177e séance

 

MOTION DE CENSURE

(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)

 

Par M. Damien Abad, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Julien Aubert, M. Thibault Bazin, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Valérie Beauvais, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Yves Bony, Mme Valérie Boyer, Mme Marine Brenier, M. Xavier Breton, M. Fabrice Brun, M. Gilles Carrez, M. Jacques Cattin, M. Gérard Cherpion, M. Dino Cinieri, M. Éric Ciotti, M. Pierre Cordier, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Bernard Deflesselles, M. Rémi Delatte, M. Vincent Descoeur, M. Fabien DiFilippo, M. Éric Diard, M. Julien Dive, M. Jean-Pierre Door, Mme Marianne Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Nicolas Forissier, M. Claude deGanay, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Philippe Gosselin, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Sébastien Huyghe, M. Christian Jacob, Mme Brigitte Kuster, Mme Valérie Lacroute, M. Guillaume Larrivé, M. Marc LeFur, Mme Constance LeGrip, M. Sébastien Leclerc, Mme Geneviève Levy, M. David Lorion, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Maquet, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Gérard Menuel, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Jean-François Parigi, M. Éric Pauget, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, M. Alain Ramadier, M. Frédéric Reiss, M. Jean-Luc Reitzer, M. Bernard Reynès, M. Vincent Rolland, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean-Marie Sermier, M. Éric Straumann, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Isabelle Valentin, M. Pierre Vatin, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière, M. Arnaud Viala, M. Michel Vialay, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Viry, M. Éric Woerth.

 

Le Gouvernement a pris la décision d’utiliser l’article 49-3 de la Constitution. Il engage donc aujourd’hui sa responsabilité sur le projet de loi instituant un système universel de retraites. Le recours au 49-3 sur un sujet aussi fondamental que l’avenir de notre système de retraite, et alors que le Gouvernement dispose d’une large majorité à l’Assemblée nationale, est une triste première de l’histoire parlementaire. Nous ne pouvons accepter qu’une réforme, que le Gouvernement présente lui-même comme la plus importante de ce quinquennat, puisse ne jamais être votée à l’Assemblée nationale, puisque non votée en commission, ni en séance. Nous ne pouvons accepter que sur un projet de loi, qui bouleverse radicalement notre système de retraite, le Parlement, et donc les Français, soient privés d’un débat complet, approfondi et éclairé. Nous ne pouvons accepter qu’une réforme des retraites, qui représentent près de 320 milliards d’euros chaque année, et 14% du PIB, ne soit absolument pas financée. Nous ne pouvons accepter un projet de réforme qui étatise de force des caisses autonomes parfaitement bien gérées, et qui assèche les réserves qu’elles ont pu constituer sans toucher le moindre centime du contribuable. Nous ne pouvons accepter un projet de loi refusant d’assumer un recul de l’âge légal de départ à la retraite, qui aurait permis d’équilibrer notre système de retraites, sans baisser les pensions des retraités, et sans augmenter les cotisations des actifs.

Nous ne pouvons accepter un projet de loi qui repousse l’extinction indispensable des régimes spéciaux au-delà de 2045. Nous ne pouvons accepter un projet de loi qui prépare sans le dire une baisse massive des pensions de retraites des Français. En effet, en calculant désormais le montant de la retraite sur l’ensemble de la carrière et non plus sur les 25 meilleures années, cette baisse des pensions sera mécanique. Nous ne pouvons accepter une réforme qui fera des millions de perdants, et en particulier chez les indépendants et les professions libérales, les avocats, les fonctionnaires modestes, les mères de familles, les salariés aux carrières ascendantes. La réalité, c’est que le Gouvernement s’est totalement embourbé dans une réforme trop coûteuse, très injuste, et tellement complexe qu’elle ne cesse de susciter l’anxiété de nos compatriotes. Le Gouvernement porte enfin la responsabilité d’un texte extrêmement mal préparé et dont la fragilité juridique est avérée. Même le Conseil d’État n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer « une étude d’impact insuffisante », « des projections financières lacunaires», et un recours excessif aux ordonnances. Ce projet de loi est surtout une terrible occasion manquée de réformer notre système de retraites pour assurer sa pérennité, et le rendre plus juste. Pour toutes ces raisons, l’Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

MOTION DE CENSURE

(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)

