53e séance

 

PLF pour 2018

 

Projet de loi de finances pour 2018

Texte du projet de loi - n° 235

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2018 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS

I. – CrÉdits des missions

Article 29

Il est ouvert aux ministres, pour 2018, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 444 755 408 314 € et de 440 964 254 983 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.

ÉTAT B

(Article 29 du projet de loi)

RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME,
DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL

Budget général

 

 

(en euros)

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

Culture

3 107 064 025

2 942 061 396

Patrimoines

927 223 023

897 324 490

Création

848 516 591

778 894 399

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 331 324 411

1 265 842 507

dont titre 2

710 523 328

710 523 328

Amendement n° 1876 présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

0

0

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

500 000

TOTAUX

0

500 000

SOLDE

-500 000

Amendement n° 1214 présenté par Mme Le Pen, M. Aliot, M. Bilde, M. Chenu, M. Collard, M. Evrard et M. Pajot.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

0

0

Création

0

66 000 000

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

66 000 000

0

TOTAUX

66 000 000

66 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 1224 présenté par Mme Rabault, Mme Biémouret, M. Vallaud, Mme Pires Beaune, M. Alain David, M. Potier, Mme Karamanli, M. Saulignac, M. Hutin, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Laurence Dumont et M. Juanico.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

0

0

Création

0

8 998 429

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

8 998 429

0

TOTAUX

8 998 429

8 998 429

SOLDE

0

Amendement n° 1225 présenté par Mme Rabault, Mme Biémouret, M. Vallaud, Mme Pires Beaune, M. Alain David, M. Potier, Mme Karamanli, M. Saulignac, M. Hutin, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Laurence Dumont et M. Juanico.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

0

0

Création

8 998 429

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

8 998 429

TOTAUX

8 998 429

8 998 429

SOLDE

0

Amendement n° 1202 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

5 000 000

0

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

5 000 000

TOTAUX

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 1218 présenté par Mme Mette, Mme Essayan, M. Garcia et Mme Maud Petit.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

2 000 000

0

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

2 000 000

TOTAUX

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 1223 présenté par Mme Rabault, Mme Biémouret, M. Vallaud, Mme Pires Beaune, M. Alain David, M. Potier, Mme Karamanli, M. Saulignac, M. Hutin, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Laurence Dumont et M. Juanico.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

1 558 273

0

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

1 558 273

TOTAUX

1 558 273

1 558 273

SOLDE

0

Amendement n° 1217 présenté par Mme Mette, Mme Essayan, M. Garcia et Mme Maud Petit.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

800 000

0

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

800 000

TOTAUX

800 000

800 000

SOLDE

0

Amendement n° 1153 présenté par M. Bournazel, Mme Auconie, M. Becht, Mme Firmin Le Bodo, M. Gomès, M. Meyer Habib et M. Morel-À-L’Huissier.

Modifier ainsi les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

0

0

Création

604 000

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

604 000

TOTAUX

604 000

604 000

SOLDE

0

Amendement n° 1185 présenté par M. Acquaviva, M. Castellani et M. Colombani.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Patrimoines

400 000

0

Création

0

0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0

400 000

TOTAUX

400 000

400 000

SOLDE

0

Après l’article 52

Amendement n° 1194 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 52, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur la mise en place du Pass culture.

Ce rapport évalue notamment les coûts que vont représenter la mise en place du Pass culture, le calendrier des dépenses et les sources de financement envisagées.

Amendement n° 1195 présenté par M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 52, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur le coût de l’optimisation fiscale réalisé à travers le mécénat et le coût que représenterait la même action culturelle réalisée par l’État.

Amendement n° 1196 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 52, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur le développement des ressources propres dans les institutions culturelles, développement induit par les politiques d’austérité.

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2018 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS

I. – CrÉdits des missions

Article 29

Il est ouvert aux ministres, pour 2018, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 444 755 408 314 € et de 440 964 254 983 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.

ÉTAT B

(Article 29 du projet de loi)

RÉPARTITION, PAR MISSION ET PROGRAMME,
DES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL

Budget général

 

 

(en euros)

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

Médias, livre et industries culturelles

546 662 363

555 418 015

Presse et médias

284 903 714

284 903 714

Livre et industries culturelles

261 758 649

270 514 301

 

Amendement n° 1186 présenté par Mme Ménard.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

50 000 000

Livre et industries culturelles

0

0

TOTAUX

0

50 000 000

SOLDE

-50 000 000

Amendement n° 1191 présenté par Mme Ménard.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

1 000 000

Livre et industries culturelles

0

0

TOTAUX

0

1 000 000

SOLDE

-1 000 000

Amendement n° 1877 présenté par le Gouvernement.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

0

Livre et industries culturelles

500 000

0

TOTAUX

500 000

0

SOLDE

500 000

Amendement n° 1190 présenté par Mme Ménard.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

119 430 676

Livre et industries culturelles

119 430 676

0

TOTAUX

119 430 676

119 430 676

SOLDE

0

Amendement n° 1189 présenté par Mme Ménard.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

60 000 000

Livre et industries culturelles

60 000 000

0

TOTAUX

60 000 000

60 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 1143 présenté par M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

25 081 660

Livre et industries culturelles

21 900 000

0

Soutien aux médias de proximité (ligne nouvelle) (ligne nouvelle)

3 181 660

0

TOTAUX

25 081 660

25 081 660

SOLDE

0

Amendement n° 1203 présenté par Mme Biémouret, M. Juanico, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Batho, Mme Battistel, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Dussopt, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Le Foll, M. Letchimy, Mme Pires Beaune, M. Potier, M. Pueyo, M. Pupponi, Mme Rabault, M. Saulignac, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe et M. Vallaud.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

8 500 000

0

Livre et industries culturelles

0

8 500 000

TOTAUX

8 500 000

8 500 000

SOLDE

0

Amendement n° 1150 présenté par Mme Duby-Muller, Mme Le Grip, M. Saddier, Mme Bazin-Malgras, M. Diard, Mme Anthoine, M. Abad, M. Dive, M. Gosselin, Mme Valentin, Mme Louwagie, M. Vialay, Mme Genevard, M. Schellenberger, M. Brun, M. Forissier, M. Bazin et Mme Trastour-Isnart.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

1 000 000

Livre et industries culturelles

1 000 000

0

TOTAUX

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

Amendement n° 1255 présenté par Mme Bergé, M. Attal, Mme Charvier, Mme Liso, Mme Cazarian, M. Freschi, M. Henriet, M. Sorre, Mme Brugnera, Mme Rixain, Mme Gomez-Bassac et M. Bois.

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Presse et médias

0

500 000

Livre et industries culturelles

500 000

0

TOTAUX

500 000

500 000

SOLDE

0

Après l’article 57

Amendement n° 1139 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 57, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur l’adéquation entre les moyens alloués par l’État au secteur du livre, notamment au financement de la Bibliothèque nationale de France, et les objectifs du Gouvernement en matière de politique culturelle.

 

Avances à l’audiovisuel public

 

COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS

 

 

(en euros)

Mission/Programme

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

Avances à l’audiovisuel public

3 894 620 069

3 894 620 069

France Télévisions

2 567 907 594

2 567 907 594

ARTE France

285 372 563

285 372 563

Radio France

608 791 670

608 791 670

France Médias Monde

263 162 750

263 162 750

Institut national de l’audiovisuel

90 411 142

90 411 142

TV5 Monde

78 974 350

78 974 350

Après l’article 63

Amendement n° 1144 présenté par M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 63, insérer l’article suivant :

I.  La part du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communication électroniques affectée au compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public » est augmentée de 36 474 454 €.

II.  Le I est applicable à compter du 1er janvier 2019.

III.  La perte de recettes pour le budget général est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Amendement n° 1187 présenté par Mme Biémouret, M. Juanico, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Batho, Mme Battistel, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Dussopt, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Le Foll, M. Letchimy, Mme Pires Beaune, M. Potier, M. Pueyo, M. Pupponi, Mme Rabault, M. Saulignac, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe et M. Vallaud.

Après l’article 63, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’évaluation sur la contribution à l’audiovisuel public.

Ce rapport dresse le bilan de cette contribution et élabore des pistes de réforme de l’assiette de cette contribution. 

Amendement n° 1140 présenté par Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 63, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur les effets de la suppression de la taxe d’habitation sur la perception, le paiement et la répartition de la redevance télévision sur le territoire français.

Amendement n° 1141 présenté par M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud’homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine.

Après l’article 63, insérer l’article suivant :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d’information sur la précarité du personnel de France Télévision, du fait notamment des politiques induites par le Contrat d’objectifs et de moyens 20162020.

 

 

projet de loi de finances pour 2018

 

Compte rendu de la commission élargie du mardi 7 novembre 2017

(Application de l’article 120 du règlement)

Culture

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq sous la présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, et de M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le président Éric Woerth. Je souhaite la bienvenue à Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Nous examinons ce matin les crédits de la mission « Culture », en compagnie de nos trois rapporteurs, M. Pierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances pour le programme « Patrimoines », et Mme Brigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles pour la mission « Culture ».

M. le président Bruno Studer. Nous sommes réunis ce matin pour examiner les crédits de la mission « Culture » inscrits au PLF pour 2018.

Je me réjouis que les dotations de cette mission soient préservées en 2018, puisque les crédits progresseront de 42 millions d’euros, pour atteindre 2,942 milliards d’euros. Cette préservation de l’effort public en faveur de la culture est à souligner, alors que le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 s’inscrit dans une trajectoire de redressement volontariste des finances publiques.

Je tiens tout particulièrement à saluer l’effort important effectué en matière d’éducation artistique et culturelle, puisque les crédits qui lui sont consacrés, désormais regroupés au sein d’une même action du programme 224, augmenteront de 35 millions d’euros en 2018, hors transferts de crédits, soit une hausse de 45 % par rapport à 2017.

Concernant justement l’éducation aux arts, si importante pour nos enfants et tout particulièrement pour les plus éloignés des institutions et des pratiques culturelles, j’aimerais évoquer rapidement le programme Demos, remarquable projet d’éducation musicale à vocation sociale porté par la Philharmonie de Paris. Le budget 2018 prévoit bien les crédits nécessaires – 1,5 million d’euros – pour mener à bien la phase 3 du programme, qui permettra la création de 30 orchestres Demos sur tout le territoire, et principalement dans des zones sensibles ; mais qu’en sera-t-il pour la suite ?

Aujourd’hui, de très nombreuses collectivités souhaitent créer de nouveaux orchestres Demos – une cinquantaine pourraient voir le jour d’ici 2022 –, mais le ministère de la culture n’a toujours pas fait connaître ses intentions pour l’avenir. 600 000 euros seraient nécessaires pour amorcer le développement d’une quatrième phase du programme : madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer que le soutien de l’État à ce dispositif de grande qualité, particulièrement bénéfique pour les enfants qui peuvent en bénéficier, sera prolongé ?

La commission des affaires culturelles et de l’éducation a nommé cette année Mme Brigitte Kuster, comme rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Culture ». Elle a choisi de centrer son rapport sur le projet de Cité du Théâtre qui devrait s’implanter au sein des ateliers Berthier, dans le nord-ouest parisien, au cœur d’une zone urbaine en pleine transformation. Je la remercie pour le travail approfondi qu’elle a réalisé en peu de temps et pour la qualité de son rapport, qui présente de façon très complète la nature et les enjeux de ce grand projet artistique et culturel.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Je suis émue et honorée d’être ici devant vous pour vous présenter le budget de la culture pour 2018, un budget qui n’est pas seulement préservé – conformément à l’engagement de campagne du Président de la République – mais qui est conforté par rapport à 2017.

L’effort de l’État en faveur de la culture s’élève au total à près de 10 milliards d’euros. Dans un contexte budgétaire contraint, c’est un signal fort. C’est la marque du caractère prioritaire donné à la politique culturelle : elle est l’une des pierres angulaires du projet du Gouvernement. Un projet qui vise à engager les transformations devenues incontournables – de l’éducation à la santé, en passant par la politique de l’emploi ou du logement – pour redonner à la France confiance en elle-même et lui permettre de se projeter sereinement dans l’avenir ; un projet qui doit redonner confiance à ceux qui en manquent, rattraper toutes celles et ceux qui se sentent aujourd’hui sur le bord de la route ; un projet en somme qui vise l’émancipation pour chacun.

Dans ce projet, la culture occupe une place fondamentale, car tous les Français n’y ont pas le même accès aujourd’hui. Il n’y a pas d’« exclus de la culture » : chacun porte en soi une forme de culture, une langue, des coutumes, un socle de références, mais il y a des exclus des politiques culturelles, des citoyens qui ne bénéficient pas du soutien que nous apportons à la création ou au patrimoine, parce qu’ils n’ont pas la possibilité matérielle de fréquenter ces lieux, ou pensent que ce n’est « pas pour eux ». Ces citoyens qui n’ont pas la possibilité d’accéder à autre chose que ce qu’ils connaissent déjà, de pratiquer eux-mêmes un art, d’apprendre une langue, de mieux connaitre leur histoire sont souvent les mêmes qui souffrent d’une situation ou d’un sentiment d’exclusion sur le plan géographique, économique ou social.

C’est à cette France-là, à cette France des exclus, que notre projet s’adressera en priorité. Nous irons au-devant de tous les citoyens, en commençant par ceux qui ne sont pas touchés par les politiques culturelles aujourd’hui. Nous développerons les services publics culturels là où ils sont, là où ils vivent.

Nous nous appuierons pour cela, bien sûr, sur nos opérateurs, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur, et nous serons aux côtés de tous ceux se mobilisent, sur le terrain, pour toucher ces citoyens. Je pense en particulier à l’action extraordinaire des nombreuses associations qui œuvrent dans le domaine culturel en France. Je me suis ainsi rendue hier, dans le cadre de la semaine des associations, à Bagneux, au « Plus Petit Cirque du monde », qui fait un travail extraordinaire que nous devons soutenir, de même que nous soutiendrons, grâce à de nouveaux moyens budgétaires, l’engagement de toutes ces associations de terrain. Nous encouragerons aussi les lieux subventionnés à ouvrir leurs portes plus largement encore, notamment pendant les vacances scolaires. En somme, nous allons déployer une politique culturelle de proximité.

Le budget pour 2018 en est la traduction directe. Je me concentrerai ce matin sur les moyens de la mission « Culture », avant d’aborder, cet après-midi, la mission « Médias, livre et industries culturelles » et l’audiovisuel public.

Les crédits de la mission « Culture » sont en hausse de 42 millions d’euros et s’établissent à plus de 2,9 milliards d’euros.

Le budget marque directement notre volonté de rééquilibrage en direction des territoires : les crédits déconcentrés auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmentent de près 43 millions d’euros, portant la part des crédits déconcentrés à un niveau jamais atteint, puisqu’ils représentent 860 millions d’euros, soit une augmentation de 6 %. J’ai par ailleurs demandé à mes services d’examiner les missions et les crédits aujourd’hui gérés à Paris qui devraient ou pourraient être déconcentrés. Vous représentez tous les territoires de la République, et je tiens à vous redire qu’un nouveau cadre de contractualisation sera proposé aux collectivités territoriales, sans lesquelles nous ne pourrons réussir cette politique de proximité. J’ai eu à ce sujet des échanges avec les associations d’élus pour promouvoir un type de contrat souple, favorisant l’accompagnement des projets à partir des territoires.

Pour aller au-devant de cette France des exclus que j’évoquais, nous nous appuierons sur quatre piliers : sur l’école d’abord, service public universel qui permet de toucher sans distinction, et dès le plus jeune âge, à travers la pratique artistique, la lecture mais aussi l’éducation à l’image ; sur les bibliothèques, premier réseau culturel de proximité, et service public gratuit ; sur le patrimoine, ressource culturelle équitablement répartie sur tout le territoire et qui suscite indéniablement l’intérêt de nos concitoyens ; enfin, sur les artistes et les créateurs, sans qui il ne saurait y avoir de vie culturelle et qui sont les plus à même d’atteindre au cœur tous les publics.

En ce qui concerne l’école, pour que la politique culturelle concerne tous les futurs citoyens plus tard, il faut préparer les esprits dès le plus jeune âge, au moment où se forment les barrières psychologiques. C’est une ambition que je porte en coopération étroite avec Jean-Michel Blanquer, la culture sera au cœur du nouveau modèle d’école que ce gouvernement est en train de bâtir. Je ne cesserai de le redire : la culture n’est pas un supplément d’âme, elle est constitutive du développement de l’enfant, lui permet d’acquérir confiance et autonomie.

Nous avons défini deux priorités, la lecture et la pratique artistique, avec une ambition claire à l’horizon 2022 : chaque enfant de la République, de la maternelle au lycée, aura chaque semaine accès à une pratique artistique. Cette ambition se traduit dans le budget pour 2018 par l’octroi de 35 millions d’euros supplémentaires au soutien d’actions d’éducation artistique et culturelle, ce qui porte l’enveloppe à 114 millions d’euros.

Nous allons également renforcer le pilotage ministériel de cette politique. Les crédits étaient jusque-là dispersés entre différents programmes. Nous avons souhaité les rassembler au sein d’un seul et même programme et les renforcer.

Sur ce budget, et aux côtés des moyens mobilisés par le ministère de l’éducation nationale, 3 millions d’euros seront consacrés au développement des chorales à l’école, avec un objectif clair : passer d’un établissement sur quatre doté d’une chorale aujourd’hui à un établissement sur deux à la rentrée de septembre 2018, pour atteindre un taux de 100 % des établissements dès l’année suivante. Les chorales sont en effet un moyen rapide et concret de généraliser l’accès à la pratique musicale.

Je souhaite aussi qu’une « Fête de la musique à l’école » voie le jour – la première édition aura lieu le 21 juin 2018 –, pour présenter aux familles les projets artistiques préparés tout au long de l’année.

Enfin, nous allons développer dès l’année prochaine les jumelages entre établissements scolaires et acteurs culturels locaux – structures labellisées ou structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires ou les lieux patrimoniaux –, l’objectif étant que, d’ici 2022, la totalité des écoles soient associées à un lieu culturel afin de favoriser les sorties et les activités culturelles.

Je précise bien évidemment que si notre politique d’éducation artistique et culturelle portera largement sur les actions conduites à travers l’école, nous soutiendrons aussi tout ce qui est entrepris hors temps scolaire.

Enfin, dans le prolongement de cet effort massif en direction des jeunes, nous commencerons en 2018 à mettre en place un passeport culturel, le Pass Culture, destiné à accompagner la sortie de l’école et l’entrée dans l’âge adulte et la citoyenneté par la culture. Les contours précis de l’outil et de l’offre auquel il pourra donner accès seront précisés dans les prochains mois. Nous avançons en mode « startup » pour l’élaborer, c’est-à-dire que nous allons co-construire ce Pass Culture avec les futurs usagers, à savoir les jeunes, et les différentes parties prenantes, partenaires et collectivités. La concertation et l’élaboration de l’outil seront lancées d’ici la fin de l’année et une première offre sera prête pour la rentrée de septembre 2018. 5 millions d’euros sont prévus dans le budget 2018 pour mener ces étapes et concevoir l’outil.

Pour aller aux devants des publics, nous investirons par ailleurs dans les bibliothèques. On en compte plus de seize mille, réparties sur tout le territoire – autant que de points de contact de La Poste –, et 90 % de nos concitoyens en ont une à moins de vingt minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.

J’ai donc confié à Erik Orsenna une mission, dont je devrais recevoir les conclusions en fin d’année, et dont l’objectif est d’aider les bibliothèques à « ouvrir plus », objectif auquel l’État apportera son concours financier. Nous avons engagé, Gérard Collomb et moi, une mission conjointe de nos inspections pour quantifier les moyens à mobiliser.

Mais tout ne se résume pas à des moyens financiers. L’objectif est aussi d’aider les bibliothèques à « ouvrir mieux », pour devenir ce que j’appelle des « maisons de services publics culturels », c’est-à-dire des lieux qui proposent – comme elles sont déjà nombreuses à le faire – davantage que le seul prêt de livres : des services d’aide aux devoirs, des cours de français ou de langue étrangère, ou encore des ateliers d’aide à la rédaction d’un curriculum vitae (CV) ou à la recherche d’emploi sur internet.

Nous allons accompagner ce mouvement dès l’année prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir autour de la table élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales, afin d’accompagner les projets d’ouverture. J’ai fixé un objectif : à la fin de l’année 2018, je souhaite que nous ayons réussi à accompagner la transformation de deux cents bibliothèques, soit deux par département.

Pour que chaque citoyen soit acteur de la vie culturelle, nous investirons aussi dans le patrimoine. C’est la richesse culturelle la plus équitablement répartie sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de deux mille habitants, et les Français y sont fondamentalement attachés. J’en veux pour preuve le succès renouvelé des « Journées du Patrimoine » ou de la « Nuit des Musées », succès qui traverse tous les âges, toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les zones géographiques.

Nous allons faire de la culture un vecteur d’animation des territoires tout au long de l’année, ainsi qu’un moteur de la revitalisation des zones en déshérence. Combattre l’exclusion en France, c’est redonner vie aux centres–villes où les commerces et où les volets ferment. La culture peut y contribuer.

Nous renforçons donc le budget destiné à l’entretien et à la restauration du patrimoine, qui sera porté à 326 millions d’euros, soit une hausse de 5 %. Quinze millions d’euros seront consacrés à la création d’un fonds pour la rénovation des monuments historiques situés dans les petites communes, l’essentiel des financements étant fléchés vers des communes de moins de deux mille habitants. Dans le prolongement du rapport du sénateur Yves Dauge, nous augmentons également les crédits en faveur de la revitalisation des centres anciens et des sites patrimoniaux remarquables, qui sont portés à 9 millions d’euros.

Le Président de la République a par ailleurs confié à Stéphane Bern la mission de recenser le patrimoine culturel en péril et de proposer, en lien étroit avec mes services, des moyens innovants pour en financer les rénovations les plus urgentes.

J’aurai l’occasion de présenter ma stratégie pluriannuelle pour le patrimoine plus en détail le 17 novembre.

J’en arrive enfin au pilier fondamental de notre politique culturelle de proximité : les artistes et les créateurs du spectacle vivant et des arts visuels. Ils sont à la racine de tout : de la vie culturelle, et de l’émancipation qu’elle procure à nos concitoyens. Nous confortons le soutien que nous leur apportons, qui sera porté au niveau historique de 780 millions d’euros, ce qui inclut notamment une hausse des crédits dédiés aux structures labellisées.

Nous affichons des choix clairs : les moyens nouveaux qui ont été dégagés, à hauteur de 6 millions d’euros, seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : des résidences en zone rurale ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; des projets hors-les-murs ; des itinérances artistiques dans des départements faiblement pourvus en manifestations et lieux culturels.

Soutenir la création, c’est aussi investir dans de nouveaux lieux de diffusion. À cet égard, la Cité du Théâtre aux Ateliers Berthier, qui doit réunir l’Odéon, la Comédie française et le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) est un bel exemple de projet coopératif, ouvert sur la cité et à fort rayonnement.

Soutenir la création, c’est l’aider à gagner en visibilité. Je souhaite que nous lancions en 2018, sur le modèle des Journées du Patrimoine, des Journées de la Création, avec des portes-ouvertes et des ateliers destinés aux citoyens, dans tous les lieux de création artistique, publics comme privés. Les fonds régionaux d’art contemporain organisent déjà un weekend « portes-ouvertes » depuis l’an dernier : nous pouvons élargir ce mouvement.

Soutenir les créateurs, c’est par ailleurs veiller à leurs conditions de vie et de travail. Je voudrais dire un mot ici des artistes-auteurs et de la manière dont s’appliquera pour eux la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) : je tiens à les rassurer, le principe de la compensation de cette hausse est acquis – je vous le confirme. Nous mobiliserons les crédits nécessaires. Un mot également des artistes et techniciens intermittents du spectacle : je tiens à réaffirmer que nous serons extrêmement attentifs à l’accord de 2016.

Soutenir la création, c’est encore aider les filières à se structurer. C’est le sens de la mission que j’ai confiée à Roch-Olivier Maistre sur l’opportunité de créer une « maison commune de la musique ». Le rapport me sera remis prochainement et je le rendrai public. Je travaille par ailleurs sur la question de la concentration de la filière musicale.

Soutenir la création, c’est enfin la défendre et l’accompagner au plan international. J’aurai prochainement l’occasion de revenir sur notre action européenne. Pour le reste, je compte mobiliser davantage l’Institut français, et la contribution du ministère de la culture au budget du Bureau Export de la musique française va progresser de près de 60 % en 2018.

