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ÉTUDE d’impact

 

 

 

Projet de loi

relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique

 

NOR : MICE1927829L/Bleue-1

 

 

 

 

 

4 décembre 2019



Table des matières

 

Introduction générale

Indicateurs d’impact

Tableau synoptique des consultations

Tableau synoptique des mesures d’application

Titre Ier – DEVELOPPEMENT ET DIVERSITE DE LA CREATION ET DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Articles 1, 2, 4, 5 et 76 : réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production d’œuvres

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 3 :  réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production d’œuvres et extension aux services non établis en France

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 6 : suppression des heures d’écoute significatives

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 7 : respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 8 : placement de produit

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 9 : publicité et téléachat sur écran partagé

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 10 : troisième coupure publicitaire et annonce des programmes

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 11: suppression de l’encadrement par décret de la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques diffusées par les services de télévision

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 12 à 15 : modernisation de la TNT : autorisation expérimentale pour les services précurseurs ; extension du droit de priorité à l’ultra-HD ; obligations pesant sur les terminaux de télévision et de la radio

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 16 et 17 : transposition en droit interne de l’article 17 de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations menées et modalités d’application

Article 18 : principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 19 : obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des auteurs – Droit de révocation au profit des auteurs en cas de non exploitation de l’œuvre –Inopposabilité des clauses contraires à ces dispositions protectrices des auteurs.

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 20 : consécration du principe d’une rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 21 : obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des artistes-interprètes – Principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat – Droit de révocation au profit des artistes-interprètes en cas de non exploitation de l’interprétation

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Titre II – ADAPTATION DE LA REGULATION DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Article 22 : fusion du CSA et de la HADOPI

1. État des lieux

2. Necessite de legiferer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagees

5. Consultations et modalites d’application

Article 22 et 24 à 26 : évolution des missions de l’ARCOM

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectif poursuivi

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 23 : lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectif poursuivi

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts et des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 27 et 28 : reprise par l’ARCOM des missions de la HADOPI et mission générale de l’ARCOM en matière de propriété littéraire et artistique

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 29, 30, 34, 74 et 75 : composition de l’ARCOM

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 31, 32, 33, 39 et 45 : instance commune de règlement des différends entre l’ARCEP et l’ARCOM

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 35 : échanges d’information entre l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et l’Autorité de la concurrence

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 36 : Pôle d’expertise numérique

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 37 : mission générale de l’ARCOM et procédure de conciliation

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 38 : action internationale de l’ARCOM

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 39 : règlement des différends

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 40 : pouvoirs d’information et d’enquête de l’ARCOM

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 41 : protection de l’intégrité du signal

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 42 : modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre : procédure encadrant la réalisation de l’étude d’impact

1. Etat des lieux

2. Objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3. Consultations et modalités d’application

Articles 43 et 44 : publication des sanctions administratives,caducité quinquennale des mises en demeure et rapporteur indépendant

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 46 à 48 : critères de détermination de la loi applicable à un service ; entrave à la retransmission d’un service relevant de la compétence d’un autre Etat ; recensement des services relevant de la compétence de la France

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 49 : relations ARCOM-Administration des impôts

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 50 à 53 : régulation des plateformes en ligne

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 54 : charte alimentaire

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 55 et 56 – Accessibilité des services de télévision et de médias à la demande

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Articles 57 : Protection des publics et notamment des mineurs

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 58 : Transparence des médias

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options envisagées et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

TITRE III - TRANSFORMATION DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC A L’ERE NUMERIQUE

Articles 59, 67 à 71, 77 à 81 : Dispositions relatives à l’organisation du secteur public audiovisuel - Dispositions relatives aux missions de service public - Transformation de l’INA en société anonyme - Dispositions relatives aux conventions stratégiques pluriannuelles

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

TITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Articles 60 et 61 : modifications du livre IV du code de commerce destinée à simplifier les procédures devant l’Autorité de la concurrence, à en accroître l’efficacité et habilitation donnée au Gouvernement de mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence

1. Etat des lieux

2. Necessite de legiferer et objectifs poursuivis

3. Dispositif retenu

4. Analyse des impacts

5. Consultations et modalites d’application

6. Justification du delai d’habilitation pour l’article 61

Article 62 : Modifications du code du cinéma et de l’image animée

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Consultations et modalités d’application

Article 63 : clarification et codification par ordonnances de la loi du 30 septembre 1986

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Options possibles et dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Justificatif du délai d’habilitation

Article 64 : transposition par ordonnance de la directive établissant le code des communications électroniques européen

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Justification du délai d’habilitation

Article 65 : clarification et codification par ordonnances de la loi

1. État des lieux

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

3. Dispositif retenu

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5. Justification du délai d’habilitation

Article 66 : Nouvelle dénomination de l’ARCOM

1. Etat des lieux

2. Objectifs poursuivis et dispositif retenu

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4. Consultations et modalités d’application

Article 82 : application outre-mer


Introduction générale

La loi n°86-1067 relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986 a permis de concilier la liberté de communication, la défense du pluralisme, l’indépendance et la qualité de l’information, la protection des publics, la promotion de la cohésion sociale et le développement d’une création audiovisuelle et cinématographique française diverse.

Mais elle n’est aujourd’hui plus adaptée aux enjeux d’un secteur dont les mutations, notamment numériques, ont été extrêmement fortes depuis trente ans.

Les acteurs, les écrans, les programmes et les œuvres se sont multipliés et les habitudes de consommation ont profondément changé. Ces mutations, aux nombreux effets positifs, ont également été porteuses de dangers pour notre modèle culturel et notre démocratie. Ainsi, la multiplication de contenus haineux ou illicites sur internet, d’autant plus dangereuse que leur diffusion est virale, et des usages de plus en plus individualisés, de plus en plus guidés par des algorithmes de recommandation, ont pu participer d’un affaiblissement de la cohésion sociale. Les médias historiques rencontrent des difficultés économiques menaçant aujourd’hui la production d’une information professionnelle pluraliste et de qualité, notamment de proximité. Enfin, la place de la création française, en particulier indépendante, et la protection du droit d’auteur, sont mises à mal par de nouveaux acteurs qui ne se voient pas appliquer les règles de notre modèle culturel, et qui prennent une part de marché croissante.

Le présent projet de loi modifie donc en profondeur la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 susmentionnée pour porter deux ambitions : d’une part, une ambition de dynamisme culturel, afin de favoriser le rayonnement, la diversité et la créativité de l’audiovisuel et du cinéma français ; d’autre part, une ambition démocratique, sociétale et citoyenne, afin de protéger les citoyens de certains excès du numérique et de leur offrir à tous, notamment aux plus fragiles, un service plus proche et plus efficace.

La création se trouve au cœur du projet de loi qui adapte et renforce la protection des auteurs, des artistes et, plus généralement, de tous ceux qui sont impliqués dans l’acte de création. Face à la multiplication des canaux de diffusion et à une redéfinition des rapports de forces entre les acteurs, il vise à garantir aux créateurs une juste rémunération ainsi que le respect de leur droit moral. Il soutient l’industrie française de programmes, en particulier de la production indépendante, et la vitalité économique des groupes de télévision et de radio, qui sont les premiers financeurs de la création audiovisuelle et numérique, ainsi que les piliers d’une information pluraliste et de qualité. Ce soutien passe en particulier par l’intégration de l’ensemble des diffuseurs qui visent la France à notre système de financement de la création, quel que soit leur lieu d’installation.

 Ce projet de loi vise par ailleurs à assurer la protection des publics contre les contenus nocifs ou illicites (désinformation, contenus haineux, glorification du terrorisme, pédopornographie), en prolongeant les initiatives législatives récentes tendant à responsabiliser les plateformes numériques et à favoriser l’accès à des programmes audiovisuels de qualité, diversifiés et pluralistes, produits par les acteurs publics comme privés et diffusés sur tous les réseaux.

Pour s’assurer d’une application efficace du nouveau cadre ainsi posé, le projet de loi procède à une rénovation de grande ampleur de la régulation et du rôle des régulateurs qui en sont chargés, en particulier à travers la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein d’un organe unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), dont la coopération avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est par ailleurs encouragée.

Enfin, le service public de l’audiovisuel étant tout particulièrement concerné par les transformations qui affectent le paysage audiovisuel et les rapports que les Français et les Françaises entretiennent avec lui, le projet de loi vise à réaffirmer son rôle et sa singularité. Afin de mieux distinguer l’audiovisuel public d’une offre privée désormais abondante et de lui permettre de s’adresser à tous, notamment aux plus fragiles, il met en avant cinq missions communes à toutes les sociétés : l’offre de proximité, l’information, l’ambition culturelle, l’offre jeunesse et l’action audiovisuelle extérieure. Sa gouvernance est rénovée par la création d’un groupe avec à sa tête une société mère unique, « France Médias », à même de définir une stratégie globale adaptée à la convergence numérique et définir les meilleures réponses face à la concurrence des nouveaux acteurs, notamment internationaux. La composition des conseils d’administration et le mode de désignation des dirigeants seront également révisés, afin de les professionnaliser et de les normaliser, sans déstabiliser les entreprises ni les plans de transformation en cours : les dirigeants des sociétés en poste verront leur mandat de présidents-directeurs généraux transformés en mandat de directeurs généraux jusqu’au 1er janvier 2023.

 Ce projet de loi, qui vise à la réaffirmation de notre souveraineté culturelle dans l’ère numérique, nous permettra de faire à nouveau prévaloir sur les logiques strictement marchandes une approche permettant de promouvoir notre regard sur le monde et l’essence de nos valeurs partagées : la diversité culturelle sous toutes ses formes, la défense du pluralisme des courants de pensée et d’opinion, la promotion d’une création accessible et riche de sa diversité, fondée sur une conception ambitieuse du droit d’auteur.


Indicateurs d’impact

disposition

enjeu

indicateur

mesure

commentaire

titre I - chapitre 1

Soutenir l'exception culturelle  et la diversité de l'offre pour tous les Français

% d'œuvres EU et FR disponibles sur les services à la demande disponibles en France

Etude OEA ou ARCOM

Minimum de la directive SMA : 30%

Montant des investissements en France dans la production EOF de la part des services à la demande étrangers

Bilan annuel de l'ARCOM

Indicateur B2B

titre I - chapitre 2

Permettre aux Français de pourvoir regarder plus de cinéma sur les offres des télévisions gratuites

Nombre total de téléspectateurs de films de cinéma sur la TV en clair

Chiffres ARCOM ou CNC

Gräce à la suppression des Jours interdits : mercredi soir ; vendredi soir ; samedi ; dimanche dans la journée

titre II - chapitre 5

Renforcer l'accessibilité aux personnes handicapées des services linéaires et non-linéaires

Augmentation du volume horaire de programmes accessibles (LSF, sous-titrage et audiodescription) et accroissement de l'évaluation qualitative portée par les associations de personnes en situation de handicap visuel ou auditif

Bilan annuel de l'ARCOM

Pour mettre fin à deux faiblesses actuelles :

Régionaux

Sur les chaînes linéaires : obligations déjà applicables mais constat de baisses de volumes
Pour les SMAD, pas d'obligations aujourd'hui ; sur les 10 principaux groupes de médias, 5 seulement proposent des contenus accessibles ; pas de données pour les SMAD étrangers                   

titre III

Rapprocher l'audiovisuel public des Français à travers une offre de proximité de qualité

Pour la diffusion linéaire : part des programmes régionaux dans la grille de FTV et de RF                                                 Fréquentation de l'offre numérique de proximité

Actuel indicateur n° 4 du COM 2016-2020. Part des programmes régionaux ou à caractère régional dans la grille de France 3.  NB : il n'existe pas l'équivalent actuellement pour Radio France dans le COM ou le PAP (à construire).

Taux de 30,4 % en 2018 pour FTV. NB : il s'agit d'un indicateur d'offre et non de consommation réelle.

titre III

Proposer à tous les Français un audiovisuel public qui s'adresse à eux, quel que soit le support utilisé pour le visionnage (poste de télé, ordinateur, tablette, téléphone)

% des Français de 15 ans et + en contact chaque semaine avec une offre du service public, quel que soit le support

Ventilation de cet indicateur de couverture par nature de programme : information, culture

Indicateur Médiamétrie fusionné TV+radio+numérique

Panel ad hoc pour ventiler selon la nature des programmes

FTV dispose depuis juin 2016 (en hebdo depuis juillet 2019) d'un indicateur (Médiamétrie) mesurant le taux de couverture mensuelle 4 écrans (télévision, ordinateur, mobile et tablette) y compris pour les contenus nativement numériques.

titre III

Renforcer l'offre de l'audiovisuel public à destination du jeune public

Nombre de personnes (élèves / parents / enseignants) utilisant la future offre éducative du service public (Lumni). Eventuellement la part des jeunes en âge d'être scolarisés qui l'utilisent (couverture)

Indicateur à construire en lien avec FTV et l'INA qui pilotent ce projet

 

 

 

 


Tableau synoptique des consultations

Article

Objet de l’article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1er

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

2

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

3

Extension du régime de contribution à la production d’œuvres aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande étrangers visant la France

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

4

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

5

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

6

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

7

Respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

8

Placement de produit : transposition de la directive « Services de médias audiovisuels »

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

9

Autorisation de la publicité télévisée sur écran partagé

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

10

Autorisation d’une troisième interruption publicitaire des œuvres

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

11

Suppression de l’encadrement de la grille horaire de diffusion par les services de télévision des films de cinéma

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

12

Modernisation de la télévision numérique terrestre (ultra-haute définition) : autorisations expérimentales

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

13

Modernisation de la télévision numérique terrestre (ultra-haute définition) : extension du droit de priorité

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

14

Modernisation de la télévision numérique terrestre (ultra-haute définition) : extension des obligations de reprises

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

15

Obligations progressives de compatibilité pesant des matériels de réception (téléviseurs et adaptateurs) aux normes de l’ultra-haute définition et des récepteurs de radio à la radio numérique terrestre (RNT)

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

16

Transposition en droit interne de l’article 17 de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

17

Transposition en droit interne de l’article 17 de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

18

Principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

19

 

Obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des auteurs – Droit de révocation au profit des auteurs en cas de non exploitation de l’œuvre – Inopposabilité des clauses contraires à ces dispositions protectrices des auteurs.

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

20

Consécration du principe d’une rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

21

Obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des artistes-interprètes – Principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat – Droit de révocation au profit des artistes-interprètes en cas de non exploitation de l’interprétation

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique

22

Fusion du CSA-HADOPI au sein de l’ARCOM et évolution des missions de l’ARCOM

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

23

Lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

24

Evolution des missions de l’ARCOM

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

25

Evolution des missions de l’ARCOM

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

26

Evolution des missions de l’ARCOM

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

27

Renvoi au code de la propriété intellectuelle pour les missions aujourd’hui dévolues à la HADOPI qui seront exercées par l’ARCOM - Complément aux missions de l’ARCOM en matière de respect de la propriété littéraire et artistique

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

28

Rapport annuel de l’ARCOM

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

29

Modification de la composition du collège de l’ARCOM

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

30

Modification de la composition du collège de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

31

Instauration d’une instance commune de règlement des différends à l’ARCOM et l’ARCEP

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

32

Instauration d’une instance commune de règlement des différends à l’ARCOM et l’ARCEP

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

33

Instauration d’une instance commune de règlement des différends à l’ARCOM et l’ARCEP

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

34

Statut des membres de l’ARCOM : coordination

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

35

Relations entre l’ARCOM et l’Autorité de la concurrence : inopposabilité du secret des affaires dans le cadre de leurs échanges

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

36

Pôle d’expertise numérique et communication de données des autorités administratives indépendantes intervenant dans la régulation numérique en faveur de ce pôle d’expertise

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

37

Elargissement des missions de l’ARCOM et de son pouvoir de conciliation

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

38

Actualisation de l’action internationale de l’ARCOM : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

39

Modernisation de la procédure de règlement des différends devant l’ARCOM

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

40

Renforcement des pouvoirs de contrôle et d’enquête de l’ARCOM

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

41

Nouvelle mission de l’ARCOM en matière de protection de l’intégrité du signal

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

42

Modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre : procédure encadrant la réalisation de l’étude d’impact

 

 

43

Modernisation du dispositif de publication des sanctions prononcées par l’ARCOM

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

44

Caducité quinquennale des mises en demeure prononcées par l’ARCOM et rapporteur indépendant

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

45

Sanctions prononcées par l’ARCOM : coordination

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

46

Détermination des critères d’établissement en France des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

47

Procédure d’entrave à la retransmission des services de télévision et des services de médias audiovisuels à la demande établis dans un autre Etat membre de l’UE : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

48

Recensement des services relevant de la compétence de la France

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

49

Relations entre l’ARCOM et l’administration fiscale

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

50

Définition des plateformes de partage de vidéos : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

51

Extension du pouvoir de règlement des différends de l’ARCOM aux plateformes de partage de vidéos

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

52

Plateformes en ligne : reprise des dispositions de l’article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986

Plateformes de partage de vidéos : critères d’assujettissement à la loi française et instauration d’un régime de co-régulation

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

53

Article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986 : coordination

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

54

Code de bonne conduite en matière de publicité alimentaire : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

55

Accessibilité des personnes handicapées : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

56

Accessibilité des personnes en situation de handicap : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

57

Protection des publics et des mineurs : transposition de la directive SMA

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

58

Renforcement des règles de transparence sur l’identité des éditeurs de services : transposition de la directive SMA

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

59

Transformation de l’audiovisuel public à l’ère numérique

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

60

Modifications du livre IV du code de commerce destinées à simplifier les procédures devant l’Autorité de la concurrence et à en accroître l’efficacité

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

61

Habilitation donnée au Gouvernement de mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

62

Modifications du code du cinéma et de l’image animée

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

63

Clarification et codification par ordonnances de la loi du 30 septembre 1986

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

64

Transposition par ordonnance de la directive établissant le code des communications électroniques européen

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

 

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

65

Clarification et codification par ordonnances de la loi

 

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

66

Modification de la dénomination du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui devient l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) - Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

67

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

68

Abrogation de l’article 14 de la loi du 13 octobre 2014

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

69

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

70

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

71

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

72

Disposition diverse - application dans le temps des articles 16, 17, 19 et 21

 

 

73

Disposition transitoire pour la mise en œuvre de la fusion entre le CSA et la HADOPI

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

74

Disposition transitoire pour la mise en œuvre de la modification de la composition du collège de l’ARCOM

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

75

Disposition transitoire pour la mise en œuvre de la modification de la composition du collège de l’ARCEP

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

76

Disposition transitoire pour la conclusion des conventions conclues entre l’ARCOM et les services de médias audiovisuels à la demande

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

77

Dispositions transitoires nécessaires pour la transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

78

Dispositions transitoires nécessaires pour la mise en place de la nouvelle organisation de l’audiovisuel public

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

79

Dispositions transitoires nécessaires pour la première désignation des membres du conseil d’administration de France Médias

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

80

Dispositions transitoires nécessaires pour assurer la transition entre l’ancienne et la nouvelle composition des conseils d’administration des entreprises de l’audiovisuel public et pour régler le sort des présidents de ces entités

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

81

Dispositions transitoires nécessaires pour la mise en place des nouvelles modalités de répartition de la contribution à l’audiovisuel public

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

82

Dispositif d’application en outre-mer

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Commission nationale de l’informatique et des libertés

Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

 


Tableau synoptique des mesures d’application

Article

Objet de l’article

Textes d’application

Administration compétente

1er

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

2

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

3

Extension du régime de contribution à la production d’œuvres aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande étrangers visant la France

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

4

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

 

 

5

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

Décret

Ministère de la culture (DGMIC)

6

Réforme du régime de contribution à la production d’œuvres applicable aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande

 

 

7

Respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (CNC)

8

Placement de produit : transposition de la directive « Services de médias audiovisuels »

 

 

9

Autorisation de la publicité télévisée sur écran partagé

 Décret

 Ministère de la culture

10

Autorisation d’une troisième interruption publicitaire des œuvres

 

 

11

Suppression de l’encadrement de la grille horaire de diffusion par les services de télévision des films de cinéma

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

 

12

Modernisation de la télévision numérique terrestre (ultra-haute définition) : autorisations expérimentales

 

 

13

Modernisation de la télévision numérique terrestre (ultra-haute définition) : extension du droit de priorité

 

 

14

Modernisation de la télévision numérique terrestre (ultra-haute définition) : extension des obligations de reprises

 

 

15

Obligations progressives de compatibilité pesant des matériels de réception (téléviseurs et adaptateurs) aux normes de l’ultra-haute définition et des récepteurs de radio à la radio numérique terrestre (RNT)

 

 

16

Transposition en droit interne de l’article 17 de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (SG)

17

Transposition en droit interne de l’article 17 de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

 

 

18

Principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat

 

 

19

Obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des auteurs – Droit de révocation au profit des auteurs en cas de non exploitation de l’œuvre – Inopposabilité des clauses contraires à ces dispositions protectrices des auteurs.

Arrêtés d’extension d’accord

Ou décrets en Conseil d’Etat à défaut d’accord à l’issue d’un délai de 12 mois

 

Ministère de la culture (SG)

20

Consécration du principe d’une rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes

 

 

21

Obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des artistes-interprètes – Principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat – Droit de révocation au profit des artistes-interprètes en cas de non exploitation de l’interprétation

Arrêtés d’extension d’accord

Ou décrets en Conseil d’Etat à défaut d’accord à l’issue d’un délai de 12 mois

 

Ministère de la culture (SG)

22

Fusion du CSA-HADOPI au sein de l’ARCOM et évolution des missions de l’ARCOM

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (SG)

23

Lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

 

 

24

Evolution des missions de l’ARCOM

 

 

25

Evolution des missions de l’ARCOM

 

 

26

Evolution des missions de l’ARCOM

 

 

27

Renvoi au code de la propriété intellectuelle pour les missions aujourd’hui dévolues à la HADOPI qui seront exercées par l’ARCOM - Complément aux missions de l’ARCOM en matière de respect de la propriété littéraire et artistique

 

 

28

Rapport annuel de l’ARCOM

 

 

29

Modification de la composition du collège de l’ARCOM

Décret du Président de la République

Présidence de la République

30

Modification de la composition du collège de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

 

 

31

Instauration d’une instance commune de règlement des différends à l’ARCOM et l’ARCEP

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

Ministère de l’économie et des finances (DGE)

32

Instauration d’une instance commune de règlement des différends à l’ARCOM et l’ARCEP

 

 

33

Instauration d’une instance commune de règlement des différends à l’ARCOM et l’ARCEP

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

Ministère de l’économie et des finances (DGE)

34

Statut des membres de l’ARCOM : coordination

 

 

35

Relations entre l’ARCOM et l’Autorité de la concurrence : inopposabilité du secret des affaires dans le cadre de leurs échanges

 

 

36

Pôle d’expertise numérique et communication de données des autorités administratives indépendantes intervenant dans la régulation numérique en faveur de ce pôle d’expertise

Décrets en Conseil d’Etat

Ministère de l’économie et des finances (DGE)

37

Elargissement des missions de l’ARCOM et de son pouvoir de conciliation

 

 

38

Actualisation de l’action internationale de l’ARCOM : transposition de la directive SMA

 

 

39

Modernisation de la procédure de règlement des différends devant l’ARCOM

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

 

40

Renforcement des pouvoirs de contrôle et d’enquête de l’ARCOM

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

 

41

Nouvelle mission de l’ARCOM en matière de protection de l’intégrité du signal

 

 

42

Modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre : procédure encadrant la réalisation de l’étude d’impact

 

 

43

Modernisation du dispositif de publication des sanctions prononcées par l’ARCOM

 

 

44

Caducité quinquennale des mises en demeure prononcées par l’ARCOM et rapporteur indépendant

 

 

45

Sanctions prononcées par l’ARCOM : coordination

 

 

46

Détermination des critères d’établissement en France des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande : transposition de la directive SMA

 

 

47

Procédure d’entrave à la retransmission des services de télévision et des services de médias audiovisuels à la demande établis dans un autre Etat membre de l’UE : transposition de la directive SMA

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

48

Recensement des services relevant de la compétence de la France

 

 

49

Relations entre l’ARCOM et l’administration fiscale

 

 

50

Définition des plateformes de partage de vidéos : transposition de la directive SMA

 

 

51

Extension du pouvoir de règlement des différends de l’ARCOM aux plateformes de partage de vidéos

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

52

Plateformes en ligne : reprise des dispositions de l’article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986

Plateformes de partage de vidéos : critères d’assujettissement à la loi française et instauration d’un régime de co-régulation

 

 

53

Article 17-2 de la loi du 30 septembre 1986 : coordination

 

 

54

Code de bonne conduite en matière de publicité alimentaire : transposition de la directive SMA

 

 

55

Accessibilité des personnes handicapées : transposition de la directive SMA

 

 

56

Accessibilité des personnes en situation de handicap : transposition de la directive SMA

Décret en Conseil d’Etat

Ministère de la culture (DGMIC)

57

Protection des publics et des mineurs : transposition de la directive SMA

 

 

58

Renforcement des règles de transparence sur l’identité des éditeurs de services : transposition de la directive SMA

 

 

59

Transformation de l’audiovisuel public à l’ère numérique

Cahiers des charges des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel approuvés par décret

Statuts des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel approuvés par décret

Commissaires du Gouvernement désignés par décret auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel

Décrets de nomination du représentant de l’Etat et des membres du conseil d’administration de France Médias nommés dans les conditions du II de l’article 6 de l’ordonnance du 20 août 2014

Décrets de nomination des personnalités indépendantes siégeant au conseil d’administration de France Médias nommées après avis conforme de l’ARCOM

Décrets de nomination du représentant de l’Etat et du membre des conseils d’administration de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel nommés dans les conditions du II de l’article 6 de l’ordonnance du 20 août 2014

Décret du Président de la République de nomination du président-directeur général de France Médias

Ministère de la culture (DGMIC)

 

 

Ministère de la culture (DGMIC) et Ministère de l’économie (APE)

 

Ministère de l’économie (APE)

 

 

Ministère de l’économie (APE)

 

 

 

Ministère de la culture (DGMIC)

 

Ministère de l’économie (APE)

 

 

 

 

Présidence de la République

 

60

Modifications du livre IV du code de commerce destinées à simplifier les procédures devant l’Autorité de la concurrence et à en accroître l’efficacité

 

 

61

Habilitation donnée au Gouvernement de mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence

Ordonnance

Ministère de l’économie et des finances (DGCCRF)

62

Modifications du code du cinéma et de l’image animée

 

 

63

Clarification et codification par ordonnances de la loi du 30 septembre 1986

Ordonnance tendant à clarifier la loi du 30 septembre 1986

Ordonnance de codification de la loi du 30 septembre 1986

Ministère de la culture (DGMIC)

64

Transposition par ordonnance de la directive établissant le code des communications électroniques européen

Ordonnance

Ministère de l’économie et des finances (DGE)

65

Clarification et codification par ordonnances de la loi

Ordonnance

Ministère de la culture (SG)

66

Modification de la dénomination du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui devient l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) - Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

 

 

67

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

 

 

68

Abrogation de l’article 14 de la loi du 13 octobre 2014

 

 

69

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

 

 

70

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

 

 

71

Conséquences sémantiques et légistiques de la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relatif au secteur public de la communication audiovisuelle

 

 

72

Disposition diverse -application dans le temps des articles 16, 17, 19 et 21

 

 

73

Disposition transitoire pour la mise en œuvre de la fusion entre le CSA et la HADOPI

 

 

74

Disposition transitoire pour la mise en œuvre de la modification de la composition du collège de l’ARCOM

 

 

75

Disposition transitoire pour la mise en œuvre de la modification de la composition du collège de l’ARCEP

 

 

76

Disposition transitoire pour la conclusion des conventions conclues entre l’ARCOM et les services de médias audiovisuels à la demande

 

 

77

Dispositions transitoires nécessaires pour la transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Décret

Ministère de la culture (DGMIC)

78

Dispositions transitoires nécessaires pour la mise en place de la nouvelle organisation de l’audiovisuel public

Décret

Ministère de la culture (DGMIC)

Ministère de l’économie et des finances (DGE)

79

Dispositions transitoires nécessaires pour la première désignation des membres du conseil d’administration de France Médias

 

 

80

Dispositions transitoires nécessaires pour assurer la transition entre l’ancienne et la nouvelle composition des conseils d’administration des entreprises de l’audiovisuel public et pour régler le sort des présidents de ces entités

 

 

81

Dispositions transitoires nécessaires pour la mise en place des nouvelles modalités de répartition de la contribution à l’audiovisuel public

 

 

82

Dispositif d’application en outre-mer

 

 

 


Titre Ier – DEVELOPPEMENT ET DIVERSITE DE LA CREATION ET DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Articles 1, 2, 4, 5 et 76 : réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production d’œuvres

 

1.     État des lieux

1.1.    Etat du droit

Par application du 3° de l'article 27, du 6° de l'article 33 et du 3° de l’article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande sont tenus de contribuer au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

L’article 27 de la loi renvoie à un décret le soin de fixer « la contribution des éditeurs de services au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles »

L’article 33 comporte des « dispositions miroir » de celles de l’article 27, s’agissant des services distribués sur les autres réseaux de communications électroniques.

Les articles 71 et 71-1 de la loi, respectivement pour les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, posent les critères permettant aux éditeurs de prendre en compte une œuvre au titre de la production indépendante et renvoient aux décrets prévus aux articles 27 et 33 le soin de préciser ces critères.

Cette contribution est fixée en pourcentage du chiffre d’affaires de l’éditeur de service. Ces investissements de la part des diffuseurs reposent notamment sur un principe de liberté et de choix des œuvres qu’ils souhaitent financer en fonction de leur ligne éditoriale et des objectifs de diversification des investissements des chaînes publiques contenus dans leur contrat d'objectifs et de moyens. En 2017, l’investissement de l’ensemble des services à la production audiovisuelle et cinématographique est stable par rapport à 2016 et s’élève à 1 234,7 Md€. L’investissement du groupe France Télévisions représente 38,1 % du total, suivi des groupes Canal+ (22,8 %), TF1 (17,3 %) et M6 (11,1 %).

Trois décrets ont été ainsi adoptés en 2010 :

-          le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 pris sur le fondement de l’article 27 de la loi,pour les services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre[1],

-          le décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 pris sur le fondement de l’article 33 de la loi,pour les services utilisant d’autres modes de diffusion que la voie hertzienne terrestre : câble, satellite, ADSL, etc.[2],

-          le décret n°2010-1379 du 12 novembre 2010 pris sur le fondement de l’article 33-2 de la loi, pour les services de médias audiovisuels à la demande.

Les critères selon lesquels une œuvre sera retenue au titre de la production indépendante recouvrent la limitation de détention capitalistique entre l’éditeur et le producteur, la durée de détention des droits de diffusion acquis par l’éditeur sur l’œuvre, la nature et l’étendue de la responsabilité de l’éditeur dans la production de l’œuvre[3], l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation de l’œuvre détenus par l’éditeur et, spécifiquement pour les œuvres audiovisuelles, l’absence de détention de parts de coproduction par l’éditeur sauf s’il a financé une part substantielle de l’œuvre (le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d'œuvres audiovisuelles des services de télévision a fixé cette part à 70 % avec possibilité de descendre à 60 % dans certains cas).

L’article 28 de la loi prévoit que la convention conclue entre l’éditeur de service diffusé par voie hertzienne terrestre et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) porte notamment sur les « modalités permettant d'assurer la contribution au développement de la production d'œuvres audiovisuelles en tenant compte des accords conclus entre l'éditeur de services et une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie audiovisuelle, s'agissant notamment de la durée des droits. » La loi permet ainsi que la convention soit le réceptacle des stipulations des accords, sur la base des décrets précités. L’article 33-1 reprend ces dispositions « en miroir » s’agissant des services distribués sur les autres réseaux de communications électroniques. Ce même article prévoit que les SMAD[4] sont soumis, non pas à conventionnement avec le CSA, mais à une simple déclaration préalable auprès de cette instance. Il n’y a donc pas pour ces services de possibilité de reprise dans une convention conclue avec le CSA d’éventuelles stipulations d’accords conclus entre le service et les organisations de producteurs.

1.2.    Cadre actuel

Les éditeurs de services de médias audiovisuels opèrent sur un marché en profonde mutation qui les soumet à des contraintes fortes à la fois sur le plan économique et concurrentiel.

Ainsi, ils sont particulièrement concurrencés par les acteurs du numérique sur le terrain des recettes publicitaires. En effet, dans une récente étude le cabinet Boston Consulting Group envisageait que la part des recettes publicitaires numériques (dont bénéficient majoritairement ces acteurs) puisse passer de 36% en 2017 (soit 4,1 Md€) à 49% en 2022 (soit 6,5 Md€) dans le total des recettes publicitaires en France. En parallèle, la part des recettes de la télévision pourrait passer de 29% en 2017 (soit 3,29 Md€) à 25% en 2022 (soit 3,39 Md€).

De la même manière, ils sont confrontés à la croissance des acteurs dont les services sont directement accessibles sur Internet. A ce sujet, le rapport de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique présenté par la députée Aurore Bergé en octobre 2018 citait une étude du cabinet Roland Berger estimant que la part de la consommation de contenus sur ces services (ou sur les services dits « over the top » ou OTT[5]) aura potentiellement été multipliée par cinq entre 2000 et 2020 et qu’elle pourrait de fait atteindre un tiers des heures consacrées à la consommation de vidéos dès l’an prochain. Par ailleurs, l’Autorité de la Concurrence rappelait dans son avis du 21 février 2019 la croissance fulgurante du marché des services de vidéos à la demande par abonnement, qui sont une sous-catégorie des services OTT, et dont le chiffre d’affaires est estimé à 453 M€ en 2018, soit +82% par rapport à 2017.

Le déploiement de ces offres a des conséquences sur la valeur des contenus des services existants. A ce titre, l’Autorité de la concurrence soulignait que les offres en OTT, comme celle de Netflix, ont considérablement réduit le pouvoir de « verrouillage des FAI sur les contenus » les obligeant ainsi à favoriser l’accès des consommateurs à des offres concurrentes des leurs. Par ailleurs, prenant en exemple le cas nord-américain, l’Autorité de la concurrence expliquait que les stratégies d’acquisition des programmes déployées par les plateformes réduisent le volume des droits les plus attractifs disponibles sur le marché des achats et incitent les studios intégrés à se déployer vers l’aval en proposant leur propre plateforme de vidéo à la demande par abonnement (VàDA). La généralisation de ces stratégies de croissance pourrait menacer « la sécurisation des approvisionnements des éditeurs de services linéaires et non linéaires étrangers qui s’approvisionnaient auprès d’eux » (ex : le catalogue de Disney/Fox représenterait 40 à 50 % de l’approvisionnement de Canal+).

Face à ce nouvel écosystème concurrentiel complexe, les éditeurs de services linéaires ont cherché à diversifier leurs activités afin de mieux maîtriser la chaîne des droits des contenus au travers d’opérations de concentration verticale. Ainsi ces groupes, construits initialement sur des modèles destinés à la diffusion, intègrent davantage les fonctions de production et de distribution des contenus. Parmi les opérations les plus marquantes de ces dernières années figure l’acquisition par TF1 du groupe de production Newen, autorisée par l’Autorité de la concurrence le 21 janvier 2016.

Afin de prendre en compte les évolutions du modèle économique de ces groupes, différentes réformes ont été mise en œuvre dès 2013 pour permettre aux diffuseurs de bénéficier de plus de droits sur les œuvres financées (i.e. dispositif découlant de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et permettant aux diffuseurs de bénéficier de parts de coproduction sur les œuvres indépendantes dès lors qu’ils en financent une part substantielle). Par la suite, en 2015, les accords conclus en matière audiovisuelle entre les producteurs et certains éditeurs (France Télévisions, TF1 et M6) ont été modifiés afin de permettre à la fois une internalisation de la production des œuvres par les groupes de chaînes et une meilleure adaptation des droits acquis sur les différents supports numériques. Parallèlement à la rédaction des rapports et avis précités, TF1 et France Télévisions menaient des discussions avec l’ensemble des syndicats de producteurs audiovisuels, qui ont abouti à la signature de nouveaux accords respectivement en septembre et décembre 2018. Au titre de ces accords, plusieurs avancées ont été observées : les deux groupes ont vu leur taux de production dépendante augmenter de façon importante ; France Télévisions a bénéficié de durées de droits plus longues pour l’exploitation des œuvres sur les plateformes numériques et d’un meilleur partage des recettes.

Le recours aux accords interprofessionnels semble ainsi refléter la volonté des acteurs de passer par la voie contractuelle, plus adaptée aux configurations particulières, pour aligner rapidement les règles sur la pratique (les accords conclus ces dernières années l’ont été sur des périodes allant de 3 à 6 mois). Transposés en partie dans les décrets, ils viennent atténuer l’intérêt d’une modification substantielle de la loi.

1.3.    Cadre européen

Les services de télévision sont soumis depuis 1989[6] à des obligations en matière de promotion des œuvres européennes. L’article 5 de la directive de 1989 « Télévision sans frontières » dite « TVSF » précisent que les Etats membres sont tenus de veiller à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle consacrent 10 % au moins de leur temps d’antenne ou 10 % au moins de leur budget de programmation à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants d’organismes de radiodiffusion télévisuelle.

Ni cet article ni les considérants correspondants n’ont été modifiés lors des révisions de 1997, 2007, lorsque la directive TVSF a été rebaptisée directive SMA et 2018. Seules les numérotations ont été modifiées.

L'article 17 (ancien article 5 de la directive TVSF) de la directive SMA impose aux services de télévision de réserver 10 % au moins de leur temps d’antenne, à l’exclusion du temps consacré aux actualités, à des événements sportifs, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat, ou, à la discrétion de l’Etat membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des œuvres européennes créées par des producteurs indépendants de tout radiodiffuseur. Il convient que cette proportion soit progressivement obtenue sur la base de critères appropriés et elle devra être atteinte en réservant une proportion adéquate à des œuvres récentes, c'est-à-dire des œuvres diffusés pendant une période de cinq ans après leur production.

1.4.    Éléments de droit comparé

Après l'adoption de la directive SMA, le premier rapport relatif à la promotion des œuvres européennes sur les services télévisuels et à la demande de l'Union européenne pour la période 2009-2010[7] publié en 2012, indiquait que, même si la part des œuvres européennes indépendantes diffusées dans l'Union européenne était bien supérieure au quota de 10 % énoncé à l’article 17 de la Directive SMA (avec en moyenne 34,1 % en 2009 et 33,8 % en 2010), la part réservée aux œuvres indépendantes avait néanmoins connu une baisse modérée mais constante depuis 2006. Les œuvres récentes avaient également connu une légère baisse, avec respectivement 62,1 % en 2009 et 61,8 % en 2010 pour le nombre total des œuvres indépendantes européennes. C’est la raison pour laquelle la Commission avait invité les Etats membres à réfléchir aux moyens de renverser cette tendance afin de soutenir le secteur de la production indépendante européenne.

Dans le dernier rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel[8], un panel complet des régimes observés en Europe révèle que la législation de l’immense majorité des pays donne une définition des « œuvres européennes ». Cette définition est plus ou moins harmonisée dans la mesure où elle est énoncée par la directive SMA, bien que les Etats conservent la possibilité de l’adapter. La définition de la notion de « production indépendante » est en revanche bien moins fréquente : dans 23 pays sur 31 (UE28, Islande, Norvège et Suisse), à l'exception de l'Autriche,de la Suisse,de Chypre, de l'Allemagne, du Danemark, de la Grèce, de la Pologne et de la Suède. Des obligations d'investissement spécifiques en faveur de la production indépendante sont imposées dans près de la moitié des pays aux radiodiffuseurs de service public et sont généralement plus élevées que celles imposées aux radiodiffuseurs privés, lorsque ces derniers y sont soumis. Dans quelques cas, comme en Bulgarie, dans la Communauté flamande de Belgique, en Lettonie, aux Pays-Bas, en Pologne et en Slovénie  seuls les radiodiffuseurs publics sont soumis à des obligations d'investissement financier. Seuls quatre pays imposent des obligations financières auxquelles les radiodiffuseurs aussi bien publics que privés sont tenus de se conformer ; il s’agit de l’Espagne, de la France, de la Grèce et de l’Italie. La cartographie des règles nationales pour la promotion des œuvres européennes, publiée également par l’Observatoire en 2019, montre que parmi ces pays, l’Italie et la France ont imposé les plus hauts niveaux de contribution à la fois en faveur de la production cinématographique et de la production audiovisuelle. S’agissant du financement de la création, dont l’investissement dans la production indépendante, l’Observatoire européen de l’audiovisuel a publié deux cartes permettant d’identifier rapidement les obligations auxquelles sont assujettis les services publics et privés dans les principaux pays européens :

 

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Comme expliqué précédemment, il apparaît nécessaire, au regard des transformations que le secteur a connu ces dernières années, de réformer le cadre de la contribution des éditeurs à la création tout en préservant la production indépendante audiovisuelle et cinématographique.

Aujourd’hui, le paysage audiovisuel français s’est reconfiguré de façon substantielle, sous l’effet conjugué de la modification de l’environnement concurrentiel et de l’accélération de la transformation du modèle économique des chaînes.

En effet, sur le plan de la concurrence, le rapport de la mission d’information d’Aurore Bergé, estimait que les chaînes de télévision « subissent aujourd’hui un triple handicap », lié premièrement à l’installation d’acteurs étrangers sur le marché local, en particulier les acteurs du numérique comme Google, Facebook ou Amazon, qui captent une part majoritaire des revenus publicitaires.

En outre, les éditeurs de services linéaires sont concurrencés sur le terrain de la production et de l’acquisition de contenus par des services non linéaires, accessibles directement sur Internet, et dont les capacités de financement sont « sans commune mesure avec celles des éditeurs français » : alors que Netflix aurait investi 12 Md$ dans le monde en 2018, l’ensemble des contributions des éditeurs français s’élevait à environ 1,2 Md€ en 2017 : l’investissement du groupe France Télévisions représente 38,1 %  de ce total, suivi des groupes Canal+ (22,8 %), TF1 (17,3 %) et M6 (11,1 %).

Enfin, sur le plan juridique, tous les rapports insistent sur les conséquences négatives de l’asymétrie de réglementation entre les acteurs linéaires nationaux et ces services numériques étrangers, et la nécessité de réformer le cadre normatif perçu comme inadapté dans un environnement numérique et globalisé car conçu « à l’ère pré-numérique, pour un marché fermé, de dimension nationale »[9].

L’Autorité de la concurrence soulignait également que ces éditeurs étaient confrontés à des plateformes étrangères dont les pratiques les rendent plus compétitives : intensification de leur volume d’investissements financé par l’endettement, achat de droits plus étendus, exclusifs et multi-territoriaux ; pratiques de prix agressives ; accès privilégié aux talents internationaux et au marché des contenus « premium » ou stratégie inflationniste sur le marché de l’acquisition des droits sportifs, etc. Ces services détiennent de fait des parts de marché considérables et attirent toujours plus de consommateurs. Alors que ce marché pourrait constituer un levier de croissance, l’Autorité de la concurrence estimait que le développement des offres non linéaires faisait perdre « l’exclusivité de la diffusion de contenus vidéos » aux éditeurs de chaîne. Une exclusivité des droits pour les éditeurs de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) dévalue en effet l’abonnement à une chaîne payante et affaiblit l’attractivité des offres de télévision proposées par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI).

 Prenant comme postulat que les éléments de différentiation qualitatifs entre offres de télévision payante et offres de VàDA en matière de contenus « tendent à s’estomper », l’Autorité de la concurrence rappelait enfin la nécessité que l’ensemble des opérateurs se trouvent « sur un pied d’égalité ».

2.2.    Objectifs poursuivis

Les mesures proposées visent à permettre aux éditeurs de services français de bénéficier d’une certaine souplesse dans la mise en œuvre de leurs obligations, tout en assurant un équilibre des obligations de l’ensemble des acteurs de la chaine des contenus.

Cette réforme doit permettre d’adapter les outils de notre politique publique pour répondre à trois grands enjeux culturels et industriels à l’ère numérique.

(i) Fixer un cadre permettant d’imposer le respect de notre modèle de financement de la création cinématographique et audiovisuelle aux acteurs étrangers qui ciblent la France et de les y faire contribuer.

Ce cadre doit être autant que possible harmonisé entre services linéaires et non linéaires, établis en France ou à l’étranger, gratuits ou payants, pour l’investissement dans la production cinématographique comme audiovisuelle. C’est une question d’équité concurrentielle autant que de développement du secteur français de la production.

(ii) Préserver le modèle de la production indépendante, reconnu par tous comme un élément essentiel pour assurer le dynamisme et la diversité de la création ; il s’agit également de préserver le « droit d’auteur à la française » qui protège les créateurs ; de conforter notre modèle de production déléguée, par opposition au modèle américain de production exécutive ainsi que le principe du préfinancement, qui permet une meilleure répartition de la prise de risque en amont de la réalisation des œuvres. A ce titre, il a été décidé  de préciser la notion de production déléguée au sein des critères définissant l’indépendance de la production afin de renforcer les obligations qui s’appliqueront demain notamment aux plateformes étrangères.

(iii) Permettre aux chaînes de télévision de mieux valoriser leurs investissements dans la création, chacune selon son propre modèle éditorial et stratégique ; c’est une condition du dynamisme de ces investissements.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

3.1.1.   Option écartée n° 1 : limitation de la définition de l’indépendance aux seuls liens capitalistiques

Les critères de la production indépendante sont déterminés, respectivement pour les œuvres cinématographiques et les œuvres audiovisuelles par les article 71 et 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui renvoie à des décrets le soin de les préciser.

En matière cinématographique, ces critères se fondent sur l’étendue des droits détenus par l’éditeur (durée, droits secondaires et mandats de commercialisation, responsabilité dans la production) et les relations entre l’éditeur et le producteur (limitation de détention du capital et du volume d’affaires).

En matière audiovisuelle, les critères ont régulièrement évolué. En 2009, les conditions d’indépendance ont été assouplies : ne figurait plus qu’un critère de contrôle capitalistique du producteur par l’éditeur et la prohibition des parts de coproduction ; en 2013, la faculté de détenir des parts de coproduction a été réintroduite pour les œuvres pour lesquelles l’éditeur apporte un financement substantiel et sous réserve d’un encadrement de la détention par l’éditeur des droits secondaires et des mandats de commercialisation. Le niveau de l’apport substantiel de financement de l’éditeur (60 ou 70 % du devis) et l’encadrement des mandats et droits secondaires ont été fixés par décret en 2015.

L’option consistant à définir la production indépendante par le seul critère de détention capitalistique n’a pas été retenue.

En effet, ce critère ne peut permettre à lui seul de déterminer la dépendance d’un producteur à l’égard d’un éditeur. Selon le CSA[10], en 2017 le premier critère de dépendance était celui de l’acquisition de droits ne remplissant les conditions d’indépendance fixées dans les accords interprofessionnels : sur 188 M€ déclarés par les chaînes en production inédite dépendante en 2017, les œuvres dépendantes du fait de ce critère ont représenté au total 114 M€ en 2017 (soit environ 60 % du total), cumulées le cas échéant aux deux autres critères de dépendance (détention capitalistique et investissements en parts de producteur).

De fait, opter pour une définition sur un critère unique pourrait affaiblir la production indépendante, qui joue un rôle considérable dans la promotion de la diversité culturelle. Les politiques culturelles françaises, dont l’objectif est de garantir au public un accès à la diversité de la création, ont toujours considéré que l’indépendance de l’auteur vis-à-vis du producteur (l’auteur n’a juridiquement pas de lien de subordination avec le producteur) et du producteur vis-à-vis du diffuseur ou de l’exploitant, protégeait la diversité de la création. Cette importance accordée à l’indépendance est également reconnue, au-delà du socle de la directive SMA, par la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles[11], qui établit qu’en vertu des droits des Parties au niveau national, chaque Partie peut « adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire », parmi lesquelles figurent notamment « les mesures qui visent à fournir aux industries culturelles nationales indépendantes et aux activités du secteur informel un accès véritable aux moyens de production, de diffusion et de distribution d’activités, biens et services culturels » (article 6, alinéa 2(c)).

Permettre aux producteurs de conserver la majeure partie des droits d’exploitation et les mandats de commercialisation sur les œuvres indépendantes leur permet de générer des recettes d’exploitation par la revente des œuvres à des tiers, assurant ainsi leur circulation en France et à l’étranger. Ces recettes sont ensuite réinvesties dans le développement de nouvelles œuvres et de fait, dans la rémunération des créateurs.

De la même manière, assurer aux producteurs que le statut de producteur délégué, garant de la bonne fin des œuvres, sera préservé voire renforcé ou encouragé dans leurs relations avec les éditeurs est un gage de respect du droit de propriété intellectuelle, que les pratiques contractuelles peuvent parfois affaiblir. Enfin, laisser l’initiative du choix artistique aux seuls éditeurs, qui sont par nature plutôt averses à la prise de risque, en privant le producteur de son rôle en la matière, pourrait freiner le renouvellement et l’innovation en matière de création.

Pour toutes ces raisons, il est proposé de maintenir l’ensemble des critères essentiels définissant la production indépendante dans la loi.

3.1.2.   Option écartée n° 2 : renforcement du socle normatif

La majorité des parties prenantes à la concertation menée à l’été 2019 a fait valoir l’intérêt de concevoir un cadre plus souple s’agissant des relations entre éditeurs et producteurs, au regard des modifications substantielles que le secteur connaît depuis quelques années et des facteurs d’affaiblissement de la position des acteurs historiques sur le marché (particulièrement concurrencés par des acteurs étrangers).

La conclusion d’accords interprofessionnels a permis depuis 2015 de dégager de meilleures marges de manœuvre pour les éditeurs, qui peuvent désormais internaliser une partie importante de leur production et mieux valoriser leurs investissements dans la fiction, tout en préservant les droits des producteurs et distributeurs indépendants. Ces accords prennent ainsi en considération les opérations de concentration observées (TF1/Newen ; Mediawan/Groupe AB ; Vivendi/Banijay, etc.) et qui ont reconfiguré le marché. D’après le CSA, le montant de la production dépendante a été multiplié par 2,5 entre 2013 et 2017 en passant de 79,8 M€ à 197 M€. Entre 2015 et 2017, la part de la production dépendante inédite des chaînes a augmenté de 274 %. A titre d’exemple, les filiales de production de TF1 concentrent en 2018 18,9 % des investissements du groupe (soit environ 28 M€ sur 145 M€ d’investissements en fiction).

L’option consistant à encadrer plus strictement la contribution des éditeurs à la création, dans la loi puis dans les décrets, n’a donc pas été retenue. Une simplification des dispositions de la loi de 1986 créant un mécanisme plus souple, permettant notamment à l’instance de régulation de déterminer les niveaux et modalités adéquats pour chacune des catégories de service et tenant compte des accords interprofessionnels conclus s’est avérée plus adaptée à l’évolution du marché et de ses acteurs.

3.1.3.   Option ecartée n° 3 : fusion des obligations de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique

Le CSA indiquait, à l’occasion de son dernier rapport annuel, qu’en 2017, l’investissement de l’ensemble des services à la production audiovisuelle et cinématographique était stable par rapport à 2016 et s’élevait à 1 234,7 Md€. L’investissement du groupe France Télévisions représentait 38,1% de ce total, suivi des groupes Canal+ (22,8 %), TF1 (17,3 %) et M6 (11,1 %).

Le montant total de la contribution des principaux éditeurs de services au développement de la production audiovisuelle avait ainsi augmenté de 3,5 % entre 2016 et 2017 ; France Télévisions étant toujours le premier financeur de la production audiovisuelle en France avec un investissement en hausse de 4 % par rapport à 2016.

S’agissant de la production cinématographique, Canal+ restait le plus important contributeur avec un investissement à hauteur de 52,5 % (soit 195,1 M€) du montant total de la contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production cinématographique. Sa contribution était toutefois en baisse de 17 % entre 2016 et 2017. De fait, la contribution globale des éditeurs à la production cinématographique était en baisse de 9,4 % entre 2016 et 2017.

Afin de ne pas amplifier ce mouvement de transfert, et parce que la production cinématographique et la production audiovisuelle se trouvent dans des logiques créatives et économiques très différentes (économie de l’offre en cinéma contre économie de la commande en audiovisuel ; rôle majeur de l’exposition en salle pour cinéma), la piste consistant à permettre une fusion de la contribution pesant respectivement sur les œuvres cinématographiques et audiovisuelles n’a pas été retenue.

3.2.    Dispositif retenu

Les ministres de la culture et de l’économie ont confié à deux personnalités qualifiées le soin de mener une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, dont l’Association des producteurs indépendants (API), la Fédération Nationale des Editeurs de Films (anciennement FNDF), la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), la Société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP), le Syndicat des Agences de Presse Audiovisuelles (SATEV), le Syndicat des Entreprises de Distribution de Programmes Audiovisuels (SEDPA), le Syndicat des distributeurs indépendants (SDI), le Syndicat des Distributeurs Indépendants Réunis Européens (DIRE), le Syndicat des producteurs créateurs de programmes audiovisuels (SPECT), le Syndicat des Producteurs de Films d'Animation (SPFA), le Syndicat des producteurs indépendants (SPI), l’Union des producteurs de cinéma (UPC), l’Union Syndicale de la Production Audiovisuelle (USPA), l’Association des chaînes conventionnées éditrices de services (ACCES), ainsi que l’ensemble des éditeurs de services linéaires et non linéaires. Ces discussions ont inspiré pour une part les propositions de modifications de la loi présentées ici.

Il est ainsi proposé de simplifier le socle législatif et d’accorder des marges de manœuvre plus grandes aux différents acteurs, afin que le cadre de leurs relations puisse être aménagé plus rapidement et en lien avec les évolutions auxquelles ils doivent faire face. Cette plus grande flexibilité se traduira également par le fait que le décret définira les conditions et limites dans lesquelles des accords peuvent préciser ses modalités d’application et peuvent également, après homologation du ministre chargé de la culture, adapter, dans des conditions équilibrées, les règles qu’il comporte ; la convention entre l’ARCOM et chaque chaîne devra également tenir compte des accords interprofessionnels et devra reprendre les accords homologués par le ministre chargé de la culture.

Les dispositions envisagées vont fixer un cadre permettant d’imposer le respect de notre modèle de financement de la création cinématographique et audiovisuelle aux acteurs étrangers qui ciblent la France et de les y faire contribuer. Ce cadre doit être autant que possible harmonisé entre services linéaires et non linéaires, établis en France ou à l’étranger, gratuits ou payants, pour l’investissement dans la production cinématographique comme audiovisuelle. C’est une question d’équité concurrentielle autant que de développement du secteur français de la production.

Elles visent à préserver le modèle de la production indépendante, reconnu par tous comme un élément essentiel pour assurer le dynamisme et la diversité de la création ; il s’agit également de préserver le « droit d’auteur à la française » qui protège les créateurs ; de conforter notre modèle de production déléguée, par opposition au modèle américain de production exécutive ainsi que le principe du préfinancement, qui permet une meilleure répartition de la prise de risque en amont de la réalisation des œuvres. 

Elles vont permettre aux chaînes de télévision de mieux valoriser leurs investissements dans la création, chacune selon son propre modèle éditorial et stratégique ; c’est une condition du dynamisme de ces investissements.

Dès lors, le dispositif retenu consiste en une simplification du dispositif législatif et réglementaire selon les principes suivants :

-          une simplification du renvoi par la loi au décret pour la définition de la production indépendante (typologie dans la loi des critères qui seront précisés par décret ; un maintien pour la contribution audiovisuelle de l’interdiction de la détention de parts de coproduction, mais une suppression des dérogations à cette interdiction introduites par la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013) ;

-          un renforcement de la négociation conventionnelle, étendue aux SMAD les plus importants, et des pouvoirs de contrôle du régulateur ;

-          une association des représentants des auteurs aux accords conclus entre producteurs et diffuseurs, pour la partie des accords qui affectent directement leurs intérêts ; le décret définira les sujets en cause ;

-          une faculté de mutualisation de la contribution à la production cinématographique pour les groupes éditant plusieurs services.

A cette fin, les éditeurs de services de télévision ou de services de médias audiovisuels à la demande contribuent au développement de la production, notamment de la production indépendante à leur égard, d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes et d’expression originale française.

Un décret en Conseil d’Etat définit : la base et le mode de détermination des obligations de contribution au développement de la production ; les dépenses éligibles ; la contribution minimale consacrée au développement de la production ; la part minimale consacrée au développement de la production indépendante ; la part minimale d’œuvres patrimoniales au sein des œuvres audiovisuelles, la contribution des chaînes terrestres devant, comme aujourd’hui, être entièrement ou de manière significative réalisée avec de telles œuvres ; les conditions dans lesquelles une œuvre peut être prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur de services à la production indépendante. L’indépendance de l’œuvre et de la société qui la produit sera définie en tenant compte :

-          Des liens capitalistiques directs ou indirects entre l’éditeur et le producteur ;

-          De la nature et de l’étendue de la responsabilité du service dans la production de l’œuvre. A ce titre, l’éditeur de services ne pourra pas prendre personnellement ou ne pourra pas partager solidairement l’initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation de l’œuvre audiovisuelle ou cinématographique, et n’en garantira pas la bonne fin ;

-          De la nature et de l’étendue des droits détenus par l’éditeur sur l’œuvre ;

-          Pour les œuvres audiovisuelles, de la détention, directe ou indirecte, par l’éditeur de service de parts de producteur.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) devra s’assurer du respect des droits moraux et patrimoniaux reconnus aux auteurs pour la mise en œuvre de cette contribution. Il est en effet apparu que les pratiques de certains services de vidéo à la demande non établis en France ne respecteraient pas le droit d’auteur français. Dans un tel cas de figure, et lorsqu’elle en sera informée, l’ARCOM ne tiendra pas compte des investissements concernés au titre de la production indépendante.

 

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Cette réforme se traduit par :

- la suppression des 3° et 4° de l’article 27 relatifs à la contribution à la production des services diffusés par voie hertzienne terrestres, des 6° et 7° de l’article 33 pour les services diffusés par d’autres réseaux et du 3° de l’article 33-2 pour les SMAD (transférés à l’article 71) ;

- la modification de la prise en compte par la convention conclue entre l’éditeur et l’ARCOM aux articles 28 et 33-1 des négociations interprofessionnelles entre l’éditeur et les organisations de l’industrie cinématographique et audiovisuelle y compris les auteurs ;

- l’insertion d’un nouvel article 33-3 organisant le régime de conventionnement des services de médias audiovisuels à la demande ;

- la fusion des articles 71 et 71-1 au sein d’un article 71 qui fixe les critères de la contribution à la production notamment indépendante des éditeurs et renvoie à un décret le soin de les préciser.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts macroéconomiques

Les modifications législatives proposées ici ne devraient pas entraîner des impacts directs/quantifiables sur l’économie du secteur de la production audiovisuelle et cinématographique. Les conséquences potentielles seront davantage liées au contenu du décret qui doit préciser les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

Du côté des producteurs de cinéma, les modifications opérées à l’article 71 fusionné ne devraient pas avoir d’impact financier. En effet, si un effort de simplification de la définition de l’indépendance a été consenti, elle n’en est pas pour autant modifiée sur le fond. De la même manière, si les groupes de chaînes de télévision pourront désormais mutualiser les obligations en matière de cinéma de chacun des services qu’ils éditent, le CSA tenant compte dans les conventions des accords avec les organisations du cinéma, cette faculté ne devrait pas entraîner une baisse de l’investissement de ces services. Cette mesure devrait, tout en maintenant le niveau de l’investissement, accorder aux éditeurs des facilités en matière de diffusion des œuvres et d’optimisation des droits dont ils disposent pour chacune de leurs chaînes.

S’agissant des producteurs audiovisuels, la modification opérée aux articles 71 et 71-1, devrait clarifier les principes de détention par les éditeurs des droits sur les œuvres indépendantes. Elle se traduit par la suppression du dispositif introduit en 2013 qui permettait aux éditeurs de détenir des parts de coproduction sur les œuvres indépendantes dès lors qu’ils avaient financé une part substantielle de l’œuvre. La loi renvoyait ensuite au décret le soin de déterminer cette part et l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus par les éditeurs dans ce cas de figure. Cette disposition avait permis aux principaux diffuseurs historiques (TF1, M6 et France Télévisions) de qualifier en coproduction indépendante une part importante des contrats de préachat liés à des œuvres indépendantes sur lesquelles ils ne disposaient pas des mandats de commercialisation (i.e. souvent les fictions récurrentes de première partie de soirée). Les diffuseurs avaient de fait accès à des « couloirs de recettes »[12] destinés aux ayants droit et pouvaient davantage maîtriser la seconde vie de l’œuvre dont ils étaient copropriétaires. Ce dispositif a eu une incidence sur la valorisation des investissements des chaînes : en 2017, la détention de parts de coproduction n’était plus un critère déterminant en matière de dépendance des œuvres, alors qu’elle l’était en 2015. Par conséquent, si la proposition de modification de l’article 71-1 n’entraîne pas d’impact direct sur les politiques de commandes ou les recettes des éditeurs, le décret qui en précisera les modalités pourrait modifier la répartition des droits et des recettes rattachées aux œuvres indépendantes.

De la même manière, la loi prévoit que certains éditeurs peuvent être exonérés de toute contribution, en raison de la faiblesse de leur chiffre d’affaires ou de leur audience, dont les seuils seront fixés par décret.  Cette disposition suppose que l’ensemble des éditeurs, et non plus seulement les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), pourront bénéficier de ces seuils exonératoires. En effet, à ce jour, les SMAD n’atteignant pas 10 millions d’euros de chiffres d’affaires, ne sont pas assujettis à des obligations en matière de contribution à la création. La loi renvoyant au décret le soin de fixer le niveau de chiffre d’affaires opportun, l’impact macroéconomique de cette disposition législative n’est de fait pas quantifiable.

Néanmoins, ces modifications, en ce qu’elles viennent proposer une nouvelle architecture normative, devraient cependant avoir quelques effets indirects sur l’évolution des relations entre les éditeurs de services (linéaires et non linéaires) et leurs fournisseurs, les producteurs.

Les dispositions prévues à l’article 71 devraient particulièrement contraindre les plateformes étrangères. A ce titre, la loi n’exclut pas la possibilité que d’autres critères que celui du chiffre d’affaires soient pris en compte pour la déterminantion des obligations de contribution. Elle permet ainsi d’appréhender l’ensemble de l’activité économique du service concerné. Cette faculté est particulièrement importante dans un secteur où les modèles économiques déployés par les plateformes, ou leurs actionnaires, peuvent ne pas reposer exclusivement sur les revenus tirés de la diffusion de contenus audiovisuels.

Par ailleurs, les modifications envisagées devraient permettre d’imposer un plus grand respect du modèle français de préservation du droit d’auteur (i.e. l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique devra s’assurer du respect des droits moraux et patrimoniaux reconnus aux auteurs pour la mise en œuvre de la contribution à la création) et du droit des producteurs (i.e. le statut du producteur délégué est reconnu comme un critère essentiel de l’indépendance). Ces mesures doivent aider le secteur à se prémunir contre un risque de perte de valeur sur le marché hexagonal. En effet, à ce jour, les plateformes étrangères ont recours aux producteurs indépendants français pour la production d’œuvres inédites françaises sur le mode exclusif du producteur exécutif. Contrairement aux chaînes qui travaillent avec des producteurs qui conservent le statut de producteur délégué, les éditeurs de SMAD étrangers ont bâti en quelques mois un modèle dans lequel les producteurs se retrouvent en situation de simples prestataires de service.

Cette situation pourrait perdurer, les producteurs en retirant à court terme des bénéfices immédiats, et n’étant en tout état de cause pas en capacité de s’y opposer dans la négociation. Néanmoins, cette stratégie les prive de la valeur patrimoniale rattachée aux œuvres sur le long terme. L’espoir d’une rentabilité de court terme qui accompagne les œuvres produites avec ces éditeurs occulte le risque de ces pratiques peu favorables au développement des sociétés de production en France. Le marché des nouveaux éditeurs non-linéaires étrangers est en effet particulièrement attractif pour les producteurs habitués à n’avoir que quelques prescripteurs historiques sur le marché français. Or la détention des droits d’exploitation et des mandats a permis à certaines sociétés de production d’être cotées en bourse, au secteur de l’animation française d’être compétitif sur le plan mondial, et plus globalement à l’industrie de la production audiovisuelle et cinématographique de se constituer un patrimoine, qu’elle peut exploiter en toute liberté et en fonction de la fluctuation de la demande, et d’investir en retour dans la création.

Les dispositions de l’article 71 permettront ainsi que les nouveaux leviers de croissance que constituent de manière objective ces éditeurs non-linéaires étrangers ne viennent brider la localisation et le développement de la valeur des œuvres en France. Par ailleurs, la loi prévoyant les différentes situations dans lequelles ces acteurs pourraient se trouver, et notamment l’absence de conventionnement, elle permet d’assurer une application optimale du régime de contribution et elle limite ainsi les risques de contournement qui pourraient représenter des pertes d’investissements pour le secteur. 

4.2.2.   Impacts sur les entreprises

Au-delà de ce qui a été explicité plus haut s’agissant des enjeux macroéconomiques, les dispositions envisagées auront un impact sur les entreprises en ce qu’elles visent à adapter le cadre aux évolutions du marché et à accompagner les producteurs et les diffuseurs face aux grands défis auxquels ils sont et seront confrontés dans les cinq prochaines années, à savoir :

-          La nécessité de concevoir une offre suffisamment créative pour séduire des publics toujours plus volatiles et indubitablement tournés vers les médias numériques ;

-          Le besoin pour les chaînes de recourir à des fournisseurs (et pour les producteurs de trouver des clients toujours plus solides pour répondre aux exigences du marché en termes de délais de production, d’attractivité pour les talents et de recherche de partenaires notamment internationaux pour construire des plans de financement complexes ;

-          L’obligation de maîtriser la chaîne des droits afin de tirer tous les bénéfices de la valeur patrimoniale des œuvres et d’être en mesure de rémunérer les ayants droit, de renouveler l’offre et d’assurer la  promotion et l’exportation des œuvres à l’étranger.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

Le contrôle des obligations de contribution à la production des éditeurs de services est une mission déjà importante de l’instance de régulation. Cette tâche ne devrait pas être substantiellement alourdie par les dispositions du projet de loi.

Dans la mesure où de nouveaux éditeurs de services de médias audiovisuels établis à l’étranger et ciblant la France doivent entrer dans ce dispositif de contrôle, cette tâche devrait cependant être accrue.

A cette fin, le projet de loi a prévu que le recensement du nombre d’éditeurs en cause, qui doit permettre de mieux apprécier cette charge nouvelle, soit rapidement mené par l’Autorité. Il renforce par ailleurs les moyens d’enquête et de contrôle de l’ARCOM afin de lui permettre de remplir son rôle auprès d’entreprises établies à l’étranger.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Toutefois, la réforme introduit un conventionnement des SMAD par l’ARCOM, notamment pour définir la contribution de ces services au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles prévue par décret, qui nécessite l’adoption à l’article 81 d’une disposition transitoire permettant de donner aux éditeurs de ces services un temps suffisant pour se mettre en conformité avec ces prescriptions.

Un délai de six mois apparait suffisant pour leur permettre de conclure avec l’ARCOM la convention requise, s’agissant d’une mesure inscrite dans la directive et discutée depuis longtemps avec le secteur.

5.2.2.   Application dans l’espace

Les mesures envisagées s’appliquent en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de ces dispositions nécessite l’adoption de décrets en Conseil d’Etat et d’un décret simple.


Article 3 :  réforme du régime de contribution des éditeurs de services à la production d’œuvres et extension aux services non établis en France

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

Les services de médias audiovisuels recouvrent les services de télévision traditionnels (services proposant des programmes en mode linéaire) et les services de médias audiovisuels à la demande ou SMAD (services proposant des programmes en mode non-linéaire). Cette dernière catégorie a été introduite en 2007 dans la directive 89/552/CE du Conseil du 3 octobre 1989 (directive Télévision sans frontière ou TVSF) par la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 (directive Services de médias audiovisuels ou SMA). La directive TVSF devenue SMA a ensuite été codifiée par la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels. Il est en effet apparu en 2007 nécessaire au législateur européen de soumettre les SMAD[13] aux règles minimales applicables aux services de télévision pour éviter toute distorsion de concurrence dans la mesure où ces nouveaux services non-linéaires sont en concurrence avec les services linéaires traditionnels.

1.2.    Etat du droit en vigueur

Le régime de contribution à la production d’œuvres prévu par la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels » ou « SMA ») est obligatoire pour les services de télévision[14] et facultatif pour les SMAD[15]. Il n’a pas été modifié par la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil du 14 novembre 2018.

En revanche, et sur initiative française, « compte tenu du lien direct entre les obligations financières et les différentes politiques culturelles des États membres » précise le considérant 36 de la directive de 2018, la possibilité est donnée aux Etats membres d’imposer de telles obligations financières aux fournisseurs de services de médias (télévision et SMAD) établis dans un autre État membre qui ciblent leurs territoires :

« Art. 13.2. Lorsque les États membres exigent que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence contribuent financièrement à la production d'œuvres européennes, notamment par l'investissement direct dans des contenus et par la contribution à des fonds nationaux, ils peuvent également exiger que les fournisseurs de services de médias qui ciblent des publics sur leur territoire mais sont établis dans d'autres États membres soient également soumis à ces contributions financières, qui doivent être proportionnées et non discriminatoires. ».

Il s’agit d’une dérogation au principe d’application de la réglementation de l’Etat dans lequel est établi l’éditeur de services, à savoir le principe du pays d’origine sur lequel se fonde le droit européen en général et la directive SMA en particulier.

Ces obligations peuvent prendre la forme de contributions directes à la production et à l'acquisition de droits sur des œuvres européennes (décrets d’application de la loi du 30 septembre 1986) mais également se traduire par des « redevances à un fonds » telles que les taxes du code du cinéma et de l’image animée, qui ne seront pas traitées ici.

Ces obligations doivent respecter plusieurs conditions :

- elles doivent être proportionnées et non discriminatoires et ne devront être perçues que sur les recettes perçues dans l'État membre ciblé (2e et 3e paragraphes de l’article 13) ;

- les services ayant un faible chiffre d’affaires ou un faible auditoire doivent en être exonérés ; les Etats membres peuvent en outre en exonérer ceux pour lesquels elles seraient impraticables ou injustifiées « en raison de la nature ou du thème des services de médias audiovisuels » (article 13.6) ;

- la contribution financière que l'État membre impose à ses propres fournisseurs de services de médias (télévision et SMAD) doit « tenir compte » des éventuelles contributions financières imposées par les États membres ciblés afin d’éviter les risques de double imposition (article 13.3).

En droit interne, par application du 3° de l'article 27, du 6° de l'article 33 et du 3° de l’article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande sont tenus de contribuer au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Ces articles renvoient ensuite à des décrets le soin d’en fixer les modalités de mise en œuvre.

Trois décrets ont été ainsi adoptés en 2010 :

-          le décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre pris sur le fondement de l’article 27 de la loi,

-          le décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pris sur le fondement de l’article 33 de la loi pour les services utilisant d’autres modes de diffusion que la voie hertzienne terrestre : câble, satellite, ADSL, etc.),

-          et le décret n°2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande pris sur le fondement de l’article 33-2 de la loi pour les services de médias audiovisuels à la demande.

1.3.    Éléments de droit comparé

L’observatoire européen a publié en 2019 une étude[16] permettant d’avoir une vision large des dispositifs de contribution des SMAD mis en œuvre dans d’autres pays européens sur la base de la précédente directive SMA. Ainsi, il est possible de constater que des règles en matière de contribution à la création ont été imposées dans 10 des 31 pays observés. Dans seulement 7 pays, ces règles constituent des obligations pour les opérateurs concernés (Danemark à partir de 2020, Espagne, France, Allemagne, Grèce, Italie et Portugal). Dans trois autres pays, ces règles sont optionnelles en ce qu’elles proposent aux services de choisir entre des investissements financiers (contribution directe) ou un abondement à un fonds d’aide à la création (Belgique) ou bien un quota d’œuvres européennes dans le catalogue (République Tchèque et Slovénie).

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels», ou directive SMA), les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 septembre 2020.

La transposition de la directive nécessite de modifier l’article 43-2 de la loi qui fixe les critères d’application de la réglementation audiovisuelle française (critère d’établissement en France pour l’essentiel) pour étendre le champ d’application des dispositions relatives à la contribution à la production aux éditeurs (télévision et SMAD) relevant de la compétence d’un autre Etat membre et qui ciblent le territoire français.

2.2.    Objectifs poursuivis

La mesure proposée vise donc à transposer la nouvelle directive SMA afin d’imposer aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande établis sur le territoire d'un autre État membre mais destinant leur offre au public français, de contribuer financièrement à la production d'œuvres européennes et d’expression originale française.

Comme le prévoit la directive, la contribution financière de ces services sera assise sur l’activité économique dudit service en France (i.e. Etat membre ciblé par l’offre).

Cette disposition a deux objectifs majeurs, à savoir, assurer une équité dans l’application des règles entre les services étrangers et les services établis en France, déjà assujettis au régime de contribution à la création, et consolider le financement de la création audiovisuelle et cinématographique, alors que les évolutions des usages et du marché fragilisent le système actuel de soutien (le chiffre d’affaires réalisé en France par les acteurs installés dans un autre Etat membre venant en tout ou partie affecter celui des acteurs français, et par conséquent leur contribution au système.)

3.     Options possibles et dispositif retenu

Le régime de l’article 13.2 nouveau de la directive tendant à soumettre au financement de la production les services établis dans un autre Etat membre et ciblant le public français n’est qu’une faculté proposée aux Etats membres.

Le gouvernement a choisi d’utiliser cette faculté et de transposer l’article 13.2 de la directive SMA par le dispositif retenu. Ainsi, les dispositions de l’article 71 relatives à la contribution au développement de la production sont applicables aux éditeurs de service de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat membre partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Plus généralement, ce dispositif est étendu à l’ensemble des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande étrangers qui visent le public français.

La conclusion d’une convention avec l’ARCOM est ainsi étendue aux éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande étrangers les plus importants. Dans chaque convention, l’ARCOM déterminera la contribution consacrée au développement de la production respectivement pour les œuvres cinématographiques et pour les œuvres audiovisuelles, en tenant compte des accords conclus entre l'éditeur de services et une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, y compris pour la partie de ces accords qui affectent directement leurs intérêts, des organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs. En l’absence d’une convention liant l’ARCOM à l’éditeur de service étranger, cette dernière sera en mesure de lui notifier l’étendue de ses obligations au titre de la contribution au financement de la production. Par ailleurs, un dispositif de sanction est envisagé dans la loi.L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique sera chargée d’assurer le contrôle du respect de ce nouveau régime de contribution au titre de ses compétences (pouvoirs d’enquête et de sanction).

A l’occasion de cette transposition, il est également apparu opportun d’étendre le dispositif de contribution à la production ainsi que celui relatif à la protection des mineurs aux éditeurs de services de télévisions et de médias audiovisuels à la demande établis sur le territoire d’un Etat qui n’est ni membre de l’Union européenne, ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui visent le territoire français.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Ces mécanismes se traduisent par une modification de l’article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 tendant à :

- prévoir l’application de l’article 71 de la loi de 1986 relatif à la contribution au développement de la production aux éditeurs de services de télévision ou de SMAD visant le territoire français qui ne sont pas établis en France et qui ne relèvent pas de la compétence de la France en ne prenant en compte que leur activité économique en France ;

- prévoir réciproquement que, lorsqu’un éditeur de service de télévision ou de SMAD établi en France édite un service qui vise spécifiquement le territoire d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et que cet Etat exige une contribution à la production, il est tenu compte de cette contribution pour la détermination de la contribution due en France ;

- prévoir une extension du régime de protection des mineurs et de contribution à la production aux éditeurs de services de télévision et de SMAD qui ne relèvent pas de la compétence de l’Union européenne et qui visent le territoire français.

La mesure envisagée est conforme au droit de l’Union européenne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la directive SMA précitée, qui prend en compte l'évolution des réalités du marché et étend les obligations de contribution à la production aux éditeurs étrangers qui ciblent le territoire d’un Etat membre.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts macroéconomiques

La disposition visant à transposer la directive SMA et à étendre le régime de contribution aux éditeurs de services étrangers pourrait avoir des impacts importants et positifs sur le financement de la création audiovisuelle et cinématographique.

Les plateformes de vidéo à la demande (VàD) concernées par la mesure opèrent sur un marché à forte croissance. Il convient en effet de rappeler que les services en ligne proposant le visionnage de contenus payants sont particulièrement plébiscités par le public français. Selon Harris Interactive et NPA Conseil, en moyenne sur l’année 2018, 2,3 millions de Français avaient regardé chaque jour au moins un programme en vidéo à la demande par abonnement.

En 2018[17], le chiffre d’affaires total de la vidéo (physique et VàD) s’élevait à 1 120,5 M€, en hausse de 9,7 % (1 021,7 M€ en 2017). Le marché de la vidéo physique représentait 40 % du marché total de la vidéo, en baisse de 12,5 points par rapport à 2017 au profit de la vidéo à la demande, dont la part passait de 47,5 % en 2017 à 60 % en 2018. Le marché de la vidéo dématérialisée occupait de fait plus de la moitié du marché total de la vidéo en part de marché en 2018.

Selon le baromètre NPA-GfK, les ventes sur le marché de la VàD payante en France étaient estimées à 671,9 M€ en 2018, en progression de 38,5 % par rapport à 2017. Pour la deuxième année consécutive, le marché de la VàDA (formules par abonnement) dépassait le marché du paiement à l’acte et se trouvait majoritaire (67,7 %) dans l’ensemble des ventes. En 2018, le marché de la VàDA était estimé à 455 M€, en hausse de 82,7 % par rapport à 2017.

Par ailleurs, si la liste exhaustive des services actifs en France est difficile à constituer (en particulier en raison du régime facultatif de déclaration auprès du CSA), il semblerait que le nombre de services accessibles soit en croissance, permettant ainsi un renouvellement permanent de l’offre. En 2017, 65 services de VàDA actifs étaient recensés en 2017 en France par le CSA (hors offres payantes « mixtes», mêlant à la fois des contenus de télévision de rattrapage et d’autres contenus de vidéo à la demande, et services de catégorie V spécialisés dans les films et programmes pour adultes)[18]. En septembre 2019, 106 services actifs de VàD payante et de VàDA[19] établis en France étaient déclarés en tant que SMAD au CSA.

Malgré le potentiel de ce marché, il est important de noter que peu de services de vidéo en ligne contribuent de manière effective au financement de la création. En effet, en 2017, seuls cinq services de médias audiovisuels à la demande étaient soumis à des obligations de production (du fait de leur chiffre d’affaires supérieur à 10 M€ en 2016, et de leur établissement en France) :

 

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L’assiette globale sur laquelle sont assises les obligations de contribution à la production représentait 123,9 M€[20] en 2017. Elle avait baissé par rapport à l’exercice précédent (-5,7%, à 131,4 M€). S’agissant des montants de contribution, ils étaient répartis de la manière suivante :

-          6 M€ de dépenses déclarées en faveur de la production d’œuvres audiovisuelles européennes (en montant stable par rapport à l’année précédente) ;

-          24,8 M€ de dépenses déclarées en faveur de la production d’œuvres cinématographiques européennes (contre 24,2 M€ en 2016, soit une augmentation de 2,5%).

Cette contribution est à mettre en regard des 1,2 Md€ investis en 2017 par l’ensemble des chaînes de télévision dans la production cinématographique et audiovisuelle. Compte-tenu du seuil d’assujettissement au régime de contribution fixé dans le décret précisant les modalités de la contribution des services (i.e. chiffre d’affaires supérieur à 10 M€), ainsi que du niveau encore faible des recettes, la contribution des services de médias audiovisuels à la demande au financement de la création reste limitée.

Au sein de la liste des services identifiés par le CSA en 2017, 12 n’étaient pas déclarés en France et donc non soumis à la réglementation française :

Parmi ces services figurent notamment ceux qui rassemblent le plus grand nombre de consommateurs en France à savoir Netflix (Pays-Bas), Amazon Prime Video (Luxembourg), ou encore Google Play (Irlande). A ces services pourraient s’ajouter d’autres dont l’offre sera ou pourrait être proposée au public français à court ou moyen terme (Disney +, HBO Max, Peacock).

 

4.3.    Impacts sur les services administratifs

Généralement, le contrôle des obligations n’entraîne pas de coûts particuliers, les informations permettant d’en vérifier le respect étant fournies aux autorités publiques gratuitement par les services concernés.

Les éventuels impacts budgétaires associés à l’assujettissement de nouveaux services étrangers au régime de contribution français pourraient cependant être liés aux coûts de la charge de travail supplémentaire imposée à la nouvelle autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en raison de la signature de conventions avec les services concernés  et du contrôle effectués par ses soins.

L’étude d’impact de la directive SMA avait permis d’estimer que les coûts « administratifs » liés au suivi des obligations des services linéaires effectué par les autorités de régulation européennes se situait entre 500 € et 91 k€ par an et par administration[21]. Ce coût pourrait bien sûr être supérieur s’agissant d’opérateurs non établis en France et dont le contrôle pourrait nécessiter un suivi particulier, générant des moyens humains supplémentaires et, éventuellement, des logiciels spécifiques.

4.4.    Impacts sur les particuliers

Cette mesure devrait permettre de proposer aux consommateurs de ces services d’avoir accès à davantage de contenus européens et français. Elle devrait avoir également un effet positif sur la qualité et la diversité des contenus proposés aux particuliers en contribuant à accroître les investissements dans les œuvres produites sur le territoire national.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

 

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.

Article 6 : suppression des heures d’écoute significatives

 

1.     État des lieux

L’article 27 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que : « compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre, des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant : […] 2° La diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, de proportions au moins égales à 60 % d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et de proportions au moins égales à 40 % d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression originale française ».

La notion « d’heures de grande écoute » a été introduite dans la loi du 30 septembre 1986 susmentionnée par la loi n°89-25 du 17 janvier 1989[22] afin de faire obstacle à la pratique de certains services de télévision leur permettant de respecter les quotas en diffusant nuitamment les œuvres européennes et d’expression originale française.

En application de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986, l’article 14 du décret n°90-66 du 17 janvier 1990 relatif à la diffusion des œuvres audiovisuelles prévoit que : « (…) Pour les éditeurs de services de cinéma, sont considérées comme heures de grande écoute les heures comprises entre 20 h 30 et 22 h 30.

Pour les autres éditeurs de services de télévision, sont considérées comme heures de grande écoute les heures comprises entre 18 heures et 23 heures ainsi que, le mercredi, les heures comprises entre 14 heures et 18 heures.

Toutefois, pour les éditeurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, distribués par un réseau n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ainsi que pour les programmes rediffusés des services de cinéma à programmation multiple, les conventions et cahiers des charges déterminent les heures de grande écoute en fonction de la nature de la programmation du service. ».

La loi n° 92-61 du 18 janvier 1992 modifiant les articles 27, 28, 31 et 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a introduit la possibilité pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’autorité publique indépendante de régulation de l’audiovisuel, de substituer aux heures de grande écoute fixées par décret des « heures d’écoute significatives ». Le cinquième alinéa de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 dispose en effet : « (…) le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourra substituer aux heures de grande écoute des heures d'écoute significatives qu'il fixera annuellement, pour chaque service, en fonction notamment des caractéristiques de son audience et de sa programmation ainsi que de l'importance et de la nature de sa contribution à la production ; ».

S’agissant de la notion d’heures d’écoute significatives, le Conseil constitutionnel[23] a estimé d’une part que : « cette faculté n'est accordée par le législateur que dans la mesure limitée où un tel aménagement serait de nature à rendre plus aisée la réalisation par chaque service autorisé des objectifs déterminés par la loi et qui tendent à assurer la diffusion de seuils minimaux d'œuvres (…) européennes et (…) d'expression originale française » et d’autre part que ces dispositions « doivent être interprétées comme permettant à l'instance de régulation de l'audiovisuel d'assurer le respect des règles essentielles posées par la loi et des principes généraux fixés par décret en Conseil d'État en tenant compte de la diversité des situations des différents services ».

Le régime des heures d’écoute significatives permet ainsi au CSA de fixer pour un service des créneaux horaires plus larges que ceux fixés par le décret du 17 janvier 1990 pour le respect des quotas aux heures de grande écoute.

Seuls les services M6 et Canal+ ont eu recours à ce régime dérogatoire, pour le premier de 1997 à 2007, et pour le second de 2009 à 2018.

A titre d’exemple, pour l’année 2007, le CSA avait décidé de retenir la tranche 17 h / 23 h des programmes de M6 (18 h / 23 h dans le décret) au titre des heures d'écoute significatives.

Le recours à une telle mesure dérogatoire est encadré par l’article 15 du décret du 17 janvier 1990 qui prévoit que « les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel prises sur le fondement du 2° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée porteront effet pour la durée de l'année civile et devront intervenir au plus tard le 30 novembre de l'année précédente ».

