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ÉTUDE d’impact

 

 

 

Projet de loi

relatif à la croissance et la transformation des entreprises

 

 

 

NOR : ECOT1810669L/Bleue-1

 

 

 

 

 

18 juin 2018



Table des matières

Introduction générale

Tableau synoptique des consultations

Tableau synoptique des mesures d’application

Chapitre Ier : Des entreprises libérées

Section 1 : Création facilitée et à moindre coût

Article 1er relatif à la création d’un guichet unique électronique pour l’accomplissement des formalités liées à la création et à la vie des entreprises

Article 2 relatif à la création d’un registre des entreprises

Article 3 relatif à la réforme des publications d'annonces légales

Article 4 relatif à la suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation

Article 5 relatif à la mise en œuvre d’actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales

Section 2 : Simplifier la croissance de nos entreprises

Article 6 relatif aux seuils d’effectifs

Article 7 relatif à l’adaptation de la gouvernance de Business France dans le cadre de la réforme du dispositif d'accompagnement à l'export

Article 8 relatif au passage de la durée des soldes de 6 à 4 semaines

Article 9 relatif au relèvement des seuils de certification légale des comptes

Article 10 relatif à l'accompagnement de la réforme territoriale de l'ordre des experts-comptables

Article 11 relatif à la radiation des fichiers, registres et répertoires des entrepreneurs individuels ayant réalisé pendant deux années civiles consécutives un chiffre d’affaire nul

Article 12 relatif à la suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs dégageant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 5000 €

Article 13 relatif à la modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie

Section 3 : Faciliter le rebond des entrepreneurs et des entreprises

Article 14 relatif à la fixation de la rémunération du dirigeant en redressement judiciaire

Article 15 relatif au rétablissement professionnel et la liquidation judiciaire simplifiée

La liquidation judiciaire simplifiée

Le rétablissement professionnel

Article 16 relatif aux sûretés

Article 17 relatif à la publicité du privilège du Trésor

Article 18 relatif au traitement des créances publiques en procédure collective

Article 19 relatif aux clauses de solidarité dans les baux commerciaux

Chapitre II : Des entreprises plus innovantes

Section 1 : Améliorer et diversifier les financements

Article 20 relatif à la réforme de l’épargne retraite

Article 21 relatif à différentes mesures pour renforcer le rôle de l'assurance-vie dans le financement de l'économie

Article 22 relatif à la simplification de l’accès des entreprises aux marchés financiers

Article 23 relatif au renforcement de l’attractivité de la Place de Paris

Article 24 relatif à la modernisation des pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers

Article 25 relatif aux infrastructures de marché

Article 26 relatif à la création d’un régime français des offres de jetons

Article 27 relatif à l’élargissement des instruments éligibles au PEA-PME

Article 28 visant à développer l’émission d’actions de préférence

Article 29 relatif à l’amélioration du dispositif Entreprise solidaire d’utilité sociale

Article 30 à 39 : Moderniser la gouvernance de la CDC pour améliorer ses actions en faveur des territoires

Section 2 : Protéger les inventions et l’expérimentation de nos entreprises

Sous-Section 1 - Protéger les inventions de nos entreprises

Article 40 relatif à la modernisation du certificat d’utilité

Article 41 relatif aux chercheurs entrepreneurs

Article 42 relatif à la création d’une procédure d’opposition aux brevets d’invention

Sous-Section 2 - Protéger les expérimentations de nos entreprises

Article 43 relatif aux véhicules autonomes

Section 3 : Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques et financer l’innovation de rupture

Articles 44 à 50 relatifs au transfert de la majorité du capital d’Aéroports de Paris au secteur privé

Article 51 relatif au transfert de la majorité du capital de FRANCAISE DES JEUX au secteur privé

Article 52 relatif à la composition du capital des sociétés ENGIE et GRTgaz

Article 53 relatif aux ressources de l’EPIC Bpifrance

Article 54 relatif à la composition du conseil d’administration de La Poste

Section 4 : Protéger nos entreprises stratégiques

Article 55 relatif aux modifications du régime de sanction des investissements étrangers en France

Article 56 relatif aux actions spécifiques dans les sociétés à participation publique

Chapitre III - Des entreprises plus justes

Section 1 : Mieux partager la valeur

Article 57 visant à favoriser le développement et la mise en place d’accords de participation et d’intéressement

I - Suppression du forfait social applicable à l’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés et aux accords d’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés – modification du code de la sécurité sociale

II - Développer la mise en place d’accords d’intéressement et de participation aux entreprises de moins de 50 salariés

III – Élargir le champ des bénéficiaires

Article 58 visant à favoriser le développement et l’appropriation des plans d’épargne salariale

Article 59 visant à stimuler l’actionnariat salarié dans les entreprises privées

Article 60 relatif au développement de l'actionnariat salarié des sociétés à capitaux publics

Section 2 : Repenser la place des entreprises dans la société

Article 61 relatif à l’objet social des entreprises

Article 62 relatif aux administrateurs salariés

Chapitre IV : Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dispositions transitoires et finales

Article 63 relatif à la transposition de la directive 2014/55/UE facturation électronique

Article 64 relatif à l’insolvabilité

Article 65 relatif à la transposition de la directive 2014/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres

Article 66 relatif à la transposition de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 sur les droits des actionnaires

I. La politique d’engagement et la transparence des gestionnaires d’actifs et des investisseurs institutionnels

II. La transparence des conseillers en vote

III. L’encadrement des transactions avec les parties liées

IV. L’identification et le dialogue avec les actionnaires

V. L’encadrement de la rémunération des dirigeants

Article 67 relatif à l’habilitation à transposer la directive (UE) 2016/2341 du parlement européen et du conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP)

Article 68 relatif aux mesures nécessaires pour transposer la directive relative à la réforme européenne de la hiérarchie des créanciers bancaires (Directive 2017/2399/UE) adoptée le 12 décembre 2017

Article 69 relatif à la transposition du « paquet Marques »

Article 70 concernant la possibilité de procéder à une réévaluation comptable des immobilisations corporelles des grands ports maritimes relevant de l’État et des ports autonomes de Paris et de Strasbourg

Article 71 diverses ratifications d’ordonnances

I – Emissions obligataires

II – Régime de résolution pour le secteur de l'assurance

III – Ratification de l’ordonnance relative à l’agent des sûretés proposé au XII du présent article de loi

IV – Gestion d’actifs

Annexes

Annexe1 (article 68) : Tableaux comparatifs « Code modifié - directive BRRD2 » et « directive BRRD2 - code »


Introduction générale

Alors que le taux de création d’entreprises, de 9,9 % en 2014 contre 7,2 % en Allemagne, contribue au renouvellement du tissu productif et prépare l’avenir, en positionnant l’économie française sur les enjeux de moyen et long terme, ces créations ne se traduisent qu’insuffisamment par de nouveaux emplois : en 2014, 66 % des créateurs avaient pour principal objectif d’assurer leur propre emploi (INSEE, enquête SINE).

De plus, le tissu économique français compte un nombre trop faible d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) - de l’ordre de 4 500 contre 10 000 en Allemagne - et de grosses petites et moyennes entreprises (PME) alors que ce sont elles qui, en raison de leur taille et des effets d’échelle dont elles bénéficient, sont plus à même de supporter le coût de l’innovation ou de la transformation numérique, de se lancer sur les marchés extérieurs, ou encore d’ouvrer des débouchés pour les PME comme pour les très petites entreprises (TPE).

Les mauvaises performances du commerce extérieur reflètent l’insuffisante compétitivité de l’économie française : difficultés des entreprises à différencier leur offre, difficultés à se développer à l’exportation ou encore pressions sur les prix issues de la compétition internationale.

Le défi à relever est donc celui de la croissance des entreprises, aux différentes phases de leur développement, pour renouer avec l’esprit de conquête économique. Cela passe notamment par une transformation du modèle de notre entreprise pour l’adapter aux réalités du XXIème siècle. Structuré autour de trois axes qui constituent trois chapitres, le présent projet de loi se donne ainsi pour objectif de libérer les entreprises, d’accroître leur capacité d’innovation et d’assurer une certaine justice en leur sein et à l’égard de la société.

Le chapitre Ier entend lever des freins et assouplir des rigidités qui entravent la vie des entreprises et des entrepreneurs. Il s’agit donc tout à la fois de faciliter la création d’entreprises et d’en réduire le coût (section 1), d’accompagner leur croissance (section 2), de faciliter leur rebond ainsi que celui des entrepreneurs en cas d’échec (section 3) et de fluidifier les conditions de leur transmission (section 4).

Le chapitre II pose les jalons nécessaires pour favoriser l’innovation au sein des entreprises. La section 1 vise à améliorer et diversifier les modes de financement des entreprises en s’adressant aux acteurs privés (sous-section 1) et en modernisant la gouvernance de la caisse des dépôts et consignations (sous-section 2). La section 2 institue les dispositifs nécessaires à la protection des inventions de nos entreprises (sous-section 1) ainsi que de leurs expérimentations (sous-section 2). La section 3 permet d’assurer le financement de l’innovation de rupture. La section 4 propose des dispositifs à même de protéger nos entreprises stratégiques.

Le chapitre III s’attache à promouvoir des impératifs de justice au sein du monde de l’entreprise, au travers de dispositions recherchant une meilleure répartition de la richesse (section 1). Il propose également, dans une perspective de justice, des dispositions permettant de repenser la place des entreprises dans la société (section 2).

 


Tableau synoptique des consultations

Article

Objet de l’article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1er

Création d’un guichet unique électronique pour l’accomplissement des formalités liées à la création et à la vie des entreprises

 

Consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018

CCI France

Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA)

Conseil national des greffes des tribunaux de commerce (CNGTC)

Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA)

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

2

Création d’un registre des entreprises

 

Mesure soumise à consultation publique

3

Réforme des publications d'annonces légales

Conseil national d’évaluation des normes (CNEN)

 Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne

Association de la presse pour la transparence économique

4

Suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation

Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CNEFOP)

 

5

Mise en œuvre d’actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales

 

Union des entreprises de proximité (U2P)

Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA)

6

Seuils d’effectif

Conseil national d’évaluation des normes (CNEN)

Conseil national de l’Habitat

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

Commission nationale de la négociation collective (CNNC)

 

Conseil national consultatif des personnes handicapées

Consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018

7

Adaptation de la gouvernance de Business France dans le cadre de la réforme du dispositif d'accompagnement à l'export

Comité d’entreprise de Business France

Président du CA de Business France Pascal Cagni

10

Accompagnement de la réforme territoriale de l'ordre des experts comptables

 

Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables

11

Radiation des fichiers, registres et répertoires des entrepreneurs individuels ayant réalisé pendant deux années civiles consécutives un chiffre d’affaires nul

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

Caisse nationale déléguée de la sécurité sociale des travailleurs indépendants

Consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018

12

Suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs dégageant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 5000 €

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières

Consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018

13

Modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie - Modifications du livre VII du code de commerce

 

CCI France

CCI de France

Organisations syndicales

15

Rétablissement professionnel et liquidation judiciaire simplifiée

 

Consultation informelle des praticiens de l’insolvabilité

20

Réforme de l’épargne retraite

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Conseil supérieur de la mutualité  (CSM)

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS),

Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)

COPIESAS et autres parties prenantes (associations d’épargnants…)

21

Différentes mesures pour renforcer le rôle de l'assurance-vie dans le financement de l'économie

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Conseil supérieur de la mutualité  (CSM)

 

22

Simplification de l’accès des entreprises aux marchés financiers

 

Autorité des marchés financiers ; Direction des Affaires civiles et du Sceau

23

Renforcement de l’attractivité de la Place de Paris

Comité consultatif de la législation et de la règlementation financière

Autorité des marchés financiers ; Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; Banque de France ; Haut comité juridique de Place ; associations représentatives de la Place financière ; consultation publique 2018

24

Modernisation des pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers

 

Collège de l’AMF

25

Infrastructures de marché

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

 

26

Création d’un régime français des offres de jetons

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Consultations de place pertinentes sur le projet de dispositions

27

Elargissement des instruments éligibles au PEA-PME

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Consultations de place pertinentes sur le projet de dispositions 

29

Amélioration du dispositif « Entreprise solidaire d’utilité sociale – ESUS »

Conseil Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire (CSESS)

Principaux acteurs privés impliqués dans l’animation et le suivi du dispositif ESUS (Finansol ; Mouvement des entrepreneurs sociaux – Mouves ; France Active) ont été informellement consultés sur cette mesure, qui rassemble un consensus de place

30

Composition de la commission de surveillance - CDC

 

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

Banque de France

31

Renforcement des prérogatives de la commission de surveillance - CDC

 

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

32

Statut du directeur général de la CDC

 

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

33

Modernisation du cadre comptable de la CDC

Conseil supérieur de la Cour des comptes

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

34

Modernisation du cadre comptable de la CDC

4

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

 

 

35

Supervision prudentielle de la Caisse des dépôts et consignations par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) - CDC

 

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

36

Détermination du versement de la CDC à l’Etat

 

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations

37

Encadrement des missions de mandataire de la Caisse des dépôts et consignations - CDC

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations)

 

38

Modification du code des juridictions financières

Conseil supérieur de la Cour des Comptes

 

39

39

Dispositions transitoires - CDC

Conseil supérieur de la Cour des Comptes

40

Création d’une demande provisoire de brevet et modernisation du certificat d’utilité

 

Institut national de la propriété industrielle (INPI)

Praticiens de la propriété intellectuelle

41

Chercheurs entrepreneurs

Conseil Commun de la fonction publique

Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche

Organismes de recherche nationaux (CNRS, INSERM Transfert et l’INRA)

42

Création d’une procédure d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’INPI

 

Institut national de la propriété industrielle (INPI)

Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI)

43

Véhicules autonomes

Conseil national d’évaluation des normes (CNEN)

Organisations professionnelles

Nouvelle France industrielle

57

Favoriser le développement de la mise en place d’accords de participation et d’intéressement

Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS)

Commission nationale de la négociation collective (CNNC)

Caisses de Sécurité Sociale : Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

 Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV)

 

58

Favoriser le développement et l’appropriation des plans d’épargne salariale

Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS)

Commission nationale de la négociation collective (CNNC)

 

59

Stimuler l’actionnariat salarié dans les entreprises privées

Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (COPIESAS)

 Commission nationale de la négociation collective (CNNC)

Caisses de Sécurité Sociale : Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

 Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV)

 

60

Développement de l’actionnariat salarié des sociétés à capitaux publics

 

Commission des participations et des transferts

62

Intérêt social des entreprises

 

Consultations menées dans le cadre de la mission Senard-Notat

64

Administrateurs salariés

 

Consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018

66

Transposition de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 sur les droits des actionnaires

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Autorité des marchés financiers

68

Mesures nécessaires pour transposer la directive relative à la réforme européenne de la hiérarchie des créanciers bancaires (Directive 2017/2399/UE) adoptée le 12 décembre 2017

 Fédération bancaire française

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières

 

69

Transposition du « paquet Marques »

 

Praticiens de la propriété industrielle

70

Possibilité de procéder à une réévaluation comptable des immobilisations corporelles des grands ports maritimes relevant de l’État et des ports autonomes de Paris et de Strasbourg

 

Ports et Union des ports de France

71

Diverses ratifications d'ordonnances

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF)

Conseil supérieur de la mutualité

 

Ensemble des fédérations professionnelles concernées


Tableau synoptique des mesures d’application

Article

Objet de l’article

Texte d’ d’application

Administration compétente

1er

Création d’un guichet unique électronique pour l’accomplissement des formalités liées à la création et à la vie des entreprises

Décret en Conseil d’Etat

Décret

Direction générale des entreprises (DGE)

3

Réforme des publications d'annonces légales

 Décret

Ministère de la culture :Direction générale des médias et des industries culturelles

(en lien avec les autres ministères concernés, notamment le ministère de la Justice et le ministère de l’économie et des finances)

4

Suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation

 Décret en Conseil d'Etat

DGE

5

Mise en œuvre d’actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales

Décret

DGE

6

Seuils d’effectif

Décret en Conseil d’Etat

Direction générale des entreprises (DGE)

Direction de la sécurité sociale (DSS)

Direction générale du travail (DGT)

Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)

Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

7

Adaptation de la gouvernance de Business France dans le cadre de la réforme du dispositif d'accompagnement à l'export

Décret

DGE

8

Passage de la durée de soldes de 6 à 4 semaines

Décret

DGE

9

Relèvement des seuils de certification légale des comptes

Décret en Conseil d'Etat

DG Trésor / DACS

10

Accompagnement de la réforme territoriale de l'ordre des experts comptables

Décret en Conseil d’Etat

Direction générale des Finances publique (DGFiP)

11

Radiation des fichiers, registres et répertoires des entrepreneurs individuels ayant réalisé pendant deux années civiles consécutives un chiffre d’affaires nul

Décret en Conseil d’Etat

Décret

 

 

DGE

DSS

DACS

DGFIP

15

Rétablissement professionnel et liquidation judiciaire simplifiée

Décret

 

DACS

DG Trésor

17

Publicité du privilège du Trésor

Décret en Conseil d’Etat

Décret

DGFIP

20

Réforme de l’épargne retraite

Décret en Conseil d’Etat

Décret

DG Trésor / DGFIP

21

Différentes mesures pour renforcer le rôle de l'assurance-vie dans le financement de l'économie

Décret en Conseil d'Etat

DG Trésor

23

Renforcement de l’attractivité de la Place de Paris

Décret

Direction générale du Trésor

Direction de la sécurité sociale

24

Modernisation des pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers

Décret en Conseil d’Etat

DG Trésor

25

Infrastructures de marché

Décret

DG Trésor

30

Désignation des représentants du personnel de la Caisse des dépôts et consignations par le comité mixte d’information et de concertation

Décret en Conseil d’Etat

 

DG Trésor

32

Administration de la Caisse des dépôts et consignations

Décret

DG Trésor

33 et 38

Evolution des dispositions règlementaires du code monétaire et financier concernant le caissier général ainsi que des dispositions réglementaires, figurant dans le code des juridictions financières, relatives au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur l’établissement.

 

Décret en Conseil d’Etat

 

DG Trésor

36

Fixation d’un niveau de versement de la CDC à l’Etat.

Décret

 

DG Trésor (en lien avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution)

37

Encadrement des missions de mandataire de la Caisse des dépôts et consignations

Décret

 

40

Création d’une demande provisoire de brevet et modernisation du certificat d’utilité

Décret en Conseil d’Etat

Direction générale des entreprises (DGE)

41

Chercheurs entrepreneurs – gestion des brevets détenus entre personnes publiques investies d’une mission de recherche

Décret en Conseil d’Etat

Décret

Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

DGE

43

Véhicules autonomes

Décret en Conseil d’Etat

Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

DACS

DG Trésor

44 à 50

Transfert de la majorité du capital d’Aéroports de Paris au secteur privé

Décrets

 

51

Transfert de la majorité du capital de la Française des Jeux au secteur privé

Décret

 

53

Ressources de l’EPIC Bpifrance

Décret en Conseil d’Etat

 

54

Evolution de la gouvernance de la Poste

Décret

 

55

Modifications du régime de sanction des investissements étrangers en France

Décret en Conseil d’Etat

DG Trésor

56

Actions spécifiques dans les sociétés à participation publique

Décret en Conseil d’Etat

 

58

Favoriser le développement et l’appropriation des plans d’épargne salariale

Décret

DG Travail

59

Stimuler l’actionnariat salarié dans les entreprises privées

Décret en Conseil d’Etat

DG Travail/DG Trésor/ Direction de la Sécurité Sociale

60

Développement de l’actionnariat salarié des sociétés à capitaux publics

Décret

Agence des participations de l'État

(APE)

66

Transposition de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 sur les droits des actionnaires

Décret en Conseil d’Etat

Décret

DG Trésor

DACS

67

Habilitation à transposer la directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP)

 

DG Trésor

 

68

Mesures nécessaires pour transposer la directive relative à la réforme européenne de la hiérarchie des créanciers bancaires (Directive 2017/2399/UE) adoptée le 12 décembre 2017

 

DG Trésor

 

69

Transposition du « paquet Marques »

Décret en Conseil d’Etat

DGE

 


Chapitre Ier : Des entreprises libérées

Section 1 : Création facilitée et à moindre coût

Article 1er relatif à la création d’un guichet unique électronique pour l’accomplissement des formalités liées à la création et à la vie des entreprises

1.         État des lieux

Les centres de formalités des entreprises (CFE) permettent aux entreprises de souscrire en un même lieu les déclarations relatives à leur création, aux modifications de leur situation et à la cessation de leur activité.

Ils ont été créés par le décret n° 81-257 du 18 mars 1981[1] qui identifiait cinq réseaux de CFE en fonction de l’activité concernée (chambres de commerce et d’industrie (CCI), chambres des métiers[2], greffes des tribunaux de commerce, unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et centres des impôts[3]. La chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) est devenue CFE par application des dispositions du décret n° 90-471 du 8 juin 1990[4]. Aux termes du décret n° 96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises modifié par le décret n° 98-326 du 27 avril 1998[5], « les chambres d’agriculture créent les centres compétents pour les personnes physiques et morales exerçant à titre principal des activités agricoles ». Depuis lors, toutes les entreprises déclarantes, quelle que soit leur activité et leur implantation, disposent d’un CFE référent appartenant à l’un des sept réseaux auprès duquel doit être effectué l’ensemble des formalités.

La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle a donné une assise législative au corpus juridique régissant les CFE en disposant que le dossier unique remis par l’entreprise lors de sa déclaration de création, de modification ou de cessation d’activité est déposé « auprès d'un organisme désigné à cet effet, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, et vaut déclaration près du destinataire dès lors qu'il est régulier et complet à l'égard de celui-ci ».

Les CFE ont pour missions (articles R. 123-1 et suivants du code de commerce) :

-          de mettre à disposition des déclarants une documentation sur les obligations des centres et les éléments que doit contenir le dossier de déclaration ;

-          de recevoir les formulaires accompagnés des pièces justificatives ;

-          de délivrer un récépissé ;

-          d’assurer un contrôle de complétude du dossier et d’informer le déclarant si son dossier est incomplet ;

-          de transmettre le dossier aux organismes destinataires des formalités.

Cette prestation est assurée gratuitement. A cette prestation gratuite, peuvent s’ajouter des prestations complémentaires facultatives d’assistance à formalités, qui peuvent être facturées au déclarant.

En application de l’annexe 1-1 à la partie réglementaire du code de commerce (annexe à l’article R. 123-30 de ce code), les principaux organismes destinataires des formalités sont :

-          les services des impôts des entreprises (déclaration d’existence) ;

-          les organismes de sécurité sociale (affiliation aux Urssaf et aux caisses de sécurité sociale) ;

-          l’Institut national de la statistique et des études économiques – Insee (inscription au répertoire Sirene) ;

-          l’inspection du travail (déclaration) ;

-          les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance statuant commercialement (inscription au registre du commerce et des sociétés – RCS – pour les activités commerciales et les sociétés, au registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée – RSEIRL – pour les EIRL ou au registre spécial des agents commerciaux – RSAC – pour les agents commerciaux) ;

-          les chambres de métiers et de l'artisanat (inscription au répertoire des métiers pour les activités artisanales) ;

-          les chambres d’agriculture (immatriculation au registre de l’agriculture) ;

-          la Chambre nationale de la batellerie artisanale (immatriculation au registre des entreprises de la batellerie artisanale).

Ces organismes destinataires sont seuls habilités à se prononcer sur la régularité et sur la validité des dossiers.

Les CFE peuvent être saisis selon trois modalités : dépôt physique du dossier, transmission par voie postale ou saisine par voie électronique.

Tous réseaux confondus, sur l’ensemble du territoire national, quelque 1 400 CFE traitent chaque année près de trois millions de formalités, dont environ 30 % concernent la création, 55 % la modification et 15 % la radiation. En 2016, le traitement des formalités de création s’est réparti de la manière suivante entre les divers CFE : 290 000 par les Urssaf, 234 000 par les greffes[6], 197 000 par les CCI, 138 000 par les CMA, 39 000 par les services des impôts et 31 000 par les chambres d’agriculture (cf. graphique n° 1).

 Graphique 1 : Activité des CFE en 2016 (en milliers d’événements traités)

Source : INSEE (direction des statistiques d’entreprises, chiffres établis en 2017).

La réalisation des formalités liées aux CFE occupe actuellement environ 960 équivalents temps plein (ETP) au sein des chambres consulaires (soit 510 dans les CCI, 300 dans les CMA et 150 dans les CA) et 600 ETP au sein des greffes des tribunaux de commerce (cf. tableau 1). Ces chiffres correspondent au nombre total d’agents affectés dans les services chargés des formalités, y compris lorsque ceux-ci traitent des formalités ne relevant pas stricto sensu de la compétence des CFE.

 

 

 

 

 

Tableau 1 : Nombre d’ETP affectés aux formalités CFE en 2016

Réseau d’appartenance des CFE

Nombre d’ETP

Nombre total de formalités CFE réalisés en 2016

Chambres d’agriculture

150

81 259

Chambres de commerce et d’industrie

510

826 673

Chambres de métiers et de l’artisanat

300

467 924

SIE

Non disponible

74 427[7]

URSSAF

Non disponible

931 824

Greffes

600

602 454

Total

Non applicable

2 984 561

Source : IGF.

Les missions des CFE ont été complétées par l’intervention des dispositions du V de l’article 8 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie qui confient aux CFE le rôle de guichet unique au sens de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (dite directive « services »). Ces dispositions ont été précisées par le décret n° 2010-210 du 1er mars 2010 relatif aux centres de formalités des entreprises. Ce décret organise les modalités selon lesquelles les CFE peuvent recevoir, en sus des déclarations relatives à la création, aux modifications de la situation ou à la cessation d'activité des entreprises, les dossiers de demandes concernant les autorisations que les entreprises doivent obtenir pour l'accès à certaines activités et l’exercice de celles-ci.

Les CFE sont chargés de transmettre ces demandes d’autorisation aux autorités compétentes (préfectures, ordres professionnels…) qui en assurent le traitement. Le déclarant conserve toutefois la possibilité de déposer directement auprès des autorités compétentes ces demandes d'autorisation. Un décret du 26 juillet 2016 relatif aux centres de formalités des entreprises[8] a complété ce dispositif en détaillant les modalités de déclaration des activités en libre prestation de services exercées par les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen.

La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite directive « services », impose par ailleurs aux Etats membres la mise à disposition d’un guichet unique électronique pour effectuer toutes les procédures et formalités nécessaires à l’accès à une activité de service[9].

C’est dans ce contexte qu’a été créée en 2009 l’association Guichet Entreprises, regroupant les principaux réseaux de CFE et leurs partenaires. L’association a donné lieu en 2011 à la création d’un groupement d’intérêt public « Guichet Entreprises ». En 2015, ce groupement a été remplacé par l’actuel service à compétence nationale « Guichet Entreprises »[10], rattaché à la direction générale des entreprises. Le service Guichet Entreprises met en œuvre le téléservice « guichet-entreprises.fr », qui permet de satisfaire à cette obligation européenne. Régi par les articles R. 123-20 et suivants du code de commerce et mis en place progressivement depuis 2010, il permet d’effectuer gratuitement les démarches par voie électronique en s’appuyant sur les réseaux de CFE pour le traitement des dossiers. Ce service ne constitue pas en lui-même un CFE, les dossiers reçus par son intermédiaire étant retransmis au CFE compétent afin que ce dernier assure la ventilation des pièces et informations constituant la déclaration[11] entre les différents organismes destinataires qui ont à en connaître.

C’est également en application de la directive précitée que le service Guichet Entreprises met à disposition des internautes une information complète sur les diverses formalités et procédures.

Le service Guichet Entreprises prend en charge les formalités de création d’entreprises individuelles « classiques » et de sociétés ainsi que l’ensemble des procédures relatives aux micro-entrepreneurs (création, modification ou cessation d’activité).

Ainsi, 43 793 (dont 91 % de créations) et 61 955 (dont 89 % de créations) formalités ont été réalisées par l’intermédiaire de ce téléservice respectivement en 2016 et en 2017[12]. Les micro-entrepreneurs, qui ont l’obligation de procéder par voie dématérialisée depuis la loi n° 2014‑626 du 18 juin 2014[13], représentent 87 % des utilisateurs du site.

Pour veiller à l’application homogène par tous les réseaux des dispositions relatives aux CFE, une commission de coordination des CFE (CCCFE) a été instituée par l'article 9 du décret n° 2002-375 du 19 mars 2002[14], dont les dispositions ont été depuis codifiées à l’article R. 123-28 du code de commerce. Composée de représentants de chaque ministre qui assure la tutelle des réseaux de CFE et des organismes destinataires des formalités, la CCCFE donne son avis sur toutes questions relatives au fonctionnement des centres dont elle est saisie par ceux-ci ou par les organismes destinataires des formalités. Elle peut également se saisir d'office. La commission élabore et met à jour les formulaires administratifs utilisés comme supports des déclarations. Enfin, la CCCFE est chargée de définir les modalités de normalisation des échanges informatisés d’informations entre les différents CFE et les organismes destinataires.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

L’existence de sept réseaux de CFE est source de difficultés :

-         Elle représente une source de complexité pour les déclarants, qui peuvent éprouver des difficultés pour identifier le réseau dont ils relèvent. Cette difficulté est accrue par deux phénomènes :

 

-          Elle entraîne également une inégale qualité du service rendu aux déclarants selon le réseau de CFE dont ils relèvent (nature des prestations ou du contrôle variable) voire au sein d’un même réseau (en fonction de l’engorgement de la structure).

 

-          Elle est à l’origine de systèmes d’information hétérogènes, reposant sur des normes de transmission diverses, générateurs de coûts et de complexité et compliquant la tâche des sites centralisateurs comme celui qu’opère le service du Guichet Entreprises.

 

-          Elle génère pour les réseaux des frais de fonctionnement[16] et des difficultés d’organisation et de gestion, entraînant des coûts difficilement compatibles avec les objectifs de réduction des moyens et d’allocation optimale des ressources. Ainsi, divers réseaux de CFE ont maintenu leur propre service électronique (www.lautoentrepreneur.fr, www.cfenet.cci.fr, www.cfe-urssaf.fr, www.cfe-metiers.com et www.infogreffe.fr).

Par ailleurs, le recours à la dématérialisation comme moyen d’accomplissement des formalités demeure relativement faible (cf. graphique 2), alors même que les procédés électroniques garantissent l’efficience et accroissent la rapidité du traitement des dossiers. A ce jour, le traitement des dossiers de déclaration doit être assuré dans le respect des dispositions de l’article R. 123-9 du code de commerce qui impose au centre de formalités des entreprises compétent saisi du dossier complet de le transmettre « le jour même aux organismes destinataires, et le cas échéant aux autorités habilitées à délivrer les autorisations ». Les délais de transmission sont influencés par la situation spécifique de chaque CFE (charge de travail, nombre de dossiers reçus, nombre d’agents…), mais aussi par les modalités de gestion des dossiers qui sont mises en œuvre au sein du CFE et le format du dossier déposé. Un dossier papier nécessite davantage de traitements qu’un dossier dématérialisé, ce qui a des conséquences négatives sur l’efficience et la rapidité du traitement des dossiers.

Graphique 2 : Tableau de bord des services publics numériques – Édition 2017

Source : DITP.

2.2.  Objectifs poursuivis

La réforme proposée vise à substituer aux différents réseaux de CFE un guichet électronique unique, collectant l'ensemble des informations et des pièces nécessaires à la confection du dossier de formalités et constituant l’interface directe entre les organismes destinataires et les entreprises, quels que soient l’activité, le lieu d’implantation et la forme juridique de ces dernières.

Cette mesure s’accompagnera d’une généralisation[17] de la voie dématérialisée comme modalité d’accomplissement des formalités de création, de modification et de cessation des activités des entreprises.

Les bénéfices attendus de la réforme sont de plusieurs ordres.

La mesure apportera une solution à la difficulté rencontrée par les déclarants pour identifier l’organisme compétent pour le traitement de leurs formalités. Elle sera également l’occasion de faire disparaître les disparités constatées dans le traitement des dossiers de déclaration, que ces discordances se manifestent entre les réseaux de CFE ou au sein d’un même réseau.

Cette mesure améliorera la qualité des échanges entre partenaires en mettant un terme à la coexistence de modalités de transmission hétérogènes (transmissions automatisées mais selon des normes distinctes, communications pour certaines encore effectuées sur support papier). La dématérialisation intégrale des procédures se traduira également par une amélioration de la qualité et de la complétude des dossiers grâce à la normalisation des informations, à la mise en œuvre de contrôles automatiques et à une diffusion facilitée des pièces justificatives accompagnant les dossiers, générant ainsi une baisse des charges associées au traitement des déclarations par les organismes destinataires.

La mission d’assistance et d’accompagnement des déclarants pour l’accomplissement des formalités sur le guichet unique électronique, notamment pour les déclarants éloignés du numérique, demeurera assurée par les organismes assurant actuellement les missions de CFE.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

L’éparpillement et la complexité ressentie à l’égard des CFE par les entreprises a révélé la nécessité de rationaliser les moyens mis en œuvre et le fonctionnement des CFE.

Il a tout d’abord été examiné la possibilité de rationaliser à droit constant le fonctionnement des CFE par le biais d’un renforcement de la mutualisation des réseaux en vue d’harmoniser le traitement des dossiers, d’optimiser les moyens mis en œuvre et de simplifier les démarches des entreprises déclarantes. Quelques expériences en ce sens ont été réalisées, soit au sein d’un même réseau (cas du CFE mutualisé de la CCI Paris Ile-de-France), soit entre réseaux différents (CFE de différents organismes consulaires). Cependant, la généralisation de ces mutualisations de CFE est apparue inappropriée car, outre qu’elle réclamerait un effort soutenu sur une longue période, elle se heurterait à la diversité des structures assurant la gestion des CFE et des statuts des personnels exerçant dans ces centres. Au surplus, si cette mesure permettrait de réduire pour le déclarant le foisonnement des acteurs impliqués dans les formalités, elle n’aurait pas d’incidence sur le déploiement de la voie dématérialisée comme canal d’accomplissement des formalités.

Quant à l’intervention de la commission de coordination des CFE pour mettre en œuvre la réforme, il convient de préciser que, si celle-ci peut émettre des préconisations pour améliorer le fonctionnement des centres, elle ne dispose ni du pouvoir d’imposer une mutualisation des CFE ou la voie électronique comme modalité d’accomplissement des formalités, ni du pouvoir d’imposer une réforme de l’organisation ou du fonctionnement des centres.

3.2.  Option retenue

Il s’agit d’inscrire dans l’ordonnancement juridique national qu’un guichet unique électronique se substitue aux réseaux de CFE et assure l’interface entre les entreprises et les organismes actuellement destinataires des informations collectées par les CFE. Par voie de conséquence, les formalités de création, de modification de la situation et de cessation d’activité des entreprises seront désormais accomplies exclusivement par voie électronique (cf. graphique 3). Ce guichet unique électronique pourra être construit sur le fondement du service électronique développé par le Guichet Entreprises.


Graphique 3 – Circuit des démarches de création

 

Source : DGE.

Le périmètre des formalités prises en charge par le guichet unique électronique sera identique à celui des CFE actuels. Il s’agit des formalités et procédures nécessaires à la création, aux modifications de la situation et à la cessation d'activité d'une entreprise, ainsi qu'à l'accès à une activité réglementée de service et à son exercice (demandes d’autorisation pour les activités dans le champ de la directive relative aux services).

En pratique :

-          il mettra à disposition des internautes une information sur l’ensemble des procédures et formalités qui peuvent être réalisées par son intermédiaire ;

-          il recevra les dossiers de déclaration ;

-          il procédera à la vérification des dossiers et délivrera un accusé d’enregistrement[18] ;

-          il transmettra aux organismes concernés la déclaration et les pièces annexes qui leur sont destinées ;

-          il permettra au déclarant de suivre l’état d’avancement du traitement de son dossier.

Le guichet unique électronique assurera par ailleurs une assistance de premier niveau aux utilisateurs du téléservice (problèmes de connexion, téléchargement de pièces jointes, modalités de paiement…).

En sa qualité de CFE, le guichet unique électronique ne délivrera pas d’assistance aux déclarants pour l’accomplissement des formalités. La mission d’assistance et d’accompagnement pour l’accomplissement des formalités sur le guichet unique électronique, notamment pour les déclarants éloignés du numérique, demeurera assurée par les organismes assurant actuellement les missions de CFE.

Le guichet unique électronique, comme c’est le cas actuellement pour les CFE, n’a pas vocation à se substituer aux organismes destinataires et autorités compétentes qui restent seuls compétents pour apprécier la régularité des dossiers reçus. Ces derniers fourniront toute précision utile au déclarant sur ses obligations et pourront être amenés à lui demander tout complément d’information ou pièce nécessaire à l’instruction de son dossier.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

La réforme aura des conséquences, en amont, sur les entreprises et certaines associations[19], mais aussi, en aval, sur les organismes gérant actuellement les centres de formalités des entreprises, ainsi que sur les administrations et organismes destinataires des formalités.

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

L’instauration d’un guichet unique électronique pour ce type de formalités crée des contraintes pour les autorités et organismes qui en sont destinataires en ce qu’ils sont tenus d’accepter les dossiers adressés par le guichet unique et doivent ainsi dialoguer avec ce guichet. Or, ces autorités ou organismes sont pour certains d’entre eux des organismes de droit privé (par exemple, les greffes des tribunaux de commerce). L’imposition à ces entités d’obligations requiert donc la voie législative.

Cette mesure nécessite la modification de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, qui prévoit l’existence des centres de formalités des entreprises et de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat en abrogeant l’article 19-1.

La mesure nécessite par ailleurs la modification, par coordination, de plusieurs dispositions de nature législative présentes en particulier dans le code de commerce, dans le livre des procédures fiscales, dans le code rural et de la pêche maritime ainsi que dans le code de la sécurité sociale. Au titre de ces mesures de coordination figure notamment la suppression du récépissé de dépôt de dossier de création d’entreprise (RDDCE), instauré par la loi n° 2003‑721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique au bénéfice des entreprises devant s’immatriculer à un registre de publicité légale. En effet, ce récépissé avait essentiellement pour objet de pallier un éventuel délai de transmission du dossier entre le CFE et le teneur de registre, délai de transmission qui n’a plus lieu d’être grâce à l’intervention du guichet unique dématérialisé.

Dans un souci d’une meilleure accessibilité du droit, il est proposé de codifier le nouveau dispositif, qui reprend en les adaptant les dispositions non codifiées du titre Ier (simplification de formalités administratives imposées aux entreprises) de la loi précitée du 11 février 1994. Le choix du code se porte naturellement sur le code de commerce en ce que ce dernier accueille maints dispositifs ayant trait aux formalités intéressant l’ensemble des entreprises. Il en est ainsi du corpus régissant les centres de formalités des entreprises (articles R. 123-1 et suivants), des dispositions relatives à la protection de l'entrepreneur individuel et de son conjoint (articles L. 526-1 et suivants), qui intéressent notamment les artisans et les professionnels libéraux, ou encore des articles afférents au répertoire des entreprises et de leurs établissements géré par l’Insee (articles R. 123-220 à R. 123-234).

Concernant le code de commerce, la mesure envisagée abroge l’article L. 123-9-1 du code de commerce, crée une quatrième section dans le chapitre III du titre II du livre Ier (articles L. 123-32 à L. 123-35), modifie l’article L. 711-3 et rétablit l’article L. 921-3.

S’agissant du livre des procédures fiscales, ce sont les articles L. 16-0 BA, L. 169, L. 174 et L. 176 qui sont modifiés.

Dans le code rural et de la pêche maritime, la mesure envisagée modifie les articles L. 214‑6-2, L. 311-2, L. 311-3, L.  331-5, L. 511-4 et abroge l’article L. 311-2-1.

Le mesure envisagée modifie par ailleurs les articles L. 622-1 et L. 624-1 du code de la sécurité intérieure.

Enfin, la mesure envisagée modifie les articles L. 381-1, L. 613-4, L. 613-6 du code de la sécurité sociale et abroge le V de l’article L. 613-5 du même code.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La création d’un guichet unique électronique pour les formalités liées à la création et à la vie de l’entreprise est conforme aux exigences de la directive « services » de 2006.

Cette création ne relève pas du champ de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information.

En effet, la réforme vise à simplifier les démarches que les entreprises sont tenues d’accomplir lors de leur création, de la modification de leur situation ou de la cessation de leur activité. Le champ d’application de ces dispositions dépasse donc largement le secteur spécifique des services de la société de l’information, tels que définis dans la directive (UE) 2015/1535. Ces dispositions ne prévoient pas de règle relative à l’accès à des services numériques, ni aux conditions de leur exercice. Au surplus la réalisation des démarches par le CFE unique électronique sera assurée sans contrepartie économique pour la réalisation des échanges dématérialisés. Les dispositions relatives à la création d’un guichet unique électronique ne peuvent donc pas être considérées comme des règles relatives aux services devant faire l’objet d’une notification européenne au titre de la directive (UE) 2015/1535.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts sur les entreprises

Les gains attendus pour les entreprises, bénéficiaires de la mesure, résident dans la diminution de la charge administrative qui leur est imposée (affranchissement des dossiers transmis par la voie postale, frais de reproduction des pièces et formulaires, déplacements auprès des différentes institutions). A titre d’exemple, 71,4 % des formalités traitées par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) sont aujourd’hui transmises par voie postale ce qui représente 570 765 dossiers. 58% des formalités traitées par les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) sont reçues par voie postale, soit 274 300 dossiers[20]. Ainsi la dématérialisation permettra, pour les formalités actuellement traitées par ces réseaux de CFE, une économie annuelle d’environ 3 M€[21] pour les entreprises.

Des bénéfices sont également attendus de la rapidité de l’accomplissement des formalités grâce à la quasi-immédiateté du traitement informatisé.

4.2.2        Impacts budgétaires

Le service à compétence nationale Guichet Entreprises, à ce jour rattaché à la direction générale des entreprises du ministère de l’économie et des finances, a vocation à effectuer les développements informatiques nécessaires pour que le téléservice « guichet-entreprises.fr » réponde aux exigences de la réforme.

Le service Guichet Entreprises doté d’un budget de 4 millions d’euros annuels, prend à ce jour en charge les formalités de création pour tout type d’entreprise (entreprises individuelles, dont entreprises relevant du régime du micro-entrepreneur, et sociétés). En revanche, les formalités de modification ou de cessation ne sont réalisables par l’intermédiaire du téléservice que pour les micro-entrepreneurs. Le périmètre des démarches actuellement traitées par les CFE n’est donc pas couvert dans son intégralité.

Le budget alloué à ce service nécessitera une revalorisation évaluée à 4 millions d’euros annuels pour les développements techniques (cf. tableau n° 2) et une augmentation de l’effectif évaluée à 4 équivalents temps plein (ETP) représentant, s’agissant d’agents de catégorie A, un coût salarial annuel supplémentaire de 238 000 €[22].

Tableau 2 : Estimation des moyens nécessaires au Guichet Entreprises

Année

2019

2020

2021 et après

Type de travaux

Projet

Projet et mise en place du fonctionnement récurrent

Fonctionnement récurrent

Assistance à maîtrise d’ouvrage

1 000 k€

800 k€

  400 k€

Développement des flux EDI avec les organismes destinataires

1 700 k€

800 k€

   300 k€

Intégration

   300 k€

300 k€

   300 k€

Hébergement

1 000 k€

            1 000 k€

   800 k€

Maintien en conditions opérationnelles

 

300 k€

   800 k€

Support téléphonique niveau 1 (centre d'appel)

 

300 k€

   600 k€

Support fonctionnel niveau 2 (interne SCN)

 

 

 

Support technique niveau 3

 

300 k€

    600 k€

Audit

 

200 k€

    200 k€

Total

4 000 k€

           4 000 k€

4 000 k€

Source : Guichet Entreprises.

L’augmentation du budget sera consacrée à l’extension de l’hébergement et à la maintenance du téléservice ainsi qu’aux évolutions applicatives nécessaires pour couvrir l’ensemble des formalités. Cet accroissement des ressources sera également utilisé pour financer les prestations d’assistance de premier niveau[23]. Les ETP supplémentaires auront notamment pour mission d’assurer le pilotage de l’assistance de niveau 2.

4.2.3        Impacts en termes d’accès au numérique

En décembre 2017, le secrétariat d’Etat chargé du numérique estimait que 13 millions de Français éprouvent des difficultés face au numérique et à ses usages. Pour y remédier, le Gouvernement a lancé une stratégie nationale pour un numérique inclusif qui repose sur l’alliance de tous les acteurs concernés et dont l’objectif est d’assurer l’égalité des citoyens et des territoires face au numérique.

Les entreprises françaises connaissent également un retard numérique par rapport aux entreprises des autres pays de l’Union européenne. Selon la Commission européenne, en mars 2017, la France figurait en 16ème place dans le classement relatif à l’économie numérique de l’Union. L’intégration des technologies numériques clés des entreprises françaises est inférieure à la moyenne européenne : seules deux PME françaises sur quatre sont présentes sur Internet contre trois sur quatre dans le reste de l’Union[24].

Selon le tableau de bord des services publics numériques édition 2017 établi par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), en 2016 : 53 % des entreprises de moins de 10 salariés contre 74 % des entreprises de plus de 10 salariés ont effectué une démarche administrative sur Internet, parmi lesquelles 78 % des entreprises de moins de 10 salariés et 95 % des entreprises de plus de 10 salariés se sont déclarées satisfaites.

Pour pallier les difficultés auxquelles certaines entreprises pourraient être confrontées dans le cadre de la dématérialisation des déclarations auprès d’un guichet unique, les entreprises pourront accéder à Internet par le biais de services publics, notamment les chambres consulaires et autres réseaux actuels de CFE, qui continueront, comme aujourd’hui, à assurer des missions d’assistance aux formalités et pourront proposer une assistance informatique au bénéfice des créateurs et des entreprises le souhaitant.

4.2.4        Impacts sur les autres guichets électroniques existants

La mesure entraînera l’arrêt des fonctionnalités concurrentes sur les autres sites consacrés aux formalités. Si les téléservices « www.cfenet.cci.fr », « www.cfe-urssaf.fr », « www.cfe-metiers.com » sont appelés à disparaître, les portails offrant des prestations complémentaires pourront être maintenus.

Il en est ainsi du site « lautoentrepreneur.fr », qui offre différentes fonctionnalités concernant les obligations déclaratives dans le domaine de la sécurité sociale pour les micro-entrepreneurs, à savoir la déclaration du chiffre d’affaires ou de recettes, le paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale…

De même, le site « Infogreffe.fr » a vocation à perdurer grâce à son offre de service ne relevant pas de la compétence des CFE, comme la réalisation de certaines formalités (dépôt des comptes, déclarations au registre des bénéficiaires effectifs etc.), la consultation des données relatives aux entreprises ou la délivrance de documents officiels.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

Les exécutifs de collectivités territoriales (les maires en l’occurrence) ou les présidents de certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont compétents pour traiter certaines demandes d’autorisation (ou les déclarations) que les entreprises peuvent actuellement, en application du 3e alinéa de l’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle[25], remettre aux CFE ou adresser au téléservice « guichet-entreprises.fr », étant entendu que ce dépôt constitue une simple faculté, les déclarants pouvant continuer à s’adresser directement aux autorités compétentes pour l’accomplissement de ces formalités.

Les demandes d’autorisation ou déclarations relevant de la compétence des maires ou des présidents d’EPCI sont les suivantes :

-          déclaration de location de chambre d'hôte ;

-          déclaration des meublés de tourisme ;

-          demande de licence de débit de boissons ;

-          établissement recevant du public (ERP) ;

-          déclaration d'ouverture d'une piscine ou d'un lieu de baignade.

La réforme ne modifie pas les compétences des collectivités ou des EPCI ; elle réduira seulement le nombre de canaux par lesquels ces collectivités ou établissements peuvent être saisis, faisant passer ce nombre de trois actuellement (CFE, « guichet-entreprises.fr » et saisine directe) à deux (« guichet-entreprises.fr » et saisine directe), étant précisé que les modalités de raccordement entre le téléservice « guichet-entreprises.fr » et les collectivités ou EPCI n’imposent pas pour ces derniers la nécessité de disposer d’un accès à Internet ou d’un système d’information ni de modifier un système d’information existant. La mesure n’engendrera pas non plus d’augmentation du nombre de dossiers devant être traités par les collectivités ou EPCI.

En conséquence, la réforme n’aura pas d’impact sur les collectivités territoriales.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La mesure, génératrice d’économies de mutualisation et d’échelle, dégagera les organismes gestionnaires de CFE de la charge afférente à cette mission actuellement assurée à titre gratuit, ce qui leur permettra de réaffecter les moyens vers les missions d’assistance et d’accompagnement des entreprises pour l’accomplissement des formalités sur le guichet unique électronique, notamment pour les déclarants éloignés du numérique, ainsi que vers les autres missions relevant de leur cœur de métier.

Si l’on considère que le personnel affecté dans les services CFE consacre 50 % de son temps à la gestion administrative des dossiers, l’autre partie du temps étant consacrée à l’assistance à formalités (estimation prudente), et que le salaire moyen brut d’un agent s’élève à 30 000 euros annuels, l’impact financier peut être estimé à 23 M€ par an (1560 ETP[26] x 50 % x 30 K€) pour l’ensemble des CFE des organismes consulaires et des greffes des tribunaux de commerce.

L’impact financier sur les réseaux CFE des URSSAF et des SIE (services des impôts des entreprises) ne peut être chiffré de façon fiable. En effet, en ce qui concerne les Urssaf, l’activité de « gestion administrative des comptes cotisants » occupe 810 ETP, sans qu’il soit possible de distinguer le nombre d’ETP affectés aux seules formalités des CFE. Si le nombre d’ETP consacrés au traitement des dossiers reçus par les CFE des services des impôts des entreprises n’est pas connu, ces services ne possèdent qu’une compétence résiduelle en matière de prise en charge des formalités des entreprises, dès lors qu’ils ne reçoivent que les déclarations des professionnels qui ne relèvent pas déjà des six autres réseaux de CFE et qui n’ont pas d’autres obligations que statistiques et fiscales. Par ailleurs, depuis l’intervention du décret n° 2010-1706 du 29 décembre 2010 relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, la compétence de ces centres « peut être transférée » aux autres organismes gestionnaires de CFE.

Une concertation avec les différents réseaux (Urssaf, services des impôts des entreprises, greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance, chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers et de l'artisanat, chambres d'agriculture, chambre nationale de la batellerie artisanale), sur les modalités d’accompagnement de la réforme et sur le redéploiement d’agents affectés initialement aux CFE, est à conduire durant la période précédant l’entrée en vigueur des dispositions proposées, pour permettre en particulier une adaptation optimale au renforcement des missions d’assistance et d’accompagnement des entreprises qui continueront à être assurées et qui présentent une réelle valeur ajoutée pour les entreprises, outre un redéploiement des personnels vers les cœurs de métiers des différents organismes.

Un impact positif est attendu de la réforme auprès des organismes destinataires des formalités dès lors que la dématérialisation intégrale des formalités aura pour effet d’améliorer la qualité des dossiers reçus et d’en faciliter le traitement par les institutions qui ont à en connaître. En particulier, la dématérialisation des procédures autorise des contrôles d’une nature différente de celle des vérifications qui étaient effectuées jusqu’à présent par des opérateurs humains. Elle permettra notamment d’améliorer le remplissage des rubriques (champs obligatoires), d’automatiser les vérifications (vérification de la cohérence d’un numéro de sécurité sociale ou d’une adresse par exemple), de normaliser les réponses attendues, d’opérer des contrôles de cohérence interne des informations portées dans les formulaires et de guider le déclarant sur la manière de remplir ces formulaires (infobulles, fenêtres d’aide contextuelle, tutoriels, agents conversationnels, etc.). Les tests menés pendant les travaux préparatoires à l’entrée en vigueur de la réforme permettront par ailleurs de préciser les modalités d’une éventuelle intervention humaine dans le cadre des contrôles opérés avant la transmission des éléments des dossiers aux organismes destinataires et ce afin d’assurer une qualité optimale des dossiers transmis.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Dans le cadre de la préparation du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, une consultation publique en ligne s’est déroulée du 15 janvier au 5 février 2018 sur 31 propositions. Plus de 1 500 votes et 300 arguments ont été recueillis sur une proposition visant à « rendre 100 % des démarches administratives pour la création accessibles en ligne en 30 minutes, pour un coût limité ». Cette mesure portait plus précisément sur la mise à disposition d’un service en ligne unique, sur la modernisation du dispositif des CFE et sur l’instauration de la gratuité des prestations d’assistance aux formalités ; elle ne mentionnait donc pas la création d’un CFE unique et électronique. 86,8% des participants se sont prononcés en faveur de cette proposition. Plusieurs avantages ont été identifiés par les participants à la consultation publique en ligne, notamment le développement de la dématérialisation des démarches des entreprises qui va dans le sens de la modernisation de l’Etat et la réduction des délais dans la réalisation des formalités de création qui permet à l’entreprise de consacrer davantage de temps à ses affaires.

Les principaux organismes placés à la tête des réseaux de CFE (Assemblée permanente des chambres de métiers de l’artisanat [APCMA], CCI France, Assemblée permanente des chambres d’agriculture [APCA], Agence centrale des organismes de sécurité sociale [Acoss] et Conseil national des greffes des tribunaux de commerce [CNGTC]) ont été consultés dans le cadre de la préparation de la mesure. CCI France et le CNGTC n’ont pas formulé d’objection majeure à la mesure, exprimant la volonté d’encourager toute initiative visant à simplifier les démarches des entreprises. L’APCMA a quant à elle proposé une mesure alternative de renforcement des CFE de son réseau. Le conseil d’administration de l’Acoss a pour sa part émis un vote  défavorable sur ce dispositif. Certains organismes consultés ont souligné la nécessité du maintien d’un point d’accueil physique des déclarants. CCI France a demandé en particulier que, pour le bon accomplissement de ses missions, le réseau des CCI continue à être destinataire des informations collectées à l’occasion des formalités accomplies auprès du service Guichet Entreprises, ce qui s’est traduit par une modification des dispositions de l’article L. 711-3 du code de commerce relatives aux missions de ce réseau.

Dans la mesure où la réforme n’engendrera pas de nouvelle charge pour les collectivités territoriales, la consultation du Conseil national d’évaluation des normes n’a pas été requise.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Pour faciliter l’adaptation des différents organismes gestionnaires de CFE à ce nouveau dispositif et le déploiement du téléservice unique, il est prévu une entrée en vigueur au 1er janvier 2021.

5.2.2        Application dans l’espace

Conditions d’application outre-mer

Le dispositif législatif propre aux centres de formalités des entreprises et au guichet unique électronique de la création d’entreprise est actuellement applicable, d’une part, dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) et, d’autre part, dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et par le principe d’identité législative (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon). En revanche, l’application de ce dispositif n’a jamais été étendue à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna ni à la Nouvelle-Calédonie.

L’objectif poursuivi en matière d’application de la réforme dans les collectivités ultra-marines est de s’assurer que celle-ci est applicable dans les mêmes collectivités que celles dans lesquelles le dispositif actuel est en vigueur.

Le régime législatif et réglementaire caractérisant les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution étant celui de « l'identité législative », les lois et règlements y sont applicables de plein droit et il en est ainsi des dispositions proposées. Une adaptation des dispositions figurant au sein de la section créée dans le code de commerce est prévue en ce qui concerne Mayotte afin de tenir compte de l’organisation particulière de la protection sociale dans cette collectivité. S’agissant de la codification d’une pure mesure de coordination, la consultation de la collectivité n’est pas requise.

Les dispositions sont également applicables aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et par le principe d’identité législative (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon). En revanche, le dispositif créé n’est pas étendu aux collectivités régies par le principe de spécialité législative (Wallis-et-Futuna, Polynésie Française, Nouvelle-Calédonie).

5.2.3        Textes d’application

La mise en œuvre des dispositions législatives relatives au guichet unique électronique nécessitera des mesures réglementaires d’application (édiction d’un décret en Conseil d’Etat), qui permettront en particulier de préciser les missions du guichet et la procédure de traitement et de contrôle des déclarations reçues.

Un comité de pilotage interministériel et un directeur de projet seront mis en place pour préciser les modalités d’application de cette réforme (calendrier, budget, ressources humaines, textes juridiques…) et assurer le suivi de sa mise en œuvre (déploiement des systèmes d’information, accompagnement des structures concernées…).

1

 


Article 2 relatif à la création d’un registre des entreprises

1.         État des lieux

Les registres et répertoires relatifs aux entreprises sont principalement destinés à identifier les personnes physiques ou morales qui exercent une activité économique et à diffuser les informations recensées. Il existe de multiples registres et répertoires destinés à recueillir et diffuser des informations relatives aux entreprises (comme le montre le schéma ci-dessous). Selon les cas, les entreprises sont tenues de s’immatriculer ou de s’inscrire auprès d’un ou plusieurs d’entre eux.

1.1.           Le répertoire national d'identification des entreprises et des établissements (SIRENE)

Le répertoire national d’identification des entreprises et de leurs établissements est mis en œuvre au moyen du SIRENE (système informatique pour le répertoire des entreprises et des établissements) qui enregistre l'état civil de toutes les entreprises et leurs établissements, quels que soient leur forme juridique et leur secteur d'activité. Il a été instauré par le décret n° 73-314 du 14 mars 1973 portant création d'un système national d'identification et d'un répertoire des entreprises et de leurs établissements. Il est notamment chargé d’attribuer à chaque entreprise le numéro unique d’identification prévu par la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, qui est le seul à pouvoir être exigé d’une entreprise dans ses relations avec l’administration, les organismes de sécurité sociale ou encore les organismes chargés de la tenue d’un registre de publicité légale. Les dispositions relatives à ce répertoire sont aujourd’hui codifiées aux articles R. 123-220 à R. 123-234 et D. 123-235 à D. 123-236 du code de commerce.

 

Avec 10 millions d’entreprises actives et 12 millions d’établissements actifs[27], ce répertoire recouvre le champ le plus important. Il est ainsi le seul à répertorier les personnes physiques exerçant une activité libérale non réglementée.

Répartition des entreprises actives selon leur catégorie juridique au 31 janvier 2018

1- Entrepreneurs individuels

 4 319 635

2- Groupements de droit privé non dotés de la personnalité morale

    113 973

3- Personnes morales de droit étranger

     81 344

4- Personnes morales de droit public soumises au droit commercial

       1 496

5- Sociétés commerciales

2 421 217

6- Autres personnes morales immatriculées au RCS

2 061 964

7- Personnes morales et organismes soumis au droit administratif

  107 479

8- Organismes privés spécialisés

     20 640

9- Groupements de droit privé

1 096 100

TOTAL

10 223 848

1.1.1         Tenue du répertoire SIRENE

La gestion du SIRENE est assurée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Le SIRENE est un répertoire national qui regroupe l’ensemble des entreprises et des établissements, situés en métropole, dans les départements d’outre-mer et dans certaines collectivités d’outre-mer.

Parmi les informations figurant au répertoire SIRENE listées aux articles R. 123-222 et R. 123-223 du code de commerce, figurent notamment :

-          les éléments identifiant la personne inscrite (noms, prénoms, dates, lieux de naissance et éventuelle cessation d’activité pour les personnes physiques ; raison ou dénomination sociale, sigle le cas échéant, forme juridique, qualité d'entreprise de l'économie sociale et solidaire, et siège social pour les personnes morales de droit privé) et le numéro SIREN;

-          les données relatives à chaque établissement : dénomination usuelle, adresse, si nécessaire date et origine de sa création, et numéro SIRET;

-          les caractéristiques des activités exercées : numéros de la nomenclature d'activités française en vigueur et, le cas échéant, code complémentaire de la nomenclature française du secteur des métiers et de l'artisanat attribués par les chambres de métiers et de l’artisanat ;

-          les catégories correspondant à l'importance de l'effectif salarié civil total et par établissement.

1.1.2         Modalités d’inscription et coûts associés

L’inscription au répertoire SIRENE est réalisée gratuitement et sans formalité complémentaire dans le cadre du circuit des centres de formalités des entreprises (CFE) . Les centres de formalités des entreprises (CFE) sont des guichets uniques auprès desquels les entreprises peuvent effectuer l’ensemble des formalités relatives à la création, l’exercice, les modifications de situation et la cessation de leur activité. Cette inscription donne lieu à l’attribution d’un identifiant unique, le numéro SIREN (identifiant de 9 chiffres), aux personnes morales et physiques ainsi qu’un numéro SIRET (identifiant de 14 chiffres)  à chacun de leurs établissements.

1.1.3         Fonctions du répertoire

Le répertoire SIRENE a pour fonctions :

-         l’identification des entreprises : la délivrance d’un numéro unique d’identification est indispensable à toute entreprise débutant une activité. Une entreprise ne peut en effet être tenue d'indiquer dans ses relations avec l’administration un numéro d'identification autre que le numéro unique d’identification délivré par l’INSEE lors de son inscription au SIRENE ;

-         la réalisation de statistiques : ce fichier constitue une référence servant de base pour toutes les investigations statistiques sur les entreprises, enquêtes ou exploitations de sources administratives. Il est utilisé notamment pour tirer les échantillons des enquêtes annuelles d'entreprises dans l'industrie, la construction, le commerce et les services ;

-         le suivi de la démographie des entreprises. Les mises à jour enregistrées dans le répertoire permettent notamment d'élaborer les statistiques mensuelles de création d'entreprises publiées par l'INSEE ;

-         la coordination des systèmes d'information des administrations et des organismes (liés au circuit des CFE ou non : teneurs de registres, services des impôts, URSSAF, Direction interministérielle de la transformation publique, l'Agence pour l'informatique financière de l'État, etc.) ; en particulier, le répertoire SIRENE est le référentiel des données d'identité des entreprises pour le système d'information de l'Etat ;

-         la diffusion gratuite des informations contenues au sein du répertoire SIRENE (en open data via data.gouv.fr, par des services web via API Entreprise et sur le site sirene.fr) ;

-         la gestion du droit d’accès à l’information via le site Avis de situation.

Aucun effet juridique ne s'attache à l'identification d'une personne inscrite au répertoire des entreprises et la conformité aux dispositions législatives et règlementaires des informations figurant au répertoire n’est pas contrôlée par l’INSEE. Ce contrôle de conformité est fait par les teneurs de registres ou répertoires légaux ou les autorités compétentes. Le répertoire Sirene se doit d’être en cohérence avec le contenu des registres et répertoires légaux. Par ailleurs l’information contenue au répertoire Sirene, issue du seul contenu des formalités, ne porte que sur les données d’identification (hors celles des dirigeants des personnes morales). Aucune pièce n’est en effet transmise ni annexée au répertoire Sirene.

1.1.4         Accessibilité des informations et coûts associés

L’immatriculation est gratuite depuis la création du répertoire (1973).

Les données du répertoire sont accessibles gratuitement au public depuis le 1er janvier 2017.

1.2.           Les registres du commerce et des sociétés

Les registres du commerce et des sociétés (RCS) regroupent principalement les personnes physiques ayant la qualité de commerçant et les sociétés. Ils ont été institués par une loi du 18 mars 1919 portant création du registre du commerce dont la finalité était de créer une base centralisant toutes les informations utiles sur la situation juridique des commerçants. Initialement, les informations contenues dans ces registres étaient sans valeur juridique réelle puisque l’exactitude des mentions portées sur déclaration ne faisait pas l’objet d’une vérification par les greffiers des tribunaux de commerce. Le décret n° 53-705 du 9 août 1953 portant réforme du registre du commerce[28] renforce les contrôles et les effets juridiques liés à l’immatriculation à un RCS en posant notamment le principe de l’inopposabilité aux tiers des mentions non inscrites au registre. La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales a posé le principe que l'immatriculation devient la condition de la jouissance par la société de la personnalité morale.

Les dispositions relatives aux RCS figurent dans le chapitre III du titre II du livre Ier du code de commerce (articles L. 123-1 et suivants, R. 123-31 et suivants et A. 123-1 et suivants du code précité).

Nombre de personnes immatriculées à un RCS au 31/12/2015

 (en millions - source DGE, SDP3E)

Commerçants

1,6

Sociétés

2,0

Autres (GIE, associations…)

0,1

Total

3,7

1.2.1         Tenue des registres du commerce et des sociétés

Les RCS sont tenus par les services du greffe des juridictions commerciales du premier degré. Il existe un registre par greffe de tribunal de commerce tenu, dans la plupart des départements métropolitains, par un greffier de tribunal de commerce, officier public et ministériel. Dans les départements et régions d’outre-mer, cette mission relève d’un greffier fonctionnaire d’un tribunal mixte de commerce, et dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, d’un greffier fonctionnaire du tribunal d’instance.

Il existe 152 registres du commerce et des sociétés au total, répartis comme suit :

Nombre de RCS selon le type de tribunal

(source : annuaire du Ministère de la justice)

Tribunal de commerce

134

Tribunal d’instance (Alsace-Moselle)

7

Tribunal mixte de commerce ou tribunal de première instance à compétence commerciale (outre-mer)

11

Total

152

Les entreprises doivent être immatriculées au RCS tenu par le greffe du tribunal dans le ressort duquel est situé son principal établissement ou son siège social. En cas d’ouverture d’un établissement secondaire dans le ressort d’un autre tribunal, l’entreprise doit demander une immatriculation secondaire auprès du RCS tenu par le greffe de ce tribunal.

En outre, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) est chargé de tenir un registre national du commerce et des sociétés (RNCS). Ce registre est constitué à partir des données d’entreprises collectées lors des inscriptions, modifications et radiations faites dans les RCS locaux auxquelles sont joints les actes et pièces déposés en annexe du RCS. Ce sont les greffiers chargés de la tenue des RCS qui transmettent les données à l’INPI afin d’alimenter le RNCS.

1.2.2         Modalités d’immatriculation et coûts associés

L’immatriculation au RCS s’effectue en principe dans le cadre du circuit des CFE. Toutefois, le code de commerce permet aux entreprises de demander directement leur immatriculation auprès du greffier du tribunal de commerce.

 

Les greffiers contrôlent les mentions qui figurent au registre et les actes déposés en annexe, y compris la déclaration relative au bénéficiaire effectif. Ils vérifient que la personne remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité et qu’elle n’est pas soumise à une interdiction de gérer.

L’immatriculation, les inscriptions modificatives et les radiations donnent lieu au versement d’émoluments aux greffiers et de redevances à l’INPI. Ces formalités font l’objet d’une tarification réglementée par le titre IV bis du livre IV du code de commerce relatif à certains tarifs réglementés (cf. plus spécifiquement pour les greffiers des tribunaux de commerce les articles A. 743-10 et suivants du code de commerce modifiés par l’arrêté du 27 février 2018 fixant les tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce). Aucun émolument n’est dû pour les formalités d’immatriculation, d’inscription modificative ou de radiation par les micro-entrepreneurs.

 

Tarifs des principales prestations liées au RCS au 1er mars 2018

Greffiers de tribunaux de commerce

(source : article A. 743-10 du code de commerce)

Immatriculation principale, immatriculation secondaire, inscription complémentaire, et radiation d'une personne physique / morale

42,24€ /51, 62 €

Immatriculation principale par création d'une entreprise, personne physique / de sociétés commerciales

21,12 €/25,81 €

Inscription modificative pour les personnes physiques / morales

37,54 €/49,28 €

Mise à jour des renseignements figurant dans les immatriculations principales aux immatriculations secondaires et dans les immatriculations secondaires aux immatriculations principales des personnes physiques / morales

21,12 €/ 29,34 €

Notification des mises à jour des immatriculations principales et secondaires des physiques / morales

7,04 €/ 9,39 €

Dépôt des comptes annuels

5,87 €

Dépôt d'actes ou de pièces pour la publicité des sociétés, y compris le certificat de dépôt

7,04 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tarifs des principales prestations liées au RNCS (INPI)

(Source : arrêté du 24 avril 2008 relatif aux redevances de procédures perçues par l'Institut national de la propriété industrielle)

Immatriculation principale d'une personne physique requise pour cause de création d'établissement.

Gratuit

Immatriculation d'une personne morale (constitution sans activité ou avec création d'établissement)

Gratuit

Immatriculation principale requise suite à la prise d'un fonds en location gérance personne physique / morale

5,90 € / 11,60 €

Immatriculation principale requise suite à achat ou apport d'un fonds de commerce (mutation à titre onéreux) et pour toute autre cause (donation, transmission de patrimoine, héritage, transfert hors ressort), ou faisant suite à la caducité d'une inscription précédente, personne physique / morale

5,90 € / 11,60 €

Immatriculation secondaire requise suite à création (personne physique ou morale)

Gratuit

Immatriculation secondaire requise suite à achat ou apport d'un fonds de commerce (mutation à titre onéreux), personne physique / morale

5,90 € / 11,60 €

Toute inscription complémentaire, personne physique / morale

5,90 € / 5,90 €

Toute inscription modificative y compris transfert autre que transfert hors ressort et prise d'activité d'une personne morale, personne physique / morale

5,90 € / 5,90 €

Radiation au registre du commerce et des sociétés (personne physique ou morale)

Gratuit

Dépôts des comptes annuels pour les sociétés

5,45 €

Dépôt d'actes pour les personnes morales, acte constitutif / acte modificatif

Gratuit / 5,90 €

1.2.3         Fonctions des registres

Le RCS est un registre de publicité légale qui délivre au public une information prescrite par les lois et règlements, emportant des conséquences juridiques, notamment :

-          présomption de la qualité de commerçant pour les personnes physiques ;

-          attribution de la personnalité morale aux sociétés ;

-          opposabilité des informations qu’il contient.

1.2.4         Accessibilité des informations et coûts associés

Les greffiers délivrent aux personnes qui en font la demande des certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au registre et des actes déposés en annexe. Ces prestations font l’objet d’une tarification réglementée actualisée en dernier lieu par arrêté du 27 février 2018 fixant les tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce (cf. supra). Les extraits (K et K bis) sont des actes authentifiés par le greffier qui font foi jusqu’à inscription de faux. Ils permettent aux professionnels de justifier de leur immatriculation au RCS.

Principaux tarifs HT de délivrance des actes enregistrés au RCS au 1er mars 2018

(Source : articles A. 743-10 et A. 743-17 du code de commerce*)

EXTRAIT DU REGISTRE DU COMMERCE ET DES SOCIETES (KBIS)

Extrait Kbis* (sur place, au greffe, hors frais d’envoi postal)

2,35 € HT

Extrait Kbis (transmission par voie électronique ; dont diligences de transmission : 0,59 € HT)

2,94 € HT

 COPIE D'ACTES, DE STATUTS OU DE COMPTES ANNUELS

Copie de statuts ou d'acte de société* (hors frais d’envoi postal)

7,04 € HT

Copie de statuts ou d'acte de société (transmission par voie électronique ; dont diligences de transmission : 1,76 € HT)

8,8 € HT

Copie intégrale des comptes annuels* (hors frais d’envoi postal)

7,04 € HT

Copie intégrale des comptes annuels (transmission par voie électronique ; dont diligences de transmission : 1,76 € HT )

8,8 € HT

L’INPI est par ailleurs habilité à délivrer des certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au RNCS et actes déposés en annexe.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit la mise à disposition gratuite du public des informations du RNCS, à des fins de réutilisation (open data). L’ouverture de ces données s’inscrit dans le cadre d’une politique gouvernementale volontariste, dont l’objectif est de favoriser l’émergence de services innovants à valeur ajoutée pour l’économie. A ce jour, l’application de ces dispositions n’est que partielle[29] en raison des difficultés rencontrées dans la transmission des données par les greffes des tribunaux de commerce. Depuis l’ouverture des nouveaux services proposés par l’INPI, plus de 600 réutilisateurs (services publics, grandes entreprises, PME, start-ups ou particuliers) ont sollicité et reçu une licence d’exploitation gratuite des données partagées, soit une multiplication par 50 du nombre de réutilisateurs par rapport au régime des licences payantes antérieurement en vigueur[30].

1.3.           Les répertoires des métiers

L’existence de ces répertoires remonte à la loi du 27 mars 1934 instituant un registre spécial pour l’inscription des artisans, tenus de s’immatriculer au registre des métiers. Le décret n° 62-234 du 1er mars 1962 relatif au répertoire des métiers et aux titres d’artisan et de maître artisan a par la suite remplacé ce registre par les répertoires des métiers tenus par les chambres de métiers et auxquels toute entreprise artisanale n’employant pas plus de cinq salariés devait s’immatriculer.

Les actuels répertoires des métiers (RM) sont régis par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat (article 19) et par le décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers. Les entreprises relevant du secteur de l’artisanat, c’est-à-dire les personnes physiques et morales qui n’ont pas plus de dix salariés et qui exercent à titre principal ou secondaire une activité indépendante de caractère artisanal, doivent obligatoirement être immatriculées au répertoire des métiers tenu par les chambres de métiers et de l’artisanat.

En tout état de cause, l’immatriculation au RM ne dispense pas, le cas échéant, de l’obligation de s’immatriculer au RCS. Les sociétés exerçant une activité artisanale et entreprises individuelles exerçant une activité commerciale et artisanale sont ainsi tenues de s’immatriculer aux deux registres. On estime à environ 800 000 le nombre d’entités double immatriculées au RCS et au RM, dont 164 000 entreprises individuelles [31].

Au 1er janvier 2015, plus de 1,3 million d’entreprises étaient immatriculées au RM, dont 0,7 million d’entreprises individuelles et 0,6 million de sociétés.

Nombre de personnes immatriculées à un RM au 1/01/2015
(en millions, source : DGE, chiffres clés de l’artisanat 2017)

Entrepreneurs individuels (du secteur de l’artisanat)

0,7

Sociétés (du secteur de l’artisanat)

0,6

Total

1,3

1.3.1         Tenue des répertoires des métiers

Un répertoire des métiers est tenu par chaque chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) pour les personnes exerçant dans son ressort territorial, soit 82 répertoires répartis comme suit :

Nombre de répertoires des métiers

(source : DGE, 2018)

Chambres de métiers et de l’artisanat de région

7

Chambres de métiers et de l’artisanat départementales

67

Chambres de métiers et de l’artisanat interdépartementales

5

Chambres de métiers d’Alsace-Moselle

3

Total

82

Les entreprises doivent être immatriculées auprès du RM tenu par la CMA dans le ressort de laquelle est situé leur principal établissement ou leur siège social. L’ouverture d’un établissement secondaire est mentionnée sur ce même répertoire, quelle que soit sa localisation.

L’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) est en outre chargée de tenir un répertoire national des métiers (RNM) centralisant les données informatiques des répertoires des métiers locaux, l'image numérisée des déclarations, qui vaut double original de celles-ci et la copie intégrale des actes et documents comptables déposés par les personnes immatriculées. Son coût de fonctionnement est assuré par un droit fixe d’un euro dû pour chaque déclaration envoyée par les CMA (art. 2 de l’arrêté du 31 décembre 2010 relatif au répertoire des métiers).

1.3.2         Modalités d’immatriculation et coûts associés

L’immatriculation au RM s’effectue dans le cadre du circuit des CFE.

Les personnes physiques et morales acquittent, au moment de l’immatriculation, une taxe égale au montant du droit fixe visé à la première phrase du a) de l’article 1601 du code général des impôts, soit 130 €, et une taxe égale à la moitié de ce montant, soit 65 €, en cas de création d’établissement (article 89 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998). Les micro-entrepreneurs sont dispensés du paiement de cette taxe.

1.3.3         Fonctions des répertoires

Le RM est un registre public qui permet la diffusion d’informations relatives aux entrepreneurs immatriculés. Si les CMA contrôlent les mentions qui y figurent ainsi que le respect de certaines conditions d’exercice (interdiction de gérer et qualification professionnelle), l’immatriculation au RM ne produit toutefois pas les mêmes conséquences que l’immatriculation au RCS, puisqu’elle n’a valeur que de simple renseignement pour les tiers. Elle ne permet pas de présumer la qualité d’artisan et elle n’interdit pas aux personnes assujetties à l'immatriculation au RM d’opposer aux tiers les faits et les actes qui devraient être mentionnés au RM et qui ne l'ont pas été.

Seul le dépôt au RM de la déclaration d’affectation de patrimoine des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) rend cette dernière opposable aux tiers dans les conditions prévues à l’article L. 526-12 du code de commerce.

1.3.4         Accessibilité des informations et coûts associés

Les renseignements concernant les entreprises immatriculées au RM sont en principe accessibles moyennant rémunération aux tiers, qui peuvent obtenir, sur support papier ou par voie électronique, un extrait du RM pour connaître la situation d’une entreprise artisanale. Dans certaines CMA, il n’est toutefois pas possible de commander en ligne ces extraits ou de les recevoir par voie électronique.

Délivrance d’extraits d’immatriculation et de certificats (de radiation ou de non immatriculation)

Coût moyen[32]

A la personne immatriculée

3 €

A un tiers

7 €

Par ailleurs, l’APCMA peut en principe délivrer des extraits d’immatriculation au RNM. Toutefois, ces extraits ne sont pas disponibles, seules pouvant être consultées gratuitement certaines informations de portée limitée[33].

1.4.           Les registres agricoles : registres de l’agriculture et registre des actifs agricoles

1.4.1         Les registres de l’agriculture (RA)

La loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social a posé le principe d'une immatriculation à un registre d’agriculture de toute personne physique et morale exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles, mais aucune mise en œuvre concrète de ce texte n'a été réalisée, faute de décret d'application. Ce n’est qu’avec le décret n° 2011-327 du 24 mars 2011 relatif au registre de l'agriculture et fixant le tarif des chambres d'agriculture pour les actes et formalités effectués au registre de l'agriculture que ces registres deviennent opérationnels. Ils ont à ce jour vocation à recenser les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) agricoles (articles L. 526-7 du code de commerce et D. 311-8 et suivants du code rural et de la pêche maritime). On comptabilise 228 EIRL agricoles.

a)      Tenue des registres de l’agriculture

Les registres de l’agriculture sont tenus par les chambres d’agriculture qui sont au nombre de 89 au niveau départemental et interdépartemental.

b)     Modalités d’immatriculation et coûts associés

L’immatriculation à un registre de l’agriculture s’effectue dans le cadre du circuit des centres de formalités des entreprises (CFE).

Tarifs des formalités à un registre de l’agriculture
(Art. D. 311-17 du code rural et de la pêche maritime)

Dépôt de la déclaration d'affectation, de renonciation ou de reprise et de cession prévu aux articles L. 526-7, L. 526-15, L. 526-16 et L. 526-17-II du code de commerce, comprenant l'immatriculation et, le cas échéant, la radiation et délivrance des récépissés

42 €

Dépôt des déclarations complémentaires prévues aux articles L. 526-9, L. 526-10 et L. 526-11 du code de commerce et délivrance des récépissés

36 €

Dépôt du bilan annuel ou du document comptable simplifié et délivrance du récépissé

6,50 €

Avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) relatif à la cession prévue à l'article L. 526-17-II du code de commerce et délivrance du certificat

9 €

c)      Fonctions des registres

La déclaration d’affectation de patrimoine déposée en application de l’article L. 526-7 du code de commerce devient opposable de plein droit aux créanciers de l’EIRL dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt, conformément à l’article L. 526-12 du même code.

d)     Accessibilité des informations et coûts associés

Toute personne peut obtenir les documents suivants :

Tarifs de délivrance – registres de l’agriculture
(Art. D. 311-17 du code rural et de la pêche maritime)

Copie intégrale des inscriptions

6 €

Extrait d'immatriculation

3 €

Certificat de non-immatriculation

3 €

Ces informations ne sont pas disponibles sous la forme électronique.

1.4.2         Le registre des actifs agricoles (RAA)

Le registre des actifs agricoles a été institué par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime) et par le décret n° 2017-916 du 9 mai 2017 (articles D. 311-23 et suivants du même code), dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er juillet 2018. Ce registre recense par ordre alphabétique tous les chefs d’exploitation agricole. Il se surajoute aux registres de l’agriculture, dont l’extinction n’a pas été programmée. L’immatriculation à ce registre s’effectue sans préjudice des autres obligations d’inscription à un registre (RCS ou RM, par exemple).

e)      Tenue du registre des actifs agricoles

Ce registre est tenu par l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) à partir des données collectées auprès des CFE et des caisses de mutualité sociale agricole. Il est mis à jour au moins une fois par mois.

f)       Modalités d’immatriculation et coûts associés

L’inscription au registre des personnes concernées est réalisée à partir des formalités enregistrées par les CFE. L’immatriculation, les modifications et la radiation sont gratuites.

g)     Fonctions du registre

La loi n’accorde aucun effet particulier aux informations contenues dans le registre des actifs agricoles. Il est toutefois prévu qu’un décret en Conseil d'Etat peut limiter le bénéfice de certaines aides publiques aux personnes physiques inscrites au registre des actifs agricoles ou aux personnes morales au sein desquelles de telles personnes exercent leur activité.

h)     Accessibilité des informations et coûts associés

Toute personne peut obtenir les documents suivants auprès de l’APCA ou du CFE compétent :

Tarifs de délivrance – registres des actifs agricoles
(Art. D. 311-35 du code rural et de la pêche maritime)

Copie intégrale des inscriptions

6 €

Extrait d'immatriculation

3 €

Certificat de non-immatriculation

3 €

Certificat de radiation

6 €

 

 

 

 

 

 

1.5.           Autres registres

D’autres registres dont la finalité est plus spécifique existent. Parmi ceux-ci, on peut notamment citer :

-          les registres spéciaux des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (RSEIRL) : ils recensent tous les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) qui ne sont pas tenus de s’immatriculer à un registre de publicité légale. Ces EIRL doivent déposer leur déclaration d’affectation du patrimoine au RSEIRL pour leur conférer une valeur juridique en les rendant opposables. Chaque greffe de tribunal de commerce est chargé de tenir un RSEIRL (soit 152 registres au total) ;

 

-          les registres spéciaux des agents commerciaux (RSAC), qui regroupent les personnes physiques exerçant sous le statut d’agent commercial prévu par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce. Chaque greffe de tribunal de commerce est chargé de tenir un RSAC (soit 152 registres au total) ;

 

-          le registre de la batellerie artisanale, qui recense les entreprises de la batellerie artisanale et les sociétés coopératives artisanales. Ce registre est tenu par la Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA). En 2016, il recense 641 personnes inscrites : 353 entreprises individuelles (y compris EIRL) et 288 sociétés[34]. Ce registre devrait être supprimé consécutivement à la dissolution de la CNBA actuellement à l’étude ;

 

-          le répertoire national des associations (RNA) où doivent s’immatriculer les associations déclarées en application de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Les associations doivent par ailleurs s’immatriculer au répertoire SIRENE lorsqu’elles emploient au moins un salarié, sont redevables de taxes ou demandent une subvention publique (environ 900 000 associations sont ainsi inscrites au répertoire SIRENE). L’immatriculation au RNA est gratuite et est effectuée hors du circuit des CFE. Les données sont pour partie accessibles publiquement et gratuitement, notamment par les sites data.gouv et http://www.dataasso.fr/.

 

 

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

Les registres d’entreprises sont nombreux et souvent redondants, les informations relatives à une entreprise pouvant, selon son activité et sa forme juridique, figurer dans plusieurs registres. A titre d’exemple, une société artisanale comportant des établissements situés dans le ressort de plusieurs tribunaux de commerce sera enregistrée dans le répertoire SIRENE, au sein de plusieurs RCS locaux, au RNCS, au RM du siège de la société et au RNM.

Cette multiplicité des registres et répertoires soulève plusieurs difficultés :

-          elle impose des démarches et des complexités inutiles que le dispositif des CFE n’est pas parvenu à endiguer en pratique. Par exemple, les entrepreneurs doivent, en cas de double immatriculation au RCS et au RM, déposer deux dossiers. Par ailleurs, la transmission d’informations entre registres n’est pas toujours prévue, ce qui oblige le déclarant à communiquer lui-même ces informations[35] ;

-          elle génère des coûts inutiles pour les entreprises. L’immatriculation à plusieurs registres peut conduire à des paiements multiples. Plus généralement, la multiplicité des registres génère des coûts inutiles financés par le contribuable ou répercutés sur les tarifs acquittés lors de la création, des changements de situation et de la radiation ainsi qu’à l’occasion de la délivrance d’actes et d’extraits ;

-          elle n’est pas efficace au regard de son objectif d’information des tiers. L’information figurant sur ces registres est difficilement accessible en raison de son éparpillement entre les différents registres. L’information n’est pas accessible en totalité et n’est pas mise entièrement à disposition gratuite du public à des fins de réutilisation (open data). Les informations peuvent par ailleurs être discordantes entre les registres, ce qui est source de confusion pour les tiers.

2.2.           Objectifs poursuivis

La disposition proposée vise à mettre en œuvre un ensemble de mesures visant à simplifier les démarches des entreprises liées à l’inscription aux différents registres, à réduire les coûts et à renforcer la transparence de la vie des affaires grâce à une accessibilité des contenus renforcée.

La consultation publique opérée en février 2018 a établi clairement l’opportunité d’une telle mesure au regard du soutien apporté par les internautes ayant déposé une contribution ou un avis (plus de 90 % de votes favorables).

2.2.1         Assurer une plus grande transparence de la vie des affaires

La réforme devrait permettre une meilleure transparence de la vie des affaires grâce à une meilleure accessibilité de l’information.

2.2.2         Réduire la complexité pour les entreprises immatriculées

La rationalisation des modalités de contrôle des informations déclarées pourrait permettre de simplifier les formalités des entreprises.

Il conviendrait également d’examiner l’opportunité de supprimer ou de réduire les obligations déclaratives, dans une optique d’allègement des démarches des entreprises.

2.2.3         Diminuer les coûts

Les mesures envisagées devraient permettre une baisse des coûts liés à l’immatriculation, aux changements de situation et à la cessation d’activité ainsi qu’à la consultation des informations figurant dans les registres.

3.         Options possibles et dispositif retenu

La complexité de l’organisation actuelle et l’importance des enjeux qui s’attachent aux registres d’entreprises impliquent de réaliser un diagnostic approfondi. Le Gouvernement a par conséquent mandaté une mission interministérielle d’inspection pour établir un état des lieux complet des registres d’entreprises, évaluer la pertinence de l’organisation actuelle et proposer des pistes d’évolution.

Le dispositif envisagé s’inspire des conclusions intermédiaires de la mission, en proposant de créer un registre général dématérialisé des entreprises ayant pour objet la centralisation et la diffusion des informations les concernant. Ce registre se substituera à tout ou partie des répertoires et registres nationaux d'entreprises existants (registre national du commerce et des sociétés, répertoire national des métiers,registre des actifs agricoles, etc.),sans remettre en cause les attributions des officiers publics et ministériels teneurs de registres.

Cette mesure sera accompagnée de dispositions de simplification des obligations déclaratives et des contrôles des informations déclarées par les personnes immatriculées dans les registres et répertoires locaux maintenus. Notamment, les personnes doublement immatriculées au RCS et au RM (sociétés et commerçants exerçant une activité artisanale) pourront bénéficier de formalités simplifiées et de coûts allégés lors de leur immatriculation au RM et de leurs changements de situation du fait de la suppression des doublons entre ces registres. De surcroît, les cas de double immatriculation seront limités au plus strict nécessaire.

Le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance s’avère nécessaire compte tenu du niveau législatif de certaines dispositions relatives aux registres et répertoires actuels et des délais nécessaires pour mettre au point la réforme envisagée sur le plan juridique et opérationnel au vu des conclusions définitives de la mission interministérielle d’inspection.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse précise des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises sur le fondement du projet de loi d’habilitation.

4.1.           Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

La mesure impliquera de modifier les dispositions relatives aux différents registres d’entreprises, notamment celles figurant dans le code de commerce, le code de la propriété intellectuelle et la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative à la promotion du commerce et de l'artisanat. Elle impliquera également un travail de mise en cohérence et d’adaptation des législations faisant référence à ces règles.

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

L’ordonnance prendra en compte la directive 2017/1132/UE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.

4.2.           Impacts économiques et financiers

4.2.1         Impacts sur les entreprises et la vie des affaires

Les mesures concerneraient potentiellement :

-          un flux annuel de 900 000 entreprises[36] ;

-          un stock de plus de10, 2 millions d’entreprises[37].

Elles permettraient :

-          de rendre plus lisibles et d’alléger les démarches administratives des entreprises ;

-          de réduire les coûts pesant sur les entreprises ;

-          d’améliorer la diffusion de l’information relative aux entrepreneurs en garantissant la transparence des informations et la préservation de la sécurité de la vie des affaires, dans un contexte de développement du numérique et d’open data.

4.2.2         Impacts organisationnels

La réforme pourrait avoir des impacts organisationnels, techniques, financiers et humains pour les teneurs de registres actuels. Il n’est pas possible, à ce stade, de décrire ces impacts. Ces conséquences seront développées dans la fiche d’impact qui accompagnera le projet d’ordonnance. Il convient de préciser que la création d’un registre des entreprises ne pourra pas avoir pour effet de remettre en cause les attributions des greffiers de tribunaux de commerce, officiers publics et ministériels actuellement chargés de la tenue des registres du commerce et des sociétés.

5.         Consultations menées

Cette mesure a été soumise à la consultation du public qui s’est déroulée en février 2018. Elle a bénéficié d’un soutien important de la part des internautes ayant déposé une contribution ou un avis (plus de 90 % de votes favorables).

6.         Justification du délai d’habilitation

Le délai d’habilitation sollicité de vingt-quatre mois doit permettre de préciser les mesures au vu des conclusions de la mission interministérielle d’inspection. Ce délai permettra également d’identifier les dispositions à modifier, y compris au niveau réglementaire pour des raisons de cohérence d’ensemble, puis de déployer sur le plan normatif les mesures retenues.

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Article 3 relatif à la réforme des publications d'annonces légales

1.         État des lieux

Les annonces judiciaires et légales (AJL) répondent à un enjeu d’information et de transparence pour les citoyens sur la vie des entreprises et, plus largement, sur l’activité économique des acteurs territoriaux. Elles représentent également un enjeu financier essentiel pour la presse habilitée à les diffuser :

-         en 2017, 580 publications sont habilitées à publier des AJL ;

-          le marché des AJL est évalué à 240 M€ par an, soit le double du montant des aides directes de l’Etat à la presse, représentant 5 730 emplois, dont 2 490 directs et 3 240 indirects[38] ;

-          près de 1,3 million d’annonces relatives à la vie des entreprises, aux enquêtes publiques et aux avis administratifs divers (hors marchés publics) sont publiées chaque année[39].

La procédure d’inscription des journaux habilités à publier des AJL est fixée par la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 modifiée concernant les annonces judiciaires et légales et ses textes d’application (essentiellement le décret n° 55-1650 du 17 décembre 1955 relatif aux annonces judiciaires et légales et l’arrêté du 21 décembre 2012 relatif au tarif annuel et aux modalités de publication des annonces judiciaires et légales).

Cette loi confie à chaque préfet de département le soin de dresser annuellement la liste des publications habilitées à publier des AJL dans le département ou les arrondissements qui le composent. Sont de droit inscrites sur cette liste les publications imprimées d'information générale, judiciaire ou technique :

-          disposant d'un numéro d’inscription délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP[40]) et paraissant depuis au moins 6 mois ;

-          assurant une publication au moins hebdomadaire ;

-          assurant une édition locale, c’est-à-dire diffusant un volume suffisant d'informations dédiées au département dans lequel l’inscription est sollicitée ;

-          justifiant d'une diffusion atteignant un seuil minimum fixé par décret pour le département ou l’arrondissement dans lequel l’habilitation est sollicitée ; ce critère garantit que la publication assure, par sa diffusion, une publicité suffisante aux AJL (objectif de transparence économique réelle poursuivi par le législateur).

Ce dispositif a été progressivement modernisé au cours des dernières années dans un souci de simplification et d’efficacité.

La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (dite loi « Warsmann ») a :

-          confié aux ministres chargés de la communication et de l’économie le soin de fixer chaque année les tarifs des annonces (ces tarifs étaient auparavant fixés par chaque préfet de département) ; il s’agit de tarifs « à la ligne » auquel il est, sauf cas particulier prévu par la loi[41], interdit de déroger ;

-          engagé un processus d’harmonisation des tarifs d’annonces entre les départements : le premier arrêté de fixation des tarifs par les ministres précités a réduit de 38 à 9 le nombre de tarifs existants (2013) ; en 2017, il ne reste plus que 5 zones tarifaires, les tarifs (par ligne) correspondants étant les suivants : 4,16 €, 4,46 €, 4,73 €, 5,25 € et 5,5 € ;

-          elle a par ailleurs prévu l’insertion obligatoire des annonces relatives aux sociétés et fonds de commerce dans une base de données numérique centrale ; pour ce faire, les éditeurs de journaux d’annonces légales se sont regroupés en association agréée par l’Etat pour exploiter cette base de données intitulée « Actulegales.fr ».

En 2014, un portail de la publicité légale des entreprises a été mis en place par les trois grands supports de publicité légale que sont le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), le registre des greffes des tribunaux de commerce (Infogreffe) et les journaux d’annonces légales (Actulegales.fr). Le Groupement d’Intérêt Public gérant le Portail d’accès à la Publicité légale des Entreprises (GIP PPLE) est ouvert depuis février 2016 et offre une recherche performante permettant d’accéder rapidement aux fiches de plus de 6,5 millions d’établissements français. En 2016, le portail a recensé environ 40 000 visiteurs.

Par ailleurs, la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse (dite loi « Françaix ») a supprimé les commissions consultatives placées auprès du préfet - auparavant compétentes dans chaque département pour préparer la liste des journaux habilités à recevoir des annonces légales - et instauré la compétence unique du préfet pour arrêter cette liste. C’est ainsi plus d’une centaine de commissions administratives qui ont pu être supprimées.

Ce processus de réforme doit cependant se poursuivre, à la fois pour ouvrir le dispositif d’habilitation aux services de presse en ligne et pour engager un processus de simplification et de réduction des coûts au profit des entreprises, notamment en permettant au pouvoir réglementaire de fixer un tarif au forfait pour certaines catégories d’annonces (toutes les annonces faisant, à ce jour, l’objet d’une tarification à la ligne).

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.       Nécessité de légiférer

La modification de la loi du 4 janvier 1955 précitée est nécessaire à la mise en œuvre de la réforme envisagée. Il est en effet nécessaire de modifier ses dispositions relatives, d’une part, aux caractéristiques des publications pouvant être habilitées et, d’autre part, aux modalités de fixation des tarifs de publication par le pouvoir réglementaire.

La procédure d’habilitation des publications à publier des AJL est aujourd’hui réservée à la seule presse imprimée. Or l’évolution des usages en matière d’accès à l’information et la nécessité d’assurer une égalité de traitement entre, d’une part, la presse imprimée et, d’autre part, la presse numérique, justifie que cette dernière ait désormais accès à l’habilitation.

Pourront donc dorénavant prétendre à l’habilitation, sous réserve de satisfaire aux conditions posées par la loi de 1955 révisée, les services de presse en ligne (SPEL), dont la définition est fixée par l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse[42]. Le décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 pris pour application de l'article 1er de la loi du 1er août 1986 précise les conditions à remplir pour être reconnu en tant que SPEL, cette reconnaissance étant assurée par la commission paritaire des publications et agences de presse. En 2017 on comptait 1 003 SPEL, dont 256 SPEL d’information politique et générale et 76 SPEL consacrés pour une large part à l’information politique et générale.

Par ailleurs, afin de simplifier les formalités administratives auxquelles sont exposées les entreprises, notamment au moment de leur création, et de réduire les coûts de publication des AJL, il est envisagé de généraliser, autant que faire se peut, la tarification au forfait des annonces. Or la loi de 1955 (art. 3) dispose que « le prix de la ligne d’annonces » est fixé chaque année par arrêté interministériel. Il convient donc de modifier cette rédaction afin que les ministres chargés de la communication et de l’économie puissent, pour certaines catégories d’annonces, établir une tarification au forfait.

2.2.       Objectifs poursuivis et dispositif retenu

Plusieurs éléments de la procédure actuelle d’habilitation seront conservés. Ainsi en est-il de la compétence des services préfectoraux pour instruire les demandes d’inscription. Tel est encore le cas de certaines caractéristiques requises des publications candidates (qu’elles soient imprimées ou numériques) : titularité d’un numéro CPPAP, périodicité au minimum hebdomadaire, édition d’informations intéressant la localité où l’habilitation est demandée et justification d’une diffusion/fréquentation devant atteindre un seuil minimum fixé par décret pour la localité dans laquelle l’habilitation est demandée.

La réforme envisagée consiste principalement :

-          à ouvrir la procédure d’inscription aux services de presse en ligne, au sens de l’article 1er de la loi de 1986 précitée, et à préciser les conditions d’inscription propres à cette catégorie de publications ;

-          à autoriser le pouvoir réglementaire à fixer, pour certaines catégories d’annonces, un prix au forfait.

Cette réforme poursuit un triple objectif de modernisation (a), de simplification (b) et de réduction des coûts pour les entreprises et les collectivités publiques (c).

a)     La modernisation du dispositif

Deux axes de modernisation seront mis en œuvre : l’ouverture de la procédure d’inscription sur les listes préfectorales aux services de presse en ligne (SPEL) et l’exclusion des titres publiant quasi-exclusivement des AJL.

1. L'ouverture de la procédure d’inscription aux services de presse en ligne (SPEL) au sens de l’article 1er de la loi de 1986 précitée.

L’ouverture du dispositif aux SPEL est une conséquence logique de l’évolution des usages en matière d’information, y compris locale. C’est ainsi qu’un tiers des 148 éditeurs membres du syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) éditent des SPEL d’information locale sur l’ensemble du territoire national, publications qui ont donc vocation à publier des AJL.

Cette ouverture concernerait non seulement les SPEL accessibles par abonnement (dont la diffusion se mesure naturellement, au regard du nombre d’abonnés) mais aussi les SPEL gratuits, dans la mesure où, d’une part, le modèle économique de l’immense majorité des SPEL d’information locaux est construit de la sorte et, d’autre part, il est aujourd’hui possible de mesurer la diffusion réelle d’une publication numérique gratuitement accessible (cette mesure n’étant techniquement pas possible en matière de presse imprimée gratuite, dont on ne peut connaître que le seul tirage, qui ne peut pas être pris en compte pour mesurer la diffusion réelle d’un titre).

2. L'exclusion des publications publiant quasi-exclusivement des annonces judiciaires et légales.

Afin d’éviter le dévoiement de l’esprit des AJL qu’a pu constituer la diffusion de titres majoritairement dédiés à ces annonces, alors que ce dispositif repose sur l’idée que c’est à travers la fréquentation de contenus d’information de qualité au plan local que l’accès à l’information sur la vie économique peut prendre tout son sens, il importe de relever le niveau d’exigence sur la part des contenus qui doit être exigée des titres concernés.

A cette fin, les conditions d’inscription des publications de presse à la CPPAP seront durcies de manière à limiter la surface dévolue aux AJL à 50 % de la surface totale du titre (à ce jour cette proportion peut atteindre les 2/3 de la surface du titre). Deux textes réglementaires, qui ne sont pas à proprement parler des textes d’application de la loi de 1955 précitée, seront modifiés à cette fin (art. D.18 du code des postes et communications électroniques et art. 72 de l’annexe IIII au code général des impôts).

b)     La simplification du dispositif

Deux axes de modernisation seront poursuivis.

1. La suppression des habilitations par arrondissements

Un journal d'annonces légales peut aujourd'hui être autorisé à publier des AJL soit au niveau d'un ou plusieurs départements, soit au niveau d'un ou plusieurs des arrondissements qui composent ces derniers, à condition, à chaque fois, d'atteindre les seuils de diffusion requis par le décret du 17 décembre 1955 précité (seuils départementaux ou, à défaut, seuils par arrondissements).

Les habilitations par arrondissements seront supprimées pour simplifier la procédure d’instruction. A cette fin, il conviendra d’adapter les seuils de diffusion requis par le décret de 1955 précité.

2. La généralisation de la tarification au forfait des AJL

L’objectif est de généraliser, autant que faire se peut, la tarification au forfait pour les annonces relatives à la vie des entreprises, cette mesure participant également à la réduction des coûts pour ces dernières. A ce stade, et sous réserve d’analyses plus approfondies, 6 ensembles d’annonces ont été identifiés comme susceptibles de pouvoir faire l’objet d’une tarification au forfait :

-          les annonces relatives à la création d’entreprises (sociétés commerciales, sociétés civiles etc.) ;

-          les annonces relatives aux modifications diverses (dénomination, siège social etc.) ;

-          les annonces relatives aux ventes et cessions (locations-gérance, fonds de commerce, baux etc.) ;

-          les annonces relatives aux procédures collectives ;

-          les annonces relatives aux cessations d’activité.

Ce processus de forfaitisation pourrait ainsi concerner les annonces pour lesquelles les entreprises exposent jusqu’à 2/3 de leurs dépenses totales en matière d’AJL.

 

c)      La réduction des coûts pour les entreprises et les collectivités publiques

La baisse des coûts de publication des AJL pour les entreprises, en particulier en phase de création, est un des objectifs prioritaires de la réforme[43].

La mise en place d'une tarification différenciée selon le support de diffusion (publications imprimées vs SPEL) ne peut être envisagée : d’abord parce qu’elle serait fatale aux publications imprimées sans leur donner le temps de s’ajuster au nouvel environnement tarifaire, ensuite parce que les SPEL nouvellement habilités devront consentir, à court terme, des dépenses d’investissement significatives.

Par conséquent, nonobstant la conservation de groupes tarifaires par zones pour lesquels le processus de convergence se poursuivra, il est envisagé de maintenir une tarification unique (à la ligne ou au forfait, selon les catégories d’annonces concernées, et ce quel que soit le mode de diffusion de la publication) avec une dégressivité importante sur 5 ans, cette période devant être mise à profit par les éditeurs de publications imprimées pour faire évoluer leur modèle économique afin de faire en sorte que cette diminution tarifaire leur soit soutenable.

Une étude approfondie des coûts de publication des AJL sera prochainement lancée pour objectiver les informations en la matière et déterminer une trajectoire de dégressivité à la fois soutenable et ambitieuse.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.       Impacts juridiques

3.1.1     Impact sur l’ordre juridique interne

Les mesures envisagées conduiront à modifier les articles suivants de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales :

-          article 1er : ouverture aux SPEL de la procédure d’inscription sur les listes préfectorales ;

-          article 2 : caractéristiques spécifiquement requises des SPEL pour leur inscription sur les listes préfectorales ;

-          article 3 : habilitation du pouvoir réglementaire à fixer, pour certaines catégories d’annonces, un tarif au forfait ;

-          article 6 : adaptation des dispositions de la loi pour leur application dans les collectivités d’outre-mer.

3.2.       Impacts économiques et financiers

3.2.1     Impact sur les entreprises

En ce qui concerne les entreprises éditrices de publications habilitées à publier des AJL, la réforme envisagée aura pour effet :

-         d’ouvrir la procédure d’inscription sur les listes préfectorales à une cinquantaine d’entreprises éditrices de SPEL[44], essentiellement consacrés à l’information locale, permettant ainsi à ces dernières de diversifier leurs ressources et de renforcer leur modèle économique ;

-          d’encourager les entreprises éditrices de publications aujourd’hui habilitées à adapter leur modèle économique afin de faire en sorte que la diminution tarifaire programmée leur soit soutenable et, pour celles publiant quasi-exclusivement des AJL, à renforcer leur contenu éditorial.

En ce qui concerne les entreprises en général, la mise en œuvre de la réforme se traduira par une réduction significative des coûts auxquelles s’exposent pour la publication des AJL (le marché des annonces « vie des entreprises » a été évalué à 190 M€ par an selon l’étude Xerfi précitée de 2014 ; selon les dernières données communiquées par l’APTE, il se serait établi à 185,6 M€ en 2017).

Sans préjudice des taux de réduction qui seront finalement retenus et à titre indicatif, on peut observer qu’une diminution du coût des annonces judiciaires de 10 % se traduirait par une réduction de 18,5 M€ en 5 ans du coût pour les entreprises et du chiffre d’affaires de la presse habilitée, soit une baisse linéaire de 2,1 % par an pendant 5 ans.

Il est possible de mesurer la réduction de chiffre d’affaires que cela engendrerait pour les différentes familles de presse. Toutes choses égales par ailleurs, la réduction de 10 % de la tarification des AJL se traduirait par une réduction de chiffre d’affaires global de - 1,8 % pour la PHR (- 5,2 M€), - 2,6 % pour la presse agricole (- 1,5 M€), - 6 % pour la presse judiciaire
(- 6,3 M€) et - 0,1 % (- 5,6 M€) pour les autres formes de presse ; sachant que cette réduction serait lissée sur 5 ans.

Sous cette hypothèse indicative, l’effort demandé à la presse judiciaire apparaît important. Celui demandé à la presse agricole et rurale et à la presse hebdomadaire régionale est significatif, dans un contexte économique difficile, mais soutenable. Le lissage de la mesure permettrait ainsi aux titres de presse d’absorber l’évolution sans risquer de porter atteinte à l’existence de titres fragiles et partant au pluralisme de la presse locale.

 

 

Détail de l’incidence d’une réduction de 10 % du tarif des annonces par famille de presse

Famille de presse - Syndicat

CA AJL 2017
en millions €

Part dans le CA total

Réduction du CA lié à la décote de
- 10 %

Réduction du CA total induite par la réforme

Presse hebdomadaire régionale (SPHR)

51,7 M€

18 %

5,17 M€

- 1,8 %

Presse agricole (SNPAR)

14,9 M€

26 %

1,49 M€

- 2,6 %

Presse judiciaire (SNPJ)

62,6 M€

60 %

6,26 M€

- 6 %

Presse quotidienne régionale (SPQR / UPREG)

30,9 M€

1 %

3,09 M€

- 0,1 %

Presse quotidienne départementale
(SPQD / UPREG)

5,4 M€

1 %

0,54 M€

- 0,1 %

Presse nationale (SPQN)

9 M€

1 %

0,9 M€

- 0,1 %

AUTRES

11,1 M€

1 %

1,1 M€

- 0,1 %

TOTAL

185,6 M€

 

18,56 M

 

3.2.2       Impacts sur les collectivités territoriales

Comme d’autres personnes publiques (Etat, établissement publics) astreintes à l’obligation de publier des AJL dans certaines circonstances (marchés publics, enquêtes publiques, avis administratifs divers), les collectivités territoriales bénéficieront également de la diminution programmée du tarif de publication des AJL. Toutefois, comme pour les entreprises, le montant de cette économie ne peut être chiffré à ce stade. Selon l’étude Xerfi précitée de 2014, le marché des AJL dont les annonceurs sont des personnes publiques est évalué à 50 M€ par an.

3.3.       Impacts sur les services administratifs

Les services préfectoraux en charge de l’instruction des demandes d’inscription formées par les publications candidates à l’habilitation seront bien entendu concernés. La suppression de l’habilitation par arrondissement sera de nature à simplifier la procédure. En revanche, l’ouverture de la procédure d’inscription aux SPEL exigera de ces services la mise en œuvre de méthodes nouvelles d’instruction (notamment la consultation de sites de presse en ligne).

3.4.       Impacts sur les particuliers

Peu nombreuses sont les AJL dont les annonceurs sont des particuliers (tel est le cas, par exemple, en matière de séparation de biens). Néanmoins, la réduction des coûts de publication des AJL profitera également à cette catégorie d’usagers.

Par ailleurs, la réforme ayant également pour objectif d’adapter les modalités d’accès à l’information économique locale à l’évolution des usages et à l’émergence des SPEL, il en résultera une amélioration de la qualité du service rendu aux particuliers comme aux entreprises.

4.         Consultations et modalités d’application

4.1.       Consultations menées

4.1.1     Consultations obligatoires

Les mesures envisagées ont été transmises pour avis au Conseil national de l’évaluation des normes. Enfin, les mesures portant adaptation de la loi de 1955 précitée aux collectivités d’outre-mer sont soumises à l’avis de ces dernières.

4.1.2     Consultations facultatives

La réforme projetée a déjà fait l’objet d’une large concertation avec les représentants de l’APTE et du SPIIL. La direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture a rencontré ces représentants à 5 reprises, au cours de réunions qui se sont tenues de juillet à décembre 2017. Une concertation sur l’article de loi a également été menée  en 2018.

4.2.       Modalités d’application

La loi de 1955 sera révisée pour tenir compte de l’application des dispositions nouvelles dans le département de Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

L’application des mesures législatives nécessitera un décret simple et un arrêté (modification du décret n° 55-1650 du 17 décembre 1955 relatif aux annonces judiciaires et légales : fixation des seuils de diffusion à atteindre dans chaque département pour être admis à y publier des AJL et l’arrêté du 21 décembre 2012 relatif au tarif annuel et aux modalités de publication des annonces judiciaires et légales).

Seront par ailleurs durcies les conditions d’inscription des publications de presse à la commission paritaire des publications et agences de presse (art. D. 18 du code des postes et des communications électroniques et article 72 de l’annexe III au code général des impôts) de manière à limiter la surface dévolue aux AJL à 50 % de la surface totale du titre.

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Article 4 relatif à la suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

L’article 59 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat prévoit l’obligation pour les réseaux consulaires (chambres de métiers et chambres de commerce) d’organiser des stages de courte durée d’initiation à la gestion à l’intention des créateurs d’entreprise artisanale ou commerciale.

L’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 prévoit l’obligation pour le créateur d’entreprise artisanale de suivre le stage de préparation à l’installation avant de pouvoir être immatriculé au répertoire des métiers et commencer son activité. A la suite d’une modification législative intervenue en 2016, la loi précitée prévoit également que les chambres de métiers ont l’obligation de réaliser le stage dans un délai d’un mois à compter de la demande. A défaut, le créateur est enregistré de droit au répertoire des métiers.

Toutefois, le même article 2 prévoit que le chef d’entreprise peut être dispensé de suivre le stage de préparation à l’installation dans les cas suivants :

-          si une raison de force majeure l’en empêche, auquel cas il doit s’acquitter de son obligation dans un délai d’un an à compter de son immatriculation ;

-          s’il a bénéficié d’une formation à la gestion d’un niveau au moins égal à celui du stage dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’artisanat ;

-          s’il a bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise d’une durée minimale de trente heures délivré par un réseau d’aide à la création d’entreprise, sous réserve que cet accompagnement dispense une formation à la gestion d’un niveau au moins équivalent à celui du stage et qu’il soit inscrit à l’inventaire mentionné au II de l’article L. 335-6 du code de l’éducation. La liste des actions d’accompagnement concernées est arrêtée par le ministre chargé de l’artisanat ;

-          s’il a exercé, pendant au moins trois ans, une activité professionnelle requérant un niveau de connaissance au moins équivalent à celui fourni par le stage.

L’article 125 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a ajouté le cas de dispense relatif à l’accompagnement à la création d’entreprise et a prévu que la liste des formations à la gestion ouvrant droit à la dispense de suivre ce stage soit fixée par arrêté du ministre chargé de l’artisanat et non plus par les chambres de métiers.

L’article 118 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 fixe le prix du stage de préparation à l’installation à 1,5 fois le montant du droit fixe pour frais de chambres de métiers prévu à l’article 1601 du code général des impôts. Le prix est de 194 euros en 2017.

Les modalités d’organisation, le contenu et la durée (30 heures minimum) du stage de préparation à l’installation sont fixés par le décret n° 83-517 du 24 juin 1983.

Le décret n° 95-257 du 2 mars 1995 relatif à l’organisation du stage d’initiation à la gestion par le réseau des chambres de commerce et d’industrie prévoit que la durée du stage est comprise entre 3 et 5 jours et que le montant de la redevance pour ce stage est fixé librement par délibération de l’assemblée générale de la chambre. Toutefois, celui-ci ne peut excéder le coût du service rendu. Aujourd’hui, la durée de ce stage est de cinq jours et le prix oscille dans une fourchette de 400 € à 500 € en moyenne selon les chambres. En 2016, 6 600 créateurs d’entreprise commerciale ont suivi le stage d’initiation à la gestion, soit 18% des créateurs.

1.2.  Éléments de droit comparé

Le site Internet de la Commission européenne mentionne que l’UE encourage tous les pays à atteindre certains objectifs pour faciliter la création d’entreprise, notamment la création de l’entreprise en trois jours ouvrables et des coûts de formalités ne dépassant pas 100 euros.

Selon l’institut supérieur des métiers, l’orientation prise par certains pays européens (Belgique et Luxembourg par exemple) est de vérifier l’acquisition de compétences entrepreneuriales au moment de la création de l’entreprise. Le futur chef d’entreprise doit prouver qu’il détient ce type de compétences de différentes manières : titre, diplôme, certification professionnelle, pratique professionnelle suffisante, réussite à un examen de connaissance en gestion préalable à la création, etc. Toutefois, créateur est libre d’acquérir comme il le souhaite les compétences entrepreneuriales requises.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

L’obligation d’un stage de préparation à l’installation étant fixée par l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982, aucune option en dehors de l’intervention d’une règle de droit nouvelle ne semble envisageable.

Selon l’Assemblée permanente des chambres de métiers et d’artisanat (APCMA), sur un peu plus d’1 million d’entreprises artisanales, 138 000 se sont créées en 2017. Parmi les créateurs, 83 000 ont suivi un stage de préparation à l’installation.

Ce stage représente un coût de 194 euros qui s’ajoute au coût engendré par la perte d’activité en attendant l’inscription au répertoire des métiers. Ces coûts peuvent être rédhibitoires pour certains professionnels, notamment ceux envisageant une activité réduite (micro-entrepreneurs notamment). Il peut retarder jusqu’à un mois le début de l’activité, les entrepreneurs ne pouvant être immatriculés au répertoire des métiers - et donc débuter leur activité - avant de l’avoir suivi.

Pour ces raisons, il est proposé de supprimer l’obligation pour le chef d’entreprise artisanale de suivre le stage de préparation à l’installation et d’harmoniser les dispositions relatives à ce stage avec celles prévues pour le stage d’initiation à la gestion organisé par les chambres de commerce et d’industrie au bénéfice des commerçants. Cette mesure permettra de rétablir l’égalité de traitement entre les artisans et les autres travailleurs indépendants puisque pour les commerçants le stage d’initiation à la gestion (SIG) est facultatif.

Il est proposé par ailleurs de ne plus encadrer le prix du stage de préparation à l’installation (SPI) par une loi de finances.

2.2.  Objectifs poursuivis

En supprimant l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation, les objectifs sont :

-          De fluidifier la création d’entreprise, puisqu’un créateur pourra commencer son activité à sa convenance et choisir d’être accompagné au moment où il considère en avoir le plus besoin ;

-          De laisser le choix à chacun des créateurs d’opter pour l’accompagnement qui lui convient le mieux. L’offre de marché est multiple. La concurrence devrait donc créer une émulation pour accroitre la qualité des accompagnements proposés aux créateurs d’entreprise.

La suppression de l’obligation de suivre le SPI facilitera la création de l’entreprise artisanale. Les créateurs, qui ressentiraient le besoin d’une formation au démarrage de leur activité, pourraient disposer d’une offre de formation plus adaptée à leur besoin et personnalisée proposée par les réseaux consulaires ou par tout autre réseau d’accompagnement à la création d’entreprise. Par ailleurs, le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat reste tenu en application de l’article 59 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 de proposer un accompagnement à la création et peut le compléter librement.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.  Impacts juridiques

3.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Il est proposé de supprimer l’obligation pour les créateurs d’entreprise artisanale de suivre le stage de préparation à l’installation en supprimant l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 modifiée relative à la formation professionnelle des artisans ;

Il est proposé de maintenir la possibilité de financer le stage de préparation à l’installation par les conseils de la formation institués auprès des chambres de métiers de niveau régional en modifiant l’article 59 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat.

Il est proposé de supprimer l’encadrement du prix du stage de préparation à l’installation prévu à l’article 118 de la loi n°83-1173 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984.

3.2.  Impacts économiques et financiers

3.2.1        Impacts macroéconomiques

La suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation (SPI) permet :

-          de réallouer une partie des dépenses engendrées par le SPI vers une offre de formation librement choisie par le créateur d’entreprise. Cette mesure favorisera ainsi le développement d’une offre d’accompagnement plus souple, plus réactive et plus adaptée aux besoins des créateurs d’entreprise artisanale ;

-          d’accroitre l’activité économique du secteur artisanal puisque le créateur pourra commencer plus tôt son activité sans attendre d’avoir effectué le stage de préparation à l’installation.

3.2.2        Impacts sur les entreprises

Le gain financier de cette mesure pour le créateur d’entreprise artisanale est estimé au minimum à 242 € pour celui qui a opté pour le régime micro-entrepreneur et à 548 € pour les autres. Ces montants comprennent le prix du stage de préparation à l’installation (SPI) fixé par l’article 118 de la loi n°83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 et l’estimation du manque à gagner pendant les 30 heures de formation.

En 2017, le SPI est facturé à l’artisan 194 €.

Pendant la durée de la formation, la perte de ressources est estimée à 48 € pour un artisan ayant opté pour le régime « microentreprise » et à 354 € pour les autres en prenant en compte le revenu mensuel moyen de ces entrepreneurs[45].

En 2016, le stage de préparation à l’installation (SPI obligatoire et SPI+ optionnel) a rapporté aux CMA 21 M€ (les ressources par typologie de stage n’ont pas été communiquées), soit 2% de leurs ressources[46]. Il est difficile d’estimer la perte de recettes pour les chambres qui continueront à proposer cette offre.

4.         Consultations et modalités d’application

4.1.  Consultations menées

Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CNEFOP) été consulté et a rendu son avis le 8 mars 2018 sur la mesure relative à la suppression de l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation.

4.2.  Modalités d’application

4.2.1        Application dans le temps

L’application immédiate de cette mesure est facile à mettre en œuvre puisque le réseau des chambres de métiers et de l’artisanat conserve l’obligation de proposer le stage de préparation à l’installation. Seule l’obligation de suivre ce stage pour les créateurs d’entreprise artisanale disparait.

4.2.2        Application dans l’espace

La mesure s’appliquera sur l’ensemble du territoire national.

4.2.3        Textes d’application

Le décret n° 83-517 du 24 juin 1983 fixant les conditions dans lesquelles les chambres de métiers et de l’artisanat sont tenues d’organiser le stage de préparation à la gestion devra être toiletté.

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Article 5 relatif à la mise en œuvre d’actions collectives de communication et de promotion à caractère national en faveur de l’artisanat et des entreprises artisanales

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Le Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat (FNPCA) est un établissement public administratif créé par le décret modifié n° 97-1040 du 13 novembre 1997. Placé sous la tutelle du ministre en charge de l’artisanat, il a pour objet de contribuer au financement d’actions de promotion et de communication à caractère national en faveur de l’artisanat. Jusqu’au 31 décembre 2017, il était financé par une taxe fiscale affectée (TFA) provenant d’une majoration de 10 % de la taxe pour frais de chambres de métiers. Elle était plafonnée chaque année par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances initiale. Depuis 2013, le montant de la taxe affectée était plafonné à 9 910 000 €[47]. Elle représentait une contribution de 11 € par an pour chaque entreprise artisanale. Elle était payée par l’ensemble des entreprises artisanales à l’exception de celles bénéficiant du régime de la micro-entreprise (ces dernières étant environ 249 000). Au total, environ 1,1 million d’entreprises en étaient redevables.

Depuis sa création, le FNPCA a mis en œuvre deux types d’actions :

-       des actions de communication nationale en faveur de l'artisanat, auprès du grand public, de type institutionnel (presse, radio, télévision, affichage et réseaux sociaux) ;

-       des actions de présentation aux jeunes des métiers artisanaux, grâce à des visites effectuées, dans les collèges, par une flotte de véhicules customisés (les Artimobiles).

Grâce à ces campagnes d’information, le FNPCA a réussi à installer durablement une image positive de l’artisanat et à asseoir la marque collective institutionnelle de l’artisanat et sa signature «L’Artisanat - Première entreprise de France» dans l’esprit du public.

Compte tenu de l’obligation de réduire le poids des prélèvements obligatoires, la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a supprimé la TFA qui alimentait le FNPCA. Cette TFA étant la seule ressource du FNPCA, sa suppression emportera de facto la disparition du Fonds. Cette décision fait également suite aux recommandations de la Cour des Comptes dans un rapport de 2013, qui préconisaient de confier aux professionnels de l’artisanat l’initiative de la promotion de leur image[48].

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Pour permettre aux organisations professionnelles de l’artisanat de poursuivre des actions collectives de communication et de promotion en faveur de l’artisanat, il a été décidé de leur donner la possibilité de bénéficier d’une ressource dédiée grâce à la mise en place un dispositif ad hoc, reposant sur une contribution conventionnelle pouvant être rendue obligatoire.

L’institution de cette contribution conventionnelle obligatoire (CCO), créance de droit privé, relève d’un projet de loi ordinaire ; en l’occurrence, il est proposé de modifier la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.

Le dispositif proposé s’inspire du régime des contributions volontaires obligatoires (CVO) du domaine agricole et de celui des contributions obligatoires admises dans le cadre d’accords collectifs relatifs au développement du dialogue social dans l’artisanat (régime prévu par le code du travail). Cependant ces deux régimes qui ne sont pas adaptées aux actions de communication et de promotion en faveur de l’artisanat :

-            le modèle du secteur agricole, prévu dans le code rural et validé par la politique agricole commune, ne peut être transposé, en l’état, à l’artisanat compte tenu de la différence substantielle de structuration des deux secteurs : la filière agricole est organisée de manière « verticale », autour d’interprofessions reconnues par l’Etat, par produits ou catégories de produits ; le mécanisme permettant de valider une extension d’accord de CVO à l’ensemble des professionnels découle naturellement de cette organisation. L’artisanat est composé de 250 métiers très différents mais réunis sur des valeurs et règles communes ; il est organisé de manière « horizontale » et les modalités de représentation professionnelle sont très différentes du secteur agricole.

 

-            les actions de promotion et de communication ne rentrent pas non plus dans les domaines visés par l’art. L2222-1 du code du travail et ne relèvent pas d’une négociation collective : elles visent en effet des actions de promotion du secteur et des entreprises artisanales et ne concernent pas les relations employeurs/ salariés.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le dispositif envisagé définit le cadre dans lequel les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel seront habilitées à conclure un accord pour définir le montant d’une contribution destinée à financer des actions collectives de communication et de promotion en faveur de l’artisanat et à demander son extension, par les pouvoirs publics, pour pouvoir s'imposer à l'ensemble des entreprises n’appartenant à aucune organisation professionnelle ou à une organisation non signataire, exerçant dans le champ de l’accord. . Il s’agira au cas particulier du MEDEF, de la CPME et de l’U2P.

 

La contribution qui financera les actions de promotion et de communication nationale en faveur de l’artisanat, sera ainsi définie dans le cadre d’un accord prévu par la loi, qui doit préciser :

-          le cadre de l’accord et son domaine,

-          les parties à l’accord et leur représentativité,

-          le financement des actions collectives de l’accord, le montant de la contribution, les assujettis et les modalités de recouvrement,

-          les modalités de l’extension de l’accord par les pouvoirs publics.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Si la TFA n’était pas remplacée par la CCO telle que proposée, la poursuite des actions de promotion et de communication à caractère national en faveur de l’artisanat nécessiterait une implication financière des organisations professionnelles de l’artisanat et des autres acteurs de la profession, en substitution du FNPCA.

Le Gouvernement souhaite favoriser la mise en place d’un dispositif permettant d’assurer la pérennité des actions de communication en faveur du secteur de l’artisanat, dans un contexte marqué par un effort soutenu des pouvoirs publics en faveur de ce secteur, à travers notamment le plan de transformation de l’apprentissage. Selon une étude de l’Institut supérieur des métiers (ISM), l’artisanat forme 35 % du total des apprentis en France métropolitaine. En 2015-2016, 140 000 apprentis ont été formés dans les entreprises artisanales (en métropole, hors Corse), dont 73 135 inscriptions en première année de diplôme. Il est donc important de poursuivre l’effort de revalorisation de l’image de l’artisanat.

Il semble donc préférable de remplacer la TFA du FNPCA par une Contribution conventionnelle obligatoire (CCO), créance de droit privé, qui bénéficiera aux organisations professionnelles d’employeurs intéressées par l’artisanat et qui leur permettra de poursuivre les actions collectives de promotion et de communication en faveur de l’artisanat.

L’option envisagée au départ de confier les missions du FNPCA à l’Assemblée permanente des chambres des métiers (APCMA) a été rapidement abandonnée. L’APCMA étant un établissement public administratif, sous tutelle de l’Etat, avec un contrat d’objectifs et de performance, le fait de lui confier la perception et la gestion d’une CCO risquait d’être assimilé à une politique conduite par l’Etat et de constituer une aide d’Etat au sens de l’article 107 § 1 du TFUE. Or sans ressource complémentaire, l’APCMA ne pourrait pas absorber cette mission supplémentaire,  au regard de son budget actuel de 21M€.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Il s’agit d’un dispositif juridique nouveau. La mesure envisagée modifie la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat en insérant un nouvel article 23-1.

Cela étant, il n’emportera aucun changement pour les entreprises artisanales ; le périmètre des entreprises redevables de la cotisation rendue obligatoire sera en effet le même que celui prévu par le code général des impôts définissant la TFA (entreprises artisanales assujetties aux a et b de l’article 1601 du code général des impôts).

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Pour être conforme au droit de l’Union européenne, le nouveau système ne doit pas constituer une aide d’Etat, ce qui suppose de respecter plusieurs conditions, fixées par la Cour de justice européenne dans un arrêt du 15 juillet 2004[49] Pearle :

-          les actions financées par les cotisations obligatoires sont déterminées par le secteur concerné ;

-          le financement provient à 100 % des cotisations des entreprises du secteur ;

-          les cotisations sont affectées obligatoirement au financement de la mesure, sans possibilité pour l’État d’intervenir en déterminant ou modifiant l’utilisation de ces ressources ;

-          les entreprises qui paient les cotisations sont aussi les bénéficiaires de la mesure.

En l’espèce, les quatre conditions sont remplies, les pouvoirs publics n’interviendront que pour étendre l’accord fixant le montant de la contribution ; ils ne participeront pas à la détermination des actions de communication et de promotion en faveur de l’artisanat, ni à leur financement.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Les effets attendus du soutien de l’artisanat, via notamment des actions de communication et de promotion, concernent la création d’emplois et le développement de la croissance. Dans un contexte de valorisation des productions de qualité, la mise en valeur de l’artisanat peut, en effet, contribuer à soutenir l’activité des professionnels concernés et les aider à recruter.

Ce type de communication peut aussi contribuer, en valorisant l’image de l’artisanat auprès du grand public, à orienter davantage de jeunes vers cette voie professionnelle, par la voie de l’apprentissage.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Les entreprises artisanales qui seront concernées par la CCO seront les mêmes que celles qui étaient assujetties à la TFA, à savoir les entreprises artisanales assujetties aux a et b de l’article 1601 du code général des impôts. Elles contribueront financièrement à hauteur de l’ancien dispositif. Cette contribution est minime au regard des effets positifs attendus sur le secteur.

En effet, le maintien des actions de promotion et de communication en faveur de l’artisanat, conjuguées à des actions de terrain de valorisation des métiers de l’artisanat est essentiel pour  favoriser l’orientation des jeunes vers ces métiers. Les métiers de l’artisanat sont encore peu attractifs et souvent dévalorisés, auprès des jeunes et de leur entourage alors que de nombreux emplois restent ainsi non pourvus dans l’artisanat et les TPE.

Selon le dernier tableau de bord de l’Institut supérieur des métiers sur l’emploi dans les entreprises artisanales[50], il y avait en 2017, 184 000 projets de recrutements, dont 53 % jugés difficiles (source : enquête Besoin de main d’œuvre-BMO de Pôle emploi). Les métiers de l’artisanat pour lesquelles le recrutement est le plus difficile sont ceux du bâtiment, de la réparation automobile, du travail du métal et de la boucherie.

Cette situation est paradoxale, car il s’agit de métiers de, porteurs de sens, nécessitant de nombreuses qualités et compétences (technicité, dextérité, créativité, etc.), permettant de dérouler une véritable carrière, soit en tant que salarié, soit en tant que chef d’entreprise (avec des perspectives de développement, d’innovation, d’export…).

 

Le secteur de l’artisanat souffre également d’emplois non pourvus alors que près d’un jeune Français de 15 à 29 ans sur cinq est au chômage en 2017 selon une étude de la DARES[51]. Les campagnes de promotion en faveur de l’artisanat contribuent à instaurer une image positive de l’artisanat auprès du public, qui est essentiel pour le développement de l’apprentissage et l’emploi (des jeunes ou du public en reconversion notamment), la reprise-transmission des entreprises artisanales (beaucoup d’artisans sont en effet proches de la retraite et il faut favoriser la relève) et, enfin,  l’activité économique des entreprises artisanales. Elles sont en effet plus de 1,3 million en France et sont au cœur de l’économie des territoires. Notamment, les artisans du secteur alimentaire contribuent à la création de valeur en amont, chez les agriculteurs, par une meilleure mise en valeur des produits du terroir.

Au moment où le Gouvernement s’engage dans une profonde transformation de l’apprentissage et de la formation professionnelle grâce au projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le maintien d’une communication en faveur de l’artisanat est essentiel et constitue une mission d’intérêt général,  afin que les jeunes ou les personnes en voie de reconversion s’engagent ans la voie de l’apprentissage et rejoignent le monde de l’artisanat. Comme indiqué précédemment, l’artisanat forme en effet 35 % du total des apprentis en France métropolitaine. [52]

L’impact individuel en termes d’augmentation de chiffres d’affaires par exemple est très difficile à quantifier.

4.2.3        Impacts budgétaires

L’effet sera minime sur les finances publiques ; depuis 2013, le montant de la taxe affectée est plafonné à 9 910 000 € ; la suppression de la TFA entraîne de facto la perte de la part de la collecte supérieure au plafond, soit environ 400 000 à 500 000 € par an, qui abondait le budget de l’Etat.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

Les actions de communication et de promotion en faveur de l’artisanat ont des effets attendus sur le développement des entreprises de ces secteurs, et donc des effets positifs sur l’économie de proximité. Les artisans sont en effet indispensables à la vitalité et à l’animation des territoires, des centres–villes, des centre-bourgs ou des communes rurales. Avec les commerçants de proximité, ils sont souvent au cœur des plans de revitalisation des centres villes mis en œuvre par les collectivités territoriales ; une communication valorisant ces entreprises doit être considérée comme un facteur favorisant la réussite des actions de terrain pour redynamiser l’économie locale.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La mesure entraînera la suppression d’un établissement public administratif, le FNPCA qui est composé de quatre agents. Hormis le suivi de la mise en œuvre du dispositif consistant à instruire les demandes d’extension de l’accord, la mesure n’entraînera pas de charge pour l’administration. La direction générale de finances publiques (DGFiP) a en effet déjà cessé de collecter la FTA. Il est prévu que le prélèvement de la cotisation repose sur une convention conclue entre l’ACOSS et l’association qui prendra la succession du FNPCA, chargée de mettre en œuvre l’accord interprofessionnel. ..Le processus de collecte reposera sur un système simple, à savoir un montant unique pour tous afin d’éviter toute contestation perçu auprès des entreprises artisanales assujetties aux a) et b) de l’article 1601 du code général des impôts. La contribution apparaîtra sur l’échéancier de l’ensemble des cotisations à percevoir auprès de ces entreprises ; l’ACOSS se fera rémunérer cette prestation par une commission proportionnelle.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

La mesure a été concertée avec l’Union des entreprises de proximité (U2P) et l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA), qui siègent au FNPCA. L’U2P a émis le souhait de signer le futur accord. Le Président et le Directeur du FNPCA ont également été associés étroitement aux réflexions.

La Confédération des PME (CPME) a été également informée du dispositif en tant que seconde organisation professionnelle d’employeurs.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Le dispositif est prévu pour entrer en vigueur rapidement après la publication de la loi soit fin de l’année 2018 ou au début de l’année 2019, une fois les textes d’application adoptés (cf. infra) et pour les organisations professionnelles :

-          d’avoir rédigé l’accord définissant les actions collectives et créant la cotisation,

-          d’avoir créé l’association chargée de mettre en œuvre ces actions collectives au moyen de la cotisation.

À noter que l’arrêté d’extension de l’accord prévu par la loi ne pourra être pris qu’après un délai de quelques semaines, un mois de publication de l’accord étant prévu pour faire droit à une éventuelle opposition.

5.2.2        Application dans l’espace

Le dispositif s’appliquera sur tout le territoire national, sans qu’il soit nécessaire de prévoir une adaptation pour les entreprises des collectivités et territoires d’outre-mer.

5.2.3        Textes d’application

Après la publication de la loi, un décret (simple) d’application pour définir les conditions d'extension des accords, avenants ou annexes ainsi que le droit d’opposition et un arrêté d’application du ministre en charge de l’artisanat fixant le montant maximal de la contribution due par chaque entreprise artisanale devront être pris.

La CCO ne pourra être collectée par l’ACOSS qu’après publication d’un arrêté d’extension, pris par le ministre chargé de l’artisanat, de l’accord prévu par la loi, pour une durée déterminée, en tout ou partie, aux entreprises artisanales assujetties aux a) et b) de l’article 1601 du code général des impôts ;

Un décret en Conseil d’Etat de liquidation du FNPCA sera pris après transfert des actifs à l’association en charge de mettre en œuvre les actions de communication et de promotion en faveur de l’artisanat.

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Section 2 : Simplifier la croissance de nos entreprises

Article 6 relatif aux seuils d’effectifs

1.         État des lieux

Les petites et moyennes entreprises sont les entités les plus nombreuses du tissu économique et constituent une catégorie d’entreprise quelque peu hétérogène comme le montre le tableau ci-dessous.

La petite taille des PME, leur jeune âge et/ou leur caractère innovant peuvent occasionner un certain nombre de défaillances de marché, susceptibles d’entraver leur croissance. La théorie économique permet d’identifier les défaillances de marché suivantes :

- le recrutement de personnel qualifié. Celui-ci peut être marqué par des asymétries d’information entre l’entreprise et les candidats qualifiés. L’acquisition d’information par les candidats qualifiés sur les postes à pourvoir et leur qualité est moins aisée concernant les PME, cette acquisition d’information se faisant souvent par réseau, ce qui favorise les entreprises de plus grande taille. Le risque de moindre évolution et formation peut réduire l’attractivité des PME pour les jeunes cadres. Par suite, les PME peuvent craindre que les personnels recrutés, du fait de moindres possibilités de mobilité interne ou de formation par les pairs, quittent rapidement l’entreprise, ce qui peut décourager l’embauche ou, a minima, les efforts de formation de l’entreprise. En outre, le risque de cessation d’activité plus important pour les PME, conduisant à un risque de perte d’emploi du salarié plus élevé, réduit encore leur attractivité ;

- l’accès aux financements externes. Les risques de défaillance plus élevés pour les PME, ainsi que leur moindre capacité à mobiliser du collatéral (surtout pour les PME disposant de peu d’actifs matériels) peuvent aussi rendre plus difficile leur accès au financement ;

- les coûts administratifs représentent une part plus élevée des charges pour les PME, dans la mesure où ils incluent un coût fixe (par exemple, remplir un formulaire fiscal représente le même coût quel que soit le montant déclaré) et où les grandes entreprises peuvent bénéficier d’économies d’échelle en spécialisant certains salariés.

Ces différentes défaillances de marché peuvent se renforcer mutuellement (par exemple, la difficulté à lever des fonds propres peut empêcher le recrutement de personnel qualifié). Par ailleurs, les petites entreprises présentent un taux de cessation d’activité plus élevée que les entreprises plus grandes :

 

10-19 salariés

20-49 salariés

50-99 salariés

100-249 salariés

250 salariés et plus

Total

Ensemble

124 851

57 828

14 730

9 266

4 972

211 647

Cessations

3 763

1 401

287

133

54

5 638

Taux

3,0%

2,4%

1,9%

1,4%

1,1%

2,7%

Source : BPCE publications 2017, correspondant aux cessations de l’année 2014.

 

Afin de remédier à ces défaillances de marché et  de proportionner les contraintes administratives ou financières à la taille des entreprises, certaines obligations ou régimes juridiques ne s’appliquent que lorsqu’un seuil d’effectif est atteint.

Un recensement a identifié cent quatre-vingt-dix-neuf seuils ainsi répartis :

Cette approche crée un environnement juridique adapté à la taille des entreprises.

Plus de 58 % des seuils d’effectifs sont se situent à des niveaux inférieurs à  « cinquante salariés au plus » et près de 83 % à des niveaux inférieurs à « deux cent cinquante salariés au plus ».  

Toutefois, les seuils d’effectif salarié constituent aujourd’hui un environnement juridique peu lisible, complexe et source d’anxiété pour le chef d’entreprise. Cette situation tient à la diversité des modes de décompte des seuils et à la multiplicité des niveaux de seuils.

Par ailleurs, ces seuils peuvent constituer un frein à la croissance et à l’embauche dès lors que leur franchissement génère des obligations juridiques ou financières supplémentaires. Des dispositifs de gel ou de lissage ont été mis en place pour limiter ces effets de seuils, mais ils ne couvrent pas l’ensemble des législations et sont instables et hétérogènes.

Les seuils d’effectif sont régis par des règles à la fois nationales et européennes.

1.1.  Le cadre national

Le cadre national crée un environnement juridique peu lisible et complexe : les modes de calcul des effectifs ne sont pas harmonisés, les niveaux de seuils d’effectifs ne sont pas rationalisés et les dispositifs de limitation des effets de seuil sont instables, partiels et hétérogènes.

1.1.1        Des modes de calcul des effectifs qui ne sont pas harmonisés

Il existe de nombreux modes de calcul de l’effectif salarié en fonction des législations (notamment code du travail, code général des impôts, code de la sécurité sociale, code de commerce). Plusieurs dispositifs peuvent même coexister au sein d’une législation ou d’un même code.

Les différences entre les modes de calcul tiennent à la période ou date de référence sur laquelle l’effectif est calculé, aux effectifs pris en compte, ou à l’entité au niveau de laquelle est apprécié l’effectif (entreprise, établissement ou unité économique et sociale).

a)      Des différences tenant à la période ou date de référence sur laquelle l’effectif est calculé

La période d’appréciation est aujourd’hui fixée pour l’ensemble du code de la sécurité sociale à l’article R. 130-1 de ce même code. L’effectif salarié est fondé sur une moyenne établie au cours de l’année civile précédente. Pour les autres législations, la période ou la date de référence est variable en fonction du régime juridique concerné. En droit du travail, il peut s’agir par exemple d’une période de douze mois consécutifs pour ce qui concerne le comité social et économique[53], de la date d’envoi de la lettre de licenciement en matière de licenciement[54] ou une période de six mois pour l’obligation d’un règlement intérieur[55]. En droit fiscal, il peut s’agir de l’exercice fiscal en cours (par exemple pour un crédit d’impôt[56] ou pour l’option au régime des sociétés de personnes[57]), de l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition (par exemple pour une exonération de cotisation foncière des entreprises - CFE[58]) ou encore d’une date ponctuelle (par exemple pour un crédit d’impôt lié à la CFE[59] ou pour un dispositif fiscal concernant le rachat d’une société[60]). Dans le code de commerce, il peut s’agir de la date d’ouverture de la procédure collective[61] ou du dernier exercice pour les obligations comptables[62].

b)     Des différences tenant aux effectifs pris en compte

Le code de la sécurité sociale (article R. 130-1) et le code du travail (articles L. 1111-2 et L. 1111-3) ont fixé, chacun pour ce qui le concerne et pour l’ensemble de leurs dispositions respectives, l’effectif à prendre en compte. Dans les autres législations, les catégories d’effectifs prises en compte ne sont pas unifiées. Elles varient en fonction du régime juridique mis en œuvre.

Plusieurs différences importantes sont à mettre en exergue.

Le code de la sécurité sociale prend en compte les mandataires sociaux affiliés au régime général de la sécurité sociale (dirigeants de société anonyme ou de société par actions simplifiées, gérant minoritaire de société à responsabilité limitée), au contraire du code du travail, du code de commerce et du code général des impôts, qui ne prennent en compte aucun mandataire.

Les intérimaires ne sont pas pris en compte au sein de l’entreprise utilisatrice dans le code de la sécurité sociale, alors qu’ils le sont en droit du travail. En matière fiscale, la prise en compte de cette catégorie varie d’un régime à l’autre. Quant au code de commerce, il fait le plus souvent référence aux « salariés employés » (R. 621-11 du code de commerce) ou aux « salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail » (article D. 123-200 du code de commerce), ce qui semble exclure les intérimaires, dont le contrat de travail relève de l’entreprise de travail intérimaire.

Certains contrats spécifiques (contrat initiative-emploi, contrat d’accompagnement à l’emploi) ne sont pas pris en compte dans le code de la sécurité sociale et le code du travail, mais peuvent être pris en compte dans le cadre d’autres législations (code de commerce, en partie dans la législation fiscale).

Les contrats à durée déterminée sont en principe comptabilisés dans l’effectif. Mais certains articles du code de commerce peuvent prendre en compte les seuls contrats à durée indéterminée (exemple de l’article R. 612-1 du code de commerce pour les obligations comptables des personnes de droit privé non commerçantes) ou renvoyer à la notion de « salariés permanents » qui interroge la prise en compte ou non des salariés à durée déterminée (exemple de l’article R. 227-1 du code de commerce pour la désignation d’un commissaire aux comptes).

c)      Des différences tenant au niveau d’appréciation de l’effectif

La plupart des législations fixent les seuils d’effectifs au niveau de l’entreprise.

Toutefois, le code du travail fixe un nombre important de seuils au niveau de l’établissement, comme pour l’obligation de règlement intérieur (article L. 1311-2 du code du travail), l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (article L. 5212-3 du code du travail) ou l’obligation d’un infirmier (article R. 4623-32 du code du travail). Le seuil peut également être fixé au niveau de l’unité économique et sociale, comme pour l’obligation d’un régime de participation (article L. 3322-2 du code du travail). Par ailleurs, le code de l’environnement renvoie à la notion d’implantation (article D. 543-286) et le code des transports à celle de site (art. L. 1214-8-2). Le seuil peut donc être apprécié dans un cadre différent de celui de l’entreprise, plus restreint ou plus large, ce qui peut aussi être une source de complexités juridiques pour le chef d’entreprise.

1.1.2        Des niveaux de seuils d’effectifs qui sont trop nombreux

Cent vingt-sept seuils sur les cent quatre-vingt-dix-neuf recensés renvoient aux niveaux d’effectifs de onze, vingt, cinquante ou deux cent cinquante salariés.

Les autres seuils demeurent à d’autres niveaux, notamment de dix, vingt-cinq, cent, cent-cinquante ou deux cents salariés (voir tableau plus haut).

Par ailleurs, certains seuils sont très proches tout en étant distincts, ce qui est de nature à créer des confusions. A titre d’illustration, il coexiste des seuils à « moins de vingt salariés » et des seuils à « vingt salariés au plus », de même que des seuils à « moins de cinquante salariés » et d’autres à « cinquante salariés au plus ».

1.1.3        Des dispositifs de limitation des effets de seuils qui sont instables, partiels et hétérogènes

Pour fluidifier le franchissement des seuils d’effectifs en cas de croissance de l’entreprise, des dispositifs ont été mis en place, mais de manière très disparate.

a)      En matière de droit du travail 

En matière d’institutions représentatives du personnel (IRP)[63], le code du travail prévoit un délai d’un an pour la mise en œuvre des nouvelles obligations d’information-consultation du comité social et économique lorsque les seuils de cinquante et trois cent salariés sont atteints, en vertu des articles L. 2312-2 et L. 2312-34 du code du travail. Ce délai d’un an avait précédemment été introduit par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (article 23), à l’ancien article L. 2322-2 du même code pour le seuil de cinquante salariés et à l’ancien article L. 2325-14-1 par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi (article 22) pour le seuil de trois cent salariés.

Le code du travail ne prévoit pas de délais d’adaptation pour d’autres obligations, sauf exception. Par exemple, il prévoit un délai de trois ans pour mettre en œuvre l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (article L. 5212-4 du code du travail).

b)     En matière de prélèvements obligatoires

Des dispositifs pérennes ont été mis en place pour trois prélèvements obligatoires.

Un premier dispositif concerne le versement de transport à partir de onze salariés (articles L. 2531-2 et L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales) et la participation à l’effort de construction, à partir de vingt salariés (article L. 313-2 du code de construction et de l’habitation). Il consiste en une dispense (dite « gel ») des nouvelles obligations durant les trois ans suivant le franchissement du seuil, puis en une application progressive (dite « lissage ») des nouveaux prélèvements pendant les trois années suivantes. Au cours de cette période, l’employeur acquitte la contribution en appliquant un abattement dégressif. De 75 % la quatrième année, il passe à 50 % la cinquième et à 25 % la sixième année. La septième année, la contribution est due au taux normal. Le versement de transport, selon la comptabilité nationale, a représenté 8,5 Md€ de recettes en 2017. La participation à l’effort de construction a représenté 1,8 Md€ pour les entreprises.

Un autre dispositif pérenne a été prévu pour la fin du taux réduit au titre de la formation professionnelle à partir de onze salariés (articles L. 6331-15 et R. 6331-12 du code du travail). Il consiste lui aussi en un dispositif de gel, puis en un dispositif de lissage. Celui-ci diminue respectivement, pour les quatrième et cinquième années, le montant des rémunérations versées pendant l'année en cours d'un montant équivalent à 30 % puis 10 %. Ce prélèvement a représenté, selon les documents annexés à la dernière loi de finances, un montant de 5,2 Md€ de collecte légale pour les organismes collecteurs agréés en 2017.

L’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie avait également introduit des dispositifs successivement reconduits jusqu’en 2012. Son champ d’application recouvrait la participation au financement de la formation professionnelle (avant qu’elle ne dispose du dispositif pérenne précédemment mentionné), les cotisations sociales dues sur le salaire versé aux apprentis, la réduction « Fillon » sur les cotisations sociales, la déduction forfaitaire patronale sur les heures supplémentaires et la contribution au fonds national d’aide au logement. Il mettait en œuvre soit des dispositifs de gel limités à trois ans, soit des dispositifs de gel et de lissage sur six ans. Entre 2012 et 2015, les dispositifs de limitation des effets de seuils, en dehors des trois précédents à caractère pérenne, ont cessé d’exister.

L’article 15 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a de nouveau introduit des dispositifs de « gel » de trois ans pour une série de prélèvements fiscaux et sociaux pour la période de 2016 à 2018.

Il s’est appliqué à des dispositifs qui avaient été pris en compte dans le cadre de l’article 48 précité de la loi de modernisation de l’économie (la déduction forfaitaire patronale sur les heures supplémentaires et la contribution au fonds national d’aide au logement) et en a ajouté d’autres. Au total, il a englobé neuf régimes de prélèvements fiscaux ou sociaux :

-          l’exonération d’impôt sur les bénéfices des entreprises de moins de onze salariés dans les zones de revitalisation rurale (article 44 quindecies du code général des impôts) ;

-          la possibilité pour les sociétés employant moins de cinquante salariés d’opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes (article 239 bis AB du code général des impôts) ;

-          le crédit d'impôt au titre des primes d'intéressement pour les sociétés employant moins de cinquante salariés (article 244 quater T du code général des impôts) ;

-          l’exonération de CFE en faveur des sociétés coopératives agricoles qui emploient au plus trois salariés (article 1451 du code général des impôts) ;

-          le crédit de CFE en faveur des micro-entreprises employant au plus onze salariés situées dans une zone de restructuration de la défense (article 1647 C septies du code général des impôts) ;

-          l’abattement de cotisation de taxe sur les salaires pour les mutuelles employant moins de trente salariés (article 1679 A du code général des impôts) ;

-          le non-assujettissement des employeurs occupant moins de dix salariés au forfait social dû sur la prévoyance (article L. 137-15 du code de la sécurité sociale) ;

-          la déduction forfaitaire applicable en matière de cotisations sociales dues au titre des heures supplémentaires dans les entreprises employant moins de vingt salariés (article L. 241-18 du code de sécurité sociale) ;

-          le taux réduit et l’assiette minorée de la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL) pour les employeurs occupant moins de vingt salariés (article L. 834-1 du code de sécurité sociale).

Il est à noter que quelques prélèvements obligatoires n’ont jamais fait l’objet de tels dispositifs (par exemple les seuils applicables pour les cotisations sociales en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle : article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale). D’autres n’ont pas été repris dans le champ de la loi de finances pour 2016 (l’exonération totale de cotisations sociales pour les apprentis).

c)      Dans les législations autres que le droit du travail et les prélèvements obligatoires

Peu de dispositifs de limitation des effets de seuil existent.

Quelques exceptions peuvent être identifiées comme par exemple dans le code de commerce. A titre d’illustration, les articles L. 123-16 et L. 123-16-1 qui définissent les petites entreprises et les micro-entreprises sur la base de trois critères (le total du bilan, le montant net du chiffre d'affaires ou le nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice) disposent que « lorsqu'une entreprise dépasse ou cesse de dépasser deux de ces trois seuils, cette circonstance n'a d'incidence que si elle se produit pendant deux exercices consécutifs ».

1.2.  Le cadre européen

La recommandation européenne du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises [notifiée sous le numéro C(2003) 1422] prévoit que la catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de deux cent cinquante personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros. Dans la catégorie des PME, une petite entreprise y est définie comme une entreprise qui occupe moins de cinquante personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'euros et une microentreprise comme une entreprise qui occupe moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros.

L’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité reprend les critères fixés par cette recommandation pour définir les différentes catégories d’entreprises.

Ces textes comportent également un dispositif de limitation des effets de seuils : aux termes de celui-ci, lorsqu'une entreprise, à la date de clôture des comptes, constate un dépassement dans un sens ou dans un autre et sur une base annuelle, des seuils de l'effectif ou des seuils financiers, cette circonstance ne lui fait acquérir ou perdre la qualité de moyenne, petite ou microentreprise que si ce dépassement se produit pendant deux exercices consécutifs.

Dans la législation nationale, plusieurs régimes juridiques renvoient à la définition de la PME prévue par ces textes européens ou en reprennent les critères lorsqu’ils sont ciblés sur cette catégorie d’entreprises de moins de deux cent cinquante salariés. Il s’agit notamment de plusieurs dispositifs en matière fiscale[64] et un en matière sociale pour l’exonération de contribution patronale[65].

Toutefois, une réflexion a été récemment engagée concernant la définition des seuils d’effectif au niveau européen.

Enfin, les obligations comptables prévues dans le code de commerce sont principalement issues de la directive comptable n° 2013/34/UE du 26 juin 2013, laquelle prévoit des régimes distincts en fonction de la taille des entreprises. L’article 3 de la directive introduit ainsi plusieurs catégories d’entreprises et de groupes qui tiennent compte, entre autres critères, du nombre moyen de salariés au cours de l’exercice. Aucune méthode n’est indiquée pour calculer le nombre moyen des salariés, sauf sur deux points (paragraphe 10 de l’article 3):

-          le dépassement des seuils doit être apprécié à la date de clôture de l’exercice ;

-          le dépassement de seuil n’a d’incidence que s’il se produit deux exercices consécutifs.

2.         Nécessité de légiférer Et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

2.1.1        La nécessité d’harmoniser le mode de calcul des effectifs

L’atteinte d’un seuil d’effectif peut être complexe à apprécier au vu des règles qui diffèrent selon la législation concernée. Aux fins de simplification de la vie des entreprises et des administrations elles-mêmes, une harmonisation du mode de décompte des effectifs s’avère indispensable.

Or, dans plusieurs législations (notamment la législation fiscale et le code du travail), la période ou date de référence pour le calcul de l’effectif salarié est fixée au niveau de la loi. Des dispositions législatives sont donc nécessaires pour définir une période de référence harmonisée sur laquelle un effectif pourrait être calculé.  

2.1.2        La nécessité de rationaliser les seuils d’effectif

Les seuils d’effectif constituent un environnement juridique complexe et illisible pour les entreprises, en partie du fait de leur multiplicité. Certaines mesures de niveau législatif sont indispensables pour les rationaliser et les regrouper, autant que possible, en se fondant sur les niveaux de onze, cinquante ou deux cent cinquante salariés.

Une intervention législative permettrait de:

-          regrouper ceux se situant à des niveaux proches ;

-          réduire, autant que possible, le nombre de seuils de vingt salariés ;

-          supprimer les autres seuils intermédiaires.

2.1.3        La nécessité de limiter les effets de seuils avec un mécanisme unifié et pérenne

Les seuils d’effectifs sont de nature à générer des effets de distorsion sur la taille des entreprises, ce que confirment plusieurs études économiques.

Tout d’abord, les travaux de Lagarde (2005), conduits à partir des données fiscales, mettent en évidence d’importantes discontinuités dans la distribution des entreprises par effectif autour des seuils de 10, 20 et 50 salariés et laissent penser que les seuils pourraient avoir un effet important sur la dynamique de croissance des entreprises.

De même, une étude de l'institut allemand pour la recherche économique (Institut fur Wirtschaftsforschung/ IFO) a été consacrée à l'effet sur l'emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne (2015) dans le secteur manufacturier. Cette étude souligne que les entreprises françaises sont de plus en plus concentrées en-dessous des seuils sociaux correspondant aux dix, vingt, et cinquante  employés et relève notamment que « la part des entreprises avec 48 et 49 employés en France est 1,8 fois celle de la part correspondante en Allemagne » et que « le passage au-dessus du seuil social de 50 employés semble donc très clairement imposer des coûts additionnels aux entreprises françaises ».  Ces travaux montrent ainsi que les seuils ont une incidence significative sur l’évolution des entreprises : « les entreprises françaises sont 15% moins susceptibles de croître en taille d’effectif lorsqu’elles se retrouvent juste en-dessous du seuil de 50 employés. Cet effet peut être observé pour les entreprises avec 48 et 49 employés. Les entreprises françaises du secteur manufacturier avec un effectif de 47 employés ont une probabilité de croissance estimée à 38%. Cette probabilité baisse juste avant le seuil à seulement 25% (…). De tels effets de distorsion sont absents pour les entreprises allemandes dont l’effectif est entre 47 et 51 employés. La probabilité estimée de croissance de l'emploi chez les petites et moyennes entreprises manufacturières allemandes demeure relativement constante à des niveaux de 44 à 49% par taille des entreprises (…) Juste avant le seuil social de 50 employés, les entreprises [françaises] semblent augmenter leur investissement en capital productif pour absorber les barrières à l’emploi. »

Par ailleurs, une étude récente (2016) a été menée sur  les distorsions dues à la taille d’entreprise et la distribution de la productivité [66]  relativement au seuil de cinquante  salariés, sur une période observée de 1995 à 2007. Cette étude estime que le passage de seuil de cinquante  salariés représente une augmentation du coût du travail par travailleur non négligeable et variable selon les secteurs (de 0,8% dans les services aux entreprises à 3,5% dans les transports). Elle met également en évidence une concentration d’entreprises avant le seuil de 50 salariés en France, qui n’existe pas aux Etats-Unis.

Or, la France est marquée par une sur-représentation des micro-entreprises et un relatif déficit d’entreprises de taille intermédiaire et de grandes entreprises. Au sein des PME, la France compte, relativement à l’Allemagne, davantage d’entreprises employant moins de 10 personnes et moins d’entreprises employant entre 10 et 249 personnes. Par ailleurs, la croissance des effectifs est un phénomène rare. A cet égard, entre 2009 et 2013, 7% des entreprises pérennes employant entre dix  et deux cent quarante-neuf  salariés ont connu une croissance d’au moins 2% par an pendant au moins 3 des 4 années.

Il est donc important de mettre en œuvre une mesure forte pour remédier aux effets de seuil et enclencher une dynamique de croissance qui permettrait de se rapprocher davantage du tissu économique allemand. Le rapport Attali a estimé que « les seuils sociaux constitu[ai]ent (…) un frein à la croissance et à la création d’emploi. À titre d’exemple, le passage de 49 à 50 salariés entraîn[ait] (…) l’application de 34 législations et réglementations supplémentaires dont le coût représent[ait] 4 % de la masse salariale ». Il a en conséquence suggéré de « simplifier l’ensemble des obligations supplémentaires résultant du simple franchissement des seuils de 10 et 50 salariés »[67]. Le rapport Gallois a à son tour (2012) souligné combien les effets de seuil bridaient l’émergence d’entreprises de taille intermédiaire[68]. Enfin, la Commission européenne, dans l’exercice du Semestre européen, est à plusieurs reprises revenue sur le sujet, constatant que les seuils ont des effets négatifs sur l’économie française, et invitant les pouvoirs publics à y remédier[69].

A cet égard, les dispositifs actuellement en vigueur de limitation des effets de seuil ne sont pas satisfaisants.

Comme indiqué précédemment (voir point 1.1.3), ceux qui sont pérennes sont rares. Ceux qui ont été introduits de manière temporaire jusqu’au 31 décembre 2018 par la loi de finances pour 2016 ne couvrent que neuf régimes juridiques. En matière de prélèvements obligatoires, les dispositifs pérennes s’étalent sur une période de six années, alors que ceux qui sont temporaires sont plus courts sur des périodes de trois ans. En parallèle, beaucoup d’obligations générées par l’atteinte d’un seuil d’effectif ne sont accompagnées d’aucune mesure de limitation d’effet de seuil.

Au total, la situation actuelle produit un environnement peu lisible et le champ restreint des dispositifs de limitation des effets de seuil affaiblit leur portée.

 L’évolution des comportements des entreprises à l’approche d’un seuil et le développement de stratégies de croissance à moyen et long terme impliquent de créer un environnement simple, cohérent et  stable.

Il est donc nécessaire de prévoir un mécanisme unifié et pérenne de limitation des effets de seuils.

A cette fin, il doit s’étaler sur une période qui permet de s’assurer d’une croissance durable ou de prioriser le développement de l’entreprise avant la mise en œuvre de nouvelles obligations. Une durée comparable à celles prévues par les dispositifs en vigueur pour le versement de transport, la participation à l’employeur à l’effort de construction ou la contribution à la formation professionnelle continue (six ans pour les deux premiers et cinq années pour le troisième) devrait être étendue ou généralisée. Elle faciliterait la croissance des entreprises en étant appliqué à de nouveaux régimes juridiques, tout en introduisant une règle de franchissement qui ne serait pas moins favorable au dispositif en vigueur prévu pour les trois versements précités. 

Par ailleurs, le taux de pérennité (hors du régime du micro-entrepreneur) des entreprises créées en 2010 s’établit à 72 % au bout de trois  ans et à 60 % après cinq ans. Ainsi, 40% des entreprises disparaissent au bout d’un délai de 5 ans, ce qui démontre la fragilité d’un projet d’entreprise sur cette durée. Lorsqu’un projet de développement important (nouveau produit, nouveaux investissements) est engagé et fait croitre une entreprise, elle peut se trouver dans une situation de fragilité comparable à celle d’une entreprise nouvelle. Dans ce contexte, un dispositif de limitation des effets de seuil sur une période de cinq ans peut se justifier.

Une mesure sur cinq ans permettrait ainsi de protéger les entreprises dont la croissance est fragile et qui fluctuent autour d’un même seuil : elle garantirait que seules les entreprises qui ont durablement franchi un seuil soit contrainte à des obligations nouvelles. En même temps, pour celles qui ont un réel potentiel, elle lèverait l’anxiété et les freins psychologiques que les seuils génèrent dans l’esprit d’un chef d’entreprise. Elle leur donnerait aussi un délai pour consolider leur croissance avant de mettre en œuvre de nouveaux régimes juridiques.

2.2.  Objectifs poursuivis

Les dispositions envisagées visent à rendre les seuils d’effectif plus simples à apprécier et à remédier à l’anxiété que l’approche d’un seuil peut susciter auprès d’un chef d’entreprise.

La rationalisation des seuils d’effectif autour des seuils de onze, cinquante  et deux cent cinquante  salariés, avec une réduction des seuils de vingt salariés et une suppression des seuils intermédiaires, contribueront également à simplifier et rendre plus lisible l’environnement juridique des entreprises.

Enfin, un dispositif pérenne et unifié pour définir le franchissement de seuil vise à définir des règles stables et prévisibles favorisant le développement des entreprises.

L’ensemble de ces mesures seront de nature à lever les freins à l’embauche et à la croissance que les seuils d’effectifs peuvent générer.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Plusieurs options étaient ouvertes pour chacune des trois actions envisagées.

3.1.1        Pour l’harmonisation du mode de calcul des effectifs

Les différentes options qui étaient notamment ouvertes sont les suivantes :

-          un dispositif harmonisé sur la base des seuils d’effectif issus de la réforme du code du travail résultant de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;

-          un dispositif harmonisé sur le mode de calcul prévu par le code de la sécurité sociale et mis en œuvre dans le cadre de la déclaration sociale nominative ;

-          un dispositif harmonisé sur la base des définitions données par la recommandation de la commission européenne du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (notifiée sous le numéro C(2003) 1422).

3.1.2        Pour la rationalisation de seuils d’effectifs

Les deux options qui étaient notamment ouvertes sont :

-          un alignement sur les seuils du droit européen (dix, cinquante et deux cent cinquante salariés) ;

-          une simplification des seuils actuels de la législation française, en se fondant sur ceux de onze, cinquante et deux cent cinquante salariés et en cherchant à réduire le nombre de seuils au niveau de vingt salariés.

3.1.3        Pour la limitation des effets de seuils avec un mécanisme unifié

Plusieurs options pouvaient être envisagées à savoir :

-          la généralisation des dispositifs de gel ou de lissage déjà existant dans la législation française ;

-          l’application du dispositif prévu dans la recommandation de la commission européenne selon lequel l’atteinte d’un seuil d’effectif n’a d’incidence que s’il s’est produit pendant deux années consécutives ;

-          l’application d’un dispositif prévoyant une période transitoire plus longue, selon laquelle l’atteinte d’un seuil d’effectif n’a d’incidence que s’il s’est produit pendant cinq années consécutives.

3.2.  Option retenue

3.2.1        Pour l’harmonisation du mode de calcul des effectifs

Les dispositions envisagées prévoient une harmonisation à partir du mode de décompte du code de la sécurité sociale car il peut être considéré comme le plus favorable aux entreprises et est donc le plus facilement applicable à d’autres législations. De plus, l’harmonisation sur le mode de décompte du code de la sécurité sociale facilitera la vie des entreprises. En effet, ce mode de décompte est celui utilisé dans le cadre de la déclaration sociale nominative (DSN)[70], qui est obligatoire depuis le 1er janvier 2017 pour toutes les entreprises. Celle-ci est un fichier généré par le logiciel de paye de l’employeur à partir des données qu’il saisit pour la rémunération de ses salariés. Elle doit permettre un décompte automatique des effectifs[71].

Les dispositions envisagées visent à reprendre les principales caractéristiques du mode de calcul prévu par le code de la sécurité sociale au sein d’un article législatif (nouvel article L. 130-1). L’effectif de l’entreprise correspondra à une moyenne appréciée sur l’année civile précédente. Demeurent au niveau réglementaire la détermination des catégories de personnes incluses dans cet effectif ainsi que les modalités de leur décompte. Les dispositions réglementaires actuellement en vigueur du code de la sécurité sociale seront toutefois modifiées pour que les mandataires sociaux du régime général ne soient plus pris en compte. Le mode de calcul ainsi retenu garantira la neutralité du statut de l’entreprise dans le décompte de l’effectif (les règles seraient les mêmes quelle que soit l’affiliation sociale du dirigeant) et correspondra à la règle habituellement retenue dans les autres législations (notamment code général des impôts, code du travail, code de commerce) pour cette catégorie.

Ce dispositif s’appliquera tout d’abord aux dispositions du code de la sécurité sociale qui prévoient un seuil d’effectif.

Le projet de loi prévoit également son application :

-          à l’obligation d’immatriculation des entreprises artisanales (article 19 de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996) ;

-          au code du tourisme pour les seuils d’effectifs prévus pour les dispositions en matière de chèques-vacances (articles L. 411-1 et L. 411-9) ;

-          à certaines dispositions du code du travail concernant la contrepartie sous forme de repos obligatoire aux heures supplémentaires (article L. 3121-38), le calcul de l’effectif pour la mise en œuvre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (article L. 5212-1), l’exonération de cotisations sociales en matière d’apprentis (article L. 6243-2) ou l’abondement du compte personnel de formation à la suite d’obligations non satisfaites en matière d’entretien professionnel (articles L. 6315-1 et L. 6323-13) ;

-          aux dispositions du code général des collectivités territoriales en matière de versement de transport (articles L. 2333-64 et L. 2531-2) ;

-          au code de l’environnement pour le seuil d’effectif de vingt salariés prévu pour les aides du fonds de prévention des risques naturels majeurs (article L. 561-3) ;

-          au code de la construction et de l’habitat pour la participation de l’employeur à l’effort de la construction (article L. 313-1).

Il est à noter que le code de la sécurité sociale s’appliquait déjà au seuil d’effectif relatif au versement de transport et à la participation à l’effort de construction. Toutefois, jusqu’à présent, le principe en était fixé au niveau réglementaire. Le projet de loi le relève au niveau législatif. Cette évolution tient au fait que le mode de décompte et la règle de franchissement de seuil sont désormais associés à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et que la règle de franchissement devait être fixée au niveau législatif.

Sont également créé s de nouveaux  articles L. 1231-7, L. 4228-1, L. 4461-1 et L. 4621-2  dans le code du travail pour que l’article L. 130-1 puisse s’appliquer aux seuils du code du travail de niveau réglementaire suivants :

-          obligation de transmission dématérialisée à pôle emploi des attestations et justifications permettant au salarié d’exercer ses droits aux prestations (article R. 1234-9 du code du travail) ;

-          obligation de mise à disposition d’un local de restauration (articles R. 4228-22 et R. 4228-23 du code du travail) ;

-          obligation de désigner une personne tierce pour assurer la fonction de conseiller à la prévention hyperbare (article R. 4461-4 du code du travail) ;

-          obligation de tenir un document en matière d’adhésion au service de la santé au travail (article R. 4623-13 du code du travail).

L’application des dispositions envisagées à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale à la législation fiscale pourra être organisée à l’occasion des prochaines lois de finances.

Enfin, il n’est pas envisagé d’appliquer le dispositif harmonisé aux seuils d’effectifs résultant de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Il s’agit d’éviter de créer une instabilité juridique en remettant en cause ces dispositions très récentes.

3.2.2        Pour la rationalisation de seuils d’effectifs

Les dispositions envisagées privilégient les seuils de onze, cinquante et deux cent cinquante salariés actuellement existant en droit français, en essayant de réduire le nombre de seuils d’effectif au niveau de vingt salariés.

En effet, l’approche européenne retient le seuil de dix salariés, alors que la législation française privilégie le seuil de onze salariés : si elle avait été retenue, elle aurait impliqué de réduire un grand nombre de seuils d’effectif de onze à dix salariés, ce qui aurait été défavorable aux entreprises. Par ailleurs, les définitions européennes associent les critères d’effectif à des seuils financiers de chiffre d’affaires et de bilan, ce qui aurait conduit à une évolution importante des conditions d’assujettissement. Enfin, une réflexion a été engagée sur la définition des seuils au niveau européen et ceux-ci sont susceptibles d’évoluer.

Dans ce contexte, il est tout d’abord prévu de :

-          faire passer de « pas plus de dix » à « moins de onze salariés » le seuil en dessous duquel l’immatriculation au répertoire des métiers est obligatoire pour les activités artisanales (article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat) ;

-          faire passer de « plus de cinquante » à « cinquante ou plus » le seuil relatif à l’exonération de cotisations sociales à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales pour les salariés embauchés dans les zones de revitalisation rurale (article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale).

Il est ensuite  prévu de supprimer certains seuils à vingt salariés :

-          celui prévu à l’article L. 133-5-6 du code de la sécurité sociale pour le bénéfice du titre emploi service entreprise (TESE) : dans la mesure où 93 % des entreprises qui ont recours au service emploient trois salariés au plus et que 99 % d’entre elles emploient moins de dix salariés[72], ce seuil a un intérêt très limité.  

-          celui prévu à l’article L. 121-4 du code de commerce pour le statut du conjoint collaborateur du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée ou d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, sachant que ce seuil n’existe pas pour l’entreprise individuelle qui ouvre également droit au statut de conjoint collaborateur.

Dans le même temps, il est prévu de relever de vingt à cinquante salariés les seuils suivants :

-          celui qui met fin à l’application d’un taux réduit pour la participation au fonds national d’aide au logement (FNAL) (article L. 834-1 du code de la sécurité sociale) ;

-          celui à partir duquel s’applique la participation de l’employeur à l’effort de construction (articles L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation et   L. 235 bis du code général des impôts) ;

-          celui à partir duquel un règlement intérieur au sein de chaque entreprise ou établissement est obligatoire (article L. 1311-2 du code du travail).

Il est également prévu de supprimer le seuil de vingt-cinq salariés pour la dispense d’obligation d’un compte bancaire ou postal dédié au versement des fonds perçus en contrepartie de la cession des titres-restaurant lorsque l’employeur émet ses titres au profit des salariés (article L. 3262-2 du code du travail).

Il est enfin prévu de relever de deux cents à deux cent cinquante salariés les seuils suivants :

-          celui à partir duquel la mise en place d’un local syndical commun est obligatoire (article L. 2142-8 du code du travail) ;

-          celui à partir duquel la communication aux actionnaires des rémunérations versées aux dix personnes les mieux rémunérées est obligatoire (article L. 225-115 du code de commerce).

D’autres modifications ou regroupements de seuils pourront intervenir dans le code général des impôts à l’occasion des prochaines lois de finances.

3.2.3        Pour la limitation des effets de seuils avec un mécanisme unifié

Les dispositions envisagées privilégient la solution selon laquelle l’atteinte d’un seuil d’effectif n’a d’incidence que s’il s’est produit pendant cinq années consécutives. Cette nouvelle règle de franchissement de seuil est apparue comme la plus apte à protéger les entreprises dont l’effectif fluctue autour d’un seuil et à fluidifier la croissance des entreprises.

Si l’effectif de l’entreprise diminue et revient à un niveau inférieur au seuil, le seuil devrait à nouveau être atteint durant plusieurs années consécutives pour générer de nouveau l’obligation. Ce dispositif garantira ainsi que seules les entreprises qui ont durablement atteint un seuil sont assujetties à de nouvelles contraintes ou obligations.

Les dispositions envisagées seront plus adaptées que les dispositifs de « gel » et de « lissage » actuellement prévus en matière de prélèvement obligatoires. En effet, ceux-ci sont déclenchés par l’atteinte ou le franchissement du seuil, indépendamment du maintien ou non de l’entreprise à ce niveau d’effectif ou au-dessus. De plus, ils ne s’appliquent qu’une seule fois, soit du fait du texte lui-même [73] soit de son interprétation[74]. Ils sont donc peu protecteurs pour les entreprises dont l’effectif fluctue.

Les dispositifs de « lissage » présentent aussi deux autres inconvénients :

-          ils impliquent des calculs supplémentaires (à hauteur de 25 %, 50 % puis 75 % du nouveau prélèvement auquel l’entreprise est assujettie) et génèrent de nouvelles complexités ;

-          ils ne sont pas, par nature, adaptés à des obligations à caractère non financier.

La période de deux années consécutives prévue par le droit européen est apparue trop courte pour lever les freins psychologiques à la croissance des entreprises. Une incitation plus forte est nécessaire pour faire évoluer le tissu économique, influer sur les comportements et inciter davantage les entreprises à franchir les seuils d’effectif.

D’autres mesures pourront intervenir dans le cadre des prochaines lois de finances.

Par ailleurs, toujours dans un souci de stabilité juridique, il n’est pas envisagé d’appliquer ce mécanisme aux seuils d’effectif résultant de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Enfin, il est proposé que le nouveau seuil de cinquante salariés pour le règlement intérieur soit régi par l’article L. 2312-2 du code du travail. En effet, la mise en place du règlement intérieur requiert la consultation du comité social et économique. Il est donc plus cohérent de lui appliquer les mêmes dispositions que celles prévues pour cette instance en matière de seuils d’effectif, avec un délai d’adaptation d’un an lorsque le seuil de cinquante salariés est atteint pendant douze mois consécutifs.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Les dispositions envisagées modifient la partie législative du code de la sécurité sociale. Elles établissent un chapitre préliminaire au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale (nouvel article L. 130-1). Par ailleurs, elles modifient les articles L. 131-4-2, L. 133-5-6, L. 137-15, L. 241-18 et L. 834-1 du même code.

Les dispositions envisagées à L. 130-1 du code de la sécurité sociale s’appliqueront aux régimes de ce même code comportant un seuil d’effectif, à savoir :

-          la limitation à trois mois de la durée des contrôles des organismes de recouvrement des cotisations sociales pour les entreprises de moins de dix salariés[75] (article L. 243-13 du code de la sécurité sociale) ;

-          le non-assujettissement au forfait social pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance des entreprises employant moins de onze salariés (article L. 137-15 du code de la sécurité sociale) ;

-          le versement mensuel obligatoire des cotisations sociales le 15 du mois suivant la période de travail au titre de laquelle les cotisations sont dues pour les entreprises employant au moins onze salariés et la fin de la possibilité d'un versement trimestriel (articles R. 243-6 et R. 243-6-1 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’exonération de cotisations sociales à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin pour les entreprises occupant moins de onze salariés (article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale)

-          l’application d'une déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés (article L. 241-18 du code de la sécurité sociale) ;

-          la réduction générale renforcée sur les bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC pour les entreprises employant moins de cinquante salariés (articles L. 834-1, L. 241-13 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d’un taux réduit pour la participation au fonds national d’aide au logement (FNAL) aux entreprises employant moins de cinquante salariés (article L. 834-1 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d'un taux collectif pour les cotisations d'accident du travail et de maladie professionnelle aux entreprises employant moins de vingt salariés (article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale) ;

-          le seuil de cinquante salariés pour la détermination du taux du forfait social (article L. 137-16 du code de sécurité sociale) ;

-          l’exonération de cotisations sociales à la charge de l'employeur n’employant pas plus de cinquante salariés au titre des assurances sociales et des allocations familiales pour les salariés embauchés dans les zones de revitalisation rurale (article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale) ;

-          le versement mensuel obligatoire des cotisations sociales le 5 du mois (au lieu du 15) suivant la période de travail au titre de laquelle les cotisations sont dues par les employeurs d’au moins cinquante salariés (article R. 243-6 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d’un taux collectif pour les cotisations d’accident du travail et de maladie professionnelle pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle pour les entreprises de moins de cinquante salariés (article D. 242-30 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d'un taux mixte (collectif et individuel) aux entreprises employant moins de cent cinquante salariés pour le calcul des cotisations d'accident du travail et de maladie professionnelle (article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale et D. 242-30 du code de la sécurité sociale) ;

-          la majoration forfaitaire, sous conditions, du taux net collectif, dans la limite de 10% de la cotisation d’accident du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises d’au moins dix, d’au moins vingt et d’au moins trente-cinq salariés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (article D. 242-35 du code de la sécurité sociale).

