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ÉTUDE d’impact

 

 

 

Projet de loi

pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris

et instituant une souscription nationale à cet effet

 

 

 

NOR : MICX1911677L/Bleue-1

 

 

 

 

 

 

23 avril 2019



Table des matières

 

Tableau synoptique des mesures d’application

Tableau synoptique des consultations

Introduction générale

Articles 1er à 3 et 6 -  Ouverture d’une souscription nationale et objet des dons effectués

Article 4 - Possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de participer au financement de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris par des versements à  l’Etat ou à l’établissement public créé à cet effet

Article 5 - Majoration exceptionnelle du taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués par les particuliers pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris à la suite de l’incendie du 15 avril 2019

Article 7 Modalités de contrôle des fonds recueillis

Article 8 - Habilitation permettant la création d’un établissement public national chargé de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Article 9 - Habilitation à prendre, par ordonnance, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi, afin de faciliter la réalisation des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, y compris des aménagements, ouvrages et installations nécessaires à ceux-ci

 


Tableau synoptique des mesures d’application

Article

Objet de l’article

Texte d’application

Administration compétente

6

Clôture de la souscription nationale

Décret

Ministère de la culture

 

 

 

Tableau synoptique des consultations

Article

Objet de l’article

Consultation

4

Versements par les collectivités territoriales au titre de la souscription nationale

Conseil national d’évaluation des normes

 


Introduction générale

L’incendie, le 15 avril 2019, de la cathédrale Notre-Dame de Paris qui n’avait jamais connu d’incendie majeur au cours de ses huit siècles d’existence, a porté une atteinte terrible à l’un des symboles de notre pays. Les Français et celles et ceux qui, dans le monde, aiment la France, en ont été bouleversés. Afin de marquer l’attachement de la Nation à la cathédrale Notre-Dame de Paris endommagée, le Président de la République a annoncé le lancement d’une souscription nationale permettant à chacun, selon ses moyens, de participer au financement des travaux de restauration de l’édifice. Le mouvement de générosité sans précédent qui s’est aussitôt produit en faveur de la restauration de la cathédrale manifeste la violence du choc, mais aussi la volonté forte de chacun de voir renaître cette cathédrale meurtrie.

Au-delà de sa vocation spirituelle, la cathédrale est aussi l’un des fleurons du patrimoine national et mondial. Débutée par l’évêque Maurice de Sully en 1163, la construction s’achève en 1345 et constitue l’un des chefs d’œuvre de l’art gothique. L’édifice fait dans la suite de son histoire l’objet de nombreuses interventions et restaurations, dont la plus marquante est celle de Viollet-le-Duc qui a notamment construit la seconde flèche anéantie par l'incendie.

La cathédrale a été le lieu d’événements majeurs de notre histoire, notamment le sacre de Napoléon Ier en 1804 et le Te Deum de la Libération de Paris en 1944.

Chaque année, la cathédrale accueille plus de 13 millions de visiteurs, ce qui en fait le monument le plus visité de France et d’Europe.

Dès la nuit de l’incendie du 15 avril, les services du ministère de la culture se sont mobilisés pour sauver le trésor de la cathédrale, aux côtés des pompiers, des policiers, de l’archevêché et de la ville de Paris. Ils ont aussi entrepris immédiatement l’évaluation de l’ampleur des atteintes portées à la cathédrale et au patrimoine exceptionnel qu’elle abrite, qu’il s’agisse de peintures (notamment les Mays de Notre-Dame), de sculptures (notamment la Vierge à l’Enfant du XIVème siècle), de mobilier liturgique ou encore de l’orgue Cavaillé-Coll.

Cette évaluation établit clairement que l’incendie ayant frappé Notre-Dame rejoint par son ampleur les grands désastres patrimoniaux qui se sont produits en France depuis plus d’un siècle : destruction partielle de la cathédrale de Reims lors de la Première guerre mondiale, incendies de la cathédrale de Nantes en 1972, du Parlement de Bretagne à Rennes en 1994 et du château de Lunéville en 2003.

Le présent projet de loi introduit un dispositif fiscal spécifique pour accompagner le versement des dons qui seront perçus par le Trésor public, le centre des monuments nationaux ou certaines fondations reconnues d’utilité publique[1]. Il prévoit la création par ordonnance d’un établissement public chargé avec l’Etat de gérer les fonds recueillis, ainsi que les modalités de contrôle qui s’appliqueront à cette gestion. Pour faciliter les travaux de restauration, un régime dérogatoire aux règles d’urbanisme et de protection de l’environnement sera créé, également par ordonnance.


Articles 1er à 3 et 6 -  Ouverture d’une souscription nationale et objet des dons effectués

  1. Etat des lieux

1.1 Etat du droit en matière de souscription nationale

On dénombre peu de textes traitant de la question des souscriptions nationales. En effet, deux lois et quatre décrets sont intervenus dans ce domaine :

 

-          La loi n° 48-1392 du 7 septembre 1948 relative à l’érection d’un monument commémoratif au général Leclerc et instituant une souscription nationale à cet effet ;

-          La loi n° 83-474 du 11 juin 1983 organisant une souscription nationale en faveur de la Polynésie française ;

-          Le décret du 6 novembre 1945 relatif à l’édification d’un monument aux Français et Françaises de la métropole et des territoires d’outre-mer morts pour la France au cours de la guerre 1939-1945 ;

-          Le décret du 13 octobre 1953 relatif à l’édification d’un mémorial de la déportation au Struthof ;

-          Le décret n° 68-77 du 26 janvier 1968 portant ouverture d’une souscription nationale pour l’érection d’un monument à la mémoire du maréchal de France Philippe Leclerc de Hauteclocque ;

-          Le décret n° 80-264 du 10 avril 1980 autorisant une souscription nationale pour l’édification d’un monument à la mémoire du maréchal Jean de Lattre de Tassigny.

 

1.2 Cadre général des établissements chargés de recueillir les dons

Établissement centenaire, héritier de la Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques créée en 1914, le Centre des monuments nationaux est un établissement public rattaché au ministère de la Culture. Le code du patrimoine confie au Centre des monuments nationaux trois grandes missions complémentaires : la conservation des monuments historiques et de leurs collections, la diffusion de leur connaissance et leur présentation au public le plus large, le développement de leur fréquentation et leur utilisation.

La Fondation de France est une fondation d’utilité publique née en 1969, à l’initiative d’André Malraux et du Général de Gaulle. Directement inspirée du modèle américain du mécénat privé, la Fondation de France a été créée afin d’encourager et de gérer toutes les « initiatives de générosité » du public. Elle a été pensée comme un intermédiaire entre intérêt général et fonds privés. Chaque donateur peut choisir sa façon d’agir : faire un don en faveur du programme qu’il souhaite soutenir ou  laisser à la Fondation de France le soin d’orienter son don vers les causes prioritaires. La Fondation de France permet aussi à un particulier, une famille, des amis, une entreprise, de créer une fondation et de réaliser leur projet philanthropique. Ses cinq domaines d’intervention sont les suivants : aider les personnes vulnérables, agir pour un environnement durable, développer la philanthropie, favoriser la recherche et l'éducation, promouvoir la culture et la création. 

