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Projet de loi

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif aux modalités

de financement des infrastructures et de l’acquisition des outils de formation

dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine

du transport tactique aérien

 

NOR : EAEJ1907864L/Bleue-1

 

 

ÉTUDE D’IMPACT

 

 

I-                   Situation de référence

 

La coopération franco-allemande en matière de défense est l’une des plus anciennes et des plus structurées.

 

Elle repose principalement sur le traité entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération franco-allemande du 22 janvier 1963, dit « Traité de l’Elysée », et le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS) institué par le protocole du 22 janvier 1988 au Traité de l’Elysée. Elle est encadrée par des textes de tous niveaux (traités et accords intergouvernementaux, arrangements techniques et administratifs, documents conjoints de procédure, lettres d’intention). La France a ainsi signé avec l’Allemagne le traité d’Aix la Chapelle le 22 janvier 2019[1], qui permettra également un approfondissement de la coopération bilatérale de Défense dans les domaines capacitaire et opérationnel[2].

 

Cette coopération prend notamment la forme d’échanges de personnels militaires, civils ou scientifiques et celle de formations communes[3]. Elle comporte un large volet opérationnel (sûreté aérienne, mutualisation de capacités, entraînements et exercices en commun, soutien mutuel), et a donné lieu à des initiatives uniques et des plus abouties comme la Brigade franco-allemande.


Le domaine de l’armement constitue un autre axe majeur de coopération, notamment avec l’armée de l’air. Dans les années 1950, le programme Transall a ainsi démontré les excellentes relations nouées avec l’Allemagne après la guerre et plus récemment, la coopération au sein de l’école franco-allemande de pilotage du Tigre, et dans le cadre de l’A400M[4] répondent à la volonté commune de mutualiser la réponse des armées aux besoins opérationnels.

 

Initiée par Jean-Yves Le Drian avec son homologue allemande Ursula von der Leyen au printemps 2016, la mutualisation d’une flotte en matière de transport tactique aérien doit constituer un nouvel axe majeur de coopération entre nos deux Etats. Par deux lettres d’intention, signées les 4 octobre 2016 et 15 février 2017, les ministres de la défense français et allemand ont confirmé leur engagement sur le principe de cette coopération qui consiste à créer d’une part, une unité aérienne franco-allemande opérant et soutenant conjointement une flotte mutualisée d’avions de transport tactique de type C-130J constituée de douze appareils au maximum, acquis par chacune des parties auprès de Lockeed Martin et d’autre part, un centre de formation et d’entrainement commun sur la base aérienne d’Evreux (Eure).

 

Qualifiés de « choix de cohérence » par la ministre des armées lors de la cérémonie d’accueil du premier appareil, ces aéronefs offrent à l’armée de l’air des capacités de transport logistique (personnels et matériels) et tactiques (ils permettent les atterrissages en terrains sommaires et l’aéro-largage de parachutistes et de matériels). Dans un contexte de vieillissement des flottes existantes (Transall C-160 notamment) et d’un fort engagement des moyens disponibles en opérations extérieures, ces nouveaux appareils doivent renforcer la capacité de projection et la diversité des flottes, ainsi que la complémentarité des moyens disponibles en donnant à l’armée de l’air une nouvelle capacité de transport médian.

 

En Allemagne, la mise en œuvre de cet accord s’inscrit dans un contexte annoncé de rupture capacitaire en matière de transport tactique aérien, à la suite du retrait du service des aéronefs C-160 d’ici 2021. L’acquisition d’aéronefs identiques par les deux Etats s’inscrit dans une dynamique d’interopérabilité des moyens et de renforcement de la dynamique franco‑allemande de mutualisation des capacités. Le déploiement d’un centre de formation complet, destiné à sécuriser la formation des personnels sur ce type d’appareil, constitue, par ailleurs, un atout majeur pour les armées de l’air des deux Etats.

 

II –  Historique des négociations

 

La négociation de l’accord a été engagée fin 2016 entre les services du ministère de la défense français et du ministère fédéral de la défense allemand. L’accord a été négocié au premier trimestre 2017, dans des délais contraints en raison des échéances électorales en France et en Allemagne, et sans difficulté notable. L’objectif était de sanctuariser les principes financiers de la coopération et, en particulier, la teneur des investissements consentis par chacune des parties. Comme ses stipulations le prévoient, cet accord sera complété par un deuxième accord (en cours de négociation) relatif à la mise en place et au fonctionnement de l’unité binationale.


Un projet d’accord a été finalisé en mars 2017, aux termes des consultations interservices et interministérielles requises dans les deux Etats. Il a fait l’objet d’un examen préliminaire par la commission budgétaire du Bundestag allemand le 22 mars 2017, qui a validé le projet.

L’accord a été signé le 10 avril 2017 à Berlin.