-          l’obligation pour l'entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés de verser les cotisations afférentes à l'ensemble de ses établissements aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocation familiale (articles R. 243-6-3, L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale) ;

 

Elles s’appliqueront également à une série de seuils prévus dans d’autres codes (voir point 3.2.1).

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les dispositions envisagées ne modifient pas la législation nationale lorsque celle-ci renvoie au règlement n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 ou à la recommandation de la Commission européenne du 6 mai 2003 précités. Elles sont donc conformes avec ceux-ci.

Par ailleurs, les dispositions envisagées ne constituent pas une aide d’Etat, au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les mesures envisagées ne constituent pas des dérogations à l’économie générale du système de référence et ne peuvent donc être regardées comme des mesures sélectives.

La sélectivité d’une mesure doit, en principe, s’apprécier au moyen d’une analyse en trois étapes[76] :

-          dans un premier temps, il convient de définir le système de référence c’est-à-dire l’ensemble cohérent de règles[77] s’appliquant de manière générale sur la base de critères objectifs à toutes les entreprises relevant de son champ d’application, tel que défini par son objectif ;

-          dans un second temps, il faut déterminer si la mesure concernée constitue ou non une dérogation à ce système du fait qu’elle introduit des différenciations entre des entreprises se trouvant, au regard des objectifs intrinsèques du système, dans une situation factuelle et juridique comparable. Si la mesure concernée ne constitue pas une dérogation au système de référence, elle n’est pas sélective ; si elle constitue une dérogation au système de référence, elle est a priori sélective ;

-          Toutefois, si la mesure concernée, a priori sélective, est justifiée par la nature ou l’économie générale du système de référence, elle ne sera pas considérée comme sélective et ne relèvera pas du champ d’application de la réglementation des aides d’Etat.

Dans les deux dispositifs concernés par les mesures envisagées- le FNAL et la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) -, les mesures en cause ne constituent pas des dérogations au système de référence.

Le seul élément fondamental requis pour la qualification d’aide d’Etat est, en effet, le caractère dérogatoire de la mesure, dans sa nature même, par rapport à l’économie du système général dans lequel elle s’insère.

Comme l’indique l’avocat général Darmon dans ses conclusions sur l’affaire Sloman Neptun, « l’exemption «par la nature ou l’économie » du système montre bien qu’il est nécessaire d’identifier le caractère dérogatoire de la disposition litigieuse au regard, en quelque sorte, de la normalité juridique. »[78]  

Des mesures comportant un élément de spécificité (mesures dérogatoires) peuvent ainsi être considérées comme générales, lorsqu’elles « s’insèrent dans la logique interne du système » ou « constituent une dérogation justifiée au système général ».[79]

-          S’agissant du FNAL :

Etabli depuis 1971, le FNAL constitue un instrument financier dont la vocation est de mettre en commun des recettes de sources diverses pour les reverser aux organismes chargés de distribuer les aides (CNAF et CCMSA). Jusqu’au 31 décembre 2014, la contribution de l’employeur au FNAL comprenait une contribution de base et une contribution supplémentaire et les entreprises de moins vingt salariés étaient exonérées de cette deuxième contribution.

Le seuil d’effectifs a fait l’objet de diverses modifications, en 2008 pour lisser l’effet de seuil des entreprises atteignant ou dépassant le seuil, puis en 2015. Depuis cette date, l’ensemble des entreprises sont assujetties à une seule cotisation. La contribution au FNAL est due par tous les employeurs, quelle que soit la taille de l’entreprise. En revanche, le taux varie selon le nombre de salariés et l’activité de l’entreprise :

-          pour les employeurs occupant moins de vingt salariés ou ceux exerçant une activité agricole : la contribution au FNAL est due au taux de 0,10% sur la part des rémunérations limitées au plafond de la sécurité sociale (« taux réduit ») ;

-          pour les employeurs occupant plus de vingt salariés : la contribution au FNAL est due au taux de 0,50% sur la totalité des rémunérations (« taux normal »).

-          Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises opère les modifications suivantes :

-          il relève de 20 à 50 salariés le seuil d’effectif à partir duquel le taux normal s’applique ;

-          il prévoit que le seuil ne sera considéré comme franchi que lorsque l’effectif aura été atteint pendant 5 années civiles consécutives.

 

L’évolution des recettes du FNAL tirées des cotisations employeurs prend donc en compte la capacité contributive des employeurs. La fixation de la contribution des employeurs au FNAL répond à des déterminants complexes, qui prennent en compte l’ensemble des contributions collectées au regard de l’intégralité du financement des prestations d’aide au logement. En s’ajustant au contexte économique (volet recettes) et à la réalité des besoins en matière d’aides au logement (volet dépenses), la contribution est en quelque sorte une variable qui s’insère dans la logique interne du système.

Les différences de traitement qui peuvent en résulter pour les PME par rapport aux autres entreprises sont ainsi inhérentes à la nature et à l’économie du système en question. Il ne s’agit pas de faire bénéficier les PME d’un avantage concurrentiel. L’objectif du système est d’assurer de manière équitable le financement des dispositifs d’accès au logement, notamment à l’égard des PME.

A cet égard, l’avocat général Darmon écrivait dans ses conclusions mentionnées ci-dessus que « la notion de dérogation permet, à notre sens, bien plus que l’identification de bénéficiaires spécifiques, de distinguer entre les aides et ces mesures générales de politiques économiques et sociales ».[i]

-          S’agissant de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) :

En 1953, le législateur a généralisé la démarche volontaire de certains employeurs en faveur du logement de leurs salariés, en imposant aux entreprises de contribuer au financement de la construction à hauteur de 1 % de la masse salariale. Ce taux n’est plus que de 0,45 % depuis 1991. Le « 1 % Logement » a été renommé « Action logement » par les partenaires sociaux à partir de 2009.

Le taux est appliqué au montant total des rémunérations imposables (salaires, cotisations salariales, primes, gratifications, indemnités, etc.) et avantages en nature versé au personnel au cours de l'année N-1, correspondant à la base de calcul des cotisations de sécurité sociale. Depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, le seuil d’effectif fait l’objet d’un dispositif de lissage sur six ans.

Le raisonnement tenant à la généralité de la mesure trouve ici aussi à s’appliquer.

Cette mesure ne constitue pas une mesure dérogatoire, puisqu’elle s’applique à toutes les entreprises ou à tous les secteurs qui, compte tenu de la nature ou de l’économie du système, seraient susceptibles d’en bénéficier.[80]  

En conclusion, les conséquences qui résultent de la fixation de seuils et de leur modulation, tenant à la différence de contributions des PME par rapport au reste des entreprises, ainsi qu’à l’éventuelle perte de ressources pour les opérateurs chargés de collecter les fonds, sont inhérentes à ces régimes et ne constituent pas un moyen d’accorder aux entreprises concernées un avantage déterminé.[81]

Examinant la question de la sélectivité d’une mesure, l’avocat général M. Marco Darmon, dans ses conclusions rendues le 25 novembre 1992 sur l’affaire « Petra Kirsammer-Hack » (affaire C-189/91), concernant que le non-assujettissement d'une catégorie d'entreprises au régime de protection contre les licenciements abusifs (ayant pour effet que les entreprises ne sont pas tenues de verser des indemnités en cas de licenciement social injustifié), rappelle qu’en ce qui concerne la position de la Commission en matière d’aide aux petites et moyennes entreprises, il y a lieu d’indiquer qu’en raison de leur importance pour la solidité du tissu industriel et le maintien d’un certain niveau d’emploi, celles-ci bénéficient d’un a priori favorable. Leur rôle prépondérant du point de vue économique, social et de l’emploi a déjà été mis en avant par la Commission (rapport de recherche sur le droit du travail et les relations professionnelles dans les petites et moyennes entreprises dans les Etats membres de la Communauté, Luxembourg, 1988, p.51). Et l’avocat général de rappeler que favoriser la création et l’essor de telles entreprises peut en conséquence être considéré comme un objectif communautaire (voir à cet égard la décision du Conseil du 28 juillet 1989 relative à l’amélioration de l’environnement des entreprises et à la promotion du développement des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises dans la Communauté, JO L 239).

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Les dispositions envisagées relèvent de vingt à cinquante salariés le seuil à partir duquel le taux normal s’applique pour la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL) et celui à partir duquel l’employeur doit participer à l’effort de construction. Par ailleurs, la nouvelle règle de franchissement de seuil leur sera applicable. Ces évolutions sur ces deux dispositifs réduiront le coût du travail d’un montant de près de 500 M€ par an en année pleine, qui sont également de moindres recettes pour les finances publiques (cf. la section 4.2.3 sur les impacts budgétaires).

À ce titre, ces mesures sont susceptibles d’occasionner des effets positifs sur l’emploi et l’activité. Ces effets se manifestent à travers plusieurs canaux. D’une part, il existe une relation négative entre le coût du travail et l’emploi mise en évidence par la littérature économique[82]. Ainsi, les entreprises sont encouragées à embaucher davantage de salariés, entraînant des effets favorables sur l’activité via une hausse de pouvoir d’achat des ménages. D’autre part, la baisse du coût du travail améliore la compétitivité-coût de l’économie française vis-à-vis des autres pays, ce qui stimule les exportations, donc l’activité et l’emploi.

D’après le modèle Mésange[83], qui prend en compte l’ensemble de ces mécanismes ces mesures créeraient environ 7 000 emplois à long terme, et auraient également un impact favorable sur l’activité.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Le mode de décompte de la sécurité sociale est déjà appliqué à de nombreux seuils.

Il s’applique déjà tout d’abord à la plupart des seuils existant dans le code de la sécurité sociale et qui sont :

-          la limitation à trois mois de la durée des contrôles des organismes de recouvrement des cotisations sociales pour les entreprises de moins de dix salariés[84] (article L. 243-13 du code de la sécurité sociale) ;

-          le non-assujettissement au forfait social pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance des entreprises employant moins de onze salariés (article L. 137-15 du code de la sécurité sociale) ;

-          le versement mensuel obligatoire des cotisations sociales le 15 du mois suivant la période de travail au titre de laquelle les cotisations sont dues pour les entreprises employant au moins onze salariés et la fin de la possibilité d'un versement trimestriel (articles R. 243-6 et R. 243-6-1 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’exonération de cotisations sociales à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin pour les entreprises occupant moins de onze salariés (article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale)

-          l’application d'une déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés (article L. 241-18 du code de la sécurité sociale) ;

-          la réduction générale renforcée sur les bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC pour les entreprises employant moins de cinquante salariés (articles L. 834-1, L. 241-13 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d’un taux réduit pour la participation au fonds national d’aide au logement (FNAL) aux entreprises employant moins de cinquante salariés (article L. 834-1 du code de sécurité sociale) ;

-          l’application d'un taux collectif pour les cotisations d'accident du travail et de maladie professionnelle aux entreprises employant moins de vingt salariés (article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’exonération de cotisations sociales à la charge de l'employeur n’employant pas plus de cinquante salariés au titre des assurances sociales et des allocations familiales pour les salariés embauchés dans les zones de revitalisation rurale (article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale) ;

-          le versement mensuel obligatoire des cotisations sociales le 5 du mois (au lieu du 15) suivant la période de travail au titre de laquelle les cotisations sont dues par les employeurs d’au moins cinquante salariés (article R. 243-6 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d’un taux collectif pour les cotisations d’accident du travail et de maladie professionnelle pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle pour les entreprises de moins de cinquante salariés (article D. 242-30 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’application d'un taux mixte (collectif et individuel) aux entreprises employant moins de cent cinquante salariés pour le calcul des cotisations d'accident du travail et de maladie professionnelle (article D. 242-6-2 du code de la sécurité sociale et D. 242-30 du code de la sécurité sociale) ;

-          la majoration forfaitaire, sous conditions, du taux net collectif, dans la limite de 10% de la cotisation d’accident du travail et des maladies professionnelles pour les entreprises d’au moins dix, d’au moins vingt et d’au moins trente-cinq  salariés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (article D. 242-35 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’obligation pour l'entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés de verser les cotisations afférentes à l'ensemble de ses établissements aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocation familiale (articles R. 243-6-3, L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale) ;

 

Il s’applique déjà à certains seuils en dehors du code de la sécurité sociale. Sont concernés :

-          l’assujettissement au versement de transport à partir du seuil de onze salariés (article s L. 2333-64 et 2531-2 du code général des collectivités territoriales) ;

-          la participation de l’employeur à l’effort de construction (article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitat).

Le seul élément qui sera modifié pour l’ensemble de ces régimes auxquels le mode de décompte de la sécurité sociale s’applique déjà sera le retrait des effectifs pris en compte des mandataires sociaux du régime général.

Toutefois, l’impact sera limité. En effet, le nombre d’entreprises dont l’affiliation obligatoire relève du régime général est de l’ordre de 450 000 environ. Le nombre potentiel d’entreprises susceptibles de passer sous les seuils de onze, vingt, cinquante ou deux cent cinquante salariés du fait de la mesure est évalué respectivement à 4101, 1672, 438 et 21 (soit un total de 6232 entreprises pour les quatre seuils).

Les dispositions envisagées prévoient d’appliquer le mode de décompte du code de la sécurité sociale à plusieurs régimes qui se référaient jusqu’à présent au code du travail. Il s’agit notamment des régimes suivants:

-          l’obligation d’immatriculation des entreprises artisanales (article 19 de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996) ;

-          les dispositions en matière de chèques-vacances (articles L. 411-1 et L. 411-9 du code du tourisme) ;

-          à certaines dispositions du code du travail concernant la contrepartie sous forme de repos obligatoire aux heures supplémentaires (article L. 3121-38), le calcul de l’effectif pour la mise en œuvre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (article L. 5212-1), l’exonération de cotisations sociales en matière d’apprentis (article L. 6243-2) ou l’abondement du compte personnel de formation à la suite d’obligations non satisfaites en matière d’entretien professionnel (articles L. 6315-1 et L. 6323-13) ;

Pour ces régimes, le retrait du mandataire social du régime général sera neutre, puisqu’il n’était pas pris en compte dans l’application du code du travail. La principale différence tiendra à la fin de la prise en compte des intérimaires dans l’entreprise utilisatrice.

En outre, il est estimé que l’impact de ce nouveau mode de décompte sur l’effectif moyen annuel calculé en année civile sera limité. Le taux de recours à l’intérim par rapport à l’effectif total est en effet assez peu élevé en valeur relative : 3% globalement, sans grande variation sur longue période (même s’il y a des disparités entre les secteurs : il peut monter jusqu’à 9% dans la construction et 12% dans la fabrication de matériel de transport, par exemple)[85]. La durée moyenne des missions reste quant à elle assez faible : 1,9 semaine[86].

En toute hypothèse, l’évolution sera favorable pour l’entreprise car elle est de nature à faire tendre à la baisse son effectif. Elle la protège donc de tout franchissement de seuil

En outre, les relèvements de seuils permettront d’alléger les obligations de nombreuses entreprises.

Environ 55 000 entreprises pourront bénéficier des relèvements de 20 à 50 salariés pour :

-          l’application d’un taux réduit pour la participation au fonds national d’aide au logement (FNAL) (art. L. 834-1 du code de sécurité sociale), en lien avec la   réduction générale renforcée sur les bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC  (art. L. 834-1, L. 241-13 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale) ;

-          l’exonération de participation de l’employeur à l’effort de construction  (art. L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation et 235 bis du code général des impôts).

Le seuil est également relevé de 20 à 50 salariés pour l’obligation d’un règlement intérieur . Mais ce relèvement vaudra essentiellement pour l’avenir, dès lors qu’il y a peu d’intérêt à renoncer à cette obligation quand elle a été mise en œuvre.

Environ 1 600 entreprises pourront bénéficier du relèvement de seuil de 200 à 250 salariés prévus pour la communication aux actionnaires des rémunérations versées aux 10 personnes les mieux rémunérées (art. L. 225-115 code de commerce).

Le même nombre d’entreprises est concerné par le relèvement de seuil concernant l’obligation d’un local commun syndical.

Enfin, la mise en place de la règle de franchissement en cinq ans est de nature à générer des créations d’emplois.

L’existence de « seuils », correspondant à des obligations (financières ou réglementaires) supplémentaires pour les entreprises en fonction de leur taille, peut constituer un frein à leurs perspectives de développement. Une étude récente a mis en évidence l’existence de seuils de cette nature en France[87] susceptibles de freiner la croissance des entreprises (cf. 2.1.3).

La petite taille des PME, leur jeune âge et/ou leur caractère innovant peuvent occasionner un certain nombre de défaillances de marché, susceptibles d’entraver leur croissance. La théorie économique permet d’identifier les défaillances de marché suivantes :

-          le recrutement de personnel qualifié. Celui-ci peut être marqué par des asymétries d’information entre l’entreprise et les candidats qualifiés. L’acquisition d’information par les candidats qualifiés sur les postes à pourvoir et leur qualité est moins aisée concernant les PME, cette acquisition d’information se faisant souvent par réseau, ce qui favorise les entreprises de plus grande taille. Le risque de moindre évolution et formation peut réduire l’attractivité des PME pour les jeunes cadres. Par suite, les PME peuvent craindre que les personnels recrutés, du fait de moindres possibilités de mobilité interne ou de formation par les pairs, quittent rapidement l’entreprise, ce qui peut décourager l’embauche ou, a minima, les efforts de formation de l’entreprise. En outre, le risque de cessation d’activité plus important pour les PME, conduisant à un risque de perte d’emploi du salarié plus élevé, réduit encore leur attractivité ;

-          l’accès aux financements externes. Les risques de défaillance plus élevés pour les PME, ainsi que leur moindre capacité à mobiliser du collatéral (surtout pour les PME disposant de peu d’actifs matériels) peuvent aussi rendre plus difficile leur accès au financement ;

-          les coûts administratifs représentent une part plus élevée des charges pour les PME, dans la mesure où ils incluent un coût fixe (par exemple, remplir un formulaire fiscal représente le même coût quel que soit le montant déclaré) et où les grandes entreprises peuvent bénéficier d’économies d’échelle en spécialisant certains salariés.

Ces différentes défaillances de marché peuvent se renforcer mutuellement (par exemple, la difficulté à lever des fonds propres peut empêcher le recrutement de personnel qualifié). Par ailleurs, les petites entreprises présentent un taux de cessation d’activité plus élevée que les entreprises plus grandes.

Ces défaillances de marché justifient certains régimes spécifiques pour les petites entreprises, et en particulier justifient d’alléger temporairement le coût administratif et financier associé au franchissement d’un seuil d’effectif, pour certains des seuils d’effectifs de 20 et 50 salariés.

 

10-19 salariés

20-49 salariés

50-99 salariés

100-249 salariés

250 salariés et plus

Total

Ensemble

124 851

57 828

14 730

9 266

4 972

211 647

Cessations

3 763

1 401

287

133

54

5 638

Taux

3,0%

2,4%

1,9%

1,4%

1,1%

2,7%

Source : BPCE publications 2017, correspondant aux cessations de l’année 2014.

Pour contrer les effets pervers des effets de seuils, des dispositifs complexes de gel et/ou de lissage ont vu le jour mais dans certains cas uniquement.

Les mesures prévues dans ce projet de loi créent une nouvelle règle de franchissement de seuil. Selon les données de l’ACOSS, un peu plus de quinze mille entreprises par an passeraient le seuil de onze salariés, et un peu plus de deux mille entreprises celui de cinquante salariés[88]. À ce titre, il s’agit à la fois d’une mesure de simplification et d’une mesure visant à libérer la croissance des entreprises, en leur laissant une période transitoire conséquente pour se développer. En outre, elle se traduit par une baisse de coût du travail pour les entreprises, qui continuent à s’acquitter de contributions réduites durant cette période de transition[89]. L’effet de l’extension des dispositifs de passage de seuil sur l’emploi n’a pas été évalué, mais ceux-ci seraient créateurs d’emplois[90].

4.2.3        Impacts budgétaires

L’évaluation budgétaire des augmentations de seuils a été ciblée sur les contributions sociales les plus significatives.

L’impact budgétaire du relèvement du seuil de la participation de l’employeur à l’effort de construction de vingt à  cinquante salariés est estimé à 280 M€ en 2019 et à 290 M€ en 2020, provenant d’une compensation intégrale par le Gouvernement du manque à gagner pour Action Logement. Les déclarations annuelles de données sociales  permettent en effet d’évaluer pour ces deux années l’assiette des entreprises concernées par la baisse de taux (les employeurs privés d’entreprises de vingt à quarante-neuf salariés) à un peu plus de 60 Mds€, qui bénéficie d’une baisse de taux de 0,45 %.

Le relèvement du seuil de déclenchement du taux normal de contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL) de vingt à cinquante salariés correspondrait pour sa part à une perte de recette de 190 M€ environ pour les finances publiques en année pleine. Ce coût correspond à une perte de recettes brutes de l’ordre de 230 M€, qui doit être minorée d’environ 40 M€ correspondant à une réduction des allègements généraux de cotisations employeur d’après le modèle Matis. En effet, dans la mesure où la contribution au titre du FNAL est intégrée dans les allègements généraux, l’élargissement du champ des entreprises bénéficiant du taux minoré de FNAL (0,10%, sur la rémunération dans la limite d’un plafond de sécurité sociale – le taux normal étant à 0,50% sur l’intégralité de la rémunération) se traduit par une diminution de ces allègements généraux (le taux maximum, appliqué au niveau du Smic, passe de 28,49% à 28,09%). Les déclarations annuelles des données sociales permettent d’évaluer l’assiette des entreprises concernées par la baisse de taux (les rémunérations sous le plafond de la sécurité sociale des employeurs privés et publics d’entreprises de vingt  à quarante-neuf salariés) à 60 Md€ environ, qui bénéficie d’une baisse de taux de 0,40%.

Concernant le nouveau dispositif visant à atténuer le passage des seuils, l’évaluation de ce coût est retracée dans le tableau ci-dessous pour les trois contributions principales concernées par le projet d’article. Ce chiffrage est réalisé toutes choses égales par ailleurs, dans le cas où la mise en place des mesures de transition entrerait en vigueur au 1er janvier 2019 et ne porterait pas sur les entreprises ayant franchi les seuils les dernières années, qui bénéficient déjà de modalités de transition (gel ou lissage) supposées inchangées.

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024 et suivantes

Versement transport

0

0

0

-15

-45

-30

PEEC (effort construction)

0

0

0

-5

-10

-10

FNAL (allocation logement)

-15

-30

-50

-65

-80

-80

TOTAL

-15

-30

-50

-85

-135

-120

Source : DG Trésor, 2018.

Note de lecture : les données sont exprimées en M€ en année pleine, en écart par rapport au coût des dispositifs existants.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

Le versement transport est une contribution due par tout employeur public ou privé dont l’entreprise atteint ou dépasse la taille de onze salariés. Il participe au financement des transports en commun en région parisienne et dans les communes ou groupements de communes de plus de 10 000 habitants ayant institué ce versement. Le versement transport est calculé sur l’ensemble des rémunérations soumises à cotisations de Sécurité sociale. Son taux  peut s’élever jusqu’à 2,95% en 2017, dans la Ville de Paris et les Hauts-de-Seine. En 2017, le taux apparent d’imposition au titre du versement transport s’élève à 1,285 %[91].

Les dispositions envisagées concernant les modalités de franchissement de seuil en cinq ans  décrites précédemment vont donc impacter défavorablement les recettes des collectivités territoriales, à hauteur des montants indiqués dans le tableau ci-dessus: il serait nul les trois premières années, correspondrait à une perte de 45 M€ la cinquième année avant de se stabiliser à une perte de 30 M€ en régime de croisière.

4.4.  Impacts sociaux

4.4.1        Prise en compte du handicap

La redéfinition et la simplification de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés doivent être une priorité du Gouvernement. Il s’agit de renforcer la mobilisation des partenaires sociaux et l’engagement des employeurs du secteur public et privé pour augmenter le taux d’emploi direct des personnes handicapées et lutter contre le chômage de ces personnes. L’impact du changement du mode de calcul a fait l’objet d’un développement au point 4.2.2.

Aux fins de simplification, il est prévu l’application du nouvel article L. 130-1 du code de la sécurité sociale pour le calcul de la proportion obligatoire de travailleurs handicapés dans l’effectif de l’entreprise ou l’établissement et du nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés

Ces mesures sont complémentaires de celles en cours d’élaboration dans le cadre du projet de loi  pour la liberté de choisir son avenir professionnel

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

5.1.1        Consultations obligatoires

La mesure a été, sur le fondement de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales[92], soumise à l’avis du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), qui a rendu un avis défavorable lors de sa séance du 13 juin 2018. Elle a également été , sur le fondement de l’article R*.361-2 du code de la construction et de l’habitat[93],, à l’avis du Conseil national de l’habitat (CNH), qui a rendu un avis défavorable lors de la consultation électronique du 28 mai au 1er juin 2018..

La mesure a par ailleurs été soumise à l’avis de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), sur le fondement de l’article L. 2271-1 du code du travail[94], lors de la séance du 12 juin 2018 (CFDT, CGT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC : défavorables ; MEDEF : favorable sauf pour les mesures sur l’emploi des travailleurs handicapés ; CPME : excusée ; U2P : favorable ; professions agricoles : favorables ; UNAPL : favorable). La mesure a aussi été soumise à l’avis du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), sur le fondement de l’article L. 4641-1 du code du travail[95], lors de la séance du 13 juin 2018 (CFDT, CFE-CGC, CFTC et CGT : défavorables ; MEDEF, CPME, CNMCCA/FNSEA et UNAPL : favorables).

Enfin, en application de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, le conseil d’administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a été consulté  le 30 mai 2018, compte tenu de l’impact de certaines dispositions envisagées sur les recettes sociales. Il a émis un vote majoritairement favorable sur cette disposition.

 

5.1.2        Consultations facultatives

Dans le cadre de la préparation du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, et conformément à l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration, cette mesure a été soumise à la consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018 sur www.pacte-entreprises.gouv.fr. 975 votes et 172 arguments ont été recueillis sur une proposition visant à « alléger les seuils, notamment sociaux et fiscaux, hors code du travail et simplifier ces mêmes seuils. Donner des délais aux entreprises pour les mettre en œuvre». 90,3 % des participants se sont prononcés en faveur de cette proposition.

En application de l’article L. 146-1 du code de l’action sociale et des familles, le Conseil national consultatif des personnes handicapées peut être consulté par les ministres compétents sur tout projet, programme ou étude intéressant les personnes handicapées. Les dispositions relatives à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés ont vocation à être soumises à son avis.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

La réforme entre en vigueur le 1er janvier 2019, à l’exception des dispositions relatives à l’emploi des travailleurs handicapés, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2020 par cohérence avec les dispositions du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Il est prévu que la règle de franchissement de seuil impliquant un dépassement pendant cinq années consécutives ne s’applique qu’aux entreprises qui ne sont pas encore assujetties au 1er janvier 2019 à l’obligation liée à ce seuil d’effectif.

Sont également exclues du champ d’application de cette règle les entreprises qui bénéficient des dispositifs de limitation des effets de seuils en vigueur avant le 1er janvier 2019 pour les dispositifs suivants :

-          l’assujettissement au versement de transport, à partir de onze salariés (articles L. 2531-2 et L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales) ;

-          la participation à l’effort de construction, à partir de vingt salariés (article L.313-2 du code de construction et de l’habitation) ;

-          le non-assujettissement des employeurs occupant moins de dix salariés au forfait social dû sur la prévoyance (article L. 137-15 du code de la sécurité sociale) ;

-          la déduction forfaitaire applicable en matière de cotisations sociales dues au titre des heures supplémentaires dans les entreprises employant moins de vingt salariés (article L. 241-18 du code de sécurité sociale) ;

-          le taux réduit et l’assiette minorée de la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL) pour les employeurs occupant moins de vingt salariés (article L. 834-1 du code de sécurité sociale).

 

L’obligation de mettre à disposition des sections syndicales un local commun (article L. 2142-8 du code du travail) continue par ailleurs à s’appliquer pendant une durée de cinq années à compter de l’entrée en vigueur de la loi pour les entreprises ou établissements de moins de deux cent cinquante salariés déjà soumis avant le 1er janvier 2019 à cette obligation.

5.2.2        Application dans l’espace

Les articles créés ou modifiés dans le code de la sécurité sociale s’appliquent en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion. En ce qui concerne les autres collectivités ultra-marines, la mesure est directement applicable à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. En revanche, elle ne l’est pas à Saint Pierre et Miquelon, en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s’applique également à Mayotte, sauf pour le V qui concerne les personnes relevant du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Il ne s’applique pas en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L’article L. 121-4 du code de commerce s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. L’article n’est pas applicable à Wallis-et-Futuna, à la Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

L’article L. 225-115 du code de commerce s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. Il n’est pas applicable à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. Une disposition a été prévue pour que la modification de cet article s’applique à Wallis-et-Futuna au sein de l’article spécifique relatif aux dispositions d’adaptation et d’extension dans les iles Wallis et Futuna des dispositions de la présente loi modifiant le code de commerce.

Les articles L. 411-1 et L. 411-9 du code de tourisme s’appliquent en Guyane et en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ils s’appliquent également à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, s’agissant de dispositions en matière de droit de la sécurité sociale. Ils ne s'appliquent pas en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. Il s’applique à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais n’est pas applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Il n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Les dispositions du code du travail s’appliquent en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ils ne s’appliquent pas à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

L’article L. 561-3 du code de l’environnement s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion, ainsi qu’à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il ne peut plus être modifié par l’Etat pour son application à Saint-Barthélemy. Il ne s’applique pas en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les territoires des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises.

L’article L. 313-1 du code de la construction et de l’habitat s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion. Il ne peut plus être modifié par l’Etat à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

5.2.3        Textes d’application

Des décrets (en Conseil des ministres, en Conseil d’Etat et simples) seront nécessaires pour mettre en cohérence et harmoniser les dispositions réglementaires avec le cadre législatif introduit par le projet d’article.

En effet, les dispositions envisagées nécessitent notamment les modifications suivantes de niveau réglementaire :

-          la réécriture de l’article R. 130-1, compte tenu de la création de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ;

-          l’abrogation de l’article 8 du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers qui prévoit un mode de calcul des effectifs fondé sur le code du travail ;

-          la modification de l’article R. 3262-20 du code du travail relatif à l’émission de titres-restaurant par l’employeur lui-même compte tenu de la modification de l’article L. 3262-2 du code du travail ;

-          l’abrogation des articles R. 121-3 et R. 121-4 du code de commerce qui régissent le seuil d’effectif pour le conjoint collaborateur du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée ou d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée ;

-          la modification des articles D. 2531-9 et D. 2333-91 du code général des collectivités territoriales pour tenir compte du renvoi à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale aux articles L. 2333-64 et L. 2531-2 modifiés ;

-          la modification de l’article R. 1321-5 du code du travail, compte tenu des modifications intervenues à l’article L. 1311-2 du code du travail concernant l’obligation d’un règlement intérieur ;

-          l’abrogation de l’article R.* 313-1 du code de la construction et de l’habitat du fait du renvoi à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale par l’article L. 313-1 modifié.

la modification du code du travail pour l’application des nouveaux articles L. 1231-7, L. 4228-1, L. 4461-1 et L. 4621-2 du code du travail afin que l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale puisse s’appliquer à certains seuils du code du travail de niveau réglementaire.

Des dispositions réglementaires pourront également renvoyer à cet article L. 130-1 pour qu’ils puissent s’appliquer à d’autres dispositifs (par exemple l’obligation d’une procédure spécifique de recueil des signalements des lanceurs d' alertes résultant de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et dont les modalités de calcul du seuil d’effectif sont fixées par le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l'Etat).

Des dispositions réglementaires pourront également prévoir les modalités d’application de certaines dispositions de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale aux seuils d’effectif du code de commerce.

Article 7 relatif à l’adaptation de la gouvernance de Business France dans le cadre de la réforme du dispositif d'accompagnement à l'export

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Business France est un EPIC (décret n°2014-1571 du 22 décembre 2014 modifié relatif à l’agence Business France) né le 1er janvier 2015 de la fusion par absorption de l’AFII par Ubifrance ; sous tutelle conjointe du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, du ministère de l’économie et des finances et du ministère de la cohésion des territoires. L’agence exerce trois métiers  afin de contribuer à la mise en œuvre des politiques publiques visant à promouvoir l’internationalisation de l’économie française : Export (développement international des entreprises françaises), Invest (valorisation et promotion de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers) et Procom (mise en œuvre d’une stratégie de communication visant à développer l’image économique de la France à l’international).

Le Premier ministre a annoncé, le 23 février dernier, une réforme du dispositif d’accompagnement à l’export, conduisant notamment à restructurer et rationnaliser l’intervention des acteurs concernés. En particulier, il est décidé au niveau national d’instituer et de mettre à disposition des régions un guichet unique, réunissant l’agence Business France et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), dont la mission sera d’identifier et de préparer les entreprises à l’export, notamment les primo-exportateurs. A l’étranger, la mission d’accompagnement à l’export sera également confiée à un opérateur unique qui pourra être soit Business France, soit un opérateur privé en fonction de critères objectifs (compétences, équipes, moyens).

En parallèle, les Ministres de tutelle (Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Ministre de l’Economie et des Finances et Ministre de la Cohésion des Territoires) ont également demandé, dans sa lettre de mission, à Pascal Cagni, président du CA de Business France, de mener une réflexion sur le sujet de la composition du CA.

Dans ce contexte, il est apparu nécessaire de revoir et d’adapter les outils de gouvernance de l’écosystème de l’export afin d’accompagner au mieux les objectifs souhaités par le Gouvernement pour un accompagnement renforcé des PME à l’export.

La gouvernance de Business France est actuellement prévue par le II de l’article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 modifiée pour l'initiative économique, qui dispose que : « Par dérogation à l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983[96] relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d'administration de l'agence est composé :

« 1° D'un député et d'un sénateur ;

« 2° De représentants de l'Etat ;

« 3° De représentants des régions ;

« 4° De représentants des organisations professionnelles et des réseaux consulaires ;

« 5° De personnalités qualifiées en matière de développement économique international ;

« 6° De représentants du personnel élus dans les conditions prévues au chapitre II du titre II de la loi du 26 juillet 1983 mentionnée ci-dessus. »

Cette composition du CA est issue de la modification de l’article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique  par l’ordonnance n° 2014-1555 du 22 décembre 2014 portant fusion de l'Agence française pour les investissements internationaux et d'UBIFRANCE, Agence française pour le développement international des entreprises.

La composition détaillée est par ailleurs fixée par l’article 7 du décret n° 2014-1571 du 22 décembre 2014 relatif à l'agence Business France.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Le conseil d'administration (CA) comporte ainsi actuellement six catégories différentes de représentants et 22 membres au total, ce qui ne parait pas adapté pour une structure à laquelle est confiée l’administration de l’agence (budget, audit, règlement intérieur, etc.).

Cette modification normative s’accompagnera d’autre part d’une réforme de la gouvernance de l’ensemble de l’écosystème export. Il est ainsi proposé de confier le pilotage de la réforme qui va s’engager à la demande du Gouvernement, selon une approche partenariale réunissant Business France, les CCI, les délégataires de la mission de service public à l’étranger, et les régions à une instance ad hoc, constituée à cette fin et réunissant l’ensemble des parties prenantes à sa mise en œuvre. L’institution de cette instance n’implique aucune modification législative.

Cette instance de pilotage rapportera au comité d’orientation stratégique de l’export présidé par le ministre chargé du commerce extérieur, instance stratégique réunissant plus largement l’ensemble des acteurs français de l’export, dont la pertinence est par ailleurs confirmée.

2.2.  Objectifs poursuivis

Dans le contexte de la réforme annoncée par le Premier Ministre, il est proposé de resserrer la composition du conseil d’administration de Business France, instance d’administration de l’opérateur, afin qu’elle réponde de la façon la plus efficiente possible à sa mission, ce qui implique :

-          dans un premier temps, la limitation de ses catégories de représentants composant le CA au niveau de la loi. Il est ainsi proposé de supprimer les parlementaires et les représentants des organisations professionnelles et des réseaux consulaires prévus par le II de l’article 50 de la loi n° 2003-721. Demeurent ainsi au CA uniquement les représentants de l’Etat, des régions, du personnel ainsi que des personnalités qualifiées, ces dernières permettant de faire siéger au CA des PME clientes de l’opérateur. C’est cette modification législative qui fait l’objet de la présente fiche ;

 

-          dans un second temps, la réduction même du nombre de ces membres au niveau du décret.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Pour resserrer la composition du CA, il est nécessaire à la fois de réduire le nombre de catégories (par la loi) et le nombre de représentants par catégorie (par le décret). Les deux mesures sont complémentaires.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article 50 de la loi 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique sera modifié.

Bien que cette disposition déroge à l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui encadre la composition des CA des EPIC, la modification proposée dans la présente fiche demeure en parfaite cohérence avec les règles de droit commun qui imposent que dans les EPIC, le CA doit comprendre a minima 3 catégories de membres : représentants de l’Etat, personnalités qualifiées et représentants des salariés.

4.2.  Impacts économiques et financiers

La réforme rendra l’écosystème d’accompagnement à l’export plus lisible et plus efficace pour les entreprises. La mesure sur la gouvernance de Business France est l’une des dispositions menées dans ce cadre.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

Les Régions resteront membres du CA de Business France. Cependant leur poids, défini par le décret, devrait être augmenté, aussi bien en valeur absolue que relative.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

Le resserrement de la composition du CA ne devrait pas engendrer de gain considérable compte tenu du fait que, selon le dernier alinéa de l’article 7 du décret 2014-1571 « Le président, le vice-président et les autres membres du conseil d'administration exercent leurs fonctions à titre gratuit. Ils bénéficient du remboursement de leurs frais dans les conditions prévues par la réglementation applicable aux fonctionnaires de l'Etat. »

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

5.1.1        Consultations obligatoires

Le comité d’entreprise de Business France  a été consulté lors de la réunion qui s’est tenue le jeudi 22 mars 2018.

5.1.2        Consultations facultatives

Pascal Cagni, président du conseil d’administration de Business France, à qui les Ministres de tutelle (Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Ministre de l’Economie et des Finances et Ministre de la Cohésion des Territoires) ont confié une réflexion sur ce sujet dans sa lettre de mission a été consulté.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

La présente mesure s’appliquera le lendemain de la promulgation de la loi.

5.2.2        Textes d’application

Le décret n° 2014-1571 du 22 décembre 2014 relatif à l’agence Business France devra être modifié.

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Article 8 relatif au passage de la durée des soldes de 6 à 4 semaines

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

En France, le dispositif actuel des soldes est le suivant :

-          12 semaines annuelles au total, réparties en deux périodes (hiver, été) de 6 semaines chacune.

-          les soldes d’hiver débutent le deuxième mercredi du mois de janvier et ceux d’été démarrent le dernier mercredi du mois de juin à 8 heures du matin, sauf dérogation. Ces dates peuvent être modifiées dans les conditions définies par l’article D.310-15-2 du Code du commerce. Des dates dérogatoires sont appliquées à certains départements frontaliers et en outre-mer :

-          Alpes-Maritimes (06) et Pyrénées-Orientales (66) : du mercredi 10 janvier au mardi 20 février 2018 ;

-          Meurthe-et-Moselle (54), Meuse (55), Moselle (57), Vosges (88) : du mardi 2 janvier au lundi 12 février 2018 ;

-          Guadeloupe (971) : du samedi 6 janvier au vendredi 16 février 2018 ;

-          Guyane (973) : du mercredi 3 janvier au mardi 13 février 2018 ;

-          La Réunion (974) : du samedi 3 février au vendredi 16 mars 2018 (soldes d'été) ;

-          Saint-Pierre-et-Miquelon (975) : du mercredi 17 janvier au mardi 27 février 2018 ;

-          Saint-Barthélemy (977) et Saint-Martin (978) : du samedi 5 mai au vendredi 15 juin 2018.

Les périodes de soldes s’appliquent au commerce physique, sur internet et à la vente à distance. Durant les soldes, seuls les produits présentés à la vente et payés depuis au moins trente jours peuvent faire l’objet de rabais et donc annoncés avec un « prix barré ». En outre, la revente à perte est autorisée conformément à l’article L.442-4 du code du commerce. Cela concourt à l'écoulement accéléré de marchandises en stock.

Le poids des soldes sur le chiffre d’affaires des commerçants est variable selon le secteur d’activité. Si les soldes représentent moins de 5 % des ventes dans les secteurs du jardinage, du bricolage et du jouet, ils pèsent 21 % dans le chiffre d’affaires du secteur de l’habillement, avec des disparités selon les circuits de distribution. En outre, les soldes représentent aussi une part importante du chiffre d’affaires des secteurs du meuble et de l’électroménager (20 à 25 %). Il convient de souligner que le secteur de l’habillement, qui représente plus de 70 % des achats des consommateurs, est particulièrement sensible aux soldes. Les marchés français de l’habillement et du meuble ont représenté respectivement des chiffres d’affaires d’environ 30 et 9,5 milliards d’euros en 2016[97]. Par ailleurs, selon l’Institut français de la mode, la part des soldes dans la consommation d’habillement, stable en 2016, a chuté de 7,1 % en 2017, tandis que celle des promotions a crû de 5,1 %[98].

La loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie avait institué une période complémentaire de soldes, en plus des deux périodes existantes qui s’étalaient précédemment chacune sur quatre semaines. Cette période complémentaire de soldes, appelée « soldes flottants », à l’initiative libre des commerçants, était d’une durée maximale de deux semaines, fractionnable en deux périodes d’une semaine. Toutefois, ces soldes flottants n’ont pas eu d’impact sur le niveau des ventes (à la hausse). En outre, après 2009, on a observé en pratique un mouvement de rattachement des soldes flottants aux soldes saisonniers pour allonger ces deux périodes classiques et bénéficier d’effets organisationnels. Ces constats ont conduit à la suppression du régime des soldes flottants par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Cette dernière a, en outre, modifié la durée des périodes de soldes pour les porter de quatre à six semaines chacune.

Or la pratique des ventes-privées qui commencent avant la date officielle des soldes et de promotions tout au long de l’année ainsi que la croissance du e-commerce tendent à amoindrir la visibilité de ces deux périodes annuelles des soldes. A titre d’exemple, des enquêtes menées par le réseau des Chambres de commerce et de l’industrie (CCI) ont permis de démontrer que 60% des commerçants parisiens et 74% des commerçants du centre-ville de Bordeaux ont réalisé des promotions ou des ventes privées avant les soldes d’hiver 2017. Toutefois, les périodes officielles de soldes restent attendues par une majorité de consommateurs et de commerçants. A ce titre, trois Français sur quatre ont fait des achats pendant les soldes d’été 2017.

1.2.  Eléments de droit comparé

S’il n’existe pas de réglementation européenne commune pour les soldes, les pratiques des différents pays d’Europe en la matière sont récapitulées dans le tableau ci-après :

Pays

Dates des soldes

Allemagne

L'été : commencent fin juillet/début août. 
L'hiver : commencent fin janvier/début février.
Pas de période de soldes réglementées. Les horaires d'ouverture des magasins ne sont pas les mêmes dans les différentes régions d'Allemagne.

Autriche

L'été : de juillet à août.
L'hiver : de janvier à février.
Pas de période de soldes réglementée.

Belgique

L'été : du 1er au 31 juillet

L'hiver : du 3 au 31 janvier.

Si le 3 janvier ou 1er juillet est un dimanche, la période de soldes débute la veille, le samedi.

Bulgarie

L'été : juillet et août
L'hiver : en janvier et février
Pas de période de soldes réglementées.

Chypre

Pas de période de soldes réglementées. Les magasins peuvent vendre en soldes à tout moment dans l'année. 

Croatie

L'été : en principe à partir du 1er juillet pour 60 jours maximum.
L'hiver : en principe à partir du 27 décembre pour 60 jours maximum.

Danemark

L'été : de début juin à fin août.
L'hiver : à partir du 27 décembre pour certains magasins, tout le mois de février pour les autres.

Espagne

L'été : entre début juillet et fin août.
L'hiver : généralement à partir du 7 janvier jusqu'au mois de mars.
Les dates varient selon les régions.

Estonie

Pas de période de soldes réglementées, généralement à la moitié ou en fin de saison.

Finlande

L'été : de mi-juin à début août.
L'hiver : généralement avant Noël jusqu'à début février.
Pas de période de soldes réglementées.

Grèce

Hiver : en principe à partir du deuxième lundi de janvier jusqu'à fin février
Printemps : du 1er au 10 mai.
L'été : à partir du deuxième lundi de juillet jusqu'à fin août.
L'automne : du 1er au 10 novembre. 
Pas de période de soldes réglementées.

Hongrie

Pas de période de soldes réglementées.

Irlande

L'été : de juin à juillet.
L'hiver : après Noël jusqu'à fin janvier.
Pas de période de soldes réglementées.

Italie

L'été : autour du 7 juillet pour 30 jours maximum.
L'hiver : autour du 7 janvier pour 30 jours maximum.
Les soldes sont réglementées différemment selon les régions.

Lettonie

Pas de période de soldes réglementées, généralement à la moitié ou en fin de saison.

Lituanie

L'été : à la fin de l'été.

L'hiver : après Noël, vers le 2 janvier.

Pas de période de soldes réglementées.

Luxembourg

L'été : mi ou fin juillet.
L'hiver : début janvier.

Deux périodes de soldes par an sont fixées chaque année par une loi.

Malte

Pas de période de soldes réglementées.

L'été : généralement de mi-juillet à fin août/début septembre.

L'hiver : généralement après Noël, jusque fin février. Des soldes peuvent avoir lieu toute l'année.

Pays-Bas

L'été : en août.

L'hiver : généralement en janvier.
Pas de période de soldes réglementées.

Pologne

L'été : de fin juin/début juillet à fin août/début septembre.

L'hiver : début janvier à mi-février.

Portugal

Pas de période de soldes réglementées. Elles ont généralement lieu après les saisons d'été et d'hiver et ne doivent pas dépasser 4 mois par an.

République tchèque

Pas de réglementation. En hiver, les soldes débutent généralement après Noël.

Roumanie

L'été : du 1er août au 15 octobre.

L'hiver : du 15 janvier au 15 avril.

Royaume-Uni

Pas de période de soldes réglementées. Les consommateurs peuvent acheter en soldes plusieurs fois par an. En pratique, les soldes d'hiver commencent souvent le 26 décembre, à l'occasion du "Boxing Day", qui est un jour férié.

Slovaquie

Pas de période de soldes réglementées. En pratique, les soldes débutent après Noël et après la saison d'été.

Slovénie

L'été : à partir du deuxième lundi de juillet.
L'hiver : à partir du premier lundi du mois de janvier.
Les soldes durent 60 jours maximum ; les commerçants décident de la durée des soldes de leur magasin.

Suède

L'été : les dates diffèrent en fonction des régions, mais en règle générale, les soldes commencent avant le milieu de l'été jusqu'à mi-juillet.
L'hiver : généralement à partir du 26 décembre. Pas de période de soldes réglementées.

Source : Toute l’Europe, https://www.touteleurope.eu/actualite/les-soldes-en-europe.html

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

2.2.  La durée des soldes étant fixée par la loi, aucune autre option que l’intervention d’une règle de droit nouvelle n’est envisageable pour modifier ladite durée.Objectifs poursuivis

L’objectif de la présente disposition est de prévoir la durée minimale et maximale des soldes par la loi, et de renvoyer au décret la fixation de la durée exacte des périodes dans les limites définies par la loi. De ce fait la durée de chaque période des soldes ne pourra être inférieure à trois semaines ni excéder six semaines.

Ce dispositif apportera davantage de souplesse et d’adaptabilité face aux évolutions rapides des habitudes de consommation et d’achat tout en conservant une durée maximale par période de soldes.

Le décret d’application de la présente disposition fixera la durée des prochaines campagnes de soldes à quatre semaines, en cohérence avec les annonces du Gouvernement faites à l’occasion du lancement des soldes d’hiver 2018, afin de concentrer les rabais sur un temps plus court, et de tenir compte des résultats de la concertation menée à l’automne 2017.

3.         Dispositif retenu

La présente disposition modifie l’article L. 310-3 du code du commerce et prévoit que la durée des périodes de soldes, jusqu’alors fixée à six semaines, est désormais comprise entre trois et six semaines. Elle renvoie à un arrêté le soin de déterminer, dans ces limites, la durée exacte des périodes de soldes.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

Les deux premiers alinéas du I de l’article L.310-3 du code de commerce devront être modifiés.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts sur les entreprises

La mesure envisagée, donnera plus de souplesse en vue de permettre aux acteurs économiques de s’adapter à leur nouvel écosystème marqué par l’essor du e-commerce (estimé à 17,2 % des ventes d’habillement par exemple) [99] et par la libéralisation des promotions ayant conduit notamment à la généralisation des ventes privées.

Elle permettra une meilleure gestion des stocks et des chiffres d’affaires additionnels pour les commerces, en dynamisant les ventes sur une période plus courte grâce à la hausse des flux de clientèle en magasins.

Cette mesure entrera en vigueur de manière différée en 2019, afin que les commerçants puissent adapter, en tant que de besoin, leur cycle d’approvisionnement et de vente.

4.2.2        Impacts budgétaires

En revivifiant le dispositif des soldes qui autorise la revente à perte et constitue un temps fort du commerce, la mesure doit permettre de générer des chiffres d’affaires plus élevés, ce qui est susceptible d’avoir un impact sur les finances publiques à travers les divers impôts et taxes prélevés.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

La réduction de la durée des soldes vise à redynamiser ce dispositif à fort enjeu notamment pour les commerces indépendants, qui sont principalement implantés en centres villes. Elle s’inscrit dans la démarche du Gouvernement de revitalisation commerciale des centres villes, en particulier dans les villes moyennes.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La diminution de la période des soldes ne semble pas de nature à modifier le nombre de contrôles des services déconcentrés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui devrait rester le même auprès d’un nombre équivalent d’opérateurs. Ces contrôles s’inscrivent de manière globale dans la programmation annuelle des enquêtes relatives aux opérations promotionnelles qui ont pour objet essentiel de vérifier la loyauté des prix pratiqués et de s’assurer de la réalité économique des rabais proposés. Le fait de réduire la période des soldes aura pour conséquence de concentrer dans le temps les contrôles inhérents à la loyauté de ces pratiques.

4.5.  Impacts sur les particuliers

Au cours des récentes campagnes de soldes, un recul de fréquentation a pu être observé au cours de la troisième semaine et s’est confirmé par la suite. Selon une enquête menée par la Chambre de commerce et de l’industrie de Paris[100], les soldes pâtissent d’un essoufflement au bout de la troisième semaine en raison de la concurrence parallèle des ventes privées ou promotions. En outre, les démarques importantes accordées par les professionnels dès la deuxième semaine réduisent rapidement les stocks et l’attractivité de l’offre.

Ainsi, la réduction de la durée des soldes vise à concentrer les rabais sur une période courte avec des démarques moins étalées dans le temps afin de susciter l’intérêt des consommateurs enclins à attendre la deuxième ou troisième démarque pour faire leurs achats.

5.         Modalités d’application

5.1.  Application dans le temps

Cette mesure entrera en vigueur au plus tôt six mois après la promulgation de la loi, de manière différée en 2019, afin que les commerçants puissent adapter, en tant que de besoin, leur cycle d’approvisionnement et de vente.

5.2.  Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités d’outre-mer.

5.3.  Textes d’application

 Un arrêté fixant la durée des soldes, à titre d’exemple quatre semaines prévues en 2019, devra être publié immédiatement après la promulgation de la loi.

 

 

1

 


Article 9 relatif au relèvement des seuils de certification légale des comptes

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Un commissaire aux comptes (CAC) est un professionnel inscrit sur une liste établie par le haut conseil du commissariat aux comptes. S la mission est de contrôler la sincérité et la régularité des comptes annuels établis par une société et pour cela de faire un audit comptable et financier. Acteur extérieur et indépendant de l’entreprise dont il certifie les comptes, il exerce une mission légale qui peut être imposée à l’entreprise selon la nature de celle-ci ou si elle dépasse certains seuils mais qui peut également être décidée volontairement par cette dernière.

La directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises prévoit, dans son article 34, le principe de la certification légale des comptes.

L’article 34 de cette directive n’impose pas aux petites entreprises, au sens du droit européen, la certification légale des comptes. Le droit européen n’étant pas sur ce sujet d’harmonisation maximale, les États membres sont autorisés à adopter des seuils nationaux plus bas que les seuils européens.

Ces petites entreprises, sont définies au 2 de l’article 3 de cette même directive :

-          une petite entreprise est une entreprise qui, à la date de clôture du bilan, ne dépasse pas les limites chiffrées d'au moins deux des trois critères suivants : 4 M€ de total du bilan ; 8 M€ de chiffres d’affaires hors taxe (CA HT) ; 50 salariés  seuils européens de référence ») ;

-          les États membres peuvent fixer des seuils supérieurs aux seuils prévus pour le total du bilan et le chiffre d’affaires dans la limite, respectivement, de 6 M€ et de 12 M€  seuils européens adaptés »).

L’article 34 de la directive impose en revanche aux « entités d’intérêt public », catégorie qui inclut les sociétés cotées et les entreprises du secteur de la banque et de l’assurance, de faire certifier leurs comptes, quels que soient leur chiffre d’affaires, le total de leur bilan, ou le nombre de leurs salariés.

Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice. Lorsqu'une personne ou une entité établit des comptes consolidés, les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes consolidés sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat de l'ensemble constitué par les personnes et entités comprises dans la consolidation.

Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration, du directoire ou de tout organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur la situation financière et les comptes annuels. Ils attestent spécialement l'exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social.

Les dispositions réglementant la profession de commissaire aux comptes sont rassemblées dans le Titre II du Livre VIII du code de commerce.

Principal changement récent pour la profession, la réforme européenne de l’audit, initiée par la Commission européenne en novembre 2011, a été publiée le 27 mai 2014 après trois années de négociations. Elle se compose de deux textes : i) une directive (2014/56/UE) révisant la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006 relative au contrôle légal des comptes et ii) un règlement (537/2014) fixant les exigences applicables à l’audit des entités d’intérêt public – EIP – (banques, compagnies d’assurance et sociétés cotées).

Modifiant en profondeur le cadre européen de l’activité de commissariat aux compte en réponse aux dysfonctionnements révélés par la crise financière, cette réforme vise à renforcer l’indépendance des auditeurs, à déconcentrer le marché de l’audit et, plus généralement, à améliorer la qualité de l’audit. Les principaux éléments de cette réforme sont :

i)                    la rotation obligatoire des cabinets d’audit tous les 10 ans avec une possibilité d’extension jusqu’à 20 ans en cas de mise en œuvre d’un appel d’offres et jusqu’à 24 ans en cas de co-commissariat aux comptes (système en vigueur en France) ;

ii)                 l’interdiction pour l’auditeur d’une société de fournir à celle-ci certains services non audit (notamment services de conseil) ;

iii)               la limitation des honoraires perçus par les cabinets pour la fourniture des services non audit autorisés (70% du total des honoraires) ;

iv)                le renforcement de la coordination entre les superviseurs nationaux d’audit au sein d’une nouvelle instance (comité européen des superviseurs d’audit – CEAOB) ;

v)                  la possibilité d’introduire des normes internationales d’audit (ISA – International standards on auditing) dans l’ordre juridique communautaire.

D’après le rapport de la mission de l’inspection générale des finances (IGF) sur la certification légale des comptes des petites entreprises françaises[101], 260 000 mandats de certification légale des comptes sont détenus en France par 9 600 commissaires aux comptes (sur les 13 000 inscrits au registre), pour un montant d’honoraires total de 2,5 Mds€. Les entreprises commerciales représentent 80 % de ces mandats (208 000 mandats).

 

L’audit des groupes de société

Il n'existe pas en droit français de régime juridique du groupe de sociétés. Le droit français des sociétés est fondé sur la société, personne morale prise individuellement. Ainsi, au sein d’un groupe, c’est au niveau de chacune des sociétés que sera appréciée l’obligation de désigner un commissaire aux comptes, en fonction du dépassement des seuils applicables ou de la nature de l’activité (par exemple si une telle société est une EIP). Il peut donc y avoir, au sein d’un groupe, autant de commissaires aux comptes que de filiales. Chaque commissaire aux comptes certifie uniquement les comptes individuels de la société qui l’a mandaté. Toutefois, dans la pratique, les groupes désignent fréquemment un même commissaire aux comptes pour la certification des comptes de la société mère et de ses filiales.

Cependant, l’on peut trouver des cas où aucune entité n’est certifiée, alors même que le cumul des critères au sein des entités composant l’ensemble dépasse les seuils, y compris européens. Aussi peu satisfaisant est le cas dans lequel certaines entités sont certifiées, y compris des filiales dont l’activité peut être résiduelle, alors que la mère ne l’est pas

Ces difficultés ne se posent pas pour les sociétés qui établissent des comptes consolidés en application de l'article L. 233-16 du code de commerce. Il s’agit des sociétés dépassant pendant deux exercices successifs deux des seuils suivants : 48 M€ de CA net[102], 24 M€ de total du bilan et 250 salariés. L'article L. 823-2 du code de commerce dispose que les personnes et entités astreintes à publier des comptes consolidés désignent au moins deux commissaires aux comptes. Les deux commissaires certifient alors, d’une part, les comptes sociaux de la société « consolidante » qui les a désignés, mais également les comptes consolidés (article L. 823-9 du code de commerce). On constate cependant que ces seuils de consolidation sont très élevés et bien au-delà des seuils européens de désignation des commissaires aux comptes. Le risque de contournement des seuils pour des petits groupes dont aucune entité n’excèderait à elle seule les seuils européens est donc particulièrement important.

 

1.2.  Éléments de droit comparé

Les seuils à compter desquels la certification légale est obligatoire (cf. supra) se trouvent sous les seuils de certification légale obligatoire du droit européen. Par ailleurs, ces seuils varient en France, selon les formes sociales.

 Comparaison des seuils France / Union européenne :

Forme sociale

Seuils nationaux

Seuils de la directive européenne 2013/34/UE

Société anonymes/sociétés en commandites par actions (SA/SCA)

Toutes

Unités légales dépassant deux des trois seuils suivants (« seuils européens de référence ») :

-          Total du bilan : 4 M€

-          CA HT1 : 8 M€

-          Effectifs : 50

Société à responsabilité limitée/ société en nom collectif / société en commandite simple

(SARL/SNC/SCS)

Unités légales dépassant deux des trois seuils suivants :

-          Total du Bilan : 1,55 M€,

-          CA HT[103] : 3,1 M€,

-          Effectifs : 50

Société par actions simplifiée

(SAS)

Unités légales dépassant deux des trois seuils suivants :

-          Total du bilan : 1 M€,

-          CA HT1 : 2 M€,

-          Effectifs : 20

Le marché français présente la particularité d’une concentration du marché plus faible que dans d’autres pays (part des « big seven [104] » - les sept plus grands groupes d’audit financier - : 26 % des mandats, contre 74 % pour les seuls « big four [105]» - les quatre plus grands - au Royaume-Uni, par exemple).

Dans ce cadre réglementaire, la part des entreprises françaises faisant l’objet d’un audit légal de leurs comptes se situe à un niveau (5,1 %) sensiblement plus élevé qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Espagne, et ce, malgré l’existence d’un tissu économique caractérisé par un nombre élevé de petites entreprises. Le seul pays d’Europe occidentale de taille comparable présentant à cet égard un niveau voisin de celui de la France est l’Italie. Ainsi, la part de la valeur ajoutée des entreprises qui est soumise à l’audit légal est de 77,4 % en France et 72,8 % en Italie contre 58,2 % en Allemagne et 52, 9% au Royaume-Uni.

Une étude réalisée par la Federation of European Accountants, Audit exemption thresholds in Europe en mai 2016 listait, pour l’ensemble des pays de l’Union, les seuls de désignation des auditeurs. Selon cette étude, les seuils applicables dans les principaux Etats membres sont les suivants :

 

Tableau des seuils applicables au sein de l'Union Européenne

Pays

Total du Bilan (€)

Chiffre d’affaires

Nombre d’employés

Autriche

5 000 000

10 000 000

50

Belgique

4 500 000

9 000 000

50

Danemark

537 000

1 075 000

12

4 837 000

9 674 000

50

Allemagne

6 000 000

12 000 000

50

Irlande

4 400 000

8 800 000

50

Italie

4 400 000

8 800 000

50

Luxembourg

4 400 000

8 800 000

50

Pays-Bas

6 000 000

12 000 000

50

Pologne

2 500 000

5 000 000

50

Portugal

1 500 000

3 000 000

50

Espagne

2 850 000

5 700 000

50

Suède

150 000

300 000

3

Royaume-Uni

6 541 000

13 082 000

50

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Les seuils à compter desquels la certification légale des comptes est obligatoire en France sont inférieurs aux seuils exigés par le droit européen. La mission IGF sur « La certification légale des comptes des petites entreprises françaises »[106] a montré que les effets observés de cette certification pour les petites entreprises n’apparaissent pas significatifs : l’effet de la présence d’un commissaire aux comptes sur la qualité de la base fiscale et sur la capacité des petites entreprises à se financer n’est pas démontré. À l’inverse, l’audit légal constitue une charge proportionnellement plus élevée pour les petites entreprises. L’IGF a donc recommandé que les seuils de certification légale soient rehaussés au niveau européen. Cette recommandation est cohérente avec les objectifs définis par le Gouvernement d’allègement des contraintes pesant sur les entreprises et de suppression des occurrences de sur-transposition du droit européen des affaires tels que formulés, entre autres, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact.

Une mesure de rehaussement des seuils à compter desquels la certification légale des comptes est obligatoire apparaît de nature à lever des contraintes pesant sur les petites entreprises. Les seuils à partir desquels l’audit légal est obligatoire étant définis par le code de commerce, il est nécessaire de légiférer.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’introduction de seuils pour les SA et SCA (associée à l’alignement par décret au niveau des seuils européens pour les SA, SCA, SARL, SAS, SNC et SCS) est une mesure d’harmonisation qui serait importante pour les petites entreprises car elle allègerait des contraintes de nature financière (cf. supra). L’audit légal étant une charge bien identifiée, la mesure, porteuse d’une véritable simplification, serait bien accueillie par les chefs d’entreprises. Cela, d’autant qu’elle n’empêcherait pas de recourir de façon volontaire aux services d’un commissaire aux comptes suivant les circonstances.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Niveau des seuils

-          Option 1 - alignement sur les seuils les plus bas : la certification légale obligatoire serait imposée aux unités légales dépassant deux des trois seuils suivants : 1 M€ de total du bilan, 2 M€ de CA, effectif de 20 personnes. Cette option est écartée par l’IGF car elle aurait pour effet d’étendre le champ de l’audit.

-          Option 2 - alignement sur les seuils SARL : la certification légale des SAS, SA et SCA serait obligatoire dès lors que deux des trois seuils suivants sont dépassé : 1,55 M€ de total du bilan, 3,1 M€ de CA, effectif de 50 personnes. Cette option est écartée par l’IGF qui indique que tout niveau autre que celui fixé par la directive serait contestable et que la question de sa mise à jour se poserait régulièrement. Or, toute mesure de simplification n’est efficace que si elle offre des garanties de stabilité dans la durée.

-          Option 3 (option retenue) : alignement des seuils de certification légale des SA, SCA, SAS, SARL, SNC, SCS sur le niveau des seuils européens de référence (cf. supra). L’IGF indique que, dès lors que l’objectif de la simplification est de favoriser le développement des petites entreprises, l’établissement des nouveaux seuils harmonisés aux niveaux fixés par la directive constitue le choix le plus rationnel.

-          Option 4 : alignement sur un seuil européen adapté (cf. supra) : écarté car le rehaussement des seuils à ce niveau n’apparaît avoir d’impact majeur d’après l’IGF.

 

Audit groupe

L’option étudiée et retenue  consiste en la création d’un audit de groupe, pour les ensembles échappant à l’exigence de certification légale des comptes. Il s’agirait alors qu’il soit procédé à la certification légale des comptes de la société-mère. En effet, l’exception à l’obligation d’établir des comptes consolidés peut permettre, pour des groupes de petite taille, d’échapper assez largement à l’obligation de faire certifier leurs comptes en filialisant leurs activités au sein de sociétés n’excédant pas les seuils de désignation. Des ensembles relativement importants, en termes de volume d’activité et d’emploi salarié, peuvent ainsi éviter toute intervention d’un commissaire aux comptes. Le rehaussement des seuils au niveau individuel aura pour effet de favoriser ce phénomène.

Certification des comptes des EIP

Afin d’éviter que des « entités d’intérêt public », constituées sous forme de société anonyme ou de société en commandite par actions, n’échappent à l’obligation de faire certifier leurs comptes du fait de l’introduction de seuils, il est nécessaire de prévoir une obligation générale pour ces entités de désigner un commissaire aux comptes. Cette disposition permet d’assurer la conformité des règles nationales au droit communautaire

 Modalités d’entrée en vigueur

Plusieurs options étaient envisageables en ce qui concerne l’entrée en vigueur, à partir de la date d’entrée en vigueur du décret définissant le niveau des seuils :

-          application immédiate de la remontée des seuils à l’entrée en vigueur du décret et fin des mandats en cours à cette date ;

-          application à l’entrée en vigueur du décret et poursuite des mandats en cours jusqu’à leur terme ;

-          application à une date postérieure à l’entrée en vigueur du décret et poursuite des mandats en cours jusqu’à leur terme.

Il a été choisi de retenir  la seconde option. Le rehaussement des seuils s’appliquera à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la publication du décret et au plus tard le 1er janvier 2019. Les mandats en cours à cette date se poursuivront jusqu’à leur terme.

4.         Impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impact sur l’ordre juridique interne

L’introduction d’un seuil à partir duquel le commissaire aux comptes intervient dans les sociétés anonymes nécessite des mesures techniques de coordination dans le code de commerce. La présence du commissaire aux comptes était, en effet, prise en compte aux différents moments de la vie de la société.

Les modifications du code de commerce, mesures de coordination incluses, portent sur les articles suivants : L. 225-7, L. 225-16, L. 225-26, L. 225-73, L. 225-100, L. 225-40, L.225-40-1, L.225-88-1, L. 225-135, L. 225-42, L. 225-90, L. 225-88, L. 225-115, L. 225-136, L. 225-138, L. 225-146, L. 225-177, L.225-197-1, L. 225-204, L. 225-209-2, L. 225-218, L. 225-231, L. 225-232, L. 225-235, L. 225-244, L. 226-6, L. 226-9, L.226-10-1, L. 227-9-1, L. 228-19, L.232-3, L. 232-19, L. 232-23, , L. 823-12-1, L. 950-1. En outre, deux nouveaux articles après l’article L. 823-2. Par ailleurs, un décret devra être pris pour fixer les seuils dont le principe sera prévu par la loi.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les mesures proposées visent à aligner les dispositions du droit national avec celles de l’article 34 de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impact macroéconomique

L’impact macroéconomique de la mesure consisterait principalement en un allègement de charge sur les petites entreprises (~600 M€ d’après la mission IGF[107]). Les effets sur la croissance conjoncturelle et structurelle de l’économie française n’ont en revanche pas été étudiés par la mission IGF mentionnée supra.

4.2.2        Impact sur les entreprises

a)      Impacts sur les petites entreprises

L’audit légal constitue une charge proportionnellement plus élevée pour les petites entreprises. Le temps nécessaire à la certification légale des comptes des entreprises soumises à l’audit légal mais situées en dessous des seuils européens de référence, la durée moyenne de la certification est de 64 heures, pour un montant moyen d’honoraires de 5 511 € d’après la mission IGF.

Le montant des honoraires est, pour ces petites entreprises, proportionnellement beaucoup plus élevé par rapport à leur chiffre d’affaires que pour les entreprises situées au-dessus des seuils européens :

L’impact d’une mesure d’harmonisation et de relèvement des seuils sera important pour les petites entreprises (~600 M€ d’après la mission IGF). Cela, d’autant qu’elle n’empêcherait pas de recourir aux services d’un expert-comptable lorsqu’un audit des comptes serait jugé nécessaire par l’une des parties prenantes, notamment à l’occasion de certains événements importants de la vie de l’entreprise, comme une demande de financement, une opération d’acquisition ou de cession, ou de désigner volontairement un commissaire aux comptes pour un mandat de certification de six exercices.

La disposition nouvelle prévoyant l’obligation pour les entités d’intérêt public de désigner un commissaire aux comptes n’a pas pour effet d’imposer à ces entités de nouvelles charges. Il s’agit en effet de maintenir des obligations existantes, en évitant que celles de ces entités qui sont constituées sous forme de SA ou de SCA, et qui n’atteignent pas les seuils fixés par décret, échappent dorénavant à l’obligation de certification de leurs comptes.

Impacts sur les commissaires aux comptes

D’après la mission IGF, il existe environ 120 000 mandats concernant les entreprises situées au-dessus des seuils actuels, mais en dessous des seuils européens de référence, représentant un chiffre d’affaires de 620 M€ environ[108]. La perte annuelle pour la profession (dans l’hypothèse où les mandats s’éteindraient progressivement sur six ans) serait donc de 100 M€ pour un chiffre d’affaire annuel de la profession supérieur à 2,5 Mds€. À l’issue de l’entrée en vigueur de la réforme, les commissaires aux comptes pourraient donc perdre jusqu’à 25 % de leur chiffre d’affaires.

Toutefois, la réduction de chiffre d’affaires pour les commissaires aux comptes ne serait d’après l’inspection générale des finances pas de cet ordre de grandeur, car plusieurs autres effets interviendront, tant en volume qu’en prix, qu’il est impossible d’anticiper, même approximativement.

Parmi les paramètres figurent :

-          le nombre de mandats de certification des comptes qui seront demandés par les entreprises concernées sur une base volontaire ;

-          à l’incertitude sur le nombre de ces mandats volontaires s’ajoute celle sur des honoraires associés. L’effet de la fin de l’obligation de certification sur le niveau du prix est incertain : elle pourrait le tirer à la baisse, les entreprises ayant gagné en capacité d’arbitrer pouvant se trouver en situation plus favorable pour négocier le prix ;

-          l’effet sur les honoraires dépendra également de la demande de services autres que la certification des comptes (SACC). L’expression d’une demande volontaire d’audit pourrait encourager le développement de ces services, mais à l’inverse le caractère contractuel du prix pourrait constituer un frein à la hausse.

Le relèvement des seuils aura également pour effet une augmentation importante de la concentration du marché français de la certification des comptes. D’après la mission IGF, la part des mandats détenus par les « big seven » passerait de 25 % à 48% pour 61% du total des honoraires contre 44% aujourd’hui.

4.2.1        Impact sur services administratifs et judiciaires

La suppression de l’obligation de certification légale pour les petites entreprises aurait pu avoir un impact sur la fiabilité de la base fiscale. C’est pour cela que les ministres avaient spécifiquement demandé à l’IGF d’évaluer cet effet. Les travaux de l’IGF ont montré que les travaux des commissaires aux comptes n’avaient pas d’impacts démontrés sur la fiabilité de la base fiscale. Ainsi, les taux de redressement par les services fiscaux des entreprises en dessous des seuils (comptes non certifiés) et au-dessus des seuils (comptes certifiés) présentent de très faibles écarts : en l’absence de commissaire aux comptes, les taux de redressements sont légèrement plus élevés (8,3 % contre 7,9 %) pour les SARL mais légèrement moins élevés (6,3 % contre 7,0 %) pour les SAS indépendantes.

4.3.       Impacts sociaux

Le rehaussement de seuils va provoquer une perte d’activité pour la profession de commissaires aux comptes. Si, une majorité d’entre eux offre également des services d’expertise-comptable, certains spécialisés dans l’audit perdraient la totalité de leurs mandats et devront procéder à des licenciements au sein des cabinets.

Dans un livre blanc communiqué le 23 mars 2018, la CNCC estime que 4000 professionnels exerçant 75 à 100% de leurs mandats auprès de petites entreprises (parmi ceux-ci, 500 environ exercent la totalité de leurs mandats auprès de petites entreprises) seraient menacés de disparition. En ce qui concerne leurs collaborateurs, l’estimation faite par la CNCC est une disparition de 6300 emplois en équivalent temps plein. La CNCC n’a pas, à ce stade, fourni d’informations sur la proportion de ces professionnels qui n’exercerait que des fonctions de commissaires aux comptes.

Cependant, la fin de l’obligation de certification des comptes pour les petites entreprises pourrait avoir une incidence sur le travail de l’expert-comptable. Selon certains experts, cette situation pourrait accroître les tâches et les responsabilités de l’expert-comptable. L’étendue de ce report ne peut toutefois être anticipée.

Ce que l’on peut prévoir, en revanche, c’est que le relèvement des seuils aura un impact moindre, toutes choses égales par ailleurs, sur les cabinets exerçant les deux activités, puisque la diminution d’activité ne portera que sur une partie de leur chiffre d’affaires total. Cependant, il faut aussi noter que pour ceux dont la majorité de l’activité était consacrée à la certification des comptes des petites entités, il faudra un certain temps avant qu’ils ne puissent basculer totalement vers l’expertise-comptable.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Le présent article ne nécessite aucune consultation obligatoire.

S’agissant des consultations facultatives, l’IGF a consulté l’ensemble des parties prenantes dans le cadre de sa mission (IGF, La certification légale des comptes des petites entreprises françaises, n° 2017-M-088, mars 2018, annexe II)

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions s'appliquent à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la publication du décret fixant les seuils effectifs, et au plus tard le 1er janvier 2019.

5.2.2        Application dans l’espace

Le présent article s’applique dans l’ensemble du territoire national. L’extension de l’ensemble des dispositions modifiées ou créées dans le code de commerce par l’article 9 figure à l’article 71 bisqui procède à une modification de l’article L.950-1 du code de commerce.

5.2.3        Textes d’application

Un décret en Conseil d’Etat est nécessaire pour préciser les seuils effectifs.

1

 


Article 10 relatif à l'accompagnement de la réforme territoriale de l'ordre des experts-comptables

1.         État des lieux

L’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts‑comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable constitue le texte pivot de l’organisation comptable actuelle nationale. Elle est complétée par le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’activité d’expertise comptable qui a abrogé et fusionné en son sein tous les décrets préexistants relatifs à la profession. Ce corpus juridique décrit l’organisation et les missions de prérogatives d’exercice de la profession composée de deux activités : la révision comptable contractuelle[109] et la tenue de comptabilité[110]. Un règlement intérieur de l’ordre des experts-comptables a été agréé par des arrêtés du 3 mai 2012, 19 février 2013 et 14 juin 2016.

L’exercice des prérogatives d’exercice par des personnes non-inscrites au tableau de l’ordre au profit de client est constitutif du délit d’exercice illégal de la profession sanctionné par le code pénal[111]. Les professionnels de l’expertise comptable sont également autorisés à exercer, sous conditions, des activités accessoires[112].

L'activité d'expertise comptable couvre deux modalités d'exercice de la profession : les experts‑comptables (21 000 « exercice libéral » : dont 15 000 hommes et 6 000 femmes) et les associations de gestion et de comptabilité, au nombre de 216 (forme associative de l'expertise comptable).

Ces professionnels sont réunis au sein de l'ordre des experts-comptables. Cet ordre, doté de la personnalité morale, est placé sous la tutelle du ministre chargé de l’économie. Le Conseil d’État a précisé que les ordres professionnels sont des organismes privés chargés d’une mission de service public[113], dotés de prérogatives de puissance publique.

L'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 susmentionnée définit les structures qui le représentent et le fonctionnement de l'ordre. Ainsi, l’ordre est représenté par le conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC), placé à sa tête, et par des conseils régionaux de l’ordre des experts-comptables (CROEC).

Le conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables doit vérifier le respect par les professionnels de leurs obligations dont celles en matière de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Il assure le fonctionnement régulier des divers organismes de l'ordre, coordonne l'activité des conseils régionaux de l’ordre des experts-comptables. Le conseil supérieur organise la formation et le perfectionnement professionnel des membres de l'ordre. Le conseil supérieur est composé de 69 membres, dont 23 présidents de conseils régionaux et 46 membres élus par les conseils régionaux selon un mode de scrutin indirect. Lors des élections ordinales, organisées tous les 4 ans, les experts-comptables élisent leurs représentants parmi leurs pairs. L’article 1er de l’ordonnance confère à l’ordre des experts-comptables la personnalité civile. L'article 39 de l'ordonnance de 1945 susmentionnée précise que les conseils régionaux ont l'exercice des droits de la personnalité morale.

Les 23 conseils régionaux représentent l’ordre des experts-comptables dans chaque circonscription régionale[114]. Le nombre d’élus des conseils régionaux est fonction de la population d’experts-comptables de la circonscription. Ils sont élus au suffrage direct de liste par les professionnels exerçant au sein dudit conseil régional.

Les conseils régionaux surveillent l'exercice de la profession dans leur circonscription. Ils statuent sur les demandes d'inscription au tableau. Ils fixent et recouvrent le montant des cotisations qui doivent être versées par les membres de l'ordre ainsi que les contributions dues par les associations de gestion et de comptabilité. Ils peuvent également saisir la chambre régionale de discipline de la région, ou de toute autre région, des fautes professionnelles relevées à l'encontre des personnes soumises à sa surveillance et à son contrôle. Ils luttent contre l’exercice illégal de la profession.

À la suite du redécoupage de la carte des régions administratives au 1er janvier 2016 avec la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, les membres du conseil supérieur ont accepté, par une résolution adoptée le 5 juillet 2017, le principe de la réforme de la carte régionale des conseil régionaux, afin de les aligner sur celle des régions administratives, des partenaires de l'ordre (chambres consulaires) et de la tutelle exercée localement par les directions régionales des finances publiques.

Le nombre de conseils régionaux passerait ainsi de 23 à 16 et le nombre d'élus serait réduit en conséquence. Plus précisément, 12 conseils régionaux seront fusionnés pour former 5 nouveaux conseils régionaux (cf. tableau) occasionnant des économies de gestion par la réduction de l’emprise territoriale de l’ordre. Reste à prendre des mesures d’accompagnement des opérations de restructuration des périmètres géographiques des conseils régionaux.

 

CROEC impactés par la réforme territoriale

Avant réforme

Après réforme

Alsace

Grand Est

Champagne

Lorraine

Aquitaine

Nouvelle Aquitaine

Limoges

Poitou-Charentes-Vendée

Auvergne

Auvergne-Rhône-Alpes

Rhônes-Alpes

Lille-Nord-Pas-de-Calais

Hauts-de-France

Picardie-Ardennes

Montpellier

Occitanie

Toulouse-Midi-Pyrénées

1.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

1.1.  Nécessité de légiférer

La dissolution d’une personne morale telle qu’un conseil régional de l’ordre des experts-comptables entraîne en principe la liquidation de la personne morale. Ce principe peut être assorti d’un tempérament lorsque la dissolution s’opère sans liquidation et emporte transmission universelle du patrimoine au profit de la nouvelle personne morale. Pour ce faire, un texte doit expressément le prévoir. Or, en l’absence de précisions dans l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable ou du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’expertise comptable de l’autorité chargée de définir les règles de dissolution, l’hypothèse d’une dissolution des conseils régionaux sans liquidation n’est pas possible. C’est pourquoi il est nécessaire de recourir à la loi.

De plus, certaines règles relatives à la composition, aux modalités de l'élection et au fonctionnement du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et des conseils régionaux sont prévues dans l'ordonnance du 19 septembre 1945 alors même que l’article 34 de la Constitution ne prévoit pas expressément que les règles applicables à l’organisation des ordres professionnels relèvent du domaine de la loi. Dans un souci de rationalisation, il convient désormais d’aligner l’organisation du cadre juridique applicable aux professionnels de l’expertise comptable sur celui, prévu par voie réglementaire, applicable à de nombreuses professions réglementées. Ainsi, s'agissant des notaires, des huissiers de justice, des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la loi se contente d'énumérer les instances ordinales de ces professions et procède à un renvoi vers un décret pour en déterminer la composition et les modalités d'élection. Concernant les commissaires aux comptes, le régime électoral de la compagnie nationale est prévu par décret.

Pour des raisons de bonne gestion et d'efficience accrue de l’organisation de la profession, le I de la mesure envisagée vise tout d'abord à organiser les opérations de restructuration des conseils régionaux.

Ensuite, le présent projet de loi modifie l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 précitée afin de permettre d'adapter de manière souple le fonctionnement de l'ordre à un contexte marqué par des évolutions de plus en plus rapides.

1.2.  Objectifs poursuivis

Le I de la présente disposition prévoit que le transfert des biens meubles et immeubles, droits et obligations liées à la restructuration des conseils régionaux soient effectués à titre gratuit. Il s’opérera sans liquidation et avec transmission du patrimoine vers les nouveaux conseils régionaux. Cette mesure s'inscrit par ailleurs en cohérence avec une mesure de neutralité fiscale prévue par l’article 26 de la loi  20171837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. En revanche, il n’est pas utile de prévoir le transfert des personnels en vertu de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Le II du présent projet d’article concerne l'organisation des élections et la composition future des instances de l'ordre. Il prévoit que l'essentiel des règles relatives à la composition, aux modalités de l'élection et au fonctionnement du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et des conseils régionaux seront précisées par décret, alors qu’actuellement certaines sont prévues dans l'ordonnance du 19 septembre 1945 précitée.

Il est toutefois précisé que les règles favorisant l’égal accès aux mandats des femmes et des hommes prévues aux articles 28 et 33 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 précitée ne pourront être modifiées que par le législateur. En effet, conformément à l’alinéa 2 de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État, le Gouvernement ne peut prendre que des dispositions d’application des mesures législatives favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles. C’est pourquoi les règles de répartition sexuées sur les listes candidates aux élections des conseils régionaux et du conseil supérieur ne sont pas renvoyées vers le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012.

2.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

2.1.  Impacts juridiques

Les articles 28, 29, 33 et 34 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 susmentionnée sont modifiés. L'essentiel des règles de composition, d'élection et de fonctionnement du conseil supérieur et des conseils régionaux seront déterminées dans un décret d’application modifiant le décret du 30 mars 2012 précité.

2.2.  Impacts économiques et financiers

La mesure consistant à assurer la neutralité juridique du transfert des droits, biens et obligations en cas de restructuration de conseils régionaux vise à prévenir la liquidation des biens afin d’éviter de pénaliser économiquement les conseils régionaux qui se restructurent.

En effet, pour les 12 conseils régionaux restructurés en 5 nouveaux conseils régionaux, la mesure prévoit expressément que les biens meubles et immeubles, droits et obligations sont transférés à titre gratuit. Si rien n’est fait, alors la mesure aura un impact économique, puisque les opérations de restructuration des conseils régionaux auront un coût obligeant les nouveaux conseils régionaux à acquérir au prix du marché le patrimoine des conseils régionaux qui disparaissent. Ainsi, en application de la mesure de neutralité juridique, à titre d’exemple, les biens, droits et obligations des anciens conseils régionaux d’Auvergne et de Rhône-Alpes seront automatiquement transférés sans opération de cession puis d’acquisition au nouveau conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes.

La mesure sera donc neutre sur le plan économique pour les conseils régionaux restructurés, dans la lignée de l'article 26 de la loi de finances pour 2018 conférant la neutralité fiscale à ces opérations.

2.3.  Impacts sur les entreprises

La mesure visant à assurer la neutralité juridique des transferts des biens meubles et immeubles, droits et obligations des conseils régionaux devant se regrouper n'a aucun impact direct sur les entreprises, ni sur les 21 000 cabinets d’expertise comptable et ni sur les 216 associations de gestion et de comptabilité. Sur le long terme, des économies d’échelles peuvent être attendues de la réforme territoriale (mutualisation des services techniques et des moyens). La diminution des frais occasionnés est susceptible de réduire les cotisations payées par les experts-comptables, qui alimentent le budget des conseils régionaux de l'ordre des experts-comptables.

Le tableau ci-après illustre l’impact de la réforme sur la population des experts-comptables.

La mesure ayant pour objet de renvoyer vers un décret les règles prévues actuellement dans l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 précitée relatives à la composition, les modalités de l'élection et celles du fonctionnement des conseils régionaux et du conseil supérieur n'a pas d'impact sur les clients des professionnels de l’expertise comptable.

Indirectement, les deux millions d’entreprises clientes de la profession ne peuvent que bénéficier d’un ordre assurant avec efficacité la gestion de la profession d’experts-comptables, lesquels sont un soutien indispensable à leur croissance.

2.4.  Impacts sur les services administratifs

S'agissant du I (neutralité juridique des transferts des biens meubles et immeubles, droits et obligations des conseils régionaux devant se regrouper), cette mesure n'a aucun impact sur les administrations.

La mesure, qui vise à renvoyer vers un décret les règles prévues actuellement dans l'ordonnance n° 45‑2138 du 19 septembre 1945 précitée relatives à la composition, les modalités de l'élection et celles du fonctionnement des conseils régionaux et du conseil supérieur n'a pas d'impact immédiat sur les administrations. A terme, elle donnera les moyens tant à l'ordre qu'à la tutelle d'adapter son fonctionnement plus aisément dans un contexte de plus en plus changeant et évolutif.

3.         Consultations et modalités d’application

3.1.  Consultations menées

L'ordre des experts-comptables a été consulté en session du conseil supérieur, le 5 juillet 2017, à titre facultatif sur l'ensemble des dispositions prévues au présent article et a donné un avis favorable.

3.2.  Modalités d’application

3.2.1        Application dans le temps

Le présent projet d'article entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi.

3.2.2        Application dans l’espace

Les mesures prévues au présent article seront applicables en métropole et à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, où les instances ordinales sont présentes .

3.2.3        Textes d’application

Le I ne nécessite pas de mesure règlementaire d’application.

S’agissant du II, les précisions seront apportées dans un décret pris en Conseil d’État.

 

1

 


Article 11 relatif à la radiation des fichiers, registres et répertoires des entrepreneurs individuels ayant réalisé pendant deux années civiles consécutives un chiffre d’affaire nul

1.         État des lieux

1.1.       La population des travailleurs indépendants

Les travailleurs indépendants sont des travailleurs qui exercent une activité professionnelle sans être placés dans un lien de subordination juridique permanent avec un donneur d’ordre. Ils peuvent exercer leur activité sous forme d’entreprise individuelle ou sous forme de société (ex : société par actions simplifiée, société à responsabilité limitée, société anonyme, etc.).

Les travailleurs indépendants non agricoles sont en principe affiliés à la sécurité sociale des indépendants, ex-régime social des indépendants (RSI), en application de l’article L. 611-1 du code de la sécurité sociale. Par détermination de la loi, seuls certains chefs d’entreprises sont affiliés au régime général en tant que « salariés assimilés », comme les dirigeants de société anonyme ou de société par actions simplifiés ou encore les gérants minoritaires de société à responsabilité limitée (11°, 12° et 23° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale).

La sécurité sociale des indépendants représente aujourd’hui 2,8 millions de travailleurs indépendants cotisants, dont 40 % de micro-entrepreneurs[115].

1.2.       le dispositif de radiation des travailleurs indépendants

1.2.1        Le cadre juridique du dispositif de radiation

La loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 (article 123) de financement de la sécurité sociale pour 2012 a créé l'article L. 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale (CSS), qui est devenu l’article L. 613-4 du code de la sécurité sociale[116].

Celui-ci dispose que tout travailleur indépendant affilié à la sécurité sociale des indépendants peut, à défaut de chiffre d'affaires, de recettes ou de déclaration de chiffre d'affaires ou de revenus au cours d'une période d'au moins deux années civiles consécutives, faire l'objet d'une radiation par l’organisme social dont il relève, sauf opposition formulée dans le cadre d’une procédure contradictoire dont les modalités sont précisées par décret en Conseil d’Etat.

L’organisme qui prononce cette radiation doit en informer les autres administrations, personnes et organismes destinataires des informations collectées par les centres de formalités des entreprises[117], à savoir notamment les services fiscaux et les teneurs du registre du commerce et des sociétés, du répertoire des métiers et du répertoire des entreprises et des établissements (répertoire SIRENE). Selon les données communiquées à la direction générale des finances publiques (DGFIP) par le RSI et par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 66 000 entrepreneurs ont été radiés socialement en 2016, mais restent actifs au répertoire SIRENE.

1.2.2        Les difficultés soulevées par la mise en œuvre du dispositif de radiation

A l’heure actuelle, les administrations, personnes et organismes informés qu’il a été mis fin à l’affiliation sociale d’un entrepreneur en application de l’article L. 613-4 précité peuvent difficilement en tirer les conséquences sur leurs propres fichiers, registres et répertoires. En effet, les dispositions pour les autoriser à radier de leur propre initiative sont inadaptées et varient selon les registres et les répertoires :

-          En ce qui concerne le répertoire des métiers, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 et le décret n° 98-247 du 2 avril 1998 prévoient que le Président de la chambre de métiers et de l’artisanat peut radier d’office une personne immatriculée lorsqu’il est informé par une autorité administrative ou judiciaire qu’elle ne remplit plus les conditions d’immatriculation. Toutefois, cette radiation d’office doit être précédée d’une mise en demeure de demander la radiation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

-          En ce qui concerne le registre du commerce et des sociétés, le greffier peut rappeler à l’intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ses obligations déclaratives de cessation d’activité. Si la lettre est retournée avec une mention précisant que la personne ne se trouve plus à l’adresse indiquée, le greffier porte la mention de la cessation d’activité sur le registre. Ensuite, lorsque cette mention de la cessation d’activité a été portée sur le registre, le greffier radie d’office la personne qui n’a pas régularisé sa situation à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de l’inscription de la mention en application de l’article R. 123-51 du code de commerce. Si la lettre de notification, bien que délivrée à son destinataire, reste sans effet, la personne immatriculée fait l’objet, à l’initiative du juge commis à la surveillance du registre, d’une ordonnance d’injonction, le cas échéant assortie d’une astreinte, d’avoir à régulariser sa situation.

-          En ce qui concerne le registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée et le registre spécial des agents commerciaux, en cas de non-respect des obligations relatives à la cessation d’activité, le juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés du ressort rend soit d'office, soit à la requête du procureur de la République ou de toute personne justifiant y avoir intérêt, une ordonnance enjoignant à l'intéressé de faire procéder à sa radiation. L'ordonnance du juge est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque l’ordonnance n’est pas exécutée, le greffier procède d'office à la radiation (articles R. 526-24 et R. 134-9 du code de commerce).

-          En ce qui concerne le répertoire SIRENE, les textes prévoient la radiation d’office des travailleurs indépendants ayant fait l'objet d'une décision définitive de radiation de leur organisme de sécurité sociale en application de l'article L. 613-4 du code de la sécurité sociale (articles R. 123-227 à R. 123-230 du code de commerce). Toutefois, cette radiation est subordonnée à la radiation préalable auprès du registre du commerce et des sociétés, du registre spécial des agents commerciaux, du registre de l'agriculture, du registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée ou du répertoire des métiers, lorsqu’une entreprise est soumise à l’immatriculation à un de ces registres ou répertoires.

-          La radiation du registre des entreprises de la batellerie artisanale et de celui des patrons et compagnons bateliers doit faire l’objet d’une décision du président du conseil d'administration de la Chambre nationale de la batellerie artisanale en application de l’article R. 4431-1 du code des transports.

-          Enfin, en matière fiscale, la cessation d’une entreprise fait l'objet de déclarations fiscales spécifiques. Ainsi, en matière de TVA, la seconde phrase du 1° de l’article 286 du code général des impôts dispose : « Une déclaration est également obligatoire en cas de cessation d'entreprise ».

 

Il résulte du dispositif actuel que les travailleurs indépendants radiés d’office par leur organisme de sécurité sociale doivent prendre l’initiative d’une déclaration de cessation d’activité auprès du centre de formalités des entreprises dont ils relèvent pour mettre fin à l’existence de leur activité indépendante dans les fichiers, registres ou répertoires tenus par les administrations autres que leur organisme de sécurité sociale. Cette déclaration peut être effectuée par dépôt physique d’un dossier, transmission postale (lettre simple) ou saisine par voie électronique.

 

Si le travailleur indépendant n’accomplit pas cette formalité, il demeure inscrit dans les fichiers des services fiscaux, au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés ainsi que dans la plupart des cas au répertoire SIRENE, bien que sans affiliation sociale en tant qu’entrepreneur et ayant cessé toute activité indépendante.

 

2.           Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.       Nécessité de légiférer

2.1.1        La nécessité d’une meilleure coordination entre les administrations, personnes et organismes destinataires des informations relatives à la cessation d’activité

Cette situation suscite beaucoup d’incompréhension de la part des entrepreneurs qui s’estiment de bonne foi délivrés de leurs obligations professionnelles après avoir été radiés du régime de sécurité sociale pour les indépendants. Elle entraîne également un surcroît de travail pour les différents organismes et services, notamment fiscaux, qui procèdent à des relances inutiles et doivent faire face à un nombre significatif de réclamations.

Il convient donc de prévoir que la radiation prononcée par l’organisme de sécurité sociale emporte de plein droit radiation des fichiers, registres ou répertoires tenus par les autres administrations, personnes ou organismes destinataires des informations recueillies par les centres de formalités des entreprises.

Toutefois, les dispositions envisagées s’avèrent inadaptées pour organiser la cessation d’activité d’une société. La société est en effet une personne juridique distincte du dirigeant. Sa dissolution implique une décision des associés ou des actionnaires (assemblée générale extraordinaire), une phase de liquidation consécutive à la dissolution, ainsi qu’une publicité pour garantir les droits des créanciers. Elle ne peut donc résulter de procédures simplifiées relevant de l’initiative des administrations.

C’est pourquoi la mesure ne vaudra que pour les entrepreneurs individuels. Les activités exercées en société seront exclues du champ d'application. Pour les travailleurs indépendants autres que les entrepreneurs individuels, le dispositif actuel n’évolue pas : l'organisme de la sécurité sociale qui prononce cette radiation continuera à en informer les administrations, personnes et organismes destinataires des informations des centres de formalités des entreprises, sans qu’il y ait radiation de plein droit dans les fichiers, registres et répertoires de ceux-ci.

2.1.2        La nécessité de garantir les droits des personnes concernées, notamment la possibilité de s’opposer à leur radiation

La formulation actuelle des dispositions relatives au droit d’opposition à la radiation que peuvent exercer les personnes concernées est ambigüe, les termes « procédure contradictoire » pouvant laisser supposer que l’opposition est subordonnée à des motifs de fait ou de droit soumis à l’appréciation de l’organisme social.

Or, compte tenu des effets d’une radiation, il est indispensable que le travailleur indépendant puisse s’y opposer, après en avoir été informé, sans avoir à justifier sa demande par des motifs de fait ou de droit.

2.2.       Objectifs poursuivis

Les objectifs sont :

-          simplifier les démarches des entrepreneurs individuels radiés de leur organisme de sécurité sociale, en leur évitant une procédure de déclaration de cessation d’activité ;

-          garantir la qualité du service public à l’égard des entrepreneurs, en organisant la cohérence des fichiers, registres et répertoires des administrations, personnes et organismes chargés de la gestion des formalités des entreprises.

3.           Options possibles et dispositif retenu

3.1.       Options envisagées

Une autre option aurait consisté à sensibiliser le travailleur indépendant radié par son organisme de sécurité sociale sur la nécessité d’accomplir auprès du centre de formalités des entreprises une déclaration de cessation d’activité, afin de mettre un terme à l’existence de son entreprise auprès des autres administrations.

Toutefois, l’efficacité d’une campagne de communication en ce sens est très incertaine. Par ailleurs, elle ne constitue pas une mesure de simplification, dès lors qu’elle laisse demeurer une démarche administrative spécifique à la charge de l’entrepreneur.

Une mesure législative doit donc être privilégiée pour prévoir la radiation de plein droit de l’ensemble des fichiers, répertoires et registres tenus par les administrations, personnes ou organismes destinataires des informations recueillies par les centres de formalités des entreprises, dès lors que la radiation a été prononcée pour l’affiliation sociale.

3.2.       Option retenue

La mesure proposée simplifie les démarches des entrepreneurs individuels radiés du régime de sécurité sociale pour absence de chiffre d’affaires ou de recettes ou de déclaration de chiffre d’affaires ou de revenus au cours d’une période de deux années civiles consécutives.

Elle prévoit que cette radiation emporte de plein droit radiation des fichiers, registres ou répertoires tenus par les autres administrations, personnes ou organismes destinataires des informations recueillies par les centres de formalités des entreprises, à savoir notamment les fichiers des services fiscaux, le registre du commerce et des sociétés, le répertoire des métiers et le répertoire SIRENE.

Elle supprime ainsi la nécessité pour l’entrepreneur individuel de déposer une déclaration de cessation d’activité auprès du centre de formalités des entreprises et permet de garantir la cohérence des informations détenues par les administrations et teneurs de registres.

La mesure prévoit enfin que l’entrepreneur individuel peut s’opposer à cette radiation, après en avoir été informé, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.

4.           analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.       Impacts juridiques

4.1.1        Impact sur l’ordre juridique interne

La mesure envisagée modifie l’article L. 613-4 du code de la sécurité sociale.

4.2.       Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impact macroéconomique

Les dispositions prévues n’ont pas d’incidence macroéconomique.

Elles visent à simplifier les démarches des entrepreneurs individuels radiés de leur organisme de sécurité sociale, en leur évitant une procédure de déclaration de cessation d’activité, et à garantir la qualité du service public à l’égard des entrepreneurs en favorisant la mise en cohérence des fichiers, registres et répertoires.

4.2.2        Impact sur les entreprises

D’après les données disponibles sur le site EXTRAQUAL[118], le temps épargné chaque année à l’ensemble des entrepreneurs individuels pour l’accomplissement de la formalité liée à la déclaration de cessation d’activité peut être estimé à 30 000 heures (66 000 entrepreneurs x 30 minutes pour l’ensemble des formalités, pour une déclaration par voie électronique), soit une économie annuelle de 1,3 M€ (en prenant l’hypothèse d’un salaire brut horaire de 40,4 € tous secteurs hors agriculture).

4.3.       Impacts sur les services administratifs

Cette mesure supprime la nécessité d’une déclaration de cessation d’activité de la part l’entrepreneur individuel auprès du centre de formalités des entreprises.

Elle permet ainsi d’éliminer des procédures inutiles à la charge des administrations, personnes ou organismes chargés de traiter les formalités de cessation d’activité et de garantir une meilleure mise à jour des fichiers, répertoires et registres. Les administrations et organismes concernés sont :

-          les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance statuant commercialement (inscription au registre du commerce et des sociétés – RCS – pour les activités commerciales et les sociétés, au registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée- RSEIRL- pour les EIRL et au registre spécial des agents commerciaux pour les agents commerciaux) ;

-          les chambres de métiers et de l'artisanat (inscription au répertoire des métiers pour les activités artisanales) ;

-          la Chambre nationale de la batellerie artisanale (immatriculation au registre des entreprises de la batellerie artisanale).

-          l’Insee (inscription au répertoire Sirene) ;

-          les services des impôts des entreprises.

A titre d’illustration, les services fiscaux pourront radier de plein droit de leurs fichiers les personnes physiques dont l’activité a cessé, sans attendre qu’ils aient opéré leur déclaration de cessation d’activité auprès du centre de formalités des entreprises. De même, le greffier chargé du registre du commerce et des sociétés n’aura plus de lettre recommandée à adresser aux personnes physiques radiées pour leur rappeler leurs obligations déclaratives.

4.4.       Impacts sur les particuliers

La mesure permet de faciliter et fluidifier la création d’activités, en supprimant des contraintes auxquelles font face des entrepreneurs individuels radiés de leur organisme de sécurité sociale et en leur évitant d’inutiles démarches administratives.

5.           Consultations et modalités d’application

5.1.       Consultations menées

5.1.1        Consultations obligatoires

La mesure a été soumise à l’avis du conseil d’administration de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sur le fondement de l’article L. 200-3 du même code[119] , qui a rendu un avis favorable lors de sa séance du 25 mai 2018. La mesure a également été soumise à l’avis du conseil d’administration de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants sur le fondement du 3° du III de l’article 17 du décret n°2018-174 du 9 mars 2018[120], qui a rendu un avis favorable lors de sa séance du 4 juin 2018.

5.1.2        Consultations facultatives

Une consultation du public sur le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises a été organisée du 15 janvier au 5 février 2018.

5.2.       Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

L’entrée en vigueur nécessite au préalable des mesures d’application de nature réglementaire et d’adapter l’organisation des administrations, personnes et organismes destinataires des informations concernant la cessation d’activité. Il est donc proposé que la mesure entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2019.

5.2.2        Application dans l’espace[121]

La mesure est applicable en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

En revanche, elle n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

5.2.3        Textes d’application

La mesure proposée nécessite des mesures réglementaires d’application permettant notamment de préciser les conditions et les délais dans lesquels l’entrepreneur individuel pourra faire opposition à sa radiation.

L’application de la mesure envisagée nécessite un décret en Conseil d’Etat pour modifier l’article R. 613-27-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit actuellement les modalités de la procédure contradictoire au cours de laquelle l’entrepreneur individuel peut faire valoir son opposition à la radiation.

Il s’agira de prévoir des garanties au bénéfice des personnes concernées :

-         pour les entrepreneurs individuels, une information complète sur le fait que la radiation par l’organisme de sécurité sociale emporte de plein droit la radiation des fichiers, registres et répertoires des autres administrations et organismes (services fiscaux, teneurs de registre de publicité légale) ;

-         pour l’ensemble des travailleurs indépendants, une information sur la possibilité qui leur est donnée de s’opposer à la radiation, sans condition, s’ils le souhaitent.

Par ailleurs, il conviendra d’adapter certaines dispositions du code de commerce (notamment les articles R. 123-51, R. 123-227 à R. 123-230, R. 134-8 et R. 526-22) et le décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers (décret en Conseil d’Etat).

 

1

 


Article 12 relatif à la suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs dégageant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 5000 €

1.         État des lieux

1.1.       Cadre général

1.1.1     Le régime du micro-entrepreneur

Créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le régime du micro-entrepreneur (ex-auto-entrepreneur) a pour ambition de lever, par des formalités allégées, les freins sociaux, culturels et administratifs à la création d’activités et à l’entrepreneuriat. Un des principes essentiels en est : « pas de chiffre d’affaires : pas de paiement ».

En application de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, il permet notamment un régime de règlement simplifié des cotisations et contributions sociales (régime dit « micro-social ») qui consiste en un paiement libératoire d’une cotisation unique calculée en appliquant un taux forfaitaire au chiffre d’affaires, au fur et à mesure des encaissements effectivement réalisés. Il diffère ainsi du régime social de droit commun des travailleurs indépendants, qui prévoit des cotisations calculées sur les revenus des années antérieures avec des régularisations annuelles a posteriori et des cotisations minimales, même à des niveaux très faibles de revenus.

Depuis le 1er janvier 2016, le régime du micro-entrepreneur s’applique de plein droit[122] aux entreprises relevant du régime dit « micro-fiscal » (régime de la micro-entreprise, défini à l’article 50-0 du code général des impôts (CGI) pour les professions artisanales, industrielles et commerciales ou régime déclaratif spécial, défini à l’article 102 ter du CGI, pour les professions libérales). Le régime micro-fiscal offre aux entreprises un calcul simplifié du bénéfice imposable en appliquant un abattement forfaitaire sur le chiffre d’affaires et des obligations comptables et fiscales simplifiées.

Le régime du micro-entrepreneur s’applique aux entrepreneurs individuels, mais aussi aux sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique dirigeant cette société (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée - EURL) depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Le régime a connu un succès très important en contribuant, depuis son entrée en vigueur, à redynamiser la création d’entreprises. Fin juin 2017, le nombre de micro-entrepreneurs inscrits, ayant ou non déclaré un chiffre d’affaires, est de 1 197 000[123]. Les micro-entrepreneurs représentaient, en 2016, 40 % des cotisants du RSI hors conjoints collaborateurs[124].

Plusieurs secteurs sont particulièrement dynamiques en nombre de micro-entreprises économiquement actives (c’est-à-dire déclarant un chiffre d’affaires positif) : les transports, les activités immobilières, la santé, les activités de nettoyage, les arts, spectacles et activités récréatives ainsi que les activités financières et d’assurance[125].

1.1.2     Un régime soumis à un processus de convergence avec l’entrepreneuriat de droit commun

Le régime du micro-entrepreneur a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des autres professionnels  qui y ont vu une source de concurrence déloyale. Dans ce contexte, ce régime a été soumis à un processus de convergence avec l’entrepreneuriat de droit commun afin de lutter contre toute forme de concurrence déloyale.

En matière de cotisations sociales, le législateur a introduit un principe d’équivalence entre le taux des cotisations et contributions sociales du régime du micro-entrepreneur et le taux des cotisations et contributions sociales du régime de droit commun des travailleurs indépendants (loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013).

Par ailleurs, le micro-entrepreneur a été soumis à de nouveaux prélèvements obligatoires :

-          fin de l’exonération de contribution à la formation professionnelle (article 137 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011) ;

-          abrogation des exonérations en matière de cotisation foncière des entreprises (article 76 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014) parallèlement à l’institution d’un barème plus progressif, applicable à toutes les entreprises ;

-          suppression de l’exonération de taxes pour frais de chambre (article 29 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises).

 

La loi du 18 juin 2014 susmentionnée a rétabli le caractère universel de l’immatriculation en supprimant les dispenses d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers dont bénéficiaient les micro-entrepreneurs commerçants et artisans à titre complémentaire.

Elle a également supprimé la dispense de stage de préparation à l’installation dont bénéficiaient les micro-entrepreneurs exerçant une activité artisanale.

1.1.3     Un régime du micro-entrepreneur se caractérisant principalement par des modalités simplifiées en matière fiscale, sociale et comptable

Les principales simplifications dont le régime du micro-entrepreneur continue à bénéficier sont les suivantes :

-          le paiement libératoire d’une cotisation sociale unique calculée en appliquant un taux forfaitaire au chiffre d'affaires, au fur et à mesure des encaissements effectivement réalisés ;

-          le recouvrement de certains prélèvements fiscaux (contribution à la formation professionnelle, taxe pour frais de chambre) sur le modèle simplifié des cotisations et contributions sociales (application d’un taux correspondant à un pourcentage du chiffre d’affaires pour établir un prélèvement libératoire) ;

-          la possibilité d’opter pour un prélèvement libératoire pour l’impôt sur le revenu sous conditions de ressources ;

-          la gratuité de l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

Ces mesures de simplifications garantissent son attractivité et permettent de favoriser l’entrepreneuriat. Depuis le 1er janvier 2018, elles peuvent bénéficier à davantage d’entrepreneurs du fait du relèvement des plafonds, qui ont été portés à 70 000 € hors taxes pour les activités de prestations de services et à 170 000 € hors taxes pour les activités de vente.

Pour le reste, les micro-entrepreneurs sont soumis aux mêmes droits et obligations que les autres travailleurs indépendants. A ce titre, ils peuvent bénéficier de dispositifs qui ne leur sont pas spécifiques :

-          le calcul simplifié du bénéfice imposable par l’application d’un abattement forfaitaire au chiffre d’affaires et des obligations comptables allégées pour les activités relevant du régime de la micro-entreprise ;

-          la franchise en base de TVA qui s’applique à toutes les formes d’entreprise (y compris les sociétés) dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 33 200 € pour les activités de prestation de services et 82 800 € pour les activités de commerce, de restauration et d'hébergement (ces plafonds n’ont pas été relevés comme ceux des régimes micro-fiscal et micro-social) ;

-          l’exonération de cotisation foncière des entreprises minimum en dessous de 5 000 € hors taxes annuels de chiffre d’affaires, prévue à compter du 1er janvier 2019 qui s’appliquera également à toutes les entreprises.

Le régime du micro-entrepreneur a ainsi globalement atteint un point d’équilibre. Toutefois, il demeure quelques rigidités qui peuvent freiner son développement, comme l’obligation d’un compte bancaire séparé.

1.1.4     L’obligation de compte bancaire dédié à l’activité professionnelle

L’ article 94 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 a instauré l’obligation pour les entrepreneurs relevant du régime social simplifié prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale de détenir un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle. Ce compte bancaire peut être professionnel ou non.

Cette disposition résulte d’un amendement visant à mieux lutter contre la fraude et faciliter le contrôle des recettes des micro-entrepreneurs[126].

Initialement, cette obligation s’imposait dès la création de l’activité. L’article 127 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a apporté un aménagement, en accordant un délai de douze mois au micro-entrepreneur pour ouvrir ce compte, à compter de la déclaration de son entreprise. Ce délai a été instauré pour permettre au micro-entrepreneur de disposer de davantage de temps pour remplir cette formalité et d’encaisser des recettes avant de devoir s’acquitter des coûts liés à l’ouverture d’un second compte bancaire pour son activité professionnelle[127].

Cette situation ne s’impose pas aux autres entreprises individuelles alors qu’elle s’impose dès la création de l’activité aux sociétés, notamment aux EURL (article L. 123-24 du code de commerce).

Dans le cadre de la consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018 sur www.pacte-entreprises.gouv.fr, un certain nombre de contributions ont souligné l’intérêt d’un second compte bancaire pour éviter la confusion entre le patrimoine privé et le patrimoine professionnel et faciliter les contrôles. D’autres ont souligné le coût de l’obligation et son inutilité, notamment pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est limité, préférant leur laisser davantage de liberté.

2.           Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.       Nécessité de légiférer

L’obligation de compte bancaire dédié à l’activité professionnelle soulève plusieurs questions pour les entrepreneurs individuels relevant du régime du micro-entrepreneur.

2.1.1     La génération de coûts administratifs et financiers

L’obligation d’un compte pour le dédier à son activité professionnelle peut constituer une charge administrative et une charge financière excessives lorsque l’activité est modeste et ne se développe pas.

 

Les micro-entrepreneurs sont nombreux à exercer de très petites activités dégageant un faible chiffre d’affaires. D’après les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), 686 000 micro-entrepreneurs déclarent un chiffre d’affaires positif au deuxième trimestre 2017, soit 57,3 % des inscrits[128].

 

Par ailleurs, d’après les données de l’ACOSS relatives à la répartition des effectifs de micro-entrepreneurs par tranche de chiffre d’affaires réalisé, 70 % des micro-entrepreneurs ont réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 5 000 € en 2015 (soit 968 100 micro-entrepreneurs sur un total de 1 383 000, total qui agrège l’ensemble des flux d’entrées et de sorties en 2015). Parmi ceux-ci, 708 327 ont réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1 000 €[129].

 

Pour un compte professionnel, le montant des frais bancaires est très variable selon les établissements et la nature des opérations effectuées (frais de tenue de compte, virements en France et à l'étranger, mise à disposition d’un terminal bancaire, accès à une plateforme internet, carte bancaire « affaires », compte titres). En moyenne, son montant peut être estimé à environ 240 € par an, ce qui équivaut par exemple à une dépense représentant près de 5 % d’un chiffre d’affaires hors taxes de 5 000 € réalisé par un micro-entrepreneur[130].

Lorsqu’il n’est pas professionnel, un compte bancaire (avec carte bancaire et accès au compte par internet) génère en moyenne des frais d’un montant de l’ordre de 60 à 96 € par an.

2.1.2     La question de l’accès à un deuxième compte bancaire

S’il existe en France le droit au compte bancaire (L. 312-1 du code monétaire et financier) permettant à toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d’un compte de dépôt, de demander l’ouverture d’un compte dans le cadre d’une procédure gérée par la Banque de France, il n’existe en revanche pas de droit à un second compte bancaire.

Une personne ayant des ressources modestes, qui décide de créer une activité sous le régime du micro-entrepreneur, peut donc se trouver en difficulté pour satisfaire son obligation d’un compte bancaire dédié.

2.1.3     L’existence de moyens alternatifs de contrôle

L’existence d’un compte bancaire séparé ne paraît pas décisive en matière de contrôle, notamment des petites activités, dès lors que le micro-entrepreneur est soumis, en tout état de cause, à une obligation de tenue d’un livre-journal des recettes professionnelles.

2.2.       Objectifs poursuivis

L’objectif poursuivi de la mesure envisagée est triple :

          pouvoir débuter une activité sous le régime du micro-entrepreneur, même lorsqu’il n’est pas possible de disposer d’un deuxième compte bancaire ;

          diminuer les coûts administratifs et financiers qui pèsent sur l’exercice des activités modestes, en supprimant l’obligation de compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs dégageant un chiffre d’affaires annuel hors taxes  inférieur à 5 000 €;

          imposer un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle seulement lorsque l’activité dégage un chiffre d’affaires annuel significatif (soit au moins 5 000 € hors taxes) et de manière durable (à savoir deux années consécutives).

Les gérants/ associés uniques d’EURL ne sont pas concernés par le dispositif dans la mesure où leur activité est exercée sous forme d’une société qui a une personnalité juridique distincte de la leur.

3.           Options possibles et dispositif retenu

3.1.       Options envisagées

Une première option consisterait à sensibiliser les acteurs bancaires et financiers sur la nécessité de développer une offre commerciale de services bancaires mieux adaptée aux profils et aux besoins des micro-entrepreneurs réalisant de petites activités et dégageant de faibles chiffres d’affaires. L’efficacité de cette option est très incertaine et ferait en tout état de cause perdurer une contrainte spécifique à la charge du micro-entrepreneur.

Une seconde option consiste à supprimer l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les faibles chiffres d’affaires.

3.2.       Option retenue

La mesure retenue supprime donc l’obligation d’un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle pour les micro-entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur à 5 000 €, en cohérence avec la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 qui exonère ces mêmes contribuables de cotisation foncière des entreprises.

Afin que le seuil de 5 000 € hors taxes ne constitue pas un frein au développement des activités modestes, il est prévu que l’obligation d’un compte bancaire dédié ne soit générée que lorsque le micro-entrepreneur dépasse ce seuil pendant deux années civiles consécutives.

4.           Impacts des dispositions envisagées

4.1.       Impacts juridiques

4.1.1     Impact sur l’ordre juridique interne

La mesure procède à une réécriture de l’article L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale, en prévoyant :

-          qu’un micro-entrepreneur est tenu de dédier un compte bancaire à l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle ;

-          que l’obligation d’un compte bancaire dédié ne sera générée que lorsque le micro-entrepreneur dépasse le seuil de 5 000 € de chiffres d’affaires hors taxes annuel pendant deux années civiles consécutives.

La mesure contribue à harmoniser le critère de déclenchement de l’obligation de compte bancaire dédié à l’activité professionnelle – un chiffre d’affaires hors taxes annuel de 5 000 € – avec celui retenu par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 qui exonère les entrepreneurs de cotisation foncière des entreprises minimum.

4.2.       Impacts économiques et financiers

4.2.1     Impact macroéconomique

En levant un frein à la création et l’exercice d’une activité professionnelle, la mesure encourage l’entrepreneuriat.

4.2.2     Impact sur les entreprises

La mesure dispensera les micro-entrepreneurs dégageant un faible chiffre d’affaires des coûts liés au fonctionnement d’un compte séparé (frais de tenue de compte, frais liés à la mise à disposition de moyens de paiements, etc.).

Compte tenu du seuil de chiffre d’affaires annuel – 5 000 € hors taxes – à partir duquel se déclenchera l’obligation d’un compte bancaire dédié, la mesure bénéficiera à la grande majorité de micro-entrepreneurs qui réalise un chiffre d’affaires hors taxes annuel inférieur à 5 000 euros.

En effet, d’après les données de l’ACOSS citées plus haut, 70 % des micro-entrepreneurs ont réalisé un chiffre d’affaires hors taxes annuel inférieur à 5 000 euros en 2015. Selon ces hypothèses, en tenant compte du fait qu’un compte bancaire non professionnel génère en moyenne des frais d’un montant de l’ordre de 60 à 96 euros annuels, l’économie totale réalisée serait comprise entre 58 millions et 93 millions d’euros par an.

Dans l’hypothèse où ces micro-entrepreneurs auraient ouvert un compte bancaire professionnel, avec des frais de gestion de l’ordre de 240 euros par an, cette économie pourrait s’élever à 232 millions d’euros.

Par ailleurs, d’après les données disponibles sur les sites EXTRAQUAL et Légifrance[131], le temps épargné à l’ensemble des micro-entrepreneurs pour l’accomplissement des formalités liées à l’ouverture d’un compte bancaire peut être évalué à un montant compris entre :

          80 675 heures (968 100 micro-entrepreneurs x 5 minutes pour l’ensemble des formalités, hypothèse basse), soit une économie de 3,3 millions d’euros (en prenant l’hypothèse d’un salaire brut horaire de 40,4 euros tous secteurs hors agriculture) ;

          et 193 620 heures (968 100 micro-entrepreneurs x 12 minutes pour l’ensemble des formalités, hypothèse haute), soit une économie de 7,8 millions d’euros (en prenant l’hypothèse d’un salaire brut horaire de 40,4 euros tous secteurs hors agriculture).

4.3.       Impacts sociaux

Cette mesure permet de lever une formalité qui est susceptible, au regard de son coût, de décourager l’initiative économique des micro-entrepreneurs et de les inciter à limiter voire à dissimuler leur activité pour échapper à cette obligation.

5.           Consultations et modalités d’application

5.1.       Consultations menées

5.1.1     Consultations obligatoires

La mesure a été soumise à l’avis du conseil d’administration de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), sur le fondement de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale[132], qui a rendu un avis défavorable lors de sa séance du 25 mai 2018, ainsi qu’à l’avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF), sur le fondement de l’article L. 614-2 du code monétaire et financier[133], qui a rendu un avis favorable lors de sa séance du 12 avril 2018.

5.1.1        Consultation facultative

Cette mesure a été soumise à la consultation publique en ligne du 15 janvier au 5 février 2018 sur www.pacte-entreprises.gouv.fr.

5.2.       Modalités d’application

5.2.1     Application dans le temps

La mesure entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2     Application dans l’espace

La mesure doit pouvoir s’appliquer partout où le régime de micro-entrepreneur s’exerce, c'est-à-dire en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion. Elle ne s’applique pas à Mayotte où le régime du micro-entrepreneur n’a pas été rendu applicable.

En ce qui concerne les autres collectivités ultra-marines, la mesure est directement applicable à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. En revanche, elle ne l’est pas à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

 

1

 


Article 13 relatif à la modernisation du réseau des chambres de commerce et d’industrie

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

L’article L. 710-1 confère aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) des missions d’intérêt général contribuant au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires ainsi qu’au soutien des entreprises et de leurs associations. Ce même article détaille ensuite les missions générales du réseau qui sont exercées, à ce titre, à chaque niveau territorial, régional ou national.

Depuis 2005, les différentes réformes (titre VII de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010, loi n° 2016-298 du 14 mars 2016) ont mis en place un réseau, organisé en trois niveaux, en renforçant progressivement le niveau régional (de la coordination à l’encadrement des CCIT, création de CCI dépourvues de la personnalité morale, les CCID et CCIL) et le niveau national (CCI France).

Cette réforme s’inscrit dans un contexte de baisse continue des ressources fiscales du réseau (-43,3% entre 2013 et 2018) à laquelle se sont ajoutés deux prélèvements exceptionnels, en 2014 et 2015, d’un montant total de 670 M€, dont un prélèvement sur fonds propres de 500 M€.

Les missions des chambres du réseau sont structurées autour de quatre axes principaux : l’appui aux entreprises, la formation, l’appui aux territoires et la gestion des équipements, la représentation des entreprises.

Financement des 4 principales missions des CCI[134] :

 

Programmes

TFC affectée

Autres ressources publiques (taxe d'apprentissage et subventions)

Total ressources publiques

Chiffre d'Affaires et autres produits

Total produits

Dépen-dance à la TFC

A

APPUI AUX ENTREPRISES

563 563 550

44 724 252

608 287 802

116 409 737

724 697 540

77,8%

B

 FORMATION / EMPLOI

211 877 187

326 100 728

537 977 915

389 657 389

927 635 303

22,8%

C

APPUI AUX TERRITOIRES / GESTION D'ÉQUIPEMENTS

42 045 113

27 946 509

69 991 623

560 264 564

630 256 187

6,7%

D

REPRÉSENTATION DES ENTREPRISES AUPRÈS DES POUVOIRS PUBLICS

31 643 337

123 828

31 767 165

1 010 941

32 778 106

96,5%

Les évolutions les plus importantes concernent la gestion des équipements : du fait des règles de mises en concurrence et des réformes sur les aéroports (création des SASU) et les ports (création des grands ports maritimes), l’implication des CCI dans la gestion de ces équipements (concessions) a fortement chuté. En 2006, la gestion de ces deux types d’équipement représentait 1,3 Md€ des dépenses des CCI (4 Md€ au total), en 2016, ce sont moins de 450 M€ (sur un total de 2,6 Md€).

Les missions d’appui aux entreprises et de représentation, d’une part, et les missions de formation, d’autre part, sont certes exercées dans des conditions qui ont évolué, mais elles restent stables en terme de dépenses (autour de 1 Md€ pour chacune de ces 2 catégories).

Parmi ces missions générales figurent les missions de nature marchande qui lui sont confiées par une personne publique ou qui s’avèrent nécessaires pour l’accomplissement des autres missions. Il est précisé que ces missions de nature marchande doivent donner lieu à une comptabilité analytique et respecter les règles nationales et communautaires du droit de la concurrence.

Cette capacité à exercer des activités de nature marchande est peu précise et souvent contestée, notamment par les opérateurs de droit privé, quand bien même les CCI respectent les conditions qui leur sont applicables tant par le code de commerce que par la réglementation communautaire, qui retient la notion d’activités économiques ou de services d’intérêt général économique ou non économique. Il est donc proposé de reformuler les conditions dans lesquelles les CCI interviennent, que ce soit dans le domaine concurrentiel ou non.

L’article 1er de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers précise que « la situation du personnel administratif des chambres (...) est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires (…) ». Chaque réseau dispose d’une commission nationale paritaire, présidée par le représentant du ministre de tutelle, et composée de 6 présidents de CCI, dont celui de CCI France et des 6 représentants du personnel des chambres (hors directeurs généraux), désignés par les organisations les plus représentatives, dans les conditions prévues à l’article L.712-11 du code de commerce. Cette commission est la seule instance qui peut faire évoluer les dispositions du statut, ses décisions ont valeur réglementaire.

Le personnel administratif des CCI est ainsi composé d’agents de droit public sous statut : agents occupant un emploi permanent à temps complet dans les services d’une CCI, agents contractuels et vacataires. Au 31 décembre 2016, le réseau employait 20 054 ETP, dont 18  474 ETP sont employés par CCI France et les CCI de régions dont les CCI d’outre‑mer)[135], parmi lesquels on compte 85 % d’effectifs permanents et 15 %  d’effectifs non permanents.

Les CCI de région sont devenues, depuis le 1er janvier 2013, employeurs uniques des agents de droit public sous statut, tel que défini par le III. de l’article 40 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.

Les CCI, et notamment les CCI territoriales, en raison de leur activité de concessionnaires de services publics industriels et commerciaux, et notamment de ports, aéroports ou ponts  emploient également des personnels de droit privé. On comptabilise environ 3 500 agents employés quasi exclusivement par les CCI territoriales, dont environ 45% sont des agents sous statut (autour de 1 500) et 60% sont de droit privé (2 000) [136].

1.2.  Éléments de droit comparé

Les chambres de commerce et d'industrie (CCI) sont, en France comme dans d'autres pays, des organismes chargés de représenter les intérêts des entreprises commerciales, industrielles et de services d'une zone géographique et de leur apporter des services. Elles sont regroupées dans Eurochambres, association des chambres de commerce et d’industrie européennes qui représente les entreprises en Europe, par l’intermédiaire des chambres de commerce et d’industrie nationales, régionales et locales.

En 2010, on comptait au sein de l’Union européenne sept autres réseaux relevant du droit public (Allemagne, Autriche, Espagne, Grèce, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). En conséquence de ce statut, l’affiliation des entreprises est obligatoire, les chambres bénéficient d’une fiscalité affectée et leur personnel relève du droit public. Certains pays ont toutefois été conduits à engager des réformes importantes ces dernières années.

Le statut de la chambre du Grand Duché du Luxembourg a été confirmé dans la constitution et elle a été dotée de pouvoirs normatifs.

Les 80 CCI allemandes, fédérées au sein d’une association de droit privé (DIHK), restent soumises au principe d’une affiliation obligatoire, tout comme en Autriche. Les allemandes  proposent toutefois des services adaptés aux besoins spécifiques des entreprises, qui donnent généralement lieu à facturation.

Les 105 chambres italiennes couvrent aussi les secteurs de l’agriculture et de l’artisanat et leur rôle, en particulier de promotion du développement à l’international des entreprises, de l’innovation et de e-commerce, a été renforcé par la réforme de 2010.

Aux Pays-Bas, le réseau  unique comporte 12 chambres régionales, qui sont des entités publiques, et 45 bureaux locaux.

En Espagne, il n’existe qu’un seul réseau consulaire. Les 88 chambres espagnoles recherchent de nouveaux financements à la suite de la suppression des cotisations obligatoires, qui représentaient 60% de leur budget en 2010. La loi de 2014 a mis en place un nouveau système de financement fondé sur les revenus provenant de prestations de services et de cotisations volontaires.

Le réseau grec a été fragilisé par la disparition récente de nombreuses entreprises et la réduction de ses effectifs.

Le Royaume-Uni comporte un réseau consulaire unique de 52 chambres juridiquement autonomes, qui sont des organismes de droit privé. Elles se financent pour moitié par des produits liés à leur activité commerciale.

Dès lors, les statuts privés dominent dans l’UE, les pays de l’Est ayant adopté une organisation volontaire, de type britannique (sociétés à responsabilité limitée) ou scandinave. L’adhésion n’est pas obligatoire, le financement est assuré par les cotisations des adhérents, les missions et moyens sont plus limités, même si le périmètre est commun s’agissant de la fonction de représentativité des intérêts et de l’accompagnement des entreprises, des actions de développement local et de la formation.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La définition des missions des CCI et leur capacité à assurer des activités concurrentielles étant déjà fixées par la loi, leur modification intervient aussi par voie législative.

Le principe de spécialité qui s’applique aux établissements publics leur interdit d’exercer des activités extérieures à leur mission, sauf si celles-ci constituent le complément normal de leur mission principale, et si elles sont à la fois d’intérêt général et directement utiles à l’accomplissement de leurs missions..

Les établissements publics administratifs que sont les chambres consulaires ne peuvent intervenir dans le secteur concurrentiel sauf si l’initiative privée est défaillante. (Arrêt Chambersign de la CAA de Paris du 18 mai 2017 qui ne fait que rappeler un principe ancien et constant).

C’est pourquoi, il est proposé d’étendre le champ de compétence des CCI, en leur permettant de remplir toute mission de service public et toute mission ou service d’intérêt général, directement utiles à l’accomplissement de leurs missions.

2.2.  Objectifs poursuivis

Il s’agit de permettre aux CCI de sécuriser les conditions dans lesquelles elles pourront développer leurs missions et d’assurer leur pleine capacité à exercer à la fois des services d’intérêt général, et des activités concurrentielles dans les mêmes conditions que pour les autres établissements publics habilités à le faire. Il s’agit également de leur donner les moyens nécessaires à ce développement, notamment en leur permettant de recruter des personnels de droit privé, afin de répondre aux exigences de flexibilité et d’agilité.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Il aurait pu être envisagé de préciser par la voie réglementaire, pour chaque mission, les activités concurrentielles qu’elles sont autorisées à exercer. Une telle option serait complexe à mettre en œuvre et ne permettrait pas la flexibilité liée à l’évolution constante des besoins à satisfaire.

La transformation du statut des CCI a également été envisagée, soit par leur transformation en établissement publics à caractère industriel et commercial, soit en organismes de droit privé, sur le modèle retenu en Espagne ou au Royaume-Uni. Ce dernier modèle laisserait aux CCI une complète autonomie de décisions dans leur stratégie et leur organisation, les CCI subsisteraient par leur seule capacité à répondre aux besoins de leurs clients, sans bénéficier d’une ressource publique affectée a priori.

Si ces options sont a priori attrayantes, car elles permettent aux entreprises de choisir elles-mêmes le mode d’accompagnement dont elles souhaitent bénéficier, elles présentent toutefois l’inconvénient de remettre en cause le modèle de péréquation jusqu’ici en vigueur consistant à ce que ce soient les grandes entreprises qui financent les services mis à disposition des entreprises de taille plus modeste.

3.2.  Option retenue

 

Ces options n’ont pas été retenues dans la mesure où les CCI demeurent un réseau en charge de missions de service public et un relais indispensable des politiques publiques en matière de développement des entreprises. Elles permettent de déployer des missions sur tout le territoire, en assurant, grâce au financement de services et de prestations par la taxe, une péréquation à la fois entre les territoires et entre les entreprises ressortissantes. Les plus petites entreprises, qui paient moins de 100 € par an de taxe, bénéficient d’une même base de services, gratuits ou soumis à redevance (formalités, conseils, orientations…) que les grandes entreprises qui paient l’essentiel de la taxe. Le réseau des CCI doit également conserver sa mission de représentation des entreprises des secteurs du commerce, de l’industrie et des services. En effet, l’Etat s’appuie sur les CCI pour représenter les entreprises dans de nombreuses commissions consultatives territoriales (plus de 5.000 avis rendus annuellement) et assurer la diffusion et l’appropriation des dispositifs gouvernementaux.

Si le développement d’activités de nature concurrentielle et de nouvelles prestations est encouragé et donc facilité, le cœur des missions des CCI demeure et justifie le maintien du statut d’établissement public de l’Etat à caractère administratif.

Les CCI exercent des missions et des services d’intérêt général, économiques et non économiques au sens du protocole 26 du traité de fonctionnement de l’Union européenne. Elles sont explicitement autorisées à exercer des missions de nature concurrentielle, sachant que ces activités peuvent être non seulement dictées par la nécessité, mais également par leur utilité par rapport à leurs missions de base.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Le présent article modifie le livre VII du code de commerce, et notamment l’article L.710-1, qui décrit les missions des CCI, pour adapter l’offre de services des chambres aux nouvelles exigences de leurs ressortissants et des territoires, ce qui nécessite une plus grande agilité et plus de flexibilité.

Le développement de nouvelles prestations, et de nouvelles formes de services, notamment avec l’essor du numérique, rend nécessaire une évolution du modèle de fonctionnement et d’organisation des CCI. Ainsi, les modifications envisagées adaptent le champ d’intervention des établissements du réseau des CCI aux règles de concurrence, nationales et européennes.

Par ailleurs, les CCI pourront, pour l’intégralité de leurs missions, faire appel au marché du travail pour recruter les personnes les mieux à même de développer ces nouveaux services, dans les conditions du code de travail.

Enfin, l’article est complété de mesures de simplifications, notamment sur le processus électoral des membres des CCI, qui sont génératrices d’économies ou qui contribuent à la lisibilité du droit.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Comme il est déjà précisé à l’article L. 710-1 du code de commerce, les CCI exercent leurs activités dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Deux objectifs sont poursuivis : d’une part, la réduction des prestations assurées gratuitement par les CCI pour les bénéficiaires, dans la mesure où ces prestations sont financées par la taxe pour frais de chambres, et donc par l’ensemble des ressortissants, sans lien établi entre la qualité ou l’efficience de l’offre et les besoins réels ; d’autre part, le développement d’une offre de service renouvelée, dans un cadre juridique sécurisé. Ces actions devraient permettre d’optimiser les moyens des CCI et de renforcer leur utilité et la qualité de leurs prestations auprès de leurs ressortissants et de leurs partenaires.

4.2.1        Impacts sur les chambres de commerce et d’industrie

Ces actions devraient permettre d’optimiser les moyens des CCI et de renforcer leur utilité et la qualité de leurs prestations auprès de leurs ressortissants et de leurs partenaires. Les CCI s'engagent à élaborer pour leurs clients, une offre de services comprenant un socle commun de prestations répondant aux besoins principaux des entreprises et des territoires et des prestations plus spécifiques adaptées aux différentes cibles. Cette offre. Ce chantier doit également conduire à réduire voire arrêter des prestations qui ne répondent plus suffisamment aux besoins des clients ou à la stratégie définie.

Cette réforme s’inscrit dans un contexte de baisse très importante des ressources fiscales du réseau (-43,3% entre 2013 et 2018, soit - 1263 M€) à laquelle se sont ajoutés deux prélèvements exceptionnels, en 2014 et 2015, d’un montant total de 670 M€, dont un prélèvement sur fonds propres de 500 M€. Cette réduction s’accompagne de mesures de restructurations et de reconfiguration des services qui nécessitent de reconsidérer le modèle économique qui s’applique au réseau en développant les prestations payantes.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

En permettant aux CCI de développer une offre de services payants, plus individualisés, aux côtés de leurs missions générales de services collectifs ou d’intérêt général, les entreprises devraient pouvoir bénéficier de meilleures prestations, plus adaptées à leurs besoins. Les CCI seront amenées à offrir de nouveaux services, sur de nouveaux marchés. Sur les marchés plus traditionnels, les CCI devront également innover et être particulièrement performantes pour conserver leurs clients. Les prélèvements sur les entreprises, notamment à travers la taxe pour frais de chambres, pourront ainsi continuer à baisser, sans remise en cause de la mission d’appui aux entreprises conférée aux CCI.

C’est ainsi que le réseau des CCI de France a mis en place, dès janvier 2018, une plateforme nationale de services appelée « CCI Store », qui sera progressivement déployée auprès de 90 chambres d’ici juillet 2018. Cette plateforme propose 113 e-services en ligne  qui devraient être progressivement portés à 200.  De nombreux partenariats avec des organismes institutionnels (Pôle Emploi) ou des partenaires divers sont en cours. Le service « CCI Store » sera payant à compter de juin prochain.

4.2.3        Impacts budgétaires

En contrepartie de ces nouvelles perspectives, le le financement de missions et de prestations par la taxe pour frais de chambres (TFC) a vocation à continuer à diminuer. Le montant de la TFC, composée de deux taxes additionnelles (à la cotisation foncière des entreprises –TACFE- et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –TACVAE), est plafonné depuis 2013 : à hauteur de 549 M€ pour la TACFE (plafond inchangé depuis 2013) et progressivement réduit pour la TACVAE : de 819 M€ en 2013 à 223,117 M€ en 2018, soit un montant global de 775,117 M€. Le produit de la TFC a été réduit de 43 % en 5 ans. Face à la nécessité de poursuivre la réduction des dépenses publiques, la baisse du plafond de la taxe se poursuivra dans les prochaines années.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

Les modifications envisagées concernent essentiellement les conditions dans lesquelles les CCI exercent leurs missions. Elles visent notamment à permettre aux CCI, établissements publics de l’Etat, de développer leurs offres de services, dans un contexte juridique sécurisé, en distinguant notamment celles qui sont financées par la taxe pour frais de chambres et celles qui doivent faire l’objet d’une facturation aux bénéficiaires des prestations. Elles n’ont pas vocation à affecter les relations qu’entretiennent les CCI avec les collectivités territoriales : les CCI conservent leur capacité à contractualiser avec les collectivités territoriales, à développer leur complémentarité et à proposer leurs services et expertises, à être des acteurs du développement économique local et les représentants des entreprises des secteurs du commerce, de l’industrie et des services.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

Les seules mesures susceptibles d’avoir un impact sur les services administratifs concernent les élections des membres des CCI (articles L.713-15 et 17 du code du commerce). Les élections des membres des CCI se déroulent tous les 5 ans et sont organisées par les CCI, qui en supportent la charge financière, sous le contrôle de chaque préfecture. Particulièrement complexe, les opérations électorales incluent l’établissement d’une pesée économique, la constitution des listes électorales et le dépouillement. Se déroulant sur près d’une année, le processus électoral mobilise, tous les cinq ans, les services des élections des préfectures, de janvier à novembre. Le ministère de l’intérieur, s’il s’est progressivement désengagé des élections dites professionnelles, ne remet pas en cause l’intérêt de superviser les élections des membres des CCI, dans la mesure où la régularité de ces élections est une composante importante du bon fonctionnement des chambres, placées sous la tutelle des préfets de région. Toutefois, l’allégement des procédures et de la charge de travail des services est désormais une priorité. Tout en maintenant le vote par correspondance, les CCI ont mis en place, d’abord à titre expérimental en 2004, puis sur l’ensemble du territoire, un vote électronique qui a démontré, en 2010 et 2016, sa fiabilité et ses avantages. Parallèlement, la dématérialisation s’est imposée à toutes les entreprises et individus. Il est désormais possible et nécessaire d’imposer une dématérialisation la plus complète possible des opérations électorales : le vote électronique permettra notamment de disposer immédiatement des résultats des élections, quand les opérations de dépouillement mobilisent pendant plusieurs jours des dizaines d’agents des préfectures.

Globalement, la dématérialisation permettra de sécuriser les opérations électorales (le vote par correspondance fait l’objet de fraudes régulières, par détournement des plis), de limiter les contentieux et de diminuer le coût des élections. En effet, le coût par électeur du seul système de vote électronique (hors dématérialisation des opérations amont) est inférieur de 40 centimes d’euro par électeur (soit une économie de l’ordre de 800k€), ce qui représente une économie substantielle pour les CCI.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Le développement de l’exercice d’activités concurrentielles par les CCI correspond à la fois à un objectif gouvernemental et à un souhait du réseau. Ce dernier a engagé, depuis plusieurs mois, une réflexion sur son avenir et sur les évolutions nécessaires. L’assemblée générale de CCI France, composée de tous les présidents des établissements du réseau, établissements publics ou non, a adopté un premier plan intitulé « Faire réseau » le 24 octobre 2017, suivi d’engagements plus précis adoptés lors de l’assemblée générale du 6 mars 2018 par 97,5 % de ses membres. Cette délibération précise que les CCI s’engagent à poursuivre leur rationalisation « en intensifiant la diversification des ressources, incluant notamment la capacité d’être organisme intermédiaire pour la gestion des fonds européens sur délégation des régions ainsi que la facturation de prestations à valeur ajoutée afin de compenser la baisse des ressources fiscales » et adressent au Gouvernement le vœu de « pouvoir exercer des missions de service public et des services d’intérêt économique général de façon sécurisée dans le cadre des dispositions européennes sur les services d’intérêt général (à caractère économique ou non économique) » et de « pouvoir développer parallèlement des prestations à valeur ajoutée dans un cadre juridique sécurisé, dans le respect du droit de la concurrence pour permettre aux CCI évoluant dans un contexte concurrentiel le permettant de proposer ces prestations aux entreprises». Enfin, un séminaire organisé le 17 avril 2018 et réunissant les membres du comité directeur de CCI France (tous les présidents de CCI de régions et des présidents de CCI territoriales, représentant la diversité des CCI, rurales, métropolitaines…), les présidents ont travaillé sur les mesures nécessaires démontrant la capacité du réseau à s’adapter aux changements. Ils ont acté le fait que « l’évolution des attentes des entreprises, comme la nécessité de faire changer le modèle économique des CCI [les] conduisent à commercialiser davantage [leurs] services et prestations. Cette commercialisation doit pouvoir se faire dans un cadre juridiquement sécurisé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ».

Parallèlement, le ministre de l’économie et des finances a procédé, depuis le début de l’année 2018, à des consultations de Présidents de CCI, notamment de CCI de région, ainsi que du Président de CCI France, pour s’assurer de l’acceptation d’un tel dispositif et de sa faisabilité.

Les dispositions proposées dans le cadre de ce projet de loi ont fait l’objet d’une concertation avec les services de CCI France et l’accord de sa direction.

Les organisations syndicales représentatives et siégeant en commission nationale paritaire (CFDT-CCI et UNSA-CCI) ont également été consultées.

Les dispositions relatives aux élections des membres des CCI correspondent aussi à une demande du réseau. Un groupe de travail a été constitué lors du comité directeur de CCI France du 23 mai 2017 pour examiner les pistes de simplification et d’économie et proposer les adaptations nécessaires des dispositions législatives et réglementaires relatives aux opérations électorales des membres des CCI. La principale proposition visait à supprimer le vote par correspondance et instituer un vote exclusif par Internet, accompagné d’un système de dématérialisation complet pour l’envoi du matériel de vote. Cette proposition, soumise à consultation des présidents et directeurs généraux du réseau, a recueilli un accord à hauteur de 76 %.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les mesures sont applicables dès l’entrée en vigueur de la loi.

5.2.2        Application dans l’espace

Les mesures sont applicables à l’ensemble des établissements publics du réseau sous tutelle de l’Etat.


Section 3 : Faciliter le rebond des entrepreneurs et des entreprises

Article 14 relatif à la fixation de la rémunération du dirigeant en redressement judiciaire

1.         État des lieux

Le droit des procédures collectives a pour objet de traiter les difficultés financières des entreprises. Le déclenchement des procédures de redressement et de liquidation judiciaires réside dans la constatation de l'état de cessation des paiements. La loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005) a créé la procédure de sauvegarde qui vise à traiter les difficultés en amont de la cessation des paiements et qui a donc pour objectif de faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

La procédure de redressement judiciaire[137], qui doit être mise en œuvre par toute entreprise[138] en cessation de paiements, c’est-à-dire ne pouvant plus faire face au passif exigible avec son actif disponible (art. L. 631-1 du code de commerce), dont le redressement est jugé possible, permet la poursuite de l'activité de l'entreprise, l'apurement de ses dettes et le maintien de l'emploi.

En 2017, 12 827 jugements d’ouverture de redressements judiciaires ont été prononcés[139], sur un nombre total de 46 939 procédures collectives ouvertes, comprenant environ 30 000 liquidations ou liquidations simplifiées.

La procédure de redressement judiciaire commence par une période d'observation de 6 mois maximum, renouvelable sans pouvoir dépasser 18 mois. Pendant cette phase, un bilan économique et social est réalisé. L'entreprise poursuit son activité. Elle est alors gérée par un administrateur judiciaire seul ou avec son dirigeant. L'ouverture de la procédure entraîne la suspension des poursuites : les créanciers qui existaient avant l'ouverture de la procédure ne peuvent plus engager de poursuites en justice ni procéder à des saisies pour faire exécuter des décisions déjà obtenues.

Les dirigeants d’une société en redressement judiciaire demeurent en fonction. Si, pour une raison quelconque, la société ou la personne morale était privée d'un de ses organes, il « appartiendrait à ses membres, réunis, le cas échéant, en assemblée générale conformément à la loi et aux statuts, de procéder aux nominations nécessaires. À défaut, l'administrateur n'aurait pas qualité pour se substituer aux organes normaux de la société, sous réserve des règles relatives à l'administration »[140]. ; il pourrait seulement s'adresser à la justice pour faire désigner un administrateur provisoire qui représenterait la société ou la personne morale et qui pourrait notamment convoquer l'assemblée générale à fin de nomination de nouveaux gérants, administrateurs, membres du conseil de surveillance ou autres organes de direction.

Cependant, le rôle du dirigeant est ainsi amoindri par la loi et peut l’être davantage sur décision du tribunal : le dirigeant continue d'exercer les actes de disposition et d'administration, c’est-à-dire les actes de gestion quotidiens, ainsi que les droits et actions ne relevant pas de la mission confiée à l'administrateur par la loi ou par le tribunal (article L. 622-3 du code de commerce sur renvoi de l’article L. 621-14). Dans le cas où le tribunal nomme un administrateur judiciaire, ce dernier se voit confier automatiquement des missions exclusives telles que la faculté d'exiger la poursuite des contrats en cours, la responsabilité de l'élaboration du bilan économique et social et celle de la préparation du plan de redressement (article L. 622-17 sur renvoi de l’article L. 631-14). En outre, l’article L. 631-12 du code de commerce indique que « Outre les pouvoirs qui leur sont conférés par le présent titre, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal. Ce dernier les charge ensemble ou séparément d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise. » Ces missions peuvent être modifiées à tout moment par le tribunal.             

En redressement judiciaire, l’article L. 631-11 du code de commerce prévoit que le juge-commissaire doit systématiquement fixer « la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur s'il est une personne physique ou les dirigeants de la personne morale ».

Le second alinéa du même article précise qu’en l'absence de rémunération, le débiteur ou les dirigeants de la personne morale « peuvent obtenir sur l'actif, pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge-commissaire ». Enfin, pour les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, le juge-commissaire doit tenir « compte des revenus éventuellement perçus au titre des patrimoines non visés par la procédure ». 

Cet article législatif est précisé au niveau réglementaire par l’article R. 631-15, qui précise que « Les rémunérations ou subsides prévus à l'article L. 631-11 sont fixés par le juge-commissaire par décision spécialement motivée, l'administrateur, le mandataire judiciaire et le débiteur personne physique ou le dirigeant entendus ou dûment appelés ».

 

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La procédure actuelle de fixation systématique de la rémunération du dirigeant est obsolète.

En effet, revenant sur le droit antérieur selon lequel la rémunération fixée ne pouvait être modifiée par décision judiciaire, même si l'exploitation était arrêtée[141], c’est la loi du 13 juillet 1967[142] qui a réservé au juge-commissaire, sur requête du syndic, le pouvoir d'allouer une rémunération aux dirigeants sociaux participant à la continuation de l'exploitation (art. 26). Ce nouveau pouvoir faisait partie d’un équilibre général dans lequel le dirigeant était amené à jouer un rôle marginal dans la procédure : cette même loi indiquait en effet que « le jugement qui prononce le règlement judiciaire emporte de plein droit (…) assistance obligatoire du débiteur par le syndic pour tous les actes concernant l’administration et la disposition de ses biens » (article 13) et que l’activité ne pouvait être poursuivie que pour trois mois en principe (article 24 de la loi du 13 juillet 1967). Autrement dit, l’organisation d’un dessaisissement important du débiteur pour une durée courte justifiait de revoir systématiquement la rémunération du dirigeant. Cette procédure n’était toutefois pas automatique, dans la mesure où elle nécessitait une requête du syndic.

L’application de cette loi n’est toutefois pas allée sans difficulté, notamment quant à la condition de participation à la continuation de l’exploitation de l’article 26, qui « avait fait naître des difficultés en cas d'arrêt d'exploitation, spécialement à l'occasion d'une liquidation des biens »[143][144].

La loi du 25 janvier 1985[145] a cherché à résoudre cette difficulté et a supprimé cette condition ainsi que la requête du syndic, en décidant que « le juge-commissaire fixe la rémunération afférente aux fonctions exercées par le chef d'entreprise ou les dirigeants de la personne morale » (L. 1985, art. 30). Le décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 est venu préciser que le juge-commissaire devait solliciter l'avis de l'administrateur et du représentant des créanciers (art. 53). Depuis lors, les dirigeants, quelle que soit leur situation, n'ont d'autre rémunération que celle fixée par le juge-commissaire.

Le caractère systématique de cette procédure n’apparait toutefois plus autant justifié qu’en 1967, dans la mesure le législateur a fait évoluer le rôle du dirigeant en le responsabilisant davantage : en effet, alors que la loi de 1967 organise un dessaisissement total, les dispositions actuelles obligent désormais le tribunal à s’interroger sur ce dessaisissement, en leur demandant de moduler cette limitation : l’assistance de l’administrateur peut ainsi concerner « tous les actes la gestion ou certains d'entre eux, ou d'assurer seuls, entièrement ou en partie, l'administration de l'entreprise » (article L. 631-12 du code de commerce). De même, la période d’observation est aujourd’hui de six mois (la détermination de la durée de la période d'observation est fixée par les articles L. 621-3 et R. 621-9 du code de commerce, auxquels renvoie l'article L. 631-7 du même code pour le redressement judiciaire).

Le dirigeant continuant ainsi en principe d'exercer les actes de disposition et d'administration ainsi que les droits et actions ne relevant pas de la mission confiée à l'administrateur par la loi ou par le tribunal (article L. 631-13 du code de commerce) dans une perspective de moyen terme orientée vers le redressement de l’entreprise, la justification initiale de la fixation systématique de la rémunération par le juge a désormais largement disparue.

En outre, d’autres justifications n’ont pas pu lui être substituées : le niveau de rémunération individuelle d’un dirigeant peut en effet souvent, dans les entreprises de grande taille, constituer un poste de charge relativement marginal dans l’ensemble des dépenses d’une entreprise, et, quelle que soit la taille de l’entreprise, ne pas être lié directement à ses difficultés financières.

Conséquence de cette perte de justification, cette mesure devient désormais plutôt, en pratique, synonyme d’une certaine méfiance, voire d’une suspicion, à l’égard du dirigeant par rapport aux difficultés financières de l’entreprise. Cette situation peut également, dans certains cas, représenter une atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant.

2.2.  Objectifs poursuivis

Cette situation pourrait être améliorée par la mesure proposée. En laissant l’administrateur décider d’enclencher ou non cette procédure selon son appréciation, elle vise à limiter les situations de défiance ou d’atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant et tout en permettant de sécuriser la procédure en cas de rémunérations excessives.

La mesure envisagée vise à ne plus rendre systématique la fixation par le juge-commissaire de la rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur, s'il est une personne physique, ou par les dirigeants de la personne morale, en cas de redressement judiciaire. Cette fixation ne serait possible qu’après demande de l’administrateur, lorsqu’un administrateur a été désigné, ou du ministère public.

Cette mesure vise à limiter les atteintes à l’honneur ou à la réputation liées à la procédure de redressement judiciaire. La modification systématique de la rémunération n’est en effet utile que si elle apparait problématique pour le redressement de l’entreprise. Les autres cas, qui pourraient être écartés par l’administrateur avec cette mesure, sont ceux qui abritent le plus de désavantages et de risques d’atteinte à l’honneur ou à la réputation par rapport aux bénéfices attendus d’une potentielle modification de la rémunération.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Pour ne plus rendre systématique la fixation de la rémunération tout en permettant de sécuriser la procédure en cas de rémunérations excessives, deux options ont été envisagées :

-          celle visant à préciser dans la loi les rémunérations qui devraient être nouvellement fixées par le juge-commissaire : en les limitant, par exemple, aux rémunérations manifestement excessives ou aux rémunérations qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs poursuivis par la procédure (option non retenue);

-          celle conditionnant dans la loi l’examen par le juge commissaire à une saisine de l’administrateur, qui aurait ainsi la charge d’apprécier la compatibilité de la rémunération par rapport à la procédure.

3.2.  Option retenue

L’option conditionnant l’examen par le juge commissaire à une saisine de l’administrateur semble préférable. En effet, puisque les intérêts de l’administrateur sont par nature alignés sur les intérêts de la société faisant l’objet du redressement, l’appréciation de l’opportunité de la saisine du juge-commissaire devrait conduire l’administrateur à ne formuler de demande que lorsque la rémunération apparait problématique pour le redressement de l’entreprise. Cette appréciation, qui tire parti de l’alignement des intérêts, permet de tenir compte du fait que chaque situation de redressent est différent selon la taille ou le secteur de la société et selon les fonctions du dirigeant. Le ministère public serait également autorisé à solliciter la modification de la rémunération, ce qui pourrait permettre de palier à d’éventuelles carences de l’administrateur.

Cette appréciation in concreto apparait préférable à celle de l’indication de critères légaux de rémunérations qui seraient « excessives » ou « incompatibles », et seraient potentiellement susceptibles d’aggraver le problème, en demandant au juge-commissaire de se prononcer d’abord sur ces critères subjectifs avant de fixer la rémunération. Le caractère systématique de l’examen de ces critères reposerait en outre les questions de l’atteinte à l’honneur ou à la réputation du dirigeant évoquées précédemment.

En laissant l’opportunité de la saisine du juge-commissaire à l’administrateur ou au ministère public, les cas écartés, c’est-à-dire ceux qui ne feraient pas l’objet d’une demande, seraient ceux qui abritent actuellement le plus de désavantages et de risques d’atteinte à l’honneur ou à la réputation par rapport aux bénéfices attendus d’une potentielle modification de la rémunération. Les autres, problématiques, seraient traités de la même manière qu’actuellement. La mesure devrait ainsi permettre de traiter les désavantages de la situation actuelle en préservant la sécurité de la procédure.

En l’absence d’administrateur (dès lors que la désignation n’est que facultative lorsque le chiffre d'affaires HT du débiteur est inférieur à 3 000 000 € et le nombre de salariés à 20, conformément aux articles L. 621-4 et R. 621-11 du code de commerce), le mandataire judiciaire, systématiquement présent, pourrait saisir le juge-commissaire.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

Le juge-commissaire ne serait plus amené à fixer systématiquement la rémunération des personnes concernées, mais seulement lorsque l’administrateur le demande ou le ministère public. Cette mesure emporterait la modification de l’article L. 631-11 du code de commerce.

En l’absence d’administrateur (dès lors que la désignation n’est que facultative lorsque le chiffre d'affaires HT du débiteur est inférieur à 3 000 000 € et le nombre de salariés à 20, conformément aux articles L. 621-4 et R. 621-11 du code de commerce),le mandataire judiciaire pourrait également saisir le juge-commissaire.

Enfin, la réforme proposée doit s’accompagner d’une modification de l’article L. 641-11 pour la liquidation judiciaire, cet article opérant un renvoi à l’article L. 631-11. Le principe d’un maintien automatique de la rémunération en liquidation judiciaire, sauf demande contraire, n’est en effet pas opportun.

4.2.  Impacts économiques et financiers

L’impact économique apparait limité. Après la réforme, les rémunérations aujourd’hui toujours fixées par le juge commissaire pourront :

(i)                 soit faire l’objet d’une demande par l’administrateur : ces rémunérations seront alors traitées de la même manière qu’actuellement ;

(ii)               soit ne pas faire l’objet d’une demande par l’administrateur : ces rémunérations demeureront identiques à celles versées avant la procédure.

La différence avec la situation actuelle réside donc dans les rémunérations qui ne feront pas l’objet d’une demande. Par la fonction même de l’administrateur, seules les rémunérations qui ne soulèvent aucune difficulté par rapport aux perspectives de redressement de la société sont susceptibles de ne pas faire l’objet d’une demande. Ces rémunérations, par définition, n’ont pas d’impact économique sur les chances de redressement de l’entreprise concernée.

4.3.  Impacts sur les dirigeants

En limitant les effets négatifs du dispositif actuel sur l’atteinte ou la réputation du dirigeant, la mesure permettrait de participer à rendre la procédure de redressement moins stigmatisante ou marquante pour les dirigeants concernés, ce qui pourrait contribuer à rendre leur expérience moins décourageante.

4.4.  Impacts sur les administrations

Les dossiers qui ne feront pas l’objet d’une demande de la part de l’administrateur correspondront à des économies de temps pour les tribunaux par rapport à la situation actuelle.

5.         Modalités d’application

5.1.  Application dans l’espace

Les dispositions sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. Le 6° du I de l’article L. 950‑1 du code de commerce est donc modifié pour introduire un « compteur Lifou ».

Elles ne sont en revanche pas rendues applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française où le droit des entreprises en difficulté est une compétence locale.

5.2.  Textes d’application

Cette mesure législative appelle la modification de l’article réglementaire correspondant dans le code de commerce (R. 631-15) par décret en Conseil d’État.

1

 


Article 15 relatif au rétablissement professionnel et la liquidation judiciaire simplifiée

La liquidation judiciaire simplifiée

1.         État des lieux

1.1 Cadre général

Le traitement des difficultés des entreprises par le tribunal de commerce ou le tribunal de grande instance selon l’activité du débiteur , doit offrir aux entreprises en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation adaptée à l'importance de l'actif, permettant susceptible de se dérouler dans un délai raisonnable afin de permettre au débiteur afin d'entreprendre à nouveau.

 

Le code de commerce institue dans son article L. 640-1 « une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ». Elle a pour objet de mettre fin à l'activité de l'entreprise ou de réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses biens aux fins de payer les créanciers.

La procédure de liquidation judiciaire (LJ)[146] est clôturée pour extinction du passif ou, plus fréquemment, pour insuffisance d’actif. Le tribunal qui ouvre la liquidation judiciaire doit fixer un délai au terme duquel la clôture de la procédure doit intervenir, toute prorogation ne pouvant résulter que d’une décision motivée. A l’expiration d’un délai de deux ans, tout créancier peut saisir le tribunal aux fins de clôture.

Pour accélérer les opérations de liquidation des petites entreprises ne comportant pas d'actifs immobiliers, la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a complété le dispositif en ajoutant au régime ordinaire de la liquidation, une procédure de liquidation simplifiée. La liquidation judiciaire simplifiée (LJS)[147] instaure une procédure accélérée permettant un terme rapide à la liquidation de petites entreprises, et « donnant au chef d'entreprise la chance de rebondir plus vite ».[148]

 

Les évaluations et les avis des professionnels qui ont conduit à l'adoption de cette innovation étaient fondés sur l'idée qu'une grande partie des procédures de liquidation judiciaire concernaient des entreprises sans actif ni salarié : artisans, petits commerçants individuels et, par la suite, micro entrepreneurs. A l’origine, en 2005, la procédure présentait un caractère facultatif et demeurait finalement assez compliquée, de sorte que, dans les faits, elle n’a guère été utilisée. C'est pourquoi, le législateur, aux termes de l’ordonnance n°2008-1345du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, a rendu la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire en dessous de seuils déterminés par voie réglementaire et a allégé la procédure préexistante.

 

L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives a allégé et amélioré encore le dispositif, afin surtout de réduire le coût et la durée de ces procédures.

 

Deux variantes de la liquidation judiciaire simplifiée existent désormais :

  1. une procédure obligatoire (articles L. 641-2 et D. 641-10 du code de commerce) qui a une période initiale de 6 mois, avec une possible prorogation de trois mois. Elle porte sur les « micro » débiteurs, personnes physiques ou personnes morales qui remplissent trois conditions cumulatives suivantes :

-          ne pas détenir de bien immobilier,

-          ne pas avoir employé plus d’un salarié au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure,

-          ne pas réaliser un chiffre d’affaires excédant 300 000 euros HT à la clôture du dernier exercice comptable.

 

  1. une procédure facultative (articles L. 641-2-1 et D. 641-10 du code de commerce) qui a une durée de 12 mois, avec une possible prorogation de trois mois. Elle porte sur les débiteurs qui remplissent les trois conditions cumulatives suivantes :

-          ne pas détenir de bien immobilier,

-          ne pas avoir employé plus de cinq salariés au cours des 6 mois précédant l’ouverture de la procédure,

-          ne pas réaliser un chiffre d’affaires excédant 750 000 euros HT à la clôture du dernier exercice comptable.

Cette procédure permet :

-          de limiter la vérification aux seules créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions et aux créances résultant d'un contrat de travail ;

-          de vendre les actifs sans recours à une autorisation préalable du juge commissaire. À tout moment, le tribunal peut décider de ne plus faire application des règles dérogatoires et adopter le régime général de la liquidation judiciaire, par décision spécialement motivée.

Cette procédure opère donc une simplification des opérations portant sur l’actif (art. L. 644-2), du traitement du passif (art. L. 644-3) et par une clôture rapide de la procédure (art. L. 644-5).

 

 

Le tableau reproduit ci-dessous expose la structure des liquidations judiciaires (régime général et régime simplifié) entre 2010 et 2017 :

Année d'ouverture de la LJ

Tout régime*

Régime général

Régime simplifié

NR

Total des LJS

% sur l'ensemble des LJ

 dont simplifié obligatoire

dont simplifié facultatif

effectif

Part des LJS-O

2010

52 208

28 457

21 786

41,7

18 073

83,0

3 713

1 965

2011

51 778

28 309

21 537

41,6

18 135

84,2

3 402

1 932

2012

52 152

27 805

22 328

42,8

18 699

83,7

3 629

2 019

2013

53 400

26 651

24 644

46,1

20 694

84,0

3 950

2 105

2014

52 288

24 449

25 910

49,6

22 033

85,0

3 877

1 929

2015

52 293

24 816

25 815

49,4

21 758

84,3

4 057

1 662

2016

47 193

21 202

24 597

52,1

20 872

84,9

3 725

1 394

2017

43 700

19 011

23 402

53,6

20 097

85,9

3 305

1 287

         Source : statistiques DACS

Il est constaté que[149] :

-          en 2017, 43 700 procédures de liquidation judiciaire ont été ouvertes, 19 011 procédures selon le régime général et 23.402 selon le régime simplifié, ces dernières représentant ainsi 53,6% de l’ensemble des liquidations.

-          La part des liquidations judiciaires simplifiées sur l’ensemble des liquidations augmente de manière continue depuis 2010. Ce recours croissant à la liquidation judiciaire simplifiée montre que cette procédure présente un attrait certain pour les débiteurs.

-          Sur 23 402 liquidations judiciaires simplifiées enregistrées en 2017, 20 097 étaient ouvertes en liquidations judiciaires simplifiées obligatoires, représentant ainsi 86% du total des liquidations judiciaires simplifiées, les liquidations simplifiées facultatives ne représentant que 14% par conséquent. Il convient de mentionner que la part des liquidations judiciaires simplifiées obligatoires, par rapport aux liquidations judiciaires simplifiées facultatives, tend, dans une faible mesure, à augmenter depuis 10 ans, passant de 83 à 86%.

-          Parmi les liquidations judiciaires simplifiées facultatives enregistrées en 2017, environ 65% représentent des procédures ouvertes au bénéfice de débiteurs réalisant un chiffres d’affaires inférieur à 300 000 euros (mais ayant un nombre de salariés compris entre 2 et 5). Cette donnée indique que le seuil de chiffre d’affaires fixé à 750 000 euros à titre de plafond est largement suffisant puisque rarement atteint.

-          Enfin, les liquidations judiciaires ouvertes à l'égard des entreprises dont le nombre de salarié est compris entre 6 et 10 salariés et dont le chiffre d'affaires HT est compris entre 750 000 et 1,5 million d’euros sont peu nombreuses et en diminution continue depuis 2013 :

 

Liquidations judiciaires ouvertes à l'égard des entreprises dont le nombre de salarié est compris entre 6 et 10 salariés et dont le chiffre d'affaires HT est compris entre 750 000 et 1,5 millions 

Année

Nbre

2010

770

2011

710

2012

757

2013

850

2014

815

2015

763

2016

638

2017

575

                                                                Source : statistiques DACS

 

-          De nombreuses liquidations judiciaires simplifiées passent dans le régime de droit commun de la liquidation, faute d’avoir pu respecter les délais jugés trop courts (en particulier le délai de 6 mois de la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire).

-          Il n’a pas été possible de déterminer si les ouvertures de liquidations judiciaires simplifiées ont été menées jusqu’à leur clôture toujours sous la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, ou si une conversion en liquidation judiciaire générale a été décidée. Le taux de succès exact de cette procédure n’est donc pas connu et, partant, son efficacité précise ne peut être établie. Il n’en relève pas moins que, d’après les retours des praticiens consultés, la bascule d’une liquidation judiciaire simplifiée à une liquidation judiciaire de droit commun est fréquente, en raison principalement du non-respect des délais jugés trop courts, avec pour effet de retarder les opérations prévues dans le cadre de la procédure de liquidation. Il n’a pas non plus été possible de déterminer, parmi l’ensemble des liquidations judiciaires, la part de celles qui entraient dans les critères de la liquidation judiciaire simplifiée facultative, mais qui n’ont pas opté pour ce dispositif.

-          Il ressort par ailleurs de la pratique que les seuils relatifs aux effectifs doivent rester bas. Lors de l’instauration du dispositif, le critère, pour la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire, d’un seul salarié était destiné à prendre en compte les petites structures dans lesquelles le seul salarié était le dirigeant. Le seuil de cinq salariés, applicable à la liquidation judiciaire simplifiée facultative, avait également pour but de s’adresser à des petites structures. Dans ce cadre toute augmentation du seuil de salariés expose fortement au risque de contentieux prud’homaux qui sont source inéluctable de rallongement des délais et donc de mise en échec de la procédure.

-          Des hésitations relatives aux seuils et au choix de la liquidation judiciaire simplifiée lorsqu’elle est facultative ont été mises en lumière. Cette précision conduit à une simplification de ce régime dual.

1.2 Éléments de droit comparé

La Commission européenne (DG Justice) a publié une étude comparative sur le droit substantiel de l’insolvabilité au sein de l’Union européenne (« Study on a new approach to business failure and insolvency: Comparative legal analysis of the Member States’ relevant provisions and practices »)[150].

Les rédacteurs du rapport, dans le prolongement de la recommandation[151] du 12 mars 2014 de la Commission relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises[152], ont eu l’occasion de rappeler que la libération des dettes du débiteur honnête est inhérente au droit au rebond des entrepreneurs qui veulent recréer une entreprise. Les législations sont très différentes au sein de l’Union européenne : certains Etats membres (ont mis en œuvre des procédures distinctes pour les particuliers et les entrepreneurs (Belgique, Luxembourg, France, par exemple), alors que d’autres appliquent les mêmes dispositions (Royaume-Uni, Autriche, par exemple) et qu’enfin, certains Etats membres ne disposent pas de législation applicable aux particuliers (Croatie, Bulgarie, par exemple)[153].

Les procédures suivantes méritent d’être mentionnées :

Au Royaume-Uni, la procédure d’Individual Voluntary Arrangement (dite IVA) est un accord entre le débiteur personne physique et au moins 75% de ses créanciers aux termes duquel un étalement de tout ou partie de la dette est prévu. Un moratoire de 28 jours s'impose de droit. Les paiements s’effectuent par l'intermédiaire d’un praticien de l’insolvabilité qui reverse les paiements aux créanciers. Cette procédure, qui n’est pas judiciaire, est simplifiée et très rapide puisqu’elle est mise en œuvre en recourant à un formulaire rempli en ligne et permet à l'entrepreneur, personne physique de conserver la direction de son entreprise. Le praticien de l'insolvabilité peut provoquer la faillite personnelle en cas de non-respect de l'accord par le débiteur personne physique.

Une procédure de restructuration de la dette est également ouverte aux entreprises (« Company Voluntary Arrangements » dite CVA). La procédure a une durée de 12 mois, et ne requiert pas d’audience devant le tribunal (sauf exception). Le moratoire est facultatif. Le praticien de l'insolvabilité travaille à l'établissement d'un plan de restructuration des montants de la dette pouvant être payés et d'un calendrier des paiements. Le praticien de l'insolvabilité transmet ensuite le plan aux créanciers, qui est adopté si 75% d'entre eux (en valeur des créances) votent en sa faveur. L’accord s’impose ensuite à tous les créanciers, à l’exception des créanciers garantis (sauf à ce qu’ils renoncent à leurs garanties).

Concernant la liquidation des entreprises et des personnes physiques, un liquidateur est désigné à l’initiative des créanciers, ou par décision de justice à l’initiative du débiteur (la requête pouvant s’effectuer en ligne). L'accord du débiteur, personne morale est obtenu par résolution de l’assemblée des actionnaires prise à la majorité des porteurs de parts. Le liquidateur a pour mission de réaliser les actifs aux fins d’apurer le passif. A l'issue d'une période de 12 mois, la société est dissoute ou, dans le cas d'une personne physique, les dettes sont effacées.

Aux Pays-Bas, la loi sur la restructuration de la dette des personnes physiques (article 284 de la loi sur la faillite) est ouverte sur la demande du seul débiteur. Elle est applicable dans deux hypothèses : lorsque l’on peut prévoir raisonnablement que la personne ne pourra pas continuer à rembourser ses dettes ou si le débiteur est en situation de cessation de paiements.

Pour pouvoir bénéficier de la restructuration de la dette, plusieurs conditions sont requises :

-          il ne doit y avoir aucune perspective de remboursement ;

-          le débiteur doit joindre à sa demande de restructuration un formulaire de déclaration rempli par la municipalité et signé par lui-même, et déposer une requête complète auprès du tribunal (art. 285 de la loi sur la faillite) ;

-          les dettes doivent avoir été contractées ou être restées impayées de bonne foi, ce qui exclut les dettes dues à des actes délictueux. Le tribunal interprète ce critère au cas par cas. Il ne doit pas y avoir eu de tentative de désavantager les créanciers. Les dettes ne doivent pas avoir été contractées ou être restées impayées que très récemment. Il doit pouvoir être prouvé que les dettes ont fait l'objet de tentatives de remboursement même partiel.

 

La procédure a une durée habituelle de trois ans. Elle peut exceptionnellement être plus longue, mais ne peut dépasser 5 ans. Elle peut aussi être réduite à un an, si le tribunal juge inutile de tenir une réunion de vérification. Cette dernière procédure, appelée restructuration simplifiée de la dette, est réservée aux cas où il est établi que les créanciers ne récupéreront qu’une portion particulièrement mince de leur créance.

Quant à la procédure de faillite de droit commun, elle se termine officiellement lorsque la liste de distribution finale devient exécutoire. Une modalité simplifiée existe, qui ne prévoit pas de réunion de vérification. Il suffit de constater que le produit est insuffisant pour rembourser les créances.

En droit allemand, le débiteur sollicite l’ouverture d’une pré-procédure pendant trois mois, à l’issue de laquelle le tribunal de l’insolvabilité décide si les actifs (libres de toute sûreté) de l’entreprise sont suffisants pour payer les frais de procédure (notamment les honoraires du praticien de l'insolvabilité), qui correspondent environ à 10 % de la valeur des actifs. Dans l’affirmative, le tribunal ouvre une procédure d’insolvabilité. Dans le cas inverse, aucune procédure collective n’est ouverte et chaque créancier peut poursuivre le débiteur individuellement, dans la mesure de l’actif disponible. Lorsqu’il n’y a plus d’actifs, la société est radiée et les créanciers ne peuvent donc plus poursuivre la personne morale ni ses dirigeants.

En revanche, lorsque l’entrepreneur est une personne physique qui a moins de 20 créanciers et n’emploie aucun salarié, la loi allemande (Verbraucherinsolvenzverfahren, § 304 du code de l’insolvabilité) prévoit une procédure dérogatoire spécifique qui peut permettre un effacement partiel de dettes. Le débiteur de bonne foi peut ainsi se voir libéré d’une partie de ses dettes, à l’expiration d’un délai de 3 ans, s’il arrive à payer, dans ce délai, 35 % au moins du passif qu’il a généré. Ce délai est porté à 5 ans s’il n’a réussi à payer que les frais de procédure.

Pour bénéficier de cette procédure dérogatoire, le débiteur doit former une demande comprenant :

-          un certificat établissant qu’il a initié une conciliation avec ses créanciers mais qu’elle n’a pu aboutir au paiement de l’arriéré de dettes dans les six mois précédant la demande ;

-          une déclaration précisant qu’il sollicite un effacement des dettes résiduelles (Restschuldbefreiung, § 287 du code de l’insolvabilité) ;

-          une liste de ses actifs, de ses créanciers, ainsi que des contentieux et actions à son encontre ;

-          un plan de remboursement de ses dettes (Schuldenbereinigungsplan).

 

Le tribunal approuve ou non le plan de remboursement, par décision motivée notamment au regard de la viabilité du plan, et sous réserve que les créanciers l’aient adopté à la majorité. Les créanciers récalcitrants se voient dès lors imposer les conditions du plan. Ce n’est qu’à l’expiration du délai de trois ans (ou de 5 ans) que le tribunal décidera de l’effacement des dettes résiduelles du débiteur.

Ainsi, l’entrepreneur individuel qui ne remplit pas les conditions de ce régime dérogatoire ne bénéficie pas de l’effacement de ses dettes et peut se voir indéfiniment poursuivre par ses créanciers.

Au Luxembourg, un projet de loi présenté par le Gouvernement prévoit d’introduire une procédure de dissolution administrative sans liquidation. La procédure serait à l’initiative du procureur d’État. Elle permettra de procéder à la dissolution d’une société en défaut d’actifs sans ouverture d’une procédure formelle de faillite ou de liquidation judiciaire complète. Elle permettra d’évacuer, dans un court laps de temps et avec des coûts réduits pour l’État, de nombreuses sociétés sans aucun actif (i.e. dont l’actif net est inférieur à 1.000 euros) qui ont périclité. Cette procédure ne s’appliquera pas aux sociétés qui emploient du personnel. Quant aux particuliers, la loi du 8 janvier 2013 concernant le surendettement ne prévoit une remise de dettes qu’au terme d’une période de 7 ans.

En droit nord-américain, les petites entreprises (« small businesses ») sont régies par les dispositions du chapitre 7 ou 11 du code de la faillite (U.S. Bankruptcy Code), étant précisé que les small businesses détenus par des personnes physiques peuvent aussi tomber sous le coup du chapitre 13 du même code.

L’option offerte par le chapitre 7 (« liquidation bankruptcies ») est la plus souvent choisie lorsque l’entreprise dispose de peu d’actifs et que le dirigeant ne croit plus à la viabilité de son entreprise. Comme dans le cas du surendettement des particuliers, un trustee est désigné pour vendre les actifs, et apurer le passif. Les dettes demeurées impayées font l’objet d’un effacement et il est mis fin à l’entreprise.

Alternativement, un entrepreneur personne physique n’employant aucun salarié peut choisir la procédure prévue au chapitre 13 du code des faillites si ses dettes non garanties sont inférieures à 400 000 dollars US et si ses dettes garanties sont inférieures à 1 180 000 dollars US. Cette procédure n’est pas réservée aux seuls petits entrepreneurs mais s’appliquent aussi aux particuliers. Le débiteur propose un plan d’apurement qui peut être contesté par les créanciers. Si le tribunal approuve le plan, les créanciers ne peuvent poursuivre le recouvrement de leur créance en dehors des conditions du plan. Lorsque le plan est exécuté, le débiteur est libéré de toutes les dettes restantes (à l’exception de certaines dettes qui ne sont jamais effaçables).

