics.

M. le président Frantz Gumbs. La répartition sur le territoire des portes d’entrée vers la justice est un problème. Faire connaître leurs droits aux justiciables en est un autre, dont la solution passe normalement par le CDAD. Vous avez cité les pirogues France Services, qu’on appelle en Guyane « pirogues du droit » et qui sont une expérience menée par des gens de terrain. En tant que Défenseure des droits, encourageriez-vous les initiatives visant à faciliter l’accès au droit et à la justice en s’adaptant aux caractéristiques locales ? En Polynésie par exemple, sur des îles très isolées et très lointaines, des dispositions sont prises pour que le juge puisse recevoir des requêtes orales, qui sont traduites à l’écrit par la suite.

Mme Claire Hédon. Ces initiatives sont indispensables, et elles montrent que c’est possible – comme je l’ai vu moi-même avec la pirogue de Camopi. Ce n’est pas forcément facile à organiser, et cela demande une vraie volonté de la part des agents de service public. Lorsque j’ai demandé à ceux que j’ai vus s’ils étaient vraiment volontaires – car cela ne peut marcher que si c’est le cas –, ils m’ont répondu qu’ils étaient contents d’être là parce qu’ils avaient le sentiment d’être utiles et de résoudre des problèmes.

Il est indispensable que ces services publics aillent au-devant des personnes – et non seulement à Camopi, au fin fond de la Guyane, mais aussi en Haute-Corrèze pour les gens qui sont aussi éloignés des services publics. Cet aller vers est indispensable et le fait de le mettre en pratique montre que ça marche, que c’est possible. Il faut maintenant démultiplier cette démarche dans tous les territoires où elle est nécessaire. Il est intéressant d’avoir des exemples de quelque chose qui fonctionne, et il ne fait aucun doute que c’est ici le cas.

M. le président Frantz Gumbs. Mais en tant que Défenseure des droits, vous devez également veiller au respect des procédures. Or certaines de ces initiatives peuvent contrevenir aux procédures fixées par la loi, souvent très carrées, dont le non-respect constitue un vice de procédure. Ne craignez-vous donc pas que ces initiatives soient contre-productives ?

Mme Claire Hédon. Je commence par regarder ce qui se passe si on ne s’adapte pas. À Mayotte, pour demander l’aide juridictionnelle, il faut produire un document des impôts sur ses revenus – qu’on ne parvient pas à se procurer – et un justificatif de domicile – quasi-impossible à obtenir. Si on n’adapte pas les règles à la situation du territoire, on rend de fait l’aide juridictionnelle inaccessible à un certain nombre de personnes. L’adaptation est donc nécessaire. Je n’ai pas en tête d’exemple où le fait de ne pas suivre la procédure aurait été défavorable à la personne. Peut-être mes collègues en ont-elles ?

Mme Marie Lieberherr. Pensez-vous par exemple aux audiences foraines ?

M. le président Frantz Gumbs. Non, les audiences foraines, qui font intervenir le juge et son greffier, sont assez bien cadrées ; il y en a aussi dans l’Hexagone quand il le faut. Ma question était plus générale : certaines initiatives engagées pour le bien de la justice, comme celle qui permet de saisir le juge verbalement plutôt que selon les procédures établies, pourraient-elles constituer des vices de procédure ?

Mme Marie Lieberherr. Vous avez absolument raison, il faut veiller à garder un équilibre et à assurer la sécurité des saisines. Les greffiers jouent un rôle indispensable en la matière – or c’est justement au niveau du greffe que le bât blesse à Mayotte. Alors certes, il faut être prudent et s’assurer des garanties nécessaires, mais je pense comme Mme la Défenseure des droits que certaines situations, à commencer par celles dues aux contraintes géographiques, nécessitent que l’on s’adapte.

M. le président Frantz Gumbs. Vous avez dit que vous n’aviez pas reçu beaucoup de saisines de la part des autres territoires d’outre-mer. Vous avez aussi indiqué le nombre de délégués de la Défenseure des droits – ou du Défenseur ?

Mme Claire Hédon. On féminise le titre de la personne, mais l’institution reste « le Défenseur des droits ».

M. le président Frantz Gumbs. Vous avez donc des délégués pour chacun des territoires – sauf Saint-Martin et Saint-Barthélemy ! – mais je ne vois guère de publicité ou d’appels à candidatures. Dans l’esprit du public, dans la conscience collective, votre institution n’est-elle pas un peu trop discrète ?

