50e séance

 

PLF pour 2018

 

Projet de loi de finances pour 2018

Texte du projet de loi - n° 235

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2018 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS

I. – CrÉdits des missions

Article 29

Il est ouvert aux ministres, pour 2018, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 444 755 408 314 € et de 440 964 254 983 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.

ÉTAT B

(Article 29 du projet de loi)

RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME,
DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL

Budget général

 

 

(en euros)

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

Recherche et enseignement supérieur

27 606 038 591

27 667 302 025

Formations supérieures et recherche universitaire

13 423 686 187

13 421 066 358

dont titre 2

513 291 364

513 291 364

Vie étudiante

2 695 166 867

2 699 526 067

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

6 723 904 235

6 769 823 853

Recherche spatiale

1 621 974 119

1 621 974 119

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 763 920 387

1 736 622 455

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

739 621 697

779 742 241

dont titre 2

105 297 546

105 297 546

Recherche duale (civile et militaire)

180 074 745

180 074 745

Recherche culturelle et culture scientifique

112 151 586

112 070 698

Enseignement supérieur et recherche agricoles

345 538 768

346 401 489

dont titre 2

216 344 354

216 344 354

 

Amendement n° 1138 présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

15 480 419

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

TOTAUX

15 480 419

0

SOLDE

15 480 419

Amendement n° 347 présenté par M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

I. Modifier ainsi les autorisations d’engagement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

2 703 106 957

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

Centre National de la Recherche Scientifique (ligne nouvelle)

2 703 106 957

0

TOTAUX

2 703 106 957

2 703 106 957

SOLDE

0

II. Modifier ainsi les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

2 804 776 054

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

Centre National de la Recherche Scientifique (ligne nouvelle)

2 804 776 054

0

TOTAUX

2 804 776 054

2 804 776 054

SOLDE

0

Amendement n° 988 présenté par Mme Pau-Langevin, Mme Biémouret, M. Juanico, Mme Manin, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Batho, Mme Battistel, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Dussopt, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Le Foll, M. Letchimy, Mme Pires Beaune, M. Potier, M. Pueyo, M. Pupponi, Mme Rabault, M. Saulignac, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe et M. Vallaud.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

100 000 000

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

100 000 000

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

TOTAUX

100 000 000

100 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 349 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

I. Modifier ainsi les autorisations d’engagement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

66 551 198

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

Recherche partenariale pour la transition écologique (ligne nouvelle)

66 551 198

0

TOTAUX

66 551 198

66 551 198

SOLDE

0

II. Modifier ainsi les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

71 551 198

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

Recherche partenariale pour la transition écologique (ligne nouvelle)

71 551 198

0

TOTAUX

71 551 198

71 551 198

SOLDE

0

Amendement n° 989 présenté par Mme Pau-Langevin, Mme Biémouret, M. Juanico, Mme Manin, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Batho, Mme Battistel, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Dussopt, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Le Foll, M. Letchimy, Mme Pires Beaune, M. Potier, M. Pueyo, M. Pupponi, Mme Rabault, M. Saulignac, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe et M. Vallaud.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

10 000 000

Recherche culturelle et culture scientifique

10 000 000

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

TOTAUX

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 979 présenté par M. Berta, Mme Bannier, Mme Essayan, Mme Maud Petit, Mme Mette et M. Garcia.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche spatiale

0

5 000 000

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

5 000 000

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

TOTAUX

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 348 présenté par Mme Panot, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

8 000

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

0

0

Réseau de recherche scientifique Marché du travail et genre (MAGE) (ligne nouvelle) (ligne nouvelle)

8 000

0

TOTAUX

8 000

8 000

SOLDE

0

 

Après l’article 57

Amendement n° 1342 deuxième rectification présenté par le Gouvernement.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

I. – Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 23411, il est inséré un article L. 23412 ainsi rédigé :

« Art. L. 23412. – Les établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur ou conjointement du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de l’agriculture sont compétents pour assurer l’entretien et la gestion des biens immobiliers dont ils sont propriétaires ou qui sont mis à leur disposition par l’État, ainsi que la valorisation immobilière de ces biens et les opérations immobilières d’aménagement des campus, hors cession des biens mis à leur disposition par l’État.

« Ils sont compétents pour délivrer sur ces biens des titres constitutifs de droits réels à un tiers et pour en fixer les conditions financières.

« Cette délivrance est soumise à l’autorisation préalable de l’autorité administrative lorsqu’elle concerne des biens immobiliers mis à disposition par l’État et nécessaires à la continuité du service public. » ;

2° Après la vingt-deuxième ligne du tableau de l’article L. 55112, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

 

L. 23412

 

Résultant de la loi n°…. du …..

 » ;

3° Après la dix-huitième ligne du tableau de l’article L. 55114, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

 

L. 23412

 

Résultant de la loi n°…. du …..

 » ;

 4° Après la vingt-deuxième ligne du tableau de l’article L. 56112, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

 

L. 23412

 

Résultant de la loi n°…. du …..

 » ;

5° Après la vingt-sixième ligne du tableau de l’article L. 57111, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

 

L. 23412

 

Résultant de la loi n°…. du …..

 » ;

6° Après la seizième ligne du tableau de l’article L. 57112, est insérée une ligne ainsi rédigée :

« 

 

L. 23412

 

Résultant de la loi n°…. du …..

 » ;

II. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Les deuxième et troisième phrases du septième alinéa de l’article L. 7111 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Ils peuvent à cette fin, ainsi que pour contribuer à la gestion et à la valorisation de leur patrimoine immobilier, créer des services d’activités industrielles et commerciales, dans les conditions prévues à l’article L. 1235, ou, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prendre des participations, participer à des groupements et créer des filiales » ;

2° La dernière phrase de l’article L. 71914 et les trois derniers alinéas de l’article L. 7622 sont supprimés.

III. – Le II est applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie.

Amendement n° 1035 présenté par le Gouvernement.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

L’avant-dernier alinéa de l’article 96 de la loi n° 20101658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 est ainsi rédigé :

« La contribution est recouvrée par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire dans les conditions prévues aux articles 192 et 193 du décret n° 20121246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. »

Amendement n° 269 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’état de délabrement de certaines cités universitaires françaises et leurs conséquences néfastes sur les conditions d’étude des étudiants.

Ce rapport évalue l’état des cités universitaires françaises, liste celles délabrées et chiffre les besoins de rénovation et de construction pour permettre aux étudiants d’étudier dans de bonnes conditions.

Amendement n° 271 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport qui fait état du développement de l’enseignement professionnel et des ressources allouées à la formation et au prolongement des savoir-faire professionnels dans le supérieur.

Ce rapport évalue les coûts et bénéfices des politiques en faveur du développement des savoir-faire français et de la qualification des travailleurs français indispensable à la réussite de toute transition écologique.

Amendement n° 275 présenté par M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, Mme Taurine, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin et M. Ruffin.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur le crédit d’impôt recherche qui vise, notamment, à servir de levier à la recherche privée et à inciter les entreprises à embaucher du personnel de formation et d’expérience scientifique.

Ce rapport évalue l’adéquation entre les effets du crédit impôt recherche et les objectifs qui lui sont fixés. Il étudie aussi les pistes d’amélioration à proposer.

Amendement n° 276 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, Mme Taurine, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier et M. Ruffin.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les moyens alloués à la recherche dédiés à la transition écologique et à la lutte contre le changement climatique dans les domaines de l’énergie, de la mobilité et de l’agriculture.

Ce rapport évalue l’adéquation entre les moyens investis sur ces questions et les objectifs et engagements du Gouvernement au regard des enjeux liés au changement climatique.

 

projet de loi de finances pour 2018

 

Compte rendu de la commission élargie du mardi 24 octobre 2017

(Application de l’article 120 du règlement)

Recherche et enseignement supérieur

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures cinq sous la présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, de M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, de M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, et de M. Alain Perea, vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, je voudrais, en notre nom à tous, souhaiter la bienvenue à Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Madame la ministre, je suis heureux de vous accueillir avec M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. Bruno Lescure, président de la commission des affaires économiques, et M. Alain Perea, vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour examiner les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Cette commission élargie à quatre commissions, ce qui n’est pas si fréquent, obéit à un certain nombre de modalités d’organisation, qui ont été établies en conférence des présidents.

Madame la ministre, vous aurez dix minutes pour vous exprimer sur votre budget. Puis nous donnerons la parole aux rapporteurs des commissions – les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les rapporteurs pour avis des autres commissions – qui disposeront chacun de cinq minutes. Lorsque vous leur aurez répondu, les représentants des sept groupes parlementaires, puis les députés qui le souhaitent, vous poseront leurs questions ; ils auront deux minutes pour le faire.

Mes chers collègues, lorsque nous aurons terminé l’audition de Mme la ministre, nos commissions délibéreront séparément. Nous commencerons par celles qui ont le moins d’amendements. La commission du développement durable et celle des affaires économiques, qui n’en ont pas déposé, se prononceront immédiatement sur les crédits de la mission. La commission des finances, qui a déposé deux amendements, délibérera donc en troisième position. La commission des affaires culturelles, qui en a déposé vingt, délibérera donc en dernière position. Je vous demande donc de rester jusqu’à ce que votre commission se soit prononcée sur les crédits de cette mission.

M. le président Bruno Studer. Monsieur le président Woerth, madame la ministre, messieurs les présidents des commissions du développement durable, des finances et des affaires économiques, mes chers collègues, l’examen de crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en commission élargie offre chaque année au Parlement l’occasion d’un échange riche et ouvert sur l’action publique en matière d’enseignement supérieur et de recherche, qui concerne de nombreux départements ministériels et plusieurs des commissions permanentes de notre Assemblée.

Je me félicite que les crédits de la mission interministérielle atteignent l’an prochain un montant total de 27,4 milliards d’euros, soit une hausse de 2,6 % – 700 millions d’euros – qui bénéficiera en particulier aux actions en faveur de la réussite de tous les étudiants, ainsi qu’au soutien à la recherche sur projet et aux grands organismes de recherche.

Cette année, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a nommé trois rapporteurs pour avis sur cette mission interministérielle : M. Philippe Berta pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, Mme Danièle Hérin et M. Pierre Henriet pour la recherche. Dans le cadre de leur rapport pour avis, ils se sont attachés à approfondir plus spécifiquement une thématique : pour l’enseignement supérieur, les communautés d’université et d’établissement (ComUE) ; pour le budget de la recherche, le soutien à l’innovation et à la culture scientifique et technique. Je tiens à les remercier ici pour le travail qu’ils ont réalisé sur ces thématiques, tout à fait importantes.

Mes chers collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je vous rappelle, comme l’a dit le président Woerth, qu’à l’issue de l’audition de Mme la ministre, nous nous réunirons pour examiner un certain nombre d’amendements et nous prononcer sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Roland Lescure. Messieurs les présidents, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la commission des affaires économiques, dont le rapporteur pour avis est M. Richard Lioger, de pouvoir examiner aujourd’hui les crédits des grands organismes de recherche qui dépendent des programmes 150, 172 et 193 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2018.

Nous nous félicitons nous aussi de la hausse des budgets dans leur ensemble, et de l’augmentation significative des crédits de paiements alloués aux trois programmes dont nous sommes responsables.

Je suis particulièrement sensible au fait que l’État confirme ses engagements en faveur des grands programmes européens, en particulier ceux menés dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ASE), et apporte un soutien décisif à l’Agence nationale de la recherche (ANR), principal opérateur public de financement de projets.

Madame la ministre, je souhaiterais terminer mon intervention en vous posant deux questions. La première porte sur l’évolution à moyen terme du budget français de la recherche, la seconde sur la recherche spatiale.

Le Gouvernement envisage-t-il de poursuivre l’effort financier de l’État sur l’ensemble de la mandature, ou tout au moins jusqu’en 2020, année d’achèvement de l’actuelle stratégie nationale de la recherche 2015-2020 ?

Enfin, où en est-on de l’avancement du projet Ariane 6 ? Alors qu’un certain nombre de nos concurrent privés, et notamment SpaceX avec des projets de vaisseaux spatiaux recyclables, multiplient les essais et les annonces médiatiques, pouvez-vous nous assurer que le modèle économique du lanceur européen est toujours aussi solide ?

M. Alain Perea, président. Madame la ministre, monsieur le président Woerth, chers collègues présidents de commissions, chers collègues députés, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». En son nom, M. Gérard Menuel a fait un rapport sur la recherche dans les domaines du développement durable et de la gestion des milieux et des ressources – programmes 172, 193 et 190 de la loi de finances. Le projet de ce rapport a été envoyé à tous les membres de cette commission élargie.

Il faut se féliciter de cet excellent budget. Grâce à des crédits supplémentaires de plusieurs centaines de millions d’euros, il permettra de financer de grandes infrastructures de recherche qui contribueront à faire de notre pays un pôle d’excellence, notamment dans le secteur du développement durable. C’est un effort financier remarquable.

La recherche est en effet la pierre angulaire de la transition écologique, comme nous le voyons au quotidien dans notre commission. Cependant, l’actualité récente a montré à plusieurs reprises – je pense aux débats sur les produits phytopharmaceutiques, comme les néonicotinoïdes ou le glyphosate – que les connaissances scientifiques sont encore très insuffisantes sur certains sujets majeurs de sécurité sanitaire, et que leurs sources sont parfois très contestées. Ces enjeux de santé publique mériteraient un investissement supérieur dans des recherches dédiées et indépendantes, pour que les débats de société et les décisions publiques soient mieux éclairés. Que pensez-vous, madame la ministre, de la suggestion de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) de créer, avec des moyens adéquats, un axe de recherche européen consacré à ces sujets de sécurité sanitaire ?

Je terminerai sur une question. Le projet de budget qui nous est présenté ne permet pas d’apporter de réponses aux difficultés que rencontrent certains de nos opérateurs pour renouveler leurs outils de recherche. Par exemple, aucune solution n’a encore été trouvée pour renouveler la flotte océanique française gérée par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), alors même que nous connaissons toute l’importance que prendra dans les prochaines années l’exploration des mers et des océans. Qu’envisagez-vous pour l’avenir de cet important instrument de travail ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, avant toute chose, je tenais à vous dire que c’est un plaisir d’être entendue ce soir par la représentation nationale, a fortiori parce que c’est le premier budget de ce nouveau mandat présidentiel. L’exercice a été d’autant plus stimulant que, étant entrés en responsabilité en mai dernier, nous n’avons eu que quelques semaines pour procéder aux arbitrages permettant de vous présenter les objectifs et les moyens des politiques publiques dont j’ai la charge.

Conformément aux souhaits du Président de la République et du Premier ministre, nous avons travaillé pour vous présenter une mission « Recherche et enseignement supérieur » en trois dimensions : sincère dans sa méthode, ambitieuse dans ses objectifs, et engagée dans le mouvement de transformation souhaité par le Président de la République et par nos concitoyens pour les cinq années à venir.

L’ambition de cette mission traduit aussi la volonté de transformation du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur et d’amélioration des conditions de vie des étudiants. Pour 2018, je vous présente donc un budget de 24,5 milliards d’euros au total, soit des crédits en croissance nette de 707 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

Cette mission est par nature dédiée à l’avenir, et cette année encore plus que jamais. En effet, nous nous sommes engagés sur une trajectoire triennale, qui portera les crédits de la mission à 28 milliards d’euros à l’horizon 2020, soit un effort de 3,5 milliards d’euros, dont je serai garante.

Notre jeunesse et nos étudiants sont les sources vives de l’avenir de notre pays. C’est pourquoi le premier poste de dépenses pour 2018 est consacré à l’enseignement supérieur, avec 13,4 milliards d’euros. Les crédits du programme 150, dédié à l’enseignement supérieur, augmenteront de 194 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, et la baisse du taux de mise en réserve décidée par le Premier ministre permettra de débloquer en gestion 40 millions d’euros supplémentaires, ce qui permettra de porter l’effort réel à 234 millions d’euros.

Concernant plus spécifiquement le budget des universités, celui-ci prévoit une hausse de 175 millions d’euros supplémentaires, dédiés, dans le principe du respect de l’autonomie, à soutenir le fonctionnement des universités. Ces 175 millions s’ajoutent aux 100 millions qui étaient présents dans le PLF pour 2017 pour accompagner l’accroissement démographique et qui se retrouvent donc dans le PLF pour 2018.

Afin de financer les projets de réhabilitation de l’immobilier des universités, dans le cadre des contrats de plan État région, et la suite de l’opération Campus, une enveloppe de 343 millions d’euros sera consacrée à l’immobilier, en hausse de 59 millions d’euros.

Nous avons aussi souhaité consacrer 2,7 milliards d’euros à la vie étudiante, au titre du programme 231. Le niveau de vie des étudiants a été soutenu par le gel des droits d’inscription et du prix du ticket de restaurant universitaire à la rentrée 2017, et un volet du plan national de vie étudiante (PNVE) vise à réduire le coût de la rentrée 2018 et à améliorer les conditions de vie de nos étudiants. Nous aurons l’occasion de présenter cette réforme devant le Parlement.

Les étudiants les moins favorisés bénéficieront d’une aide de l’État de 2,1 milliards d’euros, directement consacrés aux aides sociales, pour verser des bourses sur critères sociaux à près de 725 000 étudiants, soit 15 000 étudiants supplémentaires, en 2018.

Le format de la mission permet également de financer en année pleine la mise en place de l’aide à la mobilité en master, et de conforter le financement de l’aide à la recherche du premier emploi.

Ces moyens seront mis au service de la transformation du premier cycle, afin d’offrir à chaque étudiant un contrat pédagogique de réussite. Je ne reparlerai pas de l’échec du système qui a conduit cette année à tirer au sort les étudiants pour qu’ils accèdent à l’enseignement supérieur, système que j’ai dénoncé dès le mois de juillet, avant que cet échec ne soit confirmé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), puis par la Cour des comptes. Je me contenterai de rappeler que 70 % des étudiants échouent à obtenir la licence en trois ans, et que 60 % échouent à l’obtenir en quatre ans. Je ne souhaite pas que l’échec reste l’horizon indépassable de la vie de la majorité de nos étudiants. C’est pourquoi je porterai une réforme en ce sens.

La situation des bacheliers technologiques et professionnels demeure préoccupante. Ils restent les grands évincés du système actuel, et là encore, nous devons y apporter une réponse prompte et ferme.

Il s’agira donc de mieux orienter, de mieux accompagner les étudiants, et d’offrir des solutions adaptées aux talents de chacun, ainsi que de réelles chances d’insertion professionnelle pour tous. Un rapport m’a été remis le 19 octobre dernier, suite à une concertation qui avait débuté le 17 juillet. À l’heure actuelle, je poursuis le dialogue en lien avec tous les acteurs de cette concertation et avec le Premier ministre, afin que nous puissions construire cette réforme et la présenter très prochainement.

Le budget consacré à la recherche illustre aussi la méthode que j’ai souhaité appliquer. Mon souhait est de construire une politique de recherche et d’innovation qui contribue à ouvrir le regard de nos concitoyens sur les prouesses scientifiques et économiques dont nos chercheurs et enseignants chercheurs sont capables.

L’objectif a donc été de fixer le budget de la recherche à 8,4 milliards d’euros pour 2018, soit une augmentation de 501 millions d’euros, ce qui représente 6,3 % de crédits de paiement supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

Nombreux sont ceux qui ont tendance à opposer les financements par projet aux financements de base. Au-delà des querelles théoriques, le seul sujet qui compte pour moi est de garantir aux chercheurs les moyens dont ils ont besoin pour travailler efficacement sans séparer les moyens des projets et les résultats. C’est pourquoi les moyens des organismes de recherche seront portés en 2018 à 5,94 milliards d’euros, en hausse de 70 millions d’euros, dont 25 millions seront directement affectés aux laboratoires.

Cet effort traduit une volonté d’apporter de l’oxygène à notre recherche, en budgétant les moyens au meilleur niveau possible.

Cet effort budgétaire traduit aussi une autre exigence, celle d’apurer les dettes structurelles qui proliféraient dans un certain nombre d’organismes de recherche, notamment internationaux, sans pour autant fragiliser leur capacité d’investissement.

La progression des crédits permettra d’accroître le financement des appels à projet de l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui seront renforcés de 140 millions d’euros, portant son budget global à 750millions d’euros. Les instituts Carnot verront, quant à eux, leurs crédits augmenter de 8,8 %. Ces instituts fonctionnent selon une mécanique vertueuse, l’abondement public venant en soutien de projets issus de financements privés, selon les résultats du laboratoire. Un tel modèle donne d’excellents résultats.

Les crédits de la mission couvriront en 2018 l’intégralité des charges réelles. Il n’y a pas de sous-budgétisation ni de reports de charges masqués. Les charges réelles seront donc bien couvertes par des crédits réels. À cet égard, mesdames et messieurs les députés, j’appelle votre attention sur le fait que, cette année, le glissement vieillesse technicité (GVT) est intégralement budgété, ce qui est une première et représente environ 50 millions d’euros. J’ai la ferme conviction que seule une méthode budgétaire fondée sur la sincérité pourra permettre d’atteindre et de réaliser les objectifs ambitieux de politique publique.

Ce budget 2018 permet de poser des jalons pour la suite du quinquennat, à travers la mobilisation du Grand Plan d’investissement qui sera sollicité à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour la transformation de l’enseignement supérieur, à hauteur de 2,4 milliards d’euros pour la recherche, et de 3,6 milliards d’euros pour l’innovation. Des programmes de recherche prioritaires, ainsi que des équipements de recherche, seront ainsi financés. L’Agence nationale de la recherche sera l’un des opérateurs de ce Grand Plan d’investissement.

Le ministère accompagnera les politiques de valorisation, afin de faire de ces moyens financiers des leviers d’entraînement économique.

Pour conclure, je vous dirai que ce budget est au service de la réussite des étudiants, du maintien de la puissance scientifique française, et enfin du soutien à l’innovation-dans tous ses aspects – enseignement supérieur, recherche ou développement économique.