Créée en 1996, la Fondation du patrimoine est une fondation d’utilité publique qui œuvre à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine français. Au travers du label, de la souscription publique et du mécénat d’entreprise, elle accompagne les particuliers, les collectivités territoriales et les associations dans des projets de restauration et de valorisation du patrimoine immobilier, mobilier ou d'espaces naturels. Elle aide les propriétaires publics et associatifs à financer des projets et organise le mécénat d’entreprise.

Reconnue d’utilité publique depuis 1992, la Fondation Notre Dame est une association caritative catholique qui, à travers son programme Entraide & Éducation, encourage et développe des projets d’entraide, d’éducation et de culture chrétienne.
Elle soutient également des projets dans les domaines de la restauration du patrimoine (architecture, peinture, sculpture…), des média et de la communication. A travers son réseau de 150 associations à Paris et ses liens avec les acteurs du secteur social en France, elle initie et soutient près de 140 projets par an.

2.         Nécessité de légiférer

A la suite du terrible incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019, un élan de solidarité nationale et internationale a dépassé le cadre de la communauté catholique.

 

Compte tenu de l’ampleur inédite et des montants des  promesses de dons pour permettre de restaurer la cathédrale Notre Dame de Paris,  il est apparu opportun pour le Gouvernement de prévoir  l’ouverture d’une souscription nationale, par la loi, afin de conférer une dimension solennelle à la collecte des fonds qui permettra de rebâtir la cathédrale Notre-Dame de Paris.

3.         Dispositif retenu et analyse des impacts des dispositions envisagées

La souscription nationale envisagée, placée sous la haute autorité du Président de la République, permettra de financer la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier. Celui-ci comprend des immeubles par destination (orgues,  sculptures) et des meubles proprement dits (tableaux, statues...). Il y a plus de 2000 œuvres inventoriées  dont 80 % appartiennent à l'Etat.

En effet, les objets mobiliers présents dans la cathédrale avant 1905 sont propriété de l'Etat affectés au culte. Ceux qui sont postérieurs peuvent être des acquisitions de l'Etat ou, pour l'essentiel propriété de l'association diocésaine de Paris.

Les principaux désordres ou risques repérés à ce jour (déformations de toiles, salissures de stalles, de sculptures) concernent des objets uniquement propriété de l'Etat. Les fonds provenant de la souscription ne viendront donc financer que des biens appartenant à l'Etat.

A ce jour, les promesses de dons atteindraient plus de 800 millions d’euros et sont sans précédent de par leur montant et leur ampleur.

Le produit des dons et versements effectués au titre de la souscription nationale par les personnes physiques ou morales auprès du Trésor public ou du Centre des monuments nationaux, ainsi que des fondations reconnues d’utilité publique « Fondation de France », « Fondation du patrimoine » et « Fondation Notre-Dame » est reversé à l’État ou à l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Ces dons et versements seront consacrés aux travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les travaux  de restauration visés s’entendent au sens des dispositions du L. 621-9 du code du patrimoine, ce qui inclurait donc les travaux éventuels de « modification »[2]. Il est admis, s'agissant de la restauration d'un monument classé au titre des monuments historiques,  que les travaux puissent inclure des modifications – s’écartant ainsi d’une restauration à l’identique -  dès lors que celles-ci ne méconnaissent pas les contraintes architecturales et historiques découlant de la protection. Des exemples de restaurations récentes en témoignent tels que la charpente du Parlement de Bretagne. Les sommes reçues pour la « restauration » de la cathédrale pourront, sans méconnaître l’intention du législateur, financer le cas échéant une nouvelle flèche plus moderne ou une charpente en béton.

Ils serviront également à former des professionnels disposant de compétences particulières requises pour ce chantier sans précédent qui va mobiliser différents corps de métiers très spécialisés pendant plusieurs années comme par exemple des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des charpentiers, des vitraillistes, des couvreurs, des orfèvres, des ébénistes, des verriers.

4.         Modalités d’application

Les dons versés pourront émaner de personnes résidant ou dont le siège social se situe en France mais aussi de résidents de pays étrangers, y compris de l’Union européenne.

 

Enfin, conformément à l’article 6 du projet de loi, un décret prononcera la clôture de la souscription nationale.


Article 4 - Possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de participer au financement de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris par des versements à  lEtat ou à l’établissement public créé à cet effet

1.         Etat des lieux

Il est communément admis que les collectivités territoriales peuvent verser des subventions lorsque, notamment, d’autres collectivités sont touchées par des sinistres importants ou des catastrophes naturelles. 

Toutefois, il convient de conforter cette interprétation, au regard de l’absence de clause de compétence générale des régions et des départements depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République d’une part et de la nécessité de marquer la volonté du législateur de prendre en compte, dans ces manifestations de la solidarité nationale, une conception adaptée de l’intérêt public local d’autre part.

Le droit prévoit déjà, depuis la loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, que les collectivités territoriales et leurs groupements  peuvent, « dans le respect des engagements internationaux de la France, (…) mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire ». Cette disposition, codifiée à l’article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, permet aux collectivités territoriales de subventionner des actions à caractère humanitaire en dehors du territoire national.

La doctrine administrative a reconnu de longue date la possibilité pour les collectivités territoriales de subventionner des secours aux victimes de catastrophes ou la reconstruction d’équipements et de monuments publics détruits.

Dans deux réponses écrites[3] , le ministère de l’intérieur a pu indiquer que « des subventions ne présentant pas un intérêt direct pour la commune peuvent être accordées dans certains cas. Il en est ainsi notamment des subventions à des Associations nationales présentant un intérêt général reconnu, aux victimes d'un cataclysme ».

 

Il précise également que les « subventions ne présentant pas d'intérêt direct pour la collectivité locale peuvent être admises dès lors que l'organisme bénéficiaire ou l'objet de l'intervention répondent à des préoccupations d'intérêt général, telle l'aide publique apportée par les collectivités locales pour lutter contre les maladies et épidémies ou pour venir en aide aux victimes de cataclysme ». Est ainsi considéré comme juridiquement régulière l’aide apportée par une collectivité quand elle s’inscrit dans le cadre d’un mouvement de solidarité et qu’elle a pour objectif la reconstruction des équipements détruits.

 

Aucune jurisprudence contraire n’est venue infirmer cette possibilité.

  1. Nécessité de légiférer et objectif poursuivi
    1.          Nécessité de légiférer

Deux principales raisons semblent rendre néanmoins nécessaire de conforter l’interprétation selon laquelle les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent contribuer au financement de la reconstruction de la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris :

D’une part, seules les communes disposent de la clause de compétence générale depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République. Les départements pourraient éventuellement intervenir sur ce sujet, au vu notamment de  l’article L. 1111-9 (III-3) du code général des collectivités territoriales, leur conférant la qualité de collectivité chef-de file, organisant les modalités de l’action commune des collectivités pour ce qui concerne la solidarité des territoires. Toutefois, il ne semble pas exister une base semblable pour les régions.