Sur ce fondement, le CSA exige que les demandes des éditeurs de services de télévision en la matière respectent les règles suivantes :

- respecter un formalisme (faire chaque année l’objet d’un courrier motivé) ;

- intervenir dans un délai raisonnable avant le 30 novembre de l’année précédant l’exercice concerné ;

- être justifiées, notamment au vu des caractéristiques de l’audience, de la programmation du service, ainsi que de l’importance et de la nature de sa contribution à la production.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Lorsque le dispositif des heures d’écoute significatives a été introduit en 1992, le décret du 17 janvier 1990 fixait des heures de grande écoute uniformes pour tous les services, ne permettant pas de modulation par service.

Le décret n° 2001-1333 du 28 décembre 2001[24] a introduit à l’article 14 du décret du 17 janvier 1990 une faculté pour le CSA de moduler dans la convention conclue avec un éditeur les heures de grande écoute. Cette faculté ne valait toutefois que pour les futurs services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, c’est-à-dire pour les chaines de la TNT qui ont été lancées en 2005 (C8, W9, TMC, etc.) et les services du câble et du satellite : « Toutefois, pour les éditeurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, distribués par un réseau n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ainsi que pour les programmes rediffusés des services de cinéma à programmation multiple, les conventions et cahiers des charges déterminent les heures de grande écoute en fonction de la nature de la programmation du service ».

La faculté de modulation des heures de grande écoute issue du régime des heures d’écoute significatives conservait donc un intérêt pour les services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique (i.e. les chaînes historiques : TF1, M6 et Canal+).

Mais depuis l’extinction de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique et leur diffusion en mode numérique, l’ensemble des services terrestres peut bénéficier du régime de modulation prévu dans le décret.

Par ailleurs, peu d’éditeurs sollicitent la dérogation des heures d’écoute significatives.

En outre, le dispositif actuel comporte deux inconvénients majeurs : tout d’abord, les critères permettant d’accéder à l’une ou l’autre des dérogations ne sont pas identiques (en fonction notamment des caractéristiques de l’audience et de la programmation ainsi que de l'importance et de la nature de la contribution à la production du service pour le régime des heures d’écoute significatives et en fonction de la nature de la programmation pour le régime des heures de grande écoute), ensuite, l’une des dérogations est annuelle et unilatérale (les heures d’écoute significatives) tandis que l’autre se négocie lors de la conclusion de la convention pour toute la durée de celle-ci.

2.2.    Objectifs poursuivis

Il s’agit de simplifier et clarifier les dispositifs en ne conservant qu’un seul régime dérogatoire aux heures de grande écoute.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Le statu quo n’a pas été retenu compte tenu de l’obsolescence de ce régime.

3.2.    Dispositif retenu

Le dispositif retenu consiste en une suppression du régime des heures d’écoute significatives prévu à l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986. Ainsi, désormais, la seule dérogation concernerait la possibilité pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de fixer dans la convention qu’il conclut avec l’éditeur d’autres heures de grande écoute que celles prévues par le décret.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Cette réforme se traduit par la suppression du 5ème au 8ème alinéa de l’article 27,  des 8ème et 9 ème alinéa de l’article 33 et du 5 ème alinéa de l’article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986. De plus, l’article 71-1 de la même loi est abrogé.

Il conviendra de tirer les conséquences de la suppression du cinquième alinéa de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 en supprimant l’article 15 du décret du 17 janvier 1990 pris pour son application.

4.2.    Impacts économiques et financiers

Cette suppression n’aura pas d’impact puisque le régime des heures d’écoute significatives n’est plus mis en œuvre aujourd’hui.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

Article 7 : respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs dans les contrats de production cinématographique et audiovisuelle

 

1.     État des lieux

1.1 Les auteurs d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle, énumérés à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, sont principalement le réalisateur, le scénariste, l’adaptateur, le dialoguiste et le compositeur de la musique. Ces auteurs jouissent de deux types de droits, connus sous la dénomination de « droits d’auteur ». Il s’agit d’une part, des droits moraux, prévus aux articles L. 121-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Ces droits sont notamment le droit au nom, au respect de la qualité d’auteur, au respect de l’intégrité de l’œuvre. Il s’agit, d’autre part, des droits patrimoniaux, prévus aux articles L 122-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, qui comprennent les deux branches du droit d’exploitation que sont le droit de représentation et le droit de reproduction.

En matière audiovisuelle, l’exploitation des droits des auteurs est régie, aux termes des articles L.132-23 et suivants du code de la propriété intellectuelle, par la conclusion d’un contrat dénommé « contrat de production audiovisuelle ». Pour chaque œuvre, un contrat est ainsi conclu avec chacun des auteurs. Ce contrat, qui lie le producteur aux auteurs, emporte, sans préjudice des droits moraux, cession des droits d’exploitation au producteur et, en regard, en application de l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, rémunération proportionnelle de l’auteur. Cette rémunération est due pour chaque mode d’exploitation.

Les droits des auteurs sont également protégés par le droit de l’Union européenne, dans le même cadre que les droits voisins. Ceux-ci désignent les droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ou des entreprises de communication audiovisuelle. La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information confie notamment aux auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction, la communication au public ou la distribution de leur œuvre. Plus récemment, la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE affirme, à son article 18, le principe du droit pour les auteurs de percevoir une rémunération appropriée et proportionnelle.

1.2 Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Le 2° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée lui confie, en vue de la contribution au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée, l’attribution d’aides financières. Les conditions d’attribution de ces aides sont fixées par un « règlement général des aides », texte à valeur réglementaire établi par le conseil d’administration du CNC et publié au Journal officiel de la République française.

Ce règlement général comprend sept livres, le premier comportant des dispositions générales et les six autres correspondant aux différents secteurs et branches d’activités du cinéma et de l’image animée soutenus conformément au 2° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée :

- aides à la création cinématographique et à la diffusion en salles (aides à la production, à la préparation, à l’élaboration d’œuvres cinématographiques ; aides à la distribution d’œuvres cinématographiques ; aides à l’exploitation cinématographique) ;

- aides à la création audiovisuelle et multimédia (aides à la production, à la préparation, à l’élaboration d’œuvres audiovisuelles ; aides en faveur des œuvres interactives et expérimentales ; aides à la création et à la production de jeux vidéo) ;

- aides à la diversité de la création et à la diffusion auprès des publics (aides à la production et à la diffusion d’œuvres cinématographiques de courte durée ; aides en faveur de la diversité de la population et de l’égalité de chances ; aides à la création et à la diffusion sur les plateformes numériques) ;

- aides au patrimoine cinématographique ;

- aides à la diffusion en vidéo physique et en ligne des œuvres cinématographiques et audiovisuelles ;

- aides à l’utilisation des technologies numériques de l’image et du son ;

- aides aux industries techniques du cinéma et de l’audiovisuel et à l’innovation technologique ;

- aides à la coopération et à la diffusion internationale des œuvres cinématographiques et audiovisuels (fonds d’aides bilatéraux institués par accords intergouvernementaux ou administratifs ; aides à la promotion et à la distribution à l’étranger).

En ce qui concerne plus particulièrement les aides à la production, elles s’élèvent, annuellement, à plus de 135 millions d’euros en ce qui concerne la production cinématographique et à plus de 250 millions d’euros en ce qui concerne la production audiovisuelle.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

La protection accordée aux droits moraux et patrimoniaux des auteurs en France et dans l’Union européenne n’est pas la même que dans d’autres pays, notamment les Etats-Unis. Le système dit de copyright américain constitue un droit de l’exploitant, lié à l’œuvre davantage qu’à son auteur. Le producteur est regardé comme l’auteur d’une œuvre. Il en conserve les droits d’exploitation, jusqu’à leur transfert éventuel à la suite d’une vente de l’œuvre ou d’un catalogue entier.

Or le paysage de la création cinématographique et audiovisuelle en France voit, depuis plusieurs années, croître des acteurs américains, dont la culture juridique repose sur le copyright américain plutôt que sur le droit d’auteur dans sa version européenne. Ces acteurs disposent d’une masse financière considérable, incomparable avec celle des producteurs et des éditeurs français. Dès lors, la préférence de ces plateformes pour le copyright, issu d’une logique juridique américaine, met en danger l’application conforme du droit de la propriété intellectuelle. Comme le signalent notamment les organismes de gestion collective des droits d’auteur, il arrive que les contrats de production des œuvres françaises dans lesquelles investissent ces plateformes comprennent des clauses contraires au modèle français. Ces clauses, apparentées au modèle juridique des Etats-Unis, dépossèdent les auteurs du montage final (le « final cut »), qui relève en France du droit moral. Elles prévoient aussi l’achat par la plateforme des droits de l’œuvre « dans le monde entier et pour l’éternité », en rémunérant les auteurs sur une base forfaitaire (clauses de buy-out), qui heurte le principe, prévu par le code de la propriété intellectuelle, de la rémunération proportionnelle.

Si la loi énonce déjà de façon complète l’ensemble des droits réservés aux auteurs, elle ne prévoit à ce jour, face à ces évolutions du marché, aucun dispositif de contrôle ni d’encadrement des pratiques contractuelles. De façon notable, alors même qu’il soutient la création cinématographique et audiovisuelle par un dispositif d’aides, le CNC ne dispose d’aucun outil de nature à lui permettre de vérifier le respect des principes essentiels du droit d’auteur contenus dans le code de la propriété intellectuelle.

Son règlement général des aides prévoit que, dans le cadre d’une demande d’aide à la production d’une œuvre cinématographique et audiovisuelle, les entreprises doivent fournir au Centre national du cinéma et de l’image animée les contrats conclus avec les auteurs afin que le Centre s’assure de la titularité des droits d’exploitation par le demandeur.

Il est donc nécessaire, dans ce cadre, que, lorsque lui sont fournis de tels contrats, le Centre national du cinéma et de l’image animée soit en mesure de contrôler le respect des principes et de l’application du droit d’auteur.

Le principe du droit moral et celui de la rémunération proportionnelle devant être garantis dans tous les contrats et leur respect devant être facile à contrôler, il est nécessaire que la loi crée un dispositif simple mais obligatoire. Un tel dispositif doit pouvoir fonctionner lorsque des aides sont sollicitées, à travers le Centre national du cinéma et de l’image animée, auprès des pouvoirs publics. D’une part, l’existence d’un dispositif de contrôle permettrait de mieux garantir le respect général des principes du droit d’auteur. D’autre part, elle permet de ne pas soutenir les œuvres qui y contreviennent.

2.2.    Objectifs poursuivis

Les mesures envisagées visent à favoriser le respect du droit moral et des principes relatifs à la rémunération des auteurs, y compris par les plateformes américaines, lorsque sont demandées des aides publiques, en :

- confiant au Centre national du cinéma et de l’image animée une mission de vérification du respect de ces principes ;

- facilitant la mise en œuvre des principes relatifs à la rémunération des auteurs et leur vérification par la mise en place de clauses types dans les contrats de production ;

- favorisant la négociation interprofessionnelle pour l’établissement des clauses types.

3.     Options possibles et dispositif retenu

Il existe en réalité déjà des contrats-types mis en œuvre dans le domaine de la production audiovisuelle. Ces contrats-types, dépourvus de toute valeur obligatoire, sont utilisés dans le cadre très classique de la production, en dehors des projets des grandes plateformes, lorsque, notamment, les auteurs sont affiliés à des organismes de gestion collective qui ont élaboré de tels contrats. L’encadrement des pratiques par un contrat-type a toujours prouvé son efficacité et ne requiert aucune intervention des pouvoirs publics.

Il est donc proposé d’inscrire dans la loi que le Centre national du cinéma et de l’image animée vérifie le respect dans les contrats de production des droits moraux reconnus aux auteurs et des principes relatifs à la détermination de leur rémunération. Il s’agit d’une logique déjà employée par le code du cinéma et de l’image animée, dont l’article L. 311-3 prévoit que le Centre national du cinéma et de l’image animée vérifie le respect, par le bénéficiaire des aides, de ses obligations sociales.

Pour assurer à la fois, en amont, l’encadrement des contrats par les principes du droit d’auteur, et, en aval, la mise en œuvre de la vérification exercée par le Centre national du cinéma et de l’image animée, il est proposé que la loi encadre la formation des contrats, lorsque les producteurs sollicitent des aides publiques, par la mise en place de clauses-types.

Ces clauses-types seront négociées par les professionnels, c’est-à-dire les organisations professionnelles représentatives des producteurs, d’une part, et les organisations professionnelles représentatives des auteurs ou les organismes de gestion collective de leurs droits, d’autre part. Il y aura lieu de suppléer à l’absence d’accord par un décret en Conseil d’Etat si ces négociations n’aboutissent pas.

L’établissement de clauses-types est préféré à celui de contrats-types afin de minimiser l’encadrement contractuel et de laisser les différentes parties prenantes libres de négocier ce qu’elles souhaitent sur tous les autres aspects, dans les limites de la loi. Un tel encadrement demeure cependant plus efficace au regard de l’expérience des contrats-types des organismes de gestion collective. Toute autre forme d’encadrement, par une méthode incitative, serait dépourvue d’effet au regard de la disproportion entre la taille des plateformes d’un côté, leur marge de manœuvre financière et celle, sur le marché, des auteurs et de leurs organismes de représentation.

Il existe par ailleurs déjà dans la loi de nombreux renvois à des clauses-types. L’article L. 111-4 du code des assurances prévoit par exemple que l'autorité administrative peut imposer l'usage de clauses-types de contrats. Le code des transports dispose, à son article L. 1432-12, que « les clauses des contrats-types de transport de marchandises et des contrats-types de commission de transport sont établies par voie réglementaire ».

Cette option apparaît donc conforme aux objectifs poursuivis et à l’état actuel du droit.

Concrètement, le dispositif retenu prévoit ainsi que l’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée est subordonnée à l’inclusion dans les contrats de production remis à l’appui d’une demande d’aide, de clauses-types établissant le respect des droits moraux reconnus aux auteurs et des principes relatifs à la détermination de leur rémunération. A cette fin, des accords entre organismes professionnels d’auteurs ou organismes de gestion collective et organisations professionnelles représentatives des producteurs devront être conclus. A défaut les clauses-types seront fixées par un décret en Conseil d’Etat.

C’est par ailleurs dans le cadre du contrôle opéré par le Centre national du cinéma et de l’image animée que celui-ci pourra saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique afin qu’elle contrôle le respect des droits des auteurs dans le cadre de la mise en œuvre de la contribution à la production des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La mesure insère un nouvel article L. 311-5 dans le titre Ier du livre III du code du cinéma et de l’image animée relatif aux aides du CNC. Cet article renvoie aux principes existant déjà dans le code de la propriété intellectuelle et dans les directives européennes relatives au droit d’auteur.

4.2.    Impacts économiques et financiers

Le dispositif proposé favorisera le respect des droits moraux et patrimoniaux des auteurs lorsque leurs œuvres donnent lieu à l’attribution d’aides financières. En effet, en l’absence des clauses-types dans les contrats de production remis pour l’obtention d’une aide, celle-ci sera refusée.

La totalité des aides financières attribuées par le Centre national du cinéma et de l’image animée pour la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles sera donc en principe conditionnée à la mise en œuvre des clauses-types.

Le dispositif n’aura aucun coût : sa vocation est d’empêcher de façon préventive que se développent ou continuent de se développer des pratiques contraires au modèle français de protection juridique des auteurs. Les principes existant déjà, les entreprises de production concernées ne devraient pas avoir de difficultés à les mettre en œuvre.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

25 agents du Centre national du cinéma et de l’image animée sont actuellement chargés de l’instruction des dossiers de demandes d’aides à la production, ce qui représente en moyenne 4800 demandes d’aides chaque année. Ils devront, dans le cadre de l’examen des contrats de production auxquels ils procèdent déjà, vérifier plus particulièrement la présence ou non et l’exactitude des clauses-types. Ce travail ne nécessitera aucun recrutement supplémentaire mais pourrait, le cas échéant, requérir des besoins de formation, que le Centre national du cinéma et de l’image animée mettra en œuvre.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Les contrats de production devront comporter des clauses-types établies en principe par accord professionnel entre les représentants des auteurs et les organisations professionnelles de producteurs.

A défaut d’accord dans le délai d’un an, les clauses-types seront fixées par décret en Conseil d’Etat.


Article 8 : placement de produit

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

De nombreuses règles encadrant la programmation des services de télévision, adoptées dans les années 1980 et 1990, sont aujourd’hui obsolètes, au regard de l’évolution des technologies et des usages. Elles pénalisent les médias traditionnels dans leur situation de concurrence nouvelle avec les acteurs du numérique, dont beaucoup ne sont pas assujettis à la réglementation française, ainsi que l’ont mis en évidence les rapports de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, en conclusion des travaux de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique en octobre 2018, et de l’Autorité de la concurrence dans son avis n° 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d’avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale dans le secteur de l’audiovisuel.

Le ministère de la culture a mené depuis plusieurs mois des consultations publiques[25] afin d’adapter ces dispositions, tout en veillant à ce que cette modernisation de la réglementation ne porte pas atteinte au respect de ses objectifs fondamentaux, tels le pluralisme des médias, la diversité culturelle ou la protection des publics fragiles.

Une consultation publique sur la simplification des règles relatives à la publicité télévisée a été ainsi menée par la Direction générale des médias et des industries culturelles au second semestre 2017. Elle a fait l’objet d’une quarantaine de réponse des professionnels (représentants et groupes de services de télévision, radios, régies publicitaires, auteurs, producteurs, industrie cinématographique, annonceurs et agences publicitaires, opérateurs télécoms, presse écrite).

Le placement de produit est une technique publicitaire qui est prisée en raison de l’effet de la mémoire implicite : elle active la préférence de marque sans que celle-ci soit explicitement mémorisée. Ainsi, un placement récurrent dans une fiction peut générer jusqu’à 35 % de part de marché supplémentaire auprès des consommateurs exposés[26] et justifient d’une rentabilité jusqu’à quatre fois supérieure à celle d’un spot de publicité (dont les coûts sont beaucoup plus importants)[27]. De même, un placement de produit peut faire quasiment jeu égal avec un spot pour améliorer l’image de la marque. Plus encore, l’étude commandée par le SNPTV démontre que l’intégration au scénario (citation orale, utilisation par les acteurs, rôle positif dans une scène, etc.) augmenterait l’impact du placement de produit en termes de mémorisation, avec un rapport qui peut être de 1 à 10, comparé à un placement non intégré.

Jusqu’en 2018, la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (directive « Services de médias audiovisuels »), devenue la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010, posait, en son article 3 octies, devenu article 11, le principe de la prohibition du placement de produit sur l’ensemble des services de médias audiovisuels. Cependant, cette pratique était, sauf à ce que l’Etat membre en décide autrement, admissible dans certains cas limitativement énumérés.

Le législateur français a décidé d’user de cette possibilité. L’article 14-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la loi n°2009-258 du 5 mars 2009, charge le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de fixer les conditions dans lesquelles les programmes des services de communication audiovisuelle peuvent comporter du placement de produit.

Ainsi, le CSA a défini ces conditions dans la délibération du 16 février 2010. Cette délibération définit les contours de la pratique du placement de produit. Est donc considéré comme un placement de produit le placement effectué à titre payant, c'est-à-dire la fourniture, formalisée par un contrat, de biens ou de services dont la marque est identifiable au sein du programme.

Le placement de produit est autorisé uniquement dans les œuvres cinématographiques, les fictions audiovisuelles et les clips vidéo, sauf lorsque ces programmes sont destinés aux enfants. Il est interdit dans les autres programmes. Certains produits ne peuvent faire l’objet de placement, parmi lesquels les produits du tabac, les boissons alcooliques, les médicaments, les armes à feu et les préparations pour nourrissons.

Les émissions contenant du placement de produit doivent respecter les exigences suivantes :

- Leur contenu et leur programmation ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l’indépendance éditoriale de l’éditeur ; 

- Elles ne doivent pas inciter directement à l’achat ou à la location des produits ou services d’un tiers et ne peuvent comporter des références promotionnelles spécifiques à ces produits, services ou marques ; 

- Elles ne doivent pas mettre en avant de manière injustifiée ces produits, services ou marques.

Depuis 2018, la directrice SMA modifiée inverse le mécanisme actuel, en passant d’un régime de prohibition du placement de produits avec exceptions, à un régime d’autorisation avec exceptions (journaux télévisés, programmes d’actualité, émissions de consommateurs, programmes religieux et des programmes pour enfants). Ces modifications ouvrent potentiellement le placement de produits à certains programmes (documentaires, vidéo-clips).

1.2.    Éléments de droit comparé

Avant sa révision en 2018, la directive SMA disposait que l’interdiction générale du placement de produits ne s’appliquait pas dans certains cas limitativement énumérés, sauf à ce qu’un Etat membre en décide autrement. De fait, la plupart des pays Européens avait recouru à cette faculté.

Ainsi, d’après un rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel[28] pour les années 2011-2013, 17 Etats membres[29] avaient mis en œuvre des dispositions plus strictes que celles prévues par la directive en matière de placement de produit.

Certains pays ont élargi le champ des programmes dans lesquels le placement de produit est interdit, afin d’y inclure expressément les programmes d’actualité (Communauté française de Belgique, Bulgarie et Hongrie), les émissions religieuses (Bulgarie et Hongrie), ou les émissions politiques et les programmes consacrés à des manifestations officielles (Hongrie).

D’autres pays ont apporté des restrictions supplémentaires, pour certains formats (les émissions sportives à Chypre) ou le type de diffuseur (interdiction pour le service public aux Pays-Bas et en Bulgarie).

En complément des normes générales prévues par l’article 9 de la Directive SMA, son article 11(4) interdit le placement de produit en faveur des cigarettes et autres produits du tabac, ainsi qu’en faveur de médicaments et de traitements médicaux. Bien que la publicité pour les boissons alcoolisées soit en principe autorisée, de nombreux Etats membres ont décidé d’ajouter les alcools et spiritueux à la liste des produits interdits. C’est par exemple le cas de l’Autriche et de Malte. Certains pays ont également interdit le placement de produits dont la promotion est jugée préjudiciable aux nourrissons et aux jeunes enfants comme les jouets à Chypre.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, (directive « Services de médias audiovisuels »), au plus tard le 19 septembre 2020.

La transposition en droit national des nouvelles règles en matière de placement de produit issues de la directive susmentionnée nécessite de modifier l’article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

L’article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986 a confié au CSA un pouvoir réglementaire délégué pour fixer les conditions dans lesquelles les programmes peuvent comporter du placement de produit dans le cadre des exigences minimales posées par la directive et reprises dans la loi. Par amendements à la loi du 5 mars 2009, le législateur avait toutefois souhaité reprendre certaines des règles posées par la directive en matière de placement de produits.

Trois modalités de transposition apparaissent envisageables :

- une simplification rédactionnelle de cet article ne conservant que le premier alinéa renvoyant au pouvoir réglementaire délégué du CSA mais cela aboutirait à un renvoi très peu (voire pas du tout) encadré à l’ARCOM, ce qui peut paraître trop large ; 

- une modification a minima de l’article 14-1 tirant les conséquences des modifications apportées par la nouvelle directive ;

- l’affirmation au niveau de la loi de l’autorisation du placement de produit par un renvoi moins large à la compétence de l’ARCOM pour déterminer les genres de programmes pour lesquels cette pratique est autorisée. La dernière option donne au marché un signal de libéralisation.

3.2.    Dispositif retenu

C’est cette dernière option qui est retenue. Il est proposé de poser plus clairement la possibilité de recourir au placement de produit dans les programmes des services de communication audiovisuelle à l’exception de ceux mentionnés dans la directive, c’est-à-dire dans les programmes d'information et d'actualité, les émissions de consommation, les programmes religieux et les programmes pour enfants.

Ce sera l’ARCOM qui se chargera des modalités de mise en œuvre de ce dispositif en veillant au respect des exigences suivantes :

1° Le contenu de ces placements de produits ainsi que leur programmation par des services de télévision ou leur organisation dans un catalogue des services de médias audiovisuels à la demande ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l'indépendance éditoriale de l'éditeur de services de médias ;

2° Ils n'incitent pas directement à l'achat ou à la location des produits ou services d'un tiers et ne peuvent en particulier comporter des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services ;

3° Ils ne mettent pas en avant de manière injustifiée le produit en question ;

4° Les téléspectateurs sont clairement informés de l’existence d’un placement de produit par une identification appropriée au début et à la fin de leur diffusion, ainsi que lorsqu’un programme reprend après une interruption publicitaire afin d'éviter toute confusion.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Cette disposition se traduit par une réécriture de l’article 14-1 de la loi du 30 septembre 1986.

La mesure envisagée est, en outre, conforme au droit de l’Union européenne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»).

La mise en œuvre de cette nouvelle disposition nécessite l’adoption par l’ARCOM d’une délibération.

4.2.    Impacts économiques et financiers

La libéralisation du placement de produit, entendu comme une forme de communication commerciale consistant à inclure ou bien à faire référence à un produit, un service ou une marque dans un programme moyennant paiement ou contrepartie, pourrait être un véritable levier pour améliorer le financement des programmes au-delà de l’apport des diffuseurs et des producteurs. En effet, cette technique uniquement autorisée dans les œuvres cinématographiques, fictions audiovisuelles et vidéoclips (sauf lorsque ces œuvres sont destinées aux enfants), génère potentiellement des recettes publicitaires au bénéfice des producteurs. L’impact de cette mesure est cependant difficile à quantifier en raison de l’absence de données chiffrées et de bilan récent de l’expérience des professionnels sur le placement de produit dans les programmes autorisés.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, lors du bilan d’application de sa délibération du 16 février 2010, modifiée par celle du 24 juillet 2012, avait conclu que la pratique était restée « prudente » et progressive en raison des spécificités de la fiction, telles que les contraintes de scénario et l’implication des auteurs dans la réalisation, qui ont joué le rôle de « freins naturels » dans le développement du placement de produit. Le Conseil avait souligné que cette pratique publicitaire n’était pas marquée par un caractère intrusif, notamment en raison de l’application du Pictogramme « P »[30], et son utilisation « modérée et respectueuse du téléspectateur ».

 

 

Quelques exemples de placement de produit observés dans certaines fictions françaises
(source : SPECT) :

Enfin, s’agissant des programmes de flux, le Conseil avait souligné que « certains genres d’émissions pourraient accueillir assez naturellement du placement de produit, et que certains types de produits pourraient apporter un véritable enrichissement au contenu de ces émissions. » Il avait également ajouté que « la difficulté résiderait cependant dans la détermination des genres d’émissions, des thématiques ou des catégories de produits concernés, selon des critères objectifs. Il existe en effet de nombreux genres d’émissions de flux, un même genre (par exemple le magazine) pouvant recouvrir diverses thématiques (art de vivre, actualité culturelle, information, etc.). 

En effet, cette mesure pourrait concerner de nombreux programmes de « flux » (divertissement, jeux, émissions de plateaux, etc.) ; ces derniers représentant d’après le cabinet EY près d’un tiers des grilles de programmation[31]. Concrètement, différents types de programmes pourraient accueillir cette technique publicitaire : les émissions culinaires au sein desquelles des ustensiles de marque pourraient être rendus plus visibles (hors parrain de l’émission) ou encore les émissions de décoration au sein desquelles les marques des matériaux et outils utilisés pourraient être mentionnés ou vus de façon plus probante. Les émissions mettant en scène des déménagements illustrent d’ailleurs la facilité de réaliser des placements de produits non intrusifs dans les programmes de flux : pour mettre en scène un déménagement au sein d’une émission, les sociétés de production louent généralement des camions neutres (blancs) à la demande des diffuseurs, afin d’éviter la publicité clandestine. Demain, une entreprise de déménagement pourrait être associée à la production d’une émission en contrepartie de la visibilité d’un de ses camions à l’écran. Dans cette perspective, le placement de produit pourrait permettre à des annonceurs de tailles très diverses d’utiliser ce vecteur de promotion, sans que le confort des téléspectateurs en soit pour autant affecté.

L’autorisation du placement de produit dans les émissions de flux pourrait ainsi générer des revenus publicitaires permettant de mieux soutenir le financement de ces programmes, qui permettent aux chaînes de différencier leur offre dans leur écosystème concurrentiel. En 2016[32], les coûts de grille des chaînes de télévision étaient estimés à 5,6 Md€, en légère augmentation (+1,4% / an) sur les 5 années précédentes. Au sein de ces grilles, les programmes de flux représentaient 27% du total. Les budgets alloués par les chaînes à ces émissions diminuent cependant depuis quelques années : en 2012, elles représentaient 30 % du coût de grille total. Cette diminution est en partie liée à la concentration des obligations d’investissement sur les œuvres patrimoniales[33]. Ainsi, parmi les chaînes historiques, seul le groupe M6 a souhaité opter pour un régime de contribution constitué non exclusivement d’œuvres patrimoniales, au contraire des groupes TF1 et France Télévisions qui représentent environ 70% de l’investissement total des chaînes dans les œuvres audiovisuelles.

En Europe, l’Association des régies publicitaires radio et télévision européennes estimait en 2016 que des assouplissements du régime du placement de produit pourrait conduire à une augmentation des placements de produits de 10 % à 15 % ou à une augmentation de 4 % des revenus publicitaires à l’échelle européenne[34]. En France plus particulièrement, selon une étude menée par l’Union des annonceurs en 2012, 65% des annonceurs étaient prêts à utiliser le placement de produit dans des émissions de flux, principalement motivés par la possibilité de lier les produits aux thèmes des émissions et de profiter de leur récurrence. Le Syndicat des producteurs créateurs de programmes audiovisuels (SPECT) considère, en se fondant sur des données de 2014, que l’autorisation du placement de produit au sein des émissions de flux pourrait rapporter jusqu’à 40 M€ au secteur de la production.

S’agissant des programmes de flux, l’intégration du produit ou du service devrait être facilitée à la fois par l’absence de dialogues imposés mais également par le nombre restreint d’intermédiaires (dont les ayants droit) dont l’accord préalable est souvent indispensable avant tout placement au sein de l’œuvre.

Enfin, le placement de produit pourrait offrir de nouvelles possibilités de financement pour les formats de flux, sur lesquels les investissements des diffuseurs restent mesurés. Les formats originaux français, qui constituent un levier fondamental en faveur du renouvellement de la création, de la vitalité du secteur et de la compétitivité des acteurs français sur le marché international, pourraient en effet trouver de nouvelles voies de financement complémentaires.

En conclusion, l’impact de la mise en œuvre du placement de produit dans certains programmes, dont les émissions de flux, est difficile à quantifier en raison de l’absence de données chiffrées récentes sur les recettes que les producteurs tirent de cette pratique dans les programmes autorisés. Il est cependant possible de dire que cette mesure, dont les effets seront nécessairement progressifs, devrait contribuer à l’accroissement des financements disponibles pour les programmes de flux, qui se situent dans un marché baissier et dont le financement peut revêtir une certaine prise de risque de la part des diffuseurs.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


Article 9 : publicité et téléachat sur écran partagé

 

1.     État des lieux

1.1. Dans sa communication interprétative[35] du 28 avril 2004, la Commission européenne définissait la publicité sur écran partagé comme suit : « L'écran partagé consiste en une diffusion simultanée ou parallèle de contenu rédactionnel et de contenu publicitaire. Par exemple, un ou plusieurs spots publicitaires apparaissent dans une fenêtre pendant la diffusion d'une émission, de sorte que deux images distinctes sont visibles à l'écran. Cette technique permet au téléspectateur, dans la mesure où la place réservée à la publicité n'est pas excessive, de continuer à suivre le programme éditorial, durant la diffusion du spot publicitaire. ».

Dans cette même communication interprétative, la Commission a par ailleurs considéré que cette pratique n’était pas incompatible avec la directive 89/552/CE du Conseil du 3 octobre 1989 à condition qu’elle soit accompagnée d’« une séparation spatiale par des moyens optiques et/ou acoustiques peut permettre, le cas échéant, de satisfaire à la règle de séparation contenue à l'article 10, paragraphe 1, de la directive. Il convient, à cet effet, que ladite séparation spatiale soit opérée de telle façon qu'elle rende la publicité et le télé-achat aisément identifiables et permette de distinguer nettement ces derniers du reste du programme ».

Depuis sa révision de 2007, la directive « Services de médias audiovisuels » autorise explicitement cette forme de publicité. Son article 19.1 pose en effet le principe d’une séparation entre la publicité et le reste du programme par des moyens optiques et/ou acoustiques et/ou spatiaux.

1.2. La réglementation française est plus stricte. Le premier alinéa de l’article 14 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 prohibe la publicité sur écran partagé en prévoyant que: « les messages publicitaires ou les séquences de messages publicitaires doivent être aisément identifiables comme tels et nettement séparés du reste du programme, avant comme après leur diffusion, par des écrans reconnaissables à leurs caractéristiques optiques et acoustiques. ».

Aux termes de l’article 2 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992, constitue une publicité télévisée : « toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d'assurer la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée. ».

Cet article ajoute que : « cette définition n'inclut pas les offres directes au public en vue de la vente, de l'achat ou de la location de produits ou en vue de la fourniture de services contre rémunération. ».

Cette définition permet de distinguer la publicité du télé-achat. L’article 21 du décret définit en effet le télé-achat comme « la diffusion d'offres faites directement au public en vue de la fourniture, moyennant paiement, de biens meubles ou immeubles, de services, ou de droits et obligations s'y rapportant. ». Il ajoute que « la diffusion de ces offres est réservée aux émissions de télé-achat. »

La réglementation française est plus stricte puisque la directive Services de médias audiovisuels n’impose pas que le téléachat soit diffusé au sein d’émissions spécifiques en dehors des écrans publicitaires.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Le Gouvernement a annoncé son intention d’assouplir le régime de publicité télévisé résultant du décret n°92-280 du 27 mars 1992.

L’autorisation des spots de télé-achat suppose une modification de l’article 21 du décret n°92-280 du 27 mars 1992. De même, pour autoriser la diffusion de publicité et de spots de télé-achat sur écran partagé, une modification des articles 2 et 14 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 est suffisante.

Toutefois, plutôt que de définir par décret la portée et les limites d’une telle autorisation, il est apparu plus pertinent que la loi confie à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) le soin d’en fixer les conditions techniques (par exemple en plafonnant la part de la superficie de l’écran susceptible d’être utilisée pour la diffusion de publicité ou de spots de télé-achat), et de les adapter lorsque les innovations technologiques ou éditoriales le justifient.

Dans ces conditions, il est nécessaire de modifier préalablement la loi pour attribuer à l’ARCOM une compétence spécifique en la matière puisqu’au titre des articles 27 et 33 de la loi du 30 septembre 1986, la fixation des règles applicables à la publicité appartient au pouvoir réglementaire, avec un décret en Conseil d’Etat.

2.2.    Objectifs poursuivis

L’objectif poursuivi est celui d’une mise en cohérence du cadre français avec le cadre européen. En effet, l’étude d’impact de la directive SMA[36] avait permis de souligner en 2016, que les règles applicables en matière de publicité télévisée dans les différents pays en Europe était particulièrement « rigides » et constituaient de fait un risque pour ces médias dans un monde où les téléspectateurs sont tentés de se tourner vers des offres alternatives. Il s’agit ici de prendre en compte l’émergence de nouvelles techniques publicitaires et de permettre aux chaînes de télévision de diversifier leurs pratiques en matière de communication commerciale.

3.     Options possibles et dispositif retenu

L’option consistant à autoriser cette technique de l’écran partagé dans l’ensemble des programmes a été exclue compte tenu de son caractère intrusif, susceptible de porter atteinte au confort du téléspectateur.

Il est apparu pertinent de restreindre l’autorisation de cette pratique aux seuls programmes sportifs dans la mesure où ces programmes sont souvent difficiles à interrompre et pour permettre un meilleur amortissement de ces programmes dont les coûts d’acquisition ont augmenté du fait de la concurrence des chaînes payantes.

Le projet de loi confie donc à l’ARCOM un pouvoir réglementaire délégué afin d’une part de déterminer les manifestations sportives qui pourront comporter de telles modalités publicitaires et, d’autre part, de fixer les conditions techniques de mise en œuvre de l’écran partagé, par exemple en précisant la part de l’écran susceptible d’être utilisée pour la diffusion de publicité ou de spots de télé-achat, et de les adapter lorsque les innovations technologiques ou éditoriales le justifient. Ce pouvoir sera exercé après consultation publique et avis du Comité national olympique et sportif français.

Il va de soi que la séparation de la publicité par des moyens spatiaux n’interdit pas de combiner cette modalité de séparation avec les moyens optiques et/ou acoustiques actuels. Le temps consacré à cette forme de publicité devra en revanche être décompté du temps maximal qui peut être consacré à la diffusion des tels messages et qui est fixé par les décrets d’application des articles 27 et 33 de la loi du 30 septembre 1986.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

L’autorisation de la diffusion de messages publicitaires et de spots de télé-achat sur écran partagé par attribution à l’ARCOM d’un pouvoir réglementaire délégué se traduit par l’ajout au sein de la loi du 30 septembre 1986 d’un nouvel article 14-2. Elle  nécessite l’adoption par l’ARCOM d’une délibération.

La mesure envisagée est conforme au droit de l’Union européenne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), en particulier son article 19.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts macroéconomiques

Si les recettes publicitaires nettes de la télévision ont augmenté de 2,4 % entre 2017 et 2018 pour atteindre 3 430 M€, elles ont connu une baisse de 11 % en valeur depuis 2000 (les recettes de la télévision nettes étaient alors de 3 795 M€)[37]. En parallèle, les recettes publicitaires nettes sur Internet augmentaient de plus de 17% entre 2017 et 2018 pour atteindre 4 588 M€[38].

Les éditeurs de services de télévision ont été affectés par la baisse des recettes publicitaires constatée sur leur marché ces dernières années. Ainsi, la part de marché publicitaire de la chaîne TF1 est passée de 31,4% en 2016 à 29% en 2018, la part de la chaîne M6 étant restée stable (-0,2% sur la période pour atteindre 17% de part de marché). Les experts[39] considèrent que les recettes publicitaires des chaînes de télévision devraient continuer à augmenter (+0,6% par an) à horizon 2022 mais que la part de marché du média devrait diminuer au profit du numérique (-3 points à horizon 2022).

L’impact économique potentiel de ces mesures doit donc être évalué à l’aune du marché actuel de la publicité télévisée ainsi que de ses perspectives de croissance. Plusieurs acteurs de la chaîne de valeur de la publicité télévisée, à savoir les annonceurs, les agences, les régies publicitaires et les chaînes de télévision, pourraient être concernés potentiellement par ces impacts. Il est important par ailleurs de noter que ces mesures ne devraient pas entraîner une augmentation du temps de publicité.

a) La publicité sur écran partagé

L’impact de cette mesure est difficilement quantifiable. Elle peut cependant apporter de nombreux atouts/avantages concurrentiels pour les chaînes de télévision.

En effet, cette mesure pourrait d’abord avoir un impact positif en matière de compétitivité. Les contenus disponibles sur Internet sont entourés d’écrans publicitaires ce qui a pour double effet de permettre aux sites qui les diffusent de maximiser les recettes publicitaires en multipliant le nombre d’annonceurs présents et de permettre à l’internaute de continuer à consulter le contenu en question. L’autorisation de la publicité sur écran partagé devrait ainsi permettre aux téléspectateurs de visionner les retransmissions d’évènements sportifs sans être interrompus par des plages de publicités. Cette pratique publicitaire nouvelle pourrait ainsi limiter le phénomène de « zapping » observé lors des plages de publicité.

Cette forme de rupture dans la publicité télévisée classique pourrait être perçue comme une avancée en faveur d’une plus grande convergence des techniques publicitaires entre les supports linéaires et non linéaires. L’impact de ce nouvel atout concurrentiel ne peut se chiffrer mais il semble essentiel pour permettre aux chaînes de télévision d’assurer leur pouvoir d’attraction auprès des marques.

De même, cette pratique pourrait permettre un meilleur amortissement des programmes sportifs, dont la valeur est attachée à une diffusion unique, et dont les coûts d’acquisition ont augmenté du fait de la concurrence des chaînes payantes. A titre d’exemple, en 2018, les engagements du groupe TF1 sur les droits de retransmissions sportives (sociétés TF1 SA et TF1 DS) représentaient 158,5 M€.

Cependant, plusieurs facteurs, qui pourraient en limiter la portée, sont à prendre en compte dans l’analyse de l’impact de cette mesure.

En effet, compte-tenu de la nature de la publicité (i.e. publicité visible dans un écran dont la taille serait nécessairement limitée en termes de dimension), cette pratique ne devrait dans un premier temps se développer que dans certaines retransmissions d’évènements sportifs, qui ne font pas l’objet d’une coupure naturelle (voir supra). Les programmes concernés devraient couvrir une liste limitée de sports comme la Formule 1, les compétitions de tennis ou encore le Tour de France. De même, les impacts de cette mesure devraient être progressifs en ce qu’elle nécessitera sans doute la mise en place de tests engagés par les régies publicitaires concernées afin d’assurer la fluidité de la pratique.

A contrario, si leur nombre est limité, il n’en est pas moins que ces programmes connaissent de fortes audiences. A titre d’exemple, plus d'un Français sur deux, soit 35,4 millions de téléspectateurs, aurait suivi le Tour de France en juillet 2019 sur France Télévisions. Selon Médiamétrie, cela représenterait en moyenne 3,7 millions de personnes, par étape, pour une part d'audience de 38,2 %. Il peut donc être envisagé que ces programmes pourraient demain, avec l’écran partagé, constituer de nouveaux écrins intéressants pour des annonceurs en recherche d’une audience spécifique.

Par ailleurs, la taille de l’écran partagé, nécessairement réduite par rapport à un écran classique, pourrait rebuter les annonceurs qui attendent du média télévisé à la fois une qualité d’écoute et un fort taux de mémorisation. A titre d’exemple, le taux de mémorisation d’un message publicitaire en télévision atteignait 18,4 % en 2018[40] ; il n’est pas possible à ce jour de déterminer le potentiel de mémorisation d’une publicité qui ne couvrirait qu’une partie de l’écran de télévision. L’écran partagé pourrait constituer un frein à l’adhésion des annonceurs pour cette pratique et pourrait avoir, a minima, un impact sur les tarifs, sans doute inférieurs à ceux pratiqués sur des espaces classiques.

Enfin, avant d’interférer avec le signal du programme par le biais d’un écran publicitaire, l’accord du ou des ayants droit sera nécessaire. Il est probable que la propriété complexe de certains droits rattachés à ces programmes sportifs soit un obstacle à l’obtention d’un accord.

b) Les spots de téléachat

A ce jour, la télévision constitue déjà un relais intéressant pour les annonceurs qui ont besoin de générer du trafic vers leurs sites Internet : en moyenne, en 2018, un spot de télévision générait 25 visites directes sur l’environnement numérique d’un annonceur qui ne dispose pas de lieux de vente physiques (« pure player »), soit deux fois plus que pour les annonceurs qui en disposent (« bricks and mortars »)[41]. De plus, de nombreux écrans publicitaires comportent déjà des indications s’apparentant à de la vente directe et présentent des produits associés à un prix ou renvoyant vers un site Internet ou des numéros de téléphone. Cette mesure pourrait particulièrement attirer ainsi les annonceurs de la banque, les équipementiers automobiles ou encore les services de tourisme.

De la même manière, la publicité pour le téléachat pourrait donner demain la possibilité aux régies publicitaires de mettre en œuvre des partenariats avec certains annonceurs, voire des acteurs de la vente en ligne, visant à partager davantage la valeur tirée de la vente de produits et services par le biais de ces publicités. S’il est difficile d’analyser avec précision le poids que ces revenus pourraient représenter pour les éditeurs de chaîne, il est intéressant de souligner néanmoins que les potentialités sont nombreuses. En effet, selon les derniers chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance[42], 92,6 Md€ ont été dépensés sur Internet l’année dernière, correspondant à  une progression de 13,4% du e-commerce par rapport à l’année précédente. Il est possible d’imaginer que les sites marchands pourraient demain être intéressés par la commercialisation d’espaces publicitaires télévisés permettant la vente directe de produits. Ces mesures pourraient ainsi servir de levier à une diversification des revenus des chaînes de télévision. Par exemple, certains groupes tels que M6 se sont diversifiés dans la vente à distance.

4.2.2.   Impacts sur les entreprises

La réforme envisagée devrait contribuer à rétablir la symétrie des règles auxquelles sont assujettis les différents acteurs linéaires et non linéaires. En donnant plus de souplesse aux chaînes de télévision dans leur capacité à générer des recettes publicitaires, sans pour autant augmenter le volume publicitaire (dont le plafond autorisé demeurerait inchangé), ces dispositions devraient permettre aux régies publicitaires d’une part de mieux fidéliser leurs actuels annonceurs en leur proposant des offres innovantes et d’autre part d’attirer de nouvelles marques peu enclines à communiquer sur des espaces classiques. Elles devraient ainsi fournir aux chaînes de télévision de meilleurs leviers pour concurrencer les acteurs du numérique, qui peuvent déjà recourir à cette technique publicitaire dans un univers numérique non régulé.

De plus, ces mesures devraient inciter les annonceurs qui n’avaient hier pas la possibilité de communiquer sur les chaînes de télévision d’y accéder. En cela, ces mesures pourraient entraîner à la fois une diversification de leurs revenus tirés de la publicité et une augmentation de ces revenus.

Ces mesures ne devraient pas constituer des charges supplémentaires pour les entreprises, en dehors d’un renforcement de la charge de travail des équipes commerciales responsables de la relation avec les annonceurs et des équipes techniques responsables de l’insertion des messages publicitaires.

4.3.    Impacts sur les particuliers

La disposition envisagée ne devrait pas confronter les téléspectateurs à un accroissement de la pression publicitaire, puisque le recours aux spots de télé-achat comme à l’écran partagé serait enserré dans les limites du temps publicitaire autorisé, qui resterait inchangé.

Elle pourrait permettre de proposer aux téléspectateurs des offres nouvelles (par le biais des spots de téléachat par exemple) pouvant correspondre à un besoin. Mais elles pourraient aussi être perçues comme une atteinte au confort de visionnage (ce qui pourrait être le cas de l’écran partagé). Le dispositif envisagé, qui circonscrit les pratiques en question, et renvoie au CSA la responsabilité d’en définir l’encadrement, devrait cependant limiter le caractère intrusif de la publicité.

En outre, on peut s’attendre à ce que les chaînes tiennent compte des réactions des téléspectateurs et veillent à préserver leur confort d’écoute pour ne pas risquer de les voir se détourner de leurs programmes.  Par ailleurs, les recettes générées grâce à cet assouplissement de la réglementation pourront contribuer à maintenir sur les chaînes gratuites des programmes sportifs coûteux.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

 

Elle nécessite également une modification du décret du 27 mars 1992 susmentionné afin d’y supprimer les dispositions prohibant la publicité sur écran partagé et la diffusion de spots de télé-achat.


Article 10 : troisième coupure publicitaire et annonce des programmes

 

1.     État des lieux

Initialement, l’article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a posé le principe de l’interruption publicitaire unique des œuvres cinématographiques diffusées par les services de télévision (à l’exception de ceux diffusés par les sociétés de l’audiovisuel public et des services de télévision payants). Ce principe a ensuite été étendu aux œuvres audiovisuelles[43] par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi de 1986 précitée.

A ce principe de coupure unique, la loi apportait toutefois une possibilité de dérogation. Ainsi, à la demande du diffuseur, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pouvait accorder une dérogation pour une seconde interruption. Le CSA a restreint cette dérogation aux œuvres d'une durée supérieure à 2 heures et 30 minutes.

La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a introduit la possibilité d’une seconde coupure publicitaire dans les œuvres.

Ainsi, dans sa rédaction actuelle, l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que : « Sans préjudice des dispositions du code de la propriété intellectuelle, la diffusion par un service de télévision d'une œuvre cinématographique ou audiovisuelle ne peut faire l'objet de plus de deux interruptions publicitaires. En outre, les œuvres cinématographiques, les œuvres audiovisuelles qui ne sont ni des séries ni des feuilletons ni des documentaires et les programmes destinés à la jeunesse ne peuvent faire l'objet que d'autant d'interruptions qu'elles comportent de tranches programmées de trente minutes. Le message publicitaire doit être clairement identifiable comme tel. / L'interruption publicitaire ne peut contenir que des messages publicitaires à l'exclusion de tout autre document, donnée ou message de toute nature, notamment bande-annonce, bandes d'auto-promotion. / Toutefois, la diffusion d'une œuvre cinématographique par les services de télévision mentionnés à l'article 44 et par les services de télévision de cinéma ne peut faire l'objet d'aucune interruption publicitaire. Le sous-titrage publicitaire des œuvres cinématographiques est interdit, de même que toute interruption publicitaire des œuvres cinématographiques diffusées dans le cadre d'émissions de ciné-club. »

En introduisant cette seconde possibilité d’interruption, la réforme de 2009 a, parallèlement, supprimé la faculté de dérogation accordée par le CSA de sorte qu’une troisième coupure ne peut pas être autorisée.

En outre, elle a restreint aux seuls services de cinéma et non plus à l’ensemble des services payants l’interdiction d’insérer des écrans publicitaires au sein des œuvres.

Le régime actuel prévoit la modulation du nombre de coupure publicitaires autorisées selon la nature des œuvres, leur durée et la nature des chaines qui les diffusent :

 

 

 

 

 

 

La durée de ces interruptions et le délai à respecter entre elles sont déterminés par voie réglementaire. 

On peut donc remarquer que les dispositions françaises actuelles sont plus strictes que les règles minimales imposées par la législation européenne. En effet, la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels prévoit au 2 de son article 20 que : « La diffusion des films conçus pour la télévision (à l'exclusion des séries, feuilletons et documentaires), des œuvres cinématographiques et des journaux télévisés peut être interrompue par de la publicité télévisée, du téléachat, ou les deux, une fois par tranche programmée de trente minutes au moins. La diffusion des programmes pour enfants peut être interrompue par de la publicité télévisée une fois par tranche programmée de trente minutes au moins, à condition que la durée programmée du programme soit supérieure à trente minutes ». Ces dispositions n’ont pas été modifiées par la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil du 14 novembre 2018 dite directive SMA. Dès lors, les œuvres cinématographiques et les œuvres audiovisuelles autres que les séries, feuilletons et documentaires peuvent être interrompues autant de fois qu’elles comportent de tranches programmées de trente minutes. Les programmes pour enfants peuvent également être interrompus selon la même règle à condition que leur durée soit supérieure à trente minutes. Enfin, les séries, feuilletons et documentaires ne sont soumis à aucune restriction d’interruption.

D’autre part, s’agissant du deuxième alinéa de l’article 73 de la loi de 1986 précitée qui dispose que : « L'interruption publicitaire ne peut contenir que des messages publicitaires à l'exclusion de tout autre document, donnée ou message de toute nature, notamment bande-annonce, bandes d'auto-promotion. », le Conseil d’Etat a considéré que l’insertion au sein d’une œuvre audiovisuelle d’un bandeau déroulant destiné à promouvoir un programme à venir de la même chaîne constituait une interruption de l’œuvre prohibée dès lors qu’il ne s’agissait pas d’une interruption publicitaire au sens de la loi[44].

Toutefois, dans un souci de bonne information du téléspectateur, le CSA a accepté en 2006 que le programme suivant soit annoncé au cours de la diffusion d’une œuvre et l’a ainsi encadré[45] : « L’annonce de l’émission suivante doit prendre la forme d’une unique incrustation au cours de la diffusion d’une œuvre, indiquant de manière brève et discrète, le titre du programme à suivre, accompagné de la signalétique de cette émission, lorsque cela est nécessaire. / Toute autre présentation apparaîtrait contraire à la jurisprudence, le Conseil d’Etat ayant considéré, dans la décision précitée, que le bandeau déroulant constituait une interruption de l’œuvre contraire à l’alinéa 2 de l’article 73 de la loi précitée ».

En 2010, le CSA a effectué un relevé des pratiques des chaînes et a constaté qu’elles étaient très diverses. C’est pourquoi il a favorisé la conclusion entre les chaînes et les auteurs autorisant « l’habillage dynamique » (notamment l’annonce du programme suivant pendant le générique de fin de l’œuvre), d’une charte qui a été signée le 4 octobre 2012 par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, la Société civile des auteurs multimédias et les dirigeants des chaînes de télévision, en présence du président du CSA.

Résultat d’une concertation approfondie, cette charte établit des règles communes visant à favoriser l’information des téléspectateurs sur la diffusion des programmes au moyen d’éléments  dynamiques, dans une recherche d’équilibre entre les dispositions de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 et le développement des nouveaux supports de diffusion (télévision de rattrapage, vidéo à la demande notamment).

Les sociétés représentant les auteurs et les chaînes de télévision ont ainsi rédigé un recueil de lignes directrices permettant d’encadrer les annonces liées à la diffusion des programmes ainsi qu’à leurs données associées dans un objectif d’information et de fidélisation de leurs téléspectateurs, tout en respectant l’intégrité des œuvres cinématographiques et audiovisuelles prévue par le droit d’auteur français.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Il résulte de ce qui précède que les différentes règles encadrant la programmation des services de télévision pénalisent à présent fortement les médias traditionnels dans leur situation de concurrence nouvelle avec les acteurs du numérique dont beaucoup ne sont pas assujettis à la réglementation française, ainsi que l’ont mis en évidence la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale dans son rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique publié en octobre 2018[46] et l’Autorité de la concurrence dans son avis n° 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d’avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale dans le secteur de l’audiovisuel[47].

L’autorisation d’une troisième interruption publicitaire des œuvres nécessite de modifier l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 précitée. Il importe aujourd’hui de permettre aux chaînes de trouver des sources de financement accrues alors qu’elles sont confrontées à la concurrence des nouveaux acteurs. L’inconvénient que constitue la troisième coupure pour les téléspectateurs est moindre que celui d’une disparition de ces films de leurs écrans.

De la même manière, il convient de modifier l’article 73 de la même loi afin de donner une base légale à la pratique des chaînes consistant à annoncer le programme suivant.

2.2.    OBJECTIFS POURSUIVIS

Les règles relatives à la diffusion de la publicité en télévision visent d’une part à assurer la protection des intérêts des consommateurs que sont les téléspectateurs, notamment en limitant le volume publicitaire et en assurant la distinction entre publicité et programme, et d’autre part à respecter l’intégrité des œuvres et le droit moral des auteurs en encadrant les modalités de coupure publicitaire au sein des œuvres.

La mesure proposée, en transposant la directive SMA, vise à maintenir cet équilibre, tout en prenant en considération la situation économique des chaînes gratuites, dont le modèle repose essentiellement sur la publicité, et qui financent en grande partie la création française. De même, il s’agit ici de permettre aux chaînes de bénéficier de règles plus souples dans un environnement concurrentiel qui les confronte à des acteurs étrangers qui ne sont pas assujettis aux mêmes contraintes.

Comme expliqué plus haut, cette mesure pourrait constituer un levier pour un meilleur financement des œuvres de long métrage, dont le financement est en baisse, et dont les recettes associées lors de la diffusion pourraient être augmentées par l’autorisation de cette pratique.

Enfin, la mesure a pour objet de confier à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) un pouvoir réglementaire délégué afin de fixer les règles permettant l’insertion de messages d’information sur les programmes pendant la diffusion d’une œuvre. Cette nouvelle compétence confiée à l’ARCOM devrait permettre à la fois aux éditeurs de bénéficier de plus de souplesse dans les modalités d’insertion de la publicité, tout en assurant aux téléspectateurs le maintien de son confort de visionnage.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

La possibilité d’autoriser cette troisième coupure dans les œuvres inférieures à 120 minutes (i.e. comportant moins de quatre tranches programmées de trente minutes) n’a pas été retenue en ce qu’elle risquait d’entraîner un accroissement de la pression publicitaire.

S’agissant de l’interruption des programmes par des messages autres que publicitaires, une telle solution n’est pas satisfaisante dans la mesure où la pratique ne respecte ni le droit ni la jurisprudence qui prohibent l’interruption des œuvres par des messages autres que publicitaires.

3.2.    Dispositif retenu

Le dispositif vise à autoriser une troisième coupure publicitaire dans l’ensemble des œuvres de plus de 120 minutes, y compris les œuvres audiovisuelles consistant en des séries, feuilletons et documentaires. Il est ainsi proposé d’insérer après le premier alinéa de l’article 73 de la loi de 1986, l’alinéa suivant : « Par dérogation à l’alinéa précédent, le nombre maximal d’interruptions publicitaires peut être porté à trois pour la diffusion par un service de télévision d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle qui comporte au moins quatre tranches programmées de trente minutes. ».

Afin de protéger le jeune public, il a été décidé de ne pas étendre cette possibilité de troisième interruption aux programmes destinés à la jeunesse.

S’agissant de l’interruption des programmes par des messages autres que publicitaires, l’option retenue consiste à donner une base légale à la pratique et à la charte par l’attribution à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d’un pouvoir réglementaire délégué pour fixer les conditions dans lesquelles peut s’effectuer l’insertion de messages d’information sur les programmes.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

L’autorisation d’une troisième coupure publicitaire dans les œuvres d’une durée au moins égale à 120 minutes et le pouvoir réglementaire délégué confié à l’ARCOM pour fixer les règles d’insertion de messages d’information sur les programmes pendant la diffusion des œuvres se traduisent par l’ajout à l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 précitée de deux nouveaux alinéas.

L’introduction d’un pouvoir réglementaire délégué confié à l’ARCOM afin d’encadrer l’insertion de messages d’information sur les programmes pendant la diffusion des œuvres nécessite l’adoption par l’ARCOM d’une délibération.

La mesure envisagée est, en outre, conforme au droit de l’Union européenne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), en particulier son article 19.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts macroéconomiques

Les impacts rattachés à l’alignement du droit français avec les dispositions de la directive SMA sont avant tout d’ordre concurrentiel. Les chaînes pourront ainsi bénéficier d’un allègement des contraintes qui devrait permettre une plus grande souplesse dans la programmation et une meilleure rentabilité des programmes qu’elles diffusent (notamment s’agissant des films, dont les cases de diffusion sont perçues par les chaînes comme étant « déficitaires »). Cette réforme lève également un obstacle à la diffusion d’œuvres longues (plus de 2 heures) au bénéfice de l’exposition du cinéma dans sa diversité. Face aux acteurs numériques non régulés, cette mesure pourrait être perçue comme un moyen de rétablir un certain équilibre concurrentiel. L’impact positif de cette mesure pourrait par ailleurs être renforcé avec la suppression du principe des « jours interdits » qui contraint la diffusion des films certains jours de la semaine sur les chaînes gratuites. Cette mesure est également envisagée, au sein du projet de loi, ainsi que dans le cadre de la réforme du régime réglementaire encadrant la diffusion des œuvres sur les chaînes de télévision.

Les effets de cette mesure sont complexes à quantifier tant ils dépendent de paramètres divers, fluctuants, et difficilement maitrisables du point de vue des pouvoirs publics.

Premièrement, l’offre de programmes concernés. Le CNC[48] relevait dans sa dernière étude sur la diffusion des œuvres de cinéma que l’audience moyenne des films en première partie de soirée sur les chaînes historiques en clair (hors Arte) était en diminution en 2017 (3,24 millions de téléspectateurs en moyenne, soit 82 600 téléspectateurs de moins qu’en 2016). De la même manière, il soulignait que le nombre de films inédits, c’est-à-dire programmés pour la première fois en clair, sur les chaînes nationales gratuites était également en diminution (-19 titres en 2017 à 447 films). Cet élément est essentiel pour mesurer l’impact de cette coupure : les annonceurs sont nécessairement intéressés par une communication autour ou dans un programme inédit, a fortiori porteur d’audience, et sur lequel ils peuvent espérer toucher un panel plus large de téléspectateurs en comparaison des programmes rediffusés.

Deuxièmement, la comptabilisation exacte du nombre d’œuvres qui pourraient être concernées par la mesure : a priori, les œuvres de long métrage. Une étude réalisée par Télérama[49] en 2018 sur tous les longs métrages sortis en salle depuis 1968 montre que si la durée moyenne d’un film est de 102 minutes (chiffre relativement stable depuis 1968), la durée moyenne des 50 films les plus vus chaque année est passée de 107 minutes en 1968 à 126 minutes en 2018. Les films qui sont les plus susceptibles d’intéresser les téléspectateurs et de trouver leur place sur des chaînes gratuites privées sont donc des œuvres pour lesquelles la troisième coupure serait rendue possible. Il est cependant difficile de les quantifier.

Enfin, le tarif qui pourrait être appliqué aux espaces publicitaires est un autre facteur essentiel. Le CNC indiquait en 2017 que 2073 films différents avaient été diffusés en 2017. Ces films avaient donné lieu à 3752 diffusions, dont 1 902 diffusions en première partie de soirée, soit 50% du volume des diffusions. Compte-tenu de la valeur supérieure des espaces publicitaires en première partie de soirée vs en journée, il est possible de penser que cette « case » devrait être le réceptacle privilégié de la nouvelle pratique autorisée pour près de 50% du volume de films diffusés sur ces cases de soirées. Il n’est cependant pas envisageable de mesurer avec précision le montant en valeur que chaque chaîne, dont la régie pratique des tarifs spécifiques et différents de ses concurrents, pourrait retirer de l’autorisation de la troisième coupure. Ainsi, à titre d’exemple, sur TF1, un spot publicitaire de 30 secondes (une plage de publicité de 6 minutes pouvant recueillir 12 spots) a une valeur comprise entre 40 000 et plus de 150 000 euros[50].

De même, deux éléments structurels empêchent l’estimation précise de l’impact de la mesure : la saturation des espaces publicitaires et la sous-utilisation des cases destinées à la diffusion de films :

En effet, les chaînes font valoir qu’elles font face à une utilisation maximale des espaces publicitaires autorisés. Elles craignent de fait que l’exposition des téléspectateurs aux écrans publicitaires incite ces dernières à préférer des services sans publicité (dont les services payants de vidéos). Ainsi, les inventaires publicitaires ayant des valeurs très inégales en télévision, les chaînes pourraient être tentées de concentrer la pratique sur les cases de soirée mais elles devraient être limitées par leur aversion à la perte des téléspectateurs au sein des programmes diffusés sur ces plages à forte valeur ajoutée.

De plus, il est important de noter qu’en première partie de soirée, les chaînes disposent de quatre cases cinéma hebdomadaires mais n’en utilisent régulièrement qu’une seule, d’après le CNC en 2017. Malgré cette sous-utilisation des cases autorisées, qui diffère vraisemblablement d’une chaîne à l’autre, les perspectives d’accroissement de la diffusion des films à la télévision sont particulièrement difficiles à mesurer.

S’agissant de la relation que les chaînes pourraient entretenir avec les titulaires du droit moral sur ce point, le rapport de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique, présenté par Mme Aurore Bergé en octobre 2018, soulignait que ces derniers « sont en droit de refuser l’interruption de leur œuvre par un écran publicitaire » pour protéger son intégrité, « il leur est aujourd’hui difficile de le faire sans risquer de voir leur film refusé par les chaînes. » Cette mesure pourrait globalement avoir un impact positif sur la création en ce qu’elle devrait inciter les éditeurs à accroître leurs investissements dans le cinéma et améliorer de fait son exposition. Cette situation aurait des répercussions positives sur les distributeurs de films.

4.2.2.   Impacts sur les entreprises

Comme indiqué plus haut, cette mesure devrait permettre aux éditeurs de service de télévision de bénéficier d’une plus grande souplesse dans la programmation et d’assurer une meilleure rentabilité des programmes qu’ils financent et diffusent, par le biais d’un accroissement des revenus des éditeurs.

Ces mesures ne devraient pas constituer des charges supplémentaires pour les entreprises, en dehors d’un renforcement des équipes commerciales chargées de la relation avec les annonceurs et des équipes techniques chargées de l’insertion des messages publicitaires.

4.2.3.   Impacts sur les particuliers

Sous réserve d’une utilisation effective, récurrente et massive de la possibilité d’insérer une coupure supplémentaire au sein des œuvres, cette mesure ne devrait pas entrainer une augmentation substantielle de l’exposition des téléspectateurs à la publicité.

En effet, l’intérêt de tout diffuseur est d’attirer des téléspectateurs, de les fidéliser et de leur offrir la meilleure expérience télévisuelle possible, aussi cet assouplissement réglementaire ne peut être envisagé comme une dégradation de l’expérience du téléspectateur.

4.2.4.   Impacts sur les services administratifs

L’ARCOM étant déjà chargée du contrôle du respect par les éditeurs de services de télévision des règles en matière d’interruption des œuvres, l’autorisation d’une troisième coupure publicitaire des œuvres n’impliquera pas de charge supplémentaire pour l’autorité.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

En outre, le ministère de la culture a mené à titre facultatif des consultations publiques afin d’adapter ces dispositions, tout en veillant à ce que cette modernisation de la réglementation ne porte pas atteinte au respect des objectifs fondamentaux, tels le pluralisme des médias, la diversité culturelle ou la protection des publics fragiles.

Ainsi, une consultation publique sur la simplification des règles relatives à la publicité télévisée a été menée par la Direction générale des médias et des industries culturelles au second semestre 2017. Elle a fait l’objet d’une quarantaine de réponse des professionnels (représentants et groupes de services de télévision, radios, régies publicitaires, auteurs, producteurs, industrie cinématographique, annonceurs et agences publicitaires, opérateurs télécoms, presse écrite).

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


Articles 11: suppression de l’encadrement par décret de la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques diffusées par les services de télévision

 

1.     État des lieux

Les conditions de diffusion des œuvres cinématographiques sur les services de télévision sont fixées par décret en application des articles 27, 33 et 70 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Le 5° de l’article 27 (pour les services diffusés par voie hertzienne terrestre) et le 8° de l’article 33 (pour les services distribués par les réseaux n’utilisant pas les fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel : câble, satellite, ADSL, fibre, OTT, etc.) renvoient à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer « le régime de diffusion des œuvres cinématographiques de longue durée et, en particulier, la fixation d'un nombre maximal annuel de diffusions et de rediffusions et la grille horaire de programmation de ces œuvres ».

L’article 70 ajoute : « Les autorisations et décrets doivent préciser : (…) / 3° La grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques de longue durée ; / Les dispositions relatives à la diffusion des œuvres cinématographiques de longue durée sont identiques pour les services publics et privés de communication audiovisuelle diffusés en clair et dont le financement ne fait pas appel à une rémunération de la part des usagers. ».

Ces règles, qui figuraient déjà dans la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, visent à préserver l'industrie cinématographique et plus précisément le secteur de l’exploitation en salles d'une diminution de fréquentation qui résulterait de la diffusion des films à la télévision.

Elles ont été précisées par les articles 8 à 11 du décret n°90-66 du 17 janvier 1990 (« décret diffusion »). Ce décret limite le nombre total d’œuvres cinématographiques diffusées et interdit la programmation de ces œuvres à certains jours et horaires considérés comme les plus susceptibles de porter préjudice aux salles de cinéma (grille cinéma), selon un dispositif différencié entre catégories de services (chaînes en clair, chaînes cinéma, etc.).

Au titre de l’article 10 de ce décret, les chaînes qui ne sont pas définies comme des services de cinéma au titre de l’article 11 du décret ne peuvent diffuser aucune œuvre cinématographique de longue durée:

-          le mercredi soir (à l’exception des œuvres d’art et essai diffusées après 22 h 30) ;

-          le vendredi soir (à l’exception des œuvres d’art et essai diffusées après 22 h 30) ;

-          le samedi toute la journée ;

-          le dimanche avant 20 h 30.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessite de légiférer

Les objectifs de la restriction portant sur les jours et les horaires de diffusion des œuvres cinématographiques sur les services de télévision ne peuvent plus être satisfaits par ce dispositif devenu obsolète.

Ce constat est en outre largement partagé par les rapports et avis récemment publiés sur la réglementation du secteur audiovisuel. Ainsi, le rapport d’information parlementaire sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique[51], rendu public le 4 octobre 2018 relève que « Les arguments qui avaient cours dans les années 1980 n’ont plus aucune validité aujourd’hui. Alors que les spectateurs potentiels peuvent accéder, à toute heure, à des œuvres cinématographiques par le biais de la vidéo à la demande, de la télévision de rattrapage ou de leurs propres enregistrements, il paraît illusoire et anachronique de tenter de contraindre les habitudes prises en matière de consommation délinéarisée. »

De son côté le Conseil supérieur de l’audiovisuel[52] souligne à ce propos que « la délinéarisation des programmes et l’apparition d’offres alternatives transforment les conditions de concurrence […].Dans le même temps, les services non régulés développent sans contrainte leur offre cinématographique linéaire et non linéaire. ».

L’Autorité de la concurrence avait également souligné cet état de fait en février 2019[53] et confirmé la nécessité de modifier la législation dans la mesure où « le niveau de fréquentation des salles de cinéma n’est pas directement lié à la possibilité, pour un consommateur, de visionner une œuvre cinématographique sur un service audiovisuel (…) ».

De surcroît, les assouplissements successifs ont abouti à un dispositif complexe, tant en termes de contraintes pesant sur la construction des grilles de programmes, qu’en termes d’engagements devant être consentis par les éditeurs pour pouvoir bénéficier de ces assouplissements.

Il est ainsi proposé de supprimer les restrictions portant sur la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques sur les services de télévision. Si un simple assouplissement de la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques ne nécessite qu’une modification du décret du 27 janvier 1990 précité, une suppression complète de ce régime nécessite en revanche une suppression des dispositions législatives renvoyant sur ce point au décret.

2.2.    Objectifs poursuivis

La mesure proposée permettrait de prendre acte de l’obsolescence du dispositif actuel au regard de l’évolution des modes de consommation mais aussi de l’offre d’œuvres cinématographiques. Dès 2014, la Cour des comptes[54] avait d’ailleurs souligné que les évolutions de l’offre affectaient « la valeur de produits dont la diffusion a perdu son caractère exclusif ». Cette mesure devrait de fait permettre aux éditeurs de bénéficier de la possibilité, dont disposent déjà les plateformes numériques, de proposer plus régulièrement des œuvres cinématographiques et ainsi de mieux les exposer, valoriser et financer. Elle devrait par ailleurs améliorer l’accès du public à la création cinématographique, en permettant aux chaînes, y compris gratuites, d’offrir aux téléspectateurs davantage de films, et en atténuant la concentration de la programmation cinéma sur certains soirs (le dimanche par exemple) que l’on constate aujourd’hui.

De plus, cette mesure ne devrait pas affecter la fréquentation en salle. En effet, en dépit de la multiplication de l’offre de films (création des chaînes cinéma et, plus récemment, développement de l’offre de films sur les chaînes de la TNT et émergence des offres de vidéo à la demande), notamment par des acteurs non soumis à de telles restrictions de programmation de cette nature, les chiffres de fréquentation en salle ont récemment atteint des niveaux records autour de 200 millions d’entrées, et souvent au-delà, depuis plusieurs années.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Un simple assouplissement réglementaire de la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques a été envisagé.

Toutefois, cette réglementation paraît largement obsolète  au regard de son objectif historique, qui était de  préserver l’exploitation en salles par une limitation de la diffusion de films à la télévision.  Non seulement les salles n’ont souffert ni de la création des chaînes cinéma ni, plus récemment, du développement de l’offre de films sur les chaînes de la TNT, mais, en outre, le développement des offres de vidéo à la demande qui échappent par construction à de telles contraintes diminue considérablement l’impact de ces limitations sur les chaines linéaires. Il est donc proposé de supprimer ce régime.

3.2.    Dispositif retenu

Le dispositif retenu consiste en une suppression des restrictions portant sur les jours et les horaires de diffusion des œuvres cinématographiques sur les services de télévision par la suppression du renvoi au décret définissant « la grille horaire de programmation [des œuvres cinématographiques] » sein des articles 27, 33 et 70 de la loi du 30 septembre 1986. Par coordination, l’article 79 est également modifié afin de retirer la sanction pénale pour le non-respect de la grille horaire.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La mesure se traduit par une modification des articles 27, 33, 70 et 79 de la loi du 30 septembre 1986.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts macroéconomiques

D’après le CNC[55], les salles de cinéma attirent toujours un large public. En effet, en 2018 et pour la cinquième année consécutive, la fréquentation des salles de cinéma atteignait plus de 200 millions d’entrées (200,47 millions). La France était en 2018 le premier marché européen du cinéma avec le niveau le plus élevé de fréquentation avant la Grande Bretagne (176 millions d’entrées), l’Allemagne (90 millions), l’Espagne (92 millions) et l’Italie (79 millions). En 2019, les chiffres confirment la tendance sur les huit premiers mois de l’année : la fréquentation progresse de 5,1 % à 138,96 millions d’entrées. Le 9 septembre, le CNC indiquait même que sur les 12 derniers mois écoulés, les entrées dans les salles étaient estimées à 208 millions, en hausse de 2,6 % par rapport aux 12 mois précédents. De la même manière, le CNC soulignait que la salle de cinéma reste le meilleur moyen pour découvrir un film pour 84,1 % des consommateurs[56]. Ces résultats confirment une appétence certaine des Français pour ce loisir. Ils attestent également que l’explosion de l’offre de cinéma, sur la TNT ou les services de vidéo à la demande, n’a pas affecté le dynamisme de l’exploitation en salle.

De fait, la mesure proposée ne devrait pas avoir d’impact sur les recettes générées par les exploitants de salles de cinéma. A ce titre, il est utile de remarquer que la tendance relative à la répartition des entrées en fonction des jours révèle une déconcentration des entrées lors des jours stratégiques[57] (68,2 % des entrées étaient réalisées le mercredi, vendredi, samedi et dimanche en 2009, contre 66,5 % en 2018). L’absence de corrélation entre les jours interdits et la fréquentation des salles est encore plus criante s’agissant de la comparaison du nombre d’entrées réalisées le mercredi (jour interdit en tant que jour traditionnel de sortie des films) et le mardi (jour autorisé) : alors que le mercredi cumulait 13,3 % des entrées hebdomadaires en 2009 contre 10,6 % pour la journée du mardi, cet écart tend à se réduire depuis 10 ans et n’est aujourd’hui que de 0,4 points (contre 2,7 en 2009). En somme, cette mesure ne devrait avoir aucun impact significatif sur les exploitants de salle de cinéma.

En revanche, la suppression des « jours interdits » pour la diffusion des œuvres cinématographiques sur des services de télévisions devrait avoir un impact d’ordre concurrentiel. Les chaînes de télévision pourraient ainsi tirer profit d’un assouplissement des contraintes auxquelles elles sont soumises s’agissant de leur programmation. En effet, le dispositif réglementaire a conduit à une concentration de la diffusion des films par toutes les chaînes sur les mêmes jours jours de la semaine. Cette situation a entrainé une baisse des audiences et de la rentabilité associée à la diffusion de ces œuvres. Ainsi, le CNC[58] avait observé en 2017 que l’audience moyenne des films en première partie de soirée sur les chaînes historiques en clair (hors Arte) était en diminution (3,24 millions de téléspectateurs en moyenne, soit 82 600 téléspectateurs de moins qu’en 2016). Cette mesure devrait permettre aux chaînes d’augmenter les recettes liées à la diffusion des films et d’inverser potentiellement cette tendance.

En conséquence, cette mesure permettra de renouveler l’attractivité des œuvres cinématographiques à la télévision, au bénéfice des auteurs et producteurs de ces œuvres. La concurrence exacerbée entrainée par les restrictions de grilles de programmation a pu dissuader les chaînes de diffuser des films, et a fortiori de prendre des risques dans leur programmation. A titre d’exemple, la diffusion de films inédits, c’est-à-dire programmés pour la première fois en clair, sur les chaînes nationales gratuites était en diminution en 2017 (-19 titres à 447 films). De même, d’après le CNC, les chaînes n’utilisent régulièrement qu’une seule des quatre cases hebdomadaires autorisées en première partie de soirée.

Cette disposition pourrait de fait avoir un impact positif sur le financement fragile et complexe des films français. En effet, en 2018, 1,13 Md€ ont été investis dans la production de films agréés, soit une diminution de 15,2 % par rapport à 2017 (-202 M€)[59]. L’investissement français au sein de ces films représente 926,65 M€, dont environ 281 M€ sont apportés par les chaînes de télévision. L’investissement des chaînes diminue de 22,5 % en 2018, pour un nombre de films financés en baisse de 9,3 %, soit 18 films en moins. Il s’agit du niveau le plus bas sur dix ans.  De même, les investissements dans la production des films d’initiative française ont diminué de 12,1 % pour atteindre 957 M€ en 2018. L’exposition plus régulière de ces œuvres sur des cases particulièrement génératrices d’audience (première partie de soirée essentiellement) et donc de recettes publicitaires devrait, à moyen terme, tirer à la hausse les investissements des éditeurs dans les films.

Enfin, cette mesure, en participant au développement de l’offre gratuite et légale d’œuvres cinématographiques, pourrait contribuer au recul du piratage [60].Selon une étude du cabinet Ernst & Young publiée en 2018, 39 % des consommateurs pirates indiquent qu’ils choisiraient la télévision linéaire gratuite s’il devait reporter leur consommation vers l’offre légale. Ainsi, la mesure pourrait participer à la diminution du manque à gagner généré par le piratage pour la filière audiovisuelle et cinéma, estimé à 1,18 Md€ en 2017 (14 % du chiffre d’affaires de la filière)[61].

Pour conclure, si les effets de cette mesure sont complexes à quantifier, tant ils dépendent de paramètres divers, fluctuants, et difficilement maitrisables du point de vue des pouvoirs publics car principalement fonction des choix de programmation faits par les services de télévision), les impacts macroéconomiques devraient être globalement positifs pour l’ensemble du secteur.

4.2.2.   Impacts sur les entreprises

Comme expliqué plus haut, cette mesure devrait permettre aux éditeurs de service linéaires de bénéficier d’une plus grande souplesse dans la programmation et d’assurer une meilleure rentabilité des programmes qu’ils financent et diffusent, par le biais d’un accroissement des revenus des éditeurs.

Elle devrait également permettre un accroissement du préfinancement et du financement de films français par les éditeurs de services de télévision.

En ce qui concerne plus spécifiquement les éditeurs de chaînes payantes, l’impact de la mesure est contrasté. D’un côté, la suppression des jours interdits permettrait de remédier à une asymétrie concurrentielle qui profite à leurs concurrents numériques, majoritairement internationaux, que sont les services de vidéo à la demande. De l’autre, elle les priverait d’un avantage comparatif qui leur permet de se différencier des chaînes gratuites, aujourd’hui soumises à des règles plus contraignantes que les chaînes payantes ; mais cet impact négatif doit être relativisé au regard des autres caractéristiques qui permettent à la programmation cinéma des chaînes payantes de se distinguer de celle des chaînes gratuites, et notamment la chronologie des médias, qui permet aux chaînes payantes de diffuser des films plus récents.

4.2.3.   Impacts sur les particuliers

Sous réserve des choix de programmation qui seront réalisés par les éditeurs de service, cette mesure devrait permettre d’améliorer l’accès des téléspectateurs à des œuvres cinématographiques sur les chaînes gratuites et,  d’offrir un choix plus large, en particulier pour les publics privés d’accès aux salles de cinéma et aux offres payantes de télévision ou de vidéo à la demande, que ce soit pour des raisons économiques, géographiques ou liées à leur état de santé ou à leur situation de handicap.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Le ministère de la culture a aussi mené des consultations publiques afin d’adapter ces dispositions, tout en veillant à ce que cette modernisation de la réglementation ne porte pas atteinte au respect des objectifs fondamentaux, tels le pluralisme des médias, la diversité culturelle ou la protection des publics fragiles.

Ainsi, une consultation publique sur l’assouplissement des règles relatives à la diffusion des œuvres cinématographiques sur les services de télévision a été menée par la Direction générale des médias et des industries culturelles aux mois d’avril et mai 2019.

Elle a donné lieu à une dizaine de contributions de la part des organisations professionnelles du cinéma, des auteurs et des principaux éditeurs de services de télévision.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.

Articles 12 à 15 : modernisation de la TNT : autorisation expérimentale pour les services précurseurs ; extension du droit de priorité à l’ultra-HD ; obligations pesant sur les terminaux de télévision et de la radio

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général relatif à la télévision

Les Français consacrent en moyenne 3h46 chaque jour à regarder des services de télévision en 2018, tous écrans et tous lieux confondus. Cette durée d’écoute TV quotidienne se monte même à 5h13 pour les individus de plus de 50 ans selon Médiamétrie[62]. Si nos concitoyens consomment bien sûr chaque année de plus en plus de programmes « non linéaires[63] » au moment où ils le souhaitent et sur l’écran de leur choix, la consommation traditionnelle des chaînes de télévision (dite « linéaire ») demeure leur mode d’accès privilégié aux programmes audiovisuels et cinématographiques.

La réception par une antenne râteau d’un signal de télévision émis par voie hertzienne terrestre a longtemps constitué l’unique possibilité pour recevoir la télévision. Ce mode de diffusion a connu une profonde mutation au cours de cette dernière décennie, en basculant de l'analogique au numérique en novembre 2011, puis en voyant en avril 2016 son offre de chaînes migrer au format haute-définition, ce qui améliore significativement la qualité perçue.

Initiée dans les années 1980 par le déploiement des réseaux câblés, puis dans les années 1990 par le lancement de satellites de télédiffusion, la diversification des modes de distribution des services de télévision s’est intensifiée ces dernières années grâce au développement conjugué des réseaux d’accès à haut-débit (ADSL) et très haut-débit (fibre optique), avec l’essor des écrans connectés (tablettes, smartphones, ordinateurs portables et téléviseurs).

Cette variété d’écran et de modes d’accès offerte à tout un chacun stimule la consommation de contenus audiovisuels, sans pour autant remettre véritablement en cause le rôle particulier que joue encore la TNT en France. Celle-ci demeure essentielle à court et moyen terme en raison de ses spécificités (voir ci-après) et reste plébiscitée aussi bien par les éditeurs de télévision que par une frange importante de téléspectateurs.

Le taux de réception TNT des foyers est en constante diminution ces dernières années en raison de la progression la télévision distribuée à partir des box des opérateurs (IPTV) fournies dans le cadre d’un abonnement d’accès à haut et très-haut débit à Internet.

Toutefois, selon l’observatoire de l’équipement audiovisuel, la TNT constitue encore l’unique mode de réception de la télévision pour 22 % des foyers au premier semestre 2019 et reste utilisée par près d’un foyer sur deux (soit 49,3% des foyers TV au premier semestre 2019 et 53,1% des foyers TV en considérant le « service antenne », reprise gratuite du signal TNT pour les immeubles câblés). En particulier, la TNT demeure le mode de réception largement privilégié sur les postes secondaires au sein des foyers, quel que soit le moyen de réception sur le poste principal.

La TNT possède en effet certaines caractéristiques qui font sa spécificité auprès des téléspectateurs et des éditeurs, et confirment son caractère indispensable comme moyen d’accès à la télévision à court et moyen termes, à savoir :

-          Une couverture large : La TNT couvre plus de 97 % de la population au niveau national, de façon relativement homogène sur tout le territoire, puisque la très large majorité des départements dispose d’une couverture TNT dépassant 90 % de leur population.

Le législateur a en outre souhaité compléter cette diffusion par voie hertzienne terrestre par la mise à disposition d’une offre de réception satellitaire sans abonnement disponible sur tout le territoire hexagonal, en particulier sur les zones rurales et montagneuses, qui reprend l’ensemble des chaines gratuites de la TNT ainsi que les déclinaisons régionales de France 3.

A contrario, le déploiement encore limité de la fibre optique empêche cette technologie de se présenter à court-terme comme une alternative crédible à la TNT sur tout le territoire. Et les technologies sur support cuivre (xDSL, X Digital subscriber line) ne permettent pas de garantir à tous les foyers les débits suffisants pour la télévision en haute définition (HD) et a fortiori ultra-HD. Ainsi selon l’observatoire des marchés des communications électroniques de l’ARCEP, la France compte fin 2018 59 % de logements éligibles au très haut-débit (soit 20,1 millions de logements disposant d’un accès à un débit supérieur à 30 Mb/s, quelle que soit la technologie utilisée). Mais moins de 10 millions de foyers sont abonnés au très haut-débit et plus de 20 millions d’abonnés disposent encore d’un accès haut-débit inférieur à 30 Mb/s, parfois insuffisant pour la distribution de services de télévision dans de bonnes conditions.

De son côté, la TNT offre à plus de 97 % des Français une capacité diffusée d’environ 150 Mb/s dédiée aux services de télévision. Et cette capacité sera encore accrue par le lancement de la nouvelle norme de diffusion DVB-T2 (Digital Video BroadcastingTerrestrial, 2e génération ou radiodiffusion de télévision numérique terrestre de deuxième génération).

-          Une offre riche :

Les chaînes de la TNT sont autorisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à partir de critères de pluralisme et de déontologie prévues par le législateur. Son offre est large et diverse. En outre la TNT est directement distribuée par les éditeurs au travers de leurs sociétés d’« opérateurs de multiplex ». Elle ne nécessite donc pas une contractualisation préalable avec des distributeurs tiers, susceptible d’entraîner, en cas de désaccord commercial, des coupures de diffusion au détriment des téléspectateurs, comme ce fut le cas à plusieurs reprises ces derniers mois sur l’IPTV.

En outre la diffusion TNT est reconnue pour son excellente qualité technique, grâce à l’adoption de technologies de diffusion, de codage et de compression de plus en plus robustes, performantes et économes en ressources spectrales. En particulier la qualité technique de la TNT est totalement indépendante de la consommation et ne souffre d’aucun risque de congestion

-          Sa gratuité : aucun abonnement n’est nécessaire pour la réception de chaines de télévision gratuite par TNT ou son complément satellitaire.