 

III-            Objectifs de l’accord

 

L’accord vise à renforcer la coopération militaire franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien. Il fixe les principes et les conditions du financement des infrastructures et de l’acquisition des outils de formation nécessaires à la mise en œuvre de l’unité aérienne franco-allemande décrite au point I (grands équilibres financiers pour la construction des infrastructures et répartition des dépenses d’acquisition et de fonctionnement pour les outils de simulation).

 

Il permettra :

 

-          de lancer les travaux des infrastructures utilisées en commun nécessaires à l’aménagement de la base d’Evreux pour accueillir au maximum douze aéronefs : constructions neuves et aménagement/agrandissement de bâtiments existants qui seront réservés à l’unité franco-allemande, hangars du service technique et bâtiment du centre de formation et d’entraînement ;

 

-          d’acquérir les matériels et les prestations utilisés en commun : outils de formation théorique et pratique destinés aux équipages, au personnel technique et aux personnes nécessaires à la réalisation des activités de vols envisagées (ex. simulateurs de vol). Ces infrastructures accueilleront à terme une unité composée d’environ 260 personnes, comprenant une centaine de personnels navigants et 150 techniciens. Elle permettra de former une dizaine de pilotes par an, ainsi qu’une trentaine de techniciens et soutiers (loadmasters).

 

L’objectif, pour les deux Etats, est de mutualiser des moyens humains et matériels pour réaliser des missions conjointes, le cas échéant avec des équipages mixtes. L’unité pourra également apporter un soutien mutuel en situation d’urgence nationale. Décidé au cas par cas, cet engagement pourra inclure des missions nationales sensibles. La création de l’unité binationale, ainsi que ses modalités d’organisation feront l’objet d’un accord intergouvernemental complémentaire, actuellement en cours de négociation et dont la signature devrait intervenir avant l’été 2020.

 

La capacité opérationnelle initiale de l’unité commune est prévue pour 2021, avec la mise en œuvre de missions opérationnelles et le début d’exploitation du centre de formation. La pleine capacité opérationnelle est prévue pour 2024.

 

Des textes complémentaires nécessaires à la mise en œuvre de l’accord, notamment de niveau ministériel (arrangements techniques) sont en cours d’élaboration. Ils déclineront précisément les modalités pratiques de la coopération et en particulier, les modalités du financement par l’Allemagne.


L’accord est conclu pour une durée indéterminée, mais les parties s’engagent pour une durée minimale de dix ans (dénonciation possible au terme d’une période de cinq ans, avec un préavis de cinq ans (article 9)).

 

IV-             Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord

 

La mise en œuvre de l’accord n’entrainera aucune conséquence sociale et n’aura aucun impact sur l’égalité entre les hommes et les femmes, ni sur la jeunesse.

 

Les conséquences suivantes méritent d’être soulignées.

 

-          Conséquences économiques, fiscales et financières

 

L’objectif de l’accord est de fixer la participation financière des deux Etats et les modalités de répartition des dépenses d’investissement engagées pour le financement des infrastructures et des outils de formation.

 

Ces participations financières ont préalablement fait l’objet d’évaluations chiffrées par les services du ministère des armées, en lien avec la partie allemande. Les coûts de construction et de rénovation des infrastructures ont été évalués par la direction centrale du service d’infrastructure de la défense du ministère des armées (DCSID) et les coûts du centre de formation (y compris le simulateur de vol) par la direction générale de l’armement (DGA) sur le fondement des besoins définis par les parties.

 

Ces coûts seront partagés à parts égales, et limités, pour chaque partie, à 110 millions d’euros, soit :

 

-          60 millions d’euros au maximum pour les dépenses de construction et de rénovation des infrastructures (article 4) ;

 

-          et 50 millions d’euros au maximum pour les dépenses liées à l’acquisition des outils de formation (article 5).

 

La part des biens et des prestations de services qui seront financés par l’Allemagne sera exonérée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (article 6), sur le fondement du c) du 1 de l’article 151 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA »[5].


Par ailleurs, en cas d’extinction ou de dénonciation de l’accord, les parties définiront d’un commun accord la détermination et la compensation de la valeur résiduelle des infrastructures et outils de formation financés en commun (article 7).

 

-          Conséquences administratives

 

La mise en œuvre de cet accord n’aura pas de conséquence pour l’administration française. Elle n’implique ni augmentation des moyens humains ou administratifs, ni modification de l’organisation du ministère des armées.

 

La partie française agit comme maître d’ouvrage pour la construction et la rénovation des infrastructures (article 2), maîtrise d’ouvrage confiée à la DCSID pour les infrastructures de l’unité binationale et à la DGA pour les infrastructures du centre de formation. Une équipe de coordination, composée de personnels du ministère des armées pour la partie française et de leurs homologues allemands, est chargée du suivi des travaux d’infrastructures (article 3). Les modalités de fonctionnement de cette équipe seront fixées par un arrangement ministériel entre les ministres de la défense français et allemand, à ce jour en cours de négociation.