Et, parce qu’il n’y a d’ouverture qu’à double sens, nous allons par ailleurs accompagner celles et ceux qui viennent, depuis l’étranger, nourrir la culture en France. Je pense aux professionnels et aux artistes et, plus largement, aux migrants qui arrivent aujourd’hui dans notre pays : je souhaite que nous renforcions le soutien aux actions culturelles entreprises en leur direction – qu’il s’agisse de cours de langue, d’activités ou d’ateliers artistiques.

La participation à la vie culturelle est un droit fondamental pour tout être humain. Ce droit fondamental est aujourd’hui un droit théorique pour beaucoup de Français, que ce soit pour des raisons géographiques, économiques, sociales, ou tout simplement psychologiques. Nous voulons en faire un droit réel pour chacun des citoyens de ce pays, et pour toutes celles et ceux que nous accueillons : c’est l’ambition de ce budget.

M. Pierre Person, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. J’ai l’honneur de présenter devant vous le rapport des programmes « Création » et  « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Le programme 131 « Création » a été bâti avec l’objectif de conforter l’indépendance artistique, l’aide aux structures labellisées et le soutien à la diversité et au renouvellement de l’offre culturelle à toutes les étapes de la vie d’une œuvre. Le projet de loi de finances pour 2018 sauvegarde l’amélioration du budget de 2017 en présentant un budget stable.

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » porte les politiques transversales d’éducation artistique et culturelle, d’enseignement supérieur et d’action culturelle internationale. Les crédits de ce programme enregistrent une forte hausse, de 33 millions d’euros.

Ainsi, le budget de la culture en France restera en 2018 le deuxième budget de la culture en Europe. Depuis cinquante ans, les politiques culturelles ont développé l’offre et les équipements de manière remarquable, partout sur le territoire français. Toutefois le constat est flagrant, les inégalités d’accès à la culture sont persistantes.

Selon la dernière étude de 2008, les pratiques culturelles en France demeurent intimement liées au niveau de diplôme et à la position sociale. Dans notre pays comme ailleurs en Europe, les milieux sociaux les plus favorisés sont ceux qui ont les pratiques culturelles les plus intenses. Depuis, les années 1970, de fortes inégalités sociales et territoriales d’accès à la culture demeurent, et ce malgré les profonds changements liés au numérique ou à la massification scolaire.

Les chiffres sont saisissants : près d’un quart des Français n’a pas fréquenté d’équipement culturel dans l’année écoulée. De plus, la majorité d’entre eux déclarent n’avoir que très peu d’intérêt pour la culture en général : ils lisent peu de livres, n’écoutent de la musique que rarement, n’ont jamais utilisé internet pour les trois-quarts d’entre eux et leur loisirs restent largement centrés sur la télévision.

Les barrières persistent donc pour les plus défavorisés. Elles sont à bien des égards polymorphes. Principalement salariales, elles peuvent aussi être géographiques, conséquences de l’éloignement dans les zones rurales ou encore liées à la nature de l’éducation reçue.

Le budget qui vous est présenté est érigé sur ce constat, qui porte une ambition politique : la volonté de démocratiser l’accès à la culture. Pour ce faire, nous devons agir en priorité sur le socle qu’est l’école. L’accès à la culture se joue dès l’enfance. C’est pour cette raison, que le ministère s’est fixé pour objectif que 100 % des enfants aient accès à l’éducation artistique et culturelle, en favorisant les trois dimensions que sont la pratique artistique, la fréquentation des œuvres et la rencontre avec les artistes, l’acquisition enfin des connaissances dans le domaine des arts et de la culture.

L’éducation artistique et culturelle sera renforcée à destination de la jeunesse, et en particulier en direction des plus démunis, qui vivent dans des territoires où l’offre culturelle est faible. Dans cette perspective, nous développerons les outils tel que l’orchestre à l’école, la pratique de la chorale ou bien la rentrée en musique.

Dans le domaine de la lecture, les études montrent que les inégalités entre élèves se sont accrues : si le la pratique de la lecture a globalement baissé, l’écart entre les classes populaires et les populations plus diplômées s’est creusé, une majorité d’individus issus des classes populaires ayant perdu tout contact avec les livres. Afin de lutter contre l’accroissement de ces inégalités, de nouveaux moyens seront déployés pour financer le développement de la lecture : 13,4 millions d’euros y seront consacrés, soit une augmentation de 8,4 millions par rapport à 2017.

La mise en œuvre de ces politiques sera pilotée conjointement par le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture. Au niveau local, nous favoriserons le développement des conventions entre les établissements scolaires et les établissements culturels locaux afin de renforcer leurs liens. En 2018, nous poursuivons l’effort engagé à destination des conservatoires municipaux, afin de les inscrire au cœur de ses politiques prioritaires. Près de 14 millions d’euros, dont 3 millions d’euros de mesures nouvelles, ont été dégagés afin d’élargir les actions des conservatoires.

La France, enfin, a massivement développé une offre nationale autour de grands opérateurs. La démocratisation ne pourra se faire sans eux, mais leur implication est trop souvent disparate. Ainsi peut-on regretter le faible nombre d’opérateurs qui ont signé un contrat pluriannuel d’objectifs. Il nous faudra donc repenser la gestion de ces établissements publics, en valorisant ceux qui, d’une part, ont engagé des politiques de rationalisation et de mutualisation de leurs fonctions, et qui, d’autre part, ont su se démocratiser grâce à la mise en place d’un modèle économique équilibré, fondé notamment sur le développement des ressources propres.

Madame la ministre, j’aimerais vous entendre sur Demos, ce dispositif d’éducation musical innovant, fondé sur la pédagogie collective et qui s’adresse à de jeunes enfants sans pratique musicale antérieure, vivant dans les zones ciblées prioritairement par le ministère. Pourriez-vous nous dire précisément comment vous concevez le développement de cet outil de démocratisation de la culture ?

Nous travaillons dès cette année à la mise en œuvre du passeport culture pour lequel 5 millions d’euros sont engagés dans le budget. Ce dispositif s’inscrit dans une démarche globale, initiée dès l’école. Pouvez-vous nous détailler la stratégie de sa mise en œuvre et la manière dont vous compter éviter les écueils auxquels s’est heurtée l’expérience italienne ?

Enfin, quels sont, selon vous, les leviers qui doivent permettre que les grands opérateurs nationaux du programme 224, qui absorbent plus de 40 % des crédits, participent plus et mieux à l’action engagée par le Gouvernement en faveur de la démocratisation de la culture ?

Cela étant, j’approuve sans réserve le budget alloué aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si les crédits de la mission « Culture » augmentent globalement, ce n’est malheureusement pas le cas du programme « Patrimoines », dont, depuis plusieurs années, la valorisation culturelle n’est plus jugée prioritaire. Envisagez-vous qu’il en soit désormais autrement ?

La question se pose d’autant plus que, au-delà des prévisions de crédits, c’est leur exécution qui importe. Or on constate que c’est toujours sur le programme « Patrimoines » et notamment sur l’entretien et la préservation des monuments historiques que s’effectuent les coupes budgétaires en cours d’année. Ainsi, en 2016, sur 315 millions d’euros initialement affectés à l’entretien des monuments historiques seuls 269 millions ont été mis à disposition.  D’où ma seconde question : où en sommes-nous de l’exécution budgétaire des crédits 2017, et comptez-vous l’an prochain, si des mesures de régulation s’imposaient, préserver malgré tout le programme 175, qui, contrairement aux autres programmes, n’augmente pas ?

Vous prévoyez la création d’un fonds de 15 millions d’euros pour aider les collectivités territoriales à faible potentiel financier à entretenir leurs monuments historiques. Cependant, ce fonds n’est doté que d’autorisations d’engagement, aucun crédit de paiement n’étant prévu. Ce qui veut dire que, en pratique, vous ne pourrez rien dépenser en 2018. J’aimerais comprendre pourquoi, d’autant que ce fonds est particulièrement bienvenu pour soutenir l’effort de réduction de la fracture territoriale.

Je pense en effet que l’entretien et la valorisation du patrimoine monumental, notamment dans les petites et moyennes communes ou les centres anciens, sont à ce titre essentielles, comme l’a remarquablement démontré dans son rapport Yves Dauge, que vous avez cité. Reste que les crédits disponibles sont dérisoires, se limitant aux 15 millions du fonds de rénovation, sans crédits de paiement, auxquels s’ajoutent 9 millions d’euros destinés à la revalorisation des centres anciens et des sites patrimoniaux remarquables. De surcroît, ces crédits sont fortement concentrés sur la région parisienne, et il est urgent de mieux les répartir sur l’ensemble du territoire. C’est une priorité que je soutiendrai, bien qu’étant élu en Île-de-France.

Par ailleurs, des programmes d’investissement importants sont en cours, notamment pour les châteaux de Versailles et de Fontainebleau, ainsi que pour le quadrilatère Richelieu. De même, le précédent gouvernement avait approuvé le schéma directeur de rénovation du Grand-Palais, dont le coût – colossal – a été estimé à 466 millions d’euros, ce qui risque de grever durablement les prochains budgets du programme 175. Le plan de financement prévoit que sera mobilisée une dotation de 200 millions d’euros prélevée sur le PIA 3, mais nous n’avons sur cette dotation que des informations contradictoires. Comme il est relativement urgent d’entamer ces travaux, pouvez-vous nous confirmer que ces 200 millions existent et nous donner des précisions sur le plan de financement finalement retenu ?

Dans le programme 175 « Patrimoines », il y a d’autres projets nouveaux que celui du Grand-Palais, je pense en particulier au schéma directeur du Centre Georges-Pompidou qui va coûter 170 millions d’euros. Quand on additionne les sommes, cela ne cadre pas du tout, ou alors il faudrait n’affecter aucun crédit à la province ! Comment vous allez-vous gérer les priorités au cours des prochaines années, entre le Grand-Palais et le Centre Georges-Pompidou ?

Ce programme comporte par ailleurs des dépenses fiscales affectées. D’autres dépenses fiscales très importantes entrent dans le cadre de la loi de 2003 sur le mécénat d’entreprise ou découlent des dons venant en déduction de l’impôt sur le revenu. Après un combat qui dure depuis plusieurs années, nous n’arrivons toujours pas à obtenir de Bercy la ventilation de ces sommes effectivement affectées à la culture. Êtes-vous décidée à soutenir ce combat qui porte sur des centaines de millions d’euros ? Comment avoir une vision claire du budget quand on ne sait pas quelle est l’affectation de ces dépenses fiscales correspondant au mécénat d’entreprises ou de particuliers ?

Avec les opérateurs de programme, nous nous retrouvons face à une véritable mosaïque de statuts. Un opérateur tel que le Centre des monuments nationaux (CMN), par exemple, peut avoir six statuts différents. Êtes-vous prête à simplifier le dispositif ?

Cette année, dans l’indifférence générale, est sorti un décret qui rend obligatoire de pourvoir toutes les vacances d’emploi par des fonctionnaires, notamment de catégorie C. Cette obligation conduit à des emplois non pourvus. Reprenons l’exemple du CMN, qui gère une centaine de monuments. Dans certains d’entre eux, il n’y a que trois ou quatre employés. Comment faire si l’on est obligé de recruter exclusivement des fonctionnaires ?

Mme Brigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. D’entrée, il faut noter pour s’en réjouir que, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, les crédits de la mission « Culture » sont préservés à hauteur de 2,9 milliards d’euros.

Il convient néanmoins de nuancer cet enthousiasme. Madame la ministre, si votre budget soutient la comparaison avec celui de votre prédécesseure, il demeure en deçà des crédits exécutés en 2010 ! Le projet de loi de finances vient, en réalité, consacrer une tendance à l’œuvre depuis cinq ans : la baisse du soutien de l’État à la culture. Cette tendance se singularise par la diminution de 36 millions d’euros de la dotation à l’audiovisuel public dans la mission « Médias ». Nombreux sont ceux qui s’interrogent, et moi avec eux : la création sera-t-elle la grande perdante de cette affaire ? L’État doit clarifier sa position face à l’inquiétude des nombreux acteurs concernés.

Vous avez présenté les grandes lignes et orientations de votre budget, et nous vous en remercions. Permettez-moi de m’arrêter sur certains points saillants qui méritent des précisions de votre part.

Ma première question est relative au patrimoine et aux travaux très lourds qui doivent être menés au Grand-Palais. Où en est le montage du financement de l’opération ? Quel sera le calendrier des travaux ?

S’agissant de la sécurité des salles de spectacle, le fonds d’urgence créé après l’attentat du Bataclan touche à sa fin et ne permet pas de financer les investissements indispensables : sas, caméras, portiques. Les opérateurs souhaitent accéder au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui a le double avantage d’être pérenne et de couvrir des dépenses d’investissement. Où en êtes-vous de vos discussions avec le ministère de l’intérieur sur ce point ?

S’agissant de l’extension au secteur du théâtre du crédit d’impôt dédié au spectacle vivant musical et de variétés, le ministère est conscient que rien ne justifie une différence de traitement entre public et privé, mais tarde à étendre le dispositif. Peut-on espérer voir ce dossier aboutir en 2018 ? Je présenterai un amendement en ce sens.

En ce qui concerne la création du Pass Culture, les contours du premier projet demeurent flous. Ils sont flous sur le principe : s’agira-t-il d’un chèque de 500 euros ? Les produits et offres culturels seront-ils fléchés ? Ils sont flous également sur les modalités de financement : les « GAFA » – Google, Apple, Facebook, Amazon – seront-ils, par exemple, mis à contribution ?

Des précisions s’imposent aussi concernant les horaires d’ouverture des bibliothèques. Comment exiger des collectivités locales un effort supplémentaire au moment où l’État baisse leurs dotations ?

Puisqu’il est question d’éducation, je voudrais vous alerter sur la situation des écoles d’art. L’alignement du statut des enseignants des trente-cinq écoles régionales sur celui des enseignants des dix écoles nationales est absolument indispensable, non seulement pour les intéressés, mais aussi pour la validité des diplômes délivrés et l’inscription des établissements dans le système licence-master-doctorat (LMD). Dans quel état d’esprit allez-vous débuter la négociation que vous avez annoncée ?

Deux sujets sur lesquels je souhaitais vous interroger ont déjà été évoqués. Je me réjouis de votre annonce sur la compensation de l’augmentation de la CSG pour les auteurs affiliés à l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des artistes (AGESSA) ou à la Maison des artistes. Je m’associe aux propos du président Studer qui vous a interrogé sur le budget des orchestres Démos, un sujet primordial lié à l’apprentissage de l’art à l’école.

J’en viens maintenant à ce qui occupe une part importante de mon rapport pour avis : la future Cité du Théâtre qui s’installera, d’ici à 2022, en lieu et place des ateliers de décors de l’Opéra national de Paris, boulevard Berthier dans le 17e arrondissement. Ce projet – ou plutôt, devrais-je dire, ces deux projets car la Cité du Théâtre n’est rendue possible que par l’achèvement programmé des travaux de l’Opéra Bastille – a été initié à la toute fin du quinquennat précédent. Il consiste dans le regroupement de trois institutions majeures qui sont intimement liées les unes aux autres : le Théâtre national de l’Odéon, la Comédie française et le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD). La force de ce projet est de donner à chaque établissement ce dont il a besoin, tout en créant une nouvelle institution susceptible d’assurer le rayonnement du théâtre en France et à l’international.

Il s’est présenté une opportunité à nulle autre pareille bénéficiant, comme rappelé dans mon rapport, d’un alignement favorable des planètes. Le projet fait désormais consensus, ce dont je ne peux que me réjouir. En effet, le PLF pour 2018 marque un premier engagement financier de l’État avec l’inscription de 7 millions d’euros en crédits de paiement et de 27 millions d’euros en autorisations d’engagement. L’État ne compte pas financer seul les 145 millions d’euros de l’opération, dont 86 millions pour la Cité du Théâtre et 59 millions pour le déménagement de l’opéra vers la Bastille. Il entend solliciter des financements « originaux », selon votre propre expression, madame la ministre. Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par là et nous dire où en est la constitution du tour de table financier ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le président Studer, monsieur le rapporteur Person, vous m’avez interrogée sur le maintien des crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle, et plus particulièrement à Démos qui s’inscrit pleinement dans notre priorité visant à renforcer l’égalité d’accès à l’art et à la culture.

Lancé en 2009, le projet Démos est centré sur la pratique collective de la musique classique et il est destiné à des enfants de milieux populaires, âgés de sept à douze ans, résidant dans des territoires prioritaires de la politique de la ville, en outre-mer ou en milieu rural. Les enfants pratiquent au moins quatre heures par semaine avec un artiste professionnel au cours d’un cycle de trois années.

Ce programme complète d’autres actions formidables, comme « Orchestre à l’école », dispositif soutenu par le ministère de la culture et le ministère de l’Éducation nationale. Le ministère de la culture apporte aussi un soutien renouvelé aux conservatoires, dans le cadre d’une politique renforcée en matière d’accès des plus jeunes à une pratique instrumentale collective.

Quelque trente orchestres et 3 000 enfants sont concernés par « Orchestre à l’école » et Démos. Nous observons avec attention et bienveillance le développement de Démos, qui porte des fruits extraordinaires et pour lequel une enveloppe d’un million d’euros a été inscrite au PLF pour 2018. Au cours des années à venir, nous allons continuer à soutenir ce dispositif et d’autres opérations, plus modestes mais qui font parfois preuve d’une forme de souplesse impressionnante. Pour avoir assisté à nombre de présentations de ce travail, je peux vous dire que les résultats sont assez étonnants.

Monsieur Person, je ne peux que partager votre analyse sur les inégalités d’accès à la culture. Nous avons en permanence ce constat présent à l’esprit lorsque nous définissons notre manière de travailler. C’est ce qui nous incite à mettre autant l’accent sur l’école où démarrent les inégalités, comme le soulignent les rapports internationaux. Tout comme moi, Jean-Michel Blanquer en fait une priorité, et nos services collaborent très étroitement pour créer des aménagements communs qui permettront d’avancer de façon très volontariste sur le sujet.

Il existe aussi toutes sortes de manifestations qui visent à réduire les inégalités grâce au livre. Formidable vecteur d’émancipation et de confiance, le livre permet aussi d’appréhender et de comprendre l’autre. Dans le cadre de cette politique essentielle, nous accompagnons les associations extraordinaires qui existent, notamment « Lire et faire lire » ou celles qui font intervenir des conteurs. La lecture se développe et rassemble de plus en plus de monde. Elle est un facteur de lien social et elle suscite des prises de conscience. Je me souviens d’une visite à Pantin, cet été, dans le cadre d’une opération baptisée « Partir en livre ». Quand je me suis approchée des enfants, ils étaient tellement pris par leur lecture qu’ils n’ont même pas levé la tête, alors qu’ils n’avaient pas, a priori, un profil de lecteurs. C’est quelque chose de magique qu’il faut accompagner.

En 2017, plus de 5 millions d’euros sont consacrés aux actions d’éducation artistique et culturelle en faveur du livre et de la lecture. En 2018, 1,4 million d’euros supplémentaires seront alloués à ces actions, ce qui représente une progression importante. Citons l’action « Premières pages » et le projet « Des livres à soi », sans oublier les contrats « territoire-lecture » dont les moyens sont accrus de 800 000 euros et qui sont regroupés dans le programme 224. Au total, 13,4 millions d’euros, après transferts, sont dédiés à l’éducation artistique et culturelle en faveur du livre et de la lecture.

Madame Kuster, monsieur Person, vous m’avez interrogée sur le Pass Culture. Dans ma présentation, j’ai utilisé le terme de passeport pour marquer l’aboutissement d’un parcours d’éducation artistique et culturelle dont les jeunes auront bénéficié dès leur plus jeune âge jusqu’à leur majorité et leur entrée dans la vie citoyenne. Il est très symbolique que ce passeport soit culturel.

Ce Pass Culture tend à rendre le jeune autonome et pilote de son choix. Il aura accès à une sorte de plateforme dont les algorithmes lui ouvriront un champ d’offres éditorialisé. Nous sommes en train de créer à cette fin une méthode d’élaboration contributive et participative. Dès décembre 2017, un groupe sera constitué avec des jeunes, les établissements culturels du ministère et des acteurs culturels – publics, privés, innovateurs – afin d’y réfléchir. Il faudra collaborer avec un écosystème permettant l’appropriation du Pass Culture par les jeunes, à la manière dont ils pratiquent avec leurs réseaux sociaux habituels, tout en prévoyant un accès aux zones moins couvertes par le réseau.

Nous étudions aussi l’articulation avec d’autres politiques nationales ou territoriales d’accès à la culture. Pour élaborer l’outil et lancer une première expérimentation à l’automne prochain, nous avons prévu une première dotation de 5 millions d’euros en 2018. Nous apporterons cette contribution financière tout au long du quinquennat.

Venons-en au patrimoine. Après les efforts consentis en 2017, qui se sont traduits par 897 millions d’euros en autorisations d’engagement, j’ai souhaité conforter l’action de l’État en faveur des patrimoines. Ceux-ci représentent un véritable facteur de cohésion sociale et ils reflètent un véritable dynamisme économique des territoires. Nous avons encore pu le constater à la faveur des Journées du patrimoine, qui ont rassemblé 12 millions de visiteurs dans quelque 25 000 lieux. Ce sont des chiffres absolument stupéfiants.

À périmètre constant, c’est-à-dire en tenant compte des dépenses désormais prises en charge par le programme 224, qui inclut l’éducation artistique et culturelle, les moyens du programme « Patrimoine » augmentent de 3,6 millions d’euros en crédits de paiement, c’est-à-dire de 0,4 %. Les moyens dédiés aux monuments historiques sont ainsi consolidés en 2018 : 326 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 20 %, pour les crédits de restauration et d’entretien, auxquels s’ajoutent 36 millions d’euros en autorisations d’engagement pour les grands projets. La progression de 5 % des autorisations d’engagement hors grands projets permettra d’amplifier l’effort de l’État sur tout le territoire, grâce à la mise en place d’un fonds incitatif et partenarial de 15 millions d’euros en autorisations d’engagement, réservé aux collectivités à faibles revenus, et pour lequel nous affecterons les crédits de paiement en fonction de l’avancement des travaux, ce qui est tout à fait logique en cette première année de lancement de ce fonds.

Le projet de la Réunion des musées nationaux Grand-Palais (RMN-GP) est considérable. Le schéma directeur de rénovation et d’aménagement du Grand-Palais vise à faire émerger un équipement culturel, scientifique et événementiel de rayonnement international, assis sur un modèle économique solide. L’aménagement actuel ne permet pas d’exploiter le potentiel de ce lieu, qui requiert aussi une restauration en profondeur. Les premiers travaux urgents – de préservation – sont déjà en cours. Le schéma directeur global entrera en phase opérationnelle en 2020. Il est prévu que l’achèvement des travaux coïncide avec les jeux olympiques et paralympiques qui seront organisés à Paris en 2024. Le Grand-Palais doit, en effet, accueillir des compétitions importantes.

À ce propos, je souligne que j’ai tenu à ce que les musées nationaux jouent un rôle actif de proposition pour une programmation ambitieuse et partagée d’expositions lors de la réouverture du Grand-Palais. Nous voulons en faire le grand lieu d’exposition de la capitale. Nous avons réuni tous les musées nationaux qui doivent coopérer au projet et avons noté leur volonté de travailler ensemble.

Qu’en est-il de la sécurisation du financement de l’opération ? Des discussions interministérielles se poursuivent sur les modalités précises de l’apport de la dotation exceptionnelle de l’État, ce qui ne remet pas en cause l’opération, dont l’intérêt est partagé au sein des pouvoirs publics. Je vous confirme que nous envisageons de boucler le plan de financement en utilisant le solde des crédits du troisième volet du programme d’investissements d’avenir (PIA3). Le financement se répartit de la manière suivante : 116 millions d’euros du ministère de la culture ; 150 millions d’euros empruntés par la RMN-GP, 200 millions de dotation exceptionnelle de l’État.

Depuis la loi du 1er août 2003, le ministère soutient le développement du mécénat, qui permet d’apporter des moyens supplémentaires à l’action publique et associative et qui favorise le partage d’expertise entre les sphères privée et publique. Nous encourageons ce développement du mécénat collectif en faveur des projets culturels, que ce soit pour l’acquisition de biens culturels ou pour la production de spectacles. Nous encourageons aussi le développement du mécénat populaire, participatif, qui prend de plus en plus sa place dans la société en procédant par appel générosité publique. Ce type de mécénat fonctionne, notamment quand il s’agit de sauvegarde du patrimoine et quand il mobilise ses partenaires du monde économique et juridique – les chambres de commerce et d’industrie (CCI), les notaires, les avocats, les experts-comptables.