-          Sa simplicité : les téléviseurs sont dotés des moyens de réception de la TNT sans qu’il soit nécessaire d’y brancher un équipement supplémentaire (telle une box d’opérateur). Une seule télécommande suffit. La réception est assurée par une antenne râteau, largement répandue sur le territoire.

-          Son anonymat : face aux enjeux croissants liés à la protection de la vie privée et des données personnelles, la TNT assure une réception anonyme et confidentielle, indépendante de tout accès à Internet.

-          Son adaptabilité : la TNT offre une solution pour tous les téléviseurs du foyer ;  elle est aujourd’hui le mode de réception privilégié pour les téléviseurs secondaires (en moyenne les foyers TV possèdent 1,5 téléviseurs). En effet, contrairement aux autres modes de réception de télévision, le raccordement à la TNT de plusieurs postes ne nécessite ni adjonction de matériels, ni option supplémentaire payante au sein d’un abonnement.

-          Son rôle dans l’écosystème culturel : la TNT demeure essentielle à la création en contribuant de manière centrale au financement de la production cinématographique et audiovisuelle et à son exposition. Ainsi selon le CSA les investissements publicitaires sur les chaînes gratuites représentaient 94 % du total des investissements publicitaires en télévision en 2016[64]. En l’absence d’intermédiaire pour la distribution de leurs services, les éditeurs de chaînes de télévision conservent l’intégralité de recettes publicitaires, dont ils réinjectent une partie dans la production.

La TNT s’appuie enfin sur une ressource spectrale, qui bien qu’en diminution ces dernières années, est sanctuarisée jusqu’à fin 2030 au moins, au niveau national[65] comme au niveau européen[66]. En France, l’article 2 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre prévoit un rapport relatif aux perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France avant fin 2025.

Compte tenu de ces éléments, il n’est pas prévu de mettre fin à ce mode de diffusion populaire à court et moyen terme. Au contraire le Gouvernement souhaite accompagner la modernisation de la TNT dans la mesure où celle-ci répond à une demande du secteur et une attente des Français. Cette modernisation ne nécessitera pas de ressource supplémentaire en spectre.

Les avantages de l’ultra-HD

Cette modernisation se traduira en premier lieu par le lancement de services TNT en ultra-HD, qui est l’équivalent pour la télévision du format d'image dit « 4k » utilisé depuis plusieurs années pour la captation et la projection de contenus cinématographiques dans les salles de cinéma numérisées. L'appellation « 4k » fait référence à la résolution horizontale de l'image (3840 colonnes pour 2160 lignes, soit 3840x2160 pixels), correspondant à 4 fois la résolution de la haute définition. L’ultra-HD pourra à terme aussi faire référence au format dit « 8k » d’une résolution encore plus élevée.

Outre la résolution d’image, l’ultra-HD promet également un meilleur rendu des mouvements, grâce à une augmentation de fréquence d’images, un affichage plus fidèle des couleurs grâce à une palette colorimétrique étendue, une dynamique lumineuse accrue de l’image et un son plus réaliste.

Les premiers téléviseurs « 4k » sont arrivés sur le marché en 2012. Les écrans « 4k » sont en passe de devenir la norme, et la très grande majorité des téléviseurs actuellement vendus dont la diagonale d’écran dépasse 43 pouces (soit 109 cm) sont aujourd’hui à ce format.

1.2.    Cadre général relatif à la radio

Dans le contexte de pénurie de fréquences disponibles en analogique dans la bande FM (bande à modulation de fréquences), la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre de la radio (ou radio numérique terrestre (RNT)) vise à moderniser le média radio en offrant des bénéfices majeurs aux auditeurs français (meilleure qualité audio, diffusion de données associées).

Afin d’élargir progressivement le parc de récepteurs capables de recevoir la radio numérique terrestre, le législateur a prévu des obligations progressives de compatibilité au numérique des récepteurs de radio au V de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur : « Dans un délai de dix-huit mois à compter de la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique auprès d'au moins 20 % de la population française, cette obligation s'applique à tous les terminaux permettant la réception de services de radio. Lorsque la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique atteint un niveau de couverture correspondant à 20 % de la population française, le Conseil supérieur de l'audiovisuel rend publique cette information. »

Or, à la date du 11 décembre 2018, la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique a atteint un niveau de couverture correspondant à 21,3% de la population française. Le CSA a rendu publique cette information conformément aux dispositions de l’article 19 précité. Le niveau de couverture du DAB+ ayant dépassé le seuil de 20% de la population et en application de l’article précédemment cité, la technologie DAB+ sera progressivement intégrée aux récepteurs de radio.

Il est ainsi prévu que :

-          depuis le 20 mars 2019, les terminaux neufs dédiés à titre principal à la réception de services de radio et capables d'afficher des contenus multimédias, à l'exception des terminaux équipant les véhicules automobiles, doivent permettre la réception des services en DAB+ ;

-          à compter du 20 décembre 2019, cette obligation de compatibilité s’appliquera également à tous les terminaux neufs dédiés à titre principal à la réception radio, à l'exception des terminaux équipant les véhicules automobiles ;

-          enfin, à compter du 20 juin 2020, cette obligation de compatibilité s’appliquera à tous les terminaux capables de recevoir la radio (sans plus de précision).

Pour rappel, la norme de diffusion DAB+ (Digital Audio Broadcasting +) a été retenue en France pour la diffusion de la radio numérique terrestre (RNT), par l’arrêté du 16 août 2013 modifiant l’arrêté du 3 janvier 2008 relatif à la radio diffusée en mode numérique par voie hertzienne terrestre ou par voie satellitaire en bande L ou en bande S fixant les caractéristiques des signaux émis (dit arrêté « signal »), pris pour application de l’article 12 de la loi du 30 septembre 1986. Cette norme est également utilisée dans de très nombreux pays d’Europe.

Ainsi, en l’état du droit en vigueur, tous les récepteurs de radio mis sur le marché à partir de juin 2020 devront être capables de recevoir les services de RNT. Ceci permettra notamment d’accompagner le lancement national de l’offre de radio numérique terrestre, prévu par le CSA au premier semestre 2020 sur l’axe majeur Paris-Lyon-Marseille dans un premier temps, avant de poursuivre son déploiement national au cours des prochaines années.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

2.1.1.   Télévision 

Compte tenu du rôle majeur de la TNT en matière de financement de la création audiovisuelle et de l’attachement des français à ce mode de réception, le Gouvernement souhaite accompagner son évolution, qui bénéficiera de fait également indirectement aux autres plateformes de distribution[67].

S’appuyant sur les propositions faites par le CSA à la suite d’une consultation publique, le gouvernement propose donc de légiférer afin que le régulateur dispose de nouveaux outils facilitant la mise en œuvre d’un scénario qui concilie l’intérêt de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel et réponde aux attentes des téléspectateurs afin d’améliorer la qualité de la diffusion hertzienne terrestre.

Pour ce faire, il convient de prévoir dans la loi de nouvelles obligations en matière de compatibilité des récepteurs de télévision aux nouvelles normes prévues pour la TNT afin que nos concitoyens s’équipent, lors du renouvellement naturel de leur équipement de téléviseurs, compatibles sur le long terme avec la TNT, et non de manière contrainte.

Il s’agit également de doter le CSA de nouveaux outils de régulation facilitant la montée en qualité des chaînes de télévision déjà autorisées, au bénéfice des téléspectateurs.

2.1.2.   Radio 

Les obligations nationales prévues par la loi en vigueur vont au-delà du périmètre autorisé par le nouveau Code européen des communications électroniques (CECE), dont la transposition doit être achevée d’ici décembre 2020.

En effet, si le CECE prévoit bien l’obligation de compatibilité à compter du 21 décembre 2020 des autoradios de première monte dans les véhicules de tourisme neufs, ainsi que la possibilité pour les Etats membres qui le souhaitent d’imposer des obligations de compatibilité à d’autres types de terminaux, il impose également :

-          de « limiter l’impact » de ces obligations sur les terminaux d’entrée de gamme ;

-          d’exclure de toute obligation de compatibilité les terminaux pour lesquels la réception des services de radio est une fonctionnalité purement accessoire (comme par exemple les mobiles multifonctions ou smartphones).

Il convient donc de revoir le régime national dans le cadre de la transposition du CECE.

2.2.    Objectifs poursuivis 

2.2.1.   Télévision : Accompagner l’évolution de la TNT

En particulier, il s’agit de faciliter l’introduction sur la TNT de programmes en ultra-HD tout en poursuivant l’objectif d’utiliser le spectre de la manière la plus efficace possible. La garantie de disponibilité des fréquences pour la TNT jusqu’à 2030 au moins permet d’envisager la mise en œuvre de mesures progressives améliorant l’attractivité de la plateforme, c’est-à-dire l’amélioration de l’image et du son (avec la diffusion de programmes ultra-HD).

Sur le plan technique, l’introduction de la diffusion en ultra-HD, plus consommatrice en débit que la haute définition, nécessite l’adoption de nouvelles normes : DVB-T2 (pour la diffusion hertzienne terrestre) et HEVC (pour le codage vidéo), plus efficaces que les normes actuellement utilisées (DVB-T et MPEG-4). Ces nouvelles normes permettront en effet, à capacité spectrale constante, un accroissement de qualité des services, dès lors que les foyers seront équipés de terminaux de réception compatibles.

Par ailleurs, indépendamment de ces mesures d’amélioration de la qualité de l’image et du son, le CSA a précisé dans son programme de travail[68] qu’il souhaitait également favoriser le développement de services interactifs et personnalisés en complément des programmes linéaires.

2.2.2.   Radio 

Il s’agit de mettre en conformité la loi avec le nouveau Code européen, tout en accompagnant au mieux le lancement national de la radio numérique terrestre prévu en 2020.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées 

3.1.1.   Télévision 

A -   Une introduction de nouveaux programmes en ultra-HD à droit constant 

Afin de lancer la diffusion de programmes en ultra-HD, le CSA devrait aujourd’hui procéder à un appel à candidatures pour l’utilisation d’usage des ressources hertziennes terrestres, qui serait nécessairement ouvert à de nouveaux services. Or, le lancement de nouveaux services (qui ne seraient pas autorisés aujourd’hui aux autres formats) sur la TNT réduirait à long-terme les possibilités d’évolution de la plateforme TNT en raison du peu de ressource spectrale disponible pour basculer après 2025 l’ensemble de la plateforme nationale aux nouvelles normes. La TNT serait alors vraisemblablement dans l’impossibilité d’évoluer.

En outre, sans nouvelles obligations sur les récepteurs de télévision, les téléspectateurs risqueraient, lors du renouvellement de leur matériel, de s’équiper de téléviseurs non compatibles avec les futures normes de la TNT (obligeant certains d’entre eux à s’équiper d’adaptateurs ad hoc lors de la migration technologique de la TNT) et les éditeurs de services seraient moins enclins à lancer des services en ultra-HD, compte tenu du plus faible taux de récepteurs compatibles.

B -   Une bascule totale de la plateforme réalisée lors d’une « nuit bleue »

Pour accompagner l’évolution de la TNT, deux scénarios ont été étudiés avec le CSA.

Le premier scénario consiste à réaliser une migration technologique de la diffusion TNT réalisée en une seule nuit en préalable aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024 : il s’agirait, au cours d’une « nuit bleue » mobilisant l’ensemble des équipes techniques des chaînes et de leurs diffuseurs, d’effectuer une migration technique de la diffusion nationale de la TNT des chaînes actuelles aux nouvelles normes DVB-T2/HEVC, afin de maximiser l’offre de chaines aux nouveaux formats.

A l’issue de cette opération, les chaines de télévision seraient ainsi diffusées selon les nouvelles normes techniques, dont certaines au format ultra-HD. Pour continuer de recevoir l’ensemble des chaînes (quel que soit leur format HD ou ultra-HD), les foyers devraient être équipés à date de téléviseurs compatibles, ou à défaut, adjoindre à leur téléviseur un nouvel adaptateur.

Ce scénario prévoit par ailleurs, tout comme le second, la possibilité de lancer au préalable (à l’horizon 2020-2021), grâce à quelques fréquences disponibles dans la bande UHF, un nouveau multiplex dit « multi-villes » sur plusieurs bassins de vie (au moins 30 % de la population). Ce multiplex permettrait d’effectuer des tests des nouvelles technologies ou services, tout en offrant des programmes aux téléspectateurs TNT déjà équipés en téléviseurs compatibles.

Ce scénario n’a pas été retenu en raison des risques majeurs d’« écran noir » qu’il fait courir à une part importante de nos concitoyens.

En effet la ressource spectrale dédiée à la TNT a considérablement diminué ces dernières années en raison des cessions successives de la bande « 800 MHz » fin 2011 puis la bande « 700 MHz » de 2016 à 2019 au profit des services mobiles de quatrième génération (« 4G ») attendus par les Français.

Si cet apport de nouvelles fréquences pour les services 4G se justifie pleinement compte tenu des évolutions des usages en mobilité de nos concitoyens, il obère aujourd’hui la possibilité[69] d’assurer, préalablement à une migration technologique de la TNT, la double diffusion des chaînes aux normes actuelles et nouvelles, le temps que les téléspectateurs s’équipent de téléviseurs compatibles et profitent des avancées technologiques à l’occasion du remplacement de leur équipement. 

Or sans incitation à l’équipement faute de nouveaux services, le taux de foyers disposant de téléviseurs non compatibles serait vraisemblablement trop important à un horizon de 4 à 5 ans pour pouvoir réaliser une migration technique de la TNT dans de bonnes conditions.

En effet le parc actuel des récepteurs compatibles aux nouvelles normes est aujourd’hui très faible, estimé à quelques pourcents des foyers. Et les téléspectateurs dépendant exclusivement de la TNT, souvent moins favorisés ou qui ne font pas toujours de la télévision une priorité de dépenses, ont vraisemblablement une faible propension au rééquipement audiovisuel : il aurait été délicat et vraisemblablement inapproprié de contraindre tous les foyers équipés d’un écran HD à acquérir un adaptateur compatible ultra-HD dans le seul but de continuer à recevoir les chaînes, pour un coût moyen qui pourrait être de 30‑40 euros[70] d’ici à 2024. D’autant que ces mesures auraient été annoncées peu de temps après le passage à la haute définition.

Ce risque de perte totale des services de télévision pour une large frange de la population qui dépend exclusivement de la TNT (ainsi que pour une part importante de postes secondaires de tous les foyers) aurait été d’autant plus préjudiciable à la veille des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Ce scénario aurait donc contraint les foyers TNT à s’équiper à nouveau[71] de matériels compatibles (adaptateurs ou téléviseurs) pour continuer de recevoir les services, alors même que l’avenir de la TNT au-delà de 2030 n’est pas encore clarifié[72].

Enfin, sa mise en œuvre aurait mobilisé des ressources publiques importantes (de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros[73]) pour le financement de campagnes de communication et l’accompagnement des foyers les plus défavorisés, sans possibilité de prélèvement sur la vente d’un quelconque dividende numérique en résultant, contrairement aux expériences récentes[74].

3.1.2.   Radio 

Pour cette mesure, trois options ont été envisagées pour la transposition du Code européen :

-          Une première option consiste en une stricte transposition du Code, qui limite le périmètre des terminaux soumis à ces obligations de compatibilité aux autoradios de première monte commercialisés au sein des véhicules de tourisme. La loi en vigueur serait modifiée afin d’abroger les obligations supplémentaires en la matière.

-          Une seconde option consiste à utiliser la possibilité offerte explicitement par le Code européen d’étendre les obligations de compatibilité à tous les terminaux pour lesquels la réception de services de radio n’est pas une fonctionnalité purement accessoire (radio réveil, radio de cuisine, etc.). Concernant les terminaux d’entrée de gamme, définis après consultation des acteurs comme ceux dépourvus d’écran à affichage alphanumérique, il serait proposé un délai supplémentaire (3 ans par exemple) pour l’entrée en vigueur de ces obligations de compatibilité numérique. L’intérêt de cette option consiste à demeurer au plus près du droit national en vigueur.

-          Une troisième option reprend la seconde option (obligations de compatibilité des autoradios de première monte et des terminaux pourvus d’affichage alphanumérique), en excluant les équipements d’entrée de gamme des terminaux autres qu’autoradios.

3.2.    Dispositif retenu 

3.2.1.   Télévision : une migration progressive aux nouvelles normes

Il a été décidé d’organiser un basculement progressif aux nouvelles normes permettant la diffusion de quelques services en ultra-HD, tout en maintenant dans un premier temps la diffusion des chaînes selon les normes actuelles, de façon à opérer une migration douce pour les téléspectateurs.

Les étapes envisagées par le CSA sont les suivantes :

Ce scénario permet de lancer l’ultra-HD sur la TNT sur l’ensemble du territoire hexagonal dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, tout en garantissant à tous les Français la continuité de réception de l’ensemble des services, et donnant aux Français le temps pour s’équiper en récepteurs compatibles, de manière à bénéficier des progrès technologiques.

Ce n’est qu’après 2025, lorsque l’avenir de la plateforme et de la bande UHF (bande de fréquences Ultra hautes fréquences) aura été clarifié, que la bascule vers les nouvelles normes pourrait être envisagée sur la totalité des multiplexes de la TNT, dans de bien meilleures conditions compte tenu de la modernisation du parc de récepteurs intervenue entre-temps grâce au lancement des services ultra-HD et aux obligations de compatibilités des récepteurs aux nouvelles normes.

Moins interventionniste que le premier scénario, il nécessitera a priori un financement public plus limité car dédié aux campagnes de communication et à l’accompagnement des publics fragiles. Les aides financières à l’équipement des ménages ne seraient dès lors plus nécessaires lors de cette première étape, mais le seraient dans un second temps à la migration de la plateforme après 2025, pour une frange de population beaucoup plus limitée.

 

Les dispositions législatives proposées facilitent la mise en œuvre par le CSA d’un tel scénario :

A -   Possibilité donnée au CSA d’attribuer, dans un cadre expérimental, des autorisations d’usages de fréquences sans appel à candidatures

Cette disposition permet au CSA d’autoriser, à titre expérimental, l’usage par des éditeurs de services déjà présents sur la plateforme TNT de fréquences pour des services innovants, le cas échéant hors appel à candidatures prévue à l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986. L’instance de régulation devra accorder les autorisations au regard de l’intérêt général qui s’attache au développement de formats de diffusion améliorés et dans le respect des impératifs et principes garantis par la loi du 30 septembre 1986.

La solution adoptée est inspirée de celle de la loi n° 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information pour l’introduction de la télévision numérique terrestre.

Comme il l’a indiqué[75], le CSA envisage en effet d’offrir aux éditeurs la possibilité d’autoriser le lancement dans les prochains mois d’un nouveau multiplex à couverture limitée, puis potentiellement à plus longue échéance  un regroupement des chaînes actuelles sur cinq multiplex afin dédier à l’ultra-HD le sixième multiplex à couverture nationale. Il s’agirait de permettre aux chaînes déjà autorisées de la TNT de diffuser, sur un tel multiplex, des programmes en ultra-HD à des fins d’expérimentation technique, tout en faisant bénéficier de ce nouveau format d’image les foyers déjà équipés de récepteurs compatibles. Les éditeurs disposeront ainsi d’une ressource supplémentaire partagée pour ces nouveaux services, sans remise en cause de leur autorisation actuelle.

Il s’agirait donc, dans ce cadre, de ne plus obligatoirement attribuer une ressource dédiée à un service dans le cadre d’un appel à candidatures, comme le prévoit le régime d’autorisations actuel de la loi du 30 septembre 1986, mais d’offrir la possibilité à tous les éditeurs intéressés d’utiliser cette ressource à tour de rôle pour expérimenter des formats d’image innovants, en fonction de leurs programmations (compétition sportive, œuvre relevant du spectacle vivant, documentaire, etc.). Cette expérimentation permettrait de préparer une nouvelle phase de modernisation de la plateforme dans les meilleures conditions. Elle présente en outre l’avantage d’offrir aux éditeurs la possibilité de mutualiser les dépenses d’investissements et de fonctionnement induites par ces expérimentations, et probablement de mieux en partager les résultats, au bénéfice de tous.

Il est proposé de limiter :

-          d’une part, à une période de trois ans après la promulgation de la loi, la possibilité pour le CSA de délivrer de telles autorisations, dans la mesure où ce régime doit rester exceptionnel puisqu’il déroge au principe d’une consultation ouverte à tous. Cette période est néanmoins suffisante pour répondre aux objectifs visés ; elle ne devrait au demeurant trouver qu’une seule application ;

-          d’autre part, à une durée maximale des autorisations de cinq ans, soit une durée plus courte que le régime général (jusqu’à 10 ans, renouvelable une fois) : cette durée paraît suffisante pour remplir les objectifs visés ci-dessus. Elle offrirait en outre, dans le cadre du scénario préconisé par le Gouvernement et le CSA présenté ci-avant, la possibilité de proposer des services innovants sur le multiplex « multi-villes » jusqu’à fin 2024 environ, assurant le cas échéant notamment la couverture partielle de la retransmission de Jeux Olympiques de Paris dans ce cadre.

B -   Extension du droit de priorité à l’ultra-HD

Cette mesure propose d’étendre aux nouveaux formats les droits de priorité déjà prévus par le législateur pour la haute-définition, afin de faciliter la montée en qualité des chaînes de télévision déjà autorisées. Le régime d’obligation de reprise dans le cadre du « must carry » est également étendu à ce nouveau format.

Ce dispositif a déjà fait ses preuves par le passé, puisqu’une disposition similaire relative à la haute-définition a permis en avril 2016 la quasi généralisation de l’offre TNT à ce format, concomitamment au resserrement de l’offre sur une part plus restreinte de la bande UHF afin de libérer de nouvelles ressources au bénéfice des services mobiles de quatrième génération fournis par les opérateurs de communications électroniques.

Il s’agirait ici de garantir que, à l’occasion de l’introduction des nouvelles normes de la TNT, les chaînes désireuses de passer au format ultra-HD soient prioritaires sur d’éventuels nouveaux services dans le cadre de la modernisation de la plateforme, au bénéfice des téléspectateurs ainsi assurés de recevoir une partie de leurs programmes disponibles aux meilleurs formats.

Ce droit pourrait trouver application en deux temps :

-          au moment du lancement de services sur le premier des six multiplex migrant aux nouvelles normes, après resserrement de l’offre de chaînes aux normes actuelles sur une partie de la ressource spectrale (horizon 2022-2024) ;

-          dans un second temps (après 2025), une fois décidé, au vu du taux de foyers équipés de récepteurs compatibles, de faire migrer la totalité de la plateforme aux nouvelles normes.

Cette extension du droit de priorité à l’ultra-HD devrait être un des « moteurs » de la modernisation de la plateforme, conjointement avec la mesure suivante concernant les récepteurs de télévision

C -   Obligations de compatibilité des récepteurs de télévision

La compatibilité des récepteurs de télévision aux nouvelles normes de la télévision terrestre (diffusion DVB-T2 et codage HEVC) constitue un pré-requis nécessaire aux évolutions de la plateforme dans les prochaines années.

Il s’agit d’introduire par voie législative des obligations progressives de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs aux nouvelles normes de la TNT. Ces obligations entreront en vigueur douze mois après que des programmes en ultra-HD auront été lancés pour au moins 30 % de la population (seuil atteint vraisemblablement début 2021).

Deux échéances sont fixées suivant la taille des écrans de télévision, la seconde suivant de six mois la première. Il est prévu de fixer à 110 cm (soit 43 pouces de diagonale environ) la taille d’écran à partir de laquelle s’appliquent les premières échéances de compatibilité, ce qui représente plus de 50 % du marché en volume et plus de 50 % des références disponibles auprès des grands circuits de distribution. L’échéance suivante comprendra le reste des téléviseurs (de taille d’écran inférieure) et les adaptateurs raccordables aux téléviseurs.

Il convient d’accompagner le marché pour faciliter la transition, en permettant aux consommateurs de disposer des équipements nécessaires et assurer leur bonne information, tout en donnant le temps nécessaire aux fabricants et distributeurs d’équipement de se préparer.  Il s’agit donc d’assurer d’une part la migration du parc des récepteurs vers les nouvelles normes de la TNT en UHD (DVB-T2 et HEVC) et d’autre part la protection des consommateurs faisant l’acquisition de nouveaux matériels en veillant à ce que ceux-ci ne deviennent pas obsolètes trop rapidement.

Pour mémoire, des mesures similaires d’obligations des compatibilités des récepteurs de télévision avaient été prises à deux reprises, préalablement à l’extinction de la diffusion analogique de la télévision hertzienne terrestre en novembre 2011 d’une part, puis dans le cadre de la généralisation du codage des chaînes en MPEG-4 pour le passage à la haute définition en avril 2016 d’autre part[76].

3.2.2.   Radio 

Le gouvernement a retenu la troisième option, à savoir les obligations de compatibilité des autoradios de première monte et des terminaux pourvus d’affichage alphanumérique, en excluant les équipements d’entrée de gamme des terminaux autres qu’autoradios. Celle-ci présente en particulier l’avantage de mettre à disposition des consommateurs une large gamme de récepteurs compatibles à la radio numérique terrestre, tout en préservant une offre bas de gamme de radios FM (pas nécessairement compatible à la réception numérique). Cette option, conjuguée avec l’engagement résolu de Radio France dans la RNT, montre le soutien du Gouvernement à cette technologie pour la modernisation du média radio au moment du lancement national du DAB+ prévu au premier semestre 2020, puisqu’une grande part du périmètre des terminaux visés par les dispositions déjà en vigueur au niveau national est maintenue. Dans la mesure où il était nécessaire de mettre la loi en conformité avec le nouveau code, l’option retenue par le Gouvernement vise à ne pas déstabiliser le marché de la distribution des terminaux concernés, en demeurant proche du cadre national en vigueur, en conformité avec le nouveau droit européen en la matière.

Cette disposition prévoit l’élargissement progressif du parc de récepteurs compatibles à la radio numérique terrestre, et permettra d’accompagner la montée en puissance de la RNT, sans imposer un surcoût excessif au regard de leur prix total sur les terminaux d’entrée de gamme, au risque d’inciter à l’achat de tels terminaux dans d’autres Etats membres.

Selon l’observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, 13 % des Français étaient déjà équipés en 2018 en récepteur radio fixe compatible avec la réception numérique, et 9 % des autoradios étaient également compatibles avec ce mode de réception.

Dans les collectivités d’outre-mer, compte tenu de l’absence à ce stade de feuille de route pour le développement des services de radio numérique :

-          l’obligation de compatibilité numérique des récepteurs de radio neufs autres que les autoradios et dont la fonction de réception radiophonique n’est pas purement accessoire ne prendra effet dans chaque collectivité ultramarine que six mois après le début effectif de la diffusion de services de radio numérique terrestre ;

-          les équipements d’entrée de gamme pour les récepteurs de radio visés ci-dessus sont exclus du dispositif, comme en métropole ;

-          l’obligation de compatibilité pour les autoradios de première monte s’applique dans les mêmes conditions qu’en métropole.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts Juridiques

4.1.1.   Impacts sur l’ordre juridique interne

La modification envisagée se traduit par :

- une disposition ad hoc dans le projet de loi qui permet à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d’autoriser, à titre expérimental, l’usage de fréquences pour la diffusion de programmes dans des formats d’images améliorés, pendant une durée maximale de cinq ans ;

- la modification de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, afin d’étendre à l’octroi des autorisations en ultra-haute définition le droit de priorité dont bénéficient les éditeurs de services déjà autorisés pour l’octroi des autorisations en haute définition ;

- la modification de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 afin que les obligations de reprise des chaînes publiques, auxquelles sont soumis les distributeurs de services, sont également étendues à la diffusion de ces chaînes en ultra-haute définition ;

- enfin, la modification de l’article 19 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur instaure une obligation progressive de compatibilité des matériels de réception (téléviseurs et adaptateurs) aux normes de l’ultra-haute définition selon le dispositif décrit au 3.2.1.3 et substitue au dispositif en vigueur en matière de compatibilité au numérique des récepteurs de radio le dispositif précisé au 3.2.2.

4.1.2.   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

Le cadre expérimental d’appel à candidatures pour des programmes en ultra-HD répond à un objectif d’intérêt général d'innovation au profit des téléspectateurs. En ce sens, une procédure ouverte aux seuls services déjà autorisés paraît conforme au 3. de l’article 48 du Code européen des communications électroniques[77].

Les obligations sur les récepteurs de télévision et de radio nécessiteront une notification à la Commission européenne au titre de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.     Impacts sur les entreprises

A -   Télévision

- S’agissant de la possibilité donnée à l’ARCOM d’attribuer, dans un cadre expérimental, cette disposition permet aux éditeurs de services qui seront volontaires de tester, à coût réduit, la diffusion de services innovants :

A été évalué par l’autorité de régulation, pour les éditeurs de service qui souhaiteront participer à cette expérimentation, le coût d’une diffusion à temps complet d’un service en ultra-HD sur un multiplex « multi-villes » : il se monterait à environ 2 à 3 M€/an (en fonction du niveau de couverture pouvant atteindre jusqu’à 70 % de la population) alors que le coût de la diffusion d’une chaîne en HD sur un multiplex national est de 5 à 6 M€/an. Ce montant serait beaucoup plus limité pour une couverture de seulement 30 % de la population.

- S’agissant des obligations de compatibilité des récepteurs de télévision :

Le marché s’oriente naturellement vers l’intégration progressive des capacités de réception des nouvelles normes de la TNT dans les téléviseurs, compte-tenu notamment des évolutions de la plateforme TNT dans d’autres pays relevant du marché européen, tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, les pays scandinaves, etc. Cette obligation ne remet donc pas en cause les processus industriels de fabrication et de mise sur le marché de ces équipements, les principaux fabricants de téléviseurs intégrant déjà les nouvelles normes dans certaines de leurs gammes. L’impact sur les fabricants se limite donc à anticiper ces évolutions techniques sur l’ensemble de leurs gammes de récepteurs.

En outre, les fabricants et les distributeurs pourront se préparer aux échéances (12 et 18 mois) d’entrée en vigueur de ces obligations, dans le cadre des travaux préalables de l’ARCOM au démarrage des services, qui dureront au moins un semestre et auxquels ils seront associés. Ces délais sont compatibles avec le cycle de production industrielle du secteur, d’environ 9 mois.

Ces obligations permettront d’écouler les stocks en cours des distributeurs de matériels non compatibles, sous réserve d’une information claire aux consommateurs, prévue par le même article de loi. En moyenne, ces stocks représentent 2 à 3 mois de ventes. Environ 4 à 5 millions de téléviseurs sont vendus chaque année en moyenne en France.

Le surcoût d’intégration de telles puces de réception et de capacité de décodage est difficilement chiffrable, mais très limité (au plus une ou deux dizaines d’euros) par comparaison avec le tarif moyen d’un téléviseur commercialisé en France en 2018 (430 euros).

B -   Radio

-          S’agissant des obligations de compatibilité des récepteurs de radio

Les distributeurs de récepteurs craignaient une absence de visibilité sur la transposition de ces obligations en phase transitoire, au moment où les mesures nationales sont en train d’entrer en vigueur. Le présent projet de loi permettra de répondre à cette inquiétude, en précisant les options retenues par le Gouvernement.

Pour mémoire, le surcoût par radio de la capacité de réception DAB+ est estimé à quelques euros. Contrairement aux récepteurs de télévision, l’adjonction d’adaptateurs DAB+ aux terminaux de radio déjà installés dans les foyers n’est en général pas envisageable (ou ne pourra être que très marginale).

Enfin, cette disposition apparaît cohérente avec le déploiement des services de radio numérique terrestre à la norme DAB+, qui sont déjà disponibles sur la majorité des pays voisins : Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Suisse et Italie.

4.2.2.     Impacts sur les particuliers

A -   Télévision

Ces dispositions (lancement de services ultra-HD et obligations de compatibilité des récepteurs) permettront aux téléspectateurs qui renouvelleront leur téléviseur dans les prochaines années, selon un cycle constaté estimé à environ 8 ans selon les syndicats d’équipementiers du secteur, de bénéficier des constantes améliorations rendues possibles par les évolutions technologiques en matière d’image et de son. Ils n’auront donc pas à se rééquiper de façon contrainte en adaptateur ou téléviseur compatible lors de la migration complète de la TNT aux nouvelles normes.

Le surcoût de cette compatibilité sur les téléviseurs est difficilement chiffrable, mais vraisemblablement très limité (de l’ordre d’une dizaine d’euros au plus) par comparaison avec le tarif moyen d’un téléviseur commercialisé en France en 2018 (430 euros environ). Il pourrait ne pas systématiquement être répercuté sur les tarifs de vente aux particuliers. L’information des particuliers est prévue par le III de l’article 19 de la loi n°2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Ces obligations de compatibilité s’appliqueront dans un premier temps sur les téléviseurs dont la diagonale d’écran est supérieure à 110 cm, qui correspond à peu près à la taille moyenne des écrans commercialisés actuellement et à un peu plus de la moitié du marché (en volume). Dans un second temps tous les téléviseurs et adaptateurs de réception TNT seront concernés.

B -   Radio

Ces dispositions permettront d’accroître le nombre d’auditeurs en capacité de recevoir les services de RNT, alors que les éditeurs poursuivront le déploiement de leurs services sur le territoire, au fur et à mesure des appels à candidatures lancés par le régulateur.  A l’exception du bas de gamme, l’ensemble des récepteurs de radio (pour lesquels la fonctionnalité n’est pas purement accessoire) ainsi que l’ensemble des autoradios commercialisés seront compatibles avec la RNT.

4.3.    Impacts environnementaux

Les obligations sur les récepteurs permettront d’éviter l’obsolescence des matériels en cause pour les foyers recevant la TNT, soit encore près de la moitié des foyers en France, lors des différentes phases de modernisation de la plateforme. Cette obsolescence engendrerait du rachat de matériels (adaptateurs ad hoc) qui paraît peu compatible avec les nouvelles nécessités environnementales.

A noter que cette disposition ne modifie pas les cycles de renouvellement des matériels, et les anciens téléviseurs pourront être recyclés de la même façon qu’aujourd’hui.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Le CSA a mené, de juillet à octobre 2017, une large consultation auprès des acteurs de l'audiovisuel[78] (27 organisations y ont répondu), à la suite de laquelle il a présenté une feuille de route[79] sur les perspectives d'évolution de la plateforme TNT.

Les mesures proposées rentrent globalement dans ce cadre et celui d’échanges plus récents avec le régulateur et les acteurs du secteur. Il ressort en particulier de la consultation menée par le CSA qu’il convient d’expérimenter de nouvelles technologies ; pour ce faire la possibilité de constituer un multiplex en DVB-T2/HEVC (multi-villes ou national) offre l’opportunité de créer un laboratoire et une vitrine technologique pour la TNT. Le secteur préconise que ces ressources trouvent leur utilité à des expérimentations des éditeurs de services déjà présents sur la plateforme, les coûts de ce multiplex étant ainsi partagés entre les participants.

Selon eux, cette opération permettra d’amorcer l’intérêt et l’engouement des téléspectateurs couverts par ces nouveaux services, de tester la compatibilité du parc de téléviseurs existants, de vérifier la pertinence des profils identifiés pour les nouvelles normes envisagées et d’évaluer les modèles économiques.

Si l’ensemble des diffuseurs et des équipementiers ayant répondu au CSA estiment que le lancement d’un multiplex en DVB-T2/HEVC est nécessaire, la majorité des éditeurs considéraient que ce lancement ne devrait intervenir qu’après la détermination de standards et la mise sur le marché d’équipements compatibles.

De fait le lancement d’un multiplex multi-villes permet de rompre le cycle absence de services ultra-HD / absence d’équipement compatible, en permettant aux éditeurs de lancer à moindre coût, en partageant les frais des services expérimentaux, sur une partie importante du territoire, pour créer une vitrine incitant les fabricants à produire et les téléspectateurs à acquérir le matériel nécessaire.

Enfin, ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Les dispositions relatives aux autorisations entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

Les dispositions relatives aux obligations sur les récepteurs de télévision entrent en vigueur douze et dix-huit mois après que le CSA aura annoncé la couverture par voie hertzienne terrestre d’un service ultra-HD pour au moins 30 % de la population.

Les dispositions relatives aux obligations sur les récepteurs de radio s’appliquent au 21 décembre 2020 en métropole.

Dans les collectivités d’outre-mer, l’obligation de compatibilité numérique des récepteurs de radio neufs autres que les autoradios et dont la fonction de réception radiophonique n’est pas purement accessoire prend toutefois effet dans chaque collectivité ultramarine six mois après le début de la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur son territoire. 

5.2.2.   Application dans l’espace

Les mesures envisagées s’appliquent en France métropolitaine et en outre-mer.


Articles 16 et 17 : transposition en droit interne de l’article 17 de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

La propriété littéraire et artistique constitue, aux côtés de la propriété industrielle, qui regroupe principalement les brevets, les marques et les dessins et modèles, une des deux composantes du droit de la propriété intellectuelle, codifié depuis 1992 dans le code de la propriété intellectuelle.

Dans sa décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a considéré que les droits de propriété intellectuelle, et notamment le droit d’auteur et les droits voisins, relèvent du droit de propriété qui figure au nombre des droits de l’homme consacrés par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il a en particulier relevé en son point 15 que « les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux ; que, parmi ces derniers, figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit d'auteur et les droits voisins ».

Le droit de la propriété littéraire et artistique se décompose en deux principaux droits : le droit d’auteur et les droits voisins.

En premier lieu, le droit d’auteur français protège les créateurs, quel que soit le genre ou la forme d’expression de leurs œuvres. Il porte sur les « œuvres de l’esprit » créées par ces auteurs, c’est-à-dire toute création humaine qui réunit les deux conditions exigées : une forme et une originalité. Le principe de la protection du droit d’auteur est posé par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».

Les droits accordés aux auteurs se décomposent en deux séries de prérogatives aux régimes juridiques distincts. D’une part, les droits patrimoniaux permettent à l’auteur d’autoriser les différents modes d’exploitation de son œuvre et de percevoir en contrepartie une rémunération. Les droits patrimoniaux recouvrent deux prérogatives : le droit de reproduction, qui consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre au public par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte, et le droit de représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque. D’autre part, les droits moraux ont pour finalité de protéger la personnalité de l’auteur exprimée au travers son œuvre. Les droits moraux comprennent le droit de divulgation, le droit de paternité, le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre et le droit de repentir.

En second lieu, depuis le milieu du XXe siècle, ont été progressivement reconnus des droits connexes du droit d’auteur, dits droits voisins parce qu’ils protègent des intervenants dans la création qui ne sont pas créateurs à proprement parler mais qui interviennent dans le voisinage de la création. Tandis que leur protection n’a cessé de s’approfondir à l’échelle internationale, leur première consécration en droit français remonte à la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.

Les droits voisins sont des droits, en principe exclusifs, reconnus à cinq catégories distinctes d’ayants droit :

-          les artistes-interprètes, ou exécutants ;

-          les producteurs de phonogrammes ;

-          les producteurs de vidéogrammes ;

-          les entreprises de communication audiovisuelle ;

-          les éditeurs de presse et agences de presse. Ces derniers titulaires de droits ont été introduits récemment dans le code de la propriété intellectuelle, en application de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, qui a constitué la transposition de l’article 15 de la directive « droit d’auteur dans le marché unique numérique ».

La protection conférée par les droits voisins est distincte de celle conférée par le droit d’auteur et s’exerce indépendamment sans porter préjudice aux droits des auteurs. Les bénéficiaires des droits voisins jouissent d’un droit exclusif qui leur confère la possibilité d’autoriser ou d’interdire l’exploitation de l’objet protégé correspondant – par exemple une prestation pour un artiste-interprète ou un phonogramme pour un producteur de phonogrammes – et de percevoir une rémunération en contrepartie. Les artistes-interprètes bénéficient également d’un droit moral garantissant le respect de leur nom, leur qualité et leur interprétation.  

Les sites de partage sur lesquels les utilisateurs téléversent des contenus tels que Youtube, Dailymotion ou Soundcloud sont de plus en plus utilisés par le public pour accéder en ligne à des œuvres et objets protégés. Ces sites opèrent alors en concurrence, pour la même audience, avec des distributeurs de contenus tels que Deezer et Spotify pour la musique ou Canal VOD pour les films qui constituent et donnent accès au public à une offre d‘œuvres et objets protégés.

Un eurobaromètre réalisé à la demande de la Commission européenne pour la préparation de son étude d’impact préalable à l’adoption de la directive 2019/790 indique, par exemple, que les services de partage sur lesquels les utilisateurs téléversent des contenus sont cités par 31% des citoyens européens comme le type de services principalement utilisé par eux pour écouter de la musique en ligne[80].  L’étude d’impact de la Commission indiquait par ailleurs que, pour l'année 2015, les services de partage de vidéos qui représentaient un nombre estimé d'utilisateurs égal à 900 millions avaient généré 634 millions de dollars représentant 4% des revenus de la musique mondiale et que, par contraste, les titulaires de droits indiquaient que les les services par abonnement type Deezer ou Spotify avaient généré 2 milliards de revenus pour une base d'abonnés de 68 millions. En 2019, un rapport du Syndicat national de l’édition phonographique sur l’économie de la production musicale indique que « d’une manière générale, les plateformes vidéo représentent plus de 50% du temps passe à écouter de la musique en streaming, mais ne contribuent que de manière marginale aux revenus du secteur, à hauteur de 11% du chiffre d’affaires du streaming ».

1.2.    cadre conventionnel

Le droit d’auteur et les droits voisins ont notamment pour objet de permettre à leurs titulaires d’autoriser (en en négociant les conditions) ou, au contraire, de refuser l’exploitation de leurs œuvres et objets protégés. Le respect de ce principe soulève toutefois des difficultés importantes en cas d’utilisation des œuvres et objets protégés par les sites de partage de contenus dans la mesure où les œuvres et objets sont téléversés par les utilisateurs du service, et non par le service lui-même. Cette situation a conduit à une incertitude quant aux règles applicables à ces services.

La question s’est ainsi posée de savoir si le service lui-même effectue des actes d’exploitation relevant du droit d’auteur et des droits voisin, sans que cette question n’ait été tranchée à ce jour par la Cour de Justice.

La question s’est également posée de savoir si ce service peut, en cas de stockage et de mise à disposition de contenus non autorisés, revendiquer l’application de la limitation de responsabilité prévue par l’application de l’article 14 de la directive 2000/31/CE « Directive sur le Commerce électronique » transposé aux paragraphes 2 et 3 du I d  l’article 6 de la loi nᵒ 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique au bénéfice des hébergeurs[81]. En France et dans d’autres Etats membres, plusieurs décisions ont fait bénéficier du régime de l’hébergeur passif des plateformes qui organisent les contenus téléversés par leurs utilisateurs et exploitent leur service par exemple en commercialisant des espaces publicitaires, tandis que quelques décisions dans d’autres Etats membres comme l’Italie ont pu retenir une position contraire[82].

Ces conditions expliquent, comme détaillé dans l’étude d’impact de la Commission européenne précitée, que les titulaires de droits n’ont aujourd’hui pas ou peu de contrôle sur l’utilisation de leurs créations par les plateformes de partage.

Lorsque des contrats sont conclus par les titulaires de droits et les opérateurs exploitant ces plateformes, les titulaires de droits expliquent que la discussion sur les termes techniques et financiers laisse peu de place à une réelle négociation, les plateformes invoquant en particulier le manque de clarté quant aux règles applicables.

Lorsque des contrats autorisant l’exploitation des contenus protégés n’ont pas été conclus entre les titulaires de droits et les plateformes, les services, invoquant le statut d’hébergeur et la jurisprudence en la matière, revendiquent comme seule obligation celle de retirer promptement les contenus contrefaisants dès lors qu’ils auraient connaissance de leur caractère manifestement illicite. Comme détaillé dans l’étude d’impact précitée, il en résulte une très lourde charge pour les titulaires de droits, contraints de notifier aux plateformes et à leurs frais des contenus qui par ailleurs réapparaissent sur ces plateformes. Si, au cours des dernières années, certaines plateformes ont adopté de mesures techniques, comme des solutions de reconnaissance de contenus, permettant de lutter plus efficacement contre la présence de contenus non autorisés, en agissant en particulier de façon préventive, ces services font valoir qu’il s’agit d’une démarche purement volontaire, qu’ils sont libres de proposer ou non aux ayants droit et dont ils sont libres de fixer unilatéralement les conditions.

Face à cette situation, l’article 17 de la directive (UE) n° 2019/790 a pour objectif de clarifier la responsabilité des plateformes de partage des contenus du point du droit d’auteur et des droits voisins, tout en tenant compte des particularités de leur mode opératoire.

Visant les fournisseurs de services qui ont un impact important sur le marché de la diffusion en ligne des contenus culturels[83], l’article 17 s’applique aux fournisseurs de services de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est de stocker et de donner au public accès à une quantité importante d’œuvres et objets protégés téléversés par leurs utilisateurs, que ces services organisent dans un but de profit, direct ou indirect[84].

Il prévoit qu’en donnant accès au public à ce nombre important d’œuvres et objets protégés, ces services réalisent un acte de communication au public ou de mise à disposition, c’est-à-dire des actes d’exploitation relevant du droit d’auteur et des droits voisins et qui sont traduits en droit français par les actes de représentation s’agissant du droit d’auteur, et les actes de communication au public ou de télédiffusion s’agissant des titulaires de droits voisins[85].

En conséquence de ces actes d’exploitation qu’ils réalisent, les fournisseurs de services concernés doivent obtenir une autorisation de la part des titulaires de droits des œuvres et objets protégés ou, en l’absence d’autorisation, empêcher la disponibilité de leurs œuvres et objets protégés sur leur service en fournissant dans ce but leurs « meilleurs efforts ».

L’article 17 pose un très haut niveau d'exigence pour l’appréciation de ces efforts, tout en admettant que leur intensité doit tenir compte d’éléments tels que la taille du service, le type d’œuvres et objets protégés mis à disposition, la disponibilité et le coût des mesures destinées à lutter contre la présence de œuvres et objets non autorisés.  Par ailleurs, il crée un régime temporaire dérogatoire pour les services mis à disposition du public au sein de l’Union européenne depuis moins de 3 ans et avec un chiffre d’affaires annuel en deçà de 10 millions d’euros calculé conformément à la Recommandation 2003/361/CE.  Ce régime diffère selon que le nombre moyen de visiteurs uniques du site par mois est inférieur ou supérieur à 5 millions au niveau de l’Union européenne.

Enfin, afin d’assurer une meilleure prise en compte des intérêts des utilisateurs, l’article 17 prévoit plusieurs possibilités pour ces derniers de contester le blocage ou le retrait d’une œuvre ou un objet protégé conduisant à empêcher une utilisation licite de cette œuvre ou objet.  L’article 17 impose en particulier la mise en place par les fournisseurs de services d’un mécanisme interne de traitement des plaintes et l’introduction par les Etats membres d’un possible recours extra judiciaire pour l’utilisateur, sans préjudice d’un possible recours au juge. Il prévoit également que les utilisateurs doivent pouvoir se prévaloir des exceptions et limitations existantes en matière de citation, ainsi qu’en matière d’utilisation à des fins de caricature, parodie ou pastiche. Enfin, l’article 17 prévoit que les autorisations accordées par les titulaires de droits aux fournisseurs de services de partage en ligne de contenus pour leurs actes de communication au public et de mise à disposition couvrent également, dans les conditions fixées par cet article, les actes des utilisateurs lorsqu’ils n’agissent pas à titre commercial ou que leur activité ne génère pas de revenus significatifs.

L’article 17 de la directive a pour objectif la protection du droit d’auteur et des droits voisins, ces droits relevant du droit de propriété dont la protection s’impose au titre de l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[86]

Invoquant une violation du droit à la liberté d'expression et d'information garanti par l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et même des actes de censure automatique qui seraient imposés par l’article 17, la République de Pologne a introduit un recours le 24 mai 2019 devant la Cour de Justice sollicitant l’annulation de la partie de l’article 17 visant les mesures préventives que les fournisseurs de services doivent prendre pour protéger les œuvres et objets protégés identifiés par les titulaires de droits pour pouvoir écarter une responsabilité pour contrefaçon en cas de présence non autorisée de ces œuvres et objets sur leur service.

Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont déjà déposé des écritures devant la Cour de Justice concluant très clairement au rejet du recours. Y sont relevés en particulier que l’article 17 n’a pas pour objectif une censure de la liberté d’expression mais une meilleure protection des droits d’auteur et droits voisins en ligne, et que l’ensemble de ses dispositions traduit la recherche d’un dispositif équilibré préservant les intérêts des utilisateurs et des fournisseurs de services.

La France, qui a déclaré son intention d’intervenir à l’instance, déposera également des écritures concluant au rejet.

1.3.    Éléments de droit comparé

La France devrait être le premier Etat membre de l’Union européenne à transposer l’article 17 de la directive 2019/790. Cet article ayant fait l’objet de longues et complexes discussions, sa transposition sera suivie avec attention par les différentes parties prenantes au niveau européen, ainsi qu’au niveau international et, en particulier, dans les pays qui ont consacré un principe de responsabilité limitée au bénéfice de certaines plateformes de l’Internet[87].

Comme prévu par l’article 17, la Commission européenne, après organisation de dialogues en coopération avec les Etats membres avec les parties intéressées, devrait émettre des orientations sur l’application de l’article 17. Ces orientations sont toutefois sans incidence sur la possibilité pour les Etats membres de transposer sans attendre dans leur droit interne l’article 17.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    NECESSITE DE LEGIFERER

Conformément à l’article 29 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 7 juin 2021.

2.2.    OBJECTIFS POURSUIVIS

Les dispositions envisagées du présent projet de loi permettent à l’Etat français de respecter son obligation de transposition en droit interne des dispositions de l’article 17 de la directive (UE) n° 2019/790, qui a pour objectif de clarifier les règles applicables aux fournisseurs de service de partage de contenus en ligne du point de vue du droit d’auteur et des droits voisins et ce faisant de renforcer la situation des titulaires de droits, tout en prenant en compte les intérêts des utilisateurs et des plateformes.

L’article 17 de la directive ayant donné lieu à de longues et complexes discussions entre les co-législateurs européens pour aboutir à un dispositif détaillé, dans le cadre de sa transposition, il incombe au gouvernement d’apporter les précisions et clarifications juridiques nécessaires en droit interne pour atteindre l’objectif poursuivi par le texte. 

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

L’article 17 impose aux Etat membres d’introduire de nouvelles dispositions sans leur laisser la possibilité de choisir entre différentes options, cette situation étant sans préjudice, comme indiqué précédemment, de la possibilité d’apporter les précisions et clarifications juridiques nécessaires en droit interne pour atteindre l’objectif poursuivi par le texte. 

S’agissant en particulier de la question des exceptions en matière de citation et d’utilisation à des fins de caricature, parodie ou pastiche prévues à titre optionnel pour les Etats membres par la directive 2001/29/CE[88] et que l’article 17 de la directive 2019/790 rend désormais obligatoires  le projet de loi de transposition ne comprend pas de disposition sur ce point, le droit français consacrant déjà de telles exceptions[89].

3.2.    Dispositif retenu

Tout en adoptant une rédaction très proche des termes de la directive, le projet de loi de transposition apporte les précisions suivantes :

La directive ne définissant pas ce qu’il faut entendre par quantité importante d’œuvres et objets protégés et se limitant à citer le nombre de fichiers protégés présents sur le site et l’audience du site comme deux critères pouvant être utilisés pour l’appréciation, au cas par cas, de la situation d’un fournisseur de service, le projet de loi renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’application de ce critère dans un but de sécurité juridique. Il précise, à cet égard, que les types d’œuvres et objets protégés concernés sont à prendre en compte. Il en effet raisonnable de considérer que l’impact sur le marché de la distribution de contenus en ligne induit par les plateformes de partage de contenus peut différer selon les types de contenus protégés concernés.

Comme prévu par la directive, le projet de loi dispose qu’en donnant accès aux œuvres et objets protégés, le fournisseur de service effectue des actes d’exploitation correspondant aux droits de communication au public et au droit de mise à disposition du public prévus au niveau de l’Union et qu’il doit, à ce titre, obtenir les autorisations pour ces actes. Par souci de clarté, le projet de loi rappelle que le fournisseur de service doit également obtenir une autorisation pour les actes de reproduction dès lorsqu’il réalise de tels actes.

Compte tenu de la technicité des  appréciations nécessaires pour déterminer si les fournisseurs de services de partage de contenus ont fourni leurs « meilleurs efforts » pour éviter la présence de contenus protégés non autorisés sur leur service, de l’asymétrie d’information entre les fournisseurs de services et les autres parties concernées, et de la nécessaire collaboration entre les parties pour le bon fonctionnement des mesures de protection, le projet de loi prévoit la compétence de l’ARCOM pour, en particulier, évaluer l’efficacité des mesures prises par les fournisseurs de services et adresser des recommandations.  Afin de garantir l’effet utile de cette disposition, le projet de loi prévoit que les fournisseurs de services adressent une déclaration annuelle des mesures mises en œuvre. Il introduit également le droit pour l’ARCOM d’accéder aux informations utiles auprès des fournisseurs de services, des titulaires de droits et des concepteurs de mesures de protection. Dans la mesure où elles participent de l’adaptation plus globale de la régulation, cette mission de l’ARCOM est prévue au titre II du projet de loi et introduite par l’article 22 du présent projet de loi.

Les considérants de la directive précisant que le régime temporaire dérogatoire prévu par l’article 17 au bénéfice des fournisseurs de services dont la première date de mise à disposition du public date de moins de 3 ans ne doit pas être utilisé abusivement, le projet de loi prévoit que le fournisseur de service qui revendique ce régime allégé doit pouvoir en justifier. Cette justification pourrait en particulier être nécessaire dans le cadre de ses relations avec les titulaires de droits.

La directive exigeant la possibilité d’un recours extra judicaire par l’utilisateur en cas de situation de blocage ou de retrait d’une œuvre téléversée par lui conduisant à empêcher une utilisation licite de cette œuvre, le projet de loi confie cette compétence à l’ARCOM. Il ouvre par ailleurs ce recours aux titulaires de droits, ces derniers pouvant également être en désaccord avec les suites données par le fournisseur de service à la plainte d’un utilisateur.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    impacts juridiques

Pour la transposition de l’article 17 de la directive, le projet de loi crée un nouveau chapitre VII au titre III du livre I de la première partie du code de la propriété intellectuelle, qui a pour objet de clarifier le régime de responsabilité des fournisseurs de services au regard du droit d’auteur. 

Il créée également un nouveau chapitre IX au sein du titre unique du livre II de la première partie du Code de la propriété intellectuelle rendant applicables aux droits voisins les dispositions relatives au droit d’auteur.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts sur la protection du droit d’auteur et des droits voisins et le renforcement de la position des créateurs vis-à-vis des services de partage de contenus

L’impact des nouvelles mesures sera positif en matière de protection des droits d’auteur et des droits voisins dans la mesure où il clarifie et modifie le cadre juridique de la relation des titulaires de droit avec les plateformes de partage de contenus en ligne.

En l’absence de contrats entre fournisseurs de services et titulaires de droits, les mesures que seront amenés à prendre ces services garantiront une meilleure protection des œuvres et objets protégés et assureront une plus grande transparence.  Quand des contrats seront conclus, en fonction des négociations qui seront conduites, on peut en attendre une modification des conditions de rémunération des droits et davantage de transparence et de contrôle sur l’exploitation des œuvres et autres objets protégés. En effet, les négociations entre titulaires des droits et fournisseurs de services prendront place dans un cadre juridique clarifié, prévoyant sans ambiguïté l’obligation pour le fournisseur de service d’obtenir les autorisations nécessaires de la part des titulaires de droits pour donner accès à des œuvres et objets protégés. Par ailleurs, l’obligation de transparence prévue par le projet de loi conformément à la directive sur l’utilisation des œuvres par les plateformes devrait permettre aux titulaires de droits d’obtenir des informations nécessaires à la juste rémunération de ces derniers.

La liberté contractuelle des titulaires de droits est préservée, les nouvelles dispositions ne créant pas d’obligation pour eux de conclure un accord autorisant l’usage de leurs œuvres et objets protégés avec les fournisseurs de services ni même de négocier un tel accord.

De la même manière, les titulaires de droit qui ne souhaitent pas coopérer avec les fournisseurs de services pour lutter contre un téléversement non autorisé de leurs contenus demeurent libres de le faire.  En même temps, les nouvelles dispositions encouragent cette coopération dans la mesure où les titulaires de droits qui entendent pouvoir compter sur la prise de mesures préventives par les fournisseurs de services pour protéger leurs œuvres et objets protégés devront fournir à ces derniers les « informations nécessaires et pertinentes » à cet effet. Il est toutefois précisé, à cet égard que, conformément à la directive, ces informations à fournir devront tenir compte, notamment, de la taille des titulaires de droits et du type d’œuvres et objets protégés[90] ce qui devrait être de nature à limiter les coûts éventuels du dispositif pour les titulaires de droits[91]. L’exigence de ne viser que les informations nécessaires et pertinentes pour le fonctionnement des mesures prises par les services, bien que non définie par la directive, devrait également permettre de prendre en compte les préoccupations des titulaires de droits, confrontés par exemple au besoin de multiplier les démarches  auprès des différentes plateformes en l’absence à ce jour de dispositifs uniques et universels de protection des contenus ou à des risques éventuels de perte de données[92]. En pratique, il se peut aussi ,que certains ayants droit s’appuient sur des éléments fournis par d’autres titulaires de droits [93]

4.2.2.   Impacts sur l’activité de fourniture de services de partage de contenus en ligne

Les fournisseurs de services visés par les dispositions ne pourront plus prétendre s’appuyer sur un manque de clarté du cadre juridique pour refuser de négocier avec les titulaires de droit qui le souhaitent les conditions dans lesquelles ils utilisent leurs contenus ni, en l’absence d’autorisation, pour ne pas mettre en œuvre, dans un cadre transparent, des mesures efficaces pour empêcher la présence de contenus contrefaisants sur leur site. En l’absence de contrats conclus avec les titulaires de droits, ils devront pouvoir justifier qu’ils ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits[94] ainsi que pour empêcher et/ou remédier à la disponibilité des œuvres et objets protégés identifiés sur leur service.

Avec l’objectif de clarifier le champ des services concernés, le projet de loi prévoit de préciser par décret en Conseil d’état les modalités d’application du critère du « nombre important d’œuvres et objets protégés ». Tout service pourra dès lors en tirer les conséquences notamment s’agissant de l’obligation incombant aux fournisseurs de services de déclarer les mesures mises en œuvre par eux pour lutter contre la mise en ligne non autorisée de contenus.

A cet égard, sur plusieurs des plus importants services concernés par les nouvelles dispositions, des mesures techniques sont déjà mises en œuvre depuis plusieurs années en coopération avec de nombreux ayants droit, ce qui a permis d’anticiper un grand nombre d’enjeux que posera la mise en œuvre des nouvelles dispositions. La généralisation à toutes les plateformes les plus importantes et en relation avec tous les types d’œuvres et objets protégés d’obligations en la matière, de même que l’instauration d’obligations de transparence est un facteur d’encouragement aux pratiques les plus respectueuses du droit.

Conformément au principe de proportionnalité posé par la directive pour apprécier les « meilleurs efforts » que les fournisseurs des services doivent fournir en la matière pour éviter, avec la collaboration des titulaires de droits, une responsabilité pour contrefaçon, le projet de loi prévoit la prise en compte d’éléments tels que la disponibilité et le coût des mesures efficaces pour les fournisseurs de services et le type de contenus protégés prévus par le projet de loi[95] Compte tenu notamment de la technicité du sujet et des évolutions permanentes de l’état de l’art, du rôle essentiel des fournisseurs de services de partage en ligne de contenus dans le choix et la mise en œuvre des outils utilisés ou déployés par eux pour lutter contre la présence de contenus non autorisés et de l’importance d’une bonne collaboration entre titulaires de droits et fournisseurs de services.  Le projet de loi confie à l’ARCOM une mission de recommandation et d’évaluation des mesures que peuvent mettre en place les fournisseurs de services dans le cadre de leurs efforts pour lutter contre la présence de contenus protégés non autorisés. Cette mission s’exercera sans préjudice des orientations à venir de la Commission européenne telles que prévues à l’article 17 de la directive. Elle s’exercera également sans préjudice du principe de proportionnalité précédemment rappelé et du régime allégé de responsabilité prévu pour les services de moins de trois ans répondant aux conditions fixées par la directive.  A cet égard, l’obligation prévue par le projet de loi pour les fournisseurs de services de pouvoir justifier satisfaire les conditions de ce régime allégé est adéquate et raisonnable dans la mesure où les services sont par hypothèse les mieux placés pour disposer des informations concernant leur propre situation.

4.2.3.   Impacts sur le développement des solutions technologiques en matière de protection des droits

Les nouvelles dispositions devraient pousser au développement de solutions de protection des contenus sans cesse plus innovantes et à la généralisation de ces outils. Selon les cas, les outils peuvent être développés par les fournisseurs de services eux-mêmes ou par des sociétés indépendantes. C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit que le droit d’accès de l’ARCOM sera également opposable à ces sociétés.

4.3.    Impacts sur les particuliers

Les utilisateurs verront leur sécurité juridique améliorée, puisque l’autorisation qui sera délivrée aux fournisseurs de services par les titulaires de droits couvrira également, dans les termes définis par la directive, les actes qu’ils accompliront à titre non commercial ou les situations dans lesquelles ils tirent des revenus non significatifs de leur activité.

Par ailleurs, ils devraient bénéficier de la collaboration entre titulaires de droits et fournisseurs de services induite par les nouvelles dispositions dans la mesure où cette collaboration devrait conduire à améliorer sans cesse le fonctionnement des outils mis en place par les fournisseurs de services

Egalement, l’utilisateur disposera de nouveaux droits par rapport à la situation actuelle.  Conformément à la directive, il bénéficiera d’une information utile fournie par les fournisseurs de service sur les exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins et, dans le cas où il estimerait un blocage non justifié du point de vue du droit d’auteur et des droits voisins, il pourra formuler un recours auprès des fournisseurs de service qui sera d’autant plus efficace que les titulaires de droits devront apporter leur collaboration, en justifiant de leur demandes de retrait ou blocage, ainsi que prévu par le projet de loi.  Il pourra par ailleurs former un recours devant l’ARCOM, sans préjudice d’un possible recours devant le juge judiciaire. 

Enfin, parce que les nouvelles dispositions devaient favoriser la conclusion de contrats supplémentaires entre les fournisseurs de service et les titulaires de droits qui le souhaitent compte tenu de la clarification du cadre juridique, une conséquence devrait être la disponibilité à terme de davantage d’œuvres et objets protégés pour le public.

4.4.    Impacts sur les services administratifs

Pour la mise en œuvre de ses missions en lien avec la transposition de l’article 17, l’ARCOM pourra s’appuyer sur l’expérience déjà acquise par la HADOPI et ses équipes dans le cadre de ses missions légales actuelles de protection des droits et de garantie du bénéfice des exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins.

Dès 2013, la HADOPI publiait un rapport encourageant la  généralisation des outils de reconnaissance de contenus destinés à lutter contre la présence de contenus non autorisés sur les plateformes de partage de contenus[96]. Elle participe aujourd’hui à une mission conjointe lancée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique avec le CNC qui a pour objet notamment de contribuer à dresser un état des lieux actualisé des outils de reconnaissance de contenus utilisées ou utilisables par les plateformes de partage de contenus, d’évaluer l’efficacité de ces outils et d’identifier les points sensibles que peut soulever leur mise en œuvre[97]. Cette étude dont un projet a été présenté au CSPLA le 29/11/2019 est en voie d’achèvement. Elle alimentera utilement les premiers travaux de l’ARCOM dans le cadre de la mission prévue par le projet de loi, l’ARCOM pouvant dans le futur s’appuyer par ailleurs sur l’obligation de déclaration à la charge des fournisseurs de services et son droit d’accès prévus par le projet de loi.

Dans le cadre de mission légale actuelle de régulation des mesures techniques de protection, la HADOPI connait déjà des cas de différends et demandes d’avis concernant une entrave au bénéfice d’exceptions causé par des outils techniques[98] La nouvelle compétence de l’ARCOM pour connaitre des recours en lien avec la contestation d’un blocage de contenus par un utilisateur sur un fournisseur de service sera en cohérence avec cette précédente mission, le projet de loi prévoyant d’ailleurs que l’ARCOM procède selon les dispositions existantes en matière de règlemenst des différends relatifs à des exceptions. Si l’activité de l’ARCOM devrait toutefois être plus intense que celle de la HADOPI compte tenu du champ et de la nature de cette nouvelle la mission et du nombre d’acteurs pouvant la saisir, celle-ci devrait restée à l’intérieur de limites raisonnables, bien que difficilement évaluables à ce stade . A titre d’élément d’information, la HADOPI a été saisie 5 fois au titre de ses missions de garantie du bénéfice des exceptions en présence de mesures techniques de protection, mais il est vrai que le sujet est très technique et les conditions de saisine restrictives. Par ailleurs, il semblerait qu’une proportion limitée d’utilisateurs qui voient leurs contenus téléversés bloqués ou retirés par un service de partage contestent cette mesure auprès du service dans le cas où celui-ci offre d’ores et déjà aujourd’hui pareille possibilité[99]. Les recours devant l’ARCOM, qui interviendront dans un second temps, après que la plateforme a été saisie d’un recours, devraient donc, a fortiori, également rester limités.

5.     Consultations menées et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, du Conseil supérieur de la propriété littéraire et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Le projet a également fait l’objet de consultations extérieures avec les principaux syndicats et sociétés représentant les intérêts des différents secteurs créatifs et culturels dans lesquels s’applique le droit d’auteur (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique, arts graphiques et plastiques, jeu vidéo, logiciel) et diverses autres parties prenantes, et en particulier les représentants des éditeurs de services en ligne. Ces acteurs ont été en particulier été sollicités par l’intermédiaire du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, commission consultative placé auprès du ministre chargé de la culture pour le conseiller sur l’évolution du droit d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Cette commission présente l’avantage de rassembler par collèges l’ensemble des intervenants de la chaîne de valeur des différents secteurs, depuis l’auteur ou l’artiste-interprète jusqu’à l’exploitant, qu’il s’agisse d’un éditeur, d’un producteur, d’un radiodiffuseur, d’une plateforme de distribution en ligne, ou bien encore les consommateurs.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

La disposition envisagée s’applique à l’égard des œuvres protégées en matière de droit d’auteur lors de l’entrée en vigueur du projet de loi.

Elles sont sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant l’entrée en vigueur de la loi. Le projet de loi précise que les dispositions nouvelles s’appliquent aux œuvres et objets protégés déjà téléversées et stockées sur les services à la date de l’entrée en vigueur de la loi et son décret d’application.

5.2.2.   Application dans l’espace

L’accès donné au public en France à des œuvres et objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins par un fournisseur d’un service de partage de contenus en ligne, s’il n’a pas été autorisé par les titulaires de droits, relèvera des juridictions civile et pénale françaises, quel que soit le lieu de téléversement, et quel que soit le lieu d’établissement du fournisseur de service.

Il est nécessaire de prévoir une mention expression d’applicabilité aux îles Wallis et Futuna des dispositions des articles 18 à 21 du projet de loi, qui ont vocation à intégrer le code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où ce dernier est déjà intégralement applicable dans cette collectivité. S’agissant des autres collectivités d’outre-mer, il n’est pas nécessaire de prévoir de mention expresse d’applicabilité pour les raisons exposées ci-après en fonction des différentes catégories de territoires ultra-marins.

      Collectivités d'outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution de 1958 (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) : en vertu du principe d’identité législative, le code de la propriété intellectuelle s’applique de plein droit à ces territoires et les textes législatifs et réglementaires qui viennent le compléter n'ont pas besoin de prévoir une mention expresse pour s'y appliquer.

      Collectivités d'outre-mer régies par l’article 74 (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna, Saint-Barthelémy et Saint-Martin) : en vertu du principe de spécialité législative, les textes n’y sont applicables qu’à condition de prévoir une mention expresse d’application. En outre, s’agissant de la Polynésie française, le code de la propriété intellectuelle métropolitain ne s’applique plus dans cette collectivité, depuis le transfert de compétence des matières civile et commerciale opéré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

      Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthelémy et Saint-Martin : le code de la propriété intellectuelle s’applique dans ces collectivités. Malgré le principe de spécialité législative, les statuts de ces collectivités prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit.

      Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : le code de la propriété intellectuelle s’y applique de plein droit, en application de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.

      Nouvelle-Calédonie (articles 76 et 77 de la Constitution) : de même que pour la Polynésie française, un transfert à la collectivité de la compétence en droit civil et en droit commercial, qui comprennent le droit de la propriété intellectuelle, est effectif depuis le 1er juillet, en application des articles 21-III et 26 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.

Article 18 : principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

L’article 20 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE consacre au profit des auteurs et des artistes-interprètes un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue dans le cadre d’un contrat de licence ou de transfert de droits si la rémunération initialement convenue se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’œuvre.

Actuellement, le droit français contient une disposition générale relative au réajustement de la rémunération dans le livre premier du code de la propriété intellectuelle, relatif au droit d’auteur. En effet, l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit, au profit des auteurs, un mécanisme de révision de la rémunération en cas de lésion ou de prévision insuffisante des produits de l’œuvre ayant causé à l’auteur un préjudice de plus de sept douzièmes. Toutefois, les dispositions de l’article L. 131-5 ne s’appliquent qu’aux cas de rémunérations forfaitaires. Cette disposition est assez peu utilisée.

Par ailleurs, il convient de noter l’existence d’une disposition sectorielle introduite par l’ordonnance n° 2014-1348 du 12 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition à l’article L. 132-17-7, au sein du livre premier du code de la propriété intellectuelle, consacré au droit d’auteur. Cette disposition s’applique aux contrats d’édition de livres numérisés et prévoit que ce type de contrats doit comporter une clause de réexamen des conditions économique de la cession des droits d’exploitation. L’accord professionnel conclu le 1er décembre 2014 entre le conseil permanent des écrivains et le syndicat national de l’édition pris en application de l’article L.132-17-8 (et étendu à tous les acteurs du secteur du livre par l’arrêté du 10 décembre 2014) prévoit que « L’auteur et l’éditeur peuvent chacun demander un réexamen au terme d’un délai de quatre ans à compter de la signature du contrat et pour une durée de deux ans.  

Passé ces délais de six ans et pour une durée de neuf ans, l’auteur et l’éditeur peuvent chacun introduire deux demandes de réexamen.

Au-delà de cette période de quinze ans, la demande de réexamen a lieu uniquement en cas de modification substantielle de l’économie du secteur entrainant un déséquilibre du contrat depuis sa signature ou sa dernière modification.

Dans tous les cas, l’autre partie dispose d’un délai maximum de trois mois pour faire droit à la demande de réexamen. ».

1.2.    Cadre constitutionnel

Depuis une décision du 27 juillet 2006 (n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006), le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser que les droits d’auteur et les droits voisins relèvent du droit de propriété tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (décisions n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 et n° 2013-370 QPC du 28 février 2014).

Par ailleurs, la protection constitutionnelle du droit de propriété intellectuelle n’est pas incompatible avec l’introduction de limitations, dès lors, d’une part, que ces limitations obéissent à des fins d’intérêt général et, d’autre part, qu’elles n’ont pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s’en trouveraient dénaturés (Décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017).

1.3.    Éléments de droit comparé

Il ressort de l’étude d’impact réalisée par la Commission européenne qu’en dehors de la France où l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle envisage le cas d’une lésion concernant les rémunérations forfaitaires uniquement, ce type de « best-seller clause » existe déjà en Belgique, Croatie, République tchèque, Allemagne, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie et Espagne. 

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 29 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive.

2.2.    Objectifs poursuivis

La disposition a pour objectif de remédier à des situations dans lesquelles la rémunération initialement convenue dans le contrat est exagérément faible par rapport aux revenus pertinents tirés de l’exploitation ultérieure de l’œuvre (cf considérant 78 de la directive (UE) 2019/790). Dans cette hypothèse, l’auteur a le droit de demander le réajustement du contrat. Cette disposition a vocation à s’appliquer dans des hypothèses rares de disproportion importante entre les termes économiques retenus dans le contrat et un succès inespéré de l’œuvre dans la mesure où elle remédie à une imprévision. Elle est d’ailleurs directement inspiré du droit allemand dans lequel elle est appelée « disposition relative aux bestsellers » (« Bestsellerparagraph »), ce qui illustre les situations envisagées par la disposition en cause.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Une première option consistait à supprimer l’article L. 131-5 actuel du CPI qui ne répond qu’à une partie des obligations posées par l’article 20 de la directive (UE) 2019/790 dite « droit d’auteur dans le marché unique numérique » et à le remplacer par une nouvelle disposition dont la rédaction reprendrait largement celle de la directive.

Une deuxième option consistait à maintenir la disposition existante et à la compléter afin de répondre à l’ensemble des hypothèses couvertes par l’article 20 de la directive et en particulier à ce qu’il soit possible de réajuster le contrat dans l’hypothèse où une rémunération proportionnelle initialement prévue au contrat, et non un forfait, se révèlerait exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’œuvre.

3.2.    Option retenue

Le choix a été fait de retenir la deuxième option : maintenir , tout en la complétant, la disposition générale, applicable aux auteurs, prévue à l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, la rédaction actuelle de l’article L. 131-5, applicable aux cas de rémunérations forfaitaires, est maintenue au sein d’un nouveau I. dans la mesure où elle répond aux exigences posées par l’article 20 de la directive. Celui-ci permet à l’auteur d’obtenir la révision de sa rémunération dans l’hypothèse où la rémunération initialement prévue au contrat se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’œuvre, y compris ceux issus de l’exploitation des produits dérivés. L’hypothèse visée par la directive est bien couverte par l’article L. 131-5 puisque celui-ci autorise la révision de la rémunération en cas de « lésion » mais également en cas de « prévision insuffisante des produits de l’œuvre ». Si la lésion s’apprécie, en principe, au moment de la conclusion du contrat, la révision pour imprévision s’apprécie au moment de l’exécution du contrat et permet donc à l’auteur d’obtenir une rémunération supplémentaire dans le cas où la valeur des droits cédés se révèle considérablement plus élevée que l’estimation initiale qui en a été faite, ce qui est conforme à l’article 20 de la directive. Par ailleurs, le Gouvernement a jugé que le seuil des « sept-douzièmes » au-delà duquel la révision de la rémunération peut être demandée est conforme à l’exigence posée par la directive qui prévoit que la rémunération initiale doit être « exagérément faible » par rapport aux revenus ultérieurement tirés de l’œuvre. Le Gouvernement a également considéré que le maintien du critère des sept douzièmes, apporte une certaine sécurité juridique en assurant une meilleure prévisibilité de l’interprétation de cette disposition.

Le Gouvernement a introduit un II à l’article L. 131-5, afin d’étendre le mécanisme de réajustement de la rémunération aux cas de rémunérations proportionnelles puisque l’article 20 de la directive s’applique aux cas de rémunérations forfaitaires et proportionnelles.

La disposition envisagée prévoit que le principe de réajustement de la rémunération qu’il instaure s’applique en l’absence de mécanisme comparable prévu directement par le contrat d’exploitation de l’auteur ou par un accord professionnel qui lui est applicable. Le renvoi à la négociation collective pour la mise en œuvre du principe de réajustement de la rémunération est prévu par l’article 20 de la directive. Pour les auteurs, le Gouvernement a fait le choix de viser les accords professionnels conclus entre, d’une part, les organismes professionnels d’auteurs ou les organismes de gestion collective et, d’autre part, les organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné, afin de renvoyer au type d’accord existant entre les auteurs et leurs cocontractants, éditeurs ou producteurs. Les accords professionnels pourront ainsi, le cas échéant, prévoir des mécanismes qui tiennent compte des spécificités de chaque secteur notamment en précisant le critère posé par la loi de la rémunération « exagérément faible ».

Le Gouvernement a également introduit un III à l’article L. 131-5, qui prévoit, comme prévu par la directive, que les dispositions des I et II sont applicables en l’absence de disposition particulière prévoyant un mécanisme comparable dans le contrat d’exploitation ou dans un accord professionnel applicable dans le secteur d’activité.

Le III prévoit en outre que la demande de rémunération supplémentaire peut émaner de l’auteur ou de « la personne spécialement mandatée à cet effet par ce dernier » puisque l’article 20 de la directive précise que les représentants des auteurs peuvent également demander la révision de la rémunération. Le Gouvernement a précisé que le représentant de l’auteur devait avoir un mandat spécial tel que défini aux articles 1984 et suivants du code civil afin d’être habilité à effectuer la demande de rémunération complémentaire pour le compte de l’auteur.

Il convient de préciser que les auteurs pourront recourir à des mécanismes extra-judiciaires de règlement des litiges pour régler les différends qui pourraient survenir dans la mise en œuvre de cette disposition, comme le prévoit l’article 21 de la directive 2019/790.

Le projet de loi ne prévoit aucune disposition de transposition de l’article 21 de la directive sur le recours à des mécanismes extra-judiciaires de règlement des différends dans la mesure où le droit français contient d’ores et déjà des dispositions en ce sens. Ces procédures sont accessibles aux auteurs et aux artistes-interprètes mais aussi aux organisations les représentant, comme le prévoit la directive.

En effet, le code de procédure civile prévoit plusieurs dispositifs auxquels peuvent faire appel les auteurs et les artistes-interprètes, soit en amont d’une procédure judiciaire pour rechercher le règlement amiable d’un différend (livre V « La résolution amiable des différends »), soit au cours d’une procédure judiciaire (du titre IV du livre Ier « La conciliation et la médiation »).

Premièrement, s’agissant de la résolution amiable, il résulte de l’article 1529 du code de procédure civile que les dispositions du livre V du CPC « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ». Elles s’appliquent donc aux litiges visés par l’article 21 de la directive.

L’article 1528 du code de procédure civile prévoit que : « Les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats ». L’accord trouvé à l’issue de la médiation, de la conciliation ou de la procédure participative peut être homologué par un juge (respectivement articles 1534, 1541 et 1556 du code de procédure civile).

Les « parties à un différend » visées à l’article 1528 sont les mêmes que les parties à l’instance en cas d’engagement d’une procédure judiciaire. Elles doivent donc pouvoir ester en justice pour que leur accord puisse être homologué par un juge. Il en découle que les organismes de gestion collective visés par l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle peuvent, si leurs statuts le permettent, représenter leurs membres auteurs ou les artistes-interprètes dans le cadre des mécanismes de règlement alternatif des différends prévus par le livre V du code de procédure civile.

Deuxièmement, s’agissant de la conciliation et de la médiation, l’article 127 du code de procédure civile prévoit que « s’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance (…) des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation ».

Dès lors que les organismes de gestion collective visés par l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle peuvent représenter les auteurs ou des artistes-interprètes pour ester en justice dans les cas prévus par l’article L. 321-2 du code de la propriété intellectuelle, ils peuvent se voir proposer une mesure de conciliation ou de médiation par le juge en application de l’article 127 du code de procédure civile précité.

Il est indiqué dans un IV que les dispositions envisagées ne sont pas applicables aux auteurs de logiciels, conformément à ce que prévoit l’article 23.2 de la directive.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

4.1.1.   Impacts sur l’ordre juridique interne

Est modifié, au sein du livre premier consacré au droit d’auteur, l’article L. 131-5 du Code de la propriété intellectuelle afin d’étendre le mécanisme de réajustement de la rémunération en vigueur aux hypothèses de rémunérations proportionnelles.

4.1.2.   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La disposition envisagée constitue une disposition de transposition qui modifie l’actuel article L. 131-5 du CPI afin de le rendre conforme à l’article 20 de la directive (UE) 2019/790 dite « droit d’auteur dans le marché unique numérique ».

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts sur les entreprises

L’impact ne devrait pas être important pour les entreprises culturelles puisque la disposition, qui a pour objectif de permettre à l’auteur de revoir les modalités économiques de son contrat en cas de succès inespéré de l’œuvre, ne devrait être mise en œuvre que de façon exceptionnelle. 

4.2.2.   Impacts budgétaires

Il n’est pas anticipé d’impact sur le budget de l’État, des collectivités locales ni de leurs établissements publics, ni de charge pour les organismes de Sécurité sociale.

Le Gouvernement a jugé qu’il n’était pas nécessaire de créer un nouvel organisme de médiation, susceptible de peser sur les charges de l’État, dans le cadre de la transposition de l’article 21 de la directive (UE) 2019/790 (Procédure extra-judiciaire de règlement des litiges). Cette décision a été prise en raison de l’existence, en droit français, de mécanismes de règlement alternatif des litiges, accessibles aux auteurs ainsi qu’aux organisations les représentant.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Cette disposition est soumise, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, du Conseil supérieur de la propriété littéraire et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La disposition envisagée a fait l’objet de consultations avec les principaux syndicats et sociétés représentant les intérêts des différents secteurs créatifs et culturels dans lesquels s’applique le droit d’auteur (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique, arts graphiques et plastiques, jeu vidéo, logiciel). Les différentes organisations professionnelles parties prenantes des échanges avec le ministère de la culture ont été sollicités par l’intermédiaire du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, commission consultative placée auprès du ministre chargé de la culture pour le conseiller sur l’évolution du droit d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Cette commission présente l’avantage de rassembler par collèges l’ensemble des intervenants de la chaîne de valeur de ces différents secteurs, depuis l’auteur ou l’artiste-interprète jusqu’à l’exploitant, qu’il s’agisse d’un éditeur, d’un producteur, d’un radiodiffuseur ou d’une plateforme de distribution en ligne.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

La disposition envisagée s’applique à la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi à l’égard des œuvres protégées en matière de droit d’auteur à cette date.

5.2.2.   Application dans l’espace

Il est nécessaire de prévoir une mention expresseion d’applicabilité aux îles Wallis et Futuna des dispositions des articles 18 du projet de loi, qui ont vocation à intégrer le code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où ce dernier est déjà intégralement applicable dans cette collectivité. S’agissant des autres collectivités d’outre-mer, il n’est pas nécessaire de prévoir de mention expresse d’applicabilité pour les raisons exposées ci-après en fonction des différentes catégories de territoires ultra-marins.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution de 1958 (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) : en vertu du principe d’identité législative, le code de la propriété intellectuelle s’applique de plein droit à ces territoires et les textes législatifs et réglementaires qui viennent le compléter n'ont pas besoin de prévoir une mention expresse pour s'y appliquer.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 74 (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin) : en vertu du principe de spécialité législative, les textes n’y sont applicables qu’à condition de prévoir une mention expresse d’application. En outre, s’agissant de la Polynésie française, le code de la propriété intellectuelle métropolitain ne s’applique plus dans cette collectivité, depuis le transfert de compétence des matières civile et commerciale opéré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : le code de la propriété intellectuelle s’applique dans ces collectivités. Malgré le principe de spécialité législative, les statuts de ces collectivités prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : le code de la propriété intellectuelle s’y applique de plein droit, en application de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.

Nouvelle-Calédonie (articles 76 et 77 de la Constitution) : de même que pour la Polynésie française, un transfert à la collectivité de la compétence en droit civil et en droit commercial, qui comprennent le droit de la propriété intellectuelle, est effectif depuis le 1er juillet 2013, en application des articles 21-III et 26 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

 


Article 19 : obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des auteurs – Droit de révocation au profit des auteurs en cas de non exploitation de l’œuvre –Inopposabilité des clauses contraires à ces dispositions protectrices des auteurs.

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

1.1.1.   Obligation de transparence

L’article 19 de la directive (UE) 2019/790 crée une obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des auteurs et des artistes interprètes par laquelle ceux-ci doivent rendre compte, au minimum une fois par an, des informations actualisées, pertinentes et complètes sur l’exploitation des œuvres ou interprétations.

Actuellement, le droit français ne contient aucune disposition générale sur l’obligation de reddition des comptes incombant aux exploitants d’œuvres de l’esprit de communiquer à l’auteur un état détaillé des comptes relatifs à l’exploitation de son œuvre.

Quelques dispositions sectorielles existent néanmoins, dans les secteurs du livre, de l’audiovisuel et de la musique.

D’une part, dans le livre premier du code de la propriété intellectuelle consacré au droit d’auteur, l’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l’éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l’auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente et que la reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l’absence de date, au plus tard six mois après l’arrêté des comptes. L’article L. 132-28 dispose quant à lui que le producteur d’œuvre audiovisuelle fournit, au moins une fois par an, à l’auteur et aux coauteurs, un état des recettes provenant de l’exploitation de l’œuvre selon chaque mode d’exploitation. Ces obligations, introduites récemment dans le CPI, ne semblent pas poser de difficultés de mise en œuvre particulières.

La disposition envisagée propose donc de créer un nouvel article L. 131-5-1 dans le livre premier consacré au droit d’auteur, sous réserve des dispositions existantes conformes.

1.1.2.   Droit de révocation en cas d’absence d’exploitation

L’article 22 de la directive (UE) 2019/790 consacre au bénéfice des auteurs un droit de mettre fin, en tout ou partie, au contrat par lequel il a cédé ou licencié à titre exclusif ses droits à un exploitant, en cas de non-exploitation de l’œuvre ou d’un autre objet protégé.

Aujourd’hui, le droit français ne contient aucune disposition transversale sur la révocation des droits. L’article L. 132-17-2 du CPI prévoit un mécanisme de résiliation dans le secteur de l’édition de livres pour sanctionner le défaut d’exploitation permanente et suivie.