 

-          Conséquences environnementales

 

Les infrastructures à construire ou à rénover sont situées sur une partie de la base d’Evreux actuellement libre de construction. Le chantier nécessitera des travaux préalables de dépollution pyrotechnique, inclus dans l’enveloppe de 120 millions d’euros prévus pour la partie infrastructures. Ces travaux sont imposés par le contrôle général des armées sur les bases militaires afin de dépolluer les zones de travaux, des munitions et bombes larguées durant la seconde guerre mondiale.

 

-          Conséquences juridiques

 

 

Les stipulations de l’accord sont pleinement compatibles avec les engagements de la France dans le cadre des Nations Unies (articles 2 et 51 de la Charte des Nations Unies)[6], de l’OTAN et de l’UE. Le traité de l’Atlantique nord du 4 avril 1949[7] n’exclut pas la possibilité pour un Etat partie de conclure des accords avec un autre Etat partie, dès lors que ces accords ne sont pas en contradiction avec le traité (article 8). Le traité sur l’Union européenne (point 7 de l’article 42)[8] renvoie explicitement aux engagements souscrits dans le domaine de la défense par les Etats membres au sein de l’OTAN.


L’accord s’inscrit dans la continuité de notre relation de défense avec l’Allemagne, en cohérence avec la volonté commune formulée dans le préambule du Traité de l’Elysée qui qualifie le renforcement de notre coopération d’« étape indispensable sur la voie de l’Europe unie ».

 

Il renvoie, pour sa mise en œuvre, à la conclusion d’accords complémentaires ou d’arrangements techniques (notamment pour la mise en œuvre de l’équipe de coordination (article 3) et pour la mise à disposition des infrastructures (article 4)). Plusieurs projets sont d’ores et déjà en cours d’élaboration pour encadrer les opérations d’acquisition des outils de simulation et pour déterminer avec la partie allemande, les modalités de suivi des opérations d’infrastructure.

 

 

Les Etats membres de l’UE sont compétents pour conclure des accords de coopération dans le domaine de la défense. Par ailleurs, le contenu de l’accord est conforme au droit de l’UE et ne renvoie à aucune politique de l’UE en particulier. Conformément à la directive TVA susmentionnée (cf. supra – « Conséquences économiques, fiscales et financières »), la part allemande du financement est exonérée de cette taxe par la France.

 

 

Cet accord ne nécessite aucune modification de l’ordonnancement juridique français, ni l’adoption de dispositions législatives ou règlementaires nouvelles. Il pose le principe du respect de la législation française, en particulier, pour la réalisation des constructions et/ou des rénovations des infrastructures nécessaires à la coopération.

 

V – Etat des signatures et ratifications

 

L’accord a été signé à Berlin le 10 avril 2017 par Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense de la République française et Ursula von der Leyen, ministre de la défense de la République fédérale d’Allemagne.

 

En Allemagne, l’accord a nécessité l’avis préalable de la commission budgétaire du Bundestag durant la phase de négociation, avis rendu le 22 mars 2017. L’instrument de ratification allemand a été transmis par la voie diplomatique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères par note verbale du 15 mai 2018.

 

VI -  Déclarations ou réserves

 

Sans objet.

 


[1] Un projet de loi autorisant sa ratification sera soumis au Parlement au premier semestre 2019.

[2] Les articles 3, 4 et 5 du traité d’Aix la Chapelle fixent un cadre à la coopération de défense bilatérale.

[3] Près d’une quarantaine de personnels français sont affectés en Allemagne, soit au titre d’un emploi (officiers de liaison ou d’échange pour des durées d’environ trois ans), ou dans le cadre de formations longues (stagiaires officiers, stagiaires Ecole de guerre pour des durées de 2 à 5 ans).

[4] Coopération dans le cadre de l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement créée par la Convention du 9 septembre 1998 entre l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume-Uni) avec une formation conjointe sur cet aéronef assurée en France pour la partie tactique et en Allemagne, pour la formation maintenance des mécaniciens et celle des pilotes pour la première partie de leur cursus.

[5] Cet article prévoit que les Etats peuvent exonérer de TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées dans un Etat membre de l’OTAN et destinées aux forces armées des autres Etats de l’OTAN pour l’usage de ces forces ou de l’élément civil qui les accompagne.

[6]  Texte : http://www.un.org/fr/sections/un-charter/introductory-note/index.html

Décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation de la Charte des Nations Unies :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000669825&categorieLien=id

[7] Texte : http://www.nato.int/cps/fr/natolive/official_texts_17120.htm

Décret n° 49-1271 du 4 septembre 1949 portant publication du traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000496238

[8] Décret n°94-80 du 18 janvier 1994 portant publication du traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992 :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000181174&categorieLien=cid