Le ministère favorise la création de pôles régionaux du mécénat, c’est-à-dire de guichets permanents où les porteurs de projets et des mécènes peuvent partager des informations sur la législation et les bonnes pratiques codifiées dans la charte du mécénat culturel et l’observatoire du développement local du ministère. En fait, le ministère serait favorable à un relèvement du plafond des dons, celui-ci passant de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires, pour donner plus de marge au mécénat des petites et moyennes entreprises (PME) et même des très petites entreprises (TPE) qui constituent, avec la philanthropie individuelle, le principal vivier de développement du mécénat culturel.

Nous sommes tous conscients de la concentration des crédits et nous veillerons à un rééquilibrage tout en menant à bien de grands projets.

Madame Kuster, vous avez accordé une large place à la future Cité du Théâtre du boulevard Berthier. Comme dans le cas du Grand-Palais, nous insistons sur la coopération entre les acteurs. Avec le Grand-Palais, il s’agit de créer un lieu dont la France a besoin pour organiser de très grandes expositions qui attirent les foules, et qui profite à tous les publics. Pour la future Cité du Théâtre, nous avons réuni tous les opérateurs et nous leur avons demandé de travailler ensemble. Il s’agit d’optimiser financièrement ce projet et d’en renforcer le rayonnement national. Les opérateurs doivent élaborer une sorte de cahier des charges de ce qu’ils peuvent proposer aux Français.

Le coût est estimé à 86 millions d’euros pour la Cité du Théâtre et à 59 millions d’euros pour le site de la Bastille. Le montant total des deux opérations s’élève donc à 145 millions d’euros. Des discussions vont être engagées avec les collectivités territoriales et avec des mécènes, afin de les associer au financement de ces projets imbriqués.

Le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) étant obligé de déménager, l’Opéra va se recentrer à la Bastille et occuper des lieux délaissés. Cette réorganisation cohérente provoque des discussions sur le partage de salles de répétition, sur la manière de travailler en commun dans un lieu qui n’est pas complètement central et qui permet de développer Paris vers sa périphérie.

La sécurité des établissements est, en effet, un sujet ô combien préoccupant pour nos concitoyens, qu’il nous faut aborder avec solennité et sérieux. Nous serons en mesure d’affecter de nouveaux crédits sur le fonds d’urgence pour les établissements et les festivals. Avec Gérard Collomb, nous travaillons pour maintenir ces crédits – essentiels pour les opérateurs de l’État – du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

S’agissant des bibliothèques, leurs horaires d’ouverture sont trop limités et n’ont rien à voir avec ceux qui sont pratiqués dans les pays voisins. Une mission a été confiée à Erik Orsenna, qui est en train d’effectuer son tour de France, et les inspections générales sont chargées d’estimer les besoins financiers d’accompagnement. Les conclusions des deux missions seront rendues en décembre. Nous organiserons une restitution publique puis, en mars 2018, un grand débat sur le sujet. Une proposition sera faite dans le projet de loi de finances pour 2009.

M. Raphaël Gérard. Madame la ministre, au nom du groupe La République en Marche, je tenais à vous dire que nous sommes satisfaits du budget que vous nous présentez. Nous sommes satisfaits de voir que des moyens sont consolidés et que des choix clairs se dessinent, conformément aux engagements du président de la République.

Les 42 millions d’euros supplémentaires pour les programmes 175, 131 et 224 font mieux que sanctuariser les crédits du ministère : ils viennent conforter une politique de la culture pour tous sur tous nos territoires.

Parmi les choix forts affirmés dans ce budget, celui d’un accès de tous à la culture mérite d’être particulièrement souligné : 200 millions d’euros sont consacrés à cette politique, dont 35 millions d’euros de mesures nouvelles. Un axe majeur de ce quinquennat se met ainsi en place.

S’agissant de mesures concrètes, vous commencez à travailler avec le ministre de l’éducation nationale pour définir conjointement un parcours culturel pour chaque enfant ; il débutera dès l’école maternelle pour se poursuivre tout au long de la scolarité. L’accès à la culture est déterminant pour la construction de l’enfant, et il est reconnu comme un facteur réel d’égalité des chances, d’ouverture et d’accomplissement personnel. Familiariser nos enfants aux arts représente donc un véritable enjeu de société.

Notre groupe apprécie également votre volonté de définir certains territoires comme prioritaires : les outre-mer, les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+), et les zones rurales. Élément important de ce nouveau parcours culturel, le Pass Culture sera mis en œuvre dès 2018, concrétisant un autre engagement de campagne du président Macron. Vous aurez certainement l’occasion de revenir bientôt sur les modalités de sa mise en œuvre, mais nous voulons d’ores et déjà engager votre volonté d’en faire une étape importante dans le parcours culturel de nos jeunes, le Pass Culture devenant le symbole de la transition du jeune vers l’autonomie dans ses pratiques culturelles.

Ma question portera sur ce parcours et sur le rôle que les opérateurs existants pourront y jouer. En effet, certains opérateurs développent déjà des programmes très intéressants en milieu scolaire. Vous avez déjà répondu sur Démos ou sur « Orchestre à l’école ». Des opérateurs privés ont aussi initié des opérations moins connues, comme « La Fabrique à chansons », lancée par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). S’y ajoute, au-delà de la musique, les scènes conventionnées, les musées, les écoles d’art qui regorgent toutes d’initiatives très intéressantes. Quelle sera la place réservée à des programmes de ce type et aux opérateurs culturels qui les portent ?

Mme Constance Le Grip. Le groupe Les Républicains reconnaît qu’un effort est fait pour la culture à travers ce budget, qui marque une différence par rapport aux budgets du précédent quinquennat puisque les crédits sont en légère hausse.

Nous nourrissons toutefois quelques inquiétudes. Le périmètre du Pass Culture nous semble encore flou. Il faut prendre garde à l’effet d’aubaine qu’il risque d’induire si les activités qu’il recouvre ne sont pas suffisamment précisées.

Nous nous étonnons en outre que les crédits de paiement du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) soient réduits de plus de moitié. Qu’est-ce qui justifie cette baisse de 55 millions à 25 millions, alors que l’augmentation de 1,7 point de la CSG frappe de plein fouet les artistes et auteurs ?

Enfin, nous souhaitons voir inscrite dans la durée l’augmentation des crédits déconcentrés, qui est de 6 % pour 2018. Les collectivités territoriales qui ont de plus en plus de difficultés à faire face à leurs missions dans un contexte budgétaire très contraint doivent pouvoir être accompagnées par l’État sur le long terme.

Mme Sophie Mette. Monsieur le président, le groupe Mouvement démocrate et apparentés prend acte de la présentation des crédits de la mission « Culture » pour se féliciter des choix faits par le Gouvernement en matière de patrimoine, de création et de démocratisation culturelle, et salue votre volonté, madame la ministre, de faire la culture un droit réel.

Le soutien au spectacle vivant est affirmé et nous souhaitons que les efforts soient poursuivis dans les années à venir. L’annonce d’une Journée de la création nous paraît aller dans le bon sens.

Nous sommes particulièrement attachés à la diffusion de la culture au plus grand nombre. C’est pourquoi l’augmentation du budget du programme 224 « Transmission des savoirs » nous paraît essentielle, particulièrement le soutien à l’éducation artistique et culturelle. C’est bien dès le plus jeune âge que la sensibilisation à l’art doit se faire afin de développer cette sensitivité particulière des enfants dans la familiarité avec les grandes œuvres de l’esprit. Là aussi, il faudra veiller à ce que cet engagement se perpétue à travers des mesures concrètes.

Par ailleurs, comme mes collègues, j’aimerais avoir des précisions sur la mise en place du Pass Culture.

L’éducation à l’image que vous avez évoquée dans votre présentation me tient particulièrement à cœur. J’aimerais savoir quels moyens vous allez y consacrer. Verserez-vous des aides aux cinémas de proximité ? Soutiendrez les établissements scolaires qui engagent des actions en ce domaine ?

Enfin, nous nous interrogeons sur la politique relative au patrimoine. Alors même que le Président de la République a lancé un plan de valorisation et de réhabilitation de notre patrimoine historique, nous constatons que cette action subit une baisse des crédits. Quelle en est la raison ? Quelle est la cohérence de ce choix ? La politique en matière de patrimoine matériel ou immatériel est essentielle à nos territoires. L’action en faveur de l’architecture et des espaces protégés devrait être plus poussée car elle permet à nombre de nos villes et de nos villages les plus isolés de conserver des centres attractifs et vivants.

M. Pierre-Yves Bournazel. Madame la ministre, au nom du groupe Les Constructifs, je voudrais évoquer tout d’abord votre engagement pour la culture. Sur le plan budgétaire, les crédits de la mission « Culture » sont en hausse après des années plus difficiles et je voulais vous en remercier : cette progression est essentielle. Votre vision de la culture s’appuie également sur l’éducation : vous partagez avec le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer la volonté de faire entrer davantage la culture à l’école. L’opération « Rentrée en musique » a été une réussite, soulignons-le. C’est un exemple parmi d’autres.

Le Pass Culture sera un élément important de cette politique. Où en est le Gouvernement ? Quel calendrier est prévu pour sa mise en œuvre ?

Vous avez confié à Erik Orsenna une mission sur la lecture, qui traduit votre volonté d’en faire un élément fondamental de l’éducation. Votre projet est en cela complémentaire de la priorité donnée par le ministre de l’éducation aux fondamentaux et aux dédoublements de classes dans les réseaux d’éducation prioritaires renforcés.

L’ouverture des bibliothèques le dimanche pour en faire des lieux de vie est une excellente initiative. En tant que député de la nation mais aussi en tant que député de la capitale, je voudrais vous interroger sur la façon dont vous travaillez avec la Ville de Paris à cette ouverture dominicale.

Autre enjeu essentiel : la promotion de la diversité de la création française. Nous avons besoin de moderniser notre audiovisuel. Pour cela, une nouvelle loi est nécessaire. J’espère que nous aurons ce débat en 2018. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Enfin, il faut défendre davantage la vitalité du théâtre – et je saluerai ici la qualité du rapport de notre collègue Brigitte Kuster. Le théâtre privé, qui présente plus de 50 % de la création en France, connaît des difficultés en raison de l’augmentation des coûts fixes et d’une stagnation de la fréquentation. Il est aujourd’hui nécessaire de soutenir davantage ce secteur. J’ai déposé deux amendements en ce sens : l’un prévoyant l’augmentation de la subvention de l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) ; l’autre demandant la création d’un crédit d’impôt en faveur du théâtre privé.

Pour finir, je vous remercie de nous avoir donné des précisions au sujet de la compensation de l’augmentation de la CSG pour les auteurs.

Mme Gisèle Biémouret. Le groupe Nouvelle Gauche constate que les moyens de la mission « Culture » se maintiennent de manière globale, même si une analyse plus approfondie laisse apparaître çà et là une ambition en demi-teinte en termes d’investissements, notamment dans les territoires ruraux. Nous aurons l’occasion d’en reparler en séance.

L’essentiel de mon propos portera sur le programme 175 « Patrimoines ». Nous partageons le constat que vous établissez d’une dévitalisation des centres-bourgs, tout particulièrement dans les zones rurales. S’il n’existe pas de financements spécifiques dédiés à la revitalisation des centres anciens, il y a une grande diversité des financeurs, au premier rang desquels la Caisse des dépôts et consignations, qui soutient les initiatives locales. Compte tenu de l’importance du maillage des bourgs et des villes moyennes, la revitalisation des centres anciens représente un enjeu important en matière d’aménagement du territoire et de cohésion sociale. Sauver un centre historique ne se résume pas à une affaire locale : il y va de l’histoire d’une commune, de son attrait touristique, de son patrimoine culturel.

Vous avez porté les crédits destinés à la revitalisation des centres anciens à 9 millions d’euros. Qu’en est-il de l’efficience de ses investissements par rapport aux autres moyens mis en œuvre par l’État, comme le Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) ? Prévoyez-vous un effort plus marqué en faveur des territoires ruraux afin de lutter contre la fracture territoriale ? Ne pourrait-on faire du patrimoine culturel un axe du programme national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs préconisé dans un rapport sénatorial publié cet été ? Enfin, pourriez-vous nous en dire davantage sur le fonctionnement du Fonds incitatif et partenarial doté de 15 millions d’euros destiné à la rénovation des monuments historiques des collectivités à faibles ressources ? Quels seront les critères d’éligibilité retenus ?

M. Michel Larive. La mission que nous examinons aujourd’hui est composée de trois programmes : le programme « Patrimoines » est en baisse, après avoir été amputé de 2,5 millions d’euros ; le programme « Création » connaît une augmentation timide de ses crédits, de 400 000 euros ; quant aux crédits du programme « Transmissions des savoirs et démocratisation de la culture », ils sont en hausse de 32,5 millions d’euros.

Au nom du groupe La France insoumise, j’aimerais vous faire part de certaines de nos interrogations sur la pertinence de vos choix budgétaires. Votre mesure phare serait la mise en place d’un Pass Culture de 500 euros pour tous les jeunes lorsqu’ils atteignent dix-huit ans. Vous prévoyez cette année 5 millions de crédits de paiement et une montée en charge durant la durée du quinquennat jusqu’à104 millions. Vous deviez mettre ce dispositif en place dès 2018 mais vous n’y êtes pas parvenue. En outre, les sommes prévues sont totalement insuffisantes : compte tenu du fait qu’il y a eu 775 000 naissances en 2000, le Pass occasionnerait une dépense de 387 millions d’euros, soixante-dix-sept fois supérieure à la dotation que vous avez prévue pour 2018. Par ailleurs, nous ne disposons d’aucune information sur les solutions que vous envisagez : ni au sujet de la promesse faite par Emmanuel Macron que les « GAFA » participeraient à son financement, ni sur les mesures que vous comptez prendre pour inciter les jeunes à s’en servir. Rappelons qu’en Italie, un dispositif similaire n’a touché que 60 % du public ciblé.

Avec ma collègue Sabine Rubin, nous allons présenter des amendements qui consistent pour la plupart à demander des rapports d’information au Gouvernement. Je demande aux rapporteurs, aux présidents et à la ministre d’écouter sans mépris nos propositions dans le respect des droits de l’opposition.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, je ne peux que partager votre point de vue, compte tenu de l’état de notre société : nous avons besoin de culture. Nous constatons que votre budget conforte la tendance à l’augmentation esquissée avec le précédent budget de la culture. Nous avons besoin de garantir la liberté de création – j’aimerais avoir votre avis sur la loi votée lors de la précédente législature – et de développer l’éducation artistique au sein de l’éducation nationale car le problème de l’accès aux œuvres n’est pas que financier, il est aussi culturel.

Nous avons toutefois plusieurs interrogations. Vous évoquiez l’ouverture des musées nationaux : pouvez-vous nous en dire plus sur les réductions budgétaires qui affectent les postes ? Par ailleurs, qu’en est-il des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui assurent un lien avec les communes et les associations ?

Le processus « Action publique 2022 » suscite des inquiétudes. Les contrats passés avec les collectivités territoriales ne doivent pas aboutir à un désengagement de l’État car celui-ci doit assurer un égal accès à la culture et une liberté de création partout sur le territoire.

S’agissant du statut des intermittents, vous vous étiez engagée à maintenir l’accord de 2016 sur les annexes VIII et X de l’assurance chômage. J’espère que vous serez entendue par l’ensemble du Gouvernement. Quelles seront, selon vous, les conséquences des contrats de chantier dans le milieu artistique ? Je pense notamment aux petites entreprises artistiques.

Vous n’avez pas évoqué le rôle du service public de l’archéologie, auquel je suis très attachée. Dans le « bleu » budgétaire, un terme m’a fait un peu sursauter : il est question à propos des fouilles d’une « approche raisonnée ». Pouvez-vous me rassurer à ce sujet ?

Enfin, le groupe de la Gauche démocratique et républicaine est préoccupé par les postes vacants dans la filière documentaire. Les Archives nationales, faute de personnel pour accueillir le public, sont ainsi contraintes à des fermetures non prévues.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Je tiens tout d’abord à remercier les députés qui ont souligné l’engagement fort en faveur de l’éducation artistique et culturelle qui marque ce budget.

Plusieurs d’entre vous ont posé des questions au sujet du Pass Culture. Au cours de mes pérégrinations, j’ai constaté que les jeunes attendaient de nouveaux moyens d’accéder à des pratiques culturelles. Ce passeport répond à ce besoin et se situe dans la continuité logique de notre action en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Il aura une importance particulière pour les jeunes éloignés de la culture.

La priorité est d’éditorialiser l’offre, et nous comptons avancer en lançant en 2018 une expérimentation. Notre idée est de donner la priorité à l’accès aux établissements culturels et aux pratiques culturelles et artistiques comme le hip-hop, la danse, le théâtre, qui nourrissent des envies chez les jeunes. Madame Le Grip, nous sommes tout à fait conscients des risques liés à l’effet d’aubaine. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur les expériences menées à l’étranger et dans les collectivités locales. Nous les avons recensées dans une première phase de notre travail pour en faire le bilan et je me suis moi-même rendue en Italie pour tirer les enseignements du dispositif Bonus Cultura. En touchant 60 % du public visé, monsieur Larive, j’estime qu’il a montré qu’il suscitait un réel intérêt.

Avec les membres du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), que j’ai invités il y a quelque temps au ministère, j’ai longuement évoqué le Pass Culture. Beaucoup de collectivités ont fait valoir leurs expériences en ce domaine. L’équipe est en place, elle est composée de jeunes gens venus de l’extérieur mais aussi de jeunes membres de mon cabinet, qui ont eu envie de s’engager dans ce projet – et quand je dis « jeunes », c’est qu’ils ont moins de trente ans. Nous pensons organiser en décembre un « hackathon ». Quant à l’expérimentation, elle sera lancée en septembre 2018.

Madame Le Grip, je vous remercie d’avoir souligné que le budget de la mission « Culture » était en hausse. Cette augmentation reflète notre conviction que la culture est la plus belle des richesses. Dans le contexte que vous connaissez, elle est aussi la marque de la priorité que le Gouvernement accorde à la culture. Comptez sur moi pour la défendre avec vigueur.

Les dotations du FONPEPS correspondent à l’action 8 du programme 224 et s’élèvent à 80 millions en autorisations d’engagement, comme en 2017, et à 27 millions en crédits de paiement. Nous veillerons à ce que ces sommes soient correctement employées. Si ce dispositif au soutien de l’emploi à destination des artistes et techniciens du spectacle vivant et enregistré n’a pas été utilisé à la hauteur prévue, c’est sans doute qu’il est insuffisamment connu. Il faudra faire œuvre de pédagogie comme en bien des domaines.

Vous avez affirmé que l’augmentation de la CSG touchait de plein fouet et les auteurs, les artistes, les interprètes. Dès que nous avons eu conscience de l’existence de ce trou dans la raquette, nous avons réfléchi à une solution et nous l’avons trouvée : il y a aura bel et bien une compensation, qui sera pérenne à partir de 2019.

Madame Mette, je vous remercie d’avoir mis en avant la Journée de la création et notre action en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Vous avez insisté sur l’importance de l’éducation à l’image, primordiale à nos yeux. Mener des actions pédagogiques en ce sens dès le plus jeune âge est essentiel. Lors d’une rencontre avec le ministre de la culture espagnol, nous avons insisté sur ce point. Les jeunes doivent se rendre compte que s’ils accèdent à toutes les vidéos possibles sans se préoccuper du piratage, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Ils fragilisent les métiers ayant trait à la culture – artistes, accompagnants, techniciens – auxquels ils pourraient plus tard avoir accès.

Plusieurs actions d’éducation aux médias sont menées. Le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) organise avec les établissements scolaires une semaine de la presse et des médias à l’école : la deuxième édition, en 2018, aura pour thème « D’où vient l’info ? ». Nous nous appuyons également sur les engagements contractuels des acteurs de l’information : sociétés audiovisuelles publiques à travers leurs contrats d’objectifs et de moyens ; groupes de presse, à travers des conventions cadres en cours de négociation qui prévoiront l’octroi d’aides sous conditions. Par ailleurs, le ministère fournit des mallettes numériques que les enseignants, accompagnés de journalistes professionnels, pourront utiliser afin de créer un journal avec leurs élèves. Pensons encore au soutien aux médias de proximité – journaux, webradios, radios associatives. Je citerai enfin des actions pédagogiques comme Educ Arte lancées par la chaîne culturelle à destination des collèges. Tout cela est destiné à donner à nos jeunes des repères pour acquérir de l’autonomie dans un monde complexe.

Certains d’entre vous se sont inquiétés de la baisse des crédits dévolus au patrimoine. En réalité, ils augmentent, compte tenu du transfert des crédits de l’éducation artistique et culturelle vers le programme 224. Les autorisations d’engagement sont en augmentation de 15 millions d’euros pour les monuments historiques – mise en place de fonds en faveur des petites communes – et les crédits pour la revitalisation des centres anciens passent de 8 millions à 9 millions d’euros. Nous mettons ainsi en œuvre les préconisations d’Yves Dauge, que j’ai eu grand plaisir à recevoir pour discuter de son excellent plan.

Dans son rapport, madame Biémouret, il a mis en évidence des ruptures territoriales économiques, sociales et culturelles qui affectent de nombreux centres historiques : baisse de la population, dégradation de l’habitat, installation de commerces en périphérie. Depuis que je suis en fonction, j’ai pu, lors de mes nombreux déplacements, voir à l’œuvre ces processus de dévitalisation mais aussi, à l’inverse, des processus de revitalisation. Je pense à Sedan où je suis allée donner le coup d’envoi des Journées du patrimoine : cette ville est parvenue à revitaliser son centre grâce à la réhabilitation de ses monuments historiques et a même vu s’installer un hôtel. Il ne s’agit pas simplement de mener une politique de sauvegarde et de restauration mais de se servir de la culture comme d’un levier de revitalisation en lien avec les politiques du logement, du commerce et du tourisme.

Une fois de plus, nous allons expérimenter, ce qui est toujours une bonne façon d’avancer – en l’occurrence dans trois régions : Occitanie, Grand-Est et Centre-Val-de-Loire. Comme je vous l’ai dit, les crédits sont portés à 9 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 13 %, avec pour objectif un accompagnement renforcé des communes qui manquent de moyens d’ingénierie pour élaborer leur plan de sauvegarde et de valorisation, en les intégrant dans un projet global de revitalisation.

Pour ce qui est du Pass Culture, je vous confirme qu’il doit être mis en place en septembre 2018.

Madame Buffet, je vous remercie d’avoir salué l’engagement des arts et de la culture à l’école. En prenant mes fonctions, j’ai lu l’excellent rapport que Jack Lang, Catherine Tasca et même Jean-Luc Mélenchon avaient commandé en leur temps sur cette question. Aujourd’hui, force est de constater que ce principe ne s’applique toujours pas à la totalité des enfants, et nous consacrons donc une grande partie de nos efforts à faire en sorte qu’il soit généralisé et véritablement intégré au parcours éducatif de l’élève. Au-delà des crédits, j’insiste sur l’action déterminée que le ministre de l’éducation nationale et moi-même menons ensemble à tous les niveaux, en inscrivant la pratique des arts et de la culture à l’école dans les programmes de l’éducation nationale, mais aussi en agissant dans tous les interstices où il y a quelque chose à faire – je pense par exemple à l’ouverture des écoles. Un vrai travail est en train de se faire en faveur de la mixité, pour lequel nous pouvons compter sur le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC), qui s’intéresse aussi à la formation des personnels concernés – sur ce point, le concept d’école de la confiance est lui aussi fondamental.

Pour ce qui est des postes vacants aux Archives nationales, je précise qu’un concours a eu lieu dans la filière documentaire, qui va donner lieu à une première vague d’affectations d’ici à la fin de l’année.

En ce qui concerne l’archéologie préventive, je veux dire que nous soutenons pleinement cette mission scientifique essentielle qui a d’ailleurs été, très symboliquement, l’objet de mon premier déplacement en tant que ministre : je m’étais rendue à Montpellier pour y visiter un site de fouilles préventives et un chantier de diagnostic.

Enfin, je suis très attentive au statut d’intermittent, et je précise que les contrats aidés ne sont pas supprimés, puisqu’il y en aura encore 200 000 l’année prochaine, contre 270 000 prévus dans le PLF pour 2017 ; nous veillerons à ce qu’ils soient fléchés de façon à soutenir l’ensemble des activités qui le nécessitent.

Mme Ramlati Ali. Madame la ministre, la baisse prévue de 36 millions d’euros des dotations à l’audiovisuel public représente, par rapport aux trajectoires des contrats d’objectifs et de moyens (COM) des différentes structures, un décrochage de près de 80 millions d’euros, dont environ 50 millions d’euros pour le seul groupe France Télévisions. La diminution de cette dotation affecte la mission de service public de France Télévisions, notamment dans l’expression des territoires, permise grâce à des chaînes telles que France 3 ou France Ô, mais aussi des chaînes ultramarines comme Mayotte 1ère, qui se bat chaque jour pour produire une information de qualité en dépit du manque de moyens.