Le chapitre 11 du code de la faillite permet la continuité de l’activité sous réserve de présenter un plan de réorganisation. Si le plan est approuvé par le débiteur et les créanciers, tous sont liés par ses conditions. Le plan doit prévoir l’apurement des créanciers ainsi que le paiement des dettes antérieures aux difficultés. Les petites entreprises ont peu recours à la procédure du chapitre 11 en raison de son coût, des délais et de sa complexité. Toutefois, cette procédure est la seule qui puisse être mise en œuvre si l’entrepreneur entend continuer son activité et s’il dépasse les seuils d’éligibilité pour la procédure du chapitre 13 prévue pour les particuliers.

Enfin, il est possible d’utiliser une procédure dite Fast-Track instituée par la loi de prévention des abus et de protection des consommateurs (Bankruptcy Abuse Prevention and Consumer Protection Act) dite BAPCPA, adoptée en 2005 pour les entreprises dont le passif ne dépasse pas 2 millions de dollars US. Cette procédure dénommée « Fast-Track Business Bankruptcy Case » réduit le délai de la poursuite d’activité de 120 à 100 jours, et fixe le délai pour présenter un plan à 160 jours. Dans ce type de procédures, le tribunal peut ordonner qu’aucun comité de créanciers ne soit nommé.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Il est déduit de tout ce qui précède qu’il semble opportun d’étendre le champ d’application de la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire aux seuils prévus pour la liquidation judiciaire simplifiée facultative à savoir ne pas avoir réalisé un chiffre d’affaires excédant 750 000 euros à la clôture du dernier exercice comptable.

Cette modification présenterait les avantages suivants :

-          Elle aurait le mérite de simplifier l’application des dispositions relatives à la liquidation judiciaire simplifiée pour en faire une procédure à deux vitesses, désormais intégralement obligatoire ;

-          Elle permettrait de maintenir deux durées distinctes avec des seuils d’effectif et de chiffre d’affaires propres, de sorte que la durée de cette procédure obligatoire serait adaptée selon la taille de l’entreprise.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’objectif poursuivi est de permettre au plus grand nombre de débiteurs n’employant pas plus de cinq salariés, réalisant un chiffre d’affaires hors taxe inférieur à 750 000 euros HT et ne détenant aucun bien immobilier, de bénéficier d’une procédure de liquidation judiciaire rapide et simplifiée, favorisant un rebond rapide de l’entrepreneur, soit dès la clôture de la procédure s’il s’agit d’un entrepreneur individuel. En effet, aussi longtemps que la procédure n’est pas clôturée, le débiteur est empêché de redémarrer la plupart des activités, en particulier lorsqu’il est une personne physique. Il lui est ainsi interdit d’exercer en son nom propre l’une des activités relevant du droit des procédures collectives et il est, en outre, frappé de dessaisissement, ce qui ne lui permet pas de disposer librement de son patrimoine.

En revanche, le dirigeant d’un débiteur personne morale n’a pas à attendre la clôture de la procédure pour créer une nouvelle entreprise (sauf à ce qu’il ait été frappé par une interdiction de gérer).

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Deux options avaient été envisagées :

  1. Doubler ou rehausser les seuils applicables : option n°1 écartée

Au regard de ce qui a été précédemment exposé, un doublement des seuils, ou, à tout le moins, un rehaussement, n’est pas apparu utile, ni même souhaité par les praticiens.

En tout état de cause, la fixation des seuils relève du pouvoir réglementaire (actuellement codifiés sous l’article D. 641-10 du code commerce).

C’est pourquoi cette option n°1 n’a pas été retenue.

  1. Réduire les délais applicables : option n°2 écartée:

L’ensemble des praticiens intervenant dans les procédures collectives s’accordent à considérer qu’en gagnant du temps à toutes les étapes, celle de la vérification des créances et celle de la réalisation des actifs, le paiement des créanciers pourra intervenir plus rapidement. Ainsi, la clôture de la procédure, subordonnée elle-même à la distribution du prix des actifs, pourra intervenir beaucoup plus vite. Cette préoccupation est essentielle pour réduire la durée du dessaisissement frappant le débiteur, ce qui est spécialement important pour un débiteur personne physique, privé du droit de reprendre une nouvelle activité indépendante, tant que la clôture n'est pas intervenue.

Ainsi, certaines personnes consultées[154] ont émis l’idée de réduire les principaux délais d'action des créanciers et de réalisation des actifs. A ce titre, pourraient notamment être réduits à 1 mois à compter du jugement d’ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le délai de déclaration des créances (actuellement 2 mois), ou à 2 mois à compter du jugement d’ouverture au BODACC, celui des revendications de marchandises (actuellement 3 mois), à 3 mois à compter du jugement d’ouverture au BODACC, les demandes de relevé de forclusion (actuellement 6 mois).

Tout d’abord, ces délais relèvent de la partie réglementaire du code de commerce.

Ensuite, si cette réduction de délais permettrait d'accélérer la clôture de la procédure de liquidation judiciaire, elle risquerait cependant de porter atteinte aux droits des créanciers, notamment des créanciers chirographaires ne disposant pas de sûreté, tels les fournisseurs qui n’ont pas la couverture suffisante pour faire garantir le paiement de leurs créances et qui sont souvent eux-mêmes des entrepreneurs.

Cette proposition serait par ailleurs contraire à l'équilibre recherché par la proposition de directive européenne relative aux cadres de restructuration préventive, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement et modifiant la directive 2012/30/UE en cours d’élaboration qui réserve un traitement particulier aux créanciers pour qu’ils ne soient pas sacrifiés à la seule faveur de l’entrepreneur.

Enfin, il ressort de la pratique des tribunaux que les délais, en particulier le délai de 6 mois, ne sont pas toujours respectés.

C'est pourquoi cette option n°2 n’a pas été retenue.

3.2.  Option retenue

L’option qui a été retenue consiste à rendre obligatoire la liquidation judiciaire simplifiée sur la base des seuils actuels de la procédure de liquidation judiciaire facultative.

Ainsi, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée d’une durée de six ou douze mois selon l’effectif et le montant du chiffre d’affaires, (pouvant être portée respectivement à neuf et quinze mois par jugement spécialement motivé du tribunal) serait obligatoire pour tous les débiteurs qui remplissent les trois conditions cumulatives suivantes :

  1. ne pas détenir de bien immobilier,
  2. ne pas avoir employé plus de cinq salariés au cours des 6 mois précédant l’ouverture de la procédure,
  3. ne pas réaliser un chiffre d’affaires excédant 750 000 euros HT à la clôture du dernier exercice comptable.

Cette option est cohérente avec les objectifs poursuivis d’accroître le champ d’application de cette procédure afin qu’elle concerne de manière automatique un plus grand nombre de débiteurs et de réduire les cas de bascule dans le régime de la liquidation de droit commun, source d’allongement des délais.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Cette réforme consistera à :

-          abroger l’article L. 641-2-1 du code de commerce (qui instaure la liquidation judiciaire facultative),

-          modifier l’article L. 644-2 (qui opère un renvoi à l’article L. 641-2-1),

-          modifier l’article L. 644-5 (qui prévoit les durées),

-          modifier l’article L. 950-1 concernant l’application du dispositif dans les Iles Wallis et Futuna

Il conviendrait en contrepoint de maintenir les dispositions de l’article L. 644-6 du code de commerce qui permettent au tribunal de passer à tout moment au régime général de la liquidation judiciaire.

Enfin, cette disposition ne modifiera pas les autres procédures collectives (sauvegarde, redressement, et rétablissement professionnel).

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Cette disposition du présent projet de loi répond aux exigences de la proposition de directive européenne du 22 novembre 2016 relative aux cadres de restructuration préventive, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement et modifiant la directive 2012/30/UE[155].

Elle s’articule en particulier de manière cohérente avec les mesures du Titre III favorisant le droit au rebond de l’entrepreneur, qui prévoient notamment un délai de réhabilitation de trois ans compatibles avec les liquidations concernées par la liquidation judiciaire simplifiée.

Elle est également conforme au principe même de réhabilitation prévue par la proposition de directive, dès lors que la liquidation judiciaire conduit à la non-reprise des poursuites après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Toutefois, la proposition de directive est encore en cours de négociation.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Cette disposition du présent projet de loi, qui devrait avoir pour effet de soumettre à la liquidation judiciaire simplifiée un plus grand nombre de débiteurs et leur ferait ainsi bénéficier d’un dispositif simplifié et accéléré, devrait favoriser le retour à l’emploi de ces débiteurs.

Lorsque le débiteur ne dispose de quasiment aucun actif à liquider, apporter une clôture rapide aux opérations de liquidation favorisera le rebond et l’entrepreneuriat.

En 2015, 525 100 entreprises ont été créées en France, soit 5 % de moins qu’en 2014. Cette réduction résulte du net repli des immatriculations de micro-entrepreneurs (– 21 % par rapport à 2014). En revanche, les autres créations d’entreprises augmentent fortement, particulièrement celles des entreprises individuelles (+ 28 %) autres que les micro-entrepreneurs, et, dans une moindre mesure, celles des sociétés (+ 4 %)[156].

En outre, l’accélération de la procédure devrait permettre d’éviter une contagion, par effet domino, des difficultés du débiteur aux entreprises saines, et protègera ainsi le tissu économique.

Toutefois, il reste difficile d’établir des simulations d’impacts macroéconomiques compte tenu des éléments suivants :

-          Il n’a pas été possible de déterminer si les ouvertures de liquidations judiciaires simplifiées ont été menées jusqu’à leur clôture toujours sous la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, ou si une conversion en liquidation judiciaire générale a été décidée. Le taux de succès exact de cette procédure n’est donc pas connu et, partant, son efficacité précise ne peut être établie. 

-          Il n’a pas non plus été possible de déterminer, parmi l’ensemble des liquidations judiciaires, la part de celles qui entraient dans les critères de la liquidation judiciaire simplifiée facultative, mais qui n’ont pas opté pour ce dispositif.

-          Enfin, on assiste au plan national à une baisse d’environ 8% des ouvertures de procédures en 2017 (cette baisse se poursuivant au mois de janvier 2018)[157] et, en parallèle, les procédures ouvertes concernent de plus en plus de petites, voire très petites structures, avec peu de salariés et un chiffre d’affaires très faible. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte où l'économie mondiale apparaît plus dynamique et où la croissance française continue de se redresser.

Les effets quantifiés de cette disposition sont donc difficilement objectivables.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

La procédure de liquidation judiciaire simplifiée devrait concerner quantitativement un plus grand nombre d’entreprises et permettre une clôture plus rapide de la procédure de liquidation de petites entreprises. L’entrepreneur personne physique aura ainsi la faculté de rebondir économiquement plus rapidement.

Les effets quantifiés de cette disposition ne sont pas objectivables pour les entreprises.

4.2.3        Impacts budgétaires

L’impact budgétaire de cette disposition est difficile à déterminer. Toutefois, en obligeant les tribunaux à ouvrir des procédures de liquidation simplifiée au profit d’un plus grand nombre de débiteurs, il devrait en résulter un allégement des coûts de procédure (notamment les émoluments des mandataires de justice) et frais de justice.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

L’impact de cette disposition sur les services administratifs est difficile à déterminer. Toutefois, en obligeant les tribunaux à ouvrir des procédures de liquidation simplifiée au profit d’un plus grand nombre de débiteurs, il devrait en résulter un allégement des coûts de procédure (notamment les émoluments des mandataires de justice) et frais de justice.

Il devrait également en résulter une réduction des délais de procédure, ce qui allègerait les juridictions, tant consulaires que judiciaires.

4.4.  Impacts sociaux

L’impact social de cette disposition devrait être perceptible en termes de dynamique de création d’entreprise. Par ailleurs, en réduisant les risques de propagation éventuelle des difficultés économiques aux créanciers du débiteur les plus fragiles, cette mesure devrait consolider le tissu économique et maintenir l’emploi.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

La Chancellerie a consulté, sur la base d’un questionnaire informel, des praticiens de l’insolvabilité (CNAJMJ, avocats), des universitaires, des juges des tribunaux de commerce et des tribunaux de grande instance et de la Cour de Cassation.

Il a notamment été souligné que la distinction entre procédure de liquidation judiciaire simplifiée facultative et obligatoire n’était pas utile, qu’une seule procédure obligatoire serait plus facile à mettre en œuvre compte tenu des hésitations relatives aux seuils et au choix de la liquidation judiciaire simplifiée lorsqu'elle est facultative.

Les dispositions exposées précédemment permettent de répondre aux préconisations ainsi formulées.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de la publication de la présente loi.

5.2.2        Application dans l’espace

Les modifications apportées aux dispositions au livre VI du code de commerce sont rendues applicables dans les îles Wallis et Futuna. Le 6° du I de l’article L. 950-1 devra en conséquence être modifié pour introduire un compteur Lifou.

En revanche ces dispositions ne sont pas étendues en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française, le droit des entreprises en difficulté étant une compétence locale.

5.2.3        Textes d’application

Il conviendra de modifier l’article D. 641-10 du code de commerce qui fixe les seuils de la liquidation judiciaire simplifiée obligatoire et facultative.

Le rétablissement professionnel

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Origine de la mesure

Suivant pour l’essentiel une suggestion tant de la pratique que de la doctrine, l’ordonnance[158] du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives a créé une procédure de rétablissement professionnel, alternative nouvelle à la liquidation judiciaire destinée à favoriser le rebond des exploitants- personnes physiques- impécunieux en leur procurant un effacement de leurs dettes après une procédure sans liquidation, donc sans réalisation de leurs actifs au demeurant de faible valeur. Cette procédure, conçue comme une mesure de faveur, a été principalement mise en place par pragmatisme, partant du constat que, dans les très petits dossiers, les frais de procédure ne sont pas couverts et les créanciers ne récupèrent rien. Pour ces créanciers, le seul enjeu consiste à obtenir le plus vite et le plus simplement possible le certificat d’irrécouvrabilité qui leur permet d’enregistrer comptablement leur perte.

Il apparaissait par ailleurs que le nombre de ces très petits dossiers nuisait à l’image d’efficacité des procédures françaises.

En outre, ce nouvel instrument apparaissait comme une solution plus satisfaisante au regard du débiteur, que la solution consistant à ne pas ouvrir de procédure, et à procéder à une simple radiation administrative n’emportant pas purge des dettes, comme il se pratique notamment en Allemagne lorsque le débiteur est dans l’impossibilité de payer les frais de procédure.

Enfin, ce nouvel instrument s’inscrivait pleinement dans le cadre de la recommandation[159] du 12 mars 2014 qui a notamment pour objet de « donner une seconde chance aux entrepreneurs honnêtes »[160]. La recommandation préconise également que les entrepreneurs soient « pleinement libérés de leurs dettes qui ont fait l’objet d’une mise en faillite après au plus tard trois ans », et ce de façon automatique[161].

Descriptif de la mesure

Le rétablissement professionnel a donc été conçu comme une procédure ni liquidative, ni collective. Figurant aux articles L. 645-1 à L. 645-12 du code de commerce, elle est ouverte à tout débiteur, personne physique, exerçant une activité professionnelle - à l'exception du cas de l'EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) prévu à l’article L. 526-6 de ce même code - qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective en cours, n'a employé aucun salarié au cours des six derniers mois, n'est pas partie à une instance prud'homale en cours, et dont l'actif déclaré réalisable est inférieur à 5 000 euros[162]. Ce montant avait été débattu lors de l’élaboration du décret, les propositions allant de 3 000 euros à 10 000 euros.

Le débiteur saisit le tribunal par une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire tout en sollicitant subsidiairement l’ouverture d'un rétablissement professionnel. Après enquête confiée à un juge-commis, le tribunal peut, soit rejeter la demande, soit ouvrir une liquidation judiciaire si les éléments recueillis sont contraires aux conditions d'ouverture d'un rétablissement professionnel, soit prononcer le rétablissement professionnel sans liquidation après enquête avec nomination d'un mandataire judiciaire.

Dans ce dernier cas, la procédure est ouverte pendant une période de quatre mois. Sur rapport du mandataire et après avis du ministère public, le juge-commis renvoie l'affaire devant le tribunal pour:

        soit clôturer cette procédure en décidant l'effacement des seules dettes chiffrées par le débiteur, à l'exception des dettes d'aliments, des dettes salariales, des dettes relatives à une succession ouverte pendant la procédure et des dettes délictuelles. Le débiteur conserve alors son actif ;

        soit ouvrir une liquidation judiciaire.

L’éligibilité du débiteur à l'effacement de ses dettes, sans ouverture de liquidation judiciaire, suppose que soient remplies les conditions cumulatives suivantes :

        la bonne foi du débiteur ;

        l'absence d'éléments susceptibles de donner lieu aux sanctions professionnelles de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer ou encore d'exercer le commerce.

Le jugement de clôture n’entraîne pas la radiation du registre professionnel. Le débiteur, non dessaisi, peut donc poursuivre ou reprendre son activité.


 

Données statistiques sur la mesure[163] :

Evolution des ouvertures de rétablissement professionnel

 

 

 

 

 

 

Année d'ouverture du RP

TCom

TGI

Total

2014

53

1

54

2015

168

3

171

2016

147

18

165

2017

78

49

127

2014-2017

446

71

517

Source : SDSE-RGC / Exploitation : DACS-PEJC

 

 

Evolution des demandes d’ouverture de rétablissement professionnel

Année de la demande d’ouverture d’un RP

TCom

TGI

Total

2014

65

3

68

2015

173

29

202

2016

178

52

230

2017

125

72

197

2014-2017

541

156

697

Source : SDSE-RGC / Exploitation : DACS-PEJC

 

 

On constate que les demandes d’ouverture de rétablissement professionnel sont supérieures d’environ 25% au nombre de procédures réellement ouvertes par les tribunaux, ce qui correspond à l’appréciation des juges de la réunion des conditions d’éligibilité pour pouvoir en bénéficier.

En outre, l’année 2017 marque une nette baisse des ouvertures de procédures de rétablissement professionnel par rapport à l’année 2016, ce constat n’ayant pu être expliqué.

1.2.  Éléments de droit comparé

Aucun Etat ne prévoit de procédure similaire au rétablissement professionnel.

Toutefois, il est possible de présenter les dispositifs applicables aux entrepreneurs individuels, personnes physiques prévus dans les différents droits suivants :

La Commission européenne (DG Justice) a publié une étude comparative sur le droit substantiel de l’insolvabilité au sein de l’Union européenne (« Study on a new approach to business failure and insolvency: Comparative legal analysis of the Member States’ relevant provisions and practices »)[164].

Les rédacteurs du rapport, dans le prolongement de la recommandation[165] du 12 mars 2014 de la Commission, ont eu l’occasion de rappeler que la libération des dettes du débiteur honnête est inhérente au droit au rebond des entrepreneurs qui veulent recréer une entreprise[166]. Les législations sont très différentes au sein de l’Union européenne : certains Etats membres ont mis en œuvre des procédures distinctes pour les particuliers et les entrepreneurs (Belgique, Luxembourg, France, par exemple), alors que d’autres appliquent les mêmes dispositions (Royaume-Uni, Autriche, par exemple) et qu’enfin, certains Etats membres ne disposent pas de législation applicable aux particuliers (Croatie, Bulgarie, par exemple)[167].

Les procédures décrites succinctement ci-après méritent d’être mentionnées :

Au Royaume-Uni, la procédure d’Individual Voluntary Arrangement (IVA) est un accord entre le débiteur personne physique et au moins 75% de ses créanciers aux termes duquel un étalement de tout ou partie de la dette est prévu. Un moratoire de 28 jours s'impose de droit. Les paiements s’effectuent par l'intermédiaire d’un praticien de l’insolvabilité qui reverse les paiements aux créanciers. Cette procédure, qui n’est pas judiciaire, est ultra simplifiée et très rapide puisqu’elle se met en œuvre par formulaire rempli en ligne et permet à l'entrepreneur personne physique de conserver la direction de son entreprise. Le praticien de l'insolvabilité peut provoquer la faillite personnelle en cas de non-respect de l'accord par le débiteur personne physique.

Concernant la liquidation des entreprises et des personnes physiques, un liquidateur est désigné à l’initiative des créanciers, ou par décision de justice à l’initiative du débiteur (la requête pouvant s’effectuer en ligne). Le liquidateur a pour mission de réaliser les actifs aux fins d’apurer le passif. A l'issue d'une période de 12 mois, les dettes sont effacées.

Aux Pays-Bas, la loi sur la restructuration de la dette des personnes physiques (article 284 de la loi sur la faillite) est ouverte sur la demande du seul débiteur. Elle est applicable dans deux hypothèses : lorsque l’on peut prévoir raisonnablement que la personne ne pourra pas continuer à rembourser ses dettes ou si le débiteur est en situation de cessation de paiements.

Pour pouvoir bénéficier de la restructuration de la dette, plusieurs conditions sont requises :

-          il ne doit y avoir aucune perspective de remboursement ;

-          le débiteur doit joindre à sa demande de restructuration un formulaire de déclaration rempli par la municipalité et signé par lui-même, et déposer une requête complète auprès du tribunal (art. 285 de la loi sur la faillite) ;

-          les dettes doivent avoir été contractées ou être restées impayées de bonne foi, ce qui exclut les dettes dues à des actes délictueux. Le tribunal interprète ce critère au cas par cas. Il ne doit pas y avoir eu de tentative de désavantager les créanciers. Les dettes ne doivent pas avoir été contractées ou être restées impayées que très récemment. Il doit pouvoir être prouvé que les dettes ont fait l'objet de tentatives de remboursement même partiel.

La procédure a une durée habituelle de trois ans. Elle peut exceptionnellement être plus longue, mais ne peut dépasser cinq ans. Elle peut aussi être réduite à un an, si le tribunal juge inutile de tenir une réunion de vérification. Cette dernière procédure, appelée restructuration simplifiée de la dette, est réservée aux cas où il est établi que les créanciers ne récupéreront qu’une portion particulièrement mince de leur créance.

Quant à la procédure de faillite de droit commun, elle se termine officiellement lorsque la liste de distribution finale devient exécutoire. Une modalité simplifiée existe, qui ne prévoit pas de réunion de vérification. Il suffit de constater que le produit est insuffisant pour rembourser les créances.

En droit allemand, lorsque l’entrepreneur est une personne physique qui a moins de 20 créanciers et n’emploie aucun salarié, la loi allemande (Verbraucherinsolvenzverfahren, § 304 du code de l’insolvabilité) prévoit une procédure dérogatoire spécifique qui peut permettre un effacement partiel de dettes. Le débiteur de bonne foi peut ainsi se voir libéré d’une partie de ses dettes, à l’expiration d’un délai de trois ans, s’il arrive à payer, dans ce délai, 35 % au moins du passif qu’il a généré. Ce délai est porté à cinq ans s’il n’a réussi à payer que les frais de procédure.

Pour bénéficier de cette procédure dérogatoire, le débiteur doit former une demande comprenant :

-          un certificat établissant qu’il a initié une conciliation avec ses créanciers mais qu’elle n’a pu aboutir au paiement de l’arriéré de dettes dans les six mois précédant la demande ;

-          une déclaration précisant qu’il sollicite un effacement des dettes résiduelles (Restschuldbefreiung, § 287 du code de l’insolvabilité) ;

-          une liste de ses actifs, de ses créanciers, ainsi que des contentieux et actions à son encontre ;

-          un plan de remboursement de ses dettes (Schuldenbereinigungsplan).

Le tribunal approuve ou non le plan de remboursement, par décision motivée notamment au regard de la viabilité du plan, et sous réserve que les créanciers l’aient adopté à la majorité. Les créanciers récalcitrants se voient dès lors imposer les conditions du plan. Ce n’est qu’à l’expiration du délai de trois ans (ou de cinq ans) que le tribunal décidera de l’effacement des dettes résiduelles du débiteur.

Ainsi, l’entrepreneur individuel qui ne remplit pas les conditions de ce régime dérogatoire ne bénéficie pas de l’effacement de ses dettes et peut se voir indéfiniment poursuivre par ses créanciers.

Au Luxembourg, un projet de loi présenté par le Gouvernement prévoit d’introduire une procédure de dissolution administrative sans liquidation. La procédure serait à l’initiative du procureur d’État. Elle permettrait de procéder à la dissolution d’une société en défaut d’actifs sans ouverture d’une procédure formelle de faillite ou de liquidation judiciaire complète. Elle permettrait de traiter dans un court laps de temps et avec des coûts réduits pour l’État, de nombreuses sociétés sans aucun actif (i.e. dont l’actif net est inférieur à 1.000 euros) qui ont périclité. Cette procédure ne s’appliquera pas aux sociétés qui emploient du personnel. Quant aux particuliers, la loi du 8 janvier 2013 concernant le surendettement ne prévoit une remise de dettes qu’au terme d’une période de 7 ans.

En droit nord-américain, les petites entreprises (« small businesses ») sont régies par les dispositions du chapitre 7 ou 11 du code de la faillite (U.S. Bankruptcy Code), étant précisé que les small businesses détenues par des personnes physiques peuvent aussi tomber sous le coup du chapitre 13 du même code.

L’option offerte par le chapitre 7 (« liquidation bankruptcies ») est la plus souvent choisie lorsque l’entreprise dispose de peu d’actifs et que le dirigeant ne croit plus à la viabilité de son entreprise. Comme dans le cas du surendettement des particuliers, un trustee est désigné pour vendre les actifs, et apurer le passif. Les dettes demeurées impayées font l’objet d’un effacement et il est mis fin à l’entreprise.

Alternativement, un entrepreneur personne physique n’employant aucun salarié peut choisir la procédure prévue au chapitre 13 du code des faillites si ses dettes non garanties sont inférieures à 400 000 dollars américains et si ses dettes garanties sont inférieures à 1  180  000 dollars américains. Cette procédure n’est pas réservée aux seuls petits entrepreneurs mais s’applique aussi aux particuliers. Le débiteur propose un plan d’apurement qui peut être contesté par les créanciers. Si le tribunal approuve le plan, les créanciers ne peuvent poursuivre le recouvrement de leur créance en dehors des conditions du plan. Lorsque le plan est exécuté, le débiteur est libéré de toutes les dettes restantes (à l’exception de certaines dettes qui ne sont jamais effaçables).

Le chapitre 11 du code de la faillite permet la continuité de l’activité sous réserve de présenter un plan de réorganisation. Les petites entreprises et les entrepreneurs individuels ont très peu recours à cette procédure en raison de son coût, des délais et de sa complexité. Toutefois, cette procédure est la seule qui puisse être mise en œuvre si l’entrepreneur entend continuer son activité et s’il dépasse les seuils d’éligibilité pour la procédure du chapitre 13 prévue pour les particuliers.

Enfin, il est possible d’utiliser une procédure dite Fast-Track instituée par la loi de prévention des abus et de protection des consommateurs (Bankruptcy Abuse Prevention and Consumer Protection Act) dite BAPCPA, adoptée en 2005 pour les entreprises dont le passif ne dépasse pas 2 millions de dollars américains. Cette procédure dénommée « Fast-Track Business Bankruptcy Case » réduit le délai de la poursuite d’activité de 120 à 100 jours, et fixe le délai pour présenter un plan à 160 jours. La constitution d’un comité de créanciers n’est pas obligatoire si l’une des parties le souhaite.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Il est constaté que :

-          La procédure de rétablissement professionnel rencontre un succès très limité. Seules 127 procédures ont été ouvertes en 2017 et 517 au total depuis son entrée en vigueur au 1er juillet 2014. Ainsi, par exemple, le tribunal de commerce de Lille métropole n’a pas ouvert une seule procédure de rétablissement professionnel depuis 2014, celui de Créteil n’en a ouvert que deux en 2017, celui de Bobigny n’en a ouvert aucune en 2016 et en 2017. Le tribunal de commerce de Paris n’en a ouvert que 7 depuis sa création, alors que le tribunal de commerce de Saint Nazaire en a ouvert 33 depuis sa création. Le tribunal de grande instance de Paris n’a ouvert que 25 procédures de rétablissement professionnel depuis le 1er juillet 2014[168].

-          La procédure de rétablissement professionnel est méconnue des débiteurs concernés qui doivent la demander pour en bénéficier et serait mal connue des mandataires de justice, avocats, greffiers et juges.

S’il demeure essentiel de vérifier la bonne foi du débiteur pour éviter les fraudes, cette procédure apparaît particulièrement adaptée aux professions libérales (médecins, avocats,…) exerçant de manière indépendante. Ces personnes peuvent en effet bénéficier d’un rebond déterminant dans l’exercice de leur profession, dès lors qu’elles ne sont pas dessaisies et n’ont donc pas à attendre la clôture de la procédure pour continuer à exercer leur art.

Enfin, certains débiteurs, tirant les leçons de leurs difficultés voire de leur incapacité à conduire une entreprise individuelle, ne souhaitent pas persévérer dans leur entreprise et souhaitent une liquidation judiciaire, pour pouvoir, à la clôture de la procédure, se tourner vers une activité salariée.

 

Il est déduit de tout ce qui précède qu’il serait nécessaire de systématiser l’examen par le tribunal saisi d’une demande de liquidation judiciaire, des conditions du redressement professionnel afin de lui permettre d’ouvrir cette procédure avec l’accord du débiteur, sans toutefois rendre la procédure obligatoire.

L’examen des critères du rétablissement professionnel serait ainsi un préalable obligatoire pour le tribunal saisi d’une demande de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ou d’une demande de liquidation judiciaire émanant du débiteur, du Ministère public ou d’un créancier.

Cette réforme présenterait les avantages suivants :

-          Elle aurait le mérite d’imposer aux juridictions et aux praticiens l’examen des conditions d’éligibilité du rétablissement professionnel et de la pertinence de son adoption ;

-          Elle familiariserait ainsi les juridictions et les praticiens à cette procédure ;

-          Elle respecterait la philosophie du rétablissement professionnel qui doit rester une procédure volontaire, c’est-à-dire demandée par le débiteur, dès lors qu’elle lui offre un effacement de dettes avec une continuité de son activité. Cette faveur doit nécessairement s’accompagner d’une adhésion du débiteur. Elle laisserait ainsi une souplesse au débiteur qui pourrait ne pas avoir d’intérêt à poursuivre son activité, même au bénéfice d’un effacement de ses dettes (a fortiori si l’assurance chômage lui est ouverte à l’issue de la liquidation judiciaire) ;

-          Elle permettrait de reproduire une faculté déjà ouverte au tribunal, et qui porte ses fruits puisque les conciliations sont en hausse, d’orienter le débiteur vers la conciliation (article L. 621-1 al. 3 du code de commerce) ;

-          Elle permettrait enfin d’examiner l’ouverture du rétablissement professionnel également à l’occasion d’une demande de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, soit bien en amont des difficultés rencontrées au stade de la liquidation judiciaire. Les occasions d’ouvrir une telle procédure seraient ainsi élargies.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’objectif poursuivi est d’augmenter les ouvertures de rétablissement professionnel, d’anticiper plus en amont les difficultés et de favoriser ainsi le rebond des entrepreneurs de bonne foi.

Ce dispositif, qui offre au débiteur personne physique les effets de la clôture pour insuffisance d’actif, c’est-à-dire la règle de l’interdiction du droit de reprise des poursuites individuelles permettant une purge de ses dettes, en se dispensant d’une procédure collective, lui permet également de ne pas être dessaisi : il conserve ainsi le pouvoir de disposition sur ses biens et peut continuer son activité.

Accroître le recours à cette procédure a dès lors pour objectif de sauver de la liquidation judiciaire les petits débiteurs personnes physiques, en particulier ceux qui exercent une profession libérale (médecins, avocats,…) de manière indépendante ou les micro-entrepreneurs qui se sont lancés dans l’entrepreneuriat pour échapper à une situation de non emploi. Ces personnes peuvent en effet bénéficier d’un rebond déterminant dans l’exercice de leur profession, dès lors qu’elles n’ont pas à attendre la clôture de la procédure pour continuer à exercer leur activité.

Aguerri par son échec, le débiteur pourra ainsi rebondir vite (fresh start à l’américaine). A cet égard, la recommandation du 12 mars 2014 a notamment pour objectif de donner une seconde chance aux entrepreneurs et fait l’éloge de l’apprentissage par l’échec : « il semble démontré que les entrepreneurs faillis ont plus de chance de réussir la seconde fois »[169] ; toutefois, aucune étude n’est citée.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Deux options avaient été envisagées :

1. Rendre la procédure obligatoire : option n°1 écartée

Faire de la procédure de rétablissement professionnel une procédure obligatoire risque de consacrer un droit à l’effacement automatique des dettes et de favoriser un effet d’aubaine, l’absence de bonne foi n’étant qu’une condition de déchéance et non une condition d’ouverture.

Son automaticité reviendrait à en faire un moyen de purger les dettes pour les petits débiteurs, alors qu’en tant que mesure de faveur par rapport à la liquidation, elle ne doit pas s’appliquer automatiquement.

Par ailleurs, rendre cette procédure obligatoire aboutirait à mieux traiter l’entrepreneur individuel dans le cadre du rétablissement professionnel que la personne physique dans le cadre du rétablissement personnel (dont l’initiative appartient à la commission de surendettement et les conditions d’ouverture sont subjectives en ce sens qu’elles envisagent la situation particulière du débiteur de bonne foi). L’automaticité du rétablissement professionnel, dont les conditions sont objectives puisqu’elles reposent sur les seuils posés par les textes (la bonne foi n’est en effet qu’une condition de déchéance), créerait ainsi une distorsion entre les deux régimes.

Enfin, il est difficilement concevable de contraindre des entrepreneurs à continuer leur activité, alors qu’ils préfèreraient y mettre un terme, liquider leurs actifs et s’orienter vers une autre activité et/ou un autre statut.

Ainsi, au regard de ce qui vient d’être exposé, l’option de rendre obligatoire la procédure de rétablissement professionnel, outre la difficulté qui surviendrait de la coexistence et donc de l’articulation de ce dispositif avec la liquidation judiciaire simplifiée, favoriserait les situations d’aubaine, si ce n’est de fraude.

C’est pourquoi cette option n°1 n’a pas été retenue.

2. Rehausser le montant d’actif réalisable : option n°2 écartée:

Il est ressorti des consultations menées que le plafond d’actifs réalisable n’est pas, du point de vue de son montant, l’explication principale du faible recours à la procédure de rétablissement professionnel.

Si un doublement de ce seuil induirait un accroissement théorique du nombre de débiteurs concernés (+20% si l’actif devait être porté à 8.000 euros, +31% si l’actif devait être porté à 10.000 euros[170]), deux obstacles d’ordre pratique sont à prendre en considération:

-          Il existe tout d’abord une difficulté qui tient aux frais de greffe qui s’élèvent à la somme d’environ 600 euros pour cette procédure. A la différence de la liquidation judiciaire qui permet au juge-commissaire[171] d’ordonner au Trésor public de faire l’avance des frais et émoluments perçus par les greffiers lorsque les fonds du débiteur sont insuffisants, la procédure de rétablissement professionnel ne le permet pas. Le débiteur est donc contraint d’acquitter ces droits.

Envisager une extension de la mise à la charge du Trésor public n’est pas envisageable, dans un contexte où ces frais représentent à l’heure actuelle la somme de 35 millions d’euros que l’Etat ne recouvre jamais et cherche à réduire.

 

-          Par ailleurs, la procédure de rétablissement professionnel, par définition impécunieuse, engendre le paiement d’émoluments au mandataire de justice à hauteur de 1.200 euros (si l’actif est inférieur à 1.000 euros) et à 1.500 euros (si l’actif est supérieur à 1.000 euros)[172], qui sera prélevé sur le FFDI[173] (Fonds de Financement des Dossiers Impécunieux).

 

Rehausser les seuils prévus pour le rétablissement professionnel ne pourrait se faire sans une réflexion sur les moyens de ce fonds dont l’équilibre financier est aujourd’hui préoccupant, comme le montre le tableau suivant[174].

Source : Caisse des dépôts

En tout état de cause, cette mesure tenant au rehaussement du seuil relève du niveau réglementaire.

C’est pourquoi cette option n°2 n’a pas été retenue.

3. Instaurer un plafond de passif : option n°3 écartée:

Instaurer un seuil de passif n’apparaît pas de nature à favoriser la procédure de rétablissement professionnel en ce que ce plafond limiterait le nombre de débiteurs potentiellement concernés. En second lieu, il serait susceptible de créer une inégalité entre les débiteurs, dès lors que certaines activités (comme les avocats ou les médecins dont les charges ordinales et les cotisations de sécurité sociale impayées peuvent rapidement atteindre des sommes élevées) génèrent un passif plus important que d’autres sans que la bonne foi du débiteur ne soit en cause.

En tout état de cause, cette mesure relève du niveau réglementaire.

C’est pourquoi cette option n° 3 n’a pas été retenue.

3.2.  Option retenue

L’option qui a été retenue consiste à systématiser l’examen par le tribunal saisi d’une demande de liquidation judiciaire, des conditions du rétablissement professionnel afin de lui permettre d’ouvrir cette procédure avec l’accord du débiteur, sans toutefois rendre la procédure obligatoire.

L’examen des critères du rétablissement professionnel serait ainsi un préalable obligatoire pour le tribunal saisi d’une demande de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, d’une demande de redressement émanant du débiteur, ou d’une demande de liquidation judiciaire émanant du débiteur, du Ministère public ou d’un créancier.

Cette option est cohérente avec les objectifs poursuivis d’agrandir le champ d’application de cette procédure afin qu’elle concerne un plus grand nombre de débiteurs.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Cette réforme consistera à :

-          modifier l’article L. 626-27 du code du commerce pour permettre au tribunal qui prononce la résolution du plan de sauvegarde d’ouvrir un rétablissement professionnel avec l’accord du débiteur,

-          modifier l’article L. 631-7 du code du commerce pour permettre au tribunal saisi d’une demande de redressement judiciaire d’ouvrir un rétablissement professionnel avec l’accord du débiteur,

-          modifier l’article L. 631-20-1 pour permettre au tribunal qui prononce la résolution du plan de redressement judiciaire d’ouvrir un rétablissement professionnel avec l’accord du débiteur,

-          modifier l’article L. 641-1 en le complétant pour permettre au tribunal saisi d’une ouverture de liquidation judiciaire d’orienter le débiteur vers le rétablissement professionnel,

-          modifier l’article L. 645-1 aux fins de mettre en cohérence ce texte avec la nouvelle possibilité de prononcer le rétablissement professionnel en cas de résolution du plan de sauvegarde ou de redressement,

-          modifier l’article L. 645-3 afin de tenir compte de la modification des modalités d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel qui n’est plus une demande du débiteur mais une initiative obligatoire du tribunal qui l’ouvre avec l’accord du débiteur,

-          modifier l’article L. 645-9 afin d’intégrer les nouvelles hypothèses d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel,

-          modifier l’article L. 950-1 concernant l’application du dispositif dans les Iles Wallis et Futuna.

Enfin, ces dispositions ne modifieront pas les autres procédures collectives (sauvegarde, redressement, et liquidation judiciaire).

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Cette disposition du présent projet de loi répond aux exigences de la proposition de directive européenne du 22 novembre 2016 relative aux cadres de restructuration préventive, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement et modifiant la directive 2012/30/UE[175].

Elle s’articule en particulier de manière cohérente avec les mesures du Titre III favorisant le droit au rebond de l’entrepreneur, qui prévoient notamment un délai de réhabilitation de trois ans compatibles avec les liquidations concernées par la liquidation judiciaire simplifiée.

Elle est également conforme au principe même de réhabilitation prévue par la proposition de directive, dès lors que le rétablissement professionnel conduit à l’effacement des dettes et à la poursuite de l’activité.

Toutefois, la proposition de directive est encore en cours de négociation.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Cette disposition du présent projet de loi, qui devrait avoir pour effet de soumettre au rétablissement professionnel un plus grand nombre de débiteurs et leur ferait ainsi bénéficier d’un dispositif simplifié et accéléré d’effacement de dettes, devrait favoriser le maintien des entreprises individuelles.

Le nombre de liquidations judiciaires devrait en conséquence décroître. Cependant au-delà d’une amélioration des données statistiques, on peut raisonnablement en attendre un souffle nouveau pour les débiteurs éligibles à ce dispositif, à l’image du rétablissement personnel en matière de surendettement des particuliers. Cette approche réaliste et pragmatique des difficultés des entrepreneurs, lorsque le débiteur n’a rien, ou quasiment rien à liquider, apporte une réponse adaptée à l’entrepreneuriat en difficulté. Elle pourrait rendre plus attractif l’exercice d’une activité sous la forme d’entrepreneuriat individuel.

Ainsi, ceux qui exercent une profession libérale (médecins, avocats,…) de manière indépendante ou les micro-entrepreneurs qui se sont lancés dans l’entrepreneuriat pour échapper à une situation de non emploi avec très peu d’investissement peuvent bénéficier de ce dispositif de faveur s’ils sont en état de cessation des paiements. Le maintien de leur entreprise évite une inactivité, source de marginalisation d’une part, mais aussi de paiement de prestations sociales.

En 2014, le régime de l'autoentrepreneur a séduit la moitié des créateurs d'entreprises, avec 283 500 immatriculations. En 2015, il a été constaté une baisse de 21% au profit de la création des entreprises individuelles (+28%).

Les trois secteurs les plus attractifs sont le commerce, les activités spécialisées scientifiques et techniques et la construction.

L'investissement initial est faible voir nul. En 2014, plus de 60 % des autoentrepreneurs ayant démarré dans l'année en activité principale ont investi moins de 1 000 euros.

En 2015, 525 100 entreprises ont été créées en France, soit 5 % de moins qu’en 2014. Cette réduction résulte du net repli des immatriculations de micro-entrepreneurs (– 21 % par rapport à 2014). En revanche, les autres créations d’entreprises augmentent fortement, particulièrement celles des entreprises individuelles (+ 28 %) autres que les micro-entrepreneurs, et, dans une moindre mesure, celles des sociétés (+ 4 %)[176].

En outre, depuis 2009, on assiste à une augmentation de l’emploi indépendant monoactif, avec un taux de croissance moyen annuel sur 2008-2015 de 2,2% pour l’ensemble des travailleurs indépendants. Cette hausse peut notamment s’expliquer par la création du statut d’autoentrepreneur, entré en vigueur au 1er janvier 2009 ; elle est cependant à considérer avec précaution : si le travail indépendant a pu constituer une solution d’accès à l’emploi en période de conjoncture économique défavorable, il pourrait connaître une certaine résorption en période de reprise. A ce jour, le nombre des indépendants s’élève à 3,3 millions, soit 10,4% de la population contre 20,8% en 1970[177]. Toutefois, le vocable de travailleur indépendant recouvre les entrepreneurs individuels, mais aussi les formes sociétaires unipersonnelles, ainsi que les dirigeants et mandataires sociaux, sans que les entrepreneurs individuels aient pu être isolés.

Il reste donc difficile d’établir des simulations d’impacts macroéconomiques, et ce d’autant que :

-          Le projet de loi prévoyant l’ouverture de l’assurance chômage aux entrepreneurs en liquidation judiciaire risque de modifier les comportements des indépendants. 

-          Par ailleurs, on assiste au plan national à une baisse d’environ 8% des ouvertures de procédures en 2017 (cette baisse se poursuivant au mois de janvier 2018)[178] et, en parallèle, les procédures ouvertes concernent de plus en plus de petites, voire très petites structures, avec peu ou pas de salariés et un chiffre d’affaires très faible. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte où l'économie mondiale apparaît plus dynamique et où la croissance française continue de se redresser.

Les effets quantitatifs de cette disposition sont donc difficilement objectivables.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Une étude[179] réalisée en mars 2016 classe les travailleurs indépendants pauvres selon une certaine typologie. Parmi les groupes identifiés, les commerçants, les agriculteurs et les artisans présentent un taux de pauvreté élevé, tandis que les professionnels libéraux connaissent moins la pauvreté. Toutefois, le taux de pauvreté est néanmoins élevé chez les écrivains et artistes interprètes, les architectes, ingénieurs et assimilés et pour les professions intermédiaires de la médecine. Enfin, cette étude classe les travailleurs indépendants pauvres selon des caractéristiques sociodémographiques, les individus les plus exposés aux risques de pauvreté étant les agriculteurs âgés, les jeunes parmi les professions libérales et les moins diplômés, ceux qui sont nés à l'étranger (notamment parmi les artisans et commerçants) et les personnes seules ou familles monoparentales.

Cette étude ne distingue toutefois pas, parmi les travailleurs indépendants, les sociétés unipersonnelles des dirigeants et mandataires sociaux. Les effets quantitatifs de cette disposition ne sont donc pas objectivables pour les catégories entreprises.

Toutefois, on peut valablement penser qu’elle ne concernera pas ou trop marginalement les exploitants agricoles individuels, dès lors que leur exploitation nécessite, par construction, du matériel qui sera souvent supérieur à 5 000 euros, ainsi que des terres et bâtiments.

4.2.3        Impacts budgétaires

L’impact budgétaire de cette disposition est difficile à déterminer. Toutefois, en incitant les tribunaux à ouvrir des procédures de rétablissement professionnel au profit d’un plus grand nombre de débiteurs, il devrait en résulter un allégement des coûts de procédure (notamment les émoluments des mandataires de justice) et frais de justice.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

L’impact de cette disposition sur les services administratifs est difficile à déterminer. Toutefois, en incitant les tribunaux à ouvrir des procédures de rétablissement professionnel au profit d’un plus grand nombre de débiteurs, il devrait en résulter un allégement des coûts de procédure (notamment les émoluments des mandataires de justice) et frais de justice.

Il devrait également en résulter une réduction des délais de procédure, ce qui allègerait les juridictions, tant consulaires que judiciaires.

4.4.  Impacts sociaux

Le rapport[180] de l'Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (ONPES) de 2016 sur l'invisibilité sociale met en avant les limites de la mesure et de l'interprétation de la pauvreté des travailleurs indépendants, puisqu'un revenu nul ou négatif peut signifier à la fois une situation de pauvreté, une baisse d'activité ponctuelle mais sans impact au long cours ou une stratégie d'investissement. Ce rapport analyse également la visibilité vécue par les travailleurs non-salariés pauvres. Il en ressort que ce caractère invisible de la pauvreté est parfois assumé, ce qui peut s'expliquer par la perte de crédibilité en exposant ses difficultés ou le risque d'attirer des concurrents désireux de s'étendre. L'argument tiré de la « honte intériorisée », de la peur de décevoir ou de la crainte du jugement d'autrui peut également expliquer le caractère invisible de la pauvreté. Ces travailleurs indépendants se sentent dans ce cas des « oubliés » ou « mal perçus » par les institutions et ressentent également un décalage entre les règles administratives et la culture entrepreneuriale (par exemple la multiplication et l’accumulation de normes en particulier dans le monde agricole).

Une autre étude[181] classe les travailleurs indépendants pauvres selon une certaine typologie. Parmi les groupes identifiés, les commerçants, les agriculteurs et les artisans présentent un taux de pauvreté élevé (compris entre 18,4 % et 22,2 %), tandis que les professionnels libéraux connaissent moins la pauvreté (taux compris entre 2,7 % et 8,2 %). Toutefois, le taux de pauvreté est néanmoins élevé chez les écrivains et artistes interprètes (17,6%), les architectes, ingénieurs et assimilés (15,6%) et pour les professions intermédiaires de la médecine (12,8%). Enfin, cette étude classe les travailleurs indépendants pauvres selon des caractéristiques sociodémographiques, les individus les plus exposés aux risques de pauvreté étant les agriculteurs âgés, les jeunes parmi les professions libérales et les moins diplômés, ceux qui sont nés à l'étranger (notamment parmi les artisans et commerçants) et les personnes seules ou familles monoparentales.

Ces deux rapports, s’ils permettent de prendre conscience de la pauvreté des travailleurs indépendants, ne font pas la part de ceux qui exercent à titre individuel par rapport à ceux qui exercent sous forme de société unipersonnelle, ce qui rend difficile à cerner de manière chiffrée la population concernée.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

La Chancellerie a consulté, sur la base d’un questionnaire informel, des praticiens de l’insolvabilité (CNAJMJ, avocats), des universitaires, des juges des tribunaux de commerce et des tribunaux de grande instance et de la Cour de Cassation.

Les observations des personnes consultées ont mis en lumière la méconnaissance de cette procédure et souvent le peu d’implication des débiteurs lorsqu’elle leur est applicable.

Sur la mise en œuvre du dispositif, il ressort principalement des réponses que l'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel doit impérativement recueillir l'accord du débiteur, dès lors qu'elle doit rester une procédure volontaire puisqu'elle est une mesure de faveur au profit du débiteur.

Sur la question des seuils, le montant d'actif fixé à 5000 € ne semblait pas poser de difficulté (la modicité de l'actif devant rester une condition fondamentale sauf à s'exposer au risque d'abus ou de fraude). Quant à la possibilité de créer un seuil de passif maximal, les personnes consultées ont majoritairement considéré qu'il n'y avait pas lieu d’instituer un tel plafond.

Sur l'extension du dispositif aux sociétés unipersonnelles sans salarié, il a été très majoritairement répondu qu'une telle ouverture serait contraire à la philosophie même de ce dispositif qui n'opère aucune distinction selon la nature des dettes (personnelles ou professionnelles), alors que le régime sociétal crée une distinction des patrimoines.

Sur le caractère obligatoire de la procédure, une très forte majorité des personnes consultées a répondu que, dans la mesure où le dispositif constituait une mesure de faveur, la procédure devait rester exceptionnelle et volontaire, afin notamment de s'assurer que le débiteur entendait poursuivre son activité. Dans le cas inverse, elle devrait emporter cessation de l'activité. Certains ont suggéré l’idée, dans le but de rendre très incitatif le dispositif, de rendre l’examen des conditions du rétablissement professionnel obligatoire, tout en maintenant son caractère volontaire afin que le débiteur s’implique dans son rétablissement.

Sur le délai de quatre mois, certains ont avancé sa brièveté et l'éventualité de le rallonger, à moins que le circuit de la collecte des informations prévue à l’article R. 645-12 du code de commerce) soit simplifié. Par exemple, le pouvoir d'investigation du juge commis pourrait être délégué au mandataire judiciaire dans le cadre de l'enquête.

 Sur le basculement du rétablissement professionnel vers une liquidation judiciaire, il a été répondu que les motifs reposaient principalement sur une absence de bonne foi du débiteur ou sur la découverte de contentieux en cours ou d'actifs supérieurs au seuil fixé.

Enfin, les personnes consultées ont considéré que lorsque la procédure de rétablissement professionnel était clôturée, il ne devait plus être possible d'obtenir l'effacement de dettes antérieures au jugement d'ouverture mais non prises en compte dans le cadre de la procédure. Toutefois, certains ont évoqué l'idée de conserver le délai initial de 15 jours pour contraindre le débiteur à remettre la liste dans un délai raisonnable, mais qu'il serait souhaitable de prévoir la possibilité d’intégrer les créances oubliées pendant la durée de l'enquête.

Cette disposition du présent projet de loi répond par conséquent aux principales préoccupations des personnes consultées.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de la publication de la présente loi.

5.2.2        Application dans l’espace

Les dispositions sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. Le 6° du I de l’article     L. 950-1 est donc modifié pour introduire un « compteur Lifou ». 

Elles ne sont en revanche pas rendues applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française où le droit des entreprises en difficulté est une compétence locale.

5.2.3        Textes d’application

Ces dispositions entraîneront une modification des articles R. 645-1 et suivants du code de commerce.

Article 16 relatif aux sûretés

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Les sûretés sont des mécanismes destinés à permettre à un créancier de se prémunir contre le risque d’inexécution de son obligation par le débiteur. Elles sont indissociables du crédit.

Le droit français des sûretés est aujourd’hui régi par des règles générales qui figurent dans le code civil[182] ainsi que par des règles spéciales propres à certaines sûretés, qui figurent dans divers codes (code monétaire et financier, code de commerce et code de la consommation notamment[183]) et dans des lois spéciales non codifiées (par exemple la loi du 12 septembre 1940 sur le warrant industriel).

a) Le droit des sûretés a fait l’objet d’une profonde rénovation par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, tant sur la forme, un nouveau livre du code civil étant désormais dédié aux sûretés réelles et personnelles, que sur le fond : modernisation du gage, notamment par la consécration du gage sans dépossession, y compris sur stocks, assouplissement du nantissement de créance, introduction de nouveaux modes de réalisation des sûretés (en particulier le pacte commissoire), consécration légale de nouvelles sûretés issues de la pratique des affaires (la garantie autonome et la lettre d’intention).

b) Toutefois, certains pans importants du droit des sûretés ont été exclus du champ de l’habilitation, en particulier le cautionnement et les privilèges.

Or, le cautionnement, qui est une sûreté couramment utilisée en pratique, connaît aujourd’hui un régime juridique peu lisible et n’offre pas la sécurité qu’il devrait procurer. En effet le droit du cautionnement est dispersé dans divers textes du code civil, du code de la consommation et du code monétaire et financier, parfois sans grande cohérence, et se caractérise par une multitude d’exigences rigides, souvent sources de contentieux[184] (formalisme pointilleux de la mention manuscrite, obligations diverses d’information dont le contenu et la sanction différent parfois, exigence de proportionnalité sanctionnée par la déchéance de la caution …).

Les privilèges, qui sont des sûretés accordées par la loi en considération de la nature de certaines créances, sont quant à eux excessivement nombreux et n’ont parfois pas été modernisés depuis 1804. Certains d’entre eux sont aujourd’hui tombés en désuétude tandis que d’autres pourraient utilement voir leur régime modernisé.

c) Par ailleurs, dix années de pratique ont mis en évidence des incertitudes sur l’interprétation de certains textes issus de l’ordonnance de 2006 ainsi que des lacunes de notre droit des sûretés par rapport à certains droits étrangers.

Ainsi, en matière de gage, certaines précisions pourraient être apportées pour répondre aux besoins des praticiens, s’agissant de la possibilité de constituer un gage sur un bien immobilisé par destination, du régime de la nullité du gage de la chose d’autrui, de l’articulation du régime du gage avec le droit des procédures civiles d’exécution ou encore du rang du créancier gagiste.

De même, le régime du nantissement de créance soulève certaines interrogations notamment quant au sort des sommes payées par le débiteur de la créance nantie avant l’échéance ou quant au droit du créancier nanti sur la créance affectée en garantie. La réserve de propriété, sûreté introduite dans le code civil en 2006, soulève quant à elle certaines incertitudes quant à son extinction et aux exceptions opposables par le sous-acquéreur.

d) Le droit des sûretés souffre enfin de sa complexité et la multiplicité de sûretés spéciales nuit à sa bonne appréhension. De nombreuses sûretés spéciales sont en effet devenues désuètes (comme par exemple le warrant des stocks de guerre ou le warrant industriel. D’autres (les sûretés commerciales en particulier) mériteraient d’être modernisées ou abrogées pour être soumises au droit commun du gage, moyennant certaines adaptations (gage automobile par exemple).

Cette complexité résulte également de la multiplicité des registres d’inscription des sûretés mobilières, divers registres distincts coexistant aujourd’hui selon le type de sûreté.

A l’inverse, notre droit ignore certaines sûretés connues à l’étranger comme la cession de créance à titre de garantie, aujourd’hui réservée aux établissements bancaires et assimilés (cession dite « Dailly » régie dans le code monétaire et financier) : il s’agirait de permettre qu’un débiteur puisse céder à son créancier, quelle que soit sa qualité, fournisseur par exemple, la propriété de créances détenues sur des tiers, en garantie de ses dettes, pour doter le droit français d’un instrument qui existe déjà dans les pays voisins (« security assignment » de droit anglais notamment). Quant à la fiducie-sûreté, qui permet de transférer la propriété d’un bien ou d’un droit à titre de garantie, si elle a été consacrée dans le système juridique français par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, son régime formaliste nuit à son efficacité.

Le régime des sûretés réelles immobilières mérite quant à lui d’être amélioré en vue d’une plus grande lisibilité (en remplaçant les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales) et efficacité (en élargissant, en particulier, les dérogations à la prohibition des hypothèques de biens à venir).

Enfin, le droit national se caractérise par une grande complexité pour l’exercice des sûretés en présence d’une débiteur en difficulté, spécialement lorsque celui-ci se retrouve en procédure collective. L’articulation du droit des sûretés et du droit des procédures collectives constitue aussi un volet essentiel de cette réforme. Il est en effet apparu nécessaire de clarifier et de moderniser des règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce. Les règles relatives aux sûretés au regard de la nullité de certains actes en période suspecte (prévue au chapitre II du titre III du livre VI du code de commerce) qui n’établissent pas un régime identique pour toutes les sûretés de même nature, en sont une bonne illustration.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Le présent projet d’habilitation à prendre par ordonnance des mesures législatives a pour objectif de réformer le droit des sûretés.

Compte tenu de leur régime, certaines sûretés sont peu attractives pour les créanciers et le droit français des sûretés souffre plus généralement d’une image de complexité qui nuit à son attractivité. Seule la loi permet de remédier totalement aux difficultés identifiées.

La direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a confié en mai 2015 mission au professeur Michel Grimaldi, inspirateur de la réforme de 2006, de réunir un groupe de travail afin qu’il identifie les améliorations susceptibles d’être apportées au livre quatrième du code civil, y compris dans les champs non couverts par la précédente ordonnance. Ce groupe de travail, qui s’est réuni sous l’égide de l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, a formulé diverses propositions de modifications législatives, rendues publiques en septembre 2017, de nature à remédier aux actuelles imperfections de notre droit des sûretés.  

Les praticiens de la place ont également entamé des réflexions en ce sens puisque la commission droit des sûretés de Paris Europlace, présidée par Me Etienne Gentil, après avoir remis des propositions de réforme du droit des sûretés au ministère de la justice et au ministère de l’économie en septembre 2015, dont certaines ont été reprises par la commission Capitant, se réunit de nouveau depuis novembre 2017 en vue de compléter et d’adapter ces propositions.

Une habilitation à réformer le droit des sûretés par voie d’ordonnance permettra de prendre en compte l’ensemble de ces propositions, émanant tant d’universitaires que de praticiens, en vue de compléter et d’ajuster la réforme intervenue par ordonnance en 2006.  

Cette habilitation doit également permettre de simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce. L’articulation entre le droit des sûretés et les procédures collectives manque en effet de lisibilité et plusieurs incohérences ont pu être constatées (cf. supra).

2.2.  Objectifs poursuivis

La réforme du droit des sûretés viserait à simplifier et à clarifier le droit français des sûretés, dans un objectif de sécurité juridique (en supprimant les sûretés inutiles, en harmonisant les règles de publicité des différentes sûretés mobilières, en rationalisant les textes relatifs au cautionnement, en précisant les textes de 2006 qui soulèvent des difficultés d’application).

Elle viserait par ailleurs à renforcer l’efficacité de certaines sûretés, sans renoncer pour autant à la protection des débiteurs et des garants (en assouplissant les formalités en matière de cautionnement, en simplifiant les exigences de constitution et de réalisation en matière de fiducie-sûreté, en consacrant la cession de créance à titre de garantie).

La réforme aurait également pour objectif de moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce, en renforçant l’efficacité de certaines sûretés, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des différents créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants. La capacité de rebond du débiteur en particulier, lorsqu’elle est encore envisageable, ne doit pas être obérée.

Ces objectifs doivent permettre de rendre le droit français des sûretés plus attractif au niveau international.  

3.         Options possibles et dispositif retenu

Deux principales options sont envisagées pour réformer le droit des sûretés, une option étroite et une autre plus large.

La première option consisterait à se cantonner à la poursuite de la réforme de 2006, en complétant principalement la réforme sur les pans à l’époque exclus de l’habilitation, le cautionnement et les privilèges.

La seconde option, plus large, consisterait à simplifier et à moderniser le droit français des sûretés en prenant en compte tous ses aspects, y compris l’articulation avec le droit des procédures collectives, par une modification des relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce.

La seconde option part du constat que l’efficacité des sûretés en procédure collective est un critère essentiel du choix des sûretés par le créancier. Il s’agirait en outre du moment dans la vie de l’entreprise débitrice où la balance entre les équilibres en présence est la plus délicate. Afin de parfaire complètement la réforme de 2006, cette seconde option semblerait être privilégiée.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse fine des incidences des mesures prises par voie d’ordonnance sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions de cette dernière.

Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.

4.1.  Impacts juridiques

La réforme envisagée conduirait notamment à modifier le livre IV du code civil relatif aux sûretés, le titre II du livre V du code de commerce sur les garanties et son livre VI relatif aux difficultés des entreprises ainsi que les textes du code monétaire et financier sur les sûretés sur titres ou instruments financiers et les textes du code la consommation sur le cautionnement.

Le droit des sûretés serait rendu plus lisible, notamment par une suppression des textes inutiles et une clarification des textes existants.

4.2.  Impacts économiques et financiers

Des sûretés plus performantes, permettant aux créanciers de se prémunir efficacement contre le risque de défaillance de leur débiteur, faciliteront l’octroi de financement aux entreprises, ce qui est favorable à la croissance.

La réforme entend aussi, dans le livre VI du code de commerce, assurer un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants. La capacité de rebond du débiteur, en particulier, lorsqu’elle est encore envisageable, ne doit pas être obérée. La préservation de la valeur de l’entreprise, par une poursuite de l’activité, peut également être favorable aux créanciers de l’entreprise qui obtiendront ainsi parfois de meilleures chances de remboursement qu’en cas de liquidation des actifs.

Une meilleure articulation entre le droit des sûretés et le droit des entreprises en difficulté favorisera enfin la lisibilité du droit français et son attractivité pour les investisseurs étrangers.

5.         Modalités d’application

Une entrée en vigueur différée est envisagée après la publication de l’ordonnance, afin de permettre aux entreprises d’en appréhender le contenu et d’adapter leurs pratiques.

6.         Justification du délai d’habilitation

Un délai de 24 mois est sollicité pour élaborer et adopter l’ordonnance réformant le droit des sûretés. Ce délai se justifie notamment par la nécessité de prendre en compte l’ensemble des intérêts en présence et d’assurer des équilibres délicats. Des consultations de toutes les parties prenantes seront indispensables pour satisfaire cet objectif d’une réforme équilibrée.

A l’issue, un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.


Article 17 relatif à la publicité du privilège du Trésor

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Afin de garantir le recouvrement de ses créances, le Trésor public bénéficie d’un privilège général prévu par les articles 1929 quater du code général des impôts et 379 bis du code des douanes qui s’exerce sur tous les biens meubles appartenant à ses débiteurs.

Concrètement, le comptable public de la direction générale des finances publiques et de la direction des douanes et droits indirects va procéder à l'envoi d'un bordereau de publicité au greffe du tribunal de commerce ou de grande instance, lorsque les sommes dues à un poste comptable par un même redevable sont supérieures ou égales à 15 000 €, au terme d'un délai de neuf mois à compter de l'émission du titre exécutoire ou de la date à laquelle le redevable a encouru une majoration pour défaut de paiement. Conformément à l'article 1929 quater alinéa 7 du code général des impôts, le non-respect de cette obligation entraîne la perte du privilège en cas d'ouverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Le Trésor public est alors traité comme un créancier ordinaire c'est‑à‑dire qui ne dispose plus de privilège (il est dit « chirographaire »), obérant ainsi ses perspectives d'être payé.

Cette publicité effectuée sur un calendrier glissant au terme d'un délai de 9 mois, mis en place en 2009, est issue de l'article 58 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 qui a modifié l'alinéa 4 de l'article 1929 quater du code général des impôts. Or le fait que cette publicité n'intervienne plus à date prévisible s'est avéré très difficile à appréhender par les entreprises et les tiers qui manquent de lisibilité sur le moment pendant lequel la publicité sera effectuée. Ces modalités sont également complexes et chronophages à mettre en œuvre pour les administrations financières car l'automatisation n'est pas possible en présence de ce délai glissant.

En outre, la publicité du privilège du Trésor public est effectuée alors même que l'entreprise conteste le montant de sa dette et demande un sursis de paiement conformément à l’article L. 277 du Livre des procédures fiscales.

Enfin, cette publicité est mal vécue par les entreprises qui la jugent stigmatisante et entraîne souvent une aggravation de leurs difficultés économiques car certains partenaires se détournent d'elles en raison de cette publicité alors même que le montant de leur dette est d'un montant peu élevé (15 000 €).

 

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Comme il l’a été diagnostiqué plus haut, le dispositif actuel est complexe, peu lisible et jugé stigmatisant par les entreprises. Il est donc nécessaire de modifier le dispositif législatif actuel pour y remédier.

2.2.  Objectifs poursuivis

La mesure proposée a pour objet de simplifier et de réduire le périmètre de la publicité obligatoire du privilège du Trésor.

Elle a pour objectif de rendre le mécanisme plus lisible pour tous (créanciers et entreprises redevables), et plus simple en termes de gestion administrative (automatisation des travaux), en favorisant son acceptation, tout en préservant les droits des créanciers, des débiteurs et l'information des tiers.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options possibles

Il a été identifié les trois options possibles suivantes :

Option 1(écartée) : il s'agit d'un relèvement du seuil obligatoire de publicité par voie de décret. Cette proposition est insatisfaisante dans la mesure où elle permet de mieux cibler les enjeux mais sans résoudre la complexité de la périodicité, flottante, de la publicité du privilège du Trésor.

Option 2 (écartée): il s'agit d’une suppression de la publicité du privilège du Trésor. Cette mesure n'est pas apparue satisfaisante dans l'optique du renforcement de la lutte contre les fraudes et de l'information des tiers en relations d'affaires avec les entreprises. 

Option 3 (retenue) : il s'agit de prévoir la publicité obligatoire du privilège selon des règles plus simples de mise en œuvre et plus lisibles par tous avec, en outre, la création d'une exception supplémentaire à la publicité obligatoire en cas de dépôt, par le redevable, d'une réclamation d'assiette régulière assortie d'une demande de sursis de paiement (mesure proposée également par le Médiateur des ministères économique et financier dans son rapport pour 2017) et un relèvement du seuil de publicité obligatoire de 15 000 € à 200 000 € par voie réglementaire.

3.2.  Dispositif retenu

La présente disposition maintient la publicité du privilège du Trésor public afin de garantir l'information des tiers et en simplifie les modalités pour permettre une automatisation et une sécurisation du dispositif. Elle élargit les garanties du redevable avec une exception supplémentaire à la publicité en cas de dépôt par le redevable d'une réclamation d'assiette régulière assortie d'une demande de sursis de paiement.

Plus précisément, la publicité obligatoire du privilège du Trésor public interviendra lorsque les sommes dues et exigibles, authentifiées par un titre exécutoire par un redevable à un même poste comptable et susceptibles de publication dépassent, au dernier jour de chaque semestre civil, une somme fixée par décret.

Elle sera faite au plus tard le 31 juillet pour la période de référence comprise entre le 1er janvier et le 30 juin de l’année en cours et au plus tard le 31 janvier de l’année suivante pour la période de référence comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre de l’année en cours.

En pratique, le comptable public procédera à la publicité si le montant total des créances exigibles au dernier jour de chaque semestre civil demeure, malgré le versement de sommes intervenues entre temps par l'entreprise, supérieur au seuil de publicité obligatoire fixé par décret.

Comme aujourd’hui, les garanties du redevable sont préservées en cas de paiement intervenu avant la date de publication ou si l'entreprise obtient un plan de règlement échelonné de ses dettes. Dès lors, le privilège sera radié sous réserve du respect, par le redevable, des échéances du plan et de ses obligations fiscales courantes déclaratives et de paiement. Á défaut, le comptable public mettra fin au plan et procédera à la publicité dans les délais prévus par l'article 1929 quater du code général des impôts

Les entreprises sauront que si leur situation n'est pas régularisée, par un paiement partiel ou spontané de leurs dettes, avant le 30 juin, pour des défauts de règlements intervenus au premier semestre, ou au 31 décembre, lorsque ces défauts de paiement interviennent au second semestre, le privilège du Trésor public sera publié. Comme dans le système actuel, la publicité pourra faire l'objet, à tout moment, d'une radiation partielle à la diligence et aux frais du redevable, sur présentation au greffe d'une attestation constatant le paiement partiel et établie par le comptable ayant requis la publicité. De même, lorsque le débiteur acquitte la totalité de sa dette, ou une partie, le montant total de sa dette devenant ainsi inférieur au seuil requis, le comptable qui a inscrit la publicité demandera, dans le délai de 1 mois, la radiation totale de l'inscription, devenue sans objet, par la présentation au greffe d’une attestation de paiement.

En outre, les droits du débiteur seront élargis avec la création d'une exception supplémentaire à la publicité en cas de dépôt par le redevable d'une réclamation d'assiette régulière, assortie d'une demande de sursis de paiement. Ce nouveau dispositif permettra de lever la publicité lorsque la dette est contestée et d'un montant parfois peu élevé.

Enfin, le relèvement du seuil de publicité obligatoire de 15 000 € à 200 000 €, par voie de décret, permettra de circonscrire la publicité aux cas présentant un réel enjeu financier en préservant l'information des tiers et de ne pas détériorer, pour les entreprises présentant des dettes d'un montant inférieur à ce seuil, leur santé économique par l'effet réputationnel de la publicité.

Le régime des exonérations de publicité est une garantie actuelle des droits du redevable déjà prévues par le législateur dans certains cas : plan de règlement échelonné respecté, pour certaines catégories de redevables (professions libérales, artisans, agriculteurs, particuliers accomplissant des actes de commerce isolés, personnes morales de droit public), dans le cas des droits d'enregistrement. Le dispositif d'exonération en cas de réclamation d'assiette s'inscrit dans ce régime d'exonération déjà existant.

A titre illustratif, le tableau ci-dessous présente les étapes de la procédure avant et après la réforme de la périodicité de la publicité du privilège du Trésor :

 

Etapes de la procédure

Avant réforme

Après réforme

Absence de paiement

Situation inchangée

15 mai N: Dépôt TVA sans paiement de la déclaration de TVA d'avril N ; 15 100€ (supérieur au seuil de 15 000€)

15 mai N: Dépôt TVA sans paiement de la déclaration de TVA d'avril N ; Dette supérieure à 210 000€ (supérieur au seuil de 200 000€)

Phase amiable

Situation inchangée

30 mai N : Lettre de motivation des pénalités

30 juin N : émission de l'avis de mise en recouvrement sur le montant de la dette (15 100€)

15 juillet N : Mise en demeure de payer

30 mai N : Lettre de motivation des pénalités

30 juin N : émission de l'avis de mise en recouvrement (210 000€)

15 juillet N : Mise en demeure de payer

Publicité du privilège du Trésor

Impact de la réforme

Délai glissant de 9 mois à partir du 15 juillet N, soit la date estimée de réception de l'avis de mise en recouvrement par le redevable. Le comptable dispose d'un mois pour effectuer la publication à l'expiration de ce délai de 9 mois.

Publicité le 30 mai N + 1

A date fixe, à l'issue de chaque semestre civil, (soit le 31 décembre soit le 30 juin,) le comptable dispose d'un mois pour effectuer la publication (soit jusqu'au 31 janvier ou jusqu'au 31 juillet)

Paiement avant date d'échéance de la publicité

Situation inchangée

Paiement de 1 000€

- pas de publicité par le comptable si le paiement intervient avant le mois de publication

- si le paiement intervient pendant le mois de publication : 1° si l'inscription de publicité n'a pas encore été effectuée par le comptable, le dossier ne sera pas soumis à la publicité ;

2° si l'inscription de publicité a déjà été effectuée par le comptable, le redevable doit solliciter une attestation de paiement auprès du comptable public afin de faire radier partiellement ou totalement la publicité du privilège à ses frais.

Paiement de 12 000€

- pas de publicité par le comptable si le paiement intervient avant le mois de publication

- si le paiement intervient pendant le mois de publication : 1° si l'inscription de publicité n'a pas encore été effectuée par le comptable, le dossier ne sera pas soumis à la publicité ;

2° si l'inscription de publicité a déjà été effectuée par le comptable, le redevable doit solliciter une attestation de paiement auprès du comptable public afin de faire radier partiellement ou totalement la publicité du privilège à ses frais.

Paiement après date d'échéance

Situation inchangée

Publicité avec la situation à échéance

Le redevable doit solliciter une attestation de paiement auprès du comptable public afin de faire radier partiellement ou totalement la publicité du privilège à ses frais.

Publicité avec la situation à échéance

Le redevable doit solliciter une attestation de paiement auprès du comptable public afin de faire radier partiellement ou totalement la publicité du privilège à ses frais.

 

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

La mesure envisagée modifie l'article1929 quater du code général des impôts ainsi que les articles 114, 120 et 379 bis du code des douanes.

4.2.  Impacts sur les entreprises

La mesure proposée vise à rendre plus lisible le dispositif de publicité du privilège du Trésor public et à réduire son effet stigmatisant pour l'ensemble des entreprises débitrices d'une dette, dont le montant est fixé par décret, auprès du Trésor public.

D’une part, créer une nouvelle exception à la publicité obligatoire en cas de dépôt, par le contribuable, d'une réclamation d'assiette régulière assortie d'une demande de sursis de paiement permettra de supprimer l’atteinte alléguée au crédit de l’entreprise lorsque la dette est contestée et d'un montant peu élevé. Cette mesure va dans le sens d'une des propositions du médiateur accueillie favorablement par la direction générale des finances publiques (DGFiP) en janvier 2018. Au fil des années, le législateur a prévu des cas dans lesquels le privilège n'est pas publié (créance de moins de 15 000 €, plan de règlement respecté...).

D’autre part, relever le seuil de publicité obligatoire de 15 000 € à 200 000 € permettra de limiter les effets de la publicité pour les petites et moyennes entreprises et de la circonscrire aux cas présentant un réel enjeu financier en maintenant l'information des tiers en relation d’affaires avec les entreprises (banques, fournisseurs...); information qui peut être aujourd’hui atteinte par bien d'autres moyens que la publicité du privilège. En effet, de nombreuses sources d'information sont disponibles sur la santé financière des entreprises[185].

Enfin, modifier la périodicité de la publicité permettra une meilleure prévisibilité et donc de la lisibilité pour les entreprises en se calant sur un rythme biannuel.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

Outre l'automatisation des travaux et la simplification en termes de gestion, la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes feraient l’économie d'une partie des frais liés à la publicité dans nombre de cas : 1ère publicité, renouvellement et radiation suite à dégrèvement des impositions. À titre d'exemple, le nombre total de formalités réalisées par les postes comptables concernés de la direction générale des finances publiques (services des impôts des entreprises, services des impôts des particuliers et pôles de recouvrement spécialisés) s'est élevé à environ 36 200, en 2015, moyennant un coût (hors frais de personnel) de l'ordre de 132 854 €[186] . Si le seuil de publicité obligatoire est relevé à 200 000 € au lieu de 15 000 €, il y aurait 27 132 publications en moins. Il resterait donc 9 068 formalités annuelles, pour un coût évalué à 33 281 €, soit 99 573 € d'économie.

5.         Modalités d’application

5.1.  Application dans le temps

Les dispositions du présent article s’appliquent aux créances exigibles à compter du 1er janvier de l'année suivant celle de l'entrée en vigueur de la présente loi.

5.2.  Application dans l’espace

Les dispositions sont applicables en France métropolitaine et en outre-mer.

5.3.  Textes d’application

L'application de la mesure nécessite un décret en Conseil d’Etat et un décret simple afin de modifier dans le code général des impôts les articles 396 bis 2, 3-d, 5, 8 de l'annexe II, 416 bis et 416 ter de l'annexe III et 207 sexies de l'annexe IV au CGI, le décret n°2007-568 du 17 avril 2007 relatif aux modalités de mise en œuvre de la publicité du privilège du Trésor pour les créances mentionnées à l'article 1929 quater du code général des impôts et le décret n° 2009197 du 18 février 2009 relatif à la mise en œuvre de la publicité du privilège du Trésor pour les créances mentionnées à l'article 1929 quater du code général des impôts et aux articles 379 et 379 bis du code des douanes


Article 18 relatif au traitement des créances publiques en procédure collective

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

En 2017, 46 939 jugements d'ouverture de procédures collectives ont été prononcés dont 937 jugements de sauvegarde, 12 827 jugements de redressement judiciaire et 30 425 jugements de liquidation judiciaire et liquidation judiciaire simplifiée[187].

Actuellement, la déclaration de créance est une formalité obligatoire pour les créanciers d'un débiteur qui fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, afin de pouvoir prétendre au règlement des sommes qui leur sont dues. Cette déclaration peut être réalisée soit sur la base d'un titre exécutoire ou assimilé soit sur la base d'une évaluation en l'absence de titre.

L’article L. 624-1 du code de commerce, applicable à l'ensemble des créanciers, dispose que l'établissement définitif des créances déclarées sur la base d'une évaluation doit intervenir dans le délai imparti au mandataire judiciaire pour vérifier les créances qui lui ont été déclarées et les transmettre au juge-commissaire.

Un dispositif dérogatoire pour les créanciers publics et sociaux est néanmoins prévu par l’article L. 622-24 alinéa 4 du code de commerce. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai de droit commun prévu à l'article L. 624-1du code de commerce. Toutefois, si une procédure administrative d'établissement de l'impôt a été mise en œuvre, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être effectué avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.

Dans le dispositif dérogatoire actuel, le délai de droit commun est complété d'un délai supplémentaire pour la conversion de créance qui a pour date butoir le dépôt par le mandataire du compte rendu de fin de mission. Ce délai dérogatoire a été mis en place par l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, complétée des dispositions de l'ordonnance n°2014-1088 du
26 septembre 2014, pour tenir compte de l'incompatibilité des délais d'établissement de l'impôt (émission du titre exécutoire) prévus par le code général des impôts et les délais de droit commun fixés par le code de commerce pour rendre définitive une créance. En effet, certains impôts ont un fait générateur et une exigibilité différents de sorte que si le fait générateur est antérieur à l'ouverture de la procédure collective et que son exigibilité est postérieure, l'émission du titre ne peut pas intervenir dans le délai de droit commun de l'article L. 624-1 du code de commerce qui est variable selon les tribunaux (de 3 mois à 12 mois). Tel est le cas en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de services ou de la cotisation foncière des entreprises dont le fait générateur est au 1er janvier de l'année N alors que son exigibilité intervient au 30 octobre de l'année N. Par ailleurs, ce délai dérogatoire est également prévu en cas d'engagement d'une procédure de contrôle fiscal ou de rectification de l'impôt.

Cependant, par quatre arrêts du 25 octobre 2017[188], la Cour de cassation a considéré que seul l'engagement d'une procédure de contrôle fiscal ou de rectification de l'impôt est visée par la notion de "procédure administrative d'établissement de l'impôt" à l'exclusion d'une liquidation en cours d'imposition courante.

Cette nouvelle jurisprudence écarte du dispositif de déclaration à titre définitif les impôts dont le fait générateur diffère de la date de son exigibilité et crée un risque d'annulation de dette exigible.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Il s'agit de clarifier la notion « d'établissement de l'impôt », qui conditionne le délai laissé aux créanciers publics et sociaux pour l'établissement à titre définitif de leurs créances, afin, à la fois, de ne pas entraver l'action des mandataires judiciaires par un rallongement des délais de procédure et de sécuriser le dispositif pour les entreprises et les créanciers publics et sociaux.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le présent article a pour objet de préciser les délais nécessaires au créancier public ou social pour émettre son titre exécutoire, sans entraver l'action du mandataire judiciaire et sans rallonger les délais de la procédure collective. Il est donc prévu, pour émettre un titre exécutoire et ainsi pouvoir déclarer à titre définitif une créance à une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, un délai maximum de 12 mois en cas d'établissement de l'impôt, ou la date butoir du dépôt par le mandataire de son compte rendu de fin de mission, dans le cas d'une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt. Dans le cadre des liquidations judiciaires et des liquidations judiciaires simplifiées, le délai de droit commun, prévu par l'article L. 624-1 du code de commerce, continue à s'appliquer.

L'objectif de la mesure est de favoriser la clôture de la procédure collective et, par corollaire, le rebond rapide de l'entreprise en préservant les possibilités de paiement des créances publiques et sociales pour lesquelles la date du fait générateur et de l'exigibilité diffèrent.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Option 1(écartée) : il avait été envisagé dans un premier temps de préciser le régime dérogatoire en inscrivant dans la loi les délais aux termes desquels l'émission du titre exécutoire ou équivalent doit intervenir, afin d'admission à titre définitif, pour les créanciers publics uniquement et l'ensemble des procédures collectives. Cette option a été écartée car elle ne tient pas compte des délais de procédure qui peuvent être inférieurs à 12 mois pour les liquidations judiciaires et les liquidations judiciaires simplifiées.

Option 2 (retenue) : il semble préférable de préciser le régime dérogatoire en inscrivant dans la loi les délais aux termes desquels l'émission du titre exécutoire ou équivalent doit intervenir, afin d'admission à titre définitif, pour les créanciers publics et sociaux, en excluant les procédures de liquidations judiciaires et liquidations judiciaires simplifiées qui seraient inférieures à 12 mois et pour lesquelles, le délai de droit commun (L. 624-1 du code de commerce) continuerait à s'appliquer.

3.2.  Dispositif retenu

La mesure proposée en matière de déclaration de créances à titre provisionnel  clarifie la notion d'établissement de l'impôt et sécurise juridiquement le dispositif dérogatoire en le rendant plus intelligible dans l'esprit de l'ordonnance de 2014 susmentionnée. Il apparaît en effet nécessaire de préciser dans le texte, les délais dans lesquels les comptables publics peuvent émettre leurs titres pour être admis au passif de la procédure collective sans pour autant en rallonger les délais actuels pour favoriser rapidement le rebond de l'entreprise.

 

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

Sera modifié le I. de l'article L. 622-17 du code de commerce.

4.2.  Impacts sur les entreprises

Cette disposition s’avère favorable aux entreprises dans la mesure où le passif public pourra être établi à titre définitif dans des délais fixés par la loi. Cette date butoir de 12 mois garantit que la procédure ne sera pas rallongée au-delà des délais de procédure actuels et permet d'établir le passif à titre définitif à fin de répartition de l'actif entre les créanciers pour favoriser rapidement le rebond des entreprises. A défaut, pour les créanciers publics et sociaux, d'émettre leurs titres ou assimilés dans ces délais, les créances ne seront pas admises au passif et ne seront pas payées sur les fonds de la procédure collective.

Il s'agit d'éviter un abandon de créances pour les entreprises en procédures collectives, ce qui créerait une distorsion de concurrence avec les entreprises hors procédures collectives.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

Il s'agit d'une simplification de gestion pour les comptables publics et sociaux afin de permettre une meilleure rationalisation des moyens et un gain d'efficacité et d'efficience dans le traitement des procédures collectives. Cette mesure, visant à instaurer une date butoir pour émettre un titre exécutoire ou assimilé, sécurise juridiquement la procédure collective et favorise la répartition des actifs par le mandataire ou le liquidateur judiciaire.

5.         Modalités d’application

5.1.  Application dans le temps

Les dispositions du présent article s'appliquent aux procédures collectives ouvertes à compter du 1er janvier de l'année suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.

5.2.  Application dans l’espace

Les présentes dispositions seront applicables en France métropolitaine et en outre-mer.


Article 19 relatif aux clauses de solidarité dans les baux commerciaux

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

En procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, la cession de l’entreprise en difficulté par l’intermédiaire d’un plan de cession a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif[189]. Avec le plan de redressement, il s’agit d’une des deux issues positives possibles pour une entreprise en procédure de redressement. Dans les deux cas, l’entreprise poursuit son activité mais avec un repreneur en cas de plan de cession. Cette cession peut être totale ou partielle. Dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d’éléments d’exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activité.

Le plan de cession constitue la seule issue positive envisageable lorsque le débiteur ne parvient pas, notamment faute de temps, à élaborer un plan de redressement. En consacrant le « prepack cession » ou plan de cession préétabli qui permet de préparer en mandat ad hoc ou en conciliation un plan de cession, arrêté ensuite dans un bref délai en procédure collective, le législateur a souhaité encourager en 2014[190], la reprise d’entreprises en difficulté.

En 2017[191], on dénombrait 952 plans de cession totale ou partielle d’entreprise en procédure de redressement judiciaire et 198 en liquidation judiciaire. Compte tenu de l’état de trésorerie souvent exsangue de l’entreprise en procédure collective, les délais pour présenter une offre de reprise sont courts. La cession de l’entreprise doit en outre s’accompagner des contrats nécessaires au maintien de l’activité. Pour cette raison, l’article L. 642-7 du code de commerce autorise le tribunal à céder ces contrats même sans l’accord du cocontractant, accord qui serait d’autant plus difficile à obtenir que les délais sont contraints. Les candidats repreneurs doivent néanmoins étudier ces contrats qui seront exécutés dans les conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure. Or certaines clauses des contrats nécessaires au maintien de l’activité sont parfois de nature à faire obstacle à la cession. C’est tout particulièrement le cas en matière de baux commerciaux où sont régulièrement inscrites des clauses solidarité ou clauses dites de « garantie inversée » imposant au cessionnaire du bail commercial des dispositions solidaires avec le cédant.

Le bail commercial est souvent le principal actif cessible des petites et moyennes entreprises. Or les clauses de « garantie inversée » interdisent ou presque toute reprise en plan de cession. Ainsi, dans une affaire soumise à la 12e Chambre du tribunal de commerce de Paris le 22 février 2017, le débiteur, preneur d’un bail commercial dans lequel il exploitait un bar, devait plus de 600 000 € d’arriérés de loyers. Compte tenu de l’inscription dans le contrat de bail commercial d’une clause de « garantie « inversée », il a été impossible de trouver un repreneur qui accepte de régler ces arriérés de loyers. L’entreprise s’est retrouvée en liquidation judiciaire, sans reprise du bail, avec la perte de 6 emplois.

En droit des procédures collectives, il est prévu tant en procédure de sauvegarde (art. L. 622-15 du code de commerce), qu’en redressement judiciaire (art. L. 631-14 du code de commerce renvoyant à l’application de l’art. L. 622-15) et en liquidation judiciaire (L. 641-12 du code de commerce) que « toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite ».

Il n’existe pas de disposition législative équivalente pour réputer non écrite la clause de « garantie inversée » imposant au cessionnaire du bail commercial des dispositions solidaires avec le cédant.

La Cour de cassation a rendu un arrêt le 27 septembre 2011[192] (interprétant de manière stricte la règle posée par l’article L. 641-12 du code de commerce et refusant de l’étendre à l’hypothèse de la clause de solidarité imposant au cessionnaire du bail commercial des dispositions solidaires avec le cédant[193].

Les juges du fond donnent plein effet aux clauses de « garantie inversée » stipulées dans les contrats de baux commerciaux, y compris en présence d’un plan de cession[194].Les juges font notamment application de l’alinéa 3 de l’article L. 642-7 du code de commerce qui prévoit que les contrats nécessaires au maintien de l’activité dont la cession est judiciairement ordonnée « doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure, nonobstant toute clause contraire ».

En droit positif, la clause de « garantie inversée » est ainsi opposable au repreneur d’une entreprise en difficulté en procédure collective, même si cette reprise s’effectue par un jugement arrêtant un plan de cession.

1.2.  Éléments de droit comparé

Le bail connaît déjà un régime spécifique en droit français des procédures collectives, par exemple en période d’observation, où il est soumis au principe de continuation des contrats en cours. Le bail n’est pas ainsi résilié du seul fait de l’ouverture d’une procédure collective. Le régime du bail en procédure collective favorise de la sorte la poursuite de l’activité de l’entreprise. Ce régime spécial est peu répandu en droit comparé. Par contre, nombre d’Etats connaissent des dispositions spécifiques favorisant la cession de l’entreprise en procédure d’insolvabilité, avec maintien de son activité. Ces dispositions viennent parfois déroger à l’application des stipulations contractuelles pour permettre la cession de l’entreprise en difficulté.

En droit nord-américain, la section 363 du Bankruptcy Code autorise, sous certaines conditions, les cessions d’actifs de sociétés en difficulté. Un des principaux avantages est de permettre au repreneur d’être totalement libéré des sûretés, charges et actions contre l’entreprise en difficulté (la masse de l’insolvabilité).

Dans une étude commandée par la Commission européenne sur les droits nationaux de l’insolvabilité, l’Université de Leeds[195] relève que nombre de législations nationales au sein de l’Union européenne prévoient déjà la possibilité d’une cession totale de l’entreprise avec maintien de l’activité, en particulier lorsque cette cession permet de maximiser la valeur de l’entreprise dans l’intérêt de la masse de l’insolvabilité (en Norvège et au Royaume-Uni par exemple). En Allemagne[196], la cession de l’entreprise avec poursuite d’activité est largement utilisée comme outil de restructuration car elle est considérée comme un bon moyen de désintéresser les créanciers tout en permettant le rebond de l’entreprise.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer[197]

La question a été posée de savoir si la clause de « garantie inversée » ne constitue pas une clause restrictive de cession. Les clauses d’incessibilité, d’agrément ou de préférence sont en effet inefficaces en plan de cession. L’article L. 642-7 du code de commerce autorise ainsi le tribunal à céder des contrats nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise cédée sans l’accord du cocontractant (ici le bailleur). Plusieurs commentateurs se sont montrés favorables à l’assimilation en jurisprudence des clauses de « garantie inversée » à ces clauses restrictives de cession, inefficaces en plan de cession. Telle n’est pas toutefois la tendance jurisprudentielle actuelle. Pourtant, les clauses de « garantie inversée » constituent un réel frein à la reprise d’entreprise en difficulté en plan de cession, alors même que cette reprise constitue souvent la seule possibilité de maintenir l’activité de l’entreprise.

Il apparaît dès lors nécessaire de réputer non écrites les clauses de « garantie inversée » imposant une solidarité au repreneur avec l’ancien locataire.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’objectif de cette réforme est de faciliter la reprise d’entreprise en difficulté dont l’activité est susceptible d’être poursuivie, en procédure de redressement judiciaire ou liquidation judiciaire.

Les clauses imposant au cessionnaire des dispositions solidaires avec le cédant constituent un obstacle souvent insurmontable en plan de cession, interdisant de facto toute reprise de l’entreprise en difficulté, alors contrainte de cesser son activité. Réputer non écrites en plan de cession les clauses de « garantie inversée » des contrats de baux permettrait de ne plus accroître de manière excessive la charge financière pesant potentiellement sur le candidat repreneur laquelle est de nature à le décourager de présenter une offre de reprise. Libérée de tous les arriérés de loyers, l’entreprise en difficulté pourra en outre plus facilement poursuivre son activité une fois reprise. Cette modification législative favorisera le rebond de l’entreprise en difficulté.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  options envisagées

Les clauses de « garantie inversée » sont de plus en plus souvent des clauses de style dans les contrats de baux commerciaux[198]. Leur opposabilité actuelle au repreneur du bail commercial en procédure collective, reconnue en jurisprudence, ne fait qu’accroître leur intérêt pour les bailleurs commerciaux, au détriment de la poursuite de l’activité de l’entreprise en difficulté.

Deux principales options de modification des textes sont envisageables, une option large et une autre plus réduite.

L’option large consiste à réputer non écrites les clauses de « garantie inversée » des baux en cas de cession organisée en procédure collective, sans distinction. Le périmètre de la réforme porterait sur tous les cas de cession judicaire en procédure collective, en sauvegarde (où seule une reprise partielle est possible), en redressement judiciaire (reprise en plan de cession) et en liquidation judiciaire (reprise en plan de cession et par cession d’actifs isolés). Seraient modifiés les articles L. 622-15 du code de commerce (applicable en sauvegarde et en redressement judiciaire sur renvoi de l’article L. 631-14) et L. 641-12 (applicable en liquidation judiciaire, quel que soit le régime juridique de la cession envisagée, plan de cession ou cession d’actifs isolés).

La seconde option, au champ d’application plus réduit, consiste à réputer non écrites les clauses de « garantie inversée » des baux, uniquement en cas de cession judiciaire organisée en plan de cession, c’est-à-dire lorsque la poursuite d’activité et le maintien de l’emploi constituent, à côté du paiement des créanciers, les objectifs et les critères légaux de la cession conformément à l’article L. 642-5 du code de commerce[199].

3.2.  Option retenue

Le choix entre les deux options paraît devoir être guidé par la mise en balance des intérêts en présence, ceux de l’entreprise cédée et de ses éventuels salariés d’une part et ceux du bailleur d’autre part. La poursuite de l’activité, lorsqu’elle est possible, et le maintien de l’emploi liés, sont uniquement des critères légaux en plan de cession, par opposition à la cession d’actifs isolés en liquidation judiciaire. Dans ce dernier cas, il n’est pas exigé que la cession permette le maintien de l’activité et de l’emploi lié. Or le fait de réputer non écrites les clauses de solidarité dans les contrats de baux se conçoit surtout dans le cas où la poursuite de l’activité de l’entreprise est envisagée par l’intermédiaire d’une reprise de l’entreprise. Pour cette raison, il apparaît préférable de limiter la modification législative proposée à la cession judiciairement organisée en plan de cession.

Il est dès lors proposé de modifier l’article L. 642-7 du code de commerce afin de réputer non écrites, uniquement en plan de cession, les clauses de « garantie inversée », c’est-à-dire toute clause d’un contrat de bail commercial imposant au cessionnaire des dispositions solidaires avec le cédant.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Il est envisagé de modifier l’article L. 642-7 du code de commerce. Cette modification pourra s’appliquer sans distinction à tous les baux (commerciaux ou autres), nécessaires à la poursuite de l’activité économique de l’entreprise cédée.

Le fait de réputer non écrites les clauses imposant une solidarité au repreneur avec l’ancien locataire n’interdira pas au bailleur, en cas de reprise du bail commercial, de continuer à bénéficier de l’alinéa 3 de l’article L. 642-7 en ce qu’il impose par exemple au cessionnaire du bail de reconstituer le cas échéant le dépôt de garantie[200].

La modification législative proposée a pour effet de parfaire le régime spécial du bail commercial en procédure collective, régime favorisant la poursuite de l’activité de l’entreprise.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Le règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, qui prévoit l’ouverture de la procédure devant le tribunal du lieu où se trouve le centre des intérêts principaux du débiteur, réserve le cas des contrats portant sur un bien immobilier. L’article 11 du Règlement (UE) 2015/848 prévoit ainsi que les effets de la procédure d’insolvabilité sur un contrat donnant le droit d’acquérir un bien immobilier ou d’en jouir sont régis exclusivement par la loi de l’Etat membre sur le territoire duquel ce bien est situé. La juridiction qui a ouvert la procédure d'insolvabilité principale est en outre compétente pour approuver la résiliation ou la modification des contrats visés dans le présent article, dans les cas où la loi de l’Etat membre applicable à ces contrats exige que ce type de contrats ne peut être résilié ou modifié qu’avec l’approbation de la juridiction qui a ouvert la procédure d’insolvabilité et si aucune procédure d’insolvabilité n’a été ouverte dans cet Etat membre.

En dehors du champ d’application du règlement (UE) n° 2015/848, la jurisprudence[201] a toujours admis, conformément à l’article R. 600-1 du code de commerce, la possibilité d’ouvrir à l’encontre d’un débiteur une procédure collective en France dès lors qu’il y possède son siège ou l’un de ses établissements. Il en est de même, à l’égard de créanciers français, sur le fondement du privilège de juridiction de l’article 14 du code civil. La loi applicable à la procédure ouverte en France est nécessairement la loi française, qui régira les conditions d’ouverture, le déroulement de la procédure, ainsi que ses effets, notamment l’opposabilité des sûretés. Tous les créanciers, même ceux résidant hors de France, sont admis à produire. La procédure française ainsi ouverte a vocation, en principe, à couvrir l’ensemble des biens du débiteur, y compris ceux situés à l’étranger ; à condition, évidemment, que les décisions françaises soient reconnues à l’étranger. Enfin, une procédure collective ouverte à l’étranger produira ses effets en France, pourvu qu’aucune procédure n’y ait déjà été ouverte et moyennant l’exequatur des décisions intervenues à l’étranger.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

La modification législative proposée favorisera la reprise d’entreprise en difficulté en plan de cession. Elle est de nature à diminuer le nombre de baux en déshérence, notamment les baux commerciaux des communes connaissant un faible dynamisme économique.

En favorisant la reprise en plan de cession l’entreprise peut poursuivre son activité avec tout ou partie des emplois liés, tout en apurant le passif. Le nombre de licenciements sera diminué et les créanciers non privilégiés auront potentiellement plus de chances d’être désintéressés.

Les droits des bailleurs seront parallèlement préservés pour l’avenir, le contrat de bail devant être exécuté (sauf pour la clause de solidarité réputée non écrite) dans les conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure. Le repreneur-cessionnaire devra le cas échéant reconstituer le dépôt de garantie prévu au contrat, protégeant ainsi les intérêts financiers du bailleur.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Le fait de réputer non écrites les clauses de « garantie inversée » des contrats de baux, dans une telle hypothèse, évitera de décourager de potentiels repreneurs. La mesure proposée favorisera ainsi le rebond des entreprises en difficulté lorsque des offres de reprise en plan de cession sont possibles en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

La modification envisagée ne devrait pas avoir d’impact significatif sur les services des tribunaux.

5.         Modalités d’application

5.1.1        Application dans le temps

Les nouvelles dispositions ne seront pas applicables aux procédures en cours au jour de la publication de la loi nouvelle.

5.1.2        Application dans l’espace

Les dispositions sont applicables sur l’ensemble du territoire national.

Elles sont également applicables dans les îles Wallis et Futuna. Le 6° du I de l’article L. 950-1 du code de commerce est donc modifié pour introduire un « compteur Lifou ». 

Elles ne sont en revanche pas rendues applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française où le droit des entreprises en difficulté est une compétence locale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre II : Des entreprises plus innovantes

Section 1 : Améliorer et diversifier les financements

Article 20 relatif à la réforme de l’épargne retraite

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

1.1.1         Diagnostic général

Les pensions de retraite étant généralement inférieures aux revenus d’activité, les produits d’épargne en vue de la retraite permettent aux particuliers de financer leur retraite afin de limiter la perte de pouvoir d’achat. Ces produits peuvent aujourd’hui relever de deux catégories juridiques :

-          les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle, mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 132-23 du codes des assurances et commercialisés par des entreprises d’assurance, des mutuelles ou des institutions de prévoyance ;

-          les plans d'épargne pour la retraite collectifs (PERCO), mentionnés aux articles L. 3334-1 et suivants du code du travail et proposés par des sociétés de gestion d’actifs.

De façon schématique, les produits spécifiquement créés pour l’épargne retraite sont construits sur une base collective ou sur une base individuelle.

On trouve ainsi, au sein des entreprises :

-          des plans à cotisations définies, dits « article 83 », qui visent à compléter la retraite de certaines catégories de salariés (principalement les cadres), voire de tous les salariés ;

-          des plans à prestations définies, avec des droits conditionnés à l’achèvement  de la carrière dans l’entreprise, dits « article 39 » (régimes de retraite « maison » ou pour les cadres dirigeants) ;

-          des dispositifs d’épargne en vue de la retraite avec le PERCO (plan d’épargne retraite collectif, créé en 2003).

Au niveau individuel, l’offre de produits se compose :

Dans la catégorie « assurantielle », les contrats d’assurance dits « Article 83 » en référence au code général des impôts, les contrats dits « loi Madelin »[202] et « Madelin agricole » et les plans d'épargne retraite populaire (PERP) ont en commun de proposer une liquidation principalement sous forme de rente viagère. Ils présentent également un régime fiscal de report d’imposition : l’épargnant peut déduire de son impôt sur le revenu les versements effectués, jusqu’à un certain plafond, et lors de la liquidation du contrat (au moment de la retraite), les rentes servies sont assujetties au régime des rentes viagères à titre gratuit (barème de l’imposition sur le revenu, moins un abattement de 10 %). Au-delà de ces caractéristiques communes, ces trois produits se distinguent par des règles de fonctionnement, de fiscalité et de traitement social hétérogènes, précisées dans le tableau ci-après.

Les PERCO, produits collectifs souscrits dans le cadre de l’entreprise, présentent des règles de fonctionnement différentes des produits assurantiels. Ils offrent par exemple la possibilité de débloquer l’épargne avant la date de la retraite en vue de l’achat de la résidence principale, ainsi que la possibilité de retirer l’intégralité de son épargne en capital au moment du départ en retraite. Ils se caractérisent aussi par un régime fiscal spécifique, variable selon l’origine des versements :

-          les versements issus de l’intéressement et de la participation sont exonérés d’impôt sur le revenu à l’entrée et à la sortie ;

-          les versements volontaires du salarié ne sont pas déductibles de l’impôt sur le revenu à l’entrée, mais sont exonérés d’impôt sur le revenu en cas de sortie en capital.

Le tableau ci-après précise les règles de fonctionnement, de fiscalité et de traitement social des différents produits, ainsi que les publics ciblés et les encours concernés[203].

 

 

Tableau récapitulatif des masses financières en jeux / des règles juridiques et fiscales applicables

 

Nom du dispositif

Article 83 du CGI/L.242-1 CSS

Loi Madelin et Madelin agricole

PERP

PERCO

Commercialisation

Sociétés d’assurance / Mutuelles / Institutions de Prévoyance

Sociétés de Gestion

Encours fin 2016 + progression*

68,1 Mds€ (+6%)

43,2 Mds € (+6%)

16,3 Mds € (+14%)

14 Mds€  ( +15%) 

Montant des versements / parts de marché 2016

2,9 Mds € (21%)

3,1 Mds € (23%)

2,2 Mds € (16%)

2,2 Mds€ (16%)

Nb personnes fin 2016

5,3 millions

1,6 million

2,3 millions

2,3 million

Cotisation annuelle moyenne (pers. ayant effectué un versement)

553 € (1280)

1922 € (3046)

953 € (2491)

954 € (1952)

Rente annuelle moyenne (nbr. bénéficiaires)

 2 195 € (725 000 pers.)

 1 751 € (288 000 pers.)

 1 243 € (31 000 pers.)

  / 

Sortie en capital moy. (nbr.)

VFU[204] 4 534 € (42 000 pers.)

VFU 7 853 € (12 000 pers.)

 5 542 € (4 000 pers.)
VFU 6 143 € (40 000 pers.)

 9 000 € (49 000 pers.)

Public concerné Juridiquement

Peut ne concerner qu’une partie du personnel dès lors qu’elle est définie objectivement

Travailleurs non-salariés (TNS)

Produit d’épargne « à caractère universel », sur une base facultative et personnelle

Tous les salariés des entreprises ayant mis en place un PERCO et chefs d’entreprise jusqu’à 250 salariés

Cœur de cible

 Salariés, cadres supérieurs ou dirigeants

TNS et agriculteurs

Actifs imposables

Tous les salariés de l’entreprise (seule une condition d’ancienneté – 3 mois maximum, peut être imposée)

Transférabilité

 Oui vers un autre contrat collectif article 83 ou PERP

Oui vers un autre contrat Madelin, possible vers un article 83 ou un PERP

Oui vers un autre PERP

Oui vers un autre PERCO

Conditions de déblocage (sortie anticipée)

Blocage jusqu’à la retraite, sauf déblocage (art. L. 132-23 CdA) :
1/ chômage de longue durée ;
2/ cessation activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire ;
3/ invalidité 2ème ou troisième catégorie ;
4/ décès du conjoint ou partenaire de PACS ;
5/ surendettement.

Blocage jusqu’à la retraite, sauf déblocage (article R3334-4 du code du travail) :

1/ invalidité de l'intéressé, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire de PACS ;

2/ décès de l'intéressé, de son conjoint ou de son partenaire de PACS ;

3/ affectation des sommes épargnées à l'acquisition de la résidence principale ;

4/ surendettement de l’intéressé ;

5/ chômage longue durée de l’intéressé.

Dénouement

Sortie en rentes

Sortie en rente en principe
Sortie en capital possible :
- à 100% si primo-accession à la propriété à l’âge de la retraite ;
- à 20% dans les autres cas.

Rente ou capital (sans limite)

Abondement de l’employeur

Obligatoire

Sans objet

Oui

Fiscalité à l’entrée

Entreprises : Cotisations déduites du résultat imposable à l’IS

Salariés :
- Versements obligatoires de l'employeur et du salarié : exonérés d'IR, jusqu'à hauteur de 8% de la rémunération annuelle brute, plafonnée à 8 fois le plafond de la Sécurité sociale (art. 83 CGI, 2°)

- Versements volontaires des salariés : exonérés d'IR dans la limite de 10% de la rémunération annuelle brute, plafonnée à 8 fois le plafond de la Sécurité sociale, ou à 10% de ce même plafond si c'est plus avantageux (art. 163 quatervicies CGI, I, 2, a), 1°)

Cotisations déductibles du bénéfice imposable sous plafond :
-Soit un forfait de 10 % du PASS soit 3.754,80 € pour 2014
-Soit 10 % du revenu professionnel limité à 8 PASS augmenté de 15 % du revenu compris entre 1 et 8 PASS.

Cotisation déductible de l’IR sous plafond égal à :
-10 % du PASS N-1 (3703 € en 2014) ;
- Ou 10% des revenus professionnels eux-mêmes plafonnés à 8 PASS (29 626 € en 2014).

Cotisations employeurs déductibles de l’IS, cotisations employés non déductibles (sauf si issues de l’intéressement ou participation)

Charges sociales à l’entrée

Entreprise : Forfait social de 20% (art. L.137-15 CSS)

Les versements ne doivent pas dépasser le plus élevé de ces deux montants :
- Soit 5% du plafond annuel de la Sécurité sociale
- Soit 5% de la rémunération, dans la limite de 5 fois le plafond de la Sécurité sociale (= 5 % * 196 140 € pour l'année 2017 = 9 807€, art. L.242-1 CSS al.7 et art. D. 242-1 CSS)

Salariés : CSG (9,2%) et CRDS (0,5%) - (dans les faits, précomptés par l’entreprise)

Pendant toute la durée de souscription, les versements proviennent de revenus individuels déjà chargés

Entreprise :
Forfait social 20% pour les abondements employeurs et les sommes issues de la participation/intéressement
Forfait social réduit à 8% pendant 6 ans pour les entreprises de moins de 50 salariés qui concluent pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement

Forfait social réduit à 16% pour les Perco investis en titres éligibles au PEA-PME.

 

Salarié : Prélèvements sociaux pour les versements volontaires du salarié qui proviennent de revenus individuels déjà chargés

Fiscalité à la sortie

Fiscalité : IR après abattement de 10%

Fiscalité : IR après abattement de 10%

Rente - IR après abattement de 10% ;
Capital - PFL 7,5% avec abattement de 10% (article 163 bis CGI)

Sortie en capital : exonération d'IR

Sortie en rente : les rentes sont soumises au régime fiscal des RVTO = IR après un abattement dépendant de l'âge du bénéficiaire lors de la liquidation. Fraction imposable :
- 70 % si l'intéressé est âgé de moins de 50 ans ;
- 50 % s'il est âgé de 50 à 59 ans inclus ;
- 40 % s'il est âgé de 60 à 69 ans inclus ;
- 30 % s'il est âgé de plus de 69 ans.

Charges sociales à la sortie

Revenus de remplacement : CSG (8,3%), CRDS (0,5%), cotisation maladie (1%) et contribution Additionnelle de Solidarité pour l'Autonomie (CASA) de 0,3% 

Revenus du patrimoine et de placement.
Rente ou capital : taxation des PV à un taux global de 17,2% : CSG (9,9%), CRDS (0,5%), prélèvement social (4,5%), contribution additionnelle (0,30%), prélèvement de solidarité (2%)

1.1.2         Diagnostic détaillé

a)      Des produits présentant une portabilité limitée

Les règles de transférabilité des différents produits d’épargne retraite, précisées dans le tableau ci-dessous, n’assurent qu’une portabilité limitée. Par exemple, les titulaires d’un contrat article 83 peuvent transférer leur épargne vers un PERP, mais pas vers un PERCO. Les titulaires de PERP et de PERCO ne peuvent transférer leur épargne vers aucun autre produit.

Situation actuelle : transférabilité limitée

De    Vers

PERP

Madelin

Article 83

PERCO

PERP

Oui

Non

Non

Non

Madelin

Oui

Oui

Oui

Non

Article 83

Oui

Oui

Oui

Non

PERCO

Non

Non

Non

Oui

b)     Des produits investis dans des actifs peu adaptés à un horizon de long terme

Les produits d’assurance sont encore très investis dans les fonds en euros des entreprises d’assurance (60 à 100 % des encours selon les contrats), tandis que le PERCO est investi pour 25 % en fonds actions et pour 25 % en fonds monétaires (le reste de l’encours étant investi en fonds diversifiés et en fonds obligataires)[205].

c)      Des épargnants dans une situation inégale face au risque de défaillance de leur prestataire financier

Les porteurs de PERCO sont propriétaires des parts et actions des organismes de placement collectif dans lesquels est investie leur épargne et ne sont pas exposés à un risque de contrepartie inhérent à leur prestataire financier. A l’inverse, les souscripteurs de produits assurantiels ne sont pas propriétaires des actifs financiers dans lesquels ces encours sont investis : ceux-ci figurent dans le bilan de l’entreprise d’assurance. Les souscripteurs de PERP bénéficient du cantonnement des actifs de retraite, qui crée à leur profit un privilège en cas d’insolvabilité de l’assureur. En revanche, les souscripteurs de contrats article 83 ou Madelin ne bénéficient pas d’une telle protection.

d)     Des produits d’épargne peu développés[206]

L’encours total des produits d’épargne retraite s’élève à 219 Md€ à fin 2016, soit environ 1,5 % du patrimoine des ménages, ce qui représente un encours très limité en comparaison avec l’assurance vie (1 700 Md€), souvent utilisée par les épargnants pour préparer leur retraite, ou avec les livrets d’épargne réglementés (400 Md€). Ce développement limité s’explique par un déficit d’attractivité de l’épargne retraite par rapport aux supports d’épargne. En 2016, les prestations de retraite supplémentaire représentaient 2 % des prestations de retraite servies en France.

12,7 millions d’épargnants étaient adhérents à un dispositif d’épargne retraite en 2016 (dont 8 millions pour les produits collectifs et 4,7 millions pour les produits individuels), mais seulement 6 millions ont effectués un versement sur leur contrat au cours de cet exercice.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

Les caractéristiques de l’offre actuelle d’épargne retraite nuisent à la compréhension et à l’attractivité des produits pour les épargnants et appellent une réforme d’ensemble.

D’une part, l’hétérogénéité des règles applicables nuit à la lisibilité du droit positif et fait obstacle à la portabilité des droits à retraite supplémentaire. Certains épargnants cumulent ainsi plusieurs produits représentant chacun un faible encours, en raison de leur transférabilité limitée. Cette situation présente de nombreux inconvénients pour les épargnants. En particulier, la fragmentation des encours pèse sur la perception des produits en termes de rente servie in fine, et l’épargne est érodée au fil du temps par la multiplication des frais imputés par les différents prestataires financiers. Or, en l’absence d’harmonisation des règles applicables, toute amélioration de la transférabilité pourrait se traduire par des comportements d’optimisation, consistant par exemple à acquérir des droits sur un produit à sortie en rente où les versements sont déductibles de l’impôt sur le revenu, puis à transférer son épargne vers un produit où les sorties en capital sont possibles et exonérées d’impôt sur le revenu.

D’autre part, le cadre juridique actuel présente de nombreuses limites en matière :

2.2.           Objectifs poursuivis

2.2.1         Objectif général : simplifier l’offre de produits de retraite supplémentaire et permettre la portabilité des produits assujettis à des règles communes

La réforme permettra d’harmoniser la réglementation applicable aux produits d’épargne retraite : i) en établissant des règles communes à l’ensemble des produits ; ii) en établissant des règles communes aux produits individuels d’une part et collectifs d’autre part.

La réforme conduira ainsi à une importante simplification de l’offre de produits. Ces produits, répondant à la définition juridique de « plan d’épargne retraite » précisée dans le code monétaire et financier, seront désormais assujettis à des règles communes (gestion financière, alimentation, cas de déblocage anticipés, information du souscripteur). L’offre de produits sera organisée selon l’architecture suivante :

 

2.2.2         Objectifs détaillés

a)      Assurer la transférabilité des produits de retraite

La réforme introduit le principe d’une transférabilité totale entre les différents produits de retraite, afin que les épargnants puissent à terme concentrer leurs encours sur un seul support, s’ils le souhaitent. En effet, alors que les carrières professionnelles sont désormais moins linéaires, la perspective de devoir cumuler plusieurs produits non transférables est un frein important à leur commercialisation (faible lisibilité des droits, cumul des frais, charge administrative). Améliorer la transférabilité de ces dispositifs est également un moyen d’accroitre leur appropriation par les épargnants, et de lutter ainsi contre la déshérence, qui touche particulièrement ces produits, comme le relève l’ACPR dans le rapport qu’elle a rédigé pour faire suite aux dispositions de l’article 115 de la loi du 9 décembre 2016.Une telle transférabilité ne peut être assurée que si ces produits répondent à un corpus de règles communes relatives :

-          aux conditions de déblocage de ces produits en phase d’accumulation ;

-          aux conditions de dénouement de ces contrats ;

-          à la fiscalité et aux prélèvements sociaux applicables aux versements dans ces produits.

Le projet de loi uniformise également le plafonnement des frais imputables en cas de transfert  afin de lever tout obstacle de cet ordre à la transférabilité de ces encours.

b)     Dynamiser la gestion de ces encours en généralisant la gestion pilotée en fonction de l’horizon de placement des épargnants

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », avait introduit le principe d’une gestion pilotée « par défaut », c’est-à-dire en cas d’absence de choix du salarié, pour les PERCO. D’après l’Association Française de la Gestion Financière (AFG), fin 2017, 48 % des salariés étaient en gestion pilotée sur leur PERCO (en forte progression depuis l’entrée en vigueur de la loi)[208]. Il conviendrait de la généraliser à l’ensemble des produits de retraite supplémentaire.

c)      Garantir la protection de cette épargne

Les opérations liées au PERP font aujourd’hui l’objet d’une comptabilité auxiliaire d’affectation, comme le prévoit l’article L. 144-2 du code des assurances, c’est-à-dire qu’ils sont isolés dans un canton comptable au sein du bilan des entreprises d’assurance. Ce cantonnement a principalement été introduit pour deux raisons :

-         en premier lieu, protéger les actifs correspondant aux engagements de retraite afin de préserver les droits des assurés en cas de défaillance de l’entreprise d’assurance ;

-         en second lieu, garantir une distribution équitable de la participation aux bénéfices : le cantonnement contraint l’assureur à redistribuer le résultat technique et financier au sein du canton, ce qui évite les pratiques commerciales consistant à privilégier une clientèle mobile au détriment de la clientèle captive de l’épargne retraite.

Pour autant, les autres engagements de retraite gérés par les assureurs (article 83 et Madelin), ne font pas l’objet d’une telle comptabilité. La gestion de la totalité des engagements de retraite au sein d’un seul canton comptable constituerait un assouplissement souhaitable pour le PERP, et une protection supplémentaire pour les assurés dans le cadre de la retraite professionnelle. En outre, la réforme pourrait également introduire des règles de répartition de la participation aux bénéfices entre les assurés en phase d’accumulation et ceux en phase de « décumulation », afin que les premiers ne puissent être privilégiés aux dépens des seconds.

d)     Accroitre la pression concurrentielle sur le segment de la retraite supplémentaire

La clientèle « captive » de l’épargne retraite est confrontée aux difficultés classiques que suscite un environnement faiblement concurrentiel (frais élevés, offre éventuellement décevante). En outre, l’introduction de la gestion pilotée de ces encours (option parfois jugée couteuse) ne doit pas conduire à un accroissement des frais pesant sur les futurs retraités. Il est ainsi très important de stimuler la concurrence entre les différents acteurs. Trois leviers seraient mobilisés :

-         permettre aux acteurs de la gestion d’actif de se positionner sur ce marché au-delà du PERCO, pour exercer une véritable pression concurrentielle sur les offres de gestion pilotée, et réciproquement, permettre aux assureurs de se positionner sur offre de PERCO ;

-         encadrer les frais de transfert de ces produits (avec une modération de ces frais, voire sans frais au-delà de 10 ans) ;

-         offrir au bénéficiaire la possibilité de choisir son prestataire de rente.

Dans le contexte de l’harmonisation des règles applicables à ces produits, il pourra être mis fin au cloisonnement de l’offre. Seules les entreprises d’assurance resteront cependant autorisées à proposer des produits comportant des garanties en capital ou biométriques, dès lors que ces garanties supposent la mobilisation de fonds propres et l’assujettissement à des règles prudentielles spécifiques telles que celles auxquelles sont soumises les entreprises d’assurance.

e)      Accroitre l’attractivité des produits d’épargne retraite

Le segment de la retraite supplémentaire présente un important enjeu d’attractivité : l’épargne retraite ne représente que 219 milliards d’euros d’encours, à comparer, par exemple, au encours d’assurance-vie (1 628 milliards d’euros à fin janvier 2017, d’après la Fédération française de l’assurance), ou au patrimoine financier des ménages (4 800 milliards d’euros fin 2015 d’après l’INSEE). Les deux leviers qui seront mobilisés par la réforme consisteront donc dans la simplification de cet univers et des règles applicables, mais également dans l’introduction de flexibilités importantes s’agissant des conditions dans lesquelles cette épargne peut être libérée au moment de la retraite. En effet, les consultations menées ont permis d’identifier l’obligation de dénouer la plupart de ces produits par l’acquisition d’une rente viagère comme un frein important à leur développement.

Dans cette perspective, les possibilités de sortie à la liquidation seraient les suivantes :

-          sortie en rente viagère ou en capital (en une fois ou de manière fractionnée), au choix de l’épargnant, pour tous les versements volontaires effectués sur les produits et pour les sommes provenant de l’épargne salariale (intéressement, participation et abondements employeurs sur les produits collectifs), sauf lorsque l’épargnant opte irrévocablement dès l’ouverture du plan pour liquider tout ou partie de ses droits en rente viagère ;

-          sortie en rente viagère pour les versements obligatoires des épargnants dans le cadre des produits collectifs.

De plus, le projet de loi harmonise les conditions de retrait anticipé de l’épargne retraite constituée (avant le départ en retraite) pour tous les produits, en incluant également un déblocage possible en cas d’emploi des sommes pour l’achat de la résidence principale (comme sur les PERCO uniquement aujourd’hui), lorsque les versements proviennent de l’épargne salariale ou de versements volontaires des épargnants.

2.2.3         Comparaison des produits d’épargne retraite supplémentaire européens en matière de modalité de sortie et de fiscalité

Les modalités de sortie et la fiscalité applicable ont fait l’objet d’une comparaison des pratiques observées dans différents pays européens.

L’étude d’impact établie en 2017 par la Commission européenne dans le cadre du projet de « pan european pension product » (PEPP) montre que de nombreux pays européens proposent des sorties en capital des produits d’épargne retraite supplémentaire. Ainsi, sur un échantillon de 49 produits d’épargne retraite supplémentaire individuelle proposés dans les 28 pays membres, 56 % autorisent des sorties totales ou partielles en capital.

 

Ce résultat converge avec les données produites par la Fédération française de l’assurance : sur un échantillon de 13 Etats membres de l’Union européenne[209], 7 Etats, représentant 65 % de la population de l’échantillon, autorisent une sortie intégrale en capital (Pays-Bas, Autriche, Italie, Belgique, Espagne, Irlande, Royaume-Uni). Parmi ces 7 Etats, seuls l’Autriche et les Pays avantagent fiscalement la sortie en rente[210]. Dans les 5 autres Etats, la sortie en capital est majoritaire, qu’elle soit fiscalement avantagée (Espagne, Irlande, Royaume-Uni) ou neutre fiscalement (Italie, Belgique).

Les retours de plusieurs Services économiques régionaux du Trésor permettent d’éclairer les modalités de déblocage dans certains pays.

Au Royaume-Uni, une réforme entrée en vigueur le 1er avril 2015 (« pension freedom ») a ouvert la possibilité de sortir intégralement en capital des produits privés de retraite professionnelle complémentaire facultative (9 millions d’adhérents, 20 Md£ d’encours). A la sortie (à partir de 55 ans), les épargnants peuvent choisir entre une rente viagère, un capital (unique ou fractionné) ou une combinaison entre rente et capital. A l’entrée, les versements sont déductibles de l’impôt sur le revenu, dans la limite de 100% du revenu annuel, de 40 000 £ par an et de 1 000 000 £ en cumulé. Les rentes sont soumises à l’impôt sur le revenu. Pour les sorties en capital, 25% des sommes sont exonérées, et le reste est soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Un retrait en capital est également possible avant 55 ans, mais le retrait est imposé à hauteur de 55%.

Un premier bilan établi fin 2017 par la Financial conduct authority (FCA)[211] montre que les épargnants ont bien accueilli la réforme. Si les sorties en capital sont plus fréquentes, certains épargnants continuent de privilégier la sortie en rente. Les observations montrent que les sorties en capital n’ont pas donné lieu à des achats déraisonné, les retraités utilisant leur capital pour des placements prudents (32 %) ou en actions (20 %), pour des remboursements de prêts (14 %) ou pour d’autres dépenses (34 %). L’enjeu principal de consolidation de la réforme réside dans le renforcement du devoir de conseil apporté aux épargnants au moment du départ en retraite, tant pour le choix de la modalité de sortie que pour le placement des capitaux retirés.

En Belgique, la retraite supplémentaire individuelle (3ème pilier) couvre 65 % de la population. Les produits peuvent être indifféremment proposés par un assureur ou par un gestionnaire d’actifs. A l’entrée, les versements donnent lieu à une réduction d’impôt de 30 % des montants versés, dans la limite de 940 € par an (soit 282 € de réduction d’impôt annuel), sous réserve d’une durée d’épargne au moins égale à 10 ans. En sortie, les produits font l’objet d’un prélèvement unique de 8 % de l’encours accumulé, lors du 60ème anniversaire de l’épargnant (ou du 10ème anniversaire de l’ouverture du contrat si elle a eu lieu après ses 55 ans). La liberté de choix entre capital et rente est offerte à l’épargnant au moment du départ en retraite, sans différence de traitement fiscal. Les contrats sont très majoritairement liquidés en capital. Les retraites supplémentaires collectives par capitalisation (2ème pilier), également très répandues en Belgique du fait de la faiblesse des pensions légales, et permettent aussi un choix entre capital et rente, mais le régime fiscal de la rente (impôt sur le revenu) n’est attractif que pour les personnes non imposées, car les sorties en capital sont taxées à un taux forfaitaire dépendant en partie de l’âge des versements.

En Allemagne, sur les contrats Riester qui donnent lieu à des incitations fiscales à l’entrée (déduction fiscale ou subvention publique), la sortie s’effectue majoritairement en rentes. La sortie en capital est possible jusqu’à 30 % de l’épargne (20 % jusqu’en 2005), sauf pour les contrats de faible montant liquidés intégralement en capital (si la rente serait inférieure à 30 € par mois). Les prestations en rentes comme en capital sont soumises à l’impôt sur le revenu.

En Suède, les produits de retraite supplémentaires peuvent également être liquidés en rente ou en capital. Il n’existe aucune incitation fiscale entre la rente et le capital, les contrats donnant lieu uniquement à des prélèvements en phase d’accumulation.

Au Danemark, la sortie en rente est privilégiée. Les produits d’épargne retraite individuels du 3ème pilier proposent soit une sortie en rente (contrats Livspension et Ratepension), soit une sortie en capital (contrats Aldersopsparing et), en une seule fois ou de manière fractionnée. Les produits permettant de sortir en capital sont moins avantagés fiscalement : sur les contrats Aldersopsparing, les versements ne sont pas déductibles à l’entrée ; sur les contrats Kapitalpension, désormais fermés à la souscription, les sorties en capital sont soumises à une taxe de 40 %. A l’inverse, les sorties en rentes viagères sur les deux autres produits sont soumises à l’impôt sur le revenu (+ 2 % pour les rentes supérieures à 53 595 € par an). Les produits générés par l’épargne sont taxés au fil de l’eau à 15,3 %.

Aux Pays-Bas, le 3ème pilier du système de retraite représente 10 % des revenus des retraités (contre 50 % pour les retraites de base du 1er pilier et 40 % pour les retraites professionnelles collectives du 2ème pilier). A l’entrée, les versements sont déductibles de l’impôt sur le revenu, dans la limite de 13,5 % du salaire brut et de 12 362 € par an. A la sortie, les retraits en capital sont fiscalisés à l’IR lorsque le taux de remplacement dépasse 70 %. Les sorties en rente sont soumises à l’IR lorsque le taux de remplacement dépasse 100 %[212]

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.           Options envisagées

La réforme de l’épargne retraite est un chantier complexe, faisant intervenir une grande variété de prestataires financiers (entreprises d’assurances, mutuelles, institution de prévoyance, gestionnaires d’actifs) et de produits. L’unification des règles applicables suppose d’intervenir dans un grand nombre de codes (code des assurances, code monétaire et financier, code de la mutualité, code de la sécurité sociale, code du travail, code de commerce et code général des impôts). L’harmonisation pose par ailleurs la question de la convergence des différents régimes fiscaux associés à chaque produit d’épargne, ainsi que des traitements sociaux afférents.

L’intégration de l’ensemble des mesures dans un seul et même vecteur législatif présentait plusieurs inconvénients : quantité très importante de mesures techniques pour harmoniser les différents produits, introduction de mesures fiscales et sociales en dehors des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, délais limités pour mener les travaux nécessaires à la calibration de ces mesures avec les acteurs concernés.

3.2.           Option retenue

Il a semblé préférable d’engager cette réforme d’ampleur en trois étapes. D’une part, les grands principes de la réforme sont inscrits dans le projet de loi, afin que le corpus de règles communes applicables à tous les produits puisse faire l’objet d’une discussion approfondie au Parlement. D’autre part, une habilitation à procéder par voie d’ordonnance permettra de prendre les mesures techniques spécifiques aux contrats individuels d’une part et collectifs d’autre part, les mesures propres aux produits d’assurance ainsi que les mesures nécessaires à l’application des règles communes à l’ensemble des produits existants. Enfin, les mesures de nature fiscale et sociale seront intégrées respectivement dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l’exception de la généralisation de la réduction du taux de forfait social sous condition d’investissement, qui figure dans le projet de texte.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

La présente analyse se concentre sur les impacts des mesures inscrites dans le projet de loi, ainsi que sur les finalités des mesures prévues par l’habilitation.

4.1.           Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

Le présent article prévoit l’établissement, dans le titre II du livre II de la partie législative du code monétaire et financier, d’un régime juridique harmonisé de l’épargne constituée en vue de la cessation d'activité professionnelle, permettant de mieux répondre à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ce régime juridique regroupe l’ensemble des règles que les produits d’épargne retraite devront respecter pour bénéficier du régime fiscal applicable (notamment la possibilité pour les épargnants de déduire les versements de l’impôt sur le revenu). Le présent article modifie également l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale.

Ces normes communes ne seront rendues applicables qu’à compter d’une date qui sera définie par décret, et au plus tard le 1er janvier 2020.

 

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les mesures à prendre devront tenir compte des dispositions de la directive n° 2014/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant l'acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire, dont la transposition fait l’objet d’un article du présent projet de loi.

4.2.           Impacts économiques et financiers

4.2.1         Impacts macroéconomiques

A fin 2016, les produits d’épargne retraite supplémentaire représentaient un encours total de 220 Md€, pour 12,7 millions d’adhérents. 13,6 Md€ de cotisations ont été versées sur ces produits au cours de l’exercice 2016, un chiffre en augmentation de 6 % par rapport à 2015[213].

La réforme conduira à renforcer l’attractivité de ces produits et à dynamiser la gestion financière de cette épargne de long terme, ce qui aura des impacts positifs sur l’orientation de l’épargne des ménages vers le financement en fonds propres des entreprises.

La gestion pilotée par horizon est un mode de gestion d’actifs permettant de réduire progressivement les risques financiers pour l’épargnant à mesure que celui-ci approche de l’âge de la retraite. Durant les premières années d’investissement, lorsque l’horizon d’investissement est long, les actifs à revenus variables sont plus importants de manière à accroître les perspectives de rendement. Lorsque la date de la retraite approche, et que l’horizon d’investissement se raccourcit, l’allocation est progressivement sécurisée vers des actifs sûrs. Cette modalité de gestion a été introduite pour les PERCO par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Il est proposé d’en faire la modalité de gestion par défaut de la retraite supplémentaire, à la lumière de cette expérience positive.

4.2.1.1 Impact de la généralisation de la gestion pilotée par défaut dans les plans d’épargne retraite sur l’allocation des contrats en cours d’exécution (« impact stocks »)

En généralisant une modalité de gestion financière plus adaptée à ces engagements de long terme, la réforme devrait conduire à augmenter significativement le taux d’investissement en fonds propres de cette épargne. Dans l’hypothèse où, en rythme de croisière, 70% des encours feraient l’objet d’une gestion pilotée, le taux d’investissement en fonds propres passerait d’environ 15% à environ 35% (cette hypothèse se fonde sur des pratiques observées parmi les principaux acteurs financiers, elle dépend des règles qui seront adoptées par voie réglementaire pour encadrer la gestion pilotée des encours). La seule réallocation des encours d’épargne retraite actuels entrainerait à terme un accroissement de l’épargne investie en actions d’environ 17 Mds€.

 

 

 

 

Investissement en equity
(réallocation en Mds€)

Taux d'equity dans les engagements de retraite après la réforme

(actuellement 15%)

Pourcentage de contrats en gestion pilotée

50%

70%

50%

70%

Allocation dynamique

Tous contrats

11,1

16,7

 

Article 83

5,5

8,3

29%

36%

Madelin

3,8

5,7

27%

32%

PERP

1,7

2,6

28%

34%

 

4.2.1.2 Impact des nouvelles modalités de sortie en capital sur la collecte d’épargne-retraite (« impacts flux »)

La portabilité des produits d’épargne retraite, l’amélioration des conditions tarifaires par la stimulation de la concurrence, la simplification des règles applicables, la protection des encours et la possibilité de libérer l’épargne retraite sous la forme d’un capital devraient représenter des facteurs d’attractivité majeurs, conduisant les épargnants à modifier leur comportement d’épargne. Le chiffrage de l’impact de la réforme de l’épargne retraite sur les flux d’investissement en fonds propres, réalisé ci-après, se fonde sur deux hypothèses :

A l’issue de la réforme de l’épargne retraite, le ré-arbitrage des détenteurs d’assurance-vie en faveur de l’épargne retraite, c’est-à-dire le choix de souscrire à un contrat d’épargne retraite plutôt que de continuer à abonder son contrat d’assurance-vie, conduit à doubler les placements en actions sur les flux de versements concernés.

 

Assurance-vie classique

Retraite supplémentaire en gestion pilotée

Taux equity

18%[216]

35%[217]

Montant des versements (en Mds \ an)

130

10,5

Par conséquent, si 5% des souscripteurs de contrats d’assurance-vie classique choisissaient plutôt d’épargner sur un plan d’épargne retraite[218], la collecte d’épargne retraite augmenterait de 6,5 Mds€ par an et l’investissement en fonds propres augmenterait de 1,2 Mds€ par an. Si la totalité des personnes déclarant épargner en assurance-vie classique en vue de leur retraite optaient pour un véritable produit d’épargne retraite, la collecte d’épargne retraite serait multipliée par 4 et l’investissement en fonds propres augmenterait de 5,4 Mds par an (ce scénario n’est pas le plus probable, puisque parmi les 23% de souscripteurs, seuls les personnes assujetties aux taux marginaux d’IR les plus élevés et approchant de la retraite auraient un intérêt objectif à opter pour un produit tunnelisé permettant de bénéficier de la déductibilité de l’IR). Il convient de relever que ces arbitrages interviendront de manière progressive.

Pourcentage de réallocation (Assurance-vie vers retraite)

Flux supplémentaire d'épargne retraite (en Md€ / an)

Investissements supplémentaire en equity (en Md€ / an)

5%

6,5

1,2

10%

13,0

2,4

23%

29,9

5,38

4.2.2         Impacts sur les entreprises

Au-delà des impacts positifs sur le financement en fonds propres des entreprises, celles-ci bénéficieront d’une plus grande liberté de choix quant aux produits d’épargne retraite qu’elles pourront mettre en place au profit de leurs salariés, qu’il s’agisse de produits universels, ouverts à tous les salariés (qui pourront être proposés par des entreprises d’assurance, et non plus uniquement par des sociétés de gestion d’actifs) ou de produits réservés une seule catégorie de salariés (qui pourront être proposés par des sociétés de gestion d’actifs, et plus uniquement par des entreprises d’assurance). Elles pourront également proposer des produits plus attractifs pour leurs salariés grâce aux nouvelles flexibilités introduites (cas de sortie anticipée et liquidation possible en capital pour les versements volontaires).

4.2.3         Impacts budgétaires

Les impacts budgétaires des mesures de nature fiscale, qui seront intégrées dans le projet de loi de finances, seront précisés lors de l’élaboration de ce projet de loi.

Le projet de loi introduit un taux de forfait social réduit sur les versements employeurs dans les produits collectifs assurantiels, à l’instar d’un régime déjà en vigueur sur les PERCO. Le II de l’article modifie ainsi l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale afin de généraliser le taux de forfait social réduit (16 % au lieu de 20 %) que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », avait introduit pour l'épargne salariale versée dans un PERCO dont les fonds sont investis à hauteur de 7 % minimum en titres de petites et moyennes entreprises et d'entreprises de taille intermédiaire. Il s’agit de tirer les conséquences de la réforme de l’épargne retraite en appliquant ce taux de forfait social réduit aux sommes versées par l’employeur qui sont affectées à tout plan d’épargne retraite d’entreprise prévoyant que l’encours en gestion pilotée est investi par défaut, c’est-à-dire en l’absence de choix différent de l’épargnant, à hauteur de 10 % en titres éligibles au PEA-PME. Un décret précisera les conditions de sécurisation progressive de cette épargne, ce ratio n’ayant pas vocation à s’appliquer de manière uniforme selon que l’épargnant est proche ou non du départ à la retraite. Le coût de la mesure dépendra de l’adoption de cette condition d’investissement.

Le rythme de cette adoption peut être estimé à partir de l’historique des PERCO depuis la mise en place du taux de forfait social réduit instauré par la loi Macron. L’expérience des PERCO+ montre qu’on peut attendre, les premières années, un taux de conversion de 10% chaque année. Les versements employeurs sur les produits collectifs assurantiels (articles 83) étant estimés à 3,4 Md€/an, le coût total de la mesure peut donc être évalué de la manière suivante :

-          la première année, un maximum d’environ 13 M€ (26 M€ la deuxième année, etc.) ;

-          à horizon 10 ans, environ 65 M€/an (hypothèse centrale de 50 % des contrats convertis. Un taux de conversion de 100% entraînerait un coût maximum de 130 M€/an).

4.3.           Impacts sur les particuliers

4.3.1        Portabilité

Il est attendu une réallocation de l’épargne des ménages en faveur des dispositifs d’épargne retraite. Les particuliers actifs bénéficieront d’une plus grande portabilité des produits d’épargne retraite, et pourront ainsi plus facilement transférer leurs droits acquis dans plusieurs entreprises dont les régimes étaient différents (PERCO, art. 83 par exemple) dans un seul produit, individuel ou collectif.

Situation actuelle : transférabilité limitée

De  ->  Vers

PERP

Madelin

Article 83

PERCO

PERP

Oui

Non

Non

Non

Madelin

Oui

Oui

Oui

Non

Article 83

Oui

Oui

Oui

Non

PERCO

Non

Non

Non

Oui

 

Après la réforme : transférabilité totale

De  ->  Vers

PERP

Madelin

Article 83

PERCO

PERP

Oui

Oui

Oui

Oui

Madelin

Oui

Oui

Oui

Oui

Article 83

Oui

Oui

Oui

Oui

PERCO

Oui

Oui

Oui

Oui

4.3.2        Gestion pilotée

La mise en place d’une option par défaut de gestion pilotée par horizon offrira de meilleures perspectives de rendement des produits d’épargne retraite. Ce mode de gestion d’actifs permet en effet de lisser dans le temps l’investissement dans les actifs à revenus variables et de sécuriser progressivement l’allocation à l’approche de la retraite. Compte tenu des performances observées dans plusieurs pays en comparaison avec d’autres types d’allocation d’actifs, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) recommande sa généralisation via la mise en place d’une option par défaut dans les régimes de retraite supplémentaire à cotisations définies [219].

4.3.3        Flexibilité

Les épargnants pourront bénéficier des nouvelles flexibilités pour retirer plus facilement leur épargne. Avant l’âge de la retraite, ils pourront retirer les sommes issues des versements volontaires pour l’achat de leur résidence principale ; cette faculté n’est aujourd’hui offerte que sur les PERCO, et non sur les produits assurantiels (PERP, Madelin, art. 83). Lors de la retraite, les épargnants bénéficieront d’une liberté de choix entre retirer leur épargne sous la forme d’un capital ou acquérir une rente viagère lorsque les sommes proviennent de versements volontaires et de l’épargne salariale (intéressement, participation et abondements employeurs).

Par exemple, un épargnant ayant acquis tout au long de sa carrière 20 000 € de droits à retraite sur un contrat PERP pourrait choisir, au moment de sa retraite, entre l’acquisition d’une rente viagère (versement d’environ 67 € par mois jusqu’à son décès), ou le retrait de cette épargne en une ou plusieurs fois, ou encore le retrait d’une partie de cette épargne et l’acquisition d’une rente viagère pour la partie restante (contre une sortie uniquement en rente viagère actuellement).

La présente étude d’impact ne peut déterminer avec précision les effets attendus de la possibilité de dénouer le plan par le paiement d’un capital. En effet, le comportement des épargnants dépendra largement de la différence de traitement fiscal applicable aux sorties en rente et en capital, qui sera déterminée en loi de finances. Toutefois, il convient de relever plusieurs éléments :

En premier lieu, en se fondant sur les statistiques de la DREES, corroborées par les chiffres fournis par certains acteurs importants du marché de la retraite supplémentaire, il est possible d’estimer qu’environ 20% des encours des produits de retraite supplémentaire devant normalement donner lieu à l’acquisition d’une rente (PERP, contrats Madelin / article 83) étaient déjà libérés sous la forme d’un capital, puisque la réglementation en vigueur autorise un tel dénouement lorsque la rente viagère qui serait perçue par l’épargnant est inférieure à 40 euros par mois[220] (jusqu’à 50% des encours de PERP). Environ deux tiers des épargnants se trouvent dans cette situation. Ces statistiques permettent de relativiser la place de la rente viagère dans les dispositifs de retraite supplémentaire actuels.

En outre, les d’épargnants qui perçoivent effectivement une rente viagère dans le cadre d’un dispositif de retraite supplémentaire bénéficient en moyenne de versements annuels relativement modestes (cf. supra, environ 1250€ annuels pour les souscripteurs de PERP, 1750 euros pour les souscripteurs de contrats Madelin). Cette situation a vocation à évoluer après l’entrée en vigueur de la réforme.

Enfin, il est notable que les épargnants qui disposent de la faculté de libérer l’intégralité de leur épargne retraite sous la forme d’un capital exercent cette liberté avec une certaine responsabilité : 7% des porteurs de PERCO sont des retraités tandis qu’environ 80% des titulaires de PERCO ayant atteint l’âge de la retraite conservent intégralement leurs avoirs[221].

 

4.3.4        Lisibilité et accessibilité des règles applicables

Tandis que les règles actuelles qui régissent les différents produits d’épargne retraite sont hétérogènes et réparties dans des textes multiples, le projet de loi regroupe l’ensemble des règles de fonctionnement communes aux produits dans un corpus unifié inscrit au chapitre IV du titre II du livre II du code monétaire et financier. Cette harmonisation rendra le droit positif applicable plus lisible et plus accessible pour les épargnants.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

5.1.1        Consultations facultatives

Des consultations facultatives ont été menées avec l’ensemble des parties prenantes (associations d’épargnants, professionnels de l’assurance et de la gestion d’actifs, personnes chargées des ressources humaines au sein des entreprises, COPIESAS, superviseurs). Une présentation a eu lieu devant le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) le 17 mai 2018.

5.1.2        Consultations obligatoires

 Des consultations du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) et du Conseil supérieur de la mutualité sont programmées (CSM) ont eu lieu respectivement le 27 avril 2018 et le 7 mai 2018 (avis favorables). L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) ont été saisies par lettre datée du 16 mai 2018.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions du I et du II entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2020.

5.2.2        Application à l’Outre-Mer

Les sujets traités par cet article n’appellent pas de dispositions relatives à l’Outre-mer. En effet, l’épargne salariale et la réglementation des assurances relèvent exclusivement de la compétence locale dans les collectivités soumises au principe de la spécialité législative (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et territoire des îles Wallis et Futuna). Les nouvelles dispositions créées par l’article dans le code monétaire et financier n’ont pas à être rendues applicables. Il n’y a pas lieu non plus d’ajouter une mention spécifique pour l’Outre-mer dans le projet d’habilitation.

5.2.3        Textes d’application

Les dispositions du présent article du projet de loi nécessitent les textes d’application suivants :

-          un décret définissant les conditions d’application des dispositions relatives au versement dans des plans d’épargne retraite d’entreprise, en l'absence de compte épargne-temps dans l'entreprise, des sommes correspondant à des jours de repos non pris ;

-          un décret en Conseil d’Etat et un décret qui délimiteront les conditions et modalités d’affectation des versements dans les plans d’épargne retraite ;

-          un décret en Conseil d’Etat prévoyant, en cas de transfert des droits individuels, les conditions et limites selon lesquelles un contrat d’assurance peut prévoir de réduire la valeur de transfert ;

-          un décret en Conseil d’Etat qui précisera les conditions d’application des dispositions relatives à l’information des titulaires ;

-          un décret qui déterminera les modalités d’affectation de l'allocation de l'épargne mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 224-3 du code monétaire et financier ;

-          un décret fixera l’entrée en vigueur des dispositions du I et du II du présent article.

6.         Justification du délai d’habilitation

Pour la partie III de l’article habilitant le Gouvernement à prendre des mesures par voie d’ordonnance, un délai de 12 mois est proposé compte tenu des travaux restant à mener en concertation avec les différents acteurs pour définir les paramètres de la réforme et de la nécessité d’intervenir dans de nombreux codes, impliquant un travail interministériel important (code des assurances, code monétaire et financier, code de la mutualité, code de la sécurité sociale, code du travail, code de commerce et code général des impôts).

 


Article 21 relatif à différentes mesures pour renforcer le rôle de l'assurance-vie dans le financement de l'économie

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Le cadre juridique de l’assurance-vie est défini principalement par le code des assurances, notamment à l’article L. 131-1, ainsi que par le code de la mutualité, en particulier à l’article L. 223-2.

Au niveau européen, le cadre juridique a été harmonisé par la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie. Par ailleurs, en application de l’article 7 du règlement n° 593 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, le contrat est régi par la loi de l'Etat membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat, soit pour l’assurance-vie, l’Etat de résidence du contractant.

Le cadre fiscal de l’assurance-vie est principalement défini aux articles 125-0 A, 200 A et 990 I du code général des impôts. Il offre une fiscalité avantageuse par rapport au droit commun de la fiscalité des revenus de capitaux mobiliers, avec en particulier l’application d’un abattement de 4 600 € par personne et par an et un taux préférentiel de 7,5 % au-delà lorsque le contrat a une ancienneté supérieure à 8 ans, ainsi que par rapport au droit commun de la fiscalité successorale, à travers l’application d’un abattement de 152 500 € et d’un taux de 20 % au-delà. La fiscalité de l’assurance-vie a été récemment modifiée par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 qui prévoit l’assujettissement au prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % pour l’impôt sur le revenu des produits issus des versements effectués sur le contrat après le 27 septembre 2017.

Les contrats d’assurance-vie sont distribués par des entreprises d’assurance et, dans une moindre mesure, des mutuelles et des institutions de prévoyance. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) supervise le fonctionnement du marché.

Les contrats d’assurance-vie représentent près de 40 % de l’épargne financière des ménages avec un encours d’environ 1 700 Md€[222].

Les contrats d’assurance-vie peuvent être composés de trois supports différents : le fonds euros dont le capital est garanti à tout moment (80 % du stock, soit un peu plus de 1 400 Md€ en 2017[223]), les supports en unités de compte, qui correspondent à des investissements dans des actifs sous-jacents exprimés en valeur de marché (environ 20% soit autour de 300 Md€), et le dispositif eurocroissance (moins de 1 %, de l’ordre de 3 Md€ d’encours), lancé en 2014 afin d’offrir un profil de risque intermédiaire, avec une garantie en capital à échéance à un horizon minimum de 8 ans.

La baisse constante des taux obligataires enregistrée ces dernières années a fragilisé le modèle de l’assurance-vie investie principalement sur des supports en euros. Le taux de rendement de l’actif des assureurs est ainsi passé de 4,2 % en 2008 à moins de 3 % en 2016 selon l’ACPR.

Cela plaide en faveur du développement d’un produit offrant un horizon de gestion de moyen-terme, bénéfique à la fois pour l’assuré, en lui offrant une perspective de rendement supérieur (le rendement moyen des contrats en fonds euros en 2017 est d’environ 1,5%) et pour le financement de l’économie, en allongeant l’horizon de placement des assureurs (la durée moyenne de détention des contrats est de 11 ans d’après la Fédération française de l’assurance).

Le dispositif eurocroissance est pleinement indiqué pour remplir cet objectif.

Ce dispositif a été créé par l’ordonnance n° 2014-696 du 26 juin 2014 favorisant la contribution de l'assurance vie au financement de l'économie. Il constitue un mécanisme particulièrement bien adapté à la détention de moyen voire de long terme de l’épargne en raison de sa garantie à terme qui offre un bon compromis entre sécurité de l’investissement et espérance de rendement supérieure à un contrat bénéficiant d’une garantie en capital permanente. Il est également très favorable au financement de l’économie puisqu’il permet la diversification des investissements sur des actifs plus risqués ou de plus long terme.

L’assurance-vie souscrite en unités de compte peut constituer par ailleurs un vecteur, aujourd’hui insuffisamment employé, pour investir en capital-investissement.

Afin de renforcer les incitations des assureurs à proposer ce type de supports, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a introduit à l’article L. 131-1 du code des assurances la possibilité pour le souscripteur ou le bénéficiaire d’opter irrévocablement pour le paiement en titres de ces fonds pour le règlement de son contrat d’assurance-vie, ce qui permet de lever le risque de liquidité pesant sur l’assureur.

Toutefois, les conditions actuelles de mise en œuvre de cette option ne garantissent pas un niveau de sécurité juridique suffisant pour les assureurs qui la proposent.

Par ailleurs, les fonds professionnels de capital investissement (FPCI), qui constituent le cœur de l’offre française en la matière et représentent, aux côtés des fonds communs de placements à risques (FCPR) déjà éligibles à l’investissement en assurance-vie en unités de compte, plus de 8,4 Md€ de collecte en 2016[224], ne sont pas accessibles en assurance-vie. L’accès à ces FPCI est pourtant ouvert à des clients non professionnels en direct s’ils respectent des conditions relatives à leur patrimoine, leur connaissance ou leur expérience en matière financière, conformément à l’article L. 533-16 du code monétaire et financier. Des contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger permettent également d’investir dans ce type de fonds.

Enfin, une minorité de contribuables français parmi les plus fortunés utilisent les marges de manœuvre offertes à l’étranger dans le paiement de la prime de leur contrat d’assurance pour y placer leurs propres titres de sociétés et bénéficier du régime fiscal français de l’assurance-vie, plus favorable que le droit commun notamment en matière de fiscalité successorale.

Aujourd’hui, la modalité de règlement de la prime n’est pas clairement définie dans le code des assurances. En l’absence de précision explicite, la Cour de cassation a considéré dans une décision du 19 mai 2016[225] qu’aucune disposition d’intérêt général n’empêchait la distribution en France de contrats étrangers ouverts au paiement en titres. Cette décision a, en l’état du droit, rendu possible ces pratiques, préjudiciables aux finances publiques.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La structure actuelle de l’eurocroissance est très complexe, ce qui pénalise sa commercialisation et sa lisibilité pour l’assuré. Le dispositif technique consiste en la superposition de deux provisions comptables permettant d’avoir une garantie progressive de l’épargne investie alors même que cette garantie n’est due qu’à l’échéance du contrat. La performance de la part du contrat eurocroissance consacrée à la diversification n’est alors pas explicite et varie selon tous les assurés en fonction de leur date d’entrée sur le contrat ou de son échéance.

Par ailleurs, le capital-investissement en France ne bénéficie pas suffisamment des possibilités de financement offertes par des investissements des assurés sur leur contrat d’assurance-vie.

Cela tient en premier lieu aux plus strictes conditions d’investissement en assurance-vie pour ce type de supports qu’en direct pour une clientèle patrimoniale. En effet, en application des articles L. 533-16 et D. 533-12 du code monétaire et financier et 423-49 du règlement général de l’AMF, une personne physique non professionnelle peut investir sur ces fonds lorsqu’elle répond à des conditions relatives à son patrimoine, son éducation on son expérience en matière financière (par exemple, l’investissement sur ces fonds est possible lorsque la souscription initiale est supérieure à 100 000 €) alors qu’elle ne le peut pas en assurance-vie.

Cela s’explique également par l’insécurité juridique issue des dispositions concernant le paiement en titres de son contrat. En effet, la loi du 6 août 2015 précitée a introduit une règle anti-abus pour éviter que les assurés aient recours à ce dispositif pour contourner les règles d’imposition des plus-values ou des transmissions de titres de sociétés.

La rédaction actuelle de cette règle fragilise cependant le dispositif dans la mesure où des souscripteurs de mauvaise foi pourraient détourner le mécanisme pour annihiler le caractère irrévocable de l’option de paiement en titres en achetant un seul titre en dehors de leur contrat avant le paiement afin de forcer l’assureur à régler en numéraire. Cette formulation désincite les assureurs à proposer ce type de supports car cela fait peser sur eux un risque de liquidité. De plus, le dispositif actuel prévoit le recueil de l’accord du bénéficiaire du contrat pour la remise en titre, ce qui peut s’avérer contraignant à la fois pour l’assureur et pour le souscripteur.

Il semble dès lors nécessaire d’améliorer la rédaction de cette clause pour permettre le développement de ces unités de compte.

Enfin, l’absence de définition explicite dans le code des assurances des modalités de paiement de la prime, même si l’intention du législateur est bien celle d’un paiement en numéraire[226], crée des voies de contournement fiscales à l’étranger préjudiciables pour les finances publiques. La Cour de cassation a en effet, dans sa décision du 19 mai 2016 précitée, considéré valable un contrat d’assurance-vie souscrit auprès d’un assureur luxembourgeois par un client résidant en France permettant l’apport en titres au motif de l’absence de disposition légale d’intérêt général interdisant expressément cette pratique en droit français. Il s’agit dès lors de lever l’ambiguïté issue de cette décision.

Les objectifs poursuivis nécessitent des modifications législatives puisqu’ils concernent le droit des contrats d’assurance-vie.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’article contient trois séries de mesures visant à améliorer l’investissement de long terme en assurance-vie afin d’offrir un meilleur rendement aux assurés et de renforcer la contribution de ce produit au financement en fonds propres des entreprises.

Cet article vise à :

-          moderniser le dispositif euro-croissance, adapté à l’investissement de moyen-terme en assurance-vie ;

-          améliorer les conditions d’investissement en capital-investissement dans les contrats d’assurance-vie en unités de compte ;

-          clarifier les modalités de paiement de la prime d’un contrat pour éviter les pratiques d’optimisation fiscale constatée à l’étranger.

 

Cette dernière mesure poursuit l’objectif de limiter la concurrence faussée exercée par les contrats à l’étranger ne respectant les règles d’investissement permettant d’éviter tout contournement fiscal. Elle poursuit également un objectif de lutte contre les pratiques d’optimisation fiscale à travers la souscription de contrats à l’étranger dans lesquels sont placés des titres de sociétés familiales.

Cet article poursuit donc un objectif d’intérêt général visant à limiter le préjudice fiscal lié à ces pratiques à l’étranger. Les contrats souscrits hors de France devraient donc respecter ce principe pour être commercialisés en France et bénéficier de la fiscalité avantageuse du produit.

3.         Dispositif retenu

Une première mesure concerne la simplification du dispositif euro-croissance. Pour cela, l’article prévoit un assouplissement du fonctionnement du produit dans le code des assurances : avant l’échéance, la valeur de rachat de chaque contrat correspondra, avant attribution de la provision collective de diversification différée, directement à la valeur liquidative des actifs du fonds. L’assuré pourra constater chaque année la performance du fonds communiquée par l’assureur, indépendamment de l’ancienneté de son contrat. A l’échéance, le mécanisme de garantie, qui constitue le principe fondamental du produit, est maintenu. Des mesures réglementaires renforçant les possibilités d’incitations à l’épargne longue pourront utilement compléter cette évolution législative.

Une deuxième série de mesures vise améliorer les conditions d’investissement en capital investissement en assurance-vie à travers des modifications de l’article L. 131-1 du code des assurances.

D’une part, en réponse à l’insécurité juridique liée à la rédaction actuelle de la clause anti-abus, le projet de loi améliore sa rédaction en instaurant un seuil pour apprécier la condition de détention familiale de titres identiques à ceux remis par l’assureur, en s’inspirant de la clause similaire existante pour le plan d’épargne en actions (article L. 221-31 du code monétaire et financier). A travers l’instauration d’un seuil de 10 % de détention de titres détenus en propre en-dehors de l’assurance-vie au moment du paiement au-delà duquel le paiement en titres du contrat d’assurance-vie n’est plus possible, la mesure adopte une approche proportionnée pour lutter contre les risques d’optimisation fiscale et pour inciter les assureurs à proposer des supports d’investissement pour lesquels ils souhaitent se prémunir d’un risque de liquidité. De plus, le projet de loi prévoit que lorsque le souscripteur du contrat opte pour la remise en titre, cette option est réputée s’appliquer aussi au bénéficiaire, sauf mention expresse contraire.

D’autre part, l’article ouvre également la possibilité pour des assurés d’investir via des unités de comptes dans des fonds professionnels, dans des conditions proches sur le modèle des règles existantes pour les investisseurs en direct. Cette mesure s’inscrit dans le respect des principes de devoir de conseil et de protection suffisante de l’épargne définis également au niveau législatif.

Enfin, l’article clarifie dans le code des assurances la modalité de paiement de la prime d’un contrat d’assurance-vie à l’article L. 113-3 du code des assurances.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Les mesures nécessitent principalement des modifications du code des assurances (articles L.134-1 à L.134-3, L.132-21-1, L.113-3 et L.131-1).

Des modifications du code de la mutualité (notamment l’article L. 223-2) sont également nécessaires pour aligner les mécanismes pour les contrats commercialisés par les institutions de prévoyance et les mutuelles.

Le code général des impôts évolue également pour prévoir la neutralité fiscale en cas de transformation d’un contrat euro-croissance dans ses nouvelles caractéristiques (article L.125-0 A).

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Conformément à l’article 7 du règlement n° 593 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, la loi française constitue le droit applicable au contrat d’assurance-vie pour un résident français. La Cour de cassation a cependant considéré, dans sa décision du 19 mai 2016 précitée, que la loi applicable à la gestion financière du contrat, notamment le choix des actifs, serait celle de l’Etat où est établi l’assureur[227]. Elle a en outre considéré que si le droit français n'envisage le versement des primes d'assurance qu'en numéraire, « aucune disposition légale d'intérêt général ne prohibe la distribution en France par un assureur luxembourgeois de contrats d'assurance sur la vie qui sont régis par la loi française.»

Dans ce contexte, seule une disposition d’intérêt général de droit interne pourrait limiter la commercialisation de ces contrats.

Pour cela, les modifications concernant les modalités de paiement de la prime à l’entrée et de la valeur de rachat du contrat en sortie devraient être considérées comme étant des mesures d’intérêt général s’appliquant à l’ensemble des contrats souscrits en France, y compris ceux commercialisés par des entreprises basées hors de France.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Les mesures concernant le renforcement du dispositif euro-croissance sont celles qui peuvent donner lieu à une analyse plus précise de leurs effets compte tenu des informations disponibles aujourd’hui. Les fonds euro-croissance (3 Md€ d’encours environ fin 2017 selon la Fédération française de l’assurance) contiennent en moyenne 25 % d’actions contre 10% pour le fonds euros (source : Fédération française de l’assurance en 2017). Un relèvement de la collecte à 20 Md€ d’encours d’euro-croissance supplémentaire en substitution du fonds euros à l’horizon 2022 reviendrait par exemple à un impact de + 3 Md€ d’actions investis à travers l’assurance-vie (20 Md€ d’encours composés de 15 % d’actions supplémentaires par rapport au niveau des actions contenues dans le fonds euros).

4.2.2        Impacts sur les entreprises

S’agissant des mesures concernant la modernisation du contrat euro-croissance, les entreprises d’assurance cherchant plus de souplesse et de lisibilité dans le mécanisme pourront promouvoir le produit dans sa nouvelle version. Cette nouvelle version du dispositif sera plus simple à mettre en œuvre sur le plan opérationnel et elle offrira plus de liberté pour adapter le produit aux besoins des épargnants.

Le financement des entreprises en fonds propres en France, notamment des PME, pourra être amélioré par les mesures concernant le support euro-croissance (dont les fonds contiennent plus d’investissement en actions) comme par celles consistant à accroitre la place des véhicules de capital-investissement dans les supports en unités de compte (qui consistent en des investissements dans des titres non cotés).

4.2.3        Impacts budgétaires

Les mesures relatives à l’euro-croissance n’ont pas d’impact budgétaire direct. La mesure visant à empêcher les pratiques d’optimisation fiscale issues de l’apport en titres dans des contrats d’assurance-vie peut avoir un impact budgétaire positif, néanmoins difficilement estimable en l’absence de données sur les montants concernés.

4.3.  Impacts sur les particuliers

Les mesures contenues dans cet article devraient avoir un impact positif pour les 37 millions d’épargnants en assurance-vie qui détiennent au total 54 millions de contrats[228] :

Les mesures concernant l’euro-croissance permettront une plus grande diversité d’offres d’épargne de moyen terme et une meilleure lisibilité du produit, tout en préservant le principe fondamental de la garantie en capital à échéance ;

Les mesures relatives aux investissements en unités de compte offriront plus d’opportunités à une clientèle patrimoniale soucieuse de diversifier son portefeuille dans des supports générateurs de plus de rendement, sans toutefois revenir sur les règles de protection du consommateur pour l’ensemble des épargnants.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées[229]

Conformément aux articles L. 614-2 du code monétaire et financier et L. 411-2 du code des assurances, le comité consultatif de la législation et de la règlementation financière a été consulté. Il a rendu un avis favorable dans sa séance du 22 mars 2018.

Conformément à l’article L. 411-1 du code de la mutualité, le conseil supérieur de la mutualité a été consulté.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication et il n’y a pas lieu de prévoir de dispositions transitoires. Les mesures relatives au dispositif euro-croissance et aux unités de compte sont optionnelles et ne modifient pas les contrats en cours. Celle concernant le paiement de la prime sur le contrat est d’intérêt général et devrait ainsi s’appliquer à tous les nouveaux versements à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

5.2.2        Application dans l’espace

Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République française, désignant la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution (y compris Mayotte qui est un département d’outre-mer relevant du régime de l’assimilation législative en la matière depuis la loi organique n°2010-1486) ainsi qu’à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Barthélemy, en vertu du principe d’identité législative.

En revanche, le texte n’est pas applicable à la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française qui disposent d’une compétence propre en matière d’assurance. En outre, l’extension des dispositions à Wallis-et-Futuna dépasse le cadre du présent texte. Les articles de la partie législative et des parties règlementaires du code des assurances, dans leur rédaction postérieure à la promulgation de la loi n°91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, n’ont pas été étendus à Wallis-et-Futuna. Il ne s’agit pas de les étendre avec ce texte.

5.2.3        Textes d’application

Les mesures contenues dans le présent article nécessiteront des modifications de la partie réglementaire du code des assurances, principalement des articles R. 134-1 et suivants pour les mesures concernant le contrat euro-croissance.

Par ailleurs, un décret en Conseil d’Etat définira les conditions d’application de l’article L. 223-2 du code de la mutualité.

Enfin, un décret en Conseil d’Etat déterminera les fonds concernés et les conditions de souscription pour l’accès à des fonds professionnels à travers les unités de compte.

 


Article 22 relatif à la simplification de l’accès des entreprises aux marchés financiers

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Tant les praticiens que les autorités de régulation partagent le constat univoque que les introductions en bourse sont en recul en France depuis dix ans. Alors qu’elles représentaient environ 300 opérations par an entre 2005 et 2007, seulement 172 introductions en bourses ont eu lieu en 2016 sur les différents marchés d’Euronext Paris (Euronext, Euronext Growth et Alternext)[230]. Par ailleurs, en 2016, sur les 658 entreprises françaises cotées en France, 524 étaient des petites et moyennes entreprises (PME) ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI)[231].

Selon un consensus de Place, il est admis que les coûts d’une introduction en bourse sont compris entre 5 à 7­ % du montant levé[232]. Ainsi, pour une introduction en bourse de 10 millions d'euros, ils peuvent atteindre 700 000 euros, quand, pour une levée de fonds de 50 millions d'euros, ils seront aux alentours des 2,5 millions d'euros. Ces coûts se répartissent entre le « listing sponsor », qui établit le prospectus qui sera visé par l'AMF (2 %), le prestataire de service en investissement (PSI), qui est un intermédiaire financier qui place les titres de l'augmentation de capital (entre 3,5 % et 5 %), l'agence de communication financière (entre 50 000 à 200 000 euros en fonction de la portée de l'opération) et les frais d'admission prélevés par l’opérateur de marché Euronext (environ 0,4­ % de la somme levée).

Les coûts d’émissions obligataires sont un peu moins élevés et représentent entre 2 et 5 % du montant levé.

Le déclin relatif des introductions en bourse peut s’expliquer par trois principaux facteurs : (i) les coûts élevé d’introduction et de maintien en bourse, (ii) les contraintes réglementaires pesant sur les sociétés cotées et (iii) le fait que ces introductions ne soient plus un témoignage incontestable de la réussite d’une entreprise et donc l’objectif ultime de tout entrepreneur. Or, si l’Etat a a priori peu de prise sur le premier et aucune prise directe sur le dernier facteur, il lui est possible d’agir sur les contraintes réglementaires pesant sur les sociétés cotées dans la limite de la marge de manœuvre laissée par le droit de l’Union européenne.

1.1.1        Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Pour les offres de titres non cotés et les offres sans admission sur un marché réglementé, le seuil d’établissement d’un prospectus en droit national, c’est-à-dire d’un document d’information général de l’investisseur normé à l’échelle européenne, est aujourd’hui de 100 000 euros, les opérations au-delà de 5 millions d’euros étant toujours soumises à prospectus. Entre 100 000 euros et 5 millions d’euros, seules les offres dites majoritaires, c’est-à-dire celles donnant lieu à l’émission d’une quotité de titres supérieure à 50 % du capital de l’émetteur à l’issue de l’offre, requièrent l’établissement d’un prospectus en application de l’article L. 411-2 du code monétaire et financier et du règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Cette situation, d’une offre au public de titres financiers « directe », correspondant à la deuxième ligne du tableau ci-dessus :

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1.1.2        Abaissement du seuil de retrait obligatoire

En vertu de l’article L. 433-4, II et III du Code monétaire et financier, le ou les actionnaires majoritaires, agissant seuls ou de concert, représentant au moins 95 % du capital ou des droits de vote peuvent, moyennant indemnisation, exiger le transfert à leur profit des titres détenus par les actionnaires minoritaires, communément appelé « squeeze out ». Conformément à l’article L. 433-4, II, du code monétaire et financier et à l’article 237-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers (RG AMF), le retrait obligatoire peut être mis en œuvre à la suite d’une demande ou d’une offre de retrait[233] visée à l’article L. 433-4, I, 1° du Code monétaire et financier[234]. En vertu de l’article L. 433-4, III, du Code monétaire et financier et à l’article 237-14 du RG AMF, le retrait obligatoire peut également être mis en œuvre à l’issue de toute offre publique (c’est-à-dire une offre autre qu’une offre de retrait)[235].

Les conditions de mise en œuvre de cette procédure de retrait obligatoire sont les suivantes :

-          le retrait obligatoire est applicable sur le marché réglementé (Euronext Paris)[236] mais aussi sur le marché Euronext Growth (anciennement Alternext), marché organisé, par application combinée de l’article L. 433-4, V du code monétaire et financier[237] et de l’article 231-1, 2° du RG AMF ;

-          le retrait obligatoire peut porter sur les titres donnant ou pouvant donner accès au capital[238] ;

-          en cas de retrait obligatoire consécutif à une demande ou une offre de retrait, conformément à l’article L. 433-4, II du code monétaire et financier et à l’article 237-2 du RG AMF, le prix résulte d’une évaluation des titres de la société visée, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs, tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité ;

-          en cas de retrait obligatoire mis en œuvre à l’issue de toute offre publique, conformément à l’article L. 433-4, III du code monétaire et financier et à l’article 237-16, I, du RG AMF, le retrait comprend le règlement en numéraire de la dernière offre lorsque l’offre était soumise à la procédure normale ou que le prix de l’offre a été fixé selon la méthode multicritères et a fait l’objet du rapport de l’expert indépendant. A défaut, le prix résulte d’une évaluation des titres de la société visée, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs, tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité, conformément à l’article 237-16, II, du RG AMF.

 

Le choix a été fait, lors de la transposition de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, dite « directive OPA », de maintenir à 95 % le seuil ouvrant droit au retrait obligatoire, soit le seuil dérogatoire le plus élevé prévu par la directive. Ce choix correspondant essentiellement à la volonté d’assurer une continuité dans les pratiques de marché qui étaient régies par la loi de 1993 établissant ce seuil à 95 %.

1.1.3        Accessibilité du droit des sociétés

a)      Lisibilité du droit des sociétés

Le droit des sociétés est devenu difficilement accessible en raison de l’insertion progressive, au sein de nombreux articles de droit commun, de dispositions spéciales applicables aux seules sociétés cotées. Cette imbrication est particulièrement présente dans le chapitre relatif aux sociétés anonymes.

D’une part, cela alourdit la lecture car les dispositions spéciales venant, selon le cas, ajouter ou déroger aux dispositions de droit commun, leur insertion suppose de recourir à différents procédés – exception, exception à l’exception, ajouts, retranchement – qui brouillent la compréhension et imposent de multiples relectures aux fins de pouvoir démêler les dispositions applicables à l’ensemble des sociétés de celles qui ne s’appliquent qu’aux sociétés cotées.

D’autre part, cela gêne l’interprétation, car coexistent au sein des mêmes articles des dispositions de source et d’inspiration différentes : le droit des sociétés cotées est en effet principalement issu de directives européennes qui poursuivent des objectifs précis que l’on tend à perdre de vue lorsqu’on en disperse les dispositions au sein d’articles ayant un objet initial distinct.

Le droit des sociétés anonymes apparaît ainsi très largement pénétré par des dispositions qui ne concernent en pratique très peu de sociétés puisque seulement 658 sociétés françaises étaient cotées en 2016, par rapport aux 3 200 000 entreprises existant en France dans le secteur marchand non agricole selon l’INSEE[239]. Les obligations déclaratives prévues par les articles L. 225-100 et L. 225-101, ou L. 225-102-1 en sont de parfaites illustrations, mais les exemples sont multiples.

Par ailleurs, le droit des sociétés cotées est également difficilement accessible car il est réparti entre le code de commerce, le code monétaire et financier et le RG AMF, sans qu’une ligne de partage claire entre ces différents corpus permette à l’utilisateur d’anticiper celui dont relève la disposition. Ainsi en est-il, parmi de nombreux exemples, du droit des offres publiques (les défenses anti-OPA et la définition de l’action de concert en période d’offre sont situées dans le code de commerce, alors que le fondement des offres obligatoires figure dans le code monétaire et financier, et les principes gouvernant les offres ainsi que le déroulement des offres, dans le RG AMF), ou des franchissements de seuils (le code de commerce est le code « source », le code monétaire et financier le code « suiveur », le RG AMF précise les cas d’assimilation, venant ainsi compléter le code de commerce là où le champ de compétence de l’Autorité devrait être borné par le code monétaire et financier).

b)     Mise en conformité du droit français des offres publiques de titres financiers et de démarchage

Le régime français actuel des offres publiques de titres financiers est l’héritage de plusieurs stratifications successives du droit des offres au public et trouve ses origines dans la notion proprement nationale d’appel public à l’épargne, supprimée par l’ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009 relative à l’appel public à l’épargne et portant diverses dispositions en matière financière. Le dernier état du droit résulte de la transposition de la directive 2010/73/UE du 24 novembre 2010 par l’ordonnance n° 2012-1240 du 8 novembre 2012 portant transposition de la directive Prospectus. Le règlement du 14 juin 2017, compte tenu de son application directe, à partir du 21 juillet 2019, implique notamment des mesures de « transposition négative », c’est-à-dire le retrait de dispositions nationales allant devenir contraires au droit européen à la date d’entrée en vigueur du règlement précité, et d’intégrer dans les offres au public de titres financiers des offres qui ne sont aujourd’hui pas considérées comme telles.

Par ailleurs, la réglementation française sur la commercialisation des produits et services financiers ou bancaires, prévu à l’article L. 341-1 du code monétaire et financier, se caractérise par son encadrement très strict, notamment s’agissant des conditions de vente lors du démarchage et du statut des personnes physiques ou morales habilitées à faire du démarchage. Pour renforcer la protection des investisseurs, il a été décidé que le code monétaire et financier apporterait ainsi un cadre juridique aux conditions de démarchage bancaire ou financier, lequel va au-delà du cadre européen fixé par la directive « MiFID 2 ».

1.2.  Éléments de droit comparé

1.2.1        Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

La détermination du seuil national d’établissement du prospectus est également tributaire d’un objectif de compétitivité au regard des règles d’autres Etats membres, en particulier pour les offres de titres appelés à être négociés sur un marché, réglementé ou non. Il n’a jusqu’à présent pas été possible de disposer d’informations précises sur les orientations de l’ensemble des autres pays. Pour mémoire, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA selon son acronyme anglophone) avait établi le tableau suivant début 2014 à l’occasion d’une cartographie des initiatives nationales sur le financement participatif[240].

Source : ESMA

Suite à un échange informel au sein de l’Agence européenne des marchés financiers le 5 mars 2018, les services de l’AMF ont relevé que les Etats membres qui se sont exprimés se répartissent en trois catégories : ceux qui, à l’instar de la France, comptent utiliser la borne haute de 8 millions d’euros (Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Norvège, Portugal, Royaume-Uni), ceux qui envisagent de retenir un seuil de 5 millions d’euros (Autriche, Belgique, Italie, Irlande, Malte, Pays-Bas, Pologne) et ceux qui prévoient un seuil inférieur à 5 millions € et en général proche de 1 million € (Allemagne, Croatie, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède).

Les Pays-Bas appliquent, depuis le 1er octobre 2017[241], un seuil de 5 millions d’euros (au lieu de 2,5 millions d’euros antérieurement) pour les offres au public de titres financiers[242] ce qu’il importe de prendre en considération dans la décision française puisqu’il s’agit du deuxième marché de l’opérateur Euronext, qui organise la bourse de Paris. Toutes les offres inférieures à ce seuil doivent être notifiées à l’AFM, l’équivalent néerlandais de l’AMF – en lui adressant certaines informations « basiques » sur l’émetteur et l’offre – et faire l’objet d’un nouveau document d’information simplifié, présenté comme proche du document clé d’information (« DICI » ou « KID » en anglais) de la réglementation européenne de protection des consommateurs financiers dit « PRIIPs » et qui inclut, notamment, des informations sur les risques majeurs, le marché cible, la nature de l’investissement et les coûts. Ce document ne fait pas l’objet d’un visa préalable et la documentation commerciale doit y faire référence.

Des contacts entre l’AMF et l’autorité allemande de régulation (Bafin) ont permis de préciser la configuration choisie par l’Allemagne, qui demeure naturellement soumise à des aléas législatifs. Le futur régime allemand aurait pour caractéristiques le maintien du seuil d’exemption à 1 million d’euros, mais porté à 5 million d’euros pour les offres sur un marché réglementé et les offres de banques (cotées ou non) ; le seuil de 1 million d’euros s’appliquerait également aux offres sur les « SME Growth Markets » et les systèmes multilatéraux de négociations (au motif qu’elles bénéficieront déjà d’un prospectus allégé) ; sous ces seuils, un document proche du « DICI » serait requis, déposé et revu ex ante ; enfin, maintien à 2,5 millions d’euros du seuil d’exemption des offres de financement participatif.

L’autorité belge de régulation (FSMA) a indiqué à l’AMF qu’une consultation publique s’est tenue du 24 novembre 2017 au 5 janvier 2018 sur des modifications législatives et réglementaires. Outre certaines questions relatives au régime des offres publiques d'achat (OPA)[243], cette consultation propose que le seuil d’entrée dans le prospectus d’offre soit fixé à 5 millions d’euros. Ce seuil prévaudrait également pour le financement participatif, ce qui représente un relèvement important puisqu’il est actuellement de 100 000 d’euros. Pour les offres d’un montant inférieur à ce seuil, l’introduction d’une « note d’information » « significativement plus concise qu’un prospectus » et dont un avant-projet d’arrêté fixe le contenu.

Ainsi, la France sera, en termes de calendrier, le premier pays de l’Union européenne à faire le choix de retenir le seuil maximal de 8 millions d’euros.

1.2.2        Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Lors de la transposition de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, dite « directive OPA », les Etats européens s’étaient équitablement répartis entre les deux options, à 90 % et à 95 %, laissées par la directive.

Toutefois, au début de l’année 2018, seuls cinq Etats sur vingt-huit conservaient ce seuil de 95 % : l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la France. Le maintien d’un seuil de retrait obligatoire à 95% pourrait conduire certains émetteurs à transférer leur siège social dans des pays permettant un retrait obligatoire dans des conditions moins strictes.