M. le président Éric Woerth. Madame la ministre, je vous félicite d’avoir parfaitement respecté le temps qui vous était imparti. Avant de donner la parole à Mme de Montchalin, je voudrais vous poser une question relative aux droits d’inscription. Cette question revient fréquemment, et le Gouvernement s’est déjà exprimé dessus, du moins en partie. Pouvez-vous donc me dire quels en seront les enjeux financiers, dans les années qui viennent ? Vous me répondrez si vous le souhaitez, au moment qui vous paraîtra le plus opportun.

Mme Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la recherche. Je tiens à préciser d’emblée que la liste des personnes auditionnées mentionnées dans le rapport n’est pas complète. Les idées qui sont exprimées dans ce rapport – qui n’est pas définitif – peuvent donc venir d’autres personnes que celles qui ont été citées.

Dans le cadre de la stratégie Horizon 2020, la France, ainsi que ses partenaires européens, ont réaffirmé l’objectif d’une dépense intérieure de recherche et de développement atteignant 3 % du PIB en 2020. Actuellement, la France se situe aux alentours de 2,2 %, ce qui constitue un progrès, mais montre aussi que nous avons encore du chemin à parcourir.

Les crédits de la mission vont s’accroître de plus de 700 millions d’euros, dont 500 millions pour la partie « recherche », dont les sept programmes bénéficient de 11,5 milliards d’euros, dans la continuité de l’effort déjà entrepris en 2017.

Ce budget continuera à augmenter pour atteindre 28 milliards d’euros en 2020. Ainsi, en trois ans, l’effort du Gouvernement et de la majorité en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche atteindra près de 3,5 milliards d’euros.

Au-delà de l’effort budgétaire, je voudrais saluer, madame la ministre, un budget sincère qui met fin à la plupart des sous-budgétisations chroniques, que ce soit vis-à-vis des organismes internationaux – je pense en particulier à l’Agence spatiale européenne (ASE) –, mais aussi vis-à-vis des personnels et des chercheurs puisque le GVT est, pour la première fois, pleinement pris en compte.

Par ailleurs, alors que les chercheurs, les syndicats et les responsables des centres de recherche, que j’ai rencontrés tout au long de cet automne, nous alertent régulièrement sur la nécessité de maintenir des financements récurrents de fonctionnement pour les laboratoires, 25 millions d’euros qui vont venir abonder ces moyens récurrents. L’ambition de ce budget semble claire et elle est positive : il s’agit enfin de donner vraiment des moyens aux chercheurs, et non d’embaucher à tout prix davantage de chercheurs. Ces moyens seront complétés par des ressources du Grand Plan d’investissement, à hauteur de 2,4 milliards d’euros sur cinq ans. Des programmes de recherche prioritaires, ainsi que des équipements de recherche seront ainsi financés.

Mais ce budget ne tombe pas non plus dans le piège qui consisterait à opposer systématiquement financements récurrents et appels à projets. L’ANR est en effet un outil utile pour favoriser le développement et l’excellence de nombreux programmes de recherche en appui de la stratégie nationale de recherche. Ce qui a dysfonctionné au cours des dernières années est avant tout lié à une raréfaction des crédits qui a conduit à un effondrement du taux de sélection : l’ANR ne peut remplir correctement son rôle lorsque celui-ci descend à 10 % ou 12 %. Il faut qu’il soit de 20 % minimum, et c’est dans cette optique que le budget alloue 133 millions d’euros supplémentaires à l’ANR cette année.

Je voudrais cependant souligner que les financements de l’ANR posent également un autre problème qui est celui des coûts overhead, ou coûts indirects, qu’il faut nécessairement inclure pour financer dans leur totalité les projets de recherche. La moyenne européenne est aujourd’hui comprise entre 20 % et 25 % du total des financements accordés à un projet, alors que nous sommes souvent à moins de 10 %. Cela ne suffit pas pour que les laboratoires financent complètement ces projets et les vivent comme de bonnes nouvelles.

Le crédit d’impôt recherche (CIR) est le second point que je souhaite aborder. Son montant estimé pour 2018 est de 5,8 milliards d’euros. Certes, sa neutralité sectorielle est un vrai avantage. Néanmoins, il serait intéressant, à la fois pour localiser la recherche en France, mais aussi pour stimuler une embauche de jeunes docteurs sortant de nos meilleurs laboratoires, de renforcer son articulation avec l’ensemble de notre politique industrielle et d’innovation. Voilà pourquoi j’ai l’intention de déposer un amendement visant à demander aux entreprises, dans le cadre de leur déclaration de CIR, de présenter en détail leur politique de recrutement liée à leur projet de recherche, en insistant notamment sur la part de jeunes docteurs diplômés en France. Je crois en effet que la publication de ces pratiques de recrutement peut contribuer à faire changer les comportements.

Je conclurai en disant que l’architecture budgétaire de la mission et la coopération des différents acteurs ne sont pas toujours, c’est un euphémisme, d’une clarté parfaite. L’autonomie n’a de sens que si les acteurs bénéficiaires de cette autonomie s’en emparent pour se différencier, et non pour démultiplier sans limites les mêmes projets sans réelle coordination. Il est essentiel désormais de rétablir les grands organismes de recherche dans leur rôle de fer de lance de la conduite des grands projets de recherche en appui d’une stratégie nationale cohérente.

Ce constat d’un émiettement excessif des programmes de recherche – je pense par exemple au plan « Cancer » conduit par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et répliqué par certaines universités avec le soutien des collectivités locales, comme celle de Bordeaux – peut également être fait en ce qui concerne les institutions de valorisation de la recherche comme les instituts Carnot, les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), les instituts de recherche technologique (IRT) ou les pôles de compétitivité. La superposition et la multiplication des acteurs et des structures de financement – initiatives d’excellence (IDEX), laboratoires d’excellence (LABEX), Programme d’investissements d’avenir (PIA), Commissariat général à l’investissement (CGI), ANR – constituent un obstacle à la lisibilité et à l’efficacité de notre système de recherche. Il semble également très important de comprendre comment votre budget va s’articuler avec le Grand Plan d’investissement et avec le fonds pour l’innovation de rupture annoncé par Bruno Le Maire. Il y a, me semble-t-il, un vrai travail à faire pour revoir et simplifier l’ensemble de la chaîne qui conduit de la recherche fondamentale au développement commercial, en passant par la recherche appliquée et par l’innovation. À chaque étape, nous avons des idées, mais les dysfonctionnements demeurent.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser quels sont vos projets, d’une part pour réorganiser les coopérations entre centres de recherche, laboratoires et université, d’autre part pour rationaliser les nombreuses structures de valorisation de la recherche qui existent actuellement, et dont certaines ont créé plus de complexité que de résultats ?

M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Messieurs les présidents, madame la ministre, mesdames et messieurs, dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante, les enjeux pour la compétitivité du pays et l’épanouissement de la jeunesse sont considérables. L’économie de la connaissance est plus que jamais une réalité, et doit s’appuyer sur un système d’enseignement supérieur et de recherche performant et adaptés aux marchés de demain. En outre, la qualité et l’effectivité de l’insertion professionnelle des étudiants sont étroitement corrélées à l’obtention d’un diplôme supérieur.

Nous savons que les défis à relever en cette matière sont nombreux, et l’actualité récente nous le rappelle. Le premier été du quinquennat a en effet été marqué par des dysfonctionnements majeurs autour de la plateforme d’accès à l’enseignement supérieur, Admission Post Bac (APB), sévèrement jugés par la CNIL et par la Cour des comptes, et révélateurs des lacunes profondes du système de l’enseignement supérieur.

Nous faisons aujourd’hui le constat d’une orientation inadaptée qui se double d’une sélection par l’échec, inacceptable pour les jeunes qui veulent poursuivre des études, et pour notre Nation dans son ensemble. Si les estimations économiques sur le coût de ce gâchis varient selon les sources, il est certain que plusieurs centaines de millions d’euros pourraient être économisées et utilisées à de meilleures fins si les lacunes du système en matière d’orientation et d’information des lycéens et des collégiens étaient comblées.

Lorsqu’une politique publique ne donne pas les résultats escomptés, deux réponses sont généralement proposées : la réponse « il faut plus de crédits ! », qui n’interroge pas toujours sur l’efficience de la dépense publique et l’optimisation des services rendus aux citoyens ou aux usagers ; la réponse « il faut faire plus et mieux avec moins ! », qui se révèle dans certaines situations décourageante et contre-productive pour les opérateurs concernés, et qui freine l’implication et la motivation des acteurs de terrain.

Nous voulons éviter ces deux écueils, non seulement en accompagnant budgétairement les opérateurs, autant que le contexte général des finances publiques nous y autorise, tout en transformant profondément un système qui, par de nombreux aspects, se révèle à bout de souffle et très inefficient.

Le budget 2018 traduit et concilie à mon sens ces deux aspirations.

D’une part, les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » vont s’accroître de plus de 700 millions d’euros en 2018, dont 234 millions d’euros pour la partie « Enseignement supérieur ». Ils atteindront ainsi 27,6 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 16,1 milliards pour les deux programmes qui regroupent les dépenses de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Ce budget augmentera encore en 2019 et en 2020.

Ces moyens seront également renforcés par les crédits prévus dans le grand plan d’investissement (GPI), qui consacrera au cours du quinquennat 1,55 milliard d’euros à l’enseignement supérieur, dont 450 millions qui seront alloués à la réforme des cursus universitaires, en particulier à la diversification des parcours en premier cycle et à la réforme du système d’orientation. Nous le savons : les capacités d’absorption du système arrivent aujourd’hui à saturation et ce système est devenu profondément inégalitaire. Ainsi, alors que dans les formations courtes professionnalisantes comme le diplôme universitaire de technologie (DUT) et le brevet de technicien supérieur (BTS), le taux de passage entre la première et la deuxième année est élevé, de plus de 75 %, il n’est que de 40 % en licence, avec de très fortes inégalités entre les étudiants issus d’un baccalauréat général, d’un baccalauréat technologique ou d’un bac professionnel, ces derniers n’étant que 6 % à passer en deuxième année.

De ce point de vue, la réforme visant à instaurer des prérequis et à accompagner les élèves grâce à un véritable « contrat de réussite » passé avec chacun d’entre eux, ainsi que le développement des filières professionnelles, permettront non seulement d’éviter un gâchis humain mais également de contribuer à une diminution de la pression démographique sur les universités, dont je rappelle qu’elle va se traduire par l’arrivée de 350 000 étudiants supplémentaires d’ici dix ans. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser votre engagement à créer 100 000 places supplémentaires dans de nouvelles filières courtes professionnalisantes ?

Par ailleurs, le développement des ressources propres des établissements m’apparaît être un autre enjeu majeur pour le financement de l’enseignement supérieur. Si la voie des fondations est encore embryonnaire et sans doute peu adaptée au contexte culturel français, le développement de la formation continue apparaît comme une voie prometteuse, insuffisamment déployée dans nos universités dans une période de mutations économiques profondes.

Sur l’ensemble des questions touchant au développement des ressources propres des établissements, pourriez-vous nous indiquer vos pistes de travail, madame la ministre, notamment en ce qui concerne le développement indispensable de la formation continue ?

Enfin, je conclurai en évoquant la vie étudiante et les aides accordées aux étudiants. Dans le cadre du projet de budget pour 2018, le choix a été fait de maîtriser les charges qui pèsent sur les étudiants : gel des droits d’inscription, du ticket de restaurant universitaire et des loyers des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Ces mesures de stabilisation des coûts pour les étudiants sont tout à fait légitimes. Parallèlement, il existe un besoin massif de nouveaux logements étudiants et de maintien des moyens des CROUS pour assurer des conditions de vie dignes à nos étudiants.

À cet égard, le grand plan d’investissement prévoit la construction de 60 000 logements pour les étudiants et de 20 000 logements pour les jeunes actifs. C’est un effort considérable, mais il peut être nécessaire d’aller encore plus loin. Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) pourrait par exemple amplifier son effort de construction dans les années à venir si l’État s’engageait financièrement ou par la mise à disposition de foncier. De manière générale, les CROUS, déjà pénalisés par le gel du ticket de restauration, ne pourront assumer éternellement une hausse de leurs dépenses sans une hausse correspondante de leurs moyens humains et financiers.

Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, quelle sera la stratégie du Gouvernement pour que le CNOUS et les CROUS continuent à bénéficier des moyens nécessaires pour maintenir la qualité de leurs services et amplifier leurs efforts en faveur de la construction de nouveaux logements ?

Mme Danièle Hérin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la recherche. J’ai conduit cette mission d’avis sur les crédits de la recherche en collaboration avec Pierre Henriet. Depuis plusieurs années, les organismes nationaux de recherche des universités souffrent de plusieurs handicaps : une politique de financement sur projets mise en place par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui bénéficie à des équipes de recherche au détriment des soutiens de base aux laboratoires, un faible taux de sélection des projets soumis par les chercheurs à l’ANR qui décourage les chercheurs, en particulier les jeunes, une diminution des crédits accordés aux établissements de recherche, des suppressions de postes d’enseignant-chercheur et de chercheur, des créations d’emploi qui, de fait, se traduisent par l’utilisation de la masse salariale correspondante pour combler les augmentations de salaire décidées – mais non compensées – par l’État dans le cadre du glissement vieillesse-technicité (GVT). Il en résulte souvent des départs à la retraite non remplacés.

Ces dix dernières années, le budget de la recherche est resté stable à coûts constants, et a donc diminué du fait de l’évolution du coût de la vie. Nous nous réjouissons, madame la ministre, que dès votre premier budget du quinquennat, vous apportiez des solutions à ces freins à la recherche en augmentant de manière significative le budget qui lui est consacré. En effet, les crédits accordés à l’ANR augmenteront de 32,7 millions d’euros, permettant ainsi la hausse du taux de sélection des projets pour les chercheurs. Les crédits attribués au soutien de base seront augmentés de 25 millions d’euros, ce qui permettra aux laboratoires et aux établissements d’assurer un fonctionnement plus harmonieux entre les équipes d’un même laboratoire, et d’aider en particulier les jeunes chercheurs. Les retards de remboursement du GVT seront compensés, ce qui résout enfin le déficit de fonctionnement des établissements et qui permettra de stopper l’hémorragie des postes. L’interaction entre les universités et les organismes nationaux de recherche dans le cadre des travaux des unités mixtes de recherche (UMR) est l’une des clés de l’excellence de la recherche française. Ces UMR permettent de faire travailler ensemble les organismes qui mènent une politique nationale de recherche avec les universités, lesquelles mènent une politique de territoire. La collaboration de ces deux politiques fait la force de la recherche française. Quelle évaluation comptez-vous faire, madame la ministre, de l’utilisation de ces augmentations de crédits du soutien de base ?

Nous avons centré notre mission d’avis sur les crédits de la recherche autour de deux aspects : l’innovation et la culture scientifique, technique et industrielle. L’innovation, tout d’abord : à votre ministère de plein exercice qui regroupe l’enseignement supérieur et la recherche a été ajouté pour la première fois le terme d’innovation. On peut s’en réjouir, étant donné l’importance et l’impact que la recherche peut avoir sur l’économie. En effet, il faut souligner qu’un euro investi dans la recherche génère une valeur ajoutée de 3,81 euros, et qu’un emploi créé dans ce secteur se traduit par la création de 3,2 emplois induits dans l’économie.

Vous avez par exemple augmenté la participation de l’État dans les instituts Carnot, d’où un abondement de fonds privés et publics afin de valoriser la collaboration entre la recherche et l’entreprise. Quelles mesures pensez-vous prendre pour inciter au transfert de la recherche vers l’entreprise, en particulier pour favoriser l’innovation, et pour inciter à la création de start-up issues de laboratoires ?

Enfin, la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle et la vulgarisation de la recherche s’avèrent indispensables pour le citoyen mais aussi parmi les élèves et les étudiants. Le citoyen est confronté à la remise en cause de preuves scientifiques concernant la théorie de l’évolution, l’efficacité des vaccins ou le réchauffement climatique. Les étudiants et plus particulièrement les étudiantes s’éloignent aujourd’hui des carrières scientifiques. Le financement de la culture scientifique, technique et industrielle est actuellement réparti entre plusieurs structures nationales et dans les régions : il est difficile, dans ces conditions, de distinguer la cohérence de cette politique.

Troisième et dernière question : comment pensez-vous assurer le suivi et l’évaluation du budget de la culture scientifique, en particulier de la stratégie nationale de la culture scientifique adoptée en mars ?

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour l’enseignement supérieur. Je ne reviendrai pas sur l’évolution des crédits du budget de l’enseignement supérieur que mon collègue de la commission des finances a déjà présentés. À l’augmentation de 200 millions d’euros, je serais néanmoins tenté d’ajouter les 142,5 millions d’euros ouverts sur le programme 421 « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche » de la mission « Investissements d’avenir », qui bénéficient dans leur quasi-totalité à des établissements relevant du ministère de l’enseignement supérieur. Un rattachement de ce programme à la mission « Recherche et enseignement supérieur » permettrait d’ailleurs une plus grande lisibilité de cette politique publique si importante pour l’avenir de notre pays.

J’ai souhaité consacrer mon rapport à la question des regroupements d’universités, et plus précisément aux communautés d’universités et d’établissements (ComUE), dispositifs créés par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso ». La volonté de mettre en cohérence les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche d’un territoire est une ambition déjà ancienne et légitime pour gagner en complémentarité et en lisibilité, pour accroître notre potentiel de recherche et pour susciter diverses innovations pédagogiques. Cette loi fait suite à l’instauration des pôles universitaires européens auxquels avaient succédé les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) en 2006. La loi Fioraso propose trois modalités de regroupement visant les universités, les écoles d’ingénieurs et les établissements de recherche : la possibilité de fusion, la possibilité d’association et la structuration en ComUE. Notre rapport ne porte que sur ce dernier objet de regroupement, la ComUE, qui est le mode retenu par une vingtaine de sites.

La mise en place des ComUE aurait pu offrir l’occasion de nouvelles formations interdisciplinaires, d’un accès au titre de master-ingénieur, d’un transfert de bonnes pratiques de professionnalisation entre écoles et universités, d’un continuum entre recherche fondamentale et recherche appliquée, d’un potentiel accru de valorisation, ou encore d’une généralisation des meilleures offres de plateformes à destination de la vie étudiante. Or, si des avancées ont été observées dans ces directions, grâce en particulier au renforcement unanimement salué du dialogue entre les acteurs des sites, le dispositif demeure parcouru de tensions.

À l’origine de ces tensions se trouvent des objectifs multiples, parfois contradictoires dans leur mise en œuvre, avec un calendrier contraint qui a d’emblée affecté ces nouvelles structures. L’un des principaux facteurs de complexité auxquels se heurtent les acteurs était et reste la concomitance de la création de ce cadre juridique pour une meilleure coordination territoriale des acteurs d’une part, et du lancement du deuxième plan d’investissement d’avenir (PIA) par le Commissariat général à l’investissement qui vise l’excellence et la visibilité à l’internationale d’autre part. Les acteurs auditionnés ont souvent regretté le manque d’articulation des messages délivrés par le commissariat général à l’investissement rattaché au premier ministre et chargé du pilotage des investissements d’avenir avec les messages délivrés par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui pilote les politiques de site. Dès lors, si la coordination territoriale peut reposer sur un modèle de ComUE dit « de services », qui développe des actions communes entre les membres, le jury international qui, de son côté, attribue les IDEX et les I-SITES pour le plan d’investissements d’avenir, promeut une gouvernance toujours plus intégrée. La volonté de coopération accrue des acteurs, née avec les ComUE, se trouve de plus limitée par un cadre juridique conduisant à une gouvernance pour le moins complexe. Les exigences du PIA pour le maintien des IDEX et des I-SITES renforcent l’urgence d’une réforme pour les regroupements concernés.

Cette évolution s’explique par le mélange sous-jacent entre la volonté de maintenir un enseignement de proximité et la volonté de créer des champions internationaux, qui engendre des difficultés dans l’application de ces deux objectifs. On peut choisir de les poursuivre en même temps, mais cela implique de mettre chacune de leurs logiques pleinement en œuvre sur un périmètre défini ; on ne saurait se contenter d’un entre-deux tiède sur un périmètre global, qui ne serait satisfaisant ni pour l’un ni pour l’autre de ces objectifs.  Il nous faut clarifier le modèle auquel nous souhaitons parvenir, nos priorités, notre but, puis déterminer les moyens et le périmètre pour les atteindre.

Le temps de la réforme est donc venu et le Gouvernement, partageant cette analyse, semble décidé à donner une place importante à l’expérimentation, une solution pragmatique qui permet de repartir du terrain.

Quelle appréciation portez-vous sur l’articulation entre l’exercice ComUE et l’exercice PIA ? En d’autres termes, considérez-vous que votre ministère a suffisamment de poids sur les critères d’attribution des crédits du PIA ?

Plus généralement, quel jugement portez-vous sur l’outil que constituent les ComUE ? S’agit-il juste d’une couche bureaucratique supplémentaire ou bien d’une étape nécessaire ayant permis d’insuffler une dynamique qu’il convient maintenant d’amplifier ?

Quels sont les projets du Gouvernement sur ce sujet ? En quoi consistera l’expérimentation ? À quelles obligations organisationnelles les établissements pourront-ils déroger ? Enfin, quel calendrier envisagez-vous ? N’est-il pas nécessaire d’accélérer le mouvement, les attentes des établissements étant des plus fortes en ce domaine ?

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les grands organismes de recherche. Mon parcours professionnel comme président d’université puis au CNRS m’avait rendu, en tant qu’enseignant-chercheur, particulièrement sensible à la question des grands organismes de recherche, mais, pendant près de dix ans, j’ai pris quelque distance par rapport à ce milieu. J’avoue avoir retrouvé un milieu assez apaisé. Les intervenants précédents ont déjà dit beaucoup de choses et je tâcherai donc de faire preuve d’originalité. Il y a une dizaine d’année, le rapport entre les universités et les centres de recherche était extrêmement tendu. Comme l’a rappelé Mme Hérin, c’est pourtant l’une des solutions d’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche, en particulier au niveau régional, étant donné le bon travail qu’accomplissent de concert les grands organismes de recherche et les universités. Je tiens à souligner cette profonde amélioration, même s’il reste des progrès à faire.