D’autre part, il s’agit de confirmer que cette subvention est compatible avec la notion d’intérêt public local, telle que définie aujourd’hui essentiellement par la jurisprudence.

En effet, toutes les collectivités voient leurs compétences soumises au respect d’un intérêt public local. Celui-ci est présumé par le législateur quand il attribue à la collectivité une compétence. En revanche, en l’absence d’une loi, la collectivité territoriale est soumise au contrôle du juge administratif.

La notion d’intérêt public local exige, de manière générale, que :

-          la collectivité ait un intérêt public à agir, par nature ou par carence de l’initiative privée (CE 30 mai 1930 Chambre syndicale de commerce en détails de Nevers),

-          l’intervention de la collectivité ait un intérêt direct pour sa population (CE Ass, 25 octobre 1957, Commune de Bondy),

-          cette initiative respecte un principe d’impartialité, c’est-à-dire, que la collectivité ne peut s’engager pour une cause politique dont l’importance est supérieure à son degré de localité (CE Sect, 28 juillet 1995 Villeneuve d’Ascq).

 

Toutefois, le juge administratif étudie au cas par cas l’existence d’un intérêt public local qu’il peut concevoir avec souplesse. Ainsi, il n’a pas été retrouvé de jurisprudence venant interdire à une collectivité territoriale de subventionner une action de solidarité sur le territoire national, alors que cette pratique est ancienne et connue.

2.2.                      Objectif poursuivi

L’objectif de la disposition envisagée est de conforter la possibilité pour  l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements de participer au financement de la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, au titre de la solidarité nationale, en levant toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétence à la condition d’intérêt public local.

  1. Options possibles et dispositif retenu

3.1 Options possibles

La première option consistait à préciser la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de participer au financement de la reconstruction de la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris.

La deuxième option consistait à élargir cette possibilité aux établissements publics dépendant des collectivités territoriales et de leurs groupements.

La troisième option consistait à ne pas légiférer sur ce point, en s’en remettant, en cas d’éventuelle contestation, à l’appréciation souveraine du juge sur la compétence de la collectivité en question et la notion d’intérêt public local.

3.2 Dispositif retenu

Au vu de l’objectif exceptionnel que constitue la reconstruction de Notre-Dame de Paris,  il a été décidé de retenir la première option. Il est ainsi envisagé de conforter par la loi ce que la pratique et la doctrine administrative reconnaissent déjà largement afin de lever tout doute sur l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le cas d’espèce.

Les collectivités territoriales et leurs groupements auront la possibilité d’opérer des versements pour financer la restauration et la conservation de la cathédrale Notre Dame de Paris auprès de l’établissement public désigné à cet effet ou de l’Etat. Ces versements seront considérés comme des subventions d’investissement.

Il a semblé, en revanche, inutile d’étendre cette possibilité aux établissements publics rattachés à ces derniers au motif qu’il revient aux collectivités territoriales et à leurs groupements de rattachement de prendre cette décision à l’impact symbolique important et entraînant des conséquences budgétaires.                           

  1. Analyse des impacts des dispositions envisagées
    1.         Impacts juridiques

La disposition envisagée vient conforter par la loi la possibilité déjà admise par la pratique et la doctrine des collectivités territoriales et de leurs groupements de participer à des actions de solidarité nationale.

Les groupements de collectivités territoriales sont entendus au sens de l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales. Cette notion comprend donc les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales, les pôles métropolitains, les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, les agences départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales.

4.2.            Impacts budgétaires et sur les collectivités territoriales

La disposition envisagée offrant la faculté aux collectivités territoriales et à leurs groupements de participer au financement de la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, la décision relève, tant sur le principe que sur le montant de la subvention, de la libre administration des collectivités territoriales. Il n’est donc pas possible de l’évaluer a priori.

  1. Consultation menée et modalités d’application

5.1.                                        Consultation menée

Le Conseil national d’évaluation des normes a été consulté sur cette disposition et a rendu un avis favorable le 21 avril 2019.

5.2.                                        Modalités d’application

5.2.1        Application dans le temps

La disposition est applicable à partir de la promulgation de la loi jusqu’à la fin des opérations de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris.

5.2.2        Application dans l’espace

La disposition s’applique sur l’ensemble du territoire national.


Article 5 - Majoration exceptionnelle du taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués par les particuliers pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris à la suite de l’incendie du 15 avril 2019

1. État des lieux

1.1 Cadre général

Les dons effectués par les particuliers et les entreprises en faveur des travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier sont d’ores et déjà susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice de plusieurs avantages fiscaux qui témoignent de l’effort de l’Etat en faveur de la préservation du patrimoine culturel et historique.

1.1.1 Dons des particuliers 

En application des 1 et 2 de l’article 200 du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes, prises dans la limite de 20 % du revenu imposable, qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du même code, au profit d'œuvres ou d'organismes répondant aux critères du b du 1 de l’article 200 susmentionné, en particulier :

- les œuvres ou organismes, dont les fondations ou associations reconnues d’utilité publique, d'intérêt général, ayant notamment un caractère culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ;

- les fondations et associations reconnues d’utilité publique qui peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d’Etat, recevoir des sommes pour les comptes des organismes susmentionnés ;

Les organismes constitués pour la restauration d'un monument présentant un caractère historique ou architectural ou dont l’objet est la sauvegarde, la conservation et la mise en valeur de biens mobiliers ou immobiliers appartenant au patrimoine artistique national, présentent un caractère culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique.

Par ailleurs, les versements que les particuliers effectuent au profit d'organismes d'intérêt général sans but lucratif, qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui leur dispensent des soins médicaux ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 75 % du montant de ces versements, dans la limite d'un plafond spécifique : 546 € au titre de l’imposition des revenus 2019. Il n’est pas tenu compte de ces versements pour l'application de la limite de 20 % du revenu imposable.

La fraction des dons excédant le plafond de versements ouvrant droit à la réduction d'impôt de 75 % bénéficie de la réduction d'impôt au taux de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Lorsque le montant des dons et versements effectués au cours d’une année excède la limite de 20 %, l’excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu’à la cinquième année inclusivement et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

En matière d'impôt sur la fortune immobilière, les dons consentis aux fondations reconnues d'utilité publique ouvrent droit à une réduction d’impôt d'un montant égal à 75 % de leur valeur et dans la limite d'un plafond de 50 000 € en application du 2° du I de l'article 978 du code général des impôts.

En matière de droits de mutation à titre gratuit, les dons et legs consentis aux établissements publics ou d'utilité publique, dont les fondations reconnues d'utilité publique, sont exonérés en application du 2° de l'article 795 du code général des impôts. En outre, l'héritier ou légataire qui décide de reverser une part de l'héritage reçu à ces organismes d'utilité publique est exonéré de droits de succession à hauteur de cette part conformément au III de l'article 788 du code général des impôts. Dans tous les cas, la fondation ou l'établissement public doit répondre aux critères du b du 1 de l’article 200 susmentionné.

1.1.2 Dons des entreprises

En application de l’article 238 bis du code général des impôts, les versements effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant notamment un caractère culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant, pris dans la limite de 10 000 € ou de 5 pour mille du chiffre d'affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé, étant précisé que le plafond de 10 000 € ne peut être appliqué qu’aux versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2019.