1.2.3        Accessibilité du droit des sociétés

S’agissant de la lisibilité du droit des sociétés, l’évaluation du droit comparé est difficile à mener tant les particularismes nationaux sont forts en Europe sur ce champ du droit. A ce stade, les droits anglais, espagnol et allemand ont été examinés par le Haut comité juridique de la Place financière de Paris :

Le droit allemand souffre de la même complexité que le droit français, car on y retrouve la même imbrication des dispositions ; le législateur allemand maintient toutefois la cohérence des grandes directives européennes, la directive OPA, par exemple, étant l’objet d’une loi spéciale : la Wertpapiererwerbs- und Übernahmegesetz.

Le droit anglais distingue, au sein du Compagnies Act de 2006, les dispositions propres aux sociétés non cotées et cotées (quoted company). Si la loi ne consacre pas une partie autonome aux sociétés cotées, les rédacteurs ont choisi, selon les titres, soit de réserver un chapitre distinct aux dispositions applicables uniquement aux sociétés cotées, soit de distinguer, pour certaines règles, leur application aux sociétés cotées ou non cotées, au sein d’articles différents. Les dispositions relatives aux marchés (autorité de régulation, statut des prestataires de services d’investissements, abus de marché, etc.), quant à elles, se retrouvent dans le Financial Services and Markets Act de 2000, qui traite des marchés.

Le droit espagnol, depuis 2010, dédie un titre du code de commerce aux sociétés cotées, titre qui expose toutes les dispositions qui dérogent ou complètent les dispositions de droit commun. La régulation financière et la directive OPA figurent dans l’équivalent du code monétaire et financier.

La méthode proposée ici se rapproche de la démarche du législateur espagnol. Elle consiste à dédier un chapitre du code de commerce aux sociétés cotées, après avoir rapatrié dans le code monétaire et financier les dispositions issues des grandes directives européennes relatives aux marchés financiers.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

2.1.1        Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Il est proposé de fixer le seuil d’exemption de prospectus à 8 millions d’euros, soit le maximum de la marge de manœuvre laissée par le règlement 2017/1129 du 14 juin 2017, dit « Prospectus 3 ». Par ailleurs, il est proposé de supprimer la condition relative à la majorité du capital de l’émetteur, qui détermine le seuil actuel de prospectus obligatoire (dès 100 000 euros si plus de la moitié du capital de l’entreprise est libéré, 5 millions d’euros sinon). En contrepartie de cet allègement significatif pour les émissions de titres financiers, il est par ailleurs prévu de créer, pour les offres « directes » de titres non cotés d’un montant inférieur à 8 millions d’euros, un document d’information analogue au document d’information simplifié des offres de financement participatif, c’est-à-dire un document d’information minimal pour les investisseurs en l’absence de soumission obligatoire à un prospectus, dont le contenu sera défini par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Il est nécessaire de recourir à la loi dès lors que la réforme implique de modifier la partie législative du code monétaire et financier.

2.1.2        Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Il est proposé d’abaisser le seuil de retrait obligatoire en fixant comme condition que les actionnaires minoritaires détiennent moins de 10 % du capital et des droits de vote, contre 5 % aujourd’hui, afin de faciliter les sorties de cote lorsque cela est nécessaire. Or, ce seuil rend plus difficile la sortie de cote et la possibilité de sortir de la cote est un facteur également important lors du choix de l’introduction en bourse. Il apparaît de plus nécessaire de rassurer les émetteurs sur les conditions de leur sortie. La situation actuelle peut déboucher sur ces cas compliqués lorsque certains fonds activistes acquièrent plus de 5 % du capital de sociétés cibles afin de faire obstacle au retrait obligatoire et au bénéfice du mécanisme d’intégration fiscale. Cette stratégie leur permet ensuite d’exiger une prime de sortie plus élevée que celle du prix de l’offre auprès de l’actionnaire de contrôle, comme ont pu en faire l’expérience des entreprises françaises. Cette mesure permettra de favoriser les nouvelles entrées dans la cote, en particulier pour les PME ayant un fort potentiel de croissance.

Sur la période 2015-2017, selon l’AMF, sur 38 offres publiques déposées par des initiateurs détenant moins de 95 % de la cible et ayant annoncé leur intention de mettre en œuvre une procédure de retrait obligatoire à l’issue de l’offre public, 12 initiateurs n’avaient pas atteint le seuil de 95 % à la clôture de l’offre, soit près de 32 % des cas. Sur ces 12 offres publiques, 42 % avaient atteint le seuil de 90 % du capital et des droits de vote et auraient pu mettre en œuvre un retrait obligatoire si le seuil avait été moins élevé.

Cette situation favorise les stratégies opportunistes de certains fonds activistes, qui acquièrent plus de 5 % du capital de sociétés cibles afin de faire obstacle au retrait obligatoire et au bénéfice du mécanisme d’intégration fiscale, qui repose sur le même seuil. Cette stratégie leur permet ensuite d’obtenir une prime de sortie plus élevée que celle du prix de l’offre auprès de l’actionnaire de contrôle. Comme l’a indiqué le professeur Alain Viandier dans son ouvrage OPA, OPE, et autres offres publiques (2014), ce rapport de force a pu être rencontré dans plusieurs cas d’entreprises françaises. Un abaissement du seuil de retrait obligatoire permettrait de limiter ces comportements opportunistes et d’empêcher ces stratégies de prise de participation en vue de monnayer des prix de sortie.

Par ailleurs, les règles de marché d’Euronext ont été modifiées en 2015 afin de permettre aux actionnaires (ou l’actionnaire de contrôle) qui détiennent au moins 90 % des droits de vote d’une société d’en demander la radiation de la cote au terme d’une offre publique d’achat simplifiée. Ce dispositif est soumis à des conditions strictes d’ « illiquidité ». Toutefois, la coexistence du retrait obligatoire et de la radiation volontaire, dont les seuils ne sont pas harmonisés, peut aboutir à des arbitrages en faveur de la radiation après une offre publique d’achat simplifiée, en défaveur des actionnaires minoritaires dans la mesure où la procédure de retrait obligatoire prévoit un contrôle renforcé du prix par l’AMF, en raison de l’expropriation qui en résulte. La radiation n’étant pas une expropriation, les minoritaires se retrouvent avec des titres totalement « illiquides ». Ainsi, cette procédure est plus protectrice des minoritaires que la radiation faisant suite à une offre publique d’achat simplifiée.

Il est nécessaire de recourir à la loi dès lors que la réforme implique de modifier la partie législative du code monétaire et financier.

2.1.3        Accessibilité du droit des sociétés

La dispersion dans différents codes des dispositions législatives relatives aux sociétés cotées nuisent à la lisibilité du droit pour les entreprises. Elle le rend particulièrement complexe pour les plus petites entreprises, dont il faut justement faciliter l’accès à la cotation.

Il est proposé d’améliorer la lisibilité du droit français des sociétés cotées et d’alléger les contraintes réglementaires auxquelles sont soumises les entreprises qui se financent sur les marchés. Cette mesure consistera à dédier un chapitre du code de commerce aux sociétés cotées, après avoir rapatrié dans le code monétaire et financier les dispositions issues de la législation européenne uniquement applicables aux émetteurs de titres sur les marchés financiers. Elle s’appuiera sur les travaux menés en ce sens par le Haut comité juridique de place. Cette simplification peut être utilisée comme un vecteur de soutien à la cotation pour les entreprises, à travers un droit plus clair et plus accessible.

Par ailleurs, il est proposé d’habiliter le Gouvernement à réformer le droit français des offres au public de titres financiers et de démarchage afin de le mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. Ces modifications sont appelées d’une part par l’effet direct du « règlement Prospectus 3 » qui entrera en vigueur complète le 21 juillet 2019 et par le choix du Premier ministre de procéder à une revue systématique des cas de « sur-transposition » du droit de l’union européenne d’autre part, concernant le démarchage bancaire et financier formulé dans la circulaire du 26 juillet 2017.

Il est nécessaire recourir à la loi dès lors que la réforme implique de modifier la partie législative du code de commerce et du code monétaire et financier par voie d’ordonnance, conformément à l’article 38 de la Constitution.

2.2.  Objectifs poursuivis

Les trois mesures présentées visent à simplifier l’état du droit actuel pour l’accès des entreprises et particulièrement des PME et des ETI, aux marchés financiers.

2.2.1        Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

L’objectif de cette mesure est de permettre un accès plus facile des entreprises, et en particulier des PME, au financement par le marché en utilisant au maximum la marge de manœuvre offerte par le règlement « Prospectus 3 », tout en assurant une information suffisante des investisseurs.

2.2.2        Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Il s’agit de faciliter la cotation en envoyant un signal rassurant pour les émetteurs par l’abaissement du seuil de retrait obligatoire afin de rendre plus aisé leur sortie de cote en cas de détention ultra majoritaire.

2.2.3        Accessibilité du droit des sociétés

a)      Lisibilité du droit des sociétés

L’enjeu est triple : il s’agit de restaurer la lisibilité du droit des sociétés, d’assurer la sécurité de son application et de renforcer son attractivité.

Nettoyer le droit commun des sociétés anonymes des dispositions applicables aux seules sociétés cotées permettrait en effet de simplifier significativement le droit des sociétés en en restaurant la lisibilité sans avoir à toucher au fond de la matière. Expurgé des règles propres aux sociétés cotées, ce dernier se retrouverait à l’abri des modifications imposées par les retouches successives apportées aux directives européennes relatives aux sociétés cotées, ce qui lui permettrait de retrouver une certaine stabilité.

Dans le même temps, isoler le droit des sociétés cotées dans un chapitre dédié permettrait de disposer d’un corpus bien identifié et aisément accessible et de retrouver le sens de ces dispositions spéciales brouillé par leur dispersion : améliorer la gouvernance, renforcer l’information des actionnaires, accroître leur pouvoir de contrôle…

Enfin, rassembler dans le code monétaire et financier certaines dispositions issues de la transposition de directives UE (directive OPA, Transparence, Abus de marché notamment) afin d’assurer une meilleure lisibilité de ce droit.

b)     Mise en conformité du droit français des offres publiques de titres financiers et de démarchage

Il s’agit de mettre ces dispositions en conformité le droit français au droit de l’Union européenne.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

3.1.1        Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Il aurait été possible de maintenir le dispositif actuel décrit plus haut en ce qui concerne la limite haute de soumission au prospectus, soit 5 millions d’euros, la limite basse de 1 million d’euros étant en tout état de cause d’effet direct dans le règlement « Prospectus 3 » à compter du 22 juillet 2018 et remplaçant donc l’ancienne limite de 100 000 euros. Il aurait également été possible de conserver la condition de quotité du capital libéré, même si celle-ci était peu lisible pour les émetteurs. Toutefois, ces options ne sont pas très favorables à un développement du financement des entreprises par le marché, ce qui est un objectif poursuivis par le Gouvernement.

3.1.2        Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Il aurait été possible de maintenir le seuil actuel de retrait obligatoire à 95 % du capital ou des droits de vote, conformément à l’option ouverte dans la directive OPA de 2004. Toutefois, cette option aurait fait persister des difficultés rencontrées par certains émetteurs souhaitant sortir de cote et la stratégie de certains fonds activistes.

3.1.3        Accessibilité du droit des sociétés

Il aurait été possible de conserver l’état du droit actuel, bien qu’il soit moins lisible et qu’il rende donc moins aisée la simplification à laquelle entend se livrer le Gouvernement afin de mieux proportionner les contraintes des émetteurs à la taille de leurs émissions. La conservation du statu quo ante est possible mais fait survivre une construction juridique peu lisible par un non expert.

En ce qui concerne la mise en conformité avec le droit européen, aucune autre option n’est ouverte.

3.2.  Option retenue

L’option retenue pour chacune de ces trois sous-parties du présent article est décrite plus haut, dans la partie relative à la nécessité de légiférer.

Elle embrasse généralement une approche visant à améliorer autant que possible l’accès des entreprises, et en particulier des entreprises de petite taille ou de taille intermédiaire, aux marchés financiers.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

a)      Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Le texte prévoit diverses modifications pour, d’une part, relever ce seuil supprimer la condition de quotité de capital[244] et d’autre part, créer un document synthétique d’information des investisseurs pour les offres directes exemptées de prospectus (article L. 412-1 du code monétaire et financier). Il confère une habilitation au règlement général de l’AMF pour l’application de ces mesures (article L. 621-7 du code monétaire et financier), prévoit les conditions dans lesquelles l’AMF peut demander des informations complémentaires en cas de fait nouveau, erreur ou inexactitude (article L. 621-8 du code monétaire et financier), prévoit les conditions de suspension d’une offre de titres irrégulière par l’AMF (article L. 621-8-1 du code monétaire et financier), confère à l’autorité le pouvoir de réaliser une enquête sur ces offres exemptées de prospectus (article L. 621-9 du code monétaire et financier – seul le 3° est nouveau, le reste du dispositif étant simplement réorganisé à droit constant pour rendre l’article plus lisible) et confère un pouvoir de sanction à la commission des sanctions de l’AMF en cas de manquement.

La situation qui résultera de la réforme proposée pourra être résumée ainsi :

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b)     Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Il est proposé de modifier l’article L. 433-4 du code monétaire et financier afin de procéder à l’abaissement du seuil de retrait obligatoire en fixant comme condition que les actionnaires minoritaires détiennent moins de 10 %, tout en précisant qu’il s’agit du capital et des droits de vote, non de l’un ou l’autre. Cette double condition permet d’éviter que par l’effet des droits de vote double il soit possible d’évincer les actionnaires minoritaires (par exemple, dans le cas d’un initiateur qui détiendrait moins de 90 % du capital et plus de 90 % des droits de vote). Afin d’éviter toute ambiguïté par rapport à la rédaction actuelle dès lors que les actionnaires minoritaires ne représentent pas plus de 10 % du capital ou des droits de vote, il est préférable de faire référence à une détention inférieure au seuil de 10 % du capital et des droits de vote.

Cette mesure vise par ailleurs à simplifier la rédaction de cet article notamment en fusionnant les II (retrait obligatoire à l’issue d’une offre publique de retrait) et III (retrait obligatoire à l’issue de toute offre publique), cette dichotomie apparaissant inutile et étant le résultat d’une sédimentation juridique inopportune.

c)      Accessibilité du droit des sociétés

      Lisibilité du droit des sociétés

Une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance permettrait de procéder à une clarification de la présentation du droit des sociétés cotées.

Premièrement, pourraient être regroupées dans une division dédiée du code de commerce notamment les dispositions suivantes : le nombre minimum d’actionnaires[245], la gouvernance des sociétés cotées[246], les assemblées générales des sociétés cotées[247], les modifications du capital social des sociétés cotées[248], le contrôle des sociétés cotées[249], la dissolution des sociétés cotées[250], les titres financiers émis par les sociétés cotées[251], les bénéfices[252], le contenu du rapport de gestion et sa publicité[253], les filiales, les participations et les sociétés contrôlées[254], les aménagements statutaires applicables aux sociétés cotées[255], et les modalités de fusion[256].

L’ensemble de ces dispositions pourrait former soit un chapitre du Titre 2 du Livre 2, soit un chapitre du Titre 3 du Livre 2, soit un titre autonome.

Le déplacement de ces dispositions, dont le champ d’application n’est pas rigoureusement uniforme, s’accompagnera le cas échéant d’une harmonisation, l’objectif étant que la division nouvelle s’applique à des sociétés cotées définies de manière identique ou, à tout le moins, de manière plus cohérente qu’à l’heure actuelle. En effet, le travail de lisibilité et de simplification auquel il sera procédé amènera le cas échéant à distinguer les sociétés cotées en fonction des catégories de titres admis à la négociation et du type de plateforme, réglementée ou non, sur laquelle les titres sont négociés. Sans induire de changement majeur dans le droit des sociétés cotées, des modifications de certaines règles de fond, tenant notamment à la détermination des personnes concernées par chacune des dispositions déplacées, seront nécessaires pour assurer la cohérence et la lisibilité du dispositif.

Deuxièmement, pourraient être transférés dans le code monétaire et financier le statut de l’intermédiaire inscrit (article L. 228-1 du code de commerce), les obligations de déclaration des franchissements de seuils (articles L. 233-7 et suivants, intégrés aux articles L. 451-2 et suivants du code monétaire et financier) et certaines dispositions relatives au déroulement des offres publiques, notamment celles relatives aux effets des limitations statutaires de vote à l’issue d’une OPA (article L. 225-125, alinéa 2) ou les dispositions concernant les actions de défense que la société peut prendre en période d’OPA, pour faire échouer l’offre (L233-32). A noter que ne seraient pas concernées les dispositions applicables à la fois aux sociétés cotées et à celles non cotées dépassant certains seuils (de chiffres d’affaires, de total de bilan ou de nombre de salariés), telles que les dispositions sur la déclaration de performance extra-financière ou sur la parité dans les conseils d’administration ou de surveillance.

Il convient également de relever que si certaines dispositions pourraient logiquement trouver leur place dans le code monétaire et financier, leur maintien dans le code de commerce apparaît préférable afin de ne pas altérer l’homogénéité du corpus dans lequel ces dispositions s’insèrent. Il en va ainsi, s’agissant de la prévention des abus de marchés, des dispositions relatives aux « fenêtres négatives » en matière de stock-options et d’actions gratuites (articles L. 225-177 et L. 225-197-1 du code de commerce), ou encore des articles L. 225-209 et L. 225-212 relatifs au rachat d’actions, intégrés dans l’article L. 451-3 du code monétaire et financier.

Il en va également ainsi des dispositions qui, bien que s’inscrivant dans la prévention ou la défense anti-OPA, ne sont pas liées au déroulement d’une OPA en cours. Ainsi, l’information relative aux éléments susceptibles d’avoir une influence en cas d’OPA (article L. 225-37-5 du code de commerce) est une disposition qui concerne le contenu du rapport sur le gouvernement d’entreprise joint au rapport de gestion, qui a vocation à demeurer dans le code de commerce. De la même manière, les dispositions des articles L. 233-33 à L. 233-40 de ce code sont relatives aux défenses anti-OPA mais correspondent sur le fond à des aménagements statutaires et ont donc vocation à figurer dans le code de commerce.

Cette réforme nécessite le recours à une habilitation afin de (i) s’assurer que l’ensemble des mesures concernées ont été répertoriées et affectées, (ii) de garantir toutes les mesures de coordination nécessaires et de (iii) consulter largement les parties prenantes. Cette œuvre, propre à la codification, peut être pertinemment menée au moyen d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

   Mise en conformité du droit français des offres publiques de titres financiers et de démarchage

Concernant le prospectus d’offre de titres, il importe de relever que des différences conceptuelles demeurent entre le droit français issu de la transposition de la directive Prospectus et le règlement du 14 juin 2017. Plus particulièrement, le droit français (articles L. 411-1 et suivants du code monétaire et financier) considère qu’un certain nombre d’opérations ne donnant pas lieu à prospectus ne constituent pas une offre au public de titres financiers alors que, selon le règlement « Prospectus 3 » qui entrera en application dans son intégralité le 21 juillet 2019, elles seront désormais qualifiées d’offres au public de titres financiers exemptées de prospectus.

Il en est ainsi notamment d’au moins 5 cas identifiés : (i) offres d’un montant inférieur à un certain plafond sur 12 mois (actuellement 5 millions d’euros, chiffre qui devrait être porté à 8 millions d’euros) et à une quotité de capital fixés par le règlement général de l’AMF (ce dernier critère à vocation à disparaître avec l’entrée en vigueur de la présente loi), des offres constitutives de « placements privés », c’est-à-dire (ii) adressées exclusivement à des investisseurs qualifiés (entendus comme des clients professionnels ou des contreparties éligibles au sens de la directive « MiFID 2 ») ou (iii) à un cercle restreint de moins de 150 investisseurs non qualifiés, (iv) des offres dont le montant unitaire de souscription ou la valeur nominale des titres est d’au moins 100 000 euros et, enfin, (v) des offres de financement participatif. Il conviendra ainsi de procéder aux adaptations législatives nécessaires pour que l’entrée en application du règlement « Prospectus 3 » soit la plus neutre possible pour les émetteurs qui réaliseraient de telles offres.

Un certain nombre de dispositions relèvent directement du champ de la directive Prospectus et du règlement Prospectus 3 (articles L. 411-1 à L. 412-3, L. 621-7, L. 621-8 et suivants du code monétaire et financier ; articles L. 223-11, L. 227-2, L. 252-10 du code de commerce). Or ce règlement sera intégralement et directement applicable à compter du 21 juillet 2019. A cette occasion, une révision systématique du droit français apparaît donc nécessaire afin de le rendre plus clair et lisible pour les investisseurs internationaux.

Cette réforme sera menée à droit constant s’agissant des dispositions relevant directement du champ du règlement « Prospectus 3 » et n’a pas pour objectif de modifier les pratiques des acteurs des marchés telles qu’elles se sont développées en France. L’entrée en vigueur du règlement « Prospectus 3 » entraînera ainsi, par « transposition négative », la suppression ou modification de nombreux articles du code monétaire et financier. Certaines dispositions qui étaient issues de la transposition de la directive Prospectus pourraient être maintenues pour les offres au public non couvertes par le règlement Prospectus 3. Il en est ainsi, par exemple, des dispositions relatives au caractère complet, cohérent, et compréhensible du document d’information transmis au public, mentionnées à l’article L. 621-8-1 du code monétaire et financier, qui pourraient conserver une utilité pour les offres au public de titres non financiers que sont les parts sociales de banques mutualistes, mentionnées à l’article L.512-1 du code monétaire et financier.

Il conviendra également de modifier les dispositions législatives qui recourent à des notions définies par la règlementation sur le prospectus dans des domaines qui ne relèvent pas strictement de cette règlementation mais qui ont recours à cette notion dans une logique d’harmonisation. Il s’agit, par exemple, des dispositions du code de commerce (notamment ses articles L. 228-51, L. 225-136, L. 225-145, L. 227-2,), du code civil (article 1841), du code des assurances (notamment son article L. 322-26-8), du code de l’énergie (notamment ses articles L. 314-27 et L. 314-28), du code forestier (notamment son article L. 331-4-1), du code général des impôts (notamment son article 212), du code pénal (notamment ses articles 131-39 et 131-47), du code de procédure pénale (notamment son article 776-1), du code rural (notamment son article L. 523-9), du code du sport (notamment ses articles L. 122-5, L. 122-10 et L. 122-8), de lois non codifiées mentionnées dans le visa de l’ordonnance n° 2009-80 du 22 janvier 2009 et d’autres dispositions du code monétaire et financier relatives aux offres publiques d’acquisition (IX de l’article L. 621-8), au financement participatif (article L. 547-1), aux offres au public réalisées par des banques mutualistes (article L. 512-1).

Les dispositions qui ne relèvent pas strictement du champ d’application de la réglementation sur le prospectus mais utilisent des concepts qui en sont issus, pourront aussi être modernisées pour mieux servir les objectifs qu’elles poursuivent. A titre d’exemple, il pourra être retenu une définition de l’offre au public de parts sociales plus large que celle de l’offre au public de titres financiers afin de mieux protéger le public lorsque l’offre implique une responsabilité de l’investisseur supérieure au montant de son investissement.

Concernant le démarchage, il y a démarchage bancaire ou financier dès lors qu'une personne est contactée sans qu’elle l’ait sollicité, par quelque moyen que ce soit (courrier physique ou électronique, téléphone, etc.), pour lui proposer, par exemple, la réalisation d’une opération sur instrument financier, la fourniture d’une prestation de conseil en investissement ou encore la réalisation d’une opération de banque. Le code monétaire et financier liste certaines situations non constitutives de démarchage (article L. 341-2), précise les personnes habilitées à procéder au démarchage (article L. 341-3) et édicte les règles de bonne conduite qui leur sont applicables. Enfin, certains produits ne sont pas autorisés au démarchage, comme les produits dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription, les produits non autorisés à la commercialisation sur le territoire français, ou les instruments financiers non cotés sur les marchés réglementés ou les marchés financiers étrangers reconnus, sous réserve de certaines exceptions dont les titres faisant l’objet d’un prospectus.

La demande d’habilitation permettant de moderniser ce régime pourrait répondre à deux problématiques qui sont susceptibles d’avoir des impacts importants, notamment pour la commercialisation de produits financiers :

- La première est liée à l’articulation entre le régime français du démarchage et le cadre posé par la directive « MiFID 2 », en particulier en matière de fourniture de services d’investissement depuis un pays tiers. Par exemple, il est nécessaire de prendre en compte la création des succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers dans les personnes habilitées au démarchage. Par ailleurs, il convient d’apprécier si la possibilité de « sollicitation inversée » de certains clients offerte par MiFID 2, c’est-à-dire les situations dans lesquelles ces clients sont eux-mêmes à l’initiative de la fourniture d’un service, nécessite une modification des dispositions relatives à l’exemption au régime du démarchage ou aux personnes habilitées à démarcher. Il pourrait encore être envisagé un alignement de la règle de bonne conduite relative à l’évaluation du client par le démarcheur sur les règles MiFID 2 en la matière.

- Au-delà de ces questions, une réflexion pourrait par ailleurs être menée sur une possible levée de l’interdiction du démarchage pour certains instruments financiers non cotés. Il pourrait être opportun de considérer, par exemple, un assouplissement du régime au profit des offres donnant lieu non pas seulement à un prospectus (au demeurant peu lu des investisseurs individuels), mais de manière plus générale, à un document d’information du public. Un tel principe d’information permettrait de couvrir, par exemple, le document d’information réglementaire synthétique (DIRS) dans le cas du financement participatif, un document équivalent à un prospectus dans le cas d’une admission par placement privé sur un système multilatéral de négociation tel que Euronext Growth, ou le futur document d’information des offres de titres sous le seuil de prospectus, compte tenu des garanties d’information claire et complète des investisseurs que présentent ces types de documents. Il en résulterait une simplification du régime applicable et une mesure de « dé-sur-transposition », tout en conservant un niveau satisfaisant de protection des investisseurs.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

a)      Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Il s’agit d’une mesure d’application prévue par l’article 3 du règlement n° 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé et abrogeant la directive 2003/71/CE.

b)     Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Il s’agit d’une mesure d’application de la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, qui permet aux Etats membres de retenir le seuil de retrait obligatoire à 90 ou 95 %.

c)      Accessibilité du droit des sociétés

Il s’agit de mesures de mise en cohérence avec d’une part le règlement n° 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé et abrogeant la directive 2003/71/CE, et, d’autre part, la directive 2014/65/EU du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers.

Les mesures relatives à l’organisation du code de commerce et du code monétaire et financier n’ont pas en elles-mêmes d’enjeu d’articulation avec le droit international ou le droit de l’Union européenne.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts sur les entreprises

a)      Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Cette mesure devrait permettre d’alléger les conditions d’émission de titres financiers pour les entreprises, et en particulier pour les PME, en leur imposant moins de contraintes réglementaires notamment dans l’information à fournir au marché, pour les émissions inférieures à 8 millions d’euros. Le tableau suivant, établi par l’AMF, permet de représenter le nombre d’entreprises qui auraient été concernées en 2016 et 2017, bien que la mesure devrait permettre de rendre ce mécanisme plus attractif pour de nouvelles entreprises.

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b)     Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Les entreprises concernées pourront ainsi procéder à un retrait obligatoire dès 90 % du capital et des droits de vote, afin de sortir de la cote lorsque le flottant disponible s’est réduit de manière trop important. Cette mesure permettra de limiter les cas dans lesquels des fonds activistes peuvent choisir de monter à 5 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise dans l’objectif de limiter sa capacité à sortir de cote, et ainsi demander une prime de revente en cas d’OPA.

c)      Accessibilité du droit des sociétés

Ces différentes mesures permettront aux entreprises de comprendre plus facilement au droit financier, dont la complexité est marquée. Par l’exercice de révision des différentes contraintes auxquelles sont soumises les entreprises, elles permettront d’alléger certaines obligations, notamment pour les plus petites entreprises.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Aucune consultation n’était à mener de manière obligatoire dès lors les mesures proposées n’entrent pas dans le champ d’application des textes relatifs au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF - L. 614-2 du code monétaire et financier). Toutefois, par leur nature, les présentes mesures ont été rédigées en étroite collaboration avec l’Autorité des marchés financiers (AMF).

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions du I. et du II. de l’article 25 ont vocation à entrer en vigueur dès la publication de la présente loi. Aucune mesure transitoire ni aucune mesure prévoyant l’application aux contrats en cours n’est appelée par cette réforme.

Les dispositions de l’ordonnance prévue dans le III prévoiront des modalités adaptées d’entrée en vigueur si cela est nécessaire.

5.2.2        Application dans l’espace

Les dispositions modifiées du code monétaire et financier sont applicables sur le territoire de la République française, désignant la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint Pierre et Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, les dispositions modifiées du code monétaire et financier doivent être rendues applicables par une mention expresse d’applicabilité prévue dans le présent projet de loi, avec les adaptations nécessaires à leur adaptation aux spécificités de ces collectivités. Certaines de ces dispositions n’entrant pas dans le champ de compétence de l’Etat pour ces collectivités.

5.2.3        Textes d’application

a)      Rehaussement du seuil d’établissement du prospectus

Cette mesure sera suivie des modifications rendues nécessaires aux articles 211-3 et suivants du Règlement général de l’AMF.

b)     Abaissement du seuil de retrait obligatoire

Cette mesure sera suivie des modifications rendues nécessaires aux articles 237-1 et suivants du Règlement général de l’AMF.

6.         Justification du délai d’habilitation

La mesure relative à l’accessibilité du droit des sociétés nécessitent un délai d’habilitation de douze mois afin de réorganiser et simplifier les règles applicables aux sociétés cotées et réformer le régime des offres de titres financiers. Cette ordonnance sera suivie des modifications rendues nécessaires dans la partie réglementaire du code monétaire et financier et dans le Règlement général de l’AMF.

Article 23 relatif au renforcement de l’attractivité de la Place de Paris

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Le présent article rassemble un ensemble de mesures destinées à poursuivre le renforcement de l’attractivité de la place financière, et de poursuivre l’effort de conviction quant à l’engagement du Gouvernement dans la durée. Les mesures proposées sont issues des contributions des associations représentatives de la place financière, qu’il s’agisse des retours de consultation sur la « dé-sur-transposition », des travaux du Haut comité juridique de place, des annonces intervenues le 22 janvier à Versailles dans le cadre du sommet « #ChooseFrance », ou des réflexions internes de l’Autorité des marchés financiers et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

1.1.1        Contrat type de l’association internationale des Swaps et Dérivés sous droit français

Le champ des opérations éligibles à la compensation-résiliation[257] prévu à l’article L. 211-36 du code monétaire et financier ne couvre pas les opérations de change au comptant (spot FX) et la vente, achat, livraison de métaux précieux, contrairement au droit anglais ou américain, ou encore les opérations sur quotas de CO2. Le deuxième frein concerne la possibilité pour deux parties à un contrat de dérivés de facturer des arriérés de retard capitalisés en cas de défaut de paiement. Cette possibilité de capitalisation n’est ouverte à ce jour, au titre de l’article 1343-2 du code civil, que pour les arriérés échus depuis au moins un an, contrairement à ce qui est aujourd’hui le cas dans le contrat-cadre anglo-saxon (où une telle restriction n’existe pas).

1.1.2        Affiliation à l’assurance vieillesse

L’application du régime actuel d’assurance vieillesse aux salariés impatriés représente un frein possible aux relocalisations d’activités financières, s’agissant (i) de cadres à hauts salaires et (ii) n’ayant souvent pas vocation à bénéficier en France de prestations de retraite. Il est proposé de mettre en place une mesure de dispense temporaire d’affiliation au régime obligatoire de retraite pour les salariés qui seraient relocalisés à l’avenir en France.

1.1.3        Bonus récupérables du calcul de l’indemnité de licenciement des salariés preneurs de risque

Le secteur financier présente certaines spécificités dans la gestion des ressources humaines. L’activité financière est en effet une activité cyclique où la performance individuelle est sanctionnée positivement (fortes primes ou « bonus ») lorsque le résultat augmente, mais aussi négativement (rupture du contrat de travail) lorsque le résultat diminue. Par ailleurs, la règlementation européenne a défini une catégorie de personnels, les « preneurs de risque », pour lesquels un encadrement particulier de la rémunération variable doit être respecté. Une partie des primes et bonus de ces preneurs de risque doit notamment être versée de manière différée, et faire l’objet de dispositifs de malus ou de récupération. Le malus consiste en une diminution a posteriori de la rémunération variable différée non acquise. La récupération consiste, pour la banque ou le gestionnaire d’actifs, à réclamer tout ou partie d’un bonus déjà versé à un salarié.

Les directives CRD IV, OPCVM et AIFM prévoient un étalement dans le temps des bonus, et des dispositifs de malus ou de récupération, qui ne permettent pas de considérer ces bonus comme des éléments de rémunération définitivement acquis aux salariés preneurs de risque. Les preneurs de risques concernés sont ainsi définis : (i) tout salarié dont la rémunération totale dépasse 500 00 euros annuels, ou faisant partie des 0,3% des salariés les mieux payés du groupe, ou dont le bonus dépasse 75 000 euros et 75% de la part de rémunération fixe ; (ii) tout salarié amené à avoir un impact sur le profil de risque du groupe. Chaque salarié est chargé de fournir annuellement la liste des salariés preneurs de risque.

Pour les banques de financement et d’investissement, la directive 2013//36/UE du 26 juin 2013 (dite CRD IV) prévoit un encadrement de la rémunération des salariés « preneurs de risques, en limitant le montant des bonus à 100% du salaire fixe (ou 200% avec accord majoritaire des actionnaires). Une part des bonus doit être versée à l’issue d’une période d’au moins trois ans, et le montant total de la rémunération variable doit faire l’objet de dispositifs de malus (diminution a posteriori de la rémunération variable différée non acquise) ou de récupération (récupération de tout ou partie d’un bonus déjà versé).

Pour les gestionnaires d’actifs, les directives européennes OPCVM et AIFM (directive 2009/65/CE et 2011/61/UE) prévoient elles aussi un étalement des bonus, et le gestionnaire doit rester en mesure d’ajuster la rémunération variable différée attribuée aux preneurs de risque au regard de l’évolution des résultats des actions entreprises. Cet ajustement doit pouvoir être réalisé au moyen de clauses de malus ou de restitution.

En France, en l’état actuel du droit, il n’est, dans les faits, pas possible de prévoir la récupération des bonus. En effet, l’article L. 1331-2 du code du travail prévoit que les sanctions pécuniaires et les amendes à l’encontre des salariés sont interdites.

 

1.1.4        Succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers

Ce régime juridique, créé à l’occasion de la transposition de la directive et du règlement MIF2[258], n’apparait pas complet. Il ne permet pas de fournir des services d’investissement à une clientèle professionnelles et contreparties éligibles françaises en l’absence de décision d’équivalence de la Commission pour un pays tiers donné. Par ailleurs, le régime juridique (droits et obligations de ces succursales) est incomplet, par rapport à ce qui a été prévu pour les succursales d’établissements de crédit de pays tiers. Enfin, les pouvoirs des autorités compétentes (en particulier en matière de régime prudentiel) ne sont pas définis.

1.1.5        Cadre d’action des autorités et obligations incombant aux entreprises

Le régime actuel fait peser une obligation disproportionnée et est contraire aux objectifs de la directive MIFID2. Une clarification du cadre d’action des autorités, et aux obligations incombant aux entreprises doit être apportée. Il s’agit tout d’abord pour l’AMF d’accorder une dérogation à une entreprise de marché, lorsque celle-ci est contrôlée par une autre entreprise de marché, afin que la première ne doive pas créer un comité des nominations si un tel dispositif existe déjà au niveau de la société mère (L. 421-7-3). Il n’a par ailleurs pas été explicitement dit dans le code monétaire et financier que l’AMF était l’autorité compétente pour l’application du règlement MIFIR, contrairement à ce qui avait été fait pour d’autres règlements européens.

Par ailleurs, la transposition de la directive MIF2 a établi un cadre de contrôle des limites de position prises par les acteurs financiers sur les dérivés de matières premières ; ce régime souffre de deux lacunes : (i) l’AMF n’a pas de possibilité de réagir rapidement à une modification substantielle des conditions de marché, compte tenu de la nécessité de valider un changement de limites de position par son Collège (L. 420-11) ; (ii) l’AMF n’a pas la possibilité d’échanger des informations couvertes par le secret professionnel avec l’autorité compétente en charge de la surveillance des marchés agricoles physiques (FranceAgriMer - L. 621-21-1). Enfin, les pouvoirs d’urgence dont dispose le président de l’AMF de suspendre les marchés en cas d’évènement exceptionnel, se limitent aux marchés règlementés, alors que les plateformes de négociations sont plus larges que celle seule catégorie (L. 421-16).

1.1.6        Dispositions de « dé-surtransposition » et de modernisation

Actuellement :

(i) Les articles L. 214-7-4, L. 214-8-7, L. 214-24-33 et L. 214-24-41 du code monétaire et financier permettent, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la cession de certains actifs d’un OPC ne serait pas conforme à l’intérêt des porteurs de parts ou actionnaires, à la société de gestion d’isoler ces actifs dans un fonds cantonné, dit « side pocket ». Cette disposition, introduite au moment de la crise financière en 2008, permet ainsi à la société de gestion de continuer à gérer et à établir une valeur liquidative sur les actifs « sains » et ainsi de continuer à honorer les demandes de souscription et de rachat des parts de l’OPC. Il est alors procédé à une scission de l’OPC et la création de deux OPC en résultant, l’un destiné à recevoir les actifs dont la cession ne serait pas conforme à l’intérêt des porteurs ou actionnaires (FIA side pocket prenant la forme d’un fonds professionnel spécialisé conformément aux articles D. 214-5, D. 214-8, D. 214-32-12 et D. 214-32-15 du code monétaire et financier), l’autre destiné à recevoir les autres actifs de l’OPC (« OPC réplique »). Or, lorsque cette situation concerne un OPCVM, le schéma retenu par le code monétaire et financier (scission de l’OPCVM par le transfert de certains actifs dans un fonds professionnel spécialisé) apparaît contraire à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, dite « OPCVM », qui prohibe la transformation des OPCVM conformes à ladite directive en organismes non conformes à cette directive (exigence transposée à l’article 411-3 du règlement général de l’AMF) ;

(ii) La création des organismes de financement, permis par l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette, s’inscrit dans le contexte de diversification des sources de financement de l’économie. Ainsi, les organismes de financement spécialisé, répondent aux nouveaux besoins de financement en leur permettant d’acquérir, d’octroyer et de gérer des prêts, émettre des obligations et bénéficier du passeport européen. Les dispositions relatives à ces véhicules doivent être adaptées compte tenu des changements de réglementation ou de jurisprudence, notamment des suites de l’arrêt rendu le 13 décembre 2017 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation sur le recouvrement des créances (article L. 214-172). 

(iii) Les dispositions concernant la diversification des fonds commun de placement pouvant être souscrits dans le cadre d’un plan d’épargne pour la retraite collectif font l’objet d’une incohérence entre code du travail d’une part et code monétaire et financier d’autre part. En effet, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a modifié l’article L. 3332-17 du code du travail en permettant à un fonds commun de placement d’entreprises d’investir dans des véhicules de capital investissement (fonds communs de placement à risques et fonds communs dans l’innovation – FCPR et FCPI) et des Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) à hauteur de 30 %. Toutefois, le code monétaire et financier ainsi que d’autres articles du code du travail n’ont pas répercuté cette évolution.

1.1.7        Modes de négociabilité des titres de créances négociables

 Les modes de négociabilité des titres de créances négociables (TCN, baptisés en droit français « NeuCP ») sont aujourd’hui limités aux échanges de gré à gré et sur les marchés réglementés, aux autres plateformes de négociation (système multilatéral de négociation, SMN, ou système organisé de négociation, SON).

1.2.  Éléments de droit comparé

S’agissant du contrat cadre de l’ISDA, les modifications envisagées permettent au droit français de rejoindre les exigences du droit anglais, américain et japonais en matière de résiliation compensation et d’anatocisme, droits dans lesquels le contrat ISDA est actuellement développé ;

S’agissant du régime des succursales des entreprises d’investissement,il apparait que l’ensemble des pays européens ont prévu la possibilité de fournir des services d’investissement (sans le passeport) à des clients professionnels en l’absence d’une décision d’équivalence. Ils ont également développé un cadre complet d’établissement de succursales, possibilité qui est ouverte par le règlement MIFIR ;

S’agissant de la transposition de MIFID2, il est difficile d’effectuer une comparaison des droits européens, les dispositions dont il est question sont très spécifiques et renvoient à des organisations nationales spécifiques, pas nécessairement comparables d’un pays à l’autre ;

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

L’inadaptation des éléments du droit financier évoqué plus haut génère plusieurs types de difficultés.

Tout d’abord, il représente un frein à l’attractivité de la Place de Paris, concernant l’installation d’activités financières au sein de l’UE (mesures relatives au cadre des organismes de placement collectif, aux contrats type de l’ISDA ; régime des succursales).

Le coût des cotisations vieillesse représente par ailleurs un différentiel de compétitivité important par rapport à d’autres places financières européennes, qui opèrent un plafonnement des cotisations sociales à partir d’un certain niveau de salaire. Le principe de cette exemption est justifié par les éléments suivants : (i) les impatriés hors UE peuvent être considérés comme étant dans une situation spécifique au regard des régimes de retraite, dès lors qu’ils ne sont pas soumis aux règlements européens en matière de sécurité sociale, qu’ils ne travaillent en France que pour une période limitée, et ne bénéficieront pas du régime à l’issue de leur période de travail en France ; (ii) un motif d’intérêt général justifie cette différence de traitement, la mesure contribuant à renforcer l’attractivité du territoire français et permet de répondre aux besoins exprimés par de grands groupes français et internationaux.

Enfin, il est nécessaire de donner une meilleure efficacité aux pouvoirs des autorités compétentes, afin de leur permettre de réagir de manière opportune et rapide aux évolutions rapides des marchés.

L’ensemble des situations exposées ci-dessus correspond à des mesures législatives, compte tenu de la préexistence de régimes dans le Code monétaire et financier ou le Code de la sécurité sociale. L’article 34 de la Constitution prévoit en effet que sont du domaine de la loi (i) les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ; (ii) les droits fondamentaux du droit de la sécurité sociale.

2.2  Objectifs poursuivis

Les objectifs poursuivis sont les suivants :

- cohérence du dispositif règlementaire français avec la norme européenne, afin de limiter les coûts d’adaptation aux spécificités nationales pour les acteurs. Il s’agit en particulier d’un travail de simplification et de « dé-sur-transposition » du droit ;

- attractivité du dispositif d’accueil des entités étrangères souhaitant s’établir en France, qu’il s’agisse du cadre règlementaire que de coût du travail qualifié ;

- efficacité de l’action administrative, en rendant le travail des autorités compétentes plus fluide en permettant une prise de décision plus efficace au sein de l’Autorité des marchés financiers, afin de répondre à des situations urgentes, et en sécurisant son cadre d’action.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

3.1.1        Adaptation du droit permettant le développement du contrat type de l’association internationale des Swaps et Dérivés sous droit français

Les options envisageables étaient au nombre de deux : (i) ne pas adapter le droit, ce qui aurait considérablement limité la possibilité pour un contrat de droit français de se voir adopter par les acteurs européens comme support de leurs transactions de dérivés ; de fait, ce développement se ferait alors sous l’empire d’un autre droit de l’UE-27, limitant ainsi la capacité de la place juridique de Paris de se positionner au sein de l’UE comme une place centrale du traitement du contentieux technique du droit financier ; (ii) effectuer deux modifications ciblées du droit, identifiées par un groupe de travail du Haut conseil juridique de place, permettant de palier à deux spécificités du droit français.

3.1.2        Mesure de dispense d’assurance vieillesse

Les options envisagées étaient au nombre de deux : (i) ne pas créer de régime spécifique pour les salariés impatriés du secteur financier, alors que le coût du travail qualifié est identifié comme un frein à la compétitivité de la France par rapport à d’autres places financières d’Europe ; (ii) créer un régime d’exemption partielle d’affiliation à l’assurance vieillesse, permettant de poursuivre l’effort de compétitivité de la France sur les hauts salaires (après le renforcement du régime des impatriés et la suppression de la quatrième tranche de taxe sur les salaires).

3.1.3        Exclusion des bonus récupérables du calcul de l’indemnité de licenciement des salariés preneurs de risque

Seule l’option de rendre opérationnel le dispositif prévu par le texte européen est envisageable.

3.1.4        Succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers

Les options envisagées étaient au nombre de deux : (i) ne pas améliorer le régime actuel, ce qui comprend plusieurs difficultés majeures (en particulier, impossibilité pour le pouvoir règlementaire de définir et d’appliquer un régime prudentiel, manque d’attractivité du régime car il n’est pas prévu un ensemble de droits et obligations qui sont par ailleurs prévues pour les succursales d’établissement de crédit, impossibilité pour des succursales d’entreprises d’investissement anglaises de pouvoir continuer à servir leurs clients professionnels français après le Brexit ; (ii) amélioration du régime issu de la transposition de la directive de MIFID2.

3.1.5        Pouvoirs des autorités dans le cadre de MIFID2

Les options envisagées étaient au nombre de deux : (i) rester sur la définition actuelle des pouvoirs d’action de l’Autorité des marchés financier, ce qui aurait eu pour désavantage d’alourdir ses processus internes de décision et de lui empêcher d’avoir accès à des informations couvertes par le secret auprès des autorités compétentes en matière de surveillance des marchés agricoles ; (ii) plusieurs améliorations ciblées permettant de fluidifier la gouvernance interne de l’AMF lié à la mise en œuvre d’obligations issues de MIFID2.

3.1.6        Régime des organismes de placement collectif

Les modifications envisagées visent dans l’ensemble à rendre le droit français cohérent avec les exigences du niveau européen ; aussi, il n’est pas possible d’envisager d’autres options que le respect strict des exigences européennes.

3.1.7        Modernisation du marché des titres de créances négociables

Les options envisagées étaient au nombre de deux : (i) ne pas élargir le champs des plateformes de négociation permettant de négocier des titres de créances négociables, qui sont aujourd’hui limitées dans la loi aux échanges de gré à gré et sur marchés règlementés, alors même que les plateformes de négociations comprennent désormais les systèmes multilatéraux de négociations et les systèmes organisés de négociation ; (ii) effectuer cet élargissement, rendu nécessaire par l’émergence de plusieurs initiatives privées. Le développement de ces plateformes est un vecteur fort d’attractivité pour la Place de Paris, alors que de nombreuses entreprises françaises et parfois mêmes des organismes publics vont encore émettre à Londres en devises.

3.2.  Option retenue

3.2.1        Adaptation du droit permettant le développement du contrat type de l’association internationale des Swaps et Dérivés sous droit français 

Deux modifications sont effectuées :

-          extension du champ des opérations éligibles à la compensation-résiliation afin de couvrir les opérations de change au comptant (spot FX) et la vente, l’achat, la livraison de métaux précieux ou encore les opérations sur quotas de CO2 ;

-          s’agissant de la possibilité pour deux parties à un contrat de dérivés de facturer des arriérés de retard capitalisés en cas de défaut de paiement, il est proposé d’ouvrir cette possibilité pour les arriérés échus depuis au moins un an, en prévoyant spécifiquement pour les conventions financières de type ISDA (et donc à l’exclusion des contrats courants, relevant par exemple du crédit à la consommation), que la capitalisation des intérêts est possible lorsqu’il s’agit d’intérêt dus pour une période inférieure à une année entière.

3.2.2        Mesure de dispense d’assurance vieillesse

Il est donc proposé d’inscrire dans le code de la sécurité sociale la mise en place d’une mesure de dispense temporaire d’affiliation au régime obligatoire de retraites pour les salariés qui seraient relocalisés à l’avenir en France.

Le régime envisagé cible les salariés quelle que soit leur nationalité, venant travailler en France pour une période déterminée, lorsqu’ils répondent aux conditions d’affiliation à la sécurité sociale française et aux conditions mentionnées dans l’article 23 du projet de loi (cf. infra). Un salarié maintenu à une législation de sécurité sociale étrangère coordonnée dans le cadre des règlements européens ou d’un accord international (détachement) ne pourra toutefois pas en bénéficier.

Cette dispense serait accordée pour une durée de trois ans (renouvelable une fois) et couvrirait l’affiliation au régime de retraite obligatoire de base et complémentaire. Cette mesure serait subordonnée à la double condition de ne pas avoir été affilié en France au cours des cinq dernières années, et d’être déjà affilié à un régime d’assurance.

Le dispositif proposé s’inspire du dispositif instauré par la loi de modernisation de l’économie (2008), qui a été en vigueur jusqu’en 2016.

Le principe de cette exemption est justifié par les éléments suivants :

(i) les impatriés hors UE peuvent être considérés comme étant dans une situation spécifique au regard des régimes de retraite, dès lors qu’ils ne sont pas soumis aux règlements européens en matière de sécurité sociale, qu’ils ne travaillent en France que pour une période limitée, et ne bénéficieront pas du régime à l’issue de leur période de travail en France. ;

(ii) un motif d’intérêt général justifie cette différence de traitement, la mesure contribuant à renforcer l’attractivité du territoire français et permet de répondre aux besoins exprimés par de grands groupes français et internationaux.

-          S’assurer que le salarié en question dispose par ailleurs d’un dispositif de couverture du risque vieillesse. Cette couverture doit être suffisante (ce critère sera défini par décret), de manière à éviter qu’un impatrié décide de souscrire à une assurance privée largement fictive (avec des cotisations très limitées) uniquement pour bénéficier du dispositif. Cette couverture « suffisante » peut s’apprécier au regard du montant de la contribution financière qui y est consacrée : une contribution financière très faible traduirait le fait que l’assurance vieillesse privée dont bénéficie le salarié est notoirement insuffisante en termes de droits acquis, en tous cas bien en-deçà des standards français et européens, et que le bénéfice de cette mesure constitue à la fois une entorse à la concurrence par rapport à un salarié ayant déjà été affilié en France, et une puissante incitation pour des employeurs peu scrupuleux à proposer ce type de couverture privée bas de gamme à des salariés venus de l’étranger (et a priori peu qualifiés) afin de bénéficier de la mesure. On peut par ailleurs considérer que cette condition doit être exprimée en termes de « contribution minimum » ;

-          Réserver le bénéfice de cette disposition aux salariés qui n’ont pas été affiliés à un régime de sécurité sociale en France sur les 5 années précédentes, de manière à limiter le risque de « fausse » expatriation ;

-          Limiter dans le temps ce dispositif afin d’en justifier le caractère dérogatoire, en autorisant une dispense sur 3 ans, renouvelable une seule fois ;

-          Autoriser uniquement sur demande conjointe de l’employeur et du salarié, afin d’éviter qu’un employeur n’impose ce choix à son salarié et que celui-ci ne s’ouvre pas de droits ;

-          Veiller à ce qu’aucun droit gratuit à retraite, résultant notamment de périodes assimilées liées aux autres risques ne puisse être constitué durant la période de dispense, en s’inspirant des dispositions prévues pour les travailleurs détachés.

Il convient de souligner que la mesure n’est pas conçue pour bénéficier uniquement au secteur financier ; d’autres secteurs employant des cadres à forte valeur ajoutée, et soumis à la concurrence internationale en matière de recrutement de talents, pourront bénéficier de cette mesure (par exemple s’agissant de l’industrie pharmaceutique ou aéronautique).

3.2.3        Exclusion des bonus récupérables du calcul de l’indemnité de licenciement des salariés preneurs de risque au sens de la règlementation financière

En France, en l’état actuel du droit, il n’est, dans les faits, pas possible de prévoir la récupération des bonus. En effet, l’article L. 1331-2 du code du travail prévoit que les sanctions pécuniaires et les amendes à l’encontre des salariés sont interdites. Il est donc nécessaire de prévoir explicitement dans la loi une exception à ce principe, afin de rendre effectivement récupérables les bonus des preneurs de risque.

De plus, ces bonus versés n’ayant pas de caractère définitif, puisqu’ils sont récupérables, il est justifié d’exclure du calcul du salaire de référence (servant au calcul de l’indemnité de licenciement) cette rémunération variable des preneurs de risque au sens des directives CRD IV, OPCVM et AIFM.

Le premier alinéa de vise à rendre possible la récupération du bonus versé. Il s'agit d'expliciter le fait que, pour les établissements de crédit, l'article L. 1331-2 du code du travail relatif à l'interdiction des amendes et sanctions pécuniaires ne s'applique pas à la rémunération variable, qui peut être réduite ou donner lieu à restitution en fonction des agissements ou du comportement de la personne concernée. Cet article s’applique également aux entreprises d’investissement, par le biais du renvoi effectué à l’article L. 533-30.

Le troisième alinéa vise le même objectif pour les sociétés de gestion de portefeuille.

Les deuxième et quatrième alinéas visent à ôter les bonus récupérables du calcul des indemnités de référence, compte tenu de leur caractère incertain, respectivement pour les deux catégories d’acteurs financiers mentionnées ci-dessus.

L’ensemble de ces dispositions est inséré dans le code monétaire et financier, afin de les inscrire dans une cohérence globale avec les autres dispositions relatives à la rémunération au sein des entités financières.             

3.2.4        Succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers

Les modifications suivantes sont envisagées :

-          En l’état actuel du droit issu de la transposition de la directive MIF2 et du règlement MIFIR, il n’a pas été prévu la possibilité offerte par le niveau 1 (article 46(4), dernier alinéa du règlement), permettant aux succursales d’entreprises d’investissement de pays tiers de servir des clients professionnels si le pays tiers n’est pas reconnu comme équivalent. Il est donc envisagé de prévoir cette possibilité dans le droit français ;

-          Il s’agit également de compléter les dispositions du CMF afin de le rendre bien conforme aux dispositions de la directive MIFID II, et d’étendre également l’application des dispositions essentielles de la directive CRD IV et de la directive BRRD à ces entités. Ainsi, au premier alinéa du futur article L. 532-50 sont énumérées les dispositions du CMF directement applicables. Au second alinéa, se trouvent les dispositions du CMF qui devront s’appliquer de manière proportionnée à ces succursales : la proposition qui est faite est d’aligner les exigences applicables aux SPT EI à celles retenues pour les succursales de pays tiers d’établissement de crédit. Enfin, le IV de l’article L. 532-50 recense l’ensemble des dispositions indispensables à l’organisation et la viabilité de l’activité des SPT EI : capacité de conclure des obligations financières et de bénéficier du régime dérogatoire aux procédures collectives prévu par la directive collatéral, dispositions comptables, participation aux chambres de compensation, dispositions relatives à la LAB-FT, dispositions pénales applicables à la fourniture de services d’investissement ;

-          L’article L. 532-52 du CMF régit dans sa version introduite par l’ordonnance no 2016-827 du 23 juin 2016 la procédure de retrait d’agrément. Cet article, qui se concentre sur le contrôle du respect par l’entité des obligations auxquelles elle est tenue par son agrément, laisse pour l’instant de côté le cas de la radiation. Cette mesure qui revient à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution emporte retrait d’agrément et liquidation de la personne morale. Il s’agit soit d’une mesure disciplinaire prise lorsque l’entité a commis des infractions significatives à la réglementation qui lui est applicable, soit d’une mesure administrative. L’extension à l’article L. 532-50 des dispositions applicables aux succursales d’entreprise d’investissement de pays tiers justifie l’introduction d’un pouvoir de sanction de radiation ;

-          L’article L. 611-3 définit le pouvoir réglementaire du ministre pour l’ensemble des entités du secteur financier. C’est par la compétence du ministre que la réglementation précise applicable à ces entités peut être adoptée. Il convient donc de s’assurer que cette compétence englobera également les succursales de pays tiers d’entreprise d’investissement ;

-          L’article L. 612-2 définit la compétence dans le domaine de la surveillance prudentielle et dans le domaine de la résolution de l’ACPR. Contrairement aux succursales de pays tiers d’établissement de crédit qui sont assimilées aux établissements du 1° du A de l’article, les succursales de pays tiers d’entreprises d’investissement doivent être expressément mentionnées pour permettre leur supervision par l’ACPR. Cela résulte des dispositions de la directive MIFID II qui institue de manière spécifique le statut de succursale de pays tiers d’entreprise d’investissement. L’insertion de ces succursales au 2° du A de l’article permet en outre de rendre applicable par renvoi les dispositions relatives aux pouvoirs de supervision et de contrôle de l’ACPR qui sont détaillées dans la suite du chapitre (notamment les articles L. 612-33, L. 612-34, L. 612-40, L. 612-44, L. 613-24) ;

-          L’article L. 613-34 définit la compétence de l’ACPR dans le domaine de la résolution des entités soumises à BRRD, dont font partie les succursales de pays tiers d’entreprise d’investissement. La proposition vise à aligne le régime applicable à ces succursales sur celui existant dont relèvent les succursales de pays tiers d’établissement de crédit.

3.2.5        Pouvoirs des autorités dans le cadre de MIFID2

Les modifications proposées sont les suivantes :

a)      Possibilité d’accorder une dérogation à la création d’un comité des nominations au sein d’une entreprise de marché contrôlée par une autre entreprise de marché

La directive MIFID2, transposée par l’ordonnance du 23 juin 2016, et entrée en vigueur le 3 janvier 2018, impose par son article 45(4) aux entreprises de marché d’importance significative d’instituer un comité des nominations, composé de membres de l’organe de direction n’exerçant aucune fonction exécutive.

La transposition de l’article 45(4) a été effectuée dans l’article L. 421-7-3. La formulation retenue ne prend actuellement pas en compte les cas de groupe de sociétés, de telle sorte que la présence de plusieurs entreprises de marché au sein d’un même groupe nécessite la création de multiples comités des nominations, ce qui représente une charge significative. Par ailleurs, cette exigence de localisation du comité au niveau de l’entreprise de marché peut s’avérer non conforme à l’esprit de la directive, puisqu’il peut apparaitre qu’un seul membre de l’organe de direction n’exerce aucune fonction exécutive, revenant donc à concentrer les décisions sur une seule personne.

Il est donc proposé de donner la possibilité à l’Autorité des marchés financiers d’accorder une dérogation à une entreprise de marché, lorsque celle-ci est contrôlée par une autre entreprise de marché. Cette mesure représente un allègement de la charge administrative pour Euronext France, et rend le dispositif de gouvernance des nominations est plus cohérent avec l’esprit de MIF2.

b)     Désignation de l’autorité compétente en charge de l’application du règlement MIFIR

L’objet de la modification est de confirmer que l’Autorité des marchés financiers est l’autorité compétente pour l’application du règlement n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (UE) no 648/2012, dit règlement « MIFIR ». Cette inscription dans la loi, à l’instar de ce qui avait été prévu pour le règlement EMIR pour le règlement CSDR, vise à donner davantage de sécurité juridique aux décisions prises par cette autorité et aux acteurs à qui elles sont destinées.

c)      Convention de coopération entre l’Autorité des marchés financiers et FranceAgriMer

La bonne coopération entre l’Autorité des marchés financiers et les instances compétentes pour la surveillance, la gestion et la régulation des marchés agricoles physiques est nécessaire pour une mise en œuvre efficace du mandat de l’AMF en matière de régulation des marchés de dérivés de matières premières.

La directive MIF2 prévoit bien le principe de cet échange d’information, en son article 79(7) transposé en droit français dans l’article L 621-21-1 du Code monétaire et financier.

Néanmoins, dans le cadre de la préparation d’une convention entre l’AMF et FranceAgriMer (dont la signature est intervenue le 4 janvier 2018), il est apparu que la formulation retenue dans le droit français ne permettait pas à FranceAgriMer de communiquer des informations couvertes par le secret professionnel à l’AMF (alors que l’inverse est possible). Or une bonne mise en œuvre du régime de limites de positions prévu par MIF2 rend nécessaire un échange d’information fluide et efficace entre les deux autorités.

d)     Révision des limites de position

La directive MIF2 apporte un certain nombre de changements à la façon dont les dérivés sur matières premières sont régulés, notamment en établissant au niveau européen un régime de limites de positions et de nouvelles exigences en matière de déclarations.

En cas de modifications significatives des paramètres qui ont servi à fixer les limites de position ou tout autre changement sur le marché, les limites doivent être adaptées pour éviter que le fonctionnement normal du marché ne soit perturbé. Par exemple, en cas de développement rapide d’un marché avec une augmentation significative des positions ouvertes, des limites ayant été fixées sur la base de positions ouvertes plus basses peuvent perturber la capacité des acteurs à prendre des positions sur ce marché. De plus, dans de circonstances exceptionnelles, des limites plus restrictives peuvent être imposées, si elles sont objectivement justifiées et proportionnées compte tenu de la liquidité du marché spécifique et dans l’intérêt du fonctionnement ordonné du marché.

Ces dispositions ont été transposées dans les articles L. 420-11 et L. 420-12 du code monétaire et financier. Tel qu’ils sont actuellement en vigueur, les articles imposent une décision formelle du Collège de l’Autorité des marchés financier, ce qui peut rendre moins opérante et praticable une décision qui doit être prise en urgence. Les modifications proposées visent donc à permettre au président de l’Autorité des marchés financiers ou au représentant qu’il désigne de décider eux-mêmes, et en cas de modifications significatives sur le marché et exceptionnellement, de limites de positions plus élevées ou plus restrictives que celles ayant été fixées à l’article L. 420-11.

La modification envisagée permet d’assurer une réactivité optimale au fonctionnement du marché, afin de permettre au régime prévu par MIF2 toute sa potentialité, au bénéfice des participants de marché.

e)      Suspension des plateformes de négociation en cas d’évènement exceptionnel

Le premier alinéa de l’article L. 421-16 a été créé par l’ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers. Il prévoit, pour le président de l’Autorité des marchés financiers ou son représentant, un pouvoir de suspension des négociations sur un marché réglementé, en cas d’évènement exceptionnel.

Cet article, dans sa rédaction actuelle, ne prend pas en compte l’évolution du paysage des plateformes de négociation lié aux deux directives MIF, en ignorant l’apparition des systèmes multilatéraux de négociation, et les systèmes organisés de négociation. Afin de rendre effectifs les pouvoirs d’urgence prévus à cet article, il est nécessaire de pouvoir les étendre à ces deux catégories de plateforme de négociation.

3.2.6        Régime des organismes de placement collectif

Les modifications suivantes sont envisagées :

a)      Mise en conformité avec la directive OPCVM 5 concernant les dispositifs de cantonnement des actifs illiquides

Les articles L. 214-7-4, L. 214-8-7, L. 214-24-33 et L. 214-24-41 du code monétaire et financier permettent, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la cession de certains actifs d’un OPC ne serait pas conforme à l’intérêt des porteurs de parts ou actionnaires, à la société de gestion d’isoler ces actifs dans un fonds cantonné, dit « side pocket ». Cette disposition, introduite au moment de la crise financière en 2008, permet ainsi à la société de gestion de continuer à gérer et à établir une valeur liquidative sur les actifs « sains » et ainsi de continuer à honorer les demandes de souscription et de rachat des parts de l’OPC.

Il est alors procédé à une scission de l’OPC et la création de deux OPC en résultant, l’un destiné à recevoir les actifs dont la cession ne serait pas conforme à l’intérêt des porteurs ou actionnaires (FIA side pocket prenant la forme d’un fonds professionnel spécialisé conformément aux articles D. 214-5, D. 214-8, D. 214-32-12 et D. 214-32-15 du code monétaire et financier), l’autre destiné à recevoir les autres actifs de l’OPC (« OPC réplique »).

Or, lorsque cette situation concerne un OPCVM, le schéma retenu par le code monétaire et financier (scission de l’OPCVM par le transfert de certains actifs dans un fonds professionnel spécialisé) apparaît contraire à la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, dite « OPCVM », qui prohibe la transformation des OPCVM conformes à ladite directive en organismes non conformes à cette directive (exigence transposée à l’article 411-3 du règlement général de l’AMF).

Il est proposé de modifier le régime des OPCVM sur ce point pour le rendre conforme aux exigences de la directive OPCVM 5. Il s’agirait de prévoir que ce sont les actifs sains qui sont transférés dans un nouveau fonds OPCVM. Les autres actifs resteraient dans l’ancien OPCVM pour lequel la liquidation serait immédiatement ordonnée. Cette révision du régime nécessite une modification des dispositions législatives applicables. Par souci de cohérence des régimes applicables aux différents OPC, ce nouveau mode de fonctionnement serait étendu aux situations concernant les autre OPC.

b)     Adaptation du régime de fonctionnement des organismes de financement

La création des organismes de financement, permis par l’ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette, s’inscrit dans le contexte de diversification des sources de financement de l’économie. Ainsi, les organismes de financement spécialisé, répondant aux nouveaux besoins de financement en leur permettant d’acquérir, d’octroyer et de gérer des prêts, émettre des obligations et bénéficier du passeport européen. Les dispositions relatives à ces véhicules doivent être adaptées compte tenu des changements de réglementation ou de jurisprudence. En outre, l’article L. 214-172 doit apporter des clarifications nécessaires, notamment suite à la décision de la Cour de Cassation du 17 décembre 2017, pour permettre à la société de gestion de procéder au recouvrement de créances.

c)      Adaptation des règles de diversification des fonds communs de placement d’entreprises

Les dispositions concernant la diversification des fonds commun de placement pouvant être souscrits dans le cadre d’un plan d’épargne pour la retraite collectif font l’objet d’une incohérence entre code du travail d’une part et code monétaire et financier d’autre part. En effet, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a modifié l’article L. 3332-17 du code du travail en permettant à un fonds commun de placement d’entreprises d’investir dans des véhicules de capital investissement (fonds communs de placement à risques et fonds communs dans l’innovation – FCPR et FCPI) et des Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) à hauteur de 30 %. Toutefois, le code monétaire et financier ainsi que d’autres articles du code du travail n’ont pas répercuté cette évolution. Il conviendrait ainsi de mettre en cohérence ces articles (L. 214-164 du code monétaire et financier et L. 3334-12 du code du travail).

3.2.7        Modernisation du marché des titres de créances négociables

La proposition de modification vise à élargir les modes de négociabilité des titres de créances négociables (TCN, baptisés en droit français « NeuCP »), qui sont aujourd’hui limités aux échanges de gré à gré et sur les marchés réglementés, aux autres plateformes de négociation (système multilatéral de négociation, SMN, ou système organisé de négociation, SON).

Cet élargissement est rendu nécessaire au vu de l’émergence de plusieurs initiatives privées dont certaines ont approché l’AMF et l’ACPR en vue d’un agrément de plateforme de négociation (SMN ou SON) de titres de créances négociables, dans l’objectif de la création d’un marché secondaire des NeuCP.

Le développement de ces plateformes est un vecteur fort d’attractivité pour la Place de Paris, alors que de nombreuses entreprises françaises et parfois mêmes des organismes publics vont encore émettre à Londres en devises. La perspective du Brexit renforce encore l’intérêt pour la Place de bénéficier de telles plateformes à l’état de l’art technologique, de nature à favoriser l’attractivité du principal marché de titres courts en zone euro. La création de marchés secondaires profonds serait un atout certain dans cette perspective.

Enfin, la proposition de modification permet de mettre en harmonisation la disposition légale française avec la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers (MIF 2). En effet, l’article L.420-1 définit une plate-forme de négociation comme un marché réglementé, un système multilatéral de négociation ou un système organisé de négociation. La formation de l’actuel article L. 213-1 du code monétaire et financier est antérieure à cette réforme européenne et le texte actuel n’apparait donc plus adapté à ce nouveau cadre juridique.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Les modifications envisagées sont de nature législative et correspondent à des ajustements ciblés du droit français, soit dans des articles existants soit par la création d’articles rendue nécessaire par les dispositions nouvelles crées par cet article du projet de loi. Sont ainsi modifiés, le code monétaire et financier, le code de la sécurité social et le code du travail.

Par ailleurs, toute renumérotation a été évitée.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Plusieurs modifications envisagées s’analysent soient comme (i) une mise en adéquation du droit français avec les exigences du droit européens, qu’il s’agisse des directives MIFID2, OPCVM ou AIMFD ; (ii) un affinement de la transposition déjà opérée par le passé, afin de rendre plus efficace le travail des autorités compétentes.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Les effets attendus des mesures sont d’encourager le développement du secteur financier de la Place de Paris. Le secteur financier français revêt une importance forte pour l’économie française et sa transformation, et il s’agit de la conforter et de la renforcer dans son rôle de première place financière d’Europe continentale, dans le cadre de la recomposition des équilibres actuels. Ce secteur représente aujourd’hui environ 870 000 emplois et 4,5 % de la valeur ajoutée. Il s’agit donc d’encourager le développement des acteurs français existants, d’encourager les nouvelles initiatives, et d’accompagner la localisation à Paris d’acteurs étrangers.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Les mesures proposées ne représentent aucune charge nouvelle ; elles représentent au contraire une simplification et une clarification du cadre existant. Ainsi, l’entreprise d’investissement française pourra ne pas avoir à créer de comité des nominations au niveau français, qui doublonnerait ce qui existe déjà au sein de la tête de groupe située dans un autre pays de l’Union européenne. Par ailleurs, la modification du régime des organismes de placement collectif permet de limiter l’exigence de notation au cas où l’offre au public impose l’établissement d’un prospectus en application dudit règlement, ce qui représente un allègement de la charge sur les entreprises.

4.2.3        Impacts budgétaires

Les mesures dans l’ensemble ne représentent pas d’impact budgétaire, à l’exception de la mesure de dispense temporaire d’affiliation à l’assurance vieillesse.

S’agissant de la mesure de dispense d’assurance vieillesse, l’impact financier net pour les organismes entrant dans le champ des lois de financement de la sécurité social peut être considéré comme globalement neutre. L’estimation de cet impact est difficile à réaliser, compte tenu des hypothèses conventionnelles qu’il convient de retenir, qu’il s’agisse des flux d’impatriés attendus (selon une étude de McKinsey, la relocalisation des activités financières actuellement réalisées à Londres pourrait entraîner un flux de nouveaux impatriés compris entre 1 100 et 2 400), ou de leurs revenus moyens (le revenu annuel brut moyen des personnes bénéficiant en 2014 et 2015 du dispositif fiscal de l’impatriation était de 100 000 € ; le revenu moyen des nouveaux flux pourrait être de cet ordre de grandeur, voire supérieur).

D’un côté, la mesure entrainera une perte de recettes immédiate pour les régimes d’assurance vieillesse correspondant à l’effet d’aubaine dont pourront bénéficier les personnes susceptibles de demander à bénéficier du dispositif fiscal d’impatriation et qui seraient venues s’installer provisoirement en France même en l’absence de mesure (environ 4 000 bénéficient chaque année du dispositif fiscal d’impatriation), qui pourront demander à être dispensées d’affiliation à l’assurance vieillesse. Toutefois, les recettes de cotisations d’assurance vieillesse qui ne seront pas recouvrées sur les rémunérations perçues par les nouveaux impatriés qui ne seraient pas venus sans cette mesure ne sauraient constituer des pertes de recettes, puisque ces personnes ne seraient pas venues s’établir en France. Enfin, il importe de rappeler que les personnes bénéficiant de cette mesure ne se verront pas de droit ouvert, et donc que la mesure est parfaitement neutre sur le cycle de vie également pour les régimes d’assurance vieillesse.

D’un autre côté, les nouveaux impatriés s’acquitteront de cotisations et contributions sociales hors vieillesse (cotisations maladie, AT-MP et famille, CSG/CRDS, cotisations chômage, contributions transport, FNAL…) qui n’auraient pas été perçues en l’absence de mesure.

L’impact net dépendra in fine des nouveaux flux d’impatriés, de leur rémunération, du rythme d’arrivée, de la durée de leur impatriation en France, etc. Selon la direction de la sécurité sociale, en première analyse et avec des hypothèses moyennes, le bilan global pourrait être équilibré.  

S’agissant de l’impact de la mesure sur l’amélioration de la compétitivité salariale, la mesure permettra de réduire significativement l’écart de compétitivité entre la France et ses voisins européens, qui appliquent des mécanismes de plafonnement des cotisations sociales, contrairement à la France.  Pour un salaire brut d’environ 250 000 euros, l’employeur verse environ 110 000 euros de cotisations, et le salarié 48 000 euros, soit un coût total pour l’employeur d’environ 383 000 euros et un salaire net après impôts de 161 000 euros. Le dispositif proposé permettrait de ramener le coût total pour l’employeur à 346 000 euros, tout en amenant le salaire net après impôts à environ 176 000 euros.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

Aucun impact administratif notable n’est à noter ; le fonctionnement interne de l’Autorité des marchés financiers sera rendu plus fluide en matière de gestion des limites de position sur dérivés de matières premières. Une meilleure sécurité juridique sous-tendra les échanges entre l’Autorité des marchés financiers et FranceAgriMer, le cadre actuel ne permettant pas l’échange d’informations couvertes par le secret professionnel, alors même que l’AMF a besoin de ce type d’information pour exercer correctement ses fonctions de surveillance des marchés de matières premières.

La branche recouvrement du régime général devra toutefois gérer le nouveau dispositif d’impatriation et l’intégrer à ses procédures de contrôle.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Concertations : l’ensemble des mesures a fait l’objet d’un travail commun entre des entités publiques concernées (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Autorité des marchés financiers, Banque de France).

Consultations obligatoires : le Comité consultatif de la législation et de la règlementation financière a été saisi des dispositions de l’article, au titre de l’article L. 614-2 du Code monétaire et financier.

Consultation facultatives : les acteurs représentatifs de la Place financière ont également été consultés chacun sur les sujets pertinents (en particulier, AMAFI, FBF, AFG). Le Haut comité juridique de Place a également été associé aux modifications relevant de son champ de compétente.

Il convient enfin de noter que plusieurs modifications sont issues de la consultation publique lancée par le Ministère de l’Economie et des Finances le 2 octobre sur son site internet, et concernant les mesures de dé-sur-transposition et de simplification.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans l’espace

Les dispositions modifiées du code monétaire et financier sont applicables sur le territoire de la République française, désignant la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint Pierre et Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, les dispositions modifiées du code monétaire et financier doivent être rendues applicables par une mention expresse d’applicabilité prévue dans le présent projet de loi, à l’exception des dispositions qui n’entrent pas dans le champ de compétence de l’Etat pour ces collectivités.

Les dispositions modifiées du code du travail et du code de la sécurité sociale ne s’appliquent pas dans ces collectivités qui ont une compétence propre en la matière.

Les modifications de l’article 5 de l’ordonnance n° 2017-1432 ne nécessitent aucune mention d’extension, car les articles concernés par les modifications de dates d’entrée en vigueur prévues, sont expressément mentionnés comme applicables dans leur rédaction issue de cette même ordonnance.

5.2.2        Textes d’application

Les textes suivants sont nécessaires pour l’application des dispositions envisagées :

-          un arrêté sur le traitement prudentiel des succursales d’entreprise d’investissement de pays tiers ;

-          un décret d’application concernant la dispense temporaire d’affiliation à l’assurance vieillesse.

Article 24 relatif à la modernisation des pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est dotée de pouvoirs d’enquête sur les faits susceptibles de constituer des infractions boursières, tels que les abus de marché (opérations d’initié, manipulations de cours ou diffusion de fausse information) qui sont susceptibles de porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. C’est le secrétaire général de l’AMF qui décide de l’ouverture d’une enquête, sur la base des éléments portés à sa connaissance par ses services ou à la suite de plaintes. 25 à 30 enquêtes par an sont réalisées.

Le premier alinéa de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier précise, s’agissant des pouvoirs confiés à l’Autorité des marchés financiers dans le cadre de ses enquêtes prévues à l’article L. 621-9 du même code, que les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l’enquête, se faire communiquer tous documents quel qu’en sont le support. Il y est ensuite prévu que « Les enquêteurs peuvent également se faire communiquer les données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications dans le cadre de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et en obtenir la copie. »

Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, dans une décision du 21 juillet 2017[259], estimant que les garanties offertes n’étaient pas suffisantes au regard des atteintes portées au droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que « si le législateur a réservé à des agents habilités et soumis au respect du secret professionnel [les enquêteurs de l’AMF] le pouvoir d’obtenir ces données dans le cadre d’une enquête et ne leur a pas conféré un pouvoir d’exécution forcée, il n’a assorti la procédure prévue par les dispositions en cause d’aucune autre garantie. Dans ces conditions, le législateur n’a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions. » 

Le Conseil constitutionnel a néanmoins reporté au 31 décembre 2018 les effets de l’inconstitutionnalité prononcée (comme le lui permet l’article 62 de la Constitution). L’abrogation immédiate du texte aurait eu pour effet, d’une part, d’empêcher l’AMF de rechercher les auteurs d’une transmission d’information privilégiée dès lors que ceux-ci communiqueraient par téléphone ; d’autre part, de faire peser un risque sur les instances en cours en annulant de manière généralisée un élément de preuve parfois essentiel à la démonstration de la transmission et la détention d’une information privilégiée.

Cette décision du Conseil constitutionnel doit être analysée à la lumière de celle de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), du 21 décembre 2016 (« Tele 2/ Sverige »[260]), dans laquelle il a été estimé que l’accès des autorités publiques aux données devait avoir lieu, dans le cadre de la « lutte contre la criminalité grave », et sous le contrôle préalable d’une juridiction ou d’une « entité administrative indépendante », les données devant être conservées sur le territoire de l’Union.

Le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux questions d’abus de marché (ci-après « MAR »), prévoit néanmoins, en son article 23 h), la possibilité, pour les autorités de régulation, de se faire remettre les enregistrements existants de données relatives au trafic détenus par un opérateur de télécommunications, lorsqu’il existe des raisons de suspecter une violation et que de tels enregistrements peuvent se révéler pertinents pour l’enquête relative à la violation de l’interdiction des opérations d’initiés et de l’interdiction des manipulations de marché.

1.2.           Éléments de droit comparé

De nombreux régulateurs européens recourent aux données de connexion pour étayer la preuve de manquements d’abus de marché. C’est notamment le cas en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Luxembourg, en Belgique et en Pologne.

Le plus souvent ces demandes sont soumises à l’autorisation d’un juge à l’exception de l’Espagne qui requiert une autorisation administrative. En Allemagne, en revanche, aucune autorisation particulière n’est nécessaire.

Aux Etats-Unis, la Securities Exchange Commission (SEC) peut demander des données de connexion sur la base d’une autorisation interne de l’un de ses commissaires.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

 La censure par le Conseil constitutionnel de la base légale permettant à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de recourir à l’exploitation des données de connexion emporte des conséquences opérationnelles lourdes pour cette autorité, pour laquelle ces données constituent un instrument essentiel pour la recherche et la répression des abus de marché, en particulier des opérations d’initiés.

En effet, avant la décision du 21 juillet 2017, les enquêteurs de l’AMF faisaient très souvent usage de la possibilité de demander des « fadets » (factures détaillées) afin d’étayer les enquêtes d’initiés dans lesquelles il doit être établi un circuit plausible de transmission d’une information privilégiée entre deux ou plusieurs personnes. Ces demandes de fadets sont essentielles à l’accomplissement de la mission répressive de l’Autorité des marchés financiers, comme prévu dans le règlement MAR (cf. supra, cadre général). En 2016, l’AMF a ainsi procédé à 2251 demandes aux opérateurs téléphoniques. Ces demandes ont concerné 30 enquêtes sur un total de 42 enquêtes en cours (71,4 %).

La censure par le Conseil constitutionnel et la jurisprudence récente de la Cour du justice de l’Union européenne (CJUE) (cf. supra) justifient donc de moderniser le cadre juridique français permettant à l’Autorité des marchés financiers de recourir aux fadets, en renforçant les procédures appliquées par l’Autorité des marchés financiers dans ce cadre. Ces modifications doivent permettre d’assurer la constitutionnalité et la conventionalité du dispositif.

2.2.           Objectifs poursuivis

L’objectif du présent texte, qui crée un nouvel article dans le code monétaire et financier, est de concilier, de la façon la plus adéquate possible, le droit au respect de la vie privée, d’une part, et, d’autre part, la prévention efficace des atteintes au bon fonctionnement des marchés financiers et l’identification des auteurs de manquements et délits d’abus de marché, notamment :

-          en instituant un contrôle préalable de l’accès aux données de connexion, afin de répondre aux exigences posées par la Cour de Justice de l’Union européenne ;

-          en imposant une série de garanties de nature à assurer la proportionnalité de l’atteinte portée au respect la vie privé avec les besoins de l’enquête, qui portent sur les motifs d’un tel recours, la qualité des personnes autorisées à y recourir, le ciblage des données demandées ainsi que sur la durée de leur conservation.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.           Options envisagées

L’autorité chargée d’assurer le contrôle préalable des données a constitué le principal point de réflexion. En effet, il convenait de mettre en place un dispositif de nature à garantir l’indépendance de l’autorité chargée d’autoriser ce recours aux données de connexion, sans pour autant compromettre l’efficacité du traitement des demandes formulées par l’Autorité des marchés financiers, tout en se conformant à l’arrêt du 21 décembre 2016 de la Cour de justice de l’Union européenne qui offre le choix entre une juridiction et une entité administrative indépendante.

La juridiction naturellement compétente pour connaitre de ces questions aurait pu être le juge de la liberté et de la détention (JLD) à l’instar de la procédure prévue pour les visites domiciliaires en application de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier. Cependant, en accord avec le Ministère de la justice, cette option a été rapidement écartée pour des raisons de rapidité de l’autorisation et de volumétrie (nombre élevé de demandes de données de connexion). A titre de comparaison, aujourd’hui, un délai de deux mois environ est nécessaire pour obtenir une ordonnance en matière de visites domiciliaires.

La voie administrative s’est ensuite imposée pour assurer une spécialisation et une simplification du traitement des demandes.

La première option envisagée consistait à confier cette mission à une personne au sein de l’AMF disposant de garanties d’indépendance. Cette option a été écartée dans une volonté de renforcer l’indépendance structurelle de l’entité en charge de cette fonction.

La seconde option envisagée a été de créer une nouvelle autorité administrative indépendante chargée d’assurer ce contrôle. Cette option, lourde et coûteuse a été écartée au profit de la désignation d’une entité administrative nouvelle, unipersonnelle, dont les fonctions seraient occupées, par un magistrat de la Cour de cassation ou un membre du Conseil d’Etat désigné sur proposition des instances compétentes pour leur nomination. Outre l’indépendance inhérente au statut de ces personnes, l’indépendance de l’entité nouvellement créée a été renforcée par une règle réaffirmant l’impossibilité pour l’Autorité des marchés financiers de lui adresser des instructions ainsi que par une règle empêchant sa destitution à l’initiative du Gouvernement.

3.2.           Option retenue

3.2.1.      Autorisation préalable

Un contrôle préalable de la demande présentée par le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers est prévu et confié à un « contrôleur des données de connexion » désigné par le premier président de la Cour de cassation parmi les magistrats de la Cour de cassation ou par le vice-président du Conseil d’Etat parmi les membres du Conseil d’Etat.

Ce contrôleur ne pourra recevoir d’instructions, ni de l’Autorité des marchés financiers, ni d’une autre autorité, dans le cadre de l’exercice de cette mission. Il ne pourra être mis fin aux fonctions du contrôleur des données de connexion que sur sa demande ou en cas d’empêchement constaté. Cette solution correspond, dans la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, à un contrôle opéré, non par une juridiction, mais par une « entité administrative indépendante », qui offre tous les gages d’indépendance en étant extérieure à l’Autorité des marchés financiers. Confier cette mission administrative à un magistrat apparaît comme une garantie supplémentaire au regard des prérequis de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne. Dans le même temps, rester dans le cadre d’une décision non juridictionnelle, rendue par un magistrat chargé d’une mission administrative, apparaît adapté aux exigences de célérité et d’efficacité des enquêtes de l’Autorité des marchés financiers.

Les critères de l’appréciation du bien-fondé de la demande par le magistrat sont précisés par le projet de texte. Le contrôleur des données de connexion vérifiera le bien-fondé de la demande d’accès aux données de connexion. Il vérifiera ainsi que cette demande est bien présentée dans le cadre d’une enquête sur un abus de marché, tel que défini par le règlement (UE) n° 596/ 2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, et devra s’assurer du  caractère proportionné de l’atteinte au respect du droit à la vie privée aux besoins de l’enquête. La rédaction proposée est directement inspirée de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, qui encadre les demandes, présentées au juge des libertés et de la détention, d’autorisation de visites domiciliaires et de l’article 23 h) du règlement MAR précité.

L’autorisation étant versée au dossier d’enquête, la personne qui aura fait l’objet d’une exploitation de ses données de connexion pourra, si elle est poursuivie, contester la régularité de l’autorisation devant la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers. De plus, un recours pourra être formé devant les juridictions de recours lorsqu’elles seront amenées à se prononcer sur le dossier dans son intégralité (ou devant les juridictions pénales lorsque, à la suite d’une procédure dite « d’aiguillage », le juge pénal est saisi des faits recueillis dans le cadre d’une enquête menée par l’Autorité des marchés financiers).

3.2.2.      Garanties complémentaires

Le texte proposé prévoit ensuite, une série de garanties, tenant à (i) la précision des finalités et des motifs justifiant l’accès aux données de connexion, (ii) la limitation des personnes susceptibles, au sein de l’Autorité des marchés financiers, d’en faire la demande, (iii) la définition précise des données de connexion susceptibles d’être remises, (iv) la destruction de ces données.

 (i) Ainsi, en lien avec la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne précitée, le texte proposé prévoit de limiter la possibilité de solliciter des données de connexion aux enquêtes destinées à rechercher les infractions les plus graves, c’est-à-dire aux abus de marché (manipulations de marché et surtout opérations d’initiés). Une garantie supplémentaire est prévue, tenant à l’interdiction d’utiliser ces données et les informations qui en découlent  dans le cadre d’une autre enquête que celle au titre de laquelle l’autorisation a été donnée.

 (ii) Dans le souci d’encadrer les demandes et à l’instar de ce qui est prévu dans le cadre des décisions d’ouverture d’enquêtes (article L. 621-9-1 du code monétaire et financier), le texte proposé prévoit que seul le secrétaire général, ou le secrétaire général adjoint peut en prendre l’initiative et que celles-ci doivent être motivées.

 (iii) Une définition précise des données pouvant être remises a été privilégiée par rapport au renvoi à l’article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques qui est aujourd’hui prévu dans l’article L. 621-10 du code monétaire et financier. La liste proposée est très largement inspirée des termes des articles L. 246-1 et L. 851-1 du code de la sécurité intérieure, à l’exception notable que le texte proposé prévoit expressément que le contenu lui-même des communications ne peut être demandé et remis. Ces données sont notamment les suivantes :

-          l’identification du titulaire d’un numéro de téléphone ;

-          la liste des appels ou SMS entrant et sortant d’une ligne identifiée, des numéros de téléphone appelés et appelants, de leur durée (dans le cas d’un échange vocal), de leur date ;

-          la géolocalisation du terminal depuis lequel les appels sont passés ;

-          l’adresse IP d’un terminal donné.

 (iv) Enfin, s’agissant de la destruction des données de connexion, le régime prévu est adapté aux suites réservées à l’enquête :

-          dans le cas de notifications de griefs par l’Autorité des marchés financiers, elles seront détruites à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la décision définitive sur les griefs notifiés (décision pas ou plus susceptible de recours) ;

-          dans le cas d’un classement par l’Autorité des marchés financiers, elles seront détruites à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la décision du collège de l’Autorité des marchés financiers (après transmission le cas échéant des pièces du dossier, dont les données de connexion, au procureur de la République sur le fondement de l’article L. 621-20-1 du code monétaire et financier) ;

-          dans le cas où un dossier a été aiguillé en faveur du parquet national financier et de mise en mouvement de l’action publique par ce dernier en application des III. et IV. de l’article L. 465-3-6 du code monétaire et financier, les données de connexion transmises avec le dossier remis au parquet national financier (PNF) ne seront pas conservées par l’Autorité des marchés financiers.

4.          Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.           Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

Les dispositions proposées suppriment le premier alinéa de l’article L. 621-10 du code monétaire et financier (censuré par la décision du 21 juillet 2017 du Conseil constitutionnel[261]) et insèrent un nouvel article L. 621-10-2 du même code, qui prévoit les modalités de recours par l’Autorité des marchés financiers à des données de connexion.

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les dispositions proposées s’inscrivent dans le cadre du règlement « MAR » du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 susmentionné (cf. supra, cadre général) et visent à se mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur la question des données de connexion (cf. supra).

4.2.           Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts sur les entreprises

Aucun impact sur les entreprises. Elles peuvent néanmoins être concernées comme les personnes  physiques par les nouvelles garanties accordées.

4.2.2         Impacts budgétaires

Les éléments suivants méritent d’être pris en compte au plan budgétaire :

-         rémunération du contrôleur des données : le contrôleur des données est rémunéré, sous forme de vacation versée par l’AMF. Cette vacation est estimée à 10 000 euros par an au total) ;

-          une surcharge de travail pourrait être induite pour les équipes de l’AMF pour circonstancier les demandes. Cette surcharge pourrait être compensée par un moindre recours aux données de connexion, au vu des restrictions posées par les nouvelles dispositions et en particulier du contrôle instauré sur les éléments de nature à justifier l’accès aux données. Cet impact apparaît donc relativement limité.

4.3.           Impacts sur les particuliers

Ces dispositions visent à renforcer la protection des particuliers qui font l’objet d’enquêtes de l’AMF, s’agissant de l’atteinte à leur vie privée que constitue le recours aux fadets. L’ensemble des nouvelles garanties introduites par ces dispositions (cf. supra) conduiront à amoindrir sensiblement cette atteinte et à la rendre proportionnée, notamment en les limitant aux infractions graves.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.           Consultations menées

L’avis du Collège de l’AMF a été recueilli le 3 octobre 2017.

La consultation du Collège de l’AMF n’est pas obligatoire et elle n’est requise par aucun texte mais il est d’usage de recueillir l’avis du Collège de l’AMF sur les projets de texte ayant des conséquences sur les pouvoirs de l’AMF.

5.2.           Modalités d’application

5.2.1         Application dans l’espace

Les dispositions modifiées du code monétaire et financier sont applicables sur le territoire de la République française, désignant la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint Pierre et Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, les dispositions modifiées du code monétaire et financier doivent être rendues applicables par une mention expresse d’applicabilité prévue dans le présent projet de loi, à l’exception des dispositions qui n’entrent pas dans le champ de compétence de l’Etat pour ces collectivités.

5.2.2         Textes d’application

Un décret en Conseil d’Etat viendra préciser les modalités d’application du nouvel article L. 621-10-2 du code monétaire et financier.

Article 25 relatif aux infrastructures de marché

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Les infrastructures de post-marché assurent la bonne fin des opérations de négociation d’actifs financiers entre les acteurs des systèmes financiers et jouent ainsi un rôle central dans le bon fonctionnement des marchés financiers mais aussi dans la préservation de la stabilité financière.

Les infrastructures de post-marché regroupent :

-         les chambres de compensation (LCH.Clearnet SA pour la France) qui permettent de centraliser et de mieux maîtriser le risque de contrepartie à travers l'interposition d’une contrepartie centrale entre les contreparties initiales, ce qui réduit les pertes potentielles en cas de défaillance d'un participant tout en limitant le nombre et la valeur des livraisons et des paiements liés aux transactions ;

-         les systèmes de paiement, qui assurent le règlement interbancaire des paiements de détail de la clientèle des banques (CORE(FR) pour la France), ou des paiements de montant élevé entre institutions financières, traitant notamment des flux liés à la politique monétaire et aux règlements interbancaires (TARGET2 dans la zone Euro) ;

-         les systèmes de règlement-livraison (Euroclear France pour la France) qui assurent le dénouement effectif des transactions sur instruments financiers ;

-         les registres centraux de données qui enregistrent des transactions effectuées sur les produits dérivés afin d’assurer la transparence des marchés financiers. Il n’y a pas de registre central de données implanté en France.

Ces infrastructures sont en petit nombre en France, mais aussi dans l’Union européenne.

On compte aujourd’hui 17 chambres de compensation implantées dans toute l’Union européenne et autorisées à fournir leurs services de compensation dans l’Union, dont trois sont localisées au Royaume-Uni. Ces chambres de compensation ont une taille et une activité transfrontalière différente. En dehors des chambres de compensation britanniques, les plus grosses chambres de compensation sont localisées en France (LCH Clearnet SA) et en Allemagne (Eurex). Ces deux chambres de compensation sont notamment en concurrence sur le marché de la compensation des opérations de pension livrée (repos), et du cash action.

Les systèmes de paiement et de règlement-livraison de titres, notifiés à l’Autorité européenne des marchés financiers, sont plus de 140 dans l’Union européenne, et incluent les chambres de compensation (conformément à la réglementation européenne, les chambres de compensation sont notifiées en tant que systèmes de paiement). Les systèmes de règlement-livraison en Europe sont dominés par le groupe Euroclear, qui détient la plupart des systèmes nationaux, comme Euroclear France, et le groupe Clearstream (qui détient Clearstream Allemagne et Clearstream Luxembourg).

Enfin, il y a 8 registres centraux de données, la majorité étant localisés au Royaume-Uni.

De par leur situation centrale au sein de l’écosystème financier et le petit nombre d’infrastructures de post- marché, la concurrence entre les places financières est de plus en plus féroce. Comme ces infrastructures concentrent les risques financiers, un cadre normatif a été mis en place au niveau européen pour harmoniser les pratiques et éviter les arbitrages réglementaires, sans pour autant réussir à les faire disparaître complètement. Un assouplissement de ce cadre normatif en France, conformément à ce qui peut être fait dans d’autres Etats membres pourrait renforcer la compétitivité de la Place de Paris, tout en conservant une très bonne gestion des risques de ces infrastructures.

1.1.1        Systèmes de paiement et de règlement-livraison

Dès le début des années 90, les banques centrales du G10 ont élaboré des recommandations concernant les systèmes de compensation interbancaires (rapport Lamfalussy[262]) en mettant en évidence l’importance du risque systémique des systèmes de paiement fonctionnant sur la base de plusieurs modes juridiques de compensation des paiements, notamment la compensation multilatérale.

Afin de réduire l’incertitude associée à la participation à des systèmes de paiement et des systèmes de règlement des opérations sur titres et pour assurer un fonctionnement efficace des mécanismes transfrontaliers de paiement et de règlement des opérations sur titres en Europe, l’Union européenne a adopté la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres. Cette directive a été modifiée en 2009 (directive 2009/44/CE) et 2010 (directive 2010/78/UE).

Cette directive s’applique aux systèmes de paiement et de règlement de titres, à tout participant à ces systèmes et aux garanties (collatéral) constituées dans le cadre de la participation à ces systèmes ou dans le cadre d’opérations des banques centrales.

Les systèmes concernés sont définis selon trois critères :

C’est un accord formel conclu entre au moins trois participants (sans compter l’opérateur du système, un éventuel organe de règlement (pour la comptabilisation finale des règlements), une éventuelle contrepartie centrale, une éventuelle chambre de compensation ou un éventuel participant indirect) comportant des règles communes et des procédures normalisées pour la compensation ou l’exécution des ordres de transfert entre les participants ;

Il est régi par la législation d’un Etat membre choisi par les participants (dans lequel l’un d’entre eux au moins a son siège social) ;

Il est désigné en tant que système et notifié à la Commission par l’Etat membre dont la législation est applicable, après que l’Etat membre s’est assuré du caractère adéquat des règles de fonctionnement du système.

Pour des raisons de risque systémique, les Etats membres peuvent désigner comme système d’autres types d’accord formel.

Un participant à un système peut être un établissement de crédit, une entreprise d’investissement, un organisme public ou une entreprise contrôlée opérant sous garantie de l’Etat, une contrepartie centrale, un organe de règlement, une chambre de compensation ou un opérateur de système. La directive offre cependant la faculté d’élargir la qualité de participant à toute entreprise, sous certaines conditions, au nombre de cinq : (i) les entreprises doivent participer à un système de règlement-livraison ; (ii) le système concerné doit être surveillé conformément à la législation nationale ; (iii) les entreprises qui participent à un tel système doivent être chargées d’exécuter les obligations financières résultant des ordres de transfert ; (iv) au moins trois participants de ce système sont des participants tels que définis dans la directive ; (v) la décision de transposer cette disposition doit être justifiée pour des raisons de risque systémique.

L’objectif de la directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 est de supprimer le facteur juridique du risque systémique inhérent aux systèmes, c’est-à-dire le risque que la défaillance d’une contrepartie n’entraîne la défaillance d’autres participants, voire du système lui-même. Il s’agit à cet effet d’assurer la poursuite de l’exécution des paiements initiés avant une faillite et d’empêcher l’annulation rétroactive des ordres entrés dans le système, que ces ordres soient effectués entre les participants à un système ou bien de système à système. La directive prévoit également que les règles du système s’appliquent même en cas de faillite d’un participant, afin de réduire les perturbations causées à un système par l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre d’un participant à ce système. Il s’agit donc d’une disposition dérogatoire au régime commun de la faillite. Si la directive ne prévoit ces dispositions que pour les systèmes définis ci-dessus, et donc régis par la loi d’un Etat membre de l’Union européenne, le considérant 7 de la directive autorise cependant les États membres à appliquer les dispositions de la directive à leurs propres participants qui participent directement à un système de pays tiers et aux garanties constituées dans le cadre de cette participation. Dans ce cas, les règles de fonctionnement d’un système de pays-tiers continuent à s’appliquer aux transactions d’un participant de cet Etat membre même en cas d’insolvabilité de celui-ci.

Le règlement n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres étend ces dispositions aux dépositaires centraux de titres, définis comme toute personne morale exploitant un système de règlement de titres financiers. Ce règlement a également pour objectif d’instaurer un cadre harmonisé des activités de ces entités, d’ouvrir le marché des services de dépositaires centraux et de favoriser l’accès à ces services : ainsi, le règlement autorise tout participant de l’Union européenne à utiliser les services d’un dépositaire central de titres à condition que celui-ci soit agréé. De plus, le dépositaire central de titres doit disposer de critères de participation publics, transparents, objectifs et non discriminatoires, permettant un accès équitable et ouvert pour toutes les personnes morales souhaitant devenir des participants. Seul l’objectif de la maîtrise d’un risque donné auquel le dépositaire est exposé peut constituer un critère restreignant cet accès.

Les dispositions de la Directive 98/26/CE se retrouvent aux articles L. 330-1 et L. 330-2 du code monétaire et financier pour les systèmes de paiement et les systèmes de règlement – livraison de titres et à l’article L. 440-2 pour les chambres de compensation.

Elle a été transposée en droit français par les lois n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière, n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière et n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ainsi que par les ordonnances n° 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers, n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement, n° 2011-398 du 14 avril 2011 portant transposition de la directive 2009/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 modifiant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et la directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerne les systèmes liés et les créances privées, et n° 2015-1686 du 17 décembre 2015 relative aux systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers et aux dépositaires centraux de titres.

L’article L. 330-1-I du code monétaire et financier définit un système de règlement interbancaire et de règlement-livraison d’instruments financiers comme une procédure nationale ou internationale organisant les relations entre trois participants au moins, permettant, conformément à des règles communes et des procédures normalisées, l’exécution à titre habituel de paiements ou de livraison d’instruments financiers entre les participants. L’article L. 330-3 du même code étend cette définition aux systèmes de paiement, qui sont des systèmes de règlement interbancaire ou tout autre système permettant le transfert de fonds ou le traitement d’ordres de paiement selon des procédures normalisées et des règles communes. Ce système doit obligatoirement soit avoir été institué par une autorité publique, soit être régi par une convention-cadre respectant les principes généraux d’une convention –cadre de place, ou par une convention type. La qualification n’est donc pas subordonnée à la condition que le système fonctionne dans un cadre institutionnel. Le ministre chargé de l’économie est tenu de notifier à l’Autorité européenne des marchés financiers la liste des systèmes et leurs gestionnaires respectifs.

L’article L. 330-1-II du code monétaire et financier dresse une liste limitative des participants d’un système de règlements interbancaires ou d’un système de règlement livraison d’instruments financiers. Il s’agit des établissements de crédit, des entreprises d’investissement ayant leur siège social ou à défaut de siège social, leur direction effective, dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord de l’Espace économique européen, les institutions ou entreprises mentionnées à l’article L. 518‑1 (Trésor public, Banque de France, La Poste…), les adhérents d’une chambre de compensation (article L. 440-2), les dépositaires centraux, les banques centrales ou encore les gestionnaires de système de règlements interbancaires ou de règlement-livraison d’instruments financiers. Pour les établissements de crédit et les entreprises d’investissement n’ayant pas leur siège social ou à défaut de siège social, leur direction effective, dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord de l’Espace économique européen, ils seront soumis aux mêmes critères non discriminatoires, transparents et objectifs que ceux qui s’appliquent aux participants ayant leur siège social en France, mais le système peut refuser l’accès pour des raisons commerciales légitimes. Enfin, le ministre chargé de l’économie peut désigner sur une base individuelle des organisations ou organismes financiers internationaux, les autres organismes publics et les entreprises contrôlées opérant sous garantie d’un Etat comme participant.

L’article L. 330-1-III assure que même en cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, les obligations contractuelles seront exécutées, et confère aux opérations un caractère irrévocable afin qu’elles ne puissent être remises en cause par l’application du droit des procédures collectives. Les instructions et opérations de compensation introduites dans le système produisent leurs effets en droit et sont opposables aux tiers y compris si elles ont été introduites avant l’expiration du jour ouvrable (définit par les règles de fonctionnement du système) où est rendu un jugement d’ouverture de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ou avant que soit engagée une procédure à l’encontre d’un participant, et ce, nonobstant toute disposition législative contraire et toute mention contraire de ce jugement. De plus, en cas de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire d’un participant à un système de l’Espace économique européen, les droits et obligations découlant ou liés à sa participation sont déterminés par la loi qui régit le système, à condition que cette loi soit celle d’un Etat partie à l’Espace économique européen. Cette dernière disposition ne s’applique donc pas lorsque le système est régi par une loi d’un Etat ne faisant pas partie de l'Espace économique européen, et le droit commun de la faillite français s’applique au participant. Lors de la transposition de la directive en droit français en 2002, le législateur français n’avait pas transposé le considérant 7 de la directive mentionné plus haut car seuls les articles des directives avaient fait l’objet d’une transposition, les considérants restant des clés de lecture des articles et ne constituant pas d’obligations juridiques.

1.1.2        Chambres de compensation

La crise financière de 2008 a révélé des faiblesses dans les marchés de produits dérivés de gré à gré qui ont contribué à alimenter le risque systémique : accumulation d’importantes expositions au risque de contrepartie entre intervenants de marché, risque de contagion qui a découlé de l’interconnexion entre les intervenants des marchés de produits dérivés de gré à gré, transparence limitée concernant l’ensemble des expositions au risque de crédit qui a précipité une perte de confiance et de liquidité en période de tension.

Pour remédier à ces faiblesses, et étant donné les volumes de transactions de dérivés de gré-à-gré considérables (à mi-2017, le montant notionnel de dérivés de gré à gré s’élève à 542 trillions de dollars), le G20 s’est engagé lors du sommet de Pittsburgh en 2009 à imposer trois règles aux participants de ces marchés :

-          déclaration de l’ensemble des dérivés de gré à gré à des référentiels centraux, afin de permettre aux superviseurs de suivre l’évolution, le développement et la localisation des risques sur les marchés de dérivés ;

-          négociation sur une plateforme de négociation et compensation par une chambre de compensation des dérivés de gré à gré standards et liquides, afin d’accroître la transparence et l’efficacité du marché (via la négociation sur plateforme) et de réduire le risque systémique (via l’effet de netting lié au passage par une chambre de compensation). Fin 2017, 59 % des dérivés ont été compensés centralement en 2017, soit un notionnel équivalent de 321 milliards de dollars ;

-          échange de garanties financières pour les autres dérivés de gré à gré, ce qui vient également limiter le risque systémique.

Ces trois règles sont reprises dans le règlement européen n° 648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (règlement EMIR) adopté en 2012. Ce règlement définit notamment les règles pour l’agrément et la surveillance des contreparties centrales.

Le règlement EMIR repose sur les principes suivants :

-          une obligation de compensation centrale de l’ensemble des dérivés négociés de gré à gré jugés par l’ESMA suffisamment liquides et standardisés. De ce fait, le risque de contrepartie sera intégralement transféré aux chambres de compensation ;

-          un cadre juridique harmonisé au niveau européen destiné à assurer que les contreparties centrales respectent des exigences fortes en termes de capital, d’organisation, et de règles de conduite ;

-          le recours à un ensemble de techniques d’atténuation des risques opérationnels et de contrepartie pour les contrats non compensés ;

-          une obligation de déclaration à des référentiels centraux de l’ensemble des transactions sur produits dérivés.

Il s’applique à toute contrepartie, financière (établissement de crédit, entreprises d’investissement, compagnies d’assurance, sociétés de gestion…) ou non financière qui effectue une transaction sur un produit dérivé. Des exemptions existent pour les acteurs non financiers dont le volume de transactions est en-dessous d’un certain seuil et pour certains types de transactions (notamment les transactions entre deux entités d’un même groupe).

Le règlement EMIR définit une contrepartie centrale comme une personne morale qui s’interpose entre les contreparties à des contrats négociés sur un ou plusieurs marchés financiers, en devenant l’acheteur vis-à-vis de tout vendeur et le vendeur vis-à-vis de tout acheteur. L’article 14 (5) du règlement laisse cependant la possibilité aux Etats membres d’appliquer des exigences supplémentaires pour les chambres de compensation établies sur leur territoire, notamment certaines exigences en matière d’agrément prévues par la directive 2006/48/CE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice. L'autorité compétente n'octroie l'agrément de chambre de compensation que si elle a acquis la certitude que la contrepartie centrale qui présentait la demande se conforme à toutes les exigences prévues par le règlement EMIR et que la contrepartie centrale est notifiée en tant que système conformément à la directive 98/26/CE.

De même, la définition des participants à une contrepartie centrale, ou adhérents compensateurs, est très large et regroupe toutes les entreprises qui participent à une contrepartie centrale et qui sont tenues d’honorer les obligations financières résultant de cette participation. L’article 37 du règlement précise également que les contreparties centrales doivent établir les catégories d’adhérents compensateurs admissibles et les critères d’admission (qui doivent être non-discriminatoires, transparents et objectifs et qui doivent garantir que les adhérents ont des ressources financières et une capacité opérationnelle suffisantes pour satisfaire aux obligations résultant de leur participation à la contrepartie centrale). Tout comme les dépositaires centraux de titres, seul l’objectif de la maîtrise d’un risque donné auquel la contrepartie centrale est exposée peut constituer un critère restreignant cet accès. Conformément au règlement EMIR, les chambres de compensation sont notifiées à l’Autorité européenne des marchés financiers en tant que système. C’est pourquoi les participants à une chambre de compensation sont automatiquement considérés comme participants à un système de paiement et à un système de règlement-livraison de titres financiers selon l’article L. 330-1 du code monétaire et financier[263]. Toute extension de la liste des adhérents compensateurs doit donc être compatible avec les termes de la directive 98/26/CE.

Le règlement EMIR fait actuellement l’objet de deux révisions, l’une visant à simplifier et à rendre plus proportionnelles ses règles, l’autre visant à renforcer le cadre de la supervision des contreparties centrales européennes et de pays-tiers. Il est également prévu dans cette dernière revue, que les services de compensation les plus systémiques pour la stabilité financière de l’Union européenne ne pourront être autorisés que s’ils sont établis dans l’Union européenne. Ces deux révisions ne remettent pas en cause les dispositions concernant la définition des contreparties centrales et des adhérents compensateurs.

L’adaptation en droit français de cette réglementation européenne se trouve aux articles L. 440-1 et L. 440-2 du code monétaire et financier. Les dispositions de ces articles sont plus restrictives que ce qui est prévu au niveau européen.

D’une part, l’article L. 440-1 du code monétaire et financier définit les chambres de compensation comme les contreparties centrales définies dans le règlement EMIR, mais impose également à ces chambres de compensation d’être agrées en tant qu’établissement de crédit par la Banque centrale européenne, sur proposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, après consultation de l’Autorité des marchés financiers et de la Banque de France. Le statut d’établissement de crédit des chambres de compensation lui donne accès à l’ensemble des facilités offertes par l’Eurosystème, ce qui permet une gestion extrêmement robuste de leurs besoins de liquidité en conduire normale des opérations mais aussi en temps de crise. Ainsi, d’un point de vue opérationnel le statut d’établissement de crédit permet à la chambre de compensation d’interagir directement dans le système de paiement de la zone Euro, Target 2, pour la collecte des garanties financières sans avoir recours aux services de banques commerciales. D’un point de vue prudentiel, cela lui permet également d’utiliser la facilité de dépôt rémunérée permettant de placer l’ensemble du cash euro à des conditions avantageuses et sécurisées, et d’utiliser la facilité de prêt marginal offerte par la banque centrale européenne, facilité essentielle pour la gestion du risque de liquidité en cas de crise (compte tenu des gros montants engagés lors de la liquidation des portefeuilles des adhérents compensateurs et lors des opérations sur certains produits dérivés de gré-à-gré comme les repos – opérations de pension livrée). A cause de ce statut d’établissement de crédit, la chambre de compensation française est soumise à un certain nombre d’exigences du règlement européen n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, même si des exemptions ciblées de certaines exigences inadaptées à la nature particulière des activités des chambres de compensation sont en cours de discussion au niveau européen.

D’autre part, l’article L. 440-2 du code monétaire et financier dresse une liste limitative des entités autorisées à adhérer à une chambre de compensation française. Parmi celles-ci sont principalement visés les établissements de crédit et les entreprises d’investissement ayant leur siège social en France, intervenant sur le territoire français dans le cadre d’un passeport européen ou ayant leur siège social ou à défaut leur direction effective dans un Etat membre de l’Union européenne dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. L’adhésion des établissements de crédit et des entreprises d’investissement dont le siège social est situé dans un Etat non partie à l’Espace économique européen ainsi que celle des personnes morales ayant pour objet principal ou unique la compensation d’instruments financiers et non établies en France est soumise à l’autorisation préalable de l’Autorité des marchés financiers. Celle-ci s’assure que les organismes concernés sont soumis dans leur Etat d’origine à des règles d’exercice de la compensation et de contrôle équivalentes à celles en vigueur en France. L’Autorité des marchés financiers doit également conclure des accords d’échanges d’informations avec les autorités compétentes de l’Etat d’origine (articles 541-16 et 541-17 du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers). Les personnes morales dont les membres ou associés sont des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement et sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes et engagements, les personnes morales ayant leur siège en France et dont l’objet principal ou unique est la compensation d’instruments financiers, les organisations ou organismes financiers internationaux, les autres organismes publics et les entreprises contrôlées opérant sous garantie d’un Etat désignées sur une base individuelle ou par catégorie par arrêté du ministre chargé de l’économie font également partie de la liste des participants à une chambre de compensation.

Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise à l’article 541-13 que les règles de fonctionnement de la chambre de compensation doivent préciser les catégories d’adhérents compensateurs admissibles aux services de compensation et les conditions d’admission applicables à chacune des catégories, notamment le montant minimum de ressources financières et, le cas échéant, de garanties dont doivent disposer les adhérents compensateurs ainsi que les exigences en matière de capacité opérationnelle. Ces règles de fonctionnement sont approuvées par l’Autorité des marchés financiers (article L. 440-1 du code monétaire et financier).

Les règles de fonctionnement de la chambre de compensation française LCH Clearnet SA font explicitement référence à l’article L. 440-2 du code monétaire et financier pour définir quelles entités peuvent avoir la qualité d’adhérent compensateur.

Les autorités compétentes sur les chambres de compensation sont en France l’Autorité des marchés financier (article L. 621-7 du code monétaire et financier) et la Banque de France (article L. 141-4-II du code monétaire et financier). La compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution découle quant à elle du statut d’établissement de crédit de la chambre de compensation, et non de sa qualité de chambre de compensation : l’article L. 612-2 du code monétaire et financier, relatif aux compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ne mentionne pas les chambres de compensation. Ainsi, si une chambre de compensation n’est pas un établissement de crédit, elle n’est donc pas assujettie au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ce qui d’une part n’assure pas un cadre cohérent pour la supervision des chambres de compensation (les autorités compétentes seraient différentes selon le statut de la chambre de compensation) et d’autre part ne confère plus à la Banque de France un outil administratif de contrôle des chambres de compensation (la Banque de France est certes également désignée comme autorité sur les chambres de compensation en application du règlement EMIR mais ne dispose pas dans ses statuts des pouvoirs de police administrative qui relève d’une autorité administrative).

1.2.  Éléments de droit comparé

1.2.1        Systèmes de paiement et de règlement-livraison

La France, comme d’autres Etats membres comme l’Allemagne ou l’Irlande, n’a pas transposé la faculté d’élargissement de la qualité de participant à toute entreprise participant sous certaines conditions à un système. En revanche, certains Etats européens ont procédé à une telle transposition : il s’agit notamment du Royaume-Uni[264], du Luxembourg[265], et de la Belgique[266].Certains Etats membres reconnaissent dans leur droit national l’applicabilité des dispositions de la directive 98/26/CE aux systèmes régis par la loi d’un pays ne faisant pas partie de l’Espace économique européen. C’est le cas de l’Allemagne[267], du Danemark[268], de la Belgique[269] et de l’Espagne[270]. La Hongrie, la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Norvège et l’Italie ont au contraire fait le même choix que la France (pour l’Italie cependant, les dispositions de la directive s’appliquent aux chambres de compensation).

1.2.2        Chambres de compensation

Au sein de l’Union européenne, seuls l’Allemagne et la France imposent le statut d’établissement de crédit aux chambres de compensation. Cependant, seule la chambre de compensation française est intégrée dans le mécanisme de supervision unique de la BCE car elle est considérée comme un établissement de crédit important dans la zone euro, contrairement aux chambres de compensation allemandes.

Les conditions d’accès aux chambres de compensation (et en particulier les catégories d’entreprises pouvant y adhérer directement) ne sont pas harmonisées au sein de l’Union européenne.

En Allemagne, chaque chambre de compensation, et notamment Eurex, est à titre principal responsable de la fixation de ses conditions d’adhésion dans ses règles de fonctionnement (agrées par les superviseurs). Aucune disposition législative ne contraint cette participation. Eurex distingue ainsi plusieurs catégories de membres, selon les opérations compensées et les risques importés dans la chambre de compensation[271]. Elle admet notamment l’adhésion directe des compagnies d’assurance et de réassurance ou des organismes de placement collectif et valeurs mobilières et autres fonds.

La chambre de compensation britannique, LCH Limited, permet aussi l’accès à tout type d’entités, sous réserve que celles-ci satisfassent à des exigences particulières (notamment de capital, et des systèmes appropriés pour gérer les activités de compensation et le paiement / versement des marges) et ne présentent pas de risques pour sa gestion interne des risques. Seul le service RepoClear de cette chambre de compensation, destiné à compenser les opérations sur pension livrée, restreint l’accès aux seuls établissements de crédit et entreprises d’investissement.

La chambre de compensation néerlandaise, ICE Clear Netherlands, définit quant à elle des critères d’accès plus restrictifs que ses concurrentes allemande et britannique, mais moins restrictifs que la chambre de compensation française. Peuvent en effet adhérer à ICE Clear Netherlands les établissements de crédits ou les entreprises d’investissement établis dans une juridiction membre du groupe d’action financière (soit l’un des 37 pays membres), les personnes morales, les personnes morales dont les membres ou associés sont des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement établis dans un pays membre du groupe d’action financière et sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes et engagements et les personnes morales établies dans un pays membres du groupe d’action financière et dont l’objet principal ou unique est la compensation d’instruments financiers.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

2.1.1        Accès à un système de règlement de pays-tiers

Certains systèmes régis par la législation d’un Etat ne faisant pas partie de l’Espace Economique Européen jouent un rôle majeur pour garantir la stabilité financière mondiale et réduire le risque systémique des marchés financiers.

C’est notamment le cas du système britannique Continuous Linked Settlement qui effectue 51 % des règlements des opérations de change (en moyenne, 4 800 Md$ de transactions entrées dans le système sont réglées quotidiennement) dans des conditions particulières permettant de réduire drastiquement le risque de règlement et de garantir un niveau élevé de sécurisation (règlement en monnaie de banque centrale et en mode paiement contre paiement). Ce système n’a pas d’équivalent dans le monde.

Après le Brexit, les dispositions de la directive 98/26/CE ne s’appliqueront plus au système Continuous Linked Settlement en cas de faillite ou d’insolvabilité d’un participant français, ce qui peut conduire le système à refuser les participants français, pourtant acteurs importants sur le marché des changes, au motif des incertitudes juridiques importantes qu’ils créent pour le système.

La législation actuelle ne permet pas d’assurer une telle disposition et l’extension de la définition de système à un système régi par une loi de pays-tiers s’avère nécessaire.

2.1.2        Statut d’établissement de crédit des chambres de compensation

Le statut d’établissement de crédit permet une gestion très robuste des besoins de liquidité, en temps normal comme en temps de crise. Cependant, plusieurs évolutions amoindrissent les avantages tirés par le statut d’établissement de crédit, aux premiers rangs desquelles l’assouplissement de la politique d’accès aux facilités de l’Eurosystème. Les chambres de compensation de l’Union européennes, autorisées sous la règlementation EMIR No 648/2012, disposent aujourd’hui d’un accès relatif à certains de ces outils sans que le statut d’établissement de crédit ne soit nécessaire.

Par ailleurs, dans le cadre du Brexit qui pourrait pousser certaines chambres de compensation à ouvrir des services de compensation au sein de l’Union européenne, le statut d’établissement de crédit pourrait nuire à l’attractivité de la Place de Paris, de par les incertitudes liées à l’obtention d’un double agrément (chambre de compensation et établissement de crédit), et les coûts que ce double statut peut représenter[272].

La législation actuelle ne permet pas d’introduire suffisamment de flexibilité pour s’adapter au cas par cas aux spécificités des services de compensation qui pourraient souhaiter s’implanter en France. Une modification législative est donc nécessaire pour introduire l’optionalité du statut d’établissement de crédit des chambres de compensation, sous certaines conditions.

Par ailleurs, les compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne portent pas sur les chambres de compensation. Ainsi, si une chambre de compensation n’est pas un établissement de crédit, elle n’est pas assujettie au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ce qui d’une part n’assure pas un cadre cohérent pour la supervision des chambres de compensation (les autorités compétentes seraient différentes selon le statut de la chambre de compensation) et d’autre part ne confère plus à la Banque de France un outil administratif de contrôle des chambres de compensation (la Banque de France est certes également désignée comme autorité sur les chambres de compensation en application du règlement EMIR mais ne dispose pas dans ses statuts des pouvoirs de police administrative qui relève d’une autorité administrative).

Une modification législative est donc nécessaire pour étendre explicitement le champ de compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution aux chambres de compensation.

2.1.3        Accès aux chambres de compensation et aux systèmes de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers

Les dispositions régissant l’accès aux chambres de compensation à l’article L. 440-2 du code monétaire et financier ou à un système de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers à l’article L. 330-1 de ce même code ne permettent pas à certaines entités, comme les entreprises d’assurance et de réassurance, les organismes de placement collectifs, les fonds d’investissement alternatifs, d’accéder à ces infrastructures, d’avoir accès aux chambres de compensation et aux systèmes de paiement et de règlement-livraison. Ces entités installées en France pourraient alors utiliser les services des concurrents européens, qui ne sont pas confrontés aux mêmes restrictions d’accès.

S’il s’avérait pertinent, pour s’adapter au cadre concurrentiel européen et à des projets de développement de la Place de Paris, d’accorder l’accès à ces infrastructures à des entités non mentionnées dans le code monétaire et financier, seule une modification du code monétaire et financier pourrait permettre de compléter la liste des entités, modification qui ne garantit pas une rapidité suffisante. Une modification législative est donc nécessaire pour introduire cette flexibilité dans le code monétaire et financier.

2.2.  Objectifs poursuivis

Les mesures envisagées visent à renforcer l’attractivité de la Place de Paris, notamment dans le contexte du Brexit, afin d’attirer des activités qui pourraient se relocaliser au sein de l’Union européenne et de s’adapter rapidement à des opportunités de développement qui pourraient émerger suite au Brexit, et d’assurer un niveau de jeu concurrentiel égal entre la France et les autres pays européens.

En particulier, ces mesures assouplissent le cadre réglementaire s’appliquant aux chambres de compensation et aux systèmes de paiement et de règlement et de livraison d'instruments financiers, tout en s’assurant que la stabilité financière est préservée.

La modification de l’article L. 330-1 du code monétaire et financier vise à étendre la définition de système aux systèmes destinés à effectuer le règlement d’opérations de change en monnaie de banque centrale et en mode paiement contre paiement, afin de garantir que leurs règles de fonctionnement s’appliqueront en cas de défaillance ou de faillite d’un participant français.

L’optionalité du statut d’établissement de crédit introduite à l’article L. 440-1 du code monétaire et financier assouplit les exigences applicables à l’autorisation des chambres de compensation, sans pour autant remettre en cause le système actuel ou créer une gestion moins robuste des besoins en liquidité d’une chambre de compensation.

Les chambres de compensation sont également introduites en tant que telles dans le champ de compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Enfin, les formalités d’accès direct d’un participant à un système de paiement et de règlement-livraison et à une chambre de compensation sont assouplies aux articles L. 330-1 et L. 440-2 du code monétaire et financier pour autoriser l’accès à de nouvelles entités sous réserve sous certaines conditions.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.  Impacts juridiques

3.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Le projet de loi aura pour effet :

 

-          de modifier l’article L. 330-1 du code monétaire et financier pour faire bénéficier certains systèmes de paiement spécifiques et systémiques établis dans un pays tiers des protections applicables aux systèmes régis par une loi d’un Etat membre de l’EEE ;

-          de modifier l’article L. 440-1 du code monétaire et financier pour introduire une optionalité sur l’obtention du statut d’établissement de crédit pour une chambre de compensation, dans des conditions précisées par décret ;

-          de modifier l’article L. 612-2 du code monétaire et financier pour assujettir les chambres de compensation au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

-         de modifier les articles L. 440-2 et L. 330-1 du code monétaire et financier pour étendre par décret la liste des entités pouvant participer à une chambre de compensation et à un système de règlement interbancaire et de règlement livraison d’instruments financiers.

3.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La mesure envisagée est compatible avec le règlement européen n° 648/2012 du parlement européen et du conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, la directive 98/26/CE du parlement européen et du conseil du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et le règlement n° 909/2014 concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres. Les révisions du règlement européen n° 948/2012 qui sont en cours de négociations au niveau européen n’ont pas d’impact sur les mesures proposées.

3.2.  Impacts économiques et financiers

3.2.1        Accès à un système de règlement de pays-tiers

En l’absence de mesure législative, et dans le cas particulier du système Continuous Linked Settlement, les participants français[273] pourraient se voir refuser l’accès au système. Plusieurs options pourraient alors se présenter pour ces participants :

a)      Revenir sur le règlement des montants bruts

A l’heure actuelle, le passage par le système Continuous Linked Settlement permet aux participants français de profiter des effets de netting très importants due à la compensation multilatérale au sein du système, entre les positions longues et courtes et entre les devises[274]. Le retour à un règlement des montants bruts réintroduirait le risque de contrepartie et de règlement dans les transactions, et d’autre part entraînerait des besoins en liquidité importants.

b)     Avoir recours à la compensation bilatérale

Dans cette option, l’effet de netting est beaucoup moins efficace que celui obtenu par compensation multilatérale dans le système Continuous Linked Settlement, mais permet induit des exigences de liquidité légèrement moindres, même si importantes, que dans l’option 1. Par ailleurs, cette option requiert pour les entreprises des coûts opérationnels importants (pour le suivi des positions notamment) et des coûts juridiques en raison des contrats bilatéraux à signer avec les différentes contreparties.

c)      Délocaliser leurs activités de change dans un Etat membre dont la législation assure la protection du système

Etant donné les coûts induits par les options précédentes, cette option pourrait être la plus probable, dans la mesure où les participants français peuvent disposer de filiale dans d’autres pays de l’Union européenne comme l’Allemagne. Or les participants français sont des acteurs importants du marché des changes, et représentent un tiers des volumes des opérations réglées dans le système Continuous Linked Settlement. La délocalisation de ces activités pourrait donc avoir des conséquences économiques importantes. Par ailleurs, cette option pourrait avoir des effets indirects, en envoyant un signal assez négatif sur l’attractivité de la Place de Paris.

3.2.2        Agrément d’établissement de crédit des chambres de compensation

L’obtention de l’agrément d’établissement de crédit en plus de l’agrément de chambre de compensation implique des charges administratives, liées à la constitution des dossiers d’agrément, et aux procédures d’agrément, et des coûts supplémentaires.

Le délai total imparti à la Banque centrale européenne pour la délivrance de l’agrément d’établissement de crédit est de 12 mois maximum, ce qui introduit de fortes incertitudes pour les nouveaux acteurs qui souhaiteraient s’implanter sur le territoire français.

Au-delà de cette incertitude, l’agrément en tant qu’établissement de crédit implique des coûts de fonctionnement : d’une part pour satisfaire aux exigences prudentielles relatives au statut d’établissement de crédit (conformément à la réglementation européenne), d’autre part pour participer aux frais de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel, du mécanisme de supervision unique et de l’agence bancaire européenne (ces coûts dépendent d’un certain nombre de paramètres, notamment la taille du bilan de la chambre de compensation).

Ces différents coûts pourraient nuire à l’attractivité de la Place de Paris pour l’implantation de nouvelle(s) chambre(s) de compensation sur le territoire français. Or cette implantation s’accompagnerait de la création de nouveaux emplois en France, et d’effets indirects sur l’écosystème gravitant autour de la chambre de compensation, et notamment les adhérents compensateurs. A titre d’exemple, la chambre de compensation française LCH Clearnet SA emploie 177 personnes en 2017, et représente un capital en actions de 113 M€ et un profit annuel de 44,6 M€. L’impôt sur les sociétés prélevé auprès de LCH Clearnet SA s’élève à 19,9 M€ en 2017.

3.2.3        Accès aux chambres de compensation

Cette mesure permet d’assouplir les conditions légales d’adhésion à une chambre de compensation française afin d’autoriser plus facilement des établissements situés hors de l’Union européenne, par exemple au Royaume-Uni après le Brexit, ou de l’Espace économique européen, à devenir membre d’une chambre de compensation française.

De plus, dans le cadre du Brexit et de la revue du règlement EMIR, certains services britanniques, jugés très systémiques pour la stabilité financière de l’Union européenne, pourraient ne plus être autorisés à fournir leurs services aux participants européens pour les transactions en euros. Ces services devront donc être implantés au sein de l’Union européenne. Cela pourrait concerner entre autres classes d’actifs, les swaps de taux d’intérêt, pour un montant notionnel total de 80 000 Md€, dont 14 % sont effectués par au moins un participant européen selon le London Stock Exchange Group, les pensions livrées, dont le notionnel total s’élève à 60 000 Md€, et les taux d’intérêt à court terme, dont le montant notionnel représente environ 226 Md€. Assouplir les conditions d’accès à une chambre de compensation française pourrait permettre d’attirer en France ces nouvelles activités de compensation, en n’interdisant pas l’accès à la chambre de compensation à des entités qui bénéficieraient d’un accès direct à une chambre de compensation dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Ces catégories d’entreprises envisagées aujourd’hui seraient les entreprises d’assurance et de réassurance, les organismes de placement collectifs, les fonds d’investissement alternatifs. L’attractivité de la chambre de compensation pourrait en effet pâtir de la nécessité pour ces entités doivent en effet passer par un adhérent compensateur pour accéder à la chambre de compensation française. Cet accès direct, si il permet de s’affranchir des coûts liés à la fourniture de services de compensation par les adhérents compensateurs[275], peut nécessiter des coûts supplémentaires pour se conformer aux exigences opérationnelles (informatiques notamment) ou prudentielles (exigences en fonds propres etc…) de la chambre de compensation.

Par ailleurs, les changements prudentiels à venir dans le cadre du règlement européen sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement vont faire peser des contraintes importantes sur le bilan des établissements de crédit et pourront les conduire à rationaliser l’utilisation de leur bilan, notamment en réduisant leur intervention sur le marché des pensions livrées ou en surenchérissant le coût de leurs services de compensation de ces produits. Les pensions livrées ne sont en effet pas soumis par le règlement EMIR à l’obligation de compensation centrale, même si le montant notionnel des opérations de pension livrées compensées centralement au sein de la chambre de compensation française s’est élevée à 48 200 Md€ en 2017. Ainsi, les clients du buy-side pourraient être amenés à :

-          Continuer à utiliser les services des adhérents compensateurs français, en subissant la hausse des coûts des services de compensation et potentiellement une diminution de l’offre de service de compensation par ces adhérents compensateurs. Le renchérissement des coûts de transaction pour les clients pourrait de fait les contraindre à réduire leur activité sur le marché des opérations de pensions livrées sur les dettes souveraines européennes, et ainsi à réduire la liquidité ;

-          Revenir sur le marché bilatéral pour leurs transactions de pensions livrées. Cette option induit un coût lié aux échanges de marges bilatérales et la perte de l’effet de netting multilatéral des transactions au sein de la chambre de compensation ;

-          Utiliser les services d’une chambre de compensation implantée dans un autre Etat membre qui offre un accès direct de ces entités, par exemple Eurex en Allemagne. Cette option serait préjudiciable à la position de leader de la chambre de compensation française LCH Clearnet SA sur le marché des pensions livrées sur les dettes souveraines européennes.

3.2.4        Accès aux systèmes de règlements interbancaires, de paiement ou de règlement et de livraison d'instruments financiers

Si certaines entités non mentionnées à l’article L. 330-1 du code monétaire et financier, comme par exemple les fonds ou les compagnies d’assurance, souhaitaient adhérer directement à un dépositaire central de titres, elles doivent utiliser les services d’un dépositaire central de titres concurrent implanté dans une juridiction ne restreignant pas l’accès à cette infrastructure. Cette mesure permet donc de renforcer la compétitivité de la Place de Paris.

3.3.  Impacts sur les services administratifs

La disposition envisagée donne compétence directe à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur les chambres de compensation, et vise à favoriser l’implantation de chambres de compensation sur le territoire français, augmentant par là-même la charge administrative liée au contrôle des chambres de compensation par les autorités de supervision.

4.         Consultations et modalités d’application

4.1.  Consultations menées

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF) a été consulté le 22 mars 2018, conformément à l’article L. 614-2 du code monétaire et financier (consultation obligatoire).

4.2.  Modalités d’application

4.2.1        Application dans le temps

Les mesures entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel..

4.2.2        Application dans l’espace

Les dispositions modifiées du code monétaire et financier sont applicables sur le territoire de la République française, désignant la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint Pierre et Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, les dispositions modifiées du code monétaire et financier doivent être rendues applicables par une mention expresse d’applicabilité prévue dans le présent projet de loi, avec les adaptations nécessaires à leur adaptation aux spécificités de ces collectivités. Certaines de ces dispositions n’entrant pas dans le champ de compétence de l’Etat pour ces collectivités.

4.2.3        Textes d’application

L’application de la mesure nécessite des décrets pour définir les conditions pour la demande d’agrément d’établissement de crédit d’une chambre de compensation, désigner des organismes ou entreprises pouvant accéder aux chambres de compensation et désigner des organismes ou entreprises pouvant avoir la qualité de participants d'un système de règlements interbancaires ou d'un système de règlement et de livraison d'instruments financiers.

L’application de la mesure nécessite également un arrêté pour l’homologation des systèmes destinés à régler des opérations de change en mode paiement contre paiement et en monnaie de banque centrale.


Article 26 relatif à la création d’un régime français des offres de jetons

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Les offres initiales de « jetons » numériques (ou « tokens » en anglais) au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (en particulier la technologie « blockchain ») constituent un phénomène récent (2013), ayant connu un essor marqué dans le courant de l’année 2017 (environ 4 milliards de dollars levés par ce biais l’année dernière). Mi-mai 2018, 7 ICOs avaient été lancées en France, pour un montant levé de près de 80 millions d’euros, et une quarantaine prévoyaient de se lancer en 2018.

Ces opérations échappent néanmoins pour l’instant à un cadre juridique clair, dans la mesure où, au regard du droit français et du droit européen, les « jetons » ainsi émis peuvent être qualifiés juridiquement de différentes manières selon leurs caractéristiques propres (titres financiers, biens divers…). Néanmoins, comme constaté par l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre du programme UNICORN[276], la plupart de ces jetons ne répondent pas aux éléments de définition des titres financiers en droit français.

1.2.  Éléments de droit comparé

En raison du caractère récent de ce phénomène, aucun pays n’est aujourd’hui doté d’un cadre juridique dédié à ces levées de fonds (Gibraltar a néanmoins annoncé préparer un cadre réglementaire reposant notamment sur un système de « sponsors autorisés », chargés d’obligations de conformité, notamment). Certains pays ont mis en place des règles de bonnes pratiques (Suisse, Singapour, Allemagne, Japon), notamment en matière de lutte contre le blanchiment, d’autres régulateurs tendent à retenir une acception large de la notion de titres financiers (Etats-Unis). De rares pays ont interdit cette modalité de levée de fonds en (Chine, Corée du Sud).

Aucune règle ou position officielle n’a été adoptée au niveau européen à ce stade s’agissant des règles applicables aux émetteurs de jetons.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Il résulte du vide juridique constaté un manque de clarté quant aux règles applicables, une forte insécurité juridique pour les émetteurs, des incertitudes et une information parfois lacunaire pour les investisseurs et, plus globalement, une absence de supervision nationale ou européenne.

En outre, il n’existe pas à ce stade d’autorité de supervision légalement compétente pour les émissions de jetons qui ne répondent pas aux caractéristiques d’un titre financier.

Du point de vue des investisseurs, l’absence de cadre juridique et de supervision empêche de distinguer les projets sérieux des projets potentiellement frauduleux et de disposer d’une information fiable pour évaluer la qualité des projets ou des sociétés financées.

S’agissant des autorités publiques, en l’absence de règles, il est délicat d’impulser des bonnes pratiques de nature à assainir ce marché, de protéger les investisseurs français et d’attirer en France les projets légitimes.

L’article 34 de la Constitution dispose que « La loi détermine les principes fondamentaux […] du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales. » A ce titre, une intervention législative apparaît nécessaire pour fixer les grandes lignes de ce régime et la compétence de l’AMF pour le superviser.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le dispositif envisagé vise à :

-          rendre l’Autorité des marchés financiers compétente pour superviser les émissions de jetons qui échapperait au cadre actuel de la réglementation financière, notamment celui des offres au public de titres financiers ;

-          mettre en place au niveau législatif des contraintes minimales (existence d’une personne morale, mise en place d’un dispositif de séquestre), qui pourront être complétées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

-          autoriser l’Autorité des marchés financiers à délivrer un visa aux acteurs qui respectent les contraintes posées, permettant ainsi aux investisseurs de distinguer les acteurs légitimes et incitant ces derniers à mener leurs projets en France.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

3.1.1        Caractère obligatoire ou facultatif

Il a été envisagé de rendre ces règles obligatoires dans le but d’assurer que tous les acteurs faisant appel à l’épargne des Français soient en mesure de satisfaire à des règles minimales.

Néanmoins, cette option a été écartée pour plusieurs raisons :

-          les offres initiales de monnaie (« Initial Coin Offering ») (ICO) sont structurellement transnationales et une supervision contraignante strictement nationale apparaîtrait complexe à mettre en œuvre et peu efficace ;

-          dans un contexte où les règles sont quasi-inexistantes à l’échelle internationale, la mise en place de règles seulement contraignantes à l’échelle nationale conduirait à pénaliser fortement l’attractivité de la place de Paris et à une fuite des acteurs innovants qui choisissent actuellement de recourir à ce mode de levée de fonds.

Alternativement, il a été proposé que les acteurs apposent un avertissement sur leurs offres lorsqu’ils ne respectaient pas les règles posées par l’Autorité des marchés financiers. Néanmoins, cette proposition présentait le risque d’être peu effective et d’introduire une confusion pour les investisseurs, notamment dans la mesure où ils continueraient de facto à avoir accès à des offres d’acteurs ne présentant ni visa, ni avertissement.

La dernière option consistait à rendre ce dispositif de visa optionnel pour favoriser les acteurs légitimes. L’Autorité des marchés financiers délivrerait donc un visa aux acteurs qui le souhaitent et dressera une « liste blanche » des offres visées sur son site internet. Ce mécanisme a le mérite de la lisibilité, d’une charge moindre pour l’AMF et d’une discrimination positive effective à l’égard des acteurs visés. Il a été retenu sur cette base.

3.1.2        Acteurs autorisés à solliciter un visa

Il a été envisagé de permettre à l’Autorité des marchés financiers de délivrer un visa à toute offre destinée au marché français, indépendamment de la localisation de l’émetteur. Néanmoins, cette possibilité présente une limite majeure, s’agissant de la capacité de l’AMF à contrôler effectivement que les conditions posées sont remplies par l’émetteur étranger (immatriculation ou existence légale, mise en place d’un dispositif de séquestre…).

S’agissant d’un visa optionnel et dans un contexte où aucune règle légale n’a été mise en place dans les autres pays de l’Union européenne, une autre option consiste à limiter le champ d’application de cette mesure aux personnes morales ayant une présence en France et adressant leur offre, au moins en partie, au marché français. Il s’agit de l’option retenue dans le cadre du présent texte.

3.2.  Option retenue

L’Autorité des marchés financiers est rendue compétente pour délivrer un visa optionnel aux personnes morales établies en France, avant une offre au public de « jetons » qui ne serait pas soumise à la réglementation financière existante. Ce visa devra être délivré avant la phase de « pré-vente » des jetons (première phase de vente, à un prix avantageux) mais pourra intervenir à l’issue de la vente « privée » (souscription restreinte).

L’AMF vérifiera notamment l’existence d’un mécanisme de séquestre des fonds levés (éventuellement au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé), afin d’éviter les fraudes, et vérifiera le contenu du document d’information diffusé aux investisseurs (« white paper ») et imposera des exigences d’information ultérieure des investisseurs. Ces règles seront complétées par le règlement général de l’AMF.

En cas de non-respect des conditions du visa par un acteur ayant obtenu ce visa, l’AMF sera dotée d’un pouvoir de sanctions administratives et pourra retirer son visa.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Ces dispositions législatives seraient codifiées dans le code monétaire et financier.

Le titre V du livre V serait scindé en deux chapitres : un sur les intermédiaires en biens divers et un, nouveau, sur les émetteurs de jetons, comprenant trois articles (L.  550-6, L. 550-7, L. 550-8).

Trois autres articles du même code seraient modifiés (L. 621-7, L. 621-9 et L. 621-15).

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Ces dispositions interviennent dans un champ non régi, à ce stade, par le droit de l’Union européenne.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Cette mesure devrait favoriser les levées de fonds en France. Pour autant, l’existence de ces règles nouvelles est susceptible de modérer les montants levés (qui peuvent aujourd’hui monter à plusieurs centaines de millions d’euros pour un projet au niveau international).

En France, d’après les travaux de l’AMF, une vingtaine d’ICO ont été lancées l’année passée ou sont en préparation, pour un montant moyen de 25 millions d’euros.

Selon la maturité et la qualité des projets financés, les montants de fonds levés à l’avenir au moyen de ces offres de jetons sont susceptibles de représenter des montants variant entre quelques centaines de millions d’euros et, en cas de fort succès, quelques milliards d’euros. A titre de comparaison, les montants de capital risque représentaient environ 2,7 milliards sur les trois premiers trimestres de 2017.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

En raison de son caractère optionnel, ce visa ne représente pas une charge supplémentaire pour les entreprises qui souhaiteraient lever des fonds par ce biais, d’autant que certaines d’entre elles mettent déjà en œuvre des mesures visant à informer et protéger les investisseurs.

Une fois obtenu, ce visa est néanmoins susceptible de constituer un avantage commercial pour les entreprises concernées.

4.2.3        Impacts budgétaires et sur les services administratifs.

Aucun impact budgétaire direct n’est relevé.

Néanmoins, un impact budgétaire indirect est envisageable du fait de la charge accrue de traitement des demandes de visa pour l’AMF (2 ETP pour la Direction des Emetteurs).

4.3.  Impacts sur les particuliers

Information accrue des investisseurs souscrivant dans le cadre de telles offres protection accrue contre la fraude.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Une consultation publique a été menée par l’AMF du 26 octobre au 22 décembre 2017 (82 répondants, favorables à un texte ad hoc en majorité et, entre ces deux options, plus favorables à une logique optionnelle).

Des consultations de place ont également été menées sur le projet de dispositions (AMAFI, ANSA, Chaintech, cabinets d’avocats, acteurs de la blockchain). En majorité, les répondants étaient favorables au projet mais ont proposé des modifications rédactionnelles.

Enfin, le comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions envisagées entreraient en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2        Application dans l’espace

Les dispositions modifiées du code monétaire et financier sont applicables sur le territoire métropolitain, les collectivités territoriales d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion) ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, les dispositions modifiées du code monétaire et financier doivent être rendues applicables par une mention expresse d’applicabilité prévue dans le présent projet de loi, à l’exception des dispositions qui n’entrent pas dans le champ de compétence de l’Etat pour ces collectivités.

5.2.3        Textes d’application

La mise en œuvre des dispositions envisagées nécessitera de modifier le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

 


Article 27 relatif à l’élargissement des instruments éligibles au PEA-PME

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Le plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME) a été introduit par la loi de finances pour 2014. Il jouit d’un traitement fiscal similaire à celui du plan d’épargne en actions – PEA (22,5 % en cas de retrait avant 2 ans, 19 % entre 2 et 5 ans, exonération fiscale si aucun retrait n’est effectué pendant cinq ans à compter du premier versement, mais cible plus particulièrement les financements en fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaires (ETI). Sont ainsi éligibles au PEA-PME les entreprises de moins de 5000 salariés et celles réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1,5 Md€ ou dont le bilan total est inférieur à 2 Md€, dont le siège est basé dans un Etat membre de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’entraide fiscale. La loi de finances rectificative pour 2015 a assoupli les conditions d’éligibilité pour les entreprises cotées, qui sont désormais éligibles lorsqu’elles occupent moins de 5 000 salariés, ont une capitalisation boursière inférieure au milliard d'euros et qui ne sont pas détenues à plus de 25 % par une personne morale. Le plafond du PEA-PME est fixé à 75 000 euros (enveloppe qui se cumule aux 150 000 euros du PEA).

Hormis le montant de l’enveloppe fiscale, le PEA-PME se distingue à titre principal du PEA par la nature des titres éligibles : parts de SARL et actions de sociétés répondant à la définition de PME-ETI, titres de certains organismes de placement collectif à la condition qu’ils soient investis pour au moins 75 % de leurs actifs en titres de PME-ETI dont les deux tiers sont des parts ou des actions éligibles en cas d’investissement direct (les fonds communs de placement à risque étant éligibles de plein droit au PEA-PME) et, depuis 2016, obligations convertibles ou remboursables en actions cotés.

La France ne dispose néanmoins pas d’enveloppe fiscale dédiée aux instruments commercialisés par les plateformes de financement participatif – bien que le périmètre de ces instruments recouvre en partie celui de l’actuel PEA-PME. Ainsi, les instruments de financement en titres de dette des PME commercialisés via des plateformes (obligations à taux fixe, minibons, titres participatifs) ne jouissent pas d’un traitement fiscal favorable.

1.2.  Éléments de droit comparé

Le Royaume-Uni a prévu en 2016 un traitement fiscal favorable pour les instruments de financement en dette proposés par des plateformes de crowdfunding, en permettant leur inclusion dans un plan dit « innovative finance Individual Savings Account » (ISA)[277].

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

L’élargissement des instruments éligibles au PEA-PME implique une modification législative du cadre réglementaire actuel du PEA-PME, en particulier les dispositions relatives aux titres éligibles, actuellement codifiées dans le code monétaire et financier (article L. 221-32-2).

2.2.  Objectifs poursuivis

La réforme vise à élargir le champ des instruments éligibles au PEA-PME, afin d’encourager le financement des PME sous toutes ses formes, tout en ciblant des instruments déjà commercialisés dans un cadre protecteur pour les investisseurs (plateformes de financement participatif).

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Il a été envisagé d’élargir les instruments éligibles à tous les titres de créance des entreprises dont les titres de capital sont éligibles au PEA-PME. Cette option présente néanmoins la difficulté de couvrir des produits de taux d’entreprises de taille intermédiaire, qui ne présentent pas de risque justifiant une incitation fiscale.

Par ailleurs, il aurait pu être envisagé de fixer un montant maximal aux projets financés par ce biais, pour les limiter à de petits projets (par exemple 2,5 M€, comme pour le financement participatif) sans retenir l’obligation de conseil propre aux plateformes de crowdfunding.

Néanmoins, la double condition de montant maximal et d’obligation de conseil est apparue constituer une voie plus opportune, permettant de favoriser un cadre commercial protecteur pour l’investisseur. En effet, la commercialisation par les conseillers en investissement participatif fait l’objet de règles fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

3.2.  Option retenue

La réforme envisagée vise à élargir le périmètre des instruments éligibles (obligations à taux fixe, minibons, titres participatifs) au PEA-PME. L’enveloppe fiscale serait maintenue inchangée (75 000 euros).

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

La mesure envisagée vient modifier des dispositions codifiées dans le code monétaire et financier (article L. 221-32-2).

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Le PEA-PME représentait un encourt de 1,1 milliard d’euros au 3e trimestre 2017. Cet encours a augmenté de près de 60 % en 2015 et selon la même proportion en 2016.

Les faibles montants des instruments rendus éligibles au PEA-PME ne sont pas susceptibles d’engendrer à eux seuls un flux significatif par rapport à la tendance actuelle. Néanmoins, cet élargissement est susceptible de renforcer l’attractivité du plan et donc de préserver la tendance actuelle de tendance de l’encours, dans un scénario prudent (+ 60 % environ par an à horizon 2 ans puis tassement progressif) ou de l’amplifier (+ 100 % par an pendant deux ans puis tassement progressif).

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Cette réforme doit constituer une incitation supplémentaire au financement des PME, dans une proportion difficile à chiffrer précisément mais susceptible de représenter plusieurs centaines de millions d’euros par an.

Par ailleurs, cette mesure est de nature à encourager le développement du financement participatif et donc des plateformes qui commercialisent les instruments éligibles au nouveau plan, mais aussi des instruments déjà éligibles (actions).

4.2.3        Impacts budgétaires

Les encours actuels d’obligations commercialisées via les plateformes de financement participatif sont évalués à 115,8 millions d’euros et ceux de minibons à 10,8 millions d’euros d’après Financement Participatif France (baromètre 2017)[278]. Sur cette base, le montant de la dépense fiscale associée à cet élargissement des produits éligibles peut être évalué à 270 000 euros environ.

4.3.  Impacts sur les particuliers

Cette réforme intervient à enveloppe fiscale constante, dans la mesure où le plafond du PEA-PME ne sera pas modifié. Elle est néanmoins susceptible de développer le recours à cette enveloppe par les investisseurs particuliers souhaitant investir via les instruments éligibles.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Des consultations de place ont été menées sur le projet de dispositions.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière a été consulté le 22 mars 2018.

5.2.  Modalités d’application

Les dispositions modifiées du code monétaire et financier sont applicables sur le territoire de la République française, désignant la France métropolitaine et les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint Pierre et Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, les dispositions modifiées du code monétaire et financier doivent être rendues applicables par une mention expresse d’applicabilité prévue dans le présent projet de loi, à l’exception des dispositions qui n’entrent pas dans le champ de compétence de l’Etat pour ces collectivités.

5.2.1        Textes d’application

Il est nécessaire d’adapter par décret des dispositions réglementaires applicables au PEA-PME.

 


Article 28 visant à développer l’émission d’actions de préférence

1.         État des lieux

Les actions de préférence sont des titres de capital assortis de droits particuliers de toute nature (droits de vote ou droits pécuniaires) à titre temporaire ou permanent. Les droits attachés à ces actions sont librement aménagés par les statuts de la société, offrant à leurs émetteurs instruments souples permettant de répondre à des objectifs très variés, notamment pour attirer des investisseurs extérieurs sans perdre le contrôle de l’entreprise ou encore pour aménager la répartition des dividendes, par exemple en allouant à leurs détenteurs certaines prérogatives spécifiques.

Elles peuvent être émises par toute société par actions : société anonyme (SA), société en commandite par actions (SCA) et société par actions simplifiée (SAS)[279].

Les actions de préférence ont été créées par l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale, qui a ainsi offert un régime juridique unifié et libéralisé aux titres dérogatoires du droit commun. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et l’ordonnance n° 2008-1145 du 6 novembre 2008 relative aux actions de préférence ont complété et précisé le régime des actions de préférence sur certains points techniques[280]. L’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés prise en application de l'article 3 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a sécurisé le régime juridique du rachat d’actions de préférence par la société émettrice.

1.1.  Règles applicables en matière de droits de vote

L’article L. 228-11 du code de commerce, applicable à toutes les sociétés par actions, autorise l’attribution de droits de vote dérogatoires au droit commun : les actions de préférence peuvent ainsi être créées « avec ou sans droit de vote » et « le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. Il peut être suspendu pour une durée déterminée ou déterminable ou supprimé ».

L’article prévoit toutefois que les droits particuliers conférés par les actions de préférence doivent respecter les règles suivantes du code de commerce, applicables aux SA et SCA :

-          le principe de proportionnalité (article L. 225-122) : le droit de vote attaché aux actions est obligatoirement proportionnel à la quotité du capital qu’elles représentent ; toute clause contraire est réputée non écrite sous réserve des dérogations prévues ci-après ;

-          la faculté d’attribuer un droit de vote double aux seules actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative depuis 2 ans au moins ; dans les sociétés cotées, un doublement du droit de vote est de droit, sauf clause contraire des statuts[281] (article L. 225-123).

-          la faculté de limiter le nombre de voix de chaque actionnaire uniquement si la limitation est imposée à toutes les actions, sans distinction de catégorie, autres que les actions à dividende prioritaire sans droit de vote (article L. 225-125).

1.2.  Règles applicables en matière de droit de préférence à la souscription

L’article L. 225-132 du code de commerce reconnaît, lors de toute augmentation de capital en numéraire, à chaque actionnaire un droit préférentiel de souscription (DPS) des actions en numéraire émises pour la réalisation de l’augmentation de capital, proportionnellement au montant de ses actions. Ce principe d’ordre public, imposé par la deuxième directive[282] et repris à l’article 72 de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés, a pour objectif de protéger les actionnaires contre une éventuelle dilution. Le DPS ne peut être limité ni supprimé par les statuts, mais il peut l’être par décision de l’assemblée générale (paragraphe 4 de l’article 72 de la directive précitée). Tout type d’actionnaire bénéficie du DPS, aussi bien l’actionnaire ordinaire que le détenteur d’actions de préférence. Il s’ensuit des formalités supplémentaires et un délai plus long pour la réalisation de l’augmentation de capital afin de permettre à chaque actionnaire de pouvoir exercer ou renoncer à son DPS.

Le texte européen autorise les Etats membres à ne pas assortir d’un DPS les « actions auxquelles est attaché un droit limité de participation aux distributions au sens de l’article 56 et/ou au partage du patrimoine social en cas de liquidation » (article 72.2.-a) de la directive).

Le législateur français a exercé partiellement cette option prévue par la directive dans la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. En effet, le DPS a été retiré uniquement aux actions de préférence répondant aux conditions précitées et dépourvues de droit de vote à l’émission alors que la directive ne prévoit pas cette dernière condition, ce qui s’avère inadéquat en pratique.

1.3.  Règles applicables en matière de procédure des avantages particuliers

Les avantages particuliers correspondent à toute faveur, de nature pécuniaire ou non, attribuée au profit d’une ou de plusieurs personnes. L’octroi d’un avantage particulier donne lieu à l’application de la procédure dite des « avantages particuliers » dont les caractéristiques sont les suivantes :

-          désignation d’un commissaire aux apports (commissaire aux comptes n’ayant pas réalisé depuis 5 ans et ne réalisant pas de mission au sein de la société) ;

-          remise d’un rapport, qui décrit et apprécie chacun des avantages particuliers ou des droits particuliers attachés aux actions de préférence. S'il y a lieu, le commissaire aux apports indique, pour ces droits particuliers, quel mode d'évaluation a été retenu et pourquoi il a été retenu, et justifie que la valeur des droits particuliers correspond au moins à la valeur nominale des actions de préférence à émettre augmentée éventuellement de la prime d'émission (3ème alinéa du R. 225-136) ;

-          publicité du rapport pour informer les actionnaires.

-                     vote des actionnaires sur l’octroi des avantages particuliers sans que le ou les bénéficiaire(s) des avantages puissent prendre part au vote.

La création d’actions de préférence émises au profit d’un ou de plusieurs actionnaires est un avantage particulier. En application de l’article L. 228-15 du code de commerce, cette création donne lieu à l'application de la procédure des « avantages particuliers » lorsque les actions sont émises « au profit d'un ou plusieurs actionnaires nommément désignés ».

Le champ d’application de cette procédure manque toutefois de clarté : l’article L. 228-15 du code de commerce laisse en effet penser qu’elle est applicable aux seuls actionnaires existants, excluant ainsi l’application de la procédure protectrice lorsque l’émission est faite au profit de personnes, même nommément désignées, qui ne sont pas encore actionnaires (par exemple un nouvel investisseur).

1.4 règles applicables en matière de protection des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital (vmdac)

L’article L. 228-98 du code de commerce interdit un certain nombre d’opérations aux sociétés ayant émis des VMDAC. Les VMDAC sont des titres de créance qui présentent la particularité de permettre à leurs détenteurs (créanciers) un accès différé au capital de la société (débitrice) par conversion, échange, remboursement, présentation d’un bon ou de toute autre manière donnant lieu à l’attribution de titres représentant une quotité du capital. Elles comprennent, notamment, les obligations convertibles, les obligations avec bons de souscription d’actions (OBSA), les obligations remboursables en actions (ORA), les obligations convertibles et/ou échangeables en actions nouvelles ou existantes (OCEANE).

L’objectif de l’interdiction posée par l’article L. 228-98 est d’assurer aux porteurs de VMDAC que l’appréciation qu’ils ont faite, au jour de la souscription, de la valeur des titres escomptés, ne sera pas dévaluée par des opérations décidées par la société.

C’est la raison pour laquelle la société ne peut créer des actions de préférence entraînant une modification de la valeur escomptée des titres de capital auxquels la VMDAC donne droit (par exemple, par modification des règles de répartition de ses bénéfices ou par un amortissement de son capital) qu’aux conditions suivantes :

-          la société est autorisée à créer de telles actions par le contrat d'émission ou par la masse des porteurs de VMDAC, et

-          la société doit prendre des mesures de protection pour maintenir les droits des titulaires de VMDAC.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

2.1.1        Les règles applicables en matière de droits de vote restreignent la liberté inhérente au fonctionnement des actions de préférence

Les articles L. 225-122 à L. 225-125 du code de commerce, applicables aux SA et SCA, comportent d’importantes limites à la liberté d’aménager les droits particuliers conférés par les actions de préférence émises par ce type de sociétés :

-          les actions de préférence émises par les SA et les SCA ne peuvent offrir un droit de vote double que dans les conditions restrictives prévues pour les actions ordinaires, notamment pas de manière immédiate : les droits de vote double ne sont attribués qu’aux actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative depuis deux ans au moins ;

-          l’octroi d’un droit de vote multiple est également exclu pour les actions de préférence émises par les SA et les SCA.

Il en résulte :

-          une impossibilité d’octroyer rapidement des droits politiques forts à certains actionnaires, par exemple aux fondateurs, ce qui prive ces derniers d’un outil qui leur permet d’éviter d’être dilué, notamment dans le modèle des start-ups qui dissocie le rôle des investisseurs de celui des fondateurs. Or, les entreprises françaises ont un réel besoin de renforcer leurs fonds propres pour financer leur développement. Un raisonnement identique peut être tenu s’agissant d’anticiper la transmission de l’entreprise ou de fidéliser des salariés ;

-          une différence injustifiée entre les SA et les SCA, d’une part, et les SAS, d’autre part : les SAS ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 225-122 à L. 225-125 du code de commerce et elles peuvent ainsi émettre des actions de préférence à droit de vote double dès leur émission et même à droit de vote multiple. Une incertitude subsiste toutefois sur cette faculté : certains auteurs estiment en effet que les actions émises par une SAS restent soumises au principe de proportionnalité et au plafonnement des droits de vote dans les assemblées en application de l’article L. 228-11, au regard de la généralité de cet article postérieur à celui introduisant cette faculté dans les SAS.

2.1.2        Les règles applicables en matière de droit préférentiel de souscription (DPS) constituent un frein à leur émission

Le fait que les porteurs d’actions de préférence assorties de droits de vote qui comportent des droits financiers limités disposent d’un DPS est à la fois inutile et source de complication :

-          le DPS peut être considéré comme inutile pour autant que les porteurs d’actions de préférence sont en raison des caractéristiques des actions de préférence qu’ils détiennent, indifférents aux augmentations de capital ultérieures de la société ;

-          le DPS est également source de complication en cas d’émission ultérieure d’actions réservée à un investisseur particulier : l’existence d’un DPS au profit des porteurs d’actions de préférence impose de faire voter ces derniers en assemblée spéciale sur la suppression de leur DPS. En l’absence de quorum ou en cas de vote négatif de l’assemblée spéciale, l’émission d’actions réservée ne peut avoir lieu. La société doit donc se mobiliser pour inciter les titulaires d’actions de préférence à participer à l’assemblée spéciale, afin de réunir le quorum suffisant et de pouvoir faire adopter la décision relative à l’augmentation de capital.

En outre, en prévoyant que les actions de préférence concernées par la privation du DPS doivent être sans droit de vote à l’émission, l’ordonnance n° 2008- 1145 du 6 novembre 2008 a créé des situations qui ne sont pas totalement satisfaisantes : la privation du DPS continue à jouer même si, au cours de leur existence, les actions en cause retrouvent leur droit de vote. A l’inverse, dès l’instant où elles sont émises avec un DPS, les actions conservent le DPS même si les actions sont privées de droit de vote au cours de leur existence[283].

De telles limitations se sont révélées excessives en pratique.

2.1.3        Les règles applicables en matière de procédure des avantages particuliers sont ambigües

Le champ de la procédure des avantages particuliers manque de clarté. Il importe que la procédure ne soit pas uniquement applicable en cas d’actions de préférence réservées aux seuls actionnaires existants. En effet, l’avantage particulier et le risque de rupture d’égalité qu’est censée prévenir cette procédure est tout aussi réel lorsque l’émission d’actions de préférence est faite au profit de personnes, même nommément désignées, qui ne sont pas encore actionnaires (par exemple, un nouvel investisseur qui entre au capital).

L’article L. 228-15 du code de commerce doit donc être interprété largement, ce que précise la disposition proposée.

2.1.4        Les règles applicables en matière de protection des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital (VMDAC) sont peu claires

S’agissant de l’interdiction d’un certain nombre d’opérations aux sociétés ayant émis des valeurs mobilières donnant accès au capital (VMDAC), la rédaction de l’article L. 228-98 du code de commerce paraît confuse.

En effet, en cas d’émission de VMDAC, la création d’actions de préférence est soumise aux contraintes prévues au deuxième alinéa de l’article L. 228-98 du code de commerce dès lors que les actions de préférence entraînent une modification des règles de répartition des bénéfices ou un amortissement du capital de la société émettrice.

A contrario, ces contraintes ne s’appliquent pas dans les autres cas, par exemple en cas de création d’actions de préférence comportant d’autres droits (droit à une information privilégiée, droit de siéger au conseil d’administration de la société).

Le troisième alinéa de l’article L. 228-98 du code de commerce qui précise que la société émettrice de VMDAC peut créer des actions de préférence « sous ces même réserves » paraît dès lors redondant avec le deuxième alinéa et nuit à la lisibilité de l’article.

2.2.  Objectifs poursuivis

Les mesures proposées visent à favoriser le recours aux actions de préférence, et par voie de conséquence, la croissance des entreprises dans des contextes divers, en raison de la grande souplesse de cet outil.

Les actions de préférence constituent notamment un outil privilégié pour renforcer les fonds propres des entreprises indispensables à leur croissance et améliorer les capacités de financement des entreprises. Contrairement aux obligations qui représentent une dette de la société émettrice, les actions de préférence font partie du capital de la société émettrice[284] au même titre que les actions ordinaires.

Dotées de droit vote multiple, les actions de préférence émises au profit des fondateurs de start-ups devraient permettre à ces dernières de faire entrer au capital des tiers extérieurs tout en maintenant le contrôle aux mains des fondateurs de l’entreprise. Les actions de préférence constituent ainsi le moyen de lever un frein à la croissance de ces entreprises. En effet, les fondateurs sont souvent réticents à ouvrir leur capital de peur de subir un abus de majorité en devenant minoritaires au sein de la société qu’ils ont créée.

De la même manière, elles constituent un instrument prisé par les entreprises familiales pour renforcer leurs fonds propres.

En tant qu’alternative à l’emprunt, elles peuvent par également être utilisées dans les montages de LBO (Leverage Buy Out) pour permettre aux dirigeants de la holding de reprise de conserver le pouvoir de gestion en démultipliant leur pouvoir de contrôle tout en permettant l’entrée au capital d’investisseurs en capital-risque qui participent au financement de l’acquisition de la société cible. A l’heure actuelle, les montages de LBO concernent principalement des PME[285].

Les mesures proposées ont également vocation à faciliter la transmission d’une entreprise en permettant aux fondateurs d’adapter les droits attribués dans le capital à leurs successeurs en fonction de leur situation personnelle et familiale (en conservant, par exemple, des droits politiques renforcés avant de transmettre ultérieurement le contrôle politique de la société à leurs successeurs).

Les mesures proposées visent enfin à mettre en œuvre un outil innovant pour associer les salariés aux résultats de l’entreprise tout en se réservant l’exercice du pouvoir, voire pour fidéliser les salariés en modulant l’exercice du pouvoir au sein de l’entreprise tout en intéressant les salariés à la stratégie et aux performances de l’entreprise.

Pour favoriser le recours aux actions de préférence, les mesures proposées viennent en premier lieu lever les obstacles à la liberté d’aménager le droit de vote multiple.

Il est ainsi proposé d’autoriser, dans toutes les sociétés par actions non cotées, la création d’actions de préférence dotées d’un droit de vote double dès leur émission ou d’un droit de vote multiple.

Afin de ne pas créer une instabilité juridique concernant le droit des sociétés cotées et les principes introduits par la récente loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, la proposition est limitée aux sociétés non cotées sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation. C’est la raison pour laquelle l’option consistant à élargir la mesure aux sociétés cotées n’a pas été retenue.

En second lieu, l’article vise à clarifier et à assouplir les règles d’émission des actions de préférence à plusieurs titres :

L’incertitude juridique liée à la rédaction du premier alinéa de l’article L. 228-11 du code de commerce détourne les SAS des actions de préférence alors que cet outil offre un cadre sécurisé pour le développement des financements en fonds propres des entreprises et l’exercice de certains droits ou la mise en place de certaines opérations.

 

 

 

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.  Impacts juridiques

3.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

S’agissant de la levée de l’entrave à la liberté d’aménager le droit de vote multiple, la mesure proposée offre un outil de financement souple et adapté mais elle reste encadrée :

-          elle offre aux SA et SCA la même souplesse et les mêmes opportunités que dans les SAS ;

-          elle n’affecte pas les dispositions issues de la loi du 29 mars 2014 car elle ne concerne pas les sociétés cotées sur un marché réglementé ;

-          les sociétés cotées sur un système multilatéral de négociation (SMN), qui ne bénéficient ni du régime juridique des droits de vote double de plein droit prévu par la loi du 29 mars 2014 en faveur des sociétés cotées sur un marché réglementé, ni du régime des droits de vote multiple, continuent de bénéficier du droit d’émettre des actions de préférence à droit de vote double sous réserve de respecter les conditions de détention mentionnées ci-dessus.

Les autres mesures apportent une clarification du régime d’émission des actions de préférence et une meilleure lisibilité des textes en vigueur.

3.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La mesure relative à la suppression du DPS pour tous les porteurs d’actions de préférence assorties de droit de vote qui comportent des droits financiers limités permet de supprimer une sur-transposition de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017, source de complication pour la société et nuisant à la compétitivité et à l’attractivité du droit français. Ainsi, le Royaume-Uni, l’Espagne et les Pays-Bas permettent la suppression du DPS pour toutes les actions de préférence dès l’instant qu’elles comportent des droits financiers limités, ce qui peut conduire un émetteur à privilégier ces Etats afin de simplifier les émissions.

Les autres mesures sont conformes au droit international et au droit de l’Union européenne.

3.2.  Impacts économiques et financiers

3.2.1        Impacts macroéconomiques

Les mesures proposées permettront d’améliorer le financement des entreprises. En renforçant les fonds propres des sociétés, les mesures :

-          améliorent la solidité financière des sociétés et par voie de conséquence, réduisent les risques de défaillance,

-          favorisent leur croissance,

-          favorisent la diversité des sources de financement et réduisent la dépendance des sociétés à l’égard du crédit bancaire.

En assouplissant les règles d’émission des actions de préférence, les mesures renforceront l’attractivité du droit français et de la place de Paris.

3.2.2        Impacts sur les entreprises

L’impact qualitatif consiste en un assouplissement de la gestion de l’entreprise.

Les mesures proposées concernent potentiellement 376 000 entreprises (sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions et sociétés par actions simplifiées).

4.         Modalités d’application

4.1.1        Application dans le temps

Les mesures envisagées sont applicables uniquement aux actions de préférence émises à compter de l’entrée en vigueur de la loi. L’objectif est de ne pas bouleverser les droits attachés aux actions déjà émises à la date d’entrée en vigueur.

4.1.2        Application dans l’espace

Les dispositions sont étendues à Wallis-et-Futuna par l’article spécifique d’extension à Wallis-et-Futuna des dispositions du projet de loi modifiant le code de commerce.

En revanche, aucune extension n’est prévue pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où la matière relève de la compétence de ces collectivités.

Article 29 relatif à l’amélioration du dispositif Entreprise solidaire d’utilité sociale

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS) a réformé dans son article 11 l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS), codifié à l’article L. 3332-17-1 du code du travail, et apporté les deux novations suivantes :

En premier lieu, l’ESS a été élargie au-delà du périmètre historique de l’économie sociale (associations, coopératives, mutuelles, fondations). L’ESS intègre désormais de nouvelles formes de sociétés commerciales régies par le code de commerce, respectant les principes transversaux[286] suivants : un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices[287] ; une gouvernance démocratique[288] ; le caractère impartageable et non distribuable des réserves obligatoires constituées[289] ; l’interdiction pour une société commerciale de l’ESS d’amortir le capital et de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes[290] ; des règles de gestion relatives aux obligations de mise en réserve par les sociétés commerciales de l’ESS[291]. Au terme de ces évolutions, les entrepreneurs sociaux disposent au sein de l’ESS d’une gamme de possibilités analogues à celles ouvertes aux entrepreneurs classiques, pour soutenir en fonds propres une croissance rapide de leur modèle économique. Ainsi, au sens de l’article 1er de cette loi, les entreprises de l’ESS regroupent désormais : l’ensemble des associations ayant une activité économique ; les coopératives ; les mutuelles ; les fondations ; les sociétés commerciales de l’ESS. Ce périmètre regroupe au total 221 136 établissements en France, dont plus de de 180 000 associations[292].

En second lieu, au sein de ce vaste ensemble, qui réunit une grande diversité de modèles économiques et de secteurs d’activités, la loi ESS a redéfini l’agrément ESUS ou « agrément solidaire ». Ce dispositif initialement créé par la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale ne faisait pas l’objet, dans ses modalités résultant de la loi n° 2008-152 du 4 août 2018 de modernisation de l’économie, d’un cadrage législatif suffisamment précis, si bien que toutes les entreprises de l’ESS, quelle que soit leur activité, pouvaient juridiquement être considérées comme éligibles à l’agrément. Désormais, seules en bénéficient les entreprises de l’ESS poursuivant comme objectif principal la recherche d’une utilité sociale, au sens de l’article 2 de la loi ESS, cette définition recouvrant principalement le soutien à des publics en situation de fragilité, ainsi que le maintien et le renforcement de solidarités territoriales. Cette notion est clé pour apprécier l’éligibilité ou non de tel ou tel modèle économique entrepreneurial. Ces entreprises doivent également appliquer strictement des principes de limitation des écarts de salaire, définis par la loi, ainsi que disposer d’une gouvernance démocratique. Cet agrément est délivré par les services déconcentrés de l’Etat (Direccte) pour une durée de cinq ans. Par exception, pour les entreprises créées depuis moins de trois ans à la date de la demande d’agrément, l’agrément est délivré pour une durée de deux ans.

Le dispositif « ESUS » permet notamment de flécher une partie de l’épargne solidaire collectée en France vers les bénéficiaires de l’agrément. Ce fléchage intervient d’une part de manière directe, via un volet spécifique du dispositif dit « IR-PME » de réduction d’impôt sur le revenu accordé au titre des souscriptions en numéraire au capital des entreprises agréées ESUS exerçant des activités immobilières ou financières[293], de telles activités n’étant pas éligibles au régime de droit commun du dispositif « IR-PME ». D’autre part, un tel fléchage peut aussi agir de manière indirecte, par l’obligation faite à des fonds fiscalement encouragés de respecter certains quotas d’investissement dans les entreprises agréées ESUS, comme c’est le cas pour les fonds d’épargne salariale solidaire (fonds dits « 90-10 »), tenus d’y investir entre 5% et 10% de leur actif, en vertu de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier.

La qualification opérée par cet agrément est importante :

-          pour ses bénéficiaires tout d’abord, qui signalent ainsi aux investisseurs solidaires ou aux collectivités publiques la spécificité de leur modèle économique ;

-          symétriquement pour les investisseurs et collecteurs d’épargne : la robustesse de cette qualification constitue un enjeu majeur pour assurer une mobilisation adéquate des actifs solidaires ;

-          et enfin, pour les citoyens qui entendent donner du sens à leur épargne, via un dispositif garantissant que l’entreprise agréée exerce des activités présentant un degré d’exigence minimale, en termes de recherche d’impact social.

Les fonds « 90-10 » combinent : le respect d’un quota de leur actif global, compris entre 5 et 10 % de l’ensemble de cet actif, et composé de titres émis par des entreprises agréées ESUS» ; des rentabilités globales à peine moins élevées, voire identiques, à celles offertes par les autres fonds d’épargne salariale ; un degré de protection élevé de l’épargne investi. Face aux attentes des épargnants, une telle combinaison a contribué à une augmentation exponentielle des encours collectés, passant ainsi de 1.4 milliards d’euros en 2010, à plus 6 milliards d’euros en 2016[294].

Dans ce contexte, la réforme du dispositif ESUS par la loi ESS a eu pour objectif de lui donner une cohérence d’ensemble, autour de la notion d’utilité sociale définie à l’article 2 de cette loi. L’exigence en termes d’utilité sociale des activités des entreprises demandeuses de l’agrément est dès lors appréciée autour de trois dimensions clés pour analyser la mise en œuvre de solidarités : les publics ciblés, et leur degré de vulnérabilité ; le maintien ou la recréation de solidarités territoriales ; la promotion de logiques d’éducation et de sensibilisation citoyennes.

Ces exigences peuvent se décliner dans plusieurs secteurs d’activité : champ social, médico-social et sanitaire ; développement durable et transition écologique ; promotion culturelle ; solidarité internationale.

954 agréments ESUS ont été délivrés au cours de l’année 2016 et du premier trimestre 2017[295].

1.2.  Éléments de droit comparé

Parmi les Etats membres de l’OCDE, la France est probablement l’un de ceux à avoir le plus approfondi le travail de définition légale autour du concept d’ESS ; le Luxembourg s’est doté d’une législation assez proche, avec la loi du 12 décembre 2016 portant création des sociétés d’impact sociétal.

En revanche, l’utilisation d’un agrément administratif de type ESUS est une singularité française, au sens où ce dispositif permet de distinguer au sein de cet ensemble légalement défini qu’est l’ESS, les entités dont le modèle économique est orienté de manière significative vers une utilité sociale, telle que définie dans la loi.

L’existence du dispositif ESUS a rendu possible le développement de fonds de collecte d’épargne solidaire, tels les fonds 90-10 d’épargne salariale : tout particulièrement depuis le vote de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS, une réflexion active a été menée dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne, en lien notamment avec la Commission européenne, à partir de l’expérience française combinant d’une part un tel dispositif d’agrément, et d’autre part le développement de tels fonds de collecte d’épargne solidaire. Ces dispositifs sont fréquemment cités dans les études comparatives internationales relatives au développement de l’investissement à impact social.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La première difficulté rencontrée, dans l’application des règles législatives actuelles, touche à la portée exacte qu’il convient de donner à la définition légale de l’utilité sociale.

Depuis la loi relative à l’ESS du 31 juillet 2014, l’appréciation, par les services instructeurs, de l’éligibilité à l’agrément s’opère principalement autour de la notion d’utilité sociale, telle que définie à son article 2. Cette notion combine :

-          des exigences-clés de solidarité : soutien à des publics ciblés en fonction de leur degré de vulnérabilité; OU le maintien/recréation de cohésions territoriales ; OU la promotion de logiques de sensibilisation citoyennes ;

-          ET la définition de plusieurs secteurs d’activités rendus par cette loi explicitement éligibles à l’agrément : champ social, médico-social et sanitaire (traditionnellement éligible à l’agrément) ; OU développement durable et transition écologique ; OU promotion culturelle ; OU solidarité internationale.

Dans la rédaction actuelle de l’article 2, la combinaison de ces exigences-clés de solidarité et des secteurs d’activités éligibles est présentée de manière assez obscure et peu cohérente, donnant par ailleurs lieu à des interprétations souvent trop restrictives des services instructeurs, habituées aux critères traditionnels (sociaux).