Quels dispositifs garantissent à ces chaînes un budget leur permettant d’assurer pleinement leur mission ?

Mme Virginie Duby-Muller. Après avoir salué la qualité des travaux menés par nos rapporteurs, je veux tout d’abord évoquer la politique muséale française. On note dans le PLF pour 2018 une baisse de 9 % des autorisations d’engagement consacrés aux musées de France, ainsi qu’une baisse de 2,6 % des crédits de paiement.

Cette baisse touche essentiellement le musée d’Orsay, qui va perdre un million d’euros en 2018. Pour ce qui est des dotations en fonds propres, le budget chute également de 70 %, ce qui s’explique en partie par l’achèvement de la phase zéro du schéma directeur du centre Georges-Pompidou.

Madame la ministre, il apparaît que la politique muséale n’est pas cette année une priorité du Gouvernement. La baisse du budget de nos musées traduit l’absence de nouveaux projets dans ce domaine, et on note également la baisse des crédits d’acquisition, tant pour le patrimoine que pour les archives.

Comment expliquer ces décisions budgétaires, et quels sont les objectifs à long terme du Gouvernement pour la valorisation des musées français ? Comptez-vous vous inspirer des propositions du rapport parlementaire d’Isabelle Attard, Michel Herbillon, Michel Piron et Marcel Rogemont qui, en 2014, appelaient à repenser la politique muséale et à rénover la gestion des collections ?

Par ailleurs, la situation des opérateurs suscite également de nombreuses inquiétudes. Pour ce qui est du Grand-Palais, le budget 2018 prévoit une baisse de sa dotation d’un million d’euros, alors que l’opérateur se trouve déjà en grande difficulté : je rappelle qu’il connaît un recul de sa fréquentation, une baisse de 12 % de son chiffre d’affaires, et une situation déficitaire dans un contexte où de nouveaux travaux d’envergure, estimés à 400 millions d’euros, s’imposent. Quant à l’Opéra national de Paris, son exercice 2016 s’est soldé par une perte de 9,5 millions d’euros, une baisse inquiétante de son fonds de roulement et une augmentation continue de la billetterie pour compenser la baisse structurelle des subventions : l’institution traverse une phase difficile, alors que son cahier des charges est maintenu à un niveau exigeant, avec 350 spectacles par an – de ce point de vue, l’ouverture d’une salle supplémentaire à Bastille ne fait qu’accroître les incertitudes du budget de fonctionnement.

Madame la ministre, quelle est votre analyse sur cette situation critique des opérateurs, et quels sont les engagements du Gouvernement ?

Mme Nadia Essayan. Madame la ministre, vous avez affirmé et démontré à plusieurs reprises que l’accès de toutes et de tous à la culture était l’une de vos priorités. Le travail mené conjointement avec le ministère de l’éducation pour le renforcement de la musique à l’école est un exemple de cette volonté. Pour y arriver, des partenariats sont prévus, notamment entre des établissements scolaires et des conservatoires. Le programme budgétaire 224, intitulé « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », a pour objectif principal de rendre accessibles l’art sous toutes ses formes et sa connaissance sur l’ensemble du territoire français, et pas seulement en milieu urbain.

Quels engagements le Gouvernement va-t-il prendre en matière de financement des conservatoires, et quels moyens pense-t-il mettre en place afin d’éviter que la répartition de ce financement ne se fasse de façon inégalitaire, comme c’est parfois le cas aujourd’hui ?

D’autre part, vous revenez de Beyrouth, où vient d’avoir lieu le Salon du livre francophone : quels seront les points forts de votre programme de promotion de la culture française et des échanges culturels à l’international, et quels moyens pourrez-vous y consacrer ?

M. Pierre-Yves Bournazel. Mme la ministre m’a répondu sur certains points, mais pas sur tous. Je lui fais confiance pour répondre à mes questions portant sur l’ouverture des bibliothèques le dimanche, la question du théâtre privé et la loi sur l’audiovisuel.

M. Jean-Louis Bricout. Madame la ministre, au sujet du Pass Culture, j’aimerais savoir s’il est prévu une modulation territorialisée. En effet, le problème de l’accès à la culture est souvent lié à celui du transport, notamment en zone rurale, où le fait de devoir affréter un autocar a souvent pour effet de plomber le budget. Par ailleurs, comment le Pass Culture s’articulera-t-il avec les dispositifs similaires déjà mis en place par d’autres collectivités ?

J’ai bien entendu votre volonté de favoriser l’accès à la culture à l’école tout en laissant le choix aux communes de conserver, ou pas, les nouvelles activités périscolaires, et j’aimerais savoir si des politiques différenciées vont être appliquées dans les territoires.

Enfin, vous avez annoncé 15 millions d’euros en autorisations d’engagement pour l’entretien du patrimoine dans les territoires, mais quid des crédits de paiement, et à quels éléments du patrimoine, classé ou non, les crédits sont-ils destinés ? Pensez-vous que toutes les communes disposent des capacités financières pour entretenir leur patrimoine, et allez-vous prendre en compte les situations financières particulières des unes et des autres pour moduler les aides ? Enfin, s’agira-t-il d’un fonds spécifique, ou celui-ci sera-t-il confondu avec des dispositifs de droit commun ?

M. Michel Castellani. La culture est indissociable de la vie sociale, à laquelle elle donne sa personnalité, et elle est elle-même issue des créations que la société produit en continu. À ce titre, elle constitue donc un axe important de politique publique, d’abord parce que la puissance publique intervient dans le soutien et l’aide aux créateurs et artistes qui dessinent tout un pan des valeurs collectives, ensuite parce qu’elle gère et entretient une bonne partie du patrimoine culturel français, dont il est inutile de souligner la richesse, à la fois sur le plan matériel et sur le plan immatériel.

Parce que la culture est également un élément majeur du sentiment commun d’appartenance dans un monde de tensions communautaires, elle constitue l’un des éléments essentiels d’une paix sociale réelle et durable, c’est pourquoi les efforts accomplis par le Gouvernement dans ce domaine revêtent une importance particulière, surtout en cette période de rationalisation des choix budgétaires.

Venant de Corse, île à la culture originale, prégnante, mais gravement menacée, je voudrais souligner que la valeur d’une culture ne se mesure pas à l’aune de son support démographique : chaque langue, chaque société participe à la richesse commune de l’humanité.

Des efforts considérables ont été faits en faveur de la langue corse : des efforts publics, mais aussi privés, soutenus par un engagement militant qu’il convient de saluer. Cependant, il faudrait aller plus loin si nous voulons assurer la pérennité de cette langue corse aujourd’hui menacée.

Madame la ministre, nous souhaitons que vous et le ministre de l’éducation preniez en compte cette volonté politique, et espérons que vous vous impliquerez dans la loi spécifique que nous appelons de nos vœux pour la Corse.

Mme Huguette Bello. Madame la ministre, je souhaite revenir sur votre action en faveur des bibliothèques et votre volonté de développer la lecture publique en mettant le livre à la disposition de tous. C’est une ambition que je partage sans aucune réserve, et nous suivons avec beaucoup d’attention la mission que vous avez confiée à l’académicien Erik Orsenna.

Les obstacles sont multiples qui éloignent nos concitoyens des bibliothèques et des médiathèques, en dépit de la multiplication et de la modernisation de ces lieux culturels de proximité. Aux raisons budgétaires qui compliquent le fonctionnement de ces structures, à la remise en cause récente des contrats aidés, à cette « injonction paradoxale » faite aux collectivités locales et soulignée par Erik Orsenna, s’ajoutent, dans les outre-mer, d’autres barrières, déjà mentionnées dans un rapport de 2010 de l’Inspection générale des bibliothèques (IGB), parmi lesquelles la moindre diversification des collections, la nécessité de consolider l’encadrement, ou encore les difficultés récurrentes des librairies.

De manière bien plus rare, heureusement, mais toutefois plus néfaste, une approche excessivement politisée peut nuire au développement de la lecture publique pour tous, comme c’est le cas à La Réunion, où l’une des plus récentes et des plus modernes médiathèques de l’île est toujours fermée au public, plusieurs années après son achèvement. Outre-mer plus qu’ailleurs sans doute, la lecture publique est une question cruciale pour lutter contre un taux élevé d’illettrisme, pour prévenir l’échec et le décrochage scolaires, mais aussi parce que les livres coûtent toujours plus cher chez nous.

C’est pourquoi, madame la ministre, nous aimerions savoir si le Tour de France des bibliothèques entrepris par l’auteur de L’Exposition coloniale passera par nos territoires, et notamment s’il fera étape à La Réunion, ce qui permettrait d’aborder dans les meilleures conditions le grand débat public que votre ministère a le projet de tenir en mars prochain.

Mme Aurore Bergé. Madame la ministre, je veux revenir sur l’enjeu d’internationalisation de nos artistes. À cet égard, nous saluons l’effort conséquent que votre ministère a réalisé avec l’augmentation du budget du Bureau Export. Pouvez-vous nous préciser la trajectoire que vous souhaitez donner à ce bureau et, plus largement, à l’internationalisation et à l’export de nos artistes ?

Ma deuxième question porte sur les quotas et les règles applicables à l’audiovisuel. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine a encore durci les quotas de diffusion radiophonique, qui étaient déjà assez contraignants. Or, l’assiette sur laquelle les quotas sont assis doit être suffisante pour permettre aux acteurs d’assumer leurs obligations. Dès lors, on peut s’étonner que certains artistes français qui font notre fierté à l’international ne soient pas comptabilisés, du fait qu’ils chantent en anglais. De même, il est regrettable que les titres français ne puissent être joués en haute rotation, ce qui nuit malheureusement à la diversité de nos artistes. Face à l’enjeu de la diversification culturelle, ces règles conduisent parfois à une forme d’uniformisation des œuvres diffusées sur les ondes.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Je laisse de côté les questions que l’on peut rattacher à l’audiovisuel, qui auront vocation à être évoquées cet après-midi.

J’ai déjà répondu en partie aux questions de Mme Duby-Muller portant sur la politique muséale française et la situation des grands opérateurs que sont le Grand-Palais et l’Opéra national de Paris. Je précise que les moyens financiers des établissements en général seront maintenus l’année prochaine, compte tenu du moindre gel pour 2018.

Par ailleurs, les crédits d’acquisition seront préservés en 2018, avec un ajustement limité à 0,5 million d’euros, ce qui place les crédits budgétaires d’acquisition de 2018 à un niveau intermédiaire entre ceux de 2016 et de 2017. Cet ajustement concerne des crédits centraux, non répartis en loi de finances, et n’aura d’impact direct ni sur les établissements publics, ni sur les musées territoriaux ou nationaux.

L’Opéra national de Paris affichera un retour à l’équilibre fin 2017, et la salle modulable créera des ressources estimées à 3 millions d’euros environ. Je précise que l’exercice 2016 avait été terriblement fragilisé par les grèves.

Madame Essayan, vous m’avez interrogée au sujet des conservatoires : nous leur attachons une grande importance et renforçons leurs crédits de 3 millions d’euros par rapport à l’année précédente, pour les porter à 20 millions d’euros. Par ailleurs, nous travaillons sur la tarification d’accès afin de réduire les inégalités.

Vous avez également évoqué le Salon du livre francophone de Beyrouth : à ce sujet, je veux vous redire que la francophonie est un enjeu essentiel en matière de défense de la langue française. J’ai beaucoup échangé avec mes homologues sur ce thème et sur le caractère fondamental de l’envie de français, et mes services travaillent actuellement à la mise au point d’une feuille de route très ambitieuse sur la francophonie.

J’en viens aux questions de M. Bournazel. L’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) est en train de réaliser une mission d’étude portant sur un éventuel élargissement du crédit d’impôt sur le spectacle vivant, au terme d’un an d’existence de ce dispositif. Ce premier bilan nous servira à déterminer quel effet le crédit d’impôt a pu avoir sur l’émergence artistique et la prise de risque des acteurs, et c’est sur cette base que nous nous déterminerons sur l’opportunité d’un élargissement.

Pour ce qui est du théâtre privé, nous avons lancé un groupe de travail avec la Ville de Paris afin de trouver des solutions. Avec 55 théâtres adhérents, dont deux en régions, l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) sera à l’équilibre en 2017, ce qui n’avait pas été le cas depuis longtemps.

En ce qui concerne l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques, je confirme qu’elles bénéficieront pour cela d’un accompagnement financier de l’État. Par ailleurs, nous allons travailler avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui doivent jouer le rôle d’organisateur et de facilitateur du travail effectué avec les collectivités territoriales.

J’ai déjà répondu sur le Pass Culture, monsieur Bricout, mais je vous confirme que, même si la question des transports ne dépend pas de nous, nous y serons très attentifs.

J’ai également répondu à votre question sur le patrimoine des petites communes, en évoquant le fonds de 15 millions d’euros.

M. Castellani m’a interrogée sur la langue corse. À côté de notre langue nationale, qui est le français, les langues régionales ont leur place, et nous les soutenons dans leur diversité – comme le disait Édouard Glissant, il faut « défendre la mondialité, et non la mondialisation ». Les moyens consacrés au patrimoine linguistique que constituent les langues régionales vont être renforcés, puisqu’ils seront en hausse de 1,2 %, pour s’établir à 3,2 millions d’euros en 2018.

Madame Bello, je transmettrai à Erik Orsenna votre suggestion de faire passer son Tour de France des bibliothèques par La Réunion…

Pour ce qui est du Bureau Export, je dois dire que je partage votre ambition et votre sentiment, madame Bergé, quant à l’importance de l’exportation et du rayonnement de la musique française, qui justifie que nous ayons renforcé les moyens de cette action de 57 %, ce qui permet de porter la subvention du ministère de 740 000 euros en 2015 à 2,2 millions d’euros aujourd’hui : il convient de souligner que notre soutien a été triplé. Enfin, je rappelle que ce soutien s’inscrit dans le cadre d’une démarche partenariale avec les professionnels, qui ont aussi à respecter leurs engagements financiers vis-à-vis du bureau du Bureau Export. Dans le contexte budgétaire actuel, il est difficile d’envisager une augmentation des crédits d’un million d’euros supplémentaires, compte tenu du fait que ces crédits ont déjà fait l’objet d’une hausse considérable, mais je souhaite inscrire cette réflexion dans la durée, et dans une dynamique qui se poursuivra bien évidemment au cours des années suivantes.

M. Gaël Le Bohec. Madame la ministre, je vous remercie pour le maintien des crédits, mais aussi pour tout ce que vous faites dans le cadre de votre ministère, dont vous faites un vrai ministère de projets. Je vous félicite également pour vos déplacements sur le terrain, grâce auxquels vous recueillez des informations – on vous a vue à Rennes, comme dans beaucoup d’autres villes –, et je veux vous dire que vous serez toujours la bienvenue sur nos territoires.

Vous avez déjà répondu aux questions que je voulais vous poser au sujet du Pass Culture, qui doit permettre de rendre la culture populaire. Je profite d’évoquer ce sujet pour saluer la mémoire de Jean Rochefort, qui était très attaché à cette culture populaire et commentait ainsi, en 2013, les politiques menées en matière de culture : « Je me suis battu toute ma vie en faveur du théâtre pour tous, contre l’élitisme. Un week-end au TNP avec Vilar, c’était Corneille, Gérard Philipe, Maurice Chevalier, bals et sandwich-parties : l’art pour le peuple ! Depuis, j’ai rencontré tous les ministres de la culture pour leur parler de ce problème d’élitisme, mais ils s’en contrefoutent de manière extraordinaire ! Je ne lâche pas, j’attends le prochain, c’est mon côté don Quichotte, finalement… »

Madame la ministre, êtes-vous ce prochain ministre de la culture que Jean Rochefort attendait ?

Au sujet du Pass Culture, si l’expérimentation portant sur 5 millions d’euros et 10 000 jeunes bénéficiaires se passe bien, à quelle échéance voyez-vous 100 % d’une classe d’âge, c’est-à-dire 800 000 jeunes, bénéficier du Pass Culture ?

M. Yannick Kerlogot. Madame la ministre, je considère que vous avez déjà répondu à ma question portant sur les langues régionales, et je vous en remercie.

M. Laurent Garcia. Madame la ministre, vous savez certainement qu’Erik Orsenna vient nous rendre visite à Nancy dans quelques jours, pour l’inauguration de la réhabilitation de la médiathèque départementale.

Vous nous avez annoncé que l’État allait accompagner les collectivités locales dans la démarche d’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques : pouvez-vous nous préciser si cela se fera par la contrainte ou par le contrat, et si l’accompagnement dépendra du nombre d’heures d’ouverture, ou s’il se fera globalement ? Même s’il est trop tôt pour répondre précisément à cette question tant que le rapport Orsenna ne vous a pas été remis, peut-être avez-vous déjà quelques pistes, que je vous remercie de partager avec nous.

Mme Maud Petit. En juin dernier, une mission de réflexion sur une maison commune de la musique a été lancée à votre initiative, madame la ministre, et confiée à Roch-Olivier Maistre, qui devrait vous rendre son rapport très prochainement. Cette maison commune ayant vocation à regrouper les principales structures du secteur de la musique et du spectacle vivant, les enjeux sont importants, pour ne pas dire capitaux, pour la filière musicale, qui doit trouver les moyens de se transformer.

Pourriez-vous nous présenter les objectifs de ce rapport et vos attentes en la matière ?

Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre, nous partageons l’objectif de démocratisation de la culture que vous avez proclamé, et approuvons le parcours d’éducation artistique et culturelle qui avait été introduit par la loi de refondation de l’école.

Si, en théorie, tous les enfants peuvent bénéficier de ce parcours, ce n’est pas le cas dans la réalité : l’accès aux grands centres culturels est limité en raison de la distance, mais aussi du plan Vigipirate. Pourriez-vous nous préciser comment vous comptez endiguer les déséquilibres existant aujourd’hui entre les enfants ?

Vous avez également évoqué les surcoûts dans l’organisation des festivals, du fait des mesures de sécurité qui doivent être prises actuellement : comment comptez-vous vous y prendre pour permettre aux festivals de faire face à ces surcoûts ?

Nous partageons l’objectif poursuivi avec la mise en place du Pass Culture, et aimerions savoir selon quelles modalités il sera accessible à ses bénéficiaires. Par ailleurs, il semble que vous comptiez sur les financements privés des distributeurs et des grands acteurs du numérique : ceux-ci vont-ils jouer le jeu, et de quelle manière ?

Enfin, alors que des dispositifs similaires ont été mis en place par les collectivités territoriales il y a déjà quelques années, un rapport du ministère de la culture semble dire que ce dispositif n’a pas semblé engendrer de hausses de fréquentation significatives, et surtout de changements dans les habitudes culturelles des jeunes. Comment allez-vous faire pour que le Pass Culture permette une vraie démocratisation de la culture, surtout pour les publics qui en sont le plus éloignés ?

M. Patrick Vignal. Ce sont la culture et les arts qui nous permettent de faire unité, qui permettent aux femmes et aux hommes de rester debout. Réconcilier culture populaire et culture savante, culture de masse et culture élitaire, c’est donner à chaque citoyen une place dans la société et lutter contre l’exclusion. Pablo Picasso ne disait-il pas : « C’est mépriser le peuple que de croire qu’il n’a pas soif de culture, de savoir et de découverte » ?

Beaucoup de mes collègues ont parlé de la revitalisation des centres-villes anciens. Président de l’association « Centre-ville en mouvement », je milite pour la réinstallation de la culture dans les villes, en ayant malgré tout l’impression que, depuis trente ans, nous ne sommes guère entendus. En 2016, 90 % des demandes d’autorisation d’implantation de centres commerciaux en périphérie ont été acceptées et, en 2018, ce ne sont pas moins de 1,2 million de mètres carrés supplémentaires qui seront alloués au développement de ces centres, qui défigurent nos 36 000 communes.

Au lieu de voir se multiplier les fermetures de rideaux et, avec elles, augmenter le sentiment d’insécurité, ne pourrait-on pas imaginer de confier ces rues à nos artistes, d’y installer des résidences qui leur soient dédiées, puisque nous avons pour cela les locaux disponibles ? Madame la ministre, comment comptez-vous nous aider ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur Le Bohec, je suis touchée que vous ayez salué la mémoire de Jean Rochefort, que j’aurais été ravie de rencontrer pour lui dire le bonheur qu’il m’a donné tout au long de sa carrière. Je suis évidemment pour une culture « élitaire pour tous », et j’ai eu, moi aussi, la chance de rencontrer de grands hommes, comme Antoine Vitez, qui m’a profondément inspirée sur la question du théâtre élitaire pour tous. Soyez donc assuré que c’est une question qui me tient à cœur.

Monsieur Garcia, l’idée de contrat ou de contrainte est tout à fait contraire à l’esprit dans lequel j’ai confié sa mission à Erik Orsenna. Je le répète dans les nombreuses DRAC que je visite : nous misons sur le partenariat, le dialogue et l’écoute des collectivités territoriales et des acteurs de terrain. L’initiative doit venir des collectivités territoriales, que je compare à des allumeurs de réverbère, et que nous ne sommes pas là pour contraindre mais pour accompagner.

Madame Petit, le rapport de Roch-Olivier Maistre sur la « maison commune de la musique » devrait m’être remis très prochainement. Il fera l’objet d’une présentation officielle et d’un échange avec l’ensemble de la profession qui, malgré sa diversité, est très demandeuse de cette maison commune où partager aussi bien les activités de création que celles liées à la diffusion ou à l’export.

Ce projet est également pour nous une manière de réaffirmer le rôle de l’État et de rassurer les secteurs qui s’inquiétaient de son désengagement, ce dont il n’est évidemment pas question.

Monsieur Vignal, nous sommes particulièrement attentifs à la revitalisation des centres-villes. Nous travaillons avec les collectivités territoriales pour développer les commerces culturels de proximité. Dix-sept lieux d’expérimentation sont prévus pour tester l’architecture et la qualité du bâti, car le cadre de vie dans lequel on travaille est important.

En ce qui concerne les centres commerciaux, certaines communes du sud de la France ont fait le choix de refuser leur implantation – je pense notamment à Mouans-Sartoux, qui conduit une politique culturelle formidable et où vient de se dérouler un grand rassemblement citoyen.

Mme Emilie Cariou. Ainsi que l’a déclaré le Président de la République dans son discours aux Nations unies le 20 septembre 2017, l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) assume un rôle-clef : conserver au monde un visage humain.

La récente élection de votre prédécesseure, Mme Audrey Azoulay, à la direction générale de cette organisation est un succès pour la diplomatie culturelle française, et a de surcroît réveillé l’attention portée à cette institution onusienne essentielle.

Quelles ont été, en 2017, les transferts budgétaires, directs et indirects, entre la France et l’UNESCO – c’est-à-dire la contribution de la France à l’institution mais également les financements nous parvenons à attirer grâce à elle ? Que seront-ils en 2018, à l’heure où le retrait des États-Unis est scruté par tous ?

M. Stéphane Claireaux. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de saluer vos objectifs ambitieux et la hausse du budget de la mission « Culture », qui traduit tout l’intérêt du Gouvernement et sa reconnaissance de l’action du milieu culturel.

Je suis sensible à la priorité que vous accordez à la culture dans les territoires, dans le but notamment de favoriser leur dynamisme économique ; j’y suis particulièrement sensible pour ce qui concerne nos territoires ultramarins. À l’heure où la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon oriente sa stratégie de développement économique vers le tourisme et où le trafic des navires de croisière se développe de manière significative depuis les États-Unis et le Canada voisins, je ne doute pas que vous mesurez comme moi l’importance de la valorisation de notre patrimoine culturel, afin que notre archipel devienne une halte incontournable dans la région.

Depuis 2009, Saint-Pierre-et-Miquelon connaît un véritable élan en ce sens, notamment grâce au classement de son patrimoine culturel.

Les élus travaillent également sur le projet ambitieux de labellisation « Patrimoine mondial » de l’UNESCO.

J’avais déjà sollicité votre prédécesseure afin que l’État nous apporte un soutien technique, par la mise à disposition auprès du préfet, d’un chargé de mission culture et patrimoine qui nous aide à monter les dossiers conformément aux procédures définies par le ministère de la culture, et qui puisse assister les collectivités dans le développement de la politique patrimoniale de l’archipel. Le rapport de la cinquième mission « Patrimoines » menée sur l’archipel en septembre 2016 par la DRAC de Bretagne conforte d’ailleurs cette idée.