Un organisme d'intérêt général ayant pour objet de contribuer à la restauration d’un monument historique peut être considéré comme présentant un caractère culturel.

Les versements effectués par les entreprises doivent être réalisés sans contrepartie ou avec une contrepartie manifestement disproportionnée aux dons versés.

Les versements excédant le plafond prévu au premier paragraphe au cours d’un exercice peuvent donner lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants, après prise en compte des versements effectués au titre de chacun de ces exercices, sans qu’il puisse en résulter un dépassement de ce plafond. En outre, lorsque le montant de la réduction d’impôt excède le montant de l’impôt à acquitter, le solde non imputé peut être utilisé pour le paiement de l’impôt dû au titre des cinq années (ou exercices) suivant celle (ou celui) au titre de laquelle (ou duquel) la réduction d’impôt est constatée.

1.2 Etat du droit

L’article 200 du code général des impôts fixe les conditions d’application de la réduction d’impôt accordée au titre des dons effectués en faveur de certains organismes. Il a été modifié en dernier lieu par l’article 61 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (cf. supra).

2. Nécessité de légiférer et objectif poursuivi

2.1 Nécessité de légiférer

L’importance symbolique et historique de la cathédrale Notre-Dame de Paris et l’ampleur des dépenses de restauration occasionnées par le violent incendie intervenu le 15 avril 2019 nécessitent d’aller au-delà du dispositif d’incitation fiscale de droit commun.

Conformément à l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. La majoration du taux d’une réduction d’impôt sur le revenu relève donc du domaine de la loi.

2.2 Objectif poursuivi

L’objectif de la disposition envisagée est de permettre un accompagnement adéquat du mouvement de solidarité nationale qui s’est manifesté depuis cet incendie en proposant de porter à 75 % le taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons et versements effectués par les particuliers en faveur de la Fondation du patrimoine, de la Fondation de France, de la Fondation Notre-Dame, du Centre des monuments nationaux et du Trésor public, pour le compte de l’Etat ou de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier.

3. Options possibles et dispositif retenu

3.1 Options possibles

Une première option consisterait à étendre aux dons faits au profit de la seule restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sous le même plafond en montant, le champ d’application du taux de réduction d’impôt de 75% applicable aux dons effectués au profit des organismes d’aide aux personnes en difficulté. Elle permettrait d’accroître l’incitation à la générosité publique tout en maîtrisant l’avantage fiscal accordé. Le montant des dons éligibles au taux de 75 % serait limité à 546 € au titre des revenus 2019. Ce plafond serait commun à celui déjà existant pour le dispositif « Coluche[4] ».

Une seconde option consisterait à étendre le champ d’application du taux de réduction d’impôt de 75 % susmentionné aux dons faits au profit de la seule restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sous un plafond spécifique et indépendant de 1 000 €. Elle  permettrait d’accroître encore davantage l’incitation en créant un dispositif spécifique à la restauration et à la conservation de Notre-Dame de Paris.

3.2 Dispositif retenu

Compte tenu de l’objectif exceptionnel que constitue la restauration de Notre-Dame de Paris, la seconde option est retenue.

Les dons et versements effectués pourront ouvrir droit à la réduction d’impôt au titre des dons, prévue aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts, selon qu’ils sont réalisés par des particuliers ou des entreprises, ainsi que, le cas échéant, à la réduction d’impôt sur la fortune immobilière prévue à l’article 978 du même code.

Les versements éligibles au taux majoré seront retenus dans la limite de 1 000 € par an. Ils ne seront pas pris en compte pour l'appréciation des plafonds de versements au bénéfice d'autres œuvres, y compris celles ouvrant droit à un taux de réduction d'impôt majoré (réduction d’impôt « Coluche »). De même, les versements au bénéfice d'œuvres ouvrant droit à un taux de réduction d'impôt majoré ne seront pas pris en compte pour l'appréciation de la limite de 1 000 €. L’excédent éventuel resterait éligible à la réduction d’impôt au taux de droit commun de 66 %. Le dispositif s’appliquerait rétroactivement à compter du 16 avril 2019, date à laquelle les dispositifs de collecte ont commencé à se mettre en place, afin de préserver la cohérence et le caractère réellement incitatif de l’avantage, et jusqu’au 31 décembre 2019 pour lui conserver un caractère exceptionnel.

Les dons ne seraient éligibles à la réduction d’impôt à taux majoré que s’ils sont effectués au profit de certains organismes énumérés dans la loi qui reverseraient les sommes au fonds de concours dont la création est prévue. Le choix de ces organismes (Fondation Notre-Dame, Fondation de France, Fondation du patrimoine et Centre des monuments nationaux) tient à leur objet adapté ou à leur position d’organismes référents pour un tel projet. Les dons effectués directement au Trésor public seraient également éligibles à la réduction d’impôt à taux majoré.

Les autres règles de la réduction d’impôt seraient applicables : application du taux de 66 % pour les dons excédant 1 000 €, plafonnement à 20 % du revenu imposable, délivrance d’un reçu fiscal, etc.

Les dons et versements effectués par le biais d'un organisme collecteur comme par exemple, une plateforme électronique, ouvriraient droit au même avantage fiscal à taux majoré lorsque l'organisme bénéficiaire final serait l’un de ceux énumérés au présent article, à condition que le don reste individualisé dans un compte spécial au sein de la comptabilité de l'organisme collecteur jusqu'à sa remise effective entre les mains du bénéficiaire final. Dans cette hypothèse, le reçu fiscal devrait être délivré par l'organisme bénéficiaire final des dons.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1 Impacts juridiques

La mesure proposée constitue une disposition non codifiée modifiant à titre temporaire le régime de la réduction d’impôt sur le revenu prévue à l’article 200 du code général des impôts.

Cet article ne vise pas à transposer en droit français des normes juridiques et européennes. Il est par ailleurs compatible avec le droit européen.

4.2 Impacts budgétaires

L’effet incitatif de la mesure proposée ne peut être évalué. L’incidence budgétaire de la mesure proposée n’est donc pas chiffrable. Il peut toutefois être précisé qu’à  ce jour, les promesses de dons atteindraient plus de 800 millions d’euros en provenance de différents acteurs de la société civile (entreprises, particuliers, collectivités, etc.) et sont sans précédent de par leur montant et leur ampleur.

5. modalités d’application

5.1 Application dans le temps

Les dons reçus et les versements réalisés entre le 16 avril et le 31 décembre 2019 ouvriront droit à la réduction d’impôt à taux majoré lors de la liquidation de l’impôt en 2020 au titre de l’imposition des revenus de l’année 2019.

5.2 Application dans l’espace

La mesure bénéficie aux contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts.


Article 7 - Modalités de contrôle des fonds recueillis

1. État des lieux

La gestion et le contrôle des fonds gérés par l’Etat et ses établissements publics sont effectués selon des modalités notamment fixées par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le code des juridictions financières et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

L’article 57 de la loi organique susmentionnée dispose que « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles ».