La disposition envisagée propose d’introduire un nouvel article L. 131-11L. 131-5-2 dans le livre premier consacré au droit d’auteur, qui propose une articulation avec les dispositions spécifiques existantes en excluant du champ d’application du nouvel article les auteurs des secteurs pour lesquels est prévue une disposition spécifique.

1.1.3.   Inopposabilité des clauses contraires à certaines obligations

L'article 23 de la directive (UE) 2019/790 dispose que les États membres veillent à ce que toute disposition contractuelle faisant obstacle au respect des dispositions relatives à la transparence, au mécanisme d'adaptation des contrats et à la procédure extra-judiciaire de règlement des litiges soit inopposable aux auteurs et aux artistes interprètes ou exécutants.

Pour cela, l’article 19 du projet de loi introduit au sein de la première partie du code relative à la propriété littéraire et artistique un nouvel article L. 131-5-3 dans le livre premier consacré au droit d’auteur.

Actuellement, le droit français ne contient aucune disposition conférant expressément un caractère d’ordre public [100]aux dispositions relatives à la transparence, au mécanisme d'adaptation des contrats ou aux procédures extra-judiciaires de règlement des litiges.

1.2.    Cadre constitutionnel

Depuis la décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser que les droits d’auteur et les droits voisins relèvent du droit de propriété tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (décisions n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 et n° 2013-370 QPC du 28 février 2014).

Par ailleurs, la protection constitutionnelle du droit de propriété intellectuelle n’est pas incompatible avec l’introduction de limitations, dès lors, d’une part, que ces limitations obéissent à des fins d’intérêt général et, d’autre part, qu’elles n’ont pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s’en trouveraient dénaturés (Décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017).

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 29 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive.

2.2.    Objectifs poursuivis

Il s’agit de renforcer la situation des auteurs vis-à-vis des éditeurs et des producteurs.

3.     Dispositif retenu

3.1.    Obligations en matière de transparence

Le Gouvernement a fait le choix de rédiger une disposition transversale dans le livre premier consacré au droit d’auteur, qui pourra être complétée par des dispositions spéciales sectorielles.

En premier lieu, la disposition envisagée inscrit dans le code de la propriété intellectuelle une obligation générale de reddition des comptes par laquelle les cocontractants doivent communiquer aux auteurs des informations « explicites et transparentes » sur l’ensemble des revenus générés par l'exploitation de l'œuvre. Le choix des termes « explicites et transparentes » au lieu des termes « actualisées, pertinentes et complètes » employés par la directive découle d’une volonté d'uniformiser les dispositions du code de la propriété intellectuelle en reprenant la rédaction actuelle de l’article L. 132-17-3 relatif à la reddition de comptes en matière de contrat d'édition dans le secteur du livre et de l'article L. 212-15 relatif à la reddition de comptes en matière de contrat conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes

En outre, la disposition envisagée offre la possibilité aux acteurs de chaque secteur (édition de livre, presse, photographie, musique, audiovisuel, etc.) de préciser par voie d'accords professionnels conclus entre les organismes professionnels d’auteurs ou les organismes de gestion collective d'une part et, d'autre part, les organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné, les modalités de la reddition des comptes. De tels accords peuvent préciser la fréquence et le délai dans lesquels l'envoi électronique peut être effectué ainsi que les conditions particulières de reddition des comptes pour les auteurs dont la contribution n’est pas significative, comme le permet l’article 19 de la directive. Cette possibilité est sous réserve des accords professionnels en vigueur satisfaisant aux conditions de l’article, pris notamment en application de l’article L. 132-17-8 dans le secteur du livre et des articles L. 213 28 à L. 213-37 et L. 251-6 5 à L. 251-13 du code du cinéma et de l’image animée dans le secteur audiovisuel. La disposition envisagée prévoit qu’en l’absence d’accord professionnel applicable, les modalités et la date de la reddition des comptes seront précisées par contrat.

En deuxième lieu, le Gouvernement propose de confier aux accords professionnels conclus entre organismes professionnels ou organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III du CPI et organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné, le soin de fixer les modalités selon lesquelles l'auteur peut obtenir communication des informations auprès du sous-exploitant[101], notamment de déterminer s’il s'adresse directement à lui ou s’il obtient ces informations indirectement. Le projet de loi prévoit que tout accord pris en application de cette disposition pourra être étendu à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. A défaut d'accord dans un délai de six douze mois à compter de la promulgation de la loi, les modalités d'application seront fixées par décret en Conseil d’État.

La possibilité de conclure un tel accord offerte par le II des articles L. 131-5-1 est sous réserve de l'article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle et des articles L. 213-28 et L. 251-5 du code du cinéma et de l'image animée. En effet, ces dispositions organisent déjà les modalités de remontée des informations nécessaires pour assurer une reddition des comptes conforme aux exigences de la directive.

En troisième lieu, il convient de préciser que les auteurs pourront recourir à des mécanismes extra-judiciaires de règlement des litiges pour régler les différends qui pourraient survenir dans la mise en œuvre de cette disposition, comme le prévoit l’article 21 de la directive (UE) 2019/790. En effet, le code de procédure civile prévoit plusieurs dispositifs auxquels peuvent faire appel les auteurs et les artistes-interprètes, soit en amont d’une procédure judiciaire pour rechercher le règlement amiable d’un différend (livre V « La résolution amiable des différends »), soit au cours d’une procédure judiciaire (du titre IV du livre Ier « La conciliation et la médiation »). Ces procédures sont accessibles aux auteurs mais aussi aux organisations les représentant, comme le prévoit la directive.

3.2.    Droit de révocation

Le Gouvernement a fait le choix d’inscrire un droit de résiliation de plein droit dans un article transversal du code de la propriété intellectuelle, afin qu’il s’applique à tous les secteurs créatifs et culturels, à l’exception du secteur du logiciel. L’article 23 de la directive prévoit en effet explicitement que le droit de révocation n’est pas applicable aux auteurs de logiciels.

Le projet de loi retient la notion de « résiliation de plein droit » pour deux raisons. D’une part, elle constitue en droit français l’équivalent de la notion de révocation employée dans la directive. Dans le droit commun des contrats, le code civil utilise principalement la notion de « résolution », qui met fin prématurément au contrat. Le troisième alinéa de l’article 1229 du code civil dispose que « Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation ». Dans les contrats passés par les auteurs ou artistes-interprètes avec un exploitant, on parle par conséquent de résiliation dans la mesure où le terme du contrat ne porte que sur l’avenir et ne remet pas en cause les exploitations passées. D’autre part, et cette seconde raison découle de la première, la notion de « résiliation de plein droit » est déjà utilisée dans le code de la propriété intellectuelle, en particulier au titre III « Exploitation des droits » de la première partie relative à la propriété littéraire et artistique, s’agissant du contrat d’édition.

Après avoir posé le principe général d’un droit de résiliation de plein droit, s’appliquant en l’absence totale d’exploitation de l’œuvre, le projet de loi confie aux acteurs de chaque secteur le soin de moduler l’application du principe général selon ses pratiques et ses usages. Il prévoit ainsi que les conditions d’exercice du droit de résiliation ou du droit de mettre fin à l’exclusivité seront définies par voie d’accord collectif ou d’accord professionnel.

De tels accords définiront notamment la période à partir de laquelle l’auteur peut exercer le droit de résiliation et les critères objectifs permettant de constater la non-exploitation. Ils seront conclus entre, d’une part, les organismes professionnels d’auteurs ou les organismes de gestion collective et, d’autre part, les organisations représentatives des exploitants du secteur concerné. De plus, tout accord collectif ou professionnel adopté en application de cet article pourra être étendu à l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture.

Deux points saillants méritent d’être relevés sur la combinaison entre disposition générale et renvoi vers des accords propres à chaque secteur.

En premier lieu, le projet de loi propose de tirer parti de la possibilité offerte aux États membres par l’article 22 de la directive de prévoir que le mécanisme de révocation est encadré par un délai, lorsqu’une telle restriction est dûment justifiée par les spécificités du secteur ou le type d’œuvre ou autre objet protégé concerné.

Ensuite, le projet de loi prévoit que l’accord professionnel pourra être étendu à l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. La loi prévoit toutefois le cas de figure dans lequel aucun accord n’interviendrait entre les parties prenantes. À défaut d’accord dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, les modalités d’application objet d’un tel accord seront alors fixées par décret en Conseil d’État.

La rédaction du projet de loi s’inspire à cet égard de dispositions déjà existantes du code de la propriété intellectuelle, issues en particulier de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi que le champ et les conditions de mise en œuvre de l’obligation de rechercher une exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle du producteur audiovisuel sont définis par voie d’accord professionnel conclu par les mêmes parties prenantes que ceux qui sont visés par le présent projet de loi. En outre, cette disposition repose sur le même mécanisme en deux temps envisagé par le projet de loi, à savoir un délai de négociation laissé au profit des acteurs d’un secteur professionnel, avant que le Gouvernement ne reprenne éventuellement la main pour adopter un texte réglementaire.

Par ailleurs, deux choix opérés méritent d’être signalés concernant d’une l’application du nouveau droit aux situations de pluralité d’auteurs et, d'autre part, l'exclusion de certains auteurs du champ de la disposition.

D’une part, le projet de loi dispose que lorsqu’une œuvre comporte les contributions de plusieurs auteurs, ceux-ci exercent le droit de résiliation d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer. Le projet de loi s’appuie sur la faculté laissée aux États membres sur ce point par l’article 22 de la directive de prévoir des dispositions spécifiques tenant compte des spécificités des différents secteurs et des différents types d’œuvres et lorsqu’une œuvre comporte la contribution de plus d’un auteur.

D’autre part, l’article L. 131-5-2 exclut expressément les auteurs de logiciels, les auteurs d’une œuvre audiovisuelle et les auteurs ayant conclu un contrat d'édition prévu par les articles L. 132-17-1 à L. 132-17-4 du champ de la disposition.

L'exclusion des auteurs de logiciels, est imposée aux Etats membres par l'article 23 de la directive.

Le Gouvernement a choisi d'exclure les auteurs d'oeuvres audiovisuels du champ de l'article en raison de l'existence de dispositions spécifiques, davantage adaptées aux modalités d’exploitation des œuvres audiovisuelles consacrées à l’article L. 132-27 du CPI par la loi « création architecture et patrimoine » du 7 juillet 2016 qui prévoient l’obligation pour les producteurs de « rechercher une exploitation suivie ». Le projet de loi tire donc parti de la faculté laissée par la directive aux Etats membres d’exclure du champ du droit de révocation des œuvres auxquelles une pluralité d’auteurs a contribué, ce qui est le cas des œuvres audiovisuelles.

Par ailleurs, le secteur du livre bénéficie déjà de dispositions spécifiques relatives au droit de révocation des auteurs. Le Gouvernement a donc choisi de conserver les règles déjà applicables aux auteurs ayant conclu un contrat d'édition prévu par les articles L. 132-17-1 à L. 132-17-4 et, par souci de clarté, de les exclure du champ de l'article L. 132-5-2.

Le projet de loi transpose également le deuxième alinéa de l'article 23 de la directive qui prévoit que les dispositions relatives au droit de révocation ne sont pas applicables aux auteurs d'un programme d'ordinateur au sens de l'article 2 de la directive 2009/24/CE. A cette fin, un III est introduit à l'article L. 131-5 modifié et un V à l'article L. 131-5-2 nouvellement créé afin de prévoir que les dispositions visées aux présents articles ne sont pas applicables aux auteurs de logiciels.

3.3.    Inopposabilité des clauses contraires à certaines obligations

En premier lieu, comme le prévoit l'article 23 de la directive, le Gouvernement a fait le choix de conférer un caractère d'ordre public aux dispositions des articles L. 131-4 à L. 131-5-1 du code de la propriété intellectuelle portant respectivement sur la rémunération des auteurs, l'obligation de transparence et le mécanisme d'adaptation des contrats en ajoutant un nouvel article L. 131-5-3 au titre III du livre premier du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que « les dispositions des articles L. 131-4 à L. 131-5-1 sont d'ordre public ». L’ensemble des dispositions de l’ensemble du chapitre 1 du titre III du livre I de la première partie du CPI sont d’ores et déjà reconnues d’ordre public mais le choix a été fait de l’inscrire expressément pour celles prévues à l’article 23 de la directive.

En plus des dispositions d'ordre public introduites par le texte de la directive, le Gouvernement français a choisi d'aller plus loin en inscrivant dans le projet de loi le caractère d'ordre public de la rémunération proportionnelle des auteurs prévue à l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, consacrant ainsi la reconnaissance par la jurisprudence du caractère d'ordre public de la rémunération proportionnelle des auteurs[102]. Il s’agit de consacrer dans la loi un principe d’ordre public qui est reconnu de longue date par la jurisprudence et la doctrine, afin de renforcer la position des auteurs et des artistes-interprètes au cours de leurs négociations contractuelles avec un exploitant. En ce sens, même si le texte de la directive ne confère expressément pas le caractère d’ordre public au principe de la rémunération proportionnelle, cette extension est conforme à son esprit, qui vise à garantir une juste rémunération des auteurs et artistes-interprètes.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

4.1.1.   Impacts sur l’ordre juridique interne

La disposition envisagée introduit 3 nouveaux articles dans le Code de la propriété intellectuelle : les articles L. 131-5-1, L. 131-5-2 et L. 131-5-3.

4.1.2.   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La disposition envisagée constitue une disposition de transposition qui créée de nouvelles dispositions afin de mettre le Code de la propriété intellectuelle en conformité avec les articles19, 22 et 23 de la directive (UE) 2019/790 dite « droit d’auteur dans le marché unique numérique ».

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts sur les entreprises

L’étude d’impact réalisée par la Commission européenne en 2016[103] comporte une annexe qui présente des exemples concrets de coûts liés aux redditions de comptes périodiques adressées aux auteurs, ainsi que des estimations de coûts pour toutes les entreprises du secteur, tant en termes monétaires que temporels.

Les exemples concrets proviennent d’entreprises qui préparent déjà de telles redditions de comptes périodiques dans l’édition de livres et dans le secteur audiovisuel. Ils ont été obtenus lors d’interviews et de réunions organisées par la Commission. Les estimations et extrapolations sont basées sur les chiffres clés fournis dans ces exemples de terrain ainsi que sur plusieurs hypothèses supplémentaires nécessaires pour présenter une image globale par catégorie de taille. Étant donné que les estimations reposent sur des preuves extrêmement limitées, elles doivent être traitées avec prudence, car elles illustrent un scénario potentiel plutôt que des faits réels.

Estimations pour les éditeurs de livres

Taille de l’entreprise

Micro-entreprises

Petites entreprises

Moyennes entreprises

Grandes entreprises

Nombre de titres

150

300

600

6000

Fréquence des redditions de comptes

1

1

1

1

Coût moyen estimé par éditeur  (EUR)

€464

€929

€1,857

€18,571

Source : données fournies par des entreprises, Eurostat, calculs de la Commission.

 

Coût annuel de la reddition des comptes en pourcentage du chiffre d’affaires

 Taille de l’entreprise

Micro

Petite

Moyenne

Grande

Éditeurs de livres

0.39%

0.05%

0.02%

0.02%

Producteurs audiovisuels

0.1% - 2.3%

0.01% - 0.2%

0.06% - 0.10%

0.07% - 0.08%

4.2.2.   Impacts budgétaires

Il n’est pas anticipé d’impact sur le budget de l’État. Il est vrai que l’intervention de l’Etat est prévue dans l’hypothèse où les professionnels d’un secteur ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur les modalités de remontée d’informations dans le cadre de l’obligation de transparence dans la reddition des comptes ainsi que sur les modalités de résiliation du contrat entre les auteurs et leur cocontractant. Cette intervention ne consiste cependant pas dans la mise en place d’une commission administrative mais dans l’élaboration d’un décret précisant ces modalités, à défaut d’accord des parties. Par ailleurs, le Gouvernement a jugé qu’il n’était pas nécessaire de créer un nouvel organisme de médiation, susceptible de peser sur les charges de l’État, dans le cadre de la transposition de l’article 21 de la directive (Procédure extra-judiciaire de règlement des litiges). Cette décision a été prise en raison de l’existence, en droit français, de mécanismes de règlement alternatif des litiges, accessibles aux artistes-interprètes, aux auteurs ainsi qu’aux organisations les représentant.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

La disposition est soumise, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, du Conseil supérieur de la propriété littéraire et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

La disposition envisagée a fait l’objet de consultations avec les principaux syndicats et sociétés représentant les intérêts des différents secteurs créatifs et culturels dans lesquels s’applique le droit d’auteur (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique, arts graphiques et plastiques, jeu vidéo, logiciel). Les différentes organisations professionnelles parties prenantes des échanges avec le ministère de la culture ont été sollicités par l’intermédiaire du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, commission consultative placée auprès du ministre chargé de la culture pour le conseiller sur l’évolution du droit d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Cette commission présente l’avantage de rassembler par collèges l’ensemble des intervenants de la chaîne de valeur de ces différents secteurs, depuis l’auteur ou l’artiste-interprète jusqu’à l’exploitant, qu’il s’agisse d’un éditeur, d’un producteur, d’un radiodiffuseur ou d’une plateforme de distribution en ligne.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

La disposition envisagée s’applique à l’égard des œuvres protégées en matière de droit d’auteur lors de l’entrée en vigueur du projet de loi.

La disposition est sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant l’entrée en vigueur de la loi.

Les contrats de cession des droits des auteurs sont soumis à l’obligation de transparence prévue au nouvel article L. 131-5-1 à compter du 7 juin 2022. 

L'article L. 131-5-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction résultant de l'article 19 est applicable aux contrats en cours à cette date.

5.2.2.   Application dans l’espace

Il est nécessaire de prévoir une mention expresse d’applicabilité aux îles Wallis et Futuna des dispositions de l’ article 191 du projet de loi, qui ont vocation à intégrer le code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où ce dernier est déjà intégralement applicable dans cette collectivité. S’agissant des autres collectivités d’outre-mer, il n’est pas nécessaire de prévoir de mention expresse d’applicabilité pour les raisons exposées ci-après en fonction des différentes catégories de territoires ultra-marins.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution de 1958 (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) : en vertu du principe d’identité législative, le code de la propriété intellectuelle s’applique de plein droit à ces territoires et les textes législatifs et réglementaires qui viennent le compléter n'ont pas besoin de prévoir une mention expresse pour s'y appliquer.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 74 (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin) : en vertu du principe de spécialité législative, les textes n’y sont applicables qu’à condition de prévoir une mention expresse d’application. En outre, s’agissant de la Polynésie française, le code de la propriété intellectuelle métropolitain ne s’applique plus dans cette collectivité, depuis le transfert de compétence des matières civile et commerciale opéré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : le code de la propriété intellectuelle s’applique dans ces collectivités. Malgré le principe de spécialité législative, les statuts de ces collectivités prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : le code de la propriété intellectuelle s’y applique de plein droit, en application de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.

Nouvelle-Calédonie (articles 76 et 77 de la Constitution) : de même que pour la Polynésie française, un transfert à la collectivité de la compétence en droit civil et en droit commercial, qui comprennent le droit de la propriété intellectuelle, est effectif depuis le 1er juillet 2013, en application des articles 21-III et 26 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

5.2.3.   Textes d’application

Sont prévus les textes d’application suivants :

Des arrêtés d’extension du ministre chargé de la culture, prévus aux nouveaux articles L. 131-5-1-III et L. 131-5-2-III du CPI  ou à  défaut d’accord, des décrets sur les modalités d’application relative à la remontée des informations, prévu au nouvel article L. 131-5-1-III CPI et sur les modalités de résiliation prévu au nouvel article L. 131-5-2-III CPI.

 


Article 20 : consécration du principe d’une rémunération proportionnelle au profit des artistes-interprètes

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

L’article 18 de cette directive dispose que les auteurs et les artistes interprètes reçoivent une rémunération appropriée et proportionnelle lorsqu’ils licencient ou transfèrent leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres ou interprétations. Ce principe est assorti d’un principe de liberté des Etats membres dans la mise en œuvre qui peut se traduire, comme l’explicite le considérant, par le recours au forfait, ce dernier ne devant toutefois pas être le principe.

Les Etats membres sont également libres de recourir à différents mécanismes, dont la gestion collective ou les négociations collectives, pour mettre en œuvre cette disposition.

Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) comprend déjà une disposition pour les auteurs : l’article L. 131-4 du CPI consacre en effet un principe de rémunération proportionnelle aux recettes provenant de l’exploitation assorti d’une liste d’hypothèses dans lesquelles il est possible de recourir au forfait.

Cette disposition répond aux conditions posées par la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE de prévoir une « rémunération appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits », les recettes correspondant à la valeur économique de l’œuvre. 

L’assiette de la rémunération telle que prévue à l’article L. 131-4 CPI est plus précise que celle de la directive et a, par ailleurs, été éclairée par la jurisprudence.

La liste des hypothèses de forfait, quant à elle, porte sur des « cas précis » dans lesquels le recours au forfait est possible, comme le prévoit le considérant 73 de la directive susmentionnée. Il s’agit d’hypothèses dans lesquelles il n’est en pratique pas possible de prévoir une rémunération proportionnelle pour des raisons variées : impossibilité pratique de déterminer la base de calcul, défaut de moyens de contrôle, frais de calcul et de contrôle disproportionnés, contribution ne constituant pas un élément essentiel de l’œuvre ou contribution présentant un caractère accessoire. Ces deux derniers critères ne s’apprécient en aucun cas comme des critères de qualité artistique de la création ou, à l’avenir, de l’interprétation mais concernent le degré ou l’importance de la participation à l’œuvre, ce qui est conforme au considérant 73 de la directive qui précise que la rémunération est « compte tenu de la contribution de l’auteur ou de l’artiste-interprète à l’ensemble de l’œuvre ».

Enfin, l’article L. 131-4 6° CPI renvoie aux autres dispositions du CPI prévoyant des cas dans lesquels le recours au forfait est possible, ce qui permet de tenir compte des spécificités des secteurs, comme l’autorise la directive. Dans le secteur de l’édition de librairie, l’article L. 132-6 CPI prévoit une série d’hypothèses dans lesquelles un forfait peut être prévu pour la première édition d’une œuvre, avec l’accord formellement exprimé de l’auteur. Le forfait est également possible en cas de cession de droits à ou par une personne ou une entreprise établie à l’étranger.

Il ressort donc de l’ensemble de ces dispositions que le droit français respecte l’article 18 de la directive pour la partie relative aux droits des auteurs en ce qu’il prévoit une rémunération proportionnelle par principe et un forfait dans des cas précis. Cette construction permet d’affirmer que la rémunération garantie aux auteurs est « appropriée », comme l’impose la directive.

En revanche, aucune disposition n’existe au sujet du droit voisin des artistes interprètes.

1.2.    Cadre constitutionnel

Depuis la décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser que les droits d’auteur et les droits voisins relèvent du droit de propriété tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (décisions n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 et n° 2013-370 QPC du 28 février 2014).

Par ailleurs, la protection constitutionnelle du droit de propriété intellectuelle n’est pas incompatible avec l’introduction de limitations, dès lors, d’une part, que ces limitations obéissent à des fins d’intérêt général et, d’autre part, qu’elles n’ont pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s’en trouveraient dénaturés (Décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017).

1.3.    Cadre conventionnel

Les conventions internationales relatives aux droits voisins ne traitent pas des cessions des droits des artistes interprètes aux producteurs.

A titre exceptionnel, le Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles adopté à Beijing le 24 juin 2012 a prévu dans son article 12 relatif à la cession des droits que : 1) Une Partie contractante peut prévoir dans sa législation nationale que, dès lors qu'un artiste interprète ou exécutant a consenti à la fixation de son interprétation ou exécution dans une fixation audiovisuelle, les droits exclusifs d'autorisation prévus aux articles 7 à 11 du présent traité sont détenus ou exercés par le producteur de la fixation audiovisuelle ou cédés au producteur, sauf contrat stipulant le contraire conclu entre l'artiste interprète ou exécutant et le producteur de la fixation audiovisuelle selon les conditions prévues par la législation nationale.

2) Une Partie contractante peut exiger en ce qui concerne les fixations audiovisuelles réalisées conformément à sa législation nationale qu'un tel consentement ou contrat soit conclu par écrit et signé par les deux parties au contrat ou par leurs représentants dûment autorisés.

3) Indépendamment de la cession des droits exclusifs susmentionnée, la législation nationale ou tout arrangement individuel, collectif ou autre, peut conférer à l'artiste interprète ou exécutant le droit de percevoir des redevances ou une rémunération équitable pour toute utilisation de l'interprétation ou exécution, comme le prévoit le présent traité, y compris en ce qui concerne les articles 10 et 11.

1.4.    Éléments de droit comparé

Comme l’a relevé la Commission européenne dans l’étude d’impact[104] relative à la directive « droit d’auteur dans le marché unique numérique », les industries reposant sur le droit d'auteur représentent directement 3,2% de l'emploi dans l'Union européenne avec environ 7,05 millions d'emplois (en moyenne sur la période 2008-2010). Au total, 4,2% du PIB de l’UE est généré dans les secteurs reposant sur le droit d’auteur (en moyenne 2008-2010). Ces industries du droit d'auteur représentent 4,2% des exportations de l'UE, avec des exportations nettes d'environ 15 milliards d'euros en 2010[105].

Dans l'UE, plus de 120 000 entreprises participent à la production de films cinématographiques, de vidéos et de programmes télévisés, à l'enregistrement sonore et à l'édition de musique, générant plus de 400 000 emplois et apportant une contribution nette à l'économie de l'UE supérieure à 25 milliards d'euros. En outre, 11 800 sociétés actives dans la programmation et la diffusion emploient 255 000 personnes et représentent une valeur ajoutée de 27 milliards d'euros. Le secteur de l'édition (y compris l'édition de livres, de revues, de journaux et de logiciels) comprend 90 000 entreprises, soit 900 000 emplois et une valeur ajoutée de 60 milliards d'euros[106].  Les industries créatives de l'UE sont dominées par les micro-entreprises, dont 95% ont moins de 10 employés coexistent avec de très grandes entreprises.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»), compte tenu de l'évolution des réalités du marché, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive.

Conformément à l’article 29 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive.

2.2.    Objectifs poursuivis

La disposition envisagée pose, pour les artistes interprètes, le principe d’une rémunération proportionnelle assorti de cas dans lesquels le recours est possible.

3.     Options possibles et dispositif retenu

La disposition envisagée transpose l’article 18 de la directive du 17 avril 2019 qui consacre le principe d’une rémunération proportionnelle au profit des auteurs et des artistes-interprètes. Le considérant 73 précise qu’il s’agit d’une « rémunération appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits ». Par ailleurs, le même considérant précise que les Etats membres devraient avoir la liberté de définir des cas précis pour lesquels un montant forfaitaire peut être versé en tenant compte des spécificités du secteur.

Pour la partie relative à la rémunération des artistes interprètes, plusieurs options pouvaient être envisagées : introduire une nouvelle disposition reprenant les termes de la directive, introduire une nouvelle disposition reprenant la rédaction prévue pour le droit d’auteur, reprendre la rédaction prévue pour le droit d’auteur tout en l’adaptant pour répondre aux spécificités des pratiques des différents secteurs pour les droits voisins.

Le choix a été fait d’écarter la première option.

D’une part, la notion de « rémunération appropriée » constitue un objectif politique et une notion-cadre qui doit être adaptée et précisée au stade de la transposition compte tenu des traditions nationales. De ce point de vue, le Code de la propriété intellectuelle connaît pour le droit d’auteur un principe de rémunération proportionnelle assorti d’une liste d’hypothèses dans lesquelles le recours au forfait est possible. Ainsi qu’il a été dit précédemment, c’est de la combinaison de ce principe et de la souplesse prévue par les hypothèses de recours au forfait que se dégage la compatibilité avec la directive.

D’autre part, s’agissant de l’assiette, il paraît plus conforme et davantage sécurisant de renvoyer à la notion connue du Code de « recettes d’exploitation », qui a donné lieu à de la jurisprudence.

Dans ce contexte, le choix a donc été fait de ne pas transposer le libellé de l’article 18 de la directive pour les artistes interprètes mais de reprendre celui de l’article existant en droit d’auteur. Par ailleurs, le fait de retenir une assiette différente pour les auteurs et les artistes interprètes créerait un risque d’interprétation a contrario.

En ce qui concerne les hypothèses de recours au forfait, le choix a été fait de reprendre la liste déjà prévue pour les auteurs qui prévoit les cas dans lesquels il est objectivement justifié de recourir au forfait. Aucun élément ne laisse penser que ces hypothèses ne soient pas adaptées pour les artistes interprètes et il ne serait par ailleurs pas justifié que les artistes interprètes aient un traitement plus favorable que les auteurs.

Pour répondre aux spécificités des droits voisins, un alinéa est ajouté, renvoyant aux conventions collectives le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de la disposition relative à la rémunération (par ex fixation de montants ou taux minima, possibilité de prévoir une combinaison de rémunération forfaitaire et de rémunération proportionnelle par paliers, etc.). Ces conventions permettront le cas échéant de mettre en œuvre les dispositions prévues par la loi en tenant compte des spécificités de chaque secteur, ainsi que le permet la directive. Il y est précisé que cette disposition est «sous réserve » des conventions collectives et accords existants qui respectent les conditions du nouvel article L. 212-3 du CPI, afin de ne pas contraindre à une renégociation superflue.

Ainsi, la convention collective de l’édition phonographique de 2008, qui opère une distinction entre les artistes principaux et les artistes secondaires, les premiers étant ceux dont « l’absence de l’un d’entre eux est de nature à rendre impossible l’ensemble de la fixation », correspond au critère posé par le nouvel article L. 212-3 II s’agit de la contribution ne constituant pas l’un des éléments essentiels de l’interprétation. Des accords existent également dans le secteur de l’audiovisuel.

Cette disposition s’inscrit pleinement dans les dispositions de la directive qui prévoit, à l’article 18.2, que les « Etats membres sont libres de recourir à différents mécanismes », disposition interprétée à la lumière du considérant 73 comme la possibilité de recourir « à divers mécanismes existants ou nouvellement introduits, qui pourraient inclure la négociation collective et d’autres mécanismes, pour autant que ces mécanismes soient conformes au droit de l’Union applicable ».

Par ailleurs, les alinéas préexistants de l’article L. 212-3 du CPI renvoyant au Code du travail ont été maintenus. Enfin, la disposition envisagée n’affecte pas la « garantie de rémunération minimale » introduite à l’article L. 212-14 du CPI pour les diffusions en streaming.  

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

4.1.1.   Impacts sur l’ordre juridique interne

L’article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle est modifié.

4.1.2.   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La disposition envisagée transpose l’article 18 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.

4.2.    Impacts économiques et financiers

Cette disposition consacre un principe qui n’était pas encore expressément formulé dans le CPI même si les pratiques professionnelles pouvaient conduire à le mettre en œuvre selon certaines modalités.

La loi apporte une clarification importante dont les effets dépendront des pratiques en vigueur selon les secteurs et des éventuelles négociations qui seraient conduites. En tout état de cause, l’impact sera selon toute vraisemblance limité dans certains secteurs, lorsque des conventions collectives ont été conclues, qui respectent les conditions posées par la disposition envisagée.

4.3.    Impacts sociaux

La disposition envisagée s’appuie sur des négociations collectives pour décliner ses modalités de mise en œuvre. Selon les secteurs, la transposition pourra entraîner la négociation de nouvelles conventions collectives ou d’accords professionnels, étant entendu que ces différents accords, quand ils existent et respectent les conditions des nouvelles dispositions du CPI, n’auront pas besoin d’être renégociés.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, du Conseil supérieur de la propriété littéraire et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Elles ont fait l’objet de consultations avec les principaux syndicats et sociétés représentant les intérêts des différents secteurs créatifs et culturels dans lesquels s’applique le droit d’auteur (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique, arts graphiques et plastiques, jeu vidéo, logiciel). Les différentes organisations professionnelles parties prenantes des échanges avec le ministère de la culture ont été sollicités par l’intermédiaire du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, commission consultative placée auprès du ministre chargé de la culture pour le conseiller sur l’évolution du droit d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Cette commission présente l’avantage de rassembler par collèges l’ensemble des intervenants de la chaîne de valeur de ces différents secteurs, depuis l’auteur ou l’artiste-interprète jusqu’à l’exploitant, qu’il s’agisse d’un éditeur, d’un producteur, d’un radiodiffuseur ou d’une plateforme de distribution en ligne.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer (cf. tableau d’application en outre-mer).

Il est nécessaire de prévoir une mention expression d’applicabilité aux îles Wallis et Futuna des dispositions de l’article 20 du projet de loi, qui ont vocation à intégrer le code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où ce dernier est déjà intégralement applicable dans cette collectivité. S’agissant des autres collectivités d’outre-mer, il n’est pas nécessaire de prévoir de mention expresse d’applicabilité pour les raisons exposées ci-après en fonction des différentes catégories de territoires ultra-marins.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution de 1958 (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) : en vertu du principe d’identité législative, le code de la propriété intellectuelle s’applique de plein droit à ces territoires et les textes législatifs et réglementaires qui viennent le compléter n'ont pas besoin de prévoir une mention expresse pour s'y appliquer.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 74 (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin) : en vertu du principe de spécialité législative, les textes n’y sont applicables qu’à condition de prévoir une mention expresse d’application. En outre, s’agissant de la Polynésie française, le code de la propriété intellectuelle métropolitain ne s’applique plus dans cette collectivité, depuis le transfert de compétence des matières civile et commerciale opéré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : le code de la propriété intellectuelle s’applique dans ces collectivités. Malgré le principe de spécialité législative, les statuts de ces collectivités prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : le code de la propriété intellectuelle s’y applique de plein droit, en application de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.

Nouvelle-Calédonie (articles 76 et 77 de la Constitution) : de même que pour la Polynésie française, un transfert à la collectivité de la compétence en droit civil et en droit commercial, qui comprennent le droit de la propriété intellectuelle, est effectif depuis le 1er juillet 2013, en application des articles 21-III et 26 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

 


Article 21 : obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des artistes-interprètes – Principe de réajustement de la rémunération prévue au contrat – Droit de révocation au profit des artistes-interprètes en cas de non exploitation de l’interprétation

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

1.1.1.   Transparence

L’article 19 de la directive crée une obligation de reddition des comptes régulière à la charge des cocontractants des artistes interprètes par laquelle ceux-ci doivent rendre compte, au minimum une fois par an, des informations actualisées, pertinentes et complètes sur l’exploitation des œuvres ou interprétations.

Actuellement, le droit français ne contient aucune disposition générale sur l’obligation de reddition des comptes incombant aux exploitants d’œuvres de l’esprit ou d’interprétations. Quelques dispositions sectorielles existent néanmoins au bénéfice des artistes interprètes dans les secteurs de l’audiovisuel et de la musique.

Dans le livre II du code de la propriété intellectuelle consacré aux droits voisins, l’article L. 212-15 prévoit que lorsque le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes prévoit le paiement direct par le producteur d’une rémunération qui est fonction des recettes de l’exploitation, le producteur de phonogrammes rend compte semestriellement à l’artiste-interprète du calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente.

Le Code du cinéma et de l’image animée prévoit également des obligations de reddition des comptes à la charge de producteurs (articles L. 213-28 à L. 213-37 et L. 251-5 à L. 251-13).

1.1.2.   Réajustement des contrats

L’article 20 de la directive consacre au profit des artistes-interprètes un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue dans le cadre d’un contrat de licence ou de transfert de droits si la rémunération initialement convenue se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’œuvre.

Concernant les artistes-interprètes, il n’existe aucune disposition concernant le réajustement de la rémunération.

1.1.3.   Droit de révocation

L ‘article 22 de la directive consacre au bénéfice des artistes-interprètes un droit de mettre fin, en tout ou partie, au contrat par lequel il a cédé ou licencié à titre exclusif ses droits à un exploitant, en l’absence totale d’exploitation de son interprétation. À cette fin, elle introduit un nouvel article L. 212-3-3 dans le livre deuxième consacré aux droits voisins.

1.2.    Cadre constitutionnel

Depuis une décision du 27 juillet 2006 (n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006), le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser que les droits d’auteur et les droits voisins relèvent du droit de propriété tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (décisions n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 et n° 2013-370 QPC du 28 février 2014).

Par ailleurs, la protection constitutionnelle du droit de propriété intellectuelle n’est pas incompatible avec l’introduction de limitations, dès lors, d’une part, que ces limitations obéissent à des fins d’intérêt général et, d’autre part, qu’elles n’ont pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété s’en trouveraient dénaturés (Décision n° 2017-649 QPC du 4 août 2017).

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 29 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive.

2.2.    Objectifs poursuivis

Il s’agit là encore de renforcer la situation des artistes interprètes vis-à-vis des producteurs

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Option retenue

3.1.1.   Transparence

Le Gouvernement a fait le choix de rédiger une disposition transversale dans le livre deuxième consacré aux droits voisins, qui pourra être complétée par des dispositions spéciales sectorielles.

En premier lieu, la disposition envisagée inscrit dans le code de la propriété intellectuelle une obligation générale de reddition des comptes par laquelle les cocontractants doivent communiquer aux artistes interprètes des informations « explicites et transparentes » sur l’ensemble des revenus générés par l'exploitation de l'œuvre ou de l'interprétation. Le choix des termes « explicites et transparentes » au lieu des termes « actualisées, pertinentes et complètes » employés par la directive découle d’une volonté d'uniformiser les dispositions du code de la propriété intellectuelle en reprenant la rédaction de l’article L. 132-17-3 relatif à la reddition de comptes en matière de contrat d'édition dans le secteur du livre et de l'article L. 212-15 relatif à la reddition de comptes en matière de contrat conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes

En outre, la disposition envisagée offre la possibilité aux artistes interprètes de chaque secteur de préciser par voie d'accords professionnels conclus entre les organismes professionnels d'artistes interprètes ou les organismes de gestion collective d'une part et, d'autre part, les organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné, les modalités de la reddition des comptes. De tels accords peuvent préciser la fréquence et le délai dans lesquels l'envoi électronique peut être effectué ainsi que les conditions particulières de reddition des comptes pour les artistes interprètes dont la contribution n’est pas significative, comme le permet l’article 19 de la directive. La conclusion de tels accords est sous réserve des accords professionnels en vigueur satisfaisant aux conditions de l’article, pris notamment en application des articles L. 212-15 du code de la propriété intellectuelle et L. 213-28 à L. 213-37 et L. 251-5 à L. 251-13 du code du cinéma et de l’image animée.

Le projet de loi prévoit qu’en l’absence d’accord professionnel applicable, les modalités et la date de la reddition des comptes seront précisées par contrat.

En second lieu, le Gouvernement propose de confier aux accords professionnels conclus entre organismes professionnels ou organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III du CPI et organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné, le soin de fixer les conditions dans lesquelles l'artiste interprète peut obtenir communication des informations auprès du sous-exploitant, notamment de déterminer s’il s'adresse directement à lui ou s’il obtient ces informations indirectement. Le projet de loi prévoit que tout accord pris en application de cette disposition pourra être étendu à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. A défaut d'accord dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, les modalités d'application seront fixées par décret en Conseil d’État.

La possibilité de conclure un tel accord offerte par le II de l’article L. 212-3-1 est sous réserve des articles L. 213-28 à L. 213-37 et L. 251-5 à L. 251-13 du code du cinéma et de l'image animée pour la partie artiste interprète. En effet, ces dispositions organisent déjà les modalités de remontée des informations nécessaires pour assurer une reddition des comptes conforme aux exigences de la directive.

3.1.2.   Réajustement du contrat

La disposition envisagée introduit un article L. 212-3-2 dans le livre deuxième consacré aux droits voisins du droit d’auteur afin de mettre en place un mécanisme de réajustement de la rémunération. Dans la mesure où le droit français ne contient aucun mécanisme de réajustement de la rémunération applicable aux artistes-interprètes, le Gouvernement a fait le choix d’introduire une disposition qui suit au plus près la rédaction de l’article 20 de la directive. L’article L. 212-3-2 reprend donc, pour l’essentiel, la rédaction du II de l’article L. 131-5. L’article L. 212-3-2 s’applique aux cas de forfaits et aux cas de rémunérations proportionnelles. Par ailleurs, le projet de loi permet aux accords collectifs de travail, conclus par les organismes visés à l’article L. 2231-1 du code du travail, de prévoir un mécanisme comparable de réajustement de la rémunération, en plus des accords professionnels et du contrat de l’artiste-interprète. Le renvoi aux accords collectifs de travail s’explique par l’importance du salariat chez les artistes-interprètes. De ce fait, les aspects liés à la rémunération des artistes-interprètes entrent dans le champ des accords collectifs de travail.

Enfin, il est précisé, à l’instar de ce qui est prévu en droit d’auteur, que la demande de révision est faite par l’artiste-interprète ou toute personne spécialement mandatée à cet effet, comme le prévoit la directive.

3.1.3.   Droit de révocation

Comme en matière de droit d’auteur, le Gouvernement a fait le choix d’inscrire un droit de résiliation de plein droit dans un article transversal du code de la propriété intellectuelle, afin qu’il s’applique à tous les secteurs créatifs et culturels.

La disposition envisagée retient la notion de « résiliation de plein droit » pour deux raisons. D’une part, elle constitue en droit français l’équivalent de la notion de révocation employée dans la directive (cf développements sur cette question à l’article 26 19 du projet de loi).

Après avoir posé le principe général d’un droit de résiliation de plein droit, s’appliquant en l’absence totale d’exploitation de l’œuvre, le projet de loi confie aux acteurs de chaque secteur le soin de moduler l’application du principe général selon ses pratiques et ses usages. Il prévoit ainsi que les conditions d’exercice du droit de résiliation ou du droit de mettre fin à l’exclusivité seront définies par voie d’accord collectif ou d’accord professionnel.

De tels accords définiront notamment la période à partir de laquelle l’artiste interprète peut exercer le droit de résiliation et les critères objectifs permettant de constater la non-exploitation. Ils seront conclus entre, d’une part, les organismes professionnels d’artistes-interprètes ou les organismes de gestion collective et, d’autre part, les organisations représentatives des exploitants du secteur concerné. De plus, tout accord collectif ou professionnel adopté en application de cet article pourra être étendu à l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture.

Deux points saillants méritent d’être relevés sur la combinaison entre disposition générale et renvoi vers des accords propres à chaque secteur.

En premier lieu, le projet de loi propose de tirer parti de la possibilité offerte aux États membres par l’article 22 de la directive de prévoir que le mécanisme de révocation est encadré par un délai, lorsqu’une telle restriction est dûment justifiée par les spécificités du secteur ou le type d’œuvre ou autre objet protégé concerné.

Ensuite, le projet de loi prévoit que l’accord professionnel pourra être étendu à l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. La loi prévoit toutefois le cas de figure dans lequel aucun accord n’interviendrait entre les parties prenantes. À défaut d’accord dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, les modalités d’application objet d’un tel accord seront alors fixées par décret en Conseil d’État.

La rédaction du projet de loi s’inspire à cet égard de dispositions déjà existantes du code de la propriété intellectuelle, issues en particulier de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. L’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi que le champ et les conditions de mise en œuvre de l’obligation de rechercher une exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle du producteur audiovisuel sont définis par voie d’accord professionnel conclu par les mêmes parties prenantes que ceux qui sont visés par le présent projet de loi. En outre, cette disposition repose sur le même mécanisme en deux temps envisagé par le projet de loi, à savoir un délai de négociation laissé au profit des acteurs d’un secteur professionnel, avant que le Gouvernement ne reprenne éventuellement la main pour adopter un texte réglementaire.

Par ailleurs, deux choix opérés méritent d’être signalés concernant d’une part le contenu de ce que peut demander l’auteur ou l’artiste-interprète à l’exploitant, et d’autre l’application du nouveau droit aux situations de pluralité d’auteurs ou d’artistes-interprètes.

En premier lieu, le projet de loi dispose que lorsqu’une œuvre comporte les contributions de plusieurs artistes interprètes, ceux-ci exercent le droit de résiliation d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer. Le projet de loi s’appuie sur la faculté laissée aux États membres sur ce point par l’article 22 de la directive de prévoir des dispositions spécifiques tenant compte des spécificités des différents secteurs et des différents types d’œuvres et d’interprétations et d’exécutions et lorsqu’une œuvre ou un autre objet protégé comporte la contribution de plus d’un artiste-interprète.

Enfin, l’article L. 212-3-3-V exclut expressément les artistes interprètes ayant contribué à une œuvre audiovisuelle du champ de la disposition. Des dispositions spécifiques, davantage adaptées aux modalités d’exploitation des œuvres audiovisuelles ont en effet été consacrées à l’article L. 132-27 du CPI par la loi « création architecture et patrimoine » du 7 juillet 2016 et prévoient l’obligation pour les producteurs de « rechercher une exploitation suivie ». Le projet de loi tire donc parti de la faculté laissée par la directive aux Etats membres d’exclure du champ du droit de révocation des œuvres auxquelles une pluralité d’artistes interprètes ont contribué, ce qui est le cas des œuvres audiovisuelles. 

3.1.4.   Inopposabilité des clauses contraires à certaines obligations

En premier lieu, comme le prévoit l'article 23 de la directive, le Gouvernement a fait le choix de conférer un caractère d'ordre public aux dispositions des articles L. 212-3-1 et L. 212-3-2 du code de la propriété intellectuelle portant respectivement sur l'obligation de transparence et le mécanisme d'adaptation des contrats en ajoutant un nouvel article L. 212-3-4 au livre deuxième du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que ces dispositions « sont d'ordre public ».

En plus des dispositions d'ordre public introduites par le texte de la directive, le Gouvernement français a choisi d'aller plus loin en inscrivant dans le projet de loi le caractère d'ordre public de la rémunération proportionnelle des artistes interprètes prévue à l'article L. 212-3 II du code de la propriété intellectuelle, afin d'aligner les dispositions relatives à la rémunération des artistes interprètes sur celles des auteurs.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

4.1.1.   Impacts sur l’ordre juridique interne

La disposition envisagée opère une renumérotation de certains articles du le livre II relatif aux droits voisins de la première partie du code de propriété intellectuelle (CPI) relative à la propriété littéraire et artistique ainsi qu'une modification des renvois, et introduit de nouvelles dispositions dans ce même livre : les articles L. 212-3-1, L. 212-3-2, L. 212-3-3  et L. 212-3-4 du CPI.

4.1.2.   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

La disposition envisagée introduit de nouvelles dispositions qui permettent d’assurer la transposition dans le Code de la propriété intellectuelle des articles 19, 20 et 22 de la directive (UE) 2019/790.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts sur les entreprises

Il n’est pas possible d’évaluer le nombre et l’importance économique des hypothèses d’absence totale d’exploitation d’une œuvre ou de la fixation de l’interprétation d’un artiste interprète.

4.2.2.   Impacts budgétaires

Il n’est pas anticipé d’impact sur le budget de l’État. Il est vrai que l’intervention de l’Etat est prévue dans l’hypothèse où les professionnels d’un secteur ne parviendraient pas à se mettre d’accord sur les modalités de remontée d’informations dans le cadre de l’obligation de transparence dans la reddition des comptes ainsi que sur les modalités de résiliation du contrat entre les auteurs ou artistes interprètes et leur cocontractant. Cette intervention ne consiste cependant pas dans la mise en place d’une commission administrative mais dans l’élaboration d’un décret précisant ces modalités, à défaut d’accord des parties. Par ailleurs, le Gouvernement a jugé qu’il n’était pas nécessaire de créer un nouvel organisme de médiation, susceptible de peser sur les charges de l’État, dans le cadre de la transposition de l’article 21 de la directive (Procédure extra-judiciaire de règlement des litiges). Cette décision a été prise en raison de l’existence, en droit français, de mécanismes de règlement alternatif des litiges, accessibles aux artistes-interprètes, aux auteurs ainsi qu’aux organisations les représentant.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, du Conseil supérieur de la propriété littéraire et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Elles ont fait l’objet de consultations avec les principaux syndicats et sociétés représentant les intérêts des différents secteurs créatifs et culturels dans lesquels s’applique le droit d’auteur (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique, arts graphiques et plastiques, jeu vidéo, logiciel). Les différentes organisations professionnelles parties prenantes des échanges avec le ministère de la culture ont été sollicités par l’intermédiaire du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, commission consultative placée auprès du ministre chargé de la culture pour le conseiller sur l’évolution du droit d’auteur et des droits voisins à l’ère numérique. Cette commission présente l’avantage de rassembler par collèges l’ensemble des intervenants de la chaîne de valeur de ces différents secteurs, depuis l’auteur ou l’artiste-interprète jusqu’à l’exploitant, qu’il s’agisse d’un éditeur, d’un producteur, d’un radiodiffuseur ou d’une plateforme de distribution en ligne.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

La disposition envisagée s’applique à l’égard des œuvres protégées en matière de droit d’auteur lors de l’entrée en vigueur du projet de loi.

La disposition est sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant l’entrée en vigueur de la loi.

Les contrats de cession des droits des auteurs sont soumis à l’obligation de transparence prévue au nouvel article L. 212-3-1 à compter du 7 juin 2022. 

L'article L. 212-3-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction résultant de l'article 21 est applicable aux contrats en cours à cette date.

5.2.2.   Application dans l’espace

Il est nécessaire de prévoir une mention expression d’applicabilité aux îles Wallis et Futuna des dispositions de l’article 21 du projet de loi, qui ont vocation à intégrer le code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où ce dernier est déjà intégralement applicable dans cette collectivité. S’agissant des autres collectivités d’outre-mer, il n’est pas nécessaire de prévoir de mention expresse d’applicabilité pour les raisons exposées ci-après en fonction des différentes catégories de territoires ultra-marins.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution de 1958 (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) : en vertu du principe d’identité législative, le code de la propriété intellectuelle s’applique de plein droit à ces territoires et les textes législatifs et réglementaires qui viennent le compléter n'ont pas besoin de prévoir une mention expresse pour s'y appliquer.

Collectivités d'outre-mer régies par l’article 74 (Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, îles Wallis et Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin) : en vertu du principe de spécialité législative, les textes n’y sont applicables qu’à condition de prévoir une mention expresse d’application. En outre, s’agissant de la Polynésie française, le code de la propriété intellectuelle métropolitain ne s’applique plus dans cette collectivité, depuis le transfert de compétence des matières civile et commerciale opéré par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin : le code de la propriété intellectuelle s’applique dans ces collectivités. Malgré le principe de spécialité législative, les statuts de ces collectivités prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : le code de la propriété intellectuelle s’y applique de plein droit, en application de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.

Nouvelle-Calédonie (articles 76 et 77 de la Constitution) : de même que pour la Polynésie française, un transfert à la collectivité de la compétence en droit civil et en droit commercial, qui comprennent le droit de la propriété intellectuelle, est effectif depuis le 1er juillet 2013, en application des articles 21-III et 26 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

5.2.3.   Textes d’application

Le projet de loi prévoit que tout accord pris en application de cette disposition pourra être étendu à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. A défaut d'accord dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, les modalités d'application seront fixées par décret en Conseil d’État.


Titre II – ADAPTATION DE LA REGULATION DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Article 22 : fusion du CSA et de la HADOPI

 

1.     État des lieux

1.1.    CADRE GENERAL

La loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, dite loi « Création et Internet », et la loi n° 2009-1211 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet confient à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale, le soin de remédier au piratage des œuvres musicales, cinématographiques et audiovisuelles sur les réseaux numériques, tout en garantissant le développement de l’offre légale sur ces mêmes réseaux.

Pour mener à bien cette mission, la Haute Autorité dispose d’un collège et d’une commission de protection des droits.

Le collège de la Haute Autorité est chargé d’une mission de veille et de régulation en matière de mesures techniques de protection et d’identification d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin. Au titre de cette mission, le collège de la Haute Autorité a compétence pour régler les litiges susceptibles de survenir :

- d’une part, entre les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins et les bénéficiaires de certaines exceptions à ces droits (exception de copie privée, exception pédagogique, exception de conservation pour les bibliothèques et exception en faveur des personnes en situation de handicap) ;

- d’autre part, entre les titulaires de droit de propriété intellectuelle sur les mesures techniques de protection des œuvres et les éditeurs de logiciels ou fournisseurs de services qui souhaitent développer de nouvelles mesures techniques compatibles et interopérables avec celles déjà utilisées sur le marché.

Le collège peut également être saisi pour avis par les personnes intéressées de toute question relative à l’interopérabilité des mesures techniques et à la mise en œuvre effective des exceptions.

Le collège de la Haute Autorité est par ailleurs chargé d’une mission d’encouragement au développement de l’offre légale, qu’elle soit ou non commerciale, sur les réseaux de communication électroniques. A ce titre, le collège est notamment chargé de labelliser les offres légales proposées par les fournisseurs de services de communication au public en ligne permettant aux usagers d’identifier clairement leur caractère légal. Les offres labellisées seront ensuite référencées sur un portail de référencement mis en place et actualisé par la Haute Autorité.

La commission de protection des droits est chargée de la mission relative à la protection des œuvres ou objets protégés sur les réseaux de communication au public en ligne. La loi du 12 juin 2009 confirme l’obligation, qui pèse sur les abonnés depuis la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, de veiller à ce que leur accès à internet ne fasse pas l’objet d’une utilisation aux fins de violer les droits de propriété littéraire et artistique, et incite à la mise en place des mesures de sécurisation de cet accès, qui leur sont proposées notamment par leurs fournisseurs d’accès.

Sur le fondement de cette obligation de surveillance, la loi du 12 juin 2009 vise à enrayer le piratage des œuvres sur internet en permettant à la commission de protection des droits de la Haute Autorité d’adresser aux titulaires d’abonnements à internet dont les accès ont été utilisés à des fins de piratage des recommandations pédagogiques.

La loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet du 28 octobre 2009 a complété ce dispositif en confiant au juge la possibilité de prononcer une sanction de suspension de l’accès à internet à l’encontre des internautes préalablement avertis, au moins à deux reprises, par la commission de protection des droits.

Par lettre de mission en date du 27 mars 2019, MM. Godefroy Beauvallet et Jean-Yves Ollier ont ainsi été chargés d’une mission de réflexion sur l’opportunité de rapprochements structurels entre les autorités administratives indépendantes du numérique. Le rapport issu de ces réflexions – « L’Organisation de la régulation de la communication et des plateformes » (24 juin 2019) – décrit les inconvénients et les avantages des différents scénarios de rapprochement possibles et formule des propositions opérationnelles. Le rapport relève que le paysage de la régulation du numérique est fragmenté entre de nombreux acteurs dont les compétences respectives sont fondées sur des logiques sectorielles.

Le périmètre général des compétences du CSA se rapporte au champ d’application de la liberté de la communication à laquelle il lui appartient de veiller. Ce périmètre est néanmoins en cours d’évolution et doit ainsi être redéfini en cohérence avec sa récente mission relative à la lutte contre la manipulation de l’information (cf. article 12 de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information) et celle qui pourrait lui être conférée à l’issue de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre la haine en ligne. La jurisprudence du Conseil constitutionnel et les réflexions doctrinales font apparaître que la portée, les équilibres et les limites de la liberté de communication sur internet à laquelle il aura pour mission de veiller, doivent évoluer avec les caractéristiques et les usages d’internet.

Le périmètre général des compétences de la HADOPI se rapporte à la protection de la propriété intellectuelle. La HADOPI est chargée d’exercer une mission de soutien au développement de l’offre légale, une mission de protection des œuvres, via la procédure de « réponse graduée », et une mission de régulation des mesures techniques de protection.

Or, ce cadre de régulation des communications sectoriel est aujourd’hui confronté à des défis liés au développement et au pouvoir des plateformes et à de nouveaux usages. L’évolution d’internet depuis le milieu des années 2000 est marquée par la concentration de l’usage autour d’un nombre limité de plateformes dominantes (moteurs de recherche, réseaux sociaux, agrégateurs de presse, places de marché).Le développement de ces plateformes a notamment remis en cause la pertinence du cadre de régulation de l’audiovisuel et celui de la protection du droit d’auteur, en bouleversant l’économie des contenus, avec le développement de la télévision sur l’internet ouvert (services « over the top » ou OTT), l’essor des plateformes de vidéo à la demande (Netflix, qui représentait 14 % du trafic sur internet en France en 2017) ou de partage de vidéos (comme YouTube) et l’essor des contenus audiovisuels en streaming. La directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 sur les services de médias audiovisuels et la directive (UE) n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique répondent en partie à ces difficultés, notamment en vue de garantir un meilleur partage de la valeur liée à l’exploitation des œuvres sur les plateformes.

Le rapport précité relève que « les liens entre les nouvelles compétences du CSA et de la HADOPI sont forts : même objectif général, régulation tournée vers les mêmes acteurs, ainsi que vers les usagers, et des modalités de régulation potentiellement similaires. Ces régulations reposeront à des degrés divers sur la supervision de la régulation interne mise en place par les plateformes (Conditions générales d’utilisation (CGU), transparence, ergonomie des sites, algorithmes et mesures techniques, modération, voies de recours) et sur la responsabilisation de celles-ci ».

Enfin, il est à noter que les deux institutions ont d’ores et déjà un champ de compétence commun dans le domaine de la propriété intellectuelle. Le Code de la propriété intellectuelle confie en effet au CSA, comme à la HADOPI, la mission de veiller à ce que la mise en place de mesures techniques de protection ne fasse pas obstacle à l’exercice de l’exception pour copie privée.

L’exception pour copie privée constitue une hypothèse dans laquelle l’auteur, pour des raisons notamment fondées sur le respect de certaines libertés fondamentales et l’intérêt général, ne peut interdire la reproduction de son œuvre une fois celle-ci divulguée, moyennant une compensation financière.

Il incombe ainsi au CSA de veiller à ce que les éditeurs et les distributeurs de services de télévision ne recourent pas à des mesures techniques qui auraient pour effet de priver le public du bénéfice de l’exception pour copie privée, y compris sur un support et dans un format numérique. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a étendu la compétence de règlement des différends du CSA aux conventions entre éditeurs et distributeurs pour définir les fonctionnalités de stockage des services d’enregistrement à distance (Network personal video recorder – NPVR).

La HADOPI est chargée de garantir le bénéfice de cette exception dans les autres hypothèses.

2.     Necessite de legiferer et objectifs poursuivis

2.1.    NECESSITE DE LEGIFERER

Le souhait de rationaliser le paysage des autorités administratives et autorités publiques indépendantes (que l’on nommera « AAI ») n’est pas nouveau et a fait l’objet de différents rapports parlementaires depuis le début des années 2000. Il a notamment conduit, en janvier 2017, à l’adoption d’une loi portant statut général des autorités publiques et des autorités administratives indépendantes. Cet objectif de rationalisation du paysage des AAI, dans le sens d’une plus grande efficacité et légitimité de leur action, a régulièrement amené les pouvoirs publics à s’interroger sur les rapprochements qu’il est envisageable de réaliser entre des autorités dont les champs de compétence se recoupent de plus en plus.

Au-delà du souci de rationalisation du paysage administratif, le rapport de la Mission « Acte II de l’exception culturelle – Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique » de Pierre Lescure de mai 2013 proposait d’inscrire la fusion du CSA et de la HADOPI dans une politique plus générale de régulation de l’offre audiovisuelle et culturelle, tous médias confondus, dans le contexte de la convergence numérique. Le rapport d’information déposé par Mme Aurore Bergé au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale en octobre 2018 préconisait également de fusionner la HADOPI avec le CSA pour créer une autorité unique de régulation des contenus audiovisuels.

Les adhérences entre les nouvelles compétences du CSA et de la HADOPI sont fortes : des objectifs généraux communs, une régulation tournée vers les mêmes acteurs, ainsi que vers les usagers, et des modalités de régulation potentiellement similaires. La fusion permet de répondre à ces adhérences en incarnant institutionnellement les ambitions des politiques publiques en la matière.

Elle répond également à l’objectif de veiller au développement de la production et de la création audiovisuelles fixé par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication , en regroupant, une plus large part des compétences de régulation qui s’y attachent au sein d’une même autorité (aux côtés du CNC, du ministère de la culture, et de l’autorégulation). A travers la lutte contre le piratage et l’orientation des usages vers les offres licites , elle contribuera à l’extension des compétences de régulation de l’économie de la communication des contenus audiovisuels (et plus largement des œuvres protégées) du CSA au-delà du champ des relations entre les acteurs de la chaîne de valeur classique (producteurs, éditeurs de programmes et les distributeurs). Elle s’articule à cet égard avec la transposition des dispositions de la directive SMA concernant les SMAD, qui permettent d’appliquer le principe du pays de destination pour les obligations financières et de soumettre des plateformes de VOD à des obligations d’investissement  et de la directive 2019/790, qui permettent de clarifier les modalités d’application du droit d’auteur aux plateformes de partage d’œuvres protégées .

Elle contribuerait ainsi à l’application d’une régulation plus cohérente à l’audiovisuel et aux contenus en ligne, et à la garantie de la liberté de communication et des droits fondamentaux avec lesquels elle doit s’articuler – dont le respect du droit d’auteur est une composante importante – dans des conditions qui tiendront mieux compte de la réalité de l’économie, des techniques et des usages de l’internet.

Par-delà ces enjeux de rationalisation et de régulation, l’intervention du législateur permettra également de répondre à des problématiques de gouvernance de la HADOPI, identifiées dans un rapport du Sénat du 8 juillet 2015. Ce dernier relève en effet que la construction bicéphale de la HADOPI, partagée entre le collège et la commission de protection des droits rend difficile tout objectif de gestion unifiée comme, pour les personnels, de sentiment d’appartenance à une même instance. Le rapport en déduisait que toute réforme de l’institution et de ses missions ne pourrait faire l’économie d’une modification substantielle de sa gouvernance et d’une simplification de son organigramme.

2.2.    OBJECTIFS POURSUIVIS

Outre la rationalisation des AAI, le projet de loi en prévoyant une fusion du CSA et de la HADOPI au sein de l’ARCOM permet de prendre en compte la proximité croissante entre les objectifs et les modalités de régulation de ces deux autorités. À cet égard, la lutte contre le téléchargement non autorisé d’œuvres protégées n’est qu’un aspect d’une politique plus générale de protection des droits et de régulation des contenus sur Internet.

La mise en commun des moyens administratifs et logistiques entre le CSA et la HADOPI permettra également de renforcer l’efficacité de la mise en œuvre des missions.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    OPTIONS ENVISAGEES

Une première option consisterait à encourager la coopération spontanée entre le CSA et la HADOPI.

Cette option impliquerait une coopération étroite des deux autorités, qui, compte tenu des adhérences entre leurs nouvelles missions, devrait aller bien au-delà de leurs coopérations actuelles. Elle devrait désormais concerner la conception et la mise en œuvre des outils des nouvelles régulations dont elles seront chargées. Elle supposerait par ailleurs des échanges institutionnalisés entre les deux collèges (délibérations communes ou participations croisées) et une mutualisation poussée prenant la forme d’un service commun, qui engloberait une large part des effectifs de la HADOPI.

Le rapport de MM. Beauvallet et Ollier précité considère que, appliquée à une petite structure comme la HADOPI, une coopération institutionnelle forte soulèverait des questions de gouvernance, d’organisation et de gestion des ressources humaines significatives et des éléments de complexité, sans permettre d’obtenir tous les bénéfices de la fusion (en particulier du point de vue de la gestion administrative et de la cohérence globale de la régulation des contenus).

Une seconde option, consisterait à fusionner le CSA et la HADOPI. Une telle fusion présenterait des avantages substantiels par rapport à un scenario de coopération institutionnalisée.

Outre l’intérêt des économies d’échelle, modestes mais réelles, qui pourraient être ainsi réalisées (loyer, mais surtout rationalisation des fonctions support), cette option permettrait de répondre aux adhérences entre les nouvelles missions de régulation liées à la lutte contre les contenus illicites sur internet en incarnant institutionnellement les ambitions des politiques publiques en la matière. Elle contribuerait également à l’application d’une régulation plus cohérente à l’audiovisuel et aux contenus en ligne, et à la garantie de la liberté de communication et des droits fondamentaux avec lesquels elle doit s’articuler – dont le respect du droit d’auteur est une composante importante.

3.2.    DISPOSITIF RETENU

Les nouvelles missions du CSA ont en commun avec celles de l’HADOPI d’impliquer une articulation entre les interventions du juge et du régulateur et de confier à celui-ci un rôle de supervision reposant sur la responsabilisation des plateformes et sur des mécanismes de conformité (« compliance ») et dessinent de fortes adhérences entre les deux autorités : elles ont des objectifs communs (lutte contre les contenus illicites, développement de la création, pluralisme) et visent les mêmes plateformes, avec le même type d’outils de régulation.

Le projet de loi propose donc de fusionner les deux autorités au sein de l’ARCOM et de lui  confier l’ensemble des missions actuelles de la HADOPI, y compris la procédure de réponse graduée.  Cette fusion garantira la cohérence des approches de l’autorité dans la contribution au développement de la création et la lutte contre les contenus illicites.

S’agissant de la procédure de réponse graduée, sa mise en œuvre est actuellement confiée à la commission de protection des droits, composée d’un membre du Conseil d’État, d’un membre de la Cour de Cassation et d’un membre de la Cour des comptes.

La création de la commission de protection des droits répond à la préoccupation politique, au regard de la sensibilité des atteintes à la vie privée et à la liberté de communication induites par cette procédure de réponse graduee, de confier celle-ci à trois personnes exerçant des fonctions juridictionnelles et présentant à ce titre des compétences et des garanties d’indépendance particulière. Elle traduit également la préoccupation juridique de garantir l’impartialité de cette commission, y compris à l’égard du collège.

Néanmoins, comme le relève le rapport de MM. Beauvallet et Ollier, la commission de protection des droits n’est pas une instance de sanction ni même de poursuite, mais une commission d’instruction. La séparation des organes de décision au sein de la HADOPI n’est donc justifiée par aucune raison juridique, notamment le principe constitutionnel de séparation entre les fonctions de poursuite et d’instruction des éventuels manquements et les fonctions de jugement des mêmes manquements.

Afin de préserver des garanties importantes en faveur de la protection des libertés individuelles, le projet de loi prévoit toutefois de confier la mission de protection des droits à un membre du collège présentant des garanties spécifiques puisqu’il serait choisi par le Président de la République sur une liste de trois membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagees

4.1.    IMPACTS JURIDIQUES

Le projet de loi modifie l’ensemble des dispositions visant la HADOPI et définissant ses missions au sein du Code de la propriété intellectuelle : sont principalement concernés les articles L. 331-5 à L. 331-37 du code.

Sont également insérées dans le Code de la propriété intellectuelle de nouvelles dispositions visant à renforcer les outils mis à disposition de l’ARCOM afin d’œuvrer plus efficacement en faveur de la protection des droits d’auteur et des droits voisins sur Internet.

Le projet de loi procède enfin à des modifications de coordination au sein du Code du cinéma et de l’image animée (article L. 411-2 du code du cinéma et de l’image animée), du code des postes et des communications électroniques (article 34-1) et de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (article 6 I) qui font mention de la Haute Autorité.

4.2.    IMPACTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS

En 2018, le budget de la HADOPI était de 9,4 M€ et celui du CSA de 37,6 M€.

Dans le respect de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des Autorités administratives indépendantes (AAI) et les Autorités publiques indépendantes (API), des mesures de mutualisation entre les services de la HADOPI, du CSA et les services d’autres autorités administratives ont porté leurs fruits dans quelques secteurs identifiés : les achats, les ressources humaines et les études.

La fusion du CSA et de la HADOPI permettra d’officialiser la mutualisation des services supports des deux autorités.

4.3.    IMPACTS SOCIAUX

Le rapport de MM. Beauvallet et Ollier relève que les profils des agents du CSA et de la HADOPI sont comparables en ce qui concerne les parts respectives des fonctionnaires et des agents en CDD et en CDI (ces derniers étant dans une proportion élevée dans les deux cas), et la présence d’une part significative d’agents de catégorie B et C (sensiblement plus importante au sein de la HADOPI).

La rémunération moyenne des agents de la HADOPI est supérieure. L’âge moyen est de 38 ans à la HADOPI. Il est plus élevé au CSA. Le turnover des agents est limité dans les deux autorités (de l’ordre de 10 % ou inférieur).

2018

CSA/Hadopi (ETPT)

%

ARCEP (ETPT)

%

Fonctionnaires

38

11,00 %

42

24 %

CDD

115

34 %

73

42 %

CDI

184

55 %

57

33 %

Catégorie A

241

72 %

143

83 %

Catégorie B

75

22 %

29

17 %

Catégorie C

21

9,00 %

0

0 %

Total

337

 

172

 

Dépenses de personnel

28 040 000

 

15 571 000

 

Moyenne par ETPT

83 205

 

83 140

 

Rapport : « L’Organisation de la régulation de la communication et des plateformes », page 133

La fusion du CSA et de la HADOPI au sein de l’ARCOM permet d’éviter que cette opération ne soit perçue ou vécue par les personnels comme l’absorption d’une organisation par l’autre. Il s’agit d’un élément de motivation et de valorisation pour les personnels, la fusion étant conçue comme un projet de transformation des deux organisations existantes. Les personnels pourront ainsi se voir offrir de nouvelles perspectives d’évolution professionnelle, se former en vue d’une telle évolution.

Il est à noter que, dans le respect de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des Autorités administratives indépendantes (AAI) et les Autorités publiques indépendantes (API), la mobilité des agents des autorités administratives ou publiques indépendantes est d’ores et déjà encouragée par la diffusion des fiches de poste à tous les personnels de ces autorités

5.     Consultations et modalites d’application

5.1.    CONSULTATIONS MENEES

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. De même, les professionnels du secteur ont été consultés sur ces dispositions.

5.2.    MODALITES D’APPLICATION

5.2.1.   Application dans le temps

La fusion des deux autorités sera effective en janvier 2021.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et dans les îles Wallis-et-Futuna.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.

 

 


Article 22 et 24 à 26 : évolution des missions de l’ARCOM

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général : le développement de l’offre légale et l’observation des usages licites et illicites

1.1.1.   La consommation illicite importante

L’impact de la contrefaçon reste très important sur toutes les filières de la création. La seconde étude publiée en juin 2018 par l’institut EY sur le piratage de contenus audiovisuels en France estime que la consommation illégale de contenus audiovisuels génère un manque à gagner pour la filière cinématographique et audiovisuelle française de 1,18 Milliards d’euros. Ce manque à gagner est de 408 millions d’euros pour l’État en termes de recettes fiscales. Ce manque à gagner pour l’État est composé à 40 % de TVA non perçue, 25 % de manque à gagner sur l’impôt sur les sociétés, 25 % d’IRPP et 10 % de charges sociales, patronales et salariales.

Cette même étude relève que 11,6 millions de personnes consomment illégalement du contenu par mois.

L’étude menée par l’institut Médiamétrie pour le compte de l’ALPA et du CNC sur « La consommation illégale de vidéos en France en 2018 » fait état d’une consommation des sites illicites qui, si elle est en baisse, reste à des niveaux importants. L’étude évalue à 15,4 millions le nombre d’internautes qui, chaque mois, se connectent au moins une fois à un site dédié à la contrefaçon audiovisuelle. 760 millions de vidéos se trouvent ainsi consommées illégalement sur l’ensemble de l’année.

Il ressort des indicateurs sur l’évolution des usages de biens culturels dématérialisés publiés par la HADOPI en 2018 que la part des consommateurs illicites stagne, représentant 27 % des internautes, et que des signaux positifs se font jour en faveur de l’offre légale. 38 % des consommateurs de biens culturels dématérialisés déclarent consommer davantage de manière licite qu’auparavant. On peut penser que cette tendance devrait s’accentuer à l’avenir, dans la mesure où l’offre légale semble séduire de plus en plus les consommateurs, au travers notamment des offres par abonnement.

Par ailleurs, une étude dévoilée en mars 2017 par la société Irdeto montre que 45 % des consommateurs européens ayant regardé des contenus pirates affirment vouloir limiter ou arrêter leur consommation de contenus pirates lorsqu’on leur explique que cette pratique engendre des pertes de revenus pour les studios, ce qui affecte les investissements dans la création future de contenus [107].

Au titre de sa mission générale, le collège de la Haute Autorité est chargé, d’une part, de publier des indicateurs annuels sur l’utilisation licite et illicite d’œuvres et, plus largement, de rendre compte du développement de l’offre légale, d’autre part, de labelliser, de manière périodique, les offres légales proposées par les fournisseurs de services de communication au public en ligne permettant aux usagers d’identifier clairement leur caractère légal et de mettre en valeur ces offres via un portail de référencement. Enfin, le collège de la HADOPI est chargé d’apporter une expertise technique en évaluant les expérimentations menées dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage et en identifiant et en étudiant les modalités techniques permettant les usages illicites.

1.1.2.   Procédure d’évaluation et de labellisation de l’offre légale

La procédure d’évaluation et de labellisation de l’offre légale est encadrée par les articles L. 331-23 et R. 331-47 et s. du CPI. Ce label doit permettre aux internautes d’identifier clairement le caractère légal des offres en ligne portant sur des œuvres et objets protégés par un droit de propriété intellectuelle.

Aux termes de l’article R. 331-47 du CPI, la demande de labellisation adressée à la HADOPI, par les personnes proposant une offre de diffusion de contenus culturels et qui désirent mettre en avant le caractère légal de cette offre, doit notamment préciser la liste des œuvres composant l’offre sur laquelle porte la demande de labellisation, la nature du service proposé aux usagers (téléchargement de titres et/ou lecture en continu à la demande) et une déclaration sur l’honneur selon laquelle l’ensemble des œuvres composant l’offre est et sera proposée avec l’autorisation des titulaires des droits

La demande de labellisation recevable est publiée sur le site internet de la HADOPI, permettant aux éventuels titulaires de droit de s’y opposer. La Haute Autorité n’a toutefois pas compétence pour régler le litige qui intervient entre l’ayant-droit ayant formulé une objection et le candidat à la labellisation. Elle se contente de communiquer « sans délai » l’objection à l’auteur de la demande de labellisation et d’inviter les parties à trouver, dans un délai qu’elle fixe (maximum deux mois), un accord.

Au 1er mars 2014, une liste de 60 offres ayant reçu le label figurait sur le portail de référencement www.pur.fr, accessible depuis le site de la Haute Autorité. Cette offre labellisée était très diversifiée, que ce soit en termes de types d’œuvres (musique, films, séries, documentaires, jeux vidéo, photographies, etc.) ou en termes de modalités d’accès (œuvres gratuites ou payantes, à télécharger ou en flux continu, avec ou sans mesures techniques, sur ordinateurs, téléphones mobiles ou tablettes,…).

Pour autant, le nombre de plateformes labellisées est très restreint par rapport à l’offre existante. Cette situation découle principalement des conditions d’accès à la labellisation qui soulèvent d’importantes difficultés d’ordre juridique. La HADOPI n’étant pas compétente pour trancher les questions de fond (originalité, titularité, droit moral, etc.) susceptibles d’être posées par les offres légales, elle ne peut procéder à un contrôle de légalité poussé de ces offres[108].

La mise en œuvre de cette mission de labellisation de l’offre légale a rencontré deux principales difficultés. La première difficulté tient à l’absence d’attractivité de ce label pour les services visés par ce dispositif qui n’y ont vu aucun intérêt économique, ni de plus-value en terme d’image et n’ont pas sollicité le label et ce, d’autant plus, qu’ils étaient découragés par les gages à fournir dans le cadre de la procédure de labellisation.

La seconde difficulté tient à l’objet même du label devant permettre « d'identifier clairement le caractère légal de ces offres ». La Haute Autorité n’étant pas juge de la légalité ni de l’illégalité de ces services, la procédure de labellisation instaurée par le décret s’est avérée très lourde et intrusive pour les services visés.

Entre le 1er juillet 2016 et le 30 septembre 2017, la HADOPI n’a été saisie que de deux dossiers de labellisation. Elle a été saisie de cinq dossiers en 2018.

Tout en continuant à labelliser les plateformes qui en font la demande, la HADOPI a donc décidé, dès 2013, d’engager un travail sur un dispositif complémentaire de recensement des plateformes « pouvant être regardées comme étant légales » afin de mieux rendre compte des caractéristiques de l’offre légale et de ses évolutions.

Ce travail a été pérennisé et systématisé suite à l’adoption de la délibération n° 2017-06 du collège de la HADOPI datée du 13 juillet 2017 portant sur l’activité de référencement de la HADOPI qui organise les critères et la méthodologie de référencement des offres respectueuses des droits de propriété intellectuelle, complémentaires aux offres labellisées. Ce référencement repose sur un recensement effectué par des organismes publics et des organisations professionnelles partenaires ainsi que sur une phase d’étude et de catégorisation effectuée par la HADOPI.

Les travaux menés ces dernières années au niveau européen par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) confortent l’approche retenue par la HADOPI. L’EUIPO a en effet lancé en 2016 un portail européen de contenus en ligne, Agorateka, afin d’aider les consommateurs à identifier les offres légales de contenus culturels dans les pays européens participants. Ce portail renvoie par des liens à d’autres portails nationaux, dont le site de référencement de la HADOPI. Les offres référencées par la HADOPI représentent 25 % des offres référencées sur le portail européen.

Au 12 septembre 2019, la HADOPI a référencé 470 sites et services apparaissant respectueux des droits de propriété intellectuelle.

1.2.    LA PROTECTION DES OEUVRES ET OBJETS PROTEGES

La protection des droits de propriété intellectuelle sur internet vise à garantir le droit des créateurs à être rémunérés au titre de l’exploitation en ligne de leurs créations et de permettre aux acteurs de la production et de la diffusion de construire des modèles économiques soutenables et de développer des offres légales attractives.

La politique de lutte contre le piratage, qui va de pair avec le développement d’une offre légale attractive et avec une sensibilisation accrue des consommateurs de contenus en ligne, repose aujourd’hui sur un ensemble de dispositifs mis en œuvre par différentes autorités administratives et judiciaires : au mécanisme de « réponse graduée » mis en œuvre par la HADOPI s’ajoutent notamment les possibilités d’actions judiciaires ainsi que les démarches de droit souple engagées pour assécher les ressources financières des sites contrefaisants ou pour développer le recours aux technologies de reconnaissance automatique des contenus.

1.2.1.   Mécanisme de « réponse graduée »

Dans le cadre du volet de lutte contre le piratage, la Haute Autorité est en charge du mécanisme de « réponse graduée » prévu à l’article L. 331-25 du CPI. Ce mécanisme a pour fondement, non pas l’acte de contrefaçon en lui-même, par le biais de l’utilisation d’un service de communication au public en ligne, mais le manquement à l’obligation de surveillance du titulaire de l’abonnement internet de son poste d’accès, afin qu’aucun acte de contrefaçon ne soit effectué à partir de celui-ci (article L. 336-3 du CPI). La réponse graduée donne la priorité à la pédagogie, à travers une succession d’avertissements préalables adressés à l’internaute par la commission de protection des droits de la HADOPI[109], la sanction, de nature pénale, n’étant envisagée qu’en dernier recours.

Avec près de 15 millions de procès-verbaux de constatations reçus de la part des ayants droit en 2018, la Haute Autorité traite près de 60 000 saisines par jour ouvré. En moyenne, 52 % de ces saisines concernent le secteur musical et 48 % le secteur de l’audiovisuel. Elle envoie en moyenne environ 55 000 adresses IP par jour ouvré pour identification aux principaux fournisseurs d’accès à internet (FAI) du marché. En réponse, les FAI identifient en moyenne 81,51 % de ces adresses IP.

En 2018, 1 198 183 premières recommandations ont été adressées aux titulaires d’abonnement. Ce chiffre traduit une baisse importante du nombre des courriels d’avertissement, elle-même conséquence de la baisse du nombre de saisines reçues des ayants droit 15 millions de procès-verbaux en 2018 contre près de 17 millions en 2017 [110]. La baisse des constats d’infractions émanant des ayants droit correspond à une diminution des usages illicites via les réseaux pair-à-pair.

Pour augmenter l’impact de cette approche pédagogique, la commission de protection des droits a décidé de renforcer la stratégie qu’elle avait initiée en 2015, consistant à envoyer au titulaire de l’abonnement, en cas de réitération après la première recommandation, une lettre simple de rappel, préalablement à toute transmission éventuelle d’une deuxième recommandation.

Après l’envoi de près de 300 000 lettres de rappel en 2017, la commission de protection des droits a pu constater qu’elle n’avait pas été saisie de nouveaux faits de la part des personnes concernées dans 64,38 % des cas.

À l’issue de cette première phase, 14 147 916 secondes recommandations ont été adressées en 2018 (le premier trimestre 2019 marque néanmoins une forte augmentation du nombre de secondes recommandations).

Après l’envoi de deux recommandations et en cas de nouvelle constatation de faits de téléchargement ou de mise en partage d’une œuvre protégée, dans l’année suivant la présentation de la deuxième recommandation, le titulaire d’abonnement peut recevoir une lettre de notification. Cette lettre, qui introduit la troisième phase de la procédure graduée, informe le titulaire d’abonnement que les faits notifiés sont passibles de poursuites pénales sur le fondement de la contravention dite de « négligence caractérisée », prévue à l’article R. 335-5 du CPI.

La transmission de dossiers à l’autorité judiciaire n’est effective qu’en cas d’échec des efforts pédagogiques entrepris par la commission de protection des droits, conformément à la volonté du législateur, dont un des objectifs a été d’éviter un contentieux de masse. Sont alors sélectionnés les dossiers les plus graves, c’est-à-dire ceux qui font apparaître la mise à disposition d’un nombre significatif d’œuvres ou l’utilisation de plusieurs logiciels pair à pair, ou bien ceux qui comportent un grand nombre de recommandations.

En 2018, la commission de protection des droits a établi 3 000 constats de négligence caractérisée, contre 2 632 en 2017. Cette montée en charge traduit, de la part de la commission, la volonté de renforcer le volet dissuasif de la réponse graduée pour les dossiers les plus graves.

L’année 2018 confirme la hausse, amorcée depuis 2015, des transmissions de dossiers au procureur de la République. Les 1045 dossiers adressés en 2018 à l’autorité judiciaire représentent plus d’un tiers de l’ensemble de dossiers transmis par la Haute Autorité depuis la mise en place de la procédure de réponse graduée. Cet accroissement procède de l’augmentation des envois de notification, d’une part, et de la stratégie de la commission de protection des droits permettant de cibler, en amont, et dès la 2ᵉ phase de la procédure, les dossiers les plus graves.

Dans les trois quarts des cas, les délibérations de la commission de protection des droits transmettant la procédure au procureur de la République visent la contravention de négligence caractérisée. Toutefois, lorsque les dossiers présentent des critères d’aggravation (nombre d’œuvres important, procédures comportant de nombreuses réitérations, procédures successives), la commission propose au ministère public de retenir la contravention de négligence caractérisée ou le délit de contrefaçon. Il revient au procureur de la République, en toute hypothèse, de choisir la qualification à donner aux faits. En 2017, 212 dossiers ont été envoyés au parquet au visa des deux infractions, soit un quart du total des dossiers transmis sur l’année.

De manière plus rare, la commission de protection des droits choisit de transmettre certains dossiers qu’elle considère comme particulièrement graves sur le seul fondement du délit de contrefaçon, en application de l’article R. 331-42 du CPI. Tel a été le cas en 2017 pour dix dossiers.

Au 31 décembre 2018, la HADOPI a été informée de 594 suites judiciaires se décomposant ainsi :

– 401 mesures alternatives aux poursuites (rappels à la loi, compositions pénales,…) :

– 108 classements sans suite (auteur inconnu, infraction insuffisamment caractérisée,…) ;

– 83 condamnations, dont 41 jugements de condamnation pour contravention de négligence caractérisée (amendes d’un montant de 100 à 1 000 €), 3 jugements pour délit de contrefaçon (amendes d’un montant de 500 à 2 000 €), 35 ordonnances pénales (amendes d’un montant de 150 à 500 €) et 4 comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (amendes d’un montant de 200 à 500 €).

La contravention dite de « négligence caractérisée » sanctionne la répétition du manquement de sécurisation d’un accès Internet, en l’absence d’un motif légitime, malgré les recommandations reçues de la HADOPI. C’est la raison pour laquelle le législateur a confié à la Haute Autorité, au titre de sa mission de protection des droits, d’établir une liste labellisant les moyens de sécurisation des accès à internet.

La HADOPI a toutefois constaté que cette mission dépasse les moyens mis à sa disposition par le législateur et elle n’a pu en conséquence établir la liste concernée[111]. Elle a préféré renforcer ses initiatives de conseil et de pédagogie afin d’accompagner au mieux les internautes et entreprises dans leur démarche de sécurisation de leur accès pour la mise en place de dispositifs techniques de sécurisation (installation d’une clef de cryptage, WIFI, d’un pare-feu, etc.), ou la désinstallation d’un logiciel de partage.

1.2.2.   Actions en justice des ayants droit dites actions en cessation

Les ayants droit peuvent entreprendre des actions en justice pour faire condamner les personnes physiques ou morales qui administrent ces sites sur le fondement du délit de contrefaçon, ou pour obtenir des fournisseurs d’accès à internet qu’ils bloquent l’accès à ces sites (sur le fondement de l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle qui permet au TGI, « en présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne », d’ordonner, le cas échéant en référé, « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».