Vous avez insisté, madame la ministre, sur votre politique culturelle de proximité. Aussi souhaiterais-je m’assurer que l’État sera bien présent aux côtés des acteurs culturels, institutionnels et associatifs d’outre-mer, notamment de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour mettre en valeur ce patrimoine français d’Amérique du Nord, riche et unique.

Mme Sarah El Haïry. Madame la ministre, à l’heure du hashtag #MontreTaCroix, l’Observatoire du patrimoine religieux a recensé 50 014 églises ou chapelles – pour ne parler que du patrimoine catholique  –, chiffre à mettre en regard des 3,1 millions de TPE-PME que compte la France, pour donner une idée du formidable potentiel de mécénat que recèlent nos entreprises.

Le mécénat, en France, n’en n’est qu’à ses balbutiements, et ce du fait des nombreux freins réglementaires qui entravent son développement. Seriez-vous favorable au desserrement de ces contraintes, notamment celle qui plafonne à 0,5 % du chiffre d’affaires le montant admis en réduction d’impôt. Ce serait une bonne mesure pour nos TPE-PME, qui sont les mieux placées pour être des « mécènes de proximité ». Un amendement que nous avions déposé en ce sens n’a malheureusement pas été retenu. Peut-être aura-t-il plus de chance en seconde lecture ou dans les années à venir.

M. Stéphane Testé. En ce qui concerne l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques et le soutien financier que l’État entend apporter aux collectivités, seriez-vous déjà en mesure de nous préciser les contours et les modalités de cette aide ?

Mme Céline Calvez. Madame la ministre, il y a trois semaines, vous vous rendiez, porte Dorée à Paris, au Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI), un établissement créé il y a dix ans pour reconnaître les parcours d’intégration des populations immigrées dans la société française et faire évoluer les mentalités sur l’immigration et sur l’intégration en France. À l’occasion de cet anniversaire, vous avez souligné la triple responsabilité du ministère de la culture : changer les mots, les regards, les vies.

Au-delà des 10 millions d’euros inscrits à ce jour au PLF pour 2018 pour le Musée national de l’histoire de l’immigration, pouvez-vous nous éclairer sur les actions culturelles qui peuvent être consacrées à une meilleure culture de l’intégration ? Je pense aux actions qui portent sur les mots et pas seulement sur l’apprentissage du français, à celles qui changent notre regard sur les migrants, à celles qui permettraient de faire passer ces migrants ou ces personnes intégrées de la condition de sujets à celle de faiseurs et véritables acteurs de ces représentations.

M. Gabriel Attal. Pour ma part, je voudrais revenir sur le programme 131 « Création ». Je note une augmentation de 300 000 euros pour le design et la mode, deux secteurs qui participent très fortement au rayonnement de notre pays à l’international. Quel est le sens de cette augmentation ? À quels dispositifs ces 300 000 euros vont-ils être affectés ? Quels outils d’insertion et de professionnalisation des différents acteurs du secteur vont-ils financer ?

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Madame Cariou, je profite de votre question sur l’implication directe et indirecte de l’UNESCO pour me réjouir de l’élection d’Audrey Azoulay à la direction de cet organisme. Ancienne ministre de la culture, elle représente la France et elle possède toutes les qualités requises pour mener à bien des missions essentielles en matière d’éducation, de culture et de patrimoine. La contribution de la France sera maintenue, je vous le confirme. La capacité d’attraction de certains sites est renforcée par le travail de labellisation effectué par l’UNESCO. C’est un dossier que je connais bien car, dans ma vie précédente, je siégeais au conseil d’administration de la commission nationale française pour l’UNESCO.

Monsieur Claireaux, vous m’avez interrogée sur les territoires ultramarins et plus particulièrement sur la création d’un poste à Saint-Pierre-et-Miquelon où, jusqu’à présent, c’est le conservateur régional des monuments historiques de Bretagne qui intervient à la demande du préfet. Nous allons développer une action de partenariat : les cadres de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pourront venir en appui à Saint-Pierre-et-Miquelon. Concernant la labellisation de l’archipel, le ministère de la culture est prêt à renforcer son appui financier aux collectivités qui s’engagent dans la démarche, tout en mobilisant pleinement le soutien de ses services, de ceux de la DRAC et de la direction générale des patrimoines. La situation de l’expert en patrimoine, également évoquée, sera étudiée par les services du ministère que je vais saisir dès aujourd’hui.

Madame El Haïry, vous êtes intervenue sur le patrimoine catholique et le potentiel de mécénat des PME et TPE. J’ai déjà évoqué, avec faveur, votre proposition de porter le plafond de 0,5 % à 1 %. Votre proposition de franchise permettant à ces entreprises de s’engager dans le mécénat nous intéresse et nous allons l’étudier. Cette piste s’inscrit dans le genre de politiques que nous entendons mener.

Monsieur Testé, j’ai déjà répondu sur l’élargissement des horaires des bibliothèques. L’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l’Inspection générale de l’administration (IGA) sont missionnées pour évaluer les besoins financiers correspondant à cet élargissement.

Merci, madame Calvez, pour votre question concernant l’intégration par la culture, qui est l’une de mes grandes préoccupations. Nous avons le devoir d’accueillir ceux qui arrivent chez nous. Comme je l’ai constaté à Paris, dans de nombreux lieux où je me suis rendue, la culture peut jouer un rôle fondamental en la matière. J’ai visité, par exemple, un incroyable lieu d’accueil d’artistes en exil. Dans ces populations, il y a gens absolument extraordinaires qui nous offrent un talent artistique dont nous pouvons nous enrichir. C’était le sens du discours que j’ai prononcé pour le dixième anniversaire du Musée national d’histoire de l’immigration. J’ai fait les mêmes constats au Liban, un pays qui compte au moins 1,5 million de réfugiés pour 5 millions d’habitants.

Monsieur Attal, vous êtes intervenu sur la mode. Le musée Yves-Saint-Laurent qui vient d’être inauguré, l’exposition Christian-Dior au musée des Arts décoratifs, et tous les lieux de réalisation de la mode témoignent de l’importance du savoir-faire et des métiers de ce secteur. La mode n’est pas seulement une beauté et une excellence apparentes. Elle représente aussi un enjeu culturel et économique majeur pour notre pays, comme le démontre, saison après saison, la fashion week. En 2018, le ministère de la culture mettra en place un fonds doté de 300 000 euros pour accompagner le démarrage de jeunes entreprises de mode. Dans ce domaine-là aussi, il y a une émergence de jeunes créateurs absolument extraordinaire et très réjouissante.

M. le président Éric Woerth. Merci, madame la ministre, d’avoir répondu en détail aux questions posées. Nous vous libérons en attendant de vous retrouver tout à l’heure pour examiner la mission concernant l’audiovisuel et les médias.

 

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt-cinq.

projet de loi de finances pour 2018

 

Compte rendu de la commission élargie du mardi 7 novembre 2017

(Application de l’article 120 du règlement)

Médias, livre et industries culturelles ;
Compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public »

La réunion de la commission élargie commence à seize heures trente sous la présidence de M. Éric Woerth, président, puis de Mme Émilie Cariou, vice-présidente de la commission des finances, de M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et de Mme Mireille Clapot, secrétaire de la commission des affaires étrangères.

M. le président Éric Woerth. M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles, Mme Mireille Clapot, vice-présidente de la commission des affaires étrangères et moi-même sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre, pour cette réunion en commission élargie composée de la commission des affaires culturelles, de la commission des affaires étrangères et de la commission des finances. Nous sommes réunis pour examiner les crédits de la mission Médias et industries culturelles et le compte spécial associé. Après que vous nous les aurez présentés, madame la ministre, je donnerai la parole à Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale de la commission des finances, puis à Mme Béatrice Piron qui est avec Mme Frédérique Dumas rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, ainsi qu’à M. Alain David, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’action audiovisuelle extérieure.

M. le président Bruno Studer. Notre commission a confié à Mme Frédérique Dumas et à Mme Béatrice Piron le rapport pour avis sur les crédits de la mission et du compte d’avance à l’audiovisuel public. Nos rapporteures ont fort opportunément choisi de centrer leur avis sur l’adaptation du financement de l’audiovisuel public, dans le cadre d’une réflexion globale sur sa place et ses missions dans le paysage audiovisuel. Je les remercie toutes deux pour le travail considérable qu’elles ont mené en quelques semaines. Il ouvre des pistes intéressantes que la commission aura à cœur de prolonger dans les mois qui viennent et je ne doute pas, madame la ministre, qu’il contribuera utilement à votre réflexion.

Mme Mireille Clapot, présidente. Je suis heureuse de débattre aujourd’hui en votre présence, madame la ministre, et avec nos collègues des commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères. Notre commission a souhaité se saisir pour avis des crédits de la mission Medias, pour examiner les moyens alloués à l’audiovisuel extérieur de la France, question souvent négligée au cours des débats budgétaires. Nous allons ainsi poursuivre et élargir un débat engagé il y a quelques semaines déjà au sein de notre commission, sous l’impulsion de nos rapporteurs, Alain David et Frédéric Petit.

Le groupe France Medias Monde, qui regroupe France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya est, hélas, trop souvent le grand oublié de la réflexion sur l’audiovisuel public. Il s’agit pourtant d’un levier fondamental de notre influence à l’étranger, d’un outil de promotion de la francophonie et d’un précieux instrument de diplomatie économique. La concurrence des autres grands médias s’intensifie, avec des moyens sans commune mesure avec les nôtres, qu’il s’agisse de CNN, de la BBC, des chaînes du Golfe ou des chaînes russes.

Le budget de France Médias Monde ne représente que 7 % de celui de l’audiovisuel public. Le groupe a réalisé 100 millions d’euros d’économies en cinq ans et ses marges de manœuvre sont désormais réduites. À l’heure où il faudrait investir, notamment dans le numérique, sous peine de quitter la course, le groupe devra au contraire renoncer à des projets importants comme la diffusion de RFI en langue vernaculaire en Afrique – là où se joue la lutte contre la radicalisation – ou la diffusion aux États-Unis.

Certes, tous les opérateurs doivent participer à l’effort budgétaire. Mais je saisis cette occasion pour vous proposer de lancer une réflexion qui inclurait votre ministère, le ministère des affaires étrangères, des parlementaires et les acteurs concernés, sur les ambitions et les moyens de l’audiovisuel extérieur de la France pour les cinq ans à venir.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Je consacrerai une large part de ce propos liminaire à la présentation de notre projet en faveur de l’audiovisuel, et plus particulièrement en faveur de l’audiovisuel public. La défense du pluralisme et de l’indépendance des médias est l’une des missions essentielles dont le ministère de la culture est chargé ; il s’agit sans doute de l’une des missions les plus étroitement liées à la santé de notre démocratie. Mais notre politique traditionnelle est incontestablement mise au défi, depuis plusieurs années, par le virage numérique. Nous sommes déterminés à engager les transformations qui permettront d’assurer la pérennité de notre modèle.

Il s’agit d’abord d’adapter notre modèle de régulation aux nouvelles réalités du secteur. La législation et la réglementation ont vieilli ; elles ont été conçues dans les années 1980, à une époque où n’existaient que six chaînes de télévision diffusées par voie analogique. Trente ans plus tard, tout a changé : le nombre de chaînes, la profusion de contenus, le numérique, l’arrivée des géants de l’Internet, les écrans connectés en tous lieux et en tout temps. Or, si elle a été modifiée de nombreuses fois, notre législation reste marquée dans son inspiration par ce temps qui fut celui de la rareté, auquel a succédé l’ère de l’abondance.

Par ailleurs, les règles sont aujourd’hui très contraignantes – qu’il s’agisse de contenus ou de financement – pour la télévision qui n’est plus le média dominant ; elles sont en revanche quasi inexistantes pour les plateformes. Depuis mai dernier, nous avons commencé à faire évoluer notre modèle pour y intégrer les médias numériques, au niveau national comme au niveau européen

Au niveau national, nous avons conduit une consultation sur l’évolution de la réglementation en matière de publicité à la télévision ; nos services sont en train d’en examiner les réponses.

Nous avons aussi ouvert le chantier de la réforme de la chronologie des médias, qui est une priorité pour adapter notre modèle aux nouveaux usages et sécuriser l’avenir de notre système de financement des œuvres. À cette fin, j’ai confié une mission de médiation à M. Dominique d’Hinnin, pour faire aboutir les discussions professionnelles, bloquées depuis trop longtemps. Je lui ai donné six mois pour trouver un nouvel accord ; à défaut, le Gouvernement prendra ses responsabilités et n’exclut pas de proposer une solution législative, en lien étroit avec le Parlement.

Des avancées importantes ont eu lieu au sujet de la contribution des acteurs numériques au financement de la création. Je pense notamment à l’entrée en vigueur, au mois de septembre, des taxes dites « YouTube » et « Netflix », qui élargissent la taxe vidéo affectée au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à toutes les plateformes.

Enfin, j’ai annoncé il y a quelques semaines que le Gouvernement s’engageait franchement en matière de lutte contre le piratage des œuvres et des contenus, un fléau que nous devons combattre par tous les moyens. J’y travaille avec mon collègue Mounir Majhoubi, secrétaire d’État au numérique.

Au niveau européen, je suis engagée pour la protection du droit d’auteur et pour la reconnaissance du droit voisin au profit des organismes de presse – l’une des clés pour assurer un modèle économique viable à la presse en ligne. J’ai participé en mai aux négociations sur la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) actuellement en discussion avec la Commission européenne et le Parlement européen. La transposition de la directive devrait avoir lieu en 2018 en France ; elle ouvrira la possibilité d’une refonte de la régulation audiovisuelle posée par la loi de 1986.

En parallèle de ces chantiers de modernisation légale et réglementaire, nous allons engager une réforme de fond de l’audiovisuel public. Cette réforme repose sur une vision, des missions prioritaires et une méthode de transformation.

Je le redis avec force : les médias de service public jouent un rôle indispensable dans le paysage médiatique et dans notre société en général. À l’heure où les sources de contenus se multiplient, où l’information circule abondamment, les médias de service public ont une valeur de référence pour nos concitoyens ; ils offrent un repère essentiel. Nous voulons conforter ce rôle dans un environnement qui évolue fortement.

Cela suppose de réaffirmer les missions prioritaires de l’audiovisuel public. Elles se sont enrichies au fil des ans. Au-delà du traditionnel triptyque « informer, cultiver, divertir », l’audiovisuel public est aujourd’hui un acteur de premier plan en matière de soutien à la création, d’information et de services de proximité et aussi de rayonnement international pour la France.

Dans le contexte de profondes mutations que nous connaissons, l’audiovisuel public a sa carte à jouer en faisant le pari de la création et en proposant des programmes qui se distinguent dans un univers d’offre surabondante ; en restant à la pointe de l’offre numérique et multicanal pour s’adapter aux nouveaux usages ; en développant une stratégie ambitieuse à l’international. Je saisis cette occasion pour saluer le lancement récent de France 24 en espagnol : c’est une très belle avancée.

Ce positionnement stratégique nécessite de profondes transformations, dont certaines sont déjà engagées par les équipes dirigeantes : le Gouvernement est déterminé à accompagner ces changements.

Ces défis devront, vous le savez, être relevés dans un contexte contraint pour les finances publiques. Le Gouvernement s’est engagé, en responsabilité, dans une politique de redressement des comptes publics ; l’audiovisuel public doit contribuer à l’effort collectif – ce qui suppose d’ajuster les dotations prévues dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus par le précédent Gouvernement.

Le budget de l’audiovisuel public sera de 3,9 milliards d’euros en 2018. L’effort d’économies demandé est réel, je ne le conteste pas : ce budget est inférieur de 36 millions d’euros à celui de 2017, et de 80 millions d’euros par rapport aux COM. Mais c’est un effort soutenable : il représente moins de 1 % du budget de l’audiovisuel public et il ne remet aucunement en cause le soutien de l’État. Le budget pour 2018 reste supérieur à celui de 2016 et de 2015.

Dans ce contexte budgétaire, j’ai fixé quatre impératifs stratégiques à court terme : soutien à la création, information de référence, transformation numérique de l’offre et rayonnement international de la France.

Mais, pour préparer l’avenir, je souhaite que l’audiovisuel public s’engage dans une dynamique de transformation plus structurelle, en prenant appui sur trois leviers : la réflexion sur le périmètre des missions et sur l’efficacité de leur mise en œuvre, le financement et la gouvernance.

La réflexion sur le périmètre des missions et sur l’efficacité de leur mise en œuvre fait actuellement l’objet d’un travail interministériel associant mon ministère à celui de l’économie et des finances et à celui de l’action et des comptes publics. Les sociétés de l’audiovisuel public, étroitement associées à ce travail, devraient nous faire part de leurs premières pistes de réforme d’ici la mi-novembre, et la réflexion se poursuivra jusqu’au début de l’année 2018.

À ce stade, le travail porte sur les coopérations et les synergies qui peuvent être trouvées entre les acteurs du secteur, à l’image de ce qui a été engagé avec France Info, mais nous n’écarterons aucune piste pour l’avenir. Certains considèrent qu’il faut aller plus loin, en regroupant les sociétés de l’audiovisuel public ; je souhaite que le débat ait lieu.

La transformation du secteur devra s’accompagner d’un débat sur son financement. Pour ce qui est de la contribution à l’audiovisuel public, aucun impératif financier ne justifiait une réforme à très court terme. La priorité pour le PLF 2018, vous le savez, est la réforme de la taxe d’habitation. Néanmoins, à moyen terme, l’évolution des usages amène à s’interroger sur le rendement de la contribution et sur l’équité entre contribuables. Aussi, comme je l’ai déjà dit, je souhaite qu’un débat soit ouvert, notamment sur l’élargissement de l’assiette. Nous avons lancé la réflexion à ce sujet ; elle aboutira dans les prochains mois et je souhaite pouvoir m’exprimer sur ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Sachez que le Gouvernement n’est pas favorable au retour de la publicité après 20 heures sur les antennes de France Télévisions : c’est un élément fort de distinction du service public.

Le dernier chantier de transformation concerne la gouvernance de l’audiovisuel public, corollaire indispensable aux autres réformes. Nous connaissons les limites du système actuel. Je souhaite que l’on ouvre le sujet, comme le président de la République s’y est engagé pendant la campagne électorale et comme le Premier ministre me l’a demandé dans sa lettre de mission. Cela concerne d’une part les COM, dont les périodes ne sont pas alignées, d’autre part le mode de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

Sur ces deux dossiers, comme sur tous ceux que je viens d’évoquer, je serai évidemment à l’écoute de vos propositions et je me tiendrai à votre disposition pour répondre à vos questions. Je tenais à prendre un peu de temps pour vous présenter ces chantiers décisifs qui traduisent notre forte ambition pour les médias de service public et qui doivent en préparer l’avenir.

Je voudrais maintenant vous exposer les grandes lignes de notre budget pour la mission « Médias, livres et industries culturelles ». À périmètre constant par rapport à 2017, les moyens de cette mission seront quasiment stables l’année prochaine.

S’agissant du soutien de la presse, le projet de budget pour 2018 sanctuarise nos deux priorités : les aides au pluralisme sont intégralement maintenues et tous les dispositifs d’aide à l’innovation et à la transformation numérique sont préservés. Nous continuerons à soutenir la filière de la distribution de la presse en tenant compte des évolutions du marché et de la restructuration du secteur. Ainsi, les moyens de l’aide au portage diminueront, pour suivre l’évolution des volumes, et les aides à la distribution sont maintenues. Pour préparer l’avenir de la filière, nous avons confié une mission de réflexion à M. Gérard Rameix.

Les moyens de l’Agence France Presse (AFP) sont légèrement ajustés, mais consolidés à un niveau supérieur au COM. Nous avons par ailleurs engagé une réflexion prospective avec l’AFP sur ses projets, ses investissements technologiques et le développement de sa marque à l’international.

Le projet de budget 2018 réaffirme par ailleurs notre soutien aux radios locales. Les moyens du fonds de soutien à l’expression radiophonique sont confortés à 31 millions d’euros, niveau historique.

S’agissant des industries culturelles, j’ai évoqué par ailleurs l’accompagnement des secteurs du livre et de la musique, mais je saisis cette occasion pour vous redire à quel point le soutien à la musique et à son rayonnement international me paraît essentiel. C’est pourquoi nous avons décidé d’augmenter significativement la contribution du ministère de la culture au Bureau Export de la musique. Cette augmentation est une première étape ; elle sera poursuivie les années suivantes, dans un effort que j’espère partagé avec les professionnels.

Pour le cinéma et l’image animée, nous allons renforcer le soutien à la création française. Le budget du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) s’établira à 724 millions d’euros, en hausse de 17 millions d’euros. Comme vous le savez peut-être, le Conseil constitutionnel a rendu, fin octobre, une décision importante sur la taxe sur les services de télévision, principale ressource du CNC et qui était contestée par les chaînes. Le Conseil a invalidé la taxe mais a reporté l’effet de sa décision au 1er juillet 2018, ce qui laisse le temps au Gouvernement et au Parlement d’apporter les corrections nécessaires et permet de sécuriser les ressources du CNC : c’est une très bonne nouvelle. Ces rectifications figureront dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017 qui vous sera bientôt soumis. Enfin, les crédits d’impôt pour le cinéma, l’audiovisuel et les jeux vidéo sont intégralement préservés, après la forte revalorisation des deux dernières années.

Dans l’ensemble des domaines, la création française est donc soutenue de façon pérenne.

Tel est l’essentiel des orientations du projet de budget de la mission Médias, Livre et Industries culturelles pour 2018. Dans chacun des secteurs, à commencer par l’audiovisuel public, nous souhaitons porter un budget de transformation garantissant les principes intemporels que sont l’indépendance et la diversité du paysage culturel, tout en préparant l’avenir.

Mme Marie-Ange Magne, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Dans le contexte du redressement des comptes publics, le PLF 2018 s’attache à préserver le soutien nécessaire à la presse, aux médias, au livre et aux industries culturelles. En dépit de ce contexte budgétaire, il appartient à l’État de soutenir la création, de défendre une information de référence, d’aider à la transformation numérique de l’offre et de défendre le rayonnement international de la France.

Les crédits 2018 de la mission Médias, livre et industries culturelles s’élèvent à 555,4 millions d’euros et, à périmètre constant, sont stables. Cela permet de donner au ministère de la culture les moyens de conduire des politiques publiques efficaces et ambitieuses.

Les moyens consacrés à la politique en faveur du livre, de la lecture et des industries culturelles s’élèveront en 2018 à 270 millions d’euros. La baisse apparente par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2017 correspond à un transfert de crédits de 9,2 millions d’euros dans le programme 224 « Éducation artistique et culturelle », visant à financer notamment le développement des contrats « territoire-lecture » et des projets « rendez-vous en bibliothèque » destinés aux enfants des écoles.

En prenant donc en compte ce transfert des crédits, ainsi que la prise en charge par le CNC désormais, des interventions déconcentrées en faveur de la diffusion des œuvres cinématographiques sur tout le territoire, le programme 334 « Livres et industries culturelles », est, à périmètre constant, en hausse de 3 %. Ces crédits sont principalement consacrés au financement de la Bibliothèque nationale de France et aux travaux du quadrilatère Richelieu.

L’action de l’État visant à garantir le pluralisme de la presse, soutenir sa diffusion et promouvoir la modernisation du secteur dans un contexte de développement numérique et d’érosion de la diffusion papier, les crédits d’aides à la presse sont stables, à 285 millions d’euros.

Il faut néanmoins souligner les difficultés préoccupantes de l’Agence France-Presse à respecter les objectifs fixés en matière de performance commerciale.

Concernant l’audiovisuel public, le PLF 2018 propose de diminuer de 1 % le montant total des crédits publics par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cela se traduit par une baisse de 36 millions d’euros par rapport à 2017 et de près de 80 millions d’euros par rapport aux trajectoires des contrats d’objectifs et de moyens. Les dotations aux organismes de l’audiovisuel public sont ainsi ramenées à 3,9 milliards d’euros. La réduction du soutien de l’État à France Télévisions, appréciée dans la dynamique du COM, atteint 50 millions d’euros. L’effort d’économie demandé n’est pas négligeable et doit mener à une réflexion autour d’une définition ou d’une redéfinition d’une politique de l’audiovisuel public.

Cet effort budgétaire conséquent demandé à France Télévision peut être d’autant plus mal compris par l’entreprise qu’elle s’est déjà engagée dans un processus de rationalisation de ses dépenses, en grande partie par la maîtrise de sa masse salariale. Des efforts ont été effectués en matière de coopération, permettant la création très rapide, en 2016, de la chaîne de télévision Franceinfo, ou encore le déploiement du lourd projet « Info 2015 » de fusion des rédactions nationales de France 2 et France 3. De nouveaux projets devraient voir le jour, comme le lancement d’une nouvelle offre numérique de vidéos à la demande, ou la création d’un nouveau modèle audiovisuel public régional porté par l’antenne de France 3 Nouvelle Aquitaine.