 

par M. André Chassaigne, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Valérie Rabault, Mme Clémentine Autain, M. Joël Aviragnet, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, Mme Gisèle Biémouret, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Bruneel, Mme Marie-George Buffet, M. Luc Carvounas, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Alain David, Mme Jennifer de Temmerman, M. PierreDharréville, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Laurence Dumont, Mme Elsa Faucillon, M. Olivier Faure, Mme Caroline Fiat, M. Guillaume Garot, M. David Habib, M. Christian Hutin, M. Régis Juanico, M. Sébastien Jumel, Mme Marietta Karamanli, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Bastien Lachaud, M. Jérôme Lambert, M. Michel Larive, M. Jean-Paul Lecoq, M. Serge Letchimy, Mme Josette Manin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Danièle Obono, Mme Mathilde Panot, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, Mme Christine Pires Beaune, M. Dominique Potier, M. Loïc Prud’homme, M. Joaquim Pueyo, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Muriel Ressiguier, Mme Claudia Rouaux, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. François Ruffin, M. Hervé Saulignac, M. Gabriel Serville, Mme Bénédicte Taurine, Mme Sylvie Tolmont, Mme Cécile Untermaier, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Boris Vallaud, Mme Michèle Victory, M. Hubert Wulfranc.

 

Avec ces deux projets de loi pour la réforme des régimes de retraite, l’exécutif ampute le pouvoir législatif de nombre de ses droits. Le Conseil d’État a fustigé dans son avis les conditions d’élaboration à marche forcée des projets de loi. Ainsi, il « souligne qu’eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu’aux nombreuses modifications apportées aux textes pendant qu’il les examinait, la volonté du Gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires ». Le gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée. Il refuse au pays le temps pour un réel débat parlementaire. Il a remis au Parlement une étude d’impact de plus de mille pages. Pour lire, analyser et proposer des amendements, les députés se sont vus octroyer un délai de seulement quatre jours. Nous soulignons par ailleurs que cette étude d’impact ne rend pas sincèrement compte des conséquences du projet de réforme des retraites. Ainsi, les cas-types présentés sont établis avec un âge d’équilibre gelé, en contradiction avec l’article 10 du projet de loi ordinaire. L’évolution de la valeur du point serait par ailleurs calculée en fonction d’un indicateur qui n’existe pas à ce jour. Or, la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution prévoit en son article 8 que l’étude d’impact d’un projet de loi doit exposer avec précision « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées ». Avant même de débattre du contenu du projet de loi, une appréciation sincère de ses effets est rendue impossible aux parlementaires.

Près de la moitié du texte de loi est composé de 29 ordonnances pour un total de 65 articles. Un tel dessaisissement du pouvoir législatif du Parlement est inédit. Sur ce procédé également, le Conseil d’État est très sévère. Il souligne ainsi « que le fait, pour le législateur, de s’en remettre à des ordonnances pour la définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité». L’exécutif entend écrire lui-même la loi, au mépris des principes fondamentaux de la démocratie parlementaire. Les députés ne sont autorisés qu’à acquiescer. Enfin, les conditions d’examen du projet de loi en commission spéciale parachèvent un simulacre de démocratie parlementaire en privant l’Assemblée nationale de la désignation d’un rapporteur d’application, député.e de l’opposition, qui aurait eu la compétence en première lecture d’effectuer une analyse de l’étude d’impact. Le bureau de la commission spéciale a ensuite décidé, le 4 février 2020, de diviser par deux le temps alloué à la défense des amendements déposés. Le gouvernement a refusé d’étendre le temps d’examen pour que la commission ait le temps de finir son travail. Elle a été interrompue au beau milieu de ses travaux afin d’hâter le passage du texte gouvernemental en hémicycle et de respecter le calendrier décidé par le seul Président de la République. Les problématiques financières, pourtant au cœur de l’équilibre du futur système, ont été renvoyées à une Conférence de financement se tenant concurremment avec les partenaires sociaux. Une telle désinvolture est inacceptable pour l’étude de projets de lois qui font changer la nature de notre sécurité sociale pour des millions de personnes au cours des prochaines décennies. Les violences contre le parlement sont dirigées contre le peuple lui-même. En effet, en dehors de la voie référendaire, la Constitution prévoit que le Parlement est le lieu d’expression de la seconde. C’est pourquoi nous souhaitons défendre le principe du gouvernement républicain en refusant la confiance à un gouvernement qui piétine la procédure parlementaire, d’autant plus au moment où il interrompt le débat brutalement et sans raison en utilisant l’article 49 alinéa 3. L’héritage du Conseil national de la résistance ne peut être ainsi remis en question. Nous déposons donc la présente motion de censure au titre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

 

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