L’article 58 de cette loi organique définit les modalités de « la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution » et notamment « la réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle ».

L’article L. 111-3 du code des juridictions financières confie à la Cour des comptes le « contrôle les services de l'Etat et les autres personnes morales de droit public ».

L’article L. 111-9 du code des juridictions financières autorise également la Cour des comptes  à « contrôler, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le compte d'emploi des ressources collectées auprès du public par les organismes visés à l'article 3 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant un appel public à la générosité, afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis par un appel public à la générosité. Ce contrôle peut comporter des vérifications auprès d'autres organismes qui reçoivent des organismes mentionnés au premier alinéa, sous quelque forme que ce soit, des ressources collectées ».

Le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique fixe part ailleurs des modalités de contrôle de la gestion de l’Etat et des organismes publics. Son article 61 confie au ministre chargé du budget « un contrôle sur la gestion des ordonnateurs de l'Etat et des organismes relevant du titre III par l'intermédiaire de l'inspection générale des finances et des autres services d'audit et de contrôle ou agents habilités à cet effet ». Ce décret définit également les modalités de contrôle des contrôleurs budgétaires et des comptables sur les opérations de dépenses et de recettes.

2.         Nécessité de légiférer,  objectifs poursuivis et dispositif retenu

2.1              Nécessité de légiférer

D’un caractère exceptionnel, l’appel à la générosité publique lancé à la suite de l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019 mettra en œuvre des circuits financiers spécifiquement définis à cette occasion.

Au regard de l’ampleur des dépenses de restauration, il paraît nécessaire de mettre en place un dispositif de contrôle adapté et exceptionnel afin de garantir le bon emploi des fonds.

En effet, le cadre du contrôle des finances publiques relève de lois organiques. Sans préjudice des contrôles qu’elles instituent, le cadre des modalités envisagées doit être fixé par la loi.

2.2              Objectifs poursuivis et dispositif retenu

L’objectif de la mesure envisagée est de s’assurer de la bonne gestion des fonds recueillis pour restaurer la cathédrale Notre-Dame de Paris et son mobilier.

Pour s’assurer du bon emploi de ces fonds,  le présent article propose qu’il soit rendu compte à un comité composé du premier président de la Cour des comptes, des présidents des commissions des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat  de la gestion des versements effectués par les particuliers en faveur de la Fondation du patrimoine, de la Fondation de France, de la Fondation Notre-Dame, du Centre des monuments nationaux et du Trésor public, pour le compte de l’Etat ou de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier.

Ce dispositif exceptionnel de contrôle viendra compléter les dispositifs de contrôle existants par ailleurs, notamment exercés par les assemblées, la Cour des comptes ou dans le cadre du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, à savoir le contrôle budgétaire et le contrôle des comptables.

3        Analyse des impacts des dispositions envisagées

La présente disposition insère dans l’ordonnancement juridique français une disposition prévoyant que l'Etat ou l'établissement public désigné à cet effet gère les fonds recueillis et, sans préjudice des contrôles de la Cour des comptes, en rende compte à un comité réunissant le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions chargées des finances et de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat.

L’impact financier de cette mesure sera limité aux seules dépenses de fonctionnement du comité dont il n’est pas possible à ce jour d’en évaluer le montant.

4        Modalités d’application

4.1              Application dans le temps

La disposition est applicable à partir de la promulgation de la loi jusqu’à la fin des opérations de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris.

4.2              Application dans l’espace

La disposition s’applique sur l’ensemble du territoire national.


Article 8 - Habilitation permettant la création d’un établissement public national chargé de concevoir, de réaliser et de coordonner les travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris

1. État des lieux

Pour conduire le chantier de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, la maîtrise d’ouvrage directe par les services de l’Etat ou une mission de maîtrise d’ouvrage déléguée (MOD) peuvent être envisagées.

Le maître d'ouvrage délégué est un mandataire qui exécute « pour le compte » du maître d'ouvrage et s'engage à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour réaliser l'ouvrage. Les obligations générales du maître d’ouvrage délégué sont celles précisées dans le code civil: ne rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat, accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, répondre des dommages – intérêts qui pourraient résulter de son inexécution, répondre non seulement de son dol mais encore des faits qu’il commet dans sa gestion, enfin, rendre compte à son mandant. La spécificité de ce contrat est le pouvoir d’accomplir des actes juridiques et la mission de représentation engageant le maître de l’ouvrage à l’égard des tiers au contrat : administration, maître d’œuvre, entrepreneurs…. Le contrat détermine l’étendue de la délégation. Le maître d’ouvrage ne doit pas se départir de tous ses pouvoirs de décision au profit de la maîtrise d’ouvrage déléguée  sous peine d’une requalification du contrat en contrat de promotion immobilière régi par l’article 1831-1 du code civil par lequel le titulaire est garant de l’exécution des obligations mises à la charge des constructeurs. Le maître d’ouvrage délégué peut être chargé de tâches techniques si elles restent accessoires, limitées, et étrangères à la mission de maîtrise d’œuvre ou à l’exécution de travaux.

Au sein du ministère de la culture, deux établissements publics seraient susceptibles d’assurer notamment cette mission de maîtrise d’ouvrage déléguée : l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture et le Centre des Monuments nationaux.

L’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture est régi par le décret n° 98-387 du 19 mai 1998[5]. Etablissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la culture, il a pour première mission les opérations immobilières. À ce titre, il est chargé notamment de conduire des études préalables aux projets immobiliers et de réaliser des constructions, transformations et rénovations de bâtiments à intérêt culturel, notamment des musées, des théâtres, des bibliothèques. Cette mission s'exerce d'abord pour les bâtiments du ministère de la Culture et des établissements publics nationaux sous tutelle de ce ministère, mais il peut le faire aussi, à titre accessoire, pour d'autres ministères.

Le Centre des monuments nationaux est, quant à lui, prévu par le chapitre Ier du titre IV du code du patrimoine. Comme indiqué précédemment, cet établissement centenaire, héritier de la Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques créée en 1914, est un établissement public à caractère administratif lui aussi placé sous la tutelle du ministère de la Culture. Le code du patrimoine confie au Centre des monuments nationaux trois grandes missions complémentaires : la conservation des monuments historiques et de leurs collections, la diffusion de leur connaissance et leur présentation au public le plus large, le développement de leur fréquentation et leur utilisation.

2.         Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1              Nécessité de légiférer

Il est envisagé de confier la restauration et la conservation de la cathédrale Notre Dame de Paris à un établissement public et d’associer à la gouvernance de l’établissement, en particulier dans le cadre de son conseil d’administration, les collectivités territoriales concernées, notamment la Ville de Paris, le Diocèse de Paris en tant que principal utilisateur de la cathédrale, ainsi que le cas échéant d’autres personnes juridiques. Or les deux établissements publics existants ne disposent pas d’une gouvernance reflétant pleinement la diversité des personnes intéressées à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Du fait de la diversité des catégories de personnes ayant ainsi vocation à participer aux organes de direction de l’établissement public national, en particulier dans le cadre de son conseil d’administration, l’établissement susceptible d’être créé ne pourra être regardé comme se rattachant aux catégories dont dépendent les opérateurs précités, ni à aucune autre catégorie existante.