Ces dernières actions judiciaires, dites actions en cessation, ont permis d’obtenir des résultats très significatifs ces dernières années, depuis le jugement rendu en la forme des référés par le tribunal de grande instance de Paris le 28 novembre 2013 (affaire « Allostreaming »[112]).

Ces dispositions peuvent être invoquées par des organismes de défense professionnelle pour qu’il soit fait injonction non seulement aux FAI mais aussi aux fournisseurs de moteurs de recherche de prendre des mesures de blocage et de déréférencement de sites offrant aux internautes la possibilité d’accéder à des contenus contrefaisants, en flux continu (streaming) ou en téléchargement. Ce type de recours, indépendant de toute recherche de mise en cause de la responsabilité de l’administrateur du site objet des mesures ou de l’acteur qui se verrait ordonner de prendre une mesure, s’avère particulièrement adapté s’agissant de sites portant atteinte au droit d’auteur situés à l’étranger.

1.2.3.   Démarches de droit souple

La lutte contre le piratage repose également, depuis quelques années, sur des démarches de droit souple visant à impliquer les acteurs de la publicité et de paiement en ligne et d’autres intermédiaires commerciaux dans la lutte contre la contrefaçon du droit d’auteur et des droits voisins sur internet.

Le rapport de Mme Imbert-Quaretta de mai 2014[113] a mis en évidence le rôle clé des acteurs de la publicité et du paiement en ligne dans l’écosystème des sites massivement contrefaisants. Ces acteurs peuvent en effet contribuer à assécher les ressources de ces sites massivement, selon une approche qui consiste à : « frapper les sites au portefeuille » (dite en anglais « follow the money »).

La charte des bonnes pratiques dans la publicité en ligne pour le respect du droit d’auteur et des droits voisins, signée le 23 mars 2015 par les annonceurs, les professionnels de la publicité ainsi que les représentants des ayants droit, vise ainsi à assécher les ressources provenant de la publicité en ligne des sites spécialisés dans la contrefaçon d’œuvres sur Internet.

La charte renvoie à chaque signataire le soin d’établir une liste d’adresses url de sites internet contrefaisants en se référant aux informations fournies par les autorités compétentes (procès-verbaux des agents assermentés des organismes professionnels, sites signalés sur la plateforme PHAROS du Ministère de l’Intérieur, autorités administratives indépendantes, décisions de justice…), en utilisant éventuellement des outils technologiques, et en collaboration avec les ayants droit qui sont les seuls à avoir la connaissance des droits qui s’appliquent. Cette liste est établie selon des critères définis en plein accord avec l’ensemble des parties prenantes et est mise à jour en tant que de besoin par chacun.

Chaque signataire, selon les modalités qu’il juge les plus appropriées, oriente ses relations contractuelles et/ou commerciales en fonction de sa propre liste.

Après six mois de fonctionnement, il a été constaté par le comité de suivi de la charte que la totalité des publicités sur les sites « massivement pirates » étaient des publicités sans aucun lien avec les représentants français du secteur de la publicité. Si par mégarde une publicité vient à apparaître, elle est retirée par l’intermédiaire du secteur publicitaire responsable quelques jours seulement après son signalement par les ayants droit.

Fort de cette expérience réussie, le ministère de la culture, en lien avec le ministère de l’économie, a décidé le 10 septembre 2015 de lancer un second groupe de travail, consacré aux bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect des droits d’auteur et des droits voisins. Cette nouvelle étape s’est traduite, non pas par la signature d’une charte, jugée trop engageante pour des acteurs de portée internationale, mais par la création d’un Comité de suivi associant les représentants des moyens de paiement et les représentants des ayants-droits.

À travers leurs Conditions Générales de Vente (CGU), les acteurs du paiement en ligne ont déjà des possibilités de retirer ou de demander le retrait des moyens de paiement pour les sites qui ne respecteraient pas la loi. En pratique, dès lors qu’un site massivement contrefaisant est signalé par les ayants-droits aux acteurs du paiement en ligne, ceux-ci retirent leur moyen de paiement très rapidement (48h00).

Ces démarches de droit souple ont également pour objectif de favoriser le recours aux technologies de reconnaissance automatique des contenus par les plateformes qui hébergent des contenus audiovisuels ou musicaux et peuvent être des vecteurs majeurs de contrefaçon. Pour faire face à ce phénomène, le recours aux technologies de reconnaissance des contenus, qui permettent de comparer automatiquement l’empreinte d’une œuvre avec celle des contenus mis en ligne par les internautes, peut permettre d’éviter l’apparition ou la réapparition de contenus contrefaisants.

Un accord a ainsi été conclu en ce sens le 19 septembre 2017 entre la société Google, le CNC et l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA). Cet accord prévoit la mise en place d’un « Guichet Unique » permettant la protection des œuvres des membres de l’ALPA sur les plateformes UGC dont YouTube en utilisant les technologies de reconnaissance vidéo (empreintes). Ce Guichet Unique a pour but de centraliser le dépôt des œuvres et la création d’empreintes ainsi que de fluidifier la gestion des conflits pouvant subvenir.

1.3.    LA REGULATION ET LA VEILLE DANS LE DOMAINE DES MESURES TECHNIQUES DE PROTECTION

La Haute Autorité assure « une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin » (art. L. 331-13 du CPI) héritée de l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT).

1.3.1.   Définition des mesures techniques

Les mesures techniques sont destinées à protéger les contenus distribués sur support numérique contre toute utilisation non autorisée. Leur mise en œuvre est apparue nécessaire aux industries culturelles pour permettre le développement de nouvelles formes de mise à disposition des œuvres et de services innovants dans un contexte technologique créant des risques nouveaux de contrefaçon. Les mesures techniques ont dès lors trouvé une consécration juridique à travers la protection qui leur est accordée par le droit international (traités de l’OMPI de 1996) et la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Le droit national les définit et les protège aux articles L. 331-5 à L. 331-11 du CPI. Des sanctions pénales sont prévues aux articles L. 335-3-1 et suivants du même code contre les risques de contournements.

1.3.2.   Régulation des mesures techniques par HADOPI

Afin d’éviter qu’une surprotection des œuvres par les mesures techniques ne conduise à entraver les usages légitimes des œuvres par le public, la directive européenne 2001/29/CE du 22 mai 2001 fait obligation aux États membres de prendre des mesures appropriées pour garantir le bénéfice de certaines exceptions dites privilégiées (exceptions dites de copie privée, d’enseignement et de recherche, de conservation par les bibliothèques et établissements assimilés, ainsi que les exceptions de procédures et sécurité publique, de dépôt légal et en faveur des handicapés). Le législateur français a confié à la HADOPI la mission de veiller à ce que les mesures techniques de protection n’aient pas pour conséquence de priver les consommateurs du bénéfice de certaines exceptions prévues par la loi.

Le législateur français a en outre souhaité confier à la HADOPI la régulation des mesures techniques en matière d’interopérabilité, ce qui n’était pas prévu par la directive précitée. Il est en effet apparu souhaitable que la capacité des systèmes à communiquer entre eux et, du point de vue de l’usager, la possibilité effective de consulter un contenu acquis légalement depuis le support de son choix ne soient pas appréciées à la seule aune des besoins des éditeurs de ces systèmes, mais répondent aussi aux difficultés rencontrées par leurs utilisateurs. Le choix du législateur national d’aller au-delà des exigences de la directive et de faire de l’interopérabilité un cas supplémentaire de régulation prend appui sur le considérant 54 de la directive du 22 mai 2001 qui précise que « la compatibilité et l’interopérabilité des différents systèmes doit être encouragée ».

Pour l’exercice de cette mission de régulation, la HADOPI agit soit dans le cadre de règlements de différends, soit dans le cadre d’avis. Elle dispose également d’une compétence réglementaire, lui permettant de fixer les modalités d’exercice des exceptions sur lesquelles elle a compétence ainsi que le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l’exception pour copie privée. Cette disposition est destinée notamment à limiter, à travers l’action d’une autorité, les conflits entre utilisateurs et ayants droit sur le nombre de copies possible en adaptant le nombre de copies autorisées, de façon flexible, sans avoir pour cela à modifier la loi de façon régulière.

La HADOPI a été saisie de 5 demandes d’avis d’une demande de règlement des différends. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, notamment le fait que cette mission est délicate à circonscrire, qu’il est difficile de poser des règles générales dans ce domaine, et que la saisine est réservée à certains acteurs.

La première saisine a été le fait de la Bibliothèque nationale de France (BnF) dont la mission se trouve entravée par des mesures techniques apposées sur les documents déposés au titre du dépôt légal. Dans un avis rendu le 30 janvier 2013, la HADOPI a constaté que ces mesures techniques menacent la consultation et la conservation de ces œuvres à long terme et a considéré qu’une modification du régime du dépôt légal était nécessaire pour permettre à la BnF de disposer d’une version non protégée des documents numériques.

La seconde saisine a été le fait de l’association VideoLAN s’agissant de la mise à disposition du grand public d’un logiciel pouvant permettre la lecture des disques Blu-Ray comportant des mesures techniques de protection. Dans un avis rendu le 3 avril 2013, la HADOPI s’est prononcé sur les exceptions dites de décompilation et d’ingénierie inverse revendiquées par l’association VideoLAN et a précisé la nature et les conditions d’accès des informations nécessaires à l’interopérabilité que pouvait solliciter un éditeur de logiciel sur le fondement de l’article L. 331-32 du CPI.

La HADOPI a également été saisi de deux demandes d’avis en mai 2013 et en février 2014 relatives à l’exception de copie privée des programmes télévisés reçus par l’intermédiaire d’un fournisseur d’accès à Internet (FAI) ou par satellite : les consommateurs se plaignaient de ne pouvoir bénéficier pleinement des copies de programmes télévisés qu’ils avaient réalisées depuis leur box. La HADOPI a considéré, dans son avis du 11 septembre 2014, que même si des limitations à la copie peuvent être justifiées, notamment afin de réduire le risque de contrefaçon sur Internet, les restrictions ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour limiter un tel risque.

La HADOPI a, enfin, été saisie d’une demande d’avis concernant à la mise en œuvre effective de l’exception de copie privée des programmes télévisés reçus via la plateforme Molotov TV. L’avis rendu le 29 octobre 2018 souligne que l’exception de copie privée de programmes linéaires suppose a minima la possibilité pour l’utilisateur de copier les programmes reçus dans la limite des capacités de stockage acquises et soumises à redevance et que cet utilisateur doit, sous réserve que la copie reste protégée contre les utilisations non autorisées, pouvoir disposer pleinement et librement de sa copie.

La HADOPI a été saisie d’une seule demande de règlement des différends, fondée sur l’article L. 331-34 du CPI qui ouvre la possibilité aux organismes agréés, bénéficiant de l’exception au profit des personnes en situation de handicap (article L. 122-5 7° du CPI) de saisir la Haute Autorité notamment d’une demande d’avis ou de « tout différend portant sur la transmission des textes imprimés sous la forme d’un fichier numérique ». Ces organismes peuvent en effet demander que leur soient remis les fichiers numériques des œuvres dans un standard ouvert, afin de réaliser et de communiquer des versions adaptées de ces œuvres, dès leur mise à disposition du public, pour les livres scolaires, ou dans les dix ans qui suivent leur dépôt légal, pour les autres catégories de livres.

Cette procédure s’est conclue par un procès-verbal de conciliation qui a permis, à travers des engagements concrets des parties prenantes, la transmission progressive des fichiers numériques demandés et le déploiement d’une politique active de prévention de tout usage contrefaisant des fichiers.

1.3.3.   Accessibilité aux personnes atteintes de handicap

Dans le cadre de sa mission de veille et d’observation concernant les mesures techniques de protection, le collège de la HADOPI a confié, en janvier 2016, à l’un de ses membres, Alain Lequeux, une mission de préfiguration sur la question des conditions d’amélioration de l’offre légale en matière de livres numériques accessibles aux personnes atteintes d’un handicap. Cette mission s’est appuyée sur une étude d’usages réalisée auprès de publics non-voyants et « dys » (dyslexiques, dyspraxiques…) et l’audition d’experts pour proposer des recommandations pour améliorer l’accessibilité des œuvres.

L’attention de la HADOPI a été attirée sur le fait que, malgré l’existence de l’exception prévue au 7° de l’article L. 122-5 du CPI, moins de 10 % des ouvrages physiques publiés sont rendus disponibles pour les personnes atteintes de handicap visuel[114]. Toutefois, les moyens et ressources dont disposent les associations habilitées restent limités face à l’abondance de l’offre.

Un rapport interministériel de l’IGAS, (Inspection Générale des Affaires Sociales), de l'IGAC (Inspection Générale des Affaires Culturelles), et de l’IGaenr (Inspection Générale de l'administration de l’éducation nationale et de la recherche de décembre 2016 (« Les structures ayant une activité d’adaptation des œuvres au bénéfice des personnes en situation de handicap – réalités observées et perspectives ») a mis en évidence la persistance de l’enjeu de l’augmentation de l’offre d’édition adaptée. Les chiffres évoqués vont de 5 à 10 % d’œuvres accessibles sur une production annuelle de 80 000 titres pour une population d’utilisateurs déclarés, estimée à 25 000 personnes.

Il existe plus de 140 organismes en France qui bénéficient de l’exception handicap au droit d’auteur pour produire ou communiquer des documents adaptés, dont plus de 60 sont agréés pour accéder aux fichiers numériques des éditeurs. Toutefois, ces associations souvent composées de bénévoles et de personnes en situation de handicap restent peu armées pour effectuer en nombre des démarches auprès de la BnF pour solliciter ces fichiers et encore moins pour revendiquer le bénéfice de l’exception dont ils sont titulaires lorsque les éditeurs ne respectent pas leurs obligations de transmission.

2.     Nécessité de légiférer et objectif poursuivi

2.1.    Nécessité de légiférer

2.1.1.   Le développement de l’offre légale et l’observation des usages licites et illicites

L’identification et la qualification de l’offre légale par sa labellisation est soumise à de trop fortes exigences formelles posées par le législateur et fait peser des contraintes opérationnelles trop lourdes pour leur mise en œuvre opérationnelle par la Haute Autorité. Il apparaît aujourd’hui que la procédure de labellisation ne répond pas de manière satisfaisante aux enjeux d’information du consommateur.

L’essor d’une offre légale attractive et l’accompagnement des usagers vers des pratiques culturelles responsables impliquent de conforter les efforts entrepris par la Haute Autorité en vue d’améliorer la lisibilité des offres en ligne. À cet égard, il paraît nécessaire d’ajuster les dispositions législatives pour tirer les conséquences de l’ineffectivité de la procédure de labellisation de l’offre légale.

Cette procédure de labellisation étant consacrée par la loi (article L. 331-23 du CPI), une intervention législative est nécessaire afin de la supprimer et d’y substituer un dispositif de promotion de l’offre légale plus effectif.

2.1.2.   La protection des œuvres et objets protégés

La persistance à un niveau élevé de la contrefaçon en ligne conduit à s’interroger sur la pertinence d’un mécanisme de réponse graduée qui cible uniquement les échanges de pair-à-pair[115] et ignore les autres formes de piratage telles que la lecture en flux (streaming) ou le téléchargement direct. Les actions judiciaires visant à faire fermer ou à bloquer l’accès aux sites pirates, parfois établis hors de France, impliquent des procédures longues et coûteuses, dont l’efficacité est limitée par la réapparition rapide de « sites-miroirs ». Les initiatives reposant sur le droit souple portent leurs fruits mais sont, par construction, subordonnées à la volonté de coopération des acteurs concernés.

2.1.3.   La régulation et la veille dans le domaine des mesures techniques de protection

Ces dernières années, l’attention de la HADOPI a été attirée sur la reconnaissance d’une garantie effective de l’exception dite « handicap » mentionnée au 7° de l’article L. 122-5 du CPI, via l’organisation de modalités de contrôle.

La HADOPI peut actuellement être saisie par les bénéficiaires de l’exception dans le cadre d’avis ou de procédures de règlement de différend. Cependant, ces bénéficiaires sont peu accoutumés à de telles procédures et préfèrent davantage concentrer leurs efforts sur l’adaptation de fichiers et la transmission de fichiers adaptés.

Or, les organismes adaptateurs continuent d’être confrontés à certaines résistances de la part de certains éditeurs. 14 % des fichiers demandés en 2017 n’ont ainsi pas été déposés auprès de la BNF. Un tiers de ces cas correspond à un retard de livraison, les deux autres tiers correspondent à un refus motivé.

Il revient alors à ces associations disposant de peu de moyens et de ressources d’engager autant de procédures devant la HADOPI contre les différents éditeurs pour les obliger à respecter leurs obligations. Il n’existe pas de disposition susceptible d’aider à fluidifier le dispositif sans qu’il y ait besoin d‘introduire de recours, en facilitant le dialogue avec les éditeurs ou en disposant de possibilité de rappel de leurs obligations.

2.2.    Objectifs poursuivis

2.2.1.   Le développement de l’offre légale et l’observation des usages licites et illicites

D’après les résultats d’une étude conduite en 2018 par la HADOPI[116], 52 % des consommateurs de biens culturels dématérialisés déclarent qu’ils souhaiteraient disposer de davantage d’informations pour distinguer les sites licites et illicites plus aisément.

Ainsi, le référencement des offres respectueuses des droits de propriété intellectuelle par la HADOPI permet de répondre au besoin d’informer et de guider le grand public vers des offres légales. Ce type d’action s’inscrit en outre dans le cadre des recommandations et travaux conduits plus largement au niveau européen et pour lesquelles la France a été précurseur et pris comme modèle.

Le travail accompli par la HADOPI depuis 2013 afin de donner plus d’efficience à cette mission en recensant les offres culturelles pouvant être regardées comme étant égales sur le portail « www.offrelegale.fr » témoigne de la pertinence des expériences de droit souple en la matière.

Plutôt que d’instaurer de manière rigide de nouvelles procédures formalisées, en lieu et place de la procédure de labellisation, le projet de loi fixe l’objectif général de valorisation de l’offre légale et confie à l’ARCOM la mission de concevoir les moyens les mieux à même de satisfaire cet objectif.

2.2.2.   La protection des œuvres et objets protégés

L’intervention de la puissance publique doit s’attaquer au piratage dans toutes ses formes (téléchargement direct et streaming), plutôt qu’au seul téléchargement pair-à-pair dans le cadre du dispositif de réponse graduée.

À cet égard, une série d’acteurs joue également un rôle technique ou financier déterminant, même s’ils ne sont pas directement responsables de la contrefaçon (FAI, moteurs de recherche, services de publicité et de paiement en ligne, bureaux d’enregistrement de noms de domaine…).

Les pistes d’évolution doivent aller dans le sens d’une implication accrue de tous ces acteurs concernés, à travers un renforcement des dynamiques d’autorégulation et de nouvelles dispositions législatives.

La disposition envisagée s’inscrit dans le prolongement de l’actuelle mission de protection des œuvres et objets protégés confiée à la HADOPI par l’article L. 331-13 du CPI. Cette mission, qui se rapporte aujourd’hui essentiellement à la mise en œuvre de la réponse graduée, est enrichie de nouveaux pouvoirs se rapportant aux accords susceptibles de contribuer à la protection des droits, aux mesures destinées à prévenir ou faire cesser des attentes à ces droits, à la caractérisation des atteintes à ces mêmes droits et à la lutte contre les sites miroirs.

2.2.3.   La régulation et la veille dans le domaine des mesures techniques de protection

Les objectifs poursuivis en 2006 de garantie des exceptions au droit d’auteur et d’interopérabilité des mesures techniques de protection apparaissent toujours pertinents.

Néanmoins, afin de veiller pleinement à l’intérêt général lié à l’accès à la culture et au savoir, ainsi qu’aux principes de non-discrimination, d’égalité des chances, et de pleines et effectives participation et inclusion sociales, il paraît essentiel que l’exception au profit des personnes en situation de handicap soit effectivement et efficacement assurée et que les pouvoirs d’intervention actuellement confiés à la HADOPI soient renforcés.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

3.1.1.   Le développement de l’offre légale et l’observation des usages licites et illicites

Une première option consisterait à supprimer la procédure de labellisation pour la remplacer par un dispositif de référencement des offres pouvant être présentées comme présentant un caractère légal.

Par le passé, certains agrégateurs de contenus et opérateurs du référencement sur Internet ont émis des réserves quant à l’opportunité du développement d’un portail de référencement de l’offre légale piloté par la Haute Autorité au motif, d’une part, que les agrégateurs et comparateurs privés existants se positionnent d’ores et déjà sur le marché du référencement et semblent déjà répondre à ce besoin et, d’autre part, que les internautes privilégieraient les outils de référencement spécialisés en fonction des types de contenus au détriment des outils de référencement généralistes tels que celui de la HADOPI.

Une seconde option consisterait à supprimer la mission de promotion de l’offre légale.

Cette suppression est discutable dans la mesure où le besoin d’informer et de guider le grand public vers des offres légales perdure. Une étude publiée en 2017 par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) indique ainsi qu’« il semble y avoir une ambiguïté croissante quant à ce qui constitue une offre légale ou illégale. Au total, 24 % des Européens interrogés se posaient la question de savoir si une source était légale ou non, soit une augmentation de 5 points par rapport à l’étude de 2013; 4 % des Européens interrogés déclarent avoir fait une recherche pour déterminer si une source était légale ou non, soit une augmentation de 2 points par rapport à 2013 » [117].

3.1.2.   La protection des œuvres et objets protégés

A -   Lutte contre la contrefaçon commerciale

La réorientation de l’action publique vers les acteurs qui tirent un profit commercial de la contrefaçon paraît pouvoir s’articuler autour de deux axes : la lutte directe contre la contrefaçon commerciale via des injonctions de blocage, d’une part, et l’implication la plus large possible de tous les acteurs d’Internet, d’autre part.

La première option consisterait à renforcer la possibilité pour les ayants-droit d’obtenir le prononcé de mesures visant à prévenir ou à faire cesser une atteinte au droit d’auteur par le biais d’une injonction de blocage ou de déréférencement notifiée à un intermédiaire (indépendamment de toute mise en cause), dès lors que cet intermédiaire est en position de prendre les dispositions permettant d’atteindre l’objectif souhaité.

Si l’article L. 336-2 du CPI paraît aujourd’hui répondre très largement à cet objectif, il existe toutefois des possibilités de contournement des mesures ordonnées par le tribunal, par l’utilisation de noms de domaines non visés par l’ordonnance du juge et ayant pour objet de reproduire le contenu du site bloqué ou déréférencé (« sites miroirs ») ou de rediriger l’internaute vers ce site. Ces manœuvres, qui interviennent le plus souvent très peu de temps après la décision du juge, aboutissent à ce qu’un nouveau site, avec un contenu identique ou similaire au site précédent, demeure accessible et référencé par les moteurs de recherche. Le juge est donc confronté à un problème d’effectivité de sa décision.

Face à cet enjeu, le président du Tribunal de grande instance de Paris a rendu, le 13 juillet 2018, une ordonnance de référé actualisant la liste des noms de domaines concernés par des mesures de blocage ordonnées au titre de deux précédents jugements du 15 décembre 2017 et du 25 mai 2018,

Ce phénomène n’est pas propre au droit d’auteur. Ainsi, dans le secteur des jeux en ligne, le législateur a décidé de confier au président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) le pouvoir d’obtenir des injonctions de blocage à l’issue d’une procédure judiciaire accélérée sur requête, contre des sites de contournement.

La HADOPI pourrait ainsi se voir reconnaître, sous le contrôle du juge, le pouvoir d’enjoindre aux intermédiaires techniques de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les atteintes aux droits, notamment dans l’hypothèse de sites miroirs.

Une telle évolution susciterait néanmoins des interrogations importantes au regard du droit constitutionnel. Il n’est en effet pas certain que l’atteinte causée à la liberté d’entreprendre, à la liberté d’expression et à la liberté de communiquer par une mesure administrative de blocage d’accès à un site internet comportant des contenus contrefaisants serait considérée comme proportionnée.

La proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, votée en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juillet 2019 ouvre d’autres perspectives s’agissant de la lutte contre les sites miroirs. L’article 6 de cette proposition reconnaît en effet la possibilité pour le juge civil se prononçant sur le retrait d’un contenu haineux d’habiliter l’autorité administrative (en l’espèce l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication) à demander aux fournisseurs d’accès à internet, aux fournisseurs de noms de domaine et aux moteurs de recherche de prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’accès à tout contenu identique à celui jugé illicite.

Une seconde option, visant à lutter plus efficacement contre la contrefaçon commerciale, consisterait à renforcer l’efficacité des démarches volontaires visant à impliquer les intermédiaires techniques.

À cet égard, une appréciation objective des informations relatives à la présence d’atteintes au droit d’auteur sur des sites hébergeant des contenus contrefaisants ou des sites de référencement renvoyant vers des contenus contrefaisants constitue un enjeu important tant au contentieux que dans le cadre des dispositifs de droit souple visant à impliquer les acteurs de la publicité et de paiement en ligne et d’autres intermédiaires commerciaux.

Dans le cadre des chartes des bonnes pratiques dans la publicité et le paiement en ligne précitées, la qualification des sites comme massivement contrefaisants est assurée par les signataires eux-mêmes. La question se pose néanmoins de savoir si une objectivation de ce travail de caractérisation des sites massivement contrefaisants, via un tiers de confiance, ne serait pas de nature à sécuriser les actions d’autorégulation de la part des intermédiaires de paiement et des acteurs de la publicité.

Cette objectivation par un tiers pourrait également permettre d’informer d’autres intermédiaires, notamment les acteurs du référencement, qui pourraient eux aussi en tirer toutes les conséquences.

L’intervention d’un tiers de la confiance pourrait enfin s’avérer utile pour encourager le recours volontaire à des outils de reconnaissance de contenus. Tout en soulignant l’intérêt de ces outils, un rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a identifié divers enjeux tenant à leur encadrement[118]. Selon les auteurs de ce rapport, « si la mise en place des outils de reconnaissance des contenus, sur une base volontaire, par les grandes plateformes de partage de contenus musicaux et audiovisuels représente une avancée, l’absence de tout encadrement conduit à en limiter l’effet bénéfique pour la protection du droit d’auteur ».

Parmi les enjeux identifiés par le rapport du CSPLA figurent, notamment, les garanties de transparence et d’efficacité des outils mis en place par les plateformes. Ainsi les performances des technologies employées et leur capacité de reconnaissance ne sont-elles pas exposées publiquement.

B -   La « réponse graduée »

La volonté de réorienter l’action publique vers les acteurs qui tirent un profit commercial de la contrefaçon ne doit pas dispenser d’une réflexion sur l’avenir de la réponse graduée.

À cet égard, une première option consisterait à supprimer ce dispositif pédagogique dès lors qu’il est circonscrit à une forme particulière de piratage (l’échange pair-à-pair) et qu’il n’est pas en mesure d’apporter une réponse satisfaisante à l’ensemble des pratiques illicites.

Néanmoins, l’effet dissuasif de la réponse graduée sur les pratiques qu’elle cible est globalement avéré. En dix années de fonctionnement, la HADOPI aura, avec plus de douze millions de premières recommandations adressées, réussi à sensibiliser et à dissuader de pratiquer le téléchargement illégal un nombre important de titulaires d’abonnement à Internet sur tout le territoire national. Selon le dernier « Baromètre de la réponse graduée » de la Haute Autorité[119], 23 % des internautes ou leur entourage ont ainsi déjà reçu une recommandation de la Haute Autorité.

Les avertissements adressés par la HADOPI conduisent les abonnés, dans la grande majorité des cas, à cesser de télécharger illégalement sur les réseaux pair-à-pair ou à sécuriser leur ligne afin d’éviter que d’autres ne l’utilisent à cette fin. La HADOPI observe une absence de réitération des faits dans plus de 60 % des cas, à chaque étape de cette procédure : sur 10 personnes averties, 6 prennent des mesures pour éviter tout renouvellement d’actes de piratage. Le recul du téléchargement de pair à pair, entamé avant l’entrée en vigueur de la réponse graduée, s’est accéléré depuis lors.

L’étude menée par l’institut Médiamétrie pour le compte de l’ALPA et du CNC, précitée, observe que : « le téléchargement pair-à-pair est en baisse sur tous les écrans digitaux en 2018 et atteint son audience la plus basse sur tous les écrans depuis la mise en place de la mesure de la consommation illégale notamment en étant en dessous des 4 millions de visiteurs uniques sur l’écran d’ordinateur pour la première fois ».

L’abrogation pure et simple de la réponse graduée, qui a maintenant atteint son régime de croisière et qui a d’ores et déjà produit, sur le périmètre qu’elle couvre, des effets significatifs, n’aurait donc guère de sens. Cette abrogation se traduirait aussi, et surtout, par un retour pur et simple au droit commun de la contrefaçon malgré son inadaptation aux pratiques d’échange concernées. Enfin, on observe que lorsque des actions judiciaires de grande envergure sont menées contre certains sites de streaming, les usages illégaux se reportent massivement sur les réseaux pair-à-pair. Ce phénomène de report incite à la plus grande vigilance pour l’avenir.

Une seconde option consisterait à renforcer l’efficacité de la réponse graduée s’agissant de la pratique du pair à pair à laquelle elle s’applique. Le président de la HADOPI a saisi en août 2017 deux membres du Conseil d’État afin d’étudier la faisabilité juridique des évolutions du dispositif de réponse graduée au regard des exigences résultant tant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que de celle de la Cour de justice de l’Union européenne. L’étude évalue les évolutions possibles du mode de sanction. L’étude s’intéresse notamment à la possibilité de confier à la Haute Autorité un rôle dans la procédure pénale en lui permettant, après avoir constaté que l’infraction de négligence caractérisée est constituée, soit d’adresser à l’internaute contrevenant une amende forfaitaire pénale dont le paiement par celui-ci aurait pour effet d’éteindre l’action publique, soit de lui proposer une transaction pénale consistant dans le versement d’une amende.

La piste de l’amende pénale forfaitaire ne paraît toutefois envisageable que dans les cas où, au vu du simple constat effectué par l’agent verbalisateur, l’infraction et son imputabilité à la personne mise en cause présentent un degré de vraisemblance voire d’évidence élevé. Or, ces conditions ne sont pas remplies s’agissant de la réponse graduée, compte tenu de la complexité de l’infraction de négligence caractérisée. Il appartiendrait donc à la HADOPI d’établir l’existence de cette infraction au cas par cas, au regard du dossier dont elle dispose.

L’étude s’attache également à expertiser la validité d’une réponse répressive qui prendrait la forme d’une sanction administrative, mais uniquement pécuniaire. À cet égard, certaines contraintes juridiques qui avaient pu être présentées comme limitant fortement toute possibilité d’évolution en ce sens semblent aux deux membres du Conseil d’État devoir être relativisées. La jurisprudence constitutionnelle ne leur apparaît pas, en effet, condamner irrévocablement l’instauration d’une sanction administrative, y compris en continuant à laisser aux ayants droit la charge de procéder aux constats de contrefaçon, pour autant que cette procédure de sanction administrative soit assortie de garanties appropriées.

Une telle évolution présenterait néanmoins deux défauts principaux. D’une part, elle modifierait la nature du dispositif de réponse graduée, qui s’inscrit aujourd’hui dans le cadre d’une procédure pénale. D’autre part, l’exigence de séparation des fonctions de poursuite et d’instruction imposerait de modifier en profondeur l’organisation actuelle de la HADOPI pour prévoir deux entités autonomes en son sein.

Une dernière option consisterait à maintenir le dispositif de réponse graduée, sous réserve de quelques ajustements visant à garantir une meilleure efficience de la procédure.

3.1.3.   La régulation et la veille dans le domaine des mesures techniques de protection

Une première option consisterait à renforcer les pouvoirs de l’ARCOM, pour créer un mécanisme de contrôle et de sanction autonome des demandes de règlement de différend.

Cette solution permettrait de faciliter le travail d’utilité publique des organismes adaptateurs, leurs efforts en faveur de l’adaptation de fichiers et de la transmission de fichiers adaptés, plutôt que de faire peser sur eux le poids trop lourd de démarches ou de recours administratifs.

Cependant, cette solution n’est pas préconisée car elle impliquerait une modification très lourde de l’état du droit et bouleverserait les équilibres économiques déjà fragilisés dans le secteur du livre.

Une autre option consisterait à confier à l’ARCOM une simple faculté de suivi du respect de leurs obligations et de dialogue avec les éditeurs afin de veiller à l’effectivité de l’exception au bénéfice des personnes en situation de handicap en lui permettant d’agir de sa propre initiative vis-à-vis des éditeurs et, le cas échéant, de leur rappeler leurs obligations.

3.2.    Dispositif retenu

3.2.1.   Le développement de l’offre légale et l’observation des usages licites et illicites

Le projet de loi propose de confier à l’ARCOM le soin de concevoir les outils qui lui permettront de valoriser au mieux l’offre légale. Une telle souplesse, qui s’avère nécessaire afin de tenir compte de l’évolution des usages, permettra à l’ARCOM de poursuivre le travail de recensement des offres respectueuses des droits de propriété intellectuelle mené depuis 2013 par la HADOPI.

La consécration de cette mission élargie de valorisation de l’offre légale permettra également à l’ARCOM d’engager un dialogue utile avec les acteurs privés du référencement. La coopération des moteurs de recherche doit ainsi permettre de favoriser le référencement de l’offre légale, qui reste souvent moins visible que l’offre illicite dans les pages de résultats. Compte tenu du rôle joué par les moteurs de recherche dans l’accès aux contenus, il s’agit d’un enjeu crucial.

De tels dispositifs reposent sur la bonne volonté des moteurs de recherche, soucieux de démontrer leur volonté de coopérer à la lutte contre le piratage. Il est intéressant pour ces acteurs d’enrichir leur offre avec de tels outils, mais le risque existe que certains d’entre eux, notamment les plus confidentiels et donc les moins exposés à la pression des ayants droit, se montrent moins proactifs. En outre, les moteurs les plus puissants disposent d’un pouvoir de discrimination fort parmi les offres légales, susceptible d’être défavorable aux offres françaises et européennes, et par conséquent à la diversité culturelle de l’offre présentée au public.

Il pourrait donc y avoir un intérêt à ce que l’ARCOM prenne l’initiative de coordonner la mise en œuvre de ces outils de droit souple.

L’ARCOM pourra également développer, comme la HADOPI s’était engagée à le faire, des outils numériques pratiques et des actions de sensibilisation à destination des utilisateurs pour les accompagner dans leurs usages de biens culturels dématérialisés[120].

3.2.2.   La protection des œuvres et objets protégés

A -   Mécanisme de « réponse graduée »

L’article 22 du projet de loi maintient les acquis positifs du dispositif de réponse graduée, à savoir sa logique pédagogique fondée sur l’envoi de recommandations successives, tout en apportant des modifications très limitées visant à améliorer l’efficacité de la procédure.

Il permet notamment à des auteurs individuels de saisir directement l’ARCOM, sur la base d’un constat d’huissier. Ceux-ci ne seront donc plus tenus d’être membres d’un organisme de gestion collective ou d’une organisation professionnelle pour pouvoir demander la mise en œuvre de la procédure de réponse graduée à leur bénéfice.

Le projet de loi précise également que les internautes ayant reçu une recommandation seront systématiquement informés du contenu de l’œuvre téléchargée ou mise à disposition depuis leur accès à Internet sans avoir à faire une demande en ce sens auprès de l’ARCOM. Les échanges téléphoniques avec le centre d’appel de la HADOPI ont démontré par le passé que les titulaires d’abonnement appellent d’abord pour comprendre pourquoi ils ont reçu une recommandation, et notamment pour obtenir le nom des œuvres téléchargées ou mises à disposition. La mention systématique du nom des œuvres dans les recommandations allégera une charge pesant sur les services de l’ARCOM tout en répondant au besoin d’information des internautes.

Les recommandations de la Haute Autorité doivent mentionner l’existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir le téléchargement illégal. S’il préserve cette obligation d’information des internautes, le projet de loi propose en revanche d’abandonner la mission d’évaluation et de labellisation de ces moyens de sécurisation, aucun projet d’expérimentation n’ayant été formellement porté à la connaissance de la HADOPI, ce qui n’a pas permis à cette mission d’être exercée. L’ARCOM sera désormais tenue de fournir une information publique sur les modes de sécurisation existants.

Les procureurs de la République peuvent transmettre des procédures relatives à des faits de contrefaçon à la commission de protection des droits afin qu’elle mette en œuvre une procédure de réponse graduée. Actuellement, les procureurs de la République sont tenus par le même délai que les ayants droit pour transmettre les faits à la commission, à savoir six mois à compter de leur constatation, en application de l’article L. 331-24 aliéna 3 du CPI. En pratique, ce délai n’est pas suffisant pour permettre de diligenter préalablement une enquête sur les faits de contrefaçon et décider, au regard des résultats des investigations, de privilégier la voie de la réponse graduée.

Afin de permettre aux procureurs de la République de recourir plus largement à ce mode d’alternative aux poursuites, le projet retient un délai d’un an, correspondant au délai de prescription en matière contraventionnelle, et qui parait plus adapté.

En application des dispositions de l’article L. 331-25 du CPI, ce sont les FAI qui acheminent les mails de recommandations. Pour simplifier le dispositif, le projet de loi prévoit de confier à l’ARCOM la prise en charge de l’envoi des mails de recommandations directement aux abonnés.

Il paraît, enfin, essentiel que l’ARCOM définisse clairement les objectifs qu’elle assignera à ce dispositif de réponse graduée ainsi que les indicateurs permettant d’en suivre la mise en œuvre. L’exercice est délicat, tant les indicateurs de mesure d’efficacité sont divers et complexes à analyser. Le nombre de critères à prendre en compte est important, et leur pertinence peut faire débat. Certains estiment en effet que l’efficacité de la procédure se mesure au nombre de sanctions pécuniaires effectivement prononcées par les juridictions judiciaires, alors que, lors de la création de la HADOPI, le législateur a entendu privilégier la pédagogie et éviter un contentieux de masse.

L’article 22 du projet de loi impose à tout le moins à l’ARCOM de rendre compte, dans son rapport annuel, du nombre de saisines reçues de la part des ayants-droit et du nombre de recommandations adressées aux internautes.

3.2.3.   Lutte contre la contrefaçon commerciale

Si la réponse graduée est l’objet d’ajustements de nature technique, la lutte contre la contrefaçon commerciale se voit en revanche renforcée par plusieurs dispositions de fond. Celles-ci s’articulent autour de trois axes : dresser une « liste noire » des sites internet dont le modèle économique repose sur l’exploitation massive de la contrefaçon, encourager la mise en œuvre de technologies de reconnaissance des contenus, permettre aux juges de lutter plus efficacement contre les « sites miroirs », en prévoyant une forme d’actualisation de leurs décisions.

A -   Etablissement d’une liste noire

Le projet de loi prévoit tout d’abord de confier à l’ARCOM la mission d’établir une liste des sites massivement contrefaisants.

La charte des bonnes pratiques dans la publicité en ligne, signée le 23 mars 2015, et le groupe de travail consacré aux bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne, mis en place le 10 septembre 2015, renvoient à chaque signataire le soin d’établir une liste d’adresses url de sites internet contrefaisants avec lesquels ils s’engagent à ne pas nouer de relations commerciales.

L’article 22 du projet de loi propose de confier à l’ARCOM le soin d’objectiver ce travail de caractérisation des sites massivement contrefaisants à travers une liste publique. Cette objectivation serait de nature à sécuriser ces actions d’autorégulation de la part des intermédiaires de paiement et des acteurs de la publicité. Elle pourrait également permettre de faciliter l’implication volontaire d’autres intermédiaires, notamment les acteurs du référencement. L’ARCOM se voit, à ce titre, confier la mission d’encourager la signature et d’évaluer l’application des accords volontaires conclus entre les ayants-droit et toute personne susceptible de contribuer à remédier à la contrefaçon.

La liste dressée par l’ARCOM pourrait également permettre de responsabiliser toutes les personnes qui engagent des relations commerciales avec un service mentionné sur cette liste.

Enfin, cette liste pourrait également être invoquée par les ayants-droit à l’appui de leurs actions judiciaires.

Une mission d’établissement d’une liste de sites pouvant être considérés comme contrefaisants par une autorité administrative connaît des précédents dans différents pays, dont les USA et le Royaume-Uni. Elle est par ailleurs désormais conduite au niveau de l’Union européenne (UE) par la Commission, en collaboration avec l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, s’agissant de sites massivement contrefaisants établis à l’extérieur de l’UE.

L’ARCOM dressera cette liste à partir des constats d’infractions qui lui auront été communiqués par les agents assermentés des organismes de gestion collective et des organismes de défense professionnelle. Le projet de loi prévoit également la possibilité pour les agents assermentés et habilités de l’ARCOM, à l’instar des inspecteurs et des agents de l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), de participer sous un pseudonyme à des échanges sur un site illégal et d’extraire par ce moyen des éléments de preuve sur ces services à des fins de caractérisation. Les services opèrent sur Internet en utilisant un pseudonyme afin de mieux traquer les personnes qui commettent des infractions et de parvenir à pénétrer leurs réseaux[121].

L’article 22 du projet de loi précise que toute personne en relation commerciale avec un service mentionné sur la liste noire dressée par l’ARCOM, notamment pour y pratiquer des insertions publicitaires ou lui procurer des moyens de paiement de ses prestations, est tenu de rendre publique l’existence de ces relations et de les mentionner au rapport annuel si elle est tenue d’en adopter un.

B -   Evaluation des dispositifs de reconnaissance de contenus mis en place par les services de partage de contenus en lignes

Le projet de loi confie ensuite à l’ARCOM le soin d’évaluer l’efficacité des dispositifs de reconnaissance des contenus mis en place par les services de partage de contenus en lignes.

Cette mission s’exercera dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 17 de la directive 2019/190 du 17 avril 2019 (transposé aux articles 16 et 17 du présent projet de loi). Tout en prévoyant le principe de la responsabilité des services de partage de contenus en ligne pour contrefaçon en cas d’actes d’exploitation non autorisés, la directive exclut néanmoins cette responsabilité lorsque ces acteurs auront, notamment, accompli leurs meilleurs efforts pour lutter contre la présence de contenus protégés non autorisés. Le déploiement d’outils de reconnaissance de contenus efficaces s’avérera donc déterminant dans cette hypothèse.

À ce titre, l’ARCOM pourra émettre des recommandations sur le niveau d’efficacité des mesures, et en particulier les conditions de leur déploiement et de leur fonctionnement. Afin de permettre à l’ARCOM de mener à bien cette mission d’évaluation, et d’en rendre compte dans son rapport d’activité, le projet de loi précise les conditions dans lesquelles les différents acteurs concernés pourront être sollicités par l’Autorité afin de lui fournir toutes informations utiles.

C -   Lutte contre les « sites miroirs »

Enfin, l’article 22 du projet de loi propose de reconnaître aux juges la possibilité de lutter plus efficacement contre les « sites miroirs ».

En effet, même lorsqu’un juge prononce une injonction de blocage d’un site massivement contrefaisant ou une injonction de déréférencement, l’efficacité de la mesure est souvent de courte durée dans la mesure où le site en cause peut très rapidement offrir le même service en utilisant une autre adresse ou un autre nom de domaine. Cela pose un véritable problème d’effectivité de la décision de justice, puisque ces nouveaux sites, aux contenus identiques, ne peuvent pas être bloqués ou déréférencés en dehors d’une nouvelle intervention d’un juge.

Prenant appui sur l’article 6 de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, le présent projet de loi confie le pouvoir à l’ARCOM, saisie à cet effet par les titulaires de droits, de demander le blocage ou le déréférencement des sites miroirs identifiés, sur le fondement de la décision de justice initiale[122].

Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement demandé, l’autorité judiciaire pourrait être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces contenus.

Enfin, l’article 22 du projet de loi prévoit que la mise oeuvre de la décision judiciaire initiale de blocage ou filtrage puisse se faire par voie d’accord entre les ayants droit et les FAI[123]. L’ARCOM serait chargée de faciliter de telles initiatives en élaborant des accords-types.

3.2.4.   La régulation et la veille dans le domaine des mesures techniques de protection

Le projet de loi prévoit la possibilité pour l’ARCOM, soit d’office soit à la demande des organismes agréés, de recueillir toute information et document utiles notamment auprès des éditeurs et de la BnF. Sur la base des éléments recueillis, elle pourra intervenir notamment par le biais de recommandations sur les bonnes pratiques et, le cas échéant, mettre en demeure les éditeurs de respecter leurs obligations prévues au 2° l’article L. 122-5-1 du CPI.

L’Autorité ayant connaissance de difficultés dans la mise en œuvre de cette exception pourra – de manière autonome – mettre en demeure un éditeur récalcitrant.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

L’article 22 du projet de loi modifie les dispositions du Titre 3 du Livre troisième de la première partie du Code de la propriété qui définissent les différentes missions de la HADOPI. Sont notamment insérées de nouvelles dispositions visant à renforcer les outils mis à disposition de l’ARCOM afin d’œuvrer plus efficacement en faveur de la protection des droits d’auteur et des droits voisins sur Internet.

Les articles 24 à 26 du projet de loi tirent par ailleurs les conséquences de la fusion du CSA et de la HADOPI et modifient les articles 411-2 du Code du cinéma et de l’image animée, l’article 34-1 du code des postes et des communications électroniques et l’article 6-I de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui font mention de la Haute Autorité.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Le développement de l’offre légale et l’observation des usages licites et illicites

Un meilleur référencement des offres légales doit permettre de conforter le développement de la consommation légale et de combattre le manque à gagner lié à la consommation illégale de contenus sur Internet.

A titre d’exemple, le marché de la vidéo à la demande par abonnement atteignait 249 millions d’euros en 2017, en progression de 91 % sur un an. Il a été multiplié par neuf depuis 2012, avec une croissance très marquée à compter de 2015, et représente désormais plus de la moitié du marché total de la vidéo à la demande (51 %)[124]. Selon une étude réalisée par l’IDATE pour le CSA, les recettes de vidéo à la demande par abonnement s’élèveraient à 409 millions d’euros en France en 2021[125].

Le marché français reste néanmoins moins développé que ceux d’autres pays européens, en poids économique comme en pénétration. Parmi les facteurs explicatifs de cet état de fait figure, notamment, le niveau élevé de piratage (en 2015, on recensait 13 millions de consommateurs pirates en France, soit 27% de la population internaute pour un manque à gagner estimé à 1,35 milliard d’euros pour l’ensemble des acteurs)[126].

4.2.2.   La protection des œuvres et objets protégés

Le projet de loi devrait permettre de combler le manque à gagner pour les industries culturelles et l’État causé par le piratage.

La seconde étude publiée en juin 2018 par l’institut EY sur le piratage de contenus audiovisuels en France estime que le piratage représente sur une année environ 2 000 emplois directs de perdus dans la filière audiovisuelle, compte tenu d’une relative élasticité du marché. Sur une durée plus longue il a entraîné un bouleversement de la chaîne de valeur et des pertes plus conséquentes.

Une lutte efficace contre le marché de l’illégal permettrait la création de plus de 2 000 emplois directs sur l’ensemble de la chaîne de valeur audiovisuelle.

4.2.3.   La régulation et la veille dans le domaine des mesures techniques de protection

Le projet de loi ne crée pas pour les éditeurs de contraintes supplémentaires par rapport à celles qui pèsent sur eux depuis 2006.

Le projet de loi devrait en revanche mieux garantir pour les 60 structures adaptatrices agréées la mise à disposition des fichiers numériques des livres par les éditeurs en vue de leur adaptation et, ce faisant, permettra de mieux répondre aux besoins des personnes en situation de handicap[127].

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

L’article 73 du projet de loi précise que la fusion de l’ARCOM et du CSA sera effective en janvier 2021. C’est à cette date que les propositions présentées ci avant entreront en vigueur.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et dans les îles Wallis-et-Futuna.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.


Article 23 : lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct

 

1.     État des lieux

Le piratage concerne aujourd’hui non seulement les contenus culturels mais aussi, et de manière très substantielle, les retransmissions de manifestations sportives en direct.

En 2018, le nombre d’internautes pirates utilisant les services de streaming (via des sites illicites ou via les réseaux sociaux) à des fins de visionnage de manifestations sportives a ainsi atteint un record avec en moyenne sur les 4 premiers mois de l’année plus de 11 millions d’utilisateurs[128].

Au second semestre 2018, les données d’audience recueillies par Médiamétrie font apparaître que chaque mois ce sont entre 1,4 et 2 millions d’internautes qui consultent les principaux sites de live-streaming sportif. Cette tendance est marquée par une saisonnalité plutôt importante, les mois avec les audiences les plus faibles étant ceux où toutes les compétitions ne sont pas disputées (la Ligue des Champions et la Ligue 1 s’interrompent en décembre et janvier) et les trois mois de compétitions de septembre à novembre ont tous des audiences supérieures à 1,7 millions d’internautes illicites.

Le football concentre la majorité de la consommation illégale de contenus sur le protocole de live-streaming. La compétition la plus affectée, selon les chiffres fournis par l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) et Médiamétrie, est la Ligue des Champions de l’UEFA. En 2018, chaque journée était regardée illégalement par 677 000 internautes en France, avec jusqu’à près de 400 000 spectateurs pour les plus grosses affiches. Cette tendance semble à la hausse, car au cours du premier semestre 2019, toujours selon l’ALPA, deux matchs de Ligue 1 ont connu des audiences supérieures à 500 000 spectateurs illicites.

Même si la grande majorité de la consommation correspond à des contenus de football, d’autres sports sont régulièrement concernés. L’étude précitée indique que la formule 1 et le top 14 de rugby (championnat de France de Rugby à XV) sont visionnés en moyenne par 174 000 et 144 000 spectateurs illicites.

En 2019 l’étude sur « La consommation illicite de programmes TV en direct » réalisée par la HADOPI a fait apparaître que 17 % des internautes français de 15 ans et plus regardaient des retransmissions sportives en direct (live-streaming)[129]. Leur usage est marqué par une fréquence plutôt importante, 52 % d’entre eux le faisant au moins trois fois par semaine, mais aussi par une relative récence car si 39 % des « live-streamers » ont commencé avant 2017, près de la moitié (46 %) a commencé en 2018, soit moins d’un an.

Ces internautes ont un profil jeune, 53 % a moins de 35 ans, masculin (67 %) et CSP+ (44 %). C’est également un profil plus consommateur y compris d’offre légale, car plus du tiers d’entre eux ont accès à un abonnement de télévision payante (69 %) ou de vidéo à la demande (72 %).

L’offre illicite de contenus sportifs sur les services de streaming cannibalise aujourd’hui l’offre légale. Selon l’étude de la HADOPI sur « La consommation illicite de programmes TV en direct », 45 % des consommateurs de contenus sportifs en live-streaming illicite ont déclaré s’être désabonnés d’une offre légale.

Mécaniquement, ces pratiques ont un impact économique important sur les acteurs de la filière, même si le manque à gagner n’a pas encore été estimé officiellement. La société Canal Plus estimait néanmoins en 2016 que le piratage lui aurait déjà fait perdre plus de 500 000 abonnés, soit un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros[130].

2.     Nécessité de légiférer et objectif poursuivi

2.1.    NECESSITE DE LEGIFERER

La lutte contre le piratage des contenus sportifs pose deux problématiques spécifiques tenant, d’une part, à l’identification des fondements juridiques susceptibles de légitimer les procédures à l’encontre des sites illicites et, d’autre part, à l’adéquation des procédures de blocage existantes aux enjeux spécifiques posés par le piratage de contenus sportifs.

Deux dispositions offrent aujourd’hui un fondement à la protection des manifestations sportives.

Les contenus sportifs relèvent tout d’abord de l’article L. 333-1 du Code du sport qui précise que les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent.

Ce droit de propriété adopte la forme d’un monopole d’exploitation, y compris sur l’image des manifestations, et s’apparente très largement à un droit voisin, avec l’originalité de ne pas être inscrit au Code de la propriété intellectuelle.

Il importe toutefois de relever que ce droit d’exploitation audiovisuelle comporte diverses limites, dont l’une tient à l’absence de protection pénale spécifique.

Les contenus sportifs peuvent également être protégés au titre de l’article L. 216-1 du CPI qui consacre le droit pour les entreprises de communication audiovisuelle d’autoriser la reproduction de leurs « programmes », ainsi que leur mise à la disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion ou leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée[131].

La possibilité pour les chaînes de télévision de s’appuyer sur ce droit voisin afin de lutter contre la diffusion illicite de programmes sportifs ne paraît pas pleinement satisfaisante, notamment en ce qu’elle ne permet pas d’appréhender la diffusion de contenus sportifs provenant de la captation de signaux de radiodiffuseurs établis hors de France. Les radiodiffuseurs ne peuvent en effet agir que pour l’utilisation de leurs programmes propres et non à l’égard de la diffusion d’un même évènement par des radiodiffuseurs d’autres pays.

En l’état, aucun de ces fondements juridiques ne semble pouvoir à lui seul fonder un dispositif complet et efficace de lutte contre la contrefaçon. Un tel dispositif semble devoir combiner et articuler ces différents fondements.

Par ailleurs, les organisateurs de manifestations sportives et les chaînes de télévision ne peuvent s’appuyer sur aucune procédure judiciaire spécifique pour obtenir directement des Fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou des moteurs de recherche des mesures de blocage et de déréférencement en cas de piratage de leurs contenus sportifs.

Les organisateurs de manifestations sportives peuvent fonder leurs actions sur les règles du droit commun (article 6-I 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et l’article 1386 du code civil), tandis que les chaînes de télévision peuvent agir sur le fondement de l’article L. 336-2 du CPI.

Ces procédures ne s’avèrent toutefois pas satisfaisantes eu égard à la spécificité du piratage des contenus sportifs et à l’urgence inhérente aux retransmissions audiovisuelles en direct de manifestations sportives.

Le piratage des contenus sportifs présente donc des particularités importantes qui imposent de concevoir des outils spécifiques.

Les contenus sportifs sont tout d’abord des évènements ponctuels qui impliquent une diffusion répétée sur une période bien délimitée pouvant toutefois durer de quelques jours à quelques mois.

Les modalités de lutte contre le piratage sportif doivent intégrer cette particularité et permettre la mise en œuvre de mesures visant non seulement une manifestation sportive isolée (un match de football ou de tennis) mais aussi, et surtout, le championnat dans le cadre duquel s’inscrit cette manifestation (la ligue 1 de football ou le tournoi de Roland Garros).

Au Royaume-Uni, la justice a ainsi accédé en mars 2017 à la demande de la Football Association Premier League (FAPL) aux fins d’obtention (jusqu’en mai 2017), en temps réel et de manière récurrente dans le temps pendant une saison, de mesures de blocage de serveurs diffusant illicitement leurs rencontres sportives, pour la durée du match uniquement. À la suite de cette décision, qui a permis le blocage de 5 000 adresses IP, la FAPL a intenté une nouvelle action et obtenu une injonction similaire pour la saison 2017/2018 et, en juillet 2018, pour la saison 2018/2019.

Par ailleurs, à la différence des contenus culturels, les contenus sportifs ont une valeur assez éphémère limitée à la durée de l’évènement lui-même. Dans ces conditions, toute diffusion illicite en direct (live streaming) cause un préjudice instantané. À chaque minute de diffusion, l’évènement perd de sa valeur.

2.2.    OBJECTIFS POURSUIVIS

Il s’agit de permettre d’obtenir le blocage immédiat et en amont d’un ou plusieurs sites ou services susceptible de diffuser une manifestation sportive en direct.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    OPTIONS POSSIBLES

Une première option consisterait à mobiliser l’ensemble des dispositifs, tels que modifiés par l’article 22 du présent projet de loi, visant à remédier aux violations du droit d’auteur :

– l’approche ayant pour objet d’assécher les ressources financières des sites contrefaisants (approche dite « Follow the money »). Il s’agirait dès lors d’assécher les revenus des sites et services proposant des contenus en live streaming ou donnant accès à des tels contenus ;

– les actions en blocage et en déréférencement à l’encontre des FAI et des moteurs de recherche, fondées sur l’article L. 336-2 du CPI ;

– les procédures visant à lutter contre les pratiques de contournement des mesures prononcées par le juge (« sites miroirs »).

De telles procédures ne permettent toutefois pas la mise en œuvre de mesures suffisamment préventives et dynamiques pour répondre aux enjeux de protection des manifestations sportives susmentionnés (cf. valeur éphémère des compétitions et répétition des atteintes dans le temps).

Une seconde option consisterait à consacrer une action en blocage ad hoc permettant la prévention de nouvelle atteintes, qui sont de deux ordres : d’une part, lutter contre les sites miroirs qui contournent une première décision de justice ; d’autre part, disposer d’un dispositif global (ou cadre) de protection s’appliquant pour l’ensemble d’une saison ou d’une compétition, évitant ainsi aux titulaires de droits de devoir introduire un nouveau recours contentieux chaque semaine.

Une telle option, dont le caractère préventif est très prononcé, devrait être accompagnée d’un certain nombre de garanties.

3.2.    DISPOSITIF RETENU

La solution retenue s’inspire des dispositifs existants (notamment de l’article L. 336-2 du CPI) qui permettent à un juge d’enjoindre à un intermédiaire technique de bloquer l’accès à un site ou à un service de streaming (services de communication au public en ligne) ou de déréférencer un tel site.

Elle innove néanmoins afin de tenir compte à la fois de l’urgence inhérente aux retransmissions audiovisuelles en direct de manifestations sportives et de la nécessaire actualisation des mesures de blocage et déréférencement.

L’article 23 du projet de loi octroie à tout titulaire d’un droit de retransmission d’une compétition ou d’une manifestation sportive, que ce soit sur le fondement de l’article L. 333-1 du code du sport, de l’article L. 216-1 du CPI ou d’un contrat d’exclusivité, la possibilité de saisir le juge afin d’obtenir une mesure de blocage ou de déréférencement d’un site dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives.

Le juge pourra alors ordonner, au besoin sous astreinte, la mise en œuvre de mesures de blocage ou de déréférencement de sites internet identifiés pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, dans la limite d’une durée de deux mois.

Dans le délai fixé par le juge pour la mise en œuvre de ces mesures, les titulaires de droits pourront engager une nouvelle action s’ils constatent qu’il continue d’être porté atteinte à leurs droits sur les sites internet identifiés dans la décision initiale du juge ou sur d’autres sites. Le juge pourra alors prononcer, pour une durée maximale de neuf mois, des mesures de blocage ou de déréférencement à l’encontre de tout site dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives, ou qui donne accès illicitement à la compétition ou manifestation sportive.

Il appartiendra aux titulaires de droits concernés de communiquer aux FAI ou aux moteurs de recherche les données d’identification des sites concernés.

Les titulaires de droits concernés et les FAI sont, enfin, incités à conclure des accords visant à garantir l’effectivité de la décision rendue par le juge.

4.     Analyse des impacts et des dispositions envisagées

4.1.    IMPACT JURIDIQUE

L’article 23 du projet de loi prévoit d’insérer un nouvel article L. 333-10 dans le code du sport. Cette disposition s’insère dans une nouvelle section consacrée à la « Lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives ».

Il n’est pas proposé d’intégrer ces nouvelles dispositions dans l’article L. 331-1 du code du sport dans la mesure où celui-ci se rapporte uniquement au droit de communication audiovisuelle, tandis que la nouvelle voie de droit créée couvre également le droit voisin des organismes de radiodiffusion et les accords d’exclusivité.

4.2.    IMPACT ECONOMIQUE

Lutter contre le piratage permettrait de réduire les pertes de recettes pour les acteurs du sport professionnel, et par voie de conséquence, du sport amateur, dont le financement repose en effet en bonne partie sur les recettes du sport professionnel. A son tour,, le financement d’une partie du sport amateur par l’écosystème sportif lui-même permettrait aux acteurs publics de réaliser des économies substantielles.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    CONSULTATIONS MENÉES

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

.

5.2.    MODALITÉS D’APPLICATION

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions seront applicables dès l’entrée en vigueur de la loi.

5.2.2.   Application dans l’espace

La disposition s’applique sur l’ensemble du territoire national.

 


Articles 27 et 28 : reprise par l’ARCOM des missions de la HADOPI et mission générale de l’ARCOM en matière de propriété littéraire et artistique

 

1.     État des lieux

Comme expliqué précédemment dans l’étude d’impact, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) sont deux autorités publiques indépendantes chargées d’appliquer deux corpus normatifs pour l’essentiel distincts :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le CSA étant chargé de garantir l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique ;

- le code de la propriété intellectuelle (CPI) pour la HADOPI, en charge notamment, aux termes de l’article L. 331-13, d’une mission de protection des droits d'auteur et des droits voisins contre les atteintes qui y sont portées sur les réseaux de communications électroniques.

Ces deux sources normatives déterminent le champ de compétences et les pouvoirs respectifs des deux autorités de régulation.

Chaque autorité rend compte dans son rapport annuel de l’exercice de ses missions respectives : au titre de l’article L. 331-14 du CPI pour la HADOPI, au titre de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 pour le CSA. La remise de ces rapports est aujourd’hui encadrée par l’article 21 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 selon lequel : « Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante adresse chaque année, avant le 1er juin, au Gouvernement et au Parlement un rapport d'activité rendant compte de l'exercice de ses missions et de ses moyens. »

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Le projet de loi fusionne le CSA et la HADOPI au sein de la nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).

Cette fusion implique donc des modifications du CPI et de la loi du 30 septembre 1986, afin d’y inscrire les compétences futures de l’ARCOM. Par ailleurs, les missions de la future autorité de régulation, s’agissant du respect de la propriété littéraire et artistique dans le secteur de la communication audiovisuelle et numérique, seront également précisées.

2.2.    Objectifs poursuivis

Il s’agit de définir les compétences de l’ARCOM en cohérence avec les missions précédemment confiées au CSA et à la HADOPI, mais également de préciser ses missions s’agissant du respect de la propriété littéraire et artistique.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Il aurait pu être envisagé de transférer l’ensemble des dispositions du CPI relatives à laHADOPI dans la loi du 30 septembre 1986 afin d’assurer une meilleure accessibilité du cadre juridique applicable aux secteurs que l’ARCOM sera amenée à réguler.

Cette option n’a pas été retenue compte tenu de la spécificité des missions qui incombent aujourd’hui à la HADOPI et demain à l’ARCOM : les dispositions en cause ont et conserveront leur place naturelle au sein du code de la propriété intellectuelle.

En outre, il existe déjà au sein du CPI un mécanisme de renvoi à la compétence du CSA s’agissant d’une part des mesures techniques de protection mises en œuvre par les éditeurs et distributeurs de services de télévision et d’autre part de la mise à disposition par les distributeurs de services de radio ou de télévision de services de stockage[132].

3.2.    Dispositif retenu

Il a donc été décidé de conserver au sein du CPI la détermination des missions que l’ARCOM assurera demain. Toutefois, il apparaît plus pertinent de ne conserver qu’une seule mention de l’existence d’un rapport annuel et de modifier à cette fin les dispositions de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986.

Par ailleurs, dans le cadre de la fusion entre le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), les missions de l’instance de régulation audiovisuelle sont élargies à la protection du droit d’auteur contre les atteintes à ce droit commises sur les réseaux de communications électroniques.

En outre, dans le cadre de la réforme du régime de contribution à la production des éditeurs de services, il est prévu que l’ARCOM ne prenne pas en compte des investissements d’un éditeur dans une œuvre, dans l’hypothèse où le contrat portant sur cette œuvre ne respecterait pas le droit d’auteur.

Pour ces raisons, il apparaît opportun de compléter les missions de l’autorité publique indépendante énoncées à l’article 3-2, pour affirmer clairement  qu’elle veille au respect de la propriété littéraire et artistique dans le secteur audiovisuel et numérique.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La mesure se traduit par :

- l’insertion d’un nouvel article 3-2 au sein de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit que l’ARCOM assure les missions prévues à l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle et veille au  respect de la propriété littéraire et artistique dans le secteur audiovisuel et numérique ;

- l’ajout au sein de la liste des items sur lesquels doit porter le rapport annuel de l’ARCOM prévu à l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986 des items relatifs au bilan de la mise en œuvres des missions qui lui confiées par le CPI.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


Articles 29, 30, 34, 74 et 75 : composition de l’ARCOM

 

1.     État des lieux

1.1.    Composition du Conseil supérieur de l'audiovisuel, mode de désignation et statut de ses membres

Les règles relatives à la composition et au statut des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sont déterminées par les articles 4 et 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sans préjudice des règles générales posées par la loi n° 17-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

Le CSA comprend aujourd’hui sept membres nommés pour six ans par décret. A l’exception de son président, ils sont renouvelés par tiers tous les deux ans.

Leur mandat n’est ni révocable, ni renouvelable (sauf en cas de remplacement d’un membre avant le terme normal de son mandat, si la durée restant à courir est inférieure à deux ans).

Trois membres sont désignés par le Président de l'Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat.

Depuis la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, ces nominations ne sont plus le seul fait des présidents des chambres, mais sont soumises à un avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le président du CSA est nommé par le Président de la République pour la durée de ses fonctions de membre du conseil.

Depuis la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le mode de nomination du président du CSA a été modifié. En effet, par application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le président du CSA est nommé par le Président de la République après avis public de la commission chargée des affaires culturelles de chaque assemblée et sous réserve de l'absence d'opposition à la majorité des trois cinquièmes des membres de chaque commission. La loi du 15 novembre 2013 a également réduit le nombre de membres du CSA de neuf à sept.

Enfin, l’ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes a prévu un dispositif précis permettant le respect de la parité à chaque renouvellement de membres.

1.2.    Composition de la hadopi, mode de désignation et statut de ses membres

La loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information a transposé la directive 2001/29 (cf. ci-dessus, 2.2.3), en introduisant dans le code de la propriété intellectuelle (CPI) des dispositions définissant les mesures techniques de protection et les mesures techniques d’information. Elle avait créé une AAI, l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) que la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, a remplacée par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI).

Au titre de l’article L. 331-15 et L 331-16 du CPI, la Haute Autorité est composée d'un collège et d'une commission de protection des droits. Le collège de la Haute Autorité est composé de neuf membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :

« 1° Un membre en activité du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;

2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

4° Un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique désigné par le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ;

5° Trois personnalités qualifiées, désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture ;

6° Deux personnalités qualifiées, désignées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat.

Pour les membres désignés en application des 1° à 4°, des membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. Le président du collège est le président de la Haute Autorité. Il est élu par les membres parmi les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3°. »

La commission de protection des droits (CPD) est composée, au titre de l’article L 331.17 du CPI, de trois membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :

« 1° Un membre en activité du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;

2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Des membres suppléants sont nommés dans les mêmes conditions. »

La commission de protection des droits est chargée de mettre en œuvre la procédure dite de « réponse graduée », prévue par les articles L.331-25 et suivants du CPI.

Les fonctions de membre du collège et de membre de la commission de protection des droits sont incompatibles.

Dans l'exercice de leurs attributions, les membres du collège et de la commission de protection des droits ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.

1.3.    Composition de l’arcep, mode de désignation et statut de ses membres

Au titre de l’article L-130 du CPCE, tel qu’il résulte des modifications apportées par l’article 34 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, « l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes est une autorité administrative indépendante composée de sept membres nommés en raison de leur qualification économique, juridique et technique, dans les domaines des communications électroniques, des postes et de l'économie des territoires pour un mandat de six ans. Le président est nommé par décret du Président de la République. Deux membres sont nommés par décret du Président de la République. Deux membres sont nommés par le Président de l'Assemblée nationale et deux par le Président du Sénat. ».

L’ARCEP réunie en formation plénière est composée de sept membres et délibère sur l'ensemble des décisions et avis, à l'exception des décisions pour lesquelles la loi a expressément prévu que l'une ou l'autre des autres formations de l'Autorité était compétente (décisions adoptées au titre des articles L. 5-3, L. 5-4, L. 5-5, L.5-9, L. 32-4, L. 36-8 et L. 36-11 du CPCE).

L’ARCEP se réunit également en formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction (formation « RDPI »). Cette dernière est composée de quatre membres, dont le président de l'Autorité. Elle statue sur les décisions en matière d'enquête et de règlement des différends ainsi que sur les décisions ayant trait à l'exercice des poursuites dans le cadre de la procédure de sanction - ouverture, mise en demeure, notification des griefs (décisions adoptées au titre des I et II de l'article L. 5-3, des articles L. 5-4, L. 5-5, L. 5 9, L. 32-4 et L. 36-8 et des I, II et IV de l'article L. 36-11 du CPCE).

Par ailleurs, l’ARCEP siège en formation restreinte pour prononcer les sanctions dans les conditions prévues aux articles L. 5-3 et L. 36-11 du CPCE. Cette formation restreinte est composée des trois membres les plus récemment nommés à l'Autorité à la date de la séance réunie pour prononcer la sanction, à l'exception du président de l'Autorité.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

La composition et les règles de désignation des membres du CSA et de la HADOPI sont très différentes. La fusion de ces deux autorités au sein de l’ARCOM impose donc au législateur de préciser la composition ainsi que les règles de nomination des membres de la nouvelle autorité. Par ailleurs, la création d’un membre commun entre l’ARCOM et l’ARCEP suppose de modifier la composition ainsi que les règles de nomination des membres des deux instances.

2.2.    Objectifs poursuivis

Il convient de modifier les compétences ou les expériences requises des membres du collège de l’ARCOM pour inclure des éléments correspondant aux missions exercées jusqu’à présent par le CSA et la HADOPI et de préciser les modalités de nomination des membres communs à l’ARCOM et à l’ARCEP.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Le nombre de membres du collège

3.1.1.   L’augmentation du nombre de membres pour tenir compte de l’élargissement des compétences

Il aurait été possible de nommer deux membres supplémentaires, le premier destiné à exercer les fonctions de la Commission de protection des droits (CPD), le second commun avec l’ARCEP.

Mais les objectifs de la loi du 15 novembre 2013 qui avait diminué le nombre de membres de neuf à sept restent valables : il s’agissait de la cohérence de l'action du régulateur audiovisuel et de contribuer à une plus grande cohésion du collège.

Le nombre des membres du CSA et de l’ARCEP, qui exercent tous leurs mandats à plein temps, est en effet élevé tant au regard des autres autorités administratives indépendantes (AAI) ou autorités publiques indépendantes (API) françaises que des exemples étrangers. Leurs 14 membres cumulés représentent le tiers de l’effectif des membres à plein temps de l’ensemble des 26 AAI ou API françaises[133].

L’augmentation du nombre de membres de l’ARCOM n’a donc pas été retenue.

3.1.2.   Option retenue

L’article 29 du projet de loi précise que l’ARCOM comprend sept membres nommés par décret. 

Deux membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et deux membres par le Président du Sénat.

Le projet de loi vise à consolider la légitimité de l’expertise et de la compétence de ces membres face aux acteurs de l’économie numérique et de l’audiovisuel. Ces membres sont ainsi désignés en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel ou des communications électroniques, après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles au sein de chaque assemblée.

Le président est nommé par le Président de la République pour la durée de ses fonctions de membre de l’autorité. En cas d’empêchement du président, pour quelque cause que ce soit, la présidence est assurée par le membre de l’autorité le plus âgé hors le membre désigné par l’ARCEP.

3.2.    L’exercice des missions actuellement confiées à la CPD

3.2.1.   Le maintien d’une commission chargée de la réponse graduée au sein de l’ARCOM

Face à l’explosion du piratage sur les réseaux numériques de contenus soumis à propriété intellectuelle, face auquel la justice était impuissante[134], et auquel les mesures techniques de protection ne répondaient qu’imparfaitement, le législateur avait confié à la HADOPI le pouvoir de mettre en œuvre une procédure dite de « réponse graduée » pouvant aboutir au prononcé d’une suspension temporaire de l’accès à internet. Ce rôle était plus précisément confié à la commission de protection des droits (CPD), composée au titre de l’article L. 331-17 du CPI « de trois membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :1° Un membre en activité du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ; 2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ; 3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes » et de membres suppléants nommés dans les mêmes conditions, tandis que les autres missions de l’Hadopi sont exercées par un collège composé de trois membres des mêmes juridictions, d’un membre du conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et de cinq personnalités qualifiées[135].

La création d’une instance distincte répondait à la préoccupation, au regard de la sensibilité des atteintes à la vie privée et à la liberté de communication induites par la procédure de réponse graduée, de confier ces missions à trois personnes exerçant des fonctions juridictionnelles, et présentant à ce titre des compétences et des garanties d’indépendance particulière. Elle traduisait également la nécessité juridique de garantir l’impartialité de cette commission, s’agissant du choix d’une action plus ou moins répressive et de m’équilibre entre la défense des libertés individuelles et celle de la protection des ayants-droit.

Cependant, la sanction de suspension temporaire de l’accès à internet a été censurée par le Conseil constitutionnel[136], qui a estimé, compte tenu des conditions dans lesquelles elle était envisagée, que ce pouvoir ne pouvait être attribué qu’à un juge. Cette sanction administrative a donc été remplacée par une contravention de « négligence caractérisée » prononcée à l’égard des personnes qui récidivent, en ne prévenant pas le renouvellement de l’utilisation de leur accès internet en violation des droits d'auteur et des droits voisins, malgré une recommandation adressée dans l'année précédant la récidive par la CPD[137]. Cette contravention est sanctionnée par des peines prononcées par un juge, sur saisine du procureur auquel la CPD transmet le dossier : une amende de 5ème classe, assortie le cas échéant d’une peine complémentaire de suspension d’accès à internet. Cette dernière peine n'a été prononcée qu'une fois, avant d’être supprimée par le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013.

La CPD n’est donc plus une instance de sanction ni même de poursuite, ces compétences ayant été transférées respectivement au juge et au procureur, mais une commission d’instruction. La séparation des organes de décision n’est, depuis la suppression de ces compétences, plus justifiée par aucune raison juridique. D’un point de vue politique, on peut estimer que la transmission au procureur pour le prononcé d’une amende ne revêt pas la même sensibilité que le pouvoir de prononcer directement la suspension de l’accès à internet.

Au final, le maintien d’une commission distincte du collège des membres de l’ARCOM pour exercer les compétences relatives à la réponse graduée actuellement dévolues à la CPD est possible. Mais cette séparation n’est imposée par aucune exigence constitutionnelle, dans la mesure où cette autorité ne prononce pas de sanctions, alors qu’elle contribue à un cloisonnement entre les services, à une perte d’efficacité et d’efficience.

3.2.2.   Une personnalité qualifiée indépendante

Une autre option aurait consisté à attribuer ces fonctions à une personnalité qualifiée indépendante, non permanente, selon un schéma comparable à celui du rapporteur indépendant chargé des poursuites et des sanctions devant le CSA, nommé par le vice-président du Conseil d’Etat. Cependant, l’indépendance de ce dernier est justifiée par les exigences de séparation des poursuites et des sanctions, qui ne s’appliqueraient pas en l’espèce.

3.2.3.   Un membre ou groupe de membres de l’ARCOM choisi par elle

Aujourd’hui, le CSA, autorité collégiale, détermine son mode de fonctionnement et ceux de ses membres qui seront responsables plus particulièrement de tel ou tel secteur ou compétence. Il aurait été possible de faire de même pour l’exercice des mesures prévues par l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle. Il est cependant important que la ou les personnes exerçant les missions de protection des droits présentent des garanties particulières de compétence, d’indépendance et d’impartialité pour traiter une procédure pré-pénale.

3.2.4.   Option retenue

Le projet de loi propose de remplacer la commission de protection des droits par une personnalité qualifiée désignée à cet effet comme membre de l’ARCOM par le Président de la République sur une liste de trois membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes.

3.3.    Articulation avec l’ARCEP

3.3.1.   Une fusion entre le CSA et l’ARCEP

a) La fusion entre le CSA et l’ARCEP a été étudiée à plusieurs reprises par le passé et a toujours  été écartée[138]. Au mois de mars 2019, en vue de la préparation du projet de loi, une mission a été confiée à MM. J.Y. Ollier et G. Beauvallet afin de disposer d’éléments sur le rapprochement institutionnel de trois autorités indépendantes du numérique – le CSA, l’HADOPI et l’ARCEP – ainsi que, dans un deuxième temps, d’un éclairage prospectif sur l’évolution de la régulation du numérique.

Il apparaît qu’une fusion du CSA et de l’ARCEP entrainerait des bénéfices incontestables :

         une gestion plus coopérative du spectre, dépassant la propension de chaque régulateur à défendre le secteur dont il a la charge, sous réserve de la compétence de répartition des fréquences dévolue au Premier ministre[139] ;

         un programme de travail et des mécanismes de décision communs (réunion conjointe des deux collèges, règlement des différends) ou coordonnés (participations croisées entre les collèges), qui contribuent à une plus grande cohérence des régulations mises en œuvre, au service d’objectifs partiellement communs et donc à une plus grande sécurité juridique pour les acteurs ;

         des synergies opérationnelles, grâce à la mutualisation de fonctions qui se trouvent à la charnière des compétences des deux autorités, mobilisent les mêmes compétences-clés (compétences juridiques, économiques et techniques liées au numérique) ;

         une gamme plus étendue de pouvoirs à l’égard des acteurs du numérique pour mettre en œuvre une régulation plus efficace que dans un cadre fragmenté, alors que l’intégration verticale des acteurs du numérique va croissant, et que la collaboration des moteurs de recherche et des FAI est indispensable à la lutte contre les contenus illicites ;

         la possibilité d’exprimer une vision française des enjeux, des objectifs et des outils de la régulation des communications et du numérique avec plus de force dans les négociations du futur cadre juridique européens et international, et à l’égard d’acteurs internationaux, à l’image de la FCC ou de l’Ofcom ;

         la réduction du nombre de membres permanents des collèges et la mutualisation de certains fonctions support (ressources humaines, finances, communication, immobilier) pourraient entrainer quelques économies.

Mais les risques présentés par ce scénario l’emportent sur les avantages :

         l’internalisation d’arbitrages par le régulateur, avec un risque d’affaiblissement progressif des principes de la neutralité du net qui pourrait conduire à un déséquilibre défavorable à la liberté d’expression ;

         le risque de faire émerger un régulateur indépendant trop puissant, face à des administrations centrales manquant de ressources et dessaisies de compétences essentielles, et en lui permettant d’internaliser des arbitrages qui relèvent des autorités politiques. Cela pourrait exposer les entreprises régulées à un risque d’arbitraire, réel ou perçu, dans l’exercice de compétences insuffisamment encadrées. Il faut noter que M. David Cameron, à son arrivée comme Premier ministre du Royaume-Uni, avait décidé de retirer à l’OFCOM une partie de ses pouvoirs réglementaires et de conception stratégiques ;

         les champs d’action différents propres (pluralisme, régulation des contenus, rapports producteurs-éditeurs pour le CSA) et le corpus juridiques restent distincts au niveau européen comme au niveau national (CPCE et loi du 30 septembre 1986, Paquet Télécom et directive SMA), ce qui limite les synergies attendues d’une telle fusion, voire laisse courir le risque d’une spécialisation interne qui reproduirait la distinction actuelle au sein d’une entité unique ;

         une fusion entre deux autorités à la culture et au mode de fonctionnement exige une adhésion des personnels à un long travail de rapprochement ; la naissance de l’OFCOM avait été préparée par une très longue période de préfiguration (près de trois ans, donc un an d’existence sans compétences pour préparer l’entrée en fonctions) ; en outre il s’agirait ici de mettre en œuvre des compétences nouvelles pour lesquelles aucune autorité n’a d’expérience, ce qui risquerait de s’avérer plus long et délicat ; or les deux organisations sont aujourd’hui réticentes à une fusion qui pourrait les conduire à le priver de substance, alors que sa mise en œuvre repose sur une large part sur leur initiative et leur organisation interne ;

         le processus de fusion nécessiterait une mobilisation importante des deux autorités qui risquerait de les absorber entièrement alors qu’elles doivent, toutes deux, relever d’importants défis de transformation ; par exemple pour l’ARCEP le suivi du « new deal » visant à la couverture du territoire en THD ainsi que l’intégration projetée de la régulation de la distribution de la presse.

Compte tenu de ces risques, cette fusion a une nouvelle fois été écartée dans le cadre du présent projet de loi.

3.3.2.   Dispositf retenu 

La solution retenue propose plutôt d’organiser des rapprochements entre le CSA et l’ARCEP tout en conservant distinctes les deux autorités, par le recours à trois mesures :  

- la désignation par chaque autorité d’un de leurs membres pour siéger au collège de l’autre ;

- la mise en place d’une instance commune de règlement des différends entre ces deux autorités qui sera notamment compétente, en lieu et place de chacune des autorités, pour statuer sur les différends dont l’objet justifie un traitement conjoint, notamment ceux qui sont susceptibles de mettre en cause les principes auxquelles l’une et l’autre sont chargées de veiller ;

- la possibilité pour les collèges de l’ARCOM et l’ARCEP de se réunir sur décision conjointe de leurs présidents lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie ;

- la création d’un service administratif de l’Etat d’appui et d’expertise sur les questions de régulation des opérateurs de plateforme en ligne, destiné à toute autorité administrative ou publique indépendante.

Le Gouvernement estime souhaitable que la mise en œuvre de ces mesures s’accompagne en pratique, comme les deux autorités en ont exprimé le souhait, d’une coopération renforcée de leurs actions et réflexions.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La réforme du collège de l’ARCOM implique :

- une modification de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 pour modifier la composition de l’ARCOM (nominations d’un membre de l’ARCEP pour siéger à l’ARCOM et d’un magistrat pour exercer les fonctions de la CPD) ;

- une modification de l’article 5 de la loi du 30 septembre 1986 pour autoriser le membre commun à l’ARCOM et à l’ARCEP à siéger dans les deux autorités.

La réforme du collège de l’ARCEP implique une modification de l’article L.130 du code des postes et des communications électroniques pour modifier la composition de l’ARCEP : nomination d’un membre de l’ARCOM pour siéger à l’ARCEP.

4.2.    Impacts économiques et budgétaires

La meilleure articulation entre l’ARCEP et l’ARCOM aura un effet positif sur les opérateurs du secteur en assurant notamment une plus grande rapidité de traitement d’éventuels différends et une prise en compte de l’ensemble des enjeux du monde de l’audiovisuel et des communications électroniques dans les décisions des deux autorités. La fertilisation croisée de chaque autorité par l’autre renforcera la compréhension du secteur, en mettant les régulateurs dans une position identique à celle de nombreux acteurs du secteur, déjà intégrés.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à titre facultatif, celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

A -   Application dans le temps de la réforme de la composition de l’ARCOM

La réforme de la composition de l’ARCOM a vocation à produire effets à l'occasion des prochains renouvellements du collège de l'instance de régulation, c’est-à-dire au mois de janvier 2021[140] (l’article 74 organisant l’entrée en vigueur différée de l’article 29 à cette date).

Au terme des mandats de M. Nicolas Curien et de Mme Nathalie Sonnac, respectivement désignés par le Président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, deux nouveaux membres seront nommés :

- un membre choisi par le Président de la République sur une liste de trois membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, qui remplira les fonctions de la commission de protection des droits ;

- un membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, choisi par celle-ci parmi les membres de la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction de cette autorité.

Pour la mise en œuvre du principe de renouvellement par moitié tous les trois ans, l’article 74 du projet de loi prévoit également que

- la durée du premier mandat du membre qui remplira les fonctions de la commission de protection des droits sera de sept ans ; 

- la durée des mandats du membre de l’ARCOM qui sera nommé par le président du Sénat et du membre de cette autorité qui sera nommé par le président de l’Assemblée nationale en 2023 sera réduite d’une année.

B -   Application dans le temps de la réforme de la composition de l’ARCEP

La réforme de la composition de l’ARCEP a vocation à produire des effets à l’occasion des prochains renouvellements du collège de l’instance de régulation, c’est-à-dire au mois de janvier 2021 (art 75 organisant l’entrée en vigueur à cette date).

Au terme du mandat de Mme Maya Bacache remplaçant Mme Martine Lombard, membre nommé par le président de l’Assemblée nationale le 7 janvier 2015, le membre qui lui succède est désigné par l’ARCOM.

Au terme du mandat de Mme Monique Liebert-Champagne, membre nommé par le Président de la République le 30 décembre 2016, le membre qui lui succède est désigné par le président de l’Assemblée nationale.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.


 

Articles 31, 32, 33, 39 et 45 : instance commune de règlement des différends entre l’ARCEP et l’ARCOM

 

1.     État des lieux

1.1. Le paysage de la régulation du numérique, en France, est fragmenté entre de nombreux acteurs. La transposition du « paquet télécom »[141] en 2004 a permis ainsi de définir les compétences respectives des régulateurs selon des périmètres qui restent en vigueur aujourd’hui, en confiant la régulation des réseaux et des services de communications électroniques à l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) et celle des services de communication audiovisuelle (télévision et radio) au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Cette nouvelle division n’est cependant pas absolue, le CSA conservant des pouvoirs importants de la régulation des fréquences.

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a renforcé l’imbrication entre les compétences de l’ART (devenue Autorité de régulation des communications électroniques et des postes –ARCEP- en 2005) et celles du gouvernement, des collectivités territoriales et d’autres autorités. A travers le dégroupage de la boucle locale, la régulation des télécommunications a facilité l’émergence et le développement des offres « triple play »[142] des opérateurs de télécommunications, et a largement contribué à structurer le marché audiovisuel français. Parallèlement à ces évolutions, les missions de l’ARCEP se sont beaucoup étendues : régulation du secteur postal en 2005, protection de la neutralité de l’Internet en 2015, loi pour une République numérique en 2016, et aménagement numérique des territoires.