Je salue à mon tour l’effort du Gouvernement concernant le budget de l’État affecté à la recherche. Mme la ministre en a rappelé le montant : 27,67 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 700 millions d’euros par rapport à 2017. Je me félicite tout particulièrement des moyens alloués à l’Agence nationale de la recherche, qui est le principal opérateur du financement sur projets. Rappelons qu’en 2013 et 2014 l’Agence avait souffert de deux baisses consécutives de 12 % des dotations de l’État ; la situation s’est progressivement rétablie en 2015, mais il subsistait encore un certain nombre de problèmes concernant les crédits de paiement.

Pour pouvoir honorer ses échéances de paiement, l’opérateur en a été réduit à fortement solliciter sa trésorerie, actuellement proche de zéro. Il était donc temps de mettre un terme à cette anomalie ; c’est pourquoi je me félicite que la dotation de l’ANR en crédits de paiement soit relevée de plus de 20 % pour atteindre 733 millions d’euros.

Aux côtés des activités des organismes de recherche spécialisés, l’ANR doit s’affirmer aujourd’hui plus que jamais comme le guichet central du financement de l’excellence scientifique. Au-delà des seuls crédits alloués, il faut faire en sorte que le soutien accordé à un projet s’accompagne de la couverture de coûts indirects par les établissements hébergeurs – Amélie de Montchalin a abordé tout à l’heure cette question du préciput, et nous sommes ravis de constater qu’avec l’augmentation de ses crédits, l’ANR, lors de son audition, s’est déclarée tout à fait prête, si elle y est autorisée, à augmenter aux alentours de 20 % les préciputs qui sont non seulement très importants pour les laboratoires de recherche, mais aussi pour le fonctionnement des universités.

Au-delà de l’ANR, je souhaiterais, madame la ministre, évoquer brièvement la situation financière des organismes de recherche spécialisés. La dotation de la plupart d’entre eux a été revalorisée ; ils vous en remercient et vous félicitent. Entre 2017 et 2018, l’augmentation est de 26,7 millions pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de 5,7 millions pour l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Ces différentes hausses aideront les organismes à couvrir le fameux glissement vieillesse technicité. En même temps, j’ai été très impressionné par la manière dont ils ont abordé cette question du GVT : tous ont trouvé les ressources pour payer ces frais supplémentaires qui correspondent à l’évolution naturelle des carrières ; il faut à cet égard souligner le travail accompli par l’ensemble des organismes de recherche et par les universités pour bien maîtriser leurs masses salariales.

Permettez-moi toutefois de citer l’exemple de l’INRIA, un institut de pointe dans le domaine numérique qui, compte tenu de la mise en réserve de ses crédits que l’État a appliquée pour un montant de 2,7 millions d’euros, a reçu une dotation inférieure à son montant de 2013, dans un cadre budgétaire contraint ; les effectifs scientifiques de l’INRIA ont diminué de près de 9 % entre 2013 et 2016, bien que la plupart des chercheurs et des directeurs d’organismes de recherche savent qu’il faut constamment continuer à recruter et éviter toute interruption d’une année sur l’autre, car la recherche scientifique nécessite un renouvellement régulier et un apport de jeunes chercheurs.

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), dont la subvention pour 2018 est supérieure de 7 millions d’euros à celle qui avait été prévue en 2017, n’est pas certain de pouvoir financer l’intégralité des grandes missions qui lui incombent à la demande du précédent gouvernement. Pour un organisme de recherche, la mise en réserve, même à des taux réduits, des crédits alloués par la loi de finances peut obérer sensiblement ses capacités d’intervention. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement applique peu, voire pas du tout, cette procédure de gel aux établissements les plus en difficulté.

Enfin, une partie de mon avis budgétaire est consacré cette année aux instituts de recherche technologique. Comme les précédents rapporteurs, j’invite à la rationalisation de cette valorisation de la recherche. Les gouvernements successifs ont créé des outils dont certains sont certes très efficients mais le moment est venu d’en dresser le bilan.

M. Gérard Menuel, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources. Les enjeux environnementaux comme la gestion des milieux et des ressources ou la lutte contre le changement climatique devraient constituer une source de mobilisation budgétaire. Le sont-ils réellement ? Les mesures qui permettent de concrétiser nos ambitions sont-elles prioritaires dans ce PLF ? Dans un contexte contraint et en ne portant un premier regard que sur le seul programme 172 consacré aux recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, la réponse est affirmative. Le programme 172 augmente de 3,2 % en autorisations d’engagement et de 5,4 % en crédits de paiement. Le programme 193 consacré à la recherche spatiale serait renforcé de 155 millions d’euros, tenant ainsi compte, entre autres, du besoin de développement des satellites de météorologie. Le programme 190 relatif à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et des mobilités durables, affiche une progression de 57 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23,6 millions en crédits de paiement. L’effort budgétaire est donc réel. Traduit-il pour autant l’augmentation nécessaire des moyens de la recherche publique française ? Les budgets concernant ces secteurs sont déjà des budgets de rattrapage, et je veux étayer ces informations par quelques exemples concernant le programme Horizon 2020.

L’Union européenne a retenu une stratégie mise en œuvre sur le plan national par l’ANR, qui décline dans ses actions et sa coordination ces engagements stratégiques liés, en particulier, au changement climatique mais aussi à la promotion des énergies propres, au renouveau industriel, à la sécurité alimentaire, au défi démographique ou encore aux transports et systèmes urbains durables. Ces engagements déclinés en actions mériteraient nettement plus de moyens pour répondre aux objectifs environnementaux. Cependant, en interrogeant l’ANR et les différentes institutions concernées par le déploiement de crédits, il apparaît manifestement que la notion de développement durable est bien intégrée à chacune des missions affectées aux différents instituts. Cela se vérifie par exemple au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) avec les recherches sur les batteries au lithium, sur le photovoltaïque ou encore sur la filière hydrogène. C’est aussi vrai à l’Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFP-EN) au sujet de l’éolien en mer, des moteurs à énergie électrique et les biocarburants de nouvelle génération.

Je veux toutefois mettre en garde les commissaires concernant les crédits de fonctionnement alloués aux opérateurs de recherche. L’évolution des dotations annuelles accordées à plusieurs d’entre eux les ont amenés à des restructurations internes et à d’importants efforts en termes de fonctionnement, alors qu’ils sont légitimement sollicités pour de nombreuses missions nouvelles : je pense à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), à l’INSERM, à l’Institut national de recherches en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), à l’IFP-EN et au CEA pour sa partie relative aux énergies alternatives.

Dans le contexte actuel, l’ANSES, qui est de plus en plus sollicitée, n’aura pas les moyens de s’adapter aux variations des flux des dossiers, et cela devient un problème structurel. L’IRSTEA, quant à lui, se trouve confronté à des pratiques de financement institutionnel qui pèsent fortement sur ses équilibres financiers. Comme d’autres opérateurs de recherche, cet institut ne parvient même pas à couvrir les frais de personnel correspondant aux appels à projets publics émanant des ministères opérationnels. Consciente de ce problème, l’ANR a mis en place des mécanismes pour prendre en charge une partie des coûts indirects incombant à ces établissements publics lorsque les contrats relèvent d’appels à projets.

Depuis plusieurs années, l’IFP-EN consent des efforts de gestion interne considérables tout en engageant des recherches partenariales dans le secteur des énergies vertes. Cet institut reçoit au titre du programme 190 une dotation de quelque 130 millions d’euros et bénéficie de recettes propres supérieures à ce montant, qui proviennent notamment des redevances payées pour l’exploitation de ses onze mille brevets vivants et des dividendes versés par ses différentes filiales. Pourtant, ces ressources propres, qui varient sensiblement d’une année à l’autre, ne suffisent plus pour compenser la baisse continue, dans le passé, de la subvention allouée au titre du programme 90 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », qui a reculé de 26,5 % entre 2006 et 2017. La réponse de l’État à cette situation ne peut pas se réduire à vendre les filiales construites en partenariat par cet institut, mais plus certainement en les aidant à se développer.

Ma question est simple, madame la ministre : que faites-vous pour aider notre recherche publique à conserver ses capacités d’excellence ?

Pour conclure, permettez-moi quelques réflexions sur les facteurs qui freinent la réalisation des ambitions légitimes qui sont affichées concernant le mix énergétique, par exemple. De trop nombreuses contraintes, en particulier administratives, freinent l’élaboration de bon nombre de projets et découragent l’initiative locale concernant l’éolien, la méthanisation ou encore l’installation de panneaux photovoltaïques.

Autre remarque : dans ce seul secteur des énergies renouvelables, nos organismes de recherche sont performants mais leurs résultats en processus de construction et en mise au point de prototypes ont beaucoup de mal à être valorisés dans notre propre pays. Les résultats de notre recherche sont trop peu transposés dans l’industrie nationale. Force est de constater que ce sont surtout des investisseurs américains, chinois ou russes qui récupèrent les fruits de la recherche publique française. Quels sont les blocages français, madame la ministre ? Que faire pour les lever ? Comment faire mieux profiter nos concitoyens des retombées et des réussites des laboratoires publics ? Ce sont autant de questions et de sujets de réflexion qui mériteraient peut-être la constitution d’une mission parlementaire.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Un certain nombre de questions tournent autour du principe de la simplification, concernant les outils de valorisation, la manière dont le crédit impôt-recherche (CIR) peut être mis au service de l’emploi des doctorants, et les moyens à envisager pour inciter à l’innovation.

Parmi les différents outils mis à la disposition de la recherche et de l’enseignement supérieur ces dernières années, notamment dans le cadre des PIA, nombreux sont ceux qui ont trait à la valorisation. On a tendance à regrouper sous un terme générique les sociétés d’accélération de transfert de technologies (SATT), les instituts de recherche technologique (IRT) ou encore les instituts Carnot, mais, en réalité, il existe autant de situations que de structures. Mon objectif consiste donc à interroger la pertinence et la véritable valeur ajoutée de ces structures sur chacun des sites. Plutôt que de décider d’abandonner les IRT et de maintenir les SATT, ou inversement, je souhaite que perdurent les outils qui fonctionnent. Il n’est pas pour autant nécessaire de multiplier les outils pour que la valorisation fonctionne mieux.

Le CIR comporte un volet spécifique consacré au financement de bourses doctorales, notamment dans le cadre des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), mais aussi à l’accompagnement des doctorants vers l’emploi. Sur ce point précis, il me paraît important que nous disposions d’outils statistiques qui nous permettent d’évaluer cet accompagnement vers l’emploi des doctorants, mais le premier outil dont l’État doit se doter consiste à faire inscrire le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), de sorte que les entreprises sachent quelles sont les compétences professionnelles rattachées au diplôme en question. Actuellement, les diplômes les plus élevés du RNCP sont ceux d’ingénieur et de master ; il n’existe pas de référentiel national des compétences professionnelles pour le doctorat. Ce doit donc être notre priorité.

Pour ce qui est de l’incitation à l’innovation, nous entendons mettre en place le plus simplement les préconisations issues du rapport Beylat-Tambourin qui visent à faciliter les allers-retours entre le monde académique et celui de la recherche-développement dans les entreprises. C’est en établissant ces passerelles que nous favoriserons le dialogue entre ces deux mondes.

Mon deuxième point concerne l’accompagnement de la recherche et celui des étudiants. L’enseignement supérieur a besoin de conforter son autonomie et, pour cela, les établissements doivent être capables de définir des stratégies propres et, impérativement, continuer à mêler la formation et la recherche. Augmenter les ressources propres est très important : si je puis me permettre de schématiser, les financements en provenance de l’État doivent soutenir la recherche de base et la recherche fondamentale, celle qui vise à préparer l’avenir et de potentielles innovations à long terme ; les ressources propres, quant à elles, doivent être recherchées par les établissements pour, au contraire, faciliter le transfert d’une recherche quasi aboutie vers le marché – or, pour cela, il faut associer des financements publics et privés.

De la même manière, lorsqu’on développe des filières d’enseignement académique, il me paraît important qu’elles soient soutenues par de l’argent public, car il s’agit de maintenir à un haut niveau la capacité de produire de la connaissance. Mais, à chaque fois que nous aurons à créer des formations à vocation technique ou professionnelle, il faudra que nous soyons capables de le faire avec les entreprises, avec les territoires et donc en connaissant les besoins de ces derniers en matière d’emploi. Je ne souhaite donc pas opposer les financements de base, qui doivent, j’y insiste, continuer à venir de l’État et garantir la création des connaissances et leur transmission, et les financements qui doivent servir de levier pour obtenir des ressources propres qui ont vocation à nourrir l’économie. L’insertion professionnelle au service de l’emploi est l’une des missions de l’université et doit bien entendu être défendue, construite et financée à la fois par le monde de l’entreprise et le monde socio-économique en général.

Les grands organismes de recherche doivent conserver leur capacité à piloter de grands programmes nationaux pour lesquels on peut mobiliser, notamment, des financements liés aux grands plans d’investissements ou des financements que nous souhaitons co-construire avec nos partenaires européens sur des sujets de la plus haute importance comme l’antibiorésistance ou la sécurité sanitaire. Dans le même temps, les organismes de recherche nationaux sont ceux qui ont la capacité d’avoir une vision matricielle de ce qui se passe dans l’ensemble des territoires, en particulier par le biais des laboratoires de recherche mixtes avec les universités. Ce sont des missions de pilotage de schémas et de plans nationaux et européens qu’il faut confier à ces organismes qui doivent être à même de savoir comment déployer ces plans dans une logique matricielle auprès des universités. Il faut donc soutenir la recherche de base des laboratoires, soutenir la recherche sur projets, enfin préparer le prochain programme-cadre européen de façon que les sujets qui intéressent la recherche française et sur lesquels nous avons de réelles possibilités d’être leaders et innovants, fassent partie des priorités de l’Europe.

J’en viens aux étudiants. Il n’y a rien de plus terrible que de conduire la jeunesse vers l’échec. C’est pourquoi nous devons supprimer la sélection par le tirage au sort et la sélection par l’échec, et préparer une réforme destinée à favoriser la réussite des étudiants. Il convient à cette fin d’accroître leur autonomie ; c’est pourquoi, dans le cadre du plan logement, il a été prévu de construire 60 000 logements pour les étudiants, mais aussi de leur garantir une caution, de faciliter les baux liés à la mobilité étudiante, en particulier dans le cas d’étudiants qui doivent faire des stages, donc se déplacer et trouver à se loger pendant six mois, ou encore de favoriser la colocation intergénérationnelle. Il s’agit de soutenir le plus possible la mobilité des étudiants, y compris des plus jeunes qui doivent se déplacer pour poursuivre leurs études.

Le troisième volet de ma réponse concerne le pilotage. Je pense en particulier à la question qui m’a été posée sur les grandes infrastructures de recherche liées à la flotte océanique. Les moyens de cette flotte, qui étaient dispersés au sein de plusieurs organismes de recherche, ont été concentrés et confiés à l’IFREMER pour une meilleure coordination. Le budget de la flotte est ainsi porté à un peu plus de 61 millions d’euros – ce qui permet de parler de grande infrastructure de recherche, laquelle est indispensable au développement de programmes spécifiques.

De même, pour ce qui est du Grand Plan d’investissement et du rôle du Commissariat général à l’investissement, il est essentiel que nos choix servent les politiques publiques et donc que les ministres concernés déterminent le moment où utiliser ces financements et de quelle manière. Il faut par ailleurs préserver des jurys à même de choisir les meilleurs projets de façon impartiale, sur le fondement des cahiers des charges qui auront été définis.

J’en viens aux communautés d’universités et d’établissements (ComUE) : là encore, la situation est diverse. Il faut bien comprendre que c’était une obligation de choisir soit une fusion, soit une convention d’association valant rattachement, soit la création d’une ComUE. Or, comme l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche ont eu deux ans pour faire ce choix, ils se sont précipités vers le modèle qui leur paraissait le moins contraignant si leur projet n’était pas prêt, ou le modèle le plus à même de défendre un projet si ce dernier était déjà prêt. Ainsi, certaines ComUE fonctionnent bien parce qu’elles promeuvent un projet, tandis que d’autres, constituées seulement parce qu’il fallait appliquer la loi, n’ont pas changé grand-chose, ce qui justifie qu’on examine leur cas, d’autant plus que des moyens leur ont été alloués.

Si la visibilité internationale de grandes universités de recherche – indispensable au rayonnement de la France –, et le nécessaire maillage de l’enseignement supérieur sur le territoire n’obéissent pas à la même exigence, les deux ne sont pas incompatibles. Aussi ai-je demandé à chaque site d’enseignement supérieur et de recherche de proposer un projet et de promouvoir une ambition commune qui serait la signature de ces établissements. Cette signature se composerait non seulement des activités d’enseignement et de recherche proposées, mais aussi de l’ancrage de ces universités dans leur territoire. Il ne s’agit donc pas d’opposer l’excellence des universités de grande taille situées dans de grandes métropoles et la faiblesse des universités territoriales, mais bien de réaffirmer qu’il existe plusieurs formes d’excellence, toutes devant être mises au service de la formation et de la recherche.

Reste qu’il est normal que quelques universités nous permettent de rayonner à l’international dans toutes les disciplines, et des universités dont la vocation sera d’avoir une signature et d’être reconnues comme des universités d’excellence dans des domaines particuliers, en lien avec le territoire où elles se trouvent, ou bien dans des domaines relevant d’une stratégie qu’elles auront elles-mêmes construite. C’est en fonction de la même exigence que pour les projets des très grandes universités que seront autorisées pour les universités territoriales des expérimentations en matière de gouvernance. En effet si, lorsqu’on construit un projet, la première question qui se pose est de savoir qui en est le chef, le projet est mort avant de commencer. Il faut en effet d’abord construire le projet et lorsqu’un ensemble d’acteurs le soutient, peu importe qui en est le chef. Il suffit que la gouvernance permette une stratégie à long terme. Pour cela, je ferai entièrement confiance aux acteurs pour faire des propositions mais sur lesquelles, je le répète, mon exigence sera totale.

Je terminerai par la politique spatiale de la France, qui s’inscrit bien sûr dans le cadre de la politique spatiale européenne. Certes, SpaceX est un nouveau concurrent dans le domaine des lanceurs, mais la concurrence est un phénomène bien connu du monde industriel. Il nous faut donc maîtriser les coûts, les délais et toujours avoir un temps d’avance en matière d’innovation. Nous faisons par conséquent totalement confiance au projet Ariane 6 qui nous paraît toujours autant d’actualité. SpaceX est un lanceur américain qui ne pratique pas les mêmes tarifs pour les lancements institutionnels que pour les lancements commerciaux, ce qui est totalement contraire au droit de la concurrence en vigueur en France et en Europe, où les lancements doivent être au même prix, qu’ils soient institutionnels ou bien commerciaux. D’autres concurrents sont en train d’émerger, notamment en Chine. Reste que notre industrie spatiale est capable de répondre à ces défis – surtout si nous continuons à soutenir l’innovation.

Mme Cécile Rilhac. Vous me pardonnerez certaines redites, mais lorsque les constats sont positifs, notamment pour notre jeunesse, ils méritent d’être répétés.

Le montant des crédits pour la recherche et l’enseignement supérieur pour 2018 est conforme aux engagements du Président de la République et du Gouvernement. Les moyens ont été renforcés de plus de 700 millions d’euros. Cette augmentation témoigne d’une vraie politique volontariste de la part du Gouvernement, mais elle est aussi, et surtout, le symbole d’un budget tourné vers l’avenir. Enfin, il s’agit d’un budget, et donc d’un projet, en faveur de la réussite de nos étudiants. Certains diront que ce n’est pas assez, mais ce budget donne du sens au projet d’accompagnement des étudiants.

Vous l’avez souligné, madame la ministre, votre boussole, c’est la réussite étudiante. Je vous assure que cette boussole est aussi la nôtre.

Notre système d’enseignement supérieur et de recherche est confronté à un double défi : celui de l’excellence en matière de formation, d’insertion professionnelle et de mobilité sociale et celui de l’excellence en matière de recherche fondamentale et d’innovation. Nous devions donner aux acteurs de terrain les moyens de le relever, le présent budget les leur donne.

La recherche est renforcée avec plus de 500 millions d’euros alloués à l’avenir et au rayonnement de la science. Nous assumons totalement cette prise de risque. De plus, près de 200 millions d’euros supplémentaires sont octroyés à l’enseignement supérieur et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Madame la ministre, afin de faire du contrat de réussite étudiant un levier d’efficacité, pouvez-vous préciser la modulation de l’organisation du premier cycle ?

Je tiens pour finir à souligner votre engagement et votre implication personnelle pour faire augmenter ces crédits. C’est pourquoi les députés du groupe La République en Marche les voteront en toute confiance.

M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, vous avez annoncé que le budget de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation augmenterait de 700 millions d’euros en 2018 par rapport au budget initial pour 2017. Vous présentez cette augmentation comme permettant de faire face, notamment, à l’accueil d’étudiants toujours plus nombreux dans les universités. En réalité, seuls 200 millions d’euros seront destinés directement à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante.

Le budget de la recherche est par ailleurs augmenté de 500 millions d’euros par rapport à 2017. C’est positif. Toutefois, cela ne permettra pas de revenir à un taux de succès satisfaisant des appels à projet de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Surtout, cela permettra simplement de reconstituer les fonds de roulement des organismes hélas devenus exsangues au cours du quinquennat Hollande et de payer à hauteur de 300 millions d’euros des engagements internationaux.