Faute de précédent auquel il serait possible de se rattacher, la création de l’établissement public et la définition des règles constitutives de sa catégorie relèvera de la loi. En effet, l’article 34 de la Constitution réserve au législateur la compétence pour fixer les règles relatives à « la création de catégories d’établissements publics ».

2.2              Objectifs poursuivis

L’objectif est de permettre la création d’un opérateur dédié exclusivement à la reconstruction de la cathédrale en associant aux organes de gouvernance, aux côtés de l’Etat, les collectivités territoriales concernées, notamment la Ville de Paris, le Diocèse de Paris, ainsi que, le cas échéant, d’autres personnes juridiques.

Cette organisation doit permettre de prendre en compte les intérêts légitimes des principales parties prenantes intéressées à la reconstruction tout en respectant les objectifs fixés par le Président de la République. 

Par ailleurs, l’Etat souhaite pouvoir disposer de toute latitude dans le choix des dirigeants de l’établissement, en particulier s’agissant des contraintes liées aux règles de limites d’âge applicables à la fonction publique de l’Etat.

3        Options possibles et dispositif retenu

3.1              options possibles

En l’absence de catégorie préexistante à laquelle se rattacher, il n’y a pas d’alternative à la création d’une nouvelle catégorie par la loi. Compte tenu de l’urgence et de la technicité des dispositions législatives à prendre, le choix du recours à une ordonnance a été privilégié par rapport à la création de l’opérateur directement dans la loi.

3.2              Dispositif retenu

Le Gouvernement est donc autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour créer un établissement public de l’Etat destiné à concevoir, réaliser et  coordonner les travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier.

Le choix du recours à une ordonnance va permettre à l’Etat de préciser dans les semaines à venir, avec l’ensemble des partenaires concernés, les principales modalités de gouvernance de l’établissement, en particulier les grands équilibres dans la représentation de chacun au sein des organes de gouvernance.

4        Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse de l’impact de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact relative aux dispositions de l’ordonnance prise dans le cadre de cet article d’habilitation.

Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, sur les administrations- seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées.

5        Justification du délai d’habilitation

Un délai de six mois, à compter de la publication de la présente loi, est sollicité pour élaborer et adopter l’ordonnance qui devra déterminer les règles de gouvernance de l’établissement public et pourra prévoir que les dirigeants de l’établissement ne sont pas soumis aux règles de limite d’âge applicables à la fonction publique de l’Etat.

Ce délai se justifie notamment par la volonté de privilégier la concertation avec l’ensemble des partenaires concernés.

Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.


Article 9 - Habilitation à prendre, par ordonnance, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi, afin de faciliter la réalisation des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, y compris des aménagements, ouvrages et installations nécessaires à ceux-ci

1.         Etat des lieux

 

 

1.1 règles applicables à la reconstruction

1.1.1        Code de l’urbanisme

En première analyse, et sous réserve des conclusions des expertises in situ, les travaux de réparation relèvent du champ d’application de l’article L. 621-9 du code du patrimoine, aux termes duquel « limmeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative. »

 

Cette autorisation est délivrée par le préfet de région ou, s’il décide d’évoquer le dossier, par le ministre chargé de la culture conformément à l’article R.  621-13 du code du patrimoine.

 

Or, en pareille hypothèse, les articles L. 425-5 et R. 425-23 du code de l’urbanisme organisent un dispositif d’articulation faisant primer l’autorisation spéciale prévue par le code du patrimoine : « Lorsque le projet porte sur un immeuble classé au titre des monuments historiques, l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-9 du code du patrimoine dispense de permis de construire, de permis d'aménager, de permis de démolir ou de déclaration préalable dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente pour statuer sur les demandes de permis de construire. »

 

Par suite, les travaux de réparation seront soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 621-9 du code patrimoine, dont la délivrance sera conditionnée à l’accord de l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme, soit en l’espèce le maire de Paris, chargé par là même de veiller au respect des règles d’urbanisme de fond, lesquelles sont applicables même lorsqu’un projet est formellement dispensé d’autorisation d’urbanisme conformément aux articles L. 421-6 et L. 421-8 du code de l’urbanisme.

 

Sur cette question des règles de fond opposables, l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme pourrait néanmoins être mobilisé pour écarter tout obstacle juridique relevant du code de l’urbanisme ou des règles du plan local d’urbanisme. Il dispose en effet que lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement.”

 

Les conditions d’application semblent réunies en l’espèce puisque :

 

- Le bâtiment est régulier puisque édifié avant l’instauration du permis de construire[6] ;

- La reconstruction partielle de l’édifice doit intervenir moins de dix ans après la date de sa destruction ;

- Aucune règle locale d’urbanisme, en particulier le plan local d’urbanisme de Paris, ne paraît s’y opposer expressément.

 

Il reste que cet article n’est mobilisable que si la reconstruction s’effectue à l’identique, condition qui est retenue, même si, pour des raisons techniques par exemple, de légères dissemblances sont projetées. Ainsi, l’applicabilité à l’espèce de l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme ne pourra être appréciée qu’à partir des plans arrêtés.

 

1.1.2        Code de l’environnement

Les travaux de réparation pourraient relever du champ d’application des articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement relatifs à l’autorisation environnementale. En effet, les activités, installations, ouvrages, travaux soumis à autorisation en application des nomenclatures IOTA (installations, ouvrages, travaux, activités soumis à la loi sur l’eau, chapitre V du titre premier du livre II du code de l’environnement) et ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement, titres premier et V du livre V du code de l’environnement) sont soumis à cette procédure qui prévoit une décision de l’autorité compétente, le préfet de département, dans un délai de dix mois environ.

 

L’extraction des pierres dans des carrières sur notre territoire, éventuellement des carrières dédiées pour retrouver les pierres comparables aux pierres d’origine de la cathédrale, peut relever également de telles procédures.

 

A moindre échelle, et en fonction des seuils atteints, les travaux pourraient également être soumis à la procédure de la déclaration IOTA qui est délivrée dans un délai de deux mois si le dossier est complet et que l’autorité compétente ne s’y oppose pas.

 

A titre d’exemple, les rubriques « IOTA » suivantes pourraient être concernées :

 

- 3220 pour les installations de chantier

- 1220 pour le prélèvement en nappe d'accompagnement

- 2230 pour les rejets en seine

- 3110, 3120 le cas échéant, en cas de travaux dans le cours d’eau (implantation de ducs d’Albe, estacade) en vue des installations nécessaires à l’approvisionnement par la Seine en matériaux

 

Pour le déroulement du chantier, les règles applicables pourront aussi concerner la  gestion des sites et sols pollués (titre V du Livre V du code de l’environnement), le transport de marchandises dangereuses, (section 1 du chapitre II du titre V du livre II de la première partie du code des transports), l’évacuation et le traitement des déchets, (chapitre premier du titre IV du livre V du code de l’environnement), les plans de prévention des risques (chapitre II du titre VI du livre V du code de l’environnement) ainsi que les nuisances sonores (titre VII du livre V du code de l’environnement).