De fait, le CSA et l’ARCEP ont compétence pour régler certains différends entre opérateurs du secteur à la demande de ceux-ci. La loi prévoit une consultation réciproque entre ces autorités lorsque cela est approprié.

Ainsi, l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, introduit par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle  et modifié  par l’article 42 de la loi n°2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision  dispose que : « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l'article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d'un service de radio ou de télévision, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l'offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services.(…) 

Lorsque les faits à l'origine du différend sont susceptibles de restreindre l'offre de services de communications électroniques, le conseil recueille l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui se prononce dans un délai d'un mois. Lorsque ces faits sont susceptibles de constituer une infraction aux dispositions du titre II du livre IV du code de commerce, il saisit l'Autorité de la concurrence. Dans ce cas, le délai prévu au deuxième alinéa est suspendu jusqu'à ce que l'Autorité de la concurrence se soit prononcé sur sa compétence.

L’ordonnance du 24 août 2011 a élargi la compétence de l’ARCEP aux différends concernant « les conditions réciproques techniques et tarifaires d'acheminement du trafic, y compris de gestion » entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne (CPL).

L’article L. 34-8-4 inséré dans le CPCE par l’ordonnance du 24 août 2011 dispose ainsi que : «Sans préjudice de l'article L. 34-8-3, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, après avoir mené une consultation publique conformément au III de l'article L. 32-1 :  « 1° Imposer à un opérateur de faire droit aux demandes raisonnables d'accès aux infrastructures physiques mentionnées au 19° de l'article L. 32 du présent code ou aux câbles que cet opérateur a établis en application du droit de passage sur le domaine public routier ou des servitudes sur les propriétés privées prévus à l'article L. 45-1 ou aux ressources associées ;  « 2° Imposer à toute personne qui a établi ou exploite des lignes de communications électroniques à l'intérieur d'un immeuble de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à ces lignes, émanant d'un opérateur, lorsque leur duplication serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable ; l'accès se fait en un point situé à l'intérieur de l'immeuble ou au premier point de concentration si ce dernier est situé à l'extérieur de l'immeuble.  « L'accès fait l'objet d'une convention, selon le cas, soit entre les opérateurs mentionnés au 1°, soit entre la personne ayant établi ou exploitant les lignes et l'opérateur mentionnés au 2° du présent article. Celle-ci détermine les conditions techniques et financières de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande. Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention prévue au présent article sont soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes conformément à l'article L. 36-8. »

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a précisé ces dispositions dans l’objectif d'assurer le respect de la neutralité de l'internet. L’article L36-8 du code des postes et télécommunications électroniques tel que modifié par l’article 40 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 dispose ainsi que «En cas de refus d'accès ou d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de communications électroniques, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie du différend par l'une des parties.  (…)  Lorsque les faits à l'origine du litige sont susceptibles de restreindre de façon notable l'offre de services de communication audiovisuelle, l'autorité recueille l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel qui se prononce dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat prévu au présent alinéa. »

Le projet de loi relatif à la modernisation et à la distribution de la presse, adopté par le Sénat le 22 mai 2019, prévoit par ailleurs de confier à l’ARCEP un pouvoir de règlement des différends entre les opérateurs de kiosques en ligne et les éditeurs de publications de presse d’information publique et générale.

1.2. La croissance des plateformes numériques, qui deviennent de plus en plus puissantes, ainsi que le développement de nouveaux usages confrontent ce cadre de régulations des communications à de nouveaux défis et rendent de plus en plus nécessaire une coopération rapprochée entre le CSA/ARCOM et l’ARCEP, afin d’appréhender d’une façon mieux articulée et plus cohérente les enjeux se situant à la frontière des périmètres de régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques.

De fait, la compétence de règlement des différends prévue par les textes a été peu utilisée. Depuis une première série de 14 décisions le 5 juin 2007 sur la numérotation des chaînes sur le câble et le satellite, le CSA n’a rendu que 13 décisions en la matière en 15 ans, et une seule depuis 2016[143]. Le conseil d’Etat a annulé quatre de ces décisions[144].

La compétence confiée à l’ARCEP par l’ordonnance du 24 août 2011 et par la loi du 7 octobre 2016 de régler les différends entre opérateurs et services de communication au public en ligne (CPL), en vue notamment d'assurer le respect de la neutralité de l'internet, n’a pas encore été mise en œuvre. Ces différends pourraient notamment concerner les relations entre les fournisseurs d’accès internet (FAI) et les plateformes de vidéo à la demande (VàD) diffusées sur l’internet ouvert ou « over the top » (OTT), qui sont les principaux utilisateurs de la bande passante.[145]

Un différend éventuel entre un service tel que Netflix et un FAI pourrait en l’état du droit relever du CSA (au titre de la qualité d’éditeur de SMAD du premier et s’agissant de la mise en œuvre d’un accord de distribution avec le FAI) comme de l’ARCEP (au titre de sa qualité de fournisseur de CPL et de l’accord d’interconnexion), sans qu’il soit aisé de faire le départ entre les éléments qui conduiraient à l’attribuer à l’une ou l’autre autorité.

En outre, les acteurs économiques peuvent être réticents à se tourner vers l’une ou l’autre autorité pour lui soumettre des différends concernant les relations verticales entre distributeurs, lorsqu’il s’agit d’opérateurs de communications électroniques, et éditeurs. Ils peuvent en effet craindre que chacun de ces régulateurs pris séparément n’ait pas les compétences pour prendre en compte l’ensemble des circonstances économiques et techniques du différend, ou qu’il se révèle partial en faveur du secteur qu’il régule à titre principal.

Rien n’empêche les deux autorités de travailler d’ores et déjà ensemble mais de fait, le CSA n’a sollicité l’avis de l’ARCEP sur des règlements des différends qu’à trois reprises depuis 2006, et le CSA n’a rendu que deux avis à la demande de l’ARCEP.

1.3. Le pouvoir de règlement des différends dont sont dotées le CSA et l’ARCEP leur permet, à la demande des opérateurs, de trancher un litige les opposant, comme le fait classiquement la juridiction civile : le règlement des différends est un outil original d'intervention de l'Administration dans l'économie de marché, distinct de la justice, de la médiation ou encore du pouvoir de sanction dont sont dotées la plupart des autorités de régulation, à travers lequel ces autorités interviennent comme de véritables arbitres. Dans l'exercice du règlement des différends, l'autorité de régulation a pour objectif, au-delà de la résolution d'un litige entre opérateurs d'un même secteur économique régulé, de garantir l'ouverture effective et harmonisée de ce secteur à la concurrence en sanctionnant des pratiques qui peuvent constituer des barrières à l'entrée pour de nouveaux opérateurs sur les marchés concernés.

L’exercice de ce pouvoir exige donc du régulateur qu’il soit doté des compétences permettant d’appréhender l’ensemble des considérations d’ordre public économique, d’ordre juridique, technique et financier propres au secteur et à un litige en particulier.

Or il existe une articulation verticale toujours plus forte entre les marchés de l’audiovisuel et des communications électroniques.

L’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine, publié en dernier lieu le 22 mai 2019 par le CSA, relève que 77,2 % des foyers disposent d’un téléviseur connecté à internet[146]: 56,7 % reçoivent la télévision par l’IPTV à haut et très haut débit[147], ce qui en fait depuis 2017 le premier mode de réception devant la TNT, à 49,1 %, si l’on prend en considération tous les postes du foyer. Le décalage est plus marqué si l’on prend en considération la réception sur le poste principal, avec 54 % pour l’IPTV haut et très haut débit, et 38,7 % pour la TNT. Les plateformes de VOD et de partage de vidéos sur internet, et plus généralement le streaming audiovisuel représentent plus de 50 % du trafic sur l’internet ouvert.

Par ailleurs, les offres « quadruple play » liées à des contenus « premium » exclusifs sont un enjeu important d’inter-régulation verticale. En France, la Cour de cassation a confirmé en 2010 à propos d’Orange Sport qu’elles étaient permises[148]. Si ces offres ont eu à ce jour un succès limité, la question va se poser en des termes nouveaux avec l’acquisition des droits de la Ligue 1 pour 2020-2024 par le groupe espagnol Mediapro, et si l’on observe le rôle joué par le football dans la concurrence entre opérateurs de télécommunications en Espagne.

Les contenus audiovisuels délinéarisés sont disponibles en OTT chez les acteurs délinéarisés aussi bien que sur les chaînes diffusées linéairement, et la notion de guide de programme avec eux.

Ces services sont à la fois des services de communication au public en ligne, dont les différends avec les FAI relèvent de l’ARCEP, et des services audiovisuels relevant du CSA (notamment pour les différends avec les mêmes FAI lorsqu’ils sont liés avec eux par des accords de distribution).

Les sujets d’inter-régulation identifiés par les deux autorités ont ainsi pris davantage d’ampleur, et impliquent plus que jamais une forte coopération entre les deux régulateurs, en particulier :

         la régulation de la neutralité du net, dont le cadre réglementaire est désormais fixé en Europe, et dont la vivacité des débats américains montre l’importance des enjeux. L’ARCEP joue un rôle essentiel au sein du BEREC dans les travaux sur la mise en œuvre du règlement européen. Les usages audiovisuels de l’internet sont majoritaires. La situation de Netflix, qui conclut progressivement des accords de distribution et d’interconnexion avec les FAI, illustre la complexité des enjeux technico-économiques, et l’intérêt d’une compréhension commune ;

         la régulation des relations verticales entre les acteurs relevant des deux domaines, notamment celles donnant lieu à des différends. Le CSA est compétent pour le règlement des différends entre chaînes audiovisuelles et FAI qui les diffusent (problématique du « paiement du signal », qui revêt une acuité particulière depuis 2017). L’ARCEP est compétente pour régler les différends entre FAI et opérateurs de services de communication au public en ligne, en vue notamment d’assurer le respect de la neutralité du net, et va être chargée par la loi sur la distribution de la presse des différends entre éditeurs de presse et kiosques numériques. Le règlement de ces différends nécessite une appréhension globale et une représentation cohérente de l’économie et des conditions techniques des relations entre acteurs, alors que les frontières entre les catégories (audiovisuel/communication publique en ligne, audiovisuel/presse, OTT/services gérés) se brouillent et que le poids des acteurs qui se situent dans ces zones grises s’accroit. 

Outre les questions de prospective liées à la régulation des plateformes, un autre sujet qui n’était pas au cœur des analyses des deux autorités en 2012 revêt aujourd’hui une acuité particulière : il s’agit des relations avec les acteurs numériques puissants dans les deux domaines. Si l’intégration verticale entre opérateurs de télécommunications et de l’audiovisuel est souvent restée limitée aux aspects capitalistiques en France, l’activité des grands acteurs internationaux du numérique change la donne. Ainsi, Netflix est ainsi à la fois un acteur majeur du monde de la consommation de contenus audiovisuels et l’un des principaux consommateurs de bande passante télécom en France ; Facebook est en train d’entrer dans le champ de la régulation du CSA pour son activité de réseau social mais il est aussi, via son service WhatsApp, un concurrent des services de télécommunication classiques. La compréhension de ces acteurs multi-faces implique une compréhension mutuelle des enjeux et une coordination entre les autorités dans leurs interactions avec eux.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

L’introduction de mesures structurelles relatives à la mise en œuvre d’une instance de règlement des différends commune entre les deux autorités relève à la fois de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et du code des postes et des communications électroniques.

Il est donc nécessaire :

-          de modifier l’organisation du collège de l’ARCEP, fixée à l’article L.130 du code des postes et des communications électroniques, pour prévoir la nomination comme membre de l’ARCEP d’un membre commun à l’ARCOM ainsi que l’insertion d’un article L.36-9 prévoyant la création d’une instance commune de règlement des différends ;

-          de prévoir, à l’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la nomination comme membre de l’ARCOM d’un membre de l’ARCEP et d’insérer après l’article 17-1 de cette loi un article prévoyant la création d’une instance commune de règlement des différends.

2.2.    Objectifs poursuivis

La création d’une instance commune de règlement des différends entre l’ARCOM et l’ARCEP vise à permettre de statuer sur les différends dont l’objet justifie un traitement conjoint, notamment ceux qui sont susceptibles de mettre en cause les principes sur lesquels l’une et l’autre sont chargées de veiller.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

La coopération sur des bases purement informelles a montré ses limites : le CSA, dans sa contribution d’octobre 2012 à la réflexion sur l’évolution de la régulation, soulignait qu’un rapprochement qui s’appuierait uniquement sur le groupe de liaison existant, le GLAC (groupe de liaison entre l’ARCEP et le CSA), reviendrait à maintenir le statu quo, alors que rien ne garantissait qu’à l’avenir, ce dispositif fonctionnerait avec plus de régularité. De fait, les exemples de coopération sont assez rares.

Le CSA a sollicité, depuis qu’il dispose de ce pouvoir, l’avis de l’ARCEP sur trois règlements de différends :

-          en décembre 2008, sur un différend opposant Neuf Cegetel à Eurosport sur le retrait de cette chaîne de l’offre du distributeur en raison d’un accord de distribution exclusive signé avec Canal + ;

-          en février 2013, sur un différend entre France Télévisions et Playmedia, sur la diffusion en streaming par cette société[149] des contenus de France Télévisions ;

-          en juillet 2017, sur une demande de règlement de différends introduite par SFR et NC Numéricâble à l’encontre de la société TF1 Distribution au sujet de la rémunération de la distribution des chaînes hertziennes et des services associés du groupe TF1. Les deux parties ayant trouvé un accord, le différend n’a pas été tranché et l’avis de l’ARCEP n’a pas été rendu public.

L’ARCEP n’a sollicité l’avis du CSA que sur deux différends, entre Towercast et TDF en 2011, alors qu’elle a pris dix décisions de règlement de différends depuis 2013.

Année

Coopérations mentionnées

2011

Etude sur les Nouveaux services de contenus, notamment audiovisuels, sur les réseaux très haut débit et leur impact sur le modèle économique de la fibre, pilotée conjointement avec le CSA, le CNC, la DGCIS, la DGMIC, l’Hadopi.

Avis du 12 avril 2011 du CSA sur un différend Towercast / TDF

2012

Groupe de travail ARCEP-CSA afin d’échanger sur les problématiques communes.

Avis du 5 juin 2012 du CSA sur le 3ème cycle d’analyse du marché de gros de la régulation de la TNT

2013

Avis de l’ARCEP dans le cadre d’un règlement de différend, enquête pilotée conjointement (avec le ministère de l’outre-mer) sur les Equipements et usages des ménages en téléphonie, Internet et TV dans les DOM

2014

Aucun avis ni étude (simple mention des procédures applicables)

2015

Avis du CSA sur le 4ème cycle d’analyse du marché de gros de la régulation de la TNT.

Contribution du CSA à la consultation publique de l’ARCEP sur sa revue stratégique.

2017

Avis sur un règlement de différends à la demande du CSA

3.2.    Dispositif retenu

Le gouvernement a opté pour la constitution d’une instance commune de règlement des différends constituée des deux membres communs aux deux autorités qui en assureront alternativement la présidence pour une durée d’un an, ainsi que d’un autre membre de chaque autorité désignée par leurs présidents respectifs. Le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. L’instance ne peut délibérer que si trois de ses membres sont présents.

Cette instance est saisie par une autorité lorsqu’elle constate que le différend met en cause le respect des principes que l’autre autorité est chargée de faire respecter (principes mentionnés à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, principes mentionnés au premier alinéa de l’article 17-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986). Afin d’assurer la bonne coordination entre les deux autorités, l’autorité qui entend saisir l’instance commune doit préalablement recueillir l’avis de l’autre autorité, puis l’informer de sa saisine. Cette saisine désaisit l’autre de sa compétence de règlement des différends.

Les règles de fonctionnement de l’instance commune empruntent à celles en vigueur pour les procédures de règlement des différends des deux autorités :

En particulier, l’instance se prononce après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations et, le cas échéant, procédé à des consultations techniques, économiques ou juridiques, ou  à des expertises. Sa décision est motivée et précise les conditions permettant d’assurer le respect des obligations et des principes en cause. Lorsque le différend est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à l’un des principes de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 ou aux objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, l’instance peut ordonner des mesures conservatoires en vue d’en garantir le respect. L'instance rend publiques ses décisions, sous réserve des secrets protégés par la loi. Elle les notifie aux parties.

L’ordre de juridiction compétent pour connaître des recours contre les décisions de cette instance est celui compétent pour connaître des litiges de l’autorité ayant la première saisie l’instance commune (Conseil d’Etat si l’ARCOM est à l’origine de la saisine, cour d’appel de Paris si c’est l’ARCEP).

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

4.1.1.   Impacts sur l’ordre juridique interne

Cette réforme se traduit par l’insertion d’un nouvel article 17-1-1 dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et d’un nouvel article L. 36-9 au sein du code des postes et des communications électroniques ainsi que par une modification de l’article L36-8 du code des postes et des communications électroniques.

La composition de cette instance implique une modification de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 et  une modification de l’article L. 30 du code des postes et des communications électroniques.

Enfin, le dispositif de sanction dont dispose l’ARCOM en cas de non-respect des décisions prises par application de ses décisions de règlement des différends est étendu à celles prises par celle instance commune (modification de l’article 42-15 de la loi du 30 septembre 1986).

4.1.2.   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

En matière audiovisuelle, la directive 2010/13/UE modifiée visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») ne comporte aucune disposition relative aux distributeurs de services audiovisuels ni au règlement des différends opposant ces derniers aux éditeurs de services audiovisuels.

En matière de télécommunications, l’article 5 de la directive 2018/1972 établissant le code des communications électroniques européen pose un principe de compétence minimum à l’égard des autorités de régulation nationales qui doivent être responsable d’une liste de tâches dont l’une consiste à « assurer le règlement des litiges entre entreprises ».

L’article 6 de la même directive prévoit un principe d’indépendance des autorités de régulation nationales. Les Etats membres garantissent l’indépendance des autorités de régulation nationales et des autres autorités compétentes en faisant en sorte que celles-ci soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes de toute personne physique ou morale assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de communications électroniques. Les Etats membres veillent à ce que les autorités de régulation nationales et les autres autorités compétentes exercent leurs pouvoirs de manière impartiale, transparente et au moment opportun.

L’article 8 de la même directive prévoit que les autorités de régulation nationales agissent de manière indépendante et objective, y compris en ce qui concerne l’élaboration de procédures internes et l’organisation du personnel, exercent leurs activités de façon transparente et responsable, et ne sollicitent ni n’acceptent d’instruction d’aucun autre organe en ce qui concerne l’accomplissement des tâches qui leur sont assignée.

En revanche, les modalités d’organisation interne en ce qui concerne le nombre ou la participation croisée de membres communs des autorités de régulation nationales ne font pas l’objet de réglementation spécifique au niveau européen.

4.2.    Impacts économiques

La création d’une instance de règlement des différends commun au CSA et à l’ARCEP doit permettre aux entreprises de bénéficier, en cas de différend mettant en cause des principes dont elles ont chacune pour mission d’assurer le respect, d’une meilleure expertise des enjeux transverses au secteur des communications électroniques et audiovisuels par les régulateurs.

L’impact à court terme paraît réduit et difficile à quantifier : la procédure de règlement des différends commun ne modifie pas le formalisme de saisine de l’une ou l’autre des autorités par la personne concernée. Cette dernière saisira soit l’ARCEP soit le CSA dans les mêmes conditions que ce qu’elle fait actuellement.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

La constitution de cette instance est susceptible d’amener les opérateurs à se tourner davantage vers les régulateurs pour régler leurs différends. Il est cependant difficile d’évaluer la charge de travail supplémentaire. On peut cependant considérer que le règlement en temps opportun de différends permettra d’éviter une escalade dommageable, qui pourrait amener les régulateurs à mettre en œuvre des procédures plus lourdes de sanctions.

4.4.    Impacts sur les entreprises

Les entreprises pourront continuer de saisir l’ARCEP ou l’ARCOM (ex-CSA) dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, la saisine éventuelle de l’instance commune incombant non pas aux entreprises concernées par le différend mais à l’autorité saisie en première intention. La création de l’instance commune n’aura donc pas d’impact direct sur les entreprises. En revanche, indirectement, elles bénéficieront à travers cette instance commune d’un traitement plus adapté de leurs différends, prenant en compte l’intégralité des enjeux, qu’ils relèvent de la sphère audiovisuelle ou de la sphère télécommunications.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à titre facultatif, celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ce dispositif n’entrera en vigueur qu’à compter de la désignation par chaque autorité d’un membre siégeant au collège de l’autre, soit en janvier 2021.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Un décret en Conseil d’Etat doit fixer les modalités d’application du nouvel article L.36-9 du code des postes et des communications électroniques et du nouvel article 17-1-1 de la loi du 30 septembre 1986.

Article 35 : échanges d’information entre l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et l’Autorité de la concurrence

 

1.     État des lieux

1.1.    L’autorité de la concurrence

L'Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante, spécialisée dans le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, l'expertise du fonctionnement des marchés et le contrôle des opérations de concentration. Au service du consommateur, elle a pour objectif de veiller au libre jeu de la concurrence et d'apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international. Créée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, l'Autorité de la concurrence a succédé au Conseil de la concurrence, qui avait été institué par l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Elle intervient soit après avoir été saisie par un plaignant, soit après s'être autosaisie. Les décisions qu'elle rend en matière de pratiques anticoncurrentielles sont soumises au contrôle de la cour d'appel de Paris. Ses décisions en matière de concentrations relèvent du contrôle du Conseil d'Etat.

L'Autorité de la concurrence est compétente pour appliquer les législations nationale (livre IV du code de commerce) et communautaire (articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - TFUE, ex articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne).

L'Autorité de la concurrence détient le pouvoir de prononcer des injonctions, d'infliger des sanctions pécuniaires, d'accepter des engagements et d'accorder le bénéfice de la clémence à certaines entreprises qui coopèrent en aidant à détecter ou à constater l'existence d'ententes. Elle réprime les ententes, les abus de position dominante et les prix abusivement bas. Par ailleurs, elle peut être amenée à rendre, même de sa propre initiative, des avis sur diverses questions de concurrence. Sa composition, son organisation et les modalités de sa saisine garantissent son efficacité et son indépendance.

1.2.    Etat du droit

L’article 41-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication organise les relations entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de la concurrence.

Il prévoit la consultation pour avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel par l'Autorité de la concurrence lorsqu'une opération de concentration concernant, directement ou indirectement, un éditeur ou un distributeur de services de radio et de télévision fait l'objet d'un examen approfondi ainsi que sur les pratiques anticoncurrentielles dont elle est saisie dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

Il prévoit également que le Conseil supérieur de l’audiovisuel saisit l’Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles dont il a connaissance dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

Il permet enfin au Conseil supérieur de l’audiovisuel de saisir pour avis l’Autorité de la concurrence des questions de concurrence et de concentration dont il a la connaissance dans le secteur de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande.

Les dispositions de l’article 41-4 de la loi 30 septembre 1986 précitée ne permettent pas lors de ces consultations pour avis, de transmettre des éléments qui seraient couverts par le secret des affaires.  

Le secret des affaires est protégé par les dispositions du titre V du code de commerce. Aux termes de l’article L. 151-1 de ce code :

« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »

Aux termes de l’article L.151-7 du code de commerce : « Le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l'Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives. »

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Une mesure relative est nécessaire afin d’autoriser la transmission d’éléments couverts par le secret des affaires entre l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et l’Autorité de la concurrence pour l’exercice des missions qui leur sont confiées en matière de concurrence et de concentration. Il est donc nécessaire de modifier l’article 41-4 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Il s’agit de remédier à la situation qui conduit, dans le cadre de certaines saisines pour avis, à ce que l’Autorité de la concurrence ne puisse adresser au Conseil supérieur de l'audiovisuel (qui sera remplacée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) l’ensemble des documents y afférent ou à tout le moins soit tenue de les expurger des éléments qui relèvent du secret des affaires. Il en est de même actuellement des saisines de l'Autorité de la concurrence par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

2.2.    Objectifs poursuivis

La mesure envisagée a pour objet de permettre la transmission d’informations entre les deux autorités dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986.

Il s’agit également de resserrer la collaboration entre ces deux autorités de régulation. Cette collaboration doit être renforcée dans le cadre de l’instruction de dossiers complexes par chacune des autorités notamment à travers la communication dans leur intégralité des dossiers permettant ainsi l’établissement d’un avis parfaitement éclairé. 

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Une première option aurait pu consister à envisager une levée du secret des affaires au cas par cas, par des décisions des présidents des deux autorités respectives. Mais une telle hypothèse est apparue peu pertinente car elle présente des contraintes pratiques non négligeables pour les autorités alors même que l’article L.151-7 du code de commerce précité ouvre des possibilités plus générales.

3.2.    Option retenue

La seconde option qui a été retenue consiste à préciser que, sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle, les informations dont disposent l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et l’Autorité de la concurrence sont librement communicables entre ces deux autorités  pour la mise en œuvre des relations organisées par l’article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986.

Cette modification est en outre sans incidence sur la publication des avis en cause.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

L’article 41-4 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est modifié.

4.2.    Impacts sur les services administratifs

La transmission des informations dont disposent l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et l’Autorité de la concurrence entre elles sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle, devraient leur permettre d’exercer leurs missions de façon plus efficaces et faciliter leurs relations. Elles ne devraient en outre pas générer de charge supplémentaire significative pour les agents concernés mais au contraire devrait avoir un impact positif puisqu’ils seront en mesure de répondre à certaines demandes de manière plus efficaces grâce à l’accès à des informations importantes pour les traiter.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

Les mesures envisagées s’appliquent en France métropolitaine et en outre-mer.

 


Article 36 : Pôle d’expertise numérique

 

1.     État des lieux

1.1.    Organisation actuelle

Dans le cadre des réflexions générales sur la réforme audiovisuelle, un examen particulier a été porté à la question de la régulation des acteurs du numérique et des voies les plus souhaitables pour renforcer l’efficacité des cadres de régulation existants.

Le constat communément partagé met la lumière sur un certain état de carence des capacités de régulation existantes, grevées de façon générale par un manque de moyens d’expertises techniques et un défaut de ressources pointues permettant de faire face aux nouveaux défis posés par ces acteurs (technologies des données et des algorithmes).

De nombreux travaux (Etats généraux des nouvelles régulations du numérique, rapport Perrot sur le droit de la concurrence[150], rapport Furman[151], rapport Crémer[152]) convergent aujourd’hui pour établir que s’agissant de la régulation des plateformes numériques, les pouvoirs publics dans leur globalité se trouvent en situation d’asymétrie d’information manifeste et de carence dans leur capacité à appréhender avec une maîtrise suffisante les problématiques spécifiques inhérentes au numérique.

Les autorités de régulation concernées sont multiples, notamment l’Autorité de la concurrence (ADLC), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), mais aussi de nombreux services de l’Etat, tels que la Direction générale des médias et des industries culturelles, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la Direction générale des entreprises.

De façon générale, les services offerts par les opérateurs de plateformes en ligne offrent une très grande diversité : moteurs de recherche (Google, Qwant), places de marché (Amazon, Cdiscount, Leboncoin), plateformes de mise en relation (Blablacar, Helpling Leroy Merlin, la Belle assiette, Chronotruck), hôtellerie (Booking, AirBnB), réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Snap), marchés d’application (Playstore, Applestore), e-santé (Doctolib), agences immobilières (IAD) et objets connectés à internet (assistants vocaux, téléviseurs connectés). Au regard de ce caractère transversal et multisectoriel des plateformes numériques, il importe de privilégier une approche à la fois globale et ciblée.

Les besoins d’expertise et de ressources techniques portent tout particulièrement sur l’appréhension et la connaissance approfondie de l’économie des plateformes, des techniques de collecte et de traitement de méga-données (big data) et des systèmes algorithmiques utilisés par les plateformes numériques.

1.2.    Etat du droit

Les autorités administratives ou publiques indépendantes disposent, en vertu des textes applicables, de la faculté de recourir à des services d’expertises : faculté prévue pour l’ARCEP aux articles L 5.9 et L 36.14 du code des postes et des communications électroniques ; faculté prévue pour l’ADLC à l’article L 450.3-1 du code du commerce, faculté prévue pour la CNIL à l’article 19.III de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée ; et cette faculté est également couverte pour le CSA à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Toutefois, aucun texte ne prévoit aujourd’hui l’organisation, au sein de l’Etat ou de ses démembrements, d’un pôle d’expertise technique spécialisé sur les problématiques numériques. Et aucune disposition législative ne prévoit non plus la faculté pour ces autorités administratives ou publiques indépendantes de partager et mettre en commun les analyses et données issues de ces expertises.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Au regard de ces besoins, il convient d’organiser une réponse optimale et mutualisée : la création d’un pôle commun d’expertise numérique au profit de l’ensemble des autorités et des administrations qui mettent en œuvre la régulation des plateformes numériques est la voie qui offre le plus de synergies et de perspectives.

Le dispositif de mutualisation et de coopération envisagé nécessite pour optimiser l’efficacité et les synergies attendues, de prévoir la possibilité de communication de données entre, d’une part, les différentes autorités administratives indépendantes qui requerront une expertise et, d’autre part, le service expert de l’Etat. Cette possibilité de communication de données (pouvant, le cas échéant, inclure aussi des données personnelles) entre divers organes publics doit être prévue par la loi.

En l’absence d’un tel service, le risque serait de voir se constituer progressivement au sein de l’Etat et de ses différents démembrements une multiplication de petits laboratoires isolés visant à répondre de façon fragmentée aux besoins opérationnels.

L’action technique de ce service devrait être complémentaire et n’affectera pas les attributions respectives des administrations et des autorités administratives indépendantes (AAI) : le service commun devra concentrer l’expertise technique de manière transversale et mutualisée afin de venir efficacement en appui aux différentes actions menées. Il n’aura pas de pouvoir de sanction et n’interviendra pas sur les champs de compétences respectifs des AAI.

2.2.    Objectifs poursuivis

La mesure envisagée vise à mutualiser les ressources techniques nécessaires – et particulièrement rares sur le marché du travail – pour accompagner et renforcer l’efficacité des dispositifs en vigueur de régulation des plateformes numériques, tant dans un souci de bonne gestion des deniers publics que dans la volonté d’assurer une bonne synergie et cohérence globale à la régulation des plateformes mise en œuvre dans les différents secteurs de l’économie.

Les principaux objectifs poursuivis sont de :

        renforcer et mutualiser l’expertise. En se dotant d’experts ayant des compétences techniques pointues, le service commun permettra de mieux appréhender et analyser les problématiques posées par les marchés et grands acteurs numériques (notamment grâce à de la collecte et du traitement de données, à l’analyse des algorithmes et à l’expertise sur l’économie des plateformes). Il s’agit également d’un défi en matières de ressources humaines : ce service, visible et reconnu, sera en mesure d’attirer les talents et de les retenir pour travailler sur ces enjeux d’intérêt général ;

        développer un partage au sein des pouvoirs publics (administration et autorités) de l’information et de l’analyse, dans le respect de l’indépendance de chaque autorité. Ce partage d’informations, d’expériences et d’analyses est essentiel pour assurer une montée en compétence rapide et une émulation efficace des différentes administrations et autorités sur la régulation des plateformes. Cette coordination est également nécessaire pour la cohérence générale et la dimension holistique de l’action de l‘Etat en la matière ;

        doter le gouvernement des moyens nécessaire pour définir sa propre stratégie. Le rôle pivot de ce laboratoire entre les différents acteurs de la régulation du numérique permettra au Gouvernement de bénéficier d’une vue synoptique.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options possibles

Afin que les autorités administratives et publiques concernées puissent communiquer des données au service commun, deux options législatives sont envisageables :

        compléter respectivement les articles de loi se rapportant aux différentes autorités administratives et publiques afin de leur permettre explicitement de partager leurs informations avec ce service technique mutualisé ; la solution présente alors l’inconvénient de figer pour le futur le périmètre des autorités bénéficiaires ;

        introduire une disposition générale et ouverte, qui permet de prévoir un dispositif de communication de données ouvert et adaptable à toute évolution du paysage des autorités de régulation dans le champ numérique.

3.2.    Dispositif retenu

L'option qui est apparue la plus pertinente au regard de l'objectif poursuivi est de créer un article ad hoc, qui présente notamment l’intérêt de pouvoir s’appliquer aux futures autorités administratives et publiques qui pourraient être créées.

Il s’agit de permettre ainsi à toutes les autorités administratives ou publiques indépendantes intervenant ou qui interviendront dans la régulation des opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation de recourir à l’expertise et à l’appui d’un service administratif de l’Etat désigné par décret en Conseil d’Etat dans le cadre de conventions.

Aux fins d’expertise et d’appui dans la mise en œuvre de leurs prérogatives et selon les modalités définies par elles, ce service pourra ainsi être rendu destinataire d’informations, de documents et de données traités par ces autorités.

Les conventions préciseront notamment les conditions propres à garantir la confidentialité et la protection des informations, documents et données transmis, leur utilisation aux seules fins mentionnées au deuxième alinéa et, le cas échéant, leur utilisation dans le respect des procédures contradictoires respectivement applicables au sein des autorités mentionnées au premier alinéa.

Les agents devront répondre aux conditions d’assermentation requises, le cas échéant, dans les procédures d’enquêtes respectivement applicables au sein des autorités concernées.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La disposition n’a quasiment pas d’impact sur l’ordre juridique interne :

        les compétences respectives des autorités administratives concernées restent inchangées ;

        la possibilité pour les AAI de recourir à des services d’expertise est prévue par la loi.

4.2.    Impacts sur les services administratifs

Ce service sera créé par décret ; il sera rattaché à la direction générale des entreprises. Il est envisagé que le service démarre son activité avec vingt emplois. Il s’agit de la masse critique minimale estimée pour fiabiliser l’efficacité du dispositif.

A titre indicatif, l’Autorité de la concurrence demande pour l’exercice 2020 vingt postes supplémentaires pour renforcer son action de contrôle sur le fonctionnement des marchés numériques. Les profils principaux nécessaires recouvrent des data scientists, ingénieurs en algorithmie, en traitement des données et gestion des API[153], analystes économiques. Ces recrutements sur des profils très demandés devraient majoritairement porter sur des candidatures externes.

Des moyens d’intervention spécifiques seront nécessaires pour l’activité du service commun (achat de capacités de calcul, hébergement de serveurs, d’équipements dédiés sécurisés, établissement de panels).

Le pôle d’expertise travaillera avec les autorités administratives ou publiques indépendantes sur la base de conventions de partenariat, qui définiront les modalités de collaboration : planification des travaux, remise des expertises, modalités d’association, règles de confidentialité. Pour répondre au mieux aux besoins des AAI, le Pôle d’expertises pourra, le cas échéant, prévoir d’assermenter certains de ses agents afin d’accompagner certaines procédures spécifiques menées par les AAI.

4.3.    Impacts sur les particuliers

La mesure devrait avoir un impact positif sur les consommateurs et les citoyens, en améliorant les capacités des administrations et des autorités à répondre aux enjeux soulevés par les plateformes numériques.

Concrètement, la mise en place de ce pôle d’expertises et la mutualisation des données et expertises qui l’accompagne a vocation à apporter in fine aux usagers des grandes plateformes numériques tournées vers le grand public plus de transparence, de lisibilité et de capacité de maîtrise sur ces offres.

Ces travaux d’expertise et de mise en commun touchent en effet à des actes du quotidien pour les particuliers : mécanismes aboutissant à un acte d’achat sur une place de marché en ligne ,  sous-jacents liés à la réponse à une requête sur un moteur de recherche, interrogations sur le ciblage publicitaire en ligne ,  fonctionnement d’un réseau social et modes de propagation des contenus, conditions d’accès à une application particulière sur les services mobiles…

Les travaux et le partage d’expertises menés par le pôle, dont il est aussi prévu un rapport d’activité annuel, contribueront à irriguer et diffuser l’appropriation collective des mécanismes et fonctionnement de l’économie des données et des algorithmes. Ces effets d’apprentissage et d’éducation aux nouveaux paradigmes du numérique participent du renforcement des droits et de la protection de la citoyenneté numérique.

4.4.    Impacts environnementaux

L’opération de mutualisation des moyens et de partage des données recherchée par le dispositif produit par construction des gains d’efficience : minimisation des duplications de travaux, économie des ressources affectées (logistique, transports…).

Le pôle d’expertise numérique mobilisera naturellement des capacités de traitement informatique importantes. Mais, de ce point de vue, la mesure devrait avoir un impact légèrement positif en termes d’empreinte carbone : la mutualisation des capacités techniques implique également une mutualisation des serveurs et des capacités de calcul. L’impact environnemental serait donc inférieur à une situation où chaque autorité et chaque administration développait de manière isolée ce type de capacités.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à titre facultatif, celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Il convient de mettre en place dans les meilleurs délais le dispositif en cause.

5.2.2.   Application dans l'espace

La mesure envisagée s'applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d'applications

La désignation formelle du service ainsi que celle des autorités indépendantes souhaitant bénéficier de l’expertise du service commun seront effectuées par décret en Conseil d’Etat.

Le service de l’Etat, support du pôle d’expertise, sera créé par décret en Conseil d’Etat, sous la forme d’un service à compétence nationale, et rattaché au directeur général des entreprises. Le décret fixera, en tant que de besoin, les modalités d’assermentation de certains agents du pôle d’expertise.

Article 37 : mission générale de l’ARCOM et procédure de conciliation

 

1.     État des lieux

L’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication assigne au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité publique indépendante, la mission de garantir l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par cette loi.

Ce même article lui assigne ensuite un certain nombre d’objectifs qui n’ont cessé de se multiplier au long des modifications successives de la loi du 30 septembre 1986. Modifié à onze reprises depuis son insertion par la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il traduit les attentes du législateur s’agissant de meilleure prise en compte par les médias audiovisuels des attentes de la collectivité : lutte contre les violences faites aux femmes, reflet de la diversité de la société française, protection de l’environnement, honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent, etc.

Pour la mise en œuvre de ces objectifs ainsi que ceux plus généralement énoncés dans la loi du 30 septembre 1986 précitée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a la possibilité d’adresser aux éditeurs et distributeurs de services des recommandations qui sont publiées au Journal officiel de la République française.

 Il s’est en outre vu confier une mission de conciliation en cas de litige entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent.

Dans le cadre de la fusion entre le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), cette dernière va reprendre la mission générale confiée par l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée au Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à garantir l’exercice de « la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique » mais aussi la mission particulière de conciliation.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

La mission générale tendant à garantir l’exercice de « la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique » est définie de manière trop restreinte par rapport à l’évolution des missions de l’autorité publique indépendante.

En effet, la loi n° 2018-1201 du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l’information a étendu pour la première fois la compétence du CSA à des services de communication au public en ligne non audiovisuels. Elle vise les opérateurs de plateforme en ligne dont l'activité dépasse un seuil de cinq millions de visiteurs uniques sur le territoire français, dans la mesure notamment où ils promeuvent des contenus se rattachant à un débat d’intérêt général, et où leurs services sont susceptibles d’être les vecteurs de la propagation de fausses informations.

Elle n’en a cependant pas tiré pas les conséquences de cette extension dans la formulation générale des objectifs de l’instance de régulation et du périmètre de ses compétences figurant à l’article 3-1, qui continue à se référer seulement à la seule garantie de l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle. Cette extension du périmètre des missions de l’instance de régulation est également un des piliers de la proposition de loi relative à la lutte contre la haine sur internet actuellement en cours d’examen par le Parlement.

Elle est également consacrée par le présent projet de loi qui, par transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE, assigne à l’autorité de régulation la mission de protéger le public, et en particulier les mineurs, des contenus susceptibles de lui nuire mis à sa disposition par les plateformes de partage de vidéos.

S’agissant de l’actuelle mission de conciliation du CSA, en ce qu’elle ne vise que certains opérateurs ou catégories d’opérateurs, elle est également trop restreinte au regard du grand nombre de professionnels entrant dans le champ de la régulation du CSA et demain de l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).

Le recours à la loi est donc nécessaire pour élargir la mission principale de la future ARCOM à l’ensemble de la communication au public par voie électronique, pour tirer les conséquences de ses missions nouvelles en matière de régulation des communications sur Internet, issues à la fois du présent projet de loi (fusion avec la Hadopi, régulation des plateformes de partage de vidéos) et d’autres textes récents (loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information) ou en cours d’examen (proposition de loi relative à la lutte contre la haine sur Internet)  et pour  étendre en conséquence sa mission de conciliation à l’ensemble des professionnels en cause.

2.2.    Objectifs poursuivis

Dans le contexte d’une mutation profonde du secteur de la communication audiovisuelle et numérique, l’objectif poursuivi est double :

-          il procède à une actualisation de la mission générale confiée à l’autorité publique indépendante, correspondant aux missions nouvelles qui lui sont assignées ;

-          il généralise à l’ensemble de ses interlocuteurs la possibilité de recourir à une procédure de conciliation auprès de cette autorité.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

L’élargissement de la mission générale de l’ARCOM laissait sans doute en réalité peu de place à l’opportunité dans le choix des termes retenus. La notion de communication au public par voie électronique est en effet définie à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication comme « toute mise à disposition du public ou de catégories de public de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. » Elle englobe les services de communication au public en ligne, qui permettent un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur, et les services de communication audiovisuelle, qui ne le permettent pas nécessairement.

Elle permet ainsi de faire référence aux plateformes en ligne dorénavant dans le champ de la régulation de l’ARCOM. La précision « dans les conditions définies par la présente loi » permet d’exclure une mission plus généralement étendue au respect de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dans laquelle cette même définition se retrouve.

S’agissant de la procédure de conciliation, un choix aurait pu être effectué d’encadrer et de formaliser par des règles particulières la procédure actuelle de conciliation (modalités de saisine, auditions, pouvoir de contrainte, etc.), à l’instar d’autres procédures comparables de médiation ou de conciliation auprès d’autres autorités et surtout à l’instar de la mission que cette même autorité sera amenée à exercer, une fois fusionnée avec la HADOPI, pour l’application de l’actuel article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle.

Ce choix n’a pas cependant été retenu car il ne correspond pas aux attentes des professionnels du secteur audiovisuel qui sont plus en attente d’un cadre de médiation souple des litiges qui peuvent les opposer que d’une procédure de résolution des litiges précontentieuse. En outre, il permet de viser des acteurs qui n’entrent qu’indirectement dans le champ de la régulation de l’ARCOM comme les distributeurs de programmes audiovisuels ou les auteurs à l’encontre desquels l’ARCOM ne dispose pas de pouvoir de contrainte.

3.2.    Dispositif retenu

La mission principale de la future ARCOM est en premier lieu élargie à l’ensemble de la communication au public par voie électronique.

S’agissant ensuite de la procédure de conciliation, le choix a donc été effectué de procéder à un élargissement de cette procédure à l’ensemble des professionnels entrant, directement ou indirectement dans le champ de la régulation : éditeurs de services, distributeurs de services, opérateurs de réseau satellitaire, opérateurs de plateformes en ligne, prestataires techniques auxquels ces personnes recourent, personnes mentionnées à l’article 95 de la loi du 30 septembre 1986 précitée[154], auteurs, producteurs, distributeurs de programmes audiovisuels, ou les organisations professionnelles qui les représentent.

Il est précisé que le recours à cette procédure de conciliation est exclu si le litige fait l’objet d’une procédure de sanction ou de règlement des différends devant l’ARCOM.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La présente disposition se traduit :

        à l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, par une modification du premier alinéa afin que l’ARCOM garantisse l’exercice de la liberté de « la communication au public par voie électronique » ;

        par un élargissement, à l’avant-dernier alinéa du même article, de la mission de conciliation devant l’ARCOM aux éditeurs de services, distributeurs de services, opérateurs de réseau satellitaire, opérateurs de plateformes en ligne, prestataires techniques auxquels ces personnes recourent, personnes mentionnées à l’article 95 de la loi du 30 septembre 1986, auteurs, producteurs, distributeurs de programmes audiovisuels, ou les organisations professionnelles qui les représentent.

4.2.    Impacts pour les entreprises

L’élargissement de la procédure de conciliation devant une autorité administrative indépendante a l’avantage de donner une place plus importante au recours au droit souple et aux procédures non contentieuses de résolution des litiges entre acteurs.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

L’impact de l’extension de la procédure de conciliation pour l’ARCOM devrait être faible, dans la mesure où cette procédure de conciliation a été jusqu’à présent peu usitée par les professionnels auquel elle était ouverte.

Si son élargissement à d’autres acteurs peut susciter une activité supplémentaire pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, la résolution des litiges entre professionnels peut en sens inverse permettre de diminuer la phrase pré-contentieuse et contentieuse de l’autorité administrative lorsque le litige met en cause le respect d’obligations dont l’ARCOM doit veiller au respect.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

 

 


Article 38 : action internationale de l’ARCOM

 

1.     État des lieux

La directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle prévoyait « les dispositions minimales nécessaires pour assurer la libre diffusion des émissions » en Europe.

La dernière modification de fond de cette directive, ultérieurement codifiée par la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, avait été introduite en 2007 par l'adoption de la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil. Depuis lors, le marché des services de médias audiovisuels a évolué de manière rapide et conséquente en raison notamment de la convergence qui s'établit entre la télévision et les services internet et de la place croissante prise dans les usages audiovisuels par les services numériques (réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéo).

Le 6 mai 2015, la Commission avait adopté une communication intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », dans laquelle elle annonçait un réexamen de la directive 2010/13/UE.

Le 14 novembre 2018 a donc été adoptée la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché. Elle a pour objet principal de tenir compte des évolutions des réalités du marché.

Elle apporte également des précisions et améliorations aux dispositions en vigueur pour les services de médias audiovisuels.

Il en va ainsi des dispositions qui facilitent les procédures d’information entre autorités de régulation nationales. L’article 30 bis nouveau introduit par la directive 2018/1808/UE du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 du 10 mars 2010 impose aux États membres de s’assurer que ces autorités prennent des mesures appropriées pour se communiquer mutuellement et communiquer à la Commission européenne les informations nécessaires à l’application de la directive, notamment, à ses articles 2, 3 et 4 (règles de compétence, procédure d’entrave, dispositif anti-contournement).

Dans ce cadre, une obligation d’information est mise à la charge, selon le cas, de l’autorité de l’État membre compétent ou de l’autorité de l’État membre dont le public est visé par un service relevant de la compétence d’un autre État membre. Une telle obligation n’existe pas dans le droit national actuel.

L’European Regulators’ Group for Audiovisual Media Services (ERGA) est un organe consultatif de la Commission européenne créé par une décision du 3 février 2014. Il rassemble les dirigeants des autorités de régulation de l’audiovisuel des vingt-huit États-membres de l’Union européenne. Il a pour mission d’apporter à la Commission européenne une contribution coordonnée et opérationnelle des régulateurs sur toute question relative aux services de médias audiovisuels et le cadre réglementaire européen. Il doit également faciliter la coopération et l’échange d’expériences et de bonnes pratiques entre régulateurs.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à son article 2, , les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») compte tenu de l'évolution des réalités du marché d’ici le  19 septembre 2020.

Afin de respecter les exigences de cette directive, il est nécessaire de modifier la législation nationale et d’actualiser les compétences de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en matière de négociations internationales.

2.2.    Objectifs poursuivis

La disposition envisagée a pour objet de procéder à la transposition de la directive susmentionnée dans la loi du 30 septembre 1986 précitée.

Elle vise également à garantir la bonne information des autorités de régulation nationales ainsi que leur coopération, en particulier pour tenir compte des situations d’éditeurs établis sur un territoire mais dont le service cible le public d’un autre Etat.

3.     Options possibles et dispositif retenu

La directive laisse peu de marge de manœuvre aux Etats Membres pour transposer ces dispositions de manière conforme au droit de l’Union européenne. Le dispositif retenu consiste donc à modifier la loi du 30 septembre 1986 pour :

        prévoir que, l’ARCOM est consultée pour arrêter la position de la France dans les négociations internationales dans son domaine de compétence ; la révision régulière de la directive sur les services de médias audiovisuels (cf. 1.1.) sont l’exemple type de ce domaine de compétence.

        prévoir que, lorsque l’ARCOM est informée par un éditeur de services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France de son projet de fournir un service de télévision ou de média audiovisuel à la demande dont la programmation est entièrement ou principalement destinée au public d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, elle en informe l’organisme de régulation de cet État ;

        préciser que l’ARCOM répond, dans un délai de deux mois, aux demandes d’information émanant d’un organisme de régulation d’un État membre dont le public est ciblé par la programmation d’un service relevant de la compétence de la France. Ces informations pourraient par exemple porter sur l’identité des dirigeants du service.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

L’article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est modifié. A cette occasion, les dispositions obsolètes de cet article sont supprimées. 

La mesure envisagée est conforme au droit de l’Union européenne et notamment à la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché (i.e procédures d’information mutuelles entre autorités de régulation nationales européennes).

4.2.    Impacts sur les services administratifs

Ces procédures d’information mutuelles entre autorités de régulation nationales européennes sont largement nouvelles dans la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »).

Elles ne devraient cependant pas se traduire par un surcroît d’activité notable pour l’ARCOM dans la mesure où la directive décrit une réalité largement préexistante. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est en effet un membre actif du groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) dont il a longtemps assuré la présidence et ses procédures d’information mutuelle avec ses homologues européens sont d’ores et déjà fréquents.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


Article 39 : règlement des différends

 

1.     État des lieux

Aux termes de l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, introduit par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle modifié par les lois n° 2009-258 du 5 mars 2009, n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 et n°2016-1524 du 14 novembre 2016, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dispose d'un pouvoir de régler les litiges entre éditeurs et distributeurs de services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande[155].

Le CSA est aussi un organe de médiation des difficultés s’élevant entre les acteurs du secteur audiovisuel, en particulier à travers les demandes de conciliation dont le CSA être saisi.

Le CSA peut ainsi être saisi par l'une des parties de tout différend relatif à la distribution d'un service, notamment lorsque ce litige est susceptible de porter atteinte :

        au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ;

        à la sauvegarde de l'ordre public ;

        aux exigences de service public ;

        à la protection du jeune public ;

        à la dignité de la personne humaine ;

        à la qualité et à la diversité des programmes.

        ou encore lorsque ce différend porte sur des enjeux économiques mettant en jeu « le caractère transparent, objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l'offre de programmes et de services ou de leur numérotation ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services ».

Le CSA a été saisi de nombreuses demandes, notamment à propos de litiges relatifs à la numérotation des chaînes sur l'ensemble des bouquets de diffusion et aux conditions financières de la reprise des chaînes de télévision par les distributeurs de services.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

La mise en œuvre par le Conseil supérieur de l’audiovisuel de la procédure de règlement des différends que le législateur lui a confiée a toutefois fait apparaître un certain nombre d’imperfections qu’il est nécessaire de corriger au travers d’une mesure législative.

Ainsi, il convient d’étendre le délai dans lequel l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), qui vient se substituer au CSA, doit se prononcer lorsqu’elle est saisie d’une demande de règlement de différend. Actuellement fixé à deux mois, qui peut être porté à quatre mois, ce délai n’apparaît pas compatible avec la complexité des questions que l’Autorité peut être amenée à trancher.

Il est également nécessaire de donner à l’ARCOM la possibilité de prononcer des mesures conservatoires, c’est-à-dire le prononcer de mesures dans l’attente d’une décision définitive.

Cette  possibilité est déjà ouverte à d’autres instances de régulation indépendantes comme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes[156] ou le  comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie[157]. Une telle compétence vient compléter utilement celle du règlement de différend, pouvant nécessiter que des mesures provisoires soient prises dans l’attente de la décision au fond. C’est particulièrement le cas lorsque des litiges entre éditeurs de chaînes et distributeurs peuvent conduire à l’interruption de la diffusion de services de la télévision numérique terrestre, au détriment de l’intérêt du public.

Enfin, il apparaît nécessaire d’ajuster la rédaction de cet article pour tenir compte de la création de l’instance de règlement des différends commune à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à l’Autorité de régulation des postes et communications électroniques (ARCEP). Dans le cas où cette instance commune aura été saisie par l’ARCOM, il n’y aura en effet plus lieu de saisir l’ARCEP lorsque les faits à l’origine du différend sont susceptibles de restreindre l’offre de services de communications électroniques[158].

2.2.    Objectifs poursuivis

La modification envisagée a pour objet de moderniser la procédure de règlement des différends dont est dotée actuellement le CSA, qui deviendra l’ARCOM, et de lui permettre en particulier de prendre des mesures conservatoires lorsque le différend est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à l’un des principes de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 précitée.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

S’agissant de l’extension du délai de deux à quatre mois dans lequel l’ARCOM devra se prononcer, il aurait pu être envisagé de procéder à cette modification à l’article 17-1 de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui le détermine aujourd’hui. Cette option n’a cependant pas été retenue. En effet, ces délais sont de nature réglementaire et il apparaît préférable de les fixer dans le décret pris pour l’application de cet article plutôt que de les maintenir en les modifiant dans la loi.

S’agissant de la possibilité pour l’ARCOM de prendre des mesures conservatoires, compte tenu des litiges actuels entre éditeurs et distributeurs de services, cette novation vise à titre principal à éviter que les signaux ne soient coupés et que le public, prisonnier au moins à court terme de son environnement de réception (box d’un distributeur) ne soit privé de la possibilité de recevoir les programmes en cause.

Une première option aurait pu consister à permettre au CSA d’enjoindre un éditeur et un distributeur de conclure un contrat de distribution en l’absence de relations contractuelles préalables ou de négociation en cours non seulement lorsque le refus de contracter est susceptible de porter atteinte au pluralisme, mais aussi lorsqu’il présente un caractère discriminatoire. Un tel pouvoir d’injonction porterait cependant une atteinte substantielle à la liberté contractuelle, qui a valeur constitutionnelle. Il en résulte que, lorsque la conclusion d’un contrat n’est pas une exigence résultant d’objectifs de valeur constitutionnelle, il est difficile de la rendre obligatoire.

Une deuxième option aurait pu consister à prévoir qu’en cas de saisine de l’ARCOM au titre de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, et pendant toute la durée de la procédure, les personnes concernées ne peuvent prendre aucune mesure qui aboutirait à ce que le service qui donne lieu au différend ne soit plus mis à disposition du public ; et le cas échéant, que si le différend a, préalablement à la saisine de l’ARCOM, conduit à ce que le service qui en est l’objet ne soit plus mis à la disposition du public, les personnes concernées font en sorte, dès la saisine de l’ARCOM, que cette mise à disposition soit de nouveau effective pour la durée de la procédure. Cette option a été écartée car ne permettant pas d’atteindre de manière optimale l’objectif poursuivi.

3.2.    Option retenue

Les deux options ci-dessous ont été retenues :

Concernant le délai dans lequel l’ARCOM se prononce sur les demandes de règlement des différends dont elle est saisie, l’option retenue est que la fixation de celui-ci est renvoyé à un décret en Conseil d’Etat.;

Concernant l’attribution du pouvoir d’ordonner des mesures conservatoires, il est proposé que l’ARCOM en dispose lorsque le différend est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à la liberté de communication, prévue à l’article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ou à la continuité de la fourniture du service au public, en vue d’en garantir le respect. Cette option est plus pertinente que la deuxième option précitée en ce qu’elle permet à l’autorité de régulation de prononcer d’autres mesures que la seule injonction de ne pas interrompre le signal (ordonnancement dans le plan de services par exemple).

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Les dispositions envisagées modifient l’article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Une coordination est également prévue par l’ajout d’une dérogation au recueil de l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes lorsque l’instance commune de règlement des différends créée entre les deux autorités par le présent projet de loi a été saisie du litige en cause.

4.2.    Impacts économiques et financiers

4.2.1.   Impacts sur les entreprises

Les dispositifs de règlement des différends devant l’autorité administrative indépendante sont destinés à permettre aux entreprises de disposer de procédures pré-contentieuses de règlement des litiges qui les opposent devant une instance sectorielle spécialisée. Les améliorations apportées à ces procédures auront donc pour effet de faciliter le règlement extra-judiciaire des litiges opposant éditeurs et distributeurs, dont le nombre est appelé à croître au fur et à mesure de la progression de la diffusion non-hertzienne.

Il convient en effet d’empêcher que l’interruption du signal soit utilisée comme un moyen de pression d’une partie sur une autre dans l’attente de l’issue des négociations commerciales entre éditeurs et distributeurs de services.

4.2.2.   Impacts sur les services administratifs

De la même manière, les améliorations apportées à la procédure de règlement des différends sont destinées à faciliter l’action de l’ARCOM. Ainsi, le délai actuel de deux mois pour résoudre ces différends ne lui apparaissait pas compatible avec la complexité des questions que l’Autorité peut être amenée à trancher.

4.3.    Impacts sur les particuliers

Pour le grand public, la garantie que l’ARCOM pourra s’opposer à l’interruption du signal dans l’attente de la décision au fond de règlement des différends constitue une avancée importante.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

Les mesures envisagées s’appliquent en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Les modifications apportées à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 impliqueront une modification du décret n° 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l’application de l’article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et relatif à la procédure de règlement de différends par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Un décret en Conseil d’Etat précisera le délai dans lequel l’ARCOM se prononce sur les demandes de règlement des différends dont elle est saisie.


Article 40 : pouvoirs d’information et d’enquête de l’ARCOM

 

1.     État des lieux

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dispose au terme de l’article 19 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de pouvoirs d’investigation pour l’accomplissement des missions qui lui sont confiées.

Il peut en particulier recueillir :

        auprès des autorités administratives, toutes les informations nécessaires à l’élaboration de ses avis et décisions ;

        auprès des administrations et de certains professionnels du secteur de la communication audiovisuelle, toutes les informations nécessaires pour s’assurer du respect des obligations qui sont imposées à ces derniers ;

        auprès des opérateurs de réseaux satellitaires, toutes les informations nécessaires à l’identification des éditeurs des services de télévision transportés ;

        auprès de toute personne détenant une part égale ou supérieure à 10 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société éditant ou distribuant un service de télévision ou de radio dont les programmes contribuent à l’information politique et générale, toutes les informations sur les marchés publics et délégations de service public pour l’attribution desquels cette personne ou une société qu’elle contrôle ont présenté une offre au cours des vingt-quatre derniers mois.

Il peut également faire procéder auprès des administrations ou des éditeurs et distributeurs de services à des enquêtes.

Le CSA peut exiger d’un service de radio qu’elle lui fournisse ses états comptables afin de s’assurer du respect des critères propres à la catégorie pour laquelle l’autorisation d’émettre lui a été attribuée (CE, 9 février 2004, Association Radio Calaisis – Radio TSF, n° 250178).

Les pouvoirs d’information et d’enquête ont cependant montré des limites qu’il convient de dépasser.

L’instance de régulation indique avoir parfois éprouvé des difficultés à obtenir des informations face aux dynamiques à l’œuvre dans le secteur de la communication audiovisuelle et numérique (par exemple entre activités payantes et gratuites ou entre télécommunications et audiovisuel) ou au regard de la complexité des marchés de la télévision, des services de médias audiovisuels à la demande et de la radio.

De la même façon, elle a pu être confronté au refus de certains opérateurs de lui communiquer des documents indispensables à l’appréciation de leur respect des textes en vigueur.

Par ailleurs, les missions du CSA ont été considérablement élargies ces dernières années, le nombre et la diversité des opérateurs régulés ayant eux aussi fortement augmenté, sans pour autant que ses pouvoirs d’enquête n’aient évolué, entravant parfois son action. La loi actuellement en vigueur ne permet également pas au régulateur de solliciter des informations auprès des diffuseurs de services de communication audiovisuelle.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Afin de remédier aux défaillances constatés par l’instance de régulation nationale, il est nécessaire de modifier la législation afin d’étendre les missions du régulateur. Il faut également d’en tirer les conséquences afin que l’ARCOM puisse les exercer au mieux, ce qui implique une modification de l’article 19 de la loi du 30 septembre 1986 précitée relatif à ses pouvoirs d’enquête et d’information. 

2.2.    Objectifs poursuivis

L’objectif poursuive est de permettre à l’ARCOM de disposer de pouvoirs d’investigation adaptés pour l’accomplissement des missions.

La modification de l’article 19 de la loi n°86-1067du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a donc un double objet :

        améliorer l’efficacité des pouvoirs d’information et d’enquête dont l’ARCOM est dotée ;

        adapter ces instruments à l’ensemble des opérateurs qui sont dans le périmètre de son champ de régulation.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

La reconnaissance d’un pouvoir d’enquête pouvait donner lieu à plusieurs options. Plusieurs autorités administratives indépendantes sont en effet dotées de telles compétences, selon des degrés et modalités variables.

A titre d’exemple, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dispose, aux termes des articles L. 5-9 et L. 32-4 du code des postes et des communications électroniques de pouvoirs d’enquête permettant « accéder à tous locaux, terrains et véhicules à usage professionnel. Lorsque les locaux ou une partie de ceux-ci constituent un domicile, les visites sont autorisées dans les conditions définies à l'article L. 5-9-1 »[159]. Une telle possibilité n’est cependant pas apparue nécessaire pour l’accomplissement des missions de l’ARCOM. Au demeurant, dans ses rapport annuels antérieurs, l’autorité de régulation indépendante ne la réclamait pas[160].

3.2.    Dispositif retenu

Il est envisagé de doter l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d’outils d’investigation plus adaptés à ses nouvelles missions. Les modifications portent sur les trois points suivants :

-          le champ des personnes auxquelles l’autorité peut demander des informations est étendu aux sociétés assurant la diffusion de services de communication audiovisuelle et aux plateformes de partage de vidéos ;

-          la reconnaissance d’un pouvoir d’enquêtes menées par des agents de l’autorité spécialement habilités à cet effet, modèle pris sur le pouvoir dévolu à l’ARCEP par le Code des postes et communications électroniques ; 

-          la mise en place entre l’ARCOM et le Centre national du cinéma et de l’image animée d’un mécanisme d’échanges d’informations portant sur le chiffre d’affaires des éditeurs de services afin d’améliorer le contrôle du respect de leurs obligations.

L’ARCOM pourra ainsi procéder, auprès des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, des opérateurs de réseaux satellitaires, des sociétés assurant la diffusion de services de communication audiovisuelle ainsi que des plateformes de partage de vidéos, aux enquêtes nécessaires pour s'assurer du respect de leurs obligations, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de ses missions et sur la base d'une décision motivée de l’autorité.

Ces enquêtes seront menées par des agents de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique spécialement habilités à cet effet et assermentés dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ils pourront obtenir la communication de tous documents professionnels ou support d’information nécessaires à l’enquête, de procéder à des auditions et de recueillir auprès des mêmes personnes morales les renseignements et justifications nécessaires à l’enquête. Ils pourront recourir au pseudonyme pour les besoins de leurs enquêtes.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La disposition envisagée modifie l’article 19 de la loi n°86-1067du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

4.2.    Impacts pour les entreprises

La mesure envisagée ne devrait produire d’impact que pour les entreprises qui éprouvent des difficultés à transmettre à l’ARCOM les informations nécessaires au contrôle, par ce dernier, des obligations qui leur sont applicables. Son impact devrait donc être faible.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

L’impact devrait être positif pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique qui disposera d’outils d’investigation plus adaptés à ses nouvelles missions.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Un décret en Conseil d’Etat devra fixer les conditions d’assermentation des agents de l’ARCOM spécialement habilités par cette dernière pour mener les enquêtes.


Article 41 : protection de l’intégrité du signal

 

1.     État des lieux

A l’ère du « tout hertzien », la communication audiovisuelle se caractérisait par une complète autonomie de distribution des éditeurs, titulaires d’une autorisation d’émettre, qui leur permettait de toucher directement l’ensemble de la population. La délivrance de ces autorisations permettait par ailleurs au régulateur de dessiner le paysage audiovisuel.

Le développement de la diffusion par câble / satellite et, surtout, des réseaux fixes et mobiles d’accès à haut et très haut-débit, s’est accompagné de l’émergence d’intermédiaires qui s’intercalent entre le diffuseur et le téléspectateur ou l’auditeur :

-          dans un premier temps, avec le développement des offres triple play (comprenant téléphone, internet et télévision) des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui distribuent des services audiovisuels linéaires et à la demande, par IPTV (Internet Protocol Télévision) via leur « box »;

-          dans un second temps, avec le développement des services « over the top » (OTT), qui permettent aux diffuseurs de s’affranchir de toute relation commerciale avec les FAI, mais qui les rend dépendants, pour l’accès aux utilisateurs, de nouveaux intermédiaires (fabricants de terminaux connectés, gestionnaires de magasins d’applications, agrégateurs, etc.)

Ces nouveaux intermédiaires, en particulier dès lors qu’ils distribuent des services audiovisuels dans le cadre d’une offre payante, peuvent techniquement et à leur initiative intervenir directement sur les programmes de l’éditeur (par exemple en dégradant la qualité d’image ou en supprimant certaines données associées), voire en modifier leur nature à leur profit, notamment par ajout de bandeaux publicitaires, de données complémentaires, de fenêtres proposant de renvoyer vers un autre programme, etc.

La loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication appréhende une partie de ces intermédiaires à travers la catégorie juridique des « distributeurs de services » (définis, à l’article 2-1, comme « toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par un réseau de communications électroniques »).

On entend par signal de télévision l’ensemble des informations transmises par l’éditeur permettant la réception et la restitution d’une chaîne de télévision, dans toutes ses composantes (image, versions sonores et audiodescription, sous-titrages, données associées aux programmes, données de signalisation, etc.). Le respect de l’« intégrité du signal » vise donc à la reprise par le distributeur « au plus près » (voire, dans le meilleur des cas, à l’identique) du signal mis à disposition par l’éditeur au distributeur.

Des contrats commerciaux lient donc les deux parties, notamment concernant les conditions de reprise du signal. Toutefois certains éditeurs ont été amenés à dénoncer les conditions « dégradées » de reprise de leurs programmes par certains distributeurs et l’ont attribué à un rapport de force déséquilibré entre acteurs.

En son article 34-2, la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication garantit que les distributeurs de services mettent gratuitement à disposition du public les composantes du signal destinées aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes associés aux programmes des services de télévision qu’ils offrent. Les dispositions techniques nécessaires sont à leur charge.

Si ces dispositions visent déjà à protéger l’intégrité de ces services destinés aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes associés aux programmes des services de télévision, l’article 7 ter nouveau de la directive (UE) 2010/13/UE dite « Services de médias audiovisuels » (SMA) modifiée par la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 invite en outre les Etats membres à protéger le signal des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande afin qu’ils « ne fassent pas l'objet, sans l'accord explicite de ces fournisseurs, de superpositions par des bandeaux à des fins commerciales ou ne soient pas modifiés. ». Il prévoit toutefois des exceptions qui devront être précisées par les Etats.

Le considérant 26 de la directive donne des indications sur le champ d’application de ce principe (raccourcissement, modification, interruption ou superposition à des fins commerciales des programmes ou des services) et liste les exceptions envisageables suivantes :

        les superpositions effectuées ou autorisées par le destinataire du service pour un usage privé, telles que les superpositions résultant de services de communications individuelles, ne devraient pas nécessiter le consentement du fournisseur de services de médias ;

        les éléments de contrôle des interfaces utilisateur nécessaires au fonctionnement du périphérique ou à la navigation du programme, tels que les barres de volume, les fonctions de recherche, les menus de navigation ou les listes de canaux, les informations légitimes telles que des informations d'avertissement, les informations d'intérêt public, les sous-titres ne doivent pas entrer dans le champ de la prohibition ;

        les techniques de compression de données qui réduisent la taille d'un fichier de données et d'autres techniques permettant d’adapter un service aux moyens de distribution (telles que la résolution et le codage), sans aucune modification du contenu, ne devraient pas non plus être couvertes.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Il est nécessaire de modifier la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de permettre la transposition dans le droit national cette nouvelle disposition de la directive SMA visant à donner des garanties à l’éditeur que le programme auquel accède l’utilisateur final est conforme au programme qu’il a conçu ou que les modifications apportées par le distributeur sont effectuées avec son accord.

En effet, au vu de cas déjà constatés parfois de désaccord entre éditeurs et distributeurs sur les conditions de reprise de programmes, il semble que la législation en vigueur ne permet pas le respect des garanties devant être apportées à l’éditeur exigées par la directive.

2.2.    Objectifs poursuivis

La mesure envisagée vise à garantir à l’éditeur que le programme auquel accède l’utilisateur final est conforme au programme qu’il a conçu ou que les modifications apportées par le distributeur sont effectuées avec son accord.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Un principe général d’intégrité du signal aurait pu être inscrit dans la loi, en précisant certaines exceptions prévues par la directive.

Cette disposition n’aurait vraisemblablement pas permis de donner toute sa portée à l’intention du législateur compte tenu de la diversité des acteurs et des situations aussi bien en matière de télévision que de radio, de la multiplicité des modes de distribution des services audiovisuels ou encore de la constante innovation en la matière rendant difficile voire impossible toute anticipation des nouveaux cas d’usage.

Il convient donc de retenir une option qui permette d’une part de s’adapter aux différents modes de distribution et d’autre part puisse évoluer dans le temps, au gré des innovations.

3.2.    Option retenue

L’option retenue consiste à confier au régulateur, par transposition de la directive SMA, une mission nouvelle en matière de protection de « l’intégrité du signal » des services de télévision mais également de radio, ce dernier média n’étant pas couvert par la directive.

Il est ainsi proposé de lui donner pouvoir de définir les conditions et les règles techniques de reprise des services audiovisuels permettant d’éviter toute interruption ou modification sans accord explicite de l’éditeur. L’ARCOM devra en particulier préciser les flux, fonctionnalités ou données considérées comme faisant intégralement partie de ces services. Les impacts sur les distributeurs des règles éditées par le régulateur devront être proportionnés. Il s’agira par exemple pour le régulateur de lister les pratiques proscrites ou de préciser ce qui relèvera d’une modification du signal, comme par exemple la suppression d’une composante linguistique associée au programme ou l’insertion d’un bandeau publicitaire.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La disposition envisagée crée deux nouveaux article 20-5 et 20-6 dans la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication confiant à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique le pouvoir réglementaire délégué pour lui permettre de prendre les mesures nécessaires à la protection de l’intégrité du signal. Il appartiendra à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de prendre une mesure d’application de cet article.

4.2.    Impacts économiques et financiers

Le régulateur devra fixer les règles principales de reprise des signaux, vraisemblablement après avoir consulté les principaux acteurs, de façon à s’assurer de ne pas faire peser de contraintes trop fortes aux distributeurs en matière d’investissements ou de réingénierie de leur processus par exemple.

Ainsi la directive SMA prend soin de définir certaines exceptions au principe d’intégrité du signal, liées par exemple à des limitations techniques ou à un usage individuel à l’initiative de l’utilisateur final, dont devra tenir compte le régulateur.

Ces exceptions sont d’ailleurs issues des demandes des opérateurs de communications électroniques, des services de médias audiovisuels à la demande ou des fabricants de téléviseurs, formulées dans le cadre des travaux préparatoires à l’adoption de la directive.

Ce nouveau pouvoir confié au régulateur vise donc avant tout à favoriser la concertation des acteurs avant l’édiction d’un socle minimal de règles, au bénéfice des téléspectateurs et des auditeurs. Les impacts financiers sur les entreprises devraient être très limités, voire nuls.

En matière de radio, il s’agit par exemple de veiller à éviter qu’un portail agrégateur de services de radio ne vienne couper le programme sonore par une séquence publicitaire sans l’accord de l’éditeur.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

 


Article 42 : modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre : procédure encadrant la réalisation de l’étude d’impact 

 

1.     Etat des lieux

L’avant-dernier alinéa de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 dispose: « Toute modification de convention d'un service national de télévision autorisé en application de l'article 30-1 ou d'un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l'article 41-3 susceptible de modifier de façon importante le marché en cause est précédée d'une étude d'impact, rendue publique. »

La loi est silencieuse quant à la procédure à suivre s’agissant de cette étude d’impact.

Toutefois, le Conseil d’Etat, dans ses décisions du 17 juin 2015[161] s’agissant des études d’impact prévues à l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, a considéré « que les dispositions du quatrième alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 (…) imposent au CSA de réaliser préalablement à sa décision une étude d’impact qui est rendue publique ; qu’afin d’assurer la transparence de la procédure suivie, le législateur a entendu que la publication de l’étude d’impact intervienne avant la date à laquelle il est statué sur la demande ; qu’en l’absence de dispositions réglementaires définissant la procédure applicable, il appartient au CSA d’effectuer cette publication en temps utile pour que le demandeur et les autres personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations écrites ou demander à être entendues sur les conclusions de l’étude ; ».

Ainsi, les éléments contenus dans l’étude d’impact doivent faire l’objet d’un contradictoire. Il appartient donc au Conseil supérieur de l'audiovisuel, estime le Conseil d'Etat, de publier dans un délai utile l’étude d’impact, afin que les personnes intéressées puissent formuler, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral, leurs observations.

A la suite de ces arrêts, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a saisi la section du rapport et des études du Conseil d’Etat fin juillet 2015 afin de l’éclairer sur la portée de ces décisions.

Dans son avis n° 18578 en date du 29 septembre 2015, la section du rapport et des études a estimé que :

-          l’audition du demandeur, prévue par la loi, peut être antérieure à la publication de l’étude d’impact mais qu’il serait difficile, même à la faveur d’une interprétation constructive, de retenir qu’elle est imposée par la loi à ce stade ;

-          en l’absence d’audition du demandeur avant la publication de l’étude d’impact, le Conseil se trouve dans l’obligation d’organiser cette audition du demandeur après la publication de celle-ci, afin de respecter les termes mêmes de l’article 42-3 qui prévoient bien l’audition publique du demandeur ;

-          que la rédaction des décisions paraît impliquer un droit pour le demandeur ou pour des tiers intéressés non seulement de présenter des observations écrites, mais également d’être entendus, à leur demande, une fois l’étude d’impact publiée, et cela même lorsqu’une audition a déjà été organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en amont ; le Conseil devra mettre le demandeur et les tiers à même de présenter leurs observations écrites et, s’ils le souhaitent, des observations orales sur les conclusions de l’étude d’impact ;

-          s’agissant de la publicité des auditions, ni la loi, ni la jurisprudence n’imposent que l’audition des tiers soit publique. En ce qui concerne celle du demandeur, les arrêts précités ne permettent pas de déterminer si l’audition, à sa demande, du demandeur déjà auditionné publiquement en amont mais souhaitant réagir aux conclusions de l’étude d’impact, doit revêtir obligatoirement un caractère public ;

-          le Conseil est seul compétent pour entendre les tiers et le demandeur sollicitant l’agrément.

Le raisonnement tenu par le Conseil d’Etat dans ses décisions du 17 juin 2015 est transposable aux études d’impact réalisées dans le cadre de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986. Cela signifie qu’il revient au CSA de mettre au contradictoire son étude d’impact avant toute prise de décision, et de laisser un temps raisonnable au destinataire de la décision et au tiers pour s’exprimer.

2.     Objectifs poursuivis

Il s’agit de simplifier le contradictoire autour des études élaborées au titre de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 tout assurant la sécurité juridique de la procédure.

 

Même si la lettre de l’article 28 ne semble pas impliquer que les personnes intéressées disposent du droit d’être entendues par le Conseil, celui-ci, au vu des décisions du Conseil d’Etat du 17 juin 2015, a souhaité étendre les principes consacrés par le juge pour les études d’impact réalisées en application de l’article 42-3 à celles effectuées en application de l’article 28.

 

Afin d’assurer la sécurité juridique des décisions de l’ARCOM, la rédaction de l’article 28 de la loi de 1986 mériterait donc d’être précisée afin de permettre le cas échéant au Conseil de ne pas procéder aux auditions du demandeur et des tiers.

 

3. Options possibles et dispositif retenu

Une première option pourrait consister à écarter expressément les auditions du demandeur et des tiers s’agissant de cette procédure. Elle ne serait toutefois pas satisfaisante s’agissant la transparence et du contradictoire que cette procédure doit revêtir. 

Une seconde option, celle retenue par le projet de loi, consiste à préciser, d’une part, qu’à compter de la publication de l’étude d’impact, le demandeur et les tiers adressent leurs contributions à l’ARCOM dans le délai qu’elle a imparti et, d’autre part, que l’ARCOM peut, si elle l’estime utile, entendre le demandeur et les tiers qui le lui demandent. Cette solution paraît la plus satisfaisante dès lors qu’elle assure une pleine transparence de la décision du Conseil tout en allégeant quelque peu la procédure.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

2.1.    4.1. Impacts juridiques

Cette modification se traduit par une modification de l’avant-dernier alinéa de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 tendant à préciser que, à compter de la publication de l’étude d’impact exigée par cet article, le demandeur et les tiers adressent leurs contributions à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans le délai qu’elle a imparti. Si elle l'estime utile, l'Autorité peut entendre le demandeur et les tiers qui le demandent. 

2.2.    4.2. Impacts sur les entreprises

En matière de modification des conventions des services diffusés par voie hertzienne terrestre, la modification apporte des garanties de transparence et de contradictoire au bénéfice à la fois de l’éditeur du service en cause mais également des tiers intéressés par cette procédure. Cette procédure est toutefois allégée par rapport à celle prévue pour la mise en œuvre de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 en matière de modification des modalités de financement du service : le délai pour adresser des observations est fixé par l’autorité de régulation ; l’audition du demandeur et des tiers intéressés est laissée à son appréciation.

3.     Consultations et modalités d’application

3.1.    Consultations menées

Cette disposition est issue d’une demande formulée par l’avis n° 2019-12 du 8 novembre 2019 rendu par Conseil supérieur de l’audiovisuel sur le projet de loi.

3.2.    Modalités d’application

3.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

3.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

 

Articles 43 et 44 : publication des sanctions administratives,caducité quinquennale des mises en demeure et rapporteur indépendant

 

1.     État des lieux

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dispose d’un pouvoir de sanctions administratives à l’égard des éditeurs de services de communication audiovisuelle (radios, télévisions, services de médias audiovisuels à la demande, publics et privés), des distributeurs de services de communication audiovisuelle ainsi que des opérateurs de réseaux satellitaires.

Si la personne ayant fait l’objet d’une mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement et à la condition que celui-ci repose sur des faits distincts ou couvre une période distincte de ceux ayant fait l’objet d’une mise en demeure, une sanction.

Les fonctions de poursuite et d’instruction d’une part, et celle de prononcé de la sanction d’autre part sont séparées, les premières étant confiées à un rapporteur, distinct du collège, l’autre au Conseil.

La gamme des sanctions susceptibles d’être infligées est la suivante :

-          l’insertion d’un communiqué ;

-          la suspension de l’édition, de la diffusion, de la distribution du service, d’une catégorie de programme, d’une partie du programme ou d’une ou plusieurs séquences publicitaires pour un mois ou plus ;

-          la réduction de la durée de l’autorisation ou de la convention dans la limite d’une année ;

-          une sanction pécuniaire ;

-          le retrait de l’autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention.

Le montant de la sanction pécuniaire est défini en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.

1.1.    Publication des sanctions administratives

Le 6° de l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel prise au terme de la procédure de sanction prévue par cet article est motivée et notifiée aux personnes qu'elle vise et, sous réserve des secrets protégés par la loi, publiée au Journal officiel.

Cet article prévoit donc une publication systématique au Journal officiel et n’organise aucune autre modalité de publication, par exemple sur le site internet de l’autorité de régulation.

La publication d’une décision de sanction d’une autorité de régulation, quel qu’en soit le support (Journal officiel ou site Internet), est regardée par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel comme une sanction complémentaire. Elle est dès lors soumise au respect des principes issus du droit pénal. A ce titre, la décision de rendre publique la sanction principale, tout comme la durée et le support de publication retenus, doivent respecter le principe de nécessité, de proportionnalité et de légalité des délits et des peines.

Le Conseil d’Etat a jugé, dans plusieurs affaires relatives à des autorités administratives indépendantes que la publication d’une sanction revêtait le caractère d’une sanction complémentaire, soumise de ce fait au contrôle du juge.

Dans une décision du 17 novembre 2006 relative à une sanction prise par la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP, désormais Autorité de contrôle prudentiel et de résolution –ACPR), le Conseil d’Etat a jugé que : « la publication aux frais de la personne poursuivie d’une sanction infligée par la CCAMIP est, en elle-même, constitutive d’une sanction »[162]. Le Conseil d’Etat a également qualifié de « sanction complémentaire » la publication des décisions de sanction prises par l’Autorité des marchés financiers (AMF)[163], la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)[164], l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL)[165] et l’Autorité de régulation ces communications électroniques et des postes (ARCEP)[166].

Dans toutes ces espèces, la publication d’une sanction était prévue par les textes mais sans y être qualifiée expressément de « sanction complémentaire ». C’est bien le Conseil d’Etat qui qualifie matériellement la décision de publication de « sanction ».

Le juge distingue bien par ailleurs la décision de publication de la sanction principale ; par suite, la personne sanctionnée peut engager un recours à l’encontre de la seule sanction complémentaire de publication[167].

Le Conseil constitutionnel a également été amené à juger que la publication d’une sanction administrative présentait le caractère d’une sanction.

Dans une décision QPC du 28 juin 2013[168], le Conseil constitutionnel a jugé, au sujet des dispositions de l’article L. 3452-4 du code des transports[169], que la publication des décisions de sanction prévues à cet article « dans les locaux de l’entreprise sanctionnée et par voie de presse » présentait le caractère d’une sanction. Dès lors, le Conseil constitutionnel contrôle le respect par ces dispositions des principes de nécessité et d’individualisation des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC)[170].

A cette occasion, il a jugé « que le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article [8 de la DDHC] implique que la mesure de publication de la sanction administrative ne puisse être appliquée que si l’administration, sous le contrôle du juge, l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu’il ne saurait toutefois interdire au législateur de fixer les règles assurant une répression effective des infractions ».

En l’espèce, les dispositions de l’article L. 3452-4 du code des transports prévoyaient une « peine obligatoire de publication et d’affichage des sanctions ». Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes aux principes d’individualisation et de nécessité des peines, au motif qu’elles ne faisaient pas obstacle « à ce que la durée de la publication et de l’affichage ainsi que les autres modalités de cette publicité soient fixées en fonction des circonstances propres à chaque espèce ». C’est donc au prix de cette réserve d’interprétation que les dispositions législatives en cause ont été regardées comme conformes à la Constitution.

1.2.    Caducité quinquennale des mises en demeure

A l’exception du retrait d’autorisation à raison d’une modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation a été délivrée, toute sanction infligée par le CSA doit nécessairement être précédée d’une mise en demeure.

Dans sa décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989[171], le Conseil constitutionnel a en effet considéré qu’ « il résulte du rapprochement de l’article 42 et de l’article 42-1 […]  que les pouvoirs de sanction dévolus au Conseil supérieur de l’audiovisuel ne sont susceptibles de s’exercer, réserve faite du cas régi par les article 42-3 et 42-9, qu’après mise en demeure des titulaires d’autorisation […] de respecter les obligations qui leur sont imposées […], et faute pour les intéressés de respecter lesdites obligations ou de se conformer aux mises en demeure qui leur ont été adressées ».

Ce principe de la mise en demeure préalable au prononcé d’une sanction administrative figure à l’article 42 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication respectivement pour les éditeurs, distributeurs de services et opérateurs de réseaux satellitaires ainsi qu’à l’article 48-1 de la même loi pour le dispositif de sanction spécifique aux sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France).

Ni les textes, ni la jurisprudence ne fixent une borne temporelle à la validité des mises en demeure prononcées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le Conseil d’Etat a en effet toujours refusé de dégager une règle de péremption des mises en demeure adressées par le Conseil et juge qu’il ne résulte ni des articles 42 et 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée ni d'aucun autre texte ou principe général qu’elles auraient une validité limitée dans le temps.

Même longtemps après avoir été adoptée, une mise en demeure peut donc servir de fondement à une sanction[172]. En outre et surtout, elle peut servir de fondement à plusieurs sanctions successives dès lors que les manquements reprochés à l’opérateur sont juridiquement de même nature[173] et sous réserve d’une phase contradictoire – organisée par l’article 42-7 – préalable au prononcé de chaque sanction.

Cette circonstance, conjuguée avec les dispositions du second alinéa de l’article 2 du décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil supérieur de l'audiovisuel[174] conduit, d’une part, le directeur général du CSA à systématiquement saisir le rapporteur indépendant et, d’autre part, le Conseil à délibérer des sanctions alors même que le dernier manquement de l’opérateur concerné peut remonter à une date très éloignée. 

On signalera que les effets des mises en demeure prises par d’autres autorités de régulation sectorielles sont limités à la procédure de sanction qu’elles ouvrent. En effet, lorsque le législateur les a dotées d’un pouvoir de sanction, il a souvent prévu que les sanctions prononcées devaient résulter d’une nouvelle violation des obligations qu’une mise en demeure préalable demandait de respecter. Toutefois, les mises en demeures émises par ces autorités diffèrent à deux égards de celles prises par le CSA. D’une part, elles comportent un délai dans lequel la personne concernée doit se mettre en conformité avec les exigences formulées[175]. D’autre part, elles reposent sur les mêmes faits que l’éventuelle sanction à venir.

Il apparaît ainsi nécessaire de fixer un délai de caducité des mises en demeure afin notamment de prendre en compte les éventuelles périodes pendant lesquelles un opérateur n’aura pas commis de manquement.