Mme Claire Hédon. Vous avez tout à fait raison, mais ce n’est pas faute d’essayer. Il est clair que nous sommes mal connus du grand public. Le taux de connaissance de l’institution tourne autour de 50 % dans la population générale et descend quasiment à un tiers pour les catégories socioprofessionnelles inférieures, terme que je n’aime guère mais qui désigne bien les personnes qui ont le plus de difficulté à faire valoir leurs droits. Sauf que – pardon d’en revenir à une question bassement matérielle – je réclame tous les ans un montant pour communiquer sur notre institution, la manière de nous saisir, l’importance qu’il y a à défendre ses droits : je ne l’obtiens jamais. Alors c’est vrai, l’institution n’est pas assez connue, mais cela demande des moyens.

Nous faisons pourtant énormément parler de nous dans les médias, notamment locaux. Nos délégués ne se contentent pas de traiter des réclamations : souvent placés dans les CDAD et les maisons de la justice et du droit, ils participent aux différentes opérations organisées pour faire connaître l’institution. Je partage votre analyse mais, je le répète, il faut plus de moyens pour que l’institution soit plus connue.

J’ajoute qu’à mon arrivée, nous traitions 100 000 réclamations. Nous en étions à 140 000 en 2024 et atteindrons probablement 160 000 à la fin de l’année. Notre capacité à absorber l’ensemble de ces réclamations est en forte tension et nos difficultés sont croissantes car nos délégués et nos agents, qui sont très motivés, ne veulent pas laisser les gens en difficulté.

M. le président Frantz Gumbs. Vous pourriez peut-être utiliser des influenceurs, sur Instagram et TikTok par exemple.

Mme Claire Hédon. Nous le faisons ! Nous travaillons avec certains influenceurs spécialisés dans les questions de droit. Nous essayons par tous les biais de faire connaître l’institution.

Ce qui me ramène à la question de notre présence à Saint-Martin, qui me taraude. Je suis quasiment certaine que l’une de nos déléguées y assure des permanences ponctuelles, peut-être une fois par mois. Mes services vérifieront et nous vous donnerons l’information.

M. le président Frantz Gumbs. Quelles pistes d’amélioration auriez-vous à proposer, tant pour le fonctionnement de votre institution que pour celui de la justice et de l’accès au droit, en particulier dans les territoires d’outre-mer ?

Mme Claire Hédon. Il ne fait aucun doute qu’il y a une question de moyens, dans les deux cas – je n’y reviens pas pour l’institution. La justice a évidemment besoin de moyens humains et financiers, au sens large : si l’on veut corriger les informations fausses qu’on trouve à Mayotte sur les sites internet du CDAD ou du tribunal, on n’aura pas besoin d’un budget mais de moyens humains et de formation – cette dernière étant primordiale. La question est donc de savoir quels moyens financiers nous sommes prêts à dégager pour que les droits des personnes soient respectés sur l’ensemble du territoire français.

M. le président Frantz Gumbs. Votre éclairage est indispensable et nous serons preneurs de toute autre information que vous pourriez nous adresser.

Mme Claire Hédon. Nous vous transmettrons plusieurs éléments complémentaires dont notre décision récente relative à l’état civil à Mayotte, qui n’est pas inintéressante.

Mme Judith Vailhé, cheffe du pôle justice et libertés auprès de la Défenseure des droits. Cette décision est relative à l’accès et au fonctionnement des services de l’état civil et de la nationalité à Mayotte. Elle vous donnera un éclairage complémentaire car elle traite des difficultés que rencontre, au sein du tribunal judiciaire, le greffe de la nationalité, qui est complètement submergé de réclamations.

M. le président Frantz Gumbs. Pourrez-vous nous donner votre idée, éventuellement dans nos échanges ultérieurs, sur la situation très complexe qu’on trouve en Nouvelle-Calédonie, où coexistent un droit national, un droit local et un droit coutumier, établis par un gouvernement local et des aires coutumières qui font des promesses chacun de son côté ?

Mme Claire Hédon. Non, j’en suis désolée. N’ayant pas de délégué sur place, il nous est difficile de répondre à cette question. Je ne serais d’ailleurs en mesure de le faire qu’après un gros travail d’enquête et de compréhension mené par nos équipes – nous ne prenons pas de position hors-sol. En attendant, c’est la question de disposer d’un délégué en Nouvelle-Calédonie qui nous travaille : c’est absolument nécessaire, mais il faut le trouver !

M. le président Frantz Gumbs. Merci pour vos propos.

La séance s’achève à quatorze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présent. – M. Frantz Gumbs

Excusé. – M. Yoann Gillet