Afin de clarifier la portée donnée à ces écritures législative, la voie interprétative, par exemple par circulaire administrative, aurait pu être envisagée. Mais le critère de l’utilité sociale revêt une dimension tellement structurante pour l’octroi de l’agrément ESUS qu’il a semblé préférable, pour éviter tout risque de contentieux, de proposer une clarification directement dans le texte constituant en l’espèce la source de la norme juridique, à savoir la loi.

C’est pourquoi il est proposé de formuler dans la loi, de manière plus explicite, l’ouverture de l’agrément ESUS aux nouveaux secteurs d’activité, au-delà du champ traditionnel de l’accompagnement social, médico-social ou sanitaire.

La seconde difficulté touche à l’inutile complexité de certaines conditions d’accès à l’agrément ESUS, telles que posées par la loi ESS.

Il est ainsi proposé :

-          de simplifier les modalités d’appréciation de l’impact des activités d’utilité sociale sur le modèle économique du demandeur, lesquelles s’appuient actuellement en partie sur un mode de justification complexe (et mal utilisé), basé sur la notion de rentabilité financière ;

-          de simplifier certaines exigences formelles faites aux entreprises demandeuses de l’agrément ESUS : ainsi, ce plafonnement de rémunération n’aurait plus à être inscrit dans les statuts de l’entreprise demandeuse, comme c’est le cas actuellement, ce qui a pénalisé l’accès à l’ESUS notamment pour de nombreuses associations, alors qu’il est très simple de justifier du respect du plafond par d’autres moyens.

La dernière difficulté touche à certaines disparités inexplicables dans les conditions d’accès à l’agrément ESUS, telles que posées par la loi ESS.

C’est pourquoi il est proposé d’harmoniser le champ d’application du plafond de rémunération précédemment mentionné, lequel serait désormais appliqué à l’ensemble des entreprises éligibles à l’agrément ; cette évolution a toujours été largement demandée (dès la préparation et le vote de la loi relative à l’ESS de 2014) par les principales catégories d’entités dispensées de cette obligation.

2.2.  Objectifs poursuivis

Au terme d’un premier bilan de mise en œuvre du dispositif ESUS, une série de pistes d’améliorations sont envisagées, pour atteindre plusieurs objectifs :

-          deux clarifications des exigences posées par la loi, en particulier de la notion d’utilité sociale (article 2 de la loi ESS) et des modalités d’appréciation de l’impact des activités d’utilité sociale sur le modèle économique de l’entreprise (énoncées au 2° du I de l’article L3332-17-1 du code du travail). L’objectif de ces clarifications est de mieux unifier, sur le territoire et en fonction des modèles économiques candidats, l’interprétation par les Direccte des conditions d’accès à l’agrément ESUS ;

-          l’harmonisation, dans la loi, de la condition d’écart maximal de rémunérations énoncée au 3° du I de l’article L3332-17-1 du code du travail devraient rendre le dispositif plus lisible, à la fois pour les demandeurs et pour les services instructeurs;

-          enfin, une série de mesures infra-législatives devraient accélérer et fluidifier l’instruction des demandes : précisions de la doctrine d’engagement des services instructeurs ; optimisation des systèmes d’information, notamment pour un pilotage national plus efficace des services instructeurs, mais aussi pour favoriser la pré-instruction des dossiers de demandes par des réseaux d’accompagnement privés ; simplification et clarification des procédures de demande d’agrément.

Les trois évolutions législatives proposées (clarifications de la notion d’utilité sociale ; clarification des modalités d’appréciation de l’impact des activités d’utilité sociale sur le modèle économique de l’entreprise ; harmonisation de la condition d’écart maximal de rémunérations) s’inscriraient dans le cadre d’une série plus large d’améliorations visant globalement à augmenter la lisibilité du dispositif et à accélérer et fluidifier l’instruction des demandes.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Avant d’envisager l’évolution des dispositions de nature législatives, ont été recensées (et souvent aussi partiellement mises en œuvre) plusieurs options de nature infra-législative susceptibles d’améliorer le dispositif, et notamment :

-          la diffusion à destination des services instructeurs d’indications destinées à clarifier et harmoniser les nouvelles conditions d’octroi de l’agrément ESUS posées par la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’ESS. Une instruction en vue de la mise en œuvre du dispositif de l’agrément ESUS a ainsi été publiée en ce sens le 20 septembre 2016. Elle fournit notamment des lignes directrices pour l’appréciation de certains critères d’éligibilité à l’agrément ESUS, et notamment de l’utilité sociale, ainsi qu’une fiche d’appui à l’instruction des demandes d’agrément à destination des services instructeurs, et des courriers standardisés afin de fluidifier le processus d’octroi de l’agrément ;

-          en complément de cette instruction, ont été organisées plusieurs séquences nationales de formations des services instructeurs qui ont réuni la centaine d’agents chargés de l’instruction des demandes d’agrément, au sein des Direccte ;

-          à l’aune des premières années de mise en œuvre, ainsi que des échanges intenses et continus conduits avec les services instructeurs, plusieurs évolutions de nature réglementaires s’imposent, notamment pour simplifier certaines exigences inutilement complexes s’imposant aux demandeurs de l’agrément (telles que les modalités de justification des demandes ou les obligations excessivement contraignantes de modification des statuts des entreprises demandeuses) ;

-          enfin, un consensus s’est aussi notamment dégagé, pour approfondir le travail collectif, entre l’Etat et les acteurs privés « de place » impliqués dans le suivi et l’animation du dispositif, autour d’un système d’information unifié, dont la conception permettrait de mieux valoriser les contributions des acteurs désireux de mieux accompagner les demandeurs dans l’élaboration de leur dossier, mais aussi de favoriser le pilotage national par l’Etat de ses services instructeurs.

Toutefois, pour assurer la pleine effectivité et la cohérence de cet ensemble de mesures infra-législatives, le cadre législatif doit être ponctuellement adapté.

3.2.  Option retenue

Comme indiqué au point précédent, les adaptations législatives ponctuelles proposées constituent le point de passage nécessaire d’un ensemble de mesures de simplification, fluidification et harmonisation du dispositif ESUS.

En l’absence de ces mesures législatives, les voies d’amélioration de nature infra-législatives qui pourraient être apportées continueraient de buter sur des blocages que ces mesures ponctuelles contribueraient à lever.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article L. 3332-17-1 du code du travail définit notamment le périmètre juridique d’éligibilité à l’agrément ESUS. Les modifications proposées, par clarification et simplification des conditions d’accès à ce dispositif, contribuent à préciser ce périmètre.

L’obtention de l’agrément constitue une condition d’éligibilité, soit à des dispositifs de soutien fiscal, soit à des vecteurs d’investissement à impact social (fonds 90-10) dont le développement fait l’objet d’un encouragement de nature réglementaire et prudentielle.

Les améliorations proposées devraient donc avoir pour effet de clarifier et d’améliorer la lisibilité de ces dispositifs et vecteurs d’investissement.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

L’agrément ESUS n’est la résultante d’aucune norme communautaire ou internationale.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

La simplification et la clarification de l’octroi de l’agrément ESUS permettront d’augmenter le nombre d’entreprises agréées, ce qui se traduira en une meilleure visibilité de cet ensemble dans l’économie. La croissance du nombre de demande d’agrément résultant de la mesure législative proposée est difficile à estimer mais pourrait être substantielle. En effet, la simplification du dispositif tend à diminuer le coût administratif lié à la réalisation de la demande d’agrément pour les petites entreprises de moins de 49 salariés, lesquelles représentent 50.5% des entreprises de l’ESS[296].

La simplification opérée rendra également le dispositif plus lisible, notamment auprès des investisseurs qui auront ainsi une meilleure compréhension des implications de l’agrément, notamment en termes d’impact social devant être recherché par l’entreprise bénéficiaire de l’agrément ESUS. Ils seront ainsi mieux à même de financer les entreprises agréées.

Au-delà de l’impact qu’elle pourra avoir sur les entreprises qui seront directement éligibles à l’agrément ESUS, la structuration de discussions « de place » autour des pratiques d’investissement à impact social pourra aussi avoir des effets indirects utiles.

Ainsi certaines entreprises, bien que non éligibles à cet agrément, pourraient, à la faveur de ces discussions se trouver plus visibles auprès d’investisseurs désireux de valoriser la recherche d’un impact social, certes trop ponctuel pour constituer un facteur d’éligibilité à l’agrément, mais néanmoins bien défini, identifié et mesurable.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

L’agrément ESUS est délivré pour une période de cinq ans. Par exception, pour les entreprises âgées de moins de trois ans à la date de la demande d’agrément, celui-ci est délivré pour une durée de deux ans.

Les mesures proposées présentent exclusivement un impact favorable aux entreprises bénéficiaires du dispositif ESUS.

a)      S’agissant des clarifications applicables aux modalités d’appréciation de la condition d’impact des activités d’utilité sociale sur le modèle économique de l’entreprise

Concernant les entreprises déjà agréées, aucun impact n’est à prévoir au moment du renouvellement de l’agrément, pour la quasi-totalité d’entre elles, sauf pour celles ayant justifié de leur activité d’utilité sociale après limité leur rentabilité financière (comme prévu au 2° du I de l’article L3332-17-1 du code du travail), qui ne pourront plus recourir à cette voie de justification lors d’un éventuel renouvellement d’agrément. Or, d’une part, dans les faits, un nombre infime d’entreprises ont opté pour ce mode de justification ; d’autre part, celles de ces entreprises ayant fait ce choix pourront dans tous les cas sans difficulté se concentrer sur le principal mode de justification retenu, à savoir une appréciation de l’impact des activités d’utilité sur le modèle économique de l’entreprise.

Pour les entreprises qui ne bénéficient pas de l’agrément et y seraient éligibles, le dispositif sera plus accessible et plus lisible. En effet, les modalités de justification des activités d’utilité sociale de l’entreprise sur son modèle économique mentionnées au 2° du I de l’article L3332-17-1 du code du travail sont trop complexes par rapport à la réalité des modèles économiques portés par les entreprises candidates à l’agrément. En particulier, la référence à la notion de « rentabilité financière » de l’entreprise oblige les candidats à présenter la structure de rémunération de l’ensemble des titres situés dans la partie la plus haute de leur bilan.

Un tel exercice exige un investissement technique de la part des porteurs de projet, investissement qui est le plus souvent disproportionné par rapport à l’objectif recherché : à savoir apprécier l’importance occupée par les principales missions d’utilité sociale de l’entreprise dans son modèle économique.

Il est donc proposé via la présente mesure que ce critère d’appréciation soit formulé de manière plus simple, ouvrant la voie à des justifications plus aisées.

b)     S’agissant de l’harmonisation de la condition d’écart de rémunérations

Cette harmonisation conduira à appliquer cette condition à des catégories d’entreprises (celles listées au II de l’article L. 3332-17-1 du code du travail) qui n’y étaient pas assujetties jusqu’ici, mais qui, en pratique, la respectait de manière systématique. Ce respect était d’autant plus systématiquement vérifié en pratique que les entreprises d’insertion par l’activité économique, qui représentent la quasi-totalité des bénéficiaires accédant à l’agrément ESUS par la voie du II de cet article L.3332-17-1, ont toujours fait comprendre leur attente de se voir appliquer cette exigence, qui traduit pleinement leur pratique habituelle.

4.2.3        Impacts budgétaires

En l’état actuel du calibrage des dispositifs de soutien fiscal aux entreprises bénéficiant de l’agrément ESUS, les impacts budgétaires, à droit fiscal constant, d’une augmentation de la population des bénéficiaires de l’agrément seraient très limités : les modifications opérées permettront en effet une augmentation du nombre d’entreprises agréées ESUS mais seules celles exerçant des activités financières ou immobilières pourront bénéficier du volet « solidaire » du dispositif IR-PME (cf. à ce propos les explications données au point 1.1), seul source directe de dépense fiscale pour les entreprises agréées ESUS. Or les modifications opérées ne visent pas en particulier ces deux activités qui constituent une part très minoritaire des agréments octroyés (2.1% au 31 mars 2017[[1]]), cette part n’a donc pas vocation à augmenter. De plus, on ne peut pas évaluer l’impact direct de la mesure sur les demandes d’agrément provenant de ces activités.

En revanche, la clarification attendue des évolutions législatives proposées constitue une condition nécessaire pour assurer une évaluation crédible de toute éventuelle évolution du périmètre fiscal adossé à l’agrément ESUS.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

L’agrément ESUS est un dispositif national, à ce stade encore très peu utilisé par les collectivités territoriales comme outil de sélection d’entreprises partenaires, dans le cadre de leur politique d’achat public.

L’impact à court terme de ces évolutions sur les collectivités territoriales devrait donc demeurer marginal.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La mise en place de processus d’instructions plus rapides et plus fluides, grâce à la simplification du dispositif, la mise en place d’outils dématérialisés de traitement des demandes facilitera le travail des services instructeurs (les DIRECCTE).

4.5.  Impacts sociaux

4.5.1        Prise en compte du handicap

Le dispositif de l’agrément ESUS constitue une action de promotion de modèles économiques entrepreneuriaux qui, pour certains d’entre eux concourent à une meilleure prise en charge du handicap.

Toutefois les évolutions proposées de ce dispositif n’ont pas en soi d’effet sur la prise en compte du handicap.

4.5.2        Impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Le dispositif de l’agrément ESUS constitue une action de promotion de modèles économiques entrepreneuriaux qui, pour certains d’entre eux concourent à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, au travers notamment de l’objectif d’éducation à la citoyenneté mentionné à l’article 2 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’ESS.

Toutefois les évolutions proposées de ce dispositif n’ont pas en soi d’effet sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

4.5.3        Impact sur la jeunesse

Le dispositif de l’agrément ESUS constitue une action de promotion de modèles économiques entrepreneuriaux qui, pour certains d’entre eux cherchent directement un impact auprès des jeunes au travers l’éducation à la citoyenneté, via l’éducation populaire, ou en apportant un soutien à des jeunes fragiles.

Toutefois les évolutions proposées de ce dispositif n’ont pas en soi d’effet sur la jeunesse.

4.6.  Impacts sur les particuliers

Les modèles économiques éligibles à l’agrément ESUS présentent par construction des impacts, en termes de solidarité sur les bénéficiaires finaux.

Toutefois les évolutions proposées de ce dispositif n’ont pas en soi d’effet sur les particuliers.

4.7.  Impacts environnementaux

Les modèles économiques éligibles à l’agrément ESUS présentent par construction des impacts, en termes de développement durable.

Toutefois les évolutions proposées de ce dispositif n’ont pas en soi d’effet direct sur l’environnement.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Des concertations informelles, menées fin février 2018, ont permis de mettre en évidence des lignes de consensus autour des évolutions proposées, tant législatives qu’infra-législatives, auprès des principaux acteurs privés impliqués dans l’animation et le suivi du dispositif (réseaux d’accompagnement des entreprises solidaires ; représentants des entrepreneurs sociaux et des investisseurs solidaires).

Par ailleurs, conformément à l’article 4 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’ESS, sur cette mesure législative, le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire a été consulté.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les dispositions législatives modifiées ont vocation à entrer en vigueur à la date d’entrée en vigueur de la loi.

5.2.2        Application dans l’espace

L'article L.3332-17-1 du code du travail est applicable à Mayotte depuis le 1er janvier 2018 sans modification. Cet article est également applicable, de plein droit et sans adaptation, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Les modifications envisagées peuvent s'appliquer dans toutes les collectivités ultra-marines susmentionnées sans adaptation. Dès lors, aucune consultation des assemblées de ces collectivités n'est nécessaire.

Cependant, le code du travail n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Les modifications qui seront apportées à l'article L.3332-17-1 du code du travail n'y trouveront donc aucun effet.

5.2.3        Textes d’application

Certains textes réglementaires pris pour l’application des dispositions législatives concernées devront être adaptés. C’est notamment le cas de l’article R. 3332-21-1 du code du travail, qui transcrit par voie réglementaire les modalités, prévues au 2° du I. de l’article L. 3332-17-1 du code du travail, d’appréciation de l’impact des activités d’utilité sociale sur le modèle économique de l’entreprise.


Article 30 à 39 : Moderniser la gouvernance de la CDC pour améliorer ses actions en faveur des territoires

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Créée par l’article 110 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances complété par l’ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la caisse des dépôts et consignations, la Caisse des dépôts et consignations est, aux termes de l’article L.518-2 du code monétaire et financier, « un groupe public au service de l’intérêt général et du développement économique du pays ». Ce groupe est constitué par un établissement public de l’Etat à statut spécial, que la loi française et les textes européens autorisent à mener des opérations de banque, sans avoir le statut d’établissement de crédit, ainsi que par plusieurs filiales, dont la plupart poursuivent une activité concurrentielle.

La Caisse des dépôts et consignations remplit des missions d’intérêt général de nature très hétérogènes, en appui des politiques publiques conduites par l’Etat, qui lui confie un monopole légal sur un certain nombre de ses missions. Elle conduit également des activités pour son compte propre, le plus souvent en partenariat avec l’Etat ainsi qu’avec les collectivités locales dans un cadre contractuel. Au titre de ses missions d’intérêt général, la Caisse des dépôts et consignations est ainsi : gestionnaire des consignations et banquier du service public de la justice, banquier de la sécurité sociale, gestionnaire de mandats publics, gestionnaire d’une partie de l’épargne règlementée et gestionnaire de régimes de retraite.

Aux termes de l’article L.518-2 du code monétaire et financier, la Caisse des dépôts et consignations peut également exercer des activités concurrentielles. A ce titre, l’établissement est un investisseur en fonds propres important, grâce à ses passifs stables, et contrôle également plusieurs participations de taille significative agissant dans le champ concurrentiel.

La Caisse des dépôts et consignations est, enfin, chargée de la gestion du fonds d’épargne, qui est un fond sans personnalité morale constitué à partir de la centralisation des encours d’épargne règlementée (Livret A, Livret de développement durable et solidaire, Livret d’épargne populaire) qui contribuent, notamment, au financement du logement social et de la politique de la ville. Ces encours ne sont cependant pas consolidés dans les comptes de l’établissement public, et leur gestion est assurée par une direction spécifique en son sein.

S’agissant de sa gouvernance, la Caisse des dépôts et consignations est, depuis sa création, « placée de la manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative » (L.518-2 du code monétaire et financier), notamment afin d’assurer la mission de dépositaire de confiance des fonds privés. A cet égard, la Caisse des dépôts et consignations est placée, aux termes de l’article L.518-7 du code monétaire et financier, sous la surveillance d’une « commission de surveillance » chargée de présenter un rapport annuel au Parlement sur les activités de l’établissement. Aux termes de l’article L.518-4 du code monétaire et financier, cette commission de surveillance est composée de treize membres, dont cinq parlementaires (trois députés et deux sénateurs, parmi lesquels est élu son Président), trois membres issus des corps de contrôle (deux membres de la Cour des comptes et un membre du Conseil d’Etat), de trois personnalités qualifiées (dont deux nommées par le Président de l’Assemblée nationale et une par le Président du Sénat), du gouverneur ou du sous-gouverneur de la Banque de France et du directeur général du Trésor.

Aux termes des dispositions en vigueur (articles L.518-7 à L.518-10 du code monétaire et financier), la Commission de surveillance ne constitue pas un organe délibérant et n’est pas qualifiée par la loi d’organe concourant à l’administration de la Caisse des dépôts et consignations. Cette instance joue un rôle de surveillance de la solvabilité de l’établissement et de ses filiales et bénéficie, à ce titre, de pouvoirs de police comparables à ceux d’une autorité de supervision. A l’inverse, la commission de surveillance ne dispose pas des pouvoirs d’un organe délibérant, dans la mesure où l’essentiel de ses avis (sur les orientations stratégiques, les missions d’intérêt général, la stratégie d’investissement, les comptes ou la situation financière du groupe) ne revêtent aucun caractère contraignant pour le directeur général.

La direction et l’administration de la Caisse des dépôts et consignations est, en effet, assurée par le directeur général, nommé par décret du Président de la République pour cinq ans (aux termes de l’article L.518-11 du code monétaire et financier), qui est responsable de la gestion des fonds et valeurs de l’établissement (L.518-12 du code monétaire et financier). En pratique, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations concentre ainsi la plupart des pouvoirs effectifs au sein de l’établissement.

En matière comptable, la Caisse des dépôts et consignations est soumise au régime de la comptabilité publique et dispose, depuis 1816, d’un caissier général (L.518-13 du code monétaire et financier) qui est « responsable du maniement des fonds, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des valeurs [et qui]. (…)  fournit un cautionnement dont le montant est fixé par voie règlementaire, sur la proposition de la commission de surveillance ». Toutefois, le caissier général n’est pas en charge du contrôle de la régularité des ordres de recette et de dépenses ni, contrairement à l’ensemble des comptables publics, de la tenue de la comptabilité de l’établissement, qui est assurée par sa direction des finances. Le caissier général ne joue ainsi pas le rôle institutionnel de contrôleur budgétaire ou de contrôleur financier, fonction qui n’existe pas au sein de la Caisse des dépôts et consignations dans la mesure où celle-ci n’est pas soumise au périmètre d’application du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable ministérielle. La Caisse des dépôts et consignations tient également une comptabilité commerciale, aux niveaux social et consolidé.

Le contrôle de la Cour des comptes sur la Caisse des dépôts et consignations est également encadré par des dispositions spécifiques (L.518-15 du code monétaire et financier et L.131-3 du code des juridictions financières) qui prévoient que le contrôle juridictionnel de la Cour sur la Caisse est précisé par un décret en Conseil d’Etat, compte tenu du statut spécial de l’établissement. La Cour exerce par ailleurs un contrôle plus large, selon les modalités de droit commun applicables aux personnes morales de droit public, sur  la Caisse des dépôts et consignations, qui a donné lieu à une abondante production de rapports.

En matière de supervision prudentielle, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), aux termes des articles L.518-15-2 et L.518-15-3 du code monétaire et financier, n’exerce qu’une simple mission d’assistance auprès de la Commission de surveillance, qui dispose ensuite du pouvoir de mettre en œuvre ou non ses recommandations (à l’exception des domaines touchant à la règlementation de lutte anti-blanchiment de financement du terrorisme, figurant au VII de  l’article L.561-36-1 du code monétaire et financier, pour lesquels l’ACPR dispose de pouvoirs de police administrative de droit commun). En matière de contrôle externe, la Caisse des dépôts et consignations n’est pas soumise à la règlementation européenne (Directive CRDIV et règlement CRR), un décret en Conseil d’Etat[297] précisant les spécificités du cadre dans lequel s’exerce ce contrôle prudentiel.

Les relations financières entre la Caisse des dépôts et consignations et l’Etat ont fait l’objet d’un encadrement progressif au fil du temps. Leurs principes sont fixés à l’article L.518-16 du code monétaire et financier qui précise que la Caisse des dépôts et consignations « verse chaque année à l’Etat, sur le résultat net de son activité pour compte propre après paiement d’une contribution représentative de l’impôt sur les sociétés, une fraction de ce résultat net, déterminée après avis de la commission de surveillance saisie par le directeur général, dans le cadre des lois et règlements fixant le statut de l’établissement ». En pratique, ces relations financières ont trois composantes : le prélèvement sur le fonds d’épargne (fixé à l’article R.221-11 du code monétaire et financier, qui correspond au coût de la garantie de l’épargne réglementée), la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés (créé en 1960 et codifiée en 1990 à l’article L.518-16 du code monétaire et financier, dont les modalités sont, en pratique, alignées sur celles de l’impôt sur les sociétés) et le versement, qui correspond, dans son principe, à un quasi-dividende. Celui-ci est également mentionné, depuis 1990, à l’article L.518-16 du code monétaire et financier, mais ses modalités demeurent imprécises et procèdent, en pratique, d’un simple échange de lettres entre le ministre de l’Economie et le directeur général. La règle en vigueur pour l’année 2018 prévoit ainsi que la fraction du résultat net de l’activité pour compte propre s’établit depuis à 50% du résultat net consolidé du groupe Caisse des dépôts et consignations dans la limite de 75% du résultat net social de l’établissement.

Sur un plan financier, au 31 décembre 2017, le bilan de la Caisse des dépôts et consignations atteignait 406 milliards d’euros dont 264 milliards d’euros pour le fonds d’épargne et 142 milliards d’euros pour la Section générale (qui correspond aux activités pour compte propre de l’établissement). Le résultat 2017 a atteint 1,4 Md€ pour le fonds d’épargne et 1,2 Md€ pour la Section générale. Au 31 décembre 2017, le groupe Caisse des dépôts et ses filiales employaient 120 000 personnes dont 25 000 dans le périmètre du « groupe stricto sensu » (représentés au sein du comité mixte d’information et de concertation ou CMIC) et 5 500 au sein de l’établissement public (61% étant sous statut public et 39% sous statut privé).

1.2.  Éléments de droit comparé

Dans une communication au Parlement et au Conseil en date du 22 juillet 2015[298], la Commission européenne préconisait un certain nombre de principes directeurs applicables aux banques nationales de développement parmi lesquels figurait la séparation de la direction exécutive et de l’organe délibérant ainsi que l’existence d’une supervision indépendante.

 Les institutions européennes comparables à la Caisse des dépôts et consignations, telles que la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) en Allemagne ou la Cassa depositi e prestiti (CDP) en Italie sont ainsi soumises à la supervision de leur autorité nationale de supervision et sont dotées d’un organe délibérant disposant de réelles prérogatives dans ce domaine.

En Allemagne, la KfW, dont le bilan s’élève à près de 500 milliards d’euros et détenue à 80 % par l’Etat fédéral et à 20 % par les Länder, dispose d’un Directoire de cinq membres et d’un organe délibérant composé de 37 membres. Sa supervision est assurée par la Bafin, autorité de supervision de droit commun des établissements de crédit allemands, dans un cadre rendant applicable l’essentiel des dispositions des règles prudentielles bancaires de droit commun.

La CDP italienne, dont le bilan dépasse 400 milliards d’euros, est, quant à elle, détenue à 80 % par l’Etat italien et à 20 % par des fondations bancaires. Elle dispose d’un conseil d’administration composé de 9 membres dont 6 sont nommés par l’Etat. Sa supervision est assurée par la Banque d’Italie, selon des règles adaptées.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Placée sous la protection du Parlement, la Caisse des dépôts et consignations dispose d’une gouvernance unique pour une institution financière de cette taille (406 milliards d’euros de bilan consolidé pour la Section générale et le fonds d’épargne au 30 décembre 2017). Le déséquilibre de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignation a ainsi été mis en évidence depuis de longues années, par exemple dans un rapport d’information du Sénat de Roger Chinaud de 1992[299], qui mettait en avant l’ « ambiguïté du rôle » de la commission de surveillance et son « manque de pouvoirs effectifs ».

La Caisse des dépôts et consignations est, en effet, dirigée et administrée par son seul directeur général, sans véritable contre-pouvoir, la commission de surveillance disposant en pratique de prérogatives très limitées, ses avis étant, pour l’essentiel, non contraignants. Dans ces conditions, la commission de surveillance se trouve dans l’incapacité d’exercer une réelle influence sur la politique conduite par le directeur général. En outre, selon les dispositions législatives actuelles, la commission de surveillance joue concomitamment le rôle d’autorité de supervision (en application du décret du 30 décembre 2016 relatif au contrôle externe) et d’organe délibérant (s’agissant du contrôle interne). La commission de surveillance est, enfin, dépendante des services de la Caisse des dépôts et consignations pour son accès à l’information et pour l’instruction des dossiers, ce qui peut se révéler particulièrement problématique lorsqu’elle doit agir en tant que superviseur.

Une telle gouvernance, qui apparaît éloignée des meilleures pratiques en vigueur à la fois dans les établissements publics et dans les sociétés à participation publique au niveau national, et des standards de la gouvernance d’entreprise, comporte des risques réputationnels et d’efficacité.

En particulier, cette situation a pu autoriser, par le passé, le directeur général de l’établissement à prendre en toute indépendance des décisions qui se sont révélées hasardeuses. Plusieurs décisions prises directement par le directeur général avec une association insuffisante de la commission de surveillance, ont été identifiées dans des rapports récents de la Cour des comptes. Au cours des dernières années, la Caisse des dépôts et consignations a ainsi fait l’objet de nombreux contrôles de la Cour des comptes, donnant lieu à des rapports définitifs et à des référés publics. Ces rapports ont notamment mis en évidence des insuffisances importantes en matière de gouvernance, liées, notamment, à la maîtrise du budget de l’établissement public, à la gestion des ressources humaines, à la politique de rémunération, au manque d’une doctrine d’intervention sur ses participations ou à l’insuffisante maîtrise des risques portés par certaines filiales du groupe. La Cour des comptes estime ainsi que certaines de ces décisions auraient pu être évitées si la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations avait prévu leur examen collégial par un véritable organe délibérant. Les recommandations formulées par la Cour des comptes auraient également pu faire l’objet d’une mise en œuvre plus complète ou plus rapide à l’initiative d’un organe délibérant dotée de prérogatives de plein exercice.

2.2.  Objectifs poursuivis

Une modernisation de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations doit permettre de moderniser et de rendre plus efficace sa gestion, d’accroître la qualité des décisions prises par l’institution et de mieux garantir la protection des fonds qui lui sont confiés.

La transformation de la commission de surveillance en organe délibérant et le transfert de ses pouvoirs de supervision prudentielle à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) permettront de lever les ambiguïtés pesant sur l’indépendance de l’autorité de supervision et d’assurer une prise de décision plus collégiale pour définir les grandes orientations de l’établissement.

Des garanties accrues quant à la solidité du modèle économique de l’établissement et vis-à-vis de la protection des fonds qui lui sont confiés seront ainsi apportées par le transfert de la supervision prudentielle à l’ACPR.

La clarification des relations financières entre la Caisse des dépôts et consignations et la sécurisation du cadre juridique dans lequel la Caisse des dépôts et consignation est amenée à exercer ses activités de mandataire pour des personnes publiques constituent également des objectifs de la réforme.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Le cadre et les modalités de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations étant fixés par la loi, l’évolution proposée (modification de la composition de la commission de surveillance, accroissement de ses prérogatives, modernisation du cadre prudentiel et comptable de l’établissement), devait passer par une évolution législative.

3.2.  Option retenue

Le projet de loi vise à mettre en œuvre une réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations en modernisant la composition de la commission de surveillance, dans un double objectif d’efficacité et d’exemplarité, et en transformant cette instance en véritable organe délibérant, parachevant ainsi plusieurs évolutions initiées par le passé, notamment à l’occasion de la loi de modernisation de l’économie de 2008[300]. Cette évolution de la commission de surveillance est articulée avec la soumission de l’établissement à la supervision prudentielle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui permettra d’apporter des garanties accrues, notamment d’indépendance, au service de la protection des fonds confiés à la Caisse des dépôts et consignations.

Modernisation la composition de la commission de surveillance afin d’accroître son efficacité et son exemplarité.

Le projet de loi entend moderniser la composition de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, dans le respect de son identité et, notamment, du rôle central confié par la loi au Parlement s’agissant de la surveillance de l’établissement.

Il est ainsi proposé d’élargir aux commissions chargées des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat la capacité de désigner des parlementaires pour siéger au sein de la commission de surveillance, et de préserver la majorité absolue dont disposent les membres du Parlement et les personnalités qualifiées désignées par les assemblées.

La commission de surveillance sera également renforcée par l’élargissement du vivier au sein duquel peuvent être choisis ses membres. Il est ainsi proposé d’inclure la désignation par décret de quatre personnalités qualifiées désignées par l’Etat, à raison de leurs compétences, dans les domaines financier, comptable, économique ou dans celui de la gestion, qui viendront se substituer aux représentants issus des corps de contrôle (Cour des comptes, Conseil d’Etat) et de la Banque de France. Cette évolution permet notamment de renforcer l’étanchéité de la commission de surveillance vis à vis d’institutions qui demeurent par ailleurs en charge du contrôle de la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, dans un objectif d’exemplarité, la modernisation de la composition de commission de surveillance doit permettre d’aligner la gouvernance de l’institution sur les meilleurs standards de gouvernance avec l’inclusion de deux représentants des salariés et l’application des règles relatives à la parité.

L’élargissement quantitatif et qualitatif de la Commission de surveillance vise à enrichir les débats qui se tiennent dans cette instance, à accroître la qualité et la légitimité des décisions prises et à renforcer l’exemplarité de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations.

Renforcer les prérogatives de la commission de surveillance en rapprochant ses pouvoirs d’un véritable organe délibérant.

Le projet de loi a pour objectif de renforcer les prérogatives de la commission de surveillance en rapprochant ses pouvoirs de ceux d’un organe délibérant de droit commun et en introduisant plus de transparence dans les décisions relatives à la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations.

Alors que les pouvoirs de la commission de surveillance sont aujourd’hui essentiellement d’ordre consultatif, il est proposé de renforcer son pouvoir délibératif sur les grandes décisions ayant trait à la gouvernance de l’établissement, notamment les orientations stratégiques et le plan moyen terme, la mise en œuvre des missions d’intérêt général, la définition de la stratégie d’investissement, l’adoption du budget de l’établissement et le niveau d’appétence au risque. La commission de surveillance sera également formellement chargée d’approuver les comptes, le cadre du contrôle permanent de gestion, l’organisation générale et les orientations du contrôle interne et la politique de l’établissement sur les questions d’égalité homme-femme.

L’ensemble de ces dispositions permet de renforcer très significativement les prérogatives du Parlement vis-à-vis de la Caisse des dépôts et consignations tout en rapprochant le fonctionnement de cet établissement des meilleurs standards en vigueur en matière de gouvernance d’entreprise. La gestion de l’établissement devrait être améliorée par ces dispositions et en permettant à sa gouvernance de mieux prioriser les axes d’intervention de la Caisse des dépôts et consignations.

Moderniser le cadre comptable et prudentiel de la Caisse des dépôts et consignations.

Les mesures envisagées visent à moderniser le cadre comptable et prudentiel de la Caisse des dépôts et consignations. Il est ainsi proposé, conformément aux recommandations formulées à plusieurs reprises par la Cour des comptes, de supprimer la caisse générale et, corrélativement, les dispositions relatives au contrôle juridictionnel exercé par la Cour des comptes sur l’établissement. La Cour des comptes restera compétente pour le contrôle de la Caisse des dépôts et consignations, selon les modalités de droit commun applicables aux personnes morales de droit public. Les dispositions relatives aux prérogatives des commissaires aux comptes font également l’objet d’un alignement avec les meilleures pratiques en vigueur de la gouvernance d’entreprise par le biais d’un renvoi aux dispositions du titre II du livre VIII du code de commerce relatives aux prérogatives des commissaires aux comptes.

Soumettre la CDC à la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution afin de mieux garantir son modèle et d’accroître la protection des fonds qui lui sont confiés.

Le Gouvernement souhaite soumettre la Caisse des dépôts et consignation au contrôle de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cette disposition vise à renforcer la protection des fonds gérés et à procurer des garanties accrues quant à la solidité du modèle économique de l’établissement. Le contrôle de l’ACPR s’inscrit toutefois dans un cadre juridique strictement national, fixé par décret, prenant en considération la spécificité du modèle économique de la Caisse des dépôts et consignations. Cette disposition est également la conséquence du renforcement des compétences de la commission de surveillance comme organe délibérant, celle-ci ne pouvant à la fois se prononcer sur la stratégie et la gestion de l’établissement tout en assurant sa supervision prudentielle. L’exemplarité de l’institution sera renforcée par cette réforme, la supervision par l’ACPR permettant d’aligner la Caisse sur les meilleurs standards internationaux et européens en vigueur.

Clarifier les relations financières entre la Caisse des dépôts et consignations

Le projet de loi vise également à clarifier les relations financières entre la Caisse des dépôts et consignations et l’Etat, en prévoyant, dans un souci de transparence accrue, un mécanisme de fixation du versement par décret pris après avis de la Commission de surveillance de l’établissement.

Conforter le cadre juridique des activités de mandataire de la Caisse des dépôts et consignations

Le projet de loi vise, enfin, à conforter et mieux encadrer la mission de mandataire que la Caisse des dépôts et consignations assure pour le compte de plusieurs personnes publiques. Au titre de ses missions historiques d’intérêt général, la Caisse des dépôts et consignations assure en effet la gestion, pour le compte de l’Etat et de plusieurs autres catégories de personnes publiques (établissements publics, collectivités locales) la gestion de fonds couvrant des activités d’intérêt général (notamment des fonds de retraite, des fonds d’indemnisation, des fonds de compensation ou de solidarité etc.). Des conventions sont fixées par les personnes publiques afin de confier la gestion de ces fonds à la Caisse des dépôts et consignations. Plusieurs dizaines de fonds sont concernés par cette activité de mandataire de la Caisse des dépôts et consignation, dont les flux (recettes, décaissements) s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. Afin d’établir un cadre homogène pour l’élaboration, les opérations et le suivi de ces conventions, il est proposé d’introduire un paragraphe relatif aux « mandats de gestion » au sein de la sous-section 4 de la section du code monétaire et financier relative à la Caisse des dépôts et consignations, précisant le cadre au sein duquel les personnes publiques pourront confier à la Caisse ce type de missions et lui permettre d’exécuter les opérations qui y sont relatives.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Le projet de réforme proposé entend apporter plusieurs modifications à la section du code et monétaire et financier traitant de la Caisse des dépôts et consignations (articles L.518-2 à L.518-24) ainsi qu’à certaines dispositions du code des juridictions financières s’agissant du contrôle juridictionnel exercé par la Cour des comptes sur cet établissement.

L’article L.518-4 relatif à la composition de surveillance et les articles L.518-7 et L.518-9 relatifs aux missions de cette instance sont modifiées selon l’orientation exposée ci-dessus, en modernisant la composition de la Commission de surveillance et en rééquilibrant les pouvoirs respectifs du Directeur général et de la Commission de surveillance. Une disposition nouvelle est également inclue à l’article L.518-4 pour donner un fondement légal aux indemnités perçues par certaines catégories de membres de la Commission de surveillance, reprenant une préconisation formulée par la Cour des comptes.

Une série de dispositions précisent les attributions dont dispose le directeur général. L’article L.518-10 prévoit désormais la capacité, pour le directeur général, à être auditionné annuellement par les commissions permanentes chargées des affaires économiques et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’article L.518-11 sera modifié pour supprimer la référence selon laquelle la Caisse des dépôts et consignation est administrée par le directeur général, afin de s’articuler avec les prérogatives nouvelles dont dispose la Commission de surveillance. Les articles L. 518-11 et L.518-12 du code monétaire et financier sont également complétés par des dispositions précisant la capacité du directeur général à mettre en œuvre les orientations de la commission de surveillance en matière de contrôle interne et à encadrer son pouvoir de délégation de ses pouvoirs à des directeurs délégués. Cette dernière disposition permet au directeur général de disposer d’une autonomie accrue dans sa gestion ; elle s’articule avec l’abrogation des dispositions règlementaires en vigueur prévoyant une nomination par décret des principaux directeurs de la Caisse des dépôts et consignations (articles R.518-2 à R.518-4 du code monétaire et financier). L’article L.518-12 prévoit par ailleurs que la commission de surveillance peut déléguer une partie de ses prérogatives au directeur général, qui doit alors lui rendre compte des décisions qu’il a prises en vertu de cette délégation.

L’article L.518-13 voit les dispositions relatives au caissier général supprimées, suivant en cela les recommandations récurrentes de la Cour des comptes. Du fait de cette évolution, la Caisse des dépôts et consignation est dorénavant soumise à la comptabilité privée, ce qui impliquera une modification de l’article L.518-15 du code monétaire et financier et de l’article L.131-3 du code des juridictions financières.

L’article L. 518-15-1 du code monétaire et financier est complété par des dispositions ayant trait à la capacité des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, en plus de celles chargées des finances, à se voir présenter les comptes de la Caisse des dépôts et consignations, ceux-ci faisant l’objet d’une certification par les commissaires aux comptes selon des modalités qui seront désormais alignées sur le droit commun prévu par le code de commerce.

Les articles L.518-15-2 et L.518-15-3 du code monétaire et financier sont complétés par des dispositions fixant le cadre dans lequel l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) exercera sa supervision prudentielle sur la Caisse des dépôts et consignations. Dans le détail, l’article L.518-15-2 étend le champ des dispositions applicables à l’établissement dont l’ACPR assure le contrôle tout en prévoyant le maintien du principe selon lequel un décret en Conseil d’Etat fixe les adaptations nécessaires aux règles applicables à la Caisse des dépôts et consignations. L’article L.518-15-3 précise, quant à lui, les mesures de recommandation, d’injonction ou de mise en demeure que peut adresser l’ACPR à la Caisse des dépôts et consignations, après avoir en avoir préalablement informé la commission de surveillance, ainsi que les sanctions pécuniaires qu’elle peut prononcer. Du fait de ces prérogatives accrues, l’ACPR devra par ailleurs être défrayée par l’établissement, selon des modalités qui seront désormais fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie pris après avis de la commission de surveillance.

L’article L.518-16 relatif à l’affectation du résultat de la Caisse des dépôts et consignation prévoit que la fraction du résultat net versée chaque année à l’Etat est désormais fixée par décret du ministre chargé de l’économie, pris après avis de la commission de surveillance. Cette modalité de fixation du versement permet de clarifier la pratique existante, en rapprochant les relations financières entre l’Etat et la Caisse des dépôts de celles du droit commun des établissements publics.

Enfin, la réforme prévoit l’inclusion d’un paragraphe supplémentaire au sein de la sous-section 4 relatif aux opérations de mandataire de la Caisse des dépôts et consignations et l’ajout d’un article L.518-24-1 fixant un cadre pour la conclusion, les opérations et la régularisation des mandats confiés par des personnes publiques (l’Etat, des établissements publics ou des collectivités locales) à la Caisse des dépôts et consignations. Dans le détail, le premier alinéa vise à établir un certain nombre de principes directeurs communs pour ces activités de mandataires exercées par la Caisse des dépôts et consignation (autorisation préalable des conventions par les ministres en charge de l’économie et des comptes publics, détermination des opérations de recette et de dépenses pouvant être couverte, principe d’une reddition annuelle des compte, catégories de personnes publiques concernées) alors que l’alinéa 2 vise plus spécifiquement les missions que la Caisse des dépôts peut assurer pour les collectivités territoriales. Enfin l’alinéa 3 vise à régulariser, au regard des principes établis par les deux premiers alinéas les conventions passées, au moment de leur renouvellement ou dans un délai courant jusqu’au 31 décembre 2022.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts économiques

Le renforcement du modèle économique et la modernisation de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations auront un impact économique positif, quoiqu’indirect, sur l’économie et les entreprises françaises.

En effet, la réforme vise d’abord à améliorer le fonctionnement de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations et à rééquilibrer les pouvoirs entre les différentes instances permettant une plus grande exemplarité, une collégialité accrue et une supervision renforcée.

En premier lieu, du fait de la réforme, la gouvernance de l’établissement sera davantage en capacité de fixer des priorités d’intervention en ligne avec les missions fixées par la loi à la Caisse des dépôts et consignations notamment au service de l’intérêt général et du développement économique du pays.

En second lieu, la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations sera davantage en mesure de mobiliser les capacités d’intervention de l’établissement, particulièrement dans les domaines soumis à une défaillance de marché, dans lesquelles l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations dispose d’une réelle additionnalité.

Enfin, la supervision de la Caisse des dépôts et consignations par l’ACPR constituera un gage de solidité pour l’établissement, avec des effets positifs potentiels sur sa notation, sa capacité d’émission et sa réputation.

4.2.2        Impact sur les finances publiques

Le projet de réforme proposé n’induit pas de coût additionnel ni de dépenses nouvelles pour les finances publiques.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

4.3.1        Évaluation de l’impact pour la Caisse des dépôts et consignations

En premier lieu, la qualité de la surveillance de la Caisse des dépôts et consignations sera renforcée à la faveur de la réforme, la supervision prudentielle de l’établissement étant désormais confiée à une autorité indépendante, l’ACPR. La Caisse des dépôts et consignations conservera cependant la spécificité de son statut (surveillance par le Parlement) et la singularité de ses missions (au service de l’intérêt général et du développement économique du pays).

En second lieu, la Caisse des dépôts et consignations bénéficiera de gains réputationnels importants à la faveur de la réforme, en raison de l’exemplarité renforcée de sa gouvernance (désormais alignée sur les meilleurs standards nationaux et européens, incluant l’application de la parité, l’association des personnels, la fixation d’un cadre juridique pour les indemnités perçues par les personnalités qualifiées) et d’une solidité accrue de son modèle lié à la supervision par l’ACPR ainsi qu’à la modernisation de son cadre prudentiel et comptable. Les activités de mandataire de la CDC seront par ailleurs mieux encadrées.

 Enfin, les prérogatives nouvelles octroyées à la Commission de surveillance pourront permettre à celles-ci de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour l’établissement en accroissant ses capacités d’interventions, par exemple au service de ses projets en cours en faveur des territoires.

4.3.2        Evaluation de l’impact pour le Parlement

Le projet de réforme préserve la prééminence du Parlement au sein de la Commission de surveillance, conformément au statut spécial de la Caisse des dépôts et consignations, placée sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative. Par ailleurs, en accroissant très substantiellement les prérogatives de cet organe (notamment vis-à-vis du directeur général), le projet de réforme renforce la capacité du Parlement à peser sur la gouvernance de l’établissement. En effet, celle-ci prévoit un accroissement des pouvoirs dévolus à la commission de surveillance, qui deviendra le véritable organe délibérant de l’établissement. La commission de surveillance disposera désormais de véritables prérogatives s’agissant, par exemple, la fixation de la stratégie de l’établissement, l’arrêté de ses comptes, l’élaboration de son budget et ses décisions d’investissements.

En outre, la singularité de la gouvernance de la CDC, marquée par la prééminence, au sein de l’instance, des parlementaires, est confortée par la réforme. L’inclusion de parlementaires issus des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, aux côtés de ceux issus des commission des finances des deux assemblées, dans la gouvernance de l’établissement est de nature à accroître l’appropriation et la surveillance, par le Parlement, des activités de la Caisse des dépôts et consignations au service de l’économie nationale.

4.3.3        Evaluation de l’impact pour l’Etat

La mise en place de la réforme renforcera la capacité de l’Etat à conduire de nombreuses politiques publiques en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations.

En contribuant à un meilleur alignement des interventions de la Caisse des dépôts et consignations avec les priorités du Gouvernement, la réforme aura un effet positif sur l’efficacité de l’ensemble de ces politiques publiques. Ce meilleur alignement résultera notamment des prérogatives nouvelles confiées à la commission de surveillance

Par ailleurs, les capacités d’intervention nouvelles que la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations pourrait décider de mobiliser, seront de nature à renforcer l’efficacité socio-économique de l’action de la Caisse des dépôts.

Enfin, les dispositions relatives à la fixation du niveau de versement de la Caisse des dépôts et consignations à l’Etat par décret pris après avis de la commission de surveillance permettront de disposer de plus de prévisibilité sur la capacité de l’établissement à contribuer aux recettes de l’Etat.

4.4.  Impacts sociaux

Le projet de réforme proposé marquera un progrès au plan social, à travers la participation des représentants des salariés de la Caisse des dépôts et consignation à la gouvernance de l’établissement, permettant d’aligner le fonctionnement de celui-ci sur les meilleures pratiques en vigueur, notamment s’agissant de la composition des organes délibérants des sociétés de droit privé (L.225-27-1 du code de commerce pour les sociétés de plus de 1 000 salariés), des sociétés à participation publique (article 3 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014) et de nombreux établissements publics (loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public).

Le projet de loi se traduit également par des avancées importantes en matière de parité en prévoyant l’application de ce principe (issu de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle et codifié notamment, s’agissant des sociétés anonymes, à l’article L.225-18-1 du code monétaire et financier) au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignation et en permettant à cette instance de se prononcer sur la politique d’égalité femme-homme au sein de l’établissement.

4.5.  Impacts sur les particuliers

La Caisse des dépôts et consignation assurant la protection de l’épargne règlementée et des dépôts des professions juridiques, l’amélioration de la gouvernance de l’établissement et le renforcement de sa supervision prudentielle par un régulateur indépendant sont de nature à renforcer la protection des fonds confiés à l’établissement et la confiance que peuvent lui témoigner les particuliers.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

5.1.1        Consultations facultatives

Des consultations ont d’abord été menées auprès de la commission de surveillance de l’établissement, qui a été formellement saisie du projet de réforme par le ministre de l’économie et des finances à l’occasion d’un séminaire tenu le 8 mars 2018. L’instance a ainsi rendu deux avis formels sur la réforme en date des 15 mars et 11 avril 2018.

La commission de surveillance a, en premier lieu, exprimé des réticences s’agissant de l’évolution de la composition de la commission de surveillance, notamment vis-à-vis de la suppression des sièges dévolus aux représentants de la Cour des comptes et du Conseil d’Etat, même si elle approuve l’idée de ne plus retenir le sous-gouverneur de la Banque de France parmi ses membres. Elle a en revanche salué l’entrée de deux représentants des personnels de la Caisse des dépôts et consignations au sein de l’organe délibérant. La commission de surveillance s’est également progressivement ralliée au principe d’une supervision de la Caisse des dépôts et consignations par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. La commission de surveillance a enfin souhaité se voir garantir des éléments liés selon elle à son autonomie (notamment le renvoi au règlement intérieur s’agissant de l’organisation de ses comités spécialisés ou de la fixation des indemnités de ses membres).

A l’issue de ces consultations, des évolutions du texte ont été incluses par le gouvernement, comprenant, notamment, la capacité de la commission de surveillance à fixer dans son règlement intérieur le mode de fonctionnement des comités spécialisés et le régime indemnitaire de ses membres, ainsi que l’inclusion de dispositions plus précises relatives à la capacité de la commission de surveillance à fixer le besoin en fonds propres et de liquidité adaptés au risque, en se référant à un modèle prudentiel qu’elle continuera de déterminer.

Des consultations ont également été menées avec les services de la Caisse des dépôts et avec les membres de la commission de surveillance, qui ont permis d’enrichir substantiellement le projet de loi.

Des consultations ont, enfin, été conduites auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de la Banque de France, qui ont approuvé les grandes lignes du projet de réforme et contribué à en enrichir le contenu technique.

5.1.2        Consultations obligatoires

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été saisi pour avis, en application de l’article L.614-2 du code monétaire et financier, lors de sa session du 22 mars 2018, des dispositions relatives à l’encadrement des mandats de gestion confiés à la Caisse des dépôts et consignations et a émis un avis favorable.

Le Conseil supérieur de la Cour des comptes a été saisi, en application de l’article L.120-4 du code des juridictions financières, pour formuler un avis sur les dispositions qui concernent le champ de compétence de la Cour (notamment la suppression de la caisse générale et, consécutivement, du contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur la Caisse) et a rendu un avis favorable le 31 mai 2018.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

La réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations pourra entrer en vigueur, s’agissant de la plupart des dispositions, au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Toutefois, le projet de loi prévoit une série de mesures transitoires via des délais de mise en œuvre s’agissant de plusieurs disposition du texte relatives à:

-          l’évolution de la composition de la commission de surveillance et de l’application du principe de parité en son sein : si les représentants des salariés ont vocation à devenir membres de la commission de surveillance dès l’entrée en vigueur de la loi, les quatre personnalités qualifiées nommés par décret qui remplaceront les représentants issus des corps de contrôle (Cour des comptes, Conseil d’Etat) et de la Banque de France seront désignés à compter du 1er janvier 2020, permettant une articulation avec la soumission de la Caisse des dépôts à la supervision de l’ACPR applicable à la même date (cf. infra) ; les autres catégories de membres de la Commission de surveillance (parlementaires, personnalités qualifiées désignées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat) n’ont vocation à faire l’objet d’un renouvellement qu’à l’issue de leur mandat actuel, permettant d’assurer une continuité dans la gouvernance de l’établissement ;

-          la soumission de la Caisse des dépôts à la supervision de l’ACPR : cette disposition sera applicable au 1er janvier 2020 ;

-          la suppression de la caisse générale, la fin du contrôle juridictionnel de la Cour des comptes et la soumission de l’établissement aux règles de la comptabilité privée : ces dispositions seront applicables au 1er janvier 2020 afin de ne pas créer de rupture en cadre légal applicable en cours d’exercice budgétaire et comptable.

5.2.2        Textes d’application

Le projet de loi prévoit enfin une série de textes d’application :

-          Des décrets en Conseil d’Etat pour la Désignation des représentants du personnel de la Caisse des dépôts et consignations par le comité mixte d’information et de concertation prévu à l’article 34 de la loi n°94-442 du 28 mai 1996 pour faire partie de la commission de surveillance de l’établissement., le contrôle externe de la Caisse des dépôts et consignations mettant à jour le décret n°2016-1983 du 30 décembre 2016, le contrôle interne de la Caisse des dépôts et consignations et l’encadrement des missions de mandataire de la Caisse des dépôts et consignations. ;

-          Des décrets pour l’administration de la Caisse des dépôts et consignations , l’évolution des dispositions règlementaires du code monétaire et financier concernant le caissier général ainsi que des dispositions réglementaires du code des juridictions financières sur le contrôle juridictionnel de la Cour des comptes sur l’établissement ou encore pour la fixation d’un niveau de versement de la CDC à l’Etat ;

-          Un arrêté fixant chaque année le défraiement de l’ACPR par la CDC au titre de ses missions de supervision prudentielle.


Section 2 : Protéger les inventions et l’expérimentation de nos entreprises

Sous-Section 1 - Protéger les inventions de nos entreprises

Article 40 relatif à la modernisation du certificat d’utilité

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

La propriété industrielle a pour objet la protection et la valorisation des innovations et des créations ; elle représente un ensemble de droits conférant un monopole d’exploitation sur les inventions techniques (brevets, certificats d’utilité), les créations esthétiques (dessins, modèles) et les signes distinctifs (marques, indications géographiques). Dans un contexte fortement concurrentiel et mondialisé, la propriété industrielle joue un rôle croissant dans les processus d’innovation et dans la compétitivité des entreprises. Elle permet non seulement de garantir un monopole d’exploitation, mais également de valoriser les investissements en recherche et développement ou en marketing, en tirant profit des revenus issus des licences d’exploitation concédées à des tiers. Au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de brevets déposés au niveau mondial a triplé, passant de 1 million par an à plus de 3 millions en 2016.

L’Institut national de la propriété industrielle (INPI), office français de propriété industrielle, est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de l’industrie. Au service des entreprises, l’INPI instruit et délivre, au nom de l’Etat, les différents titres de propriété industrielle. En 2017, il a ainsi enregistré 16 250 demandes de brevets d’invention, 90 500 dépôts de marques et 6 000 dessins ou modèles.

Le livre VI du code de la propriété intellectuelle établit les dispositions juridiques encadrant la protection des inventions et des connaissances techniques en France. La protection s’acquiert par l’accomplissement de formalités auprès de l’INPI et à l’issue d’une démarche volontaire aboutissant à la délivrance du titre de propriété industrielle.

Le brevet d’invention constitue un droit autorisant son titulaire à empêcher toute autre personne à exploiter l’invention à des fins commerciales, pour une durée maximale de 20 ans. Le droit résultant du brevet est géographiquement limité au pays ou à la région de délivrance du titre de propriété industrielle. En contrepartie du droit exclusif d’exploitation, l’invention brevetée est divulguée au public, afin que d’autres personnes puissent acquérir ce nouveau savoir puis améliorer l’invention. La divulgation de l’invention constitue un élément essentiel de la procédure d’obtention d’un brevet. Le système des brevets est conçu de façon à établir un équilibre entre les intérêts des inventeurs et du public. En France, 16 000 demandes de brevet d’invention sont déposées annuellement auprès de l’INPI, dont les trois quarts sont issus de personnes morales françaises[301]. En 2015, les petites et moyennes entreprises (PME) sont à l’origine de 2 592 demandes de brevet publiées à l’INPI, soit 22,1 % du total des demandes de brevet publiées par des personnes morales françaises. Avec 6 655 demandes, les grandes entreprises sont à l’origine de plus de la moitié (56,8 %) des demandes de brevet publiées en 2015 par des personnes morales françaises. On observe que la part de chaque catégorie d’entreprise dans la publication annuelle des demandes de brevet par des personnes morales françaises est stable dans le temps.

Le certificat d’utilité est un titre de propriété industrielle délivré par l’INPI qui, comme le brevet d’invention, donne un monopole d’exploitation sur une invention, mais pour une période maximale de 6 ans. Adapté aux inventions à cycle court, il dispose de conditions d’obtention moins contraignantes que celles du brevet. Si les critères de brevetabilité demeurent identiques (nouveauté, activité inventive, application industrielle), les conditions d’examen diffèrent : il n’est pas procédé à l’établissement d’un rapport de recherche, ce qui raccourcit la durée d’instruction. Une demande de brevet est convertible en demande de certificat d’utilité, mais la réciproque n’est pas possible. Ce titre est très peu utilisé en France : seulement 503 demandes contre 16 886 dépôts de brevet d’invention en 2013 (soit 3 %)[302].

1.2.  Éléments de droit comparé

En Allemagne, le titre analogue au certificat d’utilité  « Gebrauchmuster » (modèle d’utilité) est très apprécié des entreprises qui le considèrent comme une alternative attrayante ou un complément à la demande de brevet grâce à son système d’enregistrement rapide et peu couteux. En 2013, 15472 demandes de modèles d’utilité ont été enregistrées en Allemagne, soit 24 % de l’ensemble des dépôts. Un quart de ces demandes sont effectuées par des déposants étrangers. Le modèle d’utilité est également beaucoup utilisé en Chine. En 2013, ils représentaient 37 % de l’ensemble des dépôts. Une étude comparative effectuée par IP Key[303] révèle que les modèles d’utilité peuvent être des outils efficaces pour stimuler la compétitivité et favoriser une innovation croissante, et qu’ils sont particulièrement adaptées aux besoins des inventeurs physiques et PME.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Le retour d’expérience des créateurs d’entreprises innovantes et de start-ups montre une réticence de ces derniers à s’engager dans les démarches de protection de leurs inventions. Le système de dépôt de brevet, par son formalisme, leur apparaît souvent contraignant et coûteux.

Le code de la propriété intellectuelle prévoit aujourd’hui la possibilité de convertir une demande de brevet d’invention en demande de certificat d’utilité. Une telle conversion ne pose pas de difficulté compte tenu des conditions d’examen simplifiées dans le cas d’une demande de certificat d’utilité. La conversion d’une demande de certificat d’utilité en demande de brevet n’est pas aujourd’hui prévue par la législation, en raison de l’absence d’établissement du rapport de recherche lors de la réception d’une demande de certificat d’utilité. Ce motif ne constitue cependant pas une contrainte suffisante pour empêcher une telle conversion, dès lors que la législation prévoit l’établissement d’un tel rapport de recherche en cas de demande de conversion.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le projet d’article allonge la durée de protection du certificat d’utilité à dix ans, l’uniformisant avec les homologues étrangers (et notamment allemand). Les conditions d’octroi restent inchangées, y compris l’absence d’établissement d’un rapport de recherche, qui rend l’instruction plus souple et plus rapide. Si le déposant souhaite in fine bénéficier d’une protection plus forte, l’article rend possible la transformation d’une demande de brevet d’utilité en demande de brevet d’invention, engageant la réalisation d’un rapport de recherche. L’entreprise pourra ainsi choisir le titre qui correspond le mieux à sa stratégie, en termes de portée de la protection, de durée d’obtention et de coût.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  options envisagées

Afin de prendre en compte les attentes des créateurs d’entreprises innovantes et de start-ups et de répondre aux difficultés observées, il convient de simplifier les modalités de renforcer la protection offerte par le certificat d’utilité. Ces évolutions nécessitent la modification de la partie législative du code de la propriété intellectuelle.

3.2.  Option retenue

Les articles L. 611-2, L. 612-14, L. 612-15 du code de la propriété intellectuelle sont modifiés afin d’améliorer l’attractivité du certificat d’utilité.

La durée de protection du certificat d’utilité est alignée sur celle des titres analogue en vigueur en Allemagne ou en Chine, à savoir 10 ans. Il convient de noter que cette modification ne sera applicable qu’aux certificats d’utilité qui seront délivrés par l’INPI après l’entrée en vigueur de la mesure : la durée de protection des certificats d’utilité en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de la mesure (« stock de certificats d’utilité » en cours de validité) ne sera pas modifiée et restera de 6 ans.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

L’impact juridique de la mesure tient à l’accroissement de la durée du certificat d’utilité, qui passe de six à dix ans.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Le renforcement de la protection offerte par le certificat d’utilité est compatible avec les règles internationales et européennes sur la propriété industrielle (notamment Convention de Paris du 20 mars 1883) et le droit des brevets (notamment traité de Genève du 1er juin 200, traité de Washington du 19 juin 1970, convention de Munich du 5 octobre 1973. L’article L. 612-2 du code de la propriété intellectuelle, transposition dans le droit français du Traité de Genève sur le droit des brevets (PLT), précise les informations minimales requises pour bénéficier d’une date de dépôt.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

La mesure proposée est susceptible d’entraîner une augmentation du nombre de titres déposés.

Compte tenu des chiffres disponibles auprès des offices étrangers concernant les dispositifs analogues existants, il est estimé que :

-          le nombre de demandes de certificats d’utilité, aujourd’hui très faible, devrait doubler (passage de 500 à 1000 demandes annuelles).

Eléments de comparaison internationale

Pays

Certificats d’utilité
(% dépôts)

Dépôts de brevets

FR

503 (3%)

16 886

DE

15 472 (24%)

63 158

AUS

1 856 (7%)

26 358

CN

892 362 (37%)

2 377 061

 

 

 

 

 

Source : Rapports annuels des offices de propriété industrielle (année 2013, sauf Australie année 2012)

4.3.  Impacts sur les entreprises

L’impact de la mesure sur les entreprises tient à l’accroissement de la durée du certificat d’utilité, qui passe de six à dix ans.

La mesure n’impacte pas la procédure de délivrance des certificats d’utilité par l’INPI et est donc sans impact sur les démarches des entreprises pour l’obtention de ce titre.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La mesure n’impacte pas la procédure de délivrance des certificats d’utilité par l’INPI.

L’impact sur le fonctionnement de l’INPI sera donc limité à l’augmentation du nombre de dépôts. L’INPI étant exclusivement financé par les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs brevets d’invention ou autres titres de propriété industrielle, sans subvention de l’Etat, l’impact sur les finances publiques de la mesure est nul.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Le projet de texte a été élaboré conjointement avec les services de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Par ailleurs, une consultation des praticiens de la propriété industrielle (principaux déposants auprès de l’INPI, représentants des conseils en propriété industrielle, fédérations professionnelles) a été organisée, une première fois en 2016 (préparation du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) et de nouveau en novembre 2017 (travaux préparatoires au programme d’action pour la croissance et la transformation des entreprises).

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

L’entrée en vigueur de la mesure est conditionnée par la publication d’un décret d’application et doit intervenir au plus tard dans un délai d’un an après promulgation de la loi.

A ce stade, aucune disposition transitoire n’a été identifiée. En particulier, les dispositions relatives aux certificats d’utilité ne concerneront que les titres qui seront délivrés par l’INPI après l’entrée en vigueur de la mesure : la durée de protection des certificats d’utilité en vigueur au moment de l’entrée en vigueur de la mesure (« stock de certificats d’utilité » en cours de validité) ne sera pas modifiée et restera de 6 ans. Les modalités d’application des nouvelles dispositions au moment de leur entrée en vigueur seront précisées par voie réglementaire.

5.2.2        Application dans l’espace

Le droit de la propriété industrielle entre dans le champ d’application du droit commercial. Le droit commercial est de la compétence autonome des collectivités d’outre-mer de Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française :

-          en application de la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 relative au transfert de la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’Etat en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial, et ce depuis le 1er juillet 2013, les compétences détenues par l’Etat en matière de droit commercial, auquel il y a lieu de rattacher le droit de propriété industrielle, ont été transférées à la Nouvelle-Calédonie les conditions posées par l’article 1er précité de la loi du pays ayant été remplies ;

-          aux termes des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans les matières qui ne sont pas dévolues à l’Etat par l’article 14. Or le droit commercial, y compris le droit de la propriété industrielle, ne figure pas dans les matières dévolues expressément à l’Etat dans ce même article.

A Wallis-et-Futuna, la compétence de principe de l'Etat se fonde sur l'article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre­mer. Le décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna attribue certaines compétences à l'assemblée territoriale en son article 40. La propriété industrielle ne figure pas parmi ces compétences.

Concernant les Terres australes antarctiques françaises, en application de l’article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, les dispositions relevant du droit commercial relèvent des matières dont l’application est de plein droit.

5.2.3        Textes d’application

L’entrée en vigueur de la mesure est conditionnée à la prise d’un décret en Conseil d’Etat, modifiant la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle.

 


Article 41 relatif aux chercheurs entrepreneurs

1.         État des lieux

La collaboration entre recherche publique et entreprises est une composante essentielle de la compétitivité des entreprises et du dynamisme de l’économie.

La loi n°99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche – dite « loi Allègre » – a instauré un cadre juridique afin de développer la collaboration des personnels de la recherche avec les entreprises, tout en garantissant le respect des règles de déontologie des fonctionnaires ainsi que la protection des droits et intérêts des employeurs publics. Trois dispositifs y sont prévus :

-          la création d’entreprise par des personnels de la recherche (articles L. 531-1 à
L. 531-7 du code de la recherche) ;

-          le concours scientifique (articles L. 531-8 à L. 531-11 du code de la recherche) à une entreprise qui valorise les travaux de recherche des personnels de la recherche ;

-          la participation à la gouvernance d’une société anonyme (articles L. 531-12 à
L. 531-14 du code de la recherche).

Le rapport Beylat-Tambourin remis en février 2017[304] à la Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, a constaté, qu’après presque vingt ans d’application de la loi « Allègre », l’utilisation des dispositifs reste en deçà du potentiel de valorisation de la recherche publique et limitée à quelques employeurs publics (CNRS, INSERM, INRA, Sorbonne Université..) relevant du périmètre du ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation. Ainsi, la commission de déontologie, qui doit formuler un avis pour chaque autorisation donnée à un chercheur, a étudié 1571 dossiers de 2000 à 2015 et donné un avis favorable à 231 demandes de création d’entreprise, 51 demandes de participations à la gouvernance d’une société anonyme et environ 1250 concours scientifique, soit une moyenne annuelle de 98 dossiers et de 89 avis favorables par an.

Si depuis 1999 la mobilité des chercheurs s’est quelque peu améliorée, la moyenne des avis émis passant de 80 à 120 entre 2007 et 2016, le nombre de demandes n’est toutefois pas suffisamment élevé au regard des dynamiques entrepreneuriales observées par ailleurs depuis une dizaine d’années.

L’Etat consacre en effet des moyens importants pour la valorisation de la recherche et le transfert de technologie, notamment via le fonds national de valorisation qui a créé les sociétés d’accélération du transfert de technologie. Les sociétés d’accélération et de transfert de technologie ont ainsi soutenu depuis 2012 plus de 10 000 projets de maturation issus des laboratoires de recherche et créé plus de 270 start-ups à fort contenu technologique. Un fonds d’investissement a également été créé en 2017 pour permettre d’investir dans des entreprises en phase de post-maturation technologique. Enfin, le concours national d’aide à la création d’entreprises à technologie innovante, appelé I-LAB, est un des dispositifs permettant ce premiers pas vers la création d’entreprises à fort contenu technologique et scientifique. Depuis 1999, 1828 entreprises ont été créées, dont 70% sont toujours en activité. Les performances atteintes par les entreprises lauréates du concours i-LAB sont significativement importantes, avec une moyenne de 23 salariés et 3,3 M€ de chiffre d’affaires pour les entreprises de plus de 10 ans. Parmi les lauréats, 14% des porteurs sont des chercheurs ou des enseignant-chercheurs alors que 60% des projets sont issus de la recherche publique. Ces outils ont un effet transformant sur le milieu académique où l’esprit entrepreneurial se développe, à l’instar de la société française dans son ensemble. Aussi, il paraît nécessaire d’optimiser les moyens qui sont ainsi mobilisés et améliorer la création de valeur.

 Sur la base des auditions d’entrepreneurs, chercheurs et personnels de recherche menées dans le cadre du rapport Beylat – Tambourin précité, du projet de loi actuel, et des conclusions de d’autres rapports dont celui de l’académie des Sciences le 1er février 2010, les propositions détaillées ci-après intègrent entre autres les demandes suivantes : la simplification des procédures, un contrôle moins large de la commission, davantage de souplesse pour passer d’un dispositif à l’autre, tout en maintenant un lien avec l’établissement d’origine.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Les articles L. 531-1 à L. 531-16 du code de la recherche sont dérogatoires à la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires. Le périmètre des bénéficiaires demeure restreint aux personnels spécifiques dont les missions de recherche sont prévues à l’article L. 411-1 du code de la recherche qui recouvrent notamment le développement des connaissances, leur transfert, ainsi que leur application dans les entreprises. En outre, les missions de diffusion et de valorisation des résultats de la recherche publique sont considérées comme des missions majeures du service public d’enseignement supérieur (article L. 123-3 du code de l’éducation). Pour ces raisons, les personnels du service public de la recherche sont les seuls agents publics encouragés à développer des liens avec le secteur privé relatifs à leur activité publique. Cela justifie un traitement particulier et garantit de plus, le développement d’une expertise sur ces sujets par les employeurs publics.

Sont ainsi concernés par la loi Allègre, les fonctionnaires civils participant à la recherche publique, notamment dans les établissements publics d’enseignement supérieur, de recherche, de santé et dans les entreprises publiques. Bénéficient ainsi des dérogations introduites par la loi, les personnels ingénieurs, techniciens et administratifs de la recherche et de l’enseignement supérieur, les chercheurs au sens statutaire des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les enseignants-chercheurs. En 2014, l’ensemble des personnels de recherche (chercheurs et personnels de soutien hors IR) représentait 90977 Emplois Equivalents Recherche au sein des EPST et EPSCP sous tutelle MENESR. De plus, en vertu du décret 2001-125 du 6 février 2001 portant application de l’article L. 531-15 du code de la recherche, et sous réserve d’être employés de manière continue depuis au moins un an, les personnels non fonctionnaires chargés de fonctions d’enseignement ou de recherche peuvent également bénéficier des deux premiers dispositifs de création d’entreprise et de concours scientifique.

Les trois dispositifs de la loi « Allègre » sont explicités ci-dessous :

La création d’entreprise (articles L. 531-1 à L. 531-7 du code de la recherche) : autorisation donnée, par l’établissement employeur, après avis de la commission de déontologie, au personnel de la recherche de devenir dirigeant ou associé d’une entreprise créée pour valoriser ses travaux de recherche. Pour valider cette autorisation, il est nécessaire qu’un contrat de valorisation soit signé entre l’entreprise crée et l’établissement d’origine du chercheur, et transmis à la commission de déontologie. Cette autorisation est valable 2 ans renouvelable 2 fois. Durant cette période, le chercheur est soit détaché dans l’entreprise, soit mis à disposition de celle-ci, et il doit cesser toute activité au titre du service public, à l’exception de quelques activités d’enseignement.

A l’issue de cette période, le chercheur peut, conformément à l’article L.531-6 du code de la recherche, soit se mettre en disponibilité, démissionner de la fonction publique, être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l’entreprise dans les 12 mois, ou être autorisé à rester en relation dans l’entreprise dans un des deux autres cas prévus par le code de la recherche.

Le concours scientifique (articles L. 531-8 à L. 531-11 du code de la recherche) : autorisation donnée à un personnel de la recherche, par l’établissement employeur, après avis de la commission de déontologie, d’apporter son concours scientifique à une entreprise qui valorise ses travaux de recherche. Par un avis rendu le 15 novembre 2001 (avis n° 01AR0073), la commission a déclaré être favorable à une telle autorisation à condition que celle-ci n’excède pas une quotité de travail de 20% de son temps de travail, l’agent restant rémunéré à temps plein. Pour valider cette autorisation, une convention de concours scientifique doit être signée entre l’employeur de l’agent et l’entreprise, ainsi qu’un contrat de valorisation. Le chercheur peut également être autorisé à détenir 49 % du capital de cette entreprise. L’autorisation de concours scientifique est accordée pour 5 ans renouvelables. La rémunération perçue pour le concours scientifique par l’agent est plafonnée à un montant fixé par décret n° 99-1081 du 20 décembre 1999 modifié. Le montant brut annuel était de 74226 euros au 1er février 2017.

A l’issue de cette période, le chercheur peut soit se mettre en disponibilité, soit démissionner de la fonction publique, ou bien être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l’entreprise dans les 12 mois, ou enfin être autorisé à rester dans la gouvernance de l’entreprise.

La participation à la gouvernance d’une société anonyme (articles L. 531-12 à L. 531-14 du code de la recherche) : autorisation donnée, après avis de la commission de déontologie, à un personnel de la recherche d’être membre de la gouvernance d’une société anonyme afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique, et à détenir 20 % maximum du capital social et des droits de vote. Cette autorisation est valable 2 ans renouvelable 2 fois (décret). La rémunération liée au capital et à la gouvernance (jetons de présence) est plafonnée. Cette autorisation n’est pas compatible avec le concours scientifique.

A l’issue de cette période ou de son mandat d’administrateur, le chercheur peut soit se mettre en disponibilité, démissionner de la fonction publique, ou être réintégré dans son emploi public, à condition de céder ses parts de l’entreprise dans les 3 mois.

Or, comme cela a été indiqué ci avant, le nombre de saisines de la Commission de déontologie constitue un bilan en deçà du potentiel de valorisation de la recherche publique.

Ce défaut de valorisation notamment par la création d’entreprises par la communauté scientifique peut notamment s’expliquer par une appréciation des dispositifs jugés peu lisibles et trop rigides par celle-ci (entreprises, établissements employeurs, personnels de la recherche).

Plusieurs freins à l’utilisation de ces dispositifs ont ainsi été relevés auprès des utilisateurs:

-          l’interdiction de maintenir un lien avec le service public de la recherche en cas de création d’entreprise : elle apparaît comme un obstacle important pour les fonctionnaires qui restent attachés à leur administration et hésitent à franchir le pas en raison des incertitudes autour de leur rémunération à venir et leur capacité entrepreneuriale (l’article L.531-4 disposant que l’agent doit être détaché ou mis à disposition à temps complet dans l’entreprise) ;

-          l’interdiction de maintenir tout lien avec l’entreprise à l’issue du concours scientifique : la rédaction différenciée des articles relatifs à la sortie de la création d’entreprise et du concours scientifique et leur lecture très stricte par les utilisateurs ont abouti à une interprétation de ses dispositions rendant impossible le passage du concours scientifique à la création d’entreprise. En effet, l’article L.531-6 indique expressément la possibilité d’apporter son concours scientifique ou être membre d’un organe de direction, la fin de l’autorisation pour création d’entreprise,  ce qui n’est pas le cas pour l’article L531-11 relatif à la sortie du concours scientifique. De plus, la circulaire du 7 octobre 1999 relative à la mise en œuvre des dispositions de la loi Allègre y contribue également en ne prévoyant que la démission ou la mise en disponibilité « lorsque l'autorisation est parvenue à son terme sans être renouvelée, ou lorsqu'elle est retirée » et « si (l’agent) souhaite continuer à travailler avec l'entreprise ». Identifiée par les auteurs du rapport Beylat –Tambourin précité, cette difficulté a fait l’objet de la proposition n°4 de modification de la loi visant à améliorer la sortie du concours scientifique en indiquant expressément la possibilité de passage d’un dispositif à l’autre ;

-          l’impossibilité de conserver le capital à l’issue de l’autorisation : elle dissuade les chercheurs de consacrer leurs meilleurs efforts dans cette activité privée aux résultats incertains et met parfois en difficulté ceux qui ont pris le risque et ne parviennent pas à revendre leurs parts, faute de repreneurs.

 

En outre, les évolutions proposées permettront à l’établissement employeur de garder la maîtrise de la gestion de ses ressources humaines et de le responsabiliser davantage dans la procédure d’autorisation.

2.2.  Objectifs poursuivis

Il est proposé de faire évoluer les dispositions du code de la recherche pour créer un environnement de confiance à destination des chercheurs souhaitant créer ou participer à la vie d’une entreprise tout en sécurisant leur parcours et facilitant leur implication.

L’objectif est ainsi de s’adapter à la diversité des situations rencontrées par les personnels de la recherche, de faciliter la fluidité entre les différents dispositifs de la loi Allègre qui sont jugés aujourd’hui peu lisibles et trop rigides par la communauté (entreprises, établissements employeurs, personnels de la recherche), tout en veillant au respect des droits et obligations des fonctionnaires et des règles de déontologie. En outre, les évolutions proposées permettent à l’établissement employeur de garder la maîtrise de la gestion de ses ressources humaines.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Afin de faciliter l’appropriation des nouvelles dispositions par l’ensemble des acteurs de la recherche (chercheurs, employeurs, entreprises, professionnels de la valorisation), il a été jugé préférable d’aménager les mesures existantes et de ne pas modifier le périmètre des bénéficiaires qui demeurent le même que celui présenté dans l’état des lieux, à savoir, les personnels dont les missions de recherche sont prévues à l’article L. 411-1 du code de la recherche.

Les procédures d’autorisations de création d’entreprise, de concours scientifique, de participation au capital d’une entreprise et de participation au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’une société de capital sont simplifiées. La décision d’autorisation de l’administration n’est plus subordonnée à l’avis préalable de la commission de déontologie Cette mesure consiste à adapter l’état du droit avec la pratique. Nous constatons en effet que les deux tiers des avis formulés par la commission concernent le dispositif du concours scientifique qui dans leur grande majorité ne pose aucune difficulté au regard des critères qui ont été posés par la commission. En vue de traiter les situations les plus problématiques, l’établissement à l’origine de l’autorisation devra demander l’avis de la commission de déontologie s’il ne s’estime pas en mesure d’apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflits d’intérêts.

Il est proposé aux articles L. 531-4, L. 531-6, L. 531-11 et L. 531-13 que le suivi de l’autorisation soit assuré désormais par l’établissement dont relève le fonctionnaire plutôt que par la commission de déontologie. Ces mesures visent à davantage responsabiliser l’établissement qui est à l’origine de l’autorisation tout en s’assurant que les situations les plus complexes puissent être expertisées dans de bonnes conditions par la commission de déontologie. Cet assouplissement permet de concilier les impératifs de déontologie et ceux de valorisation des résultats de la recherche. En soi, ceci n’est pas une nouveauté puisque les employeurs ont déjà, seuls, la responsabilité d’autoriser les cumuls d’activité en vertu de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 susmentionnée.

Le projet de loi introduit également la possibilité de mise à disposition à temps incomplet de l’agent public auprès d’une entreprise créée par un chercheur. Auparavant, le code de la recherche permettait seulement une mise à disposition à temps plein. Cette mesure, destinée à concilier la création d’entreprises et le maintien d’un lien avec la recherche publique, élargit le champ de la dérogation à la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Cette possibilité était déjà prévue dans les statuts particuliers des personnels de la recherche, qui peuvent déroger au statut général des fonctionnaires lorsque leurs missions le justifient conformément à l’article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

Dans le cas d’une mise à disposition, le projet de loi, aux articles L. 531-4 et L.531-8, prévoit que cette dernière donne lieu à remboursement dans les conditions prévues par les statuts particuliers des fonctionnaires concernés ou le cas échéant, par décrets en Conseil d’Etat.

En outre, il est ajouté une disposition afin que la mobilité du personnel de la recherche au sein de l’entreprise ne le pénalise pas dans sa carrière professionnelle. Ainsi, pour ne pas se heurter à la règle de l'interdiction de nomination pour ordre, il est proposé de recourir à un dispositif législatif permettant aux fonctionnaires concernés de bénéficier d'un avancement de grade dans leur corps ou cadre d’emploi d’origine, alors même qu'ils ne sont pas en fonction dans l'administration. Par ailleurs, le bénéfice d’une nomination dans un autre corps est également rendue possible mais limitée aux situations dans lesquelles le corps d'accueil n'entraîne pas de stage obligatoire.

Concernant plus spécifiquement le concours scientifique, le projet de loi introduit la possibilité pour le fonctionnaire de consacrer jusqu’à 50% de son temps de travail dans l’entreprise. Auparavant, la commission de déontologie ne le permettait que pour une quotité limitée à 20%. Il est également prévu que la mise à disposition du fonctionnaire donne obligatoirement lieu à remboursement sauf dérogations prévues par décret en Conseil d’Etat.

Par ailleurs, la rédaction actuellement en vigueur des articles du code de la recherche permet à un fonctionnaire détaché ou mis à disposition pour création d’entreprise de quitter ce dispositif pour apporter son concours scientifique à cette entreprise, mais il ne permet pas le mouvement inverse. Le projet de loi prévoit donc la possibilité pour le fonctionnaire, à l’issue du concours scientifique de reprendre l’entreprise valorisant ses travaux ou bien encore de participer au conseil d’administration ou au conseil de surveillance d’une société de capitaux. Il est autorisé à accéder à ces deux dispositifs par l’autorité administrative dont il relève.

Enfin, s’agissant de la détention de capital, les dispositions actuellement en vigueur prévoient qu’à la sortie du dispositif de création d’entreprise avec réintégration dans son administration d’origine, le fonctionnaire met fin à cette collaboration dans un délai d’un an et ne peut plus conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l’entreprise.

Il est désormais proposé de permettre au chercheur sortant des dispositifs prévus de conserver une participation au capital dans la limite de 49%, sous réserve d’informer son employeur public du montant du capital conservé et de ses modifications. Toutefois, cette option n’est pas possible en cas de retrait unilatéral de l’autorisation par l’autorité dont dépend le fonctionnaire. En outre, il est prévu dans le nouveau texte qu’à défaut d’avoir satisfait à cette obligation d’information, et sous réserve de l’appréciation de l’employeur public, le chercheur ne peut plus conserver directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l’entreprise.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

Le projet de loi vise à modifier les articles L. 531-1 à L. 531-16 du code de la recherche, issus de la loi Allègre qui a été codifiée par l’ordonnance de 2004.

Le nouvel article L. 531-16 fixant la durée et les conditions de l’autorisation accordée par l’autorité ainsi que son renouvellement, un nouveau décret devra être adopté.

En revanche, les décrets mentionnés aux articles L. 531-4 et L. 531-12 fixant la limite des rémunérations permises au titre de la participation des chercheurs ne sont pas modifiés.

Enfin, sans modification du périmètre du personnel concerné, la question de la constitutionnalité du texte ne se pose pas.

4.2.  Impacts économiques et financiers

Une plus grande mobilité des personnels de recherche vers l’entrepreneuriat et la consultance scientifique contribue à faciliter le transfert des résultats de la recherche vers le monde des entreprises. 

A ce jour, le CNRS revendique plus de 1200 entreprises créées depuis 35 ans, il est le 5ème titulaire de brevet  publié en 2017 à l’INPI. Il est, avec l’INSERM[305], un des organismes les plus innovants. Tous les établissements publics à caractère scientifique et technologiques mènent une politique volontariste d’entrepreneuriat et visent dans leurs contrats d’objectifs et de performance (COP) une augmentation du nombre de transfert via la création d’entreprises (autour de 5/10 par an). L’INRIA a créé 25 entreprises lors des 5 dernières années mais vise la création de 10 entreprises par an dans son nouveau contrat. En 2016, on comptabilise 20 start-ups créées issues des laboratoires de Sorbonne Université.

Les 14 SATT, les structures de transfert de technologies filiales aux établissements de recherche, issues du programme investissement d’avenir, ont licencié autour de 260 actifs issus de la propriété intellectuelle des établissements pour la constitution de start-ups.

Les incubateurs « Allègre » (1999) ont généré plus de 1800 entreprises en 20 ans. On recense pour le concours d’aide à la création d’entreprises à technologie innovante  i-LAB plus de 1815 start-ups lauréates en 20 ans.

 

CNRS

CEA

INSERM

INRA

Start-up

1200 depuis 1983

132 depuis 2001

120 depuis 1983

103 depuis 2001

Pour autant, sur la même période, la commission de déontologie a formulé 231 avis « favorable » ou « sous réserve » pour des demandes de création d’entreprise, 51 avis pour des demandes de participations à la gouvernance d’une société anonyme et 1250 avis pour le concours scientifique, ce qui constitue un bilan en deçà des attentes exprimées lors de l’élaboration du dispositif en 1999, lequel a été peu transformé depuis.

Rappelons en effet qu’environ 100.000 personnes du service public de la recherche (Universités et organismes de recherche) ont pu prétendre à l’utilisation des dispositifs issus de la loi Allègre. En 2015, seuls 6 avis favorables de mobilité pour création d’entreprise ont été rendus par la commission de déontologie, 92 avis pour la consultance et 1 avis pour la participation aux organes de direction d’une société.

A titre de comparaison, « sur la période 2007-2015 », 88 start-ups ont été créées ou soutenues par le CEA, dont 9 en 2015. L’institut Fraunhofer Gesellschaft revendique 131 spin-off, dont 24 nouvelles sociétés établies en 2015.

Si l’on compare les ratios du nombre de sociétés créées pour 1000 permanents de recherche, celui-ci est de 2,1 pour le Massachusetts Institute of Technology », 1 pour l’institut Fraunhofer, et 0,8 pour le CEA. Une analyse montre que pour les organismes de recherche et les universités, il est proche de 0,06.

Aussi, une facilitation de l’utilisation des dispositifs évoqués à l’aide d’un accompagnement approprié  aura un impact en termes de création d’entreprises à l’instar des résultats obtenus par d’autres dispositifs comme la création d’entreprise  I-Lab. En outre, cette mobilité renforcée constituera, pour des équipes constituées au sein de la recherche publique, un puissant vecteur d’appropriation culturelle des exigences et finalités du monde des entreprises.

4.3.  Impacts sur les services administratifs

L'autorisation étant refusée si elle est préjudiciable au fonctionnement normal du service public (article L. 531-3), l’impact sur le bon fonctionnement des administrations est limité.

Au contraire, ce projet de réforme renforce le lien entre le chercheur et l’établissement et permet des parcours de carrière diversifiés et profitables au fonctionnaire et à l’employeur.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

 L’article ayant trait à au moins deux fonctions publiques, le Conseil commun de la fonction publique est saisi pour avis sur les mesures proposées.

Le Conseil commun de la fonction publique a été saisi (séance du 27 mars 2018).

Le CNESER, Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, est également informé du projet de loi (séance du 20 mars 2018).

Les organismes de recherche nationaux (CNRS, INSERM Transfert et l’INRA) ont été consultés.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les mesures envisagées entreraient en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2        Application dans l’espace

Les articles L. 545-1, L. 546-1 et L. 547-1 du code de la recherche seront modifiés afin de permettre l’application des dispositions modifiées dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

5.2.3        Textes d’application

Au niveau réglementaire, des décrets et des décrets en Conseil d’Etat sont nécessaires pour l’application des dispositions envisagées.

 

 


Article 42 relatif à la création d’une procédure d’opposition aux brevets d’invention

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

La propriété industrielle a pour objet la protection et la valorisation des innovations et des créations ; elle représente un ensemble de droits conférant un monopole d’exploitation sur les inventions techniques (brevets), les créations esthétiques (dessins et modèles) et les signes distinctifs (marques, indications géographiques). Dans un contexte fortement concurrentiel et mondialisé, la propriété industrielle joue un rôle croissant dans les processus d’innovation et dans la compétitivité des entreprises. Elle permet non seulement de garantir un monopole d’exploitation, mais également de valoriser les investissements en recherche et développement ou en marketing, en tirant profit des revenus issus des licences d’exploitation concédées à des tiers. Au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de brevets déposés au niveau mondial a triplé, passant de 1 million par an à plus de 3 millions en 2016.

L’Institut national de la propriété industrielle (INPI), office français de propriété industrielle, est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de l’industrie. Au service des entreprises, l’INPI instruit et délivre, au nom de l’Etat, les différents titres de propriété industrielle. En 2017, il a ainsi enregistré 16 250 demandes de brevets d’invention, 90 500 dépôts de marques et 6 000 dessins ou modèles.

Le livre VI du code de la propriété intellectuelle établit les dispositions juridiques encadrant la protection des inventions et des connaissances techniques en France. La protection s’acquiert par l’accomplissement de formalités auprès de l’INPI et à l’issue d’une démarche volontaire aboutissant à la délivrance du titre. Le droit résultant du brevet est géographiquement limité au pays ou à la région de délivrance du titre de propriété industrielle.

La loi ne donne aucune définition de l’invention. En revanche, l’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle énonce les connaissances qui sont exclues et précises les conditions de fond dites de brevetabilité. Ces conditions de fond sont la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle. L’activité inventive est le critère le plus difficile à apprécier puisque, contrairement à la nouveauté, il est fondé sur un jugement subjectif : celui de l’homme de métier. Compte tenu de ces difficultés, la procédure d’examen des demandes de brevet par l’INPI ne statue pas a priori sur l’activité inventive, laissant ce soin au juge en cas d’action en nullité engagée par un tiers.

Le brevet français se distingue en ce sens du brevet européen délivré par l’Office européen des brevets (OEB).

1.2.  Éléments de droit comparé

En Europe, une vingtaine d’offices de propriété industrielle ont mis en place un système d’opposition aux brevets délivrés (notamment l’Office européen des brevets, ainsi que les offices des pays suivants : Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Portugal, Suisse, Autriche, Danemark, Suède, Norvège, Finlande), offrant ainsi aux tiers la possibilité d’un recours administratif. C’est également le cas de plusieurs offices de pays tiers (Etats-Unis, Japon, Inde, Australie, Brésil).

Ces recours post-délivrance présentent une alternative très intéressante à la voie judiciaire, en garantissant une procédure rapide et peu coûteuse.

Comparaison internationale des taux de brevets délivrés faisant l’objet d’une opposition

L’introduction dans le code de la propriété intellectuelle d’une procédure d’opposition aux brevets délivrés permettra un alignement du droit français avec la pratique d’une majorité d’offices étrangers, et contribuera à renforcer la qualité des brevets français, notamment par l’analyse du critère de l’activité inventive par l’INPI.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

L’instruction des demandes de brevets par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) est aujourd’hui critiquée, en raison de l’absence d’examen au fond des critères de brevetabilité (nouveauté, invention impliquant une activité inventive, invention susceptible d’application industrielle). La sécurité juridique du brevet français est considérée moindre du fait de cette absence de rejet par l’INPI des demandes de brevet présentant un défaut d’activité inventive. Comme le note la Cour des Comptes dans son référé du 20 octobre 2014, il apparaît cependant que « l’instauration d’un examen au fond n’est guère envisageable, eu égard aux moyens substantiels qu’il faudrait mobiliser pour un volume d’activité limité à la France »[306].

Le code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas de procédure d’opposition pour les brevets d’invention. La nullité d’un brevet d’invention délivré par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ne peut être prononcée que dans le cadre d’une procédure judiciaire.

La nécessité de recourir à la voie judiciaire pour faire valoir ses éventuels droits de propriété industrielle peut constituer un frein pour les acteurs économiques les plus faibles, en particulier les PME, les start-ups ou les inventeurs indépendants. Ainsi, en France, le taux moyen d’action d’actions en nullité pour les brevets d’invention est faible (moins de 40 procédures par an, contre environ 200 en Allemagne). En moyenne, 54 % des décisions d’annulation prononcées par les tribunaux sont motivées par un défaut d’activité inventive.

2.2.  Objectifs poursuivis

La procédure d’opposition vise à offrir aux tiers une possibilité de recours administratif, en vue d’obtenir la révocation ou la limitation d’un brevet d’invention délivré par l’INPI.

La procédure d’opposition envisagée constituera un dispositif administratif simple, rapide et peu coûteux, permettant d’éviter un recours en justice dans le cadre des litiges simples. Ces caractéristiques répondent à des attentes très fortes de la part des praticiens de la propriété industrielle et des entreprises, notamment les PME :

-          la mise en place de la procédure d’opposition permettra de diminuer la charge des tribunaux pour des petits conflits qui peuvent être réglés par une simple opposition devant l’INPI

-          les conseils en propriété industrielle, qui accompagnent les entreprises pour le dépôt des demandes de brevets auprès de l’INPI, ne sont pas autorisés à représenter leurs clients devant les tribunaux en cas de litige, prérogative réservée aux seuls avocats spécialisés. La mise en place de la procédure de recours administratif devant l’INPI va leur permettre d’assurer la continuité de leur activité de représentation de leurs clients en cas d’opposition

-          avec l’instauration d’une procédure d’opposition, l’INPI sera amené à réaliser un examen au fond des brevets faisant l’objet de cette procédure. Ainsi, l’opposition s’inscrit en complément de la procédure d’instruction des demandes de brevets en prévoyant un examen au fond a posteriori non systématique et en rendant cette procédure contradictoire

-          l’opposition va permettre, par une procédure administrative, de révoquer ou de limiter les brevets dénués de fondement et conduira, à terme, au « nettoyage des registres ». L’élimination des brevets « faibles » va mécaniquement renforcer la présomption de validité de l’ensemble des brevets français et améliorer la sécurité juridique associée aux titres, offrant une plus grande sérénité à leurs détenteurs pour intenter une éventuelle action en contrefaçon et faire valoir leurs droits devant les juridictions.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Le brevet délivré par l’INPI confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation de l’invention concernée sur le territoire français pendant une durée de 20 ans, moyennant le paiement d’annuités. La procédure d’opposition proposée peut éventuellement conduire à une révocation du titre de propriété industrielle, et donc à la perte de ce droit pour son détenteur.

En conséquence, la création d’une procédure d’opposition constitue une mesure relevant du domaine de la loi. Son instauration nécessite inévitablement une modification de la partie législative du code de la propriété intellectuelle.

3.2.  Option retenue

Compte tenu de la technicité des dispositions législatives à prévoir et eu égard aux échanges nécessaires au niveau interministériel dans le cadre de la préparation des textes associés, il est proposé d’intégrer au projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises un article habilitant le Gouvernement à prendre une ordonnance, dans un délai de 12 mois.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

L’instauration d’une procédure d’opposition crée, parallèlement à la voie judiciaire existante, une voie administrative permettant d’obtenir pendant un délai limité une révocation ou une limitation d’un brevet d’invention délivré par l’INPI. Une articulation entre ces deux voies de recours sera à prévoir afin de prévenir tout risque de décisions discordantes (le principe d’un sursis à statuer de la juridiction durant le délai d’opposition est privilégié à ce stade).

L’impact juridique de cette nouvelle procédure pourrait être de  deux types :

-          elle pourrait renforcer la sécurité juridique du brevet délivré par l’INPI. Le brevet français est considéré par ses détracteurs comme un brevet faible au prétexte que l’INPI ne peut rejeter une demande pour défaut d’activité inventive. Révoquer un brevet lors d’une procédure d’opposition pour défaut d’activité inventive contribuera à renforcer la valeur juridique du brevet français ;

-          elle pourrait faciliter la gestion des contentieux en matière de brevet. Un brevet délivré par l’INPI peut être annulé par le TGI de Paris. Cependant un litige est coûteux et long. Une procédure d’opposition administrative devant l’INPI a pour intérêt d’être moins coûteuse et plus rapide pour le concurrent ayant intérêt à agir.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La création d’un droit d’opposition aux brevets délivrés est compatible avec les règles internationales et européennes sur la propriété industrielle (notamment Convention de Paris du 20 mars 1883) et le droit des brevets (traité de Washington du 19 juin 1970, convention de Munich du 5 octobre 1973, …).

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

La procédure d’opposition pourrait conduire à 3 types de décisions :

-          le maintien du brevet : pas de modification du droit conféré par le titre délivré ;

-          la révocation du brevet : le titulaire du titre perd son droit exclusif d’exploitation de l’invention, rendue publique. L’impact économique de ce type de décision ne peut être évalué qu’individuellement ;

-          le maintien du brevet sous forme modifiée : le titulaire du titre conserve un droit exclusif d’exploitation, mais sous une forme éventuellement limitée.

Le nombre de procédures d’opposition susceptibles d’être engagées annuellement, évalué à partir d’une comparaison avec les pratiques des offices de propriété industrielle étrangers (cf. diagramme ci-dessous), est estimé entre 1 et 4 % du nombre de brevets délivrés annuellement par l’INPI

Ainsi, le taux d’opposition devrait se situer entre une estimation basse à 120 (1 % des brevets délivrés) et une hypothèse haute de 420 (4 % des brevets). On peut raisonnablement viser un pourcentage d’opposition proche de celui observé en Allemagne (2,5 %), soit un total de procédures de l’ordre de 250 oppositions par an traitées par l’INPI.

D’un point de vue qualitatif, les gains économiques issus de la mesure pourraient être de trois types :

-          mieux réguler l’activité économique : la procédure d’opposition donne la possibilité aux entreprises les plus innovantes d'attaquer à moindre coût un brevet de faible qualité détenu par un concurrent et donc de libérer rapidement un marché ;

-          renforcer la confiance dans le brevet français et faciliter l’exportation des inventions, de même que le transfert de technologie : un brevet plus solide du point de vue juridique sera plus susceptible d’être étendu à l’international et la technologie sera plus aisément exportable, en raison d’un risque de contentieux amoindri ;

-          rendre le marché français plus attractif pour les investisseurs : l’augmentation de la valeur économique des brevets maintenus à la suite d'une procédure d'opposition permettra de valoriser le capital immatériel d'une entreprise, notamment des petites et moyennes entreprises (PME), auprès de futurs investisseurs.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Les entreprises réalisent une veille technologique et connaissent très bien leur marché et leurs concurrents. Ainsi, elles ont accès à des documents pertinents opposables à des brevets délivrés à leurs concurrents.

Aujourd’hui, certaines entreprises (notamment les PME) préfèrent adapter leur produit plutôt que d’engager une action en justice afin d’obtenir la nullité d’un brevet concurrent. En effet, l’annulation d’un brevet devant la justice présente deux barrières, l’une psychologique, l’autre économique :

-          barrière psychologique et juridique : il est délicat pour une PME de se lancer dans un litige en propriété intellectuelle devant des tribunaux (en l’occurrence le tribunal de grande instance de Paris). Les formes de recours et les procédures telles que l’annulation restent peu connues et font souvent encore peur. L’engagement d’une action en justice nécessite le développement pour les entreprises de connaissances juridiques très éloignées de leurs centres d’intérêt pour former un recours ;

-          barrière économique : du fait de la difficulté juridique et de la longueur d’une procédure judiciaire, une requête en nullité est souvent trop coûteuse pour une PME (frais de représentation, provisions à constituer tant que la décision n’est pas rendue).

La possibilité de contester un brevet gênant d’une grande entreprise par le biais d’une procédure administrative d’opposition constitue une alternative plus accessible pour les entreprises, en particulier pour les PME, tant du point vue juridique que financier.

4.3.  Impacts budgétaires

La procédure d’opposition va nécessiter, de la part de l’INPI, la mise en place d’une nouvelle organisation (création d’une chambre de recours), accompagnée de la mise à dispositions de nouveaux moyens matériels (notamment systèmes informatiques spécifiques à développer) et humains (besoin de compétences nouvelles, mise en place d’un programme de formation).

L’INPI, dont le budget annuel est de 220 M€, est exclusivement financé par les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs brevets d’invention ou autres titres de propriété industrielle, sans subvention de l’Etat. Les investissements nécessaires à la mise en place de la procédure d’opposition seront intégralement pris en charge par le budget de l’établissement.

L’évaluation détaillée des impacts budgétaires pour l’INPI sera menée dans le cadre de la préparation du texte réglementaire d’application de l’ordonnance.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La procédure d’opposition va nécessiter, de la part de l’INPI (établissement public administratif), la mise en place d’une nouvelle organisation (création d’une chambre de recours), accompagnée de moyens matériels (notamment systèmes informatiques spécifiques à développer) et humains (besoin de compétences nouvelles, mise en place d’un programme de formation).

L’évaluation détaillée des impacts organisationnels, matériels et humains pour l’INPI sera menée dans le cadre de la préparation du texte réglementaire d’application de l’ordonnance.

L’instauration de cette procédure va contribuer à désengorger les tribunaux judiciaires à due concurrence, sans pour autant leur faire perdre leur prééminence.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultation menée

Le projet d’article d’habilitation pour la prise d’une ordonnance a été préparé en concertation avec les services de l’INPI. Par ailleurs, la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) a été consultée sur le projet de texte et a fait part de son avis très favorable.

5.2.  Modalité d’application

5.2.1        Application dans le temps

La procédure d’opposition va nécessiter, de la part de l’INPI, la mise en place d’une nouvelle organisation (création d’une chambre de recours), accompagnée de la mise à dispositions de nouveaux moyens matériels (notamment systèmes informatiques spécifiques à développer) et humains (besoin de compétences nouvelles, mise en place d’un programme de formation). La mobilisation de ces nouvelles ressources impose de disposer d’un cadre juridique établi. Ainsi, un délai prévisionnel de l’ordre de 18 mois sera nécessaire, après publication de l’ordonnance, pour permettre l’entrée en vigueur du dispositif.

5.2.2        Application dans l’espace

Le droit de la propriété industrielle entre dans le champ d’application du droit commercial.

Le droit commercial est de la compétence autonome des collectivités d’outre-mer de Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française :

-          concernant la Nouvelle-Calédonie, en application de la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 relative au transfert de la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’Etat en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial, et ce depuis le 1er juillet 2013, les compétences détenues par l’Etat en matière de droit commercial, auquel il y a lieu de rattacher le droit de propriété industrielle, ont été transférées à la Nouvelle-Calédonie les conditions posées par l’article 1er précité de la loi du pays ayant été remplies ;

-          concernant la Polynésie française, aux termes des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans les matières qui ne sont pas dévolues à l’Etat par l’article 14. Or le droit commercial, y compris le droit de la propriété industrielle, ne figure pas dans les matières dévolues expressément à l’Etat dans ce même article ;

-          à Wallis-et-Futuna, la compétence de principe de l'Etat se fonde sur l'article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer. Le décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna attribue certaines compétences à l'assemblée territoriale en son article 40. La propriété industrielle ne figure pas parmi ces compétences ;

-          concernant les Terres australes antarctiques françaises, en application de l’article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, les dispositions relevant du droit commercial relèvent des matières dont l’application est de plein droit.

 


Sous-Section 2 - Protéger les expérimentations de nos entreprises

Article 43 relatif aux véhicules autonomes

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

L’expérimentation constitue une étape incontournable pour passer de la recherche-développement à la mise en œuvre des systèmes de conduite automatisée et pour s’assurer que ceux-ci répondent aux exigences de sécurité routière et d’acceptabilité. Cette phase d’expérimentation peut également, en complément de travaux de recherche ou d’études de comportements, fournir des éléments utiles sur les attitudes de conduite et de mobilité.

Après une phase initiale d’expérimentations (2014–2017) visant à de premières validations de briques technologiques en situation réelle, il est nécessaire de passer à une deuxième phase, caractérisées par une approche élargie sur une diversité de cas d’usages, au-delà des briques technologiques propres à des véhicules expérimentées jusqu’à lors. Cette approche, qui doit couvrir l’ensemble des territoires (urbains, péri-urbains, ruraux), permettra d’évaluer, outre la sécurité des systèmes, les comportements des conducteurs et des autres usagers de la route, l’acceptabilité de la conduite autonome, les modèles économiques, mais aussi les impacts sur la mobilité, l’emploi, les compétences dans les secteurs économiques concernés (automobile, transports, mobilités).

Au-delà de la mise au point technique des voitures particulières autonomes sur route à chaussées séparées, il importe de passer à des tests de l’usage de ces véhicules avec des conducteurs non-experts, et de développer les expérimentations de navettes, avec supervision à distance.

1.2.  Cadre juridique existant

L’article 37 de la loi n° 2015-992 du 7 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, visait à permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite à des fins expérimentales. L’ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 relative à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques, prise en application de cette loi, indique que la circulation à des fins expérimentales d'un véhicule à délégation partielle ou totale de conduite sur une voie ouverte à la circulation publique est subordonnée à la délivrance d'une autorisation destinée à assurer la sécurité du déroulement de l'expérimentation. Cette autorisation est accordée par le ministre chargé des transports après avis du ministre de l'intérieur, s'il y a lieu, après avis du gestionnaire de la voirie, de l'autorité compétente en matière de la police de la circulation et de l'autorité organisatrice des transports concernés.

Les conditions de délivrance de l'autorisation et les modalités de sa mise en œuvre sont précisées par décret en Conseil d’État[307].

En outre, il existe un dossier de demande d'autorisation et un registre créé pour répertorier les autorisations accordées.

De fin 2014 à fin 2017, 51 décisions d’autorisation de délivrance exceptionnelle de certificats d’immatriculation « W garage » dans le cadre d’expérimentation de véhicules à délégation de conduite ont été délivrées. Parmi ces décisions, 26 concernent des voitures particulières (dont 11 en milieu urbain complexe, caractérisé par une grande diversité des situations de conduite), 15 des navettes urbaines et 10 sont des décisions modificatives afin d’étendre la durée de validité, le périmètre géographique ou le nombre de véhicules concernés par l’expérimentation. Depuis mi-2016 une augmentation significative du nombre de demandes d’expérimentation de navettes autonomes est observée.

Ces expérimentations visent, selon les cas, les essais techniques et la mise au point des systèmes, l’évaluation des performances en situation pour l’usage auquel est destiné le véhicule à délégation de conduite, les comportements et l’acceptabilité par les usagers et les tiers, et parfois, la démonstration publique, notamment lors de manifestations événementielles, dans un objectif de sensibilisation.

30 bilans d’expérimentation ont été reçus par l’administration et sept réunions sur les retours d’expérience ont été organisées depuis fin 2014. Ces retours d’expérimentation sont globalement positifs. À ce jour, aucun accident matériel ou corporel n’a eu lieu lors des roulages (près de 100 000 km parcourus au total). Des incidents de plusieurs sortes ont cependant été rencontrés. En effet, les véhicules à délégation de conduite ne gèrent pas encore toutes les situations de conduite. Les problèmes peuvent provenir de l’environnement dans lequel le véhicule évolue (zones de travaux ou de péage, passage de trois voies à deux voies, brouillard épais, objet sur la voie…) mais aussi du comportement des autres usagers (non respect des distances de sécurité, queues de poisson, stationnement sur la bande d’arrêt d’urgence en cas de ralentissement de la circulation au niveau d’une sortie d’autoroute…).

Les expérimentations ont permis aux constructeurs d’acquérir de nombreuses données de conduite et d’améliorer les algorithmes de conduite autonome. Ainsi, les véhicules expérimentés à l’heure actuelle sont capables de gérer beaucoup plus de situations et d’évènements que ceux expérimentés il y a deux ans, notamment par l’amélioration de la performance de la perception de l’environnement du véhicule (chaussée et signalisation, autres véhicules). De plus, les démonstrations de navettes autonomes ont permis de présenter ce concept au grand public. D’une manière générale, les retours des personnes ayant testé les prototypes sont enthousiastes.

Pour sécuriser la conduite des expérimentations et fluidifier l’instruction des demandes, le décret en Conseil d’État prévu par l’ordonnance n° 2016-1057 (décret n° 2018-211 du 28 mars 2018) prévoit que les véhicules concernés par l’autorisation définie dans l’ordonnance peuvent circuler sur des voies ouvertes à la circulation publique sous couvert d’un titre provisoire de circulation spécifique, de sorte que le décret procède également à la modification nécessaire du code de la route. Pour les véhicules affectés au service de transport public de personnes ou de marchandises, ce texte procède à des adaptations aux articles R. 3113-10, R. 3211-7 et R. 3211-12 du code des transports. Il pose également les principes généraux contribuant à la sécurité des expérimentations, comme l’enregistrement des données permettant de connaître l’état de la fonction de délégation, une obligation de marche à blanc pour les véhicules destinés au transport de public, les conditions relatives au conducteur et aux personnes transportées.

Lors de la préparation du décret 2018-211 du 28 mars 2018, il est apparu important de tenir compte de ce que le II de l’article R. 412-6 du code de la route, précise que « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent ». Plus largement, le terme « conducteur » est une notion qui structure le droit routier et, partant, le droit de la responsabilité civile et pénale en matière routière. Ainsi, s’agissant de la responsabilité civile, la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et, pour la responsabilité pénale, l’article L. 121-1 du code de la route dispose que « le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite du véhicule »).

Face à de possibles incertitudes quant aux règles applicables, en matière de responsabilité civile et pénale, aux véhicules circulant sans conducteur, le Gouvernement a décidé de proposer, en complément de la publication du projet de décret, un article législatif permettant de clarifier le régime de responsabilité applicable en cas d’accident pendant une expérimentation.

De plus, la loi de transition énergétique susmentionnée indiquait que « La circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s'il s'agit de véhicules affectés à un transport public de personnes ». Or les projets d’expérimentations concernent de plus en plus des services de transports publics, nécessitant des évaluations et des validations en conditions réelles d’expérimentation utilisant des voies réservées aux transports collectifs.

1.3.  Éléments de droit comparé[308]

En Allemagne : le code de la route (Strassenverkehrgesetz) a été modifié en 2017 pour permettre la circulation (hors expérimentation) de véhicules automobiles qui peuvent être dirigés de manière autonome ; cette modification indique également, en substance, que le conducteur ne commet pas une infraction s’il se détourne des tâches de conduite dès lors qu’il peut reprendre la conduite de manière adéquate.

Au Canada : la compétence relève des Provinces ; en Ontario le Pilot Project Act permet l’expérimentation, dès lors qu’un conducteur est présent à bord.

Aux Etats-Unis : les exigences de sécurité dans la conception des véhicules relèvent du niveau fédéral, les Etats étant responsables de l’immatriculation, du permis de conduire et des règles de circulation. 22 Etats disposent de réglementations relatives à la conduite autonome. Le projet SELF DRIVE ACT (House of Representatives, 6 septembre 2017) et le projet AV-START ACT visent à régir les relations et possibilités de conflits entre les approches des Etats et le niveau fédéral.

Au Japon, un amendement de février 2017 au code de la route (Road Traffic Act) permet la circulation de véhicules sans action du conducteur, sur certaines portions du réseau routier dans certaines régions, et autorise l’expérimentation de véhicules sans volant ni pédales.

En Espagne, la notice de la direction générale du Trafic (novembre 2015) autorise les tests de conduite automatisée dans la circulation.

Au Royaume-Uni, le projet de loi « Automated and Electric Vehicle Bill » (2ème lecture à la Chambre des Lords), prévoit que soient définies les catégories de véhicules automatisés autorisés à circuler en fonction de critères de sécurité, ainsi que des dispositions en matière de responsabilité (en cas d’accident et en cas de défaillance et défaut de mise à jour des dispositifs embarqués).

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

L'absence de cadre législatif adopté permettant de clarifier les responsabilités civiles et pénales pendant les expérimentations, constituait un frein majeur au développement de ces expérimentations, qui, après une phase de suivi technologique, doivent maintenant clairement aborder les enjeux d'interactions véhicules-conducteurs-conditions au cours de la circulation des véhicules en expérimentation. Sans cette mesure, la France se trouverait entravée dans le développement de la conduite autonome, au plan international.

 

2.2.  Objectifs poursuivis

L’objectif de la présente mesure est d’élargir le champ des expérimentations aux situations d’inattention ou d’absence de conducteurs et aux engins de livraison urbaine automatisés, et d’arrêter les régimes de responsabilité en l’absence de conducteur afin d’offrir aux expérimentations des règles identifiées en matière de sécurité routière et de poursuivre ces expérimentations.

Le développement des expérimentations, permis par ce nouveau cadre législatif et réglementaire devraient ainsi permettre :

-          d’évaluer les enjeux critiques de circulation, de régulation des flux et de supervision pour alimenter un référentiel d’analyse de sécurité des parcours

-          d’évaluer les comportements des conducteurs professionnels et les éventuelles évolutions possibles des métiers de chauffeurs d’autre part ;

-          de porter une attention particulière aux transitions (délégation et reprise de contrôle), aux fonctionnalités des interfaces homme-machine et au suivi de l’attention du conducteur pour évaluer la dynamique d’apprentissage des fonctionnalités par les conducteurs ;

-          de contribuer à l’évaluation de l’impact sur la consommation de carburant ;

-          l’évaluation de la perception du temps passé en mode de conduite délégué, et, partant, aux choix de déplacement et de mode de transport ;

-          des évaluations conjointes des véhicules et de l’infrastructure, y compris par l’expérimentation d’équipements de la route encore non-homologués ;

-          de préfigurer l’élaboration d’un référentiel d’adéquation des infrastructures, y compris de leur signalisation, à la conduite autonome ;

-          de définir des référentiels partagés définissant les amers de localisation, de tester l’adéquation des jeux de données cartographiques et d’expérimenter une plateforme d’intégration, de fusion et de redistribution en temps réel de données géographiques de sources multiples ;

-          de développer l’automatisation dans le domaine de la logistique urbaine.

L’objectif général est de construire un socle de connaissances, de méthodes et d’outils partagés entre les acteurs publics et privés afin de démontrer la sécurité et l’évaluation des systèmes de mobilité autonome. La construction de ce socle de connaissances nécessite des expérimentations à grande échelle sur des cas d’usage sélectionnés, afin notamment de :

-          coordonner et mettre en œuvre un plan d’expérimentation national basé sur des méthodologies partagées, permettant de caractériser les sites d’expérimentation, de collecter et capitaliser les données et résultats attendus ;

-          construire le référentiel de situations critiques couvrant les transports individuels et les transports collectifs ;

-          définir les méthodes et outils de démonstration et de validation de la sécurité,

-          préparer et mettre à disposition les infrastructures physiques et numériques nécessaires à la mise en œuvre des expérimentations en situation réelle d’exploitation ;

-          identifier et formaliser les gains de performance, de sécurité et de services apportés par les infrastructures dans une approche système intégrant véhicules et infrastructures ;

-          évaluer l’acceptabilité, l’utilité, l’usage de la conduite et de la mobilité autonome par les usagers potentiels, ainsi que les bénéfices sociétaux attendus en termes de sécurité routière, émissions polluantes, fluidité du trafic et sur l’économie ;

-         construire et mettre en œuvre un plan de sensibilisation et de communication pour accompagner le déploiement de la conduite et de la mobilité autonomes auprès des usagers et de l’ensemble des différentes parties prenantes.

3.         Dispositif retenu

La présente disposition ouvre explicitement la possibilité de mener des expérimentations avec des conducteurs inattentifs ou sans conducteur. Elle précise le régime de responsabilité pénale et civile applicable à ces expérimentations et étend leur portée puisqu’elles seront désormais possibles sur les voies réservées aux transports publics.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

La règle proposée ouvre explicitement la possibilité de conduire des expérimentations avec des conducteurs inattentifs ou sans conducteur, précise le régime de responsabilité applicable à ces expérimentations et étend leur portée (circulations sur voies réservées aux transports publics).

Elle modifie l’ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

L’impact sur l’emploi concerne potentiellement un très grand nombre d’activités, pas uniquement dans le secteur des transports qui compte 700 000 emplois mais également dans l’industrie (500 000 emplois créés au sein de la filière automobile par exemple).

Cette révolution va probablement conduire à des transferts de qualifications et d’emploi, avec des opportunités de créer de nouveaux emplois et de nouvelles compétences, probablement plus qualifiées, à la jonction des transports et du numérique.

D’ores et déjà, les opérateurs de transports publics, réunis au sein de la Nouvelle France industrielle[309], ont engagé des réflexions sur les nouvelles compétences liées à la supervision et à l’accompagnement dans les navettes automatisées.

Au plan technologique et industriel, il s’agit de maîtriser de nombreuses technologies innovantes, en termes de détection, de traitement des données, de localisation, d’algorithmique. Les applications du véhicule automatisé dans le domaine du fret et de la logistique pourraient modifier radicalement l’efficacité de la chaîne logistique, notamment en milieu urbain. Cependant, ces applications sont encore insuffisamment prévisibles pour disposer d’une vision des impacts, en dehors du « truck platooning » (pelotons de camions asservis au véhicule de tête) pour lequel le gain énergétique est maintenant bien documenté (et dépend fortement de l’inter-distance entre véhicules). Là aussi, le développement de l’expérimentation doit permettre de développer et valider les systèmes, dans une diversité croissante de cas d’usage.

En tout état de cause, le développement des expérimentations permis par le présent projet de loi doit concourir à mieux anticiper les effets économiques sur les filières et l’emploi.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Au plan technologique et industriel, les entreprises auront à maîtriser de nombreuses technologies innovantes, en termes de détection, de traitement des données, de localisation, d’algorithmique. Les applications du véhicule automatisé dans le domaine du fret et de la logistique pourraient modifier radicalement l’efficacité de la chaîne logistique, notamment en milieu urbain. Cependant, ces applications sont encore insuffisamment prévisibles pour disposer d’une vision des impacts, en dehors du « truck platooning » pour lequel le gain énergétique est maintenant bien documenté (et dépend fortement de l’inter-distance entre véhicules). Là aussi, le développement de l’expérimentation doit permettre de développer et valider les systèmes, dans une diversité croissante de cas d’usage.

4.3.  Impacts sur les collectivités territoriales

Pour les collectivités locales, le développement de l’automatisation représente des enjeux très forts dans la mesure où elle peut modifier radicalement les comportements de mobilité. De façon générale, on pressent que la distinction entre transports individuels, transports partagés et transports collectifs, va s’estomper.

Pour bien appréhender ces enjeux, les collectivités locales doivent pouvoir, au travers des expérimentation, s’assurer de l’adéquation des services permis par l’automatisation, avec les besoins des citoyens et des territoires et notamment de tirer pleinement parti des potentialités des véhicules autonomes en matière de mobilités. Elles doivent également participer à la construction d’une doctrine d’analyse de sécurité et de validation des systèmes. L’expérimentation permet également de tester de nouveaux modèles économiques, tout en assurant la cohérence de ces services avec les politiques de mobilité locales et les capacités à déployer des infrastructures adaptées au véhicule autonome.

Les collectivités locales sont particulièrement demandeurs d’être des acteurs actifs de l’expérimentation. En permettant le développement d’expérimentations dans un cadre sécurisé, la disposition proposée correspond à leurs attentes. Outre leur pouvoir de proposer elles-mêmes des expérimentations, elles seront sollicitées, dans l’instruction des demandes, sur les projets d’expérimentations sur leur territoire.

4.4.  Impacts sur les services administratifs

La mesure proposée ne crée pas de charge supplémentaire sur les administrations puisque les autorisations de circulation à des fins expérimentales d'un véhicule à délégation partielle ou totale de conduite continueront d’être délivrées par le ministre chargé des transports conformément à l’ordonnance de 2016 susmentionnée.

4.5.  Impacts sociaux

La présente disposition va permettre de s’assurer que les systèmes développés sont conformes aux attentes individuelles et sociétales en termes de sécurité. L’expérimentation constitue le pilier de l’élaboration d’un cadre de validation de la sécurité de ces systèmes.

4.5.1        Prise en compte du handicap

Le véhicule automatisé pourrait favoriser la mobilité des personnes qui aujourd’hui n’ont pas accès à la mobilité individuelle, comme les personnes âgées ou les personnes à mobilité réduite.

4.6.  Impacts sur les particuliers

L’impact de l’automatisation des véhicules sur la fluidité des trafics et donc sur les temps de transports des particuliers, apparaît potentiellement fort, grâce à une meilleure coordination des vitesses dans les flux. Il est envisageable également d’accroître considérablement l’efficacité des mesures de régulation dynamique. Cependant, ces impacts potentiels apparaissent dépendre fortement du degré de mixité des flux entre différents types de véhicules, et du taux de pénétration des véhicules automatisés. Certains travaux laissent penser qu’un faible taux de pénétration (de l’ordre de 10 %) suffirait à fluidifier l’ensemble des flux, d’autres travaux établissent un seuil de pénétration de 50 % à 75 % pour observer ces effets. L'expérimentation contribue également à évaluer cet impact.

Le développement de la logistique urbaine automatisée permet d’envisager des optimisations des parcours et des chargements, avec des bénéfices indirects possibles sur la congestion, la pollution locale et les émissions de carbone.

Il s’agit par ailleurs de s’assurer que l’adéquation des services permis par l’automatisation, avec les besoins des citoyens et des territoires, notamment de tirer pleinement parti des potentialités des véhicules autonomes en matière de mobilités rénovées. Les systèmes sans conducteur révèlent de nouvelles opportunités de développement des offres de services, sur certains segments de la demande dans le temps ou dans l’espace ; associés à de nouvelles formes d’auto-partage ou de transport à la demande, ils peuvent aussi modifier les limites entre transport individuel et collectif.

4.7.  Impacts environnementaux

Les impacts environnementaux sont potentiellement très importants. Les véhicules automatisés, qu’ils soient destinés au transport de personnes ou de marchandises, pourront permettre des conduites et des optimisations de circulations ou de parcours plus respectueuses de l’environnement. De plus, ces technologies se développeront en même temps que les nouvelles motorisations alternatives (dont l’électromobilité). Les effets bénéfiques sur la sécurité pourraient indirectement permettre de réduire le poids des véhicules. Enfin, le développement des transports publics automatisés devrait permettre d’adresser des segments de demande non satisfaits, ou dépendants du véhicule particulier : rabattement vers les gares, transports à la demande, zones rurales. L'expérimentation contribue également à évaluer ce type d’impacts.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Les consultations suivantes ont été menées :

-          organisations professionnelles : Comité des constructeurs français d’automobiles ; Centre national des professionnels de l’automobile ; Fédération française de l’assurance

-          Nouvelle France Industrielle – programme véhicule autonome

-          conseil national d’évaluation des normes (consultation obligatoire)

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

La présente disposition entrera en vigueur le lendemain du jour de la publication du projet de loi.

5.2.2        Application dans l’espace

Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République française, y compris dans les départements et régions d’outre-mer ainsi que dans les collectivités d’outre-mer.

5.2.3        Textes d’application

Un décret en Conseil d’État précisera les conditions de délivrance de l’autorisation à laquelle sera soumise chaque expérimentation, et les modalités de sa mise en œuvre.


Section 3 : Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques et financer l’innovation de rupture

Articles 44 à 50 relatifs au transfert de la majorité du capital d’Aéroports de Paris au secteur privé

1.         Etat du droit et diagnostic de la situation actuelle

1.1.  Présentation de la société Aéroports de Paris

La société Aéroports de Paris détient et exploite les aéroports Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, ainsi que 10 aérodromes en Ile-de-France et l’héliport d’Issy-les-Moulineaux. Avec ses filiales et participations, notamment dans Schiphol Group (aéroport d’Amsterdam-Schiphol) et dans le groupe TAV (exploitant notamment l’aéroport d’Istanbul-Atatürk), elle forme l’un des principaux groupes aéroportuaires mondiaux.

Au titre de l’article L.6323-1 du code des transports, la majorité de son capital est détenue par l’Etat qui détient 50,63% du capital et 58,5% des droits de vote de la société.

 

Source : société.

 

La société Aéroports de Paris a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires consolidé de 3 617 millions d’euros et un résultat net part du groupe de 571 millions d’euros. Depuis la transformation de l’établissement public en société anonyme, intervenue en 2005, Aéroports de Paris a connu une augmentation annuelle moyenne de 3,8% de ses revenus (hors effet périmètre de la consolidation de TAV intervenue en 2017), et de 10 % de son résultat net part du groupe. La société s’est particulièrement développée à l’international, réalisant désormais près de 20% de son chiffre d’affaires hors de France, contre 2% en 2005.

 

Source : société.

 

En 2017, la société Aéroports de Paris a accueilli près de 102 millions de passagers dans ses plateformes parisiennes (Paris-CDG et Paris-Orly), emploie directement près de 9 000 personnes et a consacré en 2017 de l'ordre de 900 millions d'euros à ses investissements. Depuis 2005, Aéroports de Paris a connu une augmentation annuelle moyenne de 2,1% du trafic de ses plateformes parisiennes (Paris-CDG et Paris-Orly), passant de 79 millions de passagers à près de 102 millions

Source : société.

 

1.2.  Etat du droit

Aéroports de Paris (plus loin : « ADP ») est une société anonyme créée par transformation de l’EPIC éponyme opéré par la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports. Elle se conforme aujourd’hui notamment (i) au droit commun des sociétés[310] (ii) aux dispositions encore en vigueur de la loi de 2005 précitée (titre Ier), (iii) aux dispositions générales ou particulières[311] du code des transports et du code de l’aviation civile, et (iv) aux dispositions de son cahier des charges, aujourd’hui fixées par le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005, lequel détaille ses obligations de service public.

En outre, un contrat de régulation économique, conclu entre l’Etat et ADP en application de l’article L.6325-2 du code des transports et de l’article R.224-4 du code de l’aviation civile, détermine, pour une durée de 5 ans, le plafond du taux moyen d’évolution des principales redevances pour services rendus, en référence aux prévisions de coûts, de recettes et au programme des investissements prévus sur le périmètre régulé. Il détermine également les objectifs de qualité de service et de productivité d’ADP sur la période. Le contrat en cours vient à échéance le 31 décembre 2020.

Au plan du droit européen, ADP s’analyse comme étant titulaire d’un droit exclusif, au sens de l’article 106 TFUE[312], d’exploitation des aérodromes franciliens, dont les principaux sont Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget. Ce droit exclusif, qui lui a été attribué par la loi, n’est pas limité dans le temps.

ADP dispose également de la pleine propriété de ses actifs[313] mais ce régime de propriété s’écarte du droit commun sur plusieurs aspects :

2.         Objectifs poursuivis

Le produit de cession d’une partie de la participation de l’Etat au capital de la société Aéroports de Paris abondera le fonds pour l’innovation, constitué au sein de l’établissement public Bpifrance afin de financer le développement d’innovations de rupture et leur industrialisation en France, et contribuera au désendettement de l’Etat.

Toutefois, le transfert de la majorité du capital de la société Aéroports de Paris au secteur privé rend nécessaire une modification du régime juridique qui lui est applicable afin de conserver des droits de propriété publique sur des actifs essentiels à la continuité du service public, au développement économique de la Nation, à son interconnexion avec le reste du monde et la desserte de la capitale et de ne pas privatiser un droit perpétuel d’exploitation fondé sur une décision unilatérale d’organisation du service public.

3.         Analyse des impacts des mesures envisagées

3.1.  Présentation des mesures envisagées

Le projet du Gouvernement autorise la privatisation d’ADP, d’une part, et met un terme dans 70 ans au droit d’exploitation de la société tel qu’institué en dernier lieu par la loi du 20 avril 2005 en prévoyant le transfert des actifs franciliens à l’Etat à cette échéance, d’autre part.

La limitation des droits d’exploitation des aéroports parisiens à 70 ans et le transfert de la propriété des actifs à l’Etat à l’issue de la période d’exploitation sont rendus nécessaires pour préserver la continuité du service public aéroportuaire tout en permettant la privatisation de la société et ses développements futurs. Ils produisent à cette échéance des effets comparables à ceux d’une expropriation des biens dont la société Aéroports de Paris est propriétaire et qui doit, par conséquent, donner lieu à une indemnisation d’ADP.

Par ailleurs, l’Etat conservera, dès le transfert au secteur privé de la majorité du capital, les leviers actuels de maîtrise des actifs, dont les principaux sont garantis par la loi.

3.2.  Impacts juridiques

S’agissant de la privatisation, cette dernière est compatible avec les dispositions de nature constitutionnelle[317] applicables. En effet, la mission de service public confiée à ADP, telle qu’énoncée à l’article L. 6332-2 du code des transports, s’exerce sur la seule région Ile-de-France. Il ne peut donc être considéré, à ce titre, que la société exerce une activité assimilable à un service public national ou à un monopole de fait.

Le régime juridique applicable à ADP n’est pas substantiellement modifié, il est seulement limité dans le temps (70 ans) au lieu d’être perpétuel. Cette modification est jugée nécessaire au regard du caractère essentiel d’ADP pour le développement économique, la connectivité de la France et la sécurité publique, afin de garantir la reprise du contrôle par l’Etat sur les actifs aéroportuaires parisiens et l’absence de transfert au secteur privé d’un droit exclusif sans limitation de durée.

Dans le détail, cette modification suppose une série de dispositions significatives, la plupart de niveau législatif. Il faut notamment prévoir un transfert de la propriété des biens à l’Etat au terme de 70 ans et, en conséquence, indemniser la société.

Conformément à ce que prévoit le bloc de constitutionnalité, cette indemnité doit être « juste et préalable[318] ».  

Pour s’assurer de son caractère « juste », le projet du Gouvernement prévoit le recours à une méthode classique d’évaluation financière : la méthode de l’actualisation des flux de trésorerie futurs (ou DCF, pour « discounted cash flows »). Cette méthode doit permettre d’évaluer le préjudice subi par la société, préjudice qui correspond à la perte des flux de trésorerie générés par l’exploitation des actifs au-delà de 70 ans jusqu’à l’infini.

Cette indemnisation est composée d’un premier versement à la société lors de la mise en place du nouveau régime, c’est-à-dire concomitamment à la privatisation, et d’un second versement à l’issue de la période d’exploitation de 70 ans correspondant à la valeur nette comptable (VNC) réelle à la date du transfert effectif des actifs[319].

Le versement de la première partie de l’indemnité garantit notamment son caractère « préalable », le préjudice subi par la société l’étant dès la décision d’expropriation.

Le paiement au bout de 70 ans de la VNC constatée des actifs lors de leur transfert permet d’indemniser la société au plus près de la réalité de son préjudice (sans cette indemnisation la société constaterait une charge dans ses comptes) et incite la société à investir dans les actifs jusqu’au terme des 70 ans.

Indépendamment de l’indemnisation, le projet de loi prévoit un aménagement du cadre régulatoire existant. Compte tenu du fait qu’ADP est un acteur essentiel du transport aérien, il convient :

3.3.  Impacts sur les usagers de la société Aéroports de Paris

Comme la régulation le prévoit actuellement, des contrats pluriannuels d’une durée maximale de 5 ans conclus entre la société Aéroports de Paris et l’Etat détermineront les conditions de l’évolution des tarifs des redevances aéroportuaires qui tiennent compte notamment des investissements et des objectifs de qualité des services publics rendus. En l’absence d’accord entre la société et l’Etat, ce dernier pourra fixer dans l’intérêt du service public et au regard des meilleurs standards internationaux les niveaux de performance à atteindre.

Enfin l’ensemble des règles applicables, notamment en matière de sécurité, de sûreté ou d’environnement, restera inchangé et demeurera sous le contrôle des services de l’Etat compétents.

3.4.  Impacts sur l’administration

Dans la mesure où les activités exercées par la société Aéroports de Paris en Ile-de-France sont essentielles à la connectivité de la France avec le reste du monde ainsi qu’au développement économique et touristique du pays, le transfert au secteur privé de la majorité de son capital s’accompagne d’une formalisation dans le cahier des charges des prérogatives du ministre de l’Aviation civile en matière de contrôle de l’exercice de ces activités.

3.5.  Impacts sur les finances publiques

Sur le plan financier, la mesure permettra à l’Etat de céder tout ou partie de sa participation dans la société.

Au titre du transfert de la propriété de ses biens par la société Aéroports de Paris, l’Etat lui versera  une indemnité composée des deux éléments suivants : a) à la date de transfert au secteur privé de la majorité de son capital, un montant correspondant à la valeur actualisée d’exploitation des actifs pour la période au-delà de 70 ans, déduction faite d’une estimation de la valeur nette comptable des actifs à la date de fin d’exploitation, telle que calculée et actualisée lors de l’entrée en vigueur du dispositif et b) au terme de la période de 70 ans, un montant égal à la valeur non amortie figurant à son bilan à cette date des actifs transférés à l’Etat.

3.6.  Impacts sociaux

Sur le plan social, cette mesure vise à renforcer les perspectives de développement de l’activité de la société Aéroports de Paris, qui devraient s’accompagner d’un développement de l’emploi, au sein de la société, des entreprises en lien avec l’activité des plateformes aéroportuaires concernées et plus généralement de l’économie nationale qui devrait bénéficier de ce développement.

3.7.  Impacts environnementaux

L’ensemble des règles applicables, en matière d’environnement restera inchangé et demeurera sous le contrôle des services de l’Etat compétents.

4.         Mise en œuvre de la disposition

4.1.  Mise en œuvre dans l’espace

Les dispositions législatives s’appliquent aux biens exploités en Ile-de-France (y  compris les titres de capital des entreprises exerçant tout ou partie de leur activité en Ile-de-France) et aux activités exercées par la société Aéroports de Paris en Ile-de-France. Le périmètre des biens transférés retenu dans le projet de loi prend en compte l’exigence de mutabilité du service public aéroportuaire. Aussi, ce périmètre ne se limite pas aux biens aujourd’hui affectés au service public aéroportuaire, mais inclut des biens qui pourraient le devenir pendant ou à l’issue des 70 ans.

4.2.  Mise en œuvre dans le temps

Pour l’essentiel, il est prévu que la réforme entre en vigueur le jour du transfert de la majorité du capital de la société au secteur privé. Le projet de loi reporte ainsi à cette date l’entrée en vigueur de la plupart de ses dispositions à l’exception de celles relatives à l’autorisation de privatisation, qui permet de lancer la procédure de privatisation[320], et aux modalités de celles-ci.

Toutefois, par exception à ce dispositif, il a été prévu d’adopter et de publier, préalablement à la date de privatisation, le décret approuvant le nouveau cahier des charges de la société Aéroports de Paris, lequel comportera lui-même une clause d’entrée en vigueur différée correspondant à celle de la loi (le jour de la privatisation).

4.3.  Textes d’application

Sont prévus à ce jour quatre textes d’application :


Article 51 relatif au transfert de la majorité du capital de FRANCAISE DES JEUX au secteur privé

1.         Etat du droit et diagnostic de la situation actuelle

Ancêtre du jeu Loto, la Loterie Nationale est créée en 1933 par l’État, afin de formaliser la loterie de l’association des « Gueules Cassées », qui avait vu le jour au lendemain de la Première Guerre mondiale pour venir en aide aux soldats défigurés. Son activité, à l’époque réalisée au bénéfice des anciens combattants et aux victimes de calamités agricoles, s’est développée de manière régulière avec notamment la création en 1935 du fractionnement des « dixièmes » de billets de loterie, ayant rendu le prix plus abordable et le jeu plus populaire.
En 1976, l’État autorise la création d’un second jeu, le Loto, qui conserve les mêmes bases et remporte lui aussi un succès rapide.

Sur ces bases, la Société de la Loterie Nationale et du Loto National (SLNLN) est créée par l’État en 1979, et celui-ci en est alors l’actionnaire majoritaire. La SLNLN deviendra France Loto en 1989, puis la Française des jeux en 1991. En parallèle, l’offre de jeux exploités par l’entreprise s’élargit aux jeux de grattage en 1983 avec la création de Tac O Tac puis aux pronostics sportifs en 1985. La marque commerciale FDJ, actuellement utilisée par l’entreprise voit le jour en 2009.

La Française des jeux est une société anonyme de droit français, détenue à 72 % par l’État. Elle évolue dans le secteur des jeux de hasard et d’argent, secteur fortement réglementé et strictement régulé par l’État. Dans ce cadre, l’État a choisi de confier à la Française des jeux le monopole sur les jeux de loterie (tirage et grattage) en ligne et en points de vente, et sur les paris sportifs en points de vente. Ces monopoles recouvrent concrètement les droits exclusifs  d’organiser, d’exploiter et de commercialiser ces jeux et paris.

En 2017, la Française des jeux a enregistré 15,1 Mds€ de mises, réparties entre 49% sur les jeux de grattage, 34% sur les jeux de tirages et 17% sur les paris sportifs. La Française des jeux a versé, en 2017 au titre de 2016, 124 M€ de dividende à ses actionnaires, soit 89 M€ pour l’État.

La Française des jeux participe à la poursuite d’objectifs d’intérêt général consistant à :

- protéger l’ordre public en garantissant la transparence et l’intégrité de ses opérations de jeu en luttant contre la fraude et le blanchiment,

- préserver l’ordre social en prévenant les phénomènes de dépendance et en luttant contre le jeu des mineurs.

L’État dispose auprès des titulaires de droits exclusifs – la Française des jeux et le Pari mutuel urbain (PMU) – d’un double rôle d’élaboration de la politique de jeu d’une part et de tutelle des opérateurs se trouvant chargés de sa mise en œuvre d’autre part.

Sur le fondement du décret n°78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie autorisés par l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 et de l'article 48 de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994, le ministre chargé du budget est investi des fonctions de régulateur de l’ensemble des activités de la Française des jeux sous monopole. Il s’appuie dans ses missions sur les avis de la Commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX), instance réunissant représentants de l’État, de la société civile et experts en addiction, en régulation des jeux ou en nouvelles technologies. Ainsi, le programme des jeux annuel de la Française des jeux et le plan d’actions en matière de Jeu Responsable et de lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent font l’objet d’une approbation du Ministre, après avis de la COJEX. Chacun des jeux exploité par l’entreprise fait l’objet d’une autorisation réglementaire ou par décision.

D’autre part, les activités de paris sportifs en ligne de l’entreprise sont exploitées en concurrence dans le cadre d’un agrément délivré par l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL).

Le secteur des jeux d’argent et de hasard relève d’un principe général de prohibition (art. L322-1 du code de sécurité intérieure, issu de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries ; loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux), assorti de dérogations à ce principe suivant trois segments :

  1. L’autorisation d’activités exercées en monopole :

La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a par ailleurs défini, par son article 3, les objectifs de la politique de jeu menée par l’État.

1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ;

2° Assurer l'intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;

3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

4° Veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées. »

Le contrôle de ces activités relève aujourd’hui d’une régulation spécialisée :

L’activité de la Française des jeux est autorisée dans certaines collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie par les dispositions législatives suivantes :

Par ailleurs, le droit de l’Union européenne reconnaît les jeux d’argent et de hasard comme une activité économique particulière[321] au regard des problématiques d’ordre public et social, qui peut être exercée dans le plein respect du principe de subsidiarité, et laisse donc un fort degré de liberté aux États membres dans ce domaine.

En l’absence de droit dérivé spécifique, le droit relatif à ce secteur se résume à une quarantaine d’arrêts manifestant le souci du juge de s’assurer que la puissance publique assure un contrôle étroit sur le titulaire de droits exclusifs, et que la régulation est menée de façon cohérente sur l’ensemble du secteur suivant les objectifs fixés par la politique de jeu.

2.         Objectifs poursuivis et nécessité de légiférer

Dans le cadre des réflexions autour de la gestion de son portefeuille, l’État analyse, pour chacune des entreprises dont il détient des titres, la pertinence de cette détention et le niveau optimal de sa présence au capital afin de s’assurer de la pertinence de tout euro public investi.

En tant qu’attributaire des droits exclusifs d’exploitation des jeux de loterie en point de vente physique et en ligne, La Française des jeux contribue activement au maintien de l’ordre public et aux impératifs de santé publique, par le biais du contrôle et de l’encadrement de l’offre de jeux.

Cependant, comme le montrent les exemples internationaux, européens ou français d’opérateurs bénéficiant de droits exclusifs, de concessions ou d’agréments dans le domaine des jeux d’argents et de hasard, la régulation de ce secteur doit faire l’objet d’un contrôle étroit et effectif par la puissance publique, afin d’assurer le respect par les opérateurs des impératifs précités. En particulier, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’institution de droits exclusifs ou à la légalité de régimes de concessions dans le secteur des jeux d’argent et de hasard confère au critère du contrôle pesant sur les opérateurs titulaires d’un monopole un rôle fondamental, dans la mesure où l’existence d’un contrôle étroit des pouvoirs publics sur ces opérateurs participe du caractère effectif et cohérent des mesures de restriction apportées à l’activité économique d’organisation de jeux et permet de justifier l’absence de procédure de mise en concurrence en vue de sélectionner l’opérateur en charge du monopole. Le contrôle actionnarial d’une entreprise, limité par essence dans ses moyens de contrôle quotidien de l’activité, ne s’avère pas être le vecteur pertinent pour assurer le respect de ces impératifs de contrôle de l’offre de jeux.

Le contrôle actionnarial d’une entreprise, limité par essence dans ses moyens de contrôle quotidien de l’activité, ne s’avère pas être le vecteur pertinent pour assurer le respect de ces impératifs de contrôle de l’offre de jeux.

Il apparaît ainsi que le maintien de l’État comme actionnaire majoritaire de l’entreprise ne revêt ni un caractère stratégique pour l’État actionnaire, ni une nécessité pour assurer le respect par l’entreprise de ces impératifs de contrôle de l’offre.

Cependant, dans le cadre du transfert d’une majorité du capital au secteur privé, les objectifs poursuivis par le Gouvernement sont :

-          d’assurer un contrôle étroit suffisant pour garantir le même degré de respect des objectifs de la politique de jeu par la Française des jeux une fois celle-ci privatisée. L’ensemble des contrôles, dont certains peuvent être à l’heure actuelle internalisés par la Française des jeux, devront être assurés par le régulateur et la police spéciale du secteur, à savoir le Service central des courses et jeux du ministère de l’intérieur, dont les compétences devraient à ce titre être élargies ;

-          d’unifier le contrôle étroit du secteur, au terme d’une mission visant à en préciser les modalités (à l’exception des casinos qui recouvrent des problématiques d’ordre public bien spécifiques).

Compte-tenu de la volonté de transfert au secteur privé de la majorité du capital de l’entreprise, le recours à un dispositif législatif est requis. En effet, l’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique dispose que les opérations par lesquelles l'Etat transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société ne peuvent être décidées par décret qu'après avoir été autorisées par la loi lorsque l'Etat détient directement, depuis plus de cinq ans, plus de la moitié du capital social de la société et que son chiffre d'affaires consolidé avec celui de ses filiales, telles qu'elles viennent d'être définies, est supérieur à 75 millions d'euros à la date de clôture de l'exercice précédant le transfert.

 

3.         Analyse des impacts des mesures envisagées

3.1.  Impacts juridiques

L’ordonnance a vocation à se substituer à un certain nombre de dispositions législatives mentionnées ci-dessus, dont elle devra reprendre l’esprit et revoir les modalités de mise en œuvre.

L’analyse des incidences juridiques de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions de l’ordonnance prise dans le cadre de l’habilitation.

3.2.  Impacts économiques

La Française des jeux est à un moment charnière de son histoire dans un environnement en profonde transformation : le paysage concurrentiel se polarise, les vecteurs de croissance évoluent. Dans ce contexte, l’ouverture du capital représente une opportunité majeure pour la Française des jeux. En effet, si l’entreprise dispose d’ores et déjà des atouts nécessaires pour accélérer sa transformation, l’ouverture du capital permettrait à la Française des jeux de faciliter son activation.

L’ouverture du capital permettrait ainsi à la Française des jeux d’accélérer sur un certain nombre de points essentiels. Cela permettra à l’entreprise d’adapter son niveau d’investissement en facilitant l’accès aux financements nécessaires pour son développement dans le cadre d’acquisition externes. Cela renforcera par ailleurs sa capacité d’innovation et sa capacité à s’ouvrir au monde extérieur pour accélérer sa montée en compétences.

L’étude d’impact relative à l’ordonnance prise dans le cadre de l’habilitation détaillera les conséquences économiques éventuelles liées à tout changement de régulation dans le secteur des jeux d’argent et de hasard.

3.3.  Impacts sur les administrations et sur les finances publiques

Il n’est pas prévu dans le cadre de la présente loi ou de l’habilitation à légiférer par ordonnance de modifications à même d’avoir un impact direct sur les prélèvements publics, qu’ils soient spécifiques au secteur des jeux ou relèvent du droit commun. Les éventuelles modifications de nature fiscale nécessaires trouveront leur place dans le projet de loi de finances pour 2019, conformément à la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2017 sur les règles de gouvernance en matière de prélèvements obligatoires qui prévoit que les mesures en matière de prélèvements obligatoires proposées par le Gouvernement doivent par principe figurer dans des lois financières. Le cadre fiscal et le mode de rémunération applicables à la Française des jeux devront garantir à l’État un niveau de rémunération au moins égal à celui en vigueur (chaque année, la Française des jeux versé un montant de l’ordre de 3,5 Md€ de prélèvements publics aux administrations publiques) et un partage équitable de la création de valeur future entre l’État et La Française des jeux tout en restant compatible avec une ouverture plus large du capital de l’entreprise.

Enfin, toute cession d’actif, quel qu’en soit le moyen, emporterait les conséquences suivantes pour les finances publiques : (i) gain d’un produit de cession lié à la valeur des titres cédés et (ii) perte du droit au dividende à due concurrence de la part cédée.

4.         Mise en œuvre de la disposition

4.1.  Mise en œuvre dans l’espace

Conformément au 7° de l’habilitation, les dispositions de l’ordonnance pourraient nécessiter des adaptations dans les départements et régions et collectivités d'outre-mer, ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises. Le cas échéant, de telles adaptations seraient alors prévues par l’ordonnance.

4.2.  Mise en œuvre dans le temps

Les dispositions seront applicables à l’entrée en vigueur de la loi et, pour ce qui la concerne, à la date de signature de l’ordonnance pour laquelle est demandée une habilitation.

4.3.  Textes d’application

Conformément aux dispositions de l’article 22 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, le transfert par l’État au secteur privé de la majorité du capital de la Française des Jeux sera actée par décret, pris en application de la présente loi.

Les textes d’application portant sur le périmètre de l’habilitation seront définis dans l’ordonnance.


Article 52 relatif à la composition du capital des sociétés ENGIE et GRTgaz

1.         Etat du droit

La transformation de Gaz de France en société anonyme, par la loi n°2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, n’a pas mis fin à l’obligation faite à l’Etat d’être majoritaire dans le capital de la société, dont l’activité reste qualifiée de service public national.

Suite au retrait de cette qualification, la loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie a autorisé la privatisation de GDF et prévoit l’impossibilité pour l’Etat de détenir moins d’un tiers du capital de GDF-Suez (art. 111-68 du code de l’énergie). Aux termes de l’article 7 de la loi n°2014-384 du 29 mars 2014, ce seuil minimum de détention doit être respecté en capital ou en droits de vote et peut être franchi à la baisse à condition qu’il soit de nouveau respecté dans un délai de deux ans.

En conséquence de la cession d’un bloc d’actions ENGIE par l’Etat en septembre 2017, l’Etat ne détenait plus que 24,1 % du capital[322] et 28,1 % des droits de vote d’ENGIE. Depuis le 4 avril 2018, à la suite du mûrissement de droits de vote doubles, l’Etat détient 24,1 % du capital et 34,8 % des droits de vote.

L’art. L.111-69 du code de l’énergie prévoit qu’un décret prononce la transformation d’une action ordinaire appartenant à l’Etat français en action spécifique, en vue de préserver les intérêts essentiels de la France dans le secteur de l’énergie relatifs notamment à la continuité et à la sécurité d’approvisionnement en énergie. Ce décret a été publié le 20 décembre 2007.

L’action spécifique confère à l’Etat le droit de s’opposer aux décisions d’ENGIE et des filiales de droit français, ayant pour objet, directement ou indirectement, de céder sous quelque forme que ce soit, de transférer l’exploitation, d’affecter à titre de sûreté ou de garantie, ou de changer la destination de certains actifs visés par le code de l’énergie, s’il considère cette décision contraire aux intérêts essentiels de la France dans le secteur de l’énergie. Aux termes de l’art. D. 111-21 du code de l’énergie, les actifs concernés par ce droit d’opposition en vertu de l’action spécifique sont :

Toute décision de cette nature doit être déclarée au ministre chargé de l’économie. Une telle décision est réputée autorisée si le ministre chargé de l’économie ne s’y est pas opposé dans le délai d’un mois à compter de leur déclaration, délai pouvant être prorogé pour une durée de 15 jours par arrêté du ministre. La décision du ministre peut faire l’objet d’un recours.

La sécurité d’approvisionnement en gaz naturel est en outre assurée par l’adéquation des infrastructures gazières et des contrats d’approvisionnement, et plus généralement par le contenu de la régulation. A titre illustratif, le nouvel article L443-8-1 du code de l’énergie issue de la loi hydrocarbures[323] promulguée le 31 décembre 2017 renforce la responsabilité des fournisseurs en matière de stockage[324] et le Gouvernement bénéficie d’une habilitation à modifier cette responsabilité par ordonnance si nécessaire (art. 12-IV de la loi).

Ces dispositifs suffisent à assurer le respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie et ne justifient pas l’existence d’une contrainte de détention minimale du capital ou des droits de vote d’ENGIE par l’Etat.

L’art. 111-49 du code de l’énergie prévoit que le capital de la société GRTgaz ne peut être détenu que par GDF-Suez, l’Etat ou des entreprises ou organismes du secteur public. Contrairement au transport d’électricité, l’activité de transport de gaz naturel ne constitue pas un monopole réglementaire, et GRTgaz est de fait déjà contrôlée aujourd’hui par des intérêts privés, ENGIE, entreprise privée, étant actionnaire de la société à 75 %. Une modification de cet article visant à prévoir seulement une détention majoritaire du capital de GRTgaz par ENGIE ou des entités publiques ne changerait donc pas la contrainte portant sur l’identité des actionnaires contrôlants, mais apporterait à ces actionnaires une flexibilité supplémentaire leur permettant de monétiser une partie de leur participation. La détention par l’Etat d’une action spécifique au capital d’ENGIE permet à l’Etat de s’opposer à une décision d’ENGIE relative à sa détention au capital de GRTgaz s’il estime qu’elle menace la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel de la France. Il est à noter qu’il n’existe pas de restriction similaire relative à la détention du capital de TIGF, l’autre gestionnaire de réseau de transport de gaz naturel.

 

- Cet état du droit présente des inconvénients importants et mérite d’être réformé.

En premier lieu, comme indiqué plus haut, la contrainte de détention minimale du capital ou des droits de vote d’ENGIE par l’Etat n’a pas de justification au regard de la préservation des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie. Il s’agit donc d’une norme disproportionnée qui mérite d’être abrogée dans un souci de simplification de la norme.

En second lieu, cette contrainte limite la capacité de l’Etat actionnaire à assurer une gestion optimisée de son portefeuille et, en particulier, à mobiliser des ressources pour financer l’innovation de rupture à travers le fonds pour l’innovation, entrer au capital d’autres entreprises stratégiques ayant des besoins de financement, de façon plus générale financer des investissements jugés plus favorables à la croissance et à l’emploi et contribuer à la réduction de la dette publique. A titre d’illustration, la participation de l’Etat au capital d’ENGIE représentait, à fin février 2018, une valeur d’environ 7,5 Md€.

Par ailleurs, l’existence d’un tel seuil minimal de détention empêche de facto la réalisation d’une augmentation de capital de l’entreprise, l’Etat actionnaire n’étant a priori pas désireux d’y souscrire compte tenu de ses priorités par ailleurs ( cf supra) en vue de se maintenir au-dessus du seuil, alors même qu’une telle augmentation de capital pourrait s’avérer nécessaire pour financer des projets de développement significatifs ou pour faire obstacle à d’éventuelles OPA hostiles. Ceci conduit donc l’entreprise à privilégier le recours à l’endettement[325].

Enfin, GRTgaz est actuellement détenu à 75 % par ENGIE et à 25 % par un consortium composé de CNP Assurances, CDC Infrastructure et la Caisse des Dépôts. La contrainte légale de détention de la totalité du capital de GRTgaz par ENGIE, l’Etat ou un opérateur public conduit ces actionnaires à immobiliser des capitaux alors même que, compte tenu de l’existence de l’action spécifique détenue par l’Etat au capital d’ENGIE, une détention seulement majoritaire du capital de GRTgaz par ENGIE, l’Etat ou des entreprises ou organismes du secteur public, serait suffisante pour assurer le respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie. Cette contrainte empêche également la mise en œuvre de scénarios de partenariats industriels qui pourraient renforcer la position stratégique de GRTgaz. De même, tout projet de développement de GRTgaz qui nécessiterait une augmentation de capital se heurterait à cette contrainte dans le cas où les actionnaires actuels ne souhaiteraient pas y souscrire.

Les dispositions concernées sont prévues par la loi et doivent donc être modifiées par une loi.

2.         Objectifs poursuivis

Compte tenu des éléments précédemment mentionnés, la suppression de la contrainte de détention du tiers du capital ou des droits de vote d’ENGIE par l’Etat et de la totalité du capital de GRTgaz par ENGIE, l’Etat ou des organismes publics vise à :

-          simplifier la norme en la proportionnant à ce qui est nécessaire au respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie,

-          introduire de nouvelles flexibilités pour l’Etat actionnaire d’ENGIE et pour les actionnaires de GRTgaz, permettant d’optimiser la gestion des ressources de ces actionnaires.

2.1.  Options envisagees

Options possibles concernant le seuil de détention du capital ou des droits de vote d’ENGIE, en dehors de l’intervention d’une règle de droit nouvelle :

Option n°1 : maintien d’un seuil de détention minimal dans ENGIE, mais abaissé

Le maintien d’une contrainte de détention minimale en capital ou en droits de vote inférieure au tiers se heurterait aux objections suivantes :

-          il ne permettrait pas à l’Etat d’assurer une minorité de blocage en Assemblée générale d’ENGIE (étant rappelé que cette dernière n’apparaît pas nécessaire pour assurer le respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie, compte tenu de l’existence de l’action spécifique), de sorte que la participation de l’Etat serait réduite à une simple participation financière,

-          il serait susceptible de générer des anticipations de cessions de blocs par les marchés, supérieures à celles résultant d’une suppression du seuil, avec des conséquences sur le cours de bourse d’ENGIE,

-          il réduirait la capacité de l’Etat actionnaire à optimiser la gestion de son portefeuille.

Cette option permettrait certes, dans le cas où le seuil minimal serait fixé à plus de 10 % du capital ou des droits de vote, d’assurer le maintien de la présence d’un représentant de l’Etat au conseil d’administration de l’entreprise (et de permettre à l’Etat de proposer des administrateurs dans la limite d’un nombre proportionnel à sa participation[326]).  Mais ce niveau minimal n’apparaît pas nécessaire pour assurer le respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie, compte tenu de l’existence de l’action spécifique.

Dans ces conditions, il n’est pas recommandé de retenir cette option.

Option n°2 : suppression de la disposition

Dès lors que le respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie ne nécessite pas que l’Etat détienne une fraction du capital ou des droits de vote d’ENGIE au-delà de l’action spécifique prévue à l’art. L 111-69 et D 111-21 du code de l’énergie, l’abrogation de l’article L 111-68 du même code apparaît comme l’option la plus pertinente.

 Options possibles concernant l’actionnariat de GRTgaz, en dehors de l’intervention d’une règle de droit nouvelle :

Option n°1 : suppression de l’article L111-49 du code de l’énergie

Dans le cadre de cette option, l’Etat pourrait toujours s’opposer, au titre de son action spécifique, à une cession par ENGIE de tout ou partie de sa participation dans GRTgaz en cas de risque de remise en cause des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie, selon les modalités de l’opération et l’identité de l’acquéreur de cette participation. Cette option n’est toutefois pas retenue car elle est susceptible de susciter de vives oppositions syndicales et politiques.

Option n°2 : allégement de la contrainte en la limitant à une exigence de détention de la majorité du capital de GRTgaz

Cette option constituerait une sécurisation supplémentaire par rapport à l’option 1 – non indispensable – en assurant qu’un actionnariat public associé à celui d’ENGIE soit contrôlant, en sus de l’action spécifique de l’Etat au capital d'ENGIE, celle-ci garantissant le respect des intérêts essentiels de la France en matière de continuité et de sécurité d’approvisionnement en énergie. C’est l’option retenue, qui combine augmentation de la flexibilité pour les actionnaires actuels et maintien d’un contrôle conjoint par ces mêmes actionnaires.

3.         Analyse des impacts des mesures envisagées

3.1.  Impacts juridiques

Le recours à la loi est indispensable compte-tenu de la nature législative des règles qu’il est prévu de modifier ou de supprimer.

La suppression de l’article L111-68 du code de l’énergie impliquera la modification de textes réglementaires qui font référence à cet article (notamment l’article R 445-1 du code de l’énergie). Cette disposition vise à supprimer une contrainte de détention publique et rapproche cette entreprise du droit commun des sociétés ; Elle reste néanmoins soumise aux dispositions de l’ordonnance n°214-948 du 20 aout 2014).

La modification du seuil de détention concernant le capital de GRTgaz assouplie également la contrainte de détention par Engie et des personnes publiques. Cette modification est conforme aux dispositions du cadre réglementaire européen.

3.2.  Impacts économiques

L’impact économique des dispositions envisagées est difficile à estimer mais il est plutôt positif. En effet, ces dispositions donnent la possibilité à l’Etat, actionnaire d’ENGIE, et aux actionnaires de GRTgaz, d’alléger le montant de leur participation. Si l’Etat décidait d’alléger sa participation dans ENGIE et d’affecter le produit de cession au financement d’entreprises innovantes, par exemple, la croissance potentielle pourrait bénéficier de l’augmentation de productivité ainsi générée. Il en serait de même si les actionnaires de GRTgaz allouaient le produit d’un éventuel allégement de leur participation dans l’investissement en France.

Les dispositions proposées n’entraînent pas de nouvelle charge pour les entreprises, les personnes publiques ou les particuliers.


Article 53 relatif aux ressources de l’EPIC Bpifrance

1.         Etat du droit et diagnostic de la situation actuelle

1.1 L’établissement public à caractère industriel et commercial OSEO (aujourd’hui EPIC Bpifrance) est né en 2005 du rapprochement de l’ANVAR (Agence nationale de valorisation de la recherche), de la BDPME (Banque du Développement des PME) et de sa filiale SOFARIS (Société française de garantie des financements des PME). Par l’intermédiaire de ces trois structures, devenues filiales de l’EPIC OSEO et rebaptisées OSEO innovation, OSEO financement et OSEO garantie, l’EPIC OSEO s’est vu confier pour mission de financer et accompagner les PME à travers trois métiers : le soutien à l’innovation, le financement des investissements et du cycle d’exploitation en partenariat avec les banques et la garantie des financements bancaires et interventions en fonds propres.

Afin d’améliorer la réactivité et l’efficacité d’OSEO, et donc la qualité de ses prestations, en particulier en permettant de clarifier et simplifier son organisation, le projet de fusion des entités opérationnelles du groupe OSEO a été lancé dès 2008. Il a été rendu possible par la loi n°2010-1249 de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 et a pris la forme d’une fusion absorption par OSEO financement, devenu la SA OSEO (aujourd’hui Bpifrance Financement), des sociétés OSEO garantie, OSEO innovation et OSEO Bretagne.

Le 6 juin 2012, le Ministre chargé de l’économie a annoncé la création de la Banque publique d’investissement. Groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques publiques conduites par l’Etat et par les Régions, elle regroupe les activités d’OSEO, de CDC Entreprises et du Fonds Stratégique d’Investissement. La création de la Banque publique d’investissement a été officialisée par la loi n°2012-1559 du 31 décembre 2012, modifiant l’ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l’établissement public OSEO (aujourd’hui EPIC Bpifrance) et de la SA OSEO (aujourd’hui Bpifrance Financement). BPI-Groupe SA (aujourd’hui Bpifrance SA), compagnie financière nouvellement créée est, depuis le 12 juillet 2013, détenue à parité par l’Etat via l’EPIC Bpifrance et la Caisse des Dépôts et Consignations. La SA OSEO (aujourd’hui Bpifrance Financement) est devenue une filiale de Bpifrance SA, au même titre que les entités regroupant l’activité de fonds propres de CDC Entreprises et du FSI, devenues Bpifrance Investissement et Bpifrance Participations.

L’EPIC Bpifrance exerce aujourd’hui trois missions principales :

-          il porte la participation de l’Etat, avec la Caisse des dépôts et consignations, dans le capital de Bpifrance SA ;

-          il opère une mission de garantie des émissions effectuées par Bpifrance Financement, filiale de Bpifrance SA ;

-          il est opérateur dans la mise en œuvre de conventions conclues avec l’Etat, notamment dans le cadre du PIA.

Les comptes consolidés de l’EPIC Bpifrance comprennent les comptes consolidés de Bpifrance SA par mise en équivalence ainsi que les comptes sociaux de Bpifrance SA. Le total du bilan représente un montant de 17,3 Md€ à fin 2017. Le résultat net part du groupe est d’environ 700 M€ pour 2017.

1.2 En termes de gouvernance, d’après l’article 2 de l’ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, l’EPIC Bpifrance est administré par un conseil d’administration ainsi composé :

-          un président nommé par décret ;

-          5 représentants de l’Etat nommés par décret.

A l’article 1 du décret n° 2015-1498 du 18 novembre 2015 portant statuts de l'établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières du contrôle de l'Etat, il est précisé que, parmi les 5 représentants de l’Etat, deux membres sont désignés sur proposition du ministre chargé de l'économie, un membre sur proposition du ministre chargé du budget, un membre sur proposition du ministre chargé de l'industrie et un membre sur proposition du ministre chargé de la recherche.

La composition actuelle du conseil d’administration de l’EPIC Bpifrance est ainsi la suivante :

-          le président de l’EPIC : Pierre Lepetit ;

-          un représentant de la direction générale du Trésor ;

-          un représentant de l’agence des participations de l’Etat ; 

-          un représentant de la direction du budget ;

-          un représentant de la direction générale des entreprises ;

-          un représentant de la direction générale de la recherche et de l’innovation.

1.3 Les ressources possibles de l’EPIC Bpifrance sont définies à l’article 4 de l’ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement. Celles-ci comprennent :

Ainsi, les intérêts sur des placements financiers ne sont pas explicitement définis comme une des ressources possibles de l’EPIC Bpifrance.

2.         Objectifs poursuivis

Le premier objectif de la modification législative proposée est d’augmenter le nombre de membres du conseil d’administration de l’EPIC Bpifrance afin que le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) puisse y être représenté, étant donné que celui-ci aura un rôle de coordination et de suivi de l’utilisation des revenus du Fonds pour l’innovation de rupture, sur le modèle de son rôle pour les Programmes d’investissements d’avenir.

Le second objectif est de sécuriser juridiquement le champ des ressources possibles de l’EPIC Bpifrance afin qu’il puisse percevoir les intérêts sur ses dotations non consomptibles en numéraire, qui constitueront à terme les 10 Md€ d’actifs du Fonds pour l’innovation de rupture dont les revenus financiers ont vocation à servir au financement de dispositifs de soutien à l’innovation de rupture.

3.         Option possible

Le nombre de représentants de l’Etat au conseil d’administration de l’EPIC Bpifrance et les ressources possibles de l’établissement étant prévus par la loi, aucune autre option ne serait possible en dehors d’une règle législative.

 

4.         Impacts des mesures envisagées

4.1.  Impacts juridiques

L’article comporte une modification ciblée de la rédaction de l’article 4 de l’ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement.

4.2.  Impacts économiques

Le Fonds pour l’innovation de rupture n’est pas entendu au sens d’un fonds d’investissement régi par les dispositions du code monétaire et financier mais est un ensemble d’actifs d’un montant de 10 Md€ portés par l’EPIC Bpifrance à son bilan. Il est constitué par des dotations non consomptibles générant des revenus financiers dont eux seuls serviront au financement de dispositifs de soutien à l’innovation de rupture (subventions, avances remboursables et prêts, par exemple). A terme, les 10 Md€ d’actifs seront entièrement du numéraire, issus des cessions de participations publiques. Placés sur un compte au Trésor les rémunérant à un taux entre 2 et 3% (rendement estimé à très long terme des obligations de l’Etat), ils permettront de financer des dispositifs de soutien à l’innovation de rupture pour un montant compris entre 200 et 300 M€ par an.

4.3.  Impacts sur les administrations et sur les finances publiques

Le versement d’intérêts sur les dotations de l’EPIC Bpifrance sera inclus dans la charge de la dette de l’Etat, telle qu’inscrite au budget général. Ce montant est estimé à entre 200 et 300M € sur la base d’un taux entre 2 et 3 % appliqué à un total de 10 Md€ en numéraire (voir b.).

5.         Mise en œuvre de la disposition

La loi entrera en vigueur le lendemain de sa publication au JORF.

Afin de s’assurer d’un rendement sur la première dotation en numéraire d’1,6 Md€ prévue par l’arrêté du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics du 15 janvier 2018, il est proposé que les intérêts de placement pourront être calculés à compter de la date du placement des fonds sur un compte rémunéré, celle-ci pouvant être antérieure à la date de la promulgation de la loi.

Le décret en conseil d’Etat n° 2015-1498 du 18 novembre 2015 portant statuts de l'établissement public Bpifrance et définissant les modalités particulières du contrôle de l'Etat devra être modifié pour tenir compte de la nouvelle composition souhaitée du conseil d’administration de l’EPIC Bpifrance. En particulier, il y sera précisé qu’un des 6 représentants de l’Etat sera désigné sur proposition du Secrétaire général pour l’investissement. Enfin, ce nouveau membre devra être nommé par décret.


 

Article 54 relatif à la composition du conseil d’administration de La Poste

1.         Etat des lieux

L’article 10 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom fixe la composition du conseil d’administration de la société anonyme La Poste.

Cet article :

Sur ce fondement, le conseil d’administration de La Poste, renouvelé en 2015, compte 21 membres, dont sept administrateurs salariés, deux administrateurs nommés par décret (représentant des communes et de leurs groupements et représentant des usagers), un représentant de l’Etat nommé par arrêté ministériel sur le fondement de l’article 4 de l’ordonnance du 20 août 2014, et onze représentants des actionnaires nommés par l’assemblée générale (dont trois proposés par la Caisse des dépôts et consignations, sept par l’Etat, et un administrateur proposé conjointement par les actionnaires).

2.         Objectifs poursuivis et nécessité de légiférer

2.1.  Objectifs poursuivis

Le cadre juridique de la composition du conseil d’administration de La Poste appelle un ajustement, ainsi que plusieurs clarifications destinées à conforter sa composition actuelle.

En premier lieu, le format du conseil d’administration, compris entre trois et vingt et un membres, nécessite d’être ajusté par souci de cohérence :

-          d’une part, cet organe ne peut arithmétiquement compter moins de douze membres sans méconnaître la règle selon laquelle les représentants des actionnaires disposent de la majorité des voix (y compris la voix prépondérante du président), sauf à interdire la nomination des deux administrateurs par décret. Or il serait contestable que, par une simple décision de l’assemblée générale réduisant le nombre total de sièges en-deçà de douze, ces administrateurs soient exclus. Du reste, il apparaît peu vraisemblable que le conseil d’administration d’une entreprise d’une telle importance compte moins de douze membres. Il est donc proposé de fixer le seuil à douze membres ;

-          d’autre part, le plafond de 21 membres, actuellement atteint, apparaît contraignant et en décalage avec le nombre maximal d’administrateurs qu’une société anonyme de droit commun peut compter. En effet, le plafond de droit commun de 18 administrateurs prévu à l’article L. 225-17 du code de commerce n’inclut pas les administrateurs représentant les salariés, qui peuvent être quatre (voire cinq dans les sociétés cotées) en vertu de l’article L. 225-27 du code de commerce, ainsi que les représentants des salariés actionnaires (art. L. 225-23), soit un plafond potentiellement bien supérieur à 21 membres. Il est donc proposé de porter le nombre maximal d’administrateurs de La Poste à vingt-quatre.

En second lieu, l’article 10 de la loi du 2 juillet 1990 appelle plusieurs mesures de clarification et d’amélioration rédactionnelle :

-          le premier alinéa de l’article 10 de la loi du 2 juillet 1990 énonce inutilement que l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance des entreprises publiques s’applique à La Poste, ce qui résulte directement de l’article 1er de cette ordonnance, dès l’instant que l’Etat en est actionnaire. Il convient donc de le supprimer ;

-          à rebours de son premier alinéa qui pose le principe de l’applicabilité de l’ordonnance du 20 août 2014, la suite de l’article 10 fixe des règles dérogatoires à cette ordonnance : le nombre d’administrateurs salariés est fixé à un tiers (et non à « au moins un tiers » selon l’article 7 de l’ordonnance) ; deux administrateurs peuvent être nommés par décret afin de représenter les communes et les usagers, ce que ne prévoit pas l’ordonnance ; le texte pose une règle spécifique de détention conjointe de la majorité des voix par les administrateurs représentant les actionnaires ; enfin, en évoquant uniquement des représentants « nommés par l’assemblée générale », le dernier alinéa de l’article 10 ne prévoit pas expressément la nomination possible (et effective en pratique) d’un représentant de l’Etat par arrêté ministériel, conformément à l’article 4 de l’ordonnance et au décret n° 2014-949 du 20 août 2014. Sa présence est fondée sur le premier alinéa rappelant de manière générale l’applicabilité de cette ordonnance. Il est souhaitable de clarifier cette rédaction en indiquant que la composition du conseil d’administration de La Poste déroge à cette ordonnance (ce qui, a contrario, atteste d’ailleurs de ce que cette ordonnance s’applique à La Poste pour le surplus) et en en fixant complètement les règles dans la loi de 1990. Le dernier alinéa vise clarifier que la désignation des administrateurs proposés par l’Etat s’effectue bien selon les modalités prévues à l’article 6 de l’ordonnance précitée ;

-          s’agissant de l’élection des administrateurs salariés, outre que le renvoi que fait l’actuel article 10 à la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 « précitée » procède d’une erreur matérielle dans la mesure où cette loi n’est pas mentionnée précédemment dans le texte, les modalités de l’élection des administrateurs salariés sont fixées plus complètement par l’article 12 de la loi du 2 juillet 1990 qui prévoit des adaptations réglementaires aux règles issues de la loi de 1983. Il convient donc de renvoyer à cet article 12.

La réécriture de l’article 10 fournit enfin l’occasion de supprimer sa rédaction « hypothétique », valable lorsqu’une personne publique autre que l’Etat entre en capital, ce qui est le cas depuis 2011.

2.2.  Nécessité de légiférer

Les principales règles de composition du conseil d’administration d’une entreprise publique relèvent du domaine de la loi. En l’occurrence, il est nécessaire de modifier l’article 10 de la loi du 2 juillet 1990.

3.         Analyse des impacts de la disposition envisagée

3.1.  Impacts juridiques

La disposition envisagée interdit à l’assemblée générale de La Poste de réduire le nombre d’administrateurs en-deçà de douze, et lui permet en revanche de le porter jusqu’à vingt-quatre.

Pour le surplus, elle conforte juridiquement la composition actuelle du conseil d’administration de La Poste.

3.2.  Impact sur les finances publiques

La disposition envisagée n’a par elle-même aucun impact sur les finances publiques.

3.3.  Impact sur les entreprises

L’impact de la disposition est limité à la société anonyme La Poste. Elle n’a aucune incidence sur les autres entreprises, publiques ou privées.

4.         Consultations et modalités d’application

La disposition envisagée sera d’application immédiate.

Elle pourra éventuellement donner lieu à un toilettage des statuts de La Poste.

 


Section 4 : Protéger nos entreprises stratégiques

Article 55 relatif aux modifications du régime de sanction des investissements étrangers en France

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

1.1.1        Présentation du dispositif national de contrôle des investissements étrangers en France

Les investissements étrangers en France sont libres (article L. 151-1 du code monétaire et financier). Toutefois, par exception, dans des secteurs limitativement énumérés, touchant à la défense nationale ou susceptibles de mettre en jeu l'ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays, l’article L. 151-3 du code monétaire et financier soumet à autorisation préalable les investissements étrangers.

a)      Le champ des opérations soumises à autorisation préalable

Pour l’application de la réglementation en matière de contrôle des investissements étrangers en France, les définitions d’un investissement étranger sont les suivantes (articles R. 153-1 et R. 153-3 du code monétaire et financier) :

-          l’acquisition du contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce[327], d’une entreprise dont le siège social est établi en France (lorsque l’investisseur étranger est européen ou non)

-          l’acquisition de tout ou partie d’une branche d’activité d’une entreprise dont le siège social est établi en France (lorsque l’investisseur étranger est européen ou non)

-          le franchissement du seuil de 33,33% de détention du capital ou des droits de vote d’une entreprise dont le siège social est établi en France (uniquement lorsque l’investisseur provient d’un Etat tiers à l’Union européenne).

La réglementation identifie douze secteurs d’activité dans lesquels les opérations d’investissement étranger sont soumises à autorisation préalable (article R. 153-2 du code monétaire et financier) : tous sont rattachables à l’ordre public, la sécurité publique et aux intérêts de la défense nationale. Le périmètre du champ couvert est plus restreint lorsque l’investisseur prenant le contrôle d’une entreprise française est originaire de l’Espace économique européen (article R. 153-4 du code monétaire et financier, renvoyant aux 8° à 12° de l’article R. 153-2 du code précité).

Les secteurs sont les suivants :

-          Activités dans le secteur des jeux d'argent – à l’exception des casinos ;

-          Activités réglementées de sécurité privée ;

-          Activités destinées à faire face à l'utilisation illicite, dans le cadre d'activités terroristes, d'agents pathogènes ou toxiques ;

-          Activités portant sur les matériels conçus pour l’interception des correspondances et la détection à distance des conversations, centres agréés pour l'évaluation et la certification de la sécurité des systèmes d'information ;

-          Activités relatives à la sécurité des systèmes d’information d’une entreprise liée par contrat passé avec un opérateur public ou prive gérant des installations d’importance vitale, activités relatives aux biens et technologies à double usage (annexe IV du règlement de 2009) ;

-          Cryptologie ;

-          Activités exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale, production, commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre ;

-          Activités exercées par les entreprises ayant conclu un contrat d'étude ou de fourniture d'équipements au profit du ministère de la défense ;

-          Autres activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public ou de sécurité publique ou de défense nationale (depuis le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable qui a actualisé le champ des secteurs qui relèvent de la procédure d'autorisation préalable d’investissement) :

b)     La procédure d’autorisation préalable

Le ministre chargé de l’économie dispose de trois possibilités :

-          Autoriser l’opération (si l’opération soumise ne nécessite pas de condition particulière quant à la préservation des intérêts du pays);

-          Autoriser l’opération sous conditions, permettant d’assurer la préservation des intérêts du pays, avant son autorisation par le ministre de l’économie (article R. 153-9 du code précité) ;

-          Refuser l’opération, dans des conditions limitatives, (i) si les conditions ne permettent pas de garantir les intérêts du pays en matière d’ordre public, de sécurité publique et de défense nationale, le Ministre peut refuser l’autorisation préalable d’investissement ou (ii) si des doutes pèsent sur la moralité de l’investisseur (article R. 153-10 du code précité).

c)      Le suivi des conditions assortissant une autorisation

Le suivi des conditions dont est assortie l’autorisation est coordonné par la direction générale du Trésor, qui associe l’ensemble des administrations intéressées. Il repose, au cas par cas et selon les conditions imposées, sur les éléments suivants : une analyse des rapports annuels, des réunions de suivi avec l’entreprise, un partage d’informations entre administration, les relations avec les points de contacts désignés par l’entreprise, la mise en œuvre de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation, les liens avec les clients et les donneurs d’ordre, les visites de sites par les administrations centrales ou les DIRECCTE.

d)     Les sanctions

Une opération réalisée sans autorisation préalable est nulle de plein droit en application de l’article L. 151-4 du code monétaire et financier.