Le législateur dispose bien de la faculté de fixer un délai de caducité sous réserve de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles. En effet, en application de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017[176], prise sur le fondement du dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, le législateur est compétent pour fixer les modalités d’exercice par le CSA de son pouvoir de sanction[177].

En vertu d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, s’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci, l’exercice de ce pouvoir ne saurait priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel[178].

1.3.    Rapporteur indépendant

La loi n°2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a institué un nouveau modèle d’organisation de la procédure de sanction du CSA. La procédure confie ainsi à un rapporteur indépendant du collège de l’autorité le soin de décider de l’engagement des poursuites et d’instruire les dossiers. Ce rapporteur est nommé par le vice-président du Conseil d’État, après avis du Conseil, parmi les membres des juridictions administratives en activité pour une durée de quatre ans renouvelable une fois.

Le 1° de l’article 42-7 de la loi de 1986 dispose ainsi que « l'engagement des poursuites et l'instruction préalable au prononcé des sanctions prévues par les dispositions précitées sont assurés par un rapporteur nommé par le vice-président du Conseil d'Etat, après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, parmi les membres des juridictions administratives en activité, pour une durée de quatre ans, renouvelable une fois ».

Il apparaît que la charge du rapporteur indépendant, qui est d’ores et déjà élevée, est susceptible d’évoluer encore au vu, d’une part, des nouvelles compétences de sanction que la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet est susceptible de confier au CSA et, d’autre part, de l’extension significative des missions qui seront confiées à l’ARCOM par le présent projet de loi.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Il convient de légiférer pour modifier les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relatives aux modalités de publication des sanctions administratives et pour fixer un délai de caducité des mises en demeure et pour prévoir pour le rapporteur indépendant d’être assisté par un ou plusieurs adjoints.

2.2.    Objectifs poursuivis

2.2.1.   Publication des sanctions administratives

La modification envisagée qui s’inspire des textes régissant les autres autorités de régulation sectorielles (Agence française de lutte contre le dopage et Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), a pour objectif, d’une part, de sécuriser la publication par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de ses sanctions et, d’autre part, de lui donner une marge de manœuvre pour qu’elle puisse décider de les publier ou non, au Journal officiel de la République française ou sur un service de communication au public par voie électronique édité par ses soins, en déterminant dans sa décision les modalités de cette publication.

2.2.2.   Prescription quinquennale des mises en demeure

La mesure envisagée a pour objectif de fixer un délai de caducité des mises en demeure afin notamment de prendre en compte les éventuelles périodes pendant lesquelles un opérateur n’aura pas commis de manquement.

2.2.3.   Rapporteur indépendant

La rédaction actuelle de l’article 42-7 ne permet pas expressément la nomination de rapporteurs adjoints. A aucun moment le législateur ne semble laisser ouverte une telle possibilité, car est toujours évoqué « le rapporteur », et non « le ou les rapporteurs ».

 

De plus, l’existence d’un seul et unique rapporteur peut se déduire de l’absence de règles permettant une coordination du travail s’ils étaient plusieurs. En l’absence de texte organisant les relations entre les rapporteurs, ceux-ci se retrouveraient sur un pied d’égalité parfait, ce qui pourrait conduire à une paralysie, en cas de dissension. A titre d’exemple, le 2e de l’article 42-7 de la loi dispose que le rapporteur « peut se saisir de tout fait susceptible de justifier l’engagement d’une procédure de sanction ».

On remarque au contraire que le législateur et le pouvoir réglementaire prennent le soin de préciser le fonctionnement des services de poursuite et d’instruction lorsqu’ils existent. Si l’on prend l’exemple de l’Autorité de la concurrence, elle comprend des services d’instruction dirigés par un rapporteur général nommé par arrêté ministériel après avis de l’Autorité. Ce dernier est nommé pour une durée de 4 ans renouvelable une fois parmi « les membres du conseil d'Etat, les magistrats, les fonctionnaires de catégorie A et les personnes pouvant justifier d'une expérience d'au moins cinq ans dans le domaine du droit de la concurrence et titulaires d'un des diplômes permettant d'accéder à un corps de catégorie A ». Ce rapporteur général nomme les rapporteurs généraux adjoints, les rapporteurs permanents et non permanents et les enquêteurs des services d’instruction. Il est chargé de l’ordonnancement des dépenses des services d’instruction. En l’absence de dispositions similaires pour le rapporteur près le CSA alors même que le législateur a entendu s’inspirer de la procédure de sanction de l’Autorité de la concurrence, la solution consistant à nommer un second rapporteur, en l’état actuel des textes, paraît donc fragile.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

3.1.1.   Publication des sanctions administratives

Une option aurait pu consister à renoncer à toute publication de la sanction prononcée. Une autre option aurait pu être de limiter la faculté de publication de la sanction prononcée au seul Journal officiel.

De telles options auraient sans doute recueilli l’assentiment des personnes susceptibles de faire l’objet d’une sanction de l’ARCOM. Mais elles auraient pour inconvénient de réduire considérablement la portée de cette sanction. On sait en effet combien ce que l’on nomme désormais la « sanction réputationnelle » revêt une importance essentielle pour tenter de faire revenir la personne concernée dans la légalité.

3.1.2.   Prescription quinquennale des mises en demeure

Une première option aurait consisté à s’inspirer de la procédure mise en place pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans laquelle la mise en demeure préalable constitue l’ouverture de la procédure de sanction.

Toutefois, la procédure de sanction actuelle du Conseil supérieur de l’audiovisuel tel qu’elle ressort de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 a fait l’objet d’une refonte récente – loi du 15 novembre 2013 – afin de l’adapter aux exigences du principe d’impartialité tel qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel.

Enfin et surtout, le Conseil d'Etat affirme de manière constante qu’une mise en demeure du Conseil supérieur de l’audiovisuel prise en application de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 – et de l’article 48-1 - n’est pas une sanction mais une « mesure préalable à une éventuelle sanction »[179] et s’appuie notamment pour ce faire sur la décision n° 88-248 DC du Conseil Constitutionnel en date du 17 janvier 1989. En effet saisi d’une QPC portant sur la conformité des dispositions de l’article 42 au regard du principe d’impartialité garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le Conseil constitutionnel a confirmé cette position, en estimant que la mise en demeure du CSA « ne peut être regardée (…) comme l'ouverture de la procédure de sanction prévue à l'article 42-1 mais comme son préalable » et que dès lors, cette mise en demeure « ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition (…) »[180]. Cette option n’a donc pas été retenue.

3.1.3.   Rapporteur indépendant

Une première option aurait pu consister à nommer plusieurs rapporteurs. Toutefois si plusieurs rapporteurs étaient nommés, ils pourraient donc se saisir des mêmes faits, et aboutir à des conclusions différentes. La décision d’un rapporteur de refuser d’engager des poursuites pourrait ainsi être remise en cause par un autre rapporteur. 

L’option retenue par le projet de loi consiste donc à prévoir que le rapporteur puisse demander à être assisté par un ou plusieurs adjoints nommés dans les mêmes conditions.

3.2.    Dispositif retenu

3.2.1.   Publication des sanctions administratives

L’option retenue de permettre à l’ARCOM de de rendre publique selon différents supports la sanction qu’elle a prononcée apparait la plus satisfaisante, en droit comme en opportunité. En effet, elle permet à la fois de sécuriser la publication au Journal officiel de la République française des décisions de sanction actuellement prévue par l’article 42-7 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et de donner une base légale à leur publication sur le site Internet de l’ARCOM, tout en permettant l’autorité de régulation de choisir le support et les modalités de publication en fonction de la gravité du manquement.

3.2.2.   Prescription quinquennale des mises en demeure

L’option retenue consiste à fixer un délai de caducité aux mises en demeure.

Il convient toutefois que celui-ci ne soit pas trop court, sous peine de priver de garanties légales les principes constitutionnels dont le CSA contrôle le respect par les services de communication audiovisuelle et sanctionne la méconnaissance, tels que notamment la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels et la sauvegarde de l’ordre public et de la dignité de la personne humaine.

En effet, l’inconvénient consistant à ne pas pouvoir prononcer une sanction administrative à raison de la première infraction commise ne doit pas être renforcé par une péremption trop rapide de la mise en demeure, qui aurait pour effet de priver d’efficacité le mécanisme répressif mis en œuvre par le Conseil, soit après qu’une première procédure de sanction pour les mêmes faits ait abouti à une première sanction, soit après une trop courte durée.

C’est pourquoi ce délai de caducité peut raisonnablement être fixé à 5 ans.

Cette modification se traduit de l’ajout à l’article 42-7 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de la précision selon laquelle le rapporteur ne peut engager une procédure de sanction sur le fondement d’une mise en demeure adoptée depuis plus de cinq ans. 

Dès l’entrée en vigueur de la présente loi, les mises en demeure prononcées par le CSA plus de cinq ans auparavant ne pourront servir de fondement à l’engagement d’une procédure de sanction même si les faits sont juridiquement de même nature.

Par application du principe constitutionnel de la loi pénale plus douce, il reviendra au rapporteur indépendant de mettre fin aux procédures de sanction en cours lorsqu’elles sont fondées sur une mise en demeure antérieure à cinq ans.

3.2.3.   Rapporteur indépendant

L’option retenue consiste à permettre au vice-président du Conseil d’Etat de nommer, après avis de l’ARCOM, et à la demande du rapporteur, un ou plusieurs adjoints.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Les dispositions envisagées modifient les article 42-1 et 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Elles suppriment également le douzième alinéa de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1987 selon laquelle la décision de sanction « est également publiée au Journal officiel ».

4.2.    Impacts pour les entreprises

L’introduction d’une prescription quinquennale des mises en demeure traduit pour les entreprises en cause un assouplissement de la politique de sanction à leur endroit : un même manquement, s’il survient plus de cinq ans après le prononcé par l’ARCOM d’une mise demeure, devra faire l’objet d’une nouvelle mise en demeure par l’instance de régulation avant que celle-ci puisse envisager de la sanctionner.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

L’ARCOM devra dorénavant s’interroger au cas par cas sur la nécessité de rendre publique sa décision de sanction au regard des circonstances de l’espèce, en prenant en compte notamment la gravité du manquement commis, la sanction prononcée et l’éventuel caractère réitéré du manquement.

Si l’Autorité décide de publier sa décision de sanction, elle devra fixer le support de la publication : au Journal officiel et/ou sur son site Internet. S’il n’y a aucun obstacle à ce qu’une décision de sanction soit publiée sur un support et non sur un autre, la publication sur le site Internet pourrait être réservée aux sanctions les plus graves (retrait de l’autorisation par exemple) dès lors qu’elle est susceptible de se traduire par une plus grande visibilité que la publication au Journal officiel (qui ne s’accompagne d’aucune indexation).   

Si l’ARCOM décide de publier sa décision de sanction sur son site internet, elle devra fixer la durée de la publication – la question ne se posant pas s’agissant de la publication des décisions de sanction au Journal officiel, compte tenu de la nature de ce support qui ne permet pas une publication limitée dans le temps. En droit, le Conseil d’Etat considère que la publication d’une sanction en ligne « sans borne temporelle » est disproportionnée[181]. Le délai pourrait aller jusqu’à deux ans au regard de la jurisprudence et de la pratique de la CNIL.

A l’avenir, si l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique décide de rendre publique sur son site une sanction infligée à un opérateur, il conviendra qu’elle en fasse état dans les motifs et le dispositif de sa décision.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


Articles 46 à 48 : critères de détermination de la loi applicable à un service ; entrave à la retransmission d’un service relevant de la compétence d’un autre Etat ; recensement des services relevant de la compétence de la France

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

La directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle prévoyait prévoit « les dispositions minimales nécessaires pour assurer la libre diffusion des émissions » en Europe.

La dernière modification de fond de cette directive, ultérieurement codifiée par la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, avait été introduite en 2007 par l'adoption de la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil. Depuis lors, le marché des services de médias audiovisuels a évolué de manière rapide et conséquente en raison de la convergence qui s'établit entre la télévision et les services internet et de la place croissante prise dans les usages audiovisuels par les services numériques (réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéo).

Le 6 mai 2015, la Commission avait adopté une communication intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », dans laquelle elle annonçait un réexamen de la directive 2010/13/UE.

C’est ainsi que le 14 novembre 2018 a été adoptée la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.

Il en va ainsi des règles relatives aux critères de détermination de la loi applicable à un service de médias audiovisuels. Aux termes de l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808, deux séries de critères permettent aujourd’hui de déterminer la compétence des Etats membres sur les éditeurs de services de médias audiovisuels :

        un éditeur relève de la compétence de l’Etat membre sur le territoire duquel il est établi selon des critères précisément définis (lieu où sont prises les décisions éditoriales, où travaille la majorité du personnel, etc.) ;

        s’il n’est pas établi sur le territoire de cet Etat membre, il relève néanmoins de sa compétence s’il utilise une liaison montante vers un satellite située dans cet Etat membre ou s’il utilise une capacité satellitaire relevant de cet Etat. Cette dernière série de critères a pour effet de faire relever de la compétence française un très grand nombre de chaînes extra-européennes diffusées sur Eutelsat.

Ces critères de détermination de la loi applicables ont été transposés aux articles 43-2 et suivants de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication modifiée par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, au sein d’un chapitre 5 relatif à la détermination des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande soumis à la présente loi dans le titre II de cette même loi intitulé « Des services de communication audiovisuelle ».

La directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 du 10 mars 2010 apporte trois séries de modifications à ce dispositif :

        elle précise, au sein du critère d’établissement fondé sur la localisation d’une part importante des effectifs employés aux activités de services de médias audiovisuels, qu’il s’agit des activités « liées à un programme » ; 

        elle impose aux éditeurs de services d’informer leur autorité de régulation de tout changement susceptible de les soumettre à la loi d’un autre Etat (changement de la liaison montante par exemple) ; Cette formalité est destinée à permettre aux Etats membres d’établir et de tenir à jour la liste mentionnée au point suivant ;

        elle oblige les États membres à établir et tenir à jour une liste des éditeurs relevant de leur compétence et à communiquer cette liste à la Commission qui détient ainsi une base de données centralisée et publique pour l’Europe entière ; la Commission est chargée de résoudre les conflits de compétence que l’établissement de ces listes nationales pourrait faire apparaître et peut, à cette fin, recueillir l’avis du groupe des régulateurs européens pour les services de médias (ERGA) dont l’existence est ainsi consacrée par la directive. La directive précise ici qu’afin d'assurer la mise en œuvre effective de la directive 2010/13/UE, il est crucial que les États membres établissent et tiennent à jour cette liste.

L’un des principes fondateurs de la directive sur les services de médias audiovisuels consiste à garantir la libre circulation des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande au sein de l’Union européenne. Les États membres sont en conséquence tenus d’assurer la liberté de réception sur leur territoire de ces services en provenance d’autres États membres (article 3 point 1).

Les modalités d’entrave à cette reprise sont strictement encadrées, sur le fond (motivation par l’ordre public) comme sur la procédure à suivre (obligation de consultation entre États, sous le contrôle de la Commission européenne).

Les procédures et les motifs d’entrave ne sont pas complétement identiques pour les services de télévision et les services de médias audiovisuels à la demande. La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a procédé à leur transposition, à l’article 43-8 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour les services de télévision et à l’article 43-9 de la même loi pour les services de médias audiovisuels à la demande.

Cette transposition a été complétée par le décret n° 2010-1593 du 17 décembre 2010 relatif aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d'un autre État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou à la convention européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989.

La nouvelle directive (UE) 2018/1808 fusionne ces procédures et motifs en créant un régime commun aux deux catégories de services. Elle encadre davantage la procédure d’entrave (respect des droits de la défense, allongement des délais d’examen par la Commission).

1.2.    Droit comparé

A ce jour, seule l’Autriche a procédé à la transposition de la directive 2018/1808/UE du 14 novembre 2018.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive.

 Il convient donc de modifier la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour introduire les modifications présentées ci-dessus :

        Obligation des éditeurs de services d’informer l’autorité de régulation de tout changement susceptible de les faire changer de loi applicable ;

        Obligation d’établir et tenir à jour une liste des éditeurs relevant de la compétence de la France ;

        Détermination d’un régime unifié d’entrave en France à la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d’un autre Etat membre.

2.2.    Objectifs poursuivis

Les mesures envisagées ont pour objet de procéder à la transposition de ces dispositions nouvelles s’agissant de l’application de la loi du 30 septembre 1986 aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande qui doivent en relever et aux modalités d’entrave à la retransmission d’un service de médias audiovisuels relevant de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne. La date butoir pour transposer cette directive est fixée au 19 septembre 2020.

3.     Options possibles et dispositif retenu

Sur la mission nouvelle consistant à établir et tenir à jour une liste des éditeurs de services relevant de la compétence de la loi française qui est adressée aux États membres par la directive, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) sera en France la seule à même d’en assurer la charge au regard des missions qui lui sont déjà confiées. Il appartient en effet déjà à l’ARCOM de s’assurer du respect par l’ensemble des éditeurs en cause des obligations qui leur sont applicables.

Le dispositif retenu consiste donc à :

-          ajouter, à l’article 43-3 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication la précision issue du 2 b) de l’article 2 introduit par la directive (UE) 2018/1808, s’agissant du critère d’établissement fondé sur la localisation d’une part importante des effectifs employés aux activités de services de médias audiovisuels, qu’il s’agit des activités « liées à un programme » ;

-          reprendre, à l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 précitée le régime d’entrave en France à la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d’un autre État membre, issu de la nouvelle rédaction de la directive 2010/13/UE modifiée par la directive (UE) 2018/1808 ;

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique pourra ainsi suspendre provisoirement la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Cette suspension se fera sous certaines conditions qui seront définis par décret en Conseil d’État (ex : au moins deux fois au cours des douze derniers mois ou au moins une fois au cours des douze derniers mois à des agissements mentionnés par ces dispositions).

-          imposer, à l’article 43-9 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, aux éditeurs de services de médias audiovisuels en cause d’informer l’ARCOM de toute modification susceptible d'affecter la compétence de la France, par transposition de l’article 5 bis nouveau de la directive 2010/13/UE modifiée par la directive (UE) 2018/1808 ;

-          imposer à l’ARCOM d’établir et de tenir à jour une liste des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France en indiquant le critère sur lequel est fondé cette compétence. Cette liste est ensuite communiquée, par l’intermédiaire du Gouvernement, à la Commission européenne. Cette modification est introduite à l’article 43-9 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, par transposition de l’article 5 ter nouveau de la directive 2010/13/UE modifiée par la directive (UE) 2018/1808 

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Au sein du chapitre V du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sont modifiés : 

        l’article 43-3 sera modifié;

        un nouvel article 43-9 sera inséré ;

        et au sein de l’article 43-8 seront réunies des dispositions figurant respectivement aux anciens articles 43-8 et 43-9 de ladite loi.

Elle est conforme au droit de l’Union européenne et notamment à la directive (UE) 2018/1808 qu’elle transpose (articles 2, 5 bis et 5 ter nouveau, etc).

Selon les considérants de la directive nouvelle, ces mesures, en prévenant les conflits positifs ou négatifs de loi, assurent une plus grande sécurité juridique aux opérateurs économiques concernés :

(7) Afin d'assurer la mise en œuvre effective de la directive 2010/13/UE, il est crucial que les États membres établissent et tiennent à jour des registres des fournisseurs de services de médias et des fournisseurs de plateformes de partage de vidéos relevant de leur compétence, et partagent régulièrement ces registres avec leurs autorités ou organismes de régulation indépendants compétents et avec la Commission. Ces registres devraient contenir des informations concernant les critères sur lesquels est fondée la compétence.

(8) La détermination de la compétence suppose une appréciation des situations factuelles par rapport aux critères définis dans la directive 2010/13/UE. L'appréciation de ces situations factuelles pourrait conduire à des résultats contradictoires. En appliquant les procédures de coopération prévues dans ladite directive, il importe que la Commission puisse fonder ses conclusions sur des données factuelles fiables. Le groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) devrait dès lors être habilité à rendre des avis concernant la compétence à la demande de la Commission. Lorsque la Commission décide, en appliquant ces procédures de coopération, de consulter l'ERGA, elle devrait informer le comité de contact, notamment au sujet des notifications reçues des États membres dans le cadre de ces procédures de coopération, ainsi qu'en ce qui concerne l'avis de l'ERGA. »

4.2.    Impacts sur les services administratifs

Les modifications liées au régime d’entrave en France à la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d’un autre Etat membre ne produisent pas d’incidence particulière et simplifient l’action de l’ARCOM : il ne s’agit que fusionner et unifier deux procédures existantes ; ces procédures sont au demeurant rarement mises en œuvre.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Un décret en Conseil d’Etat sera nécessaire pour préciser les conditions d’application du dispositif d’entrave en France à la retransmission d’un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence d’un autre Etat membre. 

 


Article 49 : relations ARCOM-Administration des impôts

 

1.     État des lieux

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication soumet les éditeurs de services de télévision et les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande à des obligations de contribution au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française.

Les différents décrets pris pour son application en précisent les modalités et définissent notamment l’assiette de cette contribution : décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre ; décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ; décret n°2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande.

Il résulte de ces différents décrets que l’assiette des obligations est constituée, principalement, selon la catégorie des services :

        du chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent, en ce qui concerne les services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre, les services payants autres que les services de cinéma pour leurs obligations en matière d’œuvres cinématographiques, ainsi que les services de médias audiovisuels à la demande ;

        des ressources totales annuelles nettes de l’exercice en cours, en ce qui concerne les services de télévision payants de cinéma, pour leurs obligations en matière d’œuvres cinématographiques ;

        des ressources totales annuelles nettes de l’exercice précédent en ce qui concerne les services de télévision payants, de cinéma ou non, pour les obligations en matière d’œuvres audiovisuelles.

Conformément au décret précité du 2 juillet 2010, les services de télévision payants sont ceux dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers. Au sein de ces services, les services de cinéma sont plus précisément définis comme ceux dont l'objet principal est la programmation d'œuvres cinématographiques et d'émissions consacrées au cinéma et à son histoire (article 6-2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990, pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision). Par opposition, les services diffusés en clair sont les services accessibles gratuitement pour les usagers.

Sur la base de l’assiette ainsi définie, les éditeurs doivent consacrer un certain pourcentage de celle-ci à des investissements dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française. Ces investissements sont réalisés sous la forme soit d’investissements en parts de producteur, soit d’achats de droits de diffusion avant la fin des prises de vues, dénommés en pratique « préachats », soit de simples achats de droits de diffusion.

Ci-dessous les derniers éléments chiffrés disponibles relatifs aux obligations de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique :

 

Source : CSA, Chiffres clés 2017.

 

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel – à l’avenir, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – est chargé de contrôler le respect par les éditeurs de leurs obligations de contribution à la production. Conformément aux articles 42 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il peut ainsi, après mise en demeure, prononcer des sanctions à l’encontre d’un éditeur en cas de manquements à ces obligations.

Pour l'accomplissement de cette mission de contrôle, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, en application de l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, recueillir auprès des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle toutes les informations nécessaires pour s'assurer du respect des obligations imposées aux éditeurs.

S’agissant des services de télévision, pour lesquels une convention est conclue entre l’éditeur et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (articles 28 et 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986), cette convention prévoit les modalités selon lesquelles l’éditeur communique annuellement au Conseil supérieur de l'audiovisuel, sous forme de rapport, les informations nécessaires au contrôle de l’exécution de ses obligations de contribution à la production.

S’agissant des services de médias audiovisuels à la demande, qui, en l’état actuel du droit, ne font pas l’objet d’une convention mais sont uniquement soumis à déclaration auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (article 33-1 II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée), le décret précité du 12 novembre 2010 prévoit directement les conditions dans lesquelles l’éditeur rend compte de ses obligations de contribution à la production. L’article 21 de ce décret précise ainsi qu’au plus tard le 30 juin de chaque année, les éditeurs communiquent au Conseil supérieur de l'audiovisuel une déclaration relative au respect de leurs obligations, certifiée par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, et comprenant les éléments de comptabilité analytique nécessaires à la détermination du chiffre d'affaires de chaque service en fonction de son mode de commercialisation ou de sa nature.

Dans le cadre de ce dispositif, le Conseil supérieur de l'audiovisuel dispose donc d’éléments chiffrés, fournis par les éditeurs eux-mêmes, relatifs à l’assiette de leurs obligations. Toutefois, il n’est pas en mesure de s’assurer de l’exactitude des éléments transmis. Il ne peut notamment pas procéder à des contrôles de cohérence au moyen de données similaires détenues par une autre autorité.

Le contexte économique et réglementaire de la diffusion de services de médias audiovisuels impose de renforcer les outils de contrôle des informations déclarées par les éditeurs et de les recouper avec d’autres éléments reçus par les administrations. En effet, d’une part, certains éditeurs tendent à diversifier leurs offres en y incluant des services complémentaires pouvant être survalorisés (presse, jeux, etc.) au détriment de l’assiette des obligations. D’autre part, le contrôle de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique sera étendu par la présente loi aux opérateurs étrangers ciblant le territoire français qui se verront soumis à des obligations de contribution au titre des revenus qu’ils y réalisent.

Or, depuis le 1er janvier 2015, la direction générale des finances publiques dispose des données relatives au chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national par les entreprises, établies hors de France, qui réalisent des prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision et des services électroniques. En effet, lorsque ces prestations de services, qui comprennent la mise à disposition de services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, sont effectuées à destination de clients non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, elles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée du pays dans lequel est consommé le service.

C’est ce que prévoit, transposant l’article 58 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, l’article 259 B du code général des impôts. Par ailleurs, la direction générale des finances publiques est chargée du recouvrement et du contrôle de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels prévue à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts due notamment par les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande qu’ils soient ou non établis en France. Elle dispose donc également à ce titre d’éléments permettant de déterminer le chiffre d’affaires de ces éditeurs.

Dans ce cadre, a été mis en place le mini-guichet unique de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui permet aux éditeurs de centraliser la déclaration et le paiement de la TVA auprès d’un seul Etat membre en détaillant les services fournis dans chaque Etat membre et le chiffre d’affaires correspondant qui y est réalisé. Conformément au Guide du mini-guichet unique en matière de TVA de la Commission européenne du 23 octobre 2013, l’Etat membre centralisateur transmet ensuite ces éléments et le montant de TVA correspondant aux différents Etats membres de consommation. Ainsi, l’administration fiscale française a connaissance du montant du chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national par les éditeurs de services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande établis dans un autre Etat membre.

Toutefois, ces informations ne peuvent être transmises au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

L’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée permet aujourd’hui au Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour l'accomplissement des missions qui lui sont confiées, de recueillir toutes les informations nécessaires auprès des administrations, des producteurs d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ainsi que des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle. Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés par le Conseil à d'autres fins que l'accomplissement des missions qui lui sont confiées par la loi. Leur divulgation est interdite.

Dans ce cadre, le Conseil dispose déjà de la possibilité de s’adresser à des tiers pour vérifier les déclarations des éditeurs. Il peut s’adresser aux producteurs pour s’assurer de la réalité d’une dépense d’investissement ou demander aux distributeurs de confirmer le montant des ressources reçues par l’éditeur pour l’exploitation de son service sur les différents réseaux. L’article 19 ne lui permet toutefois pas de contrôler pleinement l’assiette déclarée par les éditeurs. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne peut notamment pas s’adresser aux régies publicitaires, qui reversent aux éditeurs les recettes liées à la diffusion de messages publicitaires et de parrainage. Surtout, la possibilité de recueillir des informations auprès des « administrations » est insuffisante pour permettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de s’adresser à l’administration fiscale, dont les données sont couvertes par le secret fiscal.

En effet, d’une part, l'article L. 103 du livre des procédures fiscales dispose que l'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. Le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations.

Il en résulte que les agents des finances publiques sont tenus au respect de l’obligation générale et absolue du secret professionnel édictée par le code pénal dont ils ne peuvent être déliés que par la loi.

Par conséquent, les dérogations au secret professionnel de ces agents font l’objet de dispositions expresses dans le livre des procédures fiscales. Il existe ainsi de nombreuses dérogations établies au profit d’administrations, d’autorités administratives, de collectivités, de services et d’autres organismes, publics ou privés (syndicats, centres de gestion agréés, Agence nationale des fréquences, etc.).

L’article L. 163 du livre des procédures fiscales prévoit par exemple une dérogation au profit du Centre national du cinéma et de l’image animée, selon laquelle ce dernier peut recevoir de l'administration des impôts tous les renseignements relatifs aux recettes réalisées par les entreprises soumises à son contrôle, lorsqu’elles sont nécessaires au recouvrement et au contrôle des impositions mentionnées aux articles L. 115-1, L. 115-6 et L. 115-14 du code du cinéma et de l'image animée.

Enfin, l’article 13.2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 dite Directive SMA (« Services de médias audiovisuels ») étend les obligations de contribution à la production aux éditeurs étrangers qui ciblent le territoire d’un Etat membre. Cette directive, transposée en Italie par un décret-loi du 8 août 2019, est en cours de transposition dans tous les Etats membres de l’Union européenne. Elle est transposée en France par le présent projet de loi. Dans cette mesure, le contrôle des obligations de contribution à la production exercé par la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est appelé à se complexifier.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

L’enrichissement et la complexification des missions de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel – à l’avenir, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) – à la suite des nouvelles exigences imposées par la transposition de la directive SMA, doivent être accompagnés des moyens appropriés. Pour cela, il est nécessaire de modifier les dispositions législatives nationales en vigueur.

Si la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, notamment son article 19, donne au Conseil supérieur de l’audiovisuel aujourd’hui et, demain, à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, des outils lui permettant de s’assurer du respect des obligations imposées aux éditeurs de services de médias audiovisuels, ces outils doivent être renforcés tant au regard de l’évolution des offres proposées par les éditeurs français que de l’intégration dans le dispositif de contribution à la production d’opérateurs étrangers.

Les possibilités offertes par le cadre juridique actuel ne permettent pas à l’Autorité de réaliser un contrôle de cohérence optimal sur l’intégralité de l’assiette des obligations.

S’agissant du contrôle des obligations qui seront imposées aux éditeurs étrangers, il est nécessaire de mettre en place des échanges entre l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et les autorités de régulation des autres Etats membres, tendant à obtenir des informations sur le chiffre d’affaires réalisé en France par les éditeurs relevant de leur compétence. Toutefois, cette avancée qui devra être obtenue à l’échelle européenne n’exclut pas l’utilité des échanges au niveau des administrations françaises.

Dans ces conditions, comme pour les autres dérogations au secret fiscal, il est donc nécessaire de prévoir expressément la possibilité, pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, d’obtenir des informations sur le chiffre d’affaires des éditeurs auprès de l’administration fiscale, par une disposition expresse insérée dans le livre des procédures fiscales (article L. 163).

2.2.    Objectifs poursuivis

En instaurant dans la loi la possibilité pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d’obtenir de l’administration fiscale des renseignements relatifs au chiffre d’affaires des éditeurs de services de télévision et de services de médias audiovisuels à la demande, la mesure vise à :

-          renforcer les moyens d’action de l’Autorité en lui donnant accès à des informations détenues par une administration qui dispose de larges pouvoirs pour en vérifier la fiabilité ;

-          renforcer ainsi l’efficacité du contrôle opéré par l’Autorité pour vérifier la cohérence et l’exactitude de l’assiette des obligations telle qu’elle lui est déclarée par les éditeurs, en particulier dans le contexte de l’extension de ces obligations à des opérateurs étrangers ;

-          inciter les éditeurs à la transparence et à la sincérité dans leurs déclarations auprès du régulateur eu égard aux possibilités de recoupement d’informations.

3.     Options possibles et dispositif retenu

En l’état actuel du droit, le secret fiscal couvre les informations auquel l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique doit pouvoir accéder pour pouvoir exercer son contrôle. Il est donc nécessaire, pour que le contrôle soit effectif, de déroger à ce principe. Compte tenu du cadre juridique rappelé ci-dessus, seule l’instauration d’un nouveau dispositif législatif permet d’établir une telle dérogation.

La seule option pertinente, sur les plans juridique et pratique, pour permettre à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de disposer d’informations fiables et d’exercer, par ce moyen, un contrôle de cohérence efficace, est de prévoir expressément un dispositif dans le livre de procédures fiscales, comme cela existe dans d’autres domaines. Il y a donc lieu d’inscrire dans la loi la possibilité pour l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d’accéder aux renseignements détenus par l’administration fiscale sur le chiffre d’affaires des éditeurs soumis à son contrôle. A ce dispositif viendra par ailleurs s’ajouter le mécanisme d’échanges d’informations entre l’Autorité et le Centre national du cinéma et de l’image animée, prévu à l’article 47 du présent projet de loi.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La mesure insère un nouvel alinéa à l’article L. 163 du livre des procédures fiscales prévoyant que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut recevoir de l’administration des impôts tous les renseignements relatifs au chiffre d’affaires des entreprises soumises à son contrôle.

La mesure envisagée est conforme au droit de l’Union européenne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels»). L’application de cette directive, qui prend en compte l'évolution des réalités du marché et étend les obligations de contribution à la production aux éditeurs étrangers qui ciblent le territoire d’un Etat membre, requiert un renforcement des moyens de contrôle et, par suite, des échanges d’informations.

4.2.    Impacts économiques et financiers

S’agissant des éditeurs de services de télévision, au titre de l’exercice 2017, 76 services nationaux hertziens et non hertziens étaient assujettis à une obligation de contribution à la production audiovisuelle et 22 services nationaux hertziens et non hertziens étaient assujettis à des obligations de financement des œuvres cinématographiques (rapport annuel 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel).

Le marché des services de médias audiovisuels à la demande est estimé à 669 millions d’euros en France (rapport annuel 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel). En l’état actuel du droit, seuls les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande dont le chiffre d’affaires est supérieur à 10 millions d’euros sont soumis aux obligations de contribution (art. 2 du décret n°2010-1379 précité). A la fin de l’année 2018, sur 237 éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande recensés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, seuls cinq sont concernés (rapport annuel 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel). S’agissant des éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande établis à l’étranger, en l’absence de transposition complète de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 dans les différents Etats membres, leur nombre exact dépend des conditions de mise en œuvre de cette directive et, dès lors, n’est pas encore connu.

La mesure devrait contribuer à garantir la sincérité des déclarations transmises par les éditeurs de services de médias audiovisuels à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique qui disposera en effet de moyens élargis pour s’assurer de leur exactitude.

Elle favorisera ainsi une meilleure transparence sur le chiffre d’affaires des acteurs de la diffusion, notamment des plateformes étrangères, et, in fine, la bonne application de leurs obligations de contribution en matière de production cinématographique et audiovisuelle.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

La mesure proposée facilitera le contrôle du respect des obligations de contribution à la production par les agents de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en leur permettant de s’adresser aux agents de l’administration fiscale.

Les informations seront demandées, en tant que de besoin, par les agents de l’ARCOM aux agents de la direction générale des finances publiques (direction des grandes entreprises ou service chargé de la gestion fiscale des professionnels – GF2). Les données pourront être transmises par voie dématérialisée, dans le respect de la confidentialité qui les entoure, comme cela est déjà le cas dans le cadre des échanges entre l’administration fiscale et le Centre national du cinéma et de l’image animée au titre de l’article L. 163 du livre des procédures fiscales.

Pour les agents de la direction générale des finances publiques, cet échange d’informations implique seulement des envois supplémentaires, exercés ponctuellement. Les données concernées sont aisément identifiables et mobilisables (liasse fiscale, déclarations de taxe sur la valeur ajoutée), de sorte que ces envois seront aisés. Aucun recrutement ne sera nécessaire. Il y aura seulement lieu de prévoir, pour les agents concernés, une information appropriée lorsque le dispositif entrera en vigueur.

En ce qui concerne les agents habilités du Conseil supérieur de l’audiovisuel, future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, le traitement des informations reçues s’inscrit dans le cadre du contrôle qu’ils exercent déjà. Il permettra d’enrichir, de compléter et ainsi de faciliter ce contrôle. Dans cette mesure, le nouveau dispositif ne constituera pas une charge administrative supplémentaire. Au contraire, il apportera un nouvel outil, dont le temps de traitement, extrêmement limité, sera, en tout état de cause, compensé par l’enrichissement apporté dans les contrôles. L’entrée en vigueur du dispositif ne nécessitera pas de recrutement supplémentaire. Il requerra seulement une information adéquate, et, éventuellement, selon l’appréciation du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, des formations appropriées.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.    Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

 


Articles 50 à 53 : régulation des plateformes en ligne

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

La directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle prévoyait prévoit « les dispositions minimales nécessaires pour assurer la libre diffusion des émissions » en Europe.

La dernière modification de fond de cette directive, ultérieurement codifiée par la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, avait été introduite en 2007 par l'adoption de la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil. Depuis lors, le marché des services de médias audiovisuels a évolué de manière rapide et conséquente en raison de la convergence qui s'établit entre la télévision et les services internet et de la place croissante prise dans les usages audiovisuels par les services numériques (réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéo).

Le 6 mai 2015, la Commission avait adopté une communication intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », dans laquelle elle annonçait un réexamen de la directive 2010/13/UE.

C’est ainsi que le 14 novembre 2018 a été adoptée la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.

La principale novation de la directive « Services de médias audiovisuels » réside dans l’extension de la régulation audiovisuelle aux plateformes de partage de vidéos (chapitre IX bis nouveau), justifiée pour des motifs proches à ceux qui avaient abouti à l’inclusion des services de vidéo à la demande lors de la précédente révision de la directive :

« Les services de plateformes de partage de vidéos fournissent un contenu audiovisuel qui est de plus en plus consulté par le grand public, en particulier les jeunes. Cela vaut également pour les services de médias sociaux, qui sont devenus un vecteur important de partage de l'information, de divertissement et d'éducation, notamment en fournissant un accès à des programmes et à des vidéos créées par l'utilisateur. Parce qu'ils se disputent les mêmes publics et les mêmes recettes que les services de médias audiovisuels, ces services de médias sociaux doivent être inclus dans le champ d'application de la directive 2010/13/UE. En outre, ils ont également un impact considérable en ce qu'ils permettent plus facilement aux utilisateurs de façonner et d'influencer l'opinion d'autres utilisateurs. Par conséquent, afin de protéger les mineurs des contenus préjudiciables et de mettre l'ensemble des citoyens à l'abri des contenus incitant à la haine, à la violence et au terrorisme, ces services devraient relever de la directive 2010/13/UE dans la mesure où ils répondent à la définition d'un service de plateformes de partage de vidéos. » (Considérant 4 nouveau)

1.2.    Dispositions nouvelles de la directive SMA

En premier lieu, le a bis du 1 de l’article premier de la directive définit ainsi un service de plateformes de partage de vidéos : « un service (…) pour lequel l'objet principal est la fourniture au grand public de programmes, de vidéos créées par l'utilisateur, ou des deux, qui ne relèvent pas de la responsabilité éditoriale du fournisseur de la plateforme de partage de vidéos, dans le but d'informer, de divertir ou d'éduquer, par le biais de réseaux de communications électroniques au sens de l'article 2, point a), de la directive 2002/21/CE, et dont l'organisation est déterminée par le fournisseur de la plateforme de partage de vidéos, à l'aide notamment de moyens automatiques ou d'algorithmes, en particulier l'affichage, le balisage et le séquencement ; »

La directive précise que les clips vidéos incorporés dans le contenu éditorial des versions électroniques de journaux et de magazines et les images animées, au format GIF notamment, de même que les activités non économiques, « telles que le contenu audiovisuel sur les sites web privés et les communautés d'intérêt non commerciales » ne sont pas concernés.

De plus, le nouvel article 28 bis introduit par la directive 2018/1808 modifiant la directive 2010/13/UE détermine ainsi la loi applicable :

        un fournisseur de plateforme de partage de vidéo est soumis à la loi de l’Etat membre de l’Union européenne dans lequel il est établi :

        s’il n’est pas établi dans un Etat membre, il est soumis, respectivement, à la loi de l’Etat membre dans lequel la personne qui le contrôle, une de ses filiales, ou une autre entreprise de son groupe est établie.

Comme pour les services de médias audiovisuels, les Etats membres doivent enfin établir et tenir à jour une liste des fournisseurs de plateformes de partage de vidéos relevant de leur compétence, la communiquer à la Commission européenne qui constitue une base de données centralisée et publique. La Commission européenne veille à leur cohérence, en liaison avec les Etats, le comité de contact et le groupe des régulateurs européens (ERGA).

1.3.    Obligations applicables

Au terme du 1 de l’article 28 ter introduit par la directive 2018/1808 modifiant la directive 2010/13/UE, les États membres doivent d’abord veiller à ce que les fournisseurs de plates-formes de partage de vidéos prennent les « mesures appropriées » pour protéger :

        les mineurs de programmes, de vidéos créées par les utilisateurs et de communications commerciales audiovisuelles susceptibles d'altérer leur développement physique, mental ou moral ;

        le public en général des émissions, vidéos créées par les utilisateurs et communications commerciales audiovisuelles contenant une incitation à la violence ou à la haine ou dont la diffusion constitue une infraction pénale en droit de l'Union (provocation publique à commettre une infraction terroriste, pédopornographie, racisme et xénophobie).

Les États membres doivent ensuite veiller, au terme du 2 du même article 28 ter, à ce que les fournisseurs de plates-formes de partage de vidéos :

        respectent les règles déontologiques posées par la directive en ce qui concerne les communications commerciales audiovisuelles qu’ils commercialisent, vendent ou organisent eux-mêmes, et prennent les « mesures appropriées » pour que ces règles soient également respectées pour les communications commerciales audiovisuelles commercialisées, vendues ou organisées par des tiers (par exemple un « youtubeur ») ;

        informent clairement les utilisateurs de l’existence de ces communications commerciales au sein des programmes et des vidéos créées par les utilisateurs.

Elle précise enfin, à l’instar de la disposition adoptée pour les services de médias audiovisuels, que les données personnelles des mineurs collectées ou générées par les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos pour l’exploitation des dispositifs de vérification de l’âge et de contrôle parental ne doivent pas être traitées à des fins commerciales.

Pour la mise en œuvre de ces mesures, la directive privilégie l’auto-régulation ou la corégulation dont l’expérience aurait montré que ces méthodes jouent « un rôle important pour garantir un haut niveau de protection des consommateurs ». Elle précise encore que les « mesures visant à atteindre les objectifs d’intérêt public dans le secteur des nouveaux services de médias audiovisuels sont plus efficaces si elles sont prises avec le soutien actif des fournisseurs de service eux-mêmes. Ainsi, l’autorégulation représente un type d’initiative volontaire qui permet aux opérateurs économiques, aux partenaires sociaux, aux organisations non gouvernementales ou aux associations d’adopter entre eux et pour eux-mêmes des lignes directrices communes. » [182]

La nouvelle directive encourage donc ainsi largement l’adoption de codes de bonne conduite, sous l’égide des régulateurs nationaux, selon les dispositions du nouvel article 4 bis[183].

Les prescriptions qu’elle formule sont précises spécifiquement en matière alimentaire : le nouvel article 9.4 prévoit que ces codes doivent en outre à « réduire efficacement l'exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires ou des boissons contenant des nutriments ou des substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique (…), dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n'est pas recommandée. Ces codes visent à faire en sorte que ces communications commerciales audiovisuelles ne mettent pas en évidence le côté positif des aspects nutritionnels de ces denrées alimentaires et boissons. »

Les États membres doivent mettre en place les mécanismes nécessaires pour apprécier le caractère approprié des mesures prises par les fournisseurs de plates-formes de partage de vidéos et confier l'évaluation de ces mesures aux autorités de régulation nationales.

Le respect de ces dispositions nouvelles doit faire l’objet :

        d’un mécanisme de recours extra-judiciaires entre utilisateurs et fournisseurs de plateformes, permettant un règlement impartial des litiges ;

        de la possibilité, pour les utilisateurs, de faire valoir leurs droits devant une juridiction.

Les Etats membres peuvent imposer des mesures plus strictes ou plus détaillées, dans le respect de la directive 2000/31/CE dite « Commerce électronique » et de la directive 2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie.

1.4.    Etat du droit national

Au niveau national, l’article 2 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise des définitions usuelles des moyens de communication et médias mais ne comporte pas de définition précise des plateformes en ligne. L’article 17-1 de la même loi précise quant à lui la procédure de règlement des différends devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel les différends opposant un utilisateur et un fournisseur de partage de vidéos.

La loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information a introduit à l’article 17-2 de la même loi une mission nouvelle confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel, relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Cette mission s’applique aux opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l’article L. 163-1 du code électoral, catégorie juridique plus large que celle des plateformes de partage de vidéos.

La proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, en cours d’examen au Parlement, assigne également en la matière un nouveau rôle au Conseil supérieur de l’audiovisuel vis-à-vis des opérateurs de plateforme en ligne. Elle modifie à cette fin la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, par l’introduction d’un nouvel article 17-3. 

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «Services de médias audiovisuels», compte tenu de l'évolution des réalités du marché, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à cette directive.

Ces dispositions sont toutes inédites en droit français.

Leur insertion au sein de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est nécessaire puisqu’elles ont pour objet de veiller à la protection des publics contre les contenus susceptibles de leur nuire par un moyen de communication électronique, et que leur mise en œuvre est confiée à l’autorité chargée de réguler les services de communication audiovisuelle.

En effet, les missions de l’autorité de régulation et la nature/définition des moyens de communication (article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) sont fixées au niveau national par des mesures législatives.

Or la transposition des dispositions de la directive 2018/1808 du 14 novembre 2018 relatives aux plateformes de partage de vidéo implique en second lieu une série de dispositions relativement précises qui n’offrent pas de marge de manœuvre aux Etats membres dans cet exercice de transposition. Il en va ainsi de la définition des plateformes elles-mêmes et des critères de détermination de la loi qui leur est applicable.

 De même, elle comporte une liste détaillée de « mesures appropriées » devant être mises en œuvre par les plateformes aux fins de protéger les mineurs, de lutter contre les contenus haineux, ou de réguler les communications commerciales.

Elles appellent la mise en œuvre de modalités de régulation qui s’inscrivent dans la continuité de ceux historiquement mis en place pour les services audiovisuels traditionnels, tout en les modernisant et en les assouplissant (recours à la co-régulation ou supervision).

2.2.    Objectifs poursuivis

Les modifications apportées ont pour objet de procéder à la transposition de ces dispositions nouvelles s’agissant de l’application de la loi du 30 septembre 1986 précitée aux services de plateformes de partage de vidéo. 

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

3.1.1.   Sur l’architecture de la loi du 30 septembre 1986

Il aurait pu être envisagé de transposer les dispositions de la directive SMA relatives à la régulation des plateformes de partage de vidéos dans un chapitre autonome, sans les articuler avec les autres missions confiées au CSA, ou en passe de lui être confiées, à l’égard des plateformes en ligne.

Cette option n’a pas été retenue, d’une part parce qu’elle nuit à l’intelligibilité de la législation, d’autre part parce qu’elle ne fait pas suffisamment apparaître la cohérence de ces nouvelles missions, qui visent des services en partie identiques, poursuivent des finalités communes en termes de protection des publics, et reposent sur des modes de régulation similaires, assouplis et modernisés, consistant à fixer dans la loi les principes, et à laisser les plateformes libres de choisir les moyens les plus appropriés pour y parvenir, sous le contrôle du régulateur.

3.1.2.   Sur le degré de précision de la transposition

La transposition des dispositions de la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 relatives aux plateformes de partage de vidéo implique en second lieu une série de dispositions relativement précises qui n’offrent pas de marge de manœuvre aux Etats membres dans cet exercice de transposition. Il en va ainsi de la définition des plateformes elles-mêmes et des critères de détermination de la loi qui leur est applicable.

En revanche, sur le contenu des mesures dont il s’agit de garantir le respect par les opérateurs de plateformes de partage de vidéo, la directive privilégie l’auto-régulation ou la corégulation. Les Etats membres doivent pour leur part, aux termes des dispositions du 3 de l’article 28 ter :

1° veiller à ce que, en encourageant des mécanismes d’autorégulation, un certain nombre de prescriptions soient respectées directement ou indirectement par les fournisseurs de plateformes ;

2° mettre en place des mécanismes d’évaluation de l’adéquation de ces mesures ;

3° évaluer ces mesures par leurs autorités de régulation nationales ;

4° garantir aux utilisateurs et plateformes de pouvoir résoudre leurs litiges par des mécanismes impartiaux de règlement extra judiciaire ; 

5° garantir aux utilisateurs la condamnation en justice du non-respect de mesures ainsi adoptées.

La directive comporte une liste détaillée de « mesures appropriées » devant être mises en œuvre par les plateformes aux fins de protéger les mineurs, de lutter contre les contenus haineux, ou de réguler les communications commerciales. Il aurait pu être envisagé de retranscrire in extenso cette liste dans la loi. Cette option présentait toutefois le double inconvénient de limiter excessivement les marges de manœuvre dont le régulateur disposera pour apprécier le caractère approprié des mesures mises en œuvre, et de ne pas tenir suffisamment compte de la diversité des acteurs regroupés au sein de la catégorie « plateformes de partage de vidéos ». Elle n’a donc pas été retenue.

Enfin, les Etats restent libres d’adopter des règles plus strictes ou plus détaillées dans le respect de la directive « Commerce électronique » (6 du nouvel article 28 ter). Toutefois, compte tenu du nombre limité d’opérateurs relevant de la compétence de la France auxquels de telles mesures seraient applicables, les mesures envisagées ne vont pas au-delà des prescriptions, déjà très complètes, retenues par la directive.

3.2.    Dispositif retenu

Les mesures envisagées introduisent, à la faveur de la transposition des dispositions de la directive SMA, une modification de l’architecture de la loi du 30 septembre 1986, dont l’objectif est de regrouper dans un titre unique les règles applicables aux plateformes en ligne, qu’elles procèdent de la transposition de la directive (régulation des plateformes de partage de vidéos) ou des initiatives du législateur national (loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information ; proposition de loi relative à la lutte contre la haine sur internet).

L’article 50 introduit en premier lieu à l’article 2 de la loi n°86-1067du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication la nouvelle définition des plateformes de partage de vidéo du a bis du 1 de l’article premier de la directive issue de la directive 2018/1808. L’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 précitée accueille en effet déjà la quasi-totalité des définitions usuelles de la loi du 30 septembre 1986.

L’article 51 introduit à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la procédure de règlement des différends devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel les différends opposant un utilisateur et un fournisseur de partage de vidéos. Est ainsi la garantie aux utilisateurs et plateformes de pouvoir résoudre leurs litiges par des mécanismes impartiaux de règlement extra judiciaire exigée par le 7 de l’article 28 ter nouveau.  

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique pourra ainsi être saisie de tout différend entre un utilisateur et un fournisseur de plateformes de partage de vidéos.

Le titre IV de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication aujourd’hui obsolète est remplacé par un nouveau titre IV consacré aux dispositions applicables aux plateformes en ligne. Ce nouveau titre IV, introduit par l’article 58 accueille ainsi un premier chapitre relatif aux dispositions applicables à l’ensemble des plateformes en ligne qui reprend les dispositions des trois derniers alinéas de l’article 17-2 introduits par la loi du 22 décembre 2018 (suppression conséquente de ces trois alinéas par l’article 59).Ce chapitre aura ultérieurement vocation à accueillir les dispositions pertinentes de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet lorsque celle-ci aura été adoptée.

Enfin, ce titre IV comprend ensuite un chapitre II relatif aux dispositions particulières applicables aux plateformes de partage de vidéo et qui procède à la transposition des dispositions de la directive 2018/1808 du 14 novembre 2018. Il reprend à l’identique en premier lieu les critères d’application de la loi française (transposition des paragraphes 2 à 5 de l’article 28 bis) et garantit que l’ARCOM établira et tiendra à jour une liste des services de plateformes de partage de vidéos relevant de la compétence de la France (transposition du 6 de l’article 28 bis).  Il garantit ensuite, par transposition du 1 de l’article 28 ter, que l’ARCOM veille à ce que les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos :

1° prennent les mesures appropriées afin que les émissions, vidéos créées par les utilisateurs et communications commerciales audiovisuelles qu’ils fournissent respectent les dispositions de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 ;

2° respectent les exigences prévues par décret en Conseil d’Etat s’agissant des communications commerciales audiovisuelles (publicités) qu’ils commercialisent, vendent ou organisent eux-mêmes et prennent les mesures appropriées pour que ces règles soient également respectées pour les communications commerciales audiovisuelles commercialisées, vendues ou organisées par des tiers ;

3° informent clairement les utilisateurs de l’existence de ces communications commerciales au sein des programmes et des vidéos créées par les utilisateurs, lorsque ces communications ont été déclarées par les utilisateurs qui les mettent en ligne ou lorsqu’ils en ont connaissance.

Il définit par ailleurs les mesures prises pour l’application des 1° et 2° ci-dessus selon une typologie simplifiée par rapport à celle de l’article 28 ter de la directive SMA qui procède à longue énumération de mesures en cause, l’ARCOM étant chargée de préciser les conditions de leur mise en œuvre.

Il reprend également la disposition figurant au j du 2 de l’article 28 ter de la directive selon laquelle les données personnelles des mineurs collectées ou générées par les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos ne doivent pas être utilisées à des fins commerciales, telles que le marketing direct, le profilage et la publicité ciblée sur le comportement.

Il prévoit enfin que l’ARCOM encourage la conclusion de codes de bonne conduite destinés, notamment, à l’adoption des mesures mentionnées ci-dessus et, dans son rapport annuel, fait état de leur mise en œuvre et des codes de bonne conduite adoptés (par transposition du 10 de l’article 28 ter). 

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Les mesures envisagées modifient les articles 2 et 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, prévoient un nouveau titre IV et abrogent enfin les 3 derniers alinéas du l’article 17-2 de la même loi.

Elles sont conformes au droit de l’Union européenne et notamment à la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 qu’elles transposent.

4.2.    Impacts sur les services administratifs

L’ARCOM se voit confier les missions nouvelles, :

        produire si nécessaire des recommandations visant à améliorer la lutte contre la diffusion de telles des informations mentionnées à l’article 17-2 ;

        assurer le suivi de l’obligation pour les opérateurs de plateforme en ligne de prendre les mesures prévues à l’article 11 de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information ;

        établir un bilan périodique de leur application et de leur effectivité ;

        établir et tenir à jour une liste des services de plateformes de partage de vidéos relevant de la compétence de la France ;

        définir les conditions d’application des mesures que les opérateurs de plateformes de partage de vidéos doivent prendre en vue de protéger le public, et en particulier les mineurs, des contenus susceptibles de leur nuire ;

        encourager la conclusion de codes de bonne conduite en la matière et de rendre compte de l’application de ces dispositions nouvelles et des codes ainsi adoptés.

En première analyse, la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet au sein de l’ARCOM va lui permettre de disposer de ressources supplémentaires quantitatives et quantitatives qui lui permettront de faire face à la charge induite par ces nouvelles missions.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

La mise en œuvre de cette disposition nécessite l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.

 

 


Article 54 : charte alimentaire

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre Européen

La directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») apporte notamment des précisions et améliorations aux dispositions en vigueur pour les services de médias audiovisuels.

Il en va ainsi de la protection des mineurs en matière d’exposition à la publicité alimentaire.

L’article 9 de la directive prévoit l’adoption de codes de bonne conduite en matière de publicité alimentaire dans les programmes pour enfants afin de réduire efficacement l'exposition des enfants à ces messages et s’assurer que ces derniers ne mettent pas l'accent sur la qualité positive des aspects nutritionnels de ces aliments.

 « Il existe (en effet) au niveau national et international certaines orientations nutritionnelles largement reconnues, telles que le modèle de profils nutritionnels du Bureau régional de l'organisation mondiale de la santé pour l'Europe, afin de différencier les denrées alimentaires en fonction de leur composition nutritionnelle dans la publicité télévisée à destination des enfants relative à ces denrées. Les États membres devraient être encouragés à assurer que l'autorégulation et la corégulation, y compris par des codes de conduite, soient utilisées pour réduire effectivement l'exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à des denrées alimentaires et des boissons qui présentent une forte teneur en sel, en sucres, en matières grasses, en graisses saturées ou en acides gras trans, ou qui ne correspondent pas à ces orientations nutritionnelles nationales ou internationales. » comme le précise le considérant 28 de la directive susmentionnée.

L’article 9.4 de la directive précitée dispose également : « Les États membres encouragent l'utilisation de la corégulation et la promotion de l'autorégulation au moyen des codes de conduite visés à l'article 4 bis, paragraphe 1, concernant les communications commerciales audiovisuelles inappropriées accompagnant les programmes pour enfants ou incluses dans ces programmes, et relatives à des denrées alimentaires ou des boissons contenant des nutriments ou des substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, notamment les matières grasses, les acides gras trans, le sel ou sodium et les sucres, dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n'est pas recommandée. Ces codes visent à réduire efficacement l'exposition des enfants aux communications commerciales audiovisuelles relatives à ces denrées alimentaires et à ces boissons. Ils visent également à faire en sorte que ces communications commerciales audiovisuelles ne mettent pas en évidence le côté positif des aspects nutritionnels de ces denrées alimentaires et boissons.

L’article 9.5. ajoute que « Les États membres et la Commission peuvent, aux fins du présent article, promouvoir l'autorégulation au moyen des codes de conduite de l'Union visés à l'article 4 bis, paragraphe 2. »

1.2.    Cadre national

Les chiffres de l’obésité infantile sont préoccupants. Selon l'Organisation mondiale de la santé, près de 43 millions d'enfants de moins de cinq ans sont en surpoids ou sont obèses[184]. En 2017, d’après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé[185], 18 % des adolescents en classe de troisième étaient en surcharge pondérale et 5 % étaient obèses. Entre 2009 et 2017, les prévalences de la surcharge pondérale et de l’obésité étaient en hausse, en particulier pour les filles (de 17 % en 2009 à 20 % en 2017).

Face à cet enjeu de santé publique, les autorités publiques ont fait valoir dès 2009 la nécessité d’un engagement fort de la part des acteurs du secteur audiovisuel, et en particulier des chaînes de télévision gratuites qui sont financées par les recettes publicitaires (notamment issues du secteur de l’alimentaire), afin de favoriser le développement de comportements alimentaires équilibrés. En effet, en 2009, le ministère de la culture et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ont initié une concertation visant à trouver une voie médiane entre l’éventuelle suppression de la publicité alimentaire, qui représente des ressources très importantes pour les chaînes de télévision privées et finance de fait la création, et une communication responsable, fondée sur la pédagogie à l’égard du jeune public.

La « Charte alimentaire » a ainsi été signée en 2009, puis reconduite en 2013, par les producteurs audiovisuels (USPA, SPI et SPFA[186]), les auteurs (SACD[187]), les annonceurs et régies (UDA, SNPTV et ANIA[188]), les agences en communication (AACC[189]), l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), ainsi que les représentants des principaux groupes audiovisuels (France Télévisions, TFI, M6, Canal +, Lagardère Active, Disney Télévisions France, NRJ 12 et Direct 8), en présence du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). La version de 2013 renforce certains engagements et intègre notamment les nouvelles chaînes de la TNT, les télévisions locales et les télévisions ultramarines. Par ailleurs, alors que la Charte conclue en 2009 avait été signée par deux ministres (culture et santé), six ministères ont été associés à la reconduction de la Charte (ministères en charge des sports et de la jeunesse, de l'éducation nationale, de l'Outre-mer et de l'agriculture).

Les professionnels de l'audiovisuel ont ainsi pris 14 engagements en 2013, notamment dans le but de produire et diffuser des programmes destinés à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé et à relayer les campagnes collectives faisant la promotion de certains produits dont il convient d'augmenter la consommation, et qui bénéficient ainsi de conditions tarifaires adaptées. Le dernier rapport de mise en œuvre des obligations de la Charte, établi en 2017 par le CSA, fait valoir les résultats satisfaisants liés à la mise en œuvre de ces engagements. A ce titre, le volume de programmes faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie (alimentation saine et pratique sportive) s’élevait à 1637 heures en 2017 contre 1410 heures en 2013.

Dès septembre 2018, et dans le contexte d’entrée en vigueur de la loi sur la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique et de la proposition de loi visant à protéger la population des « dangers de la malbouffe », il a été décidé de renouveler le contenu de la « Charte alimentaire ».

Cette initiative répond à l’article 9 de la nouvelle directive SMA, qui encourage la conclusion de codes de bonne conduite en matière de publicité alimentaire dans les programmes pour enfants afin de réduire efficacement l'exposition des enfants à ces messages et de s’assurer que ces derniers ne mettent pas l'accent sur la qualité positive des aspects nutritionnels de ces aliments.

L’échéance de la dernière Charte, fixée à la fin de l’année 2018, a été l’occasion pour les signataires de réfléchir à la rédaction d’une charte plus ambitieuse. Les acteurs du secteur audiovisuel ont ainsi entamé au deuxième semestre 2018 l’élaboration d’un nouveau texte qui introduit des engagements supplémentaires à ceux déjà pris dans la précédente Charte, et notamment :

-       L’engagement des acteurs radiophoniques, de la publicité extérieure (affichage notamment) et des acteurs du numérique à respecter les principes de la Charte ;

-       L’engagement des chaînes et de leurs régies de veiller à ce que le parrainage d’émissions par des produits alimentaires ou des boissons soit en adéquation avec les principes de la Charte, en se référant aux engagements pris dans le cadre du programme européen de l'EU-Pledge et à tout autre référentiel (Nutri-Score, etc.).

-       L’engagement des chaînes d’augmenter les volumes de programmes diffusés et de les adapter des messages en fonction des tranches d'âge visées ;

-       Une incitation à la présence dans les messages des annonceurs de repères nutritionnels, notamment du Nutri-Score (système d'étiquetage nutritionnel basé sur un logo présentant cinq valeurs allant de A à E, étiquetée de la couleur verte à rouge et établi en fonction de la valeur nutritionnelle d'un produit alimentaire.

Par ailleurs, les conventions conclues entre le CSA et les chaînes font désormais référence à la Charte lorsque le service en est signataire, ce qui supposerait le cas échéant une sanction en cas de non-respect de ses principes.

Afin de répondre de manière plus précise aux attentes de la directive en la matière, l’impact réel de la Charte, à savoir sa capacité à réduire efficacement l’exposition des enfants aux messages publicitaires, devra faire l’objet d’un contrôle et d’un suivi plus étroits mis en œuvre sous l’égide de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Le bilan de ce dispositif d’évaluation, à un horizon qu’il conviendra de déterminer avec l’ARCOM, permettra d’estimer si des dispositions plus contraignantes doivent être envisagées.

Depuis décembre 2018, les signataires ont souhaité proroger la précente charte. La nouvelle Charte, qui devrait couvrir la période 2019-2024, devrait être signée sous l’égide du CSA d’ici la fin de l’année 2019.

Par ailleurs, le VI bis de l’article 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication interdit à France Télévisions l’insertion de messages publicitaires dans ses programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, y compris donc ceux qui pourraient concerner la publicité pour le secteur alimentaire.

Tous les éditeurs de services suivent également les prescriptions de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité en matière de publicité alimentaire. Ainsi, sa recommandation « Comportements alimentaires », fixe les contraintes en matière de publicité pour le secteur de l’alimentation s’agissant du contenu des messages. A titre d’exemple, ce texte impose que la publicité ne doit pas inciter à s’alimenter toute la journée, ou bien inciter à une consommation excessive et aucune scène de consommation devant un écran au sein du foyer ne doit être représentée qu’elle mette en scène des individus ou des personnages de fiction, réels ou imaginaires.

En 2017, sur les 22 006 avis définitifs préalables délivrés par l’ARPP pour les messages publicitaires diffusés à la télévision et sur les SMAD, 5 788 relevaient des secteurs de l’« Alimentation » et des « Boissons non alcoolisées ». Parmi ces avis, 20 d’entre eux avaient fait l’objet de demandes de modifications au regard de la Recommandation « Comportements alimentaires » de l’ARPP. Les films publicitaires, modifiés, ont ensuite reçu un « avis favorable » de l’ARPP, notifié à l’ensemble des régies publicitaires audiovisuelles.

1.3.    Eléments de droit comparé

L’étude d’impact de la directive SMA, réalisée en 2016[190], a permis de révéler que des codes de conduite couvrant les communications commerciales pour les produits à forte teneur en matière grasse, sel et sucre (« HFSS food products ») étaient déjà mis en œuvre dans la quasi-totalité des Etats membres. Ces codes sont régulièrement renouvelés. La plupart de ces textes ne visent pas spécifiquement les communications commerciales pour les produits en cause, mais plutôt la publicité générale pour les aliments et se concentrent sur la promotion d’une bonne hygiène de vie.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à la présente directive d’ici le 19 septembre 2020.

Or, les missions de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique sont fixées au niveau législatif. Il est donc nécessaire de modifier la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour lui permettre d’exercer un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle

Il s’agit également de permettre l’adoption, par les éditeurs de tels services, de codes de bonne conduite afin de prévenir l’exposition des enfants aux publicités relatives à des aliments ou boissons dont la présence excessive dans le régime alimentaire n’est pas recommandée.

2.2.    Objectifs poursuivis

Au regard de ces éléments, la mesure proposée vise à consacrer ce code de bonne conduite au sein de la loi du 30 septembre 1986.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

L’interdiction de la publicité alimentaire dans l’ensemble des programmes de télévision destinés à la jeunesse n’a pas été retenue pour trois raisons :

-       Un régime très strict a déjà été retenu pour France Télévisions avec la loi n° 2016-1771 du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique. Ainsi, au titre de cette loi, les programmes des services nationaux de télévision destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d'intérêt général. Cette restriction s'applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s'applique également à tous les messages diffusés sur les sites internet de ces mêmes services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans ;

-       Le préjudice financier qui en résulterait pour les opérateurs privés n’est pas négligeable, à la fois pour certaines chaînes elles-mêmes, dont les ressources sont issues de la diffusion de messages publicitaires et spécifiquement celles destinées aux enfants, mais également pour le secteur de la création – et plus particulièrement celui de l’animation – qui est principalement financé par une contribution imposée aux chaînes de télévision ;

-       La directive 2018/1808/UE du 14 novembre 2018 prescrit en cette matière le recours à l’autorégulation : « Il est tout aussi important que ces codes définissent des objectifs spécifiques qui peuvent être suivis et évalués de manière régulière, transparente et indépendante. Les codes de conduite devraient également assurer une mise en œuvre effective. Ces principes devraient être respectés dans les codes en matière d'autorégulation et de corégulation adoptés dans les domaines coordonnés par la directive 2010/13/UE. » [191]

3.2.    Dispositif retenu

Le dispositif retenu vise à reconnaitre l’initiative de co-régulation que constitue la « Charte alimentaire », qui constitue une alternative satisfaisante à des mesures plus radicales. Cette inscription dans la loi devrait permettre ainsi de conférer une force juridique supérieure à ce texte et de permettre à l’ARCOM à la fois de transposer et de contrôler de manière plus étroite les engagements pris par les éditeurs de services signataires. Elle devrait également permettre à l’Autorité de s’assurer que ce texte répond bien aux attentes de la directive en matière de réduction de l’exposition des jeunes publics aux communications commerciales. En effet, la charte devra permettre de limiter les communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement les aspects nutritionnels de certaines denrées alimentaires et boissons.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La modification envisagée se traduit par un complément à l’article 14 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication aux termes duquel l’Autorité de régulation de la communication et du numérique exerce un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle.

Elle est conforme au droit de l’Union européenne et notamment à la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.

4.2.    Impacts économiques et financiers

La proposition de modification de l’article 14 permet, au-delà de la transposition de la directive, de reconnaître l’initiative de co-régulation que constitue la « Charte alimentaire », qui constitue une alternative satisfaisante à des mesures plus radicales.

A partir des données disponibles actuellement, il est possible d’envisager que les impacts de la charte soient accentués.

Premièrement, la Charte a permis depuis 2009 de produire plus de 1000 à 1 500 heures de programmes à destination des enfants et du jeune public principalement, qui présentent un véritable intérêt en termes d’encouragement des modes d’alimentation plus sains. Ils représentent aussi un coût important pour les signataires de la Charte, au premier rang desquels les chaînes, les régies et les annonceurs. Le coût de ces programmes est difficile à évaluer car les données associées ne sont pas rendues publiques dans le rapport d’application de la charte rendu par le CSA au Parlement[192]. De plus, ces programmes recouvrent une pluralité de genres (documentaires, animation, reportages, émissions de plateaux, divertissements, etc.) et de formats (modules courts, clips vidéos, œuvres) dont les budgets de production peuvent être très différents. Cependant, il est possible d’illustrer ce coût individuel s’agissant des programmes courts. En 2017, la production d’une création originale de 6 épisodes d’une minute chacun a représenté un budget de production de 80 000 euros.

Ainsi, la production de ces programmes constitue des sources de revenus récurrents (en ce qu’ils reposent notamment sur des obligations conventionnelles des chaînes) pour le monde de la création audiovisuelle (auteurs, réalisateurs, producteurs et industries techniques). La croissance des volumes de diffusion constatée sur les derniers exercices d’application de la Charte atteste par ailleurs d’une véritable dynamique au sein du secteur : les chaînes, particulièrement attentives au maintien de leurs audiences, renouvellent régulièrement les programmes proposés au titre de la Charte, ce qui induit des commandes annuelles auprès des producteurs.

Par ailleurs, l’implication croissante des chaînes et de leurs régies dans la démarche que promeut la Charte et visant à réduire l’exposition des enfants aux communications commerciales pour les produits dont il faut limiter la consommation a eu un effet sur le périmètre des annonceurs du secteur de l’alimentation présents sur les antennes et sur la qualité de leurs messages. En effet, si cet impact n’est pas quantifiable, les données disponibles montrent que le secteur se désengage progressivement des chaînes. A ce sujet, il est important de noter que le secteur de l’alimentation était en 2018 le premier secteur annonceur en télévision (avant le secteur « hygiène beauté » et « automobile transport ») avec 1 891,92 M€ bruts investis sur l’ensemble des chaînes (soit près de 20 % du total des investissements)[193]. Cependant, les investissements de ce secteur sont en baisse de 72 M€ par rapport à 2017.

S’agissant de la qualité des messages, plusieurs annonceurs de l’alimentaire ont opté pour des stratégies de commercialisation qui visent à limiter leur présence dans les écrans dans lesquels le jeune public est particulièrement présent. C’est le cas notamment des marques comme Burger King, Coca-Cola, Danone, Ferrero, Nestlé qui sont signataires d’engagements pris au niveau européen à travers l’initiative EU-Pledge[194]. Les engagements pris imposent à ces marques de ne pas commercialiser des publicités pour des produits, au sein des cases de télévision dont l’audience est constituée à plus de 35% par des enfants de moins de 12 ans, à l’exception de ceux qui répondent à des critères nutritionnels reconnus collectivement. Le rapport d’application de ces engagements en 2018, réalisé par des tiers, indiquait que 99,1% des spots publicitaires commercialisés par les signataires en télévision respectaient les engagements pris au niveau européen. Par ailleurs, certains annonceurs importants du secteur, comme Nestlé, choisissent d’appliquer des repères nutritionnels[195] sur leurs emballages afin d’orienter la consommation et la communication autour de leurs produits.

Au final, la disposition envisagée entraînera nécessairement un recalibrage quantitatif et qualitatif des publicités du secteur de l’alimentation en télévision.

4.3.    Impacts sur la société, et plus particulièrement sur la jeunesse

A ce jour, le lien entre la publicité et la prévalence de l’obésité ou du surpoids en France n’a pas été clairement établi et peu d’études analysent cette relation potentielle. Néanmoins, quelques études issues du milieu de la recherche soulignent que la publicité aurait un impact sur les comportements alimentaires des enfants. Ainsi dans un rapport rédigé par des chercheurs pour l’INPES en 2014[196], plusieurs références avaient été faites à des études étrangères (notamment expérimentales), dont celles menées par des experts en psychologie de l’Université de Liverpool en Angleterre, au sujet de l’impact de la publicité sur les enfants en surpoids et obèses. Cette étude a permis de montrer le lien entre l’exposition publicitaire et l’indice de masse corporelle des enfants. De même, le rapport mentionnait que : « l’étude a aussi montré l’effet différencié de la publicité alimentaire sur les catégories d’aliments consommés, les enfants obèses choisissant parmi les aliments mis à leur disposition ceux qui avaient la plus haute teneur en matières grasses. »

De plus, une étude britannique, publiée dans la revue médicale International Journal of Obesity[197], avait également estimé qu’il existe lien entre la présence d’écrans dans les chambres des enfants et leur indice de masse corporelle (IMC) : les enfants de 7 ans ayant un écran de télévision dans leur chambre avaient présenté des IMC supérieurs.

La mesure législative envisagée visant à transposer la directive SMA devrait permettre que le jeune public puisse continuer à bénéficier de programmes et modules courts en faveur d’un équilibre alimentaire et d’une bonne hygiène de vie, au financement et à la diffusion desquels les chaînes s’engagent dans la Charte. Le maintien de ces programmes et, au-delà, l’augmentation de leur volume de diffusion (qui devrait être notamment induit par l’élargissement souhaité du nombre des signataires de la Charte) devraient contribuer à la limitation de l’impact potentiel de la publicité sur le public concerné. Comme indiqué plus haut, et afin de répondre aux attentes de la directive en la matière, l’impact réel de la Charte alimentaire devra faire l’objet d’un contrôle et d’un suivi plus étroits mis en œuvre sous l’égide de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Le bilan de ce dispositif d’évaluation, qui sera rendu public chaque année par l’ARCOM, permettra d’estimer si des dispositions plus contraignantes doivent être envisagées.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

 


Article 55 et 56Accessibilité des services de télévision et de médias à la demande

 

1.     État des lieux

1.1.    Etat du droit

L’accessibilité des programmes audiovisuels aux personnes souffrant d’un handicap auditif ou visuel est une condition essentielle de la participation de tous les Français à la vie de la communauté nationale, qu’il s’agisse de s’informer, de se cultiver ou de se divertir.

Les articles 28, 33-1 et 53 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication posent le principe d’adaptation des programmes des services de télévision aux personnes sourdes ou malentendantes et aux personnes aveugles ou malvoyantes. Ces dispositions sont notamment issues de l’article 74 de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap (dite « loi Handicap »).

Ces dispositions se traduisent :

-          pour les éditeurs du service public et des principales chaînes privées ayant une audience supérieure à 2,5 % par des obligations d’adaptation des programmes aux personnes sourdes ou malentendantes (sous-titrage et langue des signes) et aux personnes aveugles et malvoyantes (audiodescription), les autres chaînes privées à audience inférieure à 2,5 % devant rendre accessible leurs programmes dans une proportion moindre ;

-          pour les distributeurs de services de télévision (câblo-opérateurs, FAI, distributeurs par satellite), par l’obligation de mettre gratuitement à disposition de leurs abonnés les services d’accessibilité associés aux programmes et proposés par les éditeurs.

En revanche, alors que les usages des services de médias audiovisuels à la demande se développent, la loi ne prévoit aucune obligation en matière d’accessibilité pour ces services.

En outre, aucune obligation n’est non plus prévue pour encourager l’accessibilité des moyens d’accès aux services proposés par les distributeurs et les éditeurs (box IPTV, site web ou application mobile) alors que ces outils conditionnent l’accès effectif aux programmes, notamment ceux qui sont rendus accessibles aux personnes aveugles par l’ajout de la composante d’audiodescription.

1.2.    Cadre général

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a publié en juillet 2019 un bilan sur l’accessibilité des programmes de télévision aux personnes en situation de handicap et la représentation du handicap à l’antenne. Il dresse en particulier les constats suivants :

-          la baisse depuis 2016 des volumes annuels de programmes sous-titrés pour 10 des 11 chaînes ayant l’obligation de sous-titrer l’ensemble de leurs programmes. Seule la chaîne France 4 propose un volume de programmes en hausse (+215 heures par rapport à 2016) ;

-          la baisse des volumes annuels de programmes audiodécrits inédits pour 11 chaînes sur 14 par rapport à 2017 ;

-          des efforts significatifs réalisés par certains diffuseurs pour répondre aux attentes des associations de personnes en situation de handicap visuel ou auditif concernant la qualité des flux d’accessibilité (ex : positionnement et augmentation de la taille de l’interprète en langue des signes française à l’écran, etc.) ;

-          des progrès concernant l’accessibilité des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) : sur neuf groupes interrogés, cinq proposent des contenus accessibles sur leurs SMAD (France Télévisions, M6, Lagardère, TF1 et France Médias Monde) et deux en proposeront en 2019.

Les deux tableaux suivants, extraits du même bilan, présentent les principales données chiffrées en matière de programmes sous-titrés, par chaîne, en 2018 :

 

En matière de langue des signes française, les chaînes d’information en continu doivent respecter des engagements spécifiques :

Enfin, le tableau suivant présente le nombre de programmes audiodécrits diffusés en 2018 pour chaque chaîne TNT, et rappelle leur obligation minimale en la matière :

1.3.    Cadre conventionnel

Une Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 13 décembre 2006 et est entrée en vigueur le 3 mai 2008. L’Union européenne en fait partie depuis le 21 janvier 2011.

La convention définit les personnes en situation de handicap comme « des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

C’est cette définition qui a été retenue dans la directive européenne (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (dite « directive Accessibilité ») qui imposera à partir de 2025 l’accessibilité de ces services ou matériels.

En matière d’accessibilité, cette directive « Accessibilité » a une portée bien plus large que la nouvelle directive dite « Services de médias audiovisuels » (SMA) modifiée par la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018.

La première est en effet applicable à de très nombreux produits et services. Sont ainsi concernés notamment les produits tels que les systèmes informatiques à usage grand public, les équipements terminaux grand public (dont les téléviseurs, les « box » des fournisseurs d’accès internet, les liseuses numériques), les terminaux en libre-service (de paiement, etc.).

Elle s'applique également aux services de communications électroniques, aux services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels (et non pas aux services de médias audiovisuels en tant que tels, qui eux relèvent de la directive « SMA »), les services de transport, les services bancaires, les livres numériques et les logiciels spécialisés, le commerce électronique, etc. Elle devra être transposée avant le 28 juin 2022, pour application à partir du 28 juin 2025.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Il est nécessaire de modifier la légalisation nationale afin de transposer dans le droit national les évolutions prévues par la nouvelle directive dite « Services de médias audiovisuels » (SMA) modifiée par la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018.

L’article 7 de la directive (UE) 2010/13 du 10 mars 2010 dite « Services de médias audiovisuels » (SMA) demandait aux États membres d’encourager les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence à veiller à ce que les services qu’ils offrent deviennent progressivement accessibles aux personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives.

La nouvelle directive SMA modifiée par la directive (UE) 2018/1808 du 14 novembre 2018 est plus contraignante puisque les Etats membres ne doivent plus simplement encourager mais doivent veiller à ce que les éditeurs rendent leurs services progressivement et continuellement plus accessibles, et ce non plus seulement aux personnes sourdes ou malentendantes ou aveugles ou malvoyantes, mais d’une manière générale à l’ensemble des personnes souffrant d’un handicap.

Toutefois, il est difficile de trouver application d’une telle disposition pour ce qui relève de l’accessibilité des programmes du ressort des éditeurs, et la directive ne cite pas d’exemples pouvant concerner d’autres types de handicap.  Le considérant 22 permet toutefois aux Etats membres de tenir compte des contraintes pratiques et inévitables qui pourraient empêcher la pleine accessibilité, comme les programmes ou les événements diffusés en temps réel. En outre, la nouvelle directive demande aux États membres :

-          de veiller à ce que les fournisseurs de services de médias communiquent régulièrement aux autorités nationales de régulation la mise en œuvre des mesures d’adaptation de leurs programmes ;

 

-          d’encourager les fournisseurs de services de médias à élaborer des plans d'action en matière d'accessibilité concernant l'amélioration continue et progressive de l'accessibilité de leurs services pour les personnes en situation de handicap ;

-          de désigner un point de contact en ligne unique aisément accessible, y compris par les personnes en situation de handicap, et disponible au public, afin de fournir des informations et de recevoir des réclamations concernant toute question d'accessibilité visée au présent article ;

de veiller à ce que les informations d'urgence, y compris les communications publiques et les annonces en cas de catastrophe naturelle, soient rendues accessibles.

2.2.    Objectifs poursuivis

Les dispositions envisagées dans le cadre de la transposition de la nouvelle directive « SMA » visent ainsi à compléter les obligations nationales actuelles pesant sur les éditeurs de services de télévision afin de les encourager à, améliorer encore l’accessibilité de leurs programmes, et, d’autre part, généraliser ces obligations en incluant les services de médias à la demande.

En outre, la directive européenne du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (dite « directive Accessibilité ») imposera à partir de 2025 l’accessibilité de ces services ou matériels, mais avec des délais de mise en œuvre trop lointains (jusqu’à 2030 pour une obligation générale d’accessibilité) pour encourager les industriels à anticiper – à tout le moins pour certains de leurs produits et services – l’application de cette directive.

Or, l’effectivité de l’accessibilité aux programmes audiovisuels étant conditionnée à l’accessibilité des moyens d’accès à ces programmes, il est nécessaire, dans la perspective de la transposition à venir de la directive « Accessibilité » d’encourager également les services de communication au public en ligne des éditeurs, ainsi que les distributeurs de services, à proposer des services ou des matériels accessibles (site web, application mobile, box IPTV). Il ne s’agit toutefois pas de les contraindre.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

Afin d’étendre les obligations en matière d’accessibilité aux services de médias à la demande, il a été envisagé de confier au régulateur un pouvoir réglementaire délégué en matière d’accessibilité sur l’ensemble des services. Toutefois, il est apparu préférable, pour les chaînes de service public, que les obligations qui leur sont applicables continuent à être précisées par leurs cahiers des charges approuvés par décret.  Cette option a donc été écartée, au profit d’autres solutions.

S’agissant d’encourager l’accessibilité des services de communication au public en ligne des éditeurs audiovisuels et des moyens d’accès fournis par les distributeurs de services, il a été envisagé de poursuivre le dispositif de concertation actuel, non contraignant. En effet, à la demande des associations de personnes aveugles ou malvoyantes, qui se mobilisent depuis plusieurs années pour dénoncer le peu de solutions satisfaisantes de moyens d’accès aux services audiovisuels, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la Culture a confié en 2017 au Forum médias mobiles une mission de concertation entre les associations et les industriels dans l’objectif d’inciter ces derniers à rendre leurs produits et services plus conformes aux besoins des publics déficients visuels. Cette mission a été reconduite en 2018 et 2019.

Si certains progrès ont été réalisés durant les trois années d’exercice de la mission en matière de sensibilisation des industriels, de disponibilité de téléviseurs accessibles ou d’accessibilité des sites internet et applications mobiles de certains éditeurs, certains industriels et opérateurs, en l’absence d’encouragements plus appuyés, semblent peu enclins à rendre leurs services ou matériels rapidement accessibles compte tenu des coûts de développement afférent et de l’hétérogénéité du parc de matériels à gérer.

3.2.    Option retenue

Celle-ci consiste à :

-          confier au futur régulateur, l’ARCOM, la mission générale de veiller, à l’image du CSA aujourd’hui, à l’accessibilité des programmes des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande, et de mettre en place un site web à destination du grand public permettant de fournir des informations et recevoir des réclamations concernant toute question d'accessibilité des programmes (art. 20-6 nouveau de la loi du 30 septembre 1986 précitée) ;

-          obliger les éditeurs et les distributeurs de services à rendre compte au régulateur des mesures qu’ils prennent pour assurer l’accessibilité de leurs programmes et de leurs services, ainsi que des plans d’action qu’ils conçoivent en vue de l’amélioration continue et progressive de l’accessibilité (art. 20-6 nouveau de la même loi) ;  

-          renvoyer à un décret pris en Conseil d’État les proportions de programmes des services de médias à la demande privés qui doivent être rendus accessibles (insertion d’un nouvel item dans le décret prévu par l’art. 33-2 de la même loi) ;

-          prévoir que les cahiers des charges des sociétés de l’audiovisuel public et la convention stratégique pluriannuelle d’ARTE-France déterminent également ces proportions pour les organismes du secteur audiovisuel public (cf. art. 56-3 nouveau de la loi du 30 septembre 1986 précitée introduit par le titre III du projet de loi).


4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

Les dispositions envisagées se traduisent par :

        l’ajout d’un nouvel article 20-7 au sein de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication  ;

        l’ajout d’un alinéa à l’article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986 précitée relatif au décret prévoyant les obligations applicables aux services de médias audiovisuels à la demande  ;

4.2.    Impacts sur les entreprises

Les obligations portant sur les proportions de programmes devant être rendus accessibles sur les services de médias audiovisuels à la demande seront précisées, par décret pour les services privés, et dans les cahiers des charges des services de l’audiovisuel public.

Il convient de distinguer, au sein des services de médias audiovisuels, les services de télévision de rattrapage des autres services n’ayant pas fait l’objet d’une diffusion préalable par les chaînes. Pour les services de télévision de rattrapage, l’adoption par voie réglementaire de proportions de programmes accessibles n’aura pas d’impact significatif dans la mesure où les programmes en cause sont déjà soumis à ces obligations. Pour les autres programmes (vidéo à la demande de films de cinéma, de séries, de documentaires, etc.), il convient de s’appuyer sur les données fournies par le CSA dans son bilan de juillet 2017.