Il reste que l’audiovisuel public doit poursuivre sa dynamique de transformation structurelle. Cela passe par la mise en œuvre d’une politique de concertation sur le périmètre de ses missions, sur son mode de gouvernance et enfin sur son financement. Le débat devra aussi inclure les préoccupations de rajeunissement de l’audience, la révolution numérique, ou encore la concurrence des GAFAN — Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix.

Madame la ministre, une réflexion sur le périmètre des missions de l’audiovisuel public et sur l’efficacité de leur mise en œuvre fait actuellement l’objet d’un travail interministériel associant le ministère de la culture, le ministère de l’économie et des finances et celui de l’action et des comptes publics, en lien avec les sociétés de l’audiovisuel public. Pouvez-vous nous faire part de premières pistes de réformes de l’audiovisuel public ? Dans quelle mesure est-il possible de renforcer les coopérations entre les acteurs du secteur ? Peut-on envisager l’alignement du calendrier des COM des sociétés de l’audiovisuel public ?

Enfin, dans un contexte de concurrence accrue autour du développement des offres numériques de services de vidéo à la demande par abonnement, est-il prévu d’engager une réflexion qui permettrait de résoudre les questions de droits pour permettre à France Télévision de bâtir un catalogue vaste, diversifié et attractif ?

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Si ma collègue Frédérique Dumas et moi-même émettrons un avis favorable au sujet des crédits inscrits à la mission « Médias, livre et industries culturelles » et au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, ce n’est cependant pas sans rester vigilantes sur l’impact des coupes budgétaires qui, arbitrées tardivement, ont été imposées aux sociétés de l’audiovisuel public. Le PLF pour 2018 prévoit en effet une baisse des ressources publiques versées à ces sociétés de près de 80 millions d’euros par rapport aux engagements pris par l’État dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM). Si Arte France, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) devraient pouvoir faire face à la baisse de leurs dotations respectives, la situation semble plus délicate pour Radio France, France Médias Monde et surtout pour France Télévisions.

Radio France devrait, en 2018, pouvoir supporter la baisse de 24,6 millions d’euros de sa dotation en décalant la fin du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio, mais qu’en sera-t-il en 2019 ? Il faudra bien mener ce chantier à son terme. France Médias Monde devrait répercuter la baisse de 1,9 million d’euros de sa dotation sur sa couverture mondiale en mettant fin à une partie de sa diffusion aux États-Unis et en supprimant sa diffusion en swahili. Enfin, pour France Télévisions, dont la dotation chute de 47,8 millions d’euros par rapport à son COM, nous ne disposons à ce jour d’aucune précision sur l’impact des économies demandées. Nous ne nions pas que ces entreprises doivent contribuer à l’effort de redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement ; toutefois, nous souhaiterions avoir l’assurance que les économies réalisées n’affectent ni les missions essentielles des opérateurs de l’audiovisuel public, ni leurs investissements dans la création et les programmes, ni leur transformation numérique.

En effet, on ne met pas assez en avant les nombreux efforts de gestion et d’adaptation aux nouveaux usages que les sociétés de l’audiovisuel public ont déjà déployés ces dernières années. Toutes se sont engagées dans la maîtrise de leur budget, de leur masse salariale et de leurs frais de structure. Toutes ont commencé à développer des projets communs, comme l’illustre le lancement de la chaîne Franceinfo, et à créer des synergies génératrices d’économies en matière d’achats hors programmes et de publicité. Toutes ont lancé des projets innovants pour s’adapter à la substitution de nouveaux supports numériques au téléviseur et à la consommation de plus en plus délinéarisée des contenus audiovisuels, en particulier chez les jeunes.

Radio France, qui a doublé son budget consacré au numérique en cinq ans, multiplie les partenariats technologiques, notamment avec Google et bientôt avec Amazon, pour leurs assistants vocaux respectifs. À compter du 1er janvier prochain, « Un Monde de Radio France » permettra à chacun de se constituer une radio sur mesure. Arte, depuis 2012, forme l’ensemble de son personnel au numérique et a innové au printemps dernier en permettant même un visionnage en « rattrapage anticipé » sur son site internet. La stratégie social-média de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), dont l’audience sur les réseaux sociaux a progressé jusqu’à 700 % en un an, a récemment été saluée par les prix CB News. RFI et France 24 sont respectivement la première radio et la première chaîne d’information internationales en Afrique francophone. Si ces stratégies ont été payantes et couronnées par de remarquables succès d’audience, il est vrai que des progrès restent à accomplir, en particulier chez France Télévisions.

La condition de la poursuite de ces transformations est, à notre sens, l’adaptation du financement de l’audiovisuel public, qui ne peut être envisagée sous l’angle d’arbitrages budgétaires lors des débats sur les projets de loi de finances, ni être éternellement différée. Compte tenu de la suppression progressive, pour 80 % des contribuables, de la taxe d’habitation, au recouvrement de laquelle est adossé celui de la contribution à l’audiovisuel public, le moment est venu de réformer ce financement.

La question des moyens ne pouvant précéder celle des fins, la redéfinition du modèle de financement de l’audiovisuel public doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion globale sur les missions souhaitées pour ce service public, son attractivité, sa gouvernance, son périmètre et sa place dans son écosystème. Le modèle retenu, quel qu’il soit, devra apporter des garanties en termes de prévisibilité et de stabilité des ressources, d’indépendance éditoriale, de transparence et d’acceptation sociale. De nombreuses auditions nous permettent d’affirmer que seule l’universalisation de la contribution à l’audiovisuel public est de nature à satisfaire aux exigences attendues : en Allemagne, la contribution forfaitaire est adossée à l’impôt foncier ; en Finlande, elle prend la forme d’une taxe proportionnelle adossée à l’impôt sur le revenu ; en Italie, elle est adossée à la fourniture d’énergie. Une telle réforme devrait être l’occasion d’une consultation des publics, de pédagogie et de communication sur la raison d’être du service public audiovisuel.

Madame la ministre, nous confirmons notre avis favorable, mais nous souhaitons connaître votre point de vue sur ces questions, vous qui, devant la commission de la culture du Sénat, le 25 octobre dernier, vous êtes dite ouverte à un débat sur l’élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public « en cohérence avec l’évolution des usages ».

M. Alain David, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Le Président de la République a fait de la défense de la francophonie l’un des objectifs de sa politique étrangère. Dans cette bataille d’influence, notre audiovisuel extérieur a un rôle essentiel à jouer, qui n’est pas reconnu à sa juste valeur par les pouvoirs publics.

Le contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde a été approuvé l’année dernière mais dès l’an prochain, il ne sera pas respecté puisqu’une baisse de près de 1,9 million d’euros par rapport aux prévisions du COM est prévue en 2018.

Pourtant, le groupe devra faire face aux enjeux du développement de la télévision numérique terrestre (TNT) en Afrique – si nous ratons ce tournant, nous n’existerons plus sur le continent. Il faut passer à la généralisation de la diffusion en haute définition dans certaines parties du monde, à la numérisation des contenus et au renforcement de notre présence en Asie. Le groupe devra aussi lancer sa version en espagnol – et a d’ailleurs déjà commencé à le faire. France 24 devra renoncer à une partie de sa diffusion aux États-Unis et fermer RFI en swahili alors que cette langue nous permettait d’atteindre le Congo, le Burundi et le Rwanda.

France Médias Monde est arrivée à tout ce qu’elle pouvait faire en matière de redéploiements. On parle de crédits qui représentent seulement 7 % de l’ensemble de l’audiovisuel public français. Voulons-nous toujours faire de notre audiovisuel extérieur un outil au service de notre influence politique et économique ou souhaitons-nous qu’il reste un simple gadget ? Si l’on veut investir, il faut des moyens : quelle est votre position concernant la redevance ?

Certains évoquent la création d’une grande holding de la télévision publique qui absorberait France Médias Monde : c’est une fausse bonne idée qui pourrait coûter cher à l’État et tuer notre audiovisuel extérieur.

Dernière question sur France Médias Monde : le groupe se trouve sous la double tutelle des ministères de la culture et des affaires étrangères ; mais en réalité, personne ne le pilote. Ne pourrait-on imaginer la création d’une commission réunissant tous les acteurs de notre audiovisuel extérieur pour examiner dans le détail ses priorités stratégiques et géographiques et ses moyens dans les années à venir ?

En ce qui concerne TV5 Monde, la baisse de la dotation française en 2018 de plus d’un million d’euros, qui s’accompagne d’une diminution de l’enveloppe destinée aux acquisitions de programmes français, risque non seulement de dissuader les partenaires francophones d’augmenter leurs contributions mais éventuellement de leur offrir l’opportunité de les réduire. Il semble peu probable que les besoins de développement de TV5 Monde, définis dans son plan stratégique 2017-2020, puissent être financés. Songez-vous à ouvrir TV5 Monde à de nouveaux partenaires ?

Plus généralement, la stratégie numérique des deux groupes ne me semble ni assez offensive ni assez aboutie. Pourquoi ne pas réfléchir à la création d’un Netflix à la française, qui serait alimenté par nos groupes publics et privés et accessible aussi bien en France qu’à l’étranger ?

Mme Clapot a posé la question de la place de notre audiovisuel extérieur dans votre réflexion sur l’audiovisuel public. Quelle est votre stratégie pour France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya qui contribuent au rayonnement de la France ?

M. le président Éric Woerth.  Je souhaiterais, si vous me le permettez, madame la ministre, compléter le propos des rapporteurs concernant les économies supplémentaires que vous demandez aux groupes France Télévision et France Médias Monde.

Un contrat d’objectifs et de moyens a été signé à la fin de l’année 2016, dans un contexte électoral, certes, mais qui n’engage pas moins l’État. Il semble pour le moins délicat de diminuer les crédits de ces deux groupes sans concertation avec eux, à moins de considérer qu’ils n’ont pas leur mot à dire. Y a-t-il eu concertation ou pas ?

En ce qui concerne le groupe France Télévisions, sachant que l’écart entre le budget 2018 et les crédits prévus dans le contrat d’objectifs et de moyens est de 47 millions d’euros, quelles économies doivent-elles, selon vous, être réalisées pour que soient respectés les objectifs du COM ? Ou doit-on tout simplement le remettre en cause ? En effet, si on arrive à faire la même chose avec 47 millions de moins, c’est que des économies très fortes sont possibles : lesquelles ? Si, en revanche, on n’y arrive pas, faut-il remettre en cause le contrat d’objectifs et de moyens ?

Tous les gouvernements depuis de nombreuses années ont engagé des réformes de l’audiovisuel public ; du coup, il est impossible de le stabiliser. Je sais que les technologies se modernisent, que les plateformes numériques exercent leur pression, que les recettes publicitaires évoluent considérablement, que la concurrence est avivée et que la manière de consommer l’audiovisuel change. Mais, face à cela, les groupes publics ont aussi besoin de stabilité, y compris pour mener à bien leurs réformes, sans avoir à changer sans arrêt de pied.

Cela est notamment vrai pour France Médias Monde : l’expression de la France à l’étranger est très importante, mais les crédits alloués à ce groupe sont très inférieurs à ceux que consacrent d’autres puissances à de telles actions. Nous n’avons pas forcément les moyens d’en faire autant mais la petite réduction de crédits de France Médias Monde risque de remettre en cause son développement.

Quant à la réflexion que vous engagez, elle doit aboutir très vite. Il faut revoir les contrats d’objectifs et de moyens. L’État a toujours systématiquement les mêmes exigences sans jamais les hiérarchiser. On demande absolument tout en même temps à l’audiovisuel public : faire des programmes pour les jeunes, des programmes de création, des programmes culturels, des programmes grand public, etc. Il faut vraiment dire à France Télévisions ce qu’on attend du groupe et de chacune de ses chaînes. Il faut également indiquer comment on peut augmenter les ressources de ces groupes. Peut-être faut-il élargir l’assiette de la redevance ? Cette question a été posée à tous les gouvernements successifs qui, à chaque fois, ont évité d’y répondre.

Quant à la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), elle est à l’évidence surfinancée : alors qu’elle a été créée pour remédier à l’absence de recettes publicitaires, l’État reverse au budget général une bonne partie de son produit. Il importe que le Gouvernement nous fournisse une réponse très claire quant à l’utilisation de la TOCE.

Enfin, la diversification des recettes commerciales me semble aussi être un point très important : le Gouvernement a-t-il mené des réflexions plus approfondies à ce sujet ou n’en est-il qu’au début de celles-ci ?

Mme Françoise Nyssen, ministre. Madame Magne, l’audiovisuel public est confronté à des défis considérables liés à l’évolution des usages, à l’intensification de la concurrence et à la profusion des contenus. Notre vision de l’audiovisuel public est donc indissociable de celle que nous avons de l’audiovisuel en général – un secteur qui est confronté à deux défis majeurs : l’adaptation au numérique et la concurrence des géants de l’internet. Nous faisons résolument le pari de la création et souhaitons que l’audiovisuel publie continue à se singulariser grâce à ses programmes. L’audiovisuel public doit être à la pointe de l’innovation éditoriale et technologique pour s’adapter à la transformation des usages et contribuer au rayonnement international de la France. Pour répondre à ces défis dans un contexte budgétaire contraint, il s’agit aussi d’accélérer une transformation à laquelle les services de l’État travaillent activement, en coopération avec les entreprises de l’audiovisuel public et à partir des propositions qu’elles ont été invitées à présenter depuis mon arrivée. L’objectif est que ce travail de réflexion aboutisse en début d’année 2018.

Madame Piron, les contrats d’objectifs et de moyens de Radio France pour la période 2015-2019 ont deux ambitions : d’une part, poursuivre la mue numérique de la radio publique pour que cette dernière demeure le média de mobilité par excellence et atteigne tous les publics, les plus jeunes en particulier ; d’autre part, utiliser à plein la Maison de la Radio rénovée en développant une offre culturelle de spectacles riche et diverse. Ces ambitions doivent être poursuivies dans un cadre financier assaini. Le retour à l’équilibre des comptes devrait être atteint en 2018. L’État remplit sa part du COM en augmentant, comme prévu, sa dotation de fonctionnement de 8,7 millions d’euros. En revanche, le nouveau décalage du chantier immobilier justifie la baisse de 24,6 millions d’euros de la subvention d’investissement. Une mission a été confiée à M. Valls concernant l’achèvement des travaux pour déterminer les modalités d’aménagement du lieu.

Quant à France Télévisions, c’est un acteur essentiel à la mise en œuvre des priorités du ministère que sont le soutien à la création, le pluralisme de l’information et la transformation numérique. Cependant, ce groupe ne peut être exempté de contribuer aux efforts collectifs de redressement des finances publiques. L’enjeu pour nous est de concilier cet impératif budgétaire et nos ambitions culturelles. J’entends notamment préserver au maximum l’investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique. Les discussions sont en cours avec France Télévisions pour identifier les marges de manœuvre permettant d’atteindre cet objectif tout en respectant la trajectoire budgétaire. L’ajustement du budget de France Télévisions sera eu bout du compte de moins de 1 % : il me semble donc facile à assumer, en jouant notamment sur les frais de structure et les frais techniques de diffusion. Une réflexion sur certains programmes doit certes être menée ; nous attendons des éléments à ce sujet de la part de l’entreprise pour la mi-novembre.

Vous avez aussi évoqué l’adaptation du financement de l’audiovisuel public. Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoit pas de réformer la contribution à l’audiovisuel public (CAP) l’an prochain mais cette question doit absolument être débattue car la CAP est adossée à la taxe d’habitation qui sera fortement modifiée à partir de 2018 ; par ailleurs, le développement de la consommation audiovisuelle sur les nouveaux supports numériques entraîne une baisse tendancielle de l’équipement des foyers en téléviseurs et donc un double risque d’érosion du rendement de la CAP et de moindres équités entre les foyers, dans la mesure où ceux qui regardent la télévision ailleurs que sur un téléviseur ne sont pas les moins aisés. Nous explorons donc des pistes de réforme de la CAP, parallèlement à l’indispensable réflexion sur les missions, l’organisation et l’efficacité de l’audiovisuel public. Vous l’avez évoqué, plusieurs réformes ont été menées en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe : à nous de déterminer la meilleure solution pour la France.

Mme Piron et M. David ont tous deux évoqué France Médias Monde. Rappelons un chiffre clé, que l’on a tendance à oublier : l’augmentation du budget du groupe de 6,2 millions d’euros en 2018, avec une priorité accordée au développement du service hispanophone, effectif depuis quelques semaines. J’ai pu me rendre compte personnellement, lors de mon déplacement il y a une dizaine de jours, que les Mexicains en étaient très heureux. France Médias Monde est porteur d’une ambition majeure de rayonnement international ; c’est la raison pour laquelle le groupe voit son budget augmenter. Dans un contexte budgétaire contraint, la dotation allouée est certes en retrait de 1,9 million d’euros par rapport aux prévisions du contrat d’objectifs et de moyens mais l’augmentation du budget n’en est pas moins de 2,5 % par rapport à 2017 : c’est la plus forte hausse budgétaire de tout l’audiovisuel public. Cette dotation ne remet aucunement en cause les développements prévus, notamment le lancement de France 24 en espagnol, qui a eu lieu en septembre. Je sais que la présidente de France Médias Monde travaille actuellement à un aménagement des différents efforts engagés : ainsi, pour ce qui est du swahili, il pourrait s’agir de diminuer du nombre d’heures de diffusion dans cette langue et non de supprimer purement et simplement le programme.

S’agissant de la tutelle exercée sur le groupe, je vous rassure : nous travaillons en excellente harmonie avec nos collègues du Quai d’Orsay. Cette tutelle me semble donc davantage un plus qu’un frein.

Le lancement de France 24 en Amérique latine a été une opération remarquable. Après le français, l’anglais et l’arabe, l’enjeu est que l’audiovisuel extérieur français diffuse sa chaîne d’information en continu dans la troisième langue la plus parlée sur la planète et première langue d’un continent appelé à jouer un rôle croissant dans les grands équilibres mondiaux. L’État a largement accompagné ce projet qui justifiait, encore une fois, que les crédits de France Médias Monde progressent cette année de 6,2 millions d’euros. J’en profite d’ailleurs pour saluer les équipes qui ont mené avec succès le lancement de cette chaîne.

Comme vous le savez, monsieur le président Éric Woerth, nous avons trouvé à notre arrivée en mai dernier une situation budgétaire dégradée – la Cour des comptes l’a établi très clairement. Les COM signés n’étaient donc pas tenables et il a fallu ajuster la tendance des dépenses. En ce qui concerne les pistes d’économies pour France Télévisions, j’ai déjà donné des indications : j’attends les propositions de l’entreprise d’ici à la mi-novembre.

M. le président Éric Woerth. Je donne à présent la parole aux orateurs des groupes.

M. Pascal Bois. Au nom du groupe La République en marche, je veux exprime notre satisfaction de vous avoir entendue, Mme la ministre, nous préciser à nouveau les ambitions de votre budget dont les missions sont confortées à hauteur de 10 milliards d’euros. Cela démontre que la culture est une priorité du Président de la République et du Gouvernement auquel vous appartenez. Ce budget 2018 est aussi une œuvre de transformation et d’innovation et traduit le souci bien perceptible de favoriser par la culture l’émancipation, l’altérité, la création et la cohésion sociale.

S’agissant des 3,9 milliards d’euros de concours financiers alloués aux opérateurs de l’audiovisuel public, l’essentiel a été évoqué par mes consœurs rapporteures ; je partage leurs remarques quant à la baisse des budgets de France Télévision et de France Médias Monde qui pourrait affecter leurs investissements dans la création et la transformation numérique et qui aurait pu être atténuée.

Eu égard aux programmes 334 et 180 relatifs, respectivement, au livre et à l’industrie culturelle puis aux médias, on y retrouve parfaitement vos priorités, madame la ministre, en matière de soutien à la création, avec le fonds pour la création musicale, et de cohésion sociale, en métropole comme outre-mer, via les médias de proximité. Je citerai plus particulièrement l’expression radiophonique, vitale, à travers les 700 radios associatives établies sur tout le territoire et assurant le renforcement du lien social. On retrouve aussi dans ce budget vos priorités en matière d’accessibilité à la culture, thème qui me tient à cœur. Je citerai à cet égard l’excellent projet d’extension des horaires d’accès aux bibliothèques et l’ambition d’en faire, à terme, de véritables maisons du service public culturel. Enfin, vous accordez aussi la priorité aux médias, pour assurer leur développement, conforter le pluralisme de l’information et accompagner dans la durée un secteur fragilisé par les évolutions technologiques et économiques – je pense notamment à l’AFP.

Madame la ministre, nous devons porter une attention particulière aux diffuseurs de presse. Quels sont vos engagements en la matière ?

Mme Virginie Duby-Muller. Je salue la qualité des travaux menés par nos rapporteurs et l’éclairage qu’ils nous ont fourni concernant le budget des médias.

Le cœur de cette actualité, ce sont notamment les baisses de dotations importantes pour notre audiovisuel public, consécutives à des arbitrages très tardifs du Gouvernement. Les acteurs de l’audiovisuel français ont constaté une véritable volte-face dans le budget 2018, qui aura logiquement des conséquences directes sur leurs choix en matière de création, d’information sur le territoire ou de développement du numérique. À l’instar du président Eric Woerth, je m’interroge donc sur la pertinence des contrats d’objectifs et de moyens. Vous avez demandé aux opérateurs, madame la ministre, de fournir un effort de 36 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2017 et de 78 millions d’euros par rapport à la trajectoire financière négociée dans leurs COM respectifs, à hauteur de 48 millions d’euros pour France Télévisions, de 25 millions d’euros pour Radio France et de 2 millions d’euros pour France Médias Monde.

Les budgets sont largement inférieurs aux COM négociés, comme ils le furent sous le précédent Gouvernement, de 2013 à 2016, avant de voir leurs crédits remonter en année électorale, ce qui explique que les engagements de l’État soient intenables aujourd’hui. Comment garantir à nos professionnels de l’audiovisuel une signature fiable de l’État et une réelle vision d’ensemble des crédits budgétaires qui leur sont alloués ?

Je m’interroge également quant à la situation plus particulière de France Télévisions, grand perdant des arbitrages du Gouvernement. Pour pallier l’effort budgétaire demandé, le rapporteur général avait judicieusement proposé un amendement prévoyant un moratoire sur la suppression de la publicité pendant les programmes dédiés à la jeunesse et un relèvement du montant de la TOCE de 3 millions d’euros. Je m’étonne que cet amendement de la majorité La République en Marche – qui avait pourtant reçu un avis favorable de la commission – ait été retiré avant même d’être présenté. Comment expliquer ce recul alors que la situation budgétaire de France Télévisions reste problématique ?

Enfin, je souhaite vous interroger sur la TOCE, dite taxe Copé, créée en 2009 pour compenser la perte de revenus publicitaires liée à l’arrêt de la publicité en soirée. En réduisant de 79 millions d’euros le plafond d’affectation de la TOCE à France Télévisions par rapport à 2017, vous vous inscrivez dans la continuité avec la politique audiovisuelle menée par le précédent Gouvernement : vous déviez vers le budget de l’État une ressource que le législateur avait pourtant souhaité flécher vers l’opérateur. Comment expliquer cette ponction ?

Mme Géraldine Bannier. La mission « Médias, livre et industries culturelles » renvoie à des valeurs fondamentales de notre démocratie : la défense du pluralisme, la liberté de la presse, l’accès à l’information, la promotion de la culture et le soutien à la création.

La presse écrite, touchée par la révolution numérique, est en mutation et nous savons que vous veillez, madame la ministre, à accompagner ce secteur.

Une orientation claire et précise doit être fixée aux médias télévisuels et radiophoniques pour qu’ils accomplissent les transformations structurelles nécessaires à leur efficacité. Ces médias doivent être dotés d’un budget suffisant, lisible et stabilisé. Vous avez annoncé votre intention de réfléchir aux périmètres d’émissions, au financement et à la gouvernance de ces médias : nous y serons particulièrement attentifs.

Notre groupe Mouvement démocrate et apparentés est particulièrement attaché au monde du livre, vecteur de réussite pour tous. Nous soutiendrons donc avec conviction toutes les initiatives susceptibles d’aider les jeunes et moins jeunes à bénéficier de cet apport incomparable. Ainsi, nous soutiendrons évidemment vos actions en faveur d’un accès plus large aux bibliothèques et apprécions l’attention que vous portez au réseau des librairies indépendantes.