En 2018, les universités, les grands établissements et les écoles disposeront de 128 millions d’euros supplémentaires pour assurer leurs dépenses de masse salariale et de fonctionnement, soit une augmentation d’environ 1 %. Hélas, un tel choix budgétaire ne répond absolument pas au défi de la démographie étudiante. C’est dommage, car c’est important. De plus, vous ne parlez pas vraiment d’un sujet qui reste central et qui avait également été négligé par le gouvernement précédent : les liens entre les universités et l’entreprise et la nécessité de se préoccuper, à tous les étages de notre enseignement supérieur, de l’insertion professionnelle des étudiants. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Un autre poids financier pèse sur l’enseignement supérieur et la recherche à plus long terme : le patrimoine immobilier des établissements, géré par les différents acteurs, est vieillissant – vous le savez : vous avez été présidente d’université – et des investissements se révèlent donc nécessaires : la réfection de ce patrimoine doit être anticipée, pilotée et priorisée. Là aussi, que comptez-vous faire ?

En somme, l’enseignement supérieur a besoin que le Gouvernement en fasse une véritable priorité. Tout ne se résume évidemment pas aux questions budgétaires mais il est étonnant de constater que ce budget manque d’ambition et de souffle pour un secteur qui pourtant est stratégique pour construire l’avenir de la France.

Mme Nadia Essayan. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés est satisfait de voir le budget du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur augmenter. C’est particulièrement nécessaire au moment où vous souhaitez engager notre enseignement supérieur dans un vaste plan de réformes qui devraient toucher aussi bien la vie étudiante que le premier cycle ou encore les regroupements de nos établissements et universités, sans oublier, bien sûr, la recherche, nécessaire au rayonnement de nos établissements.

Ces réformes réclament un effort important de la nation, amorcé par ce premier budget de la législature. Nous nous félicitons de constater, à l’instar du rapporteur pour avis Philippe Berta, que le budget de l’enseignement supérieur augmente de plus de 205 millions d’euros. Cette augmentation permettra, nous l’espérons, à nos établissements supérieurs d’accroître leur autonomie, notamment par le biais de politiques de sites ambitieuses.

Nous nous étonnons néanmoins que les moyens alloués au programme 421 « Investissements d’avenir » n’aient pas été réaffectés au budget de votre ministère.

N’oublions pas non plus les personnels dont la situation mérite d’être suivie de très près.

Madame la ministre, vous nous avez fait part, au cours de vos auditions et à l’occasion de vos interventions dans la presse, de votre volontarisme pour refonder notre université. Pouvez-vous vous engager à poursuivre cet effort tout au long de ces prochaines années pour donner tous les moyens de réussir à nos étudiants, nos enseignants et nos chercheurs ?

M. Philippe Gomès. Au nom du groupe Les Constructifs, je tiens à vous faire part de ce que je n’entends pas être comme le renard de la fable qui considère que les raisins qu’il ne peut atteindre « sont trop verts […] et bons pour des goujats ». Je trouve au contraire que le projet de budget qui nous est ici présenté va dans le bon sens. Dans le contexte de contrainte budgétaire que vous savez, une augmentation de 700 millions d’euros est un effort significatif qui témoigne d’une volonté, d’une ambition. De même, un plan d’investissements de 7,6 milliards d’euros sur cinq ans montre à quel point on est engagé pour l’avenir de notre jeunesse et son insertion dans la société. L’ensemble des propositions qui sont faites et des décisions qui sont prises concernant l’amélioration de la condition étudiante, qu’il s’agisse des 60 000 logements supplémentaires ou des aides financières dont devraient bénéficier 15 000 étudiants boursiers, sont bien sûr importantes, par les temps qui courent, pour contribuer à la réussite de la jeunesse.

Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour appeler l’attention du Gouvernement sur plusieurs points concernant le territoire dont je suis originaire, la Nouvelle-Calédonie, points importants dans le cadre du référendum de 2018 qui doit conduire notre pays à décider s’il se sépare de la République ou non – ce que, bien sûr, à titre personnel, je ne souhaite pas. Je pense en particulier à l’antenne de l’université dans la province Nord, opération de rééquilibrage essentielle, antenne qui doit disposer des moyens de fonctionnement nécessaires dès 2018. Je pense également à la politique de sites de l’université, la Nouvelle-Calédonie étant en la matière l’un des territoires d’outre-mer les plus avancés, mais qui n’a bénéficié que d’un nombre réduit de postes, et qu’il conviendrait de mieux accompagner dans le cadre du contrat pluriannuel qui devra prochainement être signé avec l’université. Je terminerai en évoquant une anomalie statistique : la Nouvelle-Calédonie ne compte que 27 % de boursiers contre 44 % pour la métropole et 56 % à 60 % pour l’ensemble de l’outre-mer. Cette anomalie s’explique par l’inadéquation du plafond de revenus à la réalité économique du pays. Il faudrait donc le réviser.

Mme George Pau-Langevin. Nous nous réjouissons évidemment de l’augmentation du budget pour l’enseignement supérieur et la recherche. Je note toutefois que les 700 millions d’euros que vous nous annoncez, nous avons un peu de mal à les trouver : j’ai l’impression que vous ne tenez pas compte de la diminution parallèle des crédits de la mission de 331 millions d’euros. Par ailleurs, je constate qu’une grande partie de la hausse de votre budget est la conséquence de mesures votées lors de l’examen des précédents projets de loi de finances : contribution aux grandes organisations internationales telles que le Centre européen de recherche nucléaire (CERN) ou l’Observatoire européen austral (OEA), reconduction de mesures salariales votées l’année dernière, mais aussi mesures concernant la recherche spatiale…

Avec 32,7 millions d’euros supplémentaires, l’ANR est le seul opérateur à connaître une hausse du nombre d’emplois, mais au détriment du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), auquel on retire 21 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ou de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). C’est un choix qui profitera aux équipes lauréates au sein des laboratoires, et je m’en félicite, mais il ne répond pas aux besoins pérennes des laboratoires.

Nous nous demandons s’il ne faut pas faire un peu mieux car si le budget de la recherche française a certes été maintenu depuis dix ans, celui de l’Allemagne a augmenté pendant ce temps de 75 %. Or les résultats de la recherche de demain seront fonction des efforts que nous consentons aujourd’hui.

C’est pourquoi nous nous demandons s’il ne faudrait pas consacrer plus de fonds pour donner une certaine visibilité aux chercheurs, ingénieurs et techniciens, pour réduire la précarité des agents et des chercheurs, pour revaloriser les carrières des chercheurs, notamment ceux qui ont un salaire assez modeste après tant d’années d’études. Nous souhaitons par ailleurs que soit davantage promu, auprès des jeunes, le goût pour la science et la technologie – je crois d’ailleurs que plusieurs rapporteurs ont consacré à ce sujet une part importante de leur rapport. Enfin nous souhaitons que soit facilitée l’insertion professionnelle des jeunes diplômés parce que, là encore, il est triste, quand on est diplômé, de ne pas trouver d’emploi.

Mme Sabine Rubin. Madame la ministre, vous fixez comme priorité « la réussite et l’insertion des étudiants », mais, dans les faits, le budget de l’enseignement supérieur est seulement passé de 12,4 à 13,4 milliards d’euros en dix ans, alors qu’il y a 20 % d’étudiants en plus ; le budget par étudiant a par conséquent chuté de 10 % en dix ans. En outre, vous faites aux riches un cadeau fiscal de 5 milliards d’euros et vous n’augmentez le budget que de 700 millions d’euros, soit très peu par rapport aux ambitions affichées. Comment, dans ces conditions, pensez-vous répondre à la demande et aux besoins croissants d’études supérieures de qualité ?

Vous souhaitez le renforcement de l’autonomie des établissements mais, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), cette autonomie n’est toujours pas accompagnée du transfert de moyens suffisants pour couvrir le glissement vieillesse technicité (GVT). Et, alors que vous proposez 61 millions d’euros – alors qu’il en faudrait au moins 200 – pour absorber l’augmentation de la masse salariale, comment, madame la ministre, pensez-vous mettre un terme aux déficits budgétaires d’universités comme celles de Limoges, de Toulouse ou de Bourgogne ?

Vous souhaitez le rayonnement de la recherche française, mais des postes et des financements habituellement attribués aux établissements publics de recherche comme le CNRS, sont transférés à l’ANR, échelon administratif de répartition des crédits entre les programmes de recherche, qui envisage la recherche de façon concurrentielle et qui constitue une perte de temps en tâches administratives pour les chercheurs.

Enfin vous orientez la hausse des crédits pour la recherche vers l’aéronautique civile et vers le financement des grands instruments internationaux de recherche aux dépens des laboratoires.

Il est nécessaire de répondre sur tous ces points, madame la ministre, si nous voulons avoir un enseignement supérieur de qualité et ouvert à tous, si nous voulons nous donner les moyens d’une recherche libre de toute compétition et l’orienter vers les vrais enjeux de notre société, qu’il s’agisse du climat ou d’agriculture saine.

Mme Marie-George Buffet. Vous présentez un budget en augmentation, madame la ministre, mais qui ne correspond pas à la démographie étudiante – c’était d’ailleurs aussi le cas des précédents budgets. De 2008 à 2018, la dépense par étudiant a baissé de 10 %, ce qui joue certainement un rôle dans l’échec massif après la première année d’enseignement supérieur.

Vous avez évoqué la réforme à laquelle vous travaillez avec le ministre de l’éducation nationale. Prendra-t-elle en compte les questions d’orientation au niveau du lycée, afin d’établir une passerelle plus solide avec l’université. Va-t-on reconsidérer l’accès des élèves de la filière professionnelle à l’enseignement supérieur ? Avez-vous un premier bilan à nous présenter de l’application de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso », en ce qui concerne l’intégration de la filière professionnelle au sein des instituts universitaires de technologie (IUT) ? Enfin, quels sont vos projets sur l’encadrement lors de la première année d’enseignement supérieur pour les étudiants et les étudiantes ?

Les lois Pécresse et Fioraso ont instauré l’autonomie, la mise en concurrence des universités. Vous avez déclaré tout à l’heure que toutes les universités devaient tendre vers l’excellence mais va-t-on, dans toutes les universités, c’est-à-dire quelle que soit leur dimension, assurer la transmission du savoir par des enseignants-chercheurs – ce qui a fait la force de l’université française pendant toute une période.

Enfin, en ce qui concerne la vie des étudiants, au-delà de la construction de logements accessibles, il faut peut-être réhabiliter l’idée de campus. Les grandes cités universitaires telles qu’elles étaient conçues favorisaient la solidarité entre les étudiants, entre salariés et non-salariés, favorisaient la mise en coopération du savoir. Dans ces campus peuvent également se créer des formes de tutorat. La France est en outre très en retard en matière de pratique sportive au sein des universités.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Si l’on s’intéresse à la réussite et à l’insertion professionnelle des étudiants, on ne peut pas se contenter de diviser les crédits du programme 150 par le nombre d’étudiants. En effet, ce programme est en partie consacré à la recherche et, de plus, si l’on veut calculer un montant par étudiant, il faut tenir compte de l’ensemble des mesures sociales prises par ailleurs.

Nous devons trouver les financements pour accompagner la réussite des étudiants, car le véritable problème n’est pas tant l’argent qui leur est consacré que le fait que l’on ne travaille pas vraiment la question de la réussite.

Sans préjuger de ce que sera la réforme, la concertation a fourni des pistes intéressantes, en particulier concernant la passerelle à construire entre l’éducation nationale et l’enseignement supérieur. On en parle depuis longtemps ; il est temps qu’elle devienne une réalité.

J’ai été interrogé sur les premiers résultats de la loi dite « Fioraso ». Aujourd’hui, on compte 3 % de bacheliers technologiques dans les IUT, et 18 % de bacheliers professionnels dans les BTS. C’est une amélioration, mais cela ne correspond sans doute pas encore aux débouchés dont ces bacheliers ont besoin. Une intéressante expérimentation qui a eu lieu dans cinq académies, l’an dernier, se poursuivra dans vingt-trois autres. Elles visent à demander aux conseils de classe de recommander les bacheliers professionnels afin qu’ils soient acceptés en BTS : 69 % des jeunes ainsi recommandés y ont à ce jour été admis. Cela me semble particulièrement prometteur.

La réussite étudiante constitue un investissement dans l’avenir. Nous devons être en mesure de rénover l’accueil des étudiants et le contenu des premiers cycles afin d’offrir des solutions plus personnalisées.

En matière d’emplois, pendant longtemps, le GVT n’étant pas compensée, les établissements devaient y consacrer une partie de leur masse salariale au lieu de maintenir un taux d’emploi suffisant d’enseignants-chercheurs et de chercheurs. Nous avons voulu corriger le tir dans ce budget : le GVT sera compensé.

Pour ce qui concerne les postes dans les organismes de recherche, je tiens à saluer le travail effectué par M. Alain Fuchs à la tête du CNRS : les emplois des ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA) aussi bien que des chercheurs ont été maintenus durant tout son mandant. Je ne dis pas que tout est toujours simple ou facile, mais lorsque des choix courageux sont faits, les établissements sont en capacité de maintenir l’emploi. Dans les universités, je confirme que l’objectif reste de servir à la fois la recherche et la formation, car elles ont évidemment vocation à créer de la connaissance et à la transmettre – les emplois dont je parle sont donc bien ceux des enseignants-chercheurs.

S’agissant du lien entre les universités et les entreprises, je répète qu’il est extrêmement important que les universités travaillent avec leurs territoires de plusieurs façons. Parce qu’elles doivent préparer les jeunes à une bonne insertion professionnelle, elles doivent connaître les besoins en emplois de leur territoire, et, plus généralement, ceux du pays et de l’Europe. Il faut former les étudiants dans les bonnes filières. Nous devons encore travailler sur ce problème car, aujourd’hui, ces données n’orientent pas vraiment les choix de nos jeunes. Il me paraît donc essentiel que l’orientation et l’information indiquent aussi où sont les emplois afin que les étudiants puissent choisir des filières qui y mènent.

La recherche doit être à la fois libre, et orientée sur des grands sujets de société : c’est l’idée d’augmenter à nouveau les dotations de base, mais aussi le taux de succès de l’Agence nationale de la recherche (ANR) – dans le premier cas, nous parlons d’une recherche totalement libre ; dans le second, d’une recherche mise au service de défis sociétaux français, européens ou internationaux.

S’agissant du patrimoine immobilier, les contrats de plan État-région (CPER) permettront de consacrer 343 millions d’euros aux universités, et 300 millions supplémentaires seront débloqués pour les universités dans le cadre du Grand Plan d’investissement (GPI) afin que les universités valorisent leur patrimoine. De plus, sachant que 1,8 milliard d’euros sont prévus dans le GPI pour la rénovation énergétique des bâtiments de l’État, et que l’enseignement supérieur occupe la moitié de leur surface, l’université bénéficiera de 900 millions d’euros supplémentaires.

Les annulations de crédits du PLF pour 2017 n’ont rien à voir avec le PLF pour 2018. En simplifiant, on peut même considérer que pour calculer les crédits à dépenser en 2018, il est possible d’additionner l’augmentation des crédits pour 2018 et les 330 millions d’euros d’annulations de crédits de 2017, ce qui signifie que, finalement, en crédits de paiement, le budget augmente d’1 milliard d’euros !

M. Alexandre Freschi. Je souhaite appeler votre attention sur le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». En augmentation de 5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, ce programme illustre à lui seul la philosophie du Gouvernement visant à favoriser une économie innovante grâce au levier de la recherche et du développement.

Notre réseau d’enseignement supérieur agricole est constitué de douze établissements publics et de six établissements privés sous contrat avec l’État ainsi que de deux organismes publics de recherche : l’Institut national de recherche agronomique (INRA) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). L’agriculture française dispose d’un réel potentiel pour rentrer dans la nouvelle économie de l’innovation.

Ma question porte sur le financement par l’État de la recherche agricole et la nécessité de créer une synergie entre ces organismes afin que leur potentiel puisse éclore et qu’il favorise l’agriculture du XXIe siècle. Madame la ministre, sachant que le niveau de la recherche dépend étroitement des crédits octroyés par la puissance publique, comment se matérialise budgétairement et concrètement dans cette mission votre volonté de susciter l’investissement innovant de long terme dans le domaine agricole ?

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la recherche. Madame la ministre, l’avis que Danièle Hérin et moi-même avons présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation met l’accent sur la compétence « innovation » qui se trouve, depuis la nouvelle législature, au cœur de votre ministère.

La diffusion et le transfert des innovations au bénéfice de l’ensemble du tissu social et économique constituent en conséquence l’une des priorités de la stratégie de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Cette compétence transdisciplinaire se retrouve notamment dans le programme 172 et constitue un pilier fondateur pour lier la recherche et l’économie française. Il a été difficile de faire un état des lieux de cette compétence « Innovation » dans notre rapport, étant donné la structure transversale de la mission, et la récente apparition de la compétence au sein du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ESRI).

Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), nouvelles structures au nombre de quatorze à ce jour, alimentent essentiellement des PME et ETI, dont 90 % de l’activité se concentre au niveau régional. Ce modèle fondateur permet de valoriser le travail de la recherche au sein de l’économie locale.

Mis à part les SATT, d’autres organismes publics mènent des projets d’innovations. Des dispositifs sont-ils mis en place afin de saisir plus précisément la part de cette « Innovation » dans le budget de la recherche ?

M. Julien Dive. L’avenir industriel de la France passe par la recherche. À la lecture du budget 2018, je salue le fait que les missions budgétaires de la recherche et de l’enseignement supérieur augmentent en volume ; c’est une bonne chose.

Nous nous rejoignons, madame la ministre, pour considérer que la recherche et développement, qu’elle soit fondamentale ou applicative, vient nourrir l’innovation industrielle et qu’elle procure un avantage concurrentiel à nos PME, à nos ETI, et à nos grands groupes industriels positionnés en situation stratégique – ce qui leur permet de générer de la croissance, et donc de l’emploi.

C’est pourquoi j’ai été surpris de découvrir que le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » était amputé de 32 millions d’euros, et ce d’autant plus que ce coup de rabot concerne uniquement l’action 3 « Soutien de la recherche industrielle stratégique », action qui vise pourtant à soutenir, je cite la page 422 du petit « bleu » que vous avez entre les mains, « les secteurs liés à la croissance et à l’emploi ».

Concrètement, ce coup de rabot a deux effets. Il se traduit d’abord par une baisse de financement pour les projets de recherche et développement des entreprises et des clusters, et, ensuite, par une baisse des moyens alloués aux soixante-huit pôles de compétitivité organisés en écosystème territoriaux avec des vraies valeurs ajoutées stratégiques et industrielles territoriales dont la mission est aussi de favoriser l’émergence de l’innovation, donc de l’emploi et de la croissance, et de faire se parler le monde académique et le monde industriel.

Pouvez-vous nous rassurer et nous confirmer que ce choix n’hypothèque pas l’avenir industriel pour reprendre mon propos introductif, et surtout nous expliquer les motivations précises de cette baisse ?

Mme Sophie Mette. Ce budget, qui me satisfait, constitue une première pierre dans le vaste chantier de la rénovation de notre enseignement supérieur. Le rapport du recteur Daniel Filâtre sur la réforme du premier cycle de l’enseignement fait explicitement état des moyens qui devront être investis pour rendre ce cycle plus attractif et à même d’offrir à nos étudiants des filières de qualité qui aboutissent à une réelle insertion sur le marché de l’emploi.

À la lecture du programme 150, on peut noter une augmentation d’environ 50 millions d’euros concernant l’action 1 « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence ». Selon les chiffres publiés récemment, l’enseignement supérieur devra intégrer 350 000 étudiants supplémentaires d’ici à 2025, dont 285 000 pour les seules universités. Madame la ministre, les nouveaux moyens alloués seront-ils suffisants pour répondre aux défis de l’augmentation de la démographie étudiante et permettre de mener simultanément l’ensemble des réformes prévues ?

M. Régis Juanico. Madame la ministre, le Président de la République s’était engagé pendant la campagne électorale à sanctuariser les moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche, Au mois de juillet dernier, nous avons eu droit une première entaille dans ce contrat avec 200 millions d’euros de coupes nouvelles en plus des 130 millions de la réserve de précaution.

Pour 2018, vous disposerez d’un peu plus de 200 millions d’euros pour les programmes 150 et 231. Ces crédits permettront de financer les 1 000 emplois créés à la rentrée 2017 – ceux que nous avons votés l’an dernier –, les mesures liées à la fonction publique en termes de point d’indice et de revalorisation des carrières des personnels, et puis l’impact du glissement vieillissement technicité. Mais il y a un problème, madame la ministre : il manque 1 milliard d’euros.

Ce milliard manque pour financer les mesures les plus importantes, à savoir l’accueil de 40 000 étudiants supplémentaires, pour 300 millions d’euros, le développement des licences professionnelles, et la réforme de l’entrée dans l’enseignement supérieur, celle du premier cycle à hauteur de 700 millions d’euros.

Je veux évoquer la montée de la pauvreté et la précarité dans le milieu étudiant. L’Observatoire de la vie étudiante nous dit aujourd’hui que 50 % des étudiants vivent avec moins de 400 euros par mois, que 50 % d’entre eux déclarent travailler pour financer leurs études, et qu’un tiers disent renoncer à des soins par manque d’argent. La première décision du Gouvernement a pourtant consisté à baisser de 5 euros les APL pour 800 000 étudiants !

En 2018, le taux de boursiers dans l’enseignement supérieur sera de l’ordre de 35 % – en raison de l’augmentation des effectifs des étudiants, ce taux a tendance à stagner ces dernières années. Comment comptez-vous faire passer ce taux de 35 % à 50 % ? C’est un objectif inclusif, ambitieux, mais aussi généreux, qu’il faut atteindre si l’on veut traiter la pauvreté, la précarité des étudiants.

Partagez-vous les positions défendues par le rapporteur spécial sur les droits d’inscription ? Son rapport propose une évolution des droits d’inscription pour certains étudiants étrangers, et une réflexion sur l’idée d’instaurer des droits progressifs au niveau master.