Dans le cas où un investisseur étranger n’aurait pas respecté la réglementation, soit en n’obtenant pas l’autorisation préalable requise, soit en ne respectant pas les conditions dont était assortie l’autorisation, le ministère dispose d’un pouvoir d’injonction auprès des investisseurs délictueux. Le ministre de l’économie peut enjoindre à l’investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure. En cas de non-respect de l’injonction, le ministre peut prononcer une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’au double du montant de l’investissement irrégulier.

Le code des douanes sanctionne également les manquements à la réglementation des investissements étrangers en France, d’une peine de 5 ans d’emprisonnement, de la confiscation de l’objet du délit et d’une amende pouvant aller jusqu’au double de la somme sur laquelle l’infraction a porté.

1.1.2        Présentation du projet de règlement UE

Dans son document de réflexion du 10 mai 2017 sur la maîtrise de la mondialisation, la Commission européenne relevait que « […] des préoccupations ont été récemment exprimées concernant les investisseurs étrangers, notamment les entreprises publiques, qui rachètent des entreprises européennes dotées de technologies clés pour des raisons stratégiques »[328]. Le Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 a accueilli favorablement la volonté de la Commission de mieux encadrer la mondialisation, en insistant sur la nécessité d’analyser plus attentivement les investissements directs étrangers dans des secteurs stratégiques[329]. Dans une résolution du 5 juillet 2017 sur l’élaboration d’une stratégie industrielle ambitieuse de l’Union européenne en tant que priorité stratégique pour la croissance, l’emploi et l’innovation, le Parlement européen a quant à lui invité « la Commission à procéder à une vérification, conjointement aux Etats membres, des IDE effectués par des pays tiers dans les industries stratégiques, les infrastructures et les futures technologies clés de l’Union, ou dans d’autres actifs importants pour la sécurité et la protection de l’accès à celles-ci »[330].

C’est dans ce contexte que la France, l’Allemagne et l’Italie ont conjointement proposé d’assurer un contrôle plus efficace, au niveau de l’Union européenne, des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques et sensibles lorsqu’ils participent à une stratégie industrielle ou commerciale étatique ou qu’ils proviennent d’un pays tiers n’offrant pas un accès réciproque aux investissements européens[331]. Cette initiative participe, avec d’autres (instrument sur la réciprocité dans les marchés publics, renforcement des instruments de défense commerciale, procureur européen), au programme et annonces du Président en faveur d’une Europe qui protège. La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne a été annoncée à l’occasion du discours du Président Juncker sur l’état de l’Union le 13 septembre 2017[332], avant d’être communiquée au Conseil et au Parlement européen.

La proposition de règlement de la Commission[333] comporte en résumé trois volets principaux :

-          Premièrement, le projet de règlement a pour objectif de consacrer et d’encadrer les dispositifs nationaux de contrôle des investissements étrangers, sans qu’il soit toutefois question d’harmoniser les législations des Etats membres ni de leur enjoindre de se doter d’un mécanisme de contrôle (douze Etats membres disposent à ce jour d’un tel dispositif[334]). Le règlement précise les motifs pouvant être pris en compte pour évaluer l’existence d’une menace à la sécurité nationale et à l’ordre public en lien avec des opérations d’investissements étrangers et liste plusieurs secteurs à titre illustratif. Il énonce également les conditions que devraient respecter les dispositifs nationaux de contrôle (non-discrimination, protection des informations sensibles, voies de recours).

-          Deuxièmement, le projet de règlement instaure un mécanisme de coopération et d’échanges d’informations, entre les Etats membres et la Commission, dans la mise en œuvre des procédures de contrôle des investissements étrangers ;

-          Troisièmement, le projet de règlement confère à la Commission la capacité de délivrer aux Etats membres des avis non contraignants sur les opérations d’investissements étrangers susceptibles de constituer une menace à l’ordre public et à la sécurité nationale, lorsque ces investissements concernent des entreprises relevant de projets ou financées dans le cadre de programmes européens (e.g. Galileo, Copernicus).

1.2.  Éléments de droit comparé

1.2.1        Allemagne

Les investissements étrangers sont régulés en Allemagne par la loi sur les relations économiques extérieures de 1961, modifiée en 2009 et 2013 (« Außenwirtschaftsgesetzes » -AWG) et le décret d’application correspondant (« Außenwirtschaftsverordnung » - AWV) modifié le 12 juillet 2017.

L’existence d’un mécanisme destiné à contrôlé les investissements étrangers est relativement récente : avant 2008, seuls les investissements dans le secteur de l’armement étaient réellement encadrés (le gouvernement pouvait interdire à un investisseur étranger de détenir plus de 25 % des droits de vote de l’entreprise). Le mécanisme actuel trouve son origine en 2007, lorsque les agissements de certains de certains fonds souverains ont inquiété les autorités allemandes. Cette inquiétude a été relayée par les partis politiques en juillet 2007 et l’initiative de rénover le dispositif de contrôle des investissements étrangers a été prise en septembre 2007.

La réforme de 2009 a fondé le contrôle des investissements étrangers sur une possible atteinte à l’ordre public et à la sécurité de l’Etat fédéral. Ces notions ne sont pas définies dans le texte de loi, mais l’exposé des motifs précise que le champ d’application peut inclure, en cas de crise, les problématiques de sécurisation des approvisionnements énergétiques, de garanties des moyens de télécommunication, de fourniture d’électricité, enfin certains services publics « stratégiques » seraient aussi concernés. Il est possible, pour les autorités allemandes, d’examiner et de restreindre l’acquisition directe ou indirecte par des investisseurs étrangers d’entreprises ou de parts d’entreprises allemandes, lorsque l’ordre public et la sécurité sont menacés. La loi s’applique à tous les investissements, qu’ils émanent de fonds souverains, d’entreprises publiques ou privées étrangères ou d’entreprises publiques et privées nationales. L’objectif principal du contrôle exercé est de garantir les « intérêts essentiels de la République Fédérale », l’ordre et la sécurité publique.

Sont concernés par le mécanisme tous les secteurs économiques et toutes les transactions donnant à un investisseur étranger directement ou indirectement (notamment par l’action de concert avec d’autres actionnaires) 25 % ou plus des droits de vote d’une entreprise dès lors que l’opération touche à l'ordre public et à la sécurité nationale. Trois cas de figure se présentent :

-          l’investisseur est une société localisée dans l’Union européenne avec des capitaux majoritairement européens. L’investissement n’est pas contrôlé sauf si l’investissement concerne le secteur de la défense[335] ;

-          l’investisseur étranger est localisé dans un pays tiers à l’UE. L’investissement est automatiquement concerné par la loi dès lors que l’opération touche à l'ordre public et à la sécurité nationale ;

-          enfin, l’investisseur étranger est une société localisée dans l’Union européenne, mais est détenue à plus de 25 % par un investisseur originaire d’un pays tiers hors UE. Il est concerné par la loi dès lors là encore que l’opération touche à l'ordre public et à la sécurité nationale.

Le contrôle exercé prend la forme d’une autorisation préalable et obligatoire quelle que soit l’origine de l’investisseur (UE ou non-UE) pour les investissements réalisés dans le domaine de la défense et d’un contrôle a posteriori facultatif pour les investissements originaires de pays tiers à l’UE dans les autres secteurs, dès lors que l’ordre public et la sécurité nationale sont concernés. Ce principe de base n’a pas été amendé lors de la modification du décret d’application (« Außenwirtschaftsverordnung » - AWV) le 12 juillet 2017.

Les autorités allemandes ont modifié le 12 juillet 2017 leur décret d’application du dispositif (« Außenwirtschaftsverordnung » - AWV) :

- extension des délais d’instruction des dossiers par le BMWi (ministère allemand de l’économie), tant pour les opérations soumises à autorisation préalable (défense) que les opérations soumises à contrôle a posteriori facultatif (de un à trois mois pour les opérations qui concernent la défense, de deux à quatre mois pour les investissements dans les autres secteurs) ;

-clarification des définitions pour éviter un contournement du dispositif et remonter plus facilement au contrôlant ultime;

-extension à certaines « technologies clés en matière de défense », du champ d’application du contrôle des investissements étrangers dans le domaine de la défense. Sont désormais visées, outre les activités liées à la production, au développement d’armes, de matériels de guerre qui entraient déjà dans le champ du contrôle, les activités relatives aux dispositifs de reconnaissance militaire (capteurs), aux simulateurs, aux matériels de ciblage, aux systèmes de contrôle à distance et aux technologies utilisées pour la guerre électronique ;

-pour les investissements réalisés dans les autres secteurs touchant à l'ordre public et à la sécurité (approvisionnement énergétique, communications, transports, santé, approvisionnement en eau, services financiers et assurance), obligation de notifier la réalisation de l’opération au BMWi désormais imposée à l’investisseur.

1.2.2        Italie

Le contrôle des investissements est régi par le décret-loi n. 21 du 15 mars 2012 (loi n. 56, 11 mai 2012). Il attribue au gouvernement des « pouvoirs spéciaux » d’intervention sur les structures de propriété et sur les opérations extraordinaires des entreprises opérant dans des secteurs stratégiques (défense, sécurité nationale, énergie, transports, télécommunications). L’Etat peut exercer ces « pouvoirs spéciaux » (communément appelés golden power) en cas de « menace effective de préjudice grave pour les intérêts essentiels de la défense et de la sécurité nationale ». Ce texte a permis de mettre fin à la procédure d’infraction ouverte par la Commission européenne en 2009 à l’encontre de l’Italie pour son régime de golden share. Le législateur italien a conçu le système comme un moyen de conserver une influence publique consécutivement à la perte de contrôle des entreprises stratégiques privatisées en mettant en place des mécanismes de sauvegarde des intérêts publics essentiels.

Le dispositif distingue les activités d’importance stratégique pour le système de défense et de sécurité nationale (décret n. 108 du 6 juin 2014 pour l’identification des activités d’importance stratégique pour le système de défense et de sécurité nationale), et pour les secteurs de l’énergie, des transports et des communications (décret n. 85 du 25 mars 2014 pour l’identification des activités stratégiques dans les secteurs de l’énergie, des transports et des communications).

En pratique le dispositif italien repose sur un mécanisme de notification par les investisseurs étrangers des opérations d’investissement qui entrent dans le champ du dispositif. L’absence de réaction de l’Etat vaut autorisation de l’opération. Les « pouvoirs spéciaux » conférés au gouvernement lui donne la possibilité de :

-          poser des conditions spécifiques à l’acquisition par un investisseur étranger de parts dans des entreprises stratégiques ;

-          opposer son véto à l’adoption de certaines mesures par les organes dirigeants de la société ;

-          s’opposer à l’acquisition par un investisseur étranger de ces parts.

Un comité de coordination, présidé par le Secrétaire général de la Présidence du Conseil des ministres et composé des représentants des ministères compétents et des conseillers militaire et diplomatique du Président du Conseil, identifie le ministère chef de file et lui transfère le dossier pour instruction. Ce dernier transmet à la Présidence du Conseil et au comité une proposition. Dans les 15 jours à compter de la réception de la notification, le Président du Conseil doit prendre sa décision. Ce délai est suspendu (seulement une fois) si des informations complémentaires sont demandées à la société, qui a 10 jours pour répondre. Pendant l’instruction, les effets de la délibération sont suspendus. Le silence vaut acceptation de l’opération. La procédure, courte (25 jours maximum), ne prévoit pas de négociation entre l’Etat et la société visée ni avec l’investisseur. La décision est une mesure individuelle qui prend la forme d’un décret du Président du Conseil, délibéré en conseil des ministres, sur la proposition du ministre chef de file. Le communiqué officiel du Conseil des ministres fait mention du décret et de la nature de la décision (autorisation, autorisation sous conditions ou interdiction), mais le décret lui-même n’est pas publié. Le décret est notifié à son destinataire et est susceptible de recours devant le tribunal administratif.

Pour les secteurs de la défense et de la sécurité nationale (article 1 du décret-loi 21/2012)

Les « activités d’importance stratégique pour le système de défense et de sécurité nationale » sont définies par un décret du Président du Conseil des ministres (DPCM n. 108/2014). Il est mis à jour tous les trois ans.

Dans les secteurs ainsi définis, et en cas de menace de grave préjudice pour les intérêts essentiels de la défense et de la sécurité nationale, le Président du Conseil peut exercer les pouvoirs spéciaux suivants :

a)      (a priori) Imposition de conditions spécifiques relatives à la sécurité des approvisionnements et des informations, en cas d’acquisition (par une personne de l’Union européenne ou extérieur à l’UE) de participations dans les entreprises qui exercent une activité d’importance stratégique dans les secteurs indiqués ; ou bien opposition à l’acquisition de ces participations si l’acquisition compromet les intérêts de la défense ou de la sécurité nationale.

b)     (a posteriori) Veto à l’adoption de délibérations sociales ayant une incidence particulière sur la gestion ou la stratégie de la société (fusion/scission, transfert du siège ou d’une branche d’activités, changement de l’objet social, dissolution, modification statutaire, cession de droits réels ou d’utilisation de biens matériels ou immatériels).

Pour les secteurs de l’énergie, des transports, des communications et à haute intensité technologique (art. 2 du décret-loi 21/2012). Le décret n. 85/2014 (DPCM) identifie les activités stratégiques des secteurs de l’énergie, des transports et des communications relatifs aux :

-          Réseaux et équipements, y compris ceux nécessaires à l’approvisionnement minimal et le fonctionnement des services publics essentiels ;

-          Biens et activités stratégiques dans les secteurs de l’énergie des transports et des communications.

Les secteurs à haute intensité technologique viennent d’être ajoutés par le décret-loi n. 148 du 16 octobre 2017, doivent encore être précisés par décret. Le décret-loi en définit les contours : les infrastructures critiques ou sensibles, dont le stockage et la gestion de données, les technologies critiques, y compris l’intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs, les technologies avec des applications à double usage potentielles, la sécurité dans les réseaux, la technologie spatiale ou nucléaire, l’accès à des informations sensibles, et la sécurité de l’approvisionnement.

La réglementation prévoit qu’en l’absence de notification ou en cas de violation des conditions posées par le gouvernement, des sanctions puissent être appliquées, allant de la suspension des droits de vote en assemblée à la nullité des actes passés, outre des pénalités administratives (amende et/ou astreinte) et la restauration de la situation antérieure à l’opération. Tous actes ou délibérations adoptés en violation des dispositions législatives sont nuls et non avenus. L’amende peut atteindre au maximum le double de la valeur de l’opération et en tout cas ne peut être inférieure à 1 % du chiffre d’affaires cumulé réalisé par l’entreprise lors du dernier exercice.

1.2.3        Espagne

Le dispositif encadrant les investissements étrangers repose sur un décret d’avril 1999. Ce texte pose le principe général de la liberté des investissements étrangers, qui doivent simplement être déclarés a posteriori, les autorisations préalables étant limitées aux exceptions suivantes :

-          les investissements en provenance de paradis fiscaux ;

-          les investissements qui « par leur nature, leur forme ou leurs conditions de réalisation, […] peuvent affecter […] des activités liées à l’exercice des pouvoirs publics […] ou peuvent affecter l’ordre public, la sécurité publique et la santé publique », pourront voir le régime de libéralisation suspendu par décision motivée du Conseil des ministres. Il sera alors nécessaire de solliciter une autorisation administrative préalable pour la réalisation de ces investissements ;

-          Les investissements directement liés à la défense nationale. Dans ce cas-là, l’investisseur doit solliciter une autorisation administrative préalable qui doit être validée en Conseil des ministres (articles 10 et 11 du décret-royal 664/1999) ;

-          Les investissements directs ou indirects réalisés en Espagne par les Etats hors UE concernant une acquisition immobilière destinée à leur représentation diplomatique ou consulaire. Une autorisation préalable du Conseil des ministres est également requise, excepté si l’Etat en question jouit d’un accord international avec l’Espagne.

Aucune condition n’est associée à une autorisation préalable.

La Commission interministérielle des investissements étrangers, composée de représentants des Ministères de l’industrie, de la défense, des affaires étrangères et de la coopération, du budget, de l’agriculture et du développement est chargée de mettre en œuvre la réglementation et instruit les demandes d’autorisation préalable. Le sous-directeur au commerce international de services et aux investissements du ministère de l’économie assure le secrétariat général de la Commission. La Commission transmet le dossier après instruction au Conseil des ministres qui décide.

A noter que dans le cas particulier des investissements étrangers dans des secteurs liés à la défense nationale, les demandes préalables doivent être adressées directement au ministère de la défense (direction générale de l'armement et du matériel). Le ministère de l’Economie est informé du dossier mais ne l’instruit pas. La décision finale est également prise en Conseil des ministres.

Les autorités espagnoles ont un délai de six mois pour se prononcer. Ce délai court à partir de la date où la demande a été enregistrée au registre de l’organisme compétent pour la traiter. Etant donné le faible nombre de dossiers (moins de 1 par mois, huit à dix par an en moyenne), l’instruction est toujours finalisée avant cette échéance. L’autorisation accordée est valide pour un délai donné, ou pour six mois en l’absence de délai. A la fin de cette période, si l’investissement n’a pas été réalisé, l’autorisation est considérée caduque, sauf en cas de prorogation. Dans la pratique, aucun dossier soumis à la Commission puis au Conseil des ministres n’a été refusé.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

Le présent projet vise à renforcer les dispositifs permettant de faire respecter la réglementation sur les investissements étrangers en France et à renforcer le caractère dissuasif des sanctions, dans le cas où un investisseur étranger n’aurait pas respecté la réglementation, soit en ne demandant pas l’autorisation préalable requise, soit en ne respectant pas les conditions dont était assortie l’autorisation. La réforme comporte trois axes : (i) renforcement des mesures de police administrative ; (ii) renforcement des sanctions et (iii) modification du traitement des opérations réalisées sans autorisation préalable.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Renforcement des mesures de police administrative

3.1.1        Option 1 (écartée) : Conserver le régime de police actuel 

Le Ministre a la possibilité, en cas d’opération réalisée sans autorisation préalable ou de manquement aux conditions, d’enjoindre à l’investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.

Ce dispositif de police n’apparait pas pleinement satisfaisant, dans la mesure où les injonctions que le ministre peut prononcer ne sont pas adaptées précisément à chaque situation (réalisation d’une opération sans autorisation préalable ou manquement aux conditions). Il ne permet pas suffisamment la prise en considération des situations d’urgence. En outre, l’incitation à respecter les injonctions du ministre n’est assurée que par une mesure de sanction (le ministre peut prononcer une sanction pécuniaire lorsque les conditions ne sont pas respectées).

3.1.2        Option 2 (retenue) : Modifier les mesures de police pour renforcer leur efficacité et améliorer leur prévisibilité

La réforme envisagée consiste à renforcer les pouvoirs de police administrative du ministre. Lorsqu’une opération a été réalisée sans autorisation, le ministre pourra obtenir le dépôt d’une demande, la modification de l’opération ou le rétablissement de la situation antérieure. Lorsqu’un investisseur ne respecte pas les conditions de l’autorisation, le ministre aura le pouvoir de retirer l’autorisation, imposer en conséquence de rétablir la situation antérieure ou contraindre l’investisseur à solliciter de nouveau une autorisation. Il pourra par ailleurs enjoindre à l’investisseur de respecter les conditions initiales ou de nouvelles conditions qu’il fixera pour pallier le manquement constaté, y compris le rétablissement de la situation antérieure au manquement constaté ou la cession des activités sensibles. L’incitation à respecter ces injonctions sera renforcée par la possibilité pour le ministre de prononcer ces injonctions sous astreinte.

Afin de prévenir rapidement les risques d’atteinte à l’ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale, le ministre aura également la possibilité de s prendre des mesures conservatoires et de suspendre les droits de vote de l’investisseur, d’empêcher l’investisseur de disposer des actifs ou de percevoir des dividendes et de désigner un mandataire chargé de veiller à la protection des intérêts nationaux.

3.2.  Renforcement du régime de sanctions

3.2.1        Option 1 (retenue) : Elargissement des manquements pouvant faire l’objet d’une sanction administrative

En l’état du droit, trois types de manquement peuvent être sanctionnés :

-          Le non-respect des injonctions prononcées par le ministre : ce manquement peut faire l’objet d’une sanction administrative pécuniaire ;

-          La réalisation d’une opération sans autorisation préalable : ce manquement est constitutif d’un délit douanier (article 459 du code des douanes) ;

-          Le manquement aux conditions assortissant une autorisation : ce manquement est constitutif du délit douanier prévu par l’article précité du code des douanes.

Seul le non-respect d’une injonction peut donc aujourd’hui faire l’objet d’une sanction administrative. Sanctionner rapidement les manquements à la réglementation sur les investissements étrangers en France commis par des investisseurs étrangers est une nécessité compte-tenu du caractère international des opérations soumises à autorisation sur les investissements étrangers en France et des enjeux que la procédure vise à protéger. A cette fin, il apparaît nécessaire de compléter le panel des sanctions administratives, pour sanctionner par cette voie la réalisation d’une opération sans autorisation préalable et le manquement aux conditions assortissant une autorisation.

Il est par ailleurs utile de prévoir une sanction administrative pour l’obtention par fraude d’une autorisation, en complément du délit de droit commun (le code pénal puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende le fait de se faire délivrer indûment une autorisation - article 441-6). Dans ce cas, le ministre a par ailleurs la possibilité de retirer ou d’abroger à tout moment l’autorisation qui a été délivrée (art. L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration).

3.2.2        Option 2 (écartée) : Confier le soin de sanctionner les manquements à une seule autorité

En l’état du droit, il existe, selon le manquement, une répartition entre sanctions administratives et sanctions douanières.

Maintenir la voie pénale pour sanctionner la réalisation d’une opération sans autorisation préalable et le manquement aux conditions assortissant une autorisation, apparaît pertinent compte-tenu de son caractère dissuasif. Toutefois, le besoin de sanctionner plus rapidement certains manquements justifie par la voie administrative (sanction pécuniaire).

Le maintien de la dualité, combiné à un élargissement des sanctions administratives à de nouveaux manquements (réalisation d’une opération sans autorisation préalable, manquement aux engagements, obtention frauduleuse d’une autorisation), participe de l’objectif de mieux graduer les sanctions susceptibles d’être prononcées et d’améliorer leur efficacité.

3.2.3        Option 3 (retenue) : Modification du quantum de la sanction

En cas de non-respect d’une injonction prononcée par le ministre de l’économie, celui-ci peut prononcer une sanction pécuniaire d’un montant égal au maximum au double du montant de l’investissement. Ce quantum n’est pas adapté pour les opérations réalisées pour un faible montant.

Un plafond en valeur absolue permet de prendre en considération simplement ces opérations de faible montant.

La détermination d’un autre plafond en pourcentage du chiffre d’affaires présente l’avantage de mieux sanctionner les investisseurs ayant procédé à des investissements dans des entreprises françaises génératrices d’un fort chiffre d’affaires.

L’option retenue consiste à adjoindre au plafond actuel (double du montant de l’investissement) les deux plafonds précités : l’un en valeur absolue (distinct selon que l’investisseur est une personne physique ou morale) et l’autre équivalent à 10 % du chiffre d’affaires annuel de la société cible.

3.3.  Traitement des opérations réalisées sans autorisation préalable

3.3.1        Option 1 (écartée) : Maintenir le principe de la nullité absolue d’une opération réalisée sans autorisation préalable

Une opération réalisée sans autorisation préalable est nulle de plein droit, sans possibilité de régularisation, quand bien même l’Etat parvient à ses intérêts postérieurement à la réalisation de l’opération. Les effets de cette nullité sont tels que cette sanction civile est très dissuasive. Elle prend toutefois insuffisamment en considération le besoin de gradation des sanctions, dès lors que l’Etat peut préférer encadrer l’opération par des conditions que revendiquer sa nullité et ne permet pas de répondre au besoin de régulariser le cas échéant une opération en imposant des conditions a posteriori et en purgeant la nullité de plein droit .

3.3.2        Option 2 (écartée) : Supprimer le principe d’une autorisation préalable obligatoire

Plusieurs pays exercent un contrôle des investissements étrangers postérieurement à la réalisation des opérations, au moins pour certains investissements (c’est le cas par exemple en Allemagne et au Royaume-Uni). Revenir en France sur le principe d’une autorisation préalable n’apparait toutefois pas souhaitable, dans la mesure où cela permet de mieux combiner protection des intérêts nationaux d’une part (les conditions fixées s’appliquent dès la réalisation de l’opération et permettent ainsi de prévenir les risques éventuels qui découleraient de l’opération) et prévisibilité pour les investisseurs d’autre part (ils sont informés des contraintes qui vont s’imposer, avant la finalisation de l’opération).

3.3.3        Option 3 (retenue) : Permettre au Ministre de régulariser les opérations réalisées sans autorisation préalable, tout en conservant le principe selon lequel l’autorisation doit être préalable

Le cadre juridique actuel du traitement des opérations réalisées sans autorisation préalable n’est pas complètement satisfaisant tant du point de vue des investisseurs que de la protection des intérêts du pays. En effet, une opération réalisée sans autorisation préalable est nulle de plein droit, sans possibilité de régularisation, quand bien même l’Etat parvient à protéger ses intérêts postérieurement à la réalisation de l’opération par la procédure de sanction (injonction). Ainsi, un tiers intéressé pourrait exciper de cette nullité s’il a connaissance du manquement au regard de la réglementation des investissements étrangers en France, alors même que l’Etat n’aurait pas estimé utile de solliciter le rétablissement de la situation antérieure, mais préféré protéger ses intérêts en imposant des conditions.

L’option retenue vise à rendre possible la délivrance par le Ministre d’une autorisation a posteriori, lui permettant de fixer des conditions, tout en pouvant sanctionner l’investisseur qui n’aurait pas sollicité d’autorisation préalable. Le principe restera celui d’une autorisation préalable, qui permet d’assurer un meilleur contrôle. Le Ministre conservera toutefois, s’il le souhaite, faire usage de ses pouvoirs de police administrative et solliciter le rétablissement de la situation antérieure.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

Les modifications apportées ne portent pas sur le régime du contrôle des investissements étrangers en France, mais sur le renforcement du dispositif de police administrative et de sanctions. Ce renforcement devrait participer à mieux inciter les investisseurs à respecter la réglementation. A défaut, seuls les investisseurs contrevenants seront concernés par les nouvelles dispositions.

4.2.  Impacts sur les services administratifs

La procédure de contrôle des investissements étrangers en France est instruite et coordonnée par la direction générale du Trésor. Elle associe l’ensemble des administrations sectorielles intéressées par les opérations. Elle coordonne  également le suivi des conditions réalisé par les administrations sectorielles compétentes.  La direction générale du Trésor est également compétente pour le suivi des éventuels manquements à la réglementation, sur signalement des ministères sectoriels.. Elle sera également chargée de la mise en œuvre du nouveau dispositif de police et de sanction.

5.         Modalités d’application

5.1.1        Application dans le temps

La loi entrera en vigueur le lendemain de sa publication. L’ensemble du dispositif sera applicable immédiatement, à l’exception du prononcé d’astreintes qui nécessite une mesure d’application.

Compte-tenu des règles de droit commun applicables aux dispositifs de sanctions, les nouvelles règles s’appliqueront aux manquements commis à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Les nouvelles mesures de police administrative pourront être utilisées pour traiter des troubles à l’ordre public constatés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

5.1.2        Application dans l’espace

Les dispositions de la présente loi s’appliquent sur l’ensemble du territoire de la République.

Les dispositions envisagées sont également applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

5.1.3        Textes d’application

Des dispositions réglementaires d’application sont nécessaires. Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser, notamment, le montant et le régime de l’astreinte. La publication de ce décret sera nécessaire pour que le ministre puisse prononcer effectivement des astreintes.

 


Article 56 relatif aux actions spécifiques dans les sociétés à participation publique

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Une action spécifique permet à l’État de conserver des prérogatives exorbitantes du droit commun au capital d’une entreprise, lorsque la protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale. Cette action spécifique peut notamment conférer à l’État des pouvoirs d’information et de contrôle relatifs aux actifs de l’entreprise en prise avec les intérêts essentiels du pays ainsi définis – ces actifs sont alors considérés comme stratégiques.

La création d’une action spécifique requière aujourd’hui des conditions précisées à l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 :

-          Elle doit s’inscrire dans le cadre d’une opération de cession de titres par l’État entraînant le franchissement à la baisse des seuils du tiers, de la moitié ou des deux-tiers du capital social et doit être créée avant la réalisation de l’opération ;

-          Elle doit être motivée par « la protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale » ;

Les droits pouvant être attachés à cette action sont limités : (i) agrément préalable du Ministre de l’Économie en cas de franchissement des seuils légaux prévus à l’article L. 233-7 du code de commerce[336], (ii) nomination d’un représentant sans voix délibérative au conseil d’administration et (iii) droit d’opposition à la cession d’actifs stratégiques.

La mise en place d’actions spécifiques au capital d’entreprises détenant des actifs stratégiques est une mesure législative. Le dispositif de l’action spécifique a été initialement créé par l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Ce dispositif a été remplacé par l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 (issu de la loi n° 2015-990) qui a mis le dispositif en conformité avec la jurisprudence du juge européen.

Il était cependant nécessaire que l’article 10 de la loi de 1986 soit maintenu en vigueur dans la mesure où la suppression des actions spécifiques fondées sur cette base légale aurait nécessité de créer une nouvelle action spécifique sur la base du nouvel article 31-1 de l’ordonnance précitée. Or, créer une nouvelle action spécifique était impossible dans la mesure où l’institution de l’action spécifique doit se faire concomitamment à une cession de titres par l’État entraînant le franchissement des seuils précités. L’assouplissement des conditions de création d’une action spécifique sur la base de l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 prévue par le présent projet de loi (cf. infra) permettra concrètement de remplacer les actions spécifiques fondées sur la base de la loi de 1986. Cela permettra à terme de faire reposer toutes les actions spécifiques sur la seule base légale de l’article 31-1 de l’ordonnance précitée et d’abroger définitivement l’article 10 de la loi de 1986.

Plusieurs actions spécifiques ont été mises en place au capital des entreprises afin de préserver un droit de regard de l’État sur leurs actifs stratégiques définis supra (exclusivement au sein du portefeuille de l’Agence des Participations de l’État – APE) – voir tableau ci-dessous. Pour chaque entreprise, les mesures associées à l’action spécifique sont strictement proportionnées à l’objectif poursuivi en matière de protection des intérêts essentiels du pays.

Société[337]

Date de création de l’action spécifique

Droits associés

Thales (Thomson)

Décret n° 97-190 du 4 mars 1997

       Approbation du franchissement de seuils (multiples de 10 % du capital ou des DDV) par un tiers, un actionnaire existant, ou en cas de changement de contrôle d’un actionnaire existant.

       Représentant de l’action spécifique au conseil.

       Contrôle des cessions d’actifs stratégiques et de leurs affectations à titre de garantie[338] : le Ministre de l’Economie peut s’y opposer par arrêté.

Engie (GDF)

Décret n° 2007-1790 du 20 décembre 2007 (art. D.111-20 et 21 du Code de l’énergie)

       Contrôle des cessions d’actifs stratégiques et de leurs affectations à titre de garantie : le Ministre de l’Economie peut s’y opposer par arrêté[339].

SNPE Matériaux Energétiques (devenu Safran ,Ceramics)

Décret n° 2011-268 du 14 mars 2011

       Approbation des franchissements de seuils (1/3 ou 50 % en capital ou DDV) par un tiers, un actionnaire existant, ou en cas de changement de contrôle d’un actionnaire existant.

       Représentant de l’action spécifique au conseil

       Contrôle des cessions d’actifs stratégiques et de leurs affectations à titre de garantie : le Ministre de l’Economie peut s’y opposer par arrêté.

Nexter Systems

Décret n° 2015-1586 du 4 décembre 2015

       Approbation des franchissements de seuils (1/3 ou 50 % en capital ou DDV) par un tiers, un actionnaire existant, ou en cas de changement de contrôle d’un actionnaire existant.

       Représentant de l’action spécifique au conseil.

       Contrôle des cessions d’actifs stratégiques[340] et de leurs affectations à titre de garantie : le Ministre de l’Economie peut s’y opposer par arrêté.

1.2.  Le Conseil constitutionnel, en tant que garant du respect des libertés fondamentales, contrôle le mécanisme d’action spécifique

Même si le principe même de l’action spécifique n’a pas été examiné de manière expresse par le Conseil constitutionnel (la loi de 1986 précitée n’a pas été soumise au Conseil constitutionnel et, en 2015, celui-ci n’a pas eu à se prononcer explicitement sur les dispositions relatives à l’action spécifique), lors de la création de l’article 31-1 de l’ordonnance précitée, le Conseil constitutionnel a seulement indiqué, au considérant 169 de sa décision n° 2015-715 DC qu’il n’y avait lieu « de soulever d’office, aucune autre question de conformité à la Constitution ». Il convient toutefois de relever que le Conseil d’Etat, saisi pour avis, a admis le principe de l’action spécifique dans les limites du droit européen.

Le droit de propriété est protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les mesures relevant de l’article 2 exigent donc la démonstration d’un motif d’intérêt général et doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi. Les actionnaires sont protégés au titre du droit de propriété ; à ce titre, sont ainsi protégés, la propriété des actions, le droit au partage des bénéfices sociaux, le droit de vote attaché à la qualité d’actionnaire.

Par ailleurs, la jurisprudence constitutionnelle, s’appuyant sur une application combinée du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre protège la liberté de l’entrepreneur de réaliser ses propres choix économiques et la possibilité pour tout chef d’entreprise d’être maître de son destin. Le juge constitutionnel associe le droit de propriété et le pouvoir de décision dans la mesure où ce pouvoir autorise l’aliénation des biens (au sens large) de l’entreprise. La liberté d’entreprendre garantit à tout entrepreneur personne physique ou à toute personne morale qui désire exploiter une activité économique de pouvoir exercer l'activité de son choix. Mais elle s'entend aussi comme une liberté d'exercice, ou encore une liberté d'exploitation qui permet de choisir les moyens d'exploiter l'activité investie, et qui a pour corollaire l'interdiction de gêner l'exercice d'une activité.

Là encore, le Conseil constitutionnel admet les atteintes qui sont fondées non seulement sur d'autres exigences constitutionnelles, comme l'ordre public, la santé publique et la protection du domaine public, mais aussi sur des objectifs d'intérêt général. Une fois l'atteinte constatée, il ne prohibe que les atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.

1.3.  Le droit européen et la jurisprudence de la CJUE encadrent les dispositions liées aux actions spécifiques de façon restrictive

Les articles 49 à 55 du TFUE encadrent l’exercice de la liberté d’établissement, tandis que les articles 63 à 66 du TFUE régissent la libre circulation des capitaux. En vertu de ces dispositions, toutes les restrictions à ces libertés sont par principe proscrites, entre les États membres et, pour les mouvements de capitaux, également entre les États membres et les pays tiers. Les articles 52 § 1 et 65 § 1 b) prévoient cependant que peuvent être admises des « mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique ». La jurisprudence de la CJUE précise que ces mesures, pour être justifiées, doivent être nécessaires et proportionnées au but poursuivi, et qu’elles ne doivent pas être discriminatoires ou indirectement discriminatoires.

La CJUE s’assure que les droits spéciaux ne confèrent pas aux autorités nationales un pouvoir potentiel de discrimination susceptible d’être utilisé de manière arbitraire, en violation des dispositions du traité. Ainsi, les dérogations doivent respecter quatre conditions, cumulatives :

-          mesure ou procédure non discriminatoire ;

-          justifiées par l’ordre public, la sécurité publique ou des raisons impérieuses d’intérêt général ;

-          propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi ;

-          proportionnées à ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Il résulte de ce qui précède que ces droits préférentiels sont susceptibles de constituer des atteintes à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’établissement. Pour autant, ces mécanismes ne sont pas condamnés en eux-mêmes : le contrôle du juge porte sur les critères exposés supra. La CJUE admet notamment que les États membres puissent avoir le pouvoir de conserver « une certaine influence dans les entreprises initialement publiques et ultérieurement privatisées, lorsque ces entreprises agissent dans les domaines des services d’intérêt général ou stratégique »[341]. Cependant, le juge vérifie systématiquement les justifications invoquées en faisant un contrôle en droit et en opportunité de la nécessité et de la proportionnalité des mesures mises en place.

Enfin, la CJUE rappelle que les exigences de sécurité publique doivent être entendues strictement et que ce motif ne saurait être invoqué « qu'en cas de menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ». Elle a par exemple jugé que la sécurité d’approvisionnement en énergie, ou la disponibilité du réseau de télécommunications et des services d’électricité peuvent correspondre à des exigences de la sécurité publique en cas de crise, de guerre ou de menace terroriste, pouvant justifier une entrave aux libertés fondamentales d’établissement et de circulation des capitaux et des services. Toutefois, les États doivent préciser en quoi la détention d’une action spécifique permet effectivement d’éviter de façon proportionnée l’atteinte à la sécurité publique.

Le champ d’application de la mesure pour le secteur de la défense s’entend des entreprises dont l’activité relève des intérêts essentiels de la défense nationale au sens de l’article 346 du TFUE qui prévoit dans son paragraphe 1 b) que « tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ».

1.4.  Éléments de droit comparé

La protection des actifs stratégiques des entreprises peuvent être résumé en deux modèles.

Le premier modèle repose sur l’intervention de l’État en tant qu’actionnaire de référence. Le modèle français est l’exemple le plus évident : dans son rapport sur l’État actionnaire publié en janvier 2017, la Cour des Comptes a souligné que « la France est ainsi l’un des pays développés dans lesquels la part des entreprises à participation publique est la plus importante », avec une valeur du portefeuille global de participations publiques estimée à près de 100 Md€.

Les Pays-Bas sont proches du modèle français. L’État y est actionnaire de référence de nombreuses entreprises stratégiques et possède plusieurs actions de préférence dans ces entreprises.

Le second modèle repose sur des interventions plus ciblées, qui sont des alternatives à la mobilisation de capitaux publics au sein des entreprises. Ces interventions peuvent être regroupées en deux familles qui font l’objet d’un même contrôle par le juge européen qui contrôle l’effet de la mesure et non le véhicule.

1/ Des mécanismes réglementaires permettent à l’État de protéger des actifs stratégiques et de bénéficier de pouvoirs particuliers sans détenir d’action spécifique ou d’action de préférence. Plusieurs pays ont prévu, dans leurs lois de privatisation, des mécanismes octroyant des droits spécifiques à l’État, indépendamment de la détention d’une action spécifique ou en complément (notamment l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce). L’Italie a renoncé à son dispositif d’actions spécifiques, au profit de pouvoirs plus importants, afin de généraliser le contrôle de l’État sur l’ensemble des activités stratégiques, sans cibler préalablement les entreprises concernées – ce mécanisme a été surnommé « golden power ». Ce dispositif est particulièrement étendu, et confère à l’État des pouvoirs importants : en généralisant le contrôle de l’État à l’ensemble des activités stratégiques visées par les décrets d’application, quelle que soit la nationalité des investisseurs, il constitue un unique dispositif permettant de contrôler les opérations significatives d’activités stratégiques, que l’investissement soit italien ou étranger. L’État italien peut en pratique se prononcer, dans toutes les entreprises participant à ces activités stratégiques, sur une multitude d’opérations ne relevant pas de l’unique cas de la prise de contrôle étrangère. L’Italie dispose ainsi d’un unique dispositif exorbitant de droit commun au champ d’application très large, alors que la France, avec les actions spécifiques et la procédure relative aux investissements étrangers, dispose d’instruments plus ciblés. Le système italien, plusieurs fois mis en œuvre déjà, n’a pas suscité à date de critiques au regard du droit communautaire.

2/ D’autres pays ont fait le choix de cibler leurs dispositifs de protection en instituant des actions spécifiques.

-       Le Royaume-Uni détient des « special shares » dans plusieurs entreprises de différents secteurs (aéronautique/défense comme Rolls Royce et BAE Systems, énergie, transport) : environ 20 entreprises ont des golden shares, Ces special shares reposent sur des bases statutaires entérinées au moment de la privatisation.

-       La Belgique possède une action spécifique dans la Société nationale de transport par canalisations et dans Distrigaz, suite à leurs privatisations. Ces actions spécifiques sont créées par arrêté et confèrent des pouvoirs importants à l’État[342].

-       Le Land de Basse-Saxe en Allemagne a conservé une action spécifique au capital de Volkswagen suite à sa privatisation, qui repose sur une base législative ad hoc (la « loi Volkswagen »).

-       L’Espagne et le Portugal ont supprimé leurs actions spécifiques : les droits qui y étaient associés étaient disproportionnés au regard des objectifs poursuivis.

Comparée à des réglementations à l’assiette plus générale comme le golden power italien, l’action spécifique est une mesure plus ciblée, et donc plus prévisible pour les investisseurs, a fortiori dans la mesure où son champ d’application est par avance circonscrit.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Objectifs poursuivis

L’objectif est de mieux protéger les entreprises françaises les plus stratégiques, compte tenu de la dynamique européenne de renforcement de la protection des actifs stratégiques (cf. point précédent) et de la perspective de désengagement de l’État du capital de certaines entreprises.

a)      L’élargissement de la possibilité de créer une action spécifique permettrait d’améliorer la protection des actifs stratégiques et permettrait d’optimiser l’immobilisation de capitaux publics au capital de sociétés stratégiques

L’État envisage une respiration de son portefeuille de participations et entend à cette occasion sécuriser la protection de certains actifs stratégiques pour la souveraineté nationale, y compris lorsque les cessions envisagées ne conduiraient pas à franchir à la baisse le seuil du tiers du capital aujourd'hui exigé pour la mise en place d’une action spécifique.

Par ailleurs, toujours dans l’objectif d’assurer la protection de certains actifs stratégiques pour la souveraineté nationale sans immobiliser de capitaux publics de façon non-justifiée, il est nécessaire d’étendre ce dispositif au périmètre de Bpifrance.

Enfin, certaines entreprises du portefeuille de l’État actionnaire ayant leur siège à l’étranger détiennent des actifs stratégiques pour la souveraineté nationale situés dans des filiales françaises : il est souhaitable que ces filiales puissent être couvertes par le dispositif.

Cette réforme pourrait en outre permettre à l’État d’éviter d’immobiliser des deniers publics pour se maintenir au capital d’entreprises stratégiques dans le seul but d’en protéger les actifs.

b)     Il est nécessaire de préciser la notion de cession d’actifs stratégiques pour rendre le dispositif plus efficace

La rédaction actuelle de l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 ne rend pas compte de la complexité des opérations menées par les entreprises sur leurs actifs stratégiques et qui peuvent conduire à rendre le dispositif adossé à l’action spécifique illisible voire inopérant, au détriment de l’efficacité de l’action de l’État comme de la sécurité juridique des opérations menées par les entreprises concernées. Il est donc nécessaire que cette notion soit précisée.

c)      Il est nécessaire que les mesures associées à l’action spécifique soient ajustées au cours du temps

Les mesures associées à une action spécifique doivent pouvoir évoluer au cours du temps pour trois raisons :

-       D’abord, pour des raisons juridiques précédemment évoquées, il est nécessaire que les droits associés à cette action soient toujours proportionnés aux objectifs poursuivis en matière de protection des intérêts essentiels du pays.

-       Ensuite, les justifications de la protection des actifs stratégiques, qu’ils soient matériels ou immatériels, évoluent au cours du temps, du fait des innovations technologiques et du contexte géopolitique et économique : il est donc nécessaire que les droits associés à une action spécifique puissent être ajustés afin d’être en permanence proportionnés à l’objectif poursuivi. Cette mesure est d’ailleurs de nature à renforcer la conformité de l’action spécifique avec le droit communautaire, en assurant continument la proportionnalité des outils aux mains de l’État aux objectifs poursuivis.

-       Cela permettrait enfin de tenir compte des évolutions de périmètre des entités protégées, liées aux restructurations juridiques inhérentes à la vie d’une entreprise, limitant ainsi l’insécurité juridique résultant de textes vieillis et imprécis.

2.2.  Nécessité de légiférer

Les mesures encadrant l’action spécifique étant du domaine de la loi, une modification de l’article 31-1 de l’ordonnance précitée ne pouvait reposer que sur un nouveau texte législatif.

a)      Il est nécessaire de faire évoluer la loi pour élargir la possibilité de créer une action spécifique

Afin de remplir l’objectif énoncé précédemment, la modification de l’article 31-1 de l’ordonnance précitée vise à étendre la possibilité d’instituer une action spécifique (toujours à la condition que les intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale soient en jeu) selon trois axes :

-       La réforme proposée permet qu’une action soit transformée en action spécifique dans toutes les sociétés dont le nom est mentionné à l’annexe du décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des Participations de l'État dans sa version en vigueur à la date de promulgation de la présente loi. Cette annexe ne liste que 81 sociétés, ce qui circonscrit le champ de la réforme proposée, étant précisé que certaines d’entre elles n’ont pas d’activités relevant de l’ordre public, la santé publique, la sécurité publique ou la défense nationale.

-       Une action spécifique pourrait être mise en place dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé dans lesquelles une participation d’au moins 5 % du capital est détenue, directement ou indirectement, à la date de promulgation de la présente loi, par la société anonyme Bpifrance ou ses filiales directes ou indirectes ou par un fonds d’investissement géré et souscrit majoritairement par elles.

-       Enfin, s’agissant des sociétés visées ci-dessus et qui n’auraient pas leur siège social en France, les dispositions de l’article 31-1 auraient vocation à s’appliquer à leurs filiales ayant leur siège social en France.

Cet élargissement n’aura pas d’impact sur les motifs nécessaires pour justifier la création d’une action spécifique : cette mesure restera limitée aux cas précis où cela est justifié, nécessaire et proportionné, dans le respect du droit constitutionnel et européen. Celui-ci ne fait pas de la nécessité d’un franchissement à la baisse d’un seuil de détention du capital significatif une condition à la conformité d’une action spécifique à ce droit. L’application de ce dispositif demeurera exceptionnelle : l’État devra, chaque fois qu’il recourt à une action spécifique, non seulement démontrer que son instauration est nécessaire à la protection des actifs stratégiques, mais surtout qu’elle est le meilleur moyen d’atteindre l’objectif poursuivi, le nombre d’entreprises concernées étant de plus circonscrit ab initio.

b)     Les précisions apportées à la notion de cession d’actifs stratégiques et la précision des informations relatives à ces actifs pouvant faire l’objet d’une communication au Ministre devraient rendre le dispositif plus efficace

Les ajouts apportés au 3° du I précisent les opérations sur les actifs stratégiques susceptibles de faire l’objet d’un contrôle. Dans un souci d’efficacité, elles permettront aux décrets instituant les actions spécifiques de mieux appréhender les opérations, parfois complexes, qui peuvent intervenir au cours de la vie sociale des sociétés protégées.

En outre, la nouvelle rédaction proposée couvre indistinctement les actifs corporels et incorporels, ce qui permet notamment d’appréhender les enjeux, de plus en plus prégnants, liés à la propriété intellectuelle.

Enfin, un nouvel alinéa a été introduit pour permettre au Ministre de l’Économie d’être informé sur la situation des actifs stratégiques protégés, permettant à l’État de s’assurer de leur intégrité, de leur pérennité et de leur rattachement au territoire national. Grâce à cette information, le Ministre pourra s’assurer continument de l’effectivité du dispositif.

c)      La possibilité de modifier des actions spécifiques doit être précisée dans la loi

La mise à jour des décrets instituant les actions spécifiques n’est pas prévue par les textes actuels, créant une incertitude juridique sur leur révision : s’il semble possible de réaliser des mises à jour à pouvoirs constants ou avec des droits exorbitants du droit commun inférieurs, une révision de la liste des actifs protégés n’est pas possible. Il est donc proposé de prévoir plusieurs conditions de mise à jour de l’action spécifique.

-       La loi préciserait qu’il serait désormais possible de faire évoluer les droits attachés à une action spécifique en cours d’existence, pour répondre à l’objectif présenté ci-dessus.

-       Il est en outre proposé de réévaluer, au moins tous les 5 ans, la nécessité et la pertinence des dispositions du décret instituant l’action spécifique au regard des objectifs visés, afin de s’assurer de la proportionnalité des mesures associées à cette action.

La mesure offre donc davantage de souplesse aux entreprises dans leurs évolutions structurelles, ainsi que la garantie d’une révision régulière du dispositif mis en place. Ceci garantira un dialogue régulier entre l’entreprise et l’administration, afin de limiter l’impact de l’action spécifique à ce qui est strictement nécessaire et proportionné.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Plusieurs options pouvaient être envisagées quant à l’élargissement des possibilités de créer une action spécifique dans une entreprise. L’option maximaliste, qui n’était pas sans soulever d’importantes questions juridiques et d’attractivité de la France, aurait consisté à permettre à l’État de créer une action spécifique dans toute entreprise dont il détient une action. Finalement, l’option retenue impose une présence préalable du secteur public au capital de l’entreprise à un niveau plus élevé.

Les autres propositions de la présente réforme n’ont pas fait débat entre plusieurs options.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

Le présent article modifie l’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948.

4.1.1        La réforme proposée est conforme aux exigences du droit européen

La conformité au droit de l’Union européenne d’une action spécifique n’est pas conditionnée à un fait générateur tel que le franchissement à la baisse d’un seuil de détention du capital social. Quel que soit le seuil de cession, une action spécifique constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, qui peut, selon les cas, être jugée conforme au traité si elle est justifiée et remplit les critères de proportionnalité et de nécessité.

L’enjeu ne se situe pas au niveau législatif (la loi ne fait qu’élargir les possibilités de créer une action spécifique), mais plutôt pour chaque décret instituant une action spécifique qui devra donc veiller à ce qu’elle soit effectivement justifiée, nécessaire et proportionnée à l’objectif poursuivi. Dès lors que l’ordonnance offre seulement une faculté à l’État, faculté qui doit nécessairement être complétée par d’autres actes juridiques (décrets), elle ne peut faire isolément l’objet d’un contentieux.

Il en résulte que l’assouplissement des conditions préalablement requises pour créer une action spécifique ne soulève pas de difficulté du point de vue du droit européen. Il est précisé que chaque décret instituant une action spécifique devra démontrer la nécessité et la proportionnalité de la mesure : ces mesures devront être motivées et notifiées à l’entreprise, justifiées par un intérêt essentiel du pays, intérêt qui devra être clairement identifié dans les décrets d’application, et proportionnées à cet intérêt ; les actifs stratégiques de l’entreprise devront être précisément identifiés et les circonstances dans lesquelles de tels droits pourront être exercés devront être précisées.

La possibilité de réviser les décrets instituant l’action spécifique apparaît en outre bienvenue, dans la mesure où il importe, au regard de la grille d’analyse de la Cour de justice (et du Conseil constitutionnel), de vérifier que les conditions de nécessité et de proportionnalité sont toujours satisfaites.

4.1.2        La réforme proposée est conforme aux exigences constitutionnelles

Le projet de disposition contient, d’ores et déjà, des garanties, comme la possibilité de transformer à tout moment, par décret, l’action spécifique en action ordinaire. Il est également prévu de pouvoir modifier les droits attachés à l’action spécifique, en les réduisant ou en les augmentant en fonction de l’évolution de la situation au regard des critères de nécessité et de proportionnalité aux objectifs poursuivis, et, en tout état de cause, de procéder à un réexamen de la nécessité et de la pertinence des dispositions du décret au moins tous les cinq ans. Ce type de disposition procède à un encadrement dans le temps des atteintes portées au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, en permettant le réajustement du dispositif. Il constitue donc une garantie dont tient compte le Conseil constitutionnel dans son appréciation du caractère proportionné au regard du but poursuivi.

La précision des opérations de cession sur lesquelles porte le contrôle est nécessaire à l’accomplissement de l’objectif poursuivi pour les raisons évoquées ci-dessus. Par ailleurs, il ne s’agit que d’une simple précision d’un texte pouvant être jugé ambigu : l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété demeure donc proportionnée, alors que la sécurité juridique s’en trouve renforcée.

La suppression des conditions de franchissement de seuil pour pouvoir créer une action spécifique ne pose pas de difficulté majeure au regard des exigences constitutionnelles, dès lors que la création d’une telle action est cantonnée à des cas bien délimités dans lesquels la protection des intérêts essentiels du pays est en jeu. Si l’action spécifique est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général et que les droits qui y sont attachés sont nécessaires, adéquats et proportionnés aux objectifs poursuivis, le fait que ses possibilités de création soient étendues ne constitue pas un obstacle d’ordre constitutionnel.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1          L’action spécifique est un dispositif connu des investisseurs français et étrangers

L’action spécifique existe de longue date (cf. supra) en France et en Europe. Un certain nombre d’actions spécifiques en Europe ont été censurées par le juge européen en raison des droits excessifs qu’elles conféraient à l’État par rapport aux objectifs poursuivis : cette vigilance renforcée du juge européen a permis aux investisseurs de se rassurer sur le cadre juridique très contraint du dispositif et sur la confiance qu’ils peuvent accorder à une jurisprudence stable et soucieuse de la proportionnalité des moyens associés à l’action spécifique. Il s’agit donc d’un mécanisme connu et compris par les spécialistes des secteurs souverains.

Cette mesure s’inscrit pleinement dans le cadre communiqué aux investisseurs par le Gouvernement : les investisseurs étrangers sont les bienvenus et la France croit aux vertus économiques des échanges internationaux. Cependant, les investisseurs doivent savoir que leurs investissements devront être respectueux des règles et des intérêts souverains français, tout comme le font les autres pays, y compris les plus favorables au libre-échange.

4.2.2        L’impact du nouveau dispositif sur les entreprise est circonscrit

L’impact du nouveau dispositif sur les entreprises au capital desquelles l’État détient déjà une action spécifique est le suivant :

-       Le décret instituant l’action spécifique peut être modifié : par conséquent, un dialogue entre l’entreprise et l’État s’établira autour de la nécessité de desserrer certaines contraintes qui ne seraient plus justifiées ou proportionnées, ou alors de protéger de nouveaux actifs dont le caractère stratégique est apparu depuis la date de création de l’action spécifique.

-       Une révision de la nécessité et de la proportionnalité des mesures associées au décret instituant l’action spécifique sera effectuée au plus tard cinq ans après la publication de la présente loi.

Le nouveau dispositif permettra également d’instaurer des actions spécifiques au capital des entreprises suivantes, à la double condition que (i) l’objectif serve la protection des intérêts essentiels du pays en matière d'ordre public, de santé publique, de sécurité publique, ou de défense nationale et (ii) l’instauration de cette action et les mesures associées soient nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi :

-       Les sociétés dont le nom est mentionné à l’annexe du décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des Participations de l'État dans sa version en vigueur à la date de promulgation de la présente loi (cette annexe comprend 81 sociétés).

-       Les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé dans lesquelles une participation d’au moins 5 % du capital est détenue, directement ou indirectement, à la date de promulgation de la présente loi, par la société anonyme Bpifrance ou ses filiales directes ou indirectes ou par un fonds d’investissement géré et souscrit majoritairement par elles.

-       S’agissant des sociétés visées ci-dessus et qui n’auraient pas leur siège social en France, ces dispositions s’appliqueraient à leurs filiales ayant leur siège social en France.

4.3.  Impacts sur les administrations et les finances publiques

Les actions spécifiques sont actuellement suivies par l’Agence des Participations de l’État (APE), en lien étroit avec les ministères techniques concernées (essentiellement la Direction Générale de l’Armement). Si de nouvelles actions spécifiques étaient mises en place, cela augmenterait marginalement la charge de travail de l’APE. Etant donné que l’action spécifique confère des pouvoirs exorbitants du droit commun au Ministre en charge de l’Economie, il est logique que cette action soit donc possédée directement par l’État, c'est-à-dire gérée par l’APE. Pour cette raison, la proposition de loi prévoit que, lorsque l’action destinée à être transformée en action spécifique n’est pas détenue directement par l’État, elle lui est cédée préalablement à sa transformation en action spécifique, nonobstant toute disposition statutaire ou conventionnelle contraire.

La gestion de ces actions spécifiques représente en pratique une faible charge de travail pour l’APE, dans la mesure où les opérations nécessitant que le Ministre en charge de l’Economie se prononce sont relativement rares. Toutefois, la mise en place de nouvelles actions spécifiques et la modification des actions spécifiques existantes vont accroître la charge de travail de l’APE dans l’année suivant la présente réforme. Par ailleurs, étant donné que les actions spécifiques devront désormais prévoir une évaluation quinquennale, il en résultera une charge de travail accrue tous les cinq ans, pouvant facilement être échelonnée au fil du temps, entreprise par entreprise.

L’impact sur les finances publiques est positif : l’action spécifique est un moyen de protéger des actifs stratégiques sans mobiliser un montant substantiel de deniers publics au capital des entreprises stratégiques pour en rester l’actionnaire de référence, pour un coût de mise en place et de suivi faible. Le suivi des actions spécifiques ne nécessitera aucun recrutement supplémentaire.

5.         Textes d’application

5.1.  Textes d’application devant être modifiés

Le décret n° 2015-1482 du 16 novembre 2015 pris pour l'application de l'article 31-1 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique modifiée et relatifs à certains des droits attachés à l'action spécifique devra être modifié pour le mettre en conformité avec la nouvelle rédaction du 3° du I.

5.2.  Mesures qui deviendraient obsolètes en cas de mise en œuvre de la réforme

Il est prévu que les actions spécifiques existantes qui ont été créées en vertu de l’article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations et ses mesures d’application restent régies par les dispositions de ce texte.

5.3.  Pour s’assurer du respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles, il est proposé que l’action spécifique soit instituée par décret en Conseil d’État

Le présent article prévoit que la création d’une action spécifique, résultant dans la rédaction actuelle d’un décret simple, soit désormais l’objet d’un décret en Conseil d’État.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Chapitre III - Des entreprises plus justes

Section 1 : Mieux partager la valeur

Article 57 visant à favoriser le développement et la mise en place d’accords de participation et d’intéressement

I - Suppression du forfait social applicable à l’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés et aux accords d’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés – modification du code de la sécurité sociale

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

L’épargne salariale est un système d'épargne collectif mis en place au sein de certaines entreprises : le principe consiste à verser à chaque salarié une prime liée à la performance de l'entreprise (intéressement) ou représentant une quote-part de ses bénéfices (participation). Les sommes attribuées peuvent, au choix du salarié, lui être versées directement ou être déposées sur un plan d'épargne salariale.

L’intéressement est un dispositif facultatif, qui permet à toute entreprise qui le souhaite de faire participer ses salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise. L’intéressement est conditionné à l’atteinte d’objectifs collectifs de performance (le montant de la prime ne saurait être garanti) et est conclu pour une durée minimale de 3 ans (renouvelable par tacite reconduction si l’accord le prévoit).

La participation est quant à elle un dispositif collectif prévoyant la redistribution au profit des salariés d’une partie des bénéfices qu’ils ont contribué, par leur travail, à réaliser dans leur entreprise. Elle est obligatoire lorsque l’entreprise emploie 50 salariés ou plus. L’accord indique notamment sa durée, les règles de calcul, d’affectation et de gestion de la participation.

Le cadre fiscal et social de la participation et de l’intéressement demeure favorable et attractif pour les salariés comme pour les entreprises. Les bénéficiaires des primes versées au titre de l’intéressement ou de la participation ont le choix entre opter pour une perception immédiate (soumise à l’impôt sur le revenu) ou l’investissement sur un plan d’épargne salariale (PEE, PERCO) s’il en existe dans l’entreprise.

Dans cette seconde hypothèse, les sommes versées sont exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales et peuvent être abondées par l’employeur en contrepartie du blocage des avoirs sur une certaine durée (5 ans dans le cadre du PEE, et jusqu’au départ à la retraite de l’intéressé pour le Perco sauf en cas de déblocages anticipés limitativement énumérés par les dispositions réglementaires du code du travail). Pour l’entreprise, les sommes versées sont assujetties à la CSG-CRDS et, depuis 2008, soumises au forfait social, à la charge de l’employeur (taux porté à 20% en 2012).

L’épargne salariale reste dynamique et participe au financement de l’économie puisqu’elle est majoritairement investie en actions. Au 31 décembre 2017, les encours s’élevaient à 131,5 milliards d’euros selon l’Association française de la gestion financière (AFG) [343].

En pratique, les sommes distribuées aux salariés sont significatives : en 2015, le complément de rémunération dégagé par l’ensemble des dispositifs s’est établi en moyenne à 2 422€ par salarié bénéficiaire dans les entreprises de 10 salariés et plus. Les montants moyens des primes d’intéressement et de participation ont tous deux progressé en 2015 et s’établissent respectivement à 1 772€ et à 1 407€ en moyenne par salarié bénéficiaire[344].

Les dispositifs de participation, d’intéressement et d’épargne salariale sont surtout présents dans les grandes ou moyennes entreprises. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en 2015, 87,4 % des salariés ayant eu accès à un de ces dispositifs travaillaient dans une entreprise de 50 salariés ou plus, et plus de 90 % des salariés ont eu accès à au moins un des dispositifs dans certaines activités de l’industrie. A l’inverse, fin 2015, seuls 16,5% des salariés des entreprises de 1 à 49 salariés étaient couverts par au moins un dispositif.

Entré en vigueur au 1er janvier 2009 en application de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, le forfait social est une contribution à la charge de l’employeur qui concerne, sauf exceptions, les éléments de rémunération qui répondent aux deux conditions cumulatives suivantes : (i) exclusion de l’assiette des cotisations de sécurité sociale, et (ii) assujettissement à la CSG.

Historique des taux pleins du forfait social

 

 

2009

2010

2011

Du 1er janvier 2012 au 30 juillet 2012

Depuis le 1er août 2012

Taux applicables

2%

4%

6%

8%

20%

Concernant la participation financière, le forfait social porte sur les sommes versées par l’entreprise au titre de l’intéressement, les sommes versées par l’entreprise au titre de la participation, et les abondements des employeurs aux plans d’épargne salariale (PEE, PEI et Perco).

Selon les données de la Dares, les entreprises de moins de 50 salariés ont été plus sensibles que les autres à l’augmentation du forfait social, dont le taux est passé de 8 % à 20 % au 1er août 2012. De fait, entre 2012 et 2013, le nombre d’entreprises de moins de 50 salariés ayant au moins un dispositif d’épargne salariale (intéressement, participation ou plan d’épargne salariale) a reculé de 20% tandis que ce nombre progressait de 4% dans les entreprises de 50 salariés et plus.

Face à ce constat, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, a introduit pour les sommes versées au titre d’un dispositif d’épargne salariale facultatif (c’est-à-dire un accord d’intéressement ou de participation volontaire pour une entreprise de moins de 50 salariés) un taux de forfait social réduit à 8% (cf. quatrième alinéa de l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale - CSS) à la condition qu’il s’agisse :

-          d’un premier accord, de participation ou d’intéressement, conclu au sein de l’entreprise ;

-          d’un accord de participation ou d’intéressement mis en place par une entreprise qui n’avait pas conclu d’accord au cours d’une période de cinq ans avant la date d’effet du nouvel accord.

Le taux réduit ne s’applique pas aux sommes versées au titre de l’abondement de l’employeur (y compris l’abondement sur la participation ou l’intéressement) – (cf. article L. 137-16 du code de la sécurité sociale - CSS).

D’après la Dares, environ 4 000 entreprises auraient bénéficié de ce taux réduit en 2016. Cette baisse de forfait social n’ayant pas eu l’effet incitatif escompté, le Gouvernement entend donner une véritable impulsion à la négociation d’un dispositif de partage de la valeur ajoutée dans les entreprises de moins de 50 salariés, en supprimant cette contribution.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Les sommes versées au titre d’un dispositif d’épargne salariale facultatif (c’est-à-dire un accord d’intéressement ou de participation volontaire pour une entreprise de moins de 50 salariés) sont actuellement assujetties au forfait social à un taux réduit de 8 % (au lieu du taux de droit commun fixé à 20 %) à la condition qu’il s’agisse :

- d’un premier accord, de participation ou d’intéressement, conclu au sein de l’entreprise ;

- d’un accord de participation ou d’intéressement mis en place par une entreprise qui n’avait pas conclu d’accord au cours d’une période de cinq ans avant la date d’effet du nouvel accord.

Le taux réduit de forfait social ne peut trouver à s’appliquer à la fois pour un accord d’intéressement et pour un accord de participation dans une même entreprise de moins de 50 salariés.

Dans le cas d’une mise en place concomitante d’un accord d’intéressement et d’un accord de participation, l’accord pour lequel le taux réduit s’applique est le premier accord déposé auprès de la DIRECCTE. Si des accords sont déposés auprès de la DIRECCTE à des dates identiques, une clause dans le texte de l’accord éligible doit permettre de déterminer lequel est placé sous l’empire de l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale référencé supra.

Tableau 1 : État des lieux de la diffusion des dispositifs dans les entreprises de moins de 50 salariés en 2013

Taille

Nb de salariés (en milliers)

Nb de salariés couverts par au moins un dispositif (en milliers)

Montant global versé (en M€, hors forfait social)

Nb de salariés bénéficiaires d'une prime (en milliers)

Montant moyen de prime versée par salarié (abondement inclus) en euros

De 1 à 9 salariés

2 993

305

522

218

2 394

De 10 à 49 salariés

3 428

712

928

482

1 925

Ensemble

6 421

1 017

1 450

700

2 071

Source : Dares, enquête Acemo-Pipa 2014. Total entreprise (champ Acemo) : 1 216 058

En 2013 selon la Dares, seuls 20% des salariés des entreprises de 10 à 49 salariés et 10% des salariés de 1 à 9 salariés étaient couverts par au moins un dispositif. De plus, au sein des salariés bénéficiaires, la répartition des primes de participation et d’intéressement est plus inégalitaire que celle des salaires : les 10% des salariés les mieux rémunérés se partagent 26% des salaires et les 10% des salariés bénéficiant des primes les plus élevées en concentrent 37%[345]. La taille de l’entreprise et son secteur d’activité sont les principaux facteurs explicatifs des inégalités d’accès.

D’une manière générale, les secteurs d’activités pour lesquels ces dispositifs sont les plus répandus sont l’énergie, les activités financières et assurance, la cokéfaction et le raffinage. Ainsi, la Dares estime que plus de 90% des salariés ont eu accès en 2015 à au moins un des dispositifs dans certaines activités de l’industrie telle que la cokéfaction et le raffinage (97,3%) et la fabrication de matériels de transport (90, 8%). A l’inverse, l’accès est nettement plus limité dans les secteurs où les entreprises sont de petite taille comme l’hébergement et la restauration (27,4%) ou les activités de services (18,6%, incluant notamment la coiffure et les soins de beauté).[346]

L’intéressement des salariés aux performances de l’entreprise est insuffisamment développé dans les entreprises de moins de 250 salariés. Les dispositifs d’intéressement sont peu répandus parmi ces entreprises (cf. tableau 2), la couverture atteint seulement 3% parmi les entreprises de 1 à 49 salariés et 25% pour les entreprises entre 50 et 249 salariés contre près de 57% parmi les entreprises de plus de 250 salariés. La part des salariés couvert par un dispositif d’intéressement apparait ainsi comme relativement faible dans les entreprises de moins de 250 salariés : 8% des salariés dans les entreprises de 1 à 49 salariés et 29% des salariés dans les entreprises de 50 à 249 salariés ; alors que dans les entreprises de plus de 250 salariés la part de salariés couvert par un dispositif d’intéressement s’établit à environ 68%.

En se basant sur les seuils existants qui distinguent les entreprises de moins de 50 salariés (dont certaines sont actuellement éligibles au taux de forfait social de 8% ) et les plus de 50 salariés (toutes soumises au taux de 20%), on observe que le différentiel de couverture entre ces deux catégories est de 21 points, alors que le différentiel de couverture entre les entreprises de 50 à 249 salariés et les plus de 250 salariés s’établit à 39 points. En conséquence, il apparait plus rationnel au regard de ces éléments, de déplacer le seuil d’exonération à 250 salariés.

Les entreprises de moins de 250 salariés composent une catégorie relativement homogène au regard des difficultés qu’elles rencontrent dans l’accès aux dispositifs d’intéressement, notamment celles relatives au coût du dispositif et de la sortie de trésorerie associée[347]. Ces entreprises, qui employaient en 2015 près des deux tiers des 15,6 millions de salariés, sont confrontées en raison de leur taille à des défis analogues, notamment au regard du niveau de salaires qu’elles peuvent offrir. La complexité de la mise en place des accords, l’absence de services juridiques spécialisés, la faible lisibilité du cadre juridique et l’incertitude sur la stabilité de la norme de prélèvement social freinent la diffusion dans ces entreprises de dispositif d’intéressement à la performance.

Les entreprises de moins de 250 salariés qui proposent un dispositif d’intéressement sont sensibles à la fiscalité du forfait social. Ainsi, entre 2012 et 2013, lors du passage de 8% à 20%, le nombre d’entreprises proposant un dispositif d’intéressement a reculé de 1% dans celles entre 50 et 250 salariés tandis qu’il progressait de 4% pour les entreprises de plus de 250 salariés.

 

Tableau 2 : État des lieux de la diffusion des dispositifs d’intéressement en 2015

 

Taille

Nb de salariés (en millions)

Salariés couverts par au moins un dispositif d'intéressement (en millions et en %)

% des entreprises proposant un accord d’intéressement

Montant global versé (en M€, hors forfait social)

Nb de salariés bénéficiaires d'une prime (en millions et en %)

Montant moyen de prime versée par salarié en euros

De 1 à 49 salariés

6,5

0.5

8%

 

3%

838

0.4

6%

2091

De 50 à 249 salariés

2,9

0,9

29%

 

25%

1034

0,7

23%

1581

250 salariés et plus

6,2

4.2

68%

 

57%

6308

3.6

57%

1774

Source : Calculs DG Trésor, Dares, enquête Acemo-Pipa 2016

2.2.  Objectifs poursuivis

Afin d’encourager la diffusion des dispositifs d’épargne salariale et d’accompagner les entreprises dans le développement de ces dispositifs, le forfait social est supprimé pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés qu’elles optent pour un accord d’intéressement ou de participation « clé en mains » réalisé au niveau de la branche ou qu’elles le concluent de manière autonome. Cette suppression s’applique également sur les abondements de l’employeur.

Afin de développer l’intéressement dans les petites et moyennes entreprises (PME), la suppression du forfait social s’applique également aux entreprises de moins de 250 salariés qui disposent ou concluent un accord d’intéressement. 

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Le projet de loi a fait l’objet d’une consultation publique en ligne auprès de la société civile du 15 janvier au 5 février 2018, en vue de permettre aux acteurs de la vie de l’entreprise d’éclairer les arbitrages du Gouvernement sur les propositions formulées. S’agissant plus spécifiquement du thème consacré au partage de la valeur, les résultats de la consultation ont conduit le Gouvernement à réexaminer les règles du forfait social.

3.2.  Option retenue

Afin de couvrir un nombre substantiel de salariés, le Gouvernement a souhaité accompagner le développement de ces dispositifs en supprimant l’assujettissement au forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés sur les versements relatifs à l’épargne salariale ainsi que sur les abondements.

En vue de développer l’intéressement dans les PME, le Gouvernement a souhaité supprimer le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés qui disposent ou mettent en place d’un accord d’intéressement.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Le nouvel article L. 137-16 du code de la sécurité sociale supprime le forfait social pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l'obligation de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux résultats de l'entreprise prévue à l'article L. 3322-2 du code du travail (c’est-à-dire celles dont l’effectif est inférieur à 50 salariés). Cette contribution est également supprimée pour les versements des entreprises (abondements) visés au titre III du même livre III du code du travail quel que soit le support sur lequel ces sommes sont investies.

Par ailleurs, les entreprises qui emploient au moins cinquante salariés et moins de deux cent cinquante salariés ne sont pas redevables de cette contribution sur les sommes versées au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du même livre III.

4.1.1        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La mesure envisagée ne constitue pas une aide d’Etat, au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

En ce qu’elle ne déroge pas à l’économie générale du système de référence, cette mesure ne peut être regardée comme une mesure sélective.

La sélectivité d’une mesure doit, en principe, s’apprécier au moyen d’une analyse en trois étapes[348] :

-          dans un premier temps, il convient de définir le système de référence c’est-à-dire l’ensemble cohérent de règles[349] s’appliquant de manière générale sur la base de critères objectifs à toutes les entreprises relevant de son champ d’application, tel que défini par son objectif ;

-          dans un second temps, il faut déterminer si la mesure concernée constitue ou non une dérogation à ce système du fait qu’elle introduit des différenciations entre des entreprises se trouvant, au regard des objectifs intrinsèques du système, dans une situation factuelle et juridique comparable. Si la mesure concernée ne constitue pas une dérogation au système de référence, elle n’est pas sélective ; si elle constitue une dérogation au système de référence, elle est a priori sélective ;

Toutefois, si la mesure concernée, a priori sélective, est justifiée par la nature ou l’économie générale du système de référence, elle ne sera pas considérée comme sélective et ne relèvera pas du champ d’application de la réglementation des aides d’Etat.

En l’espèce, la mesure en cause ne constitue pas une dérogation au système de référence.

Le seul élément fondamental requis pour la qualification d’aide d’Etat est, en effet, le caractère dérogatoire de la mesure, dans sa nature même, par rapport à l’économie du système général dans lequel elle s’insère.

Comme l’indique l’avocat général Darmon dans ses conclusions sur l’affaire Sloman Neptun, « l’exemption «par la nature ou l’économie » du système montre bien qu’il est nécessaire d’identifier le caractère dérogatoire de la disposition litigieuse au regard, en quelque sorte, de la normalité juridique. »[350]  

Des mesures comportant un élément de spécificité (mesures dérogatoires) peuvent ainsi être considérées comme générales, lorsqu’elles « s’insèrent dans la logique interne du système » ou « constituent une dérogation justifiée au système général ».[351]

La mesure envisagée vise à encourager la diffusion des dispositifs d’épargne salariale dans les entreprises de moins de 50 salariés et à développer la conclusion d’accords d’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés.

Afin de développer ces dispositifs, le I supprime le forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés sur les versements relatifs à l’épargne salariale ainsi que sur les abondements. Par ailleurs, en vue de développer l’intéressement dans les petites et moyennes entreprises (PME), le I supprime également le forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés qui disposent ou concluent un accord d’intéressement.

Le forfait social a été créé par l'article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, sous forme d’une contribution spécifique (de 2% à l’époque) acquittée par les employeurs sur certaines formes de rémunérations, versées à compter du 1er janvier 2009. L’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale prévoit qu’il est prélevé sur une large assiette : intéressement, participation, abondement de l'employeur aux plans d'épargne entreprise (PEE) et aux plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco), retraites chapeaux et prime de partage des profits.

Dès l’origine, le principe a été assorti d’un certain nombre d’exceptions.

Ainsi, par dérogation au principe général d’une contribution forfaitaire, l’article L. 137-15 énumère limitativement les rémunérations ou gains exclus du dispositif :

- les stock-options et actions gratuites (article L. 137-13 du code de la sécurité sociale),

- les contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de prévoyance (2° de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 2 ° de l'article L. 741-10 du code rural),

- les indemnités versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail (12e alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 3e alinéa de l'article L. 740-10 du code rural) ;

- les contributions des employeurs aux chèques vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés (article L. 411-9 du code du tourisme).

La cohérence d’ensemble du dispositif a pu être questionnée lors des travaux parlementaires, mais il est clair que le système a été conçu comme fondé sur un principe, assorti de dérogations fixées par la loi.

Les réformes du forfait social intervenues ultérieurement ne sont venues que s’insérer dans l’économie générale du dispositif et se sont, dans la plupart des cas, traduites par une augmentation du taux, assortie d’une modification du champ d’application (visant à exclure certaines fractions des montants concernés de l’application du forfait social).

La mesure envisagée, qui n’est qu’un aménagement supplémentaire dans le droit fil des ajustements déjà aménagés, découle directement des principes fondateurs intrinsèques au système de référence. Il ne constitue en aucun cas une mesure sélective.

Il peut être ici souligné que c’est le propre d’une disposition s’analysant en un prélèvement de nature fiscale au sens du droit européen, que de poursuivre des objectifs de politique publique dont le pilotage repose sur la variation des taux ou des champs d’application. Ces objectifs, inhérents au système et à son efficacité, peuvent notamment résider, comme le reconnaît la communication de la Commission européenne relative à la notion d’aide d’Etat, dans « la nécessité de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscales, la nécessité de tenir compte d'exigences comptables particulières, des raisons de bonne gestion administrative, le principe de neutralité fiscale, la nature progressive de l'impôt sur le revenu et sa logique redistributive, la nécessité d'éviter une double imposition ou l'objectif d'optimisation du recouvrement des créances fiscales ».   

C’est bien dans une logique d’efficacité du système et d’optimisation du recouvrement, que l’augmentation des taux s’assortit d’une modulation de l’assiette touchée par la mesure, et ce afin de conserver la relative « neutralité » qu’un taux à 2% pouvait garantir à l’origine.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

La suppression du forfait social favorisera la diffusion dans les entreprises de moins de 250 salariés de dispositifs d’intéressement à la performance et de participation aux bénéfices en   réduisant le coût de ces dispositifs et les sorties de trésorerie associés pour ces entreprises et permettra ainsi de réduire les inégalités d’accès à ces dispositifs entre les salariés.

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Le passage en 2012 du taux de cette contribution de 8% à 20% a pu constituer un frein plus marqué pour les entreprises de moins de cinquante salariés. La suppression de l’assujettissement au forfait social pour ces entreprises devrait sensiblement concourir à la diffusion de ces dispositifs dans les petites entreprises qui en sont actuellement dépourvues.

4.2.3        Impacts budgétaires

Dans cette section est analysé le coût pour les finances publiques de la réduction du taux de forfait social applicable à l’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés ainsi que pour les entreprises de moins de 250 salariés qui disposent ou concluent d’un accord d’intéressement.

-          La suppression du forfait social : contre 20 % actuellement ;

-          L’augmentation du taux de couverture de l’épargne salariale induite par la réforme au sein des petites entreprises : pour les entreprises de moins de 50 salariés, nous prenons comme hypothèse de taux de couverture un scenario médian correspondant à 32 % de salariés contre 10,9 % actuellement (à comparer au pourcentage des salariés qui appartiennent à une entreprise qui réalise un résultat comptable positif[352] sur le champ des entreprises de moins de 50 salariés, soit 64 %) ; En ce qui concerne la suppression du forfait social sur les accords d’intéressement des entreprises de 50 à 249 salariés, nous envisageons les taux de couverture suivants : 33 % pour les 50 à 99 salariés et 35 % pour les 100 à 249 salariés, des hypothèses de taux de couverture qui suggèrent un fort effet d’entrainement de la mesure, cela correspond environ à la moitié de salariés qui font partie d’entreprises qui déclarent un résultat comptable positif[353] ;

-          Le montant moyen d’épargne salariale versé aux salariés : 1 500 € bruts correspondant à une prime d’épargne salariale de l’ordre de 5% du salaire brut (contre un versement moyen observé de 2 000 € brut pour les petites entreprises disposant actuellement d’un dispositif d’épargne salariale) ;

-          La provenance de l’épargne salariale supplémentaire : à court terme, elle serait prélevée sur les bénéfices des entreprises.

Scénario global

Le coût de la mesure envisagée comprend deux composantes :

-          Un coût mécanique égal à la perte de recettes de forfait social sur les montants d’épargne salariale déjà versés par les entreprises ;

-          Un coût variable qui dépend du nombre de nouvelles entreprises mettant en place un dispositif d’épargne salariale.

Le coût total de la mesure correspond au coût mécanique et au coût variable.

Le principe et le cas échéant les modalités de compensation seront arrêtés dans les lois financières.

L’ensemble des chiffrages est basé sur un raisonnement toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire sans tenir compte des effets positifs possibles de l’intéressement et de la participation sur la productivité des salariés.

Les effets de la réduction du taux de forfait social sur les finances publiques ne se matérialiseront que progressivement :

-          Le coût mécanique serait pleinement visible dès l’année d’entrée en vigueur de la mesure (qui pourrait être l’année 2019) ;

-          Le coût variable augmenterait au fur et à mesure de l’augmentation du taux effectif de couverture des salariés.

A titre illustratif est présentée ci-dessous une trajectoire de coût fondée sur une hypothèse d’une montée en charge du taux de couverture en deux ans (50 % la première année et 50 % la deuxième[354]).

Tableau 3 : Effet sur les finances publiques de la suppression du forfait social (taux effectif de couverture : 32 %, prime brute versée : 1 500 €)

 

Coût pour les
finances publiques

 

 

2019

 

 

2020

Moins de 50 salariés

 

-290 M€

 

-420 M€

50 à 99 salariés

 

-80 M€

 

-90 M€

100 à 249 salariés

-140 M€

-150 M€

4.3.  Impacts sur les services administratifs

Les accords de participation ou d’intéressement qui seront conclus dans les entreprises de moins de 50 salariés ne feront plus mention de l’assujettissement des sommes versées dans le cadre de ces dispositifs au taux de forfait social. En conséquence, les services déconcentrés de l’administration du travail n’auront plus à vérifier cette mention lors du dépôt de l’accord.

4.4.  Impacts sur les particuliers

En 2015 d’après les données publiées par la Dares, 54,9% des salariés du secteur marchand non agricole, soit 8,6 millions de salariés ont eu accès à au moins un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale. Ce taux de couverture pourrait être revu à la hausse. Nombre de salariés pourraient ainsi bénéficier d’un élément complémentaire de rémunération.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations obligatoires

5.1.1        Le COPIESAS

Au titre de l’article L. 3346-1 du code du travail, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salariée (COPIESAS) a été saisi de cette disposition.

Le COPIESAS s’est réuni, en instance plénière, le mardi 13 février 2018 afin de favoriser davantage l’association des salariés à la réussite de l’entreprise et de contribuer à une meilleure conciliation des apports du capital et du travail.

Le COPIESAS s’est réuni en assemblée plénière le 7 juin 2018 mais n’a pas adopté son rapport de manière définitive. Une prochaine séance doit se dérouler en juillet

5.1.2        La Commission nationale de la négociation collective

Au titre du 2° de l’article L. 2271-1 du code du travail, la Commission nationale de la négociation collective est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective. A ce titre, elle a été saisie de la présente disposition et a rendu son avis le 12 juin 2018.

5.1.3        Les caisses de sécurité sociale (Acoss, Cnav)

Le forfait social représente une source de financement pour les organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, le forfait social est intégralement affecté à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Dans cette perspective, ces deux organismes doivent utilement être consultés.

Au titre de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale (CSS), le conseil ou les conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et la commission prévue à l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence.

Le conseil d’administration de la CNAV a émis un avis majoritairement favorable sur cette mesure du projet de loi, en date du 5 juin 2018.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Ces dispositions s’appliqueront dès le lendemain de la promulgation de la loi pour les accords en cours. Dans les autres situations, l’exonération du forfait social prendra effet dès le dépôt régulier de l’accord auprès de l’autorité administrative compétente.

5.2.2        Application dans l’espace

Ces dispositions sont applicables dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l’identité législative.

En revanche, dans les collectivités de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, elles ne sont applicables que si une mention expresse est réalisée. Cependant, le droit du travail est une compétence propre dans ces territoires, ce qui engendre la non extension de toutes les dispositions qui s’y rattachent, dont l’épargne salariale. Il n’y a donc pas lieu d’ajouter une disposition d’extension pour cet article.


II - Développer la mise en place d’accords d’intéressement et de participation aux entreprises de moins de 50 salariés

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a instauré une obligation de négociation au niveau des branches professionnelles d’un accord d’intéressement et d’un accord de participation avant le 31 décembre 2017. A défaut d’une initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2016, la négociation devait s’engager dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative.

Au titre des articles 154 et 155 de cette même loi, en deçà d’un effectif de 50 salariés, l’employeur peut mettre en place un régime d’intéressement (et/ou de participation) par décision unilatérale, la branche professionnelle lui fournissant un dispositif clef en main. A partir de 50 salariés, un accord d’entreprise est nécessaire.

Les entreprises peuvent ainsi adhérer par décision unilatérale de l’employeur, pour les entreprises de moins de 50 salariés et par conclusion d’un accord d’entreprise, selon les modalités spécifiques à l’épargne salariale, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés.

D’après le bilan de la négociation collective réalisé par la Direction générale du Travail, en 2015 et en 2016, 16 textes évoquant le thème de la participation financière ont été conclus. En 2016, trois branches couvrant près de 700 000 salariés ont mis en place de nouveaux textes sur ce thème. En 2017, deux branches ont conclu de nouveaux textes en matière d’épargne salariale, la  branche des banques a mis en place un accord d’intéressement et la branche du négoce de l’ameublement un accord d’intéressement et de participation. Actuellement, la branche de la plasturgie négocie un accord d’épargne salariale qui vise à proposer un dispositif de participation et des plans d’épargne interentreprises aux entreprises de la branche. Malgré l’intérêt des partenaires sociaux pour ces sujets, les nouvelles dispositions n’ont pas encore été largement mises en œuvre.

Concernant l’assujettissement à la participation, ce dispositif n’est obligatoire que dans les entreprises employant au moins 50 salariés et dégageant un bénéfice suffisant. Toute entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés est obligatoirement soumise à la participation, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique (article L. 3322-2 du code du travail). Sont notamment assujetties à la participation les entreprises dont le bénéfice est soumis à un taux réduit de l’impôt sur les sociétés en faveur des petites et moyennes entreprises prévu au b du I de l’article 219 du code général des impôts (article L. 3324-1 du code du travail) ainsi que les entreprises exonérées du paiement de l’impôt sur les bénéfices par certaines dispositions du code général des impôts (article L. 3324-1 1 du code du travail).

La participation aux résultats de l’entreprise permet de redistribuer une partie des bénéfices annuels réalisés par l’entreprise selon des modalités prévues par un accord collectif.

Par ailleurs, depuis la loi du 6 août 2015 précitée, les entreprises qui ont déjà conclu un accord d’intéressement et qui franchissent le seuil de 50 salariés sont dispensées de l’obligation de négocier un accord de participation pendant un délai de 3 ans après le franchissement du seuil d'assujettissement. Après cette période, le droit en vigueur autorise l’entreprise, si elle le souhaite, à conclure un accord de participation dérogatoire sur la base de calcul et de répartition reprenant celle de l’accord d’intéressement, pour autant que cette base de calcul soit assise sur le résultat (la participation ayant pour objet de garantir à ses bénéficiaires le droit de participer aux résultats de l’entreprise) et s’applique suivant des règles identiques à l’ensemble des salariés de l’entreprise.

Concernant plus spécifiquement les règles d’appréciation de l’effectif pour déterminer si le seuil d’assujettissement à la participation est franchi, les effectifs de l’entreprise sont, selon l’actuel droit en vigueur, calculés conformément aux règles générales prévues pour la mise en œuvre des dispositions du code du travail et qui sont notamment applicables en matière de mise en place des institutions représentatives du personnel.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, les branches professionnelles doivent négocier un accord d’intéressement et de participation, et ce avant le 31 décembre 2017.

Or, cette mesure n’a pas rencontré l’effet escompté. Les informations publiées par la Direction générale du Travail montrent que les branches ne se sont pas saisies massivement de ce thème de négociation.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’inégalité d’accès entre grandes et petites entreprises est un constat essentiel relevé dans les études de la Dares. Les freins à la diffusion de l’épargne salariale sont connus : la complexité perçue de la gestion des dispositifs de participation et d’intéressement par les employeurs de TPE/PME ne disposant pas de services juridiques spécialisés, l’habitude d’attribution de gratifications individuelles plutôt que collectives, le manque de lisibilité du cadre juridique, et surtout l’instabilité du prélèvement public (forfait social).

En donnant de la lisibilité sur l’évolution des taux de forfait social, en allégeant son coût et en simplifiant les dispositifs, les chefs d’entreprise de TPE/PME pourraient être plus enclins à partager la valeur créée avec leurs salariés dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Il a été envisagé de mettre en place un « imprimé-type » mis en ligne par le ministère du Travail pour les accords d’intéressement et de participation. L’« imprimé-type » recenserait toutes les clauses impératives que doivent contenir un accord d’intéressement et un accord de participation. Cet imprimé prendrait la forme d’un modèle comportant des zones à compléter par l’entreprise. Le dirigeant pourrait ainsi choisir les clauses de son accord d’intéressement et/ou de participation, selon les spécificités de son entreprise dans le respect des obligations légales qui lui incombent. Cet imprimé ne se substituerait en aucune manière aux modalités de conclusion en vigueur. Il ne pourrait donc pas être utilisé de manière unilatérale à l’instar de l’institution des plans d’épargne salariale.

3.2.  Option retenue

Pour atteindre l’objectif de généralisation aux entreprises de moins de 50 salariés, rappelé par les pouvoirs publics et partagé par les membres du conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (COPIESA)S, la simplicité de mise en œuvre du dispositif est essentielle notamment dans les TPE dépourvues de services des ressources humaines. Les accords « clé en mains » via des accords-type négociés au niveau de la branche, et adaptés au secteur d’activité, répondent bien à cette exigence de simplification. Par ailleurs, depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, les branches sont tenues de prévoir des dispositions spécifiques pour les petites entreprises. Les branches constituent donc le vecteur idéal de diffusion des dispositifs d’épargne salariale pour les TPE/PME.

En vue de faciliter la négociation d’accords-type au niveau des branches, l’obligation de négociation au niveau des branches initialement prévue par la loi du 6 août 2015, ayant expiré le 31 décembre 2017, pourrait être prolongée jusqu’au 31 décembre 2019. Les branches pourraient donc être mobilisées pour : (i) définir des accords-types d’intéressement et/ou de participation volontaire qui faciliteraient leur mise en œuvre dans les plus petites entreprises ; (ii) négocier la mise en place de plans interentreprises (PEI, PERCOI) à leur niveau.

De plus, pour pouvoir être étendus, les accords de branche qui traitent de l’épargne salariale (intéressement, participation et plans d’épargne salariale) devraient comporter des accords d’intéressement et de participation « clé en mains » pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Par ailleurs, aux niveaux des entreprises, dans une optique de simplification, la continuité des accords d’intéressement serait facilité en cas de rupture dans la mise en place des instances de représentation du personnel (IRP) en cas de modification survenue dans la situation juridique de l'entreprise, notamment par fusion, cession ou scission. En effet, il existe une obligation de satisfaire à la mise en place des IRP, prévue à l’article L. 3312-2 du code du travail, pour conclure un accord d’intéressement. Dans la pratique, cette obligation a pour conséquence de différer la mise en place d’un accord d’intéressement lorsque l’entreprise procède à des élections (délégués du personnel, CSE) et de priver les salariés de ce dispositif pendant une, voire deux années.

Enfin, pour déterminer si le seuil d’assujettissement à la participation est franchi, la mesure vise à aligner le mode de calcul du seuil de cinquante salariés sur celui utilisé dans le code de la sécurité sociale afin de clarifier et de simplifier la compréhension des règles par les entreprises. Cette mesure facilite le franchissement de ce seuil et introduit un délai de 5 ans pour mettre en place la participation.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Les branches professionnelles devront négocier un accord d’intéressement et un accord de participation avant le 31 décembre 2020.

En application des nouvelles dispositions prévues à l’article L. 3312-2 du code du travail, lorsqu’une modification survient dans la situation juridique de l'entreprise, notamment par fusion, cession ou scission, et nécessite la mise en place de nouvelles institutions de représentation du personnel, l’accord d’intéressement se poursuit et peut être renouvelé.

L’effectif salarié à prendre en compte pour le calcul de la participation est apprécié selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. L’obligation pour les entreprises employant au moins cinquante salariés de garantir le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise s’appliquera désormais à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années consécutives.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Les mesures envisagées visent à améliorer l’accès aux dispositifs d’épargne salariale pour les salariés des entreprises de moins de 50 salariés et encourager le partage des fruits de la croissance. Selon la littérature économique, le principal apport économique du développement de l’épargne salariale et, plus globalement, des dispositifs de partage de la valeur ajoutée résiderait dans une hausse de la motivation et de la satisfaction des salariés au travail.

Si l’ampleur de cet effet est débattue[355], une étude de Pierre Cahuc et Brigitte Dormont (1992), qui reste à ce jour la référence dans la littérature sur l’épargne salariale, indique que la mise en place de l’intéressement permettrait d’atteindre des gains de productivité substantiels pour les entreprises : à partir d’estimations réalisées sur la base d’un échantillon de 172 entreprises françaises observées sur la période 1986 – 1989, l’introduction d’un dispositif d’intéressement ou l’augmentation de son intensité de 0,5 point[356] conduirait à une variation des gains de productivité qui se situeraient entre 2% et 2,2%. Une étude de Virginie Pérotin et Fathi Fakhfakh (2000) mesurant l’effet des dispositifs d’intéressement et de participation sur un échantillon plus large d’entreprises (5000) observées entre 1986 et 1990[357] confirme ces résultats et met en avant des gains de productivités encore plus élevés (6 à 7 %).

Au niveau de la rémunération totale des salariés employés dans les entreprises de moins de 50 salariés, le développement de dispositifs d’épargne salariale pourrait s’avérer neutre. En effet, les primes versées dans le cadre de l’intéressement et/ou de la participation pourraient se substituer partiellement au salaire de base[358].

 

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Les entreprises pourront adhérer directement aux accords de branches. En deçà d’un effectif de 50 salariés, l’employeur pourra mettre en place un régime d’intéressement (et/ou de participation) par décision unilatérale, la branche professionnelle lui fournissant un dispositif clef en main. En revanche, à partir de 50 salariés, un accord d’entreprise est nécessaire.

Les entreprises gagneront en lisibilité et en transparence de l’information sur l’ensemble des règlementations à respecter à la suite du franchissement de seuil d’effectifs salariés dans le cadre du projet de loi. Ce calcul se fondera désormais sur la définition utilisée dans le code de la sécurité sociale, exception faite des seuils du code du travail concernés par les ordonnances du 22 septembre 2017 prises pour le renforcement du dialogue social. .

4.3.  Impacts sociaux

La mesure vise à encourager le dialogue social dans les petites entreprises sur le thème du partage de la valeur ajoutée. La participation financière (notamment l’intéressement et l’actionnariat salarié) rend les employés plus sensibles aux objectifs de l’entreprise. Une étude récente[359] montre que la participation financière (l’intéressement et l’actionnariat salarié) participe significativement à la réduction des conflits collectifs (avec deux jours de grèves ou plus). Elle peut également aider à faciliter la résolution des conflits.

La mesure pourrait contribuer à réduire les inégalités d’accès aux dispositifs d’épargne salariale en fonction du niveau de salaire. Une meilleure diffusion dans les petites entreprises pourrait en particulier bénéficier aux plus bas salaires. En effet, d’après les données de la Dares parues en août 2017[360], dans les entreprises de 1 à 49 salariés, près de 19% des salariés ont une rémunération annuelle inférieure à 16 547 euros.

4.4.  Impacts sur les particuliers

Exception faite des seuils du code du travail concernés par les ordonnances du 22 septembre 2017 prises pour le renforcement du dialogue social. Nombre d’entre eux seraient donc potentiellement concernés par une décision unilatérale de leur employeur d’appliquer un accord d’intéressement ou de participation volontaire conclu au niveau de la branche.

 

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations obligatoires

5.1.1        Le COPIESAS

Au titre de l’article L. 3346-1 du code du travail, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salariée (COPIESAS) a été saisi de cette disposition.

Le COPIESAS s’est réuni, en instance plénière, le mardi 13 février 2018 afin de favoriser davantage l’association des salariés à la réussite de l’entreprise et de contribuer à une meilleure conciliation des apports du capital et du travail.

Le COPIESAS s’est réuni en assemblée plénière le 7 juin 2018 mais n’a pas adopté son rapport de manière définitive. Une prochaine séance doit se dérouler en juillet.

5.1.2        La Commission nationale de la négociation collective

Au titre du 2° de l’article L. 2271-1 du code du travail, la Commission nationale de la négociation collective est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective. A ce titre, elle a été saisie de la présente disposition et a rendu son avis le 12 juin 2018.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Les partenaires sociaux disposeront jusqu’au 31 décembre 2020 pour conclure un accord de branche d’intéressement ou de participation volontaire. Cette prolongation de l’obligation de négociation devra faire l’objet d’une évaluation a posteriori afin d’identifier les éventuels blocages à la bonne diffusion de l’ensemble des dispositifs relevant du champ de la participation financière.

Les présentes dispositions entrent en vigueur au lendemain de l’application de la loi si les conditions sont dûment remplies.

 


III – Élargir le champ des bénéficiaires

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Les dispositifs d’épargne salariale sont par nature collectifs. Tous les salariés d’une entreprise doivent pouvoir en bénéficier. A titre dérogatoire, cette possibilité peut être ouverte au chef d’entreprise ainsi qu’à son conjoint, s’il dispose du statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé.

En matière d’intéressement, dans les entreprises employant au moins un salarié, même à temps partiel, et au plus 250 salariés, la possibilité de bénéficier de l’intéressement est ouverte au chef d’entreprise ainsi qu’à son conjoint s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé. Dans ce cas, l’accord doit expressément mentionner cette possibilité. En revanche, un accord d’intéressement ne peut pas être conclu dans une entreprise dont l’effectif est limité à un salarié si celui-ci a également la qualité de président, directeur général, gérant ou membre du directoire.

Concernant la participation, bénéficient de ce dispositif, le chef d’entreprise, son conjoint collaborateur ou associé, ainsi que certains mandataires sociaux, sous réserve que leur entreprise puisse satisfaire l’une des hypothèses suivantes :

- l’entreprise a mis en place un accord de participation de manière facultative (car son effectif est inférieur à 50 salariés) prévoyant cette possibilité,

- ou l’entreprise comprend habituellement entre 1 et 250 salariés et a conclu un accord de participation dérogatoire. Dans ce cas, le dirigeant ou son conjoint collaborateur ou associé ne peuvent bénéficier que des droits issus de part dérogatoire (la part dérogatoire correspond à la fraction qui excède le montant versé en application de la formule légale).

Enfin, s’agissant des plans d’épargne salariale, le mandataire social titulaire d’un contrat de travail peut en principe bénéficier du plan d’épargne au seul titre de son contrat de travail. Toutefois, dans une entreprise dont l’effectif est compris entre 1 (en plus du dirigeant lui-même) et 250 salariés, les plans d’épargne entreprise/inter-entreprises (PEE-PEI) et Perco sont également ouverts au conjoint du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé.

2.         Nécessité de légiférer, objectifs poursuivis et option retenue

2.1.  Nécessité de légiférer

En l’état du droit, cette possibilité n’est ouverte qu’au conjoint du chef d’entreprise lié par un acte de mariage. Afin d’étendre la couverture des bénéficiaires cette condition pourrait inclure les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS). Pour l’heure, la conclusion d’un PACS n’ouvre droit qu’à un déblocage anticipé des avoirs d’épargne salariale.

2.2.  Objectifs poursuivis

Dans l’objectif d’élargir le champ des bénéficiaires, le partenaire du chef d’entreprise lié par un PACS pourrait bénéficier des dispositifs d’épargne salariale au même titre que le conjoint lié par le mariage lorsqu’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé.

2.3.  Option retenue

Dans un souci d’égalité, le Gouvernement a souhaité étendre le bénéfice des dispositifs d’épargne salariale au partenaire du chef d’entreprise lié par un PACS au même titre que le partenaire lié par le mariage.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.  Impacts juridiques

3.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Seraient modifiés les 3° des articles L. 3312-3 et L. 3332-2 ainsi que le deuxième alinéa de l’article L. 3323-6 et le troisième alinéa de l’article L. 3324-2 du code du travail.

3.2.  Impacts économiques et financiers

3.2.1        Impacts macroéconomiques

Les impacts macroéconomiques devraient être négligeables en raison d’un nombre limité de personnes concernées par la mesure.

3.2.2        Impacts sur les entreprises

Le conjoint ou la conjointe du chef d’une entreprise artisanale, commerciale ou libérale, qui exerce de manière régulière une activité professionnelle doit opter pour l’un des statuts prévus à l’article L. 121-4 du code du commerce, à savoir : conjoint collaborateur, conjoint associé ou conjoint salarié Dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale, les conjoints collaborateurs ou associés liés par un pacte civil de solidarité seront concernés par l’élargissement des bénéficiaires.

3.3.           Impacts sur les particuliers

D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), chaque année, on enregistre un nombre relativement proche de pactes civils de solidarité (PACS) et de mariages. Ainsi, en 2016, 192 000 PACS et 233 000 mariages ont été conclus. En 2016, quatre PACS ont été conclus pour cinq mariages célébrés pour les couples de sexe différent. Pour les couples de même sexe, on dénombre autant de PACS que de mariages. Le nombre de personnes qui pourraient bénéficier de la mesure est donc potentiellement aussi important que le nombre de personnes qui en bénéficient actuellement.

Si l’accord d’intéressement le prévoit, les personnes mentionnées au sein de ces articles pourront percevoir une répartition proportionnelle aux salaires de l’intéressement sans excéder toutefois le quart du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).

3.4.           Impacts sociaux

3.4.1        Impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes

La mesure permettra d’élargir le champ des bénéficiaires sans distinction de sexe. En effet, la proportion de PACS entre personnes de même sexe est en effet supérieure à celle de mariage entre personnes de même sexe, étant donné le caractère récent de ce dernier.

4.         Consultations et modalités d’application

4.1.           Consultations obligatoires

4.1.1        Le COPIESAS

Au titre de l’article L. 3346-1 du code du travail, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salariée (COPIESAS) a été saisi de cette disposition.

Le COPIESAS s’est réuni, en instance plénière, le mardi 13 février 2018 afin de favoriser davantage l’association des salariés à la réussite de l’entreprise et de contribuer à une meilleure conciliation des apports du capital et du travail.

Le COPIESAS s’est réuni en assemblée plénière le 7 juin 2018 mais n’a pas adopté son rapport de manière définitive. Une prochaine séance doit se dérouler en juillet.

4.1.2        La Commission nationale de la négociation collective

Au titre du 2° de l’article L. 2271-1 du code du travail, la Commission nationale de la négociation collective est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective. A ce titre, elle a été saisie de la présente disposition et a rendu son avis le 12 juin 2018.

4.2.  Modalités d’application

4.2.1        Application dans l’espace et dans le temps

La mesure s’applique à compter du lendemain de la publication de la loi.

Ces dispositions sont applicables dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l’identité législative.

En revanche, dans les collectivités de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, elles ne sont applicables que si une mention expresse est réalisée. Cependant, le droit du travail est une compétence propre dans ces territoires, ce qui engendre la non extension de toutes les dispositions qui s’y rattachent, dont l’épargne salariale. Il n’y a donc pas lieu d’ajouter une disposition d’extension pour cet article.


Article 58 visant à favoriser le développement et l’appropriation des plans d’épargne salariale

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

L'épargne salariale est un système d'épargne collectif mis en place au sein de certaines entreprises. Ces entreprises versent à chaque salarié une part sur leurs résultats (intéressement) ou leurs bénéfices (participation). Les sommes attribuées peuvent être directement versées au salarié, selon son choix, ou déposées sur un plan d'épargne salariale (plan d'épargne entreprise ou plan d'épargne pour la retraite collectif).

Les plans d’épargne salariale se composent d’abord d’un plan d’épargne entreprise (PEE) et éventuellement d’un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO), qui peut être ouvert par toute entreprise disposant déjà d’un PEE. Le PEE est obligatoire en cas d’accord de participation, le PERCO reste, quant à lui, facultatif.

Le salarié peut ainsi placer les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement sur deux types de plans d’épargne salariale :

i) Le plan d’épargne entreprise (PEE) est un système d’épargne collectif ouvrant aux salariés la faculté de se constituer, avec l’aide de l’entreprise, un portefeuille de valeurs mobilières. L’entreprise prend à sa charge la gestion du plan et peut abonder les sommes versées par les salariés. Les sommes versées sur un PEE sont bloquées pendant cinq ans avec toutefois des possibilités de déblocage anticipé (départ de l’entreprise, achat d’un logement, etc.). La loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale a instauré les plans d’épargne interentreprises (PEI) qui permettent de mutualiser les coûts de gestion en appliquant des plans négociés entre plusieurs entreprises d’un même secteur géographique ou sectoriel.

ii) Le plan d’épargne retraite collectif (PERCO) a été mis en place par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Il donne aux salariés couverts par un PERCO, la possibilité de se constituer, dans un cadre collectif, une épargne accessible au moment de la retraite sous forme de rente viagère ou, si l’accord collectif le prévoit, sous forme de capital.

La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a encouragé les salariés à utiliser différents moyens d’épargne en vue de la retraite et a incité les entreprises à étendre à l’ensemble des salariés les mécanismes de complément de retraite ; en outre, elle comporte différentes dispositions visant à développer le PERCO.

Depuis le 1er janvier 2013, en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 précitée, tous les accords doivent permettre l’affectation de la participation à l’épargne salariale sur un PEE ou un PERCO. Par ailleurs, les sommes portées à la réserve spéciale de participation dont le bénéficiaire ne demande pas de versement immédiat sont obligatoirement affectées à un plan d’épargne salariale – plan d’épargne entreprise (PEE), plan d’épargne interentreprises (PEI) ou plan d’épargne retraite collectif (PERCO) – ou, dans une certaine limite, à un compte que l’entreprise doit consacrer à des investissements. Par défaut (c’est-à-dire lorsque la personne ne demande pas le versement immédiat ou l’affectation à un plan d’épargne entreprise ou interentreprises), la moitié de la quote-part de la réserve spéciale de participation calculée selon la formule légale est affectée au PERCO.

En l’état actuel de la législation, l’entreprise qui a mis en place un plan d’épargne d’entreprise depuis plus de trois ans ouvre une négociation en vue de la mise en place d’un plan d’épargne pour la retraite collectif (cf. article L. 3334-3 du code du travail).

La portabilité des avoirs est déjà assurée par les dispositifs d’épargne salariale, quel que soit le type de plan. Elle peut être autorisée en l’absence de rupture de contrat de travail. En effet, ce transfert peut se faire de façon individuelle (à la demande du salarié) ou de façon collective, en cas de modification de la situation juridique de l’entreprise (fusion, cession, absorption ou scission) rendant impossible la poursuite de l’ancien plan d’épargne. Dans ce cas de figure, les sommes qui y étaient affectées peuvent être transférées dans le plan d’épargne de la nouvelle entreprise, après information des représentants du personnel.

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a renforcé le degré d’information transmis au salarié en matière d’épargne salariale. Désormais, l’entreprise qui propose un dispositif d’épargne salariale doit remettre au salarié, lors de la conclusion de son contrat de travail, un livret d’épargne salariale présentant les dispositifs mis en place au sein de l’entreprise et non plus l’ensemble des dispositifs légaux existants (cf. article L. 3341-6 du code du travail).

Lorsque le salarié quitte l’entreprise, il reçoit un état récapitulatif de l’ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées au sein de l’entreprise. Celui-ci distingue les actifs disponibles et mentionne tout élément utile au salarié pour en obtenir la liquidation ou le transfert. Il précise également les échéances auxquelles ces actifs seront disponibles ainsi que tout élément utile au transfert éventuel vers un autre plan. Désormais inséré dans le livret d’épargne salariale, cet état récapitulatif doit à présent informer le bénéficiaire que les frais de tenue de compte-conservation sont pris en charge soit par l’entreprise, soit par l’épargnant lui-même, par prélèvements sur ses avoirs (cf. article L. 3341-7 du code du travail). La personne chargée de la tenue du registre des comptes administratifs établit un relevé des actions ou des parts appartenant à chaque adhérent. Une copie de ce relevé est adressée, au moins une fois par an, aux intéressés avec l'indication de l'état de leur compte (cf. article R. 3332-16 du code du travail).

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Les relevés annuels de situation que reçoivent chaque bénéficiaire ne sont pas uniformisés entre les différents gestionnaires d’actifs. Certains relevés ne s’avèrent pas suffisamment lisibles et intelligibles pour le bénéficiaire. Leur standardisation implique une modification législative.

Par ailleurs, la loi prévoit actuellement qu’il est nécessaire d’avoir mis en place un PEE dans une entreprise pour mettre en place un PERCO. Une intervention législative est donc nécessaire afin de lever cette contrainte.

2.2.  Objectifs poursuivis

L’objectif recherché est de tendre vers une meilleure information des salariés. Les avoirs détenus sur les plans d’épargne salariale et leur disponibilité (fin de la période de blocage) ne sont pas toujours facilement perceptibles et lisibles par les bénéficiaires. Ces derniers pourront ainsi disposer d’une présentation harmonisée et intelligible figurant sur les relevés de situation qui sont établis par les teneurs de compte. Cette mesure contribue à la simplification et à l’accessibilité des dispositifs d’épargne salariale.

Par ailleurs, il est souhaitable de flexibiliser la mise en place des PERCO au sein des plus petites entreprises, dans le cadre d’une démarche volontaire.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Dans le cadre des travaux préparatoires du projet de loi, le Gouvernement a constitué six binômes réunissant des parlementaires et des chefs d’entreprises dont l’un spécifiquement consacré au « partage de la valeur » mené par deux personnalités qualifiées : Stanislas Guérini, député de Paris, et Agnès Touraine, Présidente de l'Institut Français des Administrateurs. Ce binôme a remis ses conclusions au ministre de l’Économie et des Finances le 10 décembre 2017. Il a été ainsi envisagé, lors de ces travaux préparatoires, de veiller à ce que l’information transmise aux salariés soit la plus intelligible et la plus transparente possible. Une étude réalisée par Kantar TNS pour l’AMF, en janvier 2018, a également démontré que si la plupart des détenteurs estiment connaître les caractéristiques de leur épargne salariale (mode d’alimentation et cas de déblocage), ils sont moins nombreux à en connaître la dimension financière (les fonds, le risque). Seuls 48 % d’entre eux ont le sentiment de connaître les fonds sur lesquels investir et seuls 54 % s’estiment capables de choisir les placements au sein de leur épargne salariale. L’harmonisation des relevés annuels de situation facilitera donc la compréhension de leur épargne par les salariés et contribuera à la meilleure affectation de celle-ci.

S’agissant de la mise en place du PERCO, une autre option maximaliste consistait à supprimer la condition de mise en place d’un PEE lorsqu’un dispositif de participation est mis en place, pourvu qu’un PERCO soit mis en place. Cette option paraissait néanmoins disproportionnée, dans la mesure où, dans les cas où le versement de la participation est obligatoire, il paraît souhaitable d’assurer qu’il existe pour les salariés un produit d’épargne de moyen terme.

3.2.  Option retenue

La condition de disposer d’un PEE pour mettre en place un PERCO sera levée en vue de faciliter la mise en place de ce produit d’épargne longue dans les entreprises qui le souhaitent. Par ailleurs, pour répondre à l’objectif de simplification, le projet de loi tend à accroitre la lisibilité des informations fournies par le teneur de compte au bénéficiaire d’un dispositif d’épargne salariale. A court terme, les relevés annuels de situation des épargnants établis par les sociétés de gestion pourraient être harmonisés. L’épargnant gagnerait ainsi en lisibilité sur les avoirs qu’il détient.

Pour ce faire, les gestionnaires d’actifs pourraient être incités à constituer un portail unique regroupant les informations sur les différents placements et avoirs de l’épargnant.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article L. 3334-5 du code du travail serait abrogé, sans interférence avec les autres articles. S’agissant des entreprises de plus de cinquante salariés, qui doivent obligatoirement verser de la participation, le PEE restera obligatoire.

Les relevés annuels de situation pourraient être harmonisés entre les différents gestionnaires d’actifs, ce qui permettrait à l’épargnant d’avoir une information plus lisible sur les avoirs qu’il détient.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts macroéconomiques

Le nombre de PERCO mis en place dans les entreprises devrait croître et permettre aux bénéficiaires de se constituer une épargne de long terme en vue de leur retraite. Selon les données de l’association française de gestion financière (AFG), au 31 décembre 2017, 212 000 entreprises sont dotées d’un PERCO. De plus, les encours des PERCO atteignent 15, 9 milliards d’euros (+14,5% par rapport à 2016) et comportent 2,4 millions d’adhérents.

Avec cette mesure, le développement du PERCO devrait donc être accéléré ainsi que la part des fonds consacrée à l’investissement productif de long terme (notamment dans les PME –ETI).

4.2.2        Impacts sur les entreprises

Les entreprises ne seront plus soumises à l’obligation de disposer d’un PEE pour mettre en place un PERCO. L’instauration de ces plans sera donc facilitée.

4.3.           Impacts sur les particuliers

L’effet escompté de la mesure devrait conduire à améliorer la couverture des salariés par un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). Ceux-ci pourront ainsi mobiliser leurs avoirs dans un horizon de long terme en vue de leur départ à la retraite.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.           Consultations obligatoires

5.1.1        Le COPIESAS

Au titre de l’article L.3346-1 du code du travail, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salariée (COPIESAS) a été saisi de cette disposition.

Le COPIESAS s’est réuni, en instance plénière, le mardi 13 février 2018 afin de favoriser davantage l’association des salariés à la réussite de l’entreprise et de contribuer à une meilleure conciliation des apports du capital et du travail.

Le COPIESAS s’est réuni en assemblée plénière le 7 juin 2018 mais n’a pas adopté son rapport de manière définitive. Une prochaine séance doit se dérouler en juillet.

5.1.2        La Commission nationale de la négociation collective

Au titre du 2° de l’article L. 2271-1 du code du travail, la Commission nationale de la négociation collective est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective. À ce titre, elle a été saisie de la disposition envisagée et a rendu son avis le 12 juin 2018.

5.2.           Modalités d’application

5.2.1         Application dans le temps et dans l’espace

Ces dispositions sont applicables dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l’identité législative.

En revanche, dans les collectivités de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, elles ne sont applicables que si une mention expresse est réalisée. Cependant, le droit du travail est une compétence propre dans ces territoires, ce qui engendre la non extension de toutes les dispositions qui s’y rattachent, dont l’épargne salariale. Il n’y a donc pas lieu d’ajouter une disposition d’extension pour cet article.

5.2.2         Textes d’application

Un décret précisera les informations obligatoires qui devront figurer impérativement sur le relevé annuel de situation transmis au salarié. Par défaut, ces informations devraient être transmises aux salariés sous forme « digitale », sauf refus de leur part ou absence d’adresse électronique transmise par l’entreprise ou le salarié.

 

 

 

 


Article 59 visant à stimuler l’actionnariat salarié dans les entreprises privées

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

L’actionnariat salarié peut se matérialiser par une participation directe des salariés au capital de l’entreprise (attribution d’actions gratuites – AGA - et bons de souscription de parts de créateur d’entreprise – BSPCE – notamment) ou par la détention de parts de fonds d’actionnariat salarié (FCPE) via un PEE. L’abondement de l’employeur dans un PEE peut être majoré de 80 % en cas d'acquisition par le salarié d'actions ou de certificats d'investissement émis par l'entreprise (les sommes versées sont alors bloquées pour 5 ans – le salarié ne peut pas arbitrer avec les autres supports d’investissement du PEE). Cet abondement ne peut néanmoins pas être unilatéral et reste conditionné à un versement du salarié (contrairement à la possibilité ouverte sur le PERCO par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques).

A noter que les AGA peuvent également être détenues via un PEE, dans la limite de 7,5% du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) [361]. Les BSPCE n’y sont néanmoins pas éligibles.

La loi du 6 août 2015 précitée a conduit à faciliter l’actionnariat salarié au travers de l’assouplissement des dispositifs d’AGA et de BSPCE.

D’après l’enquête sur la participation, l’intéressement, les plans d’épargne d’entreprise et l’actionnariat des salariés (Pipa) de 2016 réalisée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’abondement versé sur les PEE par les employeurs pour les entreprises de 50 à 250 salariés représentaient 182 M€ en 2015. D’après les informations recueillies auprès des professionnels, environ 70 % de ce montant correspondrait à de l’actionnariat salarié, soit environ 127 M€. En 2016, les souscriptions brutes en actionnariat salarié ont représenté environ 2,5 Md€ sur 12,5 Md€ de souscriptions brutes dans les plans d'épargne entreprise (PEE)[362].

1.2.           Éléments de droit comparé

20 pays européens dont 18 Etats membres de l’Union Européenne ont mis en place des dispositifs d’actionnariat salarié[363]. La France est néanmoins le pays dans lequel ces dispositifs sont les plus développés (plus de 75% des entreprises cotées ont des plans d’actionnariat salarié pour l’ensemble de leurs salariés contre moins de la moitié en moyenne en Europe et plus de 35% des salariés sont actionnaires, contre 22% en Europe)[364].

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

 La nécessité de légiférer se justifie par l’objectif de consolidation de l’avance prise par la France en matière d’actionnariat salarié et par la volonté d’élargir le bénéfice de ces dispositifs. Ces objectifs justifient un assouplissement de plusieurs normes de niveau législatif qui freinent actuellement le développement de l’actionnariat salarié, notamment dans le code du travail (s’agissant de la possibilité d’abondement unilatéral sur le PEE– art. L. 3332-11) et le code de commerce (afin de faciliter les offres aux salariés pour les SAS– art. L. 227-2 et L. 227-2-1). La baisse du forfait social versé par l’employeur sur les supports d’actionnariat salarié justifie également une modification du code de la sécurité sociale au niveau législatif (art. L. 137-16).

2.2.           Objectifs poursuivis

Les sociétés par actions simplifiées pourraient être autorisées à faire des offres à leurs salariés au-delà de 150 personnes et sans contrainte d’un montant minimal de 100 000 euros, ce qui aurait pour conséquence de faciliter le développement de l’actionnariat salarié dans ces entreprises.

L’actionnariat salarié serait également facilité par la possibilité pour un employeur d’abonder unilatéralement un support d’investissement en actionnariat salarié dans un PEE, permettant de lever la contrainte de versement par le salarié. En contrepartie, les sommes seraient bloquées pour cinq ans, favorisant l’épargne de moyen-terme et la stabilisation du capital des entreprises.

Enfin, l’actionnariat salarié pourrait être encouragé au plan du traitement social, en abaissant le forfait social de 20% à 10% sur l’abondement de l’employeur, lorsque celui-ci est fléché vers un support d’investissement en actionnariat salarié. Cette mesure contribuerait donc à inciter l’employeur à concentrer au sein du PEE son abondement, unilatéral ou conditionné à un versement volontaire, sur les supports d’actionnariat salarié.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.           Options envisagées

S’agissant de la baisse du forfait social, il a été envisagé de la concentrer sur les entreprises en-dessous de 250 salariés. Cette option a néanmoins été écartée car elle présentait une ambition plus limitée.

3.2.           Option retenue

L’option retenue est une application à toutes les entreprises de plus de 50 salariés, soit l’option la plus ambitieuse, de la baisse du forfait social.

Par ailleurs, l’abondement unilatéral de l’employeur est rendu possible sur les supports d’actionnariat salarié.

Enfin, les opérations d’actionnariat salarié sont flexibilisées dans les SAS, leur permettant de s’adresser à plus de 150 salariés, sans exiger un ticket minimum de 100 000 euros.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.           Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

Les articles L. 227-2 et L. 227-2-1 du code du commerce et l’article L. 3332-11 du code du travail du code de la sécurité sociale seraient modifiés afin de développer l’actionnariat salarié.

4.2.           Impacts économiques et financiers

4.2.1         Impacts macroéconomiques

La mesure étant ciblée sur l’abondement des employeurs qui sont plafonnés et compte tenu de la taille des montants actuels, l’impact macroéconomique devrait être négligeable.

4.2.2         Impacts sur les entreprises

La baisse du forfait social devrait conduire certaines entreprises à mettre en place un fonds d’actionnariat salarié au sein de leur PEE ou pour celles qui en disposent déjà à augmenter les abondements offerts aux salariés.

4.2.3         Impacts budgétaires

Dans cette section est analysé le coût pour les finances publiques du passage de 20 % à 10 % du taux du forfait social pour les entreprises de plus de 50 salariés applicable aux abondements de l’employeur sur les PEE (les entreprises en-dessous de 50% étant exonérée, en vertu du présent projet de loi). Cette baisse de taux concernerait uniquement la fraction des abondements sur PEE affectée à l’actionnariat salarié.

 L’effet sur les finances publiques de la réduction du taux de forfait social de 20 % à 10 % pour les entreprises de plus de 50 salariés se décompose de la façon suivante :

-          Le coût direct correspondrait à la perte de forfait social causée par la réduction du taux de forfait social à 10 %, soit un montant de 0,1 Md€ ;

-          A un horizon de moyen terme, sous une hypothèse conventionnelle d’un doublement du flux d’abondement, le coût lié à cette hausse du flux serait globalement nul (la perte d’IS étant compensée par des recettes supplémentaires de forfait social et de CSG-CRDS).

 A titre illustratif est présentée ci-dessous, une trajectoire de coût pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Tableau des effets sur les finances publiques du passage à 10 % du taux du forfait social pour l’abondement employeur à destination de l’actionnariat salarié

Coût pour les finances publiques

2019

2020

Diminution du taux de forfait social de 20 % à 10 %

-0,1 Md€

-0,1 Md€

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.           Consultations obligatoires

5.1.1         Le COPIESAS

Au titre de l’article L. 3346-1 du code du travail, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salariée (COPIESAS) a été saisi des dispositions envisagées. Le COPIESAS s’est réuni, en instance plénière, le mardi 13 février 2018 afin de favoriser davantage l’association des salariés à la réussite de l’entreprise et de contribuer à une meilleure conciliation des apports du capital et du travail.

Le COPIESAS s’est réuni en assemblée plénière le 7 juin 2018 mais n’a pas adopté son rapport de manière définitive. Une prochaine séance doit se dérouler en juillet.

5.1.2         La Commission nationale de la négociation collective

Au titre du 2° de l’article L. 2271-1 du code du travail, la Commission nationale de la négociation collective est notamment chargée d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective. A ce titre, elle a été saisie des dispositions envisagées et a rendu son avis le 12 juin 2018.

5.1.3         Les caisses de sécurité sociale : agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)

Le forfait social représente une source de financement pour les organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, le forfait social est intégralement affecté à la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Dans cette perspective, ces deux organismes doivent utilement être consultés.

Au titre de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale (CSS), le conseil ou les conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et la commission prévue à l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Les avis sur les projets de loi sont motivés.

5.2.           Modalités d’application

5.2.1         Application dans l’espace

Ces dispositions sont applicables dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont soumis au principe de l’identité législative.

En revanche, dans les collectivités de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, elles ne sont applicables que si une mention expresse est réalisée. Cependant, le droit du travail est une compétence propre dans ces territoires, ce qui engendre la non extension de toutes les dispositions qui s’y rattachent, dont l’épargne salariale. Il n’y a donc pas lieu d’ajouter une disposition d’extension pour cet article.

5.2.2         Textes d’application

Les plafonds de versement annuel ainsi que les modalités de versement seront fixés par décret en Conseil d’État.

Article 60 relatif au développement de l'actionnariat salarié des sociétés à capitaux publics

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Le dispositif d’offre réservée aux salariés (ORS) s’applique en cas de cession par l’Etat d’une participation dans une entreprise dont il détient au moins 10 % du capital. Il prévoit, dans ce cas, l’obligation pour l’Etat de proposer 10 % du volume total de titres cédés aux salariés et anciens salariés éligibles de l’entreprise. Il a été initialement instauré par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations[365] et avait été supprimé dans l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Il a été réintroduit, en partie à l’initiative d’associations d’actionnaires salariés, dans le cadre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a inséré un nouvel article 31-2 dans cette ordonnance, afin d’assurer une meilleure association des salariés au développement de leur entreprise. 

Ce dispositif permet aux salariés d’acquérir des actions de la société dont ils sont employés, en bénéficiant d’une décote par rapport à un cours de référence calculé sur la base d’une moyenne des derniers cours de bourse. De plus, l’actionnariat salarié permet aux salariés de participer de droit à la gouvernance de l’entreprise lorsque la part des salariés actionnaires dépasse 3 % de son capital. Le conseil d’administration doit alors compter un représentant des actionnaires salariés.

L’article 31-2 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique prévoit ainsi l’obligation que 10 % du total des titres cédés sont proposés aux salariés de l’entreprise, à ceux des filiales dans lesquelles elle détient la majorité du capital ainsi qu’aux anciens salariés s’ils justifient d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée d’au moins cinq ans, qui sont adhérents à un plan d’épargne entreprise. Les titres peuvent également être cédés à l’entreprise, à charge pour elle de les rétrocéder dans un délai d’un an aux salariés et anciens salariés éligibles. L’entreprise peut prendre à sa charge une part du prix de cession, dans la limite de 20 %, ou des délais de paiement, qui ne peuvent excéder 3 ans.

Cet article prévoit qu’en cas de cession par l’Etat d’une participation selon les règles des marchés financiers, une ORS représentant 10 % du total des titres cédés doit être mise en œuvre, soit par l’Etat, soit par l’entreprise, et fait l’objet d’un arrêté du ministre chargé de l’économie (qui indique notamment la fraction des titres proposée, la durée de l’offre, le plafond individuel de souscription ainsi que les modalités d’ajustement de l’offre). La loi précise, en outre, qu’en cas de rabais appliqué sur le prix de vente des titres, ce dernier est pris en charge par l’entreprise avec un niveau maximum fixé à 20 % (qui diffère des dispositions de droit commun prévues dans le code du travail).  

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La loi prévoit la mise en place d’offres réservées aux salariés (ORS) en cas de cession de titres par l’Etat selon les procédures des marchés financiers, mais le dispositif actuel est, en pratique, peu opérant.

Le cadre actuellement en vigueur comporte plusieurs écueils :

- les opérations de cession réalisées directement par l’Etat sont extrêmement lourdes et en pratique quasi-impossibles à réaliser, sauf dans des cas d’offres « primaires », c’est-à-dire d’opérations d’émission de titres nouvellement créés ; en effet, elles relèvent des procédures des marchés financiers, très étroitement encadrées ;

- ces opérations sont en outre coûteuses, car elles nécessitent d’importantes dépenses en conseil juridique, financier ou en communication, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros selon la taille de l’opération envisagée et de l’entreprise considérée ;

- la mise en œuvre d’une ORS suppose, en principe, l’accord de l’entreprise, ce qui a pu donner lieu à des délais de mise en œuvre significatifs (les entreprises étant par exemple susceptibles d’imposer des contraintes financières et des décalages de calendrier selon leur « agenda social ») ;

- les entreprises sont exposées à un « risque de marché », c’est-à-dire un risque de perte résultant d’une évolution défavorable du cours de bourse, lié aux actions qui leur sont cédées par l’Etat. En effet, d’une part ces entreprises n’ont pas la garantie de pouvoir rétrocéder en totalité les titres à leurs salariés ; d’autre part, elles ont acquis auprès de l’Etat des titres à un certain prix, et devront les céder aux salariés et anciens salariés éligibles à un prix qui n’est pas connu à l’avance, car calculé sur la base des derniers cours de bourse précédant l’ORS.

Il apparaît donc nécessaire de modifier ce texte, par la loi compte tenu du niveau législatif de ces dispositions[366].

2.2.  Objectifs poursuivis

Le texte envisagé vise à clarifier la mise en œuvre des dispositions actuelles de l’article 31‑2 de l’ordonnance n° 2014-948 qui soulève de nombreuses interrogations quant à son application.

Les modifications proposées visent à améliorer l’intelligibilité du texte existant et répondent à un triple objectif :

(i) résoudre les difficultés pratiques de mise en œuvre de ces ORS dans le cadre actuel,

(ii) accroître le nombre de salariés actionnaires,

(iii) réserver dans le même temps ce dispositif aux opérations de montant significatif, et concernant une fraction du capital importante, et lorsqu’il s’agit de la cession d’une fraction du capital d’une entreprise dont l’Etat détient une part du capital substantielle (10 % au moins).

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

Une première option aurait été d’abroger l’article 31-2 de l’ordonnance de 2014, pour en revenir à la première version de ce texte. Cette option aurait pu se justifier par le fait que la France est largement en avance en matière d’actionnariat salarié par rapport à ses voisins européens. Ainsi, d’après une étude sur l’actionnariat salarié menée en 2017 sur la base de données 2016[367], la France était de loin en termes de taux de démocratisation, avec 35,8 % de salariés actionnaires (% des salariés actionnaires par rapport au nombre de salariés total), et en proportion d’entreprise disposant d’un plan « démocratique » (76,3 %). Les salariés détenaient ainsi 4 % du capital des entreprises, loin devant les autres pays européens (1,6 % en moyenne en Europe). Cette option a néanmoins été écartée compte tenu d’une volonté politique de maintenir la promotion de l’actionnariat salarié.

Une seconde option aurait été au contraire d’étendre ces dispositions, sans accompagner cette extension de la fixation de seuils de matérialité. Compte tenu des chiffres de l’actionnariat salarié en France (rappelés précédemment) et des lourdes contraintes opérationnelles que ces opérations génèrent, il est jugé préférable de ne pas retenir cette option maximaliste.

S’agissant des options de mise en œuvre de l’option retenue, précisée dans la partie 3.2, il aurait pu être proposé de fixer un délai maximum de mise en œuvre de l’ORS à la suite d’une cession de l’Etat. Néanmoins, une telle option aurait été trop contraignante en raison de la complexité et du coût de ces opérations, qui incitent plutôt à les mutualiser avec des plans d’actionnariat salarié prévus par l’entreprise. Il aurait également pu être proposé de maintenir la disposition prévoyant, dans le cas d’une cession des titres à l’entreprise, que, à l’issue du délai d’un an, l’entreprise revende les titres non souscrits par les salariés sur le marché. Cette option faisait courir un risque très important à l’entreprise car elle la contraignait à revendre des titres à un cours non connu à l’avance, et surtout à une date imposée, qui pouvait très bien correspondre à un moment inopportun (cours momentanément déprimé pour des raisons exogènes aux fondamentaux de l’entreprise). Enfin, la Fédération des associations d’actionnaires salariés (FAS) a suggéré que les opérations de cessions réalisées par des organismes publics relèvent également du périmètre de l’article 31-2. Cette proposition n’est pas reprise car l’obligation d’ORS pourrait s’avérer trop contraignante au regard des approches d’investissement mises en œuvre par certaines entités publiques. Elle risquerait notamment d’interférer avec la doctrine d’investissement de certains acteurs, qui réalisent souvent des opérations sur des horizons de temps beaucoup plus courts que l’Etat. Il serait par exemple difficilement justifiable qu’un plan d’actionnariat salarié soit mis en place dans une société qui n’a été détenu par un actionnaire public que pendant une durée courte, en réponse à des problématiques particulières, au même titre qu’une société dont l’Etat est un actionnaire de long terme.

3.2.  Option retenue

Afin de résoudre les difficultés pratiques de mise en œuvre des ORS qu’entraîne le cadre actuel, il est proposé de clarifier les modalités de recours à l’entreprise dans le cadre d’une ORS. Il est préconisé de prévoir explicitement dans la loi deux modes alternatifs pour la mise en œuvre d’une ORS :

- le premier est celui d’une cession par l’Etat à la société suite à la cession principale ; l’entreprise assume alors le risque de marché et s’engage à réaliser l’ORS dans le délai d’un an ;

- le second consiste pour l’Etat à demander à l’entreprise de mettre en place le processus de cession en quelque sorte « à son initiative et pour son compte », la cession s’effectuant par l’intermédiaire de la société : celle-ci acquiert auprès de l’Etat le seul quantum de titres qui ont été préalablement réservés fermement par les salariés et anciens salariés éligibles, au cours de référence calculé comme la moyenne pondérée par les volumes des cours de bourse sur les 20 derniers jours, conformément aux dispositions du code du travail. Elle les leur rétrocède immédiatement, au même cours (donc sans exposition à un risque de marché), moins le rabais qu’elle prend en charge, conformément aux dispositions du code du travail. Dans ce cas de figure, il est proposé que l’Etat prenne en charge une quote-part des frais du processus d’ORS, afin d’aider et d’inciter l’entreprise à mettre en œuvre cette offre. Les modalités de calcul de la quote-part des frais pris en charge seront déterminées par décret. Celui-ci devra limiter la prise en charge à proportion de la part des titres offerts en provenance de l’Etat par rapport au volume total de titres proposés aux salariés. De plus, cette prise en charge sera plafonnée à un montant défini par décret. 

L’accord de l’entreprise est indispensable non seulement dans la première hypothèse dans laquelle la société assume un risque de marché, mais également dans la seconde qui n’expose en principe pas celle-ci d’un point de vue financier. En effet, il n’est pas juridiquement possible d’imposer à l’entreprise la mise en œuvre d’une ORS.

Il serait préférable de renvoyer au droit commun pour la fixation des rabais, qui restent supportées par les entreprises. Il est cependant suggéré d’introduire un cas dans lequel le rabais serait assumé par l’Etat. Dans la rédaction actuelle, l’entreprise supporte dans tous les cas le rabais relatif au prix de cession des titres. Il est d’abord proposé de maintenir ce principe, en y apportant une dérogation en cas de privatisation de l’entreprise. En effet, dans ce cas, une évolution majeure affecte la composition du capital de l’entreprise et une telle disposition permet d’inciter au développement de l’actionnariat salarié à cette occasion.

S’agissant du niveau du rabais pouvant être pris en charge par l’entreprise (qui était auparavant limité à 20 %) il est envisagé de renvoyer aux dispositions du code du travail qui prévoient des mécanismes de moyenne pondérée (article L. 3332-18 et suivants). Il est également proposé que le rabais éventuellement assumé par l’Etat ne puisse dépasser 20 %, afin de conserver l’équilibre qui avait été trouvé dans le texte de 1986 et qui est actuellement en vigueur dans l’ordonnance de 2014. Ce seuil permet de plafonner à un niveau jugé acceptable (2 % sur le produit de cession total) le manque à gagner pour l’Etat lié à une cession directe aux salariés. Ce manque à gagner est par ailleurs limité par le plafonnement qui s’applique au volume de titres proposés, établi sur la base d’une estimation de la capacité de souscription des salariés (cf. infra).

Afin d’accroître le nombre de salariés actionnaires, il est proposé d’élargir les cas d’opérations donnant lieu à ORS à toutes les cessions de titres par l’Etat qu’elles soient réalisées selon ou dorénavant en dehors des procédures des marchés financiers. Seront donc potentiellement appréhendées des opérations concernant des sociétés dont les titres ne sont pas cotés. 

Afin d’éviter de devoir mettre en place des opérations d’ORS, par nature complexes et coûteuses, à la suite d’opérations de montant relativement faible ou représentant une fraction relativement réduite du capital, ou lorsque le cédant ne détient qu’une participation très minoritaire dans le capital de l’entreprise dont il cède des titres, il est proposé :

- que l’article 31-2 ne s’applique qu’aux sociétés au capital desquelles l’Etat détient une participation significative, par exemple d’au moins 10 % du capital,

- d’introduire deux seuils de minimis déterminés par décret en Conseil d’Etat, l’un exprimé en pourcentage du capital que représente la cession, l’autre exprimé en montant de cession. Ces seuils réglementaires sont déterminés sur la base de l’expérience des opérations mises en œuvre sur le portefeuille de l’Agence des Participations de l’Etat. Ils éviteront que des ORS, qui sont des opérations complexes et coûteuses, ne doivent être mises en œuvre à l’occasion d’opérations non significatives.

Le renvoi à un décret en Conseil d’Etat pour la détermination de ces différents seuils permet d’envisager une éventuelle modification si leur calibrage ne s’avérait pas optimal, tout en assurant la robustesse juridique du mécanisme envisagé étant donné le risque de contentieux sur le sujet.

Il est par ailleurs proposé de maintenir l’obligation de proposer 10 % des titres cédés aux salariés et anciens salariés éligibles, mais d’assortir cette obligation de la possibilité de réduire le nombre de titres proposés en fonction de la capacité de souscription des salariés, selon des modalités définies par décret en Conseil d’Etat. L’objectif est d’éviter un échec de l’offre en cas de volume proposé trop important au regard de la capacité financière de souscription des salariés. Le calcul prendrait ainsi en compte une capacité moyenne de souscription par salarié et le nombre de salariés et anciens salariés éligibles tel que communiqué par la société. Il permettrait de déterminer la capacité de souscription totale, qu’il suffirait ensuite de diviser par le prix de cession aux salariés pour arrêter le volume maximum de titres à proposer aux salariés.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

4.1.1        Impacts sur l’ordre juridique interne

Les dispositions envisagées devraient modifier l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, qui n’a pas à ce stade vocation à être codifiée.

Il n’est pas prévu d’instaurer de nouveaux concepts juridiques à l’occasion de la modification envisagée de l’article 31-2 de l’ordonnance précitée. Les modifications apportées sont de nature essentiellement techniques.

4.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les dispositions envisagées ne devraient pas ou peu interférer avec le droit européen. Ces dispositions ne transposant notamment aucun texte communautaire. La mise en œuvre de ces dispositions de l’ordonnance devra toutefois respecter les conditions prévues par le règlement n° 596/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché, notamment s’agissant des conditions dans lesquelles l’Etat qui est fréquemment représenté dans la gouvernance des sociétés « cotées » dont il est actionnaire pourra procéder à des cessions de titres avec ces sociétés afin que ces titres soient offerts aux salariés et anciens salariés éligibles, comme cela est envisagé.

4.2.  Impacts économiques et financiers

4.2.1        Impacts sur les entreprises

Différentes études documentent une amélioration de la performance des entreprises ayant mis en place des dispositifs d’actionnariat salarié[368]. Il existe donc probablement un bénéfice potentiel pour l’économie française, difficile à estimer. Ce bénéfice potentiel est limité par les seuils de matérialité qui seront fixés par décret d’application des nouvelles dispositions. Ces seuils visent à ne pas alourdir de façon disproportionnée les charges reposant sur les entreprises dans le cadre d’opérations de montant limité ou portant sur une faible fraction du capital.

La disposition qui prévoit de demander à l’entreprise d’organiser l’offre aux salariés est conditionnée à l’accord de l’entreprise et prévoit la possibilité pour l’Etat de participer à la prise en charge des frais d’organisation de l’offre (les modalités de prise en charge et un plafond seront définis par décret). Cette disposition est un progrès par rapport à la situation actuelle, qui ne prévoit aucune prise en charge de ces frais par l’Etat. Elle vise à inciter l’entreprise à organiser une offre réservée aux salariés dans le cas où elle refuserait de prendre un risque de marché en achetant directement les titres à proposer aux salariés auprès de l’Etat.

Par ailleurs, les dispositions prévoient que dans les cas de privatisation, l’Etat prenne à sa charge un rabais. Cette disposition permet de favoriser l’actionnariat salarié dans les sociétés nouvellement privatisées sans mobiliser les ressources de l’entreprise.

Dans le cas d’une prise de risque de marché par l’entreprise, l’entreprise pourrait devoir vendre les titres à ses salariés à un cours inférieur au cours d’acquisition auprès de l’Etat, ou ne pas pouvoir écouler la totalité des titres lors de l’offre. Outre le fait que cette option est à la main de l’entreprise, ce risque est tempéré par le fait que l’auto-détention de titres est souvent nécessaire pour les besoins de l’entreprise (par exemple pour assurer la liquidité du titre ou encore pour réaliser des distributions d’actions de performance).

4.2.2        Impacts budgétaires

Deux dispositions sont susceptibles d’affecter les finances publiques.

Elle concernerait d’une part, dans le cadre d’opérations de privatisation, la prise en charge par l’Etat d’un rabais au bénéfice des salariés, appliquée sur le prix de référence calculé selon les modalités prévues par le code du travail, ou sur le prix de cession des titres par l’Etat. Il est difficile de chiffrer l’impact potentiel de cette disposition, qui concerne un nombre très limité d’entreprises potentiellement concernées.

Dans le cas d’offres organisées par l’entreprise, ce rabais, qui pourrait aller jusqu’à 20 % par rapport au prix de référence, serait assumé par l’Etat après réalisation de la vente des titres par l’entreprise aux salariés, via un paiement en numéraire sur la base du montant total de rabais effectivement pris en charge par l’entreprise.

Pour chaque opération concernée, l’impact sur les finances publiques serait :

- dans le cas d’une offre directe par l’Etat, un manque à gagner sur le produit de cession pouvant aller, selon le rabais fixé, jusqu’à 20%×1/9×(nombre de titres Etat cédés)×(prix d’introduction) ;

- dans le cas d’une offre réalisée par l’entreprise, une dépense pouvant aller jusqu’à 20%×(volume de titres en provenance de l’Etat cédés aux salariés)×(prix de référence).

Elle porterait, d’autre part, sur la prise en charge par l’Etat d’une partie des frais de mise en œuvre de l’ORS (pouvant atteindre au total environ 3 M€ pour une grande entreprise multinationale selon les informations relatives à des opérations déjà réalisées au sein du portefeuille de l’APE) dans le cas d’une cession en « back-to-back ». Ces frais dépendent du volume total considéré et des modalités de l’offre (notamment le nombre et la complexité des formules proposées). A titre illustratif, les frais externes totaux engagés par une grande entreprise pour mettre en œuvre une opération d’actionnariat salarié d’envergure internationale, proposant plusieurs formules, et traduite en plusieurs langues, peuvent dépasser 2 M€. Un plafond sera fixé par décret.

Enfin, la plupart de ces opérations devraient nécessiter le recours à des conseils juridiques et/ou financiers, afin d’établir la documentation juridique et de procéder à une valorisation de l’entreprise en vue du passage devant la Commission des Participations et des Transferts. Ces frais peuvent

4.3.  Impacts sur les services administratifs et les autorités de contrôle

La disposition proposée nécessitera, lors de chaque opération concernée, la mobilisation  d’équipes de l’Agence des Participations de l’Etat (sans nécessité d’augmenter les ETP),  tant dans le cadre d’une offre directe aux salariés que dans celui d’une cession à l’entreprise. Elle requerra également de leur part l’instruction des documents justifiant une prise en charge d’une partie des frais, dans les cas de privatisation

4.4.  Impacts sur les particuliers

Les dispositions proposées sont susceptibles d’accroître l’actionnariat salarié et donc :

- de générer un impact social positif compte tenu de l’ouverture des offres à l’ensemble des salariés, même les plus modestes (les salariés bénéficiant d’un rabais sur les titres qui leur sont proposés, et souvent de possibilités d’abondement ou des effets de leviers offerts par l’entreprise dans le cadre des plans d’actionnariat salarié) ;

- d’améliorer la qualité des relations sociales au sein de l’entreprise, notamment grâce à un niveau de loyauté plus élevé, un turnover plus faible et une plus forte implication des salariés. Certaines études documentent ainsi la réduction de probabilité d’une grève dans l’entreprise, surtout dans le cas d’une présence d’administrateurs salariés ;

- d’octroyer aux salariés un poids dans la détermination de la stratégie de l’entreprise via la représentation des salariés actionnaires.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Le projet de loi a donné lieu à des échanges avec des parties prenantes et notamment la Commission des participations et des transferts.

5.2.  Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

Cette disposition a vocation à s’appliquer à toutes les offres qui résulteront de cessions de titres par l’Etat qui interviendront après l’entrée en vigueur de la présente loi.

5.2.2        Textes d’application

Les dispositions proposées nécessitent :

- un décret d’application déterminant les seuils de matérialité, en montant et en pourcentage de détention, déclenchant l’obligation pour l’Etat de procéder à une offre réservée aux salariés ;

- un décret prévoyant les modalités de calcul des frais d’organisation d’ORS par l’entreprise, pouvant être pris en charge par l’Etat ;

- un décret qui définira les limitations à l’obligation d’offrir 10% pour tenir compte de la capacité financière de souscription des salariés.

Section 2 : Repenser la place des entreprises dans la société

Article 61 relatif à l’objet social des entreprises

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

1.1.1 De manière générale, le droit français repose sur le principe d’assigner un but à chaque entité (société, association, fondations,…) ou opération (vente, location, mandat,…) déterminée. Ainsi, si les sociétés ont pour but la recherche et le partage de bénéfices ou la réalisation d’économies, de la même manière, toute association, par exemple, « est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices »[369].

Face à cette dichotomie, le besoin de définir des catégories mixtes a trouvé de nombreux relais législatifs au cours du temps : par exemple, la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a créé le concept de « personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique », clarifiant le fait qu’une association peut avoir pour objet une activité économique sans pour autant avoir pour but de partager des bénéfices. En outre, la situation des mutuelles (par les ordonnances du 19 et 20 octobre 1945, portant statut de la mutualité), ou des fondations (loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat) sont également depuis longtemps spécifiques dans leur manière de mêler activités lucratives et principes de gestion ou intérêt général. De même, la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération détaille les règles applicables au fonctionnement particulier des coopératives. De manière encore plus spécifique, les SCOP[370], ou plus récemment les SCIC[371] sont des coopératives prenant la forme d’une société commerciale, et permettent d’associer autour d’un projet social d’intérêt collectif différentes parties prenantes. Dernièrement, la loi du 31 juillet 2014 a créé un cadre favorable à l'économie sociale et solidaire (ESS), offert aux personnes morales de droit privé qui s’assignent un but autre que le seul partage des bénéfices, tout en affectant majoritairement ces derniers au maintien ou au développement de l'activité de l'entreprise (art. 1er).

Chaque définition de ces différentes entités, qui édicte leur spécialité (ou finalité) légale, a un effet de qualification qui emporte un régime juridique, souvent associé à un régime fiscal, dédié et conçu pour répondre à leur activité particulière. Ces régimes ont été édifiés pour encourager ou pour encadrer le plus efficacement possible la poursuite de l’objectif qu’ils supportent. Ainsi, par exemple, les fondations, qui répondent à l’objectif de la réalisation d'une œuvre d'intérêt général et à but non lucratif, ne reçoivent le bénéfice de la personnalité morale qu’à partir de la reconnaissance de leur utilité publique. Cette reconnaissance s’accompagne d’un contrôle étroit et spécifique des pouvoirs publics sur leur gouvernance et l’utilisation de leur dotation. Ce contrôle est a contrario naturellement complètement absent du régime des sociétés commerciales, dont l’objectif de recherche et de partage des bénéfices conduit à des règles d’organisation et de contrôle différentes.

1.1.2 En ce qui concerne les sociétés, le droit français ne définit pas explicitement en quoi doit consister l’intérêt des sociétés. Il y fait seulement parfois référence, de manière irrégulière, dans des articles s’appliquant à encadrer la gestion de certaines sociétés : ainsi, le gérant d’une société civile « peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société »[372]. De même, le gérant d’une société de personne ou d’une SARL peut, « dans les rapports entre associés, et en l'absence de la détermination de ses pouvoirs par les statuts, […] faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société »[373]. Dans les sociétés par actions et dans les SARL, la loi indique que se rendent coupables du délit d'abus de biens social, de pouvoir ou de voix, les dirigeants qui, dans leur intérêt personnel, auront fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, ou des pouvoirs ou des voix dont ils disposent, un usage qu'ils savaient « contraire à l'intérêt [de la société] »[374].

En outre, même en l’absence de support textuel expresse, la notion d’intérêt social est utilisée par les juges dans des circonstances variées de conflits d'intérêts, qui ne concernent pas seulement les dirigeants. Elle y est utilisée comme une « boussole »[375], afin d’apprécier le caractère prétendument fautif d’un comportement. Tel est, par exemple, le cas pour apprécier si la demande de convocation de l'assemblée générale effectuée par le commissaire aux comptes est justifiée[376], si la demande de désignation d'un mandataire de justice pour convoquer l'assemblée est justifiée[377], pour apprécier s'il faut nommer un administrateur provisoire à la demande d’un actionnaire[378], pour déterminer si la majorité ou la minorité des actionnaires abuse de son contrôle ou de sa faculté de blocage[379], si la concession d'une garantie de la société a été valablement faite par le dirigeant[380], ou encore pour ordonner ou refuser une expertise de gestion[381].

Ces différents exemples permettent de mesurer l'enjeu pratique de savoir précisément ce que recouvre cette notion. En l'absence de définition légale, les nombreuses décisions rendues par l’autorité judiciaire ont pu inspirer aux auteurs, en doctrine, des conceptions sensiblement différentes. Ainsi, dans la doctrine moderne, le débat s’est, schématiquement, polarisé entre les auteurs proches de l’« École de Rennes »[382], qui défendent l’idée selon laquelle la société est une technique d’organisation juridique mise au service de l’entreprise sous-jacente, et ceux, portés par le développement des standards anglo-américains de corporate governance durant les années 1990, qui perçoivent plutôt la société comme un nœud de contrats, créé dans le but « [d’optimiser] la valeur des actions »[383], nécessitant par conséquent d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des associés[384]. La doctrine de l’entreprise a ainsi pu influencer une vision élargie de l'intérêt social, tendant à demander aux dirigeants d’arbitrer dans leurs actions les intérêts des différentes parties prenantes de la société ; a contrario, la pleine adaptation de la logique contractualiste de la corporate governance supposerait pour certains que l'intérêt social soit pleinement assimilé à l'intérêt des actionnaires[385].

1.1.3 À ce jour, l’acception de la notion en jurisprudence demeure, dans l’ensemble, marquée par une vision médiane, qui apparait, logiquement, fidèle à la spécialité (ou finalité) légale des sociétés, édictée par l’article 1832 du code civil. Pour mémoire, ce dernier assigne pour but à toute société la réalisation de bénéfices ou d'économies, que les associés ont vocation à partager durant la durée du contrat[386]. « Aussi, les associés, parties au contrat, sont-ils liés par la réalisation de cet objectif, par ce but puisque celui-ci lui est imposé par la loi. En d'autres termes, la position contractuelle d'associé oblige toutes les personnes qui l'occupent nonobstant les mutations dont les parts ou actions peuvent faire l'objet sur la durée du contrat de société, à poursuivre la réalisation de l'objectif légal de la société, la réalisation de bénéfices sur la durée de la société. »[387]. Cette spécialité légale ne signifie pas que les sociétés ont pour but de maximiser leurs profits. Une société peut permettre de réaliser des économies sans qu’aucun bénéfice, ou même aucune activité lucrative, ne soit concrètement effectuée (c’est le cas des sociétés holding par exemple). Elle conduit également à ce que l’intérêt de la société et celui de ses associés puisse ne pas correspondre, comme en témoigne les arrêts rendus en matière d’abus de majorité. Les associés ne doivent pas enfreindre cet objectif légal de recherche de bénéfices ou de profits durant la vie de la société.

Différentes décisions témoignent de cette approche. Par exemple, n’a pas été jugée constitutive d’un abus de majorité, la mise en réserve de bénéfices pendant plusieurs années ayant permis à la société de réaliser de nombreux investissements[388], tandis que la mise en réserve systématique, pendant 20 ans, de la totalité des bénéfices sans réalisation d’investissement a pu l’être[389]. De même, du point de vue de la gestion, le choix de conserver des activités diversifiées, même déficitaires, n’est pas constitutif d’une faute de gestion, dès lors qu’il s’agit d’un choix stratégique dont la mise en œuvre n’a pas démontré qu’il a été manifestement malheureux ni contraire aux intérêts de la société[390]. Les juges ne cherchent ainsi généralement pas à déterminer quelle aurait été la meilleure décision pour la société, ce qui reviendrait à s’immiscer dans sa gestion, mais plus simplement à estimer si celle-ci n’a pas ignoré l’intérêt social, c’est-à-dire fait obstacle à la possibilité de créer de la valeur durant la vie de la société.

Ces arrêts rendent concret le fait que la société possède un intérêt autonome, qui n’est pas une juxtaposition d’intérêts des parties prenantes ni de ceux de ses seuls associés. Cette conception a été résumée par la formulation du rapport Viennot I[391] : « l'intérêt social peut ainsi se définir comme l'intérêt supérieur de la personne morale elle-même, c'est-à-dire de l'entreprise considérée comme un agent économique autonome, poursuivant des fins propres, distinctes notamment de celles de ses actionnaires, de celles de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui correspondent à leur intérêt commun, qui est d'assurer la prospérité et la continuité de l'entreprise ».

1.1.4 Le législateur agit depuis longtemps pour contraindre le comportement des sociétés en vue d’améliorer leur impact sur leur écosystème social et environnemental. Deux natures de mesures peuvent être à ce titre distinguées :

  1. d’une part, les lois et règlements substantiels en matière sociale et environnementale : ces textes s’appliquent aux sociétés, comme aux autres entités, et imposent des règles précises sur de nombreux aspects de leur activité (droit social, de l’environnement, de l’urbanisme, etc.). Ces règles constituent l’arbitrage extérieur de l’Etat, qui pose des contraintes d’intérêt général dans les activités des sociétés.
  2. d’autre part, les mesures de transparence sur les sujets portant sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) : la logique de ces mesures de transparence est d’inciter les sociétés à internaliser le coût que peut représenter un comportement perçu comme négatif par les clients ou la société civile de manière générale dans ces domaines[392]. De nature incitative et volontaire, elles favorisent un dialogue entre les entreprises et les parties prenantes, notamment les organisations non gouvernementales mais aussi les investisseurs. Depuis une quinzaine d’années, les différentes lois ont élargi progressivement le champ des sociétés visées, le contenu du reporting demandé et amélioré le contrôle de ces informations.

1.2.           Éléments de droit comparé

1.2.1 La question de l’adaptation du droit aux besoins des entrepreneurs sociaux s’est posée de façon singulière aux États-Unis du fait de l’existence des fiduciary duties (devoirs fiduciaires) dans le droit des sociétés américain. Les dirigeants des sociétés américaines ont en effet des obligations « fiduciaires » envers les apporteurs de capitaux, permettant à ceux-ci d’engager une procédure judiciaire contre eux s’ils prennent des décisions de gestion contraires à leurs intérêts financiers. Le statut des entreprises à mission a ainsi été conçu par la voie d’un aménagement, d’une dérogation, à ces devoirs fiduciaires.

Une entreprise à mission peut être définie comme une entreprise constituée par des associés qui stipulent, dans leur contrat de société, une mission sociale, scientifique ou environnementale qu’ils assignent à leur société en plus de leur objectif de profit. Le but est donc de verrouiller la mission d’une entreprise sur un objectif de long terme inscrit dans ses statuts (mission lock). Pour que ce verrouillage soit effectif, des mécanismes sont mis en place pour rendre cette mission opposable aux dirigeants. Les entreprises à mission inventent ainsi de nouvelles formes de gouvernance en énonçant les communautés qu’elles veulent servir (les « parties prenantes ») et en rendant leurs engagements contraignants. Si les parties prenantes n’ont pas un droit de vote comparable à celui des actionnaires, elles pourront néanmoins se retourner contre la société si l’engagement n’est pas tenu.

1.2.2 La Commission européenne a quant à elle réalisé une étude comparative sur les entreprises sociales en 2014, dans laquelle elle propose une définition opérationnelle à l’ensemble des pays européens. Selon cette étude, une entreprise sociale européenne dispose des caractéristiques suivantes : elle s’engage dans une activité économique ; elle poursuit un « objectif social » explicite et principal ; elle limite la distribution de ses bénéfices et/ou la cession de ses actifs ; elle est indépendante vis-à-vis de l’État et des autres structures à but lucratif ; elle est régie par une gouvernance inclusive (procédures de décision participatives).

1.2.3 Si chaque État peut librement définir et modifier les formes juridiques des entreprises, deux modèles se sont finalement imposés : les Benefit Corporations (depuis 2010) et les Social Purpose Corporations (depuis 2012). B-Lab, organisme de certification des entreprises sur des critères extra-financiers, a notamment joué un rôle central dans l’invention et dans la promotion de ces modèles hybrides. B-Lab a d’abord créé la certification B-Corp en 2005 pour promouvoir une communauté d’entreprises « responsables ». Pour aller au-delà de la certification, les fondateurs de B-Lab ont par la suite promu une forme sociale dédiée aux entreprises qu’ils évaluent. Le statut de Benefit Corporation, adopté pour la première fois au Maryland en 2010, existe aujourd’hui dans 31 États américains. Face à l’organisme B-Lab, une initiative concurrente d’un groupe de juristes californiens a promu un statut différent, supposément mieux adapté aux grandes entreprises cotées, la Social Purpose Corporations (SPC), créée en 2012. Il existe aujourd’hui plus de 2000 BC actives aux États-Unis, pour 60 SPC.

Certains États ont directement adapté le modèle américain. C’est le cas de l’Italie, où le législateur s’est inspiré des Benefit Corporations pour définir en 2016 le statut de Societa Benefit. La législation italienne demande toutefois de spécifier plus précisément que la législation américaine les finalités de l’entreprise à travers une série d’objectifs statutaires, dits de « bénéfice commun », clairement énoncés. Les contraintes des Societa Benefit sont également plus contraignantes que celles des Benefit Corporations, notamment en termes d’opposabilité des engagements pris et de responsabilité individuelle des administrateurs. Ces derniers ont une responsabilité légale élargie : ils doivent veiller au juste équilibre entre l’intérêt des actionnaires, la poursuite des objectifs de « bénéfice commun » et les intérêts des parties prenantes. En cas de non-respect de cet engagement statutaire, les dispositions du Code Civil relatives à la responsabilité des administrateurs s’appliquent. Le modèle américain est également diffusé en Europe par l’intermédiaire du label B-Corp ; cette certification est ainsi accessible en France depuis 2014 et il existe 34 entreprises françaises qui en bénéficient (Nature et Découvertes, Ulule, etc.).

D’autres États ont développé des modèles propres. C’est le cas du Royaume-Uni, qui a créé en 2005 le statut de Community Interest Company (CIC), premier statut hybride européen. La CIC est une entreprise de droit privé à responsabilité limitée qui prend l’engagement de réaliser une mission spécifique au service d’une « communauté ». Cette communauté doit être précisément identifiée. Il peut par exemple s’agir des habitants d’une commune, des demandeurs d’emploi, etc. La principale caractéristique de ce statut est l’asset lock : tous les actifs de l’entreprise doivent être conservés au sein de la CIC ; s’ils venaient à être cédés, ce doit être pour une valeur inférieure à leur valeur de marché (les plus-values sont interdites) ou à une autre CIC.

2.         Nécessité de légiférer, options envisagées et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer et options envisagées

À la suite de la dernière crise financière, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les objectifs courts-termistes suivis par certains investisseurs et par certaines sociétés, accentuées par la multiplication des innovations financières. La santé de long terme du système économique supposerait au contraire que les sociétés et leurs actionnaires cessent de rendre prioritaire la recherche de profits rapides, au détriment d’enjeux plus fondamentaux, qu’ils soient sociaux ou environnementaux.

Cette analyse et cet objectif peuvent être aujourd’hui perçus comme faisant l’objet d’un relatif consensus au niveau de l’Union européenne : en effet, dans la directive 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires, le deuxième considérant indique que « La crise financière a révélé que, dans de nombreux cas, les actionnaires soutenaient une prise de risque à court terme excessive des gestionnaires. En outre, il apparaît clairement que, souvent, les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs ne suivent pas suffisamment les sociétés détenues et ne s’y engagent pas assez, et qu’ils sont trop centrés sur les rendements à court terme, ce qui peut conduire à une gouvernance d’entreprise et des performances sous-optimales. ».

De même, dans ses résolutions du 6 février 2013 portant, respectivement, sur la «Responsabilité sociale des entreprises: comportement responsable et transparent des entreprises et croissance durable» et sur la «Responsabilité sociale des entreprises: promouvoir les intérêts de la société et ouvrir la voie à une reprise durable et inclusive», le Parlement européen a reconnu l'importance, pour les entreprises, de communiquer des informations sur la durabilité, telles que des facteurs sociaux et environnementaux, afin de recenser les risques en matière de durabilité et d'accroître la confiance des investisseurs et des consommateurs. C’est ainsi que la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes indique, dans son troisième considérant, que « La communication d'informations non financières est en effet essentielle pour mener à bien la transition vers une économie mondiale durable, en associant la rentabilité à long terme à la justice sociale et à la protection de l'environnement. »

Le législateur français n’est pas resté à l’écart de ces préoccupations. Les défis soulevés par la crise économique et financière, la mondialisation, ou encore l'environnement ont conduit à l’adoption, ces dernières années, d’un nombre conséquent de dispositions relatives à l’encadrement de l’activité des sociétés : normes sociales et environnementales[393], normes sectorielles encadrant les activités financières, développement simultané des obligations de transparence liées à la responsabilité sociale et environnementale des entreprise (RSE) citées plus haut, auxquelles doit être ajoutée la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

Malgré ces évolutions et leur rythme soutenu, les attentes de la société civile vis-à-vis des entreprises apparaissent toujours en demande d’adaptation du droit et d’évolutions.

Dans ce cadre, le Gouvernement a chargé plusieurs binômes, composés chacun d’un parlementaire et d’une personnalité de la société civile, de mener des auditions autour de six thématiques. L’un d’entre eux, formé par Mme Agnès Touraine et M. Stanislas Guérini, chargé de la thématique du partage de la valeur et de l’engagement sociétal des entreprises, a ainsi proposé d’ « organiser un grand débat sur l'entreprise – incluant une proposition de modification du code civil – pour prendre en compte la diversité des modèles entrepreneuriaux ». Par une lettre du 11 janvier 2018, les Ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l'Économie et des Finances, ainsi que du Travail ont chargé Nicole Notat et Jean-Dominique Senard d’une mission sur l’entreprise et l’intérêt général afin de prolonger ces réflexions et de proposer des recommandations concrètes d’actions.

Le rapport définitif a été rendu public le 9 mars 2018. Les réflexions qui y sont développées, nourries par près de deux cents personnes auditionnées, reposent sur des constats concernant la vie des affaires contemporaine. L’économie européenne, qui se serait « illustrée par un caractère social et responsable », se trouverait opposée, dans « un contexte de financiarisation de l'économie et de court-termisme de certains investisseurs », avec le « capitalisme anglo-saxon, désintermédié et financiarisé, qui donne une place plus centrale au rôle du marché » (p. 3). En outre, le rapport indique que la composition du capital a changé et que l'actionnariat a évolué, notant ainsi que « la durée de détention moyenne des actions cotées à la Bourse de New York, hors trading à haute fréquence, attendrait même 11 mois » (p. 17). Cette évolution est, pour les auteurs du rapport, regrettable, parce qu’elle conduit à « un effet négatif du court-termisme des actionnaires sur les dépenses en R&D sur un échantillon de firmes européennes innovantes » (p. 19).

2.2.           Options envisagées

Définir l’intérêt social

Cette notion n’a jamais été définie par le législateur. Cette absence s’explique essentiellement par le fait que la pertinence de son application pratique repose sur sa grande souplesse, ce qui la rend rétive à tout enfermement dans des critères préétablis. Les éléments nécessaires pour déterminer si une décision serait ou non contraire à l’intérêt social dépendent en effet trop étroitement des caractéristiques, protéiformes et changeants, de l’activité et de l’environnement de chaque société. Afin de conserver cette souplesse, essentielle à son application, le projet d’article ne propose pas de définition rigide mais plutôt de consacrer la notion elle-même et d’en faire un impératif législatif de gestion. L’obligation proposée serait ainsi celle de gérer toute société « dans son intérêt social », ce qui consiste à entériner, dans le code civil, l’application qui est faite en jurisprudence.

Introduire la notion de « raison d’être »

Cette proposition a été faite par la recommandation n°11 du rapport Senard-Notat. La « raison d’être de l’entreprise constituée » ne fait certes référence à aucun élément connu en droit et n’est pas non plus définie dans l’écriture proposée par le rapport, ni dans la recommandation elle-même. D’après les explications du rapport, toutefois « la notion de raison d’être consiste à donner corps à la fiction juridique que représente l’entreprise. » ; les décisions de l’entreprise devraient ne pas être guidées par une seule « raison d’avoir » ; la raison d’être étant l’expression de ce qui est « indispensable pour remplir l’objet social ». (p. 49).

Les contours de la raison d’être seraient alors opportunément définis dans les statuts de la société, selon les spécificités de l’activité de celle-ci. L’écriture suivante a ainsi été retenue : « Les statuts peuvent préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité ».

Reconnaître dans la loi l’entreprise à mission

Cette proposition a été faite par la recommandation n°12 du rapport Senard-Notat. L’écriture d’un nouveau statut dans la loi a été écarté pour les raisons suivantes : (i) il n’aurait pas été normatif, dans le sens où les sociétés souhaitant poursuivre des objectifs sociaux ou environnementaux peuvent déjà le faire, comme le relève le rapport Senard-Notat ; (ii) le nombre de statuts de sociétés existant est déjà très nombreux en France ; (iii) la concurrence avec le cadre de l’ESS présenterait des risques de redondance ou d’illisibilité du paysage juridique ; (iv) il serait préférable d’organiser les conditions pour que la place s’empare de ce sujet et propose d’elle-même des statuts types ou des labels efficaces. C’est le processus choisi aux Etats Unis et dans de nombreux pays.

Le Gouvernement entend ainsi introduire dans la loi la notion nouvelle de « raison d’être » de la société, prévoyant que les statuts pourront la préciser.

2.3 Objectifs poursuivis

Le présent projet d’article souhaite apporter des éléments de réponse aux problématiques, vastes et complexes, posées par le lien entre les sociétés et leur environnement social et environnemental. Il propose pour cela des modifications législatives répondant à trois objectifs différents :

D’une part, ce projet d’article vise à consacrer la notion jurisprudentielle d’intérêt social, au sein de l’article 1833 du code civil. Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, cette notion est fréquemment utilisée par le juge dans le cadre de certains contentieux, sans toutefois toujours reposer sur une base législative expresse. Cette consécration affirmerait ainsi au niveau législatif un aspect fondamental de la gestion des sociétés : le fait que celles-ci ne sont pas gérées dans l’intérêt de personnes particulières mais dans leur intérêt autonome.

D’autre part, le projet d’article associe à cette reconnaissance de la notion d’intérêt social le principe d’une « prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux » de l’activité d’une société lors de sa gestion. Cet ajout permettrait de préciser que tout dirigeant devrait s’interroger sur ces enjeux et les considérer avec attention, dans l’intérêt de la société, à l’occasion de ses décisions de gestion. Si l’intérêt social correspond à l’horizon de gestion d’un dirigeant, la considération de ces enjeux apparait comme des moyens lui permettant d’estimer les conséquences sociales et environnementales de ses décisions. En d’autres termes, cet ajout indique qu’une décision de gestion, pour ne pas être contraire à l’intérêt social, doit s’être donné les moyens de considérer en amont les enjeux sociaux et environnementaux de l’activité sociale. Cette obligation de moyens ne présage pas de l’orientation ou du contenu de la décision de gestion. Elle n’est qu’une étape impérative de la réflexion menée.

Ce sont ces moyens et ces réflexions que seraient amenés à mettre en place les conseils d’administration et les directoires dans les sociétés anonymes et les gérants des sociétés en commandites par actions. Les modifications proposées au sein du code de commerce visent en effet à faire de ces organes les acteurs d’une politique de gestion prenant en considération ces enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de leur société, comme le demanderait le nouvel article 1833 du code civil. Les modifications proposées dans le code de commerce sont ainsi des précisions, adaptées aux sociétés connaissant une organisation complexe et abritant les activités et les enjeux les plus importants, permettant de saisir un organe en particulier de la tâche de réfléchir à ces enjeux.

Le champ « social et environnemental » doit être entendu comme le plus large possible et permettant de fixer tout objectif concernant les personnes (dans la société ou parties prenantes au sens large) ou la nature. C’est le sens qu’en donne la notion de responsabilité sociale et environnementale : ainsi, le rapport « RSE », tel que prévu par les articles L. 225-102-1 et R. 225-105 du code de commerce, comprend des informations sociales (emploi, santé et sécurité, relations sociales, formation, égalité de traitement), des informations environnementales (pollution, économie circulaire, changement climatique, protection de la biodiversité etc.) et des informations sociétales (développement durable, relations avec les sous-traitants et fournisseurs, sécurité des consommateurs etc.).

Enfin, par les modifications proposées à l’article 1835 du code civil, ce projet d’article inviterait les associés de toute société à s’interroger sur les dimensions sociales et environnementales que l’activité réalisée par leur société peut recouvrir, et aux objectifs d’amélioration qu’ils pourraient développer dans ce contexte. Dans le cadre de la définition de leur objet social, les associés pourraient ainsi préciser «  une raison d’être » dont leur société pourrait se doter. Cette raison d’être est le motif, la raison pour laquelle la société est constituée. Elle détermine le sens de la gestion de la société et en définit l’identité et la vocation. Par une affirmation solennelle, la société pourra ainsi définir dans ses statuts sa dimension pérenne et identitaire.

Certes non impérative, cette proposition de modification aurait cependant une double vocation normative :

  1. une vocation de clarification des pratiques observées dans certaines sociétés, qui se fixent déjà statutairement ce type d’objectifs, comme le rappelle le rapport de la mission « Senard Notat ». Cette clarification porterait sur le fait que les écritures statutaires qui y seraient liées s’inscrivent dans la réalisation de l’activité sociale, c’est-à-dire dans la réalisation de l’objet social, dont le régime juridique est précis et connu du droit des sociétés.
  2. une vocation d’apporter un « effet d’entrainement », en encourageant tous les fondateurs de sociétés à s’interroger, lors de la rédaction de leurs statuts, sur la raison d’être de leur société.

 

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.           Impacts juridiques

Consécration de l’intérêt social :

En ce qui concerne la modification visant à consacrer la notion jurisprudentielle d’intérêt social, au sein de l’article 1833 du code civil, l’impact juridique devrait être nul, puisqu’il ne s’agit que de reprendre explicitement une notion actuellement appliquée par la jurisprudence suivie dans ces matières. Le choix de respecter la même expression d’intérêt social témoigne de cet objectif. Prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux :

En ce qui concerne l’ajout, à l’article 1833 susmentionné, du principe d’une « prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux » de l’activité d’une société lors de sa gestion, précisé dans les modifications opérées dans le code de commerce, l’impact juridique devrait être limité : l’obligation d’une prise en considération correspond en effet à une obligation de moyens devant être observée à l’occasion des décisions de gestion. En tant que principe devant guider la gestion de la société, elle oblige le dirigeant à examiner en amont d’une décision de gestion donnée, les effets éventuels de celle-ci en matière sociale et environnementale. La substance de cette prise en considération n’est en outre pas précisée, ni dans la nature des actes à accomplir ni dans leurs modalités. De la même manière que l’intérêt social qu’elle sert, cette prise en considération devra naturellement être adaptée à chaque société, notamment en fonction de sa taille et de son activité.

Cette obligation de moyens ne présage pas de l’orientation ou du contenu de la décision de gestion. Elle n’est qu’une étape impérative de la réflexion menée.

Les nouvelles dispositions ne créent pas de nouveau régime de responsabilité délictuelle. Toute responsabilité, de la société comme de ses dirigeants, qui serait recherchée sur le fondement de l’absence de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux devrait s’inscrire dans l’une des hypothèses reconnues par le droit commun des sociétés (existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité).

Au regard des textes sur la responsabilité des dirigeants, la recherche d’une faute consistant en l’absence de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux pourrait en théorie s’appuyer sur trois hypothèses :

-          une violation des dispositions législatives ou réglementaires. L’obligation de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux résultant de la nouvelle rédaction de l’article 1833 du code civil et de ses corollaires dans le code de commerce, sa méconnaissance pourrait donc fonder une action en responsabilité à l’encontre du dirigeant ;

-          une violation des statuts. Certains enjeux sociaux et environnementaux pourraient – car la nouvelle rédaction ne l’interdit pas – être inscrits dans les statuts en tant que principes de gestion. Avec certains enjeux explicitement identifiés, toute méconnaissance de ces principes de gestion permettrait de caractériser une faute et donnerait potentiellement prise à une action en responsabilité ;

-          une faute commise dans la gestion. Le nouvel article 1833 impose de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans la gestion de la société (« la société est gérée […] en prenant en considération… »). Or la faute de gestion obéit à un régime bien circonscrit par la jurisprudence. Il s’agit de tout acte qui contrevient à l’intérêt de la société en tant que personne morale autonome. Cette règle ne devrait pas être remise en cause par la nouvelle rédaction qui consacre le principe selon lequel la gestion doit se faire dans « l’intérêt social ». La prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux pourrait être analysée comme principe de bonne gestion. Cela ne revient toutefois pas à élargir l’intérêt social pour y inclure des intérêts d’autres parties prenantes extérieures à la société, qui peuvent trouver un avantage à ce que la société  poursuive des objectifs d’ordre social et environnemental distincts de la recherche du profit. Il importe de souligner à cet égard que la rédaction de l’article 1833 est à même de résoudre une difficulté résultant d’une éventuelle contradiction entre l’intérêt social et certains enjeux sociaux et environnementaux. Pour tout acte de gestion, elle affirme en effet la primauté du respect de l’intérêt social ; les enjeux sociaux et environnementaux doivent quant à eux seulement être « pris en considération ». L’article 1833 dans cette nouvelle rédaction ne devrait pas être lu comme autorisant le dirigeant à se fonder sur des considérations d’ordre social ou environnemental pour prendre une décision contraire à l’intérêt social.