Enfin, notre groupe soutiendra toutes les initiatives du Gouvernement visant à assurer un partage équitable de la valeur créée – étonnamment, l’agriculture et la culture partagent parfois les mêmes problématiques. Nous soutiendrons tout ce qui sera fait pour protéger les droits des créateurs sur internet. Peut-être pourrez-vous nous apporter un complément d’information sur la protection des droits d’auteur.

Mme Gisèle Biémouret. Le budget alloué en 2018 à l’audiovisuel public, qui s’élève à 3,9 milliards d’euros, est en baisse de 36 millions d’euros par rapport à celui de 2017. La diminution globale atteint 80 millions d’euros par rapport aux engagements pris lors de la précédente loi de finances. Si les moyens de France 24 et d’Arte restent en augmentation, les crédits de France Télévisions diminueront de 29,8 millions d’euros en 2018 par rapport à ceux de 201 7. Ils seront ainsi 50 millions de moins que prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens. Quant aux crédits de Radio France, ils baisseront de 16 millions. Cela s’explique, vous l’avez dit tout à l’heure, par un report du chantier de modernisation de la Maison de la radio.

Le maillon fort de notre audiovisuel public est finalement et injustement le maillon faible de votre budget pour l’année 2018. La diminution des crédits de France Télévisions rend d’autant plus difficiles à atteindre les objectifs fixés dans le COM et suscite une totale incompréhension des salariés : les 50 millions d’euros de baisse de crédits correspondent à trois fois le budget de la chaîne d’information et au fonctionnement de plus d’une trentaine de chaînes locales. Ce choix est fait sans prendre en considération les efforts déjà entrepris et le respect des engagements fixés dans le COM signé avec l’État en décembre 2016 : depuis deux ans, les comptes sont à l’équilibre. Cette diminution des crédits équivaudrait à une nouvelle suppression de 660 postes pour 2018 : au total, pour la période 2012-2020, 20 % des effectifs seraient ainsi supprimés. Outre des conséquences délétères sur l’emploi et les conditions de travail, ce choix remet en cause les missions de service public et l’avenir de l’entreprise et entravera toutes ses capacités de développement. Un récent sondage a mis, une fois de plus, en valeur les offres de France Télévision qui sont très appréciées par les Français. Pour le groupe Nouvelle gauche, ce budget, bien que globalement maintenu, est une très mauvaise nouvelle pour l’audiovisuel. Le service public doit demeurer un pilier et l’État se doit de mobiliser des moyens pour y parvenir. Dans le contexte ambiant, le service public est un repère essentiel pour nos concitoyens.

Comment concilier le fait que des missions prioritaires – soutien à la création, service de proximité et rayonnement à l’international – soient attribuées à France Télévisions avec la baisse de crédits imposée au groupe ? Quant aux recettes publicitaires, elles font débat Je conçois que vous refusiez la diffusion de publicités après 20 heures, mais j’entends aussi les revendications des syndicats qui appellent à redonner des marges au groupe. Enfin, quid de la refonte de la redevance ? Pourquoi ne souhaitez-vous pas y procéder en 2018 ?

M. Michel Larive. La mission qui nous occupe regroupe les programmes « Presse et médias » et « Livre et industries culturelles ». Le budget global de la mission baisse de 14 millions d’euros, de 22 millions si l’on inclut les baisses intervenues l’an passé. Les pertes d’emplois sont de 28 ETP, dont quinze en bibliothèque, à la suite de votre décision de supprimer du jour au lendemain une grande partie des contrats aidés.

Je souhaite, moi aussi, vous interroger sur la situation délétère de l’audiovisuel public français qui se dégrade depuis 2008. Cette année-là, Nicolas Sarkozy répondait au livre blanc de TF 1 en supprimant la publicité sur France Télévisions après vingt heures. Une dotation budgétaire de l’État a été créée pour compenser la perte de la publicité, transformée en TOCE dans le projet de loi de finances de 2015. Toutefois, cette taxe n’est destinée à France Télévisions qu’à hauteur de 50 %, le reste profitant au budget général de l’État. Nous avons tenté d’entamer une discussion avec vous sur ces questions à travers un amendement, mais celui-ci n’a pas été validé par la commission des finances. Nous espérons, madame la ministre, que vous nous fournirez des éléments pour expliquer cette attribution insuffisante du reliquat de la TOCE à notre audiovisuel public.

Les maux de France Télévisions ne s’arrêtent pas là et nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen d’un amendement sur les employés de l’audiovisuel public. Toutefois, j’appelle d’ores et déjà votre attention sur l’un des problèmes qui découle du manque de financement dont souffre France Télévisions. Aujourd’hui, un tiers des finances de France Télévisions servent à acheter des programmes extérieurs. Par exemple, un programme d’une des chaînes du groupe, « Plus belle la vie », qui appartient à une filiale de TF 1, a rapporté 2 millions à France Télévisions alors qu’il lui a coûté cinq fois plus. Parce que la diversité garantit le foisonnement culturel, il faut permettent à ces chaînes publiques de produire et de ne pas les maintenir dans un seul rôle de diffuseur. Nous pensons donc que les financements de l’État de l’audiovisuel public devraient connaître une hausse conséquente plutôt qu’une baisse récurrente.

Mme Elsa Faucillon. Nous sommes tous soucieux de l’avenir de France Télévisions ; c’est pourquoi, madame la ministre, je vous interroge à mon tour sur la baisse de près de 50 millions des crédits. Vous parlez de priorités, d’ambition et de développement, alors que, dans le même temps, vous appliquez ce fameux théorème de Bercy : faire toujours mieux avec toujours moins. J’aimerais que l’on puisse répondre à ces ambitions grâce à des moyens, d’autant qu’un engagement avait été pris d’interdire la publicité dans les programmes pour la jeunesse. Idée profondément juste, à ceci près que, premièrement, la mesure n’est pas compensée et, deuxièmement, l’interdiction n’est pas imposée aux chaînes privées ! Du coup, vous créez une concurrence supplémentaire qui fragile France Télévisions. Avez-vous pris des engagements pour les années à venir sur les chaînes privées ?

Pire encore, France Télévisions s’était déjà engagée, à travers le contrat d’objectifs et de moyens (COM), dans un plan de réduction d’emplois qui portait sur 500 postes d’ici à 2020. Aujourd’hui, chacun sait que cette baisse supplémentaire va entraîner un nouveau plan social et affaiblir le premier partenaire de la création française. La direction comme les salariés estiment que c’est sur ce plan-là que la baisse va peser le plus fort, avec notamment des emplois induits supplémentaires sur la création qui se fait à l’extérieur.

France Télévisions garantit en effet une diversité du cinéma français et européen en consacrant une part significative de ses ressources aux œuvres cinématographiques. Les économies supplémentaires qu’on lui demande porteront sur l’emploi, les missions et le périmètre de France Télévisions, acteur majeur dans la régulation du secteur individuel. Fragiliser France Télévisions risque donc de fragiliser l’ensemble du secteur. Nous vous avons tous interrogée sur la vision du Gouvernement, le rôle, l’organisation, le financement et l’avenir du secteur public audiovisuel. Êtes-vous décidée, madame la ministre, à en finir avec ce théorème de Bercy ?

M. le président Éric Woerth. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le théorème de Bercy, où 1 plus 1 est égal à 1 ?

Mme Françoise Nyssen, ministre. Moi qui suis scientifique, je peux vous dire que 1 plus 1 peut effectivement être égal à 1 de façon symbolique… Si vous voulez faire des métaphores scientifiques, nous allons parler de relativité générale, du principe d’incertitude de Heisenberg et de la théorie de Gödel selon laquelle il y a toujours quelque chose que l’on ne peut pas démontrer.

M. le président Éric Woerth. Dans ce cas, il faut mieux changer de conversation ! (Sourires.)

Mme Françoise Nyssen, ministre. Le principe d’incertitude de Heisenberg est un principe philosophique qui peut tous nous atteindre : pour dire les choses simplement, il explique qu’on ne peut pas savoir la position d’une particule et sa définition.

M. le président Éric Woerth. Serions-nous en train d’examiner les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche ? (Sourires.)

Mme Françoise Nyssen, ministre. Mais revenons à des choses plus tangibles et solides. Monsieur Bois, vous avez noté l’importance du lien social et de l’accessibilité à la culture, en vous interrogeant plus particulièrement sur la situation des diffuseurs de presse. Du fait de la baisse des ventes, ceux-ci doivent faire face à de graves difficultés – il est vrai que nous examinons cet après-midi des secteurs qui connaissent des problèmes. Le monde bouge et il faut s’y adapter en essayant d’envisager l’avenir, plutôt que de rester impassible et attaché au passé, au risque de se retrouver dans une situation catastrophique. Toute notre réflexion va dans ce sens.

Le réseau se contracte. Ce sont 700 points de vente qui ont ainsi disparu en 2016 – personne ne peut s’en satisfaire, mais c’est la réalité. Il convient de se donner vraiment le temps de la réflexion. C’est pourquoi le Gouvernement a confié à une personnalité qualifiée, Gérard Rameix, une mission sur la distribution de la presse vendue au numéro afin de poser les conditions de la pérennité de la filière à moyen terme. Son rapport est attendu pour la fin de l’année.

Un plan de soutien public aux marchands de journaux a été lancé au début de l’année 2017, qui s’articule autour de trois axes : premièrement, l’aide à la modernisation pour permettre un meilleur soutien – sa dotation est portée à 6 millions, soit une augmentation de plus de 63 % ; deuxièmement, la mise en place d’une exonération systématique de contribution économique territoriale, cette exonération des diffuseurs étant compensée aux collectivités locales, ce qui représente un effort de l’État de 7,5 millions ; troisièmement, l’extension des soutiens de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) aux créations et reprises de points de vente de presse. Tout ce plan est intégralement préservé en 2018. Par ailleurs, le Conseil supérieur des messageries de presse, à l’invitation du ministère, s’est doté cette année d’un observatoire de la qualité de la distribution de la presse qui rendra ses premiers résultats dans les prochaines semaines.

De manière plus large, je souhaite travailler sur le rôle des commerces culturels dans la revitalisation des centres-villes. Les diffuseurs de presse incarnent tout particulièrement cette ambition. D’ailleurs, cela peut rejoindre la réflexion sur les lieux de vente de livres et les commerces de librairies indépendantes.

Madame Duby-Muller, vous parlez de volte-face ; je me suis déjà exprimée sur la baisse de 36 millions en direction de France Télévisions, sur un budget de 2,5 milliards, 80 millions par rapport au COM.

Le législateur a choisi de supprimer la publicité autour des programmes jeunesse de France Télévisions. On ne peut s’opposer à cette mesure qui constitue la traduction d’un devoir d’exemplarité de l’audiovisuel public et d’une responsabilité sociétale, culturelle et citoyenne particulière. L’audiovisuel public doit être pour les jeunes un espace de confiance face à la prolifération de publicités tous azimuts sur les autres médias,

Quant aux arbitrages, que vous jugez tardifs, ils ont été communiqués aux opérateurs audiovisuels dès la mi-septembre ; et même auparavant, nous les avions réunis pour leur rappeler qu’il était important, face à l’évolution des usages, de repenser la réflexion sur l’audiovisuel public. Nous avons donc travaillé en temps et en heure. Je rappelle que la baisse de ressources pour France Télévisions n’est que de 1 % et que l’effort en faveur de la création représente environ un cinquième des dépenses. On doit donc pouvoir les préserver au maximum pour les autres sociétés. Même si ce n’est pas facile, l’effort relève de l’ajustement et certainement pas de la volte-face.

Vous avez évoqué la fameuse TOCE. Alors que la contribution à l’audiovisuel public (CAP) bénéficie intégralement aux sociétés d’audiovisuel public, la TOCE est partagée entre France Télévisions et le budget de l’État. Effectivement, dans le projet de loi de finances pour 2018, la part affectée à France Télévisions diminue : c’est la traduction concrète de la contribution de France Télévisions à l’effort général d’assainissement des finances publiques.

Madame Bannier, je vous remercie pour votre question sur le livre, le partage équitable de la valeur et les droits d’auteur : c’est effectivement un sujet important au vu de l’évolution du monde. La France, pays de Beaumarchais, attache une grande importance à la régulation de l’accompagnement des créateurs et aux droits d’auteur. Notre pays a a été à l’origine de régulations importantes à tous les niveaux. C’est tout un écosystème qui est préservé autour de l’auteur, du livre, du traducteur, des librairies en grande partie grâce à cet instrument de régulation extraordinaire qu’aura été l’instauration du prix unique sur le livre. Je me bats au niveau européen sur la question des droits d’auteur, car tous les pays ne défendent pas la même position. La Commission européenne a fait des propositions au mois de septembre 2016 visant à réviser les règles relatives sur le droit d’auteur, à la faveur du développement du numérique ; c’est pour moi une priorité, car on ne peut imaginer un marché unique du numérique sans renforcer les règles relatives au droit d’auteur. Les négociations sont dures, intenses, mais je me bats. J’ai profité de la foire du livre de Francfort pour réunir, avec mon homologue allemande, bon nombre de ministres de la culture des pays européens, afin de partager cette nécessité de penser la régulation. Je me rendrai bientôt à Bruxelles pour poursuivre ce combat, car si nous n’accompagnons pas les créateurs de cet écosystème, il risque d’être malmené.

Nos priorités sont les suivantes : protéger les auteurs en leur assurant une juste rémunération ; consacrer un droit voisin pour les éditeurs de presse qui est essentiel à leur modèle économique sur le numérique et donc au pluralisme des médias sur Internet ; conserver le principe, essentiel, de territorialité des droits – tous les pays ne sont pas d’accord sur ce point, certains étant favorables à une espèce d’uniformisation, ce qui conduirait forcément à avantager les géants du numérique ; garantir enfin un meilleur partage de la valeur.

Cela m’amène naturellement à évoquer la lutte contre le piratage, confiée depuis 2009 à la HADOPI. Si la réponse graduée a contribué à faire reculer les échanges mais seulement les échanges de pair à pair, elle n’a pas permis d’apporter une solution globale pleinement satisfaisante au développement des pratiques illicites, notamment par le biais des sites de streaming ou le téléchargement direct. Le piratage est un véritable fléau, une incivilité. Il est important de savoir que son coût est considérable : 1,4 milliard d’euros pour le seul secteur du cinéma et de l’audiovisuel. Nous avons annoncé un plan d’action volontariste qui vise à renforcer la lutte contre les sites pirates, à promouvoir l’offre légale et à renforcer les actions pédagogiques. Pour y parvenir, le cadre juridique doit être repensé, y compris au niveau européen, il faut mobiliser les acteurs privés, notamment les intermédiaires d’internet comme cela a déjà commencé à être fait avec les régies publicitaires, les services de paiement en ligne et le moteur de recherche Google.

Je rappelle quelles sont les priorités en matière de piratage : évaluation de l’action de la HADOPI et de la riposte graduée, lutte contre les sites contrefaisants en amélioration de la cessation d’activité des sites, retrait prolongé des contenus piratés, assèchement des ressources financières qui vont vers ces sites, renforcement de l’action pédagogique, valorisation de l’offre légale en ligne. Tous ces aspects sont intimement liés.

Monsieur Larive, les contrats aidés ne sont pas supprimés : 200 000 sont prévus l’année prochaine et que les incitations fiscales sont nombreuses pour développer l’emploi dans les associations.

Enfin, il ne faut pas oublier que la baisse de 30 millions d’euros du budget de France Télévisions, sur un total de plus de 2,5 milliards, ne concerne pas la création. Il est inimaginable, sur une telle structure, d’envisager de ne pas travailler sur des synergies, des coopérations entre les médias et des économies de fonctionnement.

M. Denis Masséglia. Ma question porte sur le programme 334. en 2016, le secteur du livre était la première industrie culturelle française avec un chiffre d’affaires de 6 milliards d’euros, devant le jeu vidéo – 3,46 milliards d’euros. Mais le chiffre d’affaires du jeu vidéo est en constante croissance et devrait atteindre cette année 4 milliards d’euros et dépasser rapidement celui du livre. Je rappelle que l’industrie vidéoludique représente actuellement 50 000 emplois directs et indirects et que la lecture n’est que le quatrième loisir pour les moins de vingt-cinq ans, derrière les jeux vidéo.

Madame la ministre, je partage bien entendu votre volonté de promouvoir l’industrie du livre et de permettre à nos jeunes de continuer à découvrir Victor Hugo ou Gustave Flaubert, René Goscinny ou Kevin Tran. Mais pourriez-vous me donner votre vision des moyens propres à favoriser le développement de l’industrie culturelle vidéoludique ?

Mme Maud Petit. La réalité virtuelle, tout d’abord expérimentée dans le domaine du jeu vidéo se met maintenant au service du développement de l’accès de la culture. Je prendrai l’exemple de la borne Timescope, installée au mois d’avril dernier sur les rives de la Seine : ce dispositif de réalité virtuelle a permis aux Parisiens comme aux touristes de faire une expérience inédite de voyage dans le temps pour découvrir la place de Grève au XVIIe siècle. Dans cet exemple très précis, les utilisateurs se sont retrouvés en immersion dans un film de 360 degrés de réalité virtuelle qui représentait les berges de la Seine en 1628. L’expérience a également été réalisée avec un bond dans le futur, pour le lancement des travaux du Grand Paris Express et pour les journées du patrimoine : ainsi la manufacture des Gobelins, située dans le XIIIe arrondissement, a proposé un jeu de piste en réalité augmentée. Ces démonstrations immersives permettent une autre forme d’accès à la culture. Elles sont sans doute une incitation pertinente à prolonger cette invitation culturelle jusqu’au musée par exemple.

Votre ministère va-t-il accompagner et encourager la démocratisation de cette pratique, qui peut d’ailleurs être gratuite, comme c’est le cas pour le Timescope ?

Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre, vous avez évoqué la réorganisation du paysage audiovisuel français avec les nouveaux supports, ainsi que les évolutions qui résulteront du fait que la contribution à l’audiovisuel public peut prendre en compte un nombre croissant de supports.

Dans son rapport, Mme Dumas a fait un certain nombre de préconisations à cet égard, notamment celle d’une contribution universelle adossée à la taxe foncière. Évidemment, on peut comprendre la nécessité de faire participer tous les foyers fiscaux mais si la contribution n’est pas directement affectée à l’audiovisuel public, on a l’impression que l’on retombe dans de vieux travers.

J’ai bien entendu que vous avez annoncé une réflexion sur l’élargissement de l’assiette de cette contribution, mais pouvez-vous d’ores et déjà nous faire part de votre réaction sur les préconisations de Mmes Dumas et Piron ?

M. Jean-Félix Acquaviva. Madame la ministre, je me contenterai de vous interroger sur l’audiovisuel public, sans me hasarder à défendre des théorèmes où je serai assuré de perdre la partie face à vous. (Sourires.)

La direction de France Télévisions que nous avons rencontrée nous a fait part de sa crainte de voir le modèle général de fonctionnement de France Télévisions affecté, un plan social ayant déjà été initié, et d’aller vers la déperdition en termes de création et de production. Au vu de l’enjeu, pourquoi ne pas répondre à l’alternative, soit de fléchage de la TOCE, soit de restauration de la publicité entre vingt heures quarante et vingt et une heures qui est apparemment une demande de France Télévisions ? Certes, on comprend bien l’ADN du service public, mais si la perte de ressources doit affecter la qualité des missions de service public, cela vaudrait peut-être la peine de restaurer la publicité entre vingt heures quarante et vingt et une heures : à croire certaines études, cette mesure rapporterait 50 millions d’euros.

Ma seconde question a trait aux conséquences de la baisse des dotations sur la télévision de proximité. La chaîne corse ViaStella, considérée par d’autres territoires comme un modèle de chaîne régionale, s’inquiète fortement des conséquences qui pourraient en découler sur les emplois. À cause de cette situation, elle est sollicitée pour des opérations et des émissions spéciales par France 3 et Franceinfo, ce qui se fait au détriment de sa propre production et donc de son propre projet de développement. Pouvez-vous me rassurer sur le maintien des emplois et sur l’avenir de ViaStella qui vient à peine de fêter ses dix ans et qui avait pour projet dès l’origine de s’inscrire assez fortement sur la Méditerranée.

Mme Sandrine Mörch. La télévision est essentielle parce qu’elle entre dans toutes les familles, ce qui n’est pas facile. C’est dire l’importance de la ligne éditoriale et de réaffirmer chaque fois les engagements de service public en matière d’accessibilité, de parité et de cohésion sociale. Je pense à l’audition de Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, qui évoquait avec enthousiasme des émissions constructives comme « Pas 2 quartier » qui permet aux jeunes de filmer et de parler de leur quartier, et le programme « Info-intox » destiné à épauler le travail des enseignants dans l’éducation aux médias, ou encore le programme « Mashable » qui s’adresse à la génération connectée en présentant l’information de façon un peu décalée.

Puisque l’on évoque ici le budget des médias, peut-on envisager, comment pourra-t-on flécher davantage de financements vers ce type de programmes tournés vers le vivre ensemble ?

Mme Sarah El Haïry. Dans la continuité de la question posée par ma collègue Géraldine Bannier, je souhaite vous interroger plus précisément sur un genre de livre un peu particulier : le livre audio, média d’avenir du fait de son caractère accessible et du support dématérialisé, ce qui permet à plusieurs publics d’accéder au contenu, qu’il s’agisse des adultes soumis à un rythme intense ou encore des personnes souhaitant s’imprégner d’une nouvelle langue jusqu’aux personnes physiquement ou mentalement empêchées de lire. Le livre audio représente 10 % du marché du livre aux États-Unis, 5 % en Allemagne, et plus de 12 % en Suède. Nous en sommes malheureusement très loin en la France même si le livre audio se répand peu à peu.

Comment comptez-vous accompagner la progression de l’édition audio, française en particulier, qui représente une opportunité pour notre pays de diffuser notre littérature classique et les créations françaises à l’étranger ? Tout à l’heure, nous avons eu l’occasion de saluer Mme Azoulay ou encore Mme Slimani pour la francophonie. Comment imaginez-vous de participer au rayonnement de notre culture et de la francophonie grâce au livre audio ?

Mme Françoise Nyssen, ministre. Monsieur Masséglia, je vous remercie d’avoir rappelé que le livre est la première industrie culturelle. C’est très réjouissant ! Cela étant, vous avez raison, le jeu vidéo prend des parts de marché, il n’est même pas loin de dépasser le cinéma. J’ai d’ailleurs pu le constater à l’occasion du « Paris Games Week » – pardon pour l’anglais, mais c’est le nom de cette manifestation. J’y ai rencontré l’ensemble des acteurs du jeu vidéo et j’ai essayé de suggérer qu’ils s’expriment en français plutôt que dans un mélange de langues. Mais les usages sont les usages… Quoi qu’il en soit, j’étais absolument stupéfaite de voir le nombre de familles, de jeunes enfants et de jeunes qu’elle a rassemblés. Le jeu vidéo est un média qui monte en puissance de façon considérable : le chiffre d’affaires de l’industrie est en progression constante de 10 % ! Comme vous le voyez, les choses changent, et c’est là également un marqueur du changement. On ne peut donc pas tout figer. Je comprends les craintes de certains secteurs qui ne veulent pas que l’on touche à leurs crédits. J’entends tout à fait, mais il est urgent de réfléchir à ces évolutions.

En France, on recense deux cents studios de développement de jeux vidéo, dans lesquels travaillent 3 000 salariés. C’est un nombre important d’emplois très variés, qui ne cesse de progresser, et qui s’adresse particulièrement aux jeunes qui peuvent trouver des formations adaptées. Qui plus est, neuf studios sur dix sont indépendants, et ils ne sont pas tous situés à Paris. La configuration de ce secteur est donc tout à fait originale et intéressante.

Il est très important qu’on l’accompagne, ce que nous faisons à travers le crédit d’impôt, fortement revalorisé en 2017, dans un contexte concurrentiel : les studios peuvent désormais déduire 30 % des dépenses de création d’un jeu de leur impôt.

On peut penser ce que l’on veut de certains jeux vidéo, mais force est d’admettre que cette industrie est un vrai lieu de création, justement parce que nous y sommes attentifs et que nous accompagnons cette création. Certains jeux sont des lieux d’apprentissage, d’histoire, d’émerveillement pictural. Quelque chose de formidable est en train d’émerger, avec des développements qualitatifs croissants, qui prennent le dessus sur les classiques jeux de combat.

Nous devons également dépasser certaines idées reçues : contrairement à ce que l’on peut penser, ce sont des jeux de partage, où les gens jouent ensemble, forment des communautés. Nous sommes très heureux d’accompagner ce secteur d’avenir qui pour les jeunes est source tout à la fois d’attrait et d’emplois.