 

1.2.            Les constructions temporaires directement nécessaires à la conduite des travaux

Les constructions temporaires directement nécessaires à la conduite des travaux qui peuvent être implantées pendant « la durée du chantier » sont dispensées d’autorisation d’urbanisme en vertu de l’article L. 421-5 et R. 421-5 c du code de l’urbanisme et ne sont pas soumises aux règles de fond (article L. 421-8 du code de l’urbanisme).

Ces dispositions pourraient être mobilisées pour organiser efficacement le présent chantier.

 

Toutefois, selon le programme et les modalités des travaux, l’application du droit commun pourrait rencontrer deux limites. D’une part, la condition de « lien direct avec la conduite des travaux » peut apparaître restrictive, et s’opposer, par exemple, à l’installation d’équipements temporaires nécessaires à la valorisation du site pendant le chantier. D’autre part, les « aménagements » et « “installations » temporaires ne sont pas formellement prévus.

 

Il est rappelé que la dispense d’autorisation d’urbanisme ne vaut pas dispense au titre des autres législations applicables aux travaux, code de la construction et de l’habitation, code du patrimoine, notamment.

Concernant la réglementation en matière de construction, le Gouvernement est habilité à établir des dispositions constructives et modalités d’autorisation relevant de la loi qui sont spécifiques à la réalisation d’établissements recevant du publics et de bâtiments de travail dans le cadre des opérations associées à la restauration de la cathédrale Notre Dame de Paris (bâtiments annexes au chantier, carrière d’extraction de matériaux, sites de transformation des matériaux, bâtiments provisoires destinés à l’accueil du public pour présenter l’avancement du chantier, ...). Par ailleurs, il est souligné que les maîtres d’ouvrage impliqués dans les opérations connexes du chantier de restauration pourront mettre en place des solutions constructives équivalentes à l’application de la réglementation en matière de construction en s’inscrivant dans le cadre du permis d’expérimenter. En effet, l’ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l'innovation définit les modalités selon lesquelles les maîtres d’ouvrage pourront proposer des projets de construction contenant des solutions d’effet équivalent aux dispositions constructives applicables à l’opération et devront alors apporter la preuve de l’atteinte de résultats équivalents aux dispositions constructives auxquelles ils seraient dérogés. L’ordonnance est accompagnée du décret n° 2019-184 du 11 mars 2019 relatif aux conditions d'application de l'ordonnance n° 2018-937 du 30 octobre 2018 visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l'innovation qui précise les conditions réglementaires de recours à des solutions d’effet équivalent .

Les travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame pourraient donner lieu à la prescription de fouilles archéologiques, après diagnostic, notamment sur les sites annexes utilisés pour des installations provisoires. Ces opérations peuvent prendre plusieurs mois.

 

Si des fouilles sont prescrites, un opérateur doit notamment être désigné par le maître d’ouvrage, après appel d’offres. Les offres font l’objet d’une vérification préalable  par les services de l’Etat. Ce processus peut prendre plusieurs semaines, ce qui apparaît incompatible avec l’urgence à agir en la circonstance.

 

1.3.                                        En matière de domanialité publique

Depuis le 1er juillet 2017, l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), dans sa rédaction issue de l’article 3 de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, prévoit que l’occupation ou l’utilisation du domaine public en vue de l’exercice d’une activité économique sera, sauf dispositions législatives contraires, soumise à une procédure de sélection préalable entre les candidats potentiels présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence et comportera des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.

 

En cohérence avec les évolutions récentes de la jurisprudence issue de la Cour de justice de l’Union Européenne, cette réforme vise ainsi à accroître l’efficacité de la gestion domaniale, notamment en garantissant une plus grande transparence dans l’attribution des titres domaniaux aux opérateurs économiques concernés, en établissant une meilleure égalité entre ces derniers et en assurant, par la même, une meilleure valorisation du domaine des personnes publiques.

 

2.         Nécessité de légiférer et Objectif poursuivi

 

Il apparaît nécessaire d’intervenir dans le domaine de la loi afin de :

 

-    Sur le fond, déroger aux règles prévues à l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme si elles apparaissent trop restrictives ou, le cas échéant, de définir un dispositif spécifique inspiré des termes de cet article.

 

-       S’agissant des procédures, définir, à l’instar de l’article 10 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 sur les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ou encore de l’article 2 de l’ordonnance n° 2019-36 du 23 janvier 2019 portant diverses adaptations et dérogations temporaires nécessaires à la réalisation en urgence des travaux requis par le rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni en raison du retrait de cet Etat de l’Union européenne, un régime applicables aux réalisations temporaires dont l’implantation serait impliquée par les travaux (constructions, aménagements et installations) avec une durée adossée à celle du chantier et un champ d’application matériel plus large que ce qu’envisage le droit commun de l’urbanisme. Les deux textes cités sont la preuve de la nécessité de répondre par la loi, par un régime juridique clair, adapté et circonscrit, à une situation exceptionnelle.

 

D’autres mesures pourraient apparaître nécessaires en matière d’évolution des documents de planification par exemple.

 

Par suite, cette probable intervention sur des normes de niveau législatif conjuguée à la difficulté, en l’état, d’en définir avec exactitude le contenu, justifie l’adoption d’un article habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures idoines.

 

Habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance répond donc principalement à la volonté d’assurer la maîtrise de la durée des travaux de restauration, d’en faciliter la réalisation mais aussi de garantir des conditions de sécurité satisfaisantes pour la reconstruction de la cathédrale et à ses abords.

 

2.         Options possibles et dispositif retenu

Compte tenu de l’urgence à engager les travaux dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes et eu égard à ce que le contenu exact des mesures à édicter sera fonction des résultats de futures expertises techniques et juridiques, la voie d’une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution constitue la meilleure option.

En tant que de besoin, il est envisagé qu’il pourra être dérogé aux règles d’urbanisme, de protection de l’environnement, de préservation du patrimoine, d’archéologie préventive, de voirie et de transports, ainsi qu’aux règles de commande publique et de domanialité publique.

 

 

3.         Analyse des impacts des dispositions envisagees

L’analyse de l’impact de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact relative aux dispositions de l’ordonnance prise dans le cadre de cet article d’habilitation. Les différents impacts – sociaux, économiques et financiers, sur les administrations- seront développés à la lumière des contours définitifs de chacune des dispositions proposées. Il peut cependant d’ores et déjà être évoqué les points suivants :

 

3.1.                                        règles applicables aux opérations connexes 

Des dérogations apportées au code de l’environnement, concernant les procédures applicables aux opérations connexes, pourraient se justifier, dès lors que les intérêts protégés par le code de l’environnement restent le cadre de ces ajustements.

 

Ainsi, à titre d’exemple, certaines étapes prévues dans le cadre des procédures issues du code de l’environnement pourraient être assouplies, raccourcies voire mutualisées : consultations obligatoires, délai de décision...