M. David Lorion. Les universités d’outre-mer « trustent » les dernières places du classement des universités françaises. Je ne citerai pas l’intégralité du classement, mais l’université de La Réunion, celle de mon département, se place au soixante-dixième rang sur soixante-seize, et les universités des Caraïbes ou de la Polynésie sont situées dans le classement bien après elle.

Cette situation, évidemment inacceptable, n’a fait l’objet d’aucune remarque ni d’aucune politique publique particulière de la part des gouvernements précédents, et je constate que votre budget n’aborde pas davantage ce point. Pourtant, on connaît les difficultés rencontrées sur place. On pourrait donner l’exemple de l’absence de structures technologiques supérieures, en particulier des instituts de technologie supérieure. Dans mon département, il y a seulement quatre IUT pour 800 000 habitants : les bacheliers technologiques et professionnels s’inscrivent donc massivement à l’université où l’on constate ensuite un très important taux d’échec – le taux de réussite en première année dans toutes les universités ultramarines confondues, est largement en dessous de 30 %.

Dans le cadre de votre budget, prévoyez-vous de mettre en place une politique spécifique et spéciale en particulier pour les universités d’outre-mer, qui sont les dernières des classements depuis quelques années maintenant ?

Mme Agnès Thill. Ma question porte sur le financement de la recherche médicale, et plus particulièrement sur le financement de la recherche en oncologie pédiatrique.

Le plan « Cancer » 2014-2019 met en avant la lutte contre le cancer chez l’enfant, mais la recherche dans ce domaine n’en est encore qu’à ses balbutiements. Les chercheurs déplorent en effet un manque cruel de moyens pour mener à bien leurs projets. Les appels à projets restent rares, et ils regrettent de devoir consacrer une trop grande partie de leur temps à la quête de financements plutôt qu’à la recherche elle-même.

Aujourd’hui de nombreuses associations sont sollicitées pour apporter des financements faute de moyens publics suffisants. Ne pourrions-nous pas définir un financement dédié spécifique, clair et transparent pour la recherche oncopédiatrique ?

L’État doit garantir des crédits récurrents aux équipes de recherche confirmées. Cet investissement spécifique pallierait d’autres difficultés, notamment le détournement des jeunes chercheurs faute de débouchés. Ce financement de la recherche sur les cancers et leucémies de l’enfant aurait aussi des effets sur l’ensemble des maladies pédiatriques rares, mais également sur le cancer de l’adulte.

M. Adrien Morenas. Madame la ministre, je tiens à vous interroger sur le plan national de vie étudiante (PNVE). J’ai bien noté, parmi tant d’autres efforts, celui considérable que le Gouvernement consent s’agissant des crédits consacrés à la vie étudiante, en hausse de 11,4 millions d’euros afin de financer les nouvelles aides à la mobilité en master et l’aide à la recherche du premier emploi (ARPE).

En revanche, ces crédits ne comprennent pas le financement du PNVE, dont je salue l’ambition car il comprendra des mesures concernant la santé, le logement, le transport ou encore la sécurité sociale étudiante. Sa date de mise en œuvre, à la rentrée 2018 ou 2019, n’est pas encore arrêtée, mais votre ministère assure qu’il sera financé par des crédits supplémentaires. Disposez-vous d’éléments relatifs à ce financement que vous pourriez nous communiquer ?

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, sur les 700 millions d’euros que vous avez obtenus, 175 millions iront directement aux facultés, mais 113 millions doivent d’ores et déjà couvrir la hausse naturelle des charges salariales. En conséquence, la somme résiduelle ne permettra sans doute pas de faire face à l’afflux d’étudiants, estimé à 40 000, et qui sera peut-être double si l’on inclut les bacs professionnels.

La situation est d’autant plus préoccupante que quinze universités sont aujourd’hui en grave déficit, et qu’un certain nombre d’entre elles ont dû effectuer des prélèvements sur leur fonds de roulement. La question de l’accès à l’université est posée. Votre prédécesseur, refusant de trancher ce sujet très sensible, avait obtenu 100 millions supplémentaires pour accueillir les nouveaux étudiants, ce qui n’a pas suffi. La solution n’est donc pas là, vous l’avez dit, d’ailleurs, en rappelant le désastre que représente l’échec universitaire, désastre à la fois humain et financier.

Le 31 août dernier, le Président de la République a annoncé dans une interview accordée au Point : « Nous ferons en sorte que l’on arrête par exemple de faire croire à tout le monde que l’université est la solution pour tout le monde. Et on ne tirera plus les gens au sort. » Le Gouvernement a annoncé que cette décision serait effective dès cet automne. La fin du tirage au sort implique une sorte de sélection que vous appelez « prérequis », sans plus de précisions sur son contenu ou sur le calendrier dans lequel elle sera mise en place.

Madame la ministre, vous avez mis en avant le fait que les élèves et futurs étudiants ne répondant pas aux critères fixés par cette sorte de sélection pourraient suivre des cours de rattrapage durant l’été. Le flou autour de cette annonce pose plusieurs questions dont qui ont toutes des répercussions budgétaires : quel personnel sera en charge de l’encadrement, quel sera le coût de ces cours, et surtout quelle sera la part du budget affectée à cette nouveauté ?

Enfin, qu’en est-il de l’application du droit à la poursuite d’études mises en œuvre sous la précédente mandature ? Pouvez-vous nous présenter un bref bilan d’étape sur cette disposition, si elle est en vigueur ?

M. Patrick Vignal. Si je salue l’augmentation de 700 millions d’euros du budget de la recherche, je constate que nos étudiants doivent faire face à une véritable difficulté récurrente en matière de logement.

La situation très tendue de l’offre de logements dans la plupart des régions, combinée à la baisse des aides pour les étudiants fragilise davantage ceux, très nombreux, qui se trouvent dans des situations financières délicates. Le logement est le poste de dépenses qui augmentent le plus, notamment à Paris, Lyon, Strasbourg, Rennes ou encore Montpellier. Ce poste ne représente pas moins de 53 % du budget d’un étudiant. Se loger coûterait en moyenne 669 euros par mois en région parisienne, et 412 euros dans les autres villes.

Madame la ministre, quelles solutions pourraient être envisagées à très court terme pour améliorer la situation de celles et ceux qui sont l’avenir de la France ?

M. Bruno Duvergé. Je me réjouis des inflexions prises dans le domaine de la recherche, car il s’agit de maintenir l’excellence de notre pays dans un contexte international de plus en plus concurrentiel. J’ai été interpellé au sujet de la place de la France dans un domaine où elle était traditionnellement en avance, mais où elle prend un retard significatif depuis plusieurs années : la géodésie.

Notre pays tarde à investir dans les nouvelles technologies, telles que la télémétrie laser, pour un secteur où il est désormais question de précision centimétrique voire millimétrique, et dont les enjeux, liés à la détermination des références d’espace et de temps, touchent un champ d’application extrêmement large. Les spécialistes de ce domaine pointent la faiblesse des moyens humains et financiers alloués aux structures à vocation de recherche fondamentale qui participent pour notre pays à des réseaux d’observation mondiaux.

Cette situation fait prendre du retard à la communauté scientifique et à la mise en place de certaines applications à forte plus-value. Pourtant les applications sociétales de la détermination des références spatio-temporelles ne sont plus à démontrer, puisqu’elles ont, entre autres applications, largement contribué à la prise de conscience des conséquences du changement climatique par la mesure des variations du niveau moyen des mers. Il apparaît qu’une volonté politique coordonnée à haut niveau est indispensable pour préparer l’avenir dans ce secteur et maintenir la visibilité et la crédibilité de la France au niveau international.

Madame la ministre, pouvez-vous nous faire part des ambitions du Gouvernement dans ce domaine ?

M. Bertrand Sorre. Madame la ministre, je souhaitais vous interroger sur l’accompagnement proposé par l’État aux quinze universités françaises en difficulté financière, mais, lors de vos interventions précédentes, vous avez déjà apporté un certain nombre de réponses que j’estime très positives ; je n’ai donc plus de question à poser.

M. Gabriel Attal. Le plan « France médecine génomique 2025 » bénéficiera d’un budget de 400 millions d’euros sur cinq ans – 25 millions d’euros sont prévus pour 2018. Avez-vous une idée de la trajectoire pluriannuelle du financement des séquences à très haut débit et du développement de ce projet ? Notre rapporteure spéciale indique dans son rapport que le budget de l’INSERM, devrait être abondé dès 2018 pour permettre le lancement du projet.

L’idée de la sanctuarisation du budget de la recherche en santé revient depuis un certain temps. Estimez qu’il s’agit une piste intéressante et que l’on pourrait, par exemple, élaborer un sous-objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) dédié à la recherche en santé ?

M. Jean-Marc Zulesi. L’innovation dont être au cœur de notre société. À l’heure de la mondialisation et de la mutation de notre modèle économique, l’innovation est devenue le facteur clé de nos entreprises. Nous trouvons les réponses aux problématiques de mobilité, aux enjeux de notre industrie, aux problèmes de notre agriculture grâce à l’innovation. Cela impose d’accompagner nos start-up et nos PME innovantes dans leurs projets. Cela impose de former des étudiants créatifs et capables de transformer les idées en produits nouveaux.

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que l’on naît créatif. Je crois que l’on apprend à l’être si une réelle ambition est à l’œuvre en la matière et si une véritable pédagogie de l’innovation est mise en place. Cela impose de disposer d’universités et d’écoles d’ingénieurs attractives afin d’accueillir les meilleurs intervenants mais aussi les meilleurs étudiants. C’est tout le sens du budget qui nous est présenté.

La mission « Recherche et enseignement supérieur » comprend neuf programmes. Deux programmes en particulier concernent la politique de l’innovation : les programmes 172 et 192. Madame la ministre, s’agissant du programme 172, pourriez-vous nous présenter les moyens permettant la mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche France-Europe 2020 ? S’agissant du programme 192, pourriez-vous vous exposer les moyens permettant d’accompagner les PME innovantes ?

M. Matthieu Orphelin. Si l’effort budgétaire accompli cette année est conséquent – 700 millions d’euros –, certains s’inquiètent de savoir s’il se prolongera au cours des prochaines années afin d’accompagner le dynamisme du secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui se traduit par l’accueil de 40 000 étudiants supplémentaires par an. Ne pensez-vous pas qu’une programmation pluriannuelle serait de nature à rassurer les acteurs de ce secteur ?

Par ailleurs, si la qualité de la concertation qui a été menée sur la réforme du premier cycle de l’enseignement supérieur et pour l’amélioration de la réussite des étudiants a été unanimement saluée, et va vous permettre de présenter votre plan dans quelques semaines, je trouve pour ma part que la concertation a été assez timide sur le développement de l’apprentissage et de l’alternance dans l’enseignement supérieur, un domaine dans lequel nous sommes un peu en retard. Avez-vous l’intention de conforter la dynamique de cet axe ?

M. Stéphane Testé. Le programme Erasmus, qui permet aux étudiants de partir étudier à l’étranger dans le cadre d’un échange universitaire, souffle cette année ses trente bougies. Afin de renforcer l’identité européenne partagée que les étudiants se forgent grâce à ce programme – et, partant, la solidarité européenne – et de permettre à plus de jeunes de découvrir d’autres pays, le Président de la République a indiqué durant la campagne présidentielle qu’il souhaitait un Erasmus élargi – ce qu’il a eu l’occasion de confirmer par la suite, dans ses discours sur l’Europe.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, si ce budget permettra d’augmenter le nombre de bénéficiaires du programme Erasmus et quel plan d’action vous compter lancer dans les prochains mois afin de permettre à plus de jeunes de partir étudier dans l’Union européenne ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je vais m’efforcer de répondre de la façon la plus exhaustive possible à chacun d’entre vous, en commençant par les questions les plus techniques.

Sur le programme 142 – « Enseignement supérieur et recherche agricoles » – et les synergies et rapprochements qui pourraient s’opérer entre l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) et l’INRA, une lettre de mission a été adressée aux présidents respectifs de ces deux instituts, afin qu’ils engagent une réflexion sur ce point. Par ailleurs, il n’y a pas eu de baisse du budget : la majeure partie des crédits de l’IRSTEA et de l’INRA font partie du programme 172 et non du programme 142 ; ces crédits, en hausse de 0,8 %, s’élèvent à 693,5 millions d’euros pour l’INRA et à 60,8 millions d’euros pour l’IRSTEA.

Pour ce qui est de la baisse des crédits du programme 192, il s’agit en fait des crédits du Fonds unique interministériel (FUI), qui sera avantageusement remplacé par le fonds pour l’innovation de rupture. Néanmoins, deux appels à projets (AAP) seront maintenus, afin de pouvoir maintenir les liens entre la recherche académique et la recherche en entreprise.

La recherche oncopédiatrique est au cœur du plan « Cancer », qui est financé de deux façons différentes : d’une part, 40 millions d’euros provenant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, d’autre part, 40 millions d’euros du ministère de la santé, le tout complété par des fonds de l’INSERM à hauteur de 29,6 millions d’euros. C’est dans ce cadre, et grâce à ces fonds, que seront traités les problèmes spécifiques de l’oncopédiatrie – sans compter, bien sûr, les ressources additionnelles du grand plan d’investissement, réparties par l’ANR.

En ce qui concerne le plan « France médecine génomique 2025 » et les séquenceurs à très haut débit, je rappelle qu’aucun financement n’avait été initialement prévu, et que nous en mettons un en place cette année, en consacrant 4 millions d’euros à ce plan.

Comme vous l’avez dit, le plan national de vie étudiante (PNVE) concerne à la fois le logement, le transport, la santé, la culture et le sport : il s’agit donc d’un plan éminemment interministériel, sur lequel nous aurons l’occasion de faire des annonces, puisqu’il fait partie intégrante du Plan de réussite scolaire que le Premier ministre exposera prochainement.

Vous avez raison de dire que le logement est le poste de dépenses le plus important pour les étudiants. Je rappelle que le précédent gouvernement avait lancé un plan portant sur la création de 40 000 logements et que, 26 800 logements ayant été livrés au 31 décembre 2016, il restait à construire le tiers des logements pour achever ce plan ; en 2017, nous avons poursuivi l’effort, et atteindrons le chiffre de 42 600 logements en décembre 2017. Par ailleurs, nous nous sommes engagés sur un nouveau plan consistant en la création de 60 000 logements et, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous nous efforçons également de faciliter la caution, la colocation et la colocation intergénérationnelle afin de soutenir le logement étudiant.

Pour la première fois cette année ont été prises des mesures visant à garantir le droit à la poursuite d’études en master – ce qui constitue la mise en œuvre d’une décision prise par le précédent gouvernement. Tout n’a pas parfaitement fonctionné, ce qui s’explique par la nouveauté de cette mesure, mais la très grande majorité des étudiants ont trouvé une place en master, et nous continuons à prendre en charge les étudiants qui rencontreraient encore des difficultés : en l’occurrence, nous sommes confrontés à un problème de procédure, la loi telle qu’elle est rédigée n’autorisant pas les recteurs à affecter des étudiants au cycle master, mais seulement au cycle licence. Nous avons incité les recteurs à travailler avec les présidents d’université, qui sont les seuls à pouvoir affecter des étudiants au cycle master.

Quand le Président de la République dit, dans une interview au Point, que tout le monde n’a pas sa place à l’université, il ne fait que rappeler qu’en l’absence d’accompagnement et de préparation, seuls 6 % des titulaires d’un bac professionnel ont une chance de poursuivre avec succès leurs études dans le cadre d’un cycle licence – un constat l’a conduit à prendre l’engagement de prévoir 100 000 places supplémentaires dans les formations professionnelles, qui font partie de l’enseignement supérieur au même titre que les licences générales. Au sujet des formations professionnelles en apprentissage et en alternance, nous venons de commencer des concertations avec Jean-Michel Blanquer, Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, sur la formation professionnelle, la formation continue et la formation en alternance. Une réflexion va être engagée avec les futurs employeurs, mais aussi les établissements d’enseignement supérieur, afin de faire en sorte que ces formations soient aussi adaptées que possible aux emplois sur lesquels elles sont susceptibles de déboucher.

En ce qui concerne le programme Horizon 2020, nous avons pour objectif de pouvoir travailler sur le prochain programme-cadre européen – le FP9. Dans ce cadre, nous devons mettre en avant les sujets de la mobilité étudiante et de l’augmentation de cette mobilité dans le cadre d’Erasmus, ainsi que le soutien à des programmes de recherche qui donneront à la France l’occasion de mettre en valeur son savoir-faire.

J’ai été interrogée au sujet de la diffusion et du transfert de la connaissance, ainsi que sur l’identification, au sein du budget, de la part de financement relevant de cette mission de valorisation. Il s’agit là d’un exercice difficile, dans la mesure où nous avons affaire à des structures extrêmement morcelées correspondant à la fois aux instruments de valorisation des organismes de recherche, aux sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), dont les organismes de recherche et les universités sont membres fondateurs, et à d’autres outils – bref, un véritable millefeuille. Bruno Le Maire et moi-même avons demandé à ce que soit établi un rapport sur le mode de fonctionnement de ces différents outils, qui sera mis à la disposition des parlementaires dès que possible.

Reprenant à notre compte les engagements pris par le précédent gouvernement, nous assumons dans le cadre de ce budget la création de 1 000 emplois en année pleine pour 2018. Nous reconduisons également la mesure consistant, dans le précédent budget, à prévoir 100 millions d’euros afin d’accueillir 30 000 étudiants supplémentaires. Les crédits prévus par le précédent gouvernement pour créer des emplois ayant en fait essentiellement servi à financer le glissement vieillesse technicité (GVT), nous préférons cette année afficher le financement du GVT.

Il faut faire preuve de prudence quand on cite des chiffres, car certains peuvent avoir un effet contraire à celui que l’on attendait. Ainsi, lorsqu’il est dit que 50 % des étudiants travaillent, il ne faut pas oublier que ce chiffre comprend les contrats liés aux stages et aux contrats d’apprentissage : s’il y a effectivement trop d’étudiants qui travaillent pour gagner leur vie, il n’y en a pas 50 %.

Le fait qu’un tiers des étudiants doivent renoncer aux soins est une réalité. Nous travaillons sur cette question, et aurons prochainement des propositions à formuler. Je précise que 39 % des étudiants sont actuellement bénéficiaires d’aides sociales, soit 1,1 % de plus que l’an dernier ; en dix ans, ce sont 220 000 étudiants supplémentaires qui ont été pris en charge par l’État au titre des aides sociales.

Enfin, je dois vous avouer que je ne suis pas en mesure d’apporter d’éléments précis en réponse à la question qui m’a été posée au sujet de la géodésie – tout au plus puis-je vous confirmer que le budget pour 2018 prévoit le financement des grandes infrastructures de recherche qui doivent être celles intervenant en la matière.

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Il est presque rassurant de constater que vous n’avez pas réponse à tout, madame la ministre ! (Sourires.)

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie, madame la ministre.

 

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures quinze.

 

 

ÉTAT B

(Article 29 du projet de loi)

RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME,
DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL

Budget général

 

 

(en euros)

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

 

 

 

Aide publique au développement

2 683 114 153

2 699 702 532

Aide économique et financière au développement

840 500 721

961 413 997

Solidarité à l’égard des pays en développement

1 842 613 432

1 738 288 535

dont titre 2

164 417 981

164 417 981

 

Amendement n° 1146 présenté par M. Le Fur, rapporteur spécial au nom de la commission des finances.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Aide économique et financière au développement

0

200 000 000

Solidarité à l’égard des pays en développement

200 000 000

0

TOTAUX

200 000 000

200 000 000

SOLDE

0

 

Après l’article 49

Amendement n° 1009 présenté par le Gouvernement.

Après l’article 49, insérer l’article suivant :

Au premier alinéa du III de l’article 68 de la loi n° 901169 du 29 décembre 1990 de finances rectificative pour 1990, le montant : « 2,040 milliards d’euros » est remplacé par le montant : « 2,070 milliards d’euros ».

Amendement n° 964 présenté par Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 49, insérer l’article suivant :

I.  Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur l’efficacité de l’Agence française de développement dans l’aide publique au développement.

II.  Ce rapport évalue les finalités réelles de l’Agence française de développement et étudie de manière exhaustive les projets auxquels l’agence alloue des fonds.

 

Article 31

Il est ouvert aux ministres, pour 2018 au titre des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 204 856 358 699 € et de 204 973 828 058 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état D annexé à la présente loi.

 

ÉTAT D

(Article 31 du projet de loi)

RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME,
DES CRÉDITS DES COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
ET DES COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS

COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS

 

 

(en euros)

Mission/Programme

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

 

 

 

Prêts à des États étrangers

1 713 450 000

1 754 550 000

Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

900 000 000

453 100 000

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

268 450 000

268 450 000

Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

545 000 000

1 033 000 000

Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

0

0

 

 

 

 

projet de loi de finances pour 2018

 

Compte rendu de la commission élargie du vendredi 27 octobre 2017

(Application de l’article 120 du règlement)

Aide publique au développement

La réunion de la commission élargie commence à quinze heures cinq sous la présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et de Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous examinons cet après-midi, en présence de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui regroupent une partie, et une partie seulement, des crédits consacrés par la France à l’aide au développement.

La commission des affaires étrangères a organisé en amont de cette commission élargie plusieurs échanges de vue et auditions, dont celle de la direction générale du Trésor. La présentation devant la commission des affaires étrangères de l’avis de notre rapporteur, M. Hubert Julien-Laferrière ainsi que la contribution du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, portée par M. Jean-Paul Lecoq, ont suscité de nombreux débats. Trois sujets ont retenu notre attention.

Tout d’abord, nous sommes satisfaits de la réitération de la volonté de tenir la trajectoire d’augmentation de notre aide publique au développement. Il s’agit de parvenir à consacrer 0,55 % du PIB à cette aide en 2022, tout en maintenant le cap vers l’objectif de 0,7 %. Un lourd problème budgétaire se posera toutefois si nous voulons tenir cette trajectoire, car les sommes en jeu sont très élevées. Une réflexion doit donc être menée afin de trouver de nouvelles ressources financières qui passent peut-être par de nouveaux types de financements innovants.