Madame Petit, dans le même ordre d’idée, vous avez parlé des dispositifs de réalité virtuelle, à l’exemple du Timescope. Dans certains lieux patrimoniaux, des vidéos permettent effectivement de montrer comment c’était avant, de remonter le temps ou d’imaginer ce que pourrait être un lieu ou une œuvre après une restauration patrimoniale. Ainsi, la Bibliothèque nationale de France (BNF) a organisé une grande exposition en réalité virtuelle sur les bibliothèques disparues, assez extraordinaire.

Le ministère de la culture doit également appréhender ce secteur, afin de l’accompagner vers une évolution qualitative en donnant de plus en plus de sens aux contenus. J’y suis évidemment très attentive. Le CNC est également très présent et apporte tout son soutien aux créations en réalité virtuelle ou augmentée. Il faut savoir que la France bénéficie en la matière d’une reconnaissance internationale, tant pour ses réalisations que pour ses formations. Le forum organisé à l’occasion du Paris Games Week l’a bien montré : les étudiants qui suivent ces formations trouvent immédiatement du travail.

Mme Pau-Langevin, vous souhaitez connaître mon point de vue sur l’avis budgétaire de Mmes Piron et Dumas concernant la modernisation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Des trois modèles cités, le modèle allemand, dans lequel une taxe forfaitaire est adossée à l’impôt foncier, est le plus souvent soutenu par les professionnels du secteur. Mais nous devons prendre le temps de réfléchir au recouvrement du fait de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des redevables d’ici à trois ans.

Dans le modèle finlandais, la taxe est proportionnelle aux revenus et plafonnée : en France, un tel système présenterait l’inconvénient de créer un nouvel impôt pour les 36 millions de foyers fiscaux non imposables au titre de l’impôt sur le revenu, mais l’avantage de la simplicité et de la justice fiscale. Enfin, la récente réforme italienne de collecte de la redevance, désormais adossée aux abonnements de gaz et d’électricité, a considérablement facilité son recouvrement et du coup permis d’abaisser son montant. Nous devons examiner toutes ces options. Nous venons de recevoir ce rapport, ce dont je remercie les deux auteures. Le travail réalisé est de grande qualité et extrêmement intéressant.

Monsieur Acquaviva, nous n’oublions pas évidemment pas votre magnifique pays… France 3 Corse ViaStella et, plus généralement le réseau régional de France 3, représentent le service public de l’audiovisuel dans tous les territoires et singulièrement en Corse ; ce sont ces missions qui distinguent clairement le secteur public du privé. Toutes les composantes de France Télévisions sont appelées à contribuer à l’effort de maîtrise des finances publiques, mais leur mission reste incontestablement d’actualité. Les programmes locaux sont soutenus : ainsi, les aides du CNC ont été assouplies et augmentées pour les documentaires commandés par les chaînes locales.

Madame Mörch, vous parliez très justement de flécher les programmes relatifs au « vivre ensemble » ; cela nous tient également à cœur. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet avec France Médias Monde, France 5 et Arte, de manière très positive. Toutes les chaînes ont fait part de cette volonté : développer des outils pour mieux « vivre ensemble ». Ainsi, comme je l’indiquais ce matin, Educ’Arte, par exemple, est utilisé dans les écoles, mais l’enfant peut aussi l’utiliser à la maison avec sa famille. Lors de nos discussions, les responsables du service public de l’audiovisuel ont considéré leur budget leur permettait d’avancer dans cette réflexion en insistant sur l’éducation aux médias, fondamentale. C’est d’ailleurs une de mes priorités, intégrée aux programmes d’éducation culturelle.

De la même façon, les Rencontres « culture numérique », auxquelles j’ai assisté à Radio France, mettent en lumière le travail réalisé par les journalistes pour aider les jeunes à décrypter l’information, à la vérifier, et contrer ainsi le développement sur internet de ces masses d’informations partagées sans aucune vérification. Nous sommes là au cœur du service public : diffuser une information de qualité pour combattre les fake news.

Madame El Haïri, le livre audio est un complément très intéressant au livre physique. Il est presque « magique » car il s’adresse à des personnes en situation de handicap – malvoyantes – ou en train de circuler – en voiture par exemple. On ne peut qu’encourager son développement, même s’il ne remplace pas le livre. Par ailleurs, le fait d’entendre « dire » le français est un atout pour la francophonie. Je reviens du Liban, la demande d’apprentissage du français y est considérable. Le livre audio peut également servir de support dans ce contexte.

M. le président Studer. Madame la ministre, nous partageons donc le fait d’être ressortis vivants, mais impressionnés, du Paris Games Week… D’ailleurs, des acteurs du livre audio y étaient présents.

Mme Marie-Pierre Rixain. Le livre apprend, le livre questionne, le livre est aussi un formidable vecteur de connexion avec l’autre, qu’il soit d’une autre latitude, d’une autre culture ou d’un autre temps. Les jurys Goncourt et Renaudot viennent de remettre leur prix à deux auteurs, Eric Vuillard et Olivier Guez, qui, au-delà de leur indéniable talent littéraire, nous rappellent à quel point les extrémismes sont aussi des mirages. Je salue la politique de l’État en direction de l’économie du livre, qui a pour finalité la promotion et le maintien de la diversité éditoriale, le développement de la création littéraire, la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture. Ce sont des priorités essentielles pour préserver la place du livre dans nos pratiques culturelles. La diversité de la création littéraire française permet également de diffuser nos valeurs à l’étranger. Au-delà de l’accessibilité du livre et du développement de la diversité – je salue d’ailleurs la nomination de Mme Leila Slimani comme représentante du chef de l’État à la francophonie – pouvez-vous nous expliquer comment vous comptez, en lien avec le ministre des affaires étrangères, diffuser et promouvoir les auteurs français auprès du public étranger ?

M. Gabriel Attal. Je voudrais revenir sur la question de la publicité. Je ne reviendrai pas la publicité après vingt heures ; ce sujet a été abordé plusieurs fois et nous avons bien compris la position du Gouvernement. J’aimerais avoir quelques précisions concernant la publicité segmentée, les secteurs interdits et la durée autorisée de publicité sur une plage horaire, pour faire suite à la consultation publique lancée par votre ministère. Cette consultation publique s’achevait le 13 octobre dernier. Des discussions interministérielles sont probablement en cours, mais la consultation étant achevée, pourriez-vous nous donner la position de votre ministère ?

Je sais enfin que la lutte contre le piratage vous est chère : c’est un véritable fléau pour nos industries culturelles. Vous avez fait preuve de volontarisme en la matière, notamment à travers l’accord signé entre Google et l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA). Pouvez-vous nous dire où en est ce dossier ?

Mme Sophie Mette. La légère diminution des crédits de l’action 2 « Aides à la presse » du programme 180 montre que le soutien public à la presse se conjugue cette année avec une participation à l’effort de redressement. Pour demeurer pertinent et efficace, le ministère a su adapter les aides à la presse existantes, pour en faire de véritables leviers d’impulsion et de transition. Le soutien transversal que constitue la TVA à taux ultra-réduit de 2,1 % est maintenu et un ensemble de réformes permet d’élargir le champ d’aide à l’information politique et générale (IPG). Cependant, en 2014 et 2015, ce dispositif de TVA ultra-réduite a représenté une dépense de l’ordre de 160 millions d’euros par rapport au taux réduit de 5,5 %. Par conséquent, et dans un souci de redressement, ne serait-il pas encore plus efficace d’appliquer le taux de TVA à 5,5 % à l’ensemble de la presse, tout en conservant le taux ultra-réduit pour la presse dite d’IPG, véritable moteur du pluralisme ?

Je reviens, après en avoir un peu parlé ce matin, sur l’éducation à l’image et au cinéma. Je voudrais vraiment savoir quelles sont les aides apportées dans le cadre de l’éducation à l’image – école et cinéma, collège au cinéma et lycéens et apprentis au cinéma – pour soutenir les cinémas de proximité ? Vont-elles être confortées ? Comment faire évoluer cette éducation à l’image dans les cinémas ? La porte est ouverte et les cinémas vous soutiennent totalement dans votre action contre le piratage.

M. Christian Hutin. Madame la ministre, j’admire votre calme, votre sérénité, votre acuité visuelle et même votre ambition par rapport à un budget qui – qu’on le veuille ou non – est quand même clairement dégradé. Notre rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères l’a souligné. La chambre régionale des comptes a bon dos… J’admire aussi votre calme par rapport aux propos tenus avec raison par Éric Woerth : il est extrêmement rare de voir l’État se retirer aussi vite, en reniant sa parole, d’une convention d’objectifs et de moyens. La continuité de l’État est normalement un principe et ce que vous avez fait ne me semble pas à cet égard tout à fait légitime.

Je m’inquiète enfin beaucoup pour notre présence audiovisuelle en Afrique. M. le ministre des affaires étrangères et Mme la ministre de la défense pourraient en parler. Nous le savons tous : nous sommes engagés sur un certain nombre de territoires. Quand on connaît la puissance de l’audiovisuel et de nos terribles adversaires, c’est une grave erreur de se désengager ainsi en Afrique. Je conçois qu’il soit compliqué d’être une ministre dont le budget est une variable d’ajustement. Vous dites que votre budget est contraint ; je soutiens qu’il est bel et bien dégradé.

Dans les années qui viennent, ou l’année prochaine, ce budget connaîtra-t-il une amélioration sensible, afin de respecter la parole du président de la République – je suis complètement d’accord avec lui concernant la francophonie ? Et ne nous refaites plus le coup de la chambre régionale des comptes ! Ce n’est pas comme la Grande Vadrouille, on ne peut pas en faire une rediffusion perpétuelle…

M. Jean-Louis Bricout. Le nombre de points de vente spécialisés en diffusion de la presse est en chute libre. Ils étaient d’environ 28 500 en 2011. En 2016, 750 ont disparu. La vente de journaux au numéro a elle aussi diminué d’environ 25 % entre 2011 et 2015. Bien sûr, les points de vente spécialisés sont en concurrence avec les rayons presse des grandes surfaces mais également, de plus en plus, avec les kiosques numériques. Cette situation n’est pas sans effet sur le dynamisme commercial des petites villes, mais aussi sur l’organisation de la logistique et de la messagerie de distribution des points de vente, puisque le secteur est confronté à des effets volume et à des seuils de rentabilité. Nous attendons avec impatience le rapport de M. Gérard Rameix sur la distribution de la presse par vente au numéro, mais le temps passe et presse – c’est le cas de le dire…

Pourriez-vous nous préciser votre action à travers ce budget ? Quelles sont vos premières orientations et vos solutions afin de soutenir un secteur qui connaîtra des difficultés grandissantes si votre action n’est pas suffisante et pas suffisamment rapide ?

M. Michel Castellani. Nous allons retourner en Corse. J’aimerais attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation des antennes locales de Radio France, notamment celle de Radio Corsica Frequenza Mora (RCFM). Radio la plus écoutée de l’île, elle est au cœur de la vie sociale de la Corse dont elle couvre l’ensemble des événements. Elle joue par ailleurs un rôle considérable dans le soutien à la langue et à la culture corses. Nous aimerions être rassurés sur l’avenir de cette radio. Pourriez-vous nous confirmer clairement que vous ne toucherez pas au volume de personnels qui travaillent déjà à flux tendu, pas plus que vous ne toucherez au budget de cette radio, lui aussi tendu ?

M. Patrick Vignal. Tout juste élu, lors de mon premier mandat, j’ai été confronté au drame de la radicalisation et du départ pour le djihad de nombreux jeunes de ma circonscription. Nous avons été alertés par le monde associatif, les enseignants et les parents des effets négatifs de l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux, unique moyen d’information utilisé par un grand nombre de jeunes collégiens, mais aussi de l’intérêt que beaucoup d’entre eux portaient à la théorie du complot. Nous avons alors, avec le club de la presse et les journalistes de Montpellier, initié des séances de déconstruction de cette théorie. L’immédiateté et le déséquilibre entre connaissance et émotion : telle est la perception du monde que leur offrent ces réseaux chargés d’images et d’informations où s’entremêlent le vrai et le faux. La culture universelle nourrit l’esprit. Elle est claire, pousse à la réflexion, tempère et élargit le champ de la critique. Elle ne peut pas et ne doit pas être le domaine de quelques privilégiés. Les acteurs du monde éducatif sont souvent trop seuls face à des jeunes qui ne distinguent plus la théorie complotiste de la réalité et ne jurent que par internet. On le sait, nos jeunes adolescents n’ont pas encore un esprit critique ; ils peuvent se faire enrôler dans des situations délicates. Madame la ministre, comment faire pour lutter contre l’absence de cette culture émancipatrice dans de trop nombreux secteurs de notre société et, surtout, comment endiguer les théories du complot naissantes sur internet ?

Mme Aurore Bergé. Mes deux questions ont trait aux enjeux de diversité culturelle. Vous avez beaucoup parlé, madame la ministre, de la lutte contre le piratage et, de manière plus large, de la responsabilité des acteurs, à la fois moteurs de recherche et hébergeurs de contenus en ligne. C’est une conviction partagée au sein de notre commission : tant que l’on ne pourra pas engager la responsabilité de ces acteurs dans les contenus qu’ils diffusent, un chaînon manquera dans la lutte contre le piratage, dans la juste rétribution des auteurs et dans la lutte contre les propos haineux sur internet, comme vient de l’exposer notre collègue. Vous l’avez rappelé, vous menez un combat – qui est aussi européen – sur ce sujet. Pouvez-vous nous détailler vos objectifs, et, éventuellement, des éléments calendaires ?

Les enjeux de diversité culturelle sont importants à la radio. Initialement, les quotas ont été introduits pour préserver la création française. Malheureusement, le durcissement de ces quotas – les artistes français qui ne chantent pas en langue française ne sont pas comptabilisés, les systèmes en haute rotation sont interdits pour la chanson française –, loin de permettre cette diversité accrue et une valorisation de la création française, aboutit souvent à l’effet inverse : le risque d’uniformisation culturelle de nos radios n’est pas négligeable. J’aimerais avoir votre point de vue sur le sujet.

Mme Françoise Nyssen, ministre. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions, qui me nourrissent autant qu’elles me questionnent…

Madame Rixain, je vous remercie et je suis très heureuse que vous ayez salué la qualité des lauréats des grands prix d’automne. Ce moment est très important car il favorise la lecture, qui elle-même favorise cet écosystème du livre. Ce secteur est un tout, de l’auteur au lecteur, en passant évidemment par la librairie, la bibliothèque.

Vous avez salué la nomination de Madame Slimani comme ambassadrice de la francophonie. Vous avez raison, la francophonie est un sujet majeur. Je m’en suis rendu compte en allant à Beyrouth, mais aussi au Mexique. On sent un désir, une envie de français, d’autant plus que l’on compte près de 200 millions de francophones dans le monde.

Cela rejoint votre question sur l’Afrique, monsieur Hutin. Il faut que cette réalité suive la croissance de la population. Nous avons un rôle important à jouer, en liaison avec le ministère des Affaires étrangères et notre formidable réseau d’instituts. Nous devons travailler à la rationalisation de notre action, avec les alliances, les librairies françaises à l’étranger et les instituts français.

La promotion des auteurs français à l’étranger a été longuement évoquée lors de la Foire du livre de Francfort. Dans cet esprit, le Président a même annoncé la création d’un prix de la traduction. Le travail de promotion des auteurs français passe par la traduction : de même que la langue française s’enrichit de la traduction d’auteurs étrangers en France, les pays étrangers s’enrichissent de la traduction de nos auteurs. Le Centre national du livre (CNL) accompagne depuis longtemps cette action par des aides ; nous allons continuer à le soutenir. J’ai également pu observer à Beyrouth que des délégations d’auteurs français à l’étranger étaient largement invitées un peu partout. Nous sommes attentifs à la mobilité des artistes en Europe et à l’international. Des maisons et des résidences accueillent nos artistes dans de nombreux pays ; nous nous enrichirons au contact de l’autre. En la matière, je cite toujours Paul Veyne : « Vivre sous une seule culture, c’est comme vivre sous un éteignoir ». Il n’est évidemment pas question de laisser tomber des continents incroyables comme l’Afrique : je sais par expérience à quel point la littérature de ces pays alimente notre écosystème littéraire.

Sur la publicité, monsieur Attal, nous avons lancé une consultation dont les résultats sont en train d’être analysés ; il est donc un peu tôt pour évoquer des pistes. Aucune décision n’a encore été prise. Le marché publicitaire de la télévision est en baisse alors que le nombre de chaînes augmente car la croissance de la publicité numérique est captée par les GAFA. La concurrence est inéquitable : le budget publicitaire dirigé vers l’audiovisuel public est de 3,3 milliards d’euros, et de 3,5 milliards d’euros pour Internet.

Combattre le piratage, ce fléau, est une de nos priorités. Nous le ferons par plusieurs voies : l’évaluation de l’action de la HADOPI et de l’efficacité de la réponse graduée ; la lutte contre les sites contrefaisants en améliorant leur cessation d’activité, en retirant de manière prolongée les contenus piratés et en asséchant les ressources financières dirigées vers ces sites ; le renforcement de l’action pédagogique et la valorisation de l’offre légale en ligne. On peut aussi travailler avec les géants du Net en les amenant peu à peu à composer. C’est le sens de l’accord signé entre Google et l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle : il vaut mieux accepter parfois de danser un tango plutôt que de s’enfermer dans une tour d’ivoire…

Madame Mette, le secteur de la presse est en crise, mais il innove en se rendant accessible sur tous les supports et à tous les publics pour contrer l’érosion de la vente des éditions papier. Le chiffre d’affaires du secteur a reculé en 2016 pour la neuvième année consécutive. La presse doit continuer de se transformer en redéployant ses ressources, et les pouvoirs publics d’encourager cette démarche. De nouveaux organes de presse se créent, une dynamique est à l’œuvre que nous accompagnons. Le budget prévu pour 2018 est axé sur la défense du pluralisme et le soutien à l’innovation ; les crédits du Fonds stratégique pour le développement de la presse et ceux du récent Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse sont préservés. Nous avons confié à M. Gilles Rameix mission de réfléchir à la distribution de la presse et à la vente au numéro ; l’État soutient la filière pour garantir la libre circulation de la presse et le pluralisme, indispensables à la vie démocratique, mais il est aussi de la responsabilité des éditeurs de presse d’assurer la pérennité du système de distribution et de réfléchir aux modes de distribution.

Grâce au plan de numérisation des salles de cinéma voulu par le Parlement et financé par le CNC, la France compte toujours 5 600 écrans ; c’est le réseau le plus dense d’Europe.

Mme Sophie Mette. C’est l’exception française…

Mme Françoise Nyssen, ministre. Effectivement. La salle de cinéma est, après les bibliothèques, le deuxième équipement culturel dans les villes petites et moyennes. Le soutien à ces salles ne faiblira pas ; le CNC y pourvoira par le biais des aides spécifiques aux salles d’art et d’essai, qui ont été reformées et qui augmenteront de 10 %. L’idée est de créer le public de demain par des programmes d’éducation au cinéma : j’ai mentionné à ce propos Educ’Arte mais je me dois de citer l’extraordinaire action des volontaires du service civique, médiateurs vivifiants dans les collèges et les lycées et promoteurs de l’éducation à l’image.

Je souligne, monsieur Hutin, que le budget pour 2018 est supérieur à ceux de 2015 et de 2016 ; les chiffres sont les chiffres… On ne saurait parler d’effondrement.

Nous sommes bien entendu attentifs, monsieur Castellani, à la permanence des antennes de radio locales, qui font partie des médias à préserver.

Vous plaidez, monsieur Vignal, en faveur de l’éducation aux médias pour lutter contre la diffusion de la théorie du complot : c’est tout l’objet de l’éducation à l’image. L’internet est porteur de nouvelles possibilités de diffusion mais aussi de dangers inédits, les « informations » étant partagées sans avoir été vérifiées et les allégations diffamatoires ou complotistes se propageant très vite. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux mais l’internet accroît leur résonance. Je rappelle que la loi de 1881 sur la presse qui réprime la diffamation et la diffusion de fausses informations s’applique aussi à l’Internet, qui n’est pas une zone de non-droit. Mais les poursuites à l’encontre des auteurs de tels messages ne peuvent suffire ; il faut aussi responsabiliser les plateformes qui permettent la propagation de la désinformation à grande échelle, et cela ne pourra se faire qu’au niveau européen. Nous avons obtenu une première avancée puisque la directive sur les services de médias audiovisuels insiste sur ce point. Je souligne une fois encore la nécessité de renforcer l’éducation aux médias afin d’améliorer la capacité de tous les internautes à décrypter les messages auxquels ils sont confrontés et détecteur si c’est une fake new ou pas ; les modules d’enseignement sur ce thème sont d’ailleurs de plus en plus nombreux. C’est une des priorités du budget pour 2018 et c’est une mission importante de l’audiovisuel que nous accompagnerons et que nous souhaitons développer.

Enfin, comme vous l’avez indiqué, madame Bergé, la question des quotas de musique francophone est un sujet de tension récurrente entre la filière musicale et les radios. La loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a favorisé une plus grande diversité musicale en limitant la concentration grâce à un dispositif de plafonnement des rotations, en offrant un cadre juridique aux radios spécialisées dans la découverte musicale et en ouvrant la possibilité de moduler les quotas aux radios qui s’engagent à renforcer la diversité par un encadrement strict. Je serai très attentive à la mise en œuvre de ces règles, à laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit veiller, et aux éventuelles difficultés qu’elles pourraient provoquer.

Mme Émilie Cariou, présidente. Madame la ministre, je vous remercie.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures quarante.

ANALYSE DES SCRUTINS

53° séance

Scrutin public n° 245

sur l’amendement n° 1218 de Mme Mette à l’article 29 et État B de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 (première lecture) - mission culture

Nombre de votants :.................99

Nombre de suffrages exprimés :.......93

Majorité absolue :..................47

Pour l’adoption :..........25

Contre :.................68

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Groupe La République en marche (313)

Contre : 68

Mme Aurore Bergé, M. Hervé Berville, M. Pascal Bois, M. Julien Borowczyk, M. Bertrand Bouyx, Mme Blandine Brocard, M. Stéphane Buchou, Mme Carole Bureau-Bonnard, Mme Céline Calvez, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-François Cesarini, M. Philippe Chalumeau, Mme Fannette Charvier, M. Guillaume Chiche, Mme Mireille Clapot, Mme Christine Cloarec, Mme Fabienne Colboc, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Michel Delpon, M. Benjamin Dirx, Mme Jacqueline Dubois, Mme Christelle Dubos, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Frédérique Dumas, Mme Stella Dupont, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Grégory Galbadon, M. Raphaël Gérard, Mme Perrine Goulet, Mme Olivia Gregoire, Mme Véronique Hammerer, M. Pierre Henriet, Mme Sandrine Josso, Mme Aina Kuric, Mme Marie Lebec, Mme Brigitte Liso, Mme Marie-Ange Magne, M. Sylvain Maillard, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Monica Michel, M. Thierry Michels, M. Paul Molac, Mme Sandrine Mörch, Mme Valérie Oppelt, M. Pierre Person, Mme Béatrice Piron, M. Bruno Questel, Mme Cathy Racon-Bouzon, Mme Cécile Rilhac, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, M. Cédric Roussel, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Adrien Taquet, Mme Agnès Thill et Mme Annie Vidal.

Abstention : 1

Mme Jennifer De Temmerman.

Non-votant(s) : 1

M. François de Rugy (président de l’Assemblée nationale).

Groupe Les Républicains (100)

Pour : 10

Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Gilles Carrez, M. Fabien Di Filippo, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Brigitte Kuster, Mme Constance Le Grip, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot et M. Guillaume Peltier. 

Non-votant(s) : 1

M. Marc Le Fur (président de séance).

Groupe du Mouvement démocrate et apparentés (47)

Pour : 7

Mme Géraldine Bannier, Mme Sarah El Haïry, M. Marc Fesneau, M. Bruno Joncour, Mme Sophie Mette, M. Philippe Michel-Kleisbauer et Mme Maud Petit. 

Groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants (35)

Pour : 1

M. Christophe Naegelen.

Abstention : 1

M. Pierre-Yves Bournazel.

Groupe Nouvelle Gauche (31)

Pour : 4

Mme Gisèle Biémouret, M. Jérôme Lambert, Mme Josette Manin et Mme Valérie Rabault. 

Groupe La France insoumise (17)

Abstention : 2

M. Bastien Lachaud et Mme Sabine Rubin.

Groupe de la Gauche démocrate et républicaine (16)

Abstention : 2

Mme Marie-George Buffet et Mme Elsa Faucillon.

Non inscrits (18)

Pour : 3

M. Jean-Félix Acquaviva, M. Sébastien Chenu et Mme Emmanuelle Ménard. 

 

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