Modification du code de commerce :

En ce qui concerne les conseils d’administration, directoire ou gérant de SCA, l’obligation nouvelle est bien la reprise de cette obligation de moyens. Les modifications proposées au sein du code de commerce visent en effet à faire de ces organes les acteurs d’une politique de gestion prenant en considération ces enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de leur société. Les modifications proposées dans le code de commerce sont ainsi des précisions, adaptées aux sociétés connaissant une organisation complexe et abritant les activités et les enjeux les plus importants, permettant de saisir un organe en particulier de la tâche de réfléchir à ces enjeux. Il n’a pas été jugé approprié de préciser l’organe chargé de la prise en compte de ces enjeux dans les SAS, compte tenu du caractère très hétérogène de leurs organisations.

Raison d’être :

La raison d’être doit être bien distinguée tant de l’objet social que de l’intérêt social :

-          raison d’être et objet social. L’objet social définit le champ des actes possibles de la société, conformément au principe de spécialité des personnes morales. Il s’agit en quelque sorte de la nature de l’activité que la société déploie pour partager un bénéfice ou profiter d’une économie. Au sens du second alinéa de l’article 1835, la « raison d’être » ne définit pas un champ d’actes possibles mais décrit un « amer » vers lequel l’activité de la société devrait tendre. Il  s’agit en ce sens non pas de la nature de l’activité de la société, mais d’une ambition que les fondateurs de la société proposent de poursuivre.

 

-          raison d’être et intérêt social. L’intérêt social est l’intérêt de la société, en tant que personne morale, dans ses aspects patrimoniaux. Il correspond à l’intérêt pour la société à avoir une viabilité économique, du moins à conserver une aptitude pérenne à fonctionner normalement et à ne pas faire faillite. C’est ainsi que la jurisprudence l’emploie comme critère pour apprécier divers mécanismes en droit des sociétés : nomination d’un administrateur provisoire, responsabilité du dirigeant pour faute de gestion, justes motifs de la révocation d’un dirigeant, etc.. Tandis que l’intérêt social est une composante essentielle de la société, la raison d’être en est une composante facultative. Si l’intérêt social est l’intérêt principal de la société, la raison d’être en est l’intérêt accessoire, éventuellement non patrimonial, qui ne contredit pas l’intérêt social mais que l’activité de la société doit contribuer à satisfaire.

Les conséquences du non-respect de la « raison d’être » se situent en premier lieu dans les relations entre le dirigeant et les associés. Etant inscrite dans les statuts, la raison d’être émane de la volonté de ceux-ci et la méconnaissance de la « raison d’être » devrait aboutir à une décision de sanction émanant des associés. Les associés pourraient décider de sanctionner le dirigeant qui ne respectant pas la raison d’être de la société, ne respecterait donc pas ses statuts. La sanction des violations les plus graves pourrait consister en sa révocation.

Les conséquences sur la responsabilité de la société et du dirigeant sont, comme pour la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux, difficiles à anticiper. Si une raison d’être est inscrite dans les statuts, elle acquerra une visibilité qui pourra servir de fondement à ceux qui voudraient contester certains aspects de l’activité de la société, voire rechercher une faute du dirigeant. A cet égard, il pourra être soutenu qu’une méconnaissance de la raison d’être définie dans les statuts serait une « violation des statuts » et pourrait constituer un cas de responsabilité du dirigeant reconnu par la loi. Les conséquences sur la responsabilité civile de la société et du dirigeant ne sont donc pas à exclure et dépendront notamment de l’appréciation qui sera faite par les juges du fond de l’existence de la faute et du lien de causalité entre celle-ci et le préjudice allégué.

3.2.           Impacts économiques et financiers

Cet article s’appliquera à l’ensemble des sociétés de droit français : sociétés civiles et sociétés commerciales

Aux côtés de la société civile de droit commun, figurent notamment la société civile de professionnelle (SCP) et la société civile immobilière (SCI). Il existe de nombreuses autres formes particulières de sociétés civiles nécessaires à l’exercice de certaines activités dans les domaines de l’agriculture (groupements forestiers, groupements fonciers agricoles, exploitations agricoles à responsabilité limitée…), de l’immobilier (société civile de construction-vente, société civile de placement immobilier…) ou des professions libérales de santé (société interprofessionnelle de soins ambulatoires…)

Les sociétés commerciales présentent plusieurs modèles: la société en nom collectif (SNC), la société en commandite simple (SCS), la société à responsabilité limitée (SARL ou EURL lorsqu’elle ne comporte qu’un associé), la société anonyme (SA) qui peut être de type moniste (SA à conseil d’administration) ou dualiste (SA à directoire et conseil de surveillance), la société par actions simplifiée (SAS ou SASU lorsqu’elle ne comporte qu’un associé), la société en commandite par actions (SCS). On distingue au sein de ces différents modèles deux catégories de sociétés : les sociétés par actions [SA, SCA, SAS et les Sociétés européennes (qui sont le fruit de la transformation d’une SA] et les sociétés dont le capital est composé de parts sociales (SARL, SNC, SCS).

Le tableau suivant fournit quelques indications sur le nombre de sociétés impactées par la modification envisagée

Nombre et principales caractéristiques des sociétés françaises par forme juridique[394]

Type de société

Principales caractéristiques

Nombre

Les sociétés à risques illimités[395]

La société en nom collectif (SNC)

Société commerciale par la forme, caractérisée par un très fort intuitus personae, ses « associés en nom » sont commerçants par la loi et sont tenus au passif de la société, avec solidarité.

58 697

Les sociétés civiles

L'obligation des associés aux dettes n'est ici pas solidaire, mais seulement conjointe. La réglementation générale de la société civile est complétée par de très nombreuses lois spéciales[396].

2 036 280

Les sociétés à risques limités

La société à responsabilité limitée (SARL ou EURL)

Dans cette société commerciale règne un certain intuitus personae. Les parts sociales, à la différence des actions, ne sont pas des titres négociables.

1 459 825

Les sociétés par actions

La société anonyme (SA).

Dans cette société, les associés sont actionnaires et propriétaires d'actions. Peut coter ses titres sur les marchés de capitaux.

28 142

La société par actions simplifiée (SAS ou SASU).

Cette société emprunte une large partie de ses règles à la SA, dont une partie a été simplifiée ou supprimée. En contrepartie, ses titres ne peuvent être cotés.

681 105

La société européenne (SE).

Elle comporte de nombreux emprunts à la SA et quelques-uns à la SAS et à la SARL.

< 50

Mixité par le recours à deux types de risques dans la même société

La société en commandite par actions (SCA)

Les associés commandités sont assimilés à des associés en nom et reçoivent dans la société un pouvoir très important (ils se réservent la gestion). Les associés commanditaires sont actionnaires, et ne courent qu'un risque limité à leur apport. Ils ne doivent pas s'immiscer dans la gestion de la société et ne font qu’élire un conseil de surveillance.

465

La société en commandite simple (SCS)

Les associés commandités ont le même rôle que dans les SCA, et les associés commanditaires sont ici porteurs de parts.

911

La société en participation (SEP).

Cette société est un simple contrat répondant à la définition de la société et n'est pas immatriculée au RCS (privée de personnalité juridique).

Inconnu

Mixité par la forme : les sociétés coopératives

Les coopératives

La plupart des coopératives doivent choisir la forme d'une société commerciale (fréquemment la SA) ou d'une société civile. D'autres coopératives, comme les coopératives agricoles, constituent en revanche des formes sociales autonomes.

22 101

3.3.           Impacts sociaux

Aucun impact direct sur les personnes en situation de handicap, sur l’égalité entre les femmes et les hommes sur la jeunesse n’est prévu, hormis les effets bénéfiques que pourraient avoir une gestion respectueuse d’objectifs sociaux dans la réalisation de l’activité des sociétés.

3.4.            Impacts environnementaux

L’impact environnemental est anticipé comme positif dans l’ensemble, au travers d’un meilleur respect des enjeux environnementaux lors de la prise de décision de gestion dans les sociétés, et par la fixation anticipée d’objectifs environnementaux.

 


Article 62 relatif aux administrateurs salariés

1.         État des lieux

1.1.       Cadre général

En application des articles L. 225-27-1 et L. 225-79-2 du code de commerce, les sociétés anonymes (SA) et sociétés en commandite par actions (SCA) qui, avec leurs filiales directes ou indirectes, emploient à la clôture de deux exercices consécutifs au moins 1 000 salariés en France ou au moins 5 000 au niveau mondial, doivent désigner un ou deux administrateurs salariés pour siéger au conseil d’administration (CA) ou de surveillance.

Le conseil d’administration est un organe collégial de gestion de la société, ce qui signifie que ses membres n’ont pas de pouvoir individuel. Ses missions découlent de la loi et du code de gouvernement d’entreprise Afep-Medef. Les articles L. 225-35 et suivants du code de commerce disposent que : « Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre. Sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent ».

En exerçant ces prérogatives, le conseil d’administration remplit une quadruple mission : il définit la stratégie de la société ; choisit le mode d’organisation de la société, présidence dissociée ou non, et nomme soit le président-directeur général, soit le président et le directeur général ; il contrôle la direction générale en s’assurant que ses choix stratégiques sont bien mis en œuvre ; il veille à la qualité de l’information fournie aux actionnaires et aux marchés à travers l’établissement des comptes annuels ou à l’occasion d’opérations importantes. De plus, en application de l’article L 225-38 du Code de commerce, le conseil d’administration remplit une mission de prévention des conflits d’intérêts en intervenant dans la procédure des conventions réglementées. Par ailleurs, l’article 2.1. du Code Afep-Medef dispose que le conseil d’administration doit aussi définir la politique de communication financière de la société, il veille à ce que les investisseurs reçoivent une information pertinente sur la stratégie, le modèle de développement et les perspectives à long terme de l’entreprise.

Le dispositif de représentation des salariés dans les organes d’administration existe en France de longue date.

L’ancien comité d’entreprise (devenu comité social et économique) a bénéficié, dès la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 relative au développement des institutions représentatives du personnel (dite « loi Auroux »), d’une représentation obligatoire au conseil d’administration ou de surveillance. Une délégation du comité d'entreprise assiste, avec voix consultative, à toutes les séances du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (CS) selon le cas (article L. 2323-62 du code du travail), dans toutes les SA, SCA, ou toute société dotée statutairement d’un tel organe. Les représentants délégués ont le droit, dans l’exercice de leur mission, d’accéder aux mêmes documents que ceux adressés ou remis aux membres de ces instances. S’ils ne participent pas au vote, ils peuvent prendre la parole et exprimer un avis sur tout sujet évoqué. Ils peuvent également soumettre les vœux du comité au conseil d'administration ou de surveillance, lequel doit donner un avis motivé sur ces vœux (article L. 2323-63, al. 2 du code du travail).

La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a pour la première fois ouvert la possibilité de désigner des administrateurs représentants les salariés dans les organes d’administration avec voix délibérative (article L. 225-27 du code de commerce). Le nombre de ces administrateurs ne peut être supérieur à quatre dans les sociétés cotées et à cinq dans les sociétés non cotées, ni excéder le tiers du nombre des autres administrateurs. Il convient de noter que la représentation des actionnaires salariés dans les organes dirigeants des sociétés est également prévue dans le droit. En effet, la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 relative à l'épargne salariale a rendu obligatoire la présence de représentants des salariés actionnaires au sein des organes de gestion des sociétés cotées à la condition que l’ensemble des salariés détiennent plus de 3 % du capital de la société (article L. 225-23 du code de commerce pour les sociétés monistes et L. 223-71 pour les sociétés duales).

Le dispositif de représentation obligatoire des salariés non actionnaires dans les organes d’administration et de surveillance des sociétés a été créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi afin d’associer et informer les salariés à propos de la stratégie de l'entreprise, en prévoyant la participation aux conseils d'administration (ou de surveillance) des grandes entreprises de représentants des salariés avec voix délibérative, conformément à l'article 13 de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013. Il s’inspire d’un rapport remis au Premier ministre par le commissaire à l'investissement d’alors Louis Gallois (Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, novembre 2012). Ancien président d’EADS et de la SNCF, M. Gallois avait présenté 22 mesures pour améliorer la compétitivité de l'industrie française. Pour « créer ce choc de compétitivité », il proposait notamment d’introduire dans les conseils d’administration ou de surveillance des grandes entreprises des représentants des salariés, sans dépasser le tiers des membres, avec voix délibérative, y compris dans les comités des conseils.

Le dispositif a été renforcé par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi dite « loi Rebsamen », dont le but était entre autres d’accorder de nouveaux droits aux représentants des salariés et d’améliorer la reconnaissance et la qualité de leurs parcours.

Cette loi prévoit, concernant les administrateurs salariés, une désignation obligatoire dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger.

Le dispositif prévoit des exemptions. Sauf lorsqu'elle est soumise à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise, une société dont l'activité principale est d'acquérir et de gérer des filiales et des participations peut ne pas prévoir la désignation d’administrateurs salariés si elle détient une ou plusieurs filiales remplissant les conditions et appliquant l'obligation. En outre, une société n'est pas soumise à l'obligation dès lors qu'elle est la filiale, directe ou indirecte, d'une société elle-même soumise à cette obligation.

Le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux dans les sociétés dont le nombre d'administrateurs est supérieur à douze et au moins à un s'il est égal ou inférieur à douze. Les administrateurs représentant les salariés ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre minimal et du nombre maximal d'administrateurs prévus à l'article L. 225-17 du code de commerce, ni pour l'application du premier alinéa de l'article L. 225-18-1 du code de commerce sur la parité femmes/hommes dans les conseils d’administration.

Les administrateurs représentant les salariés peuvent être désignés selon l'une des modalités suivantes :

Tout salarié peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte au conseil d'administration de convoquer une assemblée générale extraordinaire et de soumettre à celle-ci les projets de résolution tendant à la désignation des administrateurs salariés si la société ne respecte pas ses obligations légales.

La loi Rebsamen visait également à apporter aux administrateurs salariés les garanties pour exercer leur mandat dans les meilleures conditions. Les administrateurs des salariés peuvent bénéficier d’une formation d’au moins 20 heures adaptée à l'exercice de leur mandat, à la charge de la société, en application de l’article L. 225-30-2 du code de commerce. Ils disposent également du temps nécessaire à la préparation des réunions du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, fixé à 15 heures en application de l’article
L. 225-30-1 du code précité.

La loi du 17 août 2015 précitée avait prévu une entrée en vigueur différée des dispositions relatives à l'élection ou la désignation des représentants des salariés[397]. L'assemblée générale portant les modifications statutaires nécessaires à l'élection ou la désignation des représentants des salariés devait intervenir :

-          pour les sociétés qui emploient avec leurs filiales au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 au niveau mondial, au plus tard six mois après la clôture de l'exercice 2016 ;

-          pour les sociétés qui emploient avec leurs filiales au moins 1 000 salariés en France ou au moins 5 000 au niveau mondial, au plus tard six mois après la clôture de l'exercice 2017.

Quant aux sociétés qui n'étaient pas soumises à l'obligation de représentation des salariés au sein du conseil avant la loi 2015-994 et y sont désormais soumises, et dont l'une des filiales était elle-même soumise à l'obligation de représentation des salariés dans leur conseil avant la loi 2015-994, elles ne devront désigner des représentants des salariés dans leur conseil qu'à l'expiration des mandats des représentants des salariés dans les conseils de leurs filiales[398]. Elles doivent donc réunir leur assemblée générale extraordinaire avant cette date. Plusieurs holdings n’appliquent donc pas encore les nouvelles dispositions.

L’estimation du nombre de sociétés entrant dans le champ du dispositif résultant de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi est délicate car les données de l’INSEE accessibles portent sur l’exercice 2014 et ne permettent pas de recueillir le nombre de salariés des groupes au niveau mondial. Les données fournies ci-dessous portent donc sur les seuls effectifs consolidés employés en France des groupes français entrant dans le champ de la loi. Le chiffrage fourni doit donc être considéré comme un minorant, à structure des groupes inchangée depuis 2014. On dénombrait ainsi, en 2014, a minima, 916 groupes employant plus de 1 000 personnes en France[399] (représentant 5,8 M€ d’employés), dont 174 groupes employant plus de 5 000 personnes en France (représentant 4,2 M€) à qui les dispositions de la loi relative au dialogue social et à l’emploi s’appliquent dès l’exercice 2016.

Aucun bilan d’application des dispositions relatives à l’administrateur salarié dans la loi Rebsamen n’a à ce jour été publié ; en effet, ces dispositions ne sont pas encore intégralement entrées en vigueur.

1.2.       Éléments de droit comparé

1.2.1         Trois modèles stylisés de représentation : l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

 

La codétermination allemande : une forte représentation dans l’organisation interne et la gouvernance de l’entreprise

Le principe de codétermination (Mitbestimmung) fonde la participation des salariés aux décisions des entreprises. Le droit allemand distingue i/ la codétermination relative aux conditions de travail au sein de l’entreprise (betriebliche Mitbestimmung) de ii / la codétermination à la gouvernance de l’entreprise via la représentation au conseil de surveillance (Unternehmensmitbestimmung).

  1. Les modalités de représentation des salariés dans l’organisation interne de l’entreprise (betriebliche Mitbestimmung)

Le conseil d’établissement (Betriebsrat, équivalent allemand du comité d’entreprise) exprime les intérêts des salariés dans l'entreprise. Ce conseil peut être mis en place dans chaque établissement d'au moins cinq salariés, ses membres étant élus par les salariés. La loi[400] énumère les compétences de cet organe. Ces droits vont de l'obligation d'information jusqu’à la codétermination à proprement parler. Le Betriebsrat est ainsi consulté en matière de licenciement, il émet des avis conformes en matière de recrutement ou de mutations professionnelles et il dispose d’un droit de codétermination, qui peut se traduire dans les faits par un droit d’initiative ou de veto, sur tout projet intéressant l'organisation de l’ensemble de l'établissement (temps de travail, plans sociaux, politique salariale, etc.) Plus largement, il appartient au conseil d’établissement de faire à l’employeur toutes les propositions qu’il juge utile tant dans l’intérêt de l’entreprise que dans celui des salariés.

  1. Les modalités de représentation dans les organes de gouvernance de l’entreprise (Unternehmensmitbestimmung)

La codétermination de la gouvernance des entreprises est obligatoire, sous conditions de seuils, dans les sociétés anonymes (SA) et les sociétés à responsabilité limitée (SARL). Les salariés sont représentés au conseil de surveillance (Aufsichtsrat)[401] :

Le conseil de surveillance a deux principales fonctions : i/ le suivi général de la gestion de l’entreprise par le directoire ; et, ii/ la nomination et la révocation des membres du directoire de l’entreprise. Les représentants des salariés doivent majoritairement être eux-mêmes des salariés de l’entreprise mais certains d’entre eux peuvent être extérieurs à l’entreprise (ce sont généralement des responsables syndicaux). Le président et le vice-président du conseil de surveillance sont élus par les membres du conseil de surveillance, à la majorité qualifiée des deux tiers. À défaut d’une telle majorité, les représentants des actionnaires élisent le président et les représentants des employés élisent le vice-président. En cas d’égalité, le vote du président en exercice du conseil de surveillance est prépondérant.

La voie intermédiaire néerlandaise : une forte représentation dans la vie interne de l’entreprise mais une faible implication dans la gouvernance

  1. Les modalités de représentation des salariés dans l’organisation interne de l’entreprise

Le comité d’entreprise[402] est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 employés. Ce seuil est abaissé à 35 dans certains accords collectifs de branche. Le comité d’entreprise permet aux employés de participer à la gestion de l’entreprise. Il intervient dans la prise de décisions relatives à l’organisation du travail ainsi que des décisions ayant des conséquences économiques, fiscales et organisationnelles pour l’entreprise, selon quatre niveaux de prérogatives : droit d’information ; droit d’avis ; droit d’approbation ; et, droit d’initiative. En outre, le respect des règles en matière sociale applicables aux entreprises est garanti dans la loi par les commissions d’entreprise, organes paritaires publics, mises en place par le Conseil économique et social, qui jouent le rôle d’intermédiaire et de conseil entre employeurs et employés. En cas de désaccord, elles servent d’antichambre à la procédure devant le juge de première instance. Le comité d’entreprise se compose exclusivement de salariés, élus par l’ensemble du personnel. Le comité élit son président et établit ses propres règles de procédure, sur lesquelles la direction doit avoir la possibilité de faire des observations. Ces règles doivent également être approuvées au niveau de la branche. Le mandat des membres est généralement de 3 ans, mais peut être réduit à 2 ans ou étendu à 4 ans selon les règles propres du comité.

 

  1. Les modalités de représentation des salariés dans l’organisation interne de l’entreprise

Le droit néerlandais prévoit également la participation des salariés aux organes de gouvernance de l’entreprise, mais de façon indirecte. Il est en effet interdit à un salarié ou un représentant d’un syndicat de siéger à un conseil de surveillance ou un conseil d’administration. Les administrateurs sont nommés par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition du conseil de surveillance ou du conseil d’administration. Un droit spécifique existe toutefois pour le comité d’entreprise des entreprises de plus de 100 salariés : le comité a en effet le droit de présenter des candidats pour 1/3 des sièges au conseil de surveillance ou d’administration. Dans la pratique, ce droit est loin d’être systématiquement utilisé. En outre, depuis juillet 2010, les comités d’entreprise des NV (sociétés anonymes cotées) peuvent faire entendre leurs positions sur certaines questions à l’assemblée générale : validation du conseil de surveillance ou d’administration, changements majeurs de l’identité de l’entreprise, politique de rémunération. Les actionnaires ne sont pas tenus de tenir compte de ces recommandations.

L’exception britannique : une faible représentation dans la vie interne et la gouvernance de l’entreprise

La participation des employés à la gouvernance des entreprises est profondément différente dans le système britannique, dont le cadre légal sur la représentation salariale et sur les syndicats est minimal. Moins d’un tiers des employés au Royaume-Uni sont couverts par un accord de concertation collective avec leur employeur (un peu plus de 60 % dans le secteur public, qui favorise les accords de branches, contre seulement 15 % dans le secteur privé, où les accords d’entreprises prédominent). Les accords de branche ne sont par ailleurs pas juridiquement contraignants pour les employeurs.

La loi britannique n’oblige pas les employeurs à mettre en place au sein de l’entreprise des organes de représentation des salariés, que ce soit pour les organes de gouvernance, des organes de négociations ou des instances liées aux conditions de travail. Il n’existe pas non plus de structure commune de représentation.

Les syndicats demeurent le principal moyen de représentation des salariés. Toutefois, ils ne peuvent légalement requérir de l’employeur des pouvoirs de représentation, d’information et de négociations que si le syndicat représente une part significative du nombre d’employés. L’Employment Relations Act (ERA) de 1999, qui s’applique aux entreprises d’au moins 21 employés, introduit l’obligation légale pour l’employeur de reconnaître un syndicat si 10 % des employés sont membres et une majorité de l’ensemble des employés soutient l’octroi au syndicat de pouvoirs de négociations. Il s’agit de l’unique obligation légale faite pour la négociation des salaires, heures et conditions de travail avec les salariés. Plus que d’imposer la représentation des salariés dans les organes de décisions les concernant, la loi cherchait à inciter la mise en place volontaire de ces structures de concertation par les employeurs.

Dans les faits, la procédure juridique n’est que peu employée et les employeurs reconnaissent les syndicats et mettent en place des organes de concertation en fonction de la force de représentation (et donc de blocage) des syndicats en présence.

1.2.2         La représentation des salariés dans la gouvernance des entreprises en Europe

Comme le montre le tableau ci-dessous, trois groupes d’États doivent être distingués :

-         les États prévoyant une représentation des salariés dans les sociétés publiques et privées ;

-         les États prévoyant une représentation des salariés dans les sociétés publiques et les sociétés récemment privatisées ;

-         les États qui ne prévoient aucune obligation de représentation.

Par ailleurs, les cadres juridiques existants en Europe sont très hétérogènes. Ils se distinguent suivant les seuils applicables aux sociétés visées, le nombre de représentants salariés autorisé et le mécanisme de désignation.

 

Représentation des salariés dans les organes d’administration ou de surveillance (2015)

Droit de représentation reconnu dans les sociétés publiques et privées

Droit de représentation limité aux seules sociétés publiques ou récemment privatisées)

Aucun droit reconnu

Autriche, Croatie, Allemagne, Danemark, Finlande, France, Hongrie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Suède, Slovénie, Slovaquie

République tchèque, Espagne, Grèce, Irlande, Pologne, Portugal

Belgique, Bulgarie, Chypre, Estonie, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Malte, Roumanie, Royaume-Uni[403]

Source : Aline Conchon, La voix des travailleurs dans la gouvernance d’entreprise : une perspective européenne, 2015.

2.           Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.       Nécessité de légiférer

Cette disposition donne suite à une des recommandations du rapport présenté par Mme Nicole Notat et M. Jean-Dominique Senard, avec le concours de Jean-Baptiste Barfety (inspecteur des affaires sociales) intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » et remis le 9 mars 2018 au ministre de l’économie et des finances, à la ministre de la justice, à la ministre du travail et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Les auteurs de ce rapport observent que :

2.2.       Objectifs poursuivis

La disposition envisagée vise à renforcer le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés de plus de 1 000 salariés en France ou 5 000 salariés en France et à l’étranger. Le nombre d’administrateurs salariés au sein du conseil serait porté à deux à partir de 8 administrateurs non-salariés, alors que la loi ne prévoit actuellement la présence de deux administrateurs salariés que lorsqu’il y a plus de douze administrateurs non-salariés.

3.           Options possibles et dispositif retenu

3.1.       Options envisagées

Les options envisagées dans le rapport cité ci-dessus sont les suivantes :

Option 1 : Renforcer le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance de plus de 1000 salariés à partir de 2019, à deux salariés à partir de 8 administrateurs non salariés et trois salariés à partir de 13 administrateurs non-salariés.

Option 2 : étendre l’obligation de désignation obligatoire des administrateurs salariés dans les mutuelles et les grandes entreprises dans la forme de société par actions simplifiée.

Option 3 : étendre l’obligation de désignation obligatoire des administrateurs salariés aux sociétés de 500 salariés après évaluation de l’impact de la désignation obligatoire des administrateurs salariés.

3.2.       Option retenue

L’option retenue vise à imposer deux administrateurs salariés au sein du conseil dès huit administrateurs non-salariés et à imposer la désignation obligatoire d’administrateurs salariés dans les mutuelles, avec voix délibérative.

Le nouvel article du code de la mutualité disposerait que, dans les mutuelles, unions et fédérations employant, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents, les statuts prévoient que le conseil d’administration comprend des représentants des salariés, qui assistent avec voix délibérative aux séances du conseil d’administration. Le nombre de ces représentants est au moins égal à deux.

4.           Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.       Impacts juridiques

La disposition envisagée nécessite la modification des articles L. 225-27-1 et L. 225-79-2 du code de commerce et la création d’un nouvel article L. 114-16-2 dans le code de la mutualité.

4.2.       Impacts économiques et financiers

Les sociétés, dont le conseil d’administration est composé de 8 à 12 administrateurs non-salariés, devront modifier leurs statuts pour prévoir l’élection ou la désignation d’un administrateur salarié supplémentaire.

D’après le rapport Senard-Notat, des travaux mettent en avant le rôle que peut jouer une plus grande représentation des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance (Beffa JL., Clerc C., Les chances d'une codétermination à la française, La Fondation et le Centre Cournot, Prisme N°26. Janvier 2013 ; Schmite V., Valiergue M., Victoria P., Entreprises engagées. Comment réconcilier l’entreprise et les citoyens, Fondation Jean Jaurès, février 2018. ). La présence de salariés permettrait de tempérer le court-termisme et la tendance à la financiarisation, elle fournirait une compréhension concrète de l’entreprise de l’intérieur, une mémoire des projets passés et une plus grande connaissance des métiers exercés dans l’entreprise.

Il n’existe pas à ce jour de position établie de la recherche académique scientifique à propos de l’impact des administrateurs salariés sur la performance des entreprises. Il convient tout d’abord de signaler la relative rareté de la recherche en la matière, le monde anglo-saxon, grand pourvoyeur d’articles en matière d’impact économique de la gouvernance d’entreprise, ne connaissant pas ce phénomène tandis que la recherche académique allemande s’attache principalement à étudier la codétermination au sens national, principe proprement allemand.

Le rapport Senard-Notat cite néanmoins une étude anglo-saxonne mettant en lumière l’impact positif de la codétermination sur l’innovation, en mesurant le nombre de brevets déposes, avant et après la réforme allemande de 1976 (Kornelius Kraft, Jorg Stank & Ralf Dewenter, "Co-determination and innovation", Cambridge Journal of Economics, 35(1), january 2011, pp.145-172).

Trois autres études menées par des économistes allemands se sont intéressés à cette question :

 

 

4.3.       Impacts sur les services administratifs

Tout salarié pourrait demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte au conseil d'administration de convoquer une assemblée générale extraordinaire et de soumettre à celle-ci les projets de résolution tendant à la désignation des administrateurs salariés si la société ne respecte pas ses obligations légales.

4.4.       Impacts sociaux

Cette mesure devrait renforcer l’implication des salariés dans l’administration des sociétés anonymes et les sociétés en commandite par action.

5.           Consultations et modalités d’application

5.1.       Consultations menées

Consultations menées dans le cadre de la mission Senard-Notat.

5.2.       Modalités d’application

5.2.1     Application dans le temps

Le rapport Senard-Notat proposait que cette modification entre en vigueur en 2019. Compte tenu de la nécessité pour les entreprises de modifier leurs statuts pour donner un plein effet à cette nouvelle disposition, il est proposé que l'entrée en fonction des administrateurs salariés intervienne six mois après l’assemblée générale approuvant les comptes de 2018, soit au plus tard le 31 décembre 2019.

Les dispositions relatives aux administrateurs salariés dans les mutuelles entreraient en vigueur à compter du 1er janvier 2022.

5.2.2     Application dans l’espace

La disposition envisagée serait applicable sur le territoire national.


Chapitre IV : Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, dispositions transitoires et finales

Article 63 relatif à la transposition de la directive 2014/55/UE facturation électronique

1.         État des lieux

L’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014, prise en application du 2° de l’article 1er de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, et le décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016, textes qui seront codifiés dans le futur code de la commande publique, ont défini les règles relatives à la facturation électronique dans le cadre de l’exécution des contrats de la commande publique passés par l’État, les collectivités locales et les établissements publics. Depuis le 1er janvier 2017, l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics, d’une part, et, progressivement, les entreprises[404] et leurs sous-traitants admis au paiement direct, titulaires de contrats de la commande publique, d’autre part, utilisent ce dispositif national de facturation électronique dans la commande publique.

En 2017, première année d’application du dispositif issu de l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014, plus de dix millions de factures ont été transmises à l’Etat, aux collectivités locales ainsi qu’aux établissements publics par l’intermédiaire de la plateforme Chorus Pro. Cette plateforme, gérée par l’Agence pour l’Informatique Financière de l’Etat (AIFE) relie aujourd’hui 150 000 entités publiques (services de l’Etat, collectivités territoriales, établissements publics nationaux et locaux) et plus de 80 000 fournisseurs (dont 80 % sont des petites et moyennes entreprises - PME).

D’ici 2020, ce seront près de 100 millions de factures qui devraient être traitées par Chorus Pro, en provenance d’un million d’entreprises[405].

Les entreprises titulaires de contrats de la commande publique[406] ainsi que les acheteurs et autorités concédantes concernés seront ainsi libérés de tâches de traitement manuel à faible valeur ajoutée représentant un coût significatif (impression des factures, mise sous plis, affranchissement, tri). En 2014, ces gains avaient été estimés à près de 710 M€ (335 M€ pour les entreprises, 83 M€ pour les collectivités territoriales et 114 M€ pour les services de l’Etat)[407].

Adoptée le 26 juin 2014, la directive 2014/55/UE relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics fait suite au constat selon lequel l’existence de normes de facturation électronique multiples, résultant du défaut de coordination dans le développement de la facturation électronique dans les États membres de l’Union européenne, décourageait les opérateurs économiques à participer à des marchés transfrontaliers et constituait ainsi un frein au libre accès des entreprises à la commande publique dans le cadre du marché unique[408]. C’est pour limiter ces effets que cette directive assure l’interopérabilité des dispositifs de facturation électronique en imposant à tous les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices de recevoir des factures électroniques répondant à une norme européenne[409].

.

 

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

S’agissant d’une directive, la France est dans l’obligation de prendre les dispositions législatives et réglementaires permettant d’assurer sa transposition. En l’espèce, les Etats membres doivent prendre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/55/UE du 26 avril 2014 relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics au plus tard le 27 novembre 2018[410]. Il en va notamment ainsi pour la définition des éléments essentiels d’une facture électronique[411]. En revanche, en ce qui concerne l’obligation de recevoir et de traiter les factures électroniques prévue par l’article 7 de la directive, le délai de transposition est fixé au plus tard au 17 avril 2019 (dix-huit mois à compter de la publication, le 17 octobre 2017, de la référence de la norme européenne sur la facturation électronique au Journal officiel de l’Union européenne[412]).

La transposition de la directive facturation électronique, en ce qu’elle implique d’une part, l’obligation de recevoir des factures électroniques dans un format européen notamment à la charge des collectivités territoriales et d’acheteurs non public et d’autre part, de moderniser et simplifier, en conséquence, le dispositif national issu de l’ordonnance du 26 juin 2014, nécessite l’intervention du législateur.

2.2.           Objectifs poursuivis

La transposition de la directive du 16 avril 2014 devrait permettre de compléter le dispositif national de facturation électronique et d’en accroître les effets à travers d’une part, la mise en place de la norme européenne sur la facturation électronique publiée au journal officiel de l’Union européenne le 17 octobre 2017[413] et d’autre part, l’obligation pour l’ensemble des acheteurs et autorités concédantes d’accepter les factures électroniques conformes à cette norme.

Pour les entreprises, l’introduction d’une norme européenne de facture électronique doit permettre de simplifier l’exécution des contrats de la commande publique. Elle contribuera par ailleurs à améliorer leur trésorerie en sécurisant les délais de paiement en limitant les relances et les litiges liés lesquels peuvent notamment être générés par des formats distincts.

La circonstance que l’ensemble des acheteurs et autorités concédantes aient l’obligation d’accepter la facture électronique et plus certains acheteurs du secteur public simplifiera l'exécution de l’ensemble des contrats de la commande publique.

Par ailleurs, la mise en place d’un format européen de facture permettra aux entreprises françaises d’accéder plus facilement aux marchés publics étrangers.

 

3.         Option possible et dispositif retenu

Eu égard, d’une part, aux considérations techniques et, d’autre part, à la nécessité de pouvoir intégrer, pour plus de lisibilité et de simplicité, les dispositions envisagées par le projet de loi dans le futur code de la commande publique qui devrait être publié en décembre 2018, le Gouvernement a jugé nécessaire de procéder par voie d’ordonnance dans un délai compatible avec l’échéance de transposition.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises sur le fondement du projet de loi d’habilitation.

Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.

5.   Justification du délai d’habilitation

Compte tenu de la technicité des dispositions législatives devant être modifiées lesquelles devront pouvoir être intégrées au futur code de la commande publique, un délai de six mois est prévu pour prendre l’ordonnance puis, à compter de sa publication, de trois mois pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification.

 


Article 64 relatif à l’insolvabilité

1.         État des lieux

1.1.  Cadre général

Dans le prolongement de la recommandation de la Commission du 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises (2014/135/UE), la Commission européenne a publié le 22 novembre 2016 une proposition de directive (2016/0359(COD)) relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement et modifiant la directive 2012/30/UE. Cette proposition de directive est la première initiative législative européenne portant sur le droit matériel de l’insolvabilité.

La proposition de la Commission porte sur trois thèmes :

- les procédures préventives de l’insolvabilité (titre II) ;

- la seconde chance de l’entrepreneur failli (titre III) ;

- les principaux acteurs des procédures préventives et d’insolvabilité (les tribunaux et les praticiens) (titre IV).

Le champ matériel comprend les procédures nationales comme les procédures transfrontières.

Les négociations sur la proposition de directive ont commencé au Conseil en janvier 2017. Le Conseil étudie actuellement le texte en seconde lecture. La proposition est examinée au Parlement européen depuis juillet 2017. Les Parlementaires de la Commission JURI doivent prochainement voter sur le texte.

1.2.           Éléments de droit comparé

1.2.1 Les règles en matière d’insolvabilité diffèrent d’un État membre de l’Union européenne à l’autre, tant du point de vue de l’éventail des procédures ouvertes aux débiteurs en difficulté, que du point de vue des objectifs assignés à ces procédures.

La principale innovation de la proposition de directive est l’instauration d’un cadre de restructuration préventive inspiré du droit français mais également du droit américain[414] et du droit allemand, permettant de favoriser le sauvetage des entreprises viables. La directive prévoit également de mieux prendre en compte les intérêts des différents créanciers pour l’organisation en classes de créanciers dans le cadre de la consultation sur le projet de plan de restructuration.

Certains Etats (Bulgarie, Hongrie, Slovaquie et Croatie) ne disposent d’aucune procédure préventive de l’insolvabilité. D’autres Etats disposent de telles procédures mais selon des conditions très restrictives (Autriche, Allemagne, Danemark, Italie et Portugal)[415].

En droit allemand, il n’existe pas de procédure préventive à proprement parler. S’il existe une procédure préliminaire (verläufiges Insolvenzverfahrung), celle-ci n’est cependant pas une procédure autonome, mais une phase préparatoire et facultative de la procédure d’insolvabilité (Insolvenzverfahrung) dont l’objet est de réunir les informations qui permettront au tribunal d’ouvrir la procédure d’insolvabilité. De même, la procédure de
« bouclier protecteur » (Schutzschirmverfahren) n’est pas une procédure préventive, mais l’une des modalités de la procédure d’insolvabilité qui permet à un débiteur, qui est ou sur le point de manquer de liquidité ou en surendettement, de préparer un plan de restructuration sans être dessaisi. Cette mesure est ensuite suivie de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Elle serait peu utilisée et, en pratique, destinée aux entreprises les plus importantes.

En droit italien, le débiteur qui se trouve en situation de crise, c’est-à-dire qui rencontre des difficultés financières qui ne sont pas suffisamment graves pour entraîner son insolvabilité, peut demander l’ouverture d’une procédure de concordat préventif s’il remplit l’un des conditions suivantes : soit un actif supérieur ou égal à 300 000 euros, soit des revenus bruts annuels supérieurs ou égaux à 200 000 euros soit des dettes supérieures ou égales à 500 000 euros.

1.2.2 La proposition de directive susmentionnée demande aux Etats membres d’accorder une seconde chance aux entrepreneurs faillis et honnêtes en leur permettant de bénéficier d’une remise totale de leurs dettes dans un délai de trois ans.

Les règles nationales qui offrent aux entrepreneurs une seconde chance en leur permettant notamment de se libérer des dettes qu’ils ont contractées dans le cadre de leurs activités professionnelles varient selon les Etats-membres, tant en ce qui concerne la durée du délai de réhabilitation que les conditions d’octroi de cette réhabilitation.

Les Etats membres dans lesquels une remise totale des dettes est possible sont : la Belgique, la République tchèque, Chypre, Estonie, France, la Grèce, l’Irlande, le Luxembourg, la Roumanie, la Slovénie et le Royaume-Uni.

En Belgique, la remise de dettes totale intervient après la clôture de la liquidation judiciaire, sans condition de délai.

En Grèce, la remise totale de dettes advient après un délai de 10 ans. En Slovénie, cette remise intervient après un délai compris entre 3 et 7 ans.

Au Royaume-Uni et en Irlande, la remise de dette est automatique après respectivement un an et trois ans.

Il n’y a aucune remise de dettes liées à la faillite en Autriche, Hongrie, aux Pays Bas et en Suède. Dans ces Etats cependant, il existe des procédures de règlement des dettes qui permettent au débiteur, après un délai de trois à cinq ans, de bénéficier d’une remise totale de dettes.

En Allemagne, la remise de dettes intervient après trois ans si le débiteur s’est acquitté de 35% de ses dettes. A défaut, le délai est de six ans.

Seule la Bulgarie ne dispose d’aucune procédure permettant la remise totale de dettes.

1.2.3 Afin d’améliorer l’efficacité et l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et de seconde chance, la proposition de directive contient des mesures tendant à réduire les coûts et les délais de ces procédures. A cette fin, sont proposées des dispositions relatives à la compétence des autorités administratives et judiciaires en charge de ces procédures, relatives aux praticiens de l’insolvabilité et de la restructuration et relatives à l’usage des moyens électroniques de communication.

La plupart des Etats membres ne disposent pas de tribunaux spécialisés pour les procédures d’insolvabilité et de restructuration, mais confient ces dossiers à des juges compétents en droit commercial. Ainsi en Allemagne, les juges qui traitent des procédures d’insolvabilité doivent justifier de connaissances dans le droit de l’insolvabilité et le droit des sociétés. Aux Etats-Unis, les tribunaux sont spécialisés : il existe 94 tribunaux de la faillite composés de juges fédéraux dédiés à ces dossiers.

Les praticiens de l’insolvabilité, expression issue du règlement (UE) n°2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, désignent des professionnels divers au sein de l’Union européenne. Dans la majorité des Etats membres, à la différence de la France, les praticiens de l’insolvabilité ne constituent pas une profession règlementée séparée. En Allemagne, ces missions sont exercées par des avocats et des experts-comptables qui doivent justifier, devant les juges, du suivi de formation spécialisée et de leur expérience. La situation est similaire en Italie et au Luxembourg. Certains Etats membres ont, en outre, établi une réglementation spécifique à l’exercice de la profession : la Roumanie, le Portugal, le Royaume-Uni, l’Irlande et Chypre.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

La disposition envisagée habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive susmentionnée une fois celle-ci adoptée.

2.2.           Objectifs poursuivis

La directive « insolvabilité », comme l’ordonnance prise pour sa transposition en droit interne, doivent permettre de :

-          développer les procédures préventives dans tous les Etats de l’Union européenne afin de réduire le nombre de liquidations et de suppressions d’emplois ;

-          harmoniser les procédures préventives afin de développer les investissements transfrontaliers et de faciliter la résolution des dossiers transfrontaliers d’insolvabilité ;

-          améliorer l’efficacité des procédures préventives et des procédures d’insolvabilité en diminuant les délais et les coûts des procédures afin de maximiser l’actif de l’entreprise, les retombées pour les créanciers et d’éviter la constitution de créances douteuses ;

-          renforcer la culture du sauvetage dans l’Union européenne ;

-          accroître les chances pour les entrepreneurs honnêtes de prendre un nouveau départ.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.           Recours à une ordonnance

Un défaut de transposition de la directive « insolvabilité » conduirait la France à ne pas respecter ses engagements européens et à faire l’objet d’une procédure en manquement.

C’est pourquoi le Gouvernement a jugé nécessaire d’opérer cette transposition par ordonnance ; ce qui permettra de transposer la directive dès son adoption et de s’assurer du respect par la France de ses engagements européens ; étant entendu que le recours aux ordonnances est usuel non seulement pour les transpositions de directive, mais également pour l’adoption de dispositions de nature législative dans la matière très technique du droit des entreprises en difficulté[416].

3.2.           Mise en cohérence du redressement judiciaire

Le Gouvernement pourrait prendre des dispositions limitées à la seule transposition de la directive ou prendre des dispositions permettant la transposition de la directive et la mise en cohérence du droit français.

La future directive conduira à modifier les règles relatives à la période d’observation et à l’adoption des plans de sauvegarde[417]. Or, en droit français, en application notamment des dispositions des articles L. 631-7 et L. 631-19 du code de commerce, les règles de la sauvegarde s’appliquent en procédure de redressement judiciaire.

A défaut de modification du cadre du redressement judiciaire, des règles différentes s’appliqueraient pour la préparation et l’adoption des plans de sauvegarde et de redressement, ce qui serait préjudiciable à la clarté et à la lisibilité du droit ainsi qu’à sa cohérence interne.

Il est donc demandé, dans le cadre de la même habilitation, de mettre en cohérence les dispositions du redressement judiciaire avec les modifications induites par la future directive en procédure de sauvegarde.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises sur le fondement du projet de loi d’habilitation.

Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.

En ce qui concerne les impacts juridiques, il peut être indiqué à ce stade que la proposition de directive tend à modifier de manière significative les procédures préventives françaises ; étant précisé que le droit français possède des procédures préventives - le mandat ad hoc, la conciliation et la sauvegarde- dont les règles d’ouverture, de procédure et de fond sont susceptibles d’être modifiées par la proposition de directive, notamment concernant le rôle du tribunal, l’intervention des professionnels de l’insolvabilité (parmi lesquels figurent les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires), la durée de la procédure, le sort des actionnaires, les comités de créanciers, le rôle des créanciers tout au long de la procédure et la responsabilité des dirigeants.

Le droit français prévoit que le débiteur qui fait l’objet d’une clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif bénéficie de la règle de la non-reprise des poursuites. Cette règle lui permet, sauf exceptions (ex : fraude), de ne pas avoir à acquitter les dettes non réglées et en conséquence de pouvoir prendre un nouveau départ professionnel. Cependant, aucun délai maximal n’est prévu pour pouvoir bénéficier de ce nouveau départ.

La réforme pourrait notamment comporter les modifications suivantes dans la partie législative du livre VI du code de commerce :

-          le remplacement les dispositions relatives à l’adoption des plans de sauvegarde et de redressement en présence de comités de créanciers par des dispositions relatives à une procédure d’adoption de ces plans par des classes de créanciers,

-          l’introduction de la possibilité pour le tribunal d’arrêter un plan malgré l’opposition d’une ou plusieurs classes de créanciers, tout en précisant les garanties et conditions nécessaires à la mise en œuvre des deux alinéas précédents, relatives notamment à la protection des intérêts du débiteur, des créanciers et des personnes concernées par les plans de sauvegarde et de redressement,

-          le renforcement du respect des accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement,

-          l’aménagement des règles relatives à la suspension des poursuites afin de réduire les délais des procédures,

-          la mise en cohérence les dispositions relatives à la procédure de redressement judiciaire avec ces nouvelles mesures,

-          l’instauration d’un délai maximal de trois ans entre le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et la non-reprise des poursuites,

-          l’obligation pour le tribunal de motiver le choix de l’administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire désigné dans la procédure,

-          la prise en compte de la rapidité d’exécution des missions pour la fixation de la rémunération de l’administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire.

Tableaux des principales dispositions du droit national qui pourraient être modifiées si la proposition de directive était adoptée en l’état :

Article de la proposition de directive

Thèmes

Articles du code de commerce à modifier

Art. 4.3

Intervention du tribunal

 L. 611-3, L. 611-4, L.621-1

Art. 4.4

Personne habilitée à demander l’ouverture de la procédure préventive

L. 611-3, L. 611-6, L.620-1,

Art. 5.2

Intervention des praticiens dans le domaine de la restructuration

L. 611-3, L.611-6, L.621-4

Art. 6

Suspension des poursuites

L. 611-7, L. 621-3, L. 622-21

Art.9

Classes de créanciers

L. 626-1 et suivants, L. 626-29 et suivants

Art.10

Validation du plan par le tribunal

L. 626-9, L. 626-18, L. 626-31

Art.11

Application forcée interclasse

L. 626-9, L. 626-18, L.626-30-2, L. 626-31

Art.12

Actionnaires et détenteurs de capitaux

L. 626-9, L. 626-18, L.626-30-2, L. 626-31

Art. 20

Délai de remise totale des dettes

L. 643-11

Article 25 à 27

Praticiens de l’insolvabilité, praticiens de la restructuration, praticiens de la seconde chance (désignation et rémunération)

L. 444-1, L. 621-4

5.         Consultation menée et justification du délai d’habilitation

5.1.           Consultations menées

Lors de consultation en ligne « PACTE » sur le site du ministère de l’économie et des finances entre le 15 janvier 2018 et le 5 février 2018, la proposition : « favoriser l’adoption de plans de restructuration (consultation dans la perspective de l’adoption de la directive sur les cadres de restructuration préventifs et de sa future transposition) » a recueilli 204 votes favorables, 72 votes mitigés et 19 votes défavorables sur un total de 295.

5.2.           Justification du délai d’habilitation

L’habilitation à légiférer par ordonnance est sollicitée pour 24 mois afin de permettre aux négociations de la proposition de directive d’aboutir et pour permettre des consultations de toutes les parties prenantes.

Article 65 relatif à la transposition de la directive 2014/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres

1.         État des lieux

1.1.           Présentation de la directive à transposer

La directive 2014/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les Etats membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire (« directive 2014/50/UE ») vise à faciliter l’exercice du droit à la libre circulation des travailleurs entre les Etats membres de l’Union européenne en réduisant les obstacles créés par les règles de fonctionnement de certains régimes complémentaires facultatifs de retraite. La date limite de transposition est le 21 mai 2018 (article 8).

1.1.1        Champ d’application de la directive 2014/50/UE

La directive 2014/50/UE s’applique aux régimes complémentaires facultatifs de pension (ou régimes supplémentaires), à l’exception des régimes couverts par le règlement CE
n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (régimes légaux de la sécurité sociale et régimes obligatoires). Elle ne s’applique pas aux régimes de retraite supplémentaire non professionnels (tels que, par exemple, le plan d'épargne retraite populaire – PERP – en France), ni aux droits à pension des travailleurs qui se déplacent à l’intérieur d’un même Etat membre[418].

Sont également exclus du champ d’application de la directive :

-          les régimes de retraite supplémentaires régis par l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale qui, à la date d’entrée en vigueur de la directive (mai 2014), ont cessé d’accueillir de nouveaux affiliés et restent fermés à de nouvelles affiliations ;

-          les versements uniques effectués par l’employeur à la fin de la relation de travail non liés avec un régime de retraite ;

-          les régimes de retraite supplémentaire soumis à des mesures de protection ou de redressement judiciaire impliquant des interventions administratives, pendant le délai de ces interventions ;

-          les régimes de garantie en cas d’insolvabilité, les régimes de compensation, les fonds nationaux de réserve pour les retraites ;

-          les périodes d’emploi accomplies avant la transposition de la directive.

1.1.2        Principales prescriptions de la directive 2014/50/UE

La directive 2014/50/UE dispose que lorsque l’acquisition définitive de droits à retraite est différée, la période d’acquisition ou le délai d’attente ne peut excéder 3 ans pour les travailleurs sortants. Il résulte de cette disposition que les régimes de retraite entrant dans le champ d’application de la directive ne peuvent conditionner l’acquisition définitive des droits à retraite à une période de présence dans l’entreprise supérieure à 3 ans. De plus, lorsqu’un âge minimal est fixé pour l’acquisition de droits à pension, cet âge ne peut être supérieur à 21 ans.

La directive 2014/50/UE fixe également des règles visant à la préservation des droits à pension « dormants ». Ainsi, les droits acquis par un travailleur sortant doivent pouvoir être conservés jusqu’au départ en retraite, et ces droits doivent faire l’objet d’un traitement équivalent à celui réservé aux droits des affiliés actifs, notamment en termes de revalorisation. Lorsque le capital accumulé est faible, afin d’éviter les coûts de gestion excessifs, le rachat des droits peut être imposé : un capital représentant la valeur des droits acquis est versé au travailleur sortant, avec son « consentement éclairé ».

La directive 2014/50/UE établit enfin un droit à l’information pour les affiliés des régimes entrant dans son champ d’application. Ces derniers doivent pouvoir obtenir notamment des informations sur les conséquences d’une cessation d’emploi sur la valeur de leurs droits à pension et sur le traitement réservé à leurs droits à pension « dormants ».

1.2.  Cadre juridique national

Les contrats régis par l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, sont particulièrement concernés par la directive 2014/50/UE. Ce sont des contrats facultatifs, alimentés exclusivement par des versements de l’employeur :

-          à prestations définies : le contrat garantit soit un revenu à la retraite égal à un pourcentage du salaire de fin de carrière (régime additionnel), soit un complément de revenu assurant un taux de remplacement tous régimes confondus (régime différentiel) ;

-          à droits aléatoires : les droits du bénéficiaire sont conditionnés à sa présence dans l’entreprise au moment de son départ en retraite.

Ces contrats présentent un régime fiscal spécifique :

-          à l’entrée, les versements de l’employeur sont déductibles de l’impôt sur les sociétés en application des dispositions générales de l’article 39 du code général des impôts. Ces versements ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu des salariés bénéficiaires de ces dispositifs ;

-          à la sortie, les rentes viagères versées sont soumises au régime des rentes viagères à titre gratuit, c’est-à-dire assujetties à l’impôt sur le revenu des bénéficiaires après un abattement de 10%.

Le régime social applicable est le suivant :

-          les entreprises qui mettent en place ces régimes doivent choisir entre un prélèvement à l’entrée ou un prélèvement à la sortie (cf. article L. 137-11 du code de la sécurité sociale) :

-          les bénéficiaires des rentes viagères doivent s’acquitter des prélèvements sociaux de droit commun sur les pensions de retraite (10,1% en 2018), mais également d’une contribution sociale supplémentaire :

L’article 229 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a par ailleurs plafonné l’acquisition de droits à retraite supplémentaire de ces régimes à maximum 3% par an de la rémunération annuelle servant de référence au calcul de la rente versée pour les dirigeants des sociétés cotées (articles L. 225-22-1 et L. 225-42-1 du code de commerce).

Enfin, l’article 111 de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a conditionné la mise en place d’un contrat régi par l’article L 137-11 du code de la sécurité sociale « article 39 » à l’existence préalable d’un PERCO ou d’un régime de retraite supplémentaire ouvert à tous les travailleurs de l’entreprise.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

La transposition de la directive 2014/50/UE dans le droit national nécessite de modifier plusieurs dispositions législatives.

La directive impose d’abord de mettre fin, pour les régimes de retraite couverts par son champ d’application, à l’aléa conditionnant l’acquisition définitive des droits à la présence du travailleur dans l’entreprise jusqu’à sa retraite. En effet, les droits devront être considérés comme acquis au-delà d’une période qui ne peut excéder trois ans. Ces dispositions impliquent de modifier les règles applicables aux contrats à prestations définies conditionnant, en vertu de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, « la constitution de droits à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise ».

La transposition de la directive implique par ailleurs d’autres modifications du droit national pour mettre en œuvre les prescriptions de la directive touchant notamment à la préservation des droits « dormants » et à l’information des affiliés.

2.2.           Objectifs poursuivis

L’objectif de cet article est d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi propres à transposer la directive 2014/50/UE, ainsi que des mesures d’adaptation et de modernisation du droit applicable aux régimes à prestations définies associées à cette transposition.

Dans cette perspective, ces mesures viseront notamment :

-          à interdire, au titre des périodes d’emploi futures, la subordination de l’acquisition des droits à retraite dans ces régimes à une présence des travailleurs dans l’entreprise au-delà d’une période de trois ans. A cet égard, des dispositions transitoires devront être prévues pour les régimes à prestations définies existants ;

-          à tirer les conséquences de cette évolution en adaptant le régime social applicable aux versements des employeurs dans le cadre de ces dispositifs, en cohérence avec les autres dispositifs de retraite supplémentaire et, pour les bénéficiaires, en adaptant le régime fiscal applicable aux versements de l’employeur et aux rentes versées dans le cadre de ces dispositifs ;

-          à compléter les dispositions visant à l’information des bénéficiaires sur leurs droits à retraite acquis et sur les conséquences de leur éventuel départ de l’entreprise sur ces droits.

En outre, ces mesures viseront à déterminer des plafonds d’acquisition des droits à retraite supplémentaire, ainsi que la possibilité/l’obligation de subordonner l’acquisition de ces droits au respect de conditions liées aux performances des bénéficiaires, permettant de bénéficier du régime fiscal et social prévu par l’alinéa précédent.

Seront également précisées les conditions dans lesquelles la mise en place de ces régimes doit être subordonnée à l’existence ou à la mise en place préalable, dans l’entreprise, d’un régime de retraite bénéficiant à l’ensemble des salariés.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Plusieurs raisons justifient le recours à une habilitation à transposer cette directive par voie d’ordonnance.

D’une part, les mesures à prendre concernent en premier lieu les contrats d’épargne retraite supplémentaire à prestations définies. Ces mesures sont donc complémentaires à celles envisagées dans le cadre de la réforme de l’épargne retraite prévue par le même projet de loi qui intègre une habilitation à procéder par ordonnance. Les travaux de préparation et de rédaction de ces deux ordonnances seront donc menés conjointement. Au-delà des régimes à prestations définies, certaines dispositions de la directive touchant notamment à la préservation des droits dormants et à l’information des affiliés pourraient nécessiter des mesures transversales visant d’autres régimes de retraite supplémentaire.

D’autre part, certaines mesures, en particulier la suppression de l’aléa relatif à la présence du travailleur dans l’entreprise dans les contrats à prestations définies et l’adaptation des régimes fiscaux et sociaux, nécessiteront un travail technique approfondi avec les acteurs concernés (notamment représentants des employeurs et des travailleurs, entreprises d’assurance, institutions de prévoyance et mutuelles, autorité de contrôle prudentielle) en amont de leur adoption, d’autant que les dispositions à prendre viseront non seulement les nouveaux contrats mais également des droits futurs sur des contrats existants.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

Les régimes de retraite à prestations définies concernent environ 205 000 bénéficiaires[419] pour un encours total de 40 Md€ en 2016[420].

L’analyse complète des impacts interviendra lors de l’évaluation préalable du projet d’ordonnance. Il peut néanmoins être indiqué dès à présent que des mesures rendront définitifs les droits acquis par les travailleurs restant plus de 3 ans dans l’entreprise, en application des dispositions de la directive. Cette transformation de droits « aléatoires » (conditionnés à la présence dans l’entreprise jusqu’à la retraite) en droits « certains » (droits définitivement acquis) mettra fin à un dispositif qui pouvait freiner la mobilité professionnelle des bénéficiaires de ces contrats.

5.         Justification du délai d’habilitation

Le projet de loi prévoit un délai d’habilitation de 12 mois tenant compte des travaux techniques à mener pour transposer cette directive (analyse des impacts juridiques, économiques, prudentiels et comptables, consultation des acteurs concernés, rédaction des dispositions), parallèlement aux travaux qui seront engagés dans le cadre de la réforme de l’épargne retraite.

 


Article 66 relatif à la transposition de la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 sur les droits des actionnaires

  1. La politique d’engagement et la transparence des gestionnaires d’actifs et des investisseurs institutionnels

1.         État des lieux

1.1.  Sur le contenu de la politique d’engagement actionnarial

1.1.1        Cadre national

Le droit français connait déjà deux dispositifs similaires à ceux prévus par les articles concernés de la directive 2017/828 (articles 3 octies, nonies et decies).

D’une part, la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière avait introduit les premiers éléments d’une politique de vote à l’égard des sociétés de gestion. À l’occasion de la transposition de la directive « marchés d’instruments financiers », en 2006, (article L. 533-22 du code monétaire et financier), cette obligation a été précisée. Les sociétés de gestion de portefeuille doivent ainsi mettre en place une politique de vote qui présente les conditions dans lesquelles elles entendent exercer les droits de vote attachés aux titres détenus par les placements en organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) et fonds d’investissement alternatifs (FIA). Cette obligation (ci-après « politique de vote ») a enfin été reprise par l’article 21 de la directive 2010/43/UE (directive d’application d’OPCVM 4). Le contenu de cette politique de vote est détaillé par les articles 314-100 et s. - en ce qui concerne la gestion d’OPCVM - et les articles 319-21 et suivants - en ce qui concerne la gestion de FIA - du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette politique se limite toutefois (i) aux sociétés de gestion et (ii) au vote, et apparait ainsi plus limitée que la directive à transposer.

D’autre part, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (article 173, VI) demande à ce que les sociétés de gestion, mais également d’autres investisseurs (assurances, notamment) « mentionnent (…) une information sur les modalités de prise en compte dans leur politique d'investissement des critères relatifs au respect d'objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance et sur les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique. Ils précisent la nature de ces critères et la façon dont ils les appliquent, selon une présentation type fixée par décret. Ils indiquent comment ils exercent les droits de vote attachés aux instruments financiers résultant de ces choix. » (article L. 533-22-1 du code monétaire et financier). Concernant davantage d’acteurs que la directive, ces dispositions sont toutefois plus limitées dans leur contenu en ce qu’elles apparaissent strictement orientées dans une optique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE)[421].

Le droit français connait ainsi deux dispositifs distincts dont les dispositions recoupent en partie les obligations introduites par la directive en matière d’engagement actionnarial. Le premier, relatif à la politique de vote, concerne un nombre d’entités plus réduit – uniquement les sociétés de gestion – tout en présentant, sur la seule partie de la politique de vote, un détail d’information parfois plus dense ; le second, qui couvre davantage d’entités que la directive, porte sur des obligations d’investissement et de vote, mais d’un point de vue moins général qui est celui de la RSE.

1.1.2        Cadre de la directive

Les expressions « d’engagement actionnarial » et de « politique d’engagement » utilisées dans la directive sont des traductions littérales des expressions anglaises de « shareholder engagement » et « d’engagement policy ». Ces expressions doivent s’entendre en comprenant la notion « d’engagement » comme demandant une certaine implication, en tant qu’actionnaire, des investisseurs institutionnels et des gestionnaires au sein des sociétés dans lesquelles ils investissent. C’est l’implication de ces investisseurs dans les sociétés qui est recherchée, dans l’optique d’améliorer la gouvernance et de produire des incitations long-termistes dans leurs relations avec les émetteurs. Le considérant 14 de la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil susmentionnée est explicite à cet égard, en indiquant que : « L’engagement concret et durable des actionnaires est l’une des pierres angulaires du modèle de gouvernance des sociétés cotées, qui repose sur l’équilibre des pouvoirs entre les différents organes et les différentes parties prenantes. Une plus grande implication des actionnaires dans la gouvernance d’entreprise est un des leviers pouvant contribuer à améliorer les performances tant financières que non financières des sociétés (…) ».

La politique d’engagement actionnarial introduite par la directive consiste à demander aux investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs d’élaborer une politique, c’est-à-dire une grille objective d’analyse et d’action, qui doit déterminer leur implication auprès des sociétés dans lesquelles ils investissent (obligation fonctionnant toutefois sur le principe du comply or explain). Cette politique porte principalement sur leur utilisation des droits de vote, mais également sur la manière dont ils interagissent avec les autres parties prenantes de la société.

1.2.  Sur la transparence des investisseurs institutionnels

La directive prévoit, dans son article 3 nonies, des obligations de transparence relatives, d’une part, à la stratégie d’investissement en actions, et, d’autre part, aux accords que peuvent avoir les investisseurs institutionnels avec les gestionnaires d’actifs. La transparence visée sur ces informations s’effectue vis-à-vis du public, par le biais du site internet de la société et, de manière volontaires pour les entités qui le réalisent, du rapport prévu par les textes Solvency II portant sur la solvabilité et la situation financière, dit rapport « SFCR » (art. L. 355-5 et R. 355-7 du code des assurances).

Il n’existe pas en droit français de disposition équivalente imposant une telle transparence.

 

1.3.  Sur la transparence des gestionnaires d’actifs

 

L’article 3 decies de la directive demande à ce que les gestionnaires d’actifs communiquent annuellement à l’investisseur institutionnel avec lequel ils ont conclu un accord, la manière dont leur stratégie d’investissement et sa mise en œuvre respectent cet accord et contribuent aux performances à moyen et long terme des actifs de l’investisseur institutionnel ou du fonds. La transparence s’effectue ici uniquement vis-à-vis de l’investisseur institutionnel co-contractant.

Il n’existe pas en droit français de disposition équivalente imposant une telle transparence. Il existe un ensemble de dispositions éparses dans le règlement général de l’AMF s’appliquant aux sociétés de gestion de portefeuille et concernant leurs relations avec leurs clients et les informations obligatoires à leur communiquer (Titre I et Ibis du Livre III du RG AMF).

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1             Nécessité de légiférer

La crise financière a montré que le contrôle des actionnaires ne fonctionnait pas de manière adéquate dans le secteur financier. Plutôt que de freiner la prise de risque à court terme des gestionnaires, les actionnaires l’encourageaient souvent. L’actionnariat des sociétés cotées n’est en général pas fondamentalement différent de celui des établissements financiers, et il apparaît clairement que les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs n’exercent pas assez de suivi et ne s’engagent pas assez à l’égard des entreprises détenues. Le récent rapport Sénart Notat[422] notait ainsi que « la durée de détention moyenne des actions cotées à la Bourse de New York, hors trading à haute fréquence, atteindrait même 11 mois ». Il dresse le constat que les investisseurs et gestionnaires ne se focalisent pas assez sur les performances à long terme des entreprises, mais plutôt sur les fluctuations du cours des actions et la structure des indices du marché des capitaux, ce qui peut conduire à un rendement qui ne soit pas optimal pour les bénéficiaires finals et met une pression à court terme sur les entreprises.

Ce court-termisme semble trouver son origine dans un décalage des intérêts entre les propriétaires et les gestionnaires d’actifs. Les grands propriétaires d’actifs, tels que les fonds de pension et les assureurs, ont des intérêts à long terme étant donné que leurs engagements sont à long terme. Toutefois, pour la sélection et l’évaluation des gestionnaires d’actifs, ils se fondent souvent sur des critères de référence, tels que les indices de marché, et les performances des gestionnaires d’actifs sont souvent évaluées sur une base trimestrielle. En cas de sous-performance, le gestionnaire d’actifs peut perdre son mandat. En conséquence, la principale préoccupation de nombreux gestionnaires d’actifs est devenue leur performance à court terme par rapport à un critère de référence ou à d’autres gestionnaires d’actifs, alors que l’intérêt des bénéficiaires réside dans les performances absolues à long terme de l’investissement. Les incitations à court terme tendent à faire négliger l’investissement basé sur les fondamentaux et les perspectives à plus long terme et la création de valeur à long terme grâce à l’engagement des actionnaires, et entraînent une pression à court terme sur les entreprises, décourageant ainsi les investissements permettant d’accroître la compétitivité.

 Il existe toutefois un nombre limité, mais croissant, d’investisseurs qui souhaitent combiner rendements élevés et création de valeur à long terme. Leurs stratégies d’investissement impliquent également un engagement auprès des entreprises détenues.

2.2             Objectifs poursuivis

La directive met en place des mesures de transparence et des mécanismes incitatifs destinés à promouvoir, auprès de ces investisseurs, les investissements de long terme, la surveillance de la gestion des investissements par les gestionnaires d’actifs, et leur implication actionnariale.

Le présent projet d’article permet de transposer ces dispositions en droit français, sans y ajouter d’autres obligations.

3        Options possibles et dispositif retenu

3.1             Application territoriale des dispositions

Comparaison entre le dispositif français et les dispositions de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Champ d’application territorial

Le droit commercial français s’applique par principe aux « sociétés dont le siège social est situé en territoire français » (art. L210-3, C. com.).

« Aux fins de l’application du chapitre I ter, l’État membre compétent est défini comme suit:

a) pour les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs, l’État membre d’origine tel qu’il est défini dans tout acte législatif sectoriel applicable de l’Union ; » (art. 1er, 1), a), 2.).

Selon les actes législatifs sectoriels de l’Union, est défini comme l’«État membre d’origine du gestionnaire» celui dans lequel le gestionnaire a son siège statutaire (cf. par exemple direct. AIFM, art. 4).

Les investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs hors EU ne sont pas tenus des obligations de la directive.

Le droit français s’appliquera aux entités dont le siège social est en France, ce qui correspond au droit commun des sociétés.

La directive n’offre pas d’option de transposition en ce qui concerne son champ d’application.

3.2             Politique d’engagement d’actionnaire (article 3 octies)

3.2.1         Les entités concernées par le dispositif

Comparaison entre le dispositif français et les dispositions de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

« Politique de vote » (RGAMF)

« Art. 173, VI »

Entités concernées

Les sociétés de gestion de portefeuille, pour les titres détenus par les OPCVM et les FIA des catégories suivantes, qu'elles gèrent » (Art. L533-22 COMOFI) :

-          Fonds d'investissement à vocation générale ;

-          Fonds de capital investissement ;

-          Fonds de fonds alternatifs ;

-          Fonds agréés professionnels à vocation générale ;

-          Fonds déclarés ;

-          Fonds d'épargne salariale.[423]

Les mêmes sociétés de gestion de portefeuille, auxquelles s’ajoutent :

-          Les entreprises d'assurance et de réassurance et fonds de retraite professionnelle supplémentaire,

-          les mutuelles ou unions et mutuelles ou unions de retraite professionnelle supplémentaire,

-          les institutions de prévoyance et leurs unions régies et institutions de retraite professionnelle supplémentaire,

-          les sociétés d'investissement à capital variable,

-          la CDC,

-          les institutions de retraite complémentaire,

-          l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires,

-          l'établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire et

-          la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales

6. Le chapitre I ter s’applique:

a) aux investisseurs institutionnels, dans la mesure où ils investissent directement ou par l’intermédiaire d’un gestionnaire d’actifs dans des actions négociées sur un marché réglementé;

b) aux gestionnaires d’actifs, dans la mesure où ils investissent dans de telles actions au nom d’investisseurs[424];

Le champ de la « politique de vote » prévue par le droit français est plus limité que directive puisqu’il ne concerne pas les investisseurs institutionnels. Cependant, il ne se limite pas aux entités qui investissent dans des actions cotées (cette limitation apparait cependant théorique).


Le champ de l’article 173, VI est en revanche plus étendu, et ne se limite pas aux entités qui investissent dans des actions cotées.

Définition des entités concernées

Droit français

Directive

La catégorie « investisseurs institutionnels » prévue par la directive n’est pas directement définie en droit français, ce qui nécessitera de viser précisément les entités concernées :

1)     entités visées au 1° de l’article L. 310-1 du code des assurances (assureurs) ;

 

 

2)     entités visées 1° du III de l'article L. 310-1-1 du code des assurances, réassurant des engagements visés au 1° de l’article L. 310-1 (réassureurs) ;

 

3)     entités visées au L. 381-1 du code des assurances (fonds de retraite professionnelle supplémentaire), au L. 214-1 du code de la mutualité (mutuelles et unions de retraite professionnelle supplémentaire), au L. 942-1 du code de la sécurité sociale (institutions de retraite professionnelle supplémentaire)

 

1)     une entreprise qui exerce des activités d’assurance vie au sens de l’article 2, paragraphe 3, points a), b) et c), de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil (7)

 

2)     et de réassurance au sens de l’article 13, point 7), de ladite directive pour autant que ces activités couvrent les obligations d’assurance vie, et qui n’est pas exclue en vertu de ladite directive;

 

3)     une institution de retraite professionnelle relevant du champ d’application de la directive (UE) 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil (8) conformément à son article 2, sauf si un État membre a choisi de ne pas appliquer ladite directive, en tout ou partie, à cette institution conformément à l’article 5 de ladite directive;

La catégorie « gestionnaire d’actifs » :

1)     Les entités visées à l’article L.531-4 habilitées à fournir le service visé au 4 de l’article L. 321-1 ;

 

2)     les sociétés de gestion de portefeuille visées à l’article L. 214-24 ;

 

3)     la société de gestion visée à l’article L. 214-8-1 ;

 

4)     les entités visées au dernier alinéa de l’article L. 214-7-1 (« Lorsque la SICAV ne délègue pas globalement la gestion de son portefeuille telle que mentionnée au premier alinéa, elle doit remplir l'ensemble des conditions applicables aux sociétés de gestion d'OPCVM et se conformer aux obligations applicables à ces sociétés, sous réserve des dispositions de l'article L. 214-7. »)

1)     une entreprise d’investissement au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1, de la directive 2014/65/UE qui fournit des services de gestion de portefeuille à des investisseurs 

2)     un gestionnaire de fonds d’investissement alternatif (FIA) au sens de l’article 4, paragraphe 1, point b), de la directive 2011/61/UE qui ne remplit pas les conditions d’exemption prévues à l’article 3 de ladite directive ou

3)     une société de gestion au sens de l’article 2, paragraphe 1, point b), de la directive 2009/65/CE[425] (« ou

4)     une société d’investissement qui est agréée conformément à la directive 2009/65/CE, pour autant qu’elle n’ait pas confié sa gestion à une société de gestion agréée au titre de ladite directive ; »

La directive n’offre pas d’option de transposition en ce qui concerne son champ d’application. Si le champ de la « politique de vote » prévue par le droit français est plus limité que directive puisqu’il ne concerne pas les investisseurs institutionnels, celui de l’article 173, VI est en revanche plus étendu.

3.2.2         Contenu de la politique d’engagement

Comparaison entre le dispositif français et les dispositions de la directive

 

Droit français

Directive 2017-828

Commentaire

« Politique de vote »

« Art. 173, VI »

Contenu de la politique

Comply or explain

Comply or explain

Comply or explain

-

Les sociétés concernées :

-          exercent les droits attachés aux titres détenus dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts, et

-          rendent compte de leurs pratiques en matière d'exercice des droits de vote.

 

(Art. L. 533-22 du COMOFI, précisé par les art. 319-21 et suiv. du RG AMF).

 

 

L’art. L.533-22-1 précise que doivent être pris en compte dans la politique d'investissement :

-          des critères relatifs au respect d'objectifs ESG et

-          les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique.

Doit être indiquée la manière d’exercer les droits de vote attachés aux instruments financiers résultant de ces choix.

L’art. D.533-16-1 détaille ces informations, et prévoit notamment :

« ii. Mise en œuvre d'une stratégie d'engagement auprès des émetteurs :

– présentation des politiques d'engagement menées auprès des émetteurs ;

– présentation de la politique de vote ;

– bilan de la mise en œuvre de ces politiques.

iii. Mise en œuvre d'une stratégie d'engagement auprès des sociétés de gestion de portefeuille :

– présentation des politiques d'engagement, y compris en matière d'exercice des droits de vote, menées auprès des gestionnaires pour les portefeuilles dont la gestion est déléguée par l'entité dans le cadre d'un mandat ; »

 

a) La politique d’engagement décrit la manière dont est intégré cet engagement dans la stratégie d’investissement.

Cette politique décrit :

-          la manière dont est assuré le suivi des sociétés sur des questions pertinentes, y compris la stratégie, les performances financières et non financières, le risque, la structure du capital, l’impact social et environnemental et la gouvernance ;

-          le dialogue avec les sociétés détenues,

-          l’exercice des droits de vote et d’autres droits attachés aux actions,

-          la coopération avec les autres actionnaires,

-          la communication avec les acteurs pertinents des sociétés détenues :

-          la gestion des conflits d’intérêts réels ou potentiels par rapport à leur engagement.

b) Annuellement, les sociétés concernées rendent publiques les informations

-          sur la manière dont leur politique d’engagement a été mise en œuvre,

-          une description générale de leur comportement de vote,

-          une explication des votes les plus importants et

-          le recours à des services de conseillers en vote.

-          la manière dont ont été exprimés leurs votes. (peut exclure les votes qui sont insignifiants en raison de l’objet du vote ou de la taille de la participation dans la société)

La politique de vote française prévue par l’article L. 533-22 est très détaillée dans le RG AMF (art. 319-21 et suiv. du RG AMF).

Le contenu demandé par l’art. 173, VI est très détaillé mais ne concerne qu’une perspective « ESG », et non une perspective d’engagement actionnarial général. Les deux dispositifs ne se recoupent donc réellement que sur la partie ESG de la directive.

Publicité des informations

Le RG AMF prévoit qu’un rapport annuel doit être mis en ligne et tenu à la disposition de l’AMF et de tout porteur ou actionnaire, et au siège social.

 

Informations mentionnées dans le rapport annuel et mises à la disposition des souscripteurs (L. 533-22-1).

Les informations visées sont mises à disposition gratuitement sur le site internet. Les États membres peuvent prévoir que les informations sont publiées gratuitement par d’autres moyens aisément accessibles en ligne.

La mise en ligne sur le site internet devra être intégrée dans le code de commerce sur le périmètre des informations prévu par la directive.

Lorsqu’un gestionnaire d’actifs met en œuvre la politique d’engagement, y compris en matière de vote, au nom d’un investisseur institutionnel, l’investisseur institutionnel indique l’endroit où le gestionnaire d’actifs a publié les informations sur le vote.

Conflits d’intérêts

-

Les règles en matière de conflits d’intérêts applicables aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires d’actifs, y compris l’article 14 de la directive 2011/61/UE, l’article 12, paragraphe 1, point b), et l’article 14, paragraphe 1, point d), de la directive 2009/65/CE et les modalités d’application pertinentes, et l’article 23 de la directive 2014/65/UE s’appliquent également en ce qui concerne les activités d’engagement.

Un renvoi vers les dispositions transposées pourra être opéré.

La directive n’offre pas d’option de transposition en ce qui concerne son contenu (ni son champ d’application comme vu ci-dessus).

Toutefois, la proximité très forte entre le dispositif « politique de vote » et le dispositif de la présente directive révisée conduit à proposer une fusion. En effet, dans la mesure où la directive révisée reprend, en les détaillants, les obligations actuelles en les étendant à d’autres acteurs, l’absorption des dispositions françaises actuelles dans un dispositif unifié apparaitrait logique. Le détail du dispositif français actuel provient essentiellement du règlement général AMF et non des textes législatifs ou européens sources. Le droit européen et français pré existant apparait ainsi tout à fait adaptable à l’unification des deux dispositifs. En ce qui concerne le dispositif de l’article 173, VI, une possibilité de renvoi pourrait être aménagée de manière à éviter un maximum de redondances entre les deux reporting.

En outre, la directive demande à ce que le compte-rendu annuel public de la mise en œuvre de la politique de rémunération concerne la manière dont ont été exprimés les votes. Les votes « insignifiants » en raison de leur objet ou de la taille de la participation dans la société peuvent cependant être exclus. Cette exclusion apparait pertinente, dans la mesure où les votes concernés représenteraient une charge administrative lourde pour un apport d’information inexistant pour les destinataires de l’information (voire contreproductif par le risque de dilution de l’information pertinente dans une quantité très importante de votes divulgués). En effet, l’objectif de ces dispositions est de rendre compte de la bonne mise en œuvre de la politique d’engagement actionnarial qui n’a de portée ni sur les aspects secondaires de la vie des sociétés ni dans les sociétés dans lesquelles sont détenus que des participations très faibles.

3.3             Stratégie d’investissement des investisseurs institutionnels et accords avec les gestionnaires d’actifs

Comparaison entre le dispositif français et les dispositions de la directive

 

Droit français

Directive 2017-828

Commentaire

Stratégie d’investissement des investisseurs institutionnels

-

Les investisseurs institutionnels rendent publiques la manière dont les principaux éléments de leur stratégie d’investissement en actions sont compatibles avec le profil et la durée de leurs engagements, en particulier de leurs engagements à long terme, et la manière dont ils contribuent aux performances de leurs actifs à moyen et à long terme.

Le droit français devra intégrer ce reporting

Publicité des accords avec un gestionnaire d’actifs

-

Lorsqu’un gestionnaire d’actifs investit au nom d’un investisseur institutionnel, publicité des informations suivantes :

-

a) la manière dont l’accord avec le gestionnaire d’actifs incite le gestionnaire d’actifs à aligner sa stratégie et ses décisions d’investissement sur le profil et la durée des engagements de l’investisseur institutionnel, notamment des engagements à long terme;

-

b) la manière dont cet accord incite le gestionnaire d’actifs à prendre des décisions d’investissement fondées sur des évaluations des performances à moyen et à long terme, financières et non financières, de la société détenue et à s’engager à l’égard des sociétés détenues afin d’améliorer leurs performances à moyen et à long terme;

-

c) la manière dont la méthode et l’horizon temporel de l’évaluation des performances du gestionnaire d’actifs et la rémunération des services de gestion d’actifs sont en adéquation avec le profil et la durée des engagements de l’investisseur institutionnel, notamment des engagements à long terme, et tiennent compte des performances absolues à long terme;

-

d) la manière dont l’investisseur institutionnel contrôle les coûts de rotation du portefeuille supportés par le gestionnaire d’actifs et la manière dont il définit et contrôle la rotation ou le taux de rotation d’un portefeuille cible;

-

e) la durée de l’accord avec le gestionnaire d’actifs.

Comply or explain

-

Lorsque l’accord avec le gestionnaire d’actifs ne contient pas un ou plusieurs éléments de ce type, l’investisseur institutionnel donne une explication claire et motivée.

 

3.4             Publicité des mesures

Comparaison entre le dispositif français et les dispositions de la directive

 

Droit français

Directive 2017-828

Commentaire

Publicité des informations sur internet

-

Informations mises à disposition gratuitement sur le site internet de l’investisseur institutionnel et sont mises à jour annuellement, à moins qu’aucune modification importante ne soit intervenue.

Les États membres peuvent prévoir que ces informations sont mises à disposition gratuitement par d’autres moyens aisément accessibles en ligne.

Il n’est pas proposé de lever l’option prévue par cette disposition.

Inclusion des informations dans le rapport SFCR

-

Les EM peuvent autoriser les investisseurs institutionnels réglementés par la directive 2009/138/CE à faire figurer ces informations dans leur rapport sur la solvabilité et la situation financière visé à l’article 51 de ladite directive.

Il est proposé de lever cette option.

La directive permet d’autoriser à ce que les informations soient mises à disposition gratuitement par d’autres moyens – que le site internet - aisément accessibles en ligne. Cette option n’apparait pas utile, dans la mesure où il n’est pas évident d’imaginer un moyen plus simplement accessible en ligne que le site internet de l’investisseur institutionnel.

La directive permet d’autoriser les sociétés « solvabilité 2 » à faire figurer ces informations dans leur rapport sur la solvabilité et la situation financière (SFCR). Il est proposé de lever cette option de commodité.

3.5             Transparence des gestionnaires d’actifs

Comparaison entre le dispositif français et les dispositions de la directive

 

Droit français

Directive 2017-828

Commentaire

Communication d’informations par le gestionnaire d’actif à l’investisseur institutionnel client

Dispositions éparses des titre I et Ibis (FIA) di Livre III du RG AMF concernant les règles encadrant les relations entre sociétés de gestion de portefeuille et les clients professionnels.

Les gestionnaires d’actifs doivent communiquer, une fois par an, à l’investisseur institutionnel avec lequel ils ont conclu les accords, la manière dont leur stratégie d’investissement et sa mise en œuvre respectent cet accord et contribuent aux performances à moyen et long terme des actifs de l’investisseur institutionnel ou du fonds.

Cette communication comprend des informations sur :

-          les principaux risques importants à moyen et long terme liés aux investissements,

-          la composition, la rotation et les coûts de rotation du portefeuille,

-          le recours à des conseillers en vote aux fins des activités d’engagement et leur politique en matière de prêts de titres et la manière dont celle-ci est appliquée pour l’exercice de leurs activités d’engagement le cas échéant, en particulier lors de l’assemblée générale des sociétés détenues.

-          des informations indiquant si, et dans l’affirmative, comment ils prennent des décisions d’investissement fondées sur une évaluation des performances à moyen et à long terme de la société détenue, y compris les performances non financières,

-          et si des conflits d’intérêts sont apparus en lien avec les activités d’engagement et, dans l’affirmative, lesquels et comment les gestionnaires d’actifs les ont traités.

-

Publicité et communication

-

Les États membres peuvent prévoir que les informations visées au paragraphe 1 sont communiquées en même temps que le rapport annuel visé à l’article 68 de la directive 2009/65/CE ou à l’article 22 de la directive 2011/61/UE, ou les communications périodiques visées à l’article 25, paragraphe 6, de la directive 2014/65/UE.

Il est proposé de lever cette option.

-

Lorsque les informations communiquées en vertu du paragraphe 1 sont déjà à la disposition du public, le gestionnaire d’actifs n’est pas tenu de fournir ces informations directement à l’investisseur institutionnel.

-

-

Les États membres peuvent exiger que, lorsque le gestionnaire d’actifs ne gère pas les actifs sur une base discrétionnaire et individualisée, les informations communiquées en vertu du paragraphe 1 soient également fournies aux autres investisseurs du même fonds, au moins sur demande.

Il est proposé de lever cette option.

La directive permet d’autoriser les sociétés relevant de la directive OPCVM (2009/65/CE) ou FIA (2011/61/UE) à faire figurer ces informations dans leur rapport annuel. Il est proposé de lever cette option de commodité.

La directive permet d’exiger que, lorsque le gestionnaire d’actifs ne gère pas les actifs sur une base discrétionnaire et individualisée, les informations communiquées soient également fournies aux autres investisseurs du même fonds, au moins sur demande. Il est proposé de lever cette option de commodité.

4        Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1             Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article 3 octies, a) demande ainsi à ce que : « Les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs élaborent et rendent publique une politique d’engagement décrivant la manière dont ils intègrent l’engagement des actionnaires dans leur stratégie d’investissement ». Il ne s’agit pas d’intégrer dans la stratégie d’investissement la mesure de l’engagement éventuel des autres actionnaires de la société, mais bien de demander à ces investisseurs de s’impliquer, selon une politique objective élaborée en amont, auprès des sociétés dans lesquelles ils investissent.

Sur la transparence des investisseurs institutionnels

La directive prévoit, dans son article 3 nonies, des obligations de transparence relatives, d’une part, à la stratégie d’investissement en actions, et, d’autre part, aux accords que peuvent avoir les investisseurs institutionnels avec les gestionnaires d’actifs. La transparence visée sur ces informations s’effectue vis-à-vis du public, par le biais du site internet de la société et, de manière volontaires pour les entités qui le réalisent, du rapport prévu par les textes « Solvency II » portant sur la solvabilité et la situation financière, dit rapport « SFCR » (articles L. 355-5 et R. 355-7 du code des assurances). Il n’existe pas en droit français de disposition équivalente imposant une telle transparence.

Les impacts juridiques de cette transposition sont détaillés et commentés dans le tableau de transposition joint en annexe à la présente étude d’impact.

Sur la transparence des gestionnaires d’actifs

La directive demande à ce que les gestionnaires d’actifs communiquent annuellement à l’investisseur institutionnel avec lequel ils ont conclu un accord, la manière dont leur stratégie d’investissement et sa mise en œuvre respectent cet accord et contribuent aux performances à moyen et long terme des actifs de l’investisseur institutionnel ou du fonds. La transparence s’effectue ici uniquement vis-à-vis de l’investisseur institutionnel co-contractant.

Il n’existe pas en droit français de disposition équivalente imposant une telle transparence. Il existe cependant un ensemble de dispositions éparses dans le règlement général de l’Autorité des marchés financiers s’appliquant aux sociétés de gestion de portefeuille et concernant leurs relations avec leurs clients et les informations obligatoires à leur communiquer. Ces dispositions sont toutefois beaucoup plus détaillées en ce qui concerne les clients non professionnels (Titre I et Ibis du Livre III du règlement général de l’AMF).

Les impacts juridiques de cette transposition sont détaillés et commentés dans le tableau de transposition joint en annexe à la présente étude d’impact.

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La transposition proposée est une reprise des dispositions de la directive, ni plus ni moins, avec les choix d’options détaillés ci-dessus.

4.2             Impacts économiques et financiers

L’approche proposée dans la directive constitue un ensemble de mesures complémentaires. Elle s’inscrit dans le cadre des travaux européens sur le financement à long terme de l’économie européenne. Elle contribue en effet à fournir aux actionnaires une perspective de plus long terme, améliorant ainsi les conditions de développement des entreprises cotées.

Tout renforcement de l’engagement des actionnaires est susceptible d’avoir un effet positif à la fois sur la valeur pour les actionnaires et sur l’efficience, la compétitivité et les performances de l’entreprise cible. L’objectif est ainsi de garantir que les investisseurs disposent d’informations claires, exhaustives et comparables, permettant ainsi de lever les obstacles à leur engagement, en particulier dans un contexte transfrontalier. Une meilleure transparence des stratégies d’investissement permettra par ailleurs aux investisseurs de prendre des décisions en meilleure connaissance de cause, et encouragera également les investisseurs à s’engager davantage auprès de leurs entreprises détenues.

L’ensemble de mesures proposées pourrait dès lors avoir une incidence positive sur la viabilité à long terme des sociétés cotées, notamment les PME, qui sont susceptibles de bénéficier d’un meilleur accès aux marchés des capitaux. Il pourrait également avoir certains effets sociaux positifs, étant donné que les entreprises adoptant une stratégie à long terme pourraient créer davantage d’emplois.

Cet ensemble de mesures entraînerait une augmentation de la charge administrative, notamment pour les PME cotées. Toutefois, ces coûts seraient limités étant donné que la plupart du temps, des mesures en matière de transparence et de publication sont déjà prévues et qu’un certain degré de transparence est déjà imposé ou appliqué sur une base volontaire. Par ailleurs, les coûts seront répartis également entre les différents groupes de parties prenantes.

5        Consultations menées et modalités d’application

5.1             Consultations menées

L’Autorité des marchés financiers a été consultée à plusieurs reprises sur cette partie.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a rendu un avis favorable sur le projet d’article (avis n°2018-16) le 15 mars 2018.

5.2             Modalités d’application

5.2.1         Application dans le temps

Une application différée à une date fixée par décret et, au plus tard, à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la loi est prévue afin de permettre la publication des mesures d’application nécessaires pour fixer le contenu des différents documents prévus.

5.2.2         Application dans l’espace

Les dispositions envisagées seraient également applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

5.2.3         Textes d’application

Des textes d’application de niveau réglementaire seront nécessaires pour prévoir (i) le contenu détaillé de la politique d’engagement, (ii) le contenu de son compte rendu, (iii) le contenu de la transparence entre les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels.


  1. La transparence des conseillers en vote

1.         État des lieux

Les conseillers en vote fournissent aux investisseurs des recommandations sur la manière de voter lors des assemblées générales de sociétés cotées. Les agences de conseil en vote interviennent auprès des investisseurs sur les marchés financiers mais l’exercice de leurs activités n’est pas conditionné, selon les règles françaises ou communautaires, à l’obtention d’un agrément. La fourniture de conseil en vote ne fait en effet pas partie des prestations de services d’investissement visées par la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (dite directive « MIF II ») et transposées aux articles L. 321-1 et suivants du code monétaire et financier, et échappe par conséquent au contrôle du régulateur français.

 En France, dès 2005, le rapport du groupe de travail de l’Autorité des marchés financiers
« Mansion » a recommandé un encadrement des agences de conseil en vote. Cet encadrement a pris en 2011 la forme d’une recommandation (recom. N°2011-06 « les agences de conseil en vote ») qui s’attache à traiter quatre aspects de l’activité de ces entités : (i) l’élaboration et la communication de la politique de vote, (ii) l’élaboration et la diffusion des recommandations de vote aux investisseurs, (iii) le dialogue avec les sociétés cotées et (iv) la prévention des conflits d’intérêts.

 Au niveau européen, l’Autorité européenne des marchés financiers a réalisé, en 2012, un
« Discussion Paper », concluant que le rôle des agences de conseil en vote était nécessaire et ne relevant pas d’anomalie de marché susceptible de justifier l’introduction de mesures impératives (« no clear evidence of a failure of the proxy advisory market »), préférant ainsi une autorégulation. Le Best Practice Principles Group, groupe de réflexion créé à la suite de ce document, a rendu public un code de bonne conduite en mars 2014, qui fixe les principes applicables aux entités signataires : (i) la qualité du service, (ii) les conflits d’intérêts et la direction, et (iii) la politique et la communication en sont les principaux aspects. Ce code de bonne conduite a été signé par les principales agences de conseil en vote intervenant en Europe.

La révision de la directive « droits des actionnaires » constitue la première incursion du législateur européen dans ce domaine. Dans les dispositions qu’il lui consacre, il s’appuie en grande partie sur l’état actuel des règles et de l’autorégulation européenne : il reprend en effet dans la directive les règles du comply or explain concernant l’application du code de bonne conduite, et introduit de la transparence sur les principaux aspects de l’activité des agences et quant à la gestion des conflits d’intérêts.

2        Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1             Nécessité de légiférer

Le grand nombre de portefeuilles d’actions (transfrontaliers) détenus par des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs et la complexité des questions à prendre en compte rendent souvent inévitable le recours à des conseillers en vote. Ceux-ci ont une influence importante sur le comportement de vote de ces investisseurs. En particulier, des faiblesses en matière de qualité des avis ainsi que des conflits d’intérêts ont été observés.

Les principales critiques ont traits à la charge que représente le calendrier des assemblées générales des sociétés suivies par rapport aux ressources des conseillers ; au manque d’indépendance soupçonné et aux conflits d’intérêts ; à une approche de conseil fondée sur un ensemble de critères pré établis qui ne correspondent pas forcément à la réalité et aux besoins des sociétés prises individuellement.

2.2             Objectifs poursuivis

La directive met en œuvre des obligations de transparence et des mécanismes incitatifs propres à améliorer la qualité des conseils fournis. L’objectif est ainsi de garantir que les investisseurs disposent d’informations claires, exhaustives et comparables. La qualité des recommandations des agences de conseil en vote influence directement la qualité des votes et décisions des investisseurs, notamment dans les assemblées générales, et donc les décisions prises par la société.

Prises dans leur ensemble, les mesures proposées pourraient avoir une incidence positive sur la viabilité à long terme des sociétés cotées qui sont susceptibles de bénéficier d’un meilleur accès aux marchés des capitaux.

3        Options possibles et dispositif retenu

3.1             Options envisagées

 

 

 

 

 

Champ d’application des dispositions de la directive

Description des dispositions nouvelles

Disposition de la directive

Commentaire

Art. 1er

Aux fins de l’application du chapitre I ter, l’État membre compétent est défini comme suit:

(…)

« b) pour les conseillers en vote, l’État membre dans lequel le conseiller en vote a son siège social ou, lorsque le conseiller en vote n’a pas son siège social dans un État membre, l’État membre dans lequel le conseiller en vote a son administration centrale ou, lorsque le conseiller en vote n’a ni son siège social ni son administration centrale dans un État membre, l’État membre dans lequel le conseiller en vote est établi.»

Le champ d’application de la directive est très étendu. Les conseillers qui seront concernées par les règles françaises sont :

-          Les conseillers dont le siège social est situé en France ;

-          Les conseillers dont le siège social est situé hors d’un EM, mais dont l’administration centrale est en France ;

-          Les conseillers dont le siège social et l’administration centrale sont hors d’un EM, mais qui opèrent au moyen d’une « entité » en France (« au moyen d’un établissement dans l’Union, quelle que soit la forme de cet établissement. » consid. 27)

 

La directive prévoit la superposition des compétences des EM dans le cas où une agence de conseil n’aurait ni son siège social ni son administration centrale dans un EM, mais possèderait plusieurs entités, par exemple succursale, dans plusieurs EM (dont en France).

6. Le chapitre I ter s’applique:

c) aux conseillers en vote, dans la mesure où ils fournissent des services à des actionnaires en ce qui concerne les actions de sociétés qui ont leur siège social dans un État membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé établi ou opérant dans un État membre.

Limitation des règles aux conseillers qui fournissent des services relatifs aux actions de sociétés cotées dans un EM.

“conseiller en vote”: une personne morale qui analyse, sur une base professionnelle et commerciale, les communications des entreprises et, le cas échéant, d’autres informations de sociétés cotées afin d’éclairer les décisions de vote des investisseurs en effectuant des recherches, en fournissant des conseils ou en formulant des recommandations de vote concernant l’exercice des droits de vote;

Définition de l’activité des conseillers en vote qui apparait bien cibler toutes les agences concernées.

(art. 3 undecies, 4.)

4. Le présent article s’applique également aux conseillers en vote qui n’ont ni leur siège social ni leur administration centrale dans l’Union et qui exercent leurs activités par l’intermédiaire d’une entité située dans l’Union.

Reprise des dispositions de l’article 1er

Code de conduite (art. 3 undecies, 1.)

Description des dispositions nouvelles

Dispositions de la directive

Commentaire

art. 3 undecies, 1.

1. Les États membres veillent à ce que les conseillers en vote rendent public le code de conduite qu’ils appliquent et font rapport sur l’application de ce code de conduite.

Application du principe comply or explain au code de bonne conduite. Il n’existe à ce jour qu’un seul code de conduite utilisé en Europe, le Best Practice Principles for Providers of Shareholder Voting Research & Analysis.

Ce code a été élaboré par le Best practice principles Group, présidé par le Dr. Dirk Zetzsche, LL.M. (Toronto), et composé des agences de conseil en vote signataires ISS, Glass Lewis, Proxinvest, Ivox GmbH, Manifest Information Services Ltd et PIRC Ltd), ainsi que sur la base de travaux de consultations.

Dans les cas où les conseillers en vote n’appliquent pas de code de conduite, ils fournissent une explication claire et motivée de leurs raisons d’agir ainsi. Lorsque les conseillers en vote appliquent un code de conduite mais qu’ils s’écartent d’une de ses recommandations, ils précisent les parties dont ils s’écartent, fournissent une explication à cet égard et indiquent, le cas échéant, les mesures de remplacement adoptées.

Les informations visées au présent paragraphe sont mises gratuitement à la disposition du public sur le site internet des conseillers en vote et sont mises à jour sur une base annuelle.

Transparence sur certaines informations (art. 3 undecies, 2.)

Description des dispositions nouvelles

Dispositions de la directive

Commentaire

art. 3 undecies, 2.

2. Les États membres veillent à ce que, afin d’informer correctement leurs clients sur la teneur exacte et la fiabilité de leurs activités, les conseillers en vote rendent publiques, au moins chaque année, toutes les informations suivantes concernant la préparation de leurs recherches, de leurs conseils et de leurs recommandations de vote:

Obligation de transparence sur sept catégories d’informations. La directive ne prévoit pas d’option de transposition sur ces catégories.

Il est proposé de transposer ces différents items au niveau réglementaire.

a) les éléments essentiels des méthodes et des modèles qu’ils appliquent;

b) les principales sources d’information utilisées;

c) les procédures mises en place pour garantir la qualité des recherches, des conseils et des recommandations de vote et les qualifications du personnel concerné;

d) le fait que les situations juridiques, réglementaires et de marché nationales, ainsi que les situations propres à la société, sont prises en compte ou non et, dans l’affirmative, la manière dont elles sont prises en compte;

e) les caractéristiques essentielles des politiques de vote appliquées pour chaque marché;

f) le fait que des dialogues ont lieu ou non avec les sociétés qui font l’objet de leurs recherches, de leurs conseils ou de leurs recommandations de vote et avec les parties prenantes dans ces sociétés et, dans l’affirmative, la portée et la nature de ces dialogues;

g) la politique en matière de prévention et de gestion des conflits d’intérêts potentiels.

Les informations visées dans le présent paragraphe sont mises gratuitement à la disposition du public sur le site internet des conseillers en vote et restent accessibles gratuitement durant au moins trois ans après la date de publication. Ces informations ne doivent pas nécessairement être communiquées séparément lorsqu’elles sont disponibles dans le cadre de la communication au public prévue au paragraphe 1.

Dispositions relatives aux conflits d’intérêts (art. 3 undecies, 3.)

Description des dispositions nouvelles

Dispositions de la directive

Commentaire

art. 3 undecies, 3

3. Les États membres veillent à ce que les conseillers en vote décèlent, et communiquent sans retard à leurs clients, tout conflit d’intérêts réel ou potentiel ou toute relation commerciale pouvant influencer la préparation de leurs recherches, de leurs conseils ou de leurs recommandations de vote, ainsi que les mesures prises pour éliminer, limiter ou gérer les conflits d’intérêts réels ou potentiels.

Transparence et obligation de déceler les éventuels conflits d’intérêts.

3.2             Option retenue

Aucune option de transposition n’est offerte par la directive sur cette partie. La transposition proposée ne prévoit pas d’obligations supplémentaires que ce qui est nécessaire pour la mise en œuvre de la directive.

4        Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1             Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

Les conseillers qui seront concernées par les règles françaises sont :

-          les conseillers dont le siège social est situé en France ;

-          les conseillers dont le siège social est situé hors d’un Etat membre, mais dont l’administration centrale est en France ;

-          les conseillers dont le siège social et l’administration centrale sont hors d’un Etat membre, mais qui opèrent au moyen d’une « entité » en France (« au moyen d’un établissement dans l’Union, quelle que soit la forme de cet établissement » considérant 27).

La directive prévoit la superposition des compétences des États membres dans le cas où une agence de conseil n’y aurait ni son siège social ni son administration centrale, mais possèderait plusieurs entités, par exemple succursale, dans plusieurs États membres (dont la France). Contrairement aux succursales d’une agence qui aurait son siège ou son administration centrale dans un Etat membre, la société mère d’un pays tiers possédant plusieurs succursales dans plusieurs États membres sera soumise aux dispositions prévues selon la législation de chaque État membre concerné.

 La directive prévoit, d’une part, une application du principe « comply or explain » au code de bonne conduite, c’est-à-dire l’obligation de l’appliquer ou d’expliquer pourquoi il ne l’est pas (ou pas complètement). Il n’existe à ce jour qu’un seul code de conduite utilisé en Europe, le Best Practice Principles for Providers of Shareholder Voting Research & Analysis. Ce code a été élaboré par le Best practice principles Group, présidé par le Dr. Dirk Zetzsche, LL.M. (Toronto), et composé des agences de conseil en vote signataires ISS, Glass Lewis, Proxinvest, Ivox GmbH, Manifest Information Services Ltd et PIRC Ltd), ainsi que sur la base de travaux de consultations.

La directive prévoit, d’autre part, une obligation de transparence sur sept catégories d’informations.

La directive prévoit enfin ce que les conseillers en vote décèlent, et communiquent sans retard à leurs clients, tout conflit d’intérêt réel ou potentiel ou toute relation commerciale pouvant influencer la préparation de leurs recherches, de leurs conseils ou de leurs recommandations de vote, ainsi que les mesures prises pour éliminer, limiter ou gérer les conflits d’intérêts réels ou potentiels.

Les impacts juridiques de cette transposition sont détaillés et commentés dans le tableau de transposition joint en annexe à la présente étude d’impact.

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La transposition proposée est une stricte reprise des dispositions de la directive.

4.2             Impacts économiques et financiers

La mise en œuvre des dispositions envisagées devrait générer une amélioration de la qualité des recommandations et donc des décisions prises en assemblées générales, ce qui est susceptible d’avoir un effet positif à la fois sur la valeur pour les actionnaires et sur l’efficience, la compétitivité et les performances de l’entreprise cible.

5        Consultations menées et modalités d’application

5.1             Consultations menées

L’autorité des marchés financiers a été régulièrement associée à la préparation du dispositif envisagée.

5.2             Modalités d’application

5.2.1         Application dans le temps

Une application différée à une date fixée par décret et, au plus tard, à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la loi est prévue de manière à permettre aux entités concernées de s’adapter aux dispositions nouvelles.

5.2.2         Application dans l’espace

Les dispositions envisagées seraient également applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

5.2.3         Textes d’application

Des textes de niveau réglementaire sont nécessaires pour transposer le détail du contenu des obligations de transparence.


  1. L’encadrement des transactions avec les parties liées

1.         État des lieux

Un dispositif d’encadrement des transactions avec les « parties liées », soient les personnes parties à ces conventions et entretenant des liens avec la société concernée, existe en droit français dans le code de commerce, à travers la procédure des conventions réglementées. La procédure des conventions réglementées est un mécanisme de prévention des conflits d’intérêts dans les sociétés commerciales. Il s’agit d’une série de formalités destinées à soumettre une convention conclue entre la société et certaines personnes – physiques ou morales – qui ont des intérêts dans la société comme actionnaires ou comme dirigeants à un contrôle de la part des organes sociaux, pour vérifier que cette convention ne leur confère pas un avantage injustifié et disproportionné au regard des intérêts des autres actionnaires ou au regard de l’intérêt de la société.

Le régime « complet » des conventions réglementées s’applique aux sociétés anonymes, qu’elles soient cotées ou non cotées. Le code de commerce prévoit aussi un régime « simplifié » pour les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions simplifiées.

Ce régime est défini par les articles L. 225-38 à L. 225-42 du code de commerce. L’article L. 225-37-4 comporte une dérogation à ce régime pour les conventions intra-groupe.

Les articles L. 225-38 à L. 225-42 du code de commerce applicables aux sociétés anonymes à conseil d’administration sont reproduites, mutatis mutandis, aux articles L. 225-86 à L. 225-90 pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance. Elles sont également applicables, par renvoi, aux sociétés en commandite par actions (article L. 226-10 du code de commerce) et aux sociétés européennes (article L. 229-7 alinéa 6 du code de commerce).

Aux termes de ces dispositions, une autorisation préalable du conseil d’administration est nécessaire pour les conventions intervenant entre la société et une des personnes suivantes (ou à laquelle une de ces personnes est indirectement intéressée) : le directeur général, un directeur général délégué, un administrateur, un actionnaire ayant plus de 10% des droits de vote (ou si cet actionnaire est une société, la société qui la contrôle). Une autorisation préalable est aussi requise pour les conventions entre la société et une entreprise lorsque l’un des mandataires sociaux de la société est également dirigeant de cette entreprise (propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance, liste non limitative). L’autorisation du conseil d’administration doit être motivée au regard de l’intérêt de la société (article L. 225-38 du code de commerce).

Sont dispensées d’autorisation préalable les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, ainsi que les conventions entre une société et sa filiale détenue à 100 % (article L. 225-39 du code de commerce).

L’article L. 225-40 prévoit un ensemble de modalités de contrôle. Ainsi, les conventions sont soumises aux formalités suivantes :

-          la personne intéressée à une convention doit en aviser le conseil d’administration dès qu’elle en a connaissance ;

-          le président du conseil avise le commissaire aux comptes des conventions autorisées et conclues ;

-          les conventions autorisées et conclues doivent être approuvées par l’assemblée générale ;

-          le commissaire aux comptes soumet à l’assemblée générale un rapport spécial sur ces conventions ;

-          pour les deux procédures de vote (autorisation du conseil et approbation de l’assemblée générale), la personne intéressée ne peut pas prendre part.

Le régime prévoit que, dans le cas où une convention n’a pas été soumise à autorisation ou à approbation et a entraîné des conséquences préjudiciables à la société, la personne intéressée peut être tenue responsable de ces conséquences. Une convention non autorisée par le conseil peut en outre être annulée. Une convention autorisée mais non approuvée par l’assemblée générale peut être annulée seulement en cas de fraude (articles L. 225-41 et L. 225-42 du code de commerce).

2        Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1             Nécessité de légiférer

L’effectivité du dispositif français repose en grande partie sur la déclaration faite par l’intéressé au conseil d’administration au sujet de l’existence d’une convention soumise à la procédure définie. Aucune autre mesure de transparence, notamment à l’égard des actionnaires, n’est prévue pour assurer que les conventions concernées y soient soumises.

En outre, l’identification des conventions courantes et conclues à des conditions normales, qui sont dispensées de la procédure, est relativement libre et n’est assortie d’aucune autre modalité de transparence pour vérifier qu’elles remplissent les conditions pour être dispensées.

Enfin, si les personnes directement intéressées à une convention sont exclues du vote de l’assemblée générale en vue de son approbation, aucune exclusion semblable n’est prévue pour les personnes indirectement intéressées, ce qui traduit une asymétrie dans le régime juridique. L’exclusion des personnes directement intéressées se traduit non seulement par une absence de prise en compte de leurs voix dans le calcul de la majorité mais également au stade du calcul du quorum, ce qui peut entraver la possibilité pour les associés de délibérer utilement sur ces conventions.

2.2             Objectifs poursuivis

L’objectif poursuivi par l’article est d’adapter le droit français et de le mettre au niveau de la directive en instaurant des mesures de transparence favorables aux droits des actionnaires et une procédure de contrôle de nature à inciter les dirigeants et les personnes intéressées à plus de vigilance dans la qualification de la convention, au risque d’une action engageant leur responsabilité.

3        Options possibles et dispositif retenu

Ces options sont détaillées dans le tableau de transposition joint à la présente étude d’impact.

4        Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1             Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article 9 quater de la directive, intitulé « transparence et approbation des transactions avec des parties liées », impose aux Etats membres de définir les « transactions importantes » au sens de cet article en prenant en compte celles dont la connaissance peut avoir une influence sur les décisions économiques des actionnaires et qui peuvent créer des risques pour la société et pour les autres actionnaires. Pour la définition de ces transactions, il laisse cependant une option entre, d’une part, une approche quantitative fondée sur des ratios se rapportant à l’impact de la transaction sur la situation financière de la société et, d’autre part, une approche qualitative fondée sur la nature de la transaction et la position de la partie liée.

Le code de commerce ne contient pas de définition des conventions réglementées en tant que telle , il définit le champ d’application de la procédure de contrôle applicable par l’énumération des personnes susceptibles d’être parties aux conventions soumises à la procédure (article L. 225-38 du code de commerce) et par la définition d’exceptions (article
L. 225-39 du code de commerce). Ce faisant, le code de commerce cible déjà les conventions dont la connaissance par les personnes qui y sont intéressées peut avoir une influence sur les décisions économiques des actionnaires et qui peuvent créer des risques pour la société et les autres actionnaires.

Ainsi, il est proposé de ne pas créer de définition des « conventions importantes ». En définissant avec précision le champ d’application de la procédure des conventions réglementées, le code de commerce fournit un cadre satisfaisant – par référence à la position des parties et à la nature des transactions – pour déterminer quelles conventions peuvent être considérées comme des « transactions importantes » au sens de la directive.

Pour le reste, la directive impose quelques modifications des dispositions du code de commerce, modifications limitées aux sociétés cotées.

Annonce publique des transactions

Le texte européen impose une « annonce publique » des transactions importantes avec les parties liées au plus tard au moment de la conclusion de la transaction et précise le contenu des informations qui doivent au minimum être délivrées (paragraphe 2). La directive prévoit la possibilité que l’annonce publique soit accompagnée d’un rapport dont elle précise alors les objectifs, le contenu et les conditions de rédaction. Ce rapport n’est pas rendu obligatoire par la directive (paragraphe 3). Cette annonce publique est également applicable aux transactions importantes conclues entre les parties liées de la société et la filiale de cette société (paragraphe 7).

Il n’existe pas en droit français de dispositions équivalentes imposant une telle annonce publique des conventions réglementées.

Quant aux transactions conclues avec les filiales, elles figurent dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise aux termes de l’article L. 225-37-4 du code de commerce, dont la publication sur le site internet de la société internet est obligatoire pour les sociétés cotées. Aucune mesure de transposition n’est donc nécessaire.

L’article 14 de la directive impose aux Etats membres de déterminer le régime des mesures et sanctions, qui doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives », en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive.

En application de cette disposition, le défaut d’annonce publique pourrait désormais être sanctionné par un mécanisme d’injonction sous astreinte, dont l’initiative appartiendrait à toute personne intéressée qui pourrait alors saisir le président du tribunal statuant en référé afin que celui-ci enjoigne au conseil d’administration ou au directoire de communiquer les informations. Ce mécanisme est approprié compte tenu des mécanismes existants en droit des sociétés et constitue une sanction au sens de la directive. En effet, pour assurer l’effectivité d’une obligation analogue de publication d’informations (publication d’informations non financières), instaurée pour la transposition de la directive 2014/95 du 22 octobre 2014 (« directive RSE »), cette sanction a déjà été retenue à l’article L. 225-102-1 VI du code de commerce par l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprises,

Les impacts juridiques de cette transposition sont détaillés et commentés dans le tableau de transposition joint en annexe à la présente étude d’impact.

Procédure interne pour l’examen des conventions courantes

Le paragraphe 5 de la directive précise que les transactions effectuées dans le cadre de l’activité ordinaire de la société et conclues aux conditions normales du marché ne sont pas soumises à autorisation ou approbation. Elles doivent néanmoins faire l’objet d’un examen régulier par l’organe d’administration ou de surveillance de la société pour vérifier qu’elles sont bien conclues aux conditions normales du marché. Une procédure interne doit être établie à cet effet.

Il n’existe pas en droit français de dispositions imposant une telle procédure d’examen régulier des conditions des conventions courantes. Les impacts juridiques de cette transposition sont détaillés et commentés dans le tableau de transposition joint en annexe à la présente étude d’impact.

Interdiction pour les parties liées de prendre part au vote sur l’approbation des transactions

Le paragraphe 4 de l’article 9 quater de la directive présente la procédure d’autorisation devant être appliquée aux conventions précédemment définies, par l’assemblée générale ou l’organe d’administration ou de surveillance de la société, ainsi que les conditions dans lesquelles l’actionnaire qui serait partie liée peut prendre part au vote – la directive indiquant préalablement que l’actionnaire partie liée peut toujours être exclu du vote.

Le droit français est conforme à la directive en ce qu’une personne intéressée ne peut prendre part ni au vote d’autorisation au sein du conseil d’administration (L. 225-40 du code de commerce) ni à celui de l’assemblée générale pour l’approbation (L. 225-38 du code de commerce) mais pourrait être amélioré en :

-          clarifiant l’ambigüité résultant de la différence entre les termes employés par les dispositions régissant l’autorisation du conseil d’administration et celles régissant l’approbation par l’assemblée générale pour définir les parties liées qui ne sont pas admises à prendre part au vote ;

-          excluant la prise en compte des voix des personnes intéressées et indirectement intéressées dans le calcul de la majorité et non dans celui du quorum, ce qui constituerait une mesure favorable aux actionnaires minoritaires, en leur permettant de voter de manière utile sur une convention dès la première convocation à l’assemblée (proposition suggérée par l’Autorité des marchés financiers) ;

-          Les impacts juridiques de ces modifications sont détaillés et commentés dans le tableau de transposition joint en annexe à la présente étude d’impact.

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les dispositions envisagées procèdent à la stricte transposition des dispositions de la directive.

4.2             Impacts économiques et financiers

Les mesures concernant l’encadrement des transactions avec les parties liées renforcent quant à elles les droits des actionnaires, notamment minoritaires, en leur permettant d’exercer un contrôle accru sur les conventions susceptibles de donner lieu à une captation de la valeur de la société. Elles créent certaines charges et créent des obligations nouvelles, notamment pour l’établissement d’une liste des conventions libres. Ces charges, qui restent limitées, sont nécessaires au fonctionnement du dispositif, et doivent être mises en regard de la plus grande transparence qui sera désormais offerte aux actionnaires. L’enjeu est celui d’une meilleure gouvernance et d’un meilleur engagement de l’actionnariat dans la vie de la société.

5        Consultations menées et modalités d’application

5.1             Consultations menées

Des consultations orales et écrites ont été menées auprès des professionnels de la place financière de Paris.

5.2             Modalités d’application

5.2.1         Application dans le temps

Une application différée à une date fixée par décret et, au plus tard, à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la loi est prévue permettant de suspendre l’entrée en vigueur à la parution des mesures d’application nécessaires.

5.2.2         Application dans l’espace

Les dispositions envisagées seraient applicables sur le territoire métropolitain et également en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi que dans les îles Wallis et Futuna.

5.2.3         Textes d’application

Des textes d’application de niveau réglementaire seront nécessaires pour transposer le détail des informations contenues dans l’annonce publique des conventions réglementées, les modalités de la procédure interne de contrôle des conventions courantes ainsi que l’établissement de leur liste.

 


  1. L’identification et le dialogue avec les actionnaires

1.         État des lieux

La directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires prévoit, en ses articles 3 bis à 3 sexies, un certain nombre de dispositions relatives à l’identification, par les émetteurs, de leurs actionnaires, la facilitation de l’exercice de leurs droits, la transmission d’informations entre sociétés et actionnaires et la transparence de certains frais prélevés par les intermédiaires financiers dans ce cadre. Ces dispositions visent à permettre à une société d'obtenir une photographie fidèle de son actionnariat à un instant donné et de lui donner ainsi les moyens d’espérer mieux appréhender ses attentes et de mieux communiquer avec lui, notamment à l’occasion des assemblées générales.

1.1.  L’identification des actionnaires par l’émetteur

1.1.1        Cadre national

En droit français, le processus d’identification par l’émetteur des propriétaires de ses actions dépend des modalités d’inscription de l’action, au nominatif ou au porteur.

-          L'expression « titres nominatifs » désigne les titres inscrits sur un compte tenu par la personne morale émettrice (article R. 211-2 du code monétaire et financier) ou chez un intermédiaire habilité (article R. 211-3 du même code) qu'elle a choisi (les titres étant alors considérés comme étant au « nominatif administré »). Les actions des sociétés cotées peuvent être nominatives si les statuts le décident. Les actionnaires peuvent le demander lorsqu'ils veulent bénéficier d'un droit de vote double (article L. 225-123 du code de commerce) ou d'un dividende majoré (article L. 232-14 du même code), ou encore s'ils souhaitent participer à une association d'actionnaires (article L. 225-120 du code de commerce).

-          L'expression « titres au porteur » désigne toutes les valeurs mobilières non nominatives : (i) toutes les valeurs mobilières (actions, obligations et autres) admises aux négociations sur un marché réglementé, sauf si les statuts imposent la nominativité, ou, pour les actions, si l'actionnaire demande d'être inscrit nominativement ; (ii) les actions émises par les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV). Ces valeurs sont inscrites en compte chez un intermédiaire agréé (mentionné aux 2° à 7° de l’article
L. 542-1 du code monétaire et financier).

L'inconvénient principal du titre au porteur pour la société émettrice étant son anonymat, une loi du 17 juin 1987[426], a instauré le régime du « titre au porteur identifiable » (art. L. 228-1 à L. 228-3-1 du code de commerce) permettant aux émetteurs de connaître leur actionnariat. Ce système facultatif - une clause des statuts est nécessaire pour l’appliquer - est réservé aux valeurs mobilières conférant immédiatement ou à terme[427] un droit de vote aux assemblées d'actionnaires. Le système permet à la société émettrice d'obtenir du dépositaire central de titres (DCT) des renseignements lui permettant d'identifier ses actionnaires et de connaître le nombre de titres qu’ils détiennent selon le processus suivant : le DCT interroge les intermédiaires habilités qui conservent les titres (les teneurs de compte conservateurs, ou TCC) ; ces derniers doivent répondre dans les 10 jours ; le dépositaire central dispose alors de 5 jours pour répondre à la demande d'identification de l’émetteur. Lorsqu'il n'a pas obtenu de réponse des teneurs de compte, il peut obtenir du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, une injonction sous astreinte (art. L. 228-2, al. 3 du code de commerce).

Dans un cadre international, c’est-à-dire en présence de propriétaires finaux étrangers, des titres émis par une société française peuvent être détenus via le système de l’intermédiaire inscrit. La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (dite loi NRE) a modifié les articles L. 228-1 et suivants du code de commerce pour prendre en compte certains aspects internationaux particuliers de la détention des instruments financiers. La raison de ce système réside dans le fait que l'identité des actionnaires étrangers, et donc de la personne pouvant demander l'inscription en compte, est délicate à déterminer en présence, essentiellement, d’investisseurs anglais et américains, qui détiennent leurs titres de manière indirecte, leurs systèmes juridiques leur permettant d'interposer un certain nombre d'intermédiaires de qualités diverses. Or, les difficultés d'identification liées à ces systèmes peuvent être préjudiciables à la participation de ces actionnaires à la vie sociale et à l'exercice des droits attachés à leurs titres, fragilisant ainsi le processus de décision en assemblée générale. La loi NRE a pris en considération ces nécessités et a prévu des règles en vue de la révélation, si la société émettrice le souhaite, de l'identité des titulaires de titres émis par des sociétés régies par le droit français, ayant donc leur siège social en France.

Ces règles sont prévues aux articles L. 228-1 et suivants du code de commerce : au principe selon lequel les valeurs mobilières doivent être inscrites au nom de leurs propriétaires, ces textes aménagent une exception en autorisant les propriétaires, non domiciliés sur le territoire français au sens de l'article 102 du code civil, de titres admis aux négociations sur un marché réglementé à détenir leurs droits dans un compte individuel ou collectif ouvert au nom d'un intermédiaire. L'intermédiaire, lors de l'ouverture du compte, est alors tenu de déclarer qu'il détient les titres pour le compte d'autrui, soit à la société émettrice soit à l'intermédiaire habilité teneur de compte.

Afin d’identifier ses actionnaires en présence d’intermédiaires inscrits, la société peut mettre en œuvre la procédure organisée par les articles L. 228-2 et L. 228-3 du code de commerce. La première phase est la même que celle décrite ci-dessus pour les titres au porteurs. À son issu, une seconde phase autorise la société à demander à toutes les personnes qui lui semblent figurer sur cette liste pour le compte de tiers de révéler l'identité des propriétaires. Quand il s'agit de titres nominatifs, la société peut demander directement à l'intermédiaire de révéler l'identité des propriétaires des titres pour lesquels il est inscrit (ainsi que le nombre de titres détenus par chacun) : la réponse devra être fournie dans les dix jours ouvrables à compter de la demande (art. R. 228-5). La société émettrice, quelle que soit la forme des titres, peut renouveler ses demandes tant qu'elle estime qu'elle n'a pas obtenu l'identité du véritable propriétaire des titres (art. L. 228-3-1-I) ; elle peut également demander à toute personne morale propriétaire de ses actions et possédant des participations dépassant le quarantième du capital ou des droits de vote de lui faire connaître l'identité des personnes détenant directement ou indirectement plus du tiers du capital social de cette personne morale ou des droits de vote (art. L. 228-3-1-II).

Les sanctions attachées à ces dispositions sont de nature diverse. Certaines constituent des mesures a priori pour inciter l'intermédiaire inscrit à révéler les informations relatives des titulaires. Ainsi, l'article L. 228-3-3, alinéa 1er, du code de commerce prévoit que, dans le cas où une personne interrogée dans le cadre des procédures décrites ci-dessus omet de fournir une réponse dans les délais prévus ou transmet des informations incomplètes ou erronées, les titres inscrits en compte au nom de cette personne sont privés de droit de vote pour toute assemblée qui se tiendrait jusqu'à la date de régularisation et que le paiement du dividende est également différé jusqu'à cette date. En outre l'article L. 228-3, alinéa 2, du code de commerce précise que la jouissance des droits spéciaux qui sont attachés statutairement aux actions détenues de manière continue au nominatif pendant une période de deux ans est subordonnée aux renseignements fournis par l'intermédiaire inscrit, renseignements qui doivent être suffisants pour permettre le contrôle des conditions requises pour l'exercice de ces droits. D'autres sanctions peuvent être prononcées a posteriori. En effet, si les procédures de renseignement sont sciemment méconnues, la société ou un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5 % des droits de vote peuvent demander au tribunal dans le ressort duquel la société émettrice a son siège de prononcer la privation totale ou partielle, pour une durée maximale de cinq ans, des droits de vote et des dividendes attachés aux actions concernées (art. L. 228-3-3, al. 2 du code de commerce).

1.1.2        Cadre de la directive

L’article 3 bis de la directive consacre le droit pour les sociétés cotées européennes d’identifier leurs actionnaires. Il prévoit des règles en présence d’une chaîne de plusieurs intermédiaires, de manière à ce que la demande soit transmise entre eux et que les informations relatives à l’identité des actionnaires soient transmises à la société. La société doit être en mesure d’obtenir de l’information auprès de tout intermédiaire dans la chaîne détenant des informations. La société peut également passer par le dépositaire central pour recueillir les informations relatives à l’identité des actionnaires.

La portée de ce dispositif est extraterritoriale puisqu’il s’applique également aux intermédiaires qui, sans avoir de siège social ou d’administration centrale au sein de l’Union Européenne, fournissent des services aux actionnaires ou à d’autres intermédiaires en ce qui concerne les actions de sociétés qui ont leur siège social dans un État membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé établi ou opérant dans un État membre.

De manière générale, les dispositions européennes sont proches de celles prévues actuellement en droit français.

1.2.  La transmission d’informations, la facilitation de l’exercice des droits et la transparence des coûts

1.2.1        Cadre national

Le droit français, à l’article R. 225-73-1 du code de commerce, énumère, conformément à la première version de la directive (n° 2007/36/CE du 11 juillet 2007), les informations et documents à diffuser préalablement à une assemblée générale et impose la publication de ces informations sur le site internet des sociétés cotées « pendant une période ininterrompue commençant au plus tard le 21e jour précédant la date de l'assemblée générale et incluant le jour de l'assemblée ». Les sociétés cotées sur marché réglementé (et non sur Euronext Growth ou le marché libre) doivent ainsi disposer d'un site dédié aux obligations d'information destinées aux actionnaires (article R. 210-20 du code de commerce, ce site étant distinct du site dédié au vote électronique prévu à l'article R. 225-61 du même code).

En ce qui concerne la transmission de la documentation relative aux assemblées, l’inscription au nominatif permet aux actionnaires de recevoir une convocation individuelle (R. 225-68 du code de commerce). L’inscription au nominatif permet également à l’actionnaire de demander à l’émetteur de lui transmettre la documentation relative à l’assemblée générale sans avoir à justifier préalablement de sa qualité d’actionnaire (R. 225-88 du code de commerce). Les actionnaires au porteur, au contraire, sont uniquement informés de l’existence d’une convocation à une assemblée générale par un avis inséré dans un Journal habilité à recevoir les annonces légales dans le département du siège social de l’émetteur (JAL) et d’une publication au Bulletin des annonces légales obligatoires (BALO) (R. 225-67 du code de commerce). Pour obtenir communication des documents, ils doivent joindre à cette demande une attestation d’inscription en compte que son établissement teneur de compte-conservateur peut lui facturer (R. 225-88 du code de commerce). L’Autorité des marchés financiers recommande aux établissements teneurs de comptes-conservateurs de « veiller à ce que les actionnaires qui en formulent la demande disposent, dans les meilleurs délais, des documents préparatoires aux assemblées générales »[428].

Enfin, en matière de vote, à défaut d’assister personnellement à une assemblée générale, un actionnaire résident peut :

-          soit donner un mandat de vote (procuration[429]), qui peut être donné[430] sous forme électronique, à une personne de son choix, ou à l’émetteur sans indication de mandataire (pouvoir « en blanc ») – articles L. 225-106 et R. 225-79 du code de commerce) ;

-          soit voter à distance (vote dit « par correspondance ») via un formulaire de vote (articles L. 225-107 et R. 225-77 du code de commerce).

Pour les actionnaires non-résidents dont les titres sont tenus par un intermédiaire inscrit, l’article L. 228-3-2 du code de commerce dispose que « l'intermédiaire [inscrit] peut, en vertu d'un mandat général de gestion des titres, transmettre pour une assemblée le vote ou le pouvoir d'un propriétaire d'actions ou d'obligations ». L’article R. 228-6 du même code précise que « l'intermédiaire inscrit bénéficiaire d'un mandat peut transmettre ou émettre sous sa signature les votes des propriétaires d'actions ou d'obligations ». L’article L. 228-3-2 prévoit également qu’« à la demande de la société émettrice ou de son mandataire », l’intermédiaire inscrit est tenu de « fournir la liste des propriétaires non-résidents des actions […] auxquelles ces droits de vote sont attachés ainsi que la quantité d'actions […] détenues par chacun d'eux ». Ce même article prévoit que le vote ou le pouvoir émis par un intermédiaire qui n'a pas révélé l'identité des propriétaires des titres, à la demande de l’émetteur, ne peut être pris en compte.

1.2.2        Cadre de la directive

La première version de la directive (n° 2007/36/CE du 11 juillet 2007) avait renforcé l'obligation pesant sur les sociétés cotées de diffuser des informations relatives aux assemblées générales, en imposant de mettre à la disposition des actionnaires, via un site Internet, un certain nombre d'informations pendant un délai minimum de diffusion. La directive révisée (articles 3 ter et quater) prévoit désormais que les intermédiaires transmettent les informations de la société à l’actionnaire (les informations que la société est tenue de fournir à l’actionnaire, pour permettre à celui-ci d’exercer les droits découlant de ses actions), soit dans leur forme complète soit sous la forme d’un lien vers un site internet qui contient ces informations. Lorsque la chaîne d’intermédiaires compte plusieurs intermédiaires, les informations (ou le lien vers elles) sont transmises entre les intermédiaires, à moins qu’elles ne puissent être transmises directement par l’intermédiaire à la société ou à l’actionnaire.

En outre, les intermédiaires doivent également faciliter l’exercice par l’actionnaire de ses droits, notamment le droit de participer aux assemblées générales et d’y voter, y compris, le cas échéant, en exécutant les instructions explicites de l’actionnaire. Une confirmation de vote devra être envoyée. Enfin, la directive prévoit un dispositif de transparence des coûts associés pour les intermédiaires (frais susceptibles d’être prélevés pour chaque service fourni).

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

Selon l’étude d’impact de la Commission européenne accompagnant la proposition de directive modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires[431] (extraits) :

« Ces dernières années, certaines défaillances en matière de gouvernance d’entreprise dans les sociétés cotées européennes sont apparues au grand jour. Ces défaillances concernent différents acteurs de la gouvernance d’entreprise : les administrateurs, les actionnaires (investisseurs institutionnels et gestionnaires d’actifs) et les conseillers en vote (« proxy advisors »). (…)

L’une des questions essentielles concerne la séparation entre la propriété et le contrôle et donc le rapport principal-agent entre actionnaires et administrateurs. La délégation de la gestion de l’entreprise par les actionnaires (« principaux ») aux administrateurs (« agents ») permet potentiellement à ces derniers d’agir davantage dans leur propre intérêt que dans celui des actionnaires, ce qui peut nuire à la bonne gouvernance de l’entreprise et à ses performances. Aujourd’hui, les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs sont une force importante sur les marchés boursiers et l’intermédiation au sein de la chaîne d’investissement (délégation de la gestion quotidienne de l’investissement aux gestionnaires d’actifs) s’est considérablement développée. Cette place accrue de l’intermédiation a conduit à l’émergence d’incitations au sein de la chaîne d’investissement qui se concentrent souvent sur les performances à court terme et n’exploitent pas suffisamment les avantages de l’engagement des actionnaires. Les investisseurs institutionnels et les gestionnaires d’actifs sont donc souvent absents et ne s’intéressent pas à la gouvernance des entreprises. Cela aggrave le problème d’agence entre les actionnaires et les administrateurs d’entreprises et conduit à des performances sous-optimales des sociétés cotées. Les études démontrent que l’engagement à long terme des actionnaires conduit non seulement à une amélioration des performances des investisseurs, mais aussi à la hausse de la compétitivité et des performances des entreprises ».

Plus particulièrement, concernant l’indentification et l’exercice des droits des actionnaires, il est parfois difficile pour les actionnaires d’exercer les droits découlant de leurs actions, en particulier si la propriété de celles-ci est transfrontalière. Ce constat est clairement ressorti de la réunion de place, tenue à la direction générale du Trésor le 13 décembre 2017, consacrée à la transposition des articles 3 bis à 3 septies de la directive 2017/828, relatifs à l’identification, par les émetteurs, de leurs actionnaires, la facilitation de l’exercice de leurs droits, la transmission d’informations entre sociétés et actionnaires et la transparence de certains frais prélevés par les intermédiaires financiers dans ce cadre (cf. supra consultations menées). Les teneurs de compte présents ont indiqué ainsi que le système français actuel peut permettre d’identifier 98% des actionnaires d’un émetteur, mais que cela nécessite beaucoup de temps (plus de 3 semaines) et d’argent (selon l’Association française des entreprises privées précisant que 100 000 euros sont nécessaires). Pour arriver à ce résultat, les émetteurs, après avoir reçu les informations d’Euroclear, s’adressent à des spécialistes de l’identification actionnariale, dont le métier est de s’adresser aux TCC internationaux pour recomposer l’actionnariat. Cette situation peut être améliorée comme le prévoit la directive, notamment en ce qui concerne les coûts.

En ce qui concerne la transmission d’informations, lorsque les chaînes de détention sont intermédiées, en particulier lorsque ces chaînes sont longues, le risque de perte d’information est accru. Le droit français ne prévoit aujourd’hui qu’une mise en ligne des informations sur un site dédié, sans sollicitation directe des actionnaires. Ce dispositif peut être amélioré comme le prévoit la directive, en transmettant directement les informations ou le lien vers le site où elles se trouvent.

2.2.  Objectifs poursuivis

Le droit français est, de manière générale, conforme aux dispositions de cette partie de la directive. L’objectif poursuivi par la disposition envisagée est de permettre les ajouts et ajustements techniques nécessaires au niveau législatif, sans sur-transposition.

Le projet d’article sollicite cependant de transposer cette partie de la directive au moyen d’une ordonnance prise sur la base d’une habilitation, pour des raisons techniques : les articles 3 bis, 3 ter et 3 quater habilitent en effet la Commission à adopter des actes d’exécution pour (i) préciser les exigences minimales en matière de transmission des informations d’identification, en ce qui concerne le format des informations à transmettre, le format de la demande, y compris leur sécurité et leur interopérabilité, et les délais à respecter (article 3 bis) ; (ii) préciser les exigences minimales en matière de transmission des informations relatives à l’exercice des droit en ce qui concerne les types et le format des informations à transmettre, y compris leur sécurité et leur interopérabilité, et les délais à respecter (article 3 ter) ; (iii)préciser les exigences minimales en matière de facilitation de l’exercice des droits des actionnaires en ce qui concerne les types de facilitation, le format de la confirmation électronique de réception des votes, le format pour la transmission de la confirmation que les votes ont bien été enregistrés et pris en compte dans la chaîne d’intermédiaires, y compris leur sécurité et leur interopérabilité, et les délais à respecter. (article 3 quater).

Ces actes d’exécution doivent être adoptés au plus tard le 10 septembre 2018. La date limite de transposition des dispositions édictées par ces articles est conséquemment repoussée à 24 mois après l’adoption de ces actes, c’est-à-dire au plus tard le 10 septembre 2020. La Commission a indiqué, lors des différentes réunions de travail relatives à la transposition, que cette date ne serait pas anticipée.

3.         Options possibles et dispositif retenu

3.1.  Options envisagées

3.1.1        Champ d’application du dispositif

Tableau comparatif du droit français et de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Actionnaires concernés

Les sociétés cotées connaissent leurs actionnaires inscrits au nominatif.

 

Le système de TPI s’applique – sous réserve d’une clause statutaire – à tous les actionnaires au porteur des sociétés cotées et titres « nominatifs administrés » des sociétés non cotées sur un marché règlementé qui sont inscrits chez un intermédiaire habilité admis aux opérations d’un dépositaire central

La directive prévoit que les sociétés dont les actions sont admises sur un marché réglementé peuvent identifier tous leurs actionnaires. Sur option, les EM peuvent choisir de fixer un plafond, inférieur à 0,5% en deçà duquel les actionnaires ne pourraient pas être identifiés (art. 3bis)

Le droit français entend par « actionnaire », le propriétaire des titres (L. 228-1 al. 6 du code de commerce), ce qui correspond aux objectifs de la directive.

La nécessité d’une clause statutaire apparait devoir être supprimée pour pouvoir actionner  de façon automatique.

Option de transposition : option de la directive autorisant de garantir l’anonymat des actionnaires de moins de 0,5%.

Application extraterritoriale

Dans un cadre international, le droit français prévoit des dispositions permettant de remonter à l’identité du détenteur final de l’action et au nombre de titres détenus (art. L. 228-3-1, II du code de commerce notamment).

La directive s’applique également aux intermédiaires qui n’ont ni leur siège social ni leur administration centrale dans l’Union lorsqu’ils fournissent les services visés à l’article 1er, paragraphe 5. [ie services à des actionnaires ou à d’autres intermédiaires en ce qui concerne les actions de sociétés qui ont leur siège social dans un État membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé établi ou opérant dans un État membre] (art. 3 sexies)

Le droit français actuel possède un système proche de celui prévu par la directive pour retrouver l’identité des actionnaires à l’international. Des ajustements techniques pourront être nécessaires.

En option, la directive permet aux Etats membres de prévoir que les sociétés ayant un siège social sur leur territoire ne sont autorisées à exiger uniquement l’identification des actionnaires détenant plus d’un certain pourcentage d’actions ou de droits de vote. Ce pourcentage ne peut pas dépasser 0,5 %. Cette option devra être tranchée à l’occasion de l’ordonnance.

3.1.2        Transmission de la demande

Tableau comparatif du droit français et de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Transmission dans un cadre national

Le droit français prévoit que la demande soit adressée directement au dépositaire central (L. 228-2 du code de commerce), chargé d’interroger les TCC et de répondre à la société.

La directive prévoit que la demande de la société peut être adressée aux différents intermédiaires concernés, chargés de faire circuler la demande entre eux. La directive permet de charger le dépositaire central (ou un autre intermédiaire) de récolter les informations et de les transmettre.

Enfin, la directive permet de demander à un intermédiaire de révéler les coordonnées de l’intermédiaire suivant dans la chaîne d’intermédiaires.

Le droit français est largement conforme et pourrait simplement devoir évoluer vers la possibilité, pour la société, d’interroger initialement un autre intermédiaire que le dépositaire central (un TCC) qui pourrait transmettre la demande ou répondre pour les informations qu’il détient.

Transmission dans un cadre international

Si la société estime que les personnes figurant sur la liste des porteurs pourraient être inscrites pour compte de tiers, elle possède la faculté de leur demander les informations concernant les propriétaires « réels » des titres, soit via le dépositaire central, soit directement aux intermédiaires inscrits, puis successifs.

Le droit français apparait conforme à la directive, qui reprend la logique du « perçage des écrans successifs ».

3.1.3        Informations concernées par la demande d’identification, délais et stockage des données

Tableau comparatif du droit français et de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Informations concernées

« le nom ou la dénomination, la nationalité, l'année de naissance ou l'année de constitution et l'adresse postale et, le cas échéant, électronique des détenteurs de titres conférant immédiatement ou à terme le droit de vote dans ses propres assemblées d'actionnaires ainsi que la quantité de titres détenue par chacun d'eux et, le cas échéant, les restrictions dont les titres peuvent être frappés » (L. 228-2, al. 1 du code de commerce)

(i) le nom des actionnaires et leurs coordonnées (y compris l’adresse complète et, le cas échéant, l’adresse électronique) et, lorsqu’il s’agit de personnes morales, leur numéro de registre ou, à défaut d’un tel numéro, leur identifiant unique, tel que l’identifiant d’entité juridique ;

(ii) le nombre d’actions détenues ;

(iii) uniquement dans la mesure où elles sont exigées par la société, une ou plusieurs des informations suivantes: les catégories ou classes des actions détenues ou la date depuis laquelle les actions sont détenues

(art. 1er, définition, j)

La Commission doit prendre un acte d’exécution concernant « les types et le format des informations à transmettre, y compris leur sécurité et leur interopérabilité, et les délais à respecter » (art. 3ter, 6.)

Délais

Les TCC doivent répondre dans les 10 jours au dépositaire central qui dispose alors de 5 jours pour répondre à la demande d'identification (L. 228-3 et R. 228-5 du code de commerce).

« sans retard »

Stockage des données

Pas de disposition spécifique

La directive demande à ce que les données à caractère personnel des actionnaires qui sont transmises :

 - ne puissent être stockées pendant plus de douze mois après avoir eu connaissance que la personne concernée n’est plus actionnaire

- ne soit utilisées que pour la communication et l’exercice des droits des actionnaires.

 Toutefois, les EM peuvent prévoir un traitement des données personnelles à d’autres fins ; En outre, les sociétés doivent pouvoir rectifier les erreurs dans les informations transmises. Enfin, les intermédiaires ne doivent pas pouvoir être considérés comme enfreignant une restriction en matière de divulgation d’information.

La question de l’articulation de la transposition avec le nouveau règlement européen (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 « GDPR » devra également être prise en compte.

3.1.4        Transmission d’information

 

Tableau comparatif du droit français et de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Informations à transmettre

Cf ci-dessous

(i) La transmission concerne les informations que la société est tenue de fournir à l’actionnaire, pour permettre à celui-ci d’exercer les droits découlant de ses actions, et qui sont adressées à tous les détenteurs d’actions de cette classe; ou alors la transmission d’un lien internet vers ces informations.

(ii) Elle concerne également, pour les intermédiaires vers la société, les instructions des actionnaires, et les informations que donnent ceux-ci en ce qui concerne l’exercice des droits découlant de leurs actions.

 

Des actes d’exécution sont attendus sur ces points.

Le droit français ne prévoit pas d’obligation de communication dans les sociétés cotées en l’absence de sollicitation de l’actionnaire, mais simplement une mise sur internet des informations.

Personne à qui transmettre

-

Un intermédiaire (s’il y en a plusieurs, les intermédiaires assurent la transmission entre eux).

Manière de les transmettre

-

« standardisée et en temps utile » et « sans retard »

Le droit français ne prévoit pas de forme d’envoi particulière.

3.1.5        Facilitation de l’exercice des droits des actionnaires

 

Tableau comparatif du droit français et de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Obligations des intermédiaires vis-à-vis du vote

Pour les actionnaires résidents, la possibilité de vote à distance à  autorise l’intermédiaire habilité à établir une procuration ou de faire parvenir un formulaire de vote à la société. Le rôle des intermédiaires n’est pas encadré dans le code de commerce.

Pour les non-résidents, le rôle de l’intermédiaire inscrit est davantage encadré (L. 228-3-2).

a) L’intermédiaire prend les mesures nécessaires pour que l’actionnaire ou un tiers désigné par l’actionnaire puisse exercer les droits lui-même; et/ou

b) L’intermédiaire exerce les droits découlant des actions sur autorisation et instruction explicites de l’actionnaire et dans l’intérêt de l’actionnaire.

Des actes d’exécution sont attendus sur ces points.

Confirmation et prise en compte des votes

-

Obligation d’envoyer une confirmation de vote à la personne ayant voté.

Si c’est un intermédiaire, (i) elle doit être transmise sans retard et (ii) elle est disponible sur demande pour l’actionnaire (au maximum après trois mois).

Après l’assemblée générale, l’actionnaire doit pouvoir obtenir, au moins sur demande, une confirmation que son vote a bien été enregistré et pris en compte par la société.

-

3.1.6        Non-discrimination, proportionnalité et transparence des coûts

Tableau comparatif du droit français et de la directive

 

Droit français

Disposition de la directive

Commentaire

Transparence des frais

-

Publicité des frais séparément pour chaque service

Le droit français devra intégrer cette publicité

Encadrement des frais

-

Les frais doivent être non discriminatoires et proportionnés par rapport aux coûts réellement engagés.

Toute différence de frais selon que les droits sont exercés au niveau national ou transfrontalier n’est permise que si elle est dûment motivée et qu’elle correspond à l’écart dans les coûts réellement engagés pour fournir ces services.

Le droit français devra intégrer cet encadrement

Interdiction des frais

-

Option : les EM peuvent interdire les frais pour ces services

Option de transposition pour interdire les frais

La directive permet d’interdire aux intermédiaires de facturer des frais pour les services prévus au titre des dispositions présentées dans ce document. La facturation de ces frais peut cependant être évitée si les actionnaires sont inscrits au nominatif. Pour mémoire et comme cela a été rappelé précédemment, l’inscription au nominatif permet aux actionnaires de recevoir une convocation individuelle alors que les actionnaires au porteur sont uniquement informés de l’existence d’une convocation à une assemblée générale par un avis inséré au JAL et au BALO. En outre, l’inscription au nominatif permet à l’actionnaire de demander à l’émetteur de lui transmettre la documentation relative à l’assemblée générale sans avoir à justifier préalablement de sa qualité d’actionnaire.

3.2.  Option retenue

Le droit français est, de manière générale, conforme aux dispositions de cette partie de la directive. Le projet d’article sollicite de transposer cette partie de la directive au moyen d’une ordonnance prise sur la base d’une habilitation, pour des raisons techniques : ainsi qu’indiqué ci-dessus, des actes d’exécution importants doivent être adoptés au plus tard le 10 septembre 2018. La date limite de transposition des dispositions édictées par ces articles est conséquemment repoussée à 24 mois après l’adoption de ces actes, c’est-à-dire au plus tard le 10 septembre 2020. La Commission a indiqué, lors des différentes réunions de travail relatives à la transposition, que cette date ne serait pas anticipée.

Dans l’attente de ces actes qui préciseront des points essentiels de ces mécanismes, il n’est pas proposé de transposer les dispositions. Les différentes options seront donc tranchées à l’occasion de l’ordonnance de transposition.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse complète des impacts interviendra lors de l’évaluation préalable du projet d’ordonnance. Il peut néanmoins être indiqué compte tenu de ce qui précède que l’ordonnance devrait avoir des impacts limités sur l’ordre juridique interne et sur l’économie.

5.         Consultations menées et justification du délai d’habilitation

5.1.  Consultations menées

La direction générale du Trésor a organisé une réunion de place rassemblant les pouvoirs publics, le régulateur, les représentants de TCC, de DCT, des émetteurs, notamment, le mercredi 13 décembre 2017 au sujet de la transposition des articles 3 bis à 3 septies de la directive 2017/828, relatifs à l’identification, par les émetteurs, de leurs actionnaires, la facilitation de l’exercice de leurs droits, la transmission d’informations entre sociétés et actionnaires et la transparence de certains frais prélevés par les intermédiaires financiers dans ce cadre.

L’Autorité des marchés financiers a été consultée à plusieurs reprises sur cette partie.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a rendu un avis favorable sur le projet d’article (avis n°2018-16) le 15 mars 2018.

5.2.  Justification du délai d’habilitation

Un délai d’habilitation de douze mois à compter de la publication de la loi est apparu proportionné aux objectifs poursuivis.


  1. L’encadrement de la rémunération des dirigeants

1.         État des lieux

1.1.  Cadre national

Conçu comme un mécanisme contraignant inspiré des dispositions européennes alors en cours de négociation, le dispositif français issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique s’articule autour d’un double vote de l’assemblée générale des actionnaires (articles L. 225-32-2, L. 225-82-2 et L. 225-100 du code de commerce). Le vote ex ante porte sur une résolution, contraignante, présentant les principes et les critères de rémunérations des dirigeants mandataires sociaux. Ex post, l’assemblée générale est appelée à se prononcer sur les rémunérations de chaque dirigeant par des résolutions distinctes. Le législateur a voulu donner une portée contraignante à ce vote également, et choisi d’interdire le versement de la partie variable et exceptionnelle de la rémunération d’un dirigeant dont la rémunération serait désapprouvée.

Ce dispositif s’est ajouté à un encadrement préexistant portant sur les engagements dus ou susceptibles d’être dus « à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, ou des engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes » supplémentaires, et pour lesquels s’applique la procédure des conventions réglementées, renforcée sur quelques points (articles L. 225-42-1, L. 225-90-1, et L. 226-10). Proche dans son esprit du dispositif « Sapin II », cette procédure s’en éloigne en pratique en ce que le conseil d’administration ou de surveillance ne publie pas de principes généraux mais doit autoriser les conventions visées, qui doivent ensuite être approuvées par l’assemblée générale qui statue sur un rapport spécial du commissaire aux comptes.

La coexistence de ces deux dispositifs similaires empruntant des procédures distinctes s’explique par la raison suivante : la procédure des conventions réglementées n’a pas pu s’appliquer aux rémunérations principales des dirigeants parce que ces dernières n’ont pas de nature contractuelle mais institutionnelle, ce qui ne permet pas de les considérer comme des engagements – ou conventions – pour lesquels le conseil doit donner son accord. Le conseil doit au contraire directement déterminer les rémunérations principales. Réciproquement, la sanction du non-versement d’une partie de la rémunération ne peut s’accorder qu’avec des rémunérations institutionnelles, et ne peut pas être étendue à des rémunérations contractuelles sans courir le risque d’être considérée comme une condition contractuelle purement potestative, ou d’atteindre aux principes de liberté et de force obligatoire des contrats.

1.2.  Cadre de la directive

Le dispositif d’encadrement de la rémunération des dirigeants mandataires sociaux prévu par la directive s’articule autour d’un double vote de l’assemblée générale des actionnaires. Un premier vote, ex ante, porte sur la politique de rémunération de la société, qui doit être réalisée par l’organe responsable de la rémunération des dirigeants. Cette politique doit présenter les principes et les critères, qui doivent être alignés sur les intérêts de la société, déterminant les rémunérations des dirigeants. Cette politique est en principe contraignante. Un second vote, ex post, porte sur le rapport présentant le détail des rémunérations octroyées à chacun des dirigeants durant l’exercice écoulé. Ce vote est en principe consultatif, l’organe compétent en matière de rémunération devant simplement indiquer la manière dont l’avis de l’assemblée a été pris en compte dans la politique de rémunération.

2        Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1             Nécessité de légiférer

Le droit de regard des actionnaires sur la rémunération des administrateurs s’est révélé insuffisant. La rémunération des administrateurs joue un rôle essentiel dans la mise en adéquation des intérêts des administrateurs avec ceux des actionnaires et pour veiller à ce que les administrateurs agissent dans le meilleur intérêt de l’entreprise. Lorsque les actionnaires ne supervisent pas la rémunération des administrateurs, il existe un risque que ceux-ci appliquent une stratégie qui les récompense personnellement sans contribuer aux performances à long terme de l’entreprise. Plusieurs faiblesses ont été constatées dans le cadre actuel. Tout d’abord, les informations communiquées par les entreprises ne sont ni exhaustives, ni claires, ni comparables. Ensuite, les actionnaires ne disposent souvent pas des outils suffisants pour exprimer leur avis sur la rémunération des administrateurs. Enfin, des situations de médiatisation de conflits internes à ce sujet peuvent être préjudiciables à l’image de la gouvernance des sociétés cotées françaises.

2.2             Objectifs poursuivis

Une transposition stricte de la directive, notamment au niveau de son dispositif ex post, conduirait à rendre le droit français extrêmement complexe, en y ajoutant un vote supplémentaire sur le rapport des rémunérations lors de l’assemblée générale. Les champs d’application de ces votes ne seraient en outre pas les mêmes puisque la directive inclut également les membres du conseil d’administration. Par ailleurs, le dispositif français actuel peut susciter certaines incompréhensions chez les sociétés concernées, notamment au niveau de la détermination des rémunérations suspendues (difficulté de définition du caractère
« exceptionnel » d’une rémunération), que la transposition pourrait permettre de corriger.

Ces raisons conduisent à proposer une refonte cohérente du dispositif français, ce qui nécessiterait une habilitation à légiférer par ordonnance. Dans le dispositif envisagé à ce stade, les actionnaires seraient appelés à se prononcer, ex ante, sur une politique de rémunération unifiée et contraignante couvrant l’ensemble des rémunérations, étant précisé que toute modification importante de la politique entrainerait l’obligation d’un nouveau vote. Ex post, un vote négatif conserverait également un caractère contraignant assorti d’une sanction efficace. Toutefois, l’application du non versement de la partie variable de la rémunération ne serait pas possible en ce qui concerne les administrateurs. L’économie globale du dispositif ex post devrait donc être ajustée, en veillant à améliorer la clarté, la praticabilité et la sécurité juridique de l’ensemble.

3        Options possibles et dispositif retenu

3.1             Options envisagées

Au regard des objectifs présentés ci-dessus, les options possibles sont nombreuses et concernent le champ d’application de la politique, son contenu, les modalités et le caractère contraignant du vote, sa périodicité, les sanctions associés à un vote négatif. Les options seront étudiées à l’occasion de la rédaction de l’ordonnance.

 Ces choix concernent également le vote ex post.  

3.2             Option retenue

Compte-tenu de la multiplicité des options possibles, le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance est apparu nécessaire pour permettre de traiter de façon technique et cohérente l’ensemble des  dispositions concernant la rémunération de tous les dirigeants

4        Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse complète des impacts interviendra lors de l’évaluation préalable du projet d’ordonnance. Il peut néanmoins être indiqué que le projet d’habilitation étant pris dans le cadre de la transposition de la directive, la cohérence avec le droit européen sera naturellement la plus totale. Le droit français est déjà en sur-transposition sur certains aspects.

5        Justification du délai d’habilitation

Un délai d’habilitation de douze mois à compter de la publication de la loi est apparu proportionné aux objectifs poursuivis.

Article 67 relatif à l’habilitation à transposer la directive (UE) 2016/2341 du parlement européen et du conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP)

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

La directive 2016/2341 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IRP) prévoit l’encadrement des activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle. Cette directive fixe au niveau européen le cadre d’exercice pour les organismes dédiés à la gestion d’engagement de retraite professionnelle, pour des travailleurs salaires ou non, elle n’est a priori pas destinée à s’appliquer aux régimes de retraite obligatoires. Ce texte constitue une refonte de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle.

L’ordonnance n° 2017-484 du 6 avril 2017 relative à la création d'organismes assurantiels (portant des engagements aléatoire et dont l’exécution peut dépendre de la durée de la vie humaine) dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente a introduit le statut d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire
(« fonds de pension » ou FRPS pour « Fonds de retraite professionnelle supplémentaire ») conformément aux dispositions de la directive 2003/41/CE. Ce nouveau type d’organisme a été introduit à l'article L. 381-1 du code des assurances, à l'article L. 214-1 du code de la mutualité et à l'article L. 942-1 du code de la sécurité sociale. Ces organismes seront supervisés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. A ce jour, aucun organisme n’a été agréé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution qui est en charge de la supervision de ces organismes. Conformément à la directive 2003/41/CE, leur gestion financière est soumises à des règles comparables à celle du régime dit « Solvabilité I » qui était applicable aux organismes d’assurance jusqu’à fin 2015. La directive 2016/2341 doit permettre une plus grande fluidité d’action de ces organismes pour l’exercice au sein de l’Union Européenne et renforce les obligations de ces organismes en termes de gouvernance.

La directive 2003/41/CE permet également la mise en place d’organisme permettant de gérer des régimes de retraite professionnels non assurantiels. C’est à ce titre que l’ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 a autorisé et encadré la gestion transfrontalière de régimes de retraite non assurantiels. Cette faculté n’est cependant pas utilisée en France, le cadre réglementaire défini par l’ordonnance de 2006 s’étant avéré inadapté. Une réforme permettrait de clarifier le cadre applicable aux IRP non assurantielles mentionnées dans l’ordonnance de 2006, en redéfinissant dans le cadre ouvert par la directive IORP leur périmètre d’intervention, les règles applicables à l’exercice de leurs activités, ainsi que leurs modalités d’agrément et de contrôle. Dans l’objectif d’une utilisation transfrontalière, il convient de veiller à la mise en place d’un cadre souple, permettant de tenir compte de la diversité des droits du travail européens et de la mobilité croissante des salariés. Cette réforme constituerait le pendant de la création des FRPS pour les régimes de retraite par capitalisation non assurantiels (sans garantie).

1.2.           Éléments de droit comparé

Les majeures parties des pays européens disposent déjà de structures dédiées à la gestion à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire. Ces organismes sont soumises aux contraintes imposés par la directive 2003/41/CE et ils seront soumis aux contraintes de la directive 2016/2341 à partir du 13 janvier 2018.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

Aucun organisme dédié à l'exercice assurantiel de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire n’est agréé en France à la date du dépôt du projet de loi devant le Conseil d’Etat, ainsi l’impact de la transposition ne devrait pas avoir d’impact direct sur les organismes existants. Le cadre actuel prévoit certaines contraintes de gouvernances et de gestion financières dont la mise en cohérence pourra s’avérer nécessaire. De même, les règles régissant les activités transfrontalières de ces organismes ainsi que le périmètre des activités que peuvent réaliser ces organismes devront être mis en conformité avec les contraintes et les possibilités de la directive 2016/2341. Ces actions devraient permettre de favoriser l’activité naissante des organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire. Le recourt à des mesures législatives s’impose pour adapter les dispositions législatives actuelles. Du point de vue de la gestion d’actifs, le cadre législatif issu de la transposition de la directive IORP n’est aujourd’hui pas adapté à la gestion de régimes de gestion d’actifs pan-européens. Cette situation a conduit des acteurs français à délocaliser leurs activités dans d’autres pays européens disposant de véhicules d’épargne retraite plus efficaces. Il apparait donc nécessaire de modifier le cadre législatif pour soutenir cette activité.

Il convient d’adapter la loi française à la refonte de la directive 2003/41/CE, notamment pour prendre en compte les évolutions des exigences européennes en termes de gouvernance et d’activité transfrontalière.

2.2.           Objectifs poursuivis

L’ordonnance pourrait permettre de prendre des mesures favorisant l’activité des organismes assurantiels dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire et étendre éventuellement le champ de leurs activités en matière de retraite supplémentaire sans créer de nouvelle contrainte pour les organismes ayant ce statut ou les autres organismes existants.

Du point de vue de la gestion d’actifs, une réforme des organismes de gestion d’épargne retraite issus de l’ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 pourrait permettre d’ouvrir aux organismes français dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle d’intervenir de façon plus simple sur le marché européen. Cette faculté permise pour les organismes français s’inscrirait dans le cadre général des nouveaux produits paneuropéens d'épargne-retraite individuelle proposés par la Commission Européenne. La réforme envisagée n’est donc pas susceptible d’engendrer une augmentation significative des contraintes applicables à ces organismes.

3.         Options possibles et dispositif retenu

Pour les organismes assurantiels dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire, l’objectif est d’adapter le dispositif réglementaire aux nouvelles contraintes imposées par la directive 2016/2341. Il n’est pas anticipé de renforcer les exigences nationales qui s’imposent à ces organismes.

Compte tenu du caractère technique des mesures envisagées, l’opportunité de légiférer par ordonnance semble se justifier.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse fine des incidences des mesures prises par voie d’ordonnance sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions de cette dernière.

Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.

Il peut être indiqué dès à présent que les dispositions du titre VIII du livre III du code des assurances relatif aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire devront être ajustées pour permettre la transposition de la directive. Afin de prendre en compte les spécificités introduites par la directive 2016/2341 concernant les transferts de portefeuille entre organismes dédiés à la retraite professionnelle supplémentaire, le chapitre IV du titre VI du livre III du même code pourra également être modifié.

L’application de la mesure nécessitera également des ajustements et des mesures de coordination au niveau réglementaire. A ce titre un décret en Conseil d’Etat pourrait modifier le titre VIII du livre III de la partie réglementaire du code des assurances.

5.         Justification du délai d’habilitation

La directive 2003/41/CE étant abrogée au 13 janvier 2019 (article 65 de la directive 2016/2341 susmentionnée), il est apparu nécessaire que le Gouvernement dispose d’une habilitation jusqu’à cette échéance.

 

 


Article 68 relatif aux mesures nécessaires pour transposer la directive relative à la réforme européenne de la hiérarchie des créanciers bancaires (Directive 2017/2399/UE) adoptée le 12 décembre 2017

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

La directive 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 a modifié la directive 2014/59/UE en ce qui concerne le rang des instruments de dette non garantie dans la hiérarchie des créanciers en cas d’insolvabilité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Les modifications introduites dans cette directive qu’il appartient aux États membres de transposer visent à créer un nouveau  rang de privilège pour les créanciers titulaires d’une créance sur l’établissement par rapport aux créanciers titulaire d’une créance ordinaire ou chirographaire dite communément « senior non préférée »  (l’établissement ayant symétriquement une dette de même rang). Elles permettent ainsi aux personnes rentrant dans le champ d’application de la directive d’émettre des titres ou d’emprunter des ressources d’une nouvelle classe qui prend rang entre les dettes subordonnées et les autres dettes ordinaires (désormais privilégiées).

Cette réforme européenne reprend sur le fond les termes de la réforme française adoptée avec l’article 151 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 et codifiée à l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier. Elle s’applique cependant à un champ plus large d’entités que ce que prévoit actuellement le code monétaire et financier qui n’est aujourd’hui applicable qu’aux établissements de crédit.

En effet, l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier permet déjà aux établissements de crédit qui le souhaiteraient d’émettre des passifs d’une nouvelle catégorie occupant un nouveau rang pour les détenteurs des créances concernées dans l’hypothèse où l’établissement serait placé en liquidation judiciaire.

Pour mémoire, cette réforme avait complété le cadre législatif issu de la transposition par l’ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière financière de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, dite « BRRD ». Ces dispositions ont introduit un nouveau cadre juridique permettant la résolution ordonnée d’une banque défaillante en tant qu’alternative à sa mise en liquidation.

La directive renvoie explicitement au droit national le soin de définir les règles applicables en matière de liquidation. Le droit de la faillite n’a pas été harmonisé au niveau européen, y compris en matière bancaire. La directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit (transposée aux articles L.613-31-1 à L. 613-31-10 du code monétaire et financier - CMF) prévoit uniquement les conditions d’application des législations nationales en matière de faillite bancaire et le régime de reconnaissance intra-communautaire de ces législations ainsi que des décisions prises les autorités nationales chargées de les appliquer.

En France, le droit de la faillite applicable aux établissements de crédit est, sauf exception, celui prévu au livre VI du code de commerce, sous réserve des règles prévues par le code monétaire et financier.

La directive BRRD se borne à imposer aux États-membres la création de deux rangs de privilège au profit des déposants par rapport aux créanciers chirographaires. Ces dispositions (article 108 de la directive) ont été transposées à l’article L.613-30-3 du CMF. Cet article crée les deux rangs prévus par la directive, le premier au profit des déposants personnes physiques et petites et moyennes entreprises pour la part de leur dépôt qui excède 100 000 € et est éligible à la garantie d’un système de garantie des dépôts et le second, plus élevé, au profit de l’ensemble des déposants dont les dépôts sont garantis par un tel système (dépôts inférieurs à 100 000 €, dits dépôts couverts)[432].

En application des dispositions combinées du code de commerce, du code civil et du CMF, les créanciers chirographaires sont désintéressés après les créanciers qui bénéficient d’une sûreté et après les dépôts mentionnés précédemment, et avant les titres de créance subordonnés.

La réforme intervenue avec l’adoption de l’article 151 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 a modifié la hiérarchie des créanciers des établissements de crédit afin de faciliter la mise en œuvre du renflouement interne, c’est-à-dire de l’imputation des pertes aux actionnaires et  aux créanciers d’un établissement de crédit par l’annulation de leurs titres de capital ou par la conversion de leurs créances en fonds propres[433]. Elle a modifié les règles applicables en matière de liquidation des établissements de crédit, prévues à l’article L.613-30-3 du CMF, qui trouvent également à s’appliquer en cas de mise en résolution, afin de permettre d’identifier facilement les titres de dette disponibles pour l’absorption des pertes sans doute possible, selon les modalités suivantes :

-          Un privilège est octroyé à l’ensemble des créanciers qui relevaient antérieurement de la classe dite « chirographaire », y compris les propriétaires de titres de dette obligataire émis avant l’entrée en vigueur de la loi. Les établissements de crédit peuvent continuer à émettre des titres de dette dans cette catégorie depuis l’entrée en vigueur de la loi ;

-          la loi permet aux établissements de crédit d’émettre des titres de dette obligataire ou d’emprunter des ressources ayant rang dans une nouvelle catégorie, qui absorbe les pertes en liquidation après les instruments de dette subordonnée et avant la catégorie des instruments de passif privilégiés (mentionnée ci-dessus).

Ces passifs constituent la nouvelle tranche chirographaire qui a vocation à croître à mesure des émissions de titres de créance et des emprunts qui sont rattachés par les stipulations du contrat à cette catégorie. La réforme ne porte ainsi pas atteinte aux situations contractuelles en cours : l’égalité de traitement à l’intérieur de l’ancienne tranche chirographaire ou de la dernière tranche de passifs subordonnés est totalement préservée (l’Allemagne avait par exemple initialement fait le choix de dégrader la situation de certains créanciers, ce qui n’est pas le cas de la France) ; le niveau de protection des créanciers chirographaires existants (avant l’adoption de la réforme) est au contraire promis à s’améliorer à mesure que croîtront les émissions de titres de créance et les emprunts rattachés à la nouvelle tranche, cette dernière étant destinée à absorber des pertes avant eux.

Les termes de cette réforme ont été repris par la directive 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017, ce qui constitue une nouvelle étape – au-delà des dépôts – en matière d’harmonisation du droit de la faillite applicable aux établissements du secteur financier et en particulier aux établissements de crédit. L’adoption d’une règlementation homogène au niveau de l’Union européenne permet ainsi d’envisager le développement d’un marché plus vaste pour cette nouvelle classe d’actifs, proche des dettes ordinaires. Cette perspective est confortée par le fait que le bénéfice de ce régime soit ouvert à d’autres personnes que les établissements de crédit, comme le prévoient les mesures de transposition envisagées.

1.2.  Éléments de droit comparé

Les règles prévues par cette directive doivent être transposées dans les différents Etats membres de l’Union européenne au plus tard le 29 décembre 2018.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

La directive  2017/2399 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 doit être transposée au plus tard le 29 décembre 2018. Elle prévoit que les Etats membres mettent en conformité leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité avec celles prévues par la directive avant cette date.

Pour ce faire, il est nécessaire d’étendre le champ d’application de l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier aux entités prévues par ce texte. Le champ des personnes auxquelles sont applicables les dispositions de fond de l’article L. 613-30-3 est défini par ce même article : il est aujourd’hui limité aux établissements de crédit. Or, la directive mentionnée ci-dessus prévoit que les nouvelles règles qu’elle définit doivent également pouvoir être appliquées aux autres personnes auxquelles la directive 2014/59/UE est applicable, à savoir les entreprises d'investissement, les établissements financiers mentionnés au 4 de l'article L. 511-21 du même code, les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mères dans un Etat membre ou dans l'Union, les compagnies financières holding mixtes et les compagnies financières holding mixtes mères dans un Etat membre ou dans l'Union et les compagnies holding mixtes.   

La directive prévoit en outre, par rapport au texte français existant, qu’il soit fait mention, le cas échéant, du rattachement de ces titres, créances, instruments ou droits au nouveau rang prévu par la directive dans le prospectus d’émission.

Les autres dispositions de nature législative prévues par le texte européen sont d’ores et déjà en vigueur en France et n’appellent pas de mesures de transposition complémentaires.

2.2.           Objectifs poursuivis

Les dispositions envisagées visent à assurer la transposition des mesures de nature législative de la directive 2017/2399 du 12 décembre 2017, notamment l’extension du champ d’application de l’article L. 613-30-3 de code monétaire et financier aux entités prévues par le texte européen[434].

Les mesures introduites par la directive 2017/2399 du 12 décembre 2017 visent à renforcer la resolvabilité des personnes pouvant faire l’objet de mesures de résolution. Le régime de résolution vise à prévenir la faillite désordonnée des établissements de crédit et des entreprises d’investissement qui pourrait avoir des impacts significatifs sur la stabilité financière et l’économie.

L’identification de classes de passifs homogènes, susceptibles de concourir à l’absorption des pertes ou aux besoins de recapitalisation d’un établissement défaillant juste après les fonds propres prudentiels, permet de renforcer l’efficacité des mesures de résolution et de prévenir les risques de contestation contentieuse qui se fonderaient sur une différence de traitement entre créanciers de même rang et par rapport au scenario contrefactuel de la liquidation[435].

L’adoption de ces mesures permet, d’une manière immédiate, de faciliter la satisfaction par les établissements concernés des nouvelles exigences de capacités d’absorption de pertes qui s’imposent à eux et, d’une manière générale, de conforter la stabilité financière en minimisant les risques de recours aux finances publiques en cas de crise.

L’extension du champ d’application de l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier permet d’ouvrir la faculté d’émettre des passifs d’une nouvelle catégorie occupant un nouveau rang pour les détenteurs des créances concernées (dans l’hypothèse où l’établissement serait placé en liquidation judiciaire) aux entreprises d'investissement, aux établissements financiers mentionnés au 4 de l'article L. 511-21 du même code, aux compagnies financières holding et aux compagnies financières holding mères dans un Etat membre ou dans l'Union, aux compagnies financières holding mixtes et aux compagnies financières holding mixtes mères dans un Etat membre ou dans l'Union et aux compagnies holding mixtes.

Cette extension est rendue nécessaire dès lors que ces entités seraient elles-mêmes susceptibles de faire l’objet de mesures de résolution au sens du code monétaire et financier, de la directive 2014/59/UE ou du règlement (UE) N° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.           Impacts juridiques

3.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier est modifié pour tenir compte de l’extension de son champ d’application prévue par la directive 2017/2399 du 12 décembre 2017[436]. Les dispositions de ce même article sont coordonnées avec le texte de la directive en prévoyant que le prospectus d’émission fasse également mention du rang des titres, créances, instruments ou droits.

3.1.2        Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Les mesures envisagées permettent de se conformer strictement à l’obligation de transposition des directives qui s’impose aux Etats membres de l’Union européenne.

3.2.           Impacts économiques et financiers

3.2.1         Impacts sur les entreprises

Les entreprises concernées par l’extension de champ[437] disposeront de la même faculté que celle qui est aujourd’hui ouverte aux établissements de crédit. La mise en jeu de cette faculté suppose l’insertion d’une clause contractuelle ayant pour effet de renoncer au privilège conféré par la loi aux autres passifs de l’établissement. Cela permet, d’une part, de ne pas affecter les dettes préexistantes en préservant le rang pari passu des créanciers concernés et, d’autre part, de maintenir la faculté d’émettre ou emprunter des ressources qui occuperont le même rang que les dettes préexistantes. Cela concerne plus précisément :

Catégorie d’entreprises

Nombre

Entreprises d’investissement

53

CFH

(i) les compagnies financières holding, (ii) compagnie financières holding mixtes

(iii) compagnie financières holding mères

30

CHM (Compagnies holding mixtes)

18

Établissements financiers, filiale d’un EC, EI, ….

169

dont :

-          Filiale EP : 2

-          Filiale EME : 3

-          Filiale SFEI : 4

-          Filiale SFEP : 21

-          Filiale SF : 139

Source : ACPR

L’extension du champ d’application à d’autres catégories de personnes que les établissements de crédit qui repose sur des règles harmonisées au sein de l’Union européenne permet d’envisager un approfondissement du marché des titres et passifs concernés et la diminution globale des coûts de financement qui y sont associés. 

3.3.           Impacts sur les particuliers

L’impact sur les particuliers est limité et indirect. Les mesures proposées ne sont pas rétroactives et permettent aux créanciers existant qui ont vocation à être privilégiés de conserver le rang pari passu qu’ils pouvaient avoir antérieurement avec d’autres créanciers. L’efficacité du privilège et le niveau de protection qui en découle croîtra à mesure des émissions et emprunts dépourvus de ce privilège (créanciers chirographaires) prendront plus d’importance dans les passifs des personnes concernées. Les particuliers pourront de plus renoncer au privilège conféré par la loi par voie contractuelle pour les émissions et emprunts nouveaux. Ils bénéficieront ainsi d’un niveau d’information adéquat sur les risques pris dans la mesure où ils renoncent explicitement à bénéficier d’un rang privilégié. En outre, la commercialisation de ces nouveaux titres sera soumise aux règles de commercialisation des titres financiers prévue par le cadre européen pour les marchés d'instruments financiers dit "MIF 2"[438]. En outre, l’information sur le rang des titres, créances, instruments ou droits en cas d’insolvabilité de l’émetteur ou de l’emprunteur figurera, s’il y a lieu, dans les prospectus au sens du règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé.

4.         Consultations et modalités d’application

4.1.           Consultations menées

La Fédération bancaire française, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières ont été consultés.

4.2.           Modalités d’application

4.2.1         Application dans l’espace

Ces dispositions sont applicables dans l’ensemble du territoire de la République française. Elles ont également vocation à être appliquées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.


Article 69 relatif à la transposition du « paquet Marques »

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

Une marque de fabrique, de commerce ou de service, que l’article L .711-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) définit comme « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale », constitue toujours un élément essentiel de la stratégie industrielle et commerciale d’une entreprise. Comme elle permet d’identifier les produits et services d’une entreprise et ainsi de les distinguer de ceux proposés par les concurrents, une marque connue représente un point de repère déterminant pour les consommateurs, qui y voient la garantie d’une certaine qualité, voire d’un certain prestige.

Ce rôle stratégique reconnu à la marque a conduit le législateur français à accorder une protection particulière à son propriétaire, qui, grâce à la procédure du dépôt et de l’enregistrement auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), peut obtenir un monopole d’exploitation de sa marque sur le territoire français pour une durée de dix ans indéfiniment renouvelable.

Des mécanismes de protection ont également été instaurés au niveau communautaire et international afin de permettre à l’exploitant d’une marque, qui souhaite exporter ses produits ou ses services, de protéger également sa marque sur les territoires d’autres pays :

- au niveau communautaire, une procédure gérée par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) permet au propriétaire d’obtenir un titre unique, la marque de l’Union européenne, qui s’applique automatiquement dans tous les pays membres de l’Union européenne ;

- au niveau international, le « système de Madrid » prévoit une procédure unique d’enregistrement des marques, gérée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), cette procédure unique permettant ensuite au propriétaire de solliciter un titre de protection dans les 117 pays membres du « système de Madrid ».

En France, plus de 90 000 marques sont déposées annuellement auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI- Etablissement public administratif. Selon une étude du Service des études et des statistiques industrielles[439], « les biens et services commercialisés sous une marque représentent la moitié du chiffre d’affaires des entreprises. Cette part est plus élevée pour les grandes entreprises et celles produisant des biens à destination des ménages. La proportion d'entreprises possédant au moins une marque croît très fortement avec la taille. Les PME commercialisent une plus grande part de leur chiffre d’affaires sous des licences de marques que sous des marques dont elles sont propriétaires. ». En 2015, 9,5% des entreprises françaises étaient propriétaires d’une marque ; cette proportion était de 9% pour l’industrie, de 19,8% pour l’industrie manufacturière (en dehors des industries agro-alimentaires) et s’élevait à 23,7% pour le secteur de l’industrie des biens de consommation ; elle était de 16,3% pour le secteur du commerce. Cette étude montrait que les entreprises concernées par la contrefaçon représentaient 8% des entreprises dans l’ensemble de l’économie, 17% dans l’industrie manufacturière et que cette proportion s’élevait à deux tiers pour les entreprises possédant au moins une marque.

En 2017, les autorités douanières françaises ont saisi 8,4 millions d’articles de contrefaçon, dont 2,3 millions d’articles achetés sur internet et transportés par fret postal/express[440]. Ce commerce parallèle engendrerait, selon l’Union des fabricants (UNIFAB), une perte de 30 à 40 000 emplois légaux chaque année et un manque à gagner en recettes fiscales. Les marchandises les plus concernées sont les vêtements, les chaussures, l’horlogerie, la maroquinerie, les articles de téléphonie mobile et les jeux, jouets et articles de sport. A titre d’exemple, les pertes annuelles liées à la contrefaçon seraient de l’ordre de 336 millions d’euros pour le secteur de la bijouterie et de l’horlogerie et avoisineraient les 100 millions d’euros pour le secteur de la maroquinerie et des articles de voyage[441].