Ensuite, nous nous sommes interrogés sur un éventuel rééquilibrage entre dons et prêts. La France prête beaucoup ; elle donne peu. C’est un problème pour les pays en voie de développement.

Enfin la question de l’équilibre entre le multilatéral et le bilatéral a été posée. Nous souhaiterions que l’augmentation du budget puisse davantage abonder les actions bilatérales qui permettent à notre pays de retrouver un poids sur la scène internationale et une capacité politique d’agir en tant que décideur politique.

M. le président Éric Woerth. Je salue à mon tour le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La mission « Aide publique au développement » doit nous donner les moyens de mettre en œuvre une approche globale des crises qui affectent notre sécurité, qu’il s’agisse de réponse de court terme, avec l’action humanitaire d’urgence, ou de réponses de long terme qui nécessitent des politiques ambitieuses en termes de développement, souvent grâce à des phases de stabilisation et reconstruction, comme au Mali ou, très bientôt je l’espère, au Levant. Cette mission nous permet aussi d’agir pour la protection des biens communs que sont le climat, l’éducation ou la santé.

Je rappelle que cette mission ne représente en elle-même qu’une partie de l’aide publique au développement de la France. Si l’on y rattache les financements innovants, les données de 2016 montrent que cette mission équivaut à 38 % du total de l’aide publique au développement, soit 2,5 milliards d’euros sur les 8,6 milliards de l’aide que la France consacre au développement.

Les 62 % de l’aide qui ne sont pas décomptés dans la mission « Aide publique au développement » au sens de la LOLF se retrouvent dans des postes très hétérogènes. Ils peuvent être comptabilisés sur d’autres crédits budgétaires, comme ceux nécessaires aux frais d’écolage ou à l’accueil des réfugiés. Il s’agit également de dépenses transitant par d’autres entités publiques que l’État, comme la contribution au budget communautaire ou des dépenses des collectivités territoriales destinées à l’aide publique au développement. Ces dépenses ont pour caractéristiques de ne pas être pilotables par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Je reviens aux 38 % de l’aide qui se trouvent dans les crédits de la mission « Aide publique au développement ». Cette mission est composée de deux programmes.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » est géré par le ministre de l’économie et des finances. Ses 961 millions d’euros en crédits de paiement concernent surtout des bonifications de prêts et le fonctionnement de divers organismes.

Le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » représente 1,84 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,73 milliard d’euros en crédits de paiement. Ce budget est géré aux travers d’instruments qui répondent à des logiques de trois ordres.

Une première logique bilatérale correspond à 36 % du programme 209, hors dépenses de personnel, soit 573 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits augmentent de 17,2 millions d’euros par rapport à 2017, soit une progression de 3,1 %. Ce point est important car j’ai souligné à plusieurs reprises la nécessité de renforcer le bilatéral par rapport au multilatéral. Il s’agit d’un premier signe, certes insuffisant, mais il fallait engager le processus.

Le bilatéral comprend les ressources allouées à l’Agence française de développement (AFD). Les ressources budgétaires et extrabudgétaires de l’Agence qui relèvent de la compétence de mon ministère sont de l’ordre de 480 millions d’euros, chiffre qui intègre les 212 millions d’euros du programme 209 pour le don-projet, les 77 millions du même programme pour les ONG, et les 190 millions extrabudgétaires pour la facilité et les dons-projets. Ses ressources permettent à l’Agence d’intervenir dans une cinquantaine de pays, en particulier dans les dix-sept pays pauvres prioritaires définis par le dernier Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

L’AFD finance des projets variés en utilisant différents instruments qui vont des dons aux prêts en passant par les participations en capital ou par des garanties, sans oublier l’assistance technique ou les programmes de renforcement des capacités.

Afin d’enclencher la progression de l’aide publique au développement prévue dans le courant du quinquennat, mon ministère a obtenu une hausse de 80 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2018, qui se traduira nécessairement par un accroissement de crédits de paiement dès 2019. Nous aurons l’occasion d’en reparler puisque le Président de la République a, à plusieurs reprises, annoncé ce qu’il a répété, le 19 septembre dernier devant l’Assemblée générale des Nations unies : à la fin du quinquennat, notre aide publique au développement doit atteindre 0,55 % du PIB. Il m’a demandé de lui présenter, avant la fin de l’année, une trajectoire permettant cette progression de 0,38 % à 0,55 %. Je serai évidemment heureux de vous en parler.

Au titre des moyens bilatéraux, nous disposons aussi de crédits de gestion et de sortie de crises. Ils augmentent de 14 millions d’euros, soit une hausse de près de 20 %, pour atteindre plus de 86 millions en 2018, dont 30 millions pour le fonds d’urgence humanitaire et 36 millions pour l’aide alimentaire que la direction générale de la mondialisation reverse notamment au programme alimentaire mondial (PAM) en faveur des géographies prioritaires pour la France.

J’ai demandé que l’on soit vigilant pour ce qui concerne l’action humanitaire car je ne peux me résoudre au fait que la France demeure le seizième contributeur mondial en matière d’action humanitaire, derrière la Belgique ou le Danemark. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé d’augmenter les crédits du fonds d’urgence humanitaire en 2018 – ils passent à 30 millions d’euros, comme je viens de l’indiquer, alors qu’ils s’élevaient, je crois, à 17 millions en 2017.

La deuxième logique qui structure le programme 209 est une logique multilatérale. Elle correspond à 10 % de ce programme, hors dépenses de personnel.

Il s’agit principalement des contributions volontaires aux organisations internationales qui constituent de véritables leviers. L’enveloppe que nous leur consacrerons en 2018 sera de près de 100 millions d’euros. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) bénéficiera à lui seul de 33 millions d’euros.

Le multilatéralisme nous permet aussi de développer la francophonie, atout majeur pour notre pays que le Président de la République a décidé de réinvestir en demandant un plan d’ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde. Je serai amené à présenter ce plan dans les semaines qui viennent.

La troisième logique est communautaire. La ligne consacrée au Fonds européen de développement (FED) représente à elle seule 54 % du programme 209, hors dépenses de personnel. Pour l’année 2018, elle sera en hausse de plus de 107 millions d’euros. La France est partie prenante de la gestion de ce fonds européen qui constitue un instrument central. Nous faisons en sorte que les projets qu’il finance correspondent à nos grandes priorités sectorielles.

J’en viens aux crédits extrabudgétaires qui complètent de ce que nous mettons en place avec le programme 209.

Il s’agit de la taxe sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières qui alimentent le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) pour 1 milliard d’euros. Ce fonds nous permet de financer nos engagements multilatéraux dans le domaine de la santé et pour le climat, ainsi qu’une partie de l’aide bilatérale en dons de l’Agence française de développement depuis 2017 – que l’on appelle aide-projet.

Je pense également à la facilité vulnérabilité centrée sur quatre zones de crise, décidée lors du CICID de novembre 2016, financée elle aussi par des fonds extrabudgétaires. C’est le cas des 35 millions d’euros annuels que nous octroyons à l’Alliance pour le Sahel, en anticipant sur la mobilisation des acteurs qui devrait avoir lieu à la mi-décembre, à Bruxelles.

Je poursuis trois objectifs visant à un rééquilibrage entre les dons et les prêts, entre le bilatéral et le multilatéral, et entre l’action directe de l’État et l’action des ONG. Je travaillerai sur ces trois axes dans le cadre de la mission qui m’est confiée. Ce budget amorce l’effort à entreprendre, même si je reconnais que tout n’est pas développé. Les signes nécessaires sont toutefois donnés pour que ces orientations soient validées à l’avenir.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je rappelle que l’aide publique au développement est normée sur le plan international, ce qui permet des comparaisons entre les pays. Elle comporte des aides qui doivent émaner d’organismes publics, avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays en développement, et être assorties de conditions favorables et comporter un élément de libéralité minimale.

La France a déclaré 8,6 milliards d’euros au titre de l’aide publique au développement pour l’année 2016. Nous n’examinons aujourd’hui qu’une partie plus modeste de cette aide au travers de la mission « Aide publique au développement » qui comporte deux programmes, l’un, le 110, placé sous la responsabilité du ministre de l’économie et des finances, l’autre, le 209, placé sous la responsabilité du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Je note que les impôts affectés ne sont pas comptabilisés dans la mission, mais ils sont suivis d’assez près.

J’ai été surpris que l’aide fiscale ne soit pas prise en compte. Lorsque les Français font des dons en faveur de l’aide publique au développement, l’avantage fiscal dont ils bénéficient correspond bien à une aide publique. Je souhaiterais qu’elle soit calculée et intégrée dans l’aide publique au développement, même si je reconnais que la tâche sera complexe sachant que certaines ONG agissent dans plusieurs champs à la fois – les dons peuvent aussi servir, par exemple, sur le territoire national.

Depuis 2011, nous assistons à une diminution très marquée de l’aide française qui se monte aujourd’hui à 0,38 % du PIB, alors qu’elle avait dépassé 0,42 %. À la suite d’une baisse constante, les comparaisons internationales ne tournent pas à notre avantage, notamment avec nos partenaires européens. Les Britanniques consacrent 0,7 % de leur PIB à l’aide publique au développement, de même que les Allemands – qui intègrent dans l’aide les actions qu’ils mènent en faveur des réfugiés sur leur propre sol. Aussi curieux que cela puisse paraître, les Turcs font mieux que nous ! Je ne parle même pas de pays plus petits que le nôtre, comme les pays scandinaves, avec lesquels les comparaisons sont plus difficiles. L’aide américaine se rapproche de la nôtre, en pourcentage du PIB, mais elle exerce un effet de masse bien différent.

Au mois de septembre dernier, l’annulation de 136 millions d’euros de crédits avait constitué une très mauvaise nouvelle, mais le budget qui nous est proposé aujourd’hui inverse clairement la tendance puisque nous enregistrons une augmentation de 100 millions en crédits de paiement et de 200 millions en autorisations d’engagement. Les choses sont un peu compliquées pour ces dernières car nous avons dû faire des versements à des organismes internationaux.

L’engagement du Président de la République de parvenir à consacrer 0,55 % du PIB à l’aide publique au développement à l’horizon 2022 est certes plus réaliste que l’objectif de 0,7 %, mais il exige tout de même une augmentation de l’aide de 5 milliards d’euros alors qu’en 2018, l’augmentation est de 100 ou 200 millions. Pour une première année, il s’agit d’une amorce réelle, mais à ce rythme, on ne voit pas très bien comment il sera possible d’atteindre l’objectif fixé d’ici à cinq ans. La véritable année décisive sera 2019.

Sans faire aucun procès d’intention à ce budget, je constate que si l’on veut qu’il atteigne 0,55 % du PIB, il faut prévoir une pente plus raide, même si elle a déjà été modifiée dans le bon sens, je n’en disconviens pas.

Mes regrets concernant ce budget ne sont pas relatifs aux crédits de paiements mais aux autorisations d’engagements. Le ministre nous dit à juste titre qu’il fallait préférer le bilatéral au multilatéral, et l’aide au prêt. On aurait dû être beaucoup plus ambitieux en termes d’autorisations d’engagement – je soutiendrai d’ailleurs un amendement en ce sens, car le bilatéral prend du temps – il faut quatre ou cinq ans pour trouver un interlocuteur, un maître d’ouvrage, ou des cofinanceurs.

M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je remercie tout d’abord toutes les personnalités que nous avons pu entendre dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, ainsi que mon collègue M. Jean-Paul Lecoq qui a participé à la plupart de ces auditions.

J’ai la chance de travailler sur un budget en hausse. Cette augmentation succède à une baisse continue qui a vu l’aide publique au développement perdre près de 45 % de ses crédits depuis 2010. Je me réjouis de la trajectoire qui doit nous conduire à consacrer 0,55 % de notre PIB à ces crédits en 2022. Il faudra cependant faire plus et mieux, ce qui nécessite des choix stratégiques pour rendre notre aide plus efficace.

Cela passe en particulier par la volonté de privilégier l’aide bilatérale qui a servi, depuis des années, de variable d’ajustement budgétaire – elle était plus facile à réduire que l’aide multilatérale souvent pluriannuelle. Cela dit, il ne faut pas opposer trop systématiquement les deux approches : l’aide bilatérale peut aussi être au service d’une politique publique mondiale dans laquelle la France prend toute sa place.

La feuille de route est tracée avec les Objectifs de développement durable, adoptés par la communauté internationale en 2015. Cette dernière s’est aussi engagée par l’accord de Paris à verser une aide d’au moins 100 milliards de dollars par an aux pays en développement, à partir de 2020, afin de les soutenir dans les adaptations et les mutations nécessaires face au changement climatique. Dans ce cadre, la France a annoncé qu’elle mobiliserait au moins 5 milliards de dollars. Monsieur le ministre, pour cette contribution, quelle sera la part des versements en numéraires au Fonds vert, et celle des valorisations des cobénéfices climat de nos actions de développement dans les pays que nous aidons ?

L’efficacité passe aussi par une aide plus territorialisée qui associe les acteurs locaux. Sur ce plan, la France est en avance, non seulement en raison de ses pratiques en matière de coopération décentralisée, mais aussi parce que l’AFD travaille avec les collectivités locales françaises et avec les acteurs locaux des pays aidés.

Nous devons également mieux mobiliser notre expertise. Nous nous réjouissons de la création récente d’Expertise France qui a regroupé l’expertise de différents ministères, même si certains d’entre eux, comme l’intérieur, la justice ou l’agriculture, conserve une expertise propre. Il faudra faire en sorte de procéder au regroupement complet de l’expertise française.

Le fléchage de nos crédits en direction de nos priorités géographiques et sectorielles constitue aussi un élément d’efficacité. L’Afrique subsaharienne ne peut plus être une variable d’ajustement budgétaire. L’augmentation des crédits doit d’abord profiter au Sahel qui reçoit principalement une aide sous forme de dons. Il s’agit à la fois de lutter contre la pauvreté, mais aussi d’un enjeu majeur de paix et de sécurité. Monsieur le ministre, vous citiez la facilité pour l’atténuation des vulnérabilités. L’instrument est efficace au Sahel mais il est aujourd’hui trop peu doté. L’augmentation de l’aide au développement dans cette région par l’intermédiaire de cet outil doit permettre de retrouver un équilibre des « trois D », diplomatie, défense et développement – sans que cela se fasse au détriment des deux premiers.

Le pilotage politique de notre aide doit être amélioré. Les organes de coordinations fonctionnent, mais nous devons aller plus loin et nous doter d’une direction politique unifiée. Je propose une fusion des programmes 209 et 110 afin que la mission « Aide publique au développement » ne fasse plus l’objet que d’un seul programme. Elle y gagnerait en lisibilité, et cela augmenterait l’efficacité de la politique d’aide au développement. Il faudrait évidemment qu’un seul ministre pilote la stratégie de cette aide et devienne l’interlocuteur unique des pays étrangers pour cette politique publique.

La révision de la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale s’imposera cinq ans après son entrée en vigueur. Cela doit être l’occasion de moderniser notre aide publique au développement. À l’échelle mondiale, je rappelle que cette aide est l’unique instrument de redistribution planétaire.

M. le président Éric Woerth. Monsieur le ministre, quelle est la structure financière cible de l’AFD dans les années à venir, compte tenu des évolutions de l’aide publique au développement et du nombre d’opérateurs liés au ministère ?

Dans le cadre de l’aide publique au développement, trouve-t-on encore aujourd’hui, à un titre ou à un autre, parmi les crédits qui proviennent de différents ministères et opérateurs, des aides versées à des pays comme la Chine, dont on pourrait considérer qu’ils n’en ont plus besoin aujourd’hui ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Comme l’indiquait votre rapporteur spécial, des normes fixées par l’OCDE définissent ce qui entre dans l’aide publique au développement. La Chine perçoit encore aujourd’hui une aide au développement de notre part en faveur de l’écolage – frais d’inscription et soutien à l’enseignement. Les montants en question sont toutefois relativement marginaux.

Nous respectons scrupuleusement les critères de l’OCDE en matière de comptabilité de l’aide publique au développement. Ils permettent les comparaisons internationales et l’analyse de l’action réelle d’un État dans ce domaine. De plus, il n’en existe pas d’autres.

Je me propose donc de poser la question de l’intégration de la dépense fiscale qui résulte des avantages fiscaux liés aux dons en faveur de l’aide au développement. Les interventions fiscales sont différentes selon les pays, et nous ne pouvons pas décider seuls d’intégrer une réduction d’impôt à notre aide au développement. J’ai en tout cas pris bonne note de votre remarque, monsieur le rapporteur spécial.

Vous avez bien voulu reconnaître l’inversion de tendance que le Gouvernement a proposée à la demande du Président de la République. Elle n’en est qu’à ses débuts. Pour atteindre l’objectif de 0,55 % du PIB en 2022, notre aide au développement devra passer de 8,6 à 15 milliards d’euros – si l’on prend en compte l’évolution tendancielle du PIB. Nous devrons donc consentir un effort très significatif, et il est clair que même si l’augmentation des crédits pour 2018 se reproduisait, elle ne serait pas suffisante pour atteindre l’objectif fixé. C’est la raison pour laquelle le Président de la République m’a demandé de tracer une trajectoire de mobilisation financière qui mènera au résultat attendu. Je rejoins l’analyse du rapporteur qui considère que l’heure de vérité sera celle du prochain budget.

Il est vrai que plus les autorisations d’engagement sont importantes, plus on est certain d’avoir des crédits de paiement par la suite. C’est pourquoi les AE ont été augmentées de manière sensible, de 80 millions d’euros. Il s’agit d’un signe positif pour la mobilisation des CP dans les années à venir, la durée d’un projet tournant autour de quatre ou cinq ans. Il faut essayer d’être le plus rapide possible, mais c’est parfois extrêmement difficile. On dira sans doute que nous aurions pu être plus ambitieux, mais le choix a été fait de remettre la situation à plat. Les années importantes, je le répète, seront 2019 et 2020.

Je partage une grande partie des observations de M. Hubert Julien-Laferrière. On peut être efficace et soutenir le multilatéralisme en privilégiant l’aide bilatérale : les objectifs sont les mêmes. Par ailleurs, on a réduit d’autant plus facilement – et nécessairement – l’aide bilatérale que celle multilatérale était souvent obligatoire : le bilatéral était donc une variable d’ajustement incontournable, de sorte qu’elle n’était plus variable en réalité. L’effort consenti pour le renforcement du bilatéral est significatif et ce sera évidemment un sujet prioritaire dans le cadre des hausses budgétaires à venir. J’y veillerai en particulier, car cela constitue la signature de la France.

On pourrait se rassurer en se disant que nous sommes de grands contributeurs du Fonds européen de développement (FED) – nous représentons 17 % du total, ce qui n’est pas rien, et nos orientations sont prioritaires, notamment pour ce qui est de nos pays-cibles – mais la signature n’est pas celle de la France. Il faut que nous puissions faire valoir notre place.

Je suis très attaché à ce que nous ayons une relation particulièrement dynamique avec les collectivités territoriales en matière d’aide publique au développement. Néanmoins, il ne faut pas surestimer leur part : elle s’élève à 83 millions d’euros. Ce chiffre est significatif sans être exorbitant. On doit assurer une synergie. J’ai été très frappé de voir que le Mali, dont je suis de près la situation, est le pays ayant le plus de partenariats avec nos collectivités territoriales, depuis très longtemps. Or, on ne peut pas dire que le résultat global ait été spectaculaire en matière de développement. Il faut que l’aide soit cohérente, notamment dans un tel pays. C’est le rôle de la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui regroupe les élus des collectivités intervenant en la matière. J’ai par ailleurs nommé une ambassadrice chargée plus particulièrement de ce dossier. J’ajoute que les collectivités interviennent essentiellement dans dix pays, dont je pourrais vous fournir la liste. Je le répète : il faut une action coordonnée.

On doit terminer le regroupement de l’expertise, en effet. Nous y sommes prêts, grâce à un outil qui a fait ses preuves. Il est d’ailleurs sollicité par de nombreux partenaires, en particulier européens. Qu’il y ait un seul pilotage politique, c’est le cas dès à présent : j’ai la responsabilité du programme concerné. Au-delà, un regroupement serait conforme au bon sens, qui finit toujours par gagner…

Le plus important est d’introduire une simplification dans notre aide publique au développement. Je suis très frappé par la diversité des outils et des fonds, qui jouent des rôles complémentaires ou non. Il faut mettre un peu d’ordre afin que notre aide soit suffisamment lisible et significative. Cela concerne aussi l’AFD, qui a développé son rôle de banquier du développement, mission très importante, mais doit centrer ses missions sur les objectifs que le Gouvernement lui donne. Le prochain CICID, qui se tiendra au mois de février, sera l’occasion de clarifier des orientations qu’il faut rappeler régulièrement pour éviter des dérives inhérentes à tout organisme un peu indépendant.

M. le président Éric Woerth. Sans vouloir trop insister, quels sont les montants des crédits versés par la France à la Chine, selon la définition de l’aide publique au développement ? Vous pourrez nous répondre plus tard si vous le souhaitez.

M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis. Ce sont des bourses…

M. le président Éric Woerth. Sont-elles versées par la France aux étudiants chinois en France ? Il n’y a pas de crédits arrivant en Chine ?

M. Jean-Yves le Drian, ministre. Le fait de compter ou non dans l’aide publique au développement la scolarité d’étudiants venant de pays tiers est une décision qui relève de l’OCDE. En ce qui concerne les étudiants chinois faisant leurs études en France – au-delà de la question des bourses –, les frais d’écolage sont en effet pris en compte. C’est néanmoins marginal par rapport au total de 8,6 milliards d’euros que j’évoquais.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Il y a une difficulté : l’essentiel de notre aide est délié, volontairement ou par suite d’un accord international. Nous nous refusons à la lier à la mobilisation d’entreprises françaises. Dans certains cas, nous aidons de fait des investissements réalisés par des entreprises chinoises, en particulier en Afrique. J’ai posé un certain nombre de questions, mais je n’ai pas vraiment eu de réponses. Je voudrais que l’on travaille sur ce sujet : il y a un problème.