 

En fonction des stratégies de chantier et de reconstruction qui pourraient être choisies, l'ordonnance pourrait par ailleurs amener à permettre des dérogations ou règles alternatives aux :

- règles relatives aux installations, ouvrages travaux et aménagement relevant du chapitre V du titre premier du livre II (IOTA), et des titres premier et V du livre V (ICPE, canalisations, sites et sols pollués, par exemple pour l’ouverture ou la réouverture de carrières nécessaires aux opérations de restaurations, ou pour le traitement des déchets ;

- règles relatives au transport de matières dangereuses, notamment si des matières particulières nécessaires au chantier (pour la construction à proprement parler ou pour l'alimentation énergétique) doivent être transportées, en particulier sur la Seine (section 1 du chapitre II du titre V du livre II de la première partie du code des transports) ;

- règles relatives aux déchets, pour faciliter l'élimination des déchets (qui peuvent contenir du plomb ou des résidus de produits fongicides) suite à l'incendie ((chapitre premier du titre IV du livre V du code de l’environnement) ;

- règles relatives au plan de prévention du risque inondation en vigueur, s'il s'avère que des modalités de stockage temporaire à proximité du fleuve ou de constructions temporaires peuvent utilement être mises en œuvre sans avoir été prévues par le plan de prévention (chapitre II du titre VI du livre V du code de l’environnement) ;

- règles relatives aux nuisances sonores (titre VII du livre V du code de l’environnement).

3.2.                                        En matière d’évaluation environnementale et de participation du public

Il pourrait être utile de prévoir une dérogation en matière d’évaluation environnementale pour adapter, le cas échéant, le dispositif. Une analyse plus fine permettra de déterminer si les travaux projetés dans le cadre de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris relèvent d’un examen au cas par cas ou d’une évaluation environnementale obligatoire. A ce stade, une dérogation générale pourrait être prévue par précaution. Le dispositif envisagé devrait, en tout état de cause, respecter les dispositions de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, le projet de restauration de la cathédrale ne répondant pas aux critères de dérogation prévus par la directive.

 

L’enjeu en termes de réduction des délais devrait rester limité. En effet, si le projet devait être circonscrit à un milieu urbain déjà anthropisé, il s’agirait d’examiner d’éventuels impacts environnementaux restreints, qui seraient, par exemple, liés aux bruits des travaux, à l’intégration paysagère. La réalisation des inventaires faune-flore sur plusieurs saisons ne s’imposerait pas dans ce cas de figure. Cependant, dans le cas d’installations nécessaires à la réalisation du chantier à distance de celui-ci (carrières, installations de traitement de déchets) des dérogations seraient rendues beaucoup plus nécessaires en vue en particulier de réduire les délais. Il est précisé, à ce titre, qu’en application du I de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, « le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine ». Par ailleurs, les services de l’Etat interviendraient en appui, en amont de l’instruction des dossiers d’autorisation, afin de faciliter les démarches liées à l’évaluation environnementale. Ainsi, dans l’éventualité d’une étude d’impact, celle-ci pourrait dans certains cas être réalisée en temps masqué.

 

Une dérogation en termes de participation du public s’avèrerait également nécessaire pour prévoir un dispositif adapté à la hauteur des enjeux, s’agissant d’un patrimoine qui touche à l’identité nationale, et de la mobilisation importante, en France mais aussi au-delà des frontières, autour de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Au-delà de cette nécessité de dérogation dans certains en particulier pour à phase avale lorsque les demandes d’autorisation sont en cours d’instruction, il faudrait aussi prendre en compte le fait que de nombreux citoyens, des entreprises, des associations ont contribué financièrement et de façon spontanée en vue de sa restauration. Par conséquent, l’Etat se doit d’assurer auprès de tous une information tout au long du processus sur le bon avancement des travaux. La participation du public en phase amont devrait être ainsi envisagée de façon renforcée, notamment pour permettre de sensibiliser le public sur les nouvelles techniques qui seront utilisées. Un continuum de la participation devrait être prévu tout au long du processus exceptionnel d’approbation du projet de restauration. La phase aval serait également l’occasion de consulter le public dans une perspective d’amélioration continue du projet.

3.3.            règles applicables en matière de préservation du patrimoine   

S’agissant des différentes étapes de la procédure d’archéologie préventive, les règles relatives au diagnostic archéologique, aux prescriptions de fouilles, à la réalisation des fouilles sont fixées dans la partie législative du code du patrimoine.

 

L’article L 523-9 du code du patrimoine prévoit notamment que la personne qui projette d’exécuter les travaux (maître d’ouvrage)  doit solliciter les offres d’opérateurs de fouilles (Institut national de recherche archéologique préventive, INRAP, service territorial ou opérateur agréé par l’Etat). Les offres reçues par le maître d’ouvrage sont contrôlées par les services de l’Etat. Une fois ces formalités satisfaites, le maître d’ouvrage peut alors choisir son opérateur et contractualiser avec lui sur les modalités de réalisation des fouilles (prix, moyens mis en œuvre et délai de réalisation).

 

L’ordonnance pourrait donc, parmi d’autres effets, permettre une désignation de l’opérateur  chargé de réaliser les fouilles directement par la personne maître d’ouvrage des travaux de réfection de la cathédrale Notre-Dame sans appel d’offre.

 

Outre les dispositions du code du patrimoine relative à la procédure de choix de l’opérateur en cas d’opérations de fouille archéologique préventive, le droit applicable aux immeubles construits en abords de monuments historiques, prévu par les articles L.621-30 à L.621-32 pourrait également faire l’objet d’adaptations.

3.4.                                        En matière de domanialité publique 

Un dispositif d’autorisation d’occupation et de sous occupation permettrait de dispenser de la procédure de sélection prévue par le code général de la propriété des personnes publiques pour l’opération elle-même et celles qui lui sont liées, y compris si elles sont éloignées.

4.         Justification du delai d’habilitation

Un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi est sollicité pour élaborer et adopter l’ordonnance qui devra déterminer les règles pour  la réalisation des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, y compris les aménagements, ouvrages et installations nécessaires à ceux-ci, en dérogeant en tant que de besoin aux règles d’élaboration des documents de planification et de délivrance des autorisations de travaux et de construction en matière de participation du public,  d’évaluation environnementale, de protection de l’environnement, de construction, d’urbanisme, de préservation du patrimoine, d’archéologie préventive, de voirie et de transports, et aux règles de commande publique et de domanialité publique.

Ce délai se justifie notamment par la prise en compte de la technicité des travaux à réaliser dans des conditions de sécurité satisfaisantes et par le constat que le contenu exact des mesures à édicter sera fonction des résultats des expertises techniques et juridiques à mener.

Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

 

 

 

 

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[1] https://www.gouvernement.fr/rebatirnotredame

 

[2] « L'immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative »

[3] QE AN, n° 53260 du 9 juillet 1984, publiée au JO de l’AN du 3 septembre 1984 et QE n° 21086 du 4 décembre 1989, publiée au JO de l'AN du 30 avril 1990

[4] Dispositif de la loi de finances pour 1989  permettant  de déduire des impôts une partie des sommes versées à des associations

[5] Décret n° 98-387 du 19 mai 1998 portant création de l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels

[6] Réponse. Min n° 65052, JOAN du 28 janvier 2002, p. 472