Face à l’enjeu économique que représentent la protection de la propriété intellectuelle et la lutte contre la contrefaçon, la France a renforcé son arsenal législatif par l’adoption de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon. Cette loi a notamment créé un délit de contrefaçon pour les atteintes aux indications géographiques , alors même que la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a instauré un régime de protection des indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux visant à mieux protéger les appellations utilisées par les entreprises locales victimes de concurrence étrangère.

Faisant le constat d’une divergence des pratiques et d’un faible niveau de coopération entre les offices nationaux de propriété industrielle, la Commission européenne a engagé en mars 2013 une révision de la législation européenne relative aux marques. Ces travaux se sont conclus en décembre 2015 avec l’adoption du « paquet Marques », composé du règlement modificatif (UE) 2015/2424 sur la marque de l’Union européenne et de la directive (UE) 2015/2436 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

Le règlement modificatif (UE) 2015/2424 sur la marque de l’Union européenne a été codifié à droit constant par le règlement (UE) 2017/1001 entré en vigueur le 1er octobre 2017.

La directive introduit d’importantes modifications visant à moderniser et simplifier le système des marques et en particulier les suivantes :

L’allègement des modalités de dépôt : la mise en place d’un système de dépôt mono-classe

L’enregistrement d’une marque nécessite l’identification par le déposant des produits ou services à l’égard desquels il souhaite que la marque soit protégée (principe de spécialité avec par exemple la marque Labémol déposée pour désigner des instruments de musique). L’énumération de ces produits ou services se fait sur la base d’une classification internationale, dite classification de Nice, comportant 45 classes (34 classes de produits et 11 classes de services). En France, les modalités de dépôt en vigueur prévoient le paiement forfaitaire d’une redevance pour la désignation de 3 classes. La directive prévoit l’abandon du système forfaitaire au profit d’un système de paiement de redevances par classe de produits et services. Ces modalités d’enregistrement sont rendues obligatoires pour la marque de l’Union européenne et facultatives pour les marques nationales. Leur intégration dans le droit français permettra de répondre plus efficacement aux besoins des déposants de marques auprès de l’INPI.

La suppression de l’exigence de représentation graphique comme condition de validité d’une marque

Les conditions de validité d’une marque ne comportent plus l’exigence d’une représentation graphique ce qui permettra aux titulaires d’enregistrer en tant que marques des signes sonores, audio-visuels, olfactifs ou gustatifs, sous réserve qu’ils puissent être représentés « d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leur titulaire ».

L’adjonction de nouveaux motifs de refus d’enregistrement et d’annulation de la marque

Les motifs de refus ou d’annulation d’une marque sont les causes de refus d’enregistrement de la marque ou d’annulation de la marque enregistrée. La directive prévoit l’adjonction de nouveaux motifs afin d’assurer une harmonisation entre les législations des Etats membres. L’élargissement de ces motifs contribue à l’objectif d’amélioration de la qualité des marques délivrées. Les motifs de refus ou d’annulation peuvent être absolus ou relatifs.

Parmi les motifs de refus d’enregistrement et d’annulation de la marque introduits par la directive, on peut citer l’existence antérieure de protections nationales liées aux indications géographiques (IGP), appellations d’origines (AOP), spécialités traditionnelles garanties et mentions traditionnelles pour les vins, dénominations de variété végétale. Le dépôt d’une marque par un agent en son nom sans l’autorisation du titulaire figure également parmi les motifs relatifs de refus d’enregistrement ou d’annulation de la marque. D’autres motifs peuvent être transposés par les Etats membres de manière facultative. Il est en particulier prévu qu’un signe portant atteinte à un signe utilisé dans la vie des affaires ne peut être adopté comme marque.

Le renforcement de la procédure d’opposition des marques

En France, les demandes de marques instruites par l’INPI font l’objet d’une publication afin de permettre aux titulaires d’une marque  de s’opposer à leur enregistrement. Cette procédure d’opposition, instaurée en 1991, n’est pas harmonisée au niveau européen.

La directive rend obligatoire la mise en place d’une telle procédure d’opposition dans tous les pays avant l’enregistrement de la marque avec la possibilité, lors d’une même opposition, de se fonder sur plusieurs marques et /ou plusieurs droits antérieurs, dont une AOP ou une IGP ou encore une marque de renommée. En France, seule une marque antérieure permet de fonder une opposition. Il s’agirait donc d’étendre les droits antérieurs opposables.

Il est en outre prévu une obligation pour l’opposant de prouver l’usage sérieux des marques enregistrées depuis plus de cinq ans invoquées dans une opposition pour chacun de produits et services revendiqués, et non plus pour un seul comme cela est le cas actuellement devant l’INPI.

 La création de deux régimes distincts de marques collectives et de marques de certification

La directive prévoit que les marques collectives doivent faire l’objet d’une protection par les Etats membres et définit les règles harmonisées associées. Un régime de marques de certification, distinct des marques collectives, est également prévu de manière facultative. Ces deux régimes existent déjà en droit français ; ils doivent être complétés et harmonisés avec le paquet Marques.

L’introduction d’une procédure administrative en matière de déchéance et de nullité des marques nationales

Il est instauré une obligation pour les Etats membres d’offrir au sein de l’office national une procédure administrative en matière de déchéance et de nullité des marques nationales, de manière analogue à la procédure en place à l’Office de propriété intellectuelle de l’Union européenne. Cette modification aura un impact important sur la gestion des marques puisqu’elle facilitera ce type de demande en annulation (tant en termes de coûts que de délais), renforçant la sécurité juridique des titres et évitant un certain nombre de litiges.

Cette procédure se fera sans préjudice du droit des parties de faire appel de la décision rendue devant les juridictions compétentes.

Le renforcement de la lutte contre la contrefaçon notamment par le rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit

Fruit d’une longue négociation menée par les autorités françaises au sein du Conseil, le « paquet Marques » permet de renverser la jurisprudence Nokia Philips[442]  qui avait remis en cause les possibilités d’intervention des douanes sur les marchandises tierces en transit sur le territoire de l’UE. Le rétablissement des contrôles douaniers est cependant assorti d’un renversement de la charge de la preuve : pour contester la retenue de marchandises soupçonnées de contrefaçon, il appartient au propriétaire des biens en transit d’apporter la preuve que le titulaire de la marque européenne n’avait pas le droit d’empêcher la commercialisation des marchandises en question sur le marché du pays de destination finale. Cette mesure permet de lutter contre l’utilisation abusive du territoire de l’UE comme plateforme de transit permettant la distribution de produits contrefaits dans le monde.

Le renforcement de la lutte contre la contrefaçon est également assuré par :

-          l’introduction de la possibilité pour le titulaire d’une marque de s’opposer en cas d’actes de contrefaçon préparatoires tel que l’utilisation d’emballages, de labels, d’étiquettes et de tous autres éléments sur lesquels la marque contrefaisante sera apposée ;

-          le droit d’agir en contrefaçon en cas d’usage de noms commerciaux ou de dénominations sociales, lorsqu’une société utilise une marque enregistrée dans sa dénomination sociale aux fins de distinguer les produits et services.

Ainsi, l’objectif du « paquet Marques » est de favoriser la croissance et l’innovation au sein de l’Union européenne en rendant les systèmes d’enregistrement des marques plus accessibles et plus efficients pour les entreprises. La réforme poursuit plusieurs objectifs de différents niveaux :

-          l’objectif général de la révision est de moderniser le système de marques au sein des Etats Membres de l’Union européenne : il s’agit de permettre aux entreprises de gagner en compétitivité en leur offrant un meilleur accès aux systèmes de protection des marques ;

-          les objectifs spécifiques visent à accroître la convergence entre les législations des Etats Membres relatives aux marques et le règlement sur la marque de l’Union européenne, ainsi qu’à renforcer le niveau de coopération entre l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle et les offices nationaux de propriété industrielle ;

-          les objectifs opérationnels consistent à rapprocher les dispositions du droit matériel des marques et les procédures en la matière, à créer une incitation règlementaire adéquate à la coopération entre les offices de propriété industrielle.

1.2.           Éléments de droit comparé

La Commission européenne a mis en place en février 2018, dans le cadre du groupe de travail relatif aux politiques de propriété industrielle (Group of Experts on Industrial Property Policy), un sous-groupe d’experts échangeant sur les modalités de transposition de la directive 2015/2436 (Sub-group Trade Marks Directive). Le retour d’expérience de ce sous-groupe d’experts est à ce stade insuffisant pour présenter une situation exhaustive des options retenues par les Etats Membres pour la transposition du « paquet Marques ».

On peut cependant noter que certains Etats Membres ont d’ores et déjà choisi de ne pas transposer les dispositions facultatives de la directive relatives à la mise en place d’un système de marques de certification. L’existence d’un tel régime dans le droit français en vigueur justifie le choix de la France de prendre en compte ces dispositions facultatives et de modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives aux marques collectives de certification.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer

La transposition du « paquet Marques » impacte des dispositions relevant du domaine de la loi et nécessite une modification de la partie législative du code de la propriété intellectuelle, en particulier le livre septième du code de la propriété intellectuelle relatif aux marques de fabrique, de commerce ou de service et autres signes distinctifs.

Dans le détail, les principales dispositions concernées sont les suivantes :

-          les éléments constitutifs de la marque ;

-          l’acquisition du droit sur la marque ;

-          les droits conférés par l’enregistrement de la marque ;

-          la transmission et la perte du droit sur la marque ;

-          le contentieux ;

-          les dispositions relatives aux marques collectives ;

-          les dispositions relatives aux marques de l’Union européenne.

Compte tenu de la technicité des dispositions législatives à prévoir et eu égard aux échanges nécessaires au niveau interministériel dans le cadre de la préparation des textes associés, il est proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance dans un délai de 6 mois.

2.2.  Objectifs poursuivis

Les objectifs poursuivis par la transposition de la directive 2015/2436 dans le droit français correspondent aux objectifs visés par le « paquet Marques », à savoir :

- la rationalisation et l’harmonisation des procédures d’enregistrement de marques au niveau des Etats membres, et donc l’alignement de la procédure française en prenant pour référence le système d’enregistrement de la marque de l’Union européenne ;

- le renforcement des moyens de lutte contre les marchandises contrefaites en transit sur le territoire de l’UE, et donc sur le territoire français ;

- la mise en place d’un système de taxes plus adapté aux besoins réels des entreprises ;

- le renforcement de la coopération entre les offices des Etats membres, dont l’Institut national de la propriété industrielle et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.

 

3.         Dispositif retenu

Il est proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance pour la transposition du « paquet Marques ». Un projet de loi de ratification sera ensuite déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

 

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse fine des incidences des mesures prises par voie d’ordonnance sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions de cette dernière.

Les différents impacts, en particulier sociaux, économiques et financiers – seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.

Néanmoins, il peut être souligné les impacts suivants.

4.1.           Impacts juridiques

4.1.1         Impacts sur l’ordre juridique interne

Certaines dispositions du « paquet Marques » impliqueront de modifier le droit des marques en profondeur et, en particulier,la partie législative du code de la propriété intellectuelle. :

-          modification du droit matériel (suppression du caractère graphique de la représentation de la marque, modification des motifs de refus d’enregistrement, refonte du système des marques collectives et des marques de certification) ;

-          modification de la procédure d’opposition ;

-          création d’une nouvelle procédure administrative en nullité ou déchéance d’une marque

-          modification du régime de redevances pour le dépôt d’une demande d’enregistrement de marque.

4.1.2         Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

L’objet de la mesure est précisément d’assurer la cohérence du droit français avec le droit de l’Union européenne.

4.2.           Impacts sur les services administratifs

La mise en place d’une procédure administrative de déchéance et de nullité va nécessiter, de la part de l’Institut national de la propriété industrielle , la mise en place d’une nouvelle organisation (création d’une chambre de recours), accompagnée de moyens matériels (notamment systèmes informatiques spécifiques à développer) et humains (besoin de compétences nouvelles, mise en place d’un programme de formation).

L’INPI, dont le budget annuel s’élève à 220 M€, est exclusivement financé par les redevances payées par les entreprises pour le dépôt et le maintien de leurs brevets d’invention ou autres titres de propriété industrielle, sans subvention de l’Etat. Les investissements nécessaires à la mise en place de la procédure d’opposition seront intégralement pris en charge par le budget de l’établissement. En tout état de cause, l’évaluation détaillée des impacts organisationnels, matériels et humains pour l’INPI sera menée dans le cadre de la préparation du texte réglementaire d’application de l’ordonnance.

De plus, comme il l’a été exposé plus haut, la directive (UE) 2015/2436 permet également le rétablissement des contrôles douaniers sur les marchandises en transit, en renversant la jurisprudence Nokia Philips qui avait remis en cause les possibilités d’intervention des douanes sur les marchandises tierces en transit sur le territoire de l’UE. L’impact du rétablissement de ces contrôles sur les services douaniers serait vraisemblablement marginal :

-          la mesure ne présente pas d’impact organisationnel, dans la mesure où les équipes réalisant ce type de contrôles de marchandises sont déjà constituées ;

-          le règlement européen n° 2015/2424 du 16 décembre 2015 relatif à la marque de l’Union européenne a déjà permis la reprise des contrôles sur les marchandises en transit protégées par une marque de l’Union européenne. Ainsi, l’impact de la mesure vis-à-vis de la charge de travail des services douaniers devrait être relativement faible ;

-          En permettant d’harmoniser les règles relatives au contrôle des marchandises en transit sur le territoire français (disparition de la distinction existante entre marchandises protégées par une marque de l’Union européenne et marchandises protégées par une marque française), la mesure va sans doute permettre de simplifier les démarches administratives associées aux contrôles pratiqués par les services douaniers sur les marchandises en transit.

4.3.           Impacts sur les particuliers

Cette mesure ne devrait pas avoir d’impact spécifique sur les particuliers. Les modifications associées à la transposition du « paquet Marques » vont concerner l’ensemble des déposants de marques, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales.

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.           Consultations menées

Les praticiens de la propriété industrielle (entreprises, conseils en propriété industrielle, avocats spécialisés,…) ont été consultés au travers d’un questionnaire élaboré par l’Institut national de la propriété industrielle et diffusé en décembre 2016. Les travaux de préparation des textes de transposition (ordonnance et décret) modifiant le code de la propriété intellectuelle reprennent les éléments issus de cette enquête.

Une concertation avec les praticiens de la propriété industrielle a été menée dans le cadre de la finalisation de ces textes.

5.2.           Modalités d’application

5.2.1         Application dans le temps

La directive (UE) 2015/2436 doit être transposée dans les droits nationaux avant le 14 janvier 2019, à l’exception des dispositions de l’article 45 relatives à la procédure administrative de déchéance et de nullité bénéficiant d’un délai supplémentaire de 4 ans, soit une transposition avant le 14 janvier 2023.

5.2.2        Application dans l’espace

Le droit de la propriété industrielle entre dans le champ d’application du droit commercial. Le droit commercial est de la compétence autonome des collectivités d’outre-mer de Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française :

-          concernant la Nouvelle-Calédonie, en application de la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012 relative au transfert de la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’Etat en matière de droit civil, de règles concernant l’état civil et de droit commercial, et ce depuis le 1er juillet 2013, les compétences détenues par l’Etat en matière de droit commercial, auquel il y a lieu de rattacher le droit de propriété industrielle, ont été transférées à la Nouvelle-Calédonie les conditions posées par l’article 1er précité de la loi du pays ayant été remplies ;

-          concernant la Polynésie française, aux termes des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans les matières qui ne sont pas dévolues à l’Etat par l’article 14. Or le droit commercial, y compris le droit de la propriété industrielle, ne figure pas dans les matières dévolues expressément à l’Etat dans ce même article ;

-          à Wallis-et-Futuna, la compétence de principe de l'Etat se fonde sur l'article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer. Le décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna attribue certaines compétences à l'assemblée territoriale en son article 40. La propriété industrielle ne figure pas parmi ces compétences ;

-          concernant les Terres australes antarctiques françaises, en application de l’article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, les dispositions relevant du droit commercial relèvent des matières dont l’application est de plein droit.

5.2.3        Textes d’application

L’entrée en vigueur de la mesure est conditionnée à la prise de deux textes d’application :

-          au niveau législatif : une ordonnance à prendre sous un délai de six mois modifiant la partie législative du code de la propriété intellectuelle ;

-          au niveau réglementaire : un décret en Conseil d’Etat modifiant la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle.

6.         Justification du délai d’habilitation

L’article d’habilitation prévu dans le projet de loi prévoit un délai de six mois pour la publication de l’ordonnance, afin de préparer conjointement le projet d’ordonnance et le projet de décret d’application.

Article 70 concernant la possibilité de procéder à une réévaluation comptable des immobilisations corporelles des grands ports maritimes relevant de l’État et des ports autonomes de Paris et de Strasbourg

1.         État des lieux

La loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire a transformé sept ports autonomes en grands ports maritimes (GPM). Elle a modifié les instances de gouvernance, transféré l’outillage portuaire à des opérateurs de terminaux, transféré à ces opérateurs des salariés du grand port maritime employés à l'exploitation ou à la maintenance des outillages, révisé la convention collective encadrant la gestion du personnel et renforcé la coordination entre les ports. En métropole, le système portuaire français repose sur sept grands ports maritimes : ceux de Marseille, du Havre, de Dunkerque, de Rouen, de Nantes-Saint-Nazaire, de La Rochelle et de Bordeaux.

En 2012, quatre GPM ultramarins ont été créés : en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à  La Réunion.

1.1.  Les grands ports maritimes et les ports autonomes de Paris et de Strasbourg

Les grands ports maritimes et les deux ports fluviaux autonomes de Paris[443] et Strasbourg[444] sont des établissements publics de l’Etat.

Les grands ports maritimes ont réalisé en 2017 un trafic commercial de plus de 280 millions de tonnes pour un trafic portuaire total en France de 365 millions de tonnes[445]. Les grands ports maritimes réalisent donc un peu moins de 80 % du trafic total des ports français. Premiers ports pour la France, ils sont en concurrence à l’échelle européenne avec les autres grands ports étrangers sur les façades maritimes de la Méditerranée et de la Mer du Nord. Sur cette dernière façade, Rotterdam, Anvers et Hambourg notamment, affichent des trafics bien plus importants que chacun des ports français.

Concernant les ports autonomes, Paris et Strasbourg sont les deux premiers ports fluviaux français en termes de trafic[446].

Les grands ports maritimes et les deux ports autonomes fluviaux constituent un outil au service de la compétitivité du commerce extérieur français ainsi que de la création d’emplois et de valeur dans les territoires. Ils offrent des solutions logistiques aux industriels et aux exportateurs afin de leur permettre de se positionner au mieux sur les marchés internationaux pour conquérir des parts de marchés vis-à-vis de leurs concurrents européens. L’enjeu est donc de conforter la position des ports français dans les grands flux du transport maritime international, en les inscrivant au cœur des chaînes logistiques mondiales côté mer, et continentales côté terre.

L’ensemble de l’activité maritime (flotte, ports, pêche, industrie navale, État, recherche, etc.), génère près de 300.000 emplois directs dans les territoires en dehors du tourisme littoral. On compte plus de 40.000 emplois directs dans les sept grands ports maritimes métropolitains et 90.000 emplois dans les activités industriels liées à l’activité portuaire.

1.2.  Le cadre actuel de comptabilité des ports de l’Etat

Les Grands ports maritimes et les ports autonomes de Paris et de Strasbourg valorisent, en application des normes comptables des établissements publics nationaux, leurs immobilisations au coût historique.

En application de l'article R. 5312-67 du code des transports pour les grands ports maritimes, de l'article R. 4322-48 du même code pour le port autonome de Paris et de l'article 21 du décret du 27 septembre 1925 relatif à la constitution du port autonome de Strasbourg, les établissements portuaires sont soumis aux dispositions des titres Ier et III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

L'article 54 du décret du 7 novembre 2012 susmentionné précise que les règles comptables propres à chaque catégorie de personnes morales sont fixées par arrêté du ministre du budget. Le recueil des normes comptables des établissements publics résulte de l'arrêté du 1er juillet 2015 portant adoption du recueil des normes comptables applicables aux organismes visés aux alinéas 4 à 6 de l'article 1er du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Au sein de ce recueil, la norme 6 relative aux immobilisations corporelles précise que celles-ci sont comptabilisées à leur coût d'acquisition.

Le calendrier de clôture et de certification des comptes de l'exercice 2017 est fixé notamment pour les grands ports maritimes au 30 juin de l'exercice suivant par l'article L. 5312-8 du code des transports.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.  Nécessité de légiférer 

Le recueil des normes comptables des établissements publics ne permet pas à ces établissements portuaires de procéder à une réévaluation libre de l'ensemble de leurs immobilisations corporelles comme les autres ports, soumis à la comptabilité privée, en ont le droit. Cela nuit à la qualité de présentation de leur compte et la bonne valorisation de leur patrimoine.

La transformation économique des ports passe notamment par la possibilité de mieux valoriser leur patrimoine, ce qui nécessite de disposer d'une appréciation au plus juste de la valeur des actifs portuaires et, par suite, de procéder à une réévaluation des immobilisations corporelles à la valeur de marché. Une telle réévaluation n'étant pas possible en application des normes comptables des établissements publics, à savoir le décret du 7 novembre 2012 et arrêté du 1er juillet 2015 portant adoption du recueil des normes comptables applicables aux organismes visés aux alinéas 4 à 6 de l'article 1er du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, il est proposé de recourir à un vecteur législatif pour autoriser ponctuellement une telle réévaluation.

En outre, la décision du 27 juillet 2017 de la Commission européenne entraînera, pour tous les ports français qui n’y sont pas soumis, une entrée en fiscalité à compter du 1er janvier 2018. Dans un souci d’égalité avec les autres ports, il est donc nécessaire de remédier à la distorsion comptable actuelle en permettant aux grands ports maritimes et aux ports autonomes de Paris et Strasbourg de réévaluer leurs actifs.

Le dispositif retenu permet un arrêt des comptes de l'exercice 2017, par l'organe délibérant, selon un calendrier dérogatoire au calendrier fixé par l'article L. 5312-8 du code des transports. En effet, l’article L. 5312-8 fixe au 30 juin N+1 la date-butoir d'arrêt des comptes de l'exercice N. Par suite, seule une disposition législative permet de repousser au 31 mai 2019 la date-butoir d'arrêt des comptes 2017.

2.2.  Objectifs poursuivis 

Lors du comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre 2017, présidé par le Premier ministre, le Gouvernement s’est engagé dans la définition d’une nouvelle stratégie portuaire afin de gagner en compétitivité. Cette stratégie implique la transformation du   modèle économique des ports qui doit permettre de redonner des capacités d’autofinancement aux grands ports maritimes et aux ports autonomes fluviaux afin de pouvoir faire face à l’évolution rapide de la concurrence avec les autres ports européens et de l’accroissement de la taille des navires. Cette transformation du modèle économique passe notamment par le renforcement des investissements et le développement économique de la zone industrialo-portuaire dans son ensemble en attirant davantage d’investisseurs (logisticiens et industriels). Cette stratégie concerne tout autant les grands ports maritimes de métropoles indispensables à l’économie française, les grands ports maritimes d’outre-mer indispensables au maintien de la continuité territoriale de la France et les ports autonomes fluviaux de l’Etat assurant la performance des chaînes logistiques depuis les principaux points d’entrée maritime. Cette stratégie passe également par la recherche d’une meilleure complémentarité entre les ports en mettant en place une nouvelle gouvernance plus efficace et plus lisible.

Par ailleurs, le dispositif retenu a pour s objectif de permettre un arrêt des comptes de l'exercice 2017, par l'organe délibérant, selon un calendrier dérogatoire au calendrier fixé par l'article L. 5312-8 du code des transports. En effet, l’article L. 5312-8 fixe au 30 juin N+1 la date-butoir d'arrêt des comptes de l'exercice N. Par suite, seule une disposition législative permet de repousser au 31 mai 2019 la date-butoir d'arrêt des comptes 2017.

 

3.         Dispositif retenu

 Les comptes annuels de l'exercice 2017 tels qu’arrêtés à l’issue de cette réévaluation comptable à la valeur de marché et, le cas échéant, les comptes consolidés seront présentés à l'organe délibérant avant le 31 mai 2019. Comme indiqué ci-avant, la fixation d'un calendrier dérogatoire d'arrêt des comptes 2017 ne peut se faire que via un vecteur législatif.

Pour les ports concernés, les commissaires aux comptes procéderont à la certification de ces comptes.

4.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.  Impacts juridiques

- Sur le volet réévaluation : il est envisagé de déroger à l'arrêté du 1er juillet 2015 portant adoption du recueil des normes comptables applicables aux organismes visés aux alinéas 4 à 6 de l'article 1er du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, qui proscrit la réévaluation libre des actifs corporels des établissements publics (norme 6 du recueil).

- Sur le volet arrêt des comptes 2017 : il est envisagé de déroger  à l’article L. 5312-8 du code des transports qui fixe au 30 juin N+1 la date-butoir d'arrêt des comptes N.

4.2.  Impacts économiques et financiers

Cette mesure présente un gain substantiel sur la qualité des comptes présentés par les ports concernés. En effet, l’opération de réévaluation comptable par laquelle les biens figurant au bilan se voient donner une valeur proche de leur valeur réelle permettra de rendre le bilan plus exact. Les ports concernés pourront donc ainsi présenter à leurs instances une meilleure sincérité de leurs comptes.

Par ailleurs, cette meilleure connaissance des actifs portuaires est un élément déterminant pour améliorer le pilotage stratégique des établissements portuaires par les instances de gouvernance du port et l’Etat. Elle leur permet notamment d’optimiser la valorisation et la gestion de leur domaine et ainsi exercer de façon plus performante leur rôle d’aménageur que la loi portant réforme portuaire de 2008 leur a confié.

 

4.3.  Impacts environnementaux

En accompagnant la transformation du modèle économique des ports, cette mesure devrait favoriser le développement des ports français qui constituent un des maillons de la transition écologique de la France notamment grâce aux actions qu’ils mettent en place pour le déploiement des carburants alternatifs (gaz naturel liquéfié, électricité à quai).

5.         Consultations et modalités d’application

5.1.  Consultations menées

Les ports concernés ainsi que l’Union des Ports de France ont été consultés sur cette mesure.

5.2.  Modalités d’application

Cette mesure entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi.

Cependant, cette réévaluation peut nécessiter un travail préalable conséquent du fait du nombre d'actifs concernés, et, à engager dans les prochains mois. De ce fait, un décalage du calendrier de clôture et de certification des comptes de l'exercice 2017, fixé notamment pour les Grands ports maritimes au 30 juin de l'exercice suivant par l'article L. 5312-8 du code des transports, est nécessaire afin qu'ils retracent la valeur économique actualisée des établissements. Ces comptes devront être soumis à l'organe délibérant au plus tard le 31 mai 2019. Les établissements portuaires concernés pourront procéder à une réévaluation comptable de leurs immobilisations corporelles à leur valeur actuelle à la date de clôture des comptes de l'exercice 2017, même si les comptes de cet exercice ont été arrêtés et approuvés à la date d’entrée en vigueur de la loi.


Article 71 diverses ratifications d’ordonnances

I – Emissions obligataires

1.         Etat des lieux

1.1.           Cadre général

Le B du XIII de l’article relatif aux diverses ratifications d’ordonnances vise à supprimer l’article 82 de la loi n° 46-2914 du 23 décembre 1946 portant ouverture de crédits provisoires dont le texte original prévoyait que :

« Toute augmentation de capital sous quelque forme que ce soit, toute émission, exposition, mise en vente, introduction sur le marché en France d’emprunts, obligations, actions et titres des collectivités publiques et des sociétés françaises sont soumises à l’autorisation préalable du ministre des finances. Cette disposition n’est toutefois applicable qu’aux opérations d’un montant supérieur à 25 millions de francs.

Les infractions sont passibles des amendes prévues à l’article 2 de la loi du 31 mai 1916. L’article 463 du code pénal est applicable.

L’acte dit loi du 6 août 1941 portant restriction du droit d’émission de valeurs mobilières pendant la durée des hostilités cesse de recevoir application à compter de la promulgation de la présente loi. »

Les dispositions de l'article 2 de la loi du 31 mai 1916 portant restriction du droit d'émission de valeurs mobilières pendant la durée des hostilités, auxquelles l’article 82 fait référence, interdisent, sous réserve des dérogations accordées par le ministre des finances, l'émission, l'exposition, la mise en vente et l'introduction sur le marché en France de titres de villes, corporations ou sociétés étrangères.

La suppression proposée par le présent projet de loi permet, conformément à l’avis du Conseil d’Etat au cours de son analyse sur l’ordonnance n° 2017-970 du 10 mai 2017 tendant à favoriser le développement des émissions obligataires, de supprimer un texte daté qui n’est plus appliqué.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

Comme indiqué ci-dessus, il est apparu nécessaire de procéder à la suppression de l’article 82 de la loi n° 46-2914 du 23 décembre 1946 portant ouverture de crédits provisoires.

Une telle suppression est rendue nécessaire pour trois principales raisons :

i)                    Ces dispositions ne sont plus utilisées depuis plusieurs décennies, tant pour les entreprises privées que pour les collectivités publiques, sous l’effet de l’ouverture des marchés financiers français aux capitaux étrangers ; elles sont devenues aujourd’hui totalement désuètes ;

 

ii)                 Par ailleurs, elles contreviennent au principe de codification à droit constant auquel est attaché le droit français puisqu’elles n’ont pas été codifiées lors de la création du code monétaire et financier, lequel régit, avec le code de commerce, le régime des émissions obligataires ;

 

iii)               Enfin, de telles dispositions sont devenues anachroniques au vu des grandes libertés garanties par le droit de l’Union européenne, en particulier la liberté de circulation des capitaux et la liberté d’établissement : une telle autorisation du ministre des finances serait d’ailleurs vraisemblablement contraire au droit de l’Union européenne si elle devait être utilisée aujourd’hui.

2.2.           Objectif poursuivi

Hormis la ratification de l’ordonnance n° 2017-970 du 10 mai 2017 tendant à favoriser le développement des émissions obligataires sans modification, le présent projet de loi ambitionne d’abroger la disposition qui prévoit l’approbation préalable du ministre des finances en cas d’émission d’actions et d’obligations devenue totalement désuète au vu de l’ouverture financière de l’économie française et de l’intensité de la construction européenne.

3.         Analyse des Impacts des dispositions envisagées

La suppression proposée permet essentiellement de procéder à une clarification juridique de la réglementation financière concernant les émissions obligataires. En effet, l’article 82 de la loi n° 46-2914 du 23 décembre 1946 portant ouverture de crédits provisoires fait en premier lieu référence aux sanctions prévues par l'article 2 de la loi du 31 mai 1916 portant restriction du droit d'émission de valeurs mobilières pendant la durée des hostilités, laquelle n’est applicable qu’en période de conflit armé. En second lieu, l’article 82 fait référence à l’article 463 du code pénal alors en vigueur relatif à l’application des peines et aux circonstances atténuantes, lequel a été abrogé par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992.

Par ailleurs, l’article 21 de l’ordonnance du 10 mai 2017 susmentionnée a abrogé l’article L. 1611-3 du code général des collectivités territoriales qui renvoyait à l’article 82 de la loi du 23 décembre 1946en matière d’autorisation pour les émissions obligataires des collectivités publiques. L’article 82 en question a donc d’ores et déjà été supprimé des références du droit positif.

Ainsi, si le ministre perd formellement une compétence en matière d’autorisation administrative, celle-ci n’avait plus d’objet depuis très longtemps et était devenue inutilisée en pratique.

4.         Consultations menee

Le comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté le 5 juillet 2017 et a rendu un avis favorable sur le projet de loi.


II – Régime de résolution pour le secteur de l'assurance

Le B du XIX du présent article permet d’ajuster le périmètre des fonctions concernées par l’obligation de prévoir dans les contrats de travail des possibilités de réduction de la rémunération variable en cas de mise en œuvre de mesures de résolution.

1.         Etat des lieux

1.1.           Cadre général

L’ordonnance n° 2017-1608 du 27 novembre 2017 relative à la création d'un régime de résolution pour le secteur de l'assurance a introduit, au sein du code des assurances, un article L. 311-16 qui prévoit que les modalités selon lesquelles est fixée la rémunération des dirigeants effectifs doivent prendre en compte les situations dans lesquels une procédure de résolution est ouverte.

Dans ces cas de figure, les éléments de rémunération variable, y compris les éléments de rémunération attribués mais non versés, et les indemnités ou avantages dus ou susceptibles d'être dus en raison de la cessation ou du changement de fonctions de ces personnes, pourrons être réduits ou annulés.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Nécessité de légiférer

La présente disposition étend ce dispositif aux catégories de personnel autres que les dirigeants effectifs dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque des organismes ou des groupes d’assurance, y compris les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération. La mise en conformité avec cette disposition ne devrait pas être consommatrice de ressource pour les entreprises car elle s’intègre dans le cadre des contrats de travail existants.

2.2.           Objectif poursuivi

D’un point de vue préventif, ce dispositif doit permettre de réduire l’aléa moral du personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque des organismes ou des groupes d’assurance. A ce titre elle devrait permettre d’améliorer la gestion des risques des plus importants organismes et améliorer la confiance des parties prenantes au secteur de l’assurance.

3.         Analyse des Impacts des dispositions envisagées

La mesure introduite, devant permettre de réduire les risques pour les clients, les assurés et les bénéficiaires de contrats d’assurance, ne devrait engendrer aucune charge financière mesurable.

4.         Consultations menees

L’ensemble des fédérations professionnelles concernées ont été associées aux travaux d’élaboration du dispositif de résolution pour le secteur de l’assurance au travers de différentes réunions de travail, organisées régulièrement depuis le début de l’année 2017.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière a donné un avis favorable sur le texte lors de sa séance du 20 décembre 2017. Le Conseil Supérieur de la Mutualité a rendu un avis favorable lors de sa séance du 9 janvier 2018.

 


III – Ratification de l’ordonnance relative à l’agent des sûretés proposé au XII du présent article de loi

1.         État des lieux

Certains projets d’ampleur ne peuvent être financés que par un crédit syndiqué, c’est-à-dire un crédit consenti par plusieurs prêteurs réunis au sein d’un groupement ou « syndicat bancaire », chaque banque prêtant une partie de la somme. Les sûretés garantissant le prêt doivent alors pouvoir être gérées de façon homogène et unitaire par une seule personne au profit de l’ensemble des créanciers. Il en va de même lorsqu’une société émet des obligations et que des sûretés viennent garantir cette émission au profit des obligataires, ou lorsqu’un même débiteur consent des sûretés à plusieurs groupes de créanciers. L’intervention d’un agent des sûretés est alors essentielle.

Face aux insuffisances des instruments juridiques existants (mandat, solidarité active notamment) et à la concurrence des droits étrangers connaissant des techniques telles que le trust anglo-saxon (la technique du trust permet de désigner un agent des sûretés, appelé « security trustee » ou « security agent », qui est le bénéficiaire légal des sûretés tandis que le bénéfice économique en revient aux créanciers, et qui peut à ce titre agir en son nom propre) ou la « parallel debt » de droit anglo-saxon, allemand ou néerlandais (qui permet la création par le débiteur, au profit de l’agent des sûretés d’une dette parallèle fictive, identique à l’obligation principale, mais seule garantie par les sûretés), le législateur est intervenu en 2007.

La loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie[447] a en effet introduit dans le code civil un article 2328-1 prévoyant que « Toute sûreté réelle peut être inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation ». Cette loi a été complétée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie[448] pour préciser que l’agent des sûretés peut également « constituer » des sûretés pour le compte des créanciers.

Toutefois, le caractère lacunaire de l’article 2328-1 du code civil a rapidement été souligné par les praticiens, qui ont peu fait usage de ce nouvel instrument et ont continué à privilégier les mécanismes de droit étranger.

C’est pourquoi la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique[449], a habilité le Gouvernement à réformer le régime de l’agent des sûretés par voie d’ordonnance. L’ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés, prise en application de cette habilitation et entrant en vigueur le 1er octobre 2017, a modifié les dispositions applicables à l’agent des sûretés afin de rendre plus sûr et efficace le dispositif français. A cet effet, l’article 2328-1 du code civil a été abrogé et de nouvelles dispositions plus complètes ont été insérées aux articles 2488-6 à 2488-12 du code civil dans un nouveau titre III consacré à l’agent des sûretés, à la fin du livre IV du code civil relatif aux sûretés.

Le champ d’intervention de l’agent des sûretés a été élargi à toutes les sûretés et garanties[450] et n’est plus limité aux seules sûretés réelles. Il a également été précisé que l’agent agit en son propre nom. Les changements de créanciers membres du « pool » bancaire sont donc sans incidence puisque l’agent n’agit pas au nom de chaque créancier, à la différence du mandat. La nature juridique du mécanisme a été explicitée. L’agent des sûretés se voit reconnaître les pouvoirs d’un fiduciaire puisqu’il devient titulaire des sûretés et garanties, qui sont transférées dans un patrimoine d’affectation distinct de son patrimoine propre, qu’il doit gérer dans l’intérêt des créanciers bénéficiaires[451]. Entrent dans ce patrimoine tant les sûretés et garanties elles-mêmes que les actifs perçus dans le cadre de leur gestion et de leur réalisation. La logique fiduciaire et le fait que l’agent agisse en son propre nom lui permettent, contrairement au mandataire, d’intervenir non seulement pour les créanciers originaires mais également au profit des créanciers qui seront entrés dans la composition du « pool » postérieurement à sa désignation, sans avoir à renouveler les formalités effectuées notamment pour l’inscription des sûretés, à chaque transfert de créance. L’agent des sûretés est toutefois un fiduciaire spécial, soumis à des dispositions spécifiques. Il n’y a donc pas lieu à application des formalités de la fiducie de droit commun des articles 2011 et suivants du code civil, qui s’avéreraient excessivement lourdes pour la seule gestion de sûretés.

L’ordonnance ne pose aucune exigence concernant les personnes pouvant agir en qualité d’agent des sûretés. Il pourra s’agir de l’un des établissements prêteurs ou d’un tiers, personne physique ou personne morale.

De manière générale, seules quelques règles ont été fixées dans le code civil, une large place étant laissée à la liberté contractuelle, afin d’assurer la souplesse de cet instrument et son adaptation aux besoins de la pratique financière.

La clarification opérée par l’ordonnance, visant à distinguer patrimoine d’affectation et patrimoine personnel de l’agent des sûretés, permet d’améliorer la protection des actifs acquis pendant l’exercice de sa mission :

      d’une part, seuls les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion des biens et droits acquis par l’agent des sûretés dans l’exercice de sa mission peuvent les saisir, à l’exclusion des créanciers personnels de l’agent des sûretés[452] ;

      d’autre part, l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’égard de l’agent des sûretés est sans effet sur le patrimoine affecté à sa mission : seul son patrimoine propre sera concerné, ce qui permet d’assurer la protection des créanciers bénéficiaires[453].

L’ordonnance précise enfin les conditions du remplacement de l’agent des sûretés[454]. En l’absence de clause dans le contrat de désignation de l’agent des sûretés, régissant les conditions de son remplacement, il est prévu que tout créancier bénéficiaire peut demander en justice la désignation d’un agent des sûretés provisoire ou le remplacement de l’agent des sûretés en cas de manquement à ses devoirs ou d’ouverture à son encontre d’une procédure collective ou de rétablissement professionnel prévue au livre VI du code de commerce. Lorsque l’agent des sûretés est ainsi remplacé, les droits et biens qui forment le patrimoine affecté sont alors transmis de plein droit au nouvel agent des sûretés.

Toutefois, la loi d’habilitation ne mentionnant que les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel, prévues dans le livre VI du code de commerce, seules ces procédures ont pu être prises en compte dans l’ordonnance. Or, l’agent des sûretés pourrait également être affecté par une procédure de surendettement (s’agissant d’une personne physique) ou pourrait faire l’objet de la procédure de résolution introduite par l’ordonnance du 20 août 2015 ayant transposé la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 (s’agissant d’un établissement bancaire).

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

En l’état des textes sur l’agent des sûretés tels qu’issus de l’ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017, seules les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel sont citées aux articles 2488-10 et 2488-11 du code civil. En effet, la loi d’habilitation ne mentionnait que ces procédures, prévues dans le livre VI du code de commerce.

Or, cette liste n’est pas exhaustive puisque l’agent des sûretés pourrait être affecté par deux autres types de procédures d’insolvabilité mettant en péril la poursuite de sa mission et pouvant engendrer des risques pour les créanciers l’ayant désigné :

 La résolution bancaire

En pratique, l’agent des sûretés est bien souvent désigné parmi les établissements prêteurs. Or les défaillances des établissements bancaires font l'objet d'une réglementation particulière, dérogatoire au droit commun des procédures collectives et qui figure dans le code monétaire et financier, à la section 4 du chapitre III du titre Ier du livre VI.

L’agent des sûretés pourrait faire l’objet de la procédure de résolution introduite par l’ordonnance du 20 août 2015 ayant transposé la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Cette lacune avait d’ailleurs été pointée par le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières dans son avis rendu sur le projet d’ordonnance, mais les termes de l’habilitation n’avaient pas permis de compléter l’ordonnance sur ce point.

Les juridictions pourraient, en cas de litige, appliquer par analogie les articles 2488-10 et 2488-11 du code civil en cas d’ouverture d’une telle procédure à l’égard de l’agent des sûretés, toutefois le silence du texte est source d’insécurité juridique, ce qui est contraire à l’objectif recherché par le texte.

Par cohérence avec ce qui est prévu en cas d’ouverture d’une procédure collective ou de rétablissement professionnel prévue par le livre VI du code de commerce, le présent projet de loi prévoit donc expressément que l’ouverture d’une telle procédure de résolution, à l’encontre d’un établissement de crédit qui aurait la qualité d’agent des sûretés :

 d’une part, est sans effet sur le patrimoine affecté à sa mission d’agent des sûretés, conformément à la logique du patrimoine d’affectation ;

 d’autre part, permet à tout créancier bénéficiaire des sûretés de demander en justice la désignation d’un agent des sûretés provisoire ou le remplacement de l’agent des sûretés.

 Le surendettement

Pour que le dispositif soit complet, il faut également envisager l’hypothèse dans laquelle l’agent des sûretés serait une personne physique et se trouverait en situation de surendettement (procédure introduite par la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles et modifiée à plusieurs reprises depuis, au livre VII du code de la consommation, articles L. 711-1 et suivants pour la partie législative et articles R. 711-1 et suivants pour la partie réglementaire).

Sont exclus de la procédure de traitement du surendettement les commerçants, artisans et agriculteurs ainsi que toutes les personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale, ces professionnels relevant des procédures prévues dans le livre VI du code de commerce. Cette exclusion concerne même les auto-entrepreneurs, qui bénéficient de la procédure collective du code de commerce. Elle exclut le débiteur lui-même, quelle que soit la nature de ses dettes : la personne qui relève des procédures collectives du code de commerce ne peut bénéficier de la procédure de surendettement, même si ses dettes sont majoritairement personnelles.

Toutefois, l’entrepreneur individuel qui aura affecté à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, peut bénéficier de la procédure de surendettement, si sa situation obérée résulte uniquement de dettes non professionnelles. Seul le patrimoine non affecté à une activité professionnelle sera concerné par la procédure de surendettement. Un agent des sûretés exerçant sa mission sous cette forme juridique pourrait donc faire l’objet d’une procédure de surendettement à raison de ses dettes non professionnelles.

La présente dispositionpropose donc de rappeler à l’article 2488-10 du code civil que l’ouverture d’une procédure de surendettement, même si les hypothèses seront résiduelles, est sans effet sur le patrimoine affecté de l’agent des sûretés. Il est également prévu à l’article 2488-11 que l’ouverture d’une telle procédure a les mêmes effets que l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité du code de commerce, en ce qu’elle permet à tout créancier de demander le remplacement de l’agent des sûretés ou la désignation d’un agent provisoire.

Un projet de loi de ratification a été adopté en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’Etat, et déposé au Sénat le 28 juillet 2017, mais jamais inscrit à l’ordre du jour. Le présent projet de loi en reprend le contenu.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’élargissement proposé dans l’article de ratification permettra de renforcer l’efficacité du dispositif.

En effet, là où l’ordonnance ne régissait que le remplacement de l’agent des sûretés dans l’hypothèse où ce dernier est soumis à une procédure collective du code de commerce, la précision apportée par le présent projet de loi organise son remplacement quel que soit son statut juridique, et notamment s’il est un particulier ou un établissement bancaire.

Ainsi complété, le régime de l’agent des sûretés offrira toutes les garanties d’efficacité pour les créanciers, dont les droits seront préservés en cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre de l’agent, ce qui est de nature à renforcer l’attractivité de ce régime pour les praticiens et de mieux répondre à leurs attentes.

4.         Consultations et modalités d’application

4.1.           Consultations menées

S’agissant de la ratification de l’ordonnance relative à l’agent des sûretés, le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières avait été saisi d’un projet de loi de ratification dont le contenu était identique à celui proposé dans le cadre de la présente loi et avait émis un avis favorable le 5 juillet 2017.

4.2.           Modalités d’application

4.2.1         Application dans le temps

Une entrée en vigueur différée a été prévue par l’ordonnance, au 1er octobre 2017, afin de permettre aux professionnels d’adapter leur documentation contractuelle. Les nouveaux textes ne se sont appliqués qu’aux agents des sûretés désignés postérieurement à cette date, les contrats de désignation signés avant le 1er octobre 2017 demeurant régis par la loi ancienne. Compte tenu de la portée limitée des compléments apportés dans le cadre de la présente loi, lesquels ne font que préciser les procédures d’insolvabilité pouvant affecter l’agent des sûretés, une entrée en vigueur immédiate au jour de la publication de la loi est envisagée.

4.2.2         Application dans l’espace

L’ordonnance ayant été rendue applicable à Wallis-et-Futuna, les ajouts apportés au texte par la présente loi sont également rendus applicables dans ce territoire.

 


IV – Gestion d’actifs

1.         État des lieux

1.1.           Cadre général

La titrisation a longtemps reposé sur les dispositions de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances.

Si ce cadre normatif a connu quelques évolutions, dans le contexte de diversification croissante des sources de financement de l'économie, il est apparu nécessaire de moderniser les organismes de titrisation et d'en renforcer la lisibilité du régime juridique.

En effet, les organismes de titrisation correspondent à une catégorie juridique hétérogène, utilisée tant pour le refinancement bancaire ou pour le financement d'infrastructures. Or le cadre réglementaire applicable dépend au cas par cas des activités menées par chaque organisme, ce qui nuit à la lisibilité du cadre français, par ailleurs attractif.

C'est pourquoi, le ministre de l'économie et des finances a présenté en conseil des ministres du 4 octobre 2017 une ordonnance tendant à adapter les dispositions du code monétaire et financier dans l'objectif de permettre à certains organismes de placement collectif d'octroyer des prêts à des entreprises, de renforcer leur capacité à assurer le financement et le refinancement, de moderniser leur fonctionnement et de renforcer la protection des investisseurs. Cette ordonnance a été prise sur le fondement d'une habilitation prévue à l'article 117 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Ainsi, l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette vise à introduire une séparation entre les véhicules d'investissement - dits « organismes de financement » - et les organismes de titrisation classique, pour permettre d'identifier sans ambiguïté le régime juridique auquel chaque véhicule juridique est soumis ; notamment en ce qui concerne le régime applicable au dépositaire et les règles de commercialisation. L'ordonnance vise également un renforcement du cadre réglementaire applicable aux dépositaires des organismes de titrisation, pour clarifier les responsabilités et missions respectives de la société de gestion et du dépositaire, et renforcer la protection des investisseurs.

2.         Nécessité de Légiférer et objectifs poursuivis

2.1.           Objectifs poursuivis

Hormis la ratification de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette, le présent projet de loi ambitionne d'adapter certaines dispositions du code monétaire et financier afin de permettre la mise en œuvre de la réforme élargissant les sources de financement de l'économie.

De telles modifications sont rendues nécessaires pour deux principales raisons :

- Ces modifications visent à apporter une sécurité juridique des acteurs ainsi qu'à renforcer leur capacité dans leur rôle de financement de l'économie réelle ;

- Par ailleurs, certains ajouts nécessaires à la mise en œuvre de la réforme visent à garantir la protection des investisseurs.

Le XVIII du présent article vise à étendre la possibilité de consentir des avances en compte courant aux fonds professionnels spécialisés sous certaines conditions en conformité avec les dispositions permises pour les sociétés de libre partenariat par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Les avances en compte courant s'assimilent à des prêts, à durée indéterminée, consentis par un associé, un dirigeant ou un fonds à une société dans laquelle il détient des participations. La disposition présente au moment de l'examen du texte de l'ordonnance par le Conseil d'État avait été finalement retirée avant la présentation au Conseil des ministres. En effet, telle qu'écrite, la disposition contraignait les avances en compte courant consenties par les sociétés de libre partenariat permises par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 susmentionnée.

Le deuxième alinéa corrige une faute de grammaire.

Le troisième alinéa, inspiré des textes existants s'agissant des sociétés de crédit foncier et société de financement de l'habitat, précise les conditions dans lesquelles se fait la réception des paiements. Il s'agit de protéger l'organisme de titrisation des risques de nullité de période suspecte.

Le quatrième alinéa précise les conditions dans lesquelles un organisme de financement doit produire un document contenant une appréciation des caractéristiques des parts ou actions et des titres de créance, en supprimant l'extension à l'admission sur un marché réglementé. En effet, l'ordonnance n°2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs avait supprimé l'exigence de fournir ce document lors de l'admission à la négociation sur un marché réglementé des parts, actions ou titres de créances émis par l'organisme de titrisation (disposition auparavant contenue à l'article L.214-44 du code monétaire et financier).

Le cinquième alinéa vise à rétablir une disposition nécessaire pour la mise en œuvre de la réforme des organismes de titrisation. Cette disposition qui limite les possibilités de démarchage pour les organismes de titrisation aux seuls investisseurs qualifiés était présente à l'article L. 214-170 avant la séparation avec les organismes de financement spécialisé.

Le sixième alinéa précise que les organismes de titrisation ne peuvent faire l'objet de demande de rachats de parts ou actions en conformité avec les dispositions présentes à l'article L. 214-169 qui indique que « les parts ou actions ne peuvent donner lieu, par leurs détenteurs, à demande de rachat par l'organisme ».

En outre, la réforme de ces organismes mise en place par l’ordonnance susmentionnée vise à renforcer la protection des investisseurs tout en garantissant l’attractivité de ces véhicules français. Dans ce cadre, le rôle du dépositaire, chargé de la conservation de la trésorerie et des créances, est renforcé pour le rapprocher du régime défini au niveau européen pour d’autres catégories de fonds. Les dépositaires d’organismes de titrisation sont donc amener à faire évoluer leur rôle, conduisant ainsi à des changements de leurs règlements et statuts ainsi qu’à une augmentation potentielle des coûts de conservation. Dans ce contexte, il semble nécessaire de prévoir une période d’adaptation pour ces dépositaires d’organismes de titrisation. Le texte prévoit ainsi une clause de grand-père permettant aux organismes de titrisation existants avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance susmentionnée de demeurer soumis aux articles pré-réformes, concernant le régime dépositaire. Cette dérogation n’est en revanche plus possible dès lors que l’organisme procède à des modifications substantielles de ses règlements et statuts.

Cette introduction d’un régime de grand-père dans des conditions strictes, garantissant la protection de l’investisseur.

2.2.           Nécessité de Légiférer

Le XVIII du présent article vise à clarifier et préciser certains articles de nature législative du code monétaire et financier. Ces précisions et ajouts sont rendus nécessaires pour la mise en oeuvre de la réforme des organismes de financement permise par l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette.

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagées

Les dispositions du projet de loi emportent principalement des impacts juridiques en cherchant à procéder à une clarification de la réglementation financière dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme prévue par l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017.

L’article L. 214-170 concernant l’offre au public doit être adapté compte tenu de l’élargissement de la  notion d’offre au public découlant du règlement (UE) 2017/1129[455].

Par ailleurs, les modifications envisagées visent à renforcer la capacité de certains organismes de placement collectifs à assurer le financement et le refinancement d'investissements, d'infrastructures ou de projets, de moderniser leur fonctionnement et de renforcer la protection des investisseurs.

4.         Consultation menée et modalités d’application

Le comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté sur le projet de loi.

4.1.           Modalités d’application dans l’Espace

Le septième alinéa étend les dispositions à la Polynésie-Française et aux îles Wallis et Futuna.

1

 


 


Annexes

Annexe1 (article 68) : Tableaux comparatifs « Code modifié - directive BRRD2 » et « directive BRRD2 - code »

Tableau Code modifié – directive BRRD

Projet de texte

Version consolidée

Directive

Commentaires

Sauf mention expresse les textes concernés sont codifiés dans le code monétaire et financier.. En gras ou rayé gras, les dispositions qui sont ajoutées ou supprimées aux fins de la transposition des dispositions de la directive.

Partie législative

(article 68 du PJL PACTE relatif aux mesures nécessaires pour transposer la directive relative à la réforme européenne de la hiérarchie des créanciers bancaires (Directive 2017/2399/UE) adoptée le 12 décembre 2017

I. – L’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa du 4° du I, le mot : « prévoie » est remplacé par les mots : « et, le cas échéant, leur prospectus au sens du règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé prévoient » ;

 

L. 613-30-3

I. – Dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre d'un établissement de crédit dans le cadre du livre VI du code de commerce, concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés :

 

[…]

3° En troisième lieu, les créanciers qui ne sont pas mentionnés au 4° ;

 

4° En quatrième lieu, les créanciers chirographaires constitués des seuls :

 

a) Propriétaires d'un titre de créance mentionné au II de l'article L. 211-1 non structuré ;

 

b) Propriétaires ou titulaires d'un instrument ou droit mentionné à l'article L. 211-41 présentant des caractéristiques analogues à un titre de créance mentionné au a du présent 4° ;

 

c) Propriétaires ou titulaires d'un bon de caisse, au sens de l'article L. 223-1, ou de tout instrument, droit ou créance émis sur le fondement du droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne et présentant des caractéristiques analogues à celles prévues à la première phrase du premier alinéa du même article L. 223-1, dès lors qu'ils sont non structurés et n'ont pas fait l'objet d'une offre au public lors de leur émission,

 

pour les sommes qui leur sont dues au titre de ces titres, créances, instruments ou droits, dont l'échéance initiale ne peut être inférieure à un an et à condition que leur contrat d'émission prévoie et, le cas échéant, leur prospectus au sens du règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé prévoient que leur propriétaire ou titulaire est chirographaire au sens du présent 4°.

 

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

 

a) l’échéance contractuelle initiale de ces instruments de dette est d’au moins un an;

 

b) les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés;

 

c) les documents contractuels et, le cas échéant, le prospectus relatifs à leur émission font explicitement référence à leur rang inférieur en vertu du présent paragraphe.

 

S’agissant du c) du §2 de l’article 108 de la directive modifiée, la mention « le cas échéant, le prospectus… » a été ajouté. La portée de cet ajout est cependant limitée, les informations figurant dans le prospectus ayant vocation à être annexées dans le contrat d’émission. L’ajout parait cependant nécessaire afin d’éviter tout risque de contestation du rang de rattachement et de satisfaire aux obligations de transposition.

 

 

 

 

2° Après le I est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés, en premier lieu les créanciers mentionnés au 3° du I et en second lieu les créanciers mentionnés au 4° du I, dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte dans le cadre du livre VI du code de commerce à l'encontre de l'une des personnes suivantes :

« 1° Les entreprises d'investissement au sens de l'article L. 531-4, à l'exception de celles qui fournissent exclusivement un ou plusieurs des services d'investissement mentionnés aux 1, 2, 4 ou 5 de l'article L. 321-1 et qui ne sont pas habilitées à fournir le service connexe de tenue de compte-conservation d'instruments financiers mentionné au 1 de l'article L. 321-2 ;

« 2° Les établissements financiers au sens du 4 de l'article L. 511-21 qui sont des filiales d'un établissement de crédit, d'une entreprise d'investissement ou d'une compagnie mentionnée aux 3° à 5° du présent I bis et auxquels s'applique la surveillance sur une base consolidée de leur entreprise mère, sur le fondement des articles 6 à 17 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;

« 3° Les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mères dans un Etat membre ou dans l'Union, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité ;

« 4° Les compagnies financières holding mixtes et les compagnies financières holding mixtes mères dans un Etat membre ou dans l'Union, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité ;

« 5° Les compagnies holding mixtes, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité. »

L. 613-30-3

 […]

I bis. –  Concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés, en premier lieu les créanciers mentionnés au 3° du I et en second lieu les créanciers mentionnés au 4° du I, dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte dans le cadre du livre VI du code de commerce à l'encontre de l'une des personnes suivantes :

1° Les entreprises d'investissement au sens de l'article L. 531-4, à l'exception de celles qui fournissent exclusivement un ou plusieurs des services d'investissement mentionnés aux 1, 2, 4 ou 5 de l'article L. 321-1 et qui ne sont pas habilitées à fournir le service connexe de tenue de compte-conservation d'instruments financiers mentionné au 1 de l'article L. 321-2 ;

2° Les établissements financiers au sens du 4 de l'article L. 511-21 qui sont des filiales d'un établissement de crédit, d'une entreprise d'investissement ou d'une compagnie mentionnée aux 3° à 5° du présent I bis et auxquels s'applique la surveillance sur une base consolidée de leur entreprise mère, sur le fondement des articles 6 à 17 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;

3° Les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mères dans un Etat membre ou dans l'Union, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité ;

4° Les compagnies financières holding mixtes et les compagnies financières holding mixtes mères dans un Etat membre ou dans l'Union, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité ;

5° Les compagnies holding mixtes, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité.

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

[…]

3.   Les États membres veillent à ce que les créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2, points a), b) et c), du présent article aient un rang de priorité plus élevé, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, que le rang de priorité des créances résultant des instruments visés à l’article 48, paragraphe 1, points a) à d).

Mesure d’extension du champ d’application rationae personae du I de l’article L. 613-30-3 en application de l’article 1er de la directive. L’extension ne vise pas les dépôts, seuls les établissements de crédit étant habilités à recevoir ces derniers, justifiant de prévoir un II séparé qui ne reprend que partiellement l’ordre des créanciers mentionnés au I. Le dernier alinéa du II assure ainsi la transposition des paragraphes 2 et 3 de l’article 108 modifié de BRRD.

La directive modifiée étend le champ d’application des personnes auxquelles est ouverte la faculté d’émettre des passifs chirographaires à l’ensemble des personnes auxquelles la BRRD est applicable, là où l’article L. 613-30-3 n’ouvrait cette possibilité qu’aux établissements de crédit. La liste des entités visées reprend celle qui est prévue au I de l’article L. 613-34 (soit les 2° à 6° qui assurent la transposition des a) à d) du paragraphe 1er de l’article 1er de la directive BRRD ; les établissements de crédit sont mentionnés au I de l’article L. 613-30-3).

Il s’agit des seules mesures de nature législative nécessaires pour transposer la directive. Le texte européen reprend en effet les termes de la réforme française ce qui n’appelle pas a priori de transposition supplémentaire sur le fond au niveau législatif.

II. – A. – Les titres, créances, instruments ou droits rattachés au rang mentionné au 4° du I de l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier avant l’entrée en vigueur de la présente loi occupent le même rang que ceux qui sont émis ou souscrits après l’entrée en vigueur de cette même loi.

Dispositions non codifiées

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

7.   Les États membres qui, avant le 31 décembre 2016, ont adopté des dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité en vertu desquelles les créances ordinaires non garanties résultant d’instruments de dette émis par les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), sont divisées en deux ou plusieurs rangs de priorité, ou en vertu desquelles le rang de priorité des créances ordinaires non garanties résultant de tels instruments de dette est modifié par rapport à toutes les autres créances ordinaires non garanties ayant le même rang de priorité, peuvent prévoir que les instruments de dette qui ont le rang de priorité le moins élevé parmi ces créances ordinaires non garanties ont le même rang de priorité que celui des créances qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2, points a), b) et c), et au paragraphe 3 du présent article.

La directive prévoit la possibilité, pour les Etats membres ayant déjà adopté des mesures scindant le rang des créances dites senior avant le 31 décembre 2016 en deux rangs de priorité, de rattacher les créances du rang le plus bas dans la hiérarchie des créanciers à la nouvelle classe de passifs.

La France est dans cette situation. L’ajout de la mention de l’obligation d’inclure une information sur le rang des créanciers dans le prospectus justifie, pour des raisons de sécurité juridique, de prévoir que les créanciers titulaires d’un titre, d’une créance, d’un instrument ou d’un droit émis ou né et rattaché au 4° du I de l’article L. 613-30-3 du CMF depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 occupe le même rang que les titres qui seront émis à compter de l’adoption de la loi PACTE.

B. – Le 2° du I est applicable aux procédures de liquidation ouvertes à l’encontre des personnes qui y sont mentionnées à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Dispositions non codifiées

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

4.   Sans préjudice des paragraphes 5 et 7, les États membres veillent à ce que leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, telles qu’adoptées au 31 décembre 2016, s’appliquent au rang, dans une procédure normale d’insolvabilité, des créances non garanties résultant d’instruments de dette émis par les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), de la présente directive, avant la date d’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant la directive (UE) 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil (*1).

5.   Lorsque, après le 31 décembre 2016 et avant le 28 décembre 2017, un État membre a adopté des dispositions législatives nationales régissant le rang, dans une procédure normale d’insolvabilité, des créances non garanties résultant d’instruments de dette émis après la date d’application de ces dispositions législatives nationales, le paragraphe 4 du présent article ne s’applique pas aux créances résultant d’instruments de dette émis après la date d’application desdites dispositions législatives nationales, pour autant que toutes les conditions suivantes soient remplies:

a

 en vertu desdites dispositions législatives nationales, et pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties ont, dans une procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

i

l’échéance contractuelle initiale de ces instruments de dette est d’au moins un an;

ii)

les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés; et

iii)

les documents contractuels et, le cas échéant, le prospectus relatifs à leur émission font explicitement référence à leur rang inférieur en vertu des dispositions législatives nationales;

b)

en vertu desdites dispositions législatives nationales, les créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions prévues au point a) du présent alinéa ont, dans une procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que le rang de priorité des créances résultant des instruments visés à l’article 48, paragraphe 1, points a) à d).

À la date d’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant la directive (UE) 2017/2399, les créances non garanties résultant des instruments de dette visés au point b) du premier alinéa ont le même rang de priorité que celui visé au paragraphe 2, points a), b) et c), et au paragraphe 3 du présent article.

[…]

7.   Les États membres qui, avant le 31 décembre 2016, ont adopté des dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité en vertu desquelles les créances ordinaires non garanties résultant d’instruments de dette émis par les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), sont divisées en deux ou plusieurs rangs de priorité, ou en vertu desquelles le rang de priorité des créances ordinaires non garanties résultant de tels instruments de dette est modifié par rapport à toutes les autres créances ordinaires non garanties ayant le même rang de priorité, peuvent prévoir que les instruments de dette qui ont le rang de priorité le moins élevé parmi ces créances ordinaires non garanties ont le même rang de priorité que celui des créances qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2, points a), b) et c), et au paragraphe 3 du présent article.

Article 2

Entrée en vigueur

1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 29 décembre 2018. Ils en informent immédiatement la Commission.

Les États membres appliquent ces dispositions à partir de la date de leur entrée en vigueur en droit interne.

[…]

La directive prévoit un régime complexe d’entrée en vigueur ou de clauses de grand-père selon que les Etats membres avaient déjà mis en place une réforme (cas de la France par exemple), étaient susceptible d’adopter la réforme avant l’adoption de la directive ou avaient vocation à transposer la totalité de la directive après sa publication.

La France n’est peu ou pas concernée par ces mesures, le régime existant étant déjà compatible avec celui prévu par la directive modifiée. Le seul impact notable tient à l’entrée en vigueur et l’application des dispositions existantes pour les personnes autres que les établissements de crédit. La transposition de ces mesures obéit aux règles de droit commun fixées par la directive pour leur adoption et leur entrée en vigueur.

Tableau Directive BRRD2 – Code

Directive (UE) 2017/2399

Texte existant

Texte de transposition

Commentaires

Sauf mention expresse les textes concernés sont codifiés dans le code monétaire et financier. En gras ou rayé gras, les dispositions qui sont ajoutées ou supprimées aux fins de la transposition des dispositions de la directive.

Article premier

Modifications de la directive 2014/59/UE

La directive 2014/59/UE est modifiée comme suit:

1) À l’article 2, paragraphe 1, le point 48 est remplacé par le texte suivant:

«48. “instruments de dette”:

i) aux fins de l’article 63, paragraphe 1, points g) et j), les obligations et autres formes de dette négociables et les instruments créant ou reconnaissant une dette ou conférant le droit d’acquérir des instruments de dette; et

ii) aux fins de l’article 108, les obligations et autres formes de dette négociables et les instruments créant ou reconnaissant une dette.»

 

 

 

Absence de transposition dans le CMF de la définition donnée par l'article 2, paragraphe 1, le point 48 (titres de dette) de la BRRD. La transposition intervient directement dans le corps du dispositif. Le même schéma est conservé ici (sinon cela conduirait à donner deux définitions différentes des instruments de dette, ce qui n’apparait pas souhaitable). La condition posée par la directive vise seulement à distinguer les instruments de dette selon qu’ils comportent ou non des options, c’est-à-dire comportent des dérivés incorporés.

La hiérarchie des créanciers fixée à l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier prévoit directement que les instruments, titres, créances et droits ne sont pas structurés. 

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

«Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

 

1.   Les États membres veillent à ce que, dans leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité:

 

a) les dépôts suivants bénéficient du même niveau de priorité en rang qui est plus élevé que celui des créances des créanciers ordinaires non garantis:

 

i) la partie des dépôts éligibles des personnes physiques et des micro, petites et moyennes entreprises qui excède le niveau de garantie prévu par l’article 6 de la directive 2014/49/UE;

 

ii) les dépôts des personnes physiques et des micro, petites et moyennes entreprises qui seraient des dépôts éligibles s’ils n’étaient pas effectués par l’intermédiaire de succursales situées hors de l’Union d’établissements établis dans l’Union;

 

b) les dépôts suivants bénéficient du même niveau de priorité en rang qui est plus élevé que celui prévu en vertu du point a):

 

i) les dépôts couverts;

 

ii) les systèmes de garantie des dépôts subrogeant les droits et obligations des déposants couverts en cas d’insolvabilité.

 

L. 613-30-3

 

I. – Dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre d'un établissement de crédit dans le cadre du livre VI du code de commerce, concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés :

 

1° En premier lieu, les créanciers titulaires de dépôts pour la partie de leurs dépôts couverte par la garantie instituée en application du 1° du II de l'article L. 312-4, et le fonds de garantie des dépôts et de résolution pour les créances qu'il détient sur l'établissement concerné au titre des sommes versées en application du I ou du III de l'article L. 312-5 ;

 

2° En deuxième lieu, les personnes physiques ainsi que les micros, petites et moyennes entreprises mentionnées au paragraphe 1 de l'article 2 de l'annexe à la recommandation 2003/361/CE du 6 mai 2003 de la Commission européenne définies en fonction de leur chiffre d'affaires annuel :

 

a) Pour la partie de leurs dépôts éligibles à la garantie mentionnée au 1° qui excède le plafond d'indemnisation prévu en application de l'article L. 312-16 ;

 

b) Pour leurs dépôts qui seraient éligibles à cette garantie s'ils n'étaient pas effectués auprès des succursales de l'établissement concerné situées dans un Etat non membre de l'Union européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

 

[…]

 

La directive 2017/2399 modifie le paragraphe 1 de l’actuel article 108 de la BRRD sur un seul aspect en supprimant la mention selon laquelle les dépôts mentionnés au a) doivent avoir un rang supérieur à celui des passifs « non privilégiés ». La version initiale de l’article 108 de la directive 2014/59 prévoit que « a) les dépôts suivants bénéficient du même niveau de priorité en rang qui est plus élevé que celui des créances des créanciers ordinaires non garantis et non privilégiés: »

Cette suppression est une clarification souhaitée par certains Etats désireux de privilégier d’autres passifs que ceux qui sont mentionnés dans l’article. Une transposition littérale conduit en effet à placer les dépôts mentionnés au dernier rang des créances privilégiées comme c’est le cas en France. Certains Etats ont néanmoins souhaité conserver la possibilité d’intercaler d’autres passifs dans la hiérarchie des créanciers entre les dépôts les passifs ordinaires. La suppression est sans incidence sur la transposition existante de l’article 108, le Gouvernement ne souhaitant pas faire usage de cette possibilité ouverte par le texte modifié.

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

 

a) l’échéance contractuelle initiale de ces instruments de dette est d’au moins un an;

 

b) les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés;

 

c) les documents contractuels et, le cas échéant, le prospectus relatifs à leur émission font explicitement référence à leur rang inférieur en vertu du présent paragraphe.

 

L. 613-30-3

 

I. – Dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre d'un établissement de crédit dans le cadre du livre VI du code de commerce, concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés :

 

[…]

 

3° En troisième lieu, les créanciers qui ne sont pas mentionnés au 4° ;

 

4° En quatrième lieu, les créanciers chirographaires constitués des seuls :

 

a) Propriétaires d'un titre de créance mentionné au II de l'article L. 211-1 non structuré ;

 

b) Propriétaires ou titulaires d'un instrument ou droit mentionné à l'article L. 211-41 présentant des caractéristiques analogues à un titre de créance mentionné au a du présent 4° ;

 

c) Propriétaires ou titulaires d'un bon de caisse, au sens de l'article L. 223-1, ou de tout instrument, droit ou créance émis sur le fondement du droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne et présentant des caractéristiques analogues à celles prévues à la première phrase du premier alinéa du même article L. 223-1, dès lors qu'ils sont non structurés et n'ont pas fait l'objet d'une offre au public lors de leur émission,

 

pour les sommes qui leur sont dues au titre de ces titres, créances, instruments ou droits, dont l'échéance initiale ne peut être inférieure à un an et à condition que leur contrat d'émission prévoie que leur propriétaire ou titulaire est chirographaire au sens du présent 4°.

 

II. – Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions dans lesquelles un titre, une créance, un instrument ou un droit est considéré comme non structuré au sens du 4° du I du présent article. Ce décret peut prévoir que l'échéance initiale minimale des titres, créances, instruments et droits mentionnés au même 4° est supérieure à un an.

L. 613-30-3

 

I. – Dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre d'un établissement de crédit dans le cadre du livre VI du code de commerce, concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés :

 

[…]

 

3° En troisième lieu, les créanciers qui ne sont pas mentionnés au 4° ;

 

4° En quatrième lieu, les créanciers chirographaires constitués des seuls :

 

a) Propriétaires d'un titre de créance mentionné au II de l'article L. 211-1 non structuré ;

 

b) Propriétaires ou titulaires d'un instrument ou droit mentionné à l'article L. 211-41 présentant des caractéristiques analogues à un titre de créance mentionné au a du présent 4° ;

 

c) Propriétaires ou titulaires d'un bon de caisse, au sens de l'article L. 223-1, ou de tout instrument, droit ou créance émis sur le fondement du droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne et présentant des caractéristiques analogues à celles prévues à la première phrase du premier alinéa du même article L. 223-1, dès lors qu'ils sont non structurés et n'ont pas fait l'objet d'une offre au public lors de leur émission,

 

pour les sommes qui leur sont dues au titre de ces titres, créances, instruments ou droits, dont l'échéance initiale ne peut être inférieure à un an et à condition que leur contrat d'émission prévoie et, le cas échéant, leur prospectus au sens du règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé prévoient que leur propriétaire ou titulaire est chirographaire au sens du présent 4°.

 

I bis. –  Concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés, en premier lieu les créanciers mentionnés au 3° du I et en second lieu les créanciers mentionnés au 4° du I, dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte dans le cadre du livre VI du code de commerce à l'encontre de l'une des personnes suivantes :

 

1° Les entreprises d'investissement au sens de l'article L. 531-4, à l'exception de celles qui fournissent exclusivement un ou plusieurs des services d'investissement mentionnés aux 1, 2, 4 ou 5 de l'article L. 321-1 et qui ne sont pas habilitées à fournir le service connexe de tenue de compte-conservation d'instruments financiers mentionné au 1 de l'article L. 321-2 ;

 

2° Les établissements financiers au sens du 4 de l'article L. 511-21 qui sont des filiales d'un établissement de crédit, d'une entreprise d'investissement ou d'une compagnie mentionnée aux 3° à 5° du présent I bis et auxquels s'applique la surveillance sur une base consolidée de leur entreprise mère, sur le fondement des articles 6 à 17 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement ;

 

3° Les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mères dans un Etat membre ou dans l'Union, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité ;

 

4° Les compagnies financières holding mixtes et les compagnies financières holding mixtes mères dans un Etat membre ou dans l'Union, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité ;

 

5° Les compagnies holding mixtes, au sens du 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 575/2013 précité.

 

Le texte européen reprend les termes de la réforme française ce qui n’appelle pas a priori de transposition supplémentaire sur le fond au niveau législatif. La directive modifiée étend cependant le champ d’application des personnes auxquelles est ouverte la faculté d’émettre des passifs chirographaires à l’ensemble des personnes auxquelles la BRRD est applicable, là où l’article L. 613-30-3 n’ouvrait cette possibilité qu’aux établissements de crédit. 

 

La réforme introduite en 2016 prévoyait en outre l’adoption d‘un décret en Conseil d’Etat pour préciser notamment les conditions dans lesquelles un titre, droit ou créance est considéré comme non structuré et la maturité minimale de passifs. L’adoption du décret a été différée compte tenu de l’engagement des discussions au niveau européen qui devaient permettre de préciser ces critères. L’adoption de ce décret permet de finaliser la transposition, en particulier des points a) et b) du paragraphe 2 de l’article 108.

 

S’agissant du c), la mention « le cas échéant, le prospectus… » a été ajouté. La portée de cet ajout est cependant limité les informations figurant dans le prospectus ayant vocation à être annexées dans le contrat d’émission. L’ajout parait cependant nécessaire afin d’éviter tout risque de contestation du rang de rattachement et de satisfaire aux obligations de transposition.

 

 

 

R. 613-28 (nouveau)

I. – Sont considérés comme non structurés au sens du 4° du I de l’article L. 613-30-3 les titres, créances, instruments ou droits qui présentent les caractéristiques suivantes :

 Leur principal est remboursable au pair ou au moins au pair lorsqu’ils ne donnent lieu au versement d’aucun coupon ou intérêt ;

 Le montant du remboursement et de la rémunération à échéance et à la date de chaque échéance sont prévus par le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit et ne dépendent pas contractuellement de la survenance ou de la non-survenance d'événements futurs incertains.

 A- Lorsqu’ils portent intérêt, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit  prévoit que leur rémunération est selon le cas :

a) à taux fixe ;

b) à taux variable égal à un indice de référence de taux d'intérêt qui répond à la date de l’émission ou de l’emprunt à la définition du 22) du paragraphe 1 de l’article 3 du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 assorti le cas échéant d’une marge fixe ;

B-  Sans préjudice du A, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit peut également prévoir des changements de rémunération conduisant à appliquer, après une ou plusieurs dates prédéterminées ou dans l’hypothèse où l’émetteur ou l’emprunteur a renoncé à exercer une faculté qu’il détient en application du b) du 4°, une autre rémunération qui répond aux conditions décrites au a) ou au b) du A. Lorsque la nouvelle rémunération est à taux fixe, ce taux peut être égal à un taux usuel du marché interbancaire, du marché monétaire, du marché obligataire ou des emprunts émis par un Etat. Ce taux peut être  assorti le cas échéant d’une marge ;

 Ils peuvent faire l’objet d’un remboursement anticipé si le contrat prévoit cette possibilité :

a) à l’initiative de l’émetteur ou de l’emprunteur, dans le cas  d’une évolution ayant pour effet de modifier le traitement comptable, fiscal ou règlementaire, initialement prévu lors de l’émission ou de l’emprunt   ;

b) à l’initiative de l’émetteur ou de l’emprunteur du titre, créance, instrument ou droit, pour quelle que raison que ce soit, à une ou plusieurs dates prédéterminées ;

 Le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit prévoit, le cas échéant, la possibilité pour l’emprunteur ou l’émetteur de modifier unilatéralement certaines des clauses du contrat afin de maintenir le traitement comptable, fiscal ou réglementaire, initialement prévu lors de l’émission ou de l’emprunt ;

 Le principal émis ou emprunté, son remboursement ainsi que le paiement des intérêts ou des coupons, sont tous libellés en euros ou sont tous libellés dans une unique devise.

7° L'échéance initiale minimale des titres, créances, instruments et droits est d’au moins un an.

II – Par dérogation au 1° et au 2° du I, les titres, créances, instruments ou droits peuvent avoir une durée indéterminée. 

Compte tenu des difficultés juridiques à définir  « un titre, une créance, un instrument ou un droit non structuré » en partant d’éléments complexes de structuration dont les définitions peuvent être sujettes à discussion, il a été privilégié de définir de manière limitative les caractéristiques simples que doit présenter  un titre, une créance, un instrument ou un droit pour être considéré comme non structuré. Cette approche dispense en particulier de devoir définir au regard de la directive, ce qu’est un dérivé incorporé, le cumul des conditions énumérées interdisant les options (hors remboursement anticipé), les dérivés ou d’autres types de rémunération que des taux simples (néanmoins révisables) fixes ou variables. La notice du décret décrit par ailleurs le type  de titre, créance, instrument ou droit qui peuvent être émis ou souscrits en application du décret.

Le cumul des conditions énumérées au I, permet ainsi la transposition complète des a) et b) du paragraphe 2 de l’article 108 modifié de la directive BRRD (le c) étant transposé au niveau législatif). 

3.   Les États membres veillent à ce que les créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2, points a), b) et c), du présent article aient un rang de priorité plus élevé, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, que le rang de priorité des créances résultant des instruments visés à l’article 48, paragraphe 1, points a) à d).

L. 613-30-3

 

I. – Dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l'encontre d'un établissement de crédit dans le cadre du livre VI du code de commerce, concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances admises après les créanciers titulaires d'un privilège, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, mais avant les créanciers titulaires de titres subordonnés :

 

[…]

 

4° En quatrième lieu, les créanciers chirographaires constitués des seuls :

 

a) Propriétaires d'un titre de créance mentionné au II de l'article L. 211-1 non structuré ;

 

b) Propriétaires ou titulaires d'un instrument ou droit mentionné à l'article L. 211-41 présentant des caractéristiques analogues à un titre de créance mentionné au a du présent 4° ;

 

c) Propriétaires ou titulaires d'un bon de caisse, au sens de l'article L. 223-1, ou de tout instrument, droit ou créance émis sur le fondement du droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne et présentant des caractéristiques analogues à celles prévues à la première phrase du premier alinéa du même article L. 223-1, dès lors qu'ils sont non structurés et n'ont pas fait l'objet d'une offre au public lors de leur émission,

 

pour les sommes qui leur sont dues au titre de ces titres, créances, instruments ou droits, dont l'échéance initiale ne peut être inférieure à un an et à condition que leur contrat d'émission prévoie que leur propriétaire ou titulaire est chirographaire au sens du présent 4°.

[…]

 

Les a) à e) du premier paragraphe de l’article 48 de la directive BRRD fixent l’ordre de dépréciation et de conversion des passifs lorsqu’est prise une mesure de renflouement interne. Les passifs visés aux points a) à d) correspondent aux différentes catégories de fonds propres prudentiels et aux autres titres subordonnés. Le rang est rendu par le premier alinéa du I de l’article L. 613-30-3 (« mais avant les  créanciers titulaires de titres subordonnés »).

4.   Sans préjudice des paragraphes 5 et 7, les États membres veillent à ce que leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, telles qu’adoptées au 31 décembre 2016, s’appliquent au rang, dans une procédure normale d’insolvabilité, des créances non garanties résultant d’instruments de dette émis par les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), de la présente directive, avant la date d’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant la directive (UE) 2017/2399 du Parlement européen et du Conseil (*1).

LOI n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique - Article 151

 

[…]

 

II.- Le 4° du I de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier est applicable aux titres, créances, instruments ou droits émis à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

III.- Les 3° et 4° du I du même article L. 613-30-3 s'appliquent aux procédures de liquidation ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

Le paragraphe 4 de l’article 1er de la directive (UE) 2017/2399 vise à figer le droit applicable aux instruments, titres ou droits émis avant l’entrée en vigueur des mesures de transposition de la directive dans les ordres juridiques des différents Etats-membres. Il vise notamment à interdire toute subordination des passifs antérieurement émis du fait de la loi. Ces mesures sont sans objet concernant la France qui a déjà adopté des mesures similaires à celles prévues par la directive avant la date du 31 décembre 2016.

5.   Lorsque, après le 31 décembre 2016 et avant le 28 décembre 2017, un État membre a adopté des dispositions législatives nationales régissant le rang, dans une procédure normale d’insolvabilité, des créances non garanties résultant d’instruments de dette émis après la date d’application de ces dispositions législatives nationales, le paragraphe 4 du présent article ne s’applique pas aux créances résultant d’instruments de dette émis après la date d’application desdites dispositions législatives nationales, pour autant que toutes les conditions suivantes soient remplies:

a)

en vertu desdites dispositions législatives nationales, et pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties ont, dans une procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

i)

l’échéance contractuelle initiale de ces instruments de dette est d’au moins un an;

 

ii)

les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés; et

 

iii)

les documents contractuels et, le cas échéant, le prospectus relatifs à leur émission font explicitement référence à leur rang inférieur en vertu des dispositions législatives nationales;

 

b)

en vertu desdites dispositions législatives nationales, les créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions prévues au point a) du présent alinéa ont, dans une procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que le rang de priorité des créances résultant des instruments visés à l’article 48, paragraphe 1, points a) à d).

À la date d’entrée en vigueur des dispositions nationales transposant la directive (UE) 2017/2399, les créances non garanties résultant des instruments de dette visés au point b) du premier alinéa ont le même rang de priorité que celui visé au paragraphe 2, points a), b) et c), et au paragraphe 3 du présent article.

 

 

 

Le paragraphe 5 de l’article 1er  de la directive (UE) 2017/2399 vise à couvrir le cas des Etats membres qui se sont engagés au cours de la négociation de la directive et par anticipation dans un processus d’adoption de dispositions analogues à celles de la directive. Dispositions non applicables dans le cas de la France.

6.   Aux fins du paragraphe 2, point b), et du paragraphe 5, premier alinéa, point a) ii), les instruments de dette assortis d’un taux d’intérêt variable découlant d’un taux de référence largement utilisé et les instruments de dette qui ne sont pas libellés dans la monnaie nationale de l’émetteur, à condition que le capital, le remboursement et les intérêts soient libellés dans la même devise, ne sont pas considérés comme des instruments de dette comprenant des dérivés incorporés en raison de ces seules caractéristiques.

 

R. 613-28 (nouveau)

I. – Sont considérés comme non structurés au sens du 4° du I de l’article L. 613-30-3 les titres, créances, instruments ou droits qui présentent les caractéristiques suivantes :

[…]

 A- Lorsqu’ils portent intérêt, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit  prévoit que leur rémunération est selon le cas :

a) à taux fixe ;

b) à taux variable égal à un indice de référence de taux d'intérêt qui répond à la date de l’émission ou de l’emprunt à la définition du 22) du paragraphe 1 de l’article 3 du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 assorti le cas échéant d’une marge fixe ;

B-  Sans préjudice du A, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit peut également prévoir des changements de rémunération conduisant à appliquer, après une ou plusieurs dates prédéterminées ou dans l’hypothèse où l’émetteur ou l’emprunteur a renoncé à exercer une faculté qu’il détient en application du b) du 4°, une autre rémunération qui répond aux conditions décrites au a) ou au b) du A. Lorsque la nouvelle rémunération est à taux fixe, ce taux peut être égal à un taux usuel du marché interbancaire, du marché monétaire, du marché obligataire ou des emprunts émis par un Etat. Ce taux peut être  assorti le cas échéant d’une marge ;

[…]

 Le principal émis ou emprunté, son remboursement ainsi que le paiement des intérêts ou des coupons, sont tous libellés en euros ou sont tous libellés dans une unique devise.

[…]

Pour les références de taux variables, il est renvoyé au droit existant du règlement dit « benchmark » en reprenant la notion « d’indice de référence de taux d’intérêt », ce qui renvoie nécessairement aux taux usuels du marché interbancaire de type LIBOR, US BOR, EONIA, …

7.   Les États membres qui, avant le 31 décembre 2016, ont adopté des dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité en vertu desquelles les créances ordinaires non garanties résultant d’instruments de dette émis par les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), sont divisées en deux ou plusieurs rangs de priorité, ou en vertu desquelles le rang de priorité des créances ordinaires non garanties résultant de tels instruments de dette est modifié par rapport à toutes les autres créances ordinaires non garanties ayant le même rang de priorité, peuvent prévoir que les instruments de dette qui ont le rang de priorité le moins élevé parmi ces créances ordinaires non garanties ont le même rang de priorité que celui des créances qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2, points a), b) et c), et au paragraphe 3 du présent article.

 

II de l’article 68 du PJL PACTE

 

(Dispositions non codifiées) 

 

[…]

 

II. – A. – Les titres, créances, instruments ou droits rattachés au rang mentionné au 4° du I de l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier avant l’entrée en vigueur de la présente loi occupent le même rang que ceux qui sont émis ou souscrits après l’entrée en vigueur de cette même loi.

La directive prévoit la possibilité, pour les Etats membres ayant déjà adopté des mesures scindant le rang des créances dites senior avant le 31 décembre 2016 en deux rangs de priorité, de rattacher les créances du rang le plus bas dans la hiérarchie des créanciers à la nouvelle classe de passifs.

La France est dans cette situation. L’ajout de la mention de l’obligation d’inclure une information sur le rang des créanciers dans le prospectus justifie, pour des raisons de sécurité juridique, de prévoir que les créanciers titulaires d’un titre, d’une créance, d’un instrument ou d’un droit émis ou né et rattaché au 4° du I de l’article L. 613-30-3 du CMF depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 occupe le même rang que les titres qui seront émis à compter de l’adoption de la loi PACTE.

 



 

Article 2

Transposition

1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 29 décembre 2018. Ils en informent immédiatement la Commission.

Les États membres appliquent ces dispositions à partir de la date de leur entrée en vigueur en droit interne.

 

II de l’article 68 du projet de loi PACTE

(dispositions non codifiées)

[…]

II° – B – Le 2° du I est applicable aux procédures de liquidation ouvertes à l’encontre des personnes qui y sont mentionnées à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

 

Transposition non nécessaire pour le premier alinéa.

2.   Lorsque les États membres adoptent les dispositions visées au paragraphe 1, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

 

 

Transposition non nécessaire

3.   Le paragraphe 2 ne s’applique pas lorsque les dispositions de droit interne des États membres qui sont en vigueur avant la date d’entrée en vigueur de la présente directive sont conformes à la présente directive. Dans ce cas, les États membres en informent la Commission.

 

 

Transposition non nécessaire

4.   Les États membres communiquent à la Commission et à l’Autorité bancaire européenne le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

 

 

Transposition non nécessaire

 

Article 3

Réexamen

Au plus tard le 29 décembre 2020, la Commission réexamine l’application de l’article 108, paragraphe 1, de la directive 2014/59/UE. La Commission établit, en particulier, s’il est nécessaire d’apporter de nouvelles modifications relatives au rang des dépôts en cas d’insolvabilité. Elle soumet un rapport à ce sujet au Parlement européen et au Conseil.

 

 

Transposition non nécessaire

 

Article 4

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

 

 

Transposition non nécessaire

 

Article 5

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

 

 

Transposition non nécessaire


Partie règlementaire

Projet de décret précisant les conditions dans lesquelles un titre, une créance, un instrument ou un droit est considéré comme non structuré au sens du 4° du I de l’article L. 613-30-3 du code monétaire et financier

Article 1er

A la sous-section 2 de la section 2 du Chapitre III du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier, après l’article R. 613-27, il est ajouté un article ainsi rédigé :

« Art. R. 613-28. – I. – Sont considérés comme non structurés au sens du 4° du I de l’article L. 613-30-3 les titres, créances, instruments ou droits qui présentent les caractéristiques suivantes :

 

R. 613-28 (nouveau)

 

I. – Sont considérés comme non structurés au sens du 4° du I de l’article L. 613-30-3 les titres, créances, instruments ou droits qui présentent les caractéristiques suivantes :

 

 

 

 

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

[…]

 

b) les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés;

[…]

Le décret est pris en application du III (actuel II) de l’article L. 613-30-3.

Compte tenu des difficultés juridiques à définir  « un titre, une créance, un instrument ou un droit non structuré » en partant d’éléments complexes de structuration dont les définitions peuvent être sujettes à discussion, il a été privilégié de définir de manière limitative les caractéristiques simples que doit présenter un titre, une créance, un instrument ou un droit pour être considéré comme non structuré. Cette approche dispense en particulier de devoir définir au regard de la directive, ce qu’est un dérivé incorporé, le cumul des conditions énumérées interdisant les options (hors remboursement anticipé), les dérivés ou d’autres types de rémunération que des taux simples (néanmoins révisables) fixes ou variables. La notice du décret décrit par ailleurs le type de titre, créance, instrument ou droit qui peuvent être émis ou souscrits en application du décret.

Le cumul des conditions énumérées au I, permet ainsi la transposition complète des a) et b) du paragraphe 2 de l’article 108 modifié de la directive BRRD (le c) étant transposé au niveau législatif). 

 « 1° Leur principal est remboursable au pair ou au moins au pair lorsqu’ils ne donnent lieu au versement d’aucun coupon ou intérêt ;

 

 Leur principal est remboursable au pair ou au moins au pair lorsqu’ils ne donnent lieu au versement d’aucun coupon ou intérêt ;

 

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

[…]

 

b) les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés;

[…]

La remboursabilité au pair du principal est une condition importante pour neutraliser la possibilité d’incorporer des dérivés ou des options ou que le produit soit lui-même un dérivé. Le texte ménage la possibilité de passifs non rémunérés (zéros coupons, qui donnent lieu à une prime d’émission ou une prime de remboursement).

« 2° Le montant du remboursement et de la rémunération à échéance et à la date de chaque échéance sont prévus par le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit et ne dépendent pas contractuellement de la survenance ou de la non-survenance d'événements futurs incertains ;

 

 Le montant du remboursement et de la rémunération à échéance et à la date de chaque échéance sont prévus par le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit et ne dépendent pas contractuellement de la survenance ou de la non-survenance d'événements futurs incertains ;

 

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

[…]

 

b) les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés;

[…]

Interdit a contrario les rémunérations à échéance non connues dont le montant ou la date sont aléatoires et caractéristiques des dérivés.

« 3° A- Lorsqu’ils portent intérêt, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit  prévoit que leur rémunération est selon le cas :

« a) à taux fixe ;

« b) à taux variable égal à un indice de référence de taux d'intérêt qui répond à la date de l’émission ou de l’emprunt à la définition du 22) du paragraphe 1 de l’article 3 du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 assorti le cas échéant d’une marge fixe ;

« B-  Sans préjudice du A, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit peut également prévoir des changements de rémunération conduisant à appliquer, après une ou plusieurs dates prédéterminées ou dans l’hypothèse où l’émetteur ou l’emprunteur a renoncé à exercer une faculté qu’il détient en application du b) du 4°, une autre rémunération qui répond aux conditions décrites au a) ou au b) du A. Lorsque la nouvelle rémunération est à taux fixe, ce taux peut être égal à un taux usuel du marché interbancaire, du marché monétaire, du marché obligataire ou des emprunts émis par un Etat. Ce taux peut être  assorti le cas échéant d’une marge ;

 A- Lorsqu’ils portent intérêt, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit  prévoit que leur rémunération est selon le cas :

a) à taux fixe ;

b) à taux variable égal à un indice de référence de taux d'intérêt qui répond à la date de l’émission ou de l’emprunt à la définition du 22) du paragraphe 1 de l’article 3 du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) n° 596/2014 assorti le cas échéant d’une marge fixe ;

B-  Sans préjudice du A, le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit peut également prévoir des changements de rémunération conduisant à appliquer, après une ou plusieurs dates prédéterminées ou dans l’hypothèse où l’émetteur ou l’emprunteur a renoncé à exercer une faculté qu’il détient en application du b) du 4°, une autre rémunération qui répond aux conditions décrites au a) ou au b) du A. Lorsque la nouvelle rémunération est à taux fixe, ce taux peut être égal à un taux usuel du marché interbancaire, du marché monétaire, du marché obligataire ou des emprunts émis par un Etat. Ce taux peut être  assorti le cas échéant d’une marge ;

Article 1er

[…]

2) L’article 108 est remplacé par le texte suivant:

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

2.   Les États membres veillent à ce que, pour les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, points a) à d), les créances ordinaires non garanties aient, selon leurs dispositions législatives nationales régissant la procédure normale d’insolvabilité, un rang de priorité plus élevé que celui des créances non garanties résultant des instruments de dette qui remplissent les conditions suivantes:

[…]

 

b) les instruments de dette ne comprennent pas de dérivés incorporés et ne sont pas eux-mêmes des produits dérivés;

[…]

6.   Aux fins du paragraphe 2, point b), et du paragraphe 5, premier alinéa, point a) ii), les instruments de dette assortis d’un taux d’intérêt variable découlant d’un taux de référence largement utilisé et les instruments de dette qui ne sont pas libellés dans la monnaie nationale de l’émetteur, à condition que le capital, le remboursement et les intérêts soient libellés dans la même devise, ne sont pas considérés comme des instruments de dette comprenant des dérivés incorporés en raison de ces seules caractéristiques.

 

Le A renvoie directement au règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement pour définir les taux variables pouvant rémunérer les titres, créances, instruments ou droit. Seuls sont mentionnés les indices de référence de taux d’intérêt (c’est-à-dire les taux du marché interbancaire). A contrario, cela exclut d’’autres types d’indices, en particulier les indices de référence de matières première et les indices de référence fondé sur des données réglementées ou tout autre indice.

Le B prévoit la possibilité de taux révisables et le type de taux pouvant être utilisés dans ces hypothèses.

Le 6° de l’article 108 modifié de la directive BRRD est transposé par la combinaison du 3° avec le 6° du I de l’article R. 613-28 (nouveau).

« 4° Ils peuvent faire l’objet d’un remboursement anticipé si le contrat prévoit cette possibilité :

«  a) à l’initiative de l’émetteur ou de l’emprunteur, dans le cas  d’une évolution ayant pour effet de modifier le traitement comptable, fiscal ou règlementaire, initialement prévu lors de l’émission ou de l’emprunt   ;

«  b) à l’initiative de l’émetteur ou de l’emprunteur du titre, créance, instrument ou droit, pour quelle que raison que ce soit, à une ou plusieurs dates prédéterminées ;

 Ils peuvent faire l’objet d’un remboursement anticipé si le contrat prévoit cette possibilité :

a) à l’initiative de l’émetteur ou de l’emprunteur, dans le cas  d’une évolution ayant pour effet de modifier le traitement comptable, fiscal ou règlementaire, initialement prévu lors de l’émission ou de l’emprunt   ;

 b) à l’initiative de l’émetteur ou de l’emprunteur du titre, créance, instrument ou droit, pour quelle que raison que ce soit, à une ou plusieurs dates prédéterminées ;

 

Le 4° autorise de manière limitative la possibilité de remboursement anticipé lorsque les modalités en sont connues ou fixées à l’avance ; il s’agit d’une possibilité couramment présente dans les contrats. A contrario cela revient à considérer que l’existence d’options de remboursement anticipé n’induit pas que le contrat incorpore des dérivés.

«  5° Le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit prévoit, le cas échéant, la possibilité pour l’emprunteur ou l’émetteur de modifier unilatéralement certaines des clauses du contrat afin de maintenir le traitement comptable, fiscal ou réglementaire, initialement prévu lors de l’émission ou de l’emprunt ;

5° Le contrat d’émission du titre ou le contrat régissant la créance, l’instrument ou le droit prévoit, le cas échéant, la possibilité pour l’emprunteur ou l’émetteur de modifier unilatéralement certaines des clauses du contrat afin de maintenir le traitement comptable, fiscal ou réglementaire, initialement prévu lors de l’émission ou de l’emprunt ;

 

Clause courante dans les contrats dont la présence est autorisée par le décret pour satisfaire des objectifs limitativement énumérés.

«6° Le principal émis ou emprunté, son remboursement ainsi que le paiement des intérêts ou des coupons, sont tous libellés en euros ou sont tous libellés dans une unique devise ;

 Le principal émis ou emprunté, son remboursement ainsi que le paiement des intérêts ou des coupons, sont tous libellés en euros ou sont tous libellés dans une unique devise ;

Article 108

Niveau de priorité dans la hiérarchie en cas d’insolvabilité

[…]

6.   Aux fins du paragraphe 2, point b), et du paragraphe 5, premier alinéa, point a) ii), les instruments de dette assortis d’un taux d’intérêt variable découlant d’un taux de référence largement utilisé et les instruments de dette qui ne sont pas libellés dans la monnaie nationale de l’émetteur, à condition que le capital, le remboursement et les intérêts soient libellés dans la même devise, ne sont pas considérés comme des instruments de dette comprenant des dérivés incorporés en raison de ces seules caractéristiques.

Transposition du paragraphe 6 de l’article 108 modifié de BRRD (à lire en combinaison avec le 3° du projet de décret).

« 7° L'échéance initiale minimale des titres, créances, instruments et droits est d’au moins un an.

7° L'échéance initiale minimale des titres, créances, instruments et droits est d’au moins un an.

 

Application du III de l’article L. 613-30-3.

« II – Par dérogation au 1° et au 2° du I, les titres, créances, instruments ou droits peuvent avoir une durée indéterminée. »

II – Par dérogation au 1° et au 2° du I, les titres, créances, instruments ou droits peuvent avoir une durée indéterminée.

 

Ouvre la possibilité d’emprunts perpétuels (à l’instar des titres émis pour satisfaire aux exigences prudentielles de type « Additional Tier One).

 

 

 

 

Article 2

 

Le premier alinéa de chacun des articles R. 746-3, R. 756-3 et R. 766-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Les mots : « et R. 613-28 » sont remplacés par les mots : «, R. 613-28, R. 613-31 » ;

2° Il est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé : « L’article R. 613-28 est applicable dans sa rédaction résultant du décret n° xx du xx 2018 ».

 

 

 

Article d’extension outre-mer.

 

 

 

 

Article 3

 

Le ministre de l’économie et des finances et la ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

 

 

 

Article d’exécution

 

1

 


[1] Décret n° 81-257 du 18 mars 1981 créant des centres de formalités des entreprises.

[2] Devenues depuis les chambres de métiers et de l’artisanat.

[3] Devenus depuis les services des impôts.

[4] Décret n° 90-471 du 8 juin 1990 modifiant le décret n° 81-257 du 18 mars 1981 créant des centres de formalités des entreprises.

[5] Décret n° 98-326 du 27 avril 1998 modifiant le décret n° 96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises.

[6] Pour les greffes, ces chiffres incluent les formalités traitées en application des dispositions de l’article R. 123-5 du code de commerce aux termes desquelles « lorsque la déclaration comporte une demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, d'inscription modificative ou de radiation, le déclarant a la faculté de déposer le dossier de déclaration directement auprès du greffe du tribunal compétent pour y procéder, soit sur support papier, soit par voie électronique. […] Le greffe, qui conserve la demande d'inscription, transmet sans délai le dossier au centre de formalités des entreprises compétent ».

[7] Ce nombre de formalités réalisées auprès des SIE en 2016 n'est pas représentatif de l’activité habituelle de ces services, car cette année a été marquée par le refus de la part des greffiers des tribunaux de commerce de prendre en charge les formalités leur ayant été transférées, ce qui a entraîné un déport de ces formalités vers les SIE. Il est ainsi observé que le nombre de formalités accomplies en 2017 auprès des SIE ne s'élevait qu'à 47 000 (source : Insee).

[8] Décret n° 2016-1030 du 26 juillet 2016 relatif aux centres de formalités des entreprises.

[9] A ce jour, l’ensemble des Etats membres disposent d’un guichet unique (http://ec.europa.eu/internal_market/eu-go/index_fr.htm).

[10] Arrêté du 22 avril 2015 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « guichet entreprises ».

[11] En vertu de l’article R. 123-22 du code de commerce, les éléments du dossier relatifs à la demande d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et aux demandes portant sur les autorisations requises pour l’exercice de l’activité sont néanmoins transmis directement par le service informatique aux autorités concernées.

[12] Source DGE, Guichet Entreprises.

[13] Article 26 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

[14] Décret n° 2002-375 du 19 mars 2002 modifiant le décret n° 96-650 du 19 juillet 1996 relatif aux centres de formalités des entreprises.

[15] « La compétence des centres de formalités des entreprises des services des impôts pour les activités exercées par les assujettis ou les redevables susmentionnés peut être transférée aux organismes mentionnés aux 1° à 6° par convention conclue entre le directeur général des finances publiques et le représentant de la personne morale placée à la tête du réseau des organismes destinataires de ce transfert. Cette convention est approuvée par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre assurant la tutelle des organismes destinataires de ce transfert ».

[16] L’impossibilité de quantifier les moyens humains et matériels exclusivement consacrés aux missions des CFE empêche d’évaluer précisément les budgets consacrés par les différents réseaux à ces seules missions.

[17] L’obligation de création d’entreprise en ligne existe déjà pour les micro-entrepreneurs depuis la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

[18] L’accusé d’enregistrement sera délivré en application de l’article L. 112-11 du code des relations entre le public et l’administration.

[19] Une association doit effectuer des formalités auprès d’un CFE (aboutissant notamment à une inscription au répertoire Sirene) lorsqu'elle remplit au moins l'une des conditions suivantes :

-          elle souhaite demander des subventions auprès de l’État ou des collectivités territoriales ;

-          elle envisage d'employer des salariés ;

-          elle exerce des activités qui conduisent au paiement de la TVA ou de l'impôt sur les sociétés ;

-          elle doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

[20] Source : IGF.

[21] Soit (570 765+274 300) x 3,80€ (tarif 2018 d’une lettre prioritaire de 100 à 250 g).

[22] Selon les chiffres clés disponibles sur le portail de la qualité et de la simplification du droit du secrétariat général du Gouvernement et établis à partir de données fournies par la DGFAP et par l’Insee, le salaire annuel chargé d’un agent de catégorie A s’élève en moyenne à 59 500 € pour la fonction publique d’Etat.

[23] Cette assistance, actuellement assurée par un prestataire extérieur, consiste à répondre aux questions des internautes concernant le fonctionnement du site.

[24] Journal Le Monde du mardi 6 février 2018.

[25] Alinéa issu du V de l’article 8 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

[26] ETP des CFE des chambres d’agriculture, des CCI, des CMA et des greffes des tribunaux de commerce, cf. tableau 1.

[27] 19 millions d’unités légales et 26 millions d’établissements depuis la création du répertoire en 1973 (source : INSEE).

[28] Il institue par ailleurs auprès du ministère de l’industrie et du commerce un registre central du commerce tenu par l’institut de la propriété industrielle.

[29] Depuis mars 2017, l’INPI propose des licences gratuites de réutilisation portant sur les immatriculations, modifications et radiations (IMR) des sociétés enregistrées au RNCS depuis le 1er janvier 2017, ainsi que sur les comptes annuels déposés depuis le 1er janvier 2017.

[30] Source : INPI, 2017.

[31] Source : INSEE, 2018.

[32] Source : DGE, données 2018. Coût moyen calculé sur la base des tarifs relevés auprès d’une vingtaine de chambres (dont celles de Paris et du Rhône).

[33] Ces informations sont :

― pour les personnes physiques, leurs nom, nom d'usage, prénoms, pseudonyme, date et lieu de naissance ;

― pour les personnes morales, la dénomination, le nom commercial, la forme juridique, le sigle ;

― pour toutes les entreprises, le numéro unique d'identification (SIREN et APRM), le code de l'activité principale, s'il y a lieu, le nom professionnel et l'enseigne, l'adresse de l'entreprise ou du siège social, la date d'immatriculation ou de radiation au répertoire des métiers, la qualification artisanale du ou des exploitants et, le cas échéant, les informations relatives au dépôt d’une déclaration d’affectation de patrimoine.

[34] Source : rapport d’activité CNBA, 2016.

[35] Lors d’une création de société artisanale, le RCS assortit son immatriculation d’une condition suspensive d’inscription au RM. Or, en pratique, la CMA n’informe pas en retour le RCS de la finalisation de l’inscription de la société au RM, ce qui contraint le dirigeant social à produire lui-même auprès du greffe du tribunal de commerce un extrait d’immatriculation au RM afin de lever la condition suspensive d’immatriculation au RM et ainsi finaliser la création de sa société.

[36] Source : Insee, nombre de liasses reçues par les CFE (hors greffes) en 2017 pour des créations d’entreprise.

[37] Source : Insee, nombre d’entreprises au 31/01/2018.

[38] Xerfi, Etude d’impact, Les conséquences d’une éventuelle suppression des annonces judiciaires et légales « vie des sociétés et fonds de commerce sur la presse habilitée, août 2014.

[39] Données 2017 de l’Association de la presse pour la transparence économique (APTE), qui regroupe les syndicats de presse auxquels sont affiliées les publications autorisées à publier des AJL.

[40] Cf. le décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et agences de presse.

[41] Les tarifs sont réduits de 70 % pour les annonces faites par ou pour le compte des personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle et de 50 % pour les annonces prescrites dans le cadre des procédures relatives aux entreprises en difficulté (art. 3 de la loi de 1955 précitée et art. 4 de l’arrêté de 2012 précité).

[42] « On entend par service de presse en ligne tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d'un contenu original, d'intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d'informations présentant un lien avec l'actualité et ayant fait l'objet d'un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d'une activité industrielle ou commerciale ».

[43] Selon l’étude Xerfi précitée (2014), le coût moyen de publication des AJL serait de l’ordre de 53 € par an et par société.

[44] Selon les informations communiquées par le SPIIL

[45] Source : Insee, Emploi et revenus des indépendants, édition 2015

[46] Source : le bureau de la tutelle des chambres de métiers et d’artisanat de la DGE qui dispose des comptes consolidés du réseau

[47] Plafond fixé au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ; https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069577&idArticle=LEGIARTI000006306553&dateTexte=&categorieLien=cid

 

[48] Conseil des prélèvements obligatoires (2013), La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes ?

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-fonds-national-de-promotion-et-de-communication-de-lartisanat-fnpca

[49] CJCE, 15 juillet 2004, Pearle BV, aff. C-345/02

[50] http://ism.infometiers.org/ISM/Barometre-de-l-artisanat/Les-chiffres-de-l-emploi

[51]http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/tdb_activite_des_jeunes_et_pol_emploi_-_juin_2017_19_janv_.pdf

[52] http://ism.infometiers.org/ISM/Barometre-de-l-artisanat/Les-chiffres-de-l-apprentissage2

[53] L’obligation de création d’un comité social et économique est obligatoire lorsque l’entreprise a atteint un effectif de onze salariés pendant douze mois consécutifs (article L. 2311-2 du code du travail). L’élargissement des compétences de cette instance aux seuils de cinquante salariés puis trois cents salariés est conditionné à l’atteinte de cet effectif sur une période de douze mois consécutifs également (articles L. 2312-2 et L. 2312-34 du même code).

[54] L’article L. 1235-3 du code du travail fixe un seuil à onze salariés pour la détermination du montant des indemnités minimales en cas de licenciement jugé irrégulier ou sans cause réelle ou sérieuse. La situation s’apprécie le jour de la date d’envoi de la lettre de licenciement en vertu de la jurisprudence (Cour de Cassation, Chambre Sociale, 26-9-2006 n° 05-43,814).

[55] L’article L. 1311-2 du code du travail pose l’obligation d’un règlement intérieur dans les établissements d’au moins vingt salariés. La circulaire DRT n° 5-83 du 15 mars 1983 précise que le règlement doit être établi dans les trois mois suivant l'ouverture de l'entreprise si ce seuil a été atteint en permanence durant cette période et, dans le cas contraire, le règlement est obligatoire dès lors que le seuil a été atteint pendant six mois.

[56] Pour le crédit d’impôt au titre des investissements en Corse, la période de référence est l’exercice ou période d'imposition au cours de laquelle l’investissement éligible est réalisé (article 244 quater E du code général des impôts).

[57] Certaines sociétés peuvent opter pour le régime des sociétés de personnes lorsqu’elles ont notamment un effectif salarié inférieur à cinquante salariés au cours de l’exercice couvert par l’option (art. 239 bis AB du code général des impôts).

[58] A titre d’illustration, les collectivités territoriales peuvent accorder une exonération de CFE aux jeunes entreprises innovantes dont la définition implique qu’elles aient un effectif salarié de moins de deux cent cinquante salariés. Celui-ci est apprécié l’avant-dernière année précédant celle de l'imposition, ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année, lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile (articles 1466 et 1467 A du code général des impôts).

[59] Pour le crédit d’impôt de CFE en faveur des entreprises de moins de onze salariés situées dans une zone de restructuration de la défense (ZRD), l’effectif s’apprécie au 1er janvier de chaque année d’application du crédit d’impôt (article 1647 C septies du code général des impôts).

[60] L’article 220 nonies du code général des impôts prévoit un crédit d'impôt pour la société exclusivement constituée pour le rachat d'une société si la société constituée est détenue par au moins 30 % des salariés de la société rachetée lorsque celle-ci n'excède pas cinquante salariés à la date de rachat.

[61] Voir notamment : articles R. 621-11 et D. 628-3 du code de commerce.

[62] Voir notamment : articles L. 123-16, L. 123-16-1, L. 221-9, L. 227-9-1, L. 233-17 et L. 823-12-1 du code de commerce.

[63] Depuis l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, le comité social et économique (CSE) remplace les représentants élus du personnel dans l'entreprise. Il fusionne l'ensemble des instances représentatives du personnel (IRP), à savoir : délégués du personnel (DP), comité d'entreprise (CE) et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le CSE devra être mis en place dans toutes les entreprises concernées le 1er janvier 2020 au plus tard.

[64] Peuvent notamment être cités : l’abattement de 500 000 € pour le dirigeant partant à la retraite en cas de cession d’entreprise (art. 150-0 D ter du code général des impôts), l’exonération d'impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés à l'exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs pour les entreprises implantées dans les bassins urbains à dynamiser (art 44 sexdecies du CGI), l’exonération d'impôt sur les sociétés pour les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les jeunes entreprises universitaires (JEU) (articles 44 sexies-0 A et 44 sexies A), l’abattement d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu pour les entreprises implantées dans les zones franches d'activités situées dans les DOM (art. 44 quaterdecies) ou l’exonération de cotisation foncière des entreprises pour les entreprises implantées dans les zones d'aide à l'investissement des PME.

[65] Sous certaines conditions, les attributions d’actions gratuites dans les entreprises n'ayant pas distribué de dividendes peuvent bénéficier d’une exonération de contribution patronale dans les PME (article L. 137-13 du code de la sécurité sociale).

[66] L. Garicano, Cl. Lelarge et J. Van Reenen, Firm Size Distortions and the Productivité Distribution : Evidence from France (2016).

[67] Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, sous la présidence de Jacques Attali, pp. 48-49. La Documentation française, 2008.

[68] Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, novembre 2012. Cf. p. 31 : « Les raisons pour lesquelles les PME françaises grandissent trop rarement pour devenir de véritables ETI sont multiples : d’abord le manque de fonds propres, mais aussi les obstacles juridiques et fiscaux (fiscalité de la transmission d’entreprises et des plus-values, seuils fiscaux et sociaux multiples) ».

[69] cf. recommandation n°4 du Conseil du 12 juillet 2016 recommandant à la France d’« approfondir la réforme des critères de taille réglementaires qui freinent la croissance des entreprises » (JOUE du 18.8.2016, p. C 299/118). Le rapport pays de février 2017 note qu’ « Aucun progrès n’a été fait pour ce qui est d’atténuer les effets sur les entreprises des seuils légaux liés à la taille. »

[70] L’article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale dispose que « tout employeur de personnel salarié ou assimilé adresse à un organisme désigné par décret une déclaration sociale nominative établissant pour chacun des salariés ou assimilés le lieu d'activité et les caractéristiques du contrat de travail, les montants des rémunérations, des cotisations et contributions sociales et la durée de travail retenus ou établis pour la paie de chaque mois, les dates de début et de fin de contrat, de suspension et de reprise du contrat de travail intervenant au cours de ce mois, ainsi que, le cas échéant, une régularisation au titre des données inexactes ou incomplètes transmises au cours des mois précédents ».

[71] L’article R. 133-14 du code de la sécurité sociale dispose que la déclaration sociale nominative (DSN) permet de satisfaire « la déclaration des effectifs prévue au code de la sécurité sociale s'il a effectué chaque mois de l'année civile une déclaration sociale nominative pour tous ses salariés ».

[72] Source : Agence centrale des organismes de recouvrement (ACOSS), données 2017.

[73] Article L. 6331-15 du code du travail sur la participation au financement de la formation professionnelle qui indique expressément qu’il ne s’applique qu’au premier franchissement

[74] Circulaire Acoss n° 2008-002 du 02/01/2008, qui cite une réponse ministérielle de M. Sauvadet à une question écrite de l’Assemblée nationale publiée au J.O. le 12/01/1998, ou encore arrêt de la Cour de cassation 2e civ. 30-11-2017 n° 16-26.464 F-PB).

[75] Le relèvement du seuil est prévu à vingt salariés dans le cadre du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

[76] Cf. points n°128 et 133 de la communication 2016/C 262/01 de la Commission sur la notion d’aide d’Etat visée à l’article 107 § 1 du TFUE, JOUE C 262, 19 juillet 2016.

[77] Définissant le champ d’application du système, ses conditions d’application, les droits et obligations des entreprises qui y sont soumises et les aspects techniques du fonctionnement du système.

[78] CJCE, C-72/91 et C-73/91, Sloman Neptun Schiffahrts AG, et point 53 des conclusions de l’avocat général

[79] CJCE, 2 juillet 1974, Italie c/Commisison, aff. 173/73 et TPICE 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke c/Commission, aff. T-471/93.

[80] Pt 58 conclusions de l’avocat général dans l’affaire Sloman Neptun.

[81] Voir en ce sens CJCE, C-72/91 et C-73/91, Sloman Neptun Schiffahrts AG, pt. 21

[82] Voir par exemple Matis : une maquette d’évaluation des effets sur l’emploi de variations du coût du travail (2015) de S. Bock, P. Lissot et S. Ozil, pour une revue de littérature et une présentation détaillée des mécanismes économiques : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/410833

[83] Mésange est un modèle macroéconométrique développé conjointement par la DG Trésor et l’Insee, qui permet d’évaluer l’impact de diverses politiques économiques (ici la baisse du coût du travail pour certaines entreprises) dans un cadre bouclé. Voir Le modèle macroéconométrique Mésange : réestimation et nouveautés (2017), de Bardaji et al. : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/436147

[84] Le relèvement du seuil est prévu à vingt salariés dans le cadre du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

[85] Source : DARES, « L’emploi intérimaire au 4ème trimestre 2017 » (qui comporte une évolution des données par trimestre depuis le 1er trimestre 2000),

[86] Même si des disparités peuvent être mises en exergue : ainsi, la durée moyenne s’élève à 5,8 semaines dans la fabrication de matériel et de transport (source : DARES, « L’emploi intérimaire au 4ème trimestre 2017).

[87]L. Garicano, Cl. Lelarge et J. Van Reenen, Firm Size Distortions and the Productivité Distribution : Evidence from France (2016).

[88] Selon les Bordereaux récapitulatifs de cotisations, publiés par l’Acoss.

[89] Ce raisonnement est par rapport à l’état actuel de la législation, dans lequel les entreprises paient plus rapidement les contributions à leur taux normal.

[90] Outre le gain en lisibilité pour les entreprises, qui diminuera leur coût de gestion, le nouveau dispositif est plus avantageux financièrement pour les entreprises. En allégeant le coût du travail, cette mesure fait gagner en compétitivité et renforce la demande de travail des entreprises.

 

[91] Ce taux est estimé en rapportant la recette de versement transport (8,5 Md€ en 2017, d’après les prévisions de la comptabilité nationale) à l’ensemble de la masse salariale des employeurs privés et publics (770 Md€ en 2017, selon les DADS 2015 vieillies pour représenter l’année 2017).

[92] L’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que le Conseil national d’évaluation des normes est « également consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ».

[93] L’article R*. 361-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le Conseil national de l'habitat est consulté sur le barème de l'aide personnalisée au logement, sur sa révision annuelle et, d'une façon générale, sur toute mesure relative à ses modalités de financement et de versement. Le relèvement du seuil à partir duquel les entreprises sont assujetties à la participation de l’employeur à l’effort de construction, ainsi que la nouvelle règle de franchissement de seuil, impliquent la consultation de cette instance.

[94] Le 2° de l’article L. 271-1 du code du travail prévoit que la Commission nationale de la négociation collective est compétente pour émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective.

[95] L’article L. 4641-1 du code du travail prévoit que le Conseil d’orientation des conditions de travail est consulté sur les projets de textes législatifs et réglementaires concernant en matière de santé et sécurité au travail et d’amélioration des conditions de travail.

[96]L’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 ne comporte en effet que 3 catégories de membres :

« Le conseil d'administration ou de surveillance comprend :

1° des représentants de l'Etat nommés par décret ;

2° des personnalités choisies, soit en raison de leur compétence technique, scientifique ou technologique, soit en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux ou locaux des activités en cause, soit en raison de leur connaissance des activités publiques et privées concernées par l'activité de l'entreprise, soit en raison de leur connaissance des problématiques liées à l'innovation et au développement d'entreprises innovantes, soit en raison de leur qualité de représentants des consommateurs ou des usagers, nommées par décret pris, le cas échéant, après consultation d'organismes représentatifs desdites activités ;

3° des représentants des salariés, élus dans les conditions prévues au chapitre II.

Le nombre des représentants de chacune de ces catégories est déterminé par décret, le nombre de représentants des salariés devant être égal au moins au tiers du nombre des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance.

Dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques mentionnées au présent article et qui sont chargés d'une mission de service public, au moins une des personnalités désignées en application du 2° du présent article doit être choisie parmi les représentants des consommateurs ou des usagers.

 

[97] Source : Rapport de concertation sur les soldes d’Octobre 2017 

https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/secteurs-professionnels/commerce/3c/concertation-sur-les-soldes-3C-octobre2017.pdf

[98] Source : Journal du Textile n° 2360 du 12 décembre 2017, page 6.

[99] Source : Rapport de concertation sur les soldes d’Octobre 2017 

https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/secteurs-professionnels/commerce/3c/concertation-sur-les-soldes-3C-octobre2017.pdf

[100] Source : prise de position de la Chambre de Commerce et d’Industrie « Soldes et promotions : quel avenir ? » (page 4)

http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/prise_de_position_soldes_et_promotions_-_adoptee_010617.pdf

[101] IGF, La certification légale des comptes des petites entreprises françaises, n° 2017-M-088, mars 2018 : http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2018/2017-M-088-03.pdf

[102] ou CA HT

[103] CA HT : chiffre d’affaires hors taxe.

[104] Deloitte, KMPG, EY, PWC, Mazars, Grant Thornton, BDO

[105]  i.e. Deloitte, EY (Ernst & Young), KMPG et PwC (PricewaterhouseCoopers)

[106] Rapport n° 2017-M-088, mars 2018

[107] IGF, La certification légale des comptes des petites entreprises françaises, n° 2017-M-088, mars 2018.

[108] La CNCC conteste ces chiffres. Elle estime que 153 828 mandats sur les 196 390 mandats dans des sociétés commerciales seraient amenés à disparaître, soit 78 % des mandats concernant les sociétés commerciales. La CNCC considère également que l’IGF sous-estime la perte de chiffre d’affaires pour la profession, qu’elle évalue à 881 millions d’euros, soit 35% du chiffre d’affaires total de la profession. L’annexe III du rapport de l’IGF explique les retraitements des statistiques fournies par la CNCC que la mission a dû effectuer. S’agissant du nombre de mandats, l’IGF a exclu les mandats ne donnant pas lieu à un rapport de certification, les mandats concernant les entités d’intérêt public, ainsi que les mandats concernant plusieurs fois la même entreprise (situation s’expliquant par la présence d’un co-commissariat aux comptes). De même, les honoraires de certification ont dû être retraités, en raison d’erreur sur certains mandat (un mandat avec des honoraires d’1,8Md€, 2 mandats avec une durée certifications supérieure à 10 000 h)

http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2018/2017-M-088-03.pdf

[109] Alinéa 1er de l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 : « Est expert-comptable ou réviseur comptable au sens de la présente ordonnance celui qui fait profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la régularité et la sincérité des comptes de résultats. »

[110] Alinéa 2 de l’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 : « L'expert-comptable fait aussi profession de tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser et consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas lié par un contrat de travail. »

[111] Article 20 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 et articles 433-17 et 433-25 du code pénal.

[112] Alinéas 3 et suivants de l’article 2 et article 22 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945.

[113] TC, 13 février 1984, Cordier, n° 02314.

[114] Il est précisé que, dans les circonscriptions ordinales de Guyane et de Mayotte, les missions des CROEC sont exercées par des comités départementaux de l’ordre des experts-comptables (CDOEC).

[115] L’essentiel du RSI en chiffres, édition 2017 - données 2016.

[116] Article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

[117] Sont destinataires des informations collectées par les centres de formalités des entreprises : les services des impôts des entreprises, les organismes de sécurité sociale (affiliation aux Urssaf et aux caisses de sécurité sociale), l’Insee (inscription au répertoire Sirene), l’inspection du travail (déclaration), les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance statuant commercialement (inscription au registre du commerce et des sociétés – RCS – pour les activités commerciales et les sociétés, au registre spécial des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée - RSEIRL- pour les EIRL et au registre spécial des agents commerciaux pour les agents commerciaux), les chambres de métiers et de l'artisanat (inscription au répertoire des métiers pour les activités artisanales), les chambres d’agriculture (immatriculation au registre de l’agriculture), la Chambre nationale de la batellerie artisanale (immatriculation au registre des entreprises de la batellerie artisanale).

[118] https://extraqual.pm.ader.gouv.fr/evaluation.html

[119] L’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale dispose que « le conseil ou les conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et la commission prévue à l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale ».

[120] Ces dispositions prévoient que « Le conseil d’administration de la Caisse nationale déléguée peut faire au ministre chargé de la sécurité sociale toute proposition de modification législative ou réglementaire dans son domaine de compétence. Il peut être saisi par le ministre chargé de la sécurité sociale de toute question relative à la protection sociale des travailleurs indépendants. Il est saisi pour avis des projets de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de mesures législatives ou réglementaires lorsque celles-ci concernent spécifiquement la sécurité sociale des travailleurs indépendants ».

[121] dont les conditions d'application des dispositions nouvelles dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités.

[122] Auparavant, il fallait exercer une option.

[123] Bulletin statistique n° 265 de l’ACOSS, janvier 2018.

[124] L’essentiel du RSI en chiffre, démographie des cotisants, édition 2017, données 2016.

[125] Bulletin statistique n° 265 de l’ACOSS, janvier 2018.

[126] L’exposé des motifs de l’amendement était ainsi libellé : « Il est (…) nécessaire de pouvoir distinguer la gestion de l’ensemble des transactions financières de la micro-entreprise sur un compte bancaire unique. Cette exclusivité permettrait ainsi une meilleure définition de la frontière avec les activités privées. Elle simplifierait la réalisation des contrôles, dans un contexte dans lequel la Cour des comptes a dénoncé le faible nombre de contrôles sur les activités professionnelles des indépendants, notamment ceux des régimes micro-sociaux ».

[127] Le rapporteur du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, M. Sébastien Dénaja, avait résumé l’esprit de la mesure lors des débats parlementaires : « Pour simplifier, voici le message que nous passons aux auto-entrepreneurs que, comme vous, je côtoie beaucoup sur le terrain : nous attendons qu’ils aient fait entrer un peu d’argent dans les caisses pour ouvrir un compte et engager des frais. Je rappelle qu’il faut cinq minutes pour ouvrir un compte bancaire (…) Cessez de parler d’alourdissement, d’obligations ! Nous offrons au contraire une liberté aux entrepreneurs en leur accordant du temps avant de leur imposer ce qui est une simple formalité. »

[128] Bulletin statistique n° 265 de l’ACOSS, janvier 2018.

[129] ACOSS, tableau de répartition des effectifs de micro-entrepreneurs par tranche de chiffre d’affaires réalisé.

[130] D’après le site gouvernemental qui permet de disposer d’une vue d’ensemble des différents types de tarifs bancaires pratiqués : https://www.tarifs-bancaires.gouv.fr

[131] Cf. https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Evaluation-prealable-des-projets-de-normes/Etudes-d-impact-des-lois/Methodologie

[132] L’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale dispose que « le conseil ou les conseils d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et la commission prévue à l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale ».

[133] L’article L. 614-2 du code monétaire et financier dispose que « Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières est saisi pour avis par le ministre chargé de l'économie de tout projet de loi ou d'ordonnance et de toute proposition de règlement ou de directive communautaires avant son examen par le Conseil de l'Union européenne, traitant de questions relatives au secteur de l'assurance, au secteur bancaire, aux émetteurs de monnaie électronique, aux prestataires de services de paiement et aux entreprises d'investissement, à l'exception des textes portant sur l'Autorité des marchés financiers ou entrant dans les compétences de celle-ci. ».

[134] Source : CCI France, comptabilité analytique 2016

[135] Source : bilan social 2016  de CCI France

[136] Source : bilan social 2016  de CCI France

[137] Articles L. 631-1 et suivants du code de commerce.

[138] Toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, tout agriculteur ou autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante (y compris une profession libérale), et toute personne morale de droit privé (société, association) qui se trouve en état de cessation des paiements mais dont la situation n'est pas définitivement compromise.

[139] Statistiques issues du site infogreffe

[140] Répertoire de droit des sociétés DALLOZ - Entreprises en difficulté - Redressement judiciaire (Personnes morales et dirigeants) – Jean-Jacques DAIGRE – décembre 1996 (actualisation : juin 2011)

[141] Cass. com. 20 janv. 1969

[142] Loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes

[143] Répertoire de droit des sociétés DALLOZ - Entreprises en difficulté - Redressement judiciaire (Personnes morales et dirigeants) – Jean-Jacques DAIGRE – décembre 1996 (actualisation : juin 2011)

[144] Par exemple, Cass. com. 3 juill. 1984

[145] Loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises

[146] Prévue aux articles L. 640-1 et s. et R. 640-1 et s. du code de commerce

[147] Prévue aux articles L.641-2, L. 641-2-1, L. 644-1 et s, D. 641-10 et R. 644-1 et s. du code de commerce

[148] Exposé des motifs de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005

[149] Ces données sont issues des statistiques DACS du Ministère de la justice

[150] Study on a new approach to business failure and insolvency - Comparative legal analysis of the Member States’ relevant provisions and practices (Tender No. JUST/2014/JCOO/PR/CIVI/0075) – Etude publiée en janvier 2016, réalisée par l’Université de Leed.

Ce rapport aborde de la page 292 à la page 402 les thèmes de la deuxième chance pour les entrepreneurs et du surendettement des particuliers (« Second chance for Entrepreneurs » et « Consumer Over-indebtedness »)

https://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/3eb2f832-47f3-11e6-9c64-01aa75ed71a1/language-en

[151] Recomm. Comm. Europ. 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillance et d’insolvabilité des entreprises (2014/135/UE).

[152] Recommandation n° 2014/135/UE du 12 mars 2014, JOUE du 14 mars 2014, L.74/65

[153] Page 399 du rapport Study on a new approach to business failure and insolvency - Comparative legal analysis of the Member States’ relevant provisions and practices (Tender No. JUST/2014/JCOO/PR/CIVI/0075).

[154] Conseil National des Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires, Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives

[155] https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/COM-2016-723-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF

 

[156] Source : INSEE

[157] Source : Observatoire Consulaire des Entreprises en difficulté

http://www.cci-paris-idf.fr/etudes/organisation/oced-etudes

 

[158] Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 en vigueur le 1er juillet 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives – art. 85

[159] Recomm. Comm. Europ. 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillance et d’insolvabilité des entreprises (2014/135/UE).

[160] Point 1 ; page 67 du JO de l’Union Européenne du 14 mars 2014.

[161] Points 30 et 31 ; page 71 du JO de l’Union Européenne du 14 mars 2014.

[162] La valeur de l’actif est fixée à l’article R.645-1 du code de commerce

[163] Sources : données statistiques de la Chancellerie – Pôle d’évaluation de la justice civile.

[164] Study on a new approach to business failure and insolvency - Comparative legal analysis of the Member States’ relevant provisions and practices (Tender No. JUST/2014/JCOO/PR/CIVI/0075) – Etude publiée en janvier 2016, realisée par l’Université de Leed.

Ce rapport aborde de la page 292 à la page 402 les thèmes de la deuxième chance pour les entrepreneurs et du surendettement des particuliers (« Second chance for Entrepreneurs » et « Consumer Over-indebtedness »)

https://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/3eb2f832-47f3-11e6-9c64-01aa75ed71a1/language-en

[165] Recomm. Comm. Europ. 12 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillance et d’insolvabilité des entreprises (2014/135/UE).

[166] Points 1 et 20 de la Recomm. Comm. Europ. Précitée – pages 67 et 69 du JO de l’Union Européenne du 14 mars 2014.

[167] Page 399 du rapport Study on a new approach to business failure and insolvency - Comparative legal analysis of the Member States’ relevant provisions and practices (Tender No. JUST/2014/JCOO/PR/CIVI/0075)

[168] Sources du nombre des ouvertures de rétablissement professionnel par tribunal : données statistiques de la Chancellerie – Pôle d’évaluation de la justice civile.

[169] Point 20 de la Recomm. Comm. Europ. Précitée – pages 67 et 69 du JO de l’Union Européenne du 14 mars 2014 relative à une nouvelle approche en matière de défaillance et d’insolvabilité des entreprises (2014/135/UE).

[170] Données du CNAJMJ

[171] Article L. 663-1 du code de commerce

[172] Article R. 663-41 du code de commerce

[173] Article L. 663-3 du code de commerce

[174] Depuis sa création en 2003, le FFDI permet de compenser en partie, au bénéfice des mandataires judiciaires, l’absence totale ou l’insuffisance de rémunération lorsqu’ils traitent des dossiers impécunieux. La somme versée au mandataire judiciaire est prélevée sur une quote-part des intérêts servis par la Caisse des Dépôts sur une partie des fonds des procédures collectives obligatoirement déposés à la CDC. Cette quote-part est spécialement affectée au FFDI géré par l’établissement public. Le modèle du FFDI serait aujourd’hui fragilisé en raison du nombre élevé de dossiers impécunieux et du faible niveau des intérêts servis compte tenu des conditions de marché.

[175] https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/COM-2016-723-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF

[176] Source : INSEE

[177] Source : rapport de l’IGF sur l’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants (octobre 2017).

[178] Source : Observatoire Consulaire des Entreprises en Difficulté (OCED)

http://www.cci-paris-idf.fr/etudes/organisation/oced-etudes

 

[179] Rapport de mars 2016 de Stéphane Rapelli : « Invisibilité sociale : publics et mécanismes – Les travailleurs non salariés pauvres ».

[180] Rapport de l’ONPES 2016 (11ème rapport) : « L’invisibilité sociale : une responsabilité collective ».

[181] Rapport de mars 2016 de Stéphane Rapelli : « Invisibilité sociale : publics et mécanismes – Les travailleurs non salariés pauvres ».

 

[182] Au livre IV du code civil « Des sûretés » (articles 2284 à 2488-12).

[183] En particulier et sans que cela ne soit exhaustif, à l’article L. 211-20 du code monétaire et financier, aux articles L. 313-23 à L. 313-29-2 du code monétaire et financier, au titre deuxième du livre V du code de commerce (articles L. 521-1 à L. 527-9) et dans le code de la consommation, au titre I (articles L. 314-15 à L. 314-19) et au titre III (articles L. 331-1 à L. 333-2) du livre III.

[184] La recherche par NAC (base du ministère de la justice) fait ressortir entre 4500 et 4800 demandes par an en première instance, uniquement TGI et TI, relatives à un cautionnement entre 2013 et 2016. Ce contentieux donnerait lieu à environ 6000 décisions par an en 1re instance entre 2013 et 2016 si on inclut TI, TGI et tribunaux de commerce (6314 décisions en 2016).

 

[185] Chambres de commerce et d'industrie et greffes des tribunaux de commerce sur le résultat de l’activité grâce au dépôt obligatoire des comptes sociaux annuels : bilan, compte de résultat et annexes accompagnés du rapport du commissaire aux comptes.

[186] Ce coût est calculé sur la base des tarifs des greffes des tribunaux de commerce avec frais postaux qui sont de 3,28 € TTC pour une 1ère publicité et 4,06 € pour un renouvellement. On estime que la moitié des frais de publicité (36 200 /2) est constitué par les premières publicités et que l'autre moitié est constituée par des renouvellements.

[187] Source : INFOGREFFE

[188]Cass. com, 25 octobre 2017, n°s 16-18938, 16-18939, 16-18940, 16-18942

[189] Conformément à l’article L. 642-1 du code de commerce.

[190] Ce nouveau dispositif a été introduit par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.

[191] Statistiques du ministère de la justice.

[192] C. cass. com., 27 septembre 2011, n° 10-23.539

[193] Il s’agissait dans cet arrêt d’une cession d’actifs isolés en liquidation judiciaire.

[194] (cf. CA Versailles, 13e ch., 12 mars 2015, n° 14/02599 et 14/03274

[195] University of Leeds, Study on a new approach to business failure and insolvency – Comparative legal analysis o the Member States’ relevant provisions and practices, janvier 2016, JUST/2014/JCOO/PR/CIVI/0075, p. 204 et s.

[196] Idem, spéc. pp. 205-206.

[197] Analyse des difficultés découlant de la situation actuelle ; Analyse de l’inadaptation des règles en vigueur ; Exposé de la nécessité d’adopter des dispositions nouvelles.

[198] Exemple de rédaction : « le cessionnaire sera dans tous les cas, du seul fait de la cession, garant du paiement par le preneur de la totalité des sommes dues au titre du présent bail par ledit preneur à la date de la cession ».

[199] Article L. 642-5 du code de commerce (extrait) : « le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution ».

[200] C. cass., com., 16 septembre 2008, n°06-17.809, BC 155.

[201] C. cass., 1ère civ., 19 novembre 2000, n° 00-22334, BC 214 ; C. cass., com. 21 mars 2006, n° 04-17.869, BC 74.

[202] Introduits par la loi n°94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

[203] Les données chiffrées proviennent des statistiques publiées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Les règles de fonctionnement, les régimes fiscaux et les traitements sociaux sont issus des codes en vigueur.

[204] VFU : versement forfaitaire unique.

[205] Sources : Fédération française de l’assurance (FFA) et Association française de gestion financière (AFG).

[206] Sources : DREES et FFA

[207] Cf. Objectifs poursuivis – b) dynamiser la gestion des encours

[208] https://www.afg.asso.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2F2018%2F03%2F2018_03_20_CP-AFG-Epargne-salariale-au-31-d%25C3%25A9cembre-2017-.pdf&usg=AOvVaw13oVMZqryVvVRFKIb6hFWI.

[209] Allemagne, Portugal, Finlande, Suède, Islande, Danemark, Pays-Bas, Autriche, Italie, Belgique, Espagne, Irlande, Royaume-Uni

[210] Dans les 2 cas, la sortie en rente est majoritaire dans les choix des clients, même si l’avantage fiscal est limité  En Autriche, les sorties en rente sont exonérées d’IR, alors que les sorties en capital sont soumises à un prélèvement de 6%. Aux Pays-Bas, les sorties en capital sont fiscalisées à l’IR si le taux de remplacement dépasse 70%, contre 100% pour les sorties en rente. Source : FFA

[211] FCA Retirement outcomes review: interim report - https://www.fca.org.uk/publications/market-studies/retirement-outcomes-review

[212] Source : FFA

[213] Source : direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).

[214] Enquête IPSOS pour la FFA, mars 2017.

[215] DREES, Etudes et résultats, Prévoir sa retraite : une personne sur cinq épargne, n°880, avril 2014

[216] ACPR, Analyses et synthèses, La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France au premier semestre 2017.

[217] Cette hypothèse se fonde sur des pratiques observées parmi les principaux acteurs financiers, elle dépend des règles qui seront adoptées par voie réglementaire pour encadrer la gestion pilotée des encours.

[218] Ce qui équivaut à une réorientation de 22% des détenteurs d’assurance-vie parmi les 23% qui épargnent principalement pour la retraite.

[219] Etude OCDE 2010 : Assessing default investment strategies in defined contribution pension plans.

[220] Art. A 160-2 du code des assurances.

[221] Données de place et document de travail du COR.

[222] Sources : Fédération française de l’assurance, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

[223] Source : Fédération française de l’assurance.

[224] Source : France Invest.

[225] Cour de cassation, 2e chambre civile, 19 mai 2016, n° 15-13606.

[226] cf. les articles L.132-5-1 et L.132-13 du code des assurances qui évoquent « les sommes versées ».

[227] Sur le fondement de l’article 23 de la directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002.

[228] Source : Fédération française de l’assurance, 2017.

 

[230] Chiffres AMF (2017).

[231] Rapport annuel de l’observatoire du financement des entreprises par le marché (octobre 2017).

[232] http://www.daf-mag.fr/thematique/strategie-1029/Dossiers/Introduction-en-Bourse-versus-emission-obligataire-quels-couts-pour-quels-benefices--353/Les-differents-couts-d-une-IPO-et-d-une-IBO-230400.htm#wu2iyPZB6P96PgLl.97.

[233] Art. L. 433-4, II du code monétaire et financier : « Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, à l'issue d'une procédure d'offre ou de demande de retrait, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés ; l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité. L'indemnisation est égale, par titre, au résultat de l'évaluation précitée ou, s'il est plus élevé, au prix proposé lors de l'offre ou la demande de retrait. Le montant de l'indemnisation revenant aux détenteurs non identifiés est consigné ».

[234] Art. L. 433-4, I, 1° du code monétaire et financier : « le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions applicables aux procédures d'offre et de demande de retrait dans les cas suivants (…) lorsque le ou les actionnaires majoritaires d'une société dont le siège social est établi en France et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou dont les titres ont cessé d'être négociés sur un marché réglementé d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen détiennent de concert, au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, une fraction déterminée des droits de vote ». 

[235] Art. L. 433-4, III du code monétaire et financier : « sans préjudice des dispositions du II, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, à l'issue de toute offre publique et dans un délai de trois mois à l'issue de la clôture de cette offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés. Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'indemnisation est égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre ou, le cas échéant, au résultat de l'évaluation mentionnée au II. Lorsque la première offre publique a eu lieu en tout ou partie sous forme d'échange de titres, l'indemnisation peut consister en un règlement en titres, à condition qu'un règlement en numéraire soit proposé à titre d'option, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Lorsque les titulaires de titres ne sont pas identifiés, dans les conditions mentionnées à l'article L. 228-6-3 du code de commerce, l'indemnisation est effectuée en numéraire et son montant consigné ».

[236] Concernant les instruments financiers admis sur le marché Euronext Paris, lorsque l’AMF est l’autorité compétente pour le contrôle des offres, conformément à l’article L. 433-1, I et II, du code monétaire et financier.

[237] Art. L. 433-4, V, du code monétaire et financier : « le 1° du I et les II à IV sont également applicables, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, aux instruments financiers négociés sur tout marché d'instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande auprès de cette autorité ».

[238] Conformément à l’article L. 433-4, IV du code monétaire et financier et à l’art. 237-1 du RG AMF, il en va ainsi « dès lors que les titres de capital susceptibles d'être créés par conversion, souscription, échange, remboursement, ou de toute autre manière, des titres donnant ou pouvant donner accès au capital non présentés, une fois additionnés avec les titres de capital existants non présentés, ne représentent pas plus de 5 % de la somme des titres de capital existants et susceptibles d'être créés ».

 

[239] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3152833, p. 64

[240] Depuis, l’Allemagne a relevé de 1 à 2,5 millions € son seuil d’exemption de prospectus pour les offres de financement participatif.

[241] En application d’un décret publié le 7 septembre 2017.

[242] Il est rappelé que les Pays-Bas ne disposent pas d’un MTF équivalent à Euronext Growth.

[243] Relèvement du seuil d’OPA de 30 % à 50 % pour les sociétés dont les actions sont cotées sur Alternext et le Marché Libre (dénominations telles que mentionnées dans le document de consultation), introduction d’un régime spécifique pour les OPA sur titres de créance, suppression de l’approbation par la FSMA des « autres documents et avis se rapportant à une offre publique ».

[244] Article L. 411-2 du code monétaire et financier

[245] Article L. 225-1.

[246] Articles L. 225-18-1, L. 225-23, L. 225-27, L. 225-37, L. 225-37-2, L. 225-42-1 et L. 225-22-1.

[247] Articles L. 225-96, L. 225-97, L. 225-99, L. 225-100, L. 225-100-3, L. 225-106, L. 225-120, L. 225-123 et L. 225-126.

[248] Articles L. 225-129-4, L. 225-135 et L. 225-147.

[249] Articles L. 225-228 et L. 225-231.

[250] Article L. 225-247.

[251] Articles L. 228-6-1, L. 228-11, L. 228-23, L. 228-31 et L. 228-35-9.

[252] Articles L. 232-14 et L. 232-19.

[253] Article L. 232-23.

[254] Articles L. 233-8 et L. 233-13, ce dernier devant être scindé.

[255] Articles L233-33 à L233-40.

[256] Article L. 236-11.

[257] La technique de la résiliation-compensation a été conçue pour réduire le risque systémique dans les contrats de dérivé de gré à gré. Elle permet à des parties qui ont conclu plusieurs contrats de dérivés de ramener, via une convention-cadre, le risque de contrepartie entre elles d’un montant brut d’engagements réciproques à un solde net. En cas de défaillance (avant l’entrée en faillite) d’une des contreparties, l’ensemble des contrats entre elles est résilié : le préjudice que représente pour chaque partie la résiliation de chaque contrat est évalué aux conditions de marchés, puis les indemnités de résiliation sont compensées dans un solde unique. Cette technique peut être appliquée à une même catégorie de contrats, ou à plusieurs catégories (par exemple à la fois des dérivés de taux et des dérivés de change).

[258] Directive 2014/65 UE du 15 mai 2014 sur les marchés d’instruments financiers (MiFID 2). Règlement 600/2014 du 15 mai 2014 sur les marchés d’instruments financiers (MiFIR)

[259] Décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017

[260] Arrêt de la Cour de Justice (grande chambre) du 21 décembre 2016 C-203/15 - Tele2 Sverige

[261] Conseil constitutionnel, décision n° 2017-646/647 QPC du 21 juillet 2017.

[262] Banque des règlements internationaux, « Rapport du comité sur les systèmes de compensation interbancaires des banques centrales des pays du groupe des dix », 1990

[263] Considérant (5) du Règlement délégué (UE) n° 149/2013 de la Commission complétant le règlement EMIR.

[264] Article 8 du “Financial Markets and Insolvency (Settlement Finality) Regulations 1999”

[265] Article 34-2 de la loi du 12 janvier 2001

[266] Article 2 (b) de la loi du 28 avril 1999

[267] German Insolvency Statute, Part 11 “International Insolvency Laws”, Section 340 Organized Markets, Pension Transactions

[268] Danish Securities Trading Act, section 57 e (3)

[269] Loi du 28 avril 1999 transposant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, article 2, § 4.

[270] Spanish insolvency Act, article 204

[271] Le participant doit être domicilié dans un pays de l’Union européenne ou en Suisse et être autorisé à fournir des opérations de crédit à des clients effectuant des transactions, recevant du collatéral sous forme de cash ou de titres et supervisée par les autorités compétentes désignées par les normes réglementaires de l’Union européenne ou par la FINMA dans le cas suisse. Dans le cas où l’institution n’est ni domiciliée dans l’ l’Union européenne ni en Suisse, elle doit respecter des normes réglementaires équivalentes à celle de l’ l’Union européenne (cette équivalence est soumise à la décision d’Eurex) et son autorité compétente de supervision doit être signataire de l’Appendix A du Multilateral Memorandum of Understanding de l’IOSCO ou avoir signé un Memorandum of Understanding bilatéral avec l’autorité de supervision d’Eurex, la BaFin.

Pour les fonds, les compagnies d’assurances,…, le membre doit être conforme à l’article 4 paragraphe 1 du règlement européen n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement. Pour les fonds de pension de retraite, le membre doit être conforme à la directive 2003/41/EC.

Enfin, les firmes de trading domiciliées aux Etats-Unis et dont Eurex estime le niveau de supervision suffisant peuvent aussi être participants. Selon les cas de figures, les exigences en fonds propres de la directive 2013/36/EU et du règlement 575/2013 sont applicables. Enfin, le participant doit posséder une liste de comptes titres et de comptes cash définie par Eurex et un certain nombre de requêtes opérationnelles, permettant la connexion technique à la chambre de compensation allemande sont imposées.

[272] Ces coûts sont liés d’une part aux exigences prudentielles liées au règlement européen n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement, et d’autre part à l’assujettissement à deux dispositifs de supervision distinct, l’un relevant de la compétence du mécanisme de supervision unique des activités bancaires, l’autre des autorités nationales en charge de la supervision des chambres de compensation, et les frais de contrôle qu’ils peuvent présenter.

[273] Il y a aujourd’hui 4 participants français au système Continuous Linked Settlement, qui représentent à eux seuls 7,5 % des volumes de transactions du système, et 7,9 % de la valeur des opérations réglées. La première banque française se situe au 7ème rang des participants du système en termes de volumes réglés, et au 11èùme rang en termes de valeur. A titre de comparaison, l’ensemble des participants européens représentent 20,9 % de la valeur des opérations réglées (et 18,5 % des volumes).

[274] Le système permet un taux de compensation particulièrement élevé, entre 96% à 99% ; cela signifie que pour régler ses transactions dont le montant notionnel brut s’élève à 100, une banque n’a besoin de fournir qu’entre 1 et 4 de liquidité.

[275] L’estimation de ces coûts est très difficile à réaliser dans la mesure où la facturation du service de compensation par l’adhérent compensateur dépend de chaque client (nature du portefeuille, frais de compte, nature du collatéral, autres services demandés par le client…). Une note de recherche de l’ISDA (“Key Trends of Clearing for Small Derivatives Users”, Octobre 2016) évoque des honoraires minimum compris entre 100 k€ et 280 k€ par an pour les petites financières (dont le notionnel brut de dérivés est inférieur à 8 Md€).

[276] Universal Node to ICO’s Research & Network 

[277] https://www.gov.uk/government/publications/income-tax-crowdfunding-and-individual-savings-accounts/income-tax-crowdfunding-and-individual-savings-accounts.

[278] 116 réponses pour 74 plateformes interrogées. http://financeparticipative.org/wp-content/uploads/2018/01/Barometre-CrowdFunding-2017_KPMG-FPF_page-%C3%A0-page.pdf

 

[279] Toutes les SAS sont concernées, y compris les SAS à associé unique et, sous réserve du respect des règles de répartition du capital et des droits de vote et des règles en matière de gouvernance propres à ces sociétés, les sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées (SELAS).

[280] Ont notamment été introduites les dispositions suivantes : la dispense de droit préférentiel de souscription attaché aux actions de préférence sans droit de vote avec un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation, sauf clause contraire des statuts (article 57-V de la loi du 4 août 2008), la possibilité de faire figurer l’évaluation des avantages particuliers dans le rapport spécial des commissaires aux comptes lorsque l’émission des actions de préférence porte sur des actions d’une catégorie déjà créée (article 57-VI de la loi du 4 août 2008) et des précisions sur les conditions de création d’actions de préférence dans une société ayant émis des valeurs mobilières donnant accès au capital (article 57-VII de la loi du 4 août 2008).

[281] Disposition introduite par la loi « Florange » du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle.

[282] Directive 77/91/CEE du 13 décembre 1976.

[283] Lettre du DACS du 7 mai 2012 : bull. CNCC juin 2012, p. 304.

[284] Compte 1018 « capital soumis à des réglementations particulières » dans le plan comptable général. 

[285] Source : M.-A. Coudert, Acquérir une société par effet de levier : le LBO, Jurisclasseur Sociétés formulaire – Fasc. Q-40.

[286] La loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a défini en son article 1er les principes transversaux applicables à l’ensemble des entreprises de l’ESS.

[287] Condition énoncée au I. 1° de l’article 1er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

[288] Condition énoncée au I. 2° de l’article 1er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

[289] Condition énoncée au I. 3° b) de l’article 1er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

[290] Condition énoncée au II. 2° c) de l’article 1er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

[291] Condition énoncée au II. 2° c) de l’article 1er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

[292] Observatoire national de l’ESS – CNCRESS, Atlas de l’économie sociale et solidaire, Edition 2017.

[293] Article 199 terdecies-0 AA du code général des impôts.

[294] Source : Finansol, « Zoom sur la finance solidaire 2017 ».

[295] Source DG Trésor.

[296] Source : Observatoire national de l’ESS – CNCRESS, Atlas de l’économie sociale et solidaire, Edition 2017.

[[1]] Source : DG Trésor

[297] Décret n° 2016-1983 du 30 décembre 2016 relatif au contrôle externe de la Caisse des dépôts et consignations

[298] Communication de la Commission européenne au Parlement et au Conseil du 22 juillet 2015 « Travailler ensemble pour l’emploi et la croissance : la contribution des banques nationales de développement (BND) au plan d’investissement pour l’Europe ».

[299] Rapport d'information de M. Roger CHINAUD, fait au nom de la commission des finances n° 394 (1991-1992) - 9 juin 1992

[300] LOI n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, voir en particulier son article 141.

[301] Les données indiquées sont extraites de l’étude de l’Observatoire de la propriété intellectuelle « Les PME, ETI et grandes entreprises déposantes de brevets en 2015 » - Emmanuelle Fortune, Mickaël Chion - Novembre 2016.

[302] Rapport d’activité 2013 de l’Institut national de la propriété industrielle.

[303] Etude menée par l’office chinois de propriété industrielle (SIPO) en partenariat avec les offices de propriété industrielle autrichien, tchèque, finlandais, français, allemand et italien.

[304] Beylat Jean-Luc, Tambourin Pierre, Ducarre Marrion, « La création d'entreprise par les chercheurs et l'intéressement des inventeurs - Proposition de modernisation de la loi Allègre et de simplification de l’intéressement », février 2017. 

[305] classement Thomson Reuters

[306] Cour des comptes (2014), référé n° 70807, Institut national de la propriété industrielle (INPI).

[307] En cours de publication.

[308] Aperçu des réglementations (ou projets) dans les principaux pays – source : Driveless vehicle survey, mars 2018).

[309] https://www.economie.gouv.fr/nouvelle-france-industrielle/mobilite-ecologique

[310] En particulier, si ses statuts initiaux ont été adoptés par décret, ils sont depuis modifiables en application du droit commun des sociétés.

[311] Code des transports, art. L6323-1 à L.6323-6

[312] Les droits exclusifs sont plus précisément définis par la directive n° 2006/111/CE du 16 novembre 2006 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu'à la transparence financière dans certaines entreprises comme étant « des droits accordés par un État membre à une entreprise au moyen de tout instrument juridique, règlementaire et administratif, qui lui réserve le droit de fournir un service ou d'exercer une activité sur un territoire donné » (transposition en droit interne au III de l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004).

[313] L. du 20 avril 2005, art. 4.

[314] Ibid., art. 2 dernier alinéa.

[315] Ibid., art. 3 I et II.

[316] Code des transports, art. L. 6323-6.

[317] Alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 : « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

[318] Article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

[319] Pour ne pas payer deux fois la VNC des actifs (déjà intégrée dans l’actualisation des flux futurs post-70 ans) une estimation de la VNC actualisée des actifs transférés à l’Etat dans 70 ans est déduite du premier versement effectué au moment de la mise en place du nouveau régime d’ADP, c’est-à-dire au moment de la privatisation.

[320] Fixée en dernier lieu par l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique

[321] CJCE, 24 mars 1994, Her Majesty's Customs and Excise (Royaume-Uni) contre Gerhart Schindler et Jörg Schindler, C-275/92, conclusions Claus Gulman.

[322] Constitué de 2 435 285 011 actions

[323] Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement

[324] « Art. L. 443-8-1.-Les fournisseurs de gaz naturel sont tenus d'assurer la continuité de fourniture de leurs clients dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. En cas de manquement, l'autorité administrative peut prononcer, sans mise en demeure préalable, une sanction pécuniaire conformément à l'article L. 142-32. Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité du manquement. »

[325] A fin 2017, le ratio dette nette / EBITDA est de plus de 2,2x et le ratio dette économique / EBITDA est proche de 4,0x.

[326] Conformément à la possibilité qui lui est octroyée par les articles 4 et 6 de l’Ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.

[327] Article L. 233-3 du code de commerce :

I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :

1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;

3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;

4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

II.- Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40% et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

III.- Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.

[328] Commission européenne (2017), Document de réflexion sur la maîtrise de la mondialisation, p. 15.

[329] Conclusions du Conseil européen des 22 et 23 juin 2017 (EUCO 8/17), paragraphe 17.

[330] Résolution du Parlement européen du 5 juillet 2017 sur l’élaboration d’une stratégie industrielle ambitieuse de l’Union européenne en tant que priorité stratégique pour la croissance, l’emploi et l’innovation en Europe (2017/2732(RSP)), paragraphe 20.

[331] Courrier des Ministres français, allemand et italien de l’économie à la Commission européenne (2017).

[332] Discours sur l’état de l’Union, 13 septembre 2017, http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-17-3165_fr.htm.

[333] Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne (COM(2017) 487 final).

[334] Allemagne, France, Italie, Portugal, Espagne, Danemark, Finlande, Lettonie, Lituanie, Autriche, Royaume-Uni, Pologne.

[335] Le 12 juillet 2017 les autorités allemandes ont décidé d’élargir le champ du contrôle des investissements étrangers dans le domaine de la défense, autrefois limité aux matériels de guerre stricto sensu, aux « technologies clés en matière de défense», notamment les dispositifs de commande de tir, les simulateurs, les dispositifs de reconnaissance militaire et les systèmes de contrôle à distance.

[336] Sous peine, pour l’acquéreur, de se voir privé de ses droits de vote, assortie d’une obligation de cession dans le cas où l’activité de l’entreprise relève des intérêts essentiels de la défense ou de la sécurité nationales.

[337] NB : certaines entreprises aujourd'hui disparues étaient protégées par une action spécifique, comme l’Aérospatiale (contrôle du franchissement de seuils, présence d’un représentant de l’action spécifique au conseil, contrôle des cessions d’actifs stratégiques), ou encore Elf-Aquitaine (mêmes droits). Par ailleurs, l’action spécifique au capital d’Elf-Aquitaine était disproportionnée et a fait l’objet d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne.

[338] Les actifs visés sont des sociétés, et non des activités des entreprises concernées, rendant l’interprétation de ce texte difficile en cas d’une cession d’une partie des actifs des sociétés visées par l’annexe du décret.

[339] Les actifs visés sont définis par leur fonction, ce qui permet de couvrir toute possibilité de contournement par l’entreprise.

[340] Idem.

[341] CJUE, 4 juin 2002, Commission c/ Belgique.

[342] Autorisation préalable du ministre de tutelle pour toute cession des actifs stratégiques, droit d’opposition si la cession porte atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l’énergie, nomination de deux représentants du gouvernement fédéral au conseil d’administration pouvant proposer au ministre l’annulation de toute décision estimée contraire aux lignes directrices de la politique énergétique.

[343] Communiqué du 20 mars 2018 de l’Association française de la gestion financière

[344] Source : Dares résultats n°055 – août 2017

[345] Rapport IGF-IGAS, décembre 2013, « les dispositifs d’épargne salariale ».

[346] Source : Dares résultats n°55, août 2017, pages 4 et 5.

[347] Rapport n°2013-128R. de l’IGF et de l’IGAS « Mission d’évaluation – diagnostic sur les dispositifs d’épargne salariale », décembre 2013, p.22. L’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) relèvent notamment que « l’inégalité de diffusion des dispositifs d’épargne salariale en fonction de la taille de l’entreprise perdure alors que plusieurs dispositifs incitatifs ont été mis en place depuis 2008 ».

[348] Cf. points n°128 et 133 de la communication 2016/C 262/01 de la Commission sur la notion d’aide d’Etat visée à l’article 107 § 1 du TFUE, JOUE C 262 , 19 juillet 2016.

[349] Définissant le champ d’application du système, ses conditions d’application, les droits et obligations des entreprises qui y sont soumises et les aspects techniques du fonctionnement du système.

[350] CJCE, C-72/91 et C-73/91, Sloman Neptun Schiffahrts AG, et point 53 des conclusions de l’avocat général

[351] CJCE, 2 juillet 1974, Italie c/Commisison, aff. 173/73 et TPICE 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke c/Commission, aff. T-471/93.

[352] Une hypothèse est ici faite que le résultat net d’une entreprise (et donc sa capacité économique réelle à verser de l’épargne salariale) équivaut au résultat net comptable de celle-ci.

[353] D’après les liasses fiscales de 2016 sur les entreprises soumises à l’IS, environ 65% des salariés des entreprises de 50 à 99 salariés et 69% des salariés des entreprises de 100 à 249 salariés appartiennent à des entreprises qui déclarent un résultat net comptable positif.

[354] Cohérent avec l’hypothèse de montée en charge du taux de couverture sur deux ans.

[355] Selon le rapport de l’IGAS et l’IGF « Les dispositifs d’épargne salariale » publié en décembre 2013, qui s’appuie sur une revue de littérature réalisée par l’OCDE sur le sujet, la littérature académique ne permettrait pas de conclure à un lien marqué entre, d’un côté, le développement de ces dispositifs, et de l’autre, la productivité, la motivation et la satisfaction des salariés.

[356] Le rapport de l’intéressement au salaire de base passerait par exemple de 2,5 % à 3 %.

[357]: « Les effets d’incitation à l’intéressement », Economie et Statistique n° 257, septembre, pp. 45-56. Fakhfakh, F. and Perotin, V. (2000), ‘The effects of profit-sharing schemes on enterprise performance in France’, Economic Analysis 3(2), 93–111.

[358] Selon le rapport de l’IGAS et l’IGF « Les dispositifs d’épargne salariale » publié en décembre 2013, Annexe II

[359] Intéressement, actionnariat et conflits dans l'entreprise : études sur données d'entreprises françaises par Aguibou Bougobaly Tall, Université Paris 2, 2016

[360] cf. Dares résultats n°55, août 2017, tableau 3, p.5

[361] Le PASS annuel s’élève pour l’année 2018 à 39 732 EUR.

[362] Données de l’association française de la gestion financière (AFG)

[363] Source Fédération européenne de l’actionnariat salarié, 2018 https://www.eres-group.com/etudes-et-enquetes/20-pays-europeens-encouragent-lactionnariat-salarie-politiques-fiscales-positives/

[364] https://www.eres-group.com/etudes-et-enquetes/france-championne-deurope-de-lactionnariat-salarie/

[365] Art. 11 de la loi 86-912 du 6 août 1986. 

[366] L’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 a été ratifiée par l’article 182 I de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

[367] FEAS, Eres – Etude Actionnariat salarié 2017 – Echantillon : 2 335 sociétés européennes cotées (dont 266 en France)

[368] Par exemple Zhu, Wang et al., Employee Stock Ownership Plans and Their Effect on Productivity : The Case of Huawei, 2013 ; Park et Song, Employee Stock Ownership Plans, Firm Performance, and Monitoring by Outside Blockholders, 1995 ; Aubert, N., Chassagnon, V. & Hollandts, X. (2016). Actionnariat salarié, gouvernance et performance de la firme : une étude de cas économétrique portant sur un groupe français coté. Revue d'économie industrielle, 154,(2), 151-176.‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬

[369] Article 1er de la loi du 1er juillet 1901.

[370] Loi du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production.

[371] Loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel et créant ces sociétés coopératives d’intérêt collectif.

[372] Article . 1848 du code civil.

[373] Article L. 221-4 du code de commerce.

[374] Articles L. 241-3, 4° et 5° et. L. 242-6, 3° et 4° du code de commerce.

[375] Pour reprendre l'expression de MM. M. Cozian et A. Viandier, Droit des sociétés, Litec, 8e éd., n° 465

[376] CA Paris, 22 févr. 1980.

[377] CA Paris, 10 avr. 1989.

[378] Cass. com., 17 oct. 1989.

[379] Cass. com., 18 avr. 1961; Cass. com., 9 mars 1993.

[380] Cass. civ. 1ère, 19 mai 1987.

[381] Cass. com., 10 fév. 1998.

[382] J. Paillusseau, La société anonyme, technique d'organisation de l'entreprise, 1967 ; C. Champaud, Le pouvoir de concentration de la société par actions, Sirey, 1962

[383]  D. Schmidt, De l'intérêt social : RD bancaire et bourse 1995. 136

[384] « la première raison d'être de toute société est l'enrichissement de ses actionnaires » Rapport du sénateur Marini « La modernisation du droit des sociétés » (1996)

[385] « la société (…) n'est pas constituée en vue de satisfaire un autre intérêt que celui des associés » D. Schmidt, De l'intérêt social : RD bancaire et bourse 1995. 136

[386] Article art. 1835 du code civil.

[387] Didier Poracchia, Didier Martin : Regard sur l'intérêt social, Revue des sociétés 2012 p.475

[388] Cass. com. 3 juin 2003.

[389] Cass. com. 22 avr. 1976.

[390] Cass. com. 21 sept. 2004.

[391]  Rapport « Le Conseil d’Administration des Sociétés cotées » (rapport Viennot I, 1995)

[392] Les principales lois RSE sont les suivantes :

- Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques 2001, loi « NRE » : les sociétés cotées doivent informer sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités ;

- Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 « Grenelle 2 » : étend le champ des sociétés concernées ainsi que la liste d’indicateurs à renseigner, ajoute un pilier sociétal, et prévoit le contrôle des informations par un organisme indépendant

- Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 2015, loi « Macron » : complète la transparence en matière de rémunérations des dirigeants (notamment retraites) ;

- Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : nouvelles exigences en matière de reporting climatique, d’économie circulaire de discrimination pour les entreprises (article 173 IV) ainsi que pour les investisseurs institutionnels (article 173 VI) (une information sur les critères ESG et transposition écologique dans leur politique d’investissement)

- Directive RSE sur l’information extra-financière du 22 octobre 2014 et ordonnance de transposition du 9 juillet 2017.

[393] Dans le seul domaine de l’environnement stricto sensu, les deux derniers gouvernements ont adopté les lois suivantes : Loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, Loi du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, Loi du 15 juin 2016 autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, Loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, Loi du 2 juin 2014 relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié, Loi du 6 février 2014 visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, Loi du 24 décembre 2012 visant à l’interdiction totale du bisphénol A pour les conditionnements à vocation alimentaire, Loi du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d’ordre cynégétique, Loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique, Loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, Loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, Loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement, Loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés.

[394] Nombre de sociétés actives sans procédure collective, selon la base de données Diane+ au 15/05/2018

[395] Dans ces sociétés, les associés garantissent la totalité du passif social.

[396] Peuvent être citée les sociétés civiles à objet immobilier (sociétés civiles immobilières de location, sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), sociétés civiles d’attribution, sociétés civiles de construction vente, sociétés de pluri-propriété), les sociétés civiles de portefeuille, les sociétés à objet professionnel (les sociétés civiles professionnelles, les sociétés civiles de moyens, les sociétés pluri-professionnelles, les sociétés civiles et groupements agricoles (dont les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), les groupements fonciers agricoles (GFA), les groupements forestiers, les groupements pastoraux, les sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), les groupements fonciers ruraux (GFR), les sociétés d’épargne forestière (SEF)).

[397] Art. 11, II-al. 2 à 4 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi

[398] Art. 11, II-al. 5 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi

[399] Par contraste, avant l’adoption de la loi de 2015, n’étaient concernés, sur la base des effectifs français que 93 groupes employant plus de 5 000 personnes en France et dont la tête de groupe emploie plus de 50 salariés en France.

[400] Article 80 de la Betriebsverfassungsgesetz (Loi sur l’organisation sociale des entreprises).

[401] Lois sur la participation par tiers de 2004 (Drittelbeteiligungsgesetz), la loi sur la cogestion de 1976 (Mitbestimmungsgesetz) et lois sur la cogestion de 1951 et 1956 spécifiques à l’industrie du charbon et de l’acier (respectivement Montan-Mitbestimmungsgesetz et Montan-Mitbestimmungsergänzungsgesetz).

[402] Instaurés en 1950, leur champ d'action et leurs pouvoirs ont progressivement été élargis, l'essentiel du cadre juridique les régissant étant fixé par la loi sur les comités d'entreprise de 1979.

 

[403] Une proposition portant sur la reconnaissance d’un tel droit a été introduite dans le programme législatif de Theresa May en vue des prochaines élections législatives de juin 2017.

[404] Il résulte de l’article 3 de l’ordonnance n°2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique que : 

« I. L’obligation prévue au I de l'article 1er s'applique aux contrats en cours d'exécution ou conclus postérieurement :

1° Au 1er janvier 2017 : pour les grandes entreprises et les personnes publiques ;

2° Au 1er janvier 2018 : pour les entreprises de taille intermédiaire ;

3° Au 1er janvier 2019 : pour les petites et moyennes entreprises ;

4° Au 1er janvier 2020 : pour les microentreprises.

Ces catégories d'entreprises sont celles prévues pour l'application de l'article 51 de la loi du 4 août 2008 susvisée.

II. L’obligation prévue au II de l'article 1er entre en vigueur le 1er janvier 2017.

III.-L' article 25 de la loi du 4 août 2008 susvisée est abrogé à compter du 1er janvier 2017. ».

[405] Voir à ce sujet : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/factures-dematerialisees-marches-publics

[406] Le dispositif de facturation électronique entre en vigueur progressivement, jusqu’en 2020, en fonction de la taille des entreprises titulaires de contrats de la commande publique (au 1er janvier 2017 : pour les grandes entreprises et les personnes publiques, au 1er janvier 2018 : pour les entreprises de taille intermédiaire, au 1er janvier 2019 : pour les petites et moyennes entreprises et au 1er janvier 2020 : pour les microentreprises).

[407] Voir à ce sujet : Fiche d’impact du 18 juin 2014 de l’ordonnance relative au développement de la facturation électronique, page 7 (NOR : FCPX1413059R)

[408] Directive 2014/55/UE, considérant n°2

[409] Voir à sujet : Décision d'exécution (UE) 2017/1870 de la commission du 16 octobre 2017concernant la publication de la référence de la norme européenne sur la facturation électronique et de la liste des syntaxes en vertu de la directive 2014/55/ue du parlement européen et du conseil

[410] Article 11, 1) de la directive n°2014/55/UE du 16 avril 2014 relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics

[411] Directive 2014/55/UE, article 6

[412] Ibid, article 11, 2) alinéa 1.

[413] Voir à ce sujet : Décision d'exécution (UE) 2017/1870 de la commission du 16 octobre 2017concernant la publication de la référence de la norme européenne sur la facturation électronique et de la liste des syntaxes en vertu de la directive 2014/55/ue du parlement européen et du conseil

[414] En droit nord-américain, le débiteur de bonne foi qui rencontre des difficultés peut bénéficier de la procédure de restructuration prévue au chapitre 11 du code de la banqueroute des Etats-Unis sans conditions d’insolvabilité ou de probabilité d’insolvabilité.

[415] Les éléments de droit comparé sont issus de l’étude de droit comparé « Study on a new approcah to business failure and insolvency » réalisée par l’université de Leeds à la demande de la Commission européenne, et de l’étude d’impact de la proposition de directive « insolvabilité » réalisée par la Commission européenne. Ces documents sont disponibles sur le site de la Commission : https://ec.europa.eu/info/strategy/justice-and-fundamental-rights/civil-justice/civil-and-commercial-law/insolvency-proceedings_en

[416] V. par exemple, ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, ordonnance n°2017-1519 du 2 novembre 2017 portant adaptation du droit français au règlement (UE) n°2015-848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité).

[417] cf tableau ci-dessous.

[418] Pour autant, les travaux de transposition devraient conduire à réserver aux affiliés des régimes couverts par la directive des droits identiques, en termes de portabilité, qu’ils effectuent ou non une mobilité professionnelle en France ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

[419] Source : rapport de l’Inspection générale des finances de décembre 2014

[420] Source : DREES

[421] RSE : Ensemble des pratiques mises en place par les entreprises dans le but de respecter les principes du développement durable (social, environnemental et économique)

[422] « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », 9 mars 2018.

[423] « Les sociétés de gestion de portefeuille exercent les droits attachés aux titres détenus par les OPCVM et les FIA relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du présent code qu'elles gèrent dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts de ces OPCVM et FIA relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section-4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du présent code […]. » (Article L533-22 du COMOFI)

[424] Étant compris « a) les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil (*); b) les organismes de placement collectif au sens de l’article 4, paragraphe 1, point a), de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil (**); c) les sociétés coopératives. (Art. 1er 6. c) 3 bis).

[425] «société de gestion», une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM prenant la forme de fonds communs de placement ou de sociétés d’investissement (gestion collective de portefeuille d’OPCVM);

[426] Loi n° 87-416 du 17 juin 1987 sur l'épargne

[427] Les valeurs mobilières donnant accès au capital (BSA, ABSA, OBSA, obligations convertibles, ORA, etc.) sont donc incluses, à la différence des simples titres de créance (obligations ordinaires par exemple) et des titres de capital non votant (actions sans droit de vote).

[428] AMF, Recommandation relative à la participation des actionnaires aux assemblées générales, 21 avril 2006, modifiée le 24 avril 2007

[429] Le contenu de cette procuration est fixé par les articles R. 225-79, alinéa 1er et R. 225-85 du code de commerce.

[430] Contrairement au formulaire de vote à distance (R. 225-77), aucune disposition ne règlemente la date limite de réception des procurations données sous format papier. Pour les procurations électroniques la date limite de réception est fixée à 15h00 la veille de l’assemblée générale (J-1 à 15h00) (R. 225-80)

[431] Impact assessment on Proposal for a Directive on encouraging shareholder engagement amending Directive 2007/36/EC on the exercise of certain rights of shareholders in listed companies and proposal for a Recommendation on enhancing the corporate governance framework

[432] Le système de garantie des dépôts en France est géré par le fonds de garantie des dépôts et de résolution en application des articles L. 312-4 à L. 312-18 du code monétaire et financier.

[433] Tirant les enseignements de la crise financière, les chefs d’État et de gouvernement du G20 ont pris la décision de mieux protéger les déposants et de prévenir le recours aux finances publiques en assurant la mise à contribution prioritairement des actionnaires et des créanciers en cas de défaillance ou de risque de défaillance d’une banque.

[434] Cf. Annexe 1

[435] La directive prévoit que la différence de traitement est appréciée par rapport à la situation qui aurait été celle des créanciers dans l’hypothèse où l’établissement de crédit aurait été liquidé. Elle conduit ainsi à bâtir un scenario théorique de liquidation de l’établissement de crédit à la date de l’entrée en résolution, la résolution constituant précisément une alternative à la liquidation. Le scenario contrefactuel de la liquidation sert ainsi à déterminer l’amplitude maximale des mesures de résolution au-delà de laquelle la responsabilité de l’autorité de résolution est engagée au plan indemnitaire.

[436] Cf. Annexe 1

[437] Sont potentiellement concernées par la mesure proposée les seules personnes agrées en France et qui sont de ce fait soumises aux règles prévues par le code de commerce en matière de procédures collectives.

[438] Ce cadre est composé de la directive 2014/65 UE du 15 mai 2014 sur les marchés d’instruments financiers (MiFID 2 qui abroge la MiFID 1) et du règlement 600/2014 du 15 mai 2014 sur les marchés d’instruments financiers couvrant les aspects de transparence des marchés vis-à-vis du public et modifiant le règlement 648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés négociés de gré à gré (dit règlement « EMIR »). Ce nouveau cadre prévoit notamment une amélioration du fléchage des produits financiers vers une clientèle bénéficiant d’un niveau d’information renforcé.

[439] « Deux tiers des entreprises propriétaires de marques subissent des contrefaçons », n° 235, juillet 2007, Les pages des statistiques industrielles. Cette note s’appuie sur l’enquête portant sur l’immatériel qui demeure la référence sur le sujet : http://www.insee.fr/sessi/4pages/235/principal.htm

[440] cf. résultats pour l’année 2015 de la DGDDI.

[441] Rapport sur l’impact économique de la contrefaçon dans les secteurs de la bijouterie, de l’horlogerie, de la maroquinerie et des articles de voyage, février 2016, Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

[442] Arrêt de la CJUE du 1er décembre 2011, C-446-09 et C-495/09)

[443] créé par la loi n° 68-917 du 24 octobre 1968 relative au port autonome de Paris

[444] créé par la loi du 26 avril 1924 ayant pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome

[445] Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, 2018

[446] Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, 2018

[447] Légifrance, Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000821047&dateTexte=&categorieLien=id.

[448] Légifrance, Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019283050&categorieLien=id.

[449] Légifrance, Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033558528&categorieLien=id.

[450] Code civil, article 2488-6 alinéa 1.

[451] Code civil, article 2488-6 alinéas 2 et 3.

[452] Code civil, article 2488-10 alinéa 1.

[453] Code civil, article 2488-10 alinéa 2.

[454] Code civil, article 2488-11.

[455] Le règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017 révisant la directive Prospectus a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 30 juin 2017. Destiné à faciliter l’accès des entreprises aux marchés sans compromettre l’information utile aux investisseurs, ce texte important du projet d’Union des marchés de capitaux entrera en application le 21 juillet 2019.


6 Point 55 des conclusions