M. le président Éric Woerth. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Frédéric Descrozaille. Pour le groupe LRM, l’aide publique au développement est un sujet assez spécifique que nous suivons avec beaucoup d’attention, pour des raisons à la fois morales et historiques.

Il faut d’abord que nos promesses soient tenues. Je suis donc preneur d’éléments aussi concrets que possible, et le plus tôt possible, sur la trajectoire. Comme mes collègues l’ont déjà dit, la pente est celle qui convient, mais il va falloir consentir de très grands efforts dès l’année prochaine en crédits de paiement, et pas seulement en autorisations d’engagement.

Ensuite, on doit en finir avec une certaine hypocrisie dans les jeux d’écriture. Il ne s’agit pas d’effacer des dettes ou de prendre des engagements comptables à Bercy, mais sur le terrain, avec un financement direct d’actions in situ.

Enfin, il serait bon que toute l’action extérieure de la France soit pilotée ensemble, y compris le commerce extérieur. L’aide publique au développement (APD) peut intervenir dans des zones où d’autres composantes de l’action extérieure de la France ont déclenché des crises, des situations d’insolvabilité ou de la misère : l’APD est palliative ou corrective, mais il n’existe pas de cohérence dans le cadre d’une action globale. Je serais favorable à ce qu’il y ait une seule et même tutelle pour l’ensemble. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

M. Mansour Kamardine. C’est la première fois que j’étudie de près cette mission budgétaire « Aide publique au développement » et ce que je découvre me paraît assez préoccupant. Le budget qui nous est proposé marque la poursuite d’un triple décrochage de la France : par rapport à nos principaux partenaires, par rapport aux priorités que nous affichons et par rapport à la réalité de notre solidarité avec des peuples amis.

On l’a dit avant moi : l’augmentation des crédits de la mission est en trompe-l’œil : elle ne compense même pas les annulations de crédits décidées en juillet dernier. Pis encore, l’augmentation de l’aide bilatérale n’est que faciale. Au mieux, elle stagne en euros constants et la seule priorité réelle de la mission est l’augmentation de l’aide multilatérale, pour environ 5 millions, à travers les transferts communautaires. Au total, le niveau de nos efforts demeure désespérément bas et très en deçà de nos engagements internationaux.

Le décrochage par rapport à nos principaux partenaires qui, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, atteignent l’objectif de 0,7 % de leur revenu national brut (RNB), est d’autant plus criant que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne nous laissera dans un face-à-face cruel avec l’Allemagne, dont l’effort est deux fois supérieur au nôtre, voire trois fois plus important en volume d’aide. Notre indigence est désormais patente.

S’ajoute à cela un déséquilibre récurrent depuis une dizaine d’années entre les dons et les prêts, lesquels nous permettent de gonfler nos appuis. Ce projet de budget ne met malheureusement pas un terme à cette pratique. La mise en perspective des 209 millions d’euros de dons prévus via les décaissements de l’AFD et des 6 milliards engagés par nos amis britanniques traduit une réalité cruelle : l’APD française est devenue un véritable village Potemkine.

Surtout, ce budget est incohérent avec les priorités affichées. Si la France demeure un acteur de la diplomatie et de la défense, ce dont nous nous réjouissons au groupe Les Républicains, elle devient un acteur mineur en termes de développement, ce qui réduit notre capacité à mobiliser des partenaires sur nos priorités. Pour moi, élu d’un territoire entouré d’un océan de misère, beaucoup d’efforts restent à faire.

M. Fréderic Petit. Je voudrais notamment remercier nos rapporteurs pour leur investissement.

Le groupe MODEM salue l’augmentation des moyens dédiés à l’aide publique au développement et la feuille de route proposée par le Gouvernement, qui vise à atteindre l’objectif de 0,55 % de la richesse nationale en 2022. Ce que nous faisons aujourd’hui n’est pas à la hauteur de notre image et de nos engagements internationaux. Je me félicite que nous ayons, avec cette trajectoire réaliste et dotée de jalons clairs, une stratégie budgétaire cohérente sur plusieurs années.

Des interrogations demeurent néanmoins. Depuis la suppression du ministère de la coopération, en 1998, on a assisté à la montée en puissance d’un opérateur, l’Agence française de développement. D’autres l’ont rappelé avant moi, notre aide au développement est aujourd’hui gérée dans le cadre de deux programmes budgétaires, de deux ministères et même de deux missions, ce qui complique encore l’affaire. On ne parviendra pas à inverser la tendance sans un pilote dans l’avion. Je pense exprimer non seulement l’opinion de mon groupe, mais aussi celle de nombreux membres de la commission des affaires étrangères. Les actions qui sont conduites doivent être rassemblées sous un pilotage commun et plus efficace. Les rapports peu huilés, et je crois que c’est un euphémisme, entre l’AFD et Expertise France sont un exemple des marges de progression.

Nous nous retrouvons tout à fait dans les axes que vous avez évoqués à la fin de votre propos liminaire, monsieur le ministre. J’ajouterai que nous traitons les dons avec les outils d’un financeur alors que l’on pourrait les considérer comme des investissements à long terme, venant en contrepoint d’une collaboration rapprochée et d’une confiance mutuelle, c’est-à-dire comme un outil au service d’une diplomatie globale.

M. Christian Hutin. Le Président de la République a souhaité une augmentation de ce budget, et nous nous en réjouissons au groupe Nouvelle Gauche ; s’il s’agit d’une cordée, il n’est toutefois pas nécessaire de s’attacher : la pente n’est pas rude. Il est question de cent millions d’euros supplémentaires cette année, alors que la coupe budgétaire effectuée en juillet aurait été de 136 millions.

Le Président de la République a beaucoup évoqué le multilatéralisme, ce que l’on peut comprendre par rapport à l’attitude du président Trump, mais je ne pourrai que me réjouir si la France existe par sa signature – il me semble d’ailleurs que c’est un joli terme, monsieur le ministre. Je pense en particulier au Mali : vous parliez de la coopération décentralisée, mais on peut également souligner que nous sommes presque les seuls à nous battre dans ce pays. Il est judicieux qu’il y ait aussi des actions typiquement françaises en matière de développement.

Je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur pour avis : il est tout à fait ridicule qu’il y ait deux ministères. Nous souhaitons qu’il n’y en ait qu’un seul. Ce fut le cas longtemps et c’est indispensable.

Nous avons une certaine inquiétude sur les baisses de subventions aux agences onusiennes – elles s’élèvent à 50 % depuis 2014. Cela pose notamment un problème pour l’accord de Paris. Nous nous sommes engagés sur des sujets spécifiques, tels que le travail sur les jeunes et la sexualité des adolescentes et des adolescents, où la France était en pointe, mais les crédits se réduisent.

Ne disons pas trop de mal des collectivités territoriales. Elles sont aujourd’hui saignées à un point qui n’est pas imaginable. Celles qui ont encore le courage de faire de la coopération décentralisée sont quand même assez merveilleuses et je tiens à les remercier.

Mme Clémentine Autain. Une fois encore, la réalité nous apparaît bien plus sombre que les annonces : vous nous parlez d’une hausse de cent millions d’euros en 2018, mais les annulations de crédit qui ont eu lieu en juillet 2017, à hauteur de 136 millions d’euros, ne sont pas prises en considération. La hausse est en fait une baisse.

L’objectif de 0,55 % du PIB en 2022, dont se targue le président Emmanuel Macron, est bien éloigné. Pour y arriver, il faudrait en réalité augmenter l’ensemble de notre aide publique au développement de 1,2 milliard d’euros par an. Nous en sommes loin ! Et cela ne suffirait pas pour respecter l’engagement pris en 2014 de consacrer 0,7 % du PIB à l’aide au développement, ce que d’autres pays européens arrivent pourtant très bien à faire, comme le Royaume-Uni et le Danemark. Si la France est la sixième puissance économique mondiale, elle n’arrive qu’au douzième rang pour sa contribution à l’aide au développement en proportion de la richesse nationale. C’est une situation qui nous apparaît totalement inadmissible au groupe La France insoumise.

Vous mettrez sans doute en avant la « règle d’or », mais je vous objecterai la taxe sur les transactions financières : nous avons déposé un amendement pour que son taux passe de 0,3 à 0,5 %. Cela nous permettrait de répondre à ce que nous estimons être un devoir de la France en matière d’aide au développement. Si nous ne mettons pas le « paquet », je ne vois pas comment nous pourrons faire face aux défis écologiques et migratoires, aider à combattre la pauvreté et l’extrême pauvreté ou encore lutter contre les causes des guerres.

Vous avez évoqué le fonds européen de développement. Le problème est un peu semblable à celui de la politique agricole commune : quand on impose, à l’échelle européenne, des cures d’austérité qui appauvrissent des pays et qu’ensuite on accorde des fonds pour remédier à ce que l’on a généré, il y a un problème structurel. Il faudrait savoir l’affronter.

M. Hubert Wulfranc. Vous avez souligné la contribution de Jean-Paul Lecoq aux travaux de la commission des affaires étrangères. Je me ferai aujourd’hui l’interprète de mon collègue du groupe Gauche démocrate et républicaine.

Nous partons de très bas en matière d’aide publique au développement et nous ne sommes évidemment pas à la hauteur de nos engagements internationaux, grâce auxquels nous pourrions être crédibles. Le rabotage d’une centaine de millions d’euros en juillet a bien sûr jeté le trouble sur cette politique publique qui était déjà très en difficulté. Nous sommes bien sûr d’accord sur la trajectoire, mais l’effort devra être considérable et nous doutons des mesures qui permettront d’atteindre les objectifs. La question des nouvelles recettes est donc cruciale. Clémentine Autain a d’ailleurs fait une proposition en la matière.

Je voudrais également souligner que la part des crédits alloués à l’humanitaire est bien trop faible : elle représente à peine 1 % de notre aide, contre 13 % en moyenne dans les pays développés.

Un mot, enfin, sur les 270 millions d’euros captés par l’AFD au détriment du fonds de solidarité pour le développement (FSD) : il en résulte de graves difficultés pour les organismes bénéficiant de ce fonds.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, votre attachement à l’action humanitaire. Un certain nombre d’ONG ayant manifesté une préoccupation en la matière, je voudrais que vous nous rassuriez. Avec le coup de rabot du mois de juillet dernier, il y a eu une perte de 16 millions d’euros sur la ligne consacrée aux initiatives des ONG. Nous voudrions être sûrs que ce sera rectifié ou compensé par l’AFD.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je commencerai par l’humanitaire. C’est un sujet qui me préoccupe et je ne peux pas admettre notre classement international. J’ai en partie remédié à la situation pour 2018, en renforçant le budget du centre de crise et notre capacité de mobilisation de crédits par son intermédiaire. Je l’ai fait aussi de manière immédiate grâce à des modifications de lignes de crédits pour 2017. Lorsque la ville de Raqqa est tombée, la semaine dernière, il y a eu tout de suite une nécessité humanitaire. Il ne suffit pas d’avoir participé au combat contre Daech : on doit aussi être là immédiatement, à proximité des populations lorsqu’une ville est détruite. J’ai donc décidé il y a trois jours de mobiliser dix millions d’euros pour l’intervention immédiate d’ONG à Raqqa. C’est de l’humanitaire concret, immédiat et pas dans les rêves. Il faut renforcer cette dynamique.

Une amputation a été faite en juillet et je ne ferai pas de commentaire supplémentaire sur ce point. J’ai demandé à l’AFD et à mes services de faire en sorte que les marges de manœuvre dont on peut disposer en fin d’exercice permettent de compenser une partie, au moins, du manque pour les dons-projets concernant les ONG. Pour 2018, nous avons inversé la tendance, même si nous sommes loin de la place qui devrait être la nôtre, en particulier s’agissant de l’aide humanitaire immédiate. C’est pour moi un sujet de vigilance.

Je voudrais dire à M. Kamardine qu’un village Potemkine à 8,6 milliards d’euros reste convenable. Je ne me retrouve pas dans sa description apocalyptique de la position de la France au sein de l’aide au développement mondiale. Même si nous ne sommes pas nécessairement au niveau que chacun voudrait, nous sommes respectés et nous avons de nombreux partenaires. Je ferais également observer que les crédits de paiement augmentent de cent millions d’euros, comme vous avez bien voulu le reconnaître, et les autorisations d’engagement de 80 millions. On aurait pu souhaiter une hausse plus importante, mais elle est significative d’une inversion de tendance. Il est vrai qu’il y avait un décrochage depuis des années : il fallait non seulement l’enrayer mais aussi l’inverser, afin d’appliquer les orientations fixées par le Président de la République. Elles sont fortes et doivent être respectées.

Je suis tout à fait conscient des chiffres. Nous en sommes à 8,6 milliards d’euros pour l’année prochaine, alors qu’il en faudrait 14,7 ou 14,8 en 2022 pour être au rendez-vous, compte tenu de l’évolution actuelle du PIB. Cela veut dire qu’il y aura d’autres étapes et qu’il faudra mobiliser des financements. Il y a sans doute la taxe sur les transactions financières, mais pas seulement : je suis beaucoup plus attentif à la mobilisation de crédits budgétaires nets. Les crédits extra-budgétaires sont très positifs, je me réjouis qu’ils soient là et ils sont utilisés, mais on ne peut pas s’en contenter. Un effort budgétaire significatif sera également nécessaire.

Monsieur Hutin, je ne confonds pas – et vous non plus, j’en suis sûr – ce que signifient le multilatéralisme et le bilatéralisme sur le plan budgétaire et dans un cadre stratégique global. Nous sommes parmi les seuls pays au monde à porter une stratégie multilatérale, en particulier au sein des Nations unies, dans un contexte où l’on connaît des replis nationalistes – ou de puissances sur elles-mêmes. Nous sommes sans doute les seuls à développer cette logique multilatérale au niveau de notre diplomatie. Je m’y emploie pour ma part. La question que j’évoquais concerne plutôt la part du multilatéralisme et du bilatéralisme dans nos engagements financiers. J’ai expliqué tout à l’heure comment le bilatéral a servi de variable d’ajustement obligatoire au fil des baisses de crédits.

S’agissant des agences onusiennes, nous avons jugulé une tendance qui concernait les actions volontaires. S’agissant des actions obligatoires, nous respectons nos engagements. Ce serait un comble que nous ne le fassions pas alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité. Nous avons arrêté la dérive pour la part volontaire – il s’agit notamment de notre contribution au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Vous avez insisté, en particulier M. Descrozaille, sur la nécessité qu’il y ait un seul pilote dans l’avion. J’en prends bonne note. Sans prêcher pour ma propre paroisse, nous avons besoin d’une vraie clarification. En ce qui concerne la mobilisation pour le climat, six fonds existent : le fonds vert, pour lequel la France tient ses engagements, avec environ 163 millions d’euros – des crédits extrabudgétaires alimentant le FSD vont au fonds vert, de sorte qu’un fonds en alimente un autre ; les projets à co-bénéfice « climat » qui dépendent de l’AFD ; un fonds pour l’environnement mondial relevant de Bercy ; le fonds français pour l’environnement mondial, qui est encore différent ; le fonds d’adaptation ; le fonds pour les pays les moins avancés (PMA). Et cela ne concerne que le climat…

Le Premier ministre m’a confié, dans une lettre de mission, le mandat de rendre l’action de la France cohérente dans ce domaine. Je vais donc m’y employer, d’autant plus que vous partagez, me semble-t-il, toutes sensibilités confondues, ma volonté de clarification. Il est vrai que le brouillard favorise la dissimulation, et ce n’est jamais une bonne chose.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous en venons aux questions.

M. Hervé Berville. Monsieur le ministre, je souscris à votre volonté de simplifier le dispositif et de le rendre cohérent. On a parfois voulu s’occuper de l’organisation et de la gouvernance avant même d’avoir fixé les objectifs et les priorités. Cette fois, celles-ci ont été clairement définies par le Président de la République – aide bilatérale, éducation, santé et réduction des inégalités hommes-femmes –, si bien que, l’an prochain, nous pourrons nous atteler à la simplification et à l’amélioration de l’articulation du dispositif.

Ma question porte sur le Fonds européen pour le développement (FED). Nous contribuons à hauteur d’environ 800 millions par an à ce fonds, dont notre principal opérateur, l’AFD, bénéficie à hauteur de 300 à 350 millions. Ce double mouvement prend du temps et entraîne des coûts de transaction. Ne pourrait-on pas ajuster et simplifier la procédure ?

Par ailleurs, je précise, à l’intention de M. le Fur et de M. Woerth, que l’AFD, par exemple, dont je suis membre du conseil d’administration, ne fait pas de dons ; nos efforts financiers ne bénéficient donc pas à la Chine. Quant à l’aide déliée – on en a beaucoup débattu dans le cadre de la diplomatie économique –, elle est, pour nous, un atout car les entreprises françaises peuvent participer à d’autres appels d’offres. On ne peut pas, me semble-t-il, revenir en arrière dans ce domaine.

M. Jean-François Mbaye. Ma question porte sur la trajectoire de l’aide publique au développement. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à porter à 0,55 % d’ici à la fin du quinquennat la part du PIB consacrée à l’aide publique au développement. C’est un engagement qu’il a réitéré à plusieurs reprises, notamment le 18 septembre dernier, dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies.

Cependant, le projet de budget triennal nous laisse à penser qu’il faudra, d’ici à 2022, explorer des pistes d’amélioration pour atteindre cet objectif. En effet, le montant total de l’aide française devrait atteindre plus de 9 milliards d’euros en 2017, ce qui signifie que 6 milliards supplémentaires seront nécessaires d’ici à 2022. Or, selon la proposition de budget triennal, la mission « APD » augmenterait d’environ 500 millions d’euros sur trois ans. Un effort démesuré de près de 4 milliards d’euros devra donc être fourni les deux dernières années. Pour soulager l’effort budgétaire, d’autres instruments financiers peuvent être utilisés, notamment la hausse du taux de la Taxe sur les transactions financières (TTF), incluant les transactions intraday, et l’affectation de 100 % de son produit à l’aide publique au développement, ce qui permettrait de dégager 3 à 5 milliards d’euros, contre 1,5 milliard aujourd’hui.

Quelle trajectoire le Gouvernement envisage-t-il de définir pour respecter les engagements pris par le Président de la République et quels instruments mobilisera-t-il à cette fin ?

Mme Mireille Clapot. Unitaid, organisation internationale créée en 2006 à l’initiative de la France et du Brésil, finance des programmes qui visent à faciliter la prévention, le diagnostic et l’accès aux traitements contre les trois grandes pandémies que sont le VIH-sida, la tuberculose et le paludisme. Ce faisant, elle corrige les imperfections du marché. Ses activités visent trois objectifs principaux : faire baisser les prix des produits et des médicaments, accélérer le développement de médicaments plus adaptés et améliorer la qualité et la disponibilité des produits de santé.

Depuis sa création, l’organisation a été à l’origine de nombreuses avancées significatives. Elle a ainsi révolutionné la prévention et la prise en charge des enfants atteints de tuberculose grâce à des tests de dépistage et à des traitements adaptés. En 2015, plus de 97 000 nouveaux cas de tuberculose ont été détectés grâce aux tests de diagnostics qu’elle distribue et elle a permis de réduire de 60 % le prix des traitements antirétroviraux pour enfants et adultes prescrits contre le VIH-sida. J’ajoute qu’Unitaid concentre ses actions sur les pays à faibles revenus, en particulier dans la zone francophone.

La France est le premier contributeur financier mondial à cette organisation, au financement de laquelle elle a participé, depuis 2006, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Or, depuis 2015, cette contribution ne cesse de diminuer : elle était de 110 millions en 2013, de 95 millions en 2016 et 2017 et, selon le document annexé au PLF, elle ne sera plus que de 90 millions en 2018. Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment la France compte tenir l’engagement du Président de la République de faire de la santé une priorité de son mandat et inverser cette tendance à la baisse ?

Mme Delphine O. Le 2 juillet dernier, le Président de la République a annoncé le lancement de l’Alliance pour le Sahel. Cette initiative, que je salue, est innovante en ce qu’elle réunit pour la première fois différents bailleurs – France, Allemagne, Union européenne, Banque africaine du développement, Banque mondiale et PNUD – et vise à renforcer la coordination de l’aide au développement dans cette région avec le double objectif de stabiliser la région et d’éliminer la pauvreté. Ce plan est structuré en cinq secteurs clés : employabilité des jeunes, développement rural, climat, gouvernance, appui à un retour aux services fondamentaux.

Pourriez-vous détailler les actions concrètes menées dans ce cadre et, plus précisément, dans deux domaines qui me tiennent à cœur : la santé maternelle et infantile et l’éducation des filles ? Par ailleurs, la France a permis d’allouer, via l’AFD, 200 millions d’euros à l’Alliance pour le Sahel sur les cinq prochaines années, dont 39 millions en 2017. Pourriez-vous nous indiquer par quel biais ces 39 millions vont être déboursés dans le contexte des coupes budgétaires intervenues cet été ?

Mme Isabelle Rauch. Monsieur le ministre, le 20 septembre dernier, à l’occasion de l’événement de haut niveau sur l’éducation organisé en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en présence de son Secrétaire général, de plusieurs chefs d’État et de responsables de l’éducation, la France et le Sénégal ont annoncé, par la voix de leurs présidents respectifs, la coprésidence de la conférence de financement du partenariat mondial pour l’éducation en février 2018 à Dakar.

Depuis 2002, le partenariat mondial pour l’éducation a investi de façon substantielle dans l’éducation, aidant ainsi 72 millions d’enfants supplémentaires à aller à l’école primaire. Ce sera la première fois qu’un pays donateur et un pays en développement parraineront ensemble une conférence de financement du partenariat mondial pour l’éducation, symbolisant ainsi l’esprit de ce partenariat.

L’événement de Dakar rassemblera les bailleurs et les pays en développement partenaires, le secteur privé, les fondations philanthropiques, la société civile et les organisations internationales, qui annonceront leur engagement de soutenir l’éducation dans les pays en développement. Cette conférence de financement cherche à mobiliser 3,1 milliards de dollars pour la période 2018-2020, afin de soutenir l’éducation de 870 millions d’enfants dans 89 pays en développement dans lesquels vivent 78 % des enfants non scolarisés dans le monde.

La France est l’un des bailleurs de ce partenariat depuis 2005. Pourriez-vous nous indiquer quel sera le montant de sa contribution dans le cadre exceptionnel de sa coprésidence en 2018 et si celui-ci augmentera par rapport à la dernière loi de finances ? Plus largement, quel sera le rôle de la France dans ce projet ?

M. Jacques Maire. Ma question porte sur le pilotage de la politique du développement par le ministère des affaires étrangères. Celui-ci a en effet quelque peu sacrifié ces équipes chargées du développement au fur et à mesure que les contraintes budgétaires se sont faites plus pesantes. Cela s’est traduit par deux évolutions. Tout d’abord, la coordination géographique de ces équipes a été supprimée au niveau central. Ainsi leur compétence est-elle uniquement thématique, la coordination géographique étant noyée dans les équipes politiques. Pourtant, si nous voulons que l’APD atteigne 15 milliards, nous ne pouvons pas nous passer d’une coordination géographique ni d’une tutelle approfondie des opérateurs, notamment de l’AFD, qui a sa propre dynamique, excellente mais très institutionnelle.

Ensuite, au plan local, une réforme intervenue il y a deux ans a supprimé les réseaux de coopération en tant que tels et les a placés sous la tutelle de la direction de la culture. On n’a donc plus de conseillers de coopération ou en charge des équipes de développement, mais des conseillers culturels. Le fait qu’un responsable de service de coopération au Burkina, au Niger ou au Mali, soit en charge sur le papier de l’enjeu culturel, alors que la France est l’un des principaux bailleurs et coordinateurs de l’aide, marque un recul important.

L’orientation est excellente et le niveau d’ambition remarquable : nous sommes tous derrière vous, monsieur le ministre. Mais comment peut-on revenir à un véritable pilotage et reconstruire la cohérence géographique au plan central et au plan local ?

M. Hugues Renson. Le Président de la République a rappelé, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, les priorités de la France en matière de développement : la lutte contre les pandémies, l’éducation et la place des femmes. Les financements innovants sont l’une des composantes de l’aide au développement ; je pense à la Taxe de solidarité sur les billets d’avion, dite « taxe Chirac », et à la Taxe sur les transactions financières, dont le produit était affecté, jusqu’en 2017, au FSD. Depuis cette année, il transite également par l’AFD. Ce dispositif devrait être reconduit suite à l’adoption d’un amendement de M. Berville au PLF pour 2018, amendement qui vise à allouer directement à l’AFD 25 % de la TTF dans la limite de 270 millions d’euros.

Êtes-vous, monsieur le ministre, en mesure de nous indiquer l’impact que cette affectation aura sur les fonds dont le FSD dispose pour financer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la  tuberculose et le paludisme, Unitaid, le Partenariat mondial pour l’éducation ou le Fonds vert pour le climat ? La France pourra-t-elle maintenir ses engagements envers ces différents fonds ?

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Je souhaiterais évoquer trois sujets dont on parle assez peu.

Tout d’abord, notre aide est, pour l’essentiel, déliée, c’est-à-dire qu’elle n’aboutit pas à des marchés réservés aux entreprises françaises. On peut le comprendre ; du reste, ce n’est pas contre-productif dans certains cas. Mais cela peut relever d’une certaine naïveté. Ainsi, l’aide au BTP en Afrique aboutit à des marchés tenus par les Chinois. Soyons-y attentifs.

Ensuite, je vous remercie, monsieur le ministre, pour l’initiative que vous avez prise concernant Rakka, car les actions de cette nature n’ont pas été très nombreuses ces derniers temps.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Elle n’est pas connue : je vous en informe.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Mais qu’en est-il de l’aide alimentaire ? L’Europe est à la tête d’un stock de protéines gigantesque. Ne pourrait-on pas prendre des initiatives dans ce domaine ? Certes, la politique agricole est une politique européenne, mais cela permettrait d’être immédiatement efficace, en particulier dans certaines zones.

Enfin, le Président de la République a déclaré récemment sur TF1 que si nous n’avions pas une action en Afrique et un vrai partenariat de développement, alors nous continuerions à avoir des migrations massives sans savoir y répondre de manière coordonnée. Il reprend donc la problématique d’une coordination de la politique de développement et de la politique migratoire. Peut-être faut-il en effet convaincre un certain nombre de pays qu’il vaut mieux construire un hôpital chez eux que d’inciter les populations à migrer.

Mme Amal-Amélia Lakrafi. L’aide publique au développement est parfois vue comme un outil de domination politique des pays donateurs. Elle est parfois également accusée, à tort ou à raison, d’exercer, pour le compte de ces derniers, une influence stratégique sur l’économie des pays en développement. Pourtant, l’aide au développement multilatérale présente l’avantage d’œuvrer dans un cadre relativement strict et transparent qui limite les abus, plus difficiles à éviter dans les relations d’aide au développement bilatérale. Quelle stratégie de communication pourrait-on élaborer pour corriger l’image de l’APD et quels outils de contrôle d’évaluation peut-on utiliser sur le terrain ?

Par ailleurs, lors du dernier conseil d’administration de l’AFD, dont mon collègue Hervé Berville et moi-même sommes membres, nous sommes convenus de compenser la baisse qui a frappé les dons aux ONG lors de deux comités exceptionnels qui doivent se tenir en décembre et en janvier prochain ; nous ne manquerons pas de vous en tenir informé.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je rappelle que c’est le ministère qui doit donner des instructions en ce sens.

Mme Sonia Krimi. La France a mis un point d’honneur à insérer la question du genre et de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses politiques de développement. En effet, en 2014, la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale a fait de l’égalité femmes-hommes un axe prioritaire et transversal de ses actions dans les pays en développement. Par ailleurs, depuis 2013, le ministère des affaires étrangères et de l’Europe a mis en œuvre une stratégie « Genre et développement ».

Cependant, dans un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de cette stratégie entre 2013 et 2017, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes souligne les nombreux efforts qu’il reste à fournir pour promouvoir les droits des femmes au sein des instances multilatérales et bilatérales de développement. Selon le HCE, les organismes d’aide publique au développement devraient progresser dans l’exercice de redevabilité en matière de financement et dans l’amélioration du dispositif d’auto-évaluation interne afin d’atteindre l’objectif de prise en compte du genre dans la moitié des projets et programmes.

Monsieur le ministre, puisque la stratégie « Genre et développement » arrive à son terme et que le comité interministériel de coopération internationale et de développement doit se réunir en 2018, je souhaiterais savoir, d’une part, quels sont les crédits que vous allez affecter, dans les années à venir, à la promotion de l’égalité femmes-hommes dans les politiques publiques de développement et, d’autre part, la place qui, dans ce programme, est réservée au numérique, lequel est un axe d’amélioration de la condition des femmes, comme le montre ce qui vient de se passer en Arabie Saoudite.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vais m’efforcer de vous répondre le plus brièvement et le plus précisément possible.

Monsieur Berville, il est vrai que le montant du FED lui-même est élevé et que notre participation à ce fonds est également importante puisque, grâce à l’intervention supplémentaire prévue pour 2018, notre contribution représentera 17 % de son financement. Cela nous offre un levier d’action, car nous tenons notre place dans les organismes de gestion et le fait d’être un important contributeur nous permet à la fois de définir des cibles – territoriales et, pour répondre à Mme Krimi, thématiques – et de provoquer un effet d’entraînement qui permet de décupler notre aide au développement.

Monsieur Mbaye, le triennal tel qu’il est là n’est pas compatible avec les orientations que le Président de la République a récemment définies pour l’aide publique au développement : on ne peut pas avoir à la fois un triennal qui renforce des interventions budgétaires faibles et un objectif aussi élevé. J’ai tendance à penser que c’est le Président de la République qui a raison. Quant à la trajectoire, nous travaillons actuellement à sa mise en œuvre et nous utilisons, pour ce faire, tous les leviers à notre disposition. J’ai indiqué à Mme Autain qu’ils consistaient dans des ressources extrabudgétaires mais aussi dans des ressources budgétaires, qui permettent de faciliter la mise en œuvre d’aides au projet, notamment le don. En ce qui concerne l’affectation de 100 % du produit de la TTF, j’entends votre demande, mais la réponse sera apportée lors de la mise en œuvre de la trajectoire.

Madame O, vous avez parfaitement décrit le dispositif de l’Alliance pour le Sahel. En ce qui concerne son financement, un montant de 35 millions d’euros est d’ores et déjà prévu pour 2017, et nous avons annoncé un financement de 200 millions d’euros sur cinq ans ; ces engagements seront tenus dès 2017. Dans les années qui viennent, ces financements seront mobilisés dans le cadre du fonds dit de vulnérabilité que j’ai évoqué tout à l’heure. Les questions de l’éducation des filles et de la santé infantile seront prises en compte. Au-delà des cinq thèmes de mobilisation, les projets ne sont pas encore identifiés. Il nous importe surtout que la gouvernance et le pilotage soient partagés par les pays bénéficiaires et qu’ils soient réactifs afin que les retours sur investissement soient rapides, ce qui n’est pas toujours le cas des politiques de développement. Ce dispositif a un caractère expérimental.

Monsieur Maire, en ce qui concerne le pilotage local, je ne suis pas très inquiet : dès lors que la volonté politique est affirmée par le ministre, la mise en œuvre est assurée par les ambassadeurs. En ce qui concerne le niveau central, en revanche, je partage vos préoccupations. Puisque vous connaissez la maison, vos observations sont pertinentes, et nous nous efforcerons d’en tenir compte le plus possible.

Monsieur Renson, je crois l’avoir dit il y a un instant, la TSBA et la TTF sont des outils intéressants, qui rapportent. S’agissant de l’amendement que vous avez évoqué, je respecte profondément la décision du Parlement. Cet amendement doit donc être appliqué, mais l’affectation à l’AFD ne concerne que le bilatéral, le multilatéral restant dans le dispositif du FSD existant.

Monsieur Le Fur, l’aide alimentaire doit être considérée comme une priorité, mais la lisibilité est importante. J’ai cité Raqqa, mais je pourrais donner également l’exemple de Mossoul et de la reconstruction immédiate de l’Irak. Si nous n’offrons pas une aide humanitaire rapide qui fournisse aux populations déplacées, lesquelles sont censées revenir dans les villes détruites, les moyens de subsistance élémentaires, ces populations se tourneront à nouveau vers Daech ou ses résurgences. Cette aide répond donc à une nécessité à la fois humaine et politique.

Quant à la naïveté dont on pourrait faire preuve à propos de contrats liés aux financements de l’AFD, je partage votre vigilance. Il s’agit, non pas de faire du protectionnisme en matière de développement, mais d’éviter que certains ne se servent de notre aide à leur profit. J’ai pu moi-même constater que des dérives existaient, mais elles sont moins nombreuses qu’auparavant.

Enfin, en ce qui concerne l’immigration, l’ensemble constitué par l’Alliance pour le Sahel, la force conjointe et la politique de migration menée dans la zone, est un bon exemple. C’est un laboratoire : si nous réussissons collectivement cette opération, elle sera une référence. Il s’agit, d’une part, de faire en sorte que les armées des cinq pays du Sahel concernés se prennent en charge, avec notamment le soutien logistique de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), afin que ces pays assurent eux-mêmes leur sécurité – c’est le thème du Conseil de sécurité qui doit se tenir lundi matin à New York avec les ministres concernés – et, d’autre part, d’offrir une aide significative dans les domaines évoqués tout à l’heure par Mme O pour mener des actions très concrètes qui permettent de fixer les populations. Ce dispositif est complété par une politique de contrôle des migrations – qui reconnaît le fait réfugiés mais aussi la nécessité du retour pour ceux qui ne relèvent pas de cette catégorie – menée en collaboration avec les pays avec lesquels nous travaillons sur les aspects militaire et de développement.

C’est un ensemble assez complexe, qui nécessite argent et confiance. Nous œuvrons de manière collective afin que ce soit une référence pour l’avenir. Ce type d’expérience a été tenté, à une échelle beaucoup plus modeste, autour du lac Tchad. Là, il s’agit d’une initiative de grande ampleur dont les concepts sont approuvés par les États-Unis et nombre de nos interlocuteurs européens. Il faut maintenant appliquer ce dispositif de la manière la plus efficace et la plus rapide possible. C’est un gros travail, je ne vous le cache pas, mais c’est une approche nouvelle du développement dans les zones insécurisées.

Madame Lakrafi, il ne me semble pas que l’aide publique au développement véhicule une image de colonisation a posteriori ; ce n’est pas ce que j’ai perçu en tout cas. J’ai pu constater en revanche, à l’occasion d’un déplacement à Dakar, à quel point l’aide que nous apportions à la diaspora sénégalaise pour créer des emplois au Sénégal était efficace. De fait, dans un contexte bilatéral, cette aide à des projets concernant des communes ou des villages dont sont originaires des personnes résidant en France a permis des retours, mais aussi des créations d’emplois sur un territoire. L’action de notre pays y est bien perçue. C’est d’ailleurs le cas un peu partout : on retrouve souvent cette volonté de partenariat que la France partage.

À la fin du mois de novembre, le Président de la République prononcera un discours important sur l’Afrique, ce qui sera l’occasion de clarifier ces objectifs.

Madame Krimi, la prise en compte du genre dans nos actions de développement est une nécessité. S’il n’en était pas ainsi, nous irions à l’encontre de nos objectifs. Cela est singulièrement vrai dans le domaine de l’éducation des filles ; c’est notamment une priorité dans le cadre de l’Alliance pour le Sahel, dont nous aurons bientôt une déclinaison précise des objectifs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Marielle de Sarnez a évoqué l’inquiétude manifestée par certaines ONG. À l’occasion de la dernière réunion du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) que j’ai animée, nous sommes convenus avec elles de faire régulièrement le point sur l’aide provenant de la société civile, dont le montant reste assez faible. Certes, en 2012, il représentait 1,80 % de l’aide totale, et il était de près de 4 % en 2016, mais il reste du chemin à parcourir.

S’agissant de l’aide liée et déliée évoquée par Marc Le Fur et Hervé Berville, je rappelle que les résultats d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2014-2016 de l’AFD montrent que la France a répondu à 80 % des appels d’offres lancés lors des ouvertures de marchés.

Que devient par la suite cette offre française ? La part de marché française au sein de ces appels d’offres internationaux s’établit à 46 %, et le taux de réussite après le dépôt de ces offres financées par l’AFD est de 55 % en volume et de 76 % en nombre de marchés. Ces chiffres montrent qu’il existe encore des marges de progression.

La TTF, évoquée notamment par M. Mbaye, et qui a été instaurée par Nicolas Sarkozy est désormais est bien installée. Fixé à l’origine à 0,1 %, son taux est passé sous le quinquennat précédent à 0,2 % puis 0,3 %. Son produit, qui s’élève aujourd’hui à 947 millions d’euros par an, en fait un outil puissant.

En revanche, la taxe intraday ne sera pas mise en œuvre – la Cour des comptes a d’ailleurs relevé quelques problèmes techniques. En outre, nous souhaitons conserver l’attractivité de la Place de Paris.

En ce qui concerne les financements innovants, chers au cœur d’Hugues Renson depuis des années, je confirme la légère baisse de la contribution à Unitaid dont s’est inquiétée Mireille Clapot – 90 millions d’euros au lieu de 95 millions d’euros l’an passé. Cette diminution doit toutefois être appréciée en prenant en compte l’augmentation 25  millions d’euros de notre contribution au Fonds mondial, qui a lui aussi vocation à lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Ainsi notre contribution dans le domaine de la santé est-elle en augmentation puisque notre apport au Fonds mondial passera en 2018 de 360 millions d’euros à 385 millions d’euros. Nous n’en espérons pas moins revenir en 2020 à une contribution de 95 millions d’euros à Unitaid. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à New York, il serait bon que chaque pays déjà engagé dans le dispositif essaie de persuader de nouveaux pays d’entrer dans ce type de schémas innovants ou d’instaurer chez eux la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Je m’attache désormais à le faire dans le cadre de nos relations diplomatiques, C’est ainsi que nous parviendrons à augmenter les sommes consacrées à ce chantier. En tout état de cause, la France reste le premier contributeur d’Unitaid.

Toujours au titre des financements innovants, une réflexion est engagée sur un projet nommé Unitlife. Il s’agit, à partir des transactions effectuées par carte bancaire, de donner la possibilité aux titulaires des cartes d’arrondir volontairement le montant de leurs achats. Les petits ruisseaux font les grandes rivières ! Philippe Douste-Blazy travaille sur le sujet.

Je confirme à Mme Isabelle Rauch que les Présidents de la France et du Sénégal coprésideront la Conférence de financement du partenariat mondial pour l’éducation (GPE), qui se tiendra à Dakar au mois de février prochain. Ainsi que vous l’avez rappelé, les besoins pour les trois ans à venir sont estimés à 3 milliards d’euros. Pour l’exercice 2015-2017, la France a consacré 17 millions par an au GPE. Cette contribution devra au moins être doublée dès l’année prochaine, cette préoccupation mobilise intensément le ministère dans les arbitrages à venir.

M. Christian Hutin a évoqué la participation des collectivités locales à l’aide au développement. Lors de la dernière réunion de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), j’ai pu constater à quel point il devenait de plus en plus difficile de défendre cette cause. Nous faisons souvent face à des assemblées régionales ou départementales dont le regard des membres a évolué, ce qui explique le fléchissement de la contribution des collectivités locales mentionnées par M. Hubert Julien-Laferriere. Nous avons là un travail de pédagogie à conduire, tant il est évident que les destins des pays moins avancés et des pays développés sont intriqués.

Madame Krimi, un certain nombre d’initiatives comme « She Decides » sont prises par les pays nordiques ; la France leur apporte son soutien. Le Président de la République ayant déclaré ce sujet cause nationale du quinquennat, des actions seront annoncées à l’échéance du 8 mars prochain, y compris au niveau diplomatique.

M. le président Éric Woerth. Merci, messieurs les ministres, pour la précision de vos réponses aux nombreuses questions qui vous ont été posées.

 

La réunion de la commission élargie s’achève à seize heures quarante-cinq.

Annexes

COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le vendredi 10 novembre 2017, de M. le Premier ministre, une lettre l’informant qu’il avait décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017 (n° 371).

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le vendredi 10 novembre 2017, de M. le Premier ministre, une lettre l’informant qu’il avait décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (n° 378).

DÉPÔT D’UN PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances rectificative, modifié par le Sénat, pour 2017.

 Ce projet de loi de finances rectificative, n° 371, est renvoyé à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, en application de l’article 83 du règlement.

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l’enceinte de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.

 Ce projet de loi, n° 373, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l’article 83 du règlement.

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Gouvernement de l’Etat d’Israël, d’autre part.

 Ce projet de loi, n° 374, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l’article 83 du règlement.

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, l’Union européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement.

Ce projet de loi, n° 375, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l’article 83 du règlement.

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

 Ce projet de loi, n° 378, est renvoyé à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, en application de l’article 83 du règlement.

DÉPÔT D’UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, de M. Marc Le Fur, une proposition de résolution invitant le Gouvernement à prendre en compte la situation des « Américains accidentels » vis-à-vis de « l’Internal Revenue Service » (IRS) et de « Foreign Account Tax Compliance Act » (FATCA) et à dégager des pistes de réflexion afin de répondre à leurs attentes, déposée en application de l’article 136 du règlement.

 Cette proposition de résolution a été déposée sous le n° 377.

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, de M. Joël Giraud, un rapport, n° 372, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

M. le président de l’Assemblée nationale a reçu, le 10 novembre 2017, de M. Joël Giraud, un rapport, n° 376, fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de finances rectificative, modifié par le Sénat, pour 2017 (n° 371).

Textes soumis en application de l’article 88-4
de la Constitution

Par lettre du vendredi 10 novembre 2017, M. le Premier ministre a transmis, en application de l’article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l’Assemblée nationale, les textes suivants :

13838/17.  Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs. Nomination de Mme Madeleine Öhberg, membre titulaire pour la Suède, en remplacement de Mme Sara Andegiorgis, démissionnaire.

COM(2017) 638 final.  Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du Comité mixte de l’EEE concernant une modification du règlement intérieur du Comité mixte de l’EEE.

COM(2017) 639 final.  Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l’Union européenne, au sein du Comité mixte de l’EEE en ce qui concerne une modification de l’annexe XXI (Statistiques) de l’accord EEE.

COM(2017) 640 final.  Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne, au sein du Comité mixte de l’EEE, en ce qui concerne une modification de l’annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l’accord EEE.

COM(2017) 641 final.  Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du comité mixte vétérinaire institué par l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles, au sujet de la décision n° 1/2017 concernant la modification de l’appendice 6 de l’annexe 11 de l’accord.

COM(2017) 644 final.  Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du Comité des ambassadeurs ACP-UE concernant la mise en œuvre de l’article 68 de l’accord de partenariat ACP-UE.

COM(2017) 645 final.  Proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2018, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux de l’Union et, pour les navires de pêche de l’Union, dans certaines eaux n’appartenant pas à l’Union.

Textes transmis en application du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de la proportionnalité annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Par lettre du vendredi 10 novembre 2017, la Commission européenne a transmis, en application du protocole (n° 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à Monsieur le président de l’Assemblée nationale, le texte suivant :

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers et la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) [COM(2017) 537 final]

 

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