Il y est ainsi précisé que le coût horaire moyen du sous-titrage est compris entre 259,5 € et 960 €, selon le type de programmes. S’agissant du coût horaire moyen de l’interprétation en LSF, il serait compris entre 1 147 € et 7 884 €. Enfin, s’agissant du coût de l’audiodescription, le Conseil a relevé un coût horaire moyen compris entre 1 079,5 € et 3 600 € par programme, au titre de l’exercice 2018. Le CSA relève que, par rapport à 2017, ces coûts 2018 sont stables pour le sous-titrage et en baisse pour la LSF et l’audiodescription.

Il sera probablement proposé par voie réglementaire une montée en charge progressive des parts de programmes accessibles, qui pourraient le cas échéant tenir notamment compte de la nature et de l’audience des services de médias audiovisuels à la demande en cause.

Les autres obligations se limitant à rendre compte au régulateur des mesures prises et des plans d’action en matière d’accessibilité (par exemple, les dates de mise à niveau logicielle des box des fournisseurs d’accès à internet intégrant de nouvelles fonctionnalités d’accessibilité), celles-ci devraient donc avoir des impacts directs limités pour les éditeurs de services et distributeurs importants qui mobilisent déjà des moyens humains dédiés (en général une à quelques personnes par groupe) aux relations avec les régulateurs.   

En effet, ces derniers sont auditionnés chaque année par le CSA qui assure un suivi du respect des obligations des chaînes en matière d’accessibilité des programmes télévisés aux personnes souffrant de déficience auditive ou visuelle. Un bilan chiffré est également demandé chaque année aux éditeurs. En revanche, il s’agira là d’une charge de travail administratif nouvelle pour les services de médias à la demande.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

Les nouvelles dispositions venant étendre les missions de l’ARCOM, celui-ci devra prévoir des moyens humains supplémentaires. Une analyse de ces impacts sur les effectifs est en cours par le CSA.

4.4.    Impacts sociaux

La consommation audiovisuelle évolue globalement vers un usage toujours plus important de services de médias audiovisuels à la demande. Ainsi, à titre d’exemple, selon l’étude GlobalSVoD de Médiamétrie en octobre 2019, 17,3 millions de français ont regardé au moins un programme sur une plateforme de vidéo à la demande par abonnement au cours de l’année écoulée : c’est près de 3 millions de plus que l’an dernier.

Aussi, en étendant les obligations d’accessibilité aux services de médias à la demande, le dispositif législatif s’adapte à ces nouveaux usages, au bénéfice des personnes en situation de handicap. L’objectif est qu’elles puissent avoir un accès facilité aux programmes de leur choix, quel que soit le mode de consommation qu’elles privilégient (linéaire ou non), ainsi qu’un accès facilité à leurs services au travers des écrans et interfaces qu’elles utilisent.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

Les mesures envisagées s’appliquent en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Les modifications apportées à l’article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986 impliqueront une modification du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande pris pour son application.

Enfin, s’agissant de l’accessibilité de messages d’urgence prévue dans la directive, la transposition est à la fois :

        de nature réglementaire. Les alertes aux populations hors temps de guerre relèvent du code d'alerte national, intégré dans la partie réglementaire du code de sécurité civile (articles R. 732-9 et suivants) ; celles relatives au temps de guerre relèvent du code de la défense (L.1111-2 et L.2141‑3) ;

        de nature conventionnelle pour le dispositif Alerte-Enlèvement (convention du 28 février 2006).


Articles 57 : Protection des publics et notamment des mineurs

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

La dernière modification de fond de la directive 89/552/CEE du Conseil dite « télévision sans frontière », ultérieurement codifiée par la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil[198], avait été introduite en 2007 par l'adoption de la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil[199]. Depuis lors, le marché des services de médias audiovisuels a évolué de manière rapide et conséquente en raison de la convergence qui s'établit entre la télévision et les services internet et de la place croissante prise dans les usages audiovisuels par les services numériques (réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéo).

Le 6 mai 2015, la Commission avait adopté une communication intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », dans laquelle elle annonçait un réexamen de la directive 2010/13/UE.

C’est ainsi que le 14 novembre 2018 a été adoptée la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.

1.2.    Dispositions nouvelles de la directive SMA

1.2.1. En matière de protection des mineurs, la directive Services de médias audiovisuels (SMA) prévoyait jusqu’à sa dernière modification un régime différent pour la télévision et pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

Ces derniers ne pouvaient mettre à disposition du public des programmes susceptibles de nuire gravement aux mineurs que dans des conditions telles qu’ils ne puissent pas être vus ou entendus par des mineurs (article 12).

En télévision, le régime était plus strict (article 27) : ces programmes (notamment pornographiques ou de violence gratuite) faisaient l’objet d’une interdiction de diffusion[200]. Les programmes susceptibles de nuire aux mineurs pouvaient être diffusés à la condition qu’ils ne puissent les entendre ou les voir.

Le nouvel article 6 bis de la directive 2018/1808 fusionne ces deux articles et, au final, laisse une plus grande marge d’appréciation aux Etats membres : en télévision, la prohibition absolue des programmes susceptibles de nuire « gravement » aux mineurs a été supprimée. Pour les SMAD, le champ de la protection des mineurs est étendu aux programmes « susceptibles de nuire aux mineurs ». S’agissant des programmes susceptibles de nuire « gravement » aux mineurs, il est indiqué à la fois pour les services de télévision et les SMAD que « les contenus les plus préjudiciables, tels que la violence gratuite et la pornographie, sont soumis aux mesures les plus strictes. »

Le nouvel article précise également que les données à caractère personnel collectées par les fournisseurs de services de médias à l’occasion de la mise en œuvre du contrôle parental ne doivent pas être traitées à des fins commerciales, telles que le démarchage, le profilage et la publicité basée sur le ciblage comportemental.

1.2.2. S’agissant de la protection du public en général, l’article 6 de la directive SMA prohibait, jusqu’à sa dernière révision, toute incitation à la haine fondée sur la race, le sexe, la religion ou la nationalité diffusés par les services de médias audiovisuels.

Au sein de cet article 6, la nouvelle directive ajoute :

        d’autres motifs d’incitation à la haine, par la référence générale à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui vise « le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle » ;

        la prohibition de la provocation publique à commettre une infraction terroriste telle qu'énoncée à l'article 5 de la directive 2017/541/UE relative à la lutte contre le terrorisme.

1.3.    Cadre juridique national

Les articles 12 et 27 de la directive SMA ont été transposés à l’article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui a donné lieu à plusieurs recommandations du CSA[201], pour la télévision, pour les SMAD et pour les distributeurs de services.

Cet article consacre une mission aujourd’hui ancienne de l’instance de régulation, et parmi les plus importantes, tendant à veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle[202] :

« Il veille à ce que des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle, sauf lorsqu'il est assuré, par le choix de l'heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre.

Lorsque des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de télévision, le conseil veille à ce qu'ils soient précédés d'un avertissement au public et qu'ils soient identifiés par la présence d'un symbole visuel tout au long de leur durée. A cette fin, il veille à la mise en œuvre d'un procédé technique de contrôle d'accès approprié aux services de télévision mobile personnelle ainsi qu'à la mise en œuvre de tout moyen adapté à la nature des services de médias audiovisuels à la demande.

Il veille en outre à ce qu'aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les services de communication audiovisuelle. (…) ».

L’article 6 de la directive a également été transposé au dernier alinéa de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 précitée :

« Il veille enfin à ce que les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité. (…) ».

S’agissant de la protection des mineurs, le CSA a retenu le principe d’une responsabilité partagée qui implique :

        les éditeurs, chargés de classifier les contenus et de respecter leurs engagements ;

        l’entourage familial et éducatif, qui doit faire respecter la signalétique jeunesse et accompagner les mineurs ;

        le CSA lui-même, qui contrôle les classifications retenues, le respect des engagements et sensibilise à l’impact sur le jeune public des programmes violents ou choquants.

Dès sa création en 1989, le CSA a demandé aux chaînes de télévision de programmer, en journée et en première partie de soirée, des émissions destinées à un public familial.

Le niveau de violence progressant néanmoins au fil des ans, le CSA a établi avec les chaînes un système de classification des programmes : la signalétique jeunesse.

Depuis 2002, ce dispositif oblige les chaînes à apposer à l’écran un pictogramme indiquant l’âge à partir duquel un programme peut être regardé : tous publics, -10, -12, -16 et -18.

En 2005, le CSA a défini les catégories de programme correspondant à chaque tranche d’âge et fixé leurs conditions de programmation (recommandation du 7 juin 2005 sur la signalétique jeunesse et la classification des programmes).

Des contraintes d’horaires de diffusion ont été imposées à certaines catégories de programmes.

Par ailleurs, s’agissant de l’apologie du terrorisme et de la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le code pénal réprime de tels faits en ses articles 421-2-5[203] et 421-2-5-1[204].

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels », compte tenu de l'évolution des réalités du marché, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à cette directive.

La mise en œuvre des nouvelles dispositions issues des articles 6 et 6 bis de la directive SMA modifiée par la directive de 2018 impose de modifier l’article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

2.2.    Objectifs poursuivis

Les modifications apportées ont pour objet de procéder à la transposition des nouvelles dispositions de la directive SMA modifiée par la directive de 2018 en matière de protection du public et spécifiquement des mineurs.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    Options envisagées

L’option consistant à transposer l’assouplissement opéré par la directive à l’article 6 bis en supprimant la prohibition de la diffusion de programmes susceptibles de nuire gravement aux mineurs n’a pas été retenue dans la mesure où elle n’apportait rien par rapport au cadre juridique existant, la diffusion télévisée de programmes pornographiques étant autorisée en France depuis 1985[205].

3.2.    Dispositif retenu

Le dispositif retenu consiste en une transposition des nouvelles dispositions des articles 6 et 6 bis de la directive.

La mesure se traduit par l’ajout au sein de l’article 15 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :

        de la prohibition du traitement de données personnelles de mineurs à des fins commerciales ;

        de compléments à la prohibition de l’incitation à la haine ;

        de la prohibition de la provocation publique à commettre une infraction terroriste.

Il est prévu que les données à caractère personnel de mineurs traitées par les éditeurs de services de communication audiovisuelle en matière de programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne doivent pas être utilisées à des fins commerciales, notamment publicitaires.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) s’assurera ainsi que les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent :

        ni incitation à la haine ou à la violence fondée sur l'un des motifs visés à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

-          ni provocation publique à commettre les infractions mentionnées aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal.

A cette occasion, il est décidé de remplacer à l’article 15 les termes « le CSA veille à » par les termes « l’ARCOM s’assure de » qui traduisent un renforcement de l’exigence de contrôle exercé par l’autorité de régulation sur les services de communication audiovisuelle, exigence qui en pratique est déjà satisfaite par le CSA.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La mesure envisagée modifie l’article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

4.2.    Impacts sur les services administratifs

Le CSA étant déjà en charge de la protection des mineurs et du contrôle du respect de la prohibition de l’incitation à la haine, l’extension de ces obligations ne devrait pas alourdir substantiellement les missions de l’ARCOM.  

La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions se traduira par l’adoption par l’ARCOM de nouvelles recommandations.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


Article 58 : Transparence des médias

 

1.     État des lieux

La directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle prévoyait prévoit « les dispositions minimales nécessaires pour assurer la libre diffusion des émissions » en Europe.

La dernière modification de fond de cette directive, ultérieurement codifiée par la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, avait été introduite en 2007 par l'adoption de la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil. Depuis lors, le marché des services de médias audiovisuels a évolué de manière rapide et conséquente en raison de la convergence qui s'établit entre la télévision et les services internet, et de la place croissante prise dans les usages audiovisuels par les services numériques (réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéo).

Le 6 mai 2015, la Commission avait adopté une communication intitulée « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », dans laquelle elle annonçait un réexamen de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels).

Le 14 novembre 2018 a été adoptée la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.

Cette directive a donc pour objet principal de de tenir compte de ces évolutions de ces réalités du marché.

Elle apporte également des précisions et améliorations aux dispositions en vigueur pour les services de médias audiovisuels.

Il en va ainsi des dispositions relatives à la transparence des médias. L’article 5 de la directive 2010/13/UE en sa rédaction issue de l’article 8 de la directive (UE) 2018/1808 impose ainsi la mise à disposition aux utilisateurs des coordonnées des fournisseurs de services (nom, adresse, etc.). La nouvelle directive ajoute également la mention de l’Etat membre ou de l’autorité de régulation compétent, et offre la possibilité aux Etats d’imposer une obligation de transparence sur l’identité des propriétaires des fournisseurs de services.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

Conformément à l’article 2 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels », compte tenu de l'évolution des réalités du marché, les États membres doivent prendre les dispositions législatives nécessaires pour se conformer à cette directive.

L’article 43-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication impose déjà tout à éditeur d’un service de média audiovisuel de tenir à la disposition du public un certain nombre d’informations minimales[206]. Son champ d’application n’est donc pas restreint aux fournisseurs de services de médias couverts par la directive.

Toutefois, il ne mentionne pas des éléments d’information relatifs à l’adresse géographique et aux coordonnées du fournisseur du service qui figuraient déjà à l’article 5 de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels) [207]. Il convient donc en premier lieu d’assurer la transposition de ces éléments.

A cette série d’éléments, la directive (UE) 2018/1808 ajoute la mention de l’Etat membre et l’organisme de régulation compétents pour l’éditeur du service[208]. Il convient là encore d’ajouter cette mention à l’article 43-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée. 

2.2.    Objectifs poursuivis

Les modifications apportées ont pour objet de procéder à la transposition de l’article 5 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels », compte tenu de l'évolution des réalités du marché. 

3.     Options envisagées et dispositif retenu

La transposition des éléments d’information mentionnés au point 2.1. n’appelle pas de débat d’opportunité.

En revanche, la directive (UE) 2018/1008 laisse aux Etats membres la possibilité d’imposer de tenir à la disposition du public des informations relatives à la structure de la propriété des fournisseurs de services de médias :

« Les États membres peuvent adopter des mesures législatives prévoyant que, outre les informations énumérées au paragraphe 1, les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence rendent accessibles des informations relatives à leur structure de propriété, y compris les bénéficiaires effectifs. Ces mesures respectent les droits fondamentaux concernés, tels que le droit au respect de la vie privée et familiale des bénéficiaires effectifs. Ces mesures sont nécessaires et proportionnées et visent à poursuivre un objectif d'intérêt général. »

Cette possibilité n’a pas été retenue pour trois raisons :

        l’article 43-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication  impose déjà aux éditeurs de fournir le nom du représentant légal et de ses trois principaux associés ;

        de nombreuses informations sur la propriété des médias sont déjà disponibles dans les études publiées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en ligne sur son site internet[209] ;

        l’article 43-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre précitée s’appliquant à l’ensemble des services de communication audiovisuelle, cette obligation excèderait celle organisée par la directive pour les seuls services de médias audiovisuels (les radios ne sont par exemple par couvertes par la directive). La restreindre aux seuls services de médias audiovisuels serait par ailleurs contestable.

L’option retenue se traduit donc par l’ajout, à l’article 43-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication de deux séries d’informations que tout éditeur d’un service de communication audiovisuelle devra tenir en permanence à la disposition du public :

        ses coordonnées, y compris l’adresse du courrier électronique ou le site internet ; 

        l’information selon laquelle son service est soumis à la présente loi et au contrôle de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

La mesure envisagée se traduit par une modification de l’article 43-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Elle est en outre conforme au droit de l’Union européenne et notamment aux exigences de l’article 5 de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels », compte tenu de l'évolution des réalités du marché.

4.2.    Impacts sur les entreprises

Ces obligations nouvelles à la charge des services de communication audiovisuelle ne devraient pas se traduire par une charge notable pour elles. Les entreprises en cause connaissent déjà le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour le respect la réglementation issue de la loi du 30 septembre 1986 (formalités administratives auprès de l’instance de régulation, respect des recommandations de cette dernière, etc.).

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.


TITRE III - TRANSFORMATION DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC A L’ERE NUMERIQUE

Articles 59, 67 à 71, 77 à 81 : Dispositions relatives à l’organisation du secteur public audiovisuel - Dispositions relatives aux missions de service public - Transformation de l’INA en société anonyme - Dispositions relatives aux conventions stratégiques pluriannuelles

 

1.     État des lieux

1.1.    Cadre général

1.1.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

A -   Organisation actuelle de l’audiovisuel public

Six organismes composent aujourd’hui l’audiovisuel public français : 

        trois sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ci-après dénommée France Médias Monde, FMM), sociétés anonymes dont, au titre de l’article 47 de la loi  n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication,  l’État détient directement la totalité du capital, dirigées par un président-directeur général sous le contrôle d’un conseil d’administration ;

        un établissement public national à caractère industriel et commercial, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) ;

        une société ARTE-France, pôle d’édition et de fourniture de programmes de la chaîne culturelle européenne ARTE, dotée d’un directoire et d’un conseil de surveillance, et dont le capital est détenu par France Télévisions pour 45 %, l’Etat pour 25 %, Radio France pour 15 % et l’INA pour 15 % ;

        la société TV5 Monde, dont le capital est détenu par les radiodiffuseurs des Gouvernements partenaires (France[210], Suisse, Wallonie-Bruxelles, Canada et Québec).

Par ailleurs, le secteur compte deux sociétés de programme, La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale et Public-Sénat, dont la gouvernance et le financement, déterminés par le Parlement, sont distincts. Ces chaînes sont laissées inchangées par le projet de loi et sont pas traitées dans cette étude.

Les éléments présentés ci-après détaillent les chiffres-clés caractérisant les entreprises du secteur audiovisuel public (hors chaînes parlementaires).

France Télévisions

L'article 44 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 prévoit que France Télévisions est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultra-marines.

Dans ce cadre, elle édite les services France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, franceinfo, les Outre-Mer Première (télévision et radio) et Via Stella (en Corse).

Elle conçoit et met également à disposition du public des services de médias audiovisuels à la demande (france.tv, Ludo, Zouzous, etc).

Audiences linéaires

 

Groupe FTV

France 2

France 3

France 4

France 5

France Ô*

franceinfo**

2016

28,60%

13,40%

9,10%

1,90%

3,40%

0,80%

-

2017

28,30%

13,00%

9,10%

1,80%

3,60%

0,60%

0,30%

2018

28,40%

13,50%

9,40%

1,60%

3,50%

-

0,40%

Janvier-juin 2019

28,50%

13,60%

9,10%

1,60%

3,70%

-

0,50%

* France Ô n’est plus mesurée quotidiennement par Médiamétrie depuis 2018.

** franceinfo est mesurée quotidiennement depuis octobre 2017.

Audiences numériques

 

2016

2017

2018

2019

Vidéos FTV vues, toutes plateformes et tous supports (en Millions)

350

543

626

n.d.

 

Chronique de la dotation publique allouée à France Télévisions en M€

 

2018

2019

2020

projet de loi de finances

Dotation publique (HT)

      2 516,9

      2 490,8

2 430,8

 

 

Données sociales

 

2016

2017

2018

2019

Evol° 2016-2019

Evol°  2016-2019 en %

ETP permanents

(annuels moyens)

8 471

8 461

8 400

nc 

 

 

ETP non permanents (annuels moyens)

1 369

1 382

1 219

 nc

 

 

Total ETP

9 840

9 843

9 619

9 470

-370

-3,8%

 

ARTE-France

ARTE, instituée par le traité du 2 octobre 1990, est une chaîne culturelle européenne dotée d’une structure paritaire franco-allemande : la chaîne ARTE est constituée sous la forme d’un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) situé à Strasbourg, dont les membres sont ARTE-France et ARTE-Deutschland.

Sa mission, comme le précise le Contrat de formation du GEIE du 30 avril 1991 est « de concevoir, réaliser et diffuser, ou faire diffuser […] des émissions de télévision ayant un caractère culturel et international […] propres à favoriser la compréhension et le rapprochement des peuples ».

L’article 45 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que la société ARTE-France est chargée de concevoir et de fournir les programmes et les moyens nécessaires à l’exercice des missions du GEIE. Les émissions doivent tenir compte du caractère international, en particulier européen, de son public.

Les pôles ARTE-France et ARTE-Deutschland sont chargés de faire des propositions de programmes, puis de fournir au GEIE les émissions retenues par la conférence des programmes, selon un principe d’apport paritaire (productions, coproductions et achats). Ces apports représentent les trois quarts des programmes d’ARTE, le quart restant étant pourvu par ARTE GEIE et par les partenaires européens. Le GEIE assure ensuite la diffusion de ces programmes.

Les pôles ARTE-France et ARTE-Deutschland financent et contrôlent conjointement la gestion du GEIE. Ils défendent les intérêts des membres français et allemand au sein des instances de décision du groupement. Le comité de gérance du GEIE est alternativement présidé, pour une durée de quatre ans, par le membre français et le membre allemand.

Audiences d’ARTE en France (linéaires et numériques)

 

2016

2017

2018

2019 (janv -juillet)

Part d'audience en France % (audience cumulée)

2,3%

2,2%

2,4%

2,5%

Vidéos vues par mois sur l'ensemble des plateformes (en millions)

22,2

37,2

55,4

nd

 

Chronique de la dotation publique allouée à ARTE-France en M€

 

2018

2019

2020

projet de loi de finances

Dotation publique (HT)

279,5

277,5

275,3

 

Données sociales

 

2016

2017

2018

2019

Evol° 2016-2019

Evol°  2016-2019 en %

ETP permanents

(annuels moyens)

241,0

244,4

248,5

248,0

7,0

2,9%

ETP non permanents

(annuels moyens)

40,4

44,6

39,4

38,8

-1,6

-3,9%

Total ETP

281,4

288,9

287,9

286,8

5,4

1,9%

 

France Médias Monde

En vertu du IV de l’article 44 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, nommée[211] après la loi France Médias Monde (FMM), a pour mission de « contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures françaises et francophones, ainsi qu’au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la programmation et la diffusion d’émissions de télévision et de radio ou de services de communication au public en ligne relatifs à l’actualité française, francophone, européenne et internationale. ».

La société édite les chaînes de télévision France 24 (en français, anglais, arabe et, depuis septembre 2017, en espagnol) et les radios Radio France Internationale (RFI) et Monte Carlo Doualiya (MCD).

Audiences linéaires (audience réelle hebdomadaire)

 

Audience mesurée en

millions / semaine

2016

2017

2018

Evol° 2016-2018

France 24

 

Totale

55,0

61,2

79,8

24,8

dont Afrique francophone / Océan indien

25,8

26

27,9

2,1

RFI

 

Totale

41,3

40,7

40,8

-0,5

dont Afrique francophone

30

29,6

29,7

-0,3

MCD

Totale

7,3

5,4

9,2

1,9

 

Audiences numériques

 

 

Audience

mesurée en

millions/mois

 

2016

2017

2018

Evol° 2016-2018

Evol° 2016-2018 %

France 24

36,5

45,6

59,8

23,3

63,8%

 RFI

7,1

9,0

11,4

4,3

60,6%

 MCD

1,3

1,7

3,4

2,1

161,5%

 

Chronique de la dotation publique allouée à France Médias Monde en M€ 

2018

2019

2020

Projet de loi de finances

Dotation publique (HT)

257,8

256,2

255,2

 

Données sociales

 

2016

2017

2018

2019

Evol° 2016-2019

Evol°  2016-2019 en %

ETP permanents (annuels moyens)

1 334

1 323

 1344

1343

9

 

ETP non permanents (annuels moyens)

413

416

 400

374

-39

 

Total ETP

1 747

1 739

1 744

1 717

-30

-1,7%

 

TV5 Monde

TV5 Monde est une société de droit français qui édite une chaîne francophone multilatérale, dont les partenaires sont le Canada, la Fédération Wallonie-Bruxelles, la France, le Québec et la Suisse.

Les fonctions d'éditeur et de diffuseur des signaux TV5 sont confiées à deux opérateurs : TV5 Monde et TV5 Québec Canada. TV5 Monde est responsable de la diffusion de neuf des dix signaux[212]

En plus de son signal généraliste historique, TV5 Monde a lancé au cours des exercices précédents de nouveaux signaux : un signal dédié à l’art de vivre français « TV5 Monde Style HD » (Etats-Unis, Afrique, Asie-Pacifique et monde arabe), et un signal de programmes pour enfants en français « Tivi5Monde » (Afrique et Etats-Unis).

Le capital de TV5 Monde est détenu par France Télévisions (49 %), France Médias Monde (12,58 %), ARTE-France (3,29 %), RTBF (11,11%), RTS (11,11%), Radio Canada (6,67%), Télé-Québec (4,44%), l'INA (1,74 %) et un mandataire social (0,06 %).

La Charte de TV5 définit l’organisation, les missions, les règles concernant les programmes et la distribution et le mode de financement de TV5. Elle a été approuvée par l'ensemble des gouvernements bailleurs de fonds de TV5 à Bruxelles en 2005, et revue à Vancouver en 2008.

Audiences linéaires

 

Unité

2016

2017

2018

Evolution
2016-2018

Audience cumulée hebdomadaire totale

M° / semaines

41,6

41,9

42,1

0,5

Afrique francophone

M° / semaines

29,3

29,9

29,1

-0,2

Europe

M° / semaines

6

5,5

5,5

-0,5

Afrique du Nord et Moyen-Orient

M° / semaines

3,8

4

4,5

0,7

Asie

M° / semaines

2,5

2,5

3

0,5

Nombre de pays sondés

Nombre

24

24

24

0

 

Audiences numériques

 

 

2016

2017

2018

Evolution
2016-2018

Fréquentation des environnements nouveaux médias

visites en M / mois

3,5

3,8

4,1

0,6

Consommation des contenus délinéarisés

démarrages M / mois

6,3

12,4

19,7

13,4

 

Chronique de la dotation publique allouée à TV5 Monde en M€

 

2018

2019

2020

Projet de loi de finances

Dotation publique (HT)

           77,4

           76,2

76,2

 

Données sociales

 

2015

2016

2017

2018

Evol° 2015-2018

Evol° 2015-2018 %

ETP permanents

258,1

275,1

278

281,4

23,3

9%

ETP non permanents

146,1

131,9

138,2

129,1

-17

-12%

Total ETP

404,2

407

416,2

410,5

6,3

2%

 

 

Radio France

L’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que la société nationale de programme Radio France est chargée de concevoir et de programmer des émissions de radio à caractère national et locale et de valoriser le patrimoine et la création artistique, notamment grâce aux formations musicales. 

La société compte sept chaînes généralistes, thématiques et de proximité (France Inter, France Info, France Culture, France Musique, France Bleu, Mouv’ et FIP) et quatre formations musicales (l’Orchestre National de France, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, la Maîtrise de Radio France et le Chœur de Radio France).

Audiences linéaires

Audiences en %

(Audience Cumulée)

France inter

France culture

France info

France musique

Fip

Mouv'

Réseau Bleu

sept 2015- juin 2016

10,5%

2,1%

7,8%

1,5%

1,0%

0,4%

7,0%

sept 2016- juin 2017

11,3%

2,3%

8,5%

1,5%

1,0%

0,6%

6,7%

sept 2017- juin 2018

11,1%

2,3%

8,3%

1,6%

1,0%

0,6%

6,8%

sept 2018- juin 2019

11,7%

2,7%

8,4%

1,7%

1,0%

0,8%

6,4%

 

Audiences numériques

Au premier semestre 2019, les offres en ligne de Radio France (hors vidéos franceinfo :) ont enregistré 188 millions d’écoutes audio et vidéo en moyenne chaque mois, soit une croissance de 18 % par rapport au premier semestre 2018. Les plateformes propriétaires de Radio France (sites et applications, hors franceinfo) ont quant à elles enregistré 63 millions de visites par mois, en croissance de 44 % (France Bleu portant 41 % de cette croissance). En incluant franceinfo :, les visites mensuelles ont progressé de 33 %, de 145 millions de visites par mois en 2018 à 193 millions de visites par mois en 2019. Enfin, en moyenne 55,2 millions de podcasts Radio France sont téléchargés chaque mois (source Radio France, août 2019).

Chronique de la dotation publique allouée à Radio France en M€

 

2018

2019

2020

Projet de loi de finances

Dotation publique (HT)

         596,3

         592,3

587,3

 

Données sociales

 

2016

2017

2018

2019

Evol° 2016-2019

Evol°  2016-2019 en %

ETP permanents (annuels moyens)

4 198

4 161

4 119

4 118,4

 

 

ETP non permanents (annuels moyens)

329

348

355

354,9

 

 

Total ETP

4 527

4 510

4 474

4 473

-54

-1,2%

 

Institut national de l’audiovisuel

En vertu de l’article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) est chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national.

Son cahier des charges consolidé par décret du 21 mars 2007 précise que l’Institut conserve et exploite les archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, contribue à la formation initiale et continue dans le champ de la communication audiovisuelle et peut assurer des activités de recherche dans les domaines de la production, de la création et de la communication audiovisuelle et produire des œuvres ou documents audiovisuels.

 

Audiences

 

2016

2017

2018

Nombre de vidéos vues en ligne par le grand public (en Million)

220

452

509

 

Chronique de la dotation publique allouée à l’Institut national de l’audiovisuel

 

 

2018

2019

2020

projet de loi de finances

Dotation publique (en M€ HT)

88,6

87,4

86,4

 

Données sociales

 

2015

2016

2017

2018

2019
(budget)

Evol° 2015-2019

Evol°  2016-2019 en %

ETP permanents

946

933,1

926,6

919,6

920,9

-25,1

-2,7%

ETP non permanents

53

52,2

66,6

69,0

69,2

16,2

30,6%

Total ETP

999,0

985,3

993,2

988,6

990,1

-8,9

-0,9%

 

Enfin , et pour mémoire :

        la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 a créé le groupe France Télévisions, à travers la constitution d’une société-mère détenant l’intégralité du capital de France 2, France 3 et la Cinquième ;

        la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a parachevé ce mouvement de rapprochement, en intégrant RFO au groupe France Télévisions, dont l’ensembles des sociétés éditrices de programmes ont fusionné en 2010, aux termes de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

        pour sa part, l’audiovisuel extérieur a également été progressivement consolidé : en 2008, a été constitué l’Audiovisuel Extérieur de la France (AEF), société-mère regroupant France 24, Radio France internationale (RFI), et les participations de la France dans la chaîne francophone TV5MONDE.

B -   Composition des conseils d’administration de Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, et de l’Institut national de l’audiovisuel

La composition du conseil d’administration des sociétés nationales de programme – France Télévisions, Radio France et FMM – est fixée, respectivement, par les articles 47-1, 47-2 et 47-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Le nombre d’administrateurs – compte non tenu du président – est de douze à Radio France et quatorze à France Télévisions et FMM, chacun de ces conseils étant composé de quatre collèges :

- deux parlementaires ;

- quatre (Radio France) ou cinq (France Télévisions et FMM) représentants de l’État, dont le « fléchage » au sein des administrations concernées résulte aujourd’hui de l’usage ;

- quatre (Radio France) ou cinq (France Télévisions et FMM) personnalités indépendantes désignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ;

- deux représentants du personnel élus.

Au sein du collège des représentants de l’État et de celui des personnalités désignées par le CSA, l’écart entre le nombre de membres de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

Il est observé que, depuis 1982, la composition des conseils d’administration des sociétés nationales de programme a, de manière constante repris cette répartition en quatre collèges (un cinquième collège a pu exister entre 1982 et 1986, formé de représentants désignés par le Conseil national de la communication audiovisuelle).

C -   Nomination des dirigeants de Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, et de l’Institut national de l’audiovisuel

En France, le mode de nomination des présidents des entreprises de l’audiovisuel public a connu de nombreuses évolutions, qui témoignent des difficultés rencontrées dans la recherche de la conciliation de trois objectifs :

-          garantir l’indépendance éditoriale de sociétés éditrices de programme, notamment d’information ;

-          défendre les intérêts de la collectivité ;

-          assurer la compétence des dirigeants.

Le premier rend nécessaire d’éviter une nomination directe, sans garanties suffisantes, par le pouvoir exécutif ; le deuxième suppose de créer les conditions d’une capacité d’intervention suffisante de la collectivité, par l’Etat actionnaire, le Parlement, et/ou des personnalités qualifiées ; le troisième implique de trouver un système permettant une sélection des candidats en fonction de leurs compétences par une instance apportant suffisamment de garanties à cet égard.

Plusieurs systèmes ont été successivement mis en œuvre depuis la première loi de libéralisation du secteur audiovisuel en 1982.

Depuis la libéralisation de la communication par la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la nomination des présidents des sociétés nationales de programme a d’abord été une prérogative directe ou indirecte de l'autorité de régulation. Les articles 39, 41, 43 et 57 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoyaient que les présidents des sociétés nationales de programme étaient nommés parmi les membres des conseils d'administration de ces sociétés qui avaient été désignés par la première instance indépendante de régulation du secteur audiovisuel, la Haute autorité de la communication audiovisuelle. 

De la même manière, l'article 47 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication disposait, dans sa version originelle, que les présidents des sociétés nationales de programme étaient nommés par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), à la majorité de ses membres, parmi les personnalités qu'elle avait désignées au sein des conseils d'administration de ces sociétés. Seul le président de la société Radio France Internationale (RFI) faisait exception, son président étant nommé par la CNCL parmi les représentants de l'État au sein du conseil d'administration. Le même article prévoyait également que le mandat des présidents des sociétés nationales de programme pouvait leur être retiré dans les mêmes conditions. 

 Ni la création du CSA par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ni celle de la société France Télévisions par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication n'étaient revenues sur cette prérogative de l'instance de régulation. 

Le dispositif instauré par le législateur de 1986 est donc demeuré, sur le fond, inchangé jusqu'à la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF) qui avait confié cette prérogative au Président de la République. 

En 2013, le législateur, par la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a souhaité revenir sur la réforme menée en 2009 et rendre le pouvoir de nomination et de révocation au CSA, dans le but affiché de renforcer l'indépendance des présidents des sociétés nationales de programme, en garantissant qu'ils soient non plus nommés et révoqués directement à l’initiative du pouvoir exécutif mais par une autorité indépendante du Gouvernement.   Ainsi, l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les présidents des sociétés nationales de programme sont nommés pour cinq ans par le CSA, à la majorité des membres qui le composent.

Ce texte ajoute que les candidatures sont présentées au CSA et évaluées par ce dernier sur la base d’un projet stratégique.

L’autorité de régulation détermine, au cas par cas, la méthode qu’elle estime la plus appropriée, permettant d’attirer les candidatures les plus diverses et de les examiner dans le respect de l’égalité de traitement entre les candidats.

La nomination de ces dirigeants fait par ailleurs l’objet, aux termes de l’article précité, d’une « décision motivée du Conseil se fondant sur des critères de compétence et d’expérience ».

La représentation nationale n’est pas associée à ce processus sinon par des mécanismes d’information et de contrôle[213].

Afin de permettre une période de transition entre deux présidences, les nominations doivent intervenir trois à quatre mois avant la prise de fonctions effective (période dite de « tuilage »).

Le Président de l’Institut National de l’Audiovisuel est quant à lui choisi parmi les membres du conseil d'administration représentant l'Etat, et nommé pour cinq ans par décret en conseil des ministres en application de l’article 50 de la loi du 30 septembre 1986.

1.1.2.   Missions de service public

Les missions de service public assignées aux organismes du secteur audiovisuel public ont plusieurs sources.

A -   Les missions de service public issues d’un traité international

a) TV5 est un ensemble de chaînes visant à servir de « vitrine mondiale de la diversité culturelle francophone ». Elle est régie par « la Charte TV5 », signée entre le Canada, la Communauté française de Belgique, la Confédération suisse, la France, le Québec, TV5 Monde et TV5 Québec Canada. La loi du 30 septembre 1986 n’y comporte que quelques mentions[214]. La Charte TV5 définit l’organisation, les missions, les règles concernant les programmes et la distribution ainsi que le mode de financement de TV5.

Les missions que lui assigne la Charte ont ainsi principalement trait à la francophonie, dont il s’agit de « donner une image moderne, séduisante et positive », de diffuser des « programmes susceptibles de favoriser l’apprentissage du français », ainsi que les programmes des radiodiffuseurs partenaires.

b) La chaîne culturelle européenne ARTE (Association Relative à la Télévision Européenne) est issue du traité signé le 2 octobre 1990 entre la France et les Länder allemands, « désireux de consolider la compréhension et le rapprochement entre les peuples en Europe [et] souhaitant offrir aux citoyens de l’Europe une chaîne de télévision commune qui soit un instrument de présentation du patrimoine culturel et de la vie artistique des États, des régions et des peuples de l’Europe et du monde ».

Il résulte de l’article 1er de ce traité qu’ARTE a la responsabilité exclusive de sa programmation, qu’elle définit sous le seul contrôle de ses sociétaires, « à l’exclusion de toute intervention d’autorités publiques, y compris d’autorités indépendantes chargées de la régulation de l’audiovisuel dans le pays du siège », et dans le respect des règles fixées par les sociétaires dans le contrat de formation de la chaîne, des stipulations de la convention du Conseil de l’Europe sur la télévision transfrontière à laquelle il renvoie.

La chaîne est ainsi éditée et diffusée par le groupement européen d’intérêt économique (GEIE) ARTE, issu d’un contrat signé le 30 avril 1991 entre ARTE-Deutschland TV GmbH et ARTE-France, qui sont les deux pôles, allemand et français, d’édition et de fourniture de programmes.

Seule cette dernière société, ARTE-France, est mentionnée par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui renvoie au respect de l’article 43-11, prévoit la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens et précise en son article 45 : « Une société dénommée ARTE-France est chargée de concevoir et de fournir les programmes et les moyens nécessaires à l’exercice des missions du groupement européen d'intérêt économique ARTE […]. Les émissions doivent tenir compte du caractère international, en particulier européen, de son public. Le capital de cette société est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques ». 

B -   Les missions de service public issues de la loi du 30 septembre 1986

a) Sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France, France médias Monde)

Les principales missions des sociétés nationales de programme ont été regroupées à l’article 43-11 de la loi de 1986.

Ces missions générales sont complétées par des missions particulières, éparses dans la loi de 1986 ou dans les lois modifiant cette dernière : campagnes électorales (art. 16[215]), messages d’alerte sanitaire (art. 16-1), conseil consultatif des programmes de France Télévisions (art. 46), interdiction de droit exclusif de reprise des programmes (art. 48-1-A), absence de surcompensation du financement public des missions de service public (III de l’art. 53), restrictions publicitaires pour France Télévisions (VI, VI bis et VII de l’art. 53), conclusion de contrats avec les sociétés dont les comptes ont été déposés (art. 53-1), communications du Gouvernement (art. 54), retransmission des débats parlementaires (art. 55), émissions cultuelles (art. 56), droits des personnels et droit de grève (art. 57), lutte contre les discriminations (art. 6 loi n° 2009-258 du 05 mars 2009), campagnes d’information sur les produits frais (art. 18 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt).

Des missions propres sont ensuite assignées à chacune d’elles : au I de l’article 44 pour France Télévisions, au II du même article pour Radio France et au IV pour la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Ces missions sont enfin complétées et précisées par leurs cahiers des missions et des charges, fixés par décret aux termes de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986.

b) L’Institut national de l’audiovisuel

L’INA est un établissement public industriel et commercial chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. Les missions de service public de l’établissement ont été successivement définies par les lois du 29 juillet 1982 (droits d’exploitation dévolus à l’INA sur les archives audiovisuelles), du 30 septembre 1986 (ouverture de l’INA au marché concurrentiel), du 20 juin 1992 (dépôt légal de la radio-télévision), du 1er août 2000 (nouveaux droits d’exploitation dévolus à partir du 1er août 1997) et du 1er août 2006 (dépôt légal du web ; loi DADVSI relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information issue de la transposition en droit français de la directive européenne 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information).

Elles sont rassemblées, au niveau législatif, à l’article 49 de la loi du 30 septembre 1986, et précisées par le décret du 13 novembre 1987 modifié portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l’INA.

c) La Chaîne Parlementaire

En vertu de l’article 45-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une chaîne de télévision parlementaire et civique, dénommée « La Chaîne parlementaire », diffuse, à parité de temps d’antenne, les émissions de deux sociétés de programme, à savoir La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale (LCP-AN) et La Chaîne parlementaire-Sénat (LCP-Sénat ou Public Sénat) : « Elle remplit une mission de service public, d’information et de formation des citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques. Elle met en œuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et propose une programmation reflétant la diversité de la société française. »

Issue d’une proposition de la loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999 portant création de La Chaîne parlementaire, ces deux sociétés bénéficient d’un régime très différent de celui prévu pour les sociétés nationales de programme, garantissant à la fois leur indépendance vis-à-vis du Gouvernement (absence de cahier des charges par exemple) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel, au contrôle duquel elles ne sont pas soumises.

C -   Cadre européen

Tout en ouvrant le secteur audiovisuel à la concurrence dans les années 1980, les États européens ont estimé nécessaire de maintenir des services publics de radiodiffusion afin de garantir la couverture d'un certain nombre de domaines et la satisfaction de besoins et d'objectifs d'intérêt général que les opérateurs privés ne remplissaient pas nécessairement. Ce choix a été consacré dans le Protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, annexé au Traité d’Amsterdam.

En effet, et ainsi que l’indique la Commission européenne dans sa Communication concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État, « Le service public de radiodiffusion, bien qu'il ait indéniablement une importance économique, n'est pas comparable au service public tel qu'il s'exerce dans les autres secteurs économiques. Il n'existe pas d'autre service qui, simultanément, dispose d'un accès aussi large à la population, lui fournit une grande quantité d'informations et de contenus et qui, ce faisant, relaie et influence les opinions individuelles et l'opinion publique. »[216].

Le rôle du service public en général est consacré par le traité CE, et notamment son article 16 et son article 86, paragraphe 2. L'interprétation de ces dispositions au regard des caractéristiques particulières du secteur de la radiodiffusion est soulignée dans le protocole d'Amsterdam, qui, après avoir tenu compte du fait « que la radiodiffusion de service public dans les États membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias », dispose : « Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l'accomplissement de la mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l'intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte. »

L'importance de la radiodiffusion de service public pour la vie sociale, démocratique et culturelle dans l'Union européenne a également été réaffirmée dans la résolution du Conseil concernant le service public de radiodiffusion : « l’accès étendu du public, sans discrimination et sur la base de l'égalité de traitement, à diverses chaînes et divers services constitue une condition préalable nécessaire si l'on veut satisfaire à l'obligation particulière qui incombe au service public de radiodiffusion ». Le service public de radiodiffusion doit en outre « bénéficier des avancées technologiques », apporter « au public les avantages des nouveaux services audiovisuels et services d'information ainsi que des nouvelles technologies » et s'engager en faveur « du développement et de la diversification des activités à l'ère du numérique ». Enfin, « le service public de radiodiffusion doit être en mesure de continuer à proposer un large éventail de programmes, conformément à sa mission telle que définie par les États membres, afin de s'adresser à la société dans son ensemble; dans ce contexte, il est légitime que le service public de radiodiffusion s'efforce de toucher un large public »[217].

Le rôle du service public de radiodiffusion dans la promotion de la diversité culturelle a également été reconnu par la convention de l'Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui a été approuvée par le Conseil au nom de la Communauté et fait donc partie intégrante de la législation communautaire[218].

Ces valeurs attribuées à la radiodiffusion publique sont ainsi tout aussi importantes dans le nouvel environnement numérique. Cet aspect a également été souligné dans les recommandations du Conseil de l'Europe sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias[219] et sur la mission des médias de service public dans la société de l'information[220]. Cette dernière recommandation invite les membres du Conseil de l'Europe à « garantir aux médias de service public les conditions nécessaires pour mener à bien, […] d’une manière transparente et responsable, la mission qui leur a été confiée » et à « permettre aux médias de service public de répondre pleinement et efficacement aux défis de la société de l’information, en respectant la structure duale publique/privée du paysage européen des médias électroniques et en tenant compte des questions liées au marché et à la concurrence ».

1.1.3.   Conventions stratégiques pluriannuelles

Les contrats d’objectifs et de moyens (COM) entre l’Etat et les organismes du secteur audiovisuel public ont été instaurés pour leur donner une perspective pluriannuelle de l’évolution des ressources en rapport avec la stratégie de développement.

L’article 21 de la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi du 30 septembre 1986 les avaient d’abord introduits sous une forme facultative : « Des contrats d'objectifs, annuels ou pluriannuels, peuvent être conclus entre les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle et l’État. Ces contrats d’objectifs sont communiqués au Conseil supérieur de l’audiovisuel »[221].

Le dispositif actuel trouve son origine dans l’article 15 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986. L’exposé des motifs du projet de loi indiquait notamment : « […] Le deuxième axe de la réforme concerne le financement des sociétés audiovisuelles publiques. Afin de permettre une meilleure programmation de leur développement, les décisions prises, à l’occasion de chacune des lois de finances, pour la radio et la télévision publiques, seront à l'avenir guidées par l'adoption de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens […] L’article 6 instaure pour les entreprises publiques de l’audiovisuel, qu’il s'agisse de la télévision, des radios ou de l’INA, un financement pluriannuel reposant sur la conclusion avec l’État de contrats d’objectifs et de moyens. Ces contrats serviront de référence à la répartition annuelle des ressources publiques entre les organismes de l'audiovisuel public. En ce qui concerne la société France Télévision, un contrat unique sera établi : il déterminera les objectifs et les moyens du groupe et ceux assignés à chacune des chaînes qui le composent ».

Les travaux parlementaires montrent que l’Assemblée nationale et le Sénat s’accordaient sur la pertinence de ce dispositif, qui s’inscrivait dans le mouvement de contractualisation que connaissait le secteur public à cette époque[222].

Les modifications apportées aux dispositions initiales entre 2005 et 2013[223] ont eu pour objet d’enrichir le contenu obligatoire de ces contrats et de mieux associer le Parlement et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à leur élaboration et au suivi de leur exécution.

Lors des travaux parlementaires de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, était souligné le vif intérêt que suscitait ce dispositif. Dans son rapport sur le projet de loi, Catherine MORIN-DESAILLY relevait ainsi que les COM constituaient désormais « un outil de pilotage stratégique généralisé, dont l’intérêt est reconnu par l’ensemble des acteurs », « un facteur de sécurisation financière pluriannuelle pour les organismes de l’audiovisuel public, l’État [respectant] chaque année les engagements financiers qu'il a pris à la signature du COM », et « un moteur de la modernisation de la gestion, grâce à la fixation d’objectifs précis, dont le suivi est permis par la mise en place des indicateurs “LOLF” ».

L’article 53 de loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit, dans sa rédaction actuelle, que des contrats d'objectifs et de moyens (COM) sont conclus entre l'Etat et chacune des entreprises suivantes : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel et Arte-France.

Ils sont conclus pour une durée comprise entre trois et cinq ans. Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président. Les COM en vigueur couvrent des périodes différentes selon les entreprises concernées :

-          2015-2019 pour l’Institut national de l’audiovisuel et Radio France ;

-          2016-2020 pour France Télévisions et France Médias Monde ;

-          2017-2021 pour ARTE-France.

L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précise que ces contrats déterminent notamment, pour chaque société ou établissement public :

- les axes prioritaires de son développement ;

- les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;

- les montants minimaux d'investissements de la société visée au I de l'article 44 dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;

- les engagements permettant d'assurer, dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap, l'adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l'exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;

- les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;

- le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;

- concernant ses recettes : le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes et le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage et les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;

- les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;

- le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier.

Les commissions parlementaires (affaires culturelles et, pour France Médias Monde, affaires étrangères) sont consultées, avant leur signature, sur les projets de COM et leurs éventuels avenants (sur lesquels elles peuvent rendre un avis dans un délai de 6 semaines) ; le CSA rend un avis sur ceux-ci dans le cas France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (dans un délai de quatre semaines).

Un rapport d’exécution est présenté annuellement devant les commissions parlementaires (finances, affaires culturelles et, pour France Médias Monde, affaires étrangères) par les présidents-directeurs généraux de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.

Le CSA rend un avis sur ces rapports à ces mêmes commissions, qui peuvent auditionner le président du CSA. ARTE-France et l’Institut national de l’audiovisuel transmettent eux aussi aux commissions parlementaires un rapport sur l’exécution de leur COM.

L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit enfin que, chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement approuve la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques issues de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), retracées au compte de concours financiers institué au VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, à savoir : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, ARTE-France et l’Institut national de l’audiovisuel.

Le dispositif actuel de la CAP est issu de la réforme de la redevance audiovisuelle en 2004 et se décompose en un impôt pour les particuliers et un impôt pour les professionnels.

La loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l’exercice 1933 pose les jalons du financement de l’audiovisuel public en France en établissant, pour la première fois, une redevance pour droit d’usage assise sur les postes radio « en vue d’en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion ». Depuis lors, l’assiette a été successivement élargie aux postes récepteurs de télévision (loi du 30 juillet 1949), réduite aux seuls postes de télévisions (excluant les récepteurs de radio en 1980) et temporairement étendue aux magnétoscopes entre 1982 et 1987. La loi du 7 août 1974 introduit le principe d’autorisation du Parlement pour la perception de la taxe et d’approbation par le Parlement de sa répartition entre les sociétés nationales de programmes.

Le dispositif actuel résulte de la loi n° 2004-1484 de finances pour 2005 du 30 décembre 2004, qui a réformé le régime historique afin, notamment, d'adosser son recouvrement à celui de la taxe d’habitation (TH). La redevance est depuis lors recouvrée à partir du rôle de TH, liquidée en même temps que cette dernière et figure sur l’avis d’imposition à la TH.

Depuis la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, la dénomination « redevance audiovisuelle » a été remplacée par celle de « contribution à l’audiovisuel public ».

Depuis 2005, sont redevables de la CAP des particuliers les personnes physiques imposables à la TH, à la condition de détenir au 1er janvier de l’année d’imposition un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé[224] permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif du foyer (article 1605 du code général des impôts -CGI).

Au titre des années 2018 et 2019, le tarif de la CAP s'établit respectivement à 139 € pour la France métropolitaine et 89 € pour les départements d'outre-mer.

Les dispositions des articles 1605 et suivants du CGI prévoient que la CAP est également due par les professionnels qui détiennent, au 1er janvier de l’année, dans un local situé en France, l’un des appareils susmentionnés. La contribution est alors due au titre de chaque point de vision. L’impôt est recouvré comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le tarif de la CAP des professionnels est calculé selon des modalités spécifiques :

-          en fonction du nombre de points de vision, un abattement de 30 %, puis 35 % étant appliqué à partir du troisième, puis du trentième point de vision ;

-          pour les hôtels de tourisme et certains débits de boisson[225], les premiers bénéficiant d’une minoration au titre de la saisonnalité de leur activité tandis que les équipements détenus par les seconds font l’objet d’une majoration.

En 2019, les prévisions d’encaissements nets de CAP s’élèvent à 3,3 Md€, montant auquel il convient d’ajouter celui de 0,5 Md€, correspondant aux dégrèvements compensés par l’Etat (540 M€ au titre des dégrèvmements pour motifs sociaux, 12M€ au titre des dégrèvements dits pour droits acquis[226]) ; au total, les dotations de CAP versées aux organismes affectataires pour l’année 2019 se sont ainsi élevées à 3,8 Md€, réparties comme indiqué au tableau suivant.

Montants exprimés en M€ TTC

 

France Télévisions

2 543,1

Radio France

604,7

Arte

283,3

France Médias Monde

261,5

TV5 Monde

77,7

INA

89,2

 

1.1.4.   Transformation de l’INA en société anonyme

À sa création en 1974, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) a repris les activités de trois services de l’ancien ORTF : les archives, la recherche et la formation.

Le statut d’établissement public industriel et commercial de l’INA découle de la loi du 7 août 1974. Ce statut emporte l’application des règles du droit privé pour la plupart des activités attenante au son fonctionnement et à sa gestion (comptabilité, droit applicable aux agents, relations avec les usagers, avec les tiers).

Jusqu’en 2007, l’INA a été doté d’un agent comptable. À compter de cet exercice, cette fonction a été supprimée, ses activités ayant été transférées à l’ordonnateur conformément à une disposition figurant dans le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2005-2009, qui prévoyait qu’à compter du 1er janvier 2007 :

− la totalité des fonctions comptables et financières de l’INA serait assumée dans le cadre du plan comptable général ;

− seraient regroupées les fonctions comptables et financière en une structure unique au sein de l’établissement ;

− l’établissement se doterait d’un commissariat aux comptes.

Cette perspective a été officialisée par le décret n° 2006-1829 du 23 décembre 2006 modifiant l’article 24 du décret n° 2004-532 du 10 juin 2004 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’INA. Ce décret, qui place l’Institut sous la tutelle du ministre chargé de la communication, organise sa gouvernance, dont le Conseil d’administration est l’organe principal. Celui-ci détermine les grandes orientations stratégiques, économiques, financières ou technologiques de l’institut et est présidé par le PDG de l’Institut. Le décret prévoit également que l’établissement public se conforme, en matière de gestion financière et comptable, aux règles en usage dans les sociétés industrielles et commerciales.

L’article 5 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) a exclu l’INA du champ de la comptabilité publique puisqu’il précise que « par dérogation au 4° de l’article 1er et au premier alinéa de l’article 3, les dispositions du présent décret ne s’appliquent pas à […] l’Institut national de l’audiovisuel […] ».

En matière de contrôle général économique et financier, les textes n’ont pas soumis l’INA à un contrôle contraignant. L’arrêté du ministre de l’économie et des finances en date du 3 mars 1982 définit, a minima, les attributions du contrôleur d’État qui se limitent à un visa préalable sur « toutes les décisions fixant ou portant sur les rémunérations, indemnités de licenciement ou de départ à la retraite à un niveau supérieur à un chiffre fixé par le contrôleur d'État ».

L’établissement n’est pas inscrit parmi les opérateurs de l’État et ne relève donc pas des règles en vigueur qui leur sont applicables, notamment :

− la circulaire du 26 mars 2010 du Premier ministre relative au pilotage stratégique des opérateurs de l’État ;

− la présentation d’un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) ;

− les règles spécifiques de présentation, de vote et d’exécution de leurs budgets, telles que définies dans la circulaire annuelle de la direction du budget ;

− les normes de dépenses de l’État, qu’il s’agisse du respect de la stabilisation en volume des budgets ou du non remplacement d’une partie des départs en retraite.

Cette situation trouve son origine dans les trois critères cumulatifs qui avaient été fixés par le « jaune budgétaire » pour définir les opérateurs :

− l’exercice d’une activité de service public qui puisse se rattacher à la mise en œuvre d’une politique définie par l’État ;

− un financement assuré majoritairement par l’État (subventions, ou ressources fiscales affectées), ce qui n’exclut pas que l’opérateur exerce à titre subsidiaire des activités marchandes ;

− un contrôle direct par l’État qui « ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais doit relever d’une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s’accompagne ou non d’une participation au conseil d’administration ».

L’article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que l’INA est chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. Son cahier des charges consolidé par décret du 21 mars 2007 précise que l’établissement conserve et exploite les archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, peut assurer des formations continues et contribuer à la formation initiale ainsi qu’à l’enseignement supérieur, et peut assurer des recherches sur la production, la création et la communication audiovisuelle, et produire des œuvres ou documents audiovisuels.

Les missions de service public de l’établissement ont été successivement définies par les lois du 29 juillet 1982 (droits d’exploitation dévolus à l’INA sur les archives audiovisuelles), du 30 septembre 1986 (ouverture de l’INA au marché concurrentiel), du 20 juin 1992 (dépôt légal de la radio-télévision), du 1er août 2000 (nouveaux droits d’exploitation dévolus à partir du 1er août 1997) et du 1er août 2006 (dépôt légal du web ; loi DADVSI relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information issue de la transposition en droit français de la directive européenne 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information).

Le décret du 13 novembre 1987 portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l’INA précise les missions de l’Institut.

1.2.    Cadre constitutionnel

1.2.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

A l’occasion de l’institution par la loi n° 89-532 du 2 août 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, d’une présidence commune aux deux sociétés nationales de programme de télévision, le Conseil constitutionnel a considéré que le fait que la nomination des présidents des sociétés nationales de programme « relève » d’une autorité administrative indépendante avait pour objet de garantir l’indépendance de ces sociétés et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication[227]. Il n’en avait cependant pas fait une exigence impérative.

En 2009, le législateur avait décidé de confier au chef de l’État le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, après avis conforme du CSA et sous réserve que les commissions parlementaires compétentes ne s’opposent pas à la désignation envisagée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions[228].

Saisi dans le cadre du contrôle a priori de constitutionnalité des lois, le Conseil constitutionnel avait écarté le grief tiré de l’atteinte portée à la liberté de communication, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), ainsi qu’au pluralisme des courants de pensée et d’opinion et à l’indépendance des médias, objectifs de valeur constitutionnelle[229].

Ainsi qu’il résulte du commentaire de cette décision, le Conseil constitutionnel avait estimé que l’avis conforme du CSA constituait une « garantie élevée »[230], les nominations ne pouvant intervenir sans l’accord de cette autorité indépendante.

1.3.    Éléments de droit comparé[231]

1.3.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

A -   Périmètre du secteur audiovisuel public

La plupart des pays européens ont adopté, soit historiquement (Grande-Bretagne) soit plus récemment (Espagne[232], Suisse Romande[233] par exemple) une organisation regroupant la radio et la télévision publiques nationales au sein d’un même groupe. La France reste, avec la Suède, l’un des rares pays européens à confier à des entités distinctes d’une part, l’édition de services radiophoniques, et, d’autre part, l’édition de services télévisuels.

La British Broadcasting Corporation  (BBC) est une référence mondiale en matière d’audiovisuel public, et en constitue l’exemple canonique. Fondée en 1922, elle est constituée sous la forme d’une société unique qui intègre l’ensemble des activités de l’audiovisuel public : télévisions et radios de service public, audiovisuel extérieur, télévision de rattrapage, sites Internet, archives, production et vente de contenus, formation.

Elle est composée de neuf chaînes de télévision, dont une chaine présente uniquement en ligne (BBC 3), dix stations nationales de radio, 40 radios locales, des services en ligne (BBC on line, BBC iplayer), et le BBC World service qui diffuse de l’information en 27 langues. Le groupe comprend aussi des filiales commerciales, dont BBC Worlwide (vente internationale de contenus), BBC Studios (production), BBC Studioworks (location destudios, services associés et post production) et BBC Academy (formation professionnelle et continue aux métiers des médias ). BBC Learning développe des ressources pour les enseignants et les élèves avec une offre multiple (BBC teach, BBC bitesize, BBC terrific scientific, BBC live lessons) et BBC Archive dispose d’un fonds de 12 millions de documents à consulter.

S’agissant de l’audiovisuel extérieur, les options retenues sont plus diverses. Dans certains pays, l’opérateur dédié à l’audiovisuel extérieur est intégré dans le groupe audiovisuel public national : c’est le cas au Royaume-Uni, en Italie (RAI America), en Allemagne (Deutsche Welle fait partie de l’ARD et ARTE-Deutschland est une filiale des stations régionales membres de l’ARD, et de la ZDF), et en Espagne (la RTVE édite trois chaînes internationales).

B -   Gouvernance et nomination

L'indépendance éditoriale est souvent assurée par une séparation claire entre l'organe directeur, qui assume la responsabilité générale de l’organisation, et les éditeurs, responsables du processus décisionnel quotidien et éditorial. L’organe directeur peut définir des orientations et une politique, mais ne doit pas, sauf peut-être dans des situations très extrêmes, interférer avec une décision de programmation particulière. Plusieurs déclarations internationales reflètent ces idées d’indépendance structurelle.

La Résolution n ° 1 sur l'avenir de la radiodiffusion de service public de la 4e Conférence ministérielle du Conseil de l'Europe sur la politique des communications de masse, réitère ces principes, indiquant que : « Les Etats participants s'engagent à garantir l'indépendance des radiodiffuseurs de service public contre les ingérences politiques et économiques. En particulier, la gestion quotidienne et la responsabilité éditoriale des programmes et du contenu des programmes doivent incomber entièrement aux radiodiffuseurs eux-mêmes. L’indépendance des radiodiffuseurs de service public doit être garantie par des structures appropriées telles que des conseils internes pluralistes ou d’autres organismes indépendants. »

De même, la Déclaration africaine sur les Principes de la liberté d’expression, adoptée lors de sa 32ème session, en Octobre 2002 par la Commission africaine des droits humains et des peuples stipule également que « les radiodiffuseurs publics devraient être régis par un conseil protégé de toute ingérence, notamment de nature politique ou économique; l'indépendance éditoriale des radiodiffuseurs de service public devrait aussi être garantie ».

L’UER (Union Européenne de Radiodiffusion) considère ainsi que le service public audiovisuel étant non seulement au service du public mais aussi financé par lui, il doit être contrôlé par le public ou la puissance publique par l’intermédiaire d’un Conseil qui s’assure qu’il remplit au mieux ses missions de service public. Ce Conseil qui est soit une instance de l’organisme (Conseil de surveillance, conseil des Gouverneurs) soit une institution séparée (BBC Trust) joue le rôle de l’actionnaire. Deux modèles prédominent :

(1) des institutions et groupes de représentants la société civile, identifiés par la loi, sont invités à désigner des représentants au sein du Conseil pour une période fixe (4 à 5 ans) : il peut s’agir d’associations cultuelles, de représentants de producteurs ou créateurs, d’associations culturelles, de syndicats de travailleurs etc. : c’est le modèle allemand ;

(2) les membres du Conseil sont désignés soit entièrement par le Parlement, soit par une combinaison Parlement, Gouvernement, Président et/ou des institutions publiques (modèle français), en veillant à leur indépendance par rapport à l’autorité de nomination : ils sont désignés par elle mais ne représentent pas ses vues ou intérêts.

Au Royaume-Uni, la gouvernance de la BBC, corporation publique en vertu d’une charte royale de 1927, a été revue récemment, à l’occasion du renouvellement de la Charte (« Royal Charter »), entrée en vigueur le 1er janvier 2017 et applicable jusqu'au 31 décembre 2027. Il a été considéré que l’organisation qui prévalait avant 2017 était insatisfaisante, car elle ne permettait pas un clair partage des responsabilités et confiait notamment au Trust à la fois des fonctions de gouvernance et de supervision qu’on s’attendait à voir confiées à une autorité de régulation comme l’OFCOM (Office of communications, autorité régulatrice des télécommunications au Royaume-Uni). Aussi a-t-il été décidé de ne laisser subsister qu’une seule structure de gouvernance agissant comme conseil d’administration, le BBC Board.

La nouvelle Charte Royale a donc modifié considérablement la gouvernance de la BBC. Le Board qu’elle a institué est en charge de la stratégie et des actions dans l’intérêt du public. Il protège l’indépendance de la BBC, sans prendre d’instruction du Gouvernement ou d’aucune autre personne. Il adopte toutes les décisions stratégiques, les cadres d’évaluation des performances, les normes de bonnes pratiques éditoriales et les budgets.

Il est composé de quatorze membres, dont :

-          le Président non-exécutif (« Chair ») ;

-          quatre représentants des nations constituant le Royaume-Uni (« Nations members ») non-exécutifs ;

-          le Directeur général exécutif (« chief executive officer »), nommé par le Conseil, qui assure la responsabilité éditoriale du groupe ;

-          trois dirigeants opérationnels de la BBC, nommés par le Conseil ;

-          cinq personnalités qualifiées, non-exécutives, cooptées par le Board (« non-executive members of the Board »).

La Charte précise que les nominations se font dans le respect d’une procédure ouverte et équitable (« The appointments may only be made following a fair and open competition »), suivant le processus statutaire des nominations aux emplois publics :

        Le processus de nomination du Président du conseil, qui porte le titre de chairman de la BBC, est prévu par la charte. La BBC est consultée par le ministre sur les qualités nécessaires pour le rôle, la description du poste et le temps nécessaire à son accomplissement (le chairman exerce à temps partiel). Sur cette base un appel public à candidatures est lancé ; la sélection s’effectue par le ministère de la communication selon le code des nominations publiques. Le comité de sélection comprend un membre de la commission des nominations publiques, un représentant du ministère de la communication, et deux membres indépendants, choisis par le ministre de la communication (à l’exception du représentant de la commission des nominations). Le candidat choisi par le Gouvernement est ensuite auditionné par la commission des affaires culturelles de la chambre des communes, qui établit un rapport. La proposition de nomination est alors soumise à la reine en conseil.

        Les quatre membres représentant chacun une Nation – responsabilité qu’ils exercent en sus de l’exercice de toutes les responsabilités statutaires de membre du conseil – (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord), sont nommés par la Reine après un processus de sélection similaire (consultation de la BBC sur le rôle, appel public à candidatures, sélection par le ministère selon le processus de nominations publiques, nomination par la Reine en conseil), mais avec deux différences :

-          le chairman de la BBC est membre de droit du comité de sélection, et veille à l’équilibre des compétences et expériences des membres sélectionnés pour les Nations ;

-          à la place du parlement de Westminster, c’est l’avis des gouvernement écossais, gallois ou l’autorité exécutive d’Irlande du nord qui est requis, chacun en ce qui concerne le membre en charge de sa nation . Pour l’Angleterre, le Gouvernement de Whitehall est réputé avoir donné son avis lors de la sélection[234].

        Les cinq membres non-exécutifs sont co-optés par le conseil de la BBC sur proposition du comité des nominations qui est présidé par le chairman, et comporte une majorité de non-exécutifs, le directeur général étant membre de droit.

        Les quatre membres exécutifs, dont le Directeur général, sont nommés par le conseil sur proposition du comité des nominations ; les trois autres étant actuellement la directrice générale adjointe en charge des finances, des affaires juridiques, institutionnelles de la stratégie et des opérations, le directeur responsable des filiales commerciales, et le directeur des Nations et Régions.

La création d’une filiale de production, reprenant les unités de production gérées jusque-là en interne, est une autre transformation majeure introduite par la nouvelle Charte Royale. BBC Studios, la division production du groupe, a obtenu en décembre 2016 l’autorisation de produire des programmes pour des diffuseurs-tiers, en accord avec l’OFCOM. BBC Studios a ainsi lancé en avril 2017 une filiale qu'elle détient à 100 %, et dont les profits remontent à la BBC.

En Espagne, le Parlement a adopté le 5 juin 2006 une loi (révisée en 2012) sur la radio et la télévision propriété de l’État, qui a réformé le statut de la RTVE. Elle a transformé la RTVE en une « corporation de l’État » assurant la gestion de deux sociétés - la Sociedad Mercantil Estatal Televisión Española (Société d’économie mixte de la télévision espagnole - TVE) et la Sociedad Mercantil Estatal Radio Nacional de España (Société d’économie mixte de la radio espagnole - RNE) -  soumises aux lois qui s’appliquent aux sociétés anonymes.  La loi charge directement l'entreprise de la gestion du service public, et des mandats-cadre approuvés par le Parlement en fixent les objectifs. La CRTVE est constituée comme une société anonyme dont l'intégralité du capital social est propriété de l'État.

En matière de structuration interne, la CRTVE peut constituer ou participer au capital de toute société commerciale dont l'objet social est lié à ses activités et à ses missions de service public. L'acquisition ou la perte de la participation majoritaire, directe ou indirecte, de la CRTVE dans le capital social de ces sociétés nécessite l'autorisation préalable du Conseil des ministres. De fait, elle exerce sa mission de service public à travers deux filiales : Televisión Española (TVE) et Radio Nacional de España (RNE).

Son administration et sa gestion sont assurés par un Conseil d’administration. Depuis 2012, le conseil d'administration de la CRTVE est formé par neuf membres élus par le Parlement espagnol, à raison de cinq par la Chambre des députés et de quatre par le Sénat. Les candidats comparaissent lors d'une audition publique devant chaque assemblée. L'élection au premier tour de scrutin requiert la majorité des deux tiers de l'assemblée. Après un délai de vingt-quatre heures suivant un premier vote infructueux, un vote à la majorité simple suffit. Le mandat des conseillers est de six ans sans renouvellement possible. Le conseil d’administration se renouvelle par moitié tous les trois ans. Le régime des incompatibilités encadrant le mandat des membres du conseil d’administration est strict. Il exclu en particulier expressément les parlementaires. Le président de la RTVE est nommé par la Chambre des députés parmi les membres du conseil d’administration.

Aux Pays-Bas, en tant que fondation de droit néerlandais, le groupe audiovisuel public, NPO, est une personne morale de droit privé régie par le code civil. Les fondations sont ordinairement établies par acte notarié et inscrites au registre du commerce. Elles ont un objet spécifique, mais peuvent poursuivre des fins commerciales.

À la différence d'une association ou d'une société, une fondation n'a pas à proprement parler de membre, ni d'actionnaire. La NPO est placée sous l'autorité d'un conseil de surveillance, d'au plus sept membres nommés par décret royal sur avis du ministre de la culture. Le conseil de surveillance nomme le président et les deux autres membres du conseil d'administration qui ont en charge la direction quotidienne de la fondation. Les mandats sont d’une durée de cinq ans et renouvelables une fois.

En Allemagne, le groupement ARD n'a pas de personnalité juridique propre. Il se compose de neuf stations de radiodiffusion régionales: Bayerischer Rundfunk, Hessischer Rundfunk, Mitteldeutscher Rundfunk, Norddeutscher Rundfunk, Rundfunk Berlin-Brandenburg, Radio Bremen, Saarländischer Rundfunk, Südwestrundfunk, Westdeutscher Rundfunk. La Deutsche Welle, service international de diffusion de l’Allemagne, est également membre de l'ARD.

La structure et la gouvernance de l'ARD sont définies dans une charte valant statut dont la dernière version date de 2014. Les directeurs exécutifs des diffuseurs régionaux de l’ARD représentent leur établissement au sein de l'ARD. Le président de l'ARD est nommé parmi eux pour un an renouvelable. Dans les faits, ce système assure une présidence tournante tous les deux ans entre les différents diffuseurs régionaux.

Pour sa part, la ZDF est un établissement public fédéral créé par le traité sur « l'établissement de l'institut de droit public de la deuxième chaîne de télévision allemande (ZDF) », signé le 6 juin 1961 par les présidents du Conseil des Länder.  Elle est dirigée par un directeur général (Intendant) choisi à l’extérieur du conseil, par le « conseil de télévision » (Fernsehrat), Ce conseil, dont le rôle est celui d’un conseil de surveillance, comporte soixante membres : seize représentants des Länder, sept représentants des cultes, vingt-et-un représentants d’associations, syndicats et organisations professionnelles fédérales, et seize membres nommés par les États fédéraux, représentant différents intérêts de la société civile et se réunit au moins une fois par trimestre.

Le conseil d’administration (Verwaltungsrat) est composé de douze membres : quatre représentants des Länder désignés d’un commun accord entre les ministres-présidents et huit membres élus par le conseil de télévision en son sein avec une majorité des trois cinquièmes. Ne sont pas éligibles les représentants directs des Länder.

1.3.2.   Missions de service public[235]

Les missions assurées par les groupes publics de télévision ou de radio sont dans la quasi-totalité des cas comparables (dans les pays marqués par un secteur audiovisuel public jouant un rôle central au sein d’une offre diversifiée et pluraliste, soit essentiellement les pays de l’Union européenne). Elles sont inscrites dans la loi et précisées ou complétées dans un contrat de service public signé entre le groupe public et l’État (par exemple le ministère du Trésor en Italie ou celui de la Culture au Royaume-Uni) ou les collectivités locales (c’est le cas de l’ARD en Allemagne).

De manière plus résiduelle, les missions ou le financement des groupes publics de télévision peuvent être inscrits dans une norme différente : qu’il s’agisse d’une norme supérieure, comme la Constitution (pour la ZDF et l’ARD ou la Charte Royale[236] pour la BBC), d’une loi spécifique, notamment lorsqu’il est question de l’obligation de financement de la création pour le diffuseur public, ou enfin d’un document interne déclinant les modalités de mise en œuvre des missions de service public.

Bien qu’aucune norme internationale ou européenne n’existe en la matière, les grandes missions confiées aux diffuseurs publics sont similaires. Une synthèse en a été proposée en 2012 par une déclaration de l’ensemble des organismes des 56 pays membres[237] de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER): « nous avons à cœur d’inclure tous les individus et d’œuvrer à l’épanouissement de toutes les communautés qui composent nos sociétés. Nous avons vocation à satisfaire les besoins démocratiques, sociaux et culturels de l’Europe. Mettant gratuitement nos services à la disposition des utilisateurs, nous nous engageons à servir le public dans son ensemble. Nous souhaitons jouer un rôle fondateur dans les efforts déployés pour garantir la liberté d’expression et la pluralité des opinions. Nous croyons à un monde de la communication transparent et ouvert, n’agissant pas seulement pour des motivations financières mais œuvrant pour la cause commune. Nous nous efforçons de nous conformer à des critères de qualité élevés. »[238]

1.3.3.   Transformation de l’INA en société anonyme

La diversité des missions confiées à l’INA (dépôt légal, formation et recherche) est originale dans le paysage audiovisuel européen. En Europe, la mission de collecter les documents audiovisuels au titre du dépôt légal est exercée soit par la Bibliothèque nationale (Deutsche Bibliothek en Allemagne, Biblioteca nacional en Espagne, Koninklijke Bibliotheek aux Pays-Bas), soit par la Cinémathèque (Cinémathèque Royale en Belgique, British Film Institute au Royaume-Uni), soit par les Archives nationales (Mediestream au Danemark, Nemzeti Audio Vizualis Archivum en Hongrie), soit enfin directement par les radiodiffuseurs (YLE en Finlande, RAI en Italie, RTS en Suisse).

1.3.4.   Conventions stratégiques pluriannuelles

Les missions assurées par les groupes publics de télévision et les conditions de leur accomplissement sont dans la quasi-totalité des cas inscrites dans une loi et précisées ou complétées dans un contrat de service public signé entre le groupe public et l’État.

Au Royaume-Uni, la Charte Royale[239] précise que la BBC a pour mission de servir tous les publics en mettant à leur disposition une offre et des services impartiaux, distinctifs et de haute qualité qui informent, éduquent et divertissent.

La loi de 2003 sur les communications du Parlement du Royaume-Uni (Communications Act) précise le temps d’antenne que la BBC doit réserver à des productions indépendantes ; l’engage à garantir la libre concurrence en matière de fourniture de contenus entre ses propres producteurs, qu’ils dépendent d’une régie interne ou d’une filiale, et les producteurs indépendants ; et prévoit qu’elle publie un code de conduite encadrant sa pratique de commande (commissioning) qui doit être équitable, raisonnable, impartiale et transparente. L’OFCOM (Office of communications, autorité régulatrice des télécommunications au Royaume-Uni) s’assure du respect de ces principes traduit dans un accord-cadre conclu entre le Gouvernement et la BBC, et annexé à la Charte Royale[240]

Aux Pays-Bas, la loi sur les médias, réformée en 2016, précise que NPO, l’opérateur audiovisuel public, doit s’attacher prioritairement à, d’une part, différencier son offre de contenus du service public et, d’autre part, participer à l’accroissement de la concurrence dans le secteur de la fourniture de programmes (à la suite de la libéralisation de ce secteur dans le cadre de cette réforme). Ces axes sont déclinés dans un plan stratégique quinquennal (concessiebeleidsplan) et dans un contrat de service (prestatieovereenkomst) conclu avec le ministère de la culture et le Commissariat pour les médias.  Le contrat de service fixe des objectifs et des obligations de financement précises à l’audiovisuel public, sous la surveillance du Commissariat pour les médias.

En Italie, les missions de la RAI, qui comprend expressément un volet multimédias depuis la réforme intervenue en 2015, sont décrites et déclinées en objectifs et en obligations dans la loi, dans une convention de concession décennale et dans des contrats de service quinquennaux. Le législateur italien assigne comme finalités à la programmation de la Rai dans sa globalité, quels qu’en soient le canal et le média, de favoriser l’instruction, le développement de la société civile et le progrès social, de promouvoir la langue et la culture italienne, de préserver l’identité nationale et d’assurer des prestations d’utilité sociale. Le contrat de service précise ces axes sur un plan plus opérationnel. À titre d’exemple, celui conclu pour la période 2018-2022 porte de nouvelles ambitions pour la Rai notamment sur le versant technologique et l’internationalisation.

En Espagne, en vertu de la loi, l’audiovisuel à la charge de l’État (la corporacion RTVE) est un service essentiel pour la communauté et la cohésion des sociétés démocratiques. Les relations de la corporacion RTVE sont contractualisées avec l’État. Le Parlement espagnol adopte des mandats-cadre dans lesquels sont fixés les objectifs généraux du service public. Ces mandats-cadre ont une validité de neuf ans. Les objectifs approuvés dans le mandat-cadre sont développés dans les contrats-programme conclus entre le gouvernement espagnol et la corporación RTVE. Ces contrats fixent les obligations spécifiques que doivent respecter les différents canaux de diffusion pour trois ans[241].

En Suisse, le cœur de la mission de l’audiovisuel public est inscrit dans la Constitution qui dispose que « la radio et la télévision contribuent à la formation et au développement culturel, à la libre formation de l'opinion et au divertissement. Elles prennent en considération les particularités du pays et les besoins des cantons. Elles présentent les événements de manière fidèle et reflètent équitablement la diversité des opinions ». La loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) du 24 mars 2006 précise le mandat constitutionnel, en insistant sur le rôle de l’audiovisuel public suisse relatif à la cohésion nationale et à la différenciation territoriale. Les autres missions qui lui sont assignées (information, éducation, divertissement, soutien à la création) convergent avec celles que l’on retrouve dans les autres pays et qui forme une forme de socle commun européen de l’offre publique. Les missions et charges de la SSR sont enfin précisées dans une « concession »[242] renouvelée le 29 Août 2018, pour la période 2019-2022.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    NECESSITE DE LEGIFERER

2.1.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

A -   Organisation du secteur audiovisuel public

La séparation des activités radiophoniques et télévisuelles ne permet pas à l’audiovisuel public français de donner toute la mesure de son efficacité et de sa puissance. Ce constat, déjà fait dans le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par Jean-François Copé[243] en 2008 a depuis été renouvelé à l’occasion de plusieurs rapports[244] ou colloques[245].  À l'heure de la convergence numérique et de la globalisation, l'éclatement de ces sociétés constitue en effet un handicap puisqu’il :

-          ne permet pas de répondre au défi du « média global » qui implique de proposer à tous les publics une offre de programmes riche et diverse, sous forme audio, vidéo et numérique, en direct ou à la demande, de plus en plus affranchie des frontières géographiques ;

-          ne facilite pas la mise en commun de données d’audience qui permettrait une connaissance plus fine et plus approfondie des publics pour mieux les servir en proposant une offre susceptible de répondre à toutes leurs attentes ;

-          empêche la constitution d’une taille critique seule à même de leur permettre de faire face à la concurrence exercée par les GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix) ;

-          ne permet pas la définition d’une vision stratégique partagée par l’ensemble des acteurs du secteur audiovisuel public. Les organismes qui le composent ayant chacun un objet social propre, la mise en œuvre de coopérations se heurte à des difficultés pratiques et juridiques, sources de lenteur et de complexité dans la mise en œuvre de projets.

Les organismes constituant le secteur public de la communication audiovisuelle étant définis aux articles 44 à 45-1 et 49 de la loi n°86-1986 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une mesure législative est nécessaire afin d’en modifier l’organisation, et en particulier de créer une société-mère à la tête d’un groupe incluant plusieurs d’entre eux.

B -   Gouvernance et nomination

Depuis 1982, la désignation des présidents des sociétés nationales de programme est confiée à une autorité administrative indépendante chargée de la régulation du secteur audiovisuel, à l’exception de la période allant de 2009 à 2013, où le CSA émettait un avis conforme sur une proposition du Gouvernement avant la nomination par le chef de l’État de ces dirigeants.

Aucun des systèmes de nomination mise en œuvre ne s’est toutefois, à l’usage, avéré complètement satisfaisant :

Le mode de nomination des dirigeants des entreprises du secteur audiovisuel public comme leur gouvernance étant définis aux articles 47-4 et 50 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une mesure législative est nécessaire afin de le modifier, ou de le prévoir pour tout nouveau dirigeant du secteur, en particulier pour le dirigeant d’une société-mère à la tête d’un groupe incluant plusieurs d’entre eux.

2.1.2.   Missions de service public

La spécificité des missions confiées aux médias de service public justifie l’existence même d’un audiovisuel public[246]. Cette justification est d’autant plus importante dans un contexte d’hyper abondance des contenus, et face à une offre commerciale désormais pléthorique. Dès lors, cette spécificité  légitimise un financement principalement public via la fiscalité du secteur audiovisuel public. Enfin, la définition de ces missions conditionne la capacité des autorités publiques (exécutif, législatif, Conseil supérieur de l’audiovisuel) à piloter, évaluer et, le cas échéant, sanctionner efficacement le respect par le secteur audiovisuel public des missions qui sont les siennes, et à en rendre compte aux citoyens.

Or le recensement des missions actuelles met en évidence un manque extrême de lisibilité de ces missions, aujourd’hui éparses au sein de la loi du 30 septembre 1986 compte tenu des modifications nombreuses apportées à cette dernière.

Il révèle également une absence de hiérarchisation de ces missions entre elles, ce qui nuit à l’efficacité du suivi et du contrôle par le Parlement, le Gouvernement et le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Il est enfin nécessaire de préciser les missions confiées à la nouvelle société France Médias, appelée à détenir l’intégralité du capital des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel.

Les missions communes ou propres assignées aux organismes composant le secteur audiovisuel public étant définies respectivement à l’article 43-11 et aux articles 44 à 45-1 et 49 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une mesure législative est nécessaire afin de les modifier, ou de les prévoir pour ce qui concerne une société-mère à la tête d’un groupe incluant plusieurs d’entre eux.

2.1.3.   Transformation de l’INA en société anonyme

La nécessité de transformer l’INA en société anonyme résulte de la décision de l’inclure dans le périmètre du groupe France Médias qu’instaure le projet de loi.

Pour permettre l’intégration de l’INA (aujourd’hui établissement public industriel et commercial) au périmètre du groupe France Médias, et compte tenu du schéma de gouvernance de l’audiovisuel public retenu dans le projet de loi proposé par le Gouvernement, sa transformation en société anonyme estnécessaire.

Le statut d’établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial de l’INA étant prévu à l’article 49 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une mesure législative est nécessaire afin de le faire évoluer. 

2.1.4.   Conventions stratégiques pluriannuelles

Les contrats d’objectifs et de moyens (COM) n’ont pas entièrement rempli les objectifs pour lesquels ils avaient été conçus.

En premier lieu, la négociation et la conclusion séparée de contrats avec chaque société, selon des temporalités différentes, n’a pas favorisé la recherche d’une meilleure complémentarité d’action ni le développement de stratégies communes à l’ensemble de l’audiovisuel public.

En second lieu, les trajectoires de dotations publiques prévues aux COM n’ont fréquemment pas été respectées par l’Etat, en raison notamment d’une désynchronisation entre les COM et les mandats politiques.

Enfin, une forme de confusion entre le cahier des charges des entreprises audiovisuelles publiques et leurs COM a pu être observée. La Cour des comptes a d’ailleurs recommandé en 2017, à l’occasion de son rapport sur l’État actionnaire[247], d’une part l’élaboration de COM plus resserrés et plus stratégiques, et d’autre part une clarification des périmètres respectifs de ces deux documents.

Il est donc nécessaire de repenser le mécanisme des COM, qui par ailleurs doit être réexaminé dans le contexte de la création d’un groupe audiovisuel public placé sous l’égide d’une société-mère.

Les contrats d’objectifs et de moyens étant définis à l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une mesure législative est nécessaire afin de les modifier, ou de prévoir, pour ce qui concerne une société-mère à la tête d’un groupe incluant plusieurs d’entre eux, l’existence d’un mécanisme contractuel similaire.

2.2.    OBJECTIFS POURSUIVIS

2.2.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

Face aux transformations du paysage médiatique, marqué par des mouvements de convergence entre les technologies du son, de l’image, et plus généralement de la donnée, ainsi que la montée en puissance d’acteurs mondiaux, pour assurer l’avenir de l’audiovisuel public et conforter la légitimité de son financement par l’impôt, ce secteur doit s’adapter à un environnement concurrentiel bouleversé et être réformé à cette fin.

Aussi, la réforme de l’organisation du secteur audiovisuel public (structure capitalistique, mode de nomination des dirigeants, et gouvernance), conduite à l’aune de modèles étrangers qui ont fait leurs preuves, poursuit les objectifs suivants :

-          rapprocher les acteurs de l’audiovisuel public, de manière à favoriser les mutualisations, augmenter les moyens disponibles pour innover et améliorer la qualité du service rendu au citoyen – sans pour autant remettre en cause les structures et les cultures des entreprises qui le composent ;

-          clarifier la gouvernance du service public audiovisuel pour renforcer son indépendance et professionnaliser sa gouvernance ;

-          donner davantage de souplesse au secteur audiovisuel public dans la gestion de ses affaires, par exemple en permettant de rapprocher des activités.

2.2.2.   Missions de service public

Par la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 à laquelle il procède, l’article 65 du projet de loi soumet au législateur une mise en cohérence d’ensemble des missions assignées au secteur public audiovisuel, exercice qui n’a pas été mené depuis la loi du 1er août 2000 qui a introduit l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986.

Ce faisant, ce travail de redéfinition des missions de service public poursuit trois objectifs :

- définir des missions prioritaires de service public et les décliner ; 

- définir les missions de service public propres à la société-mère France Médias ; 

- clarifier et ordonner l’ensemble des missions de service public. 

2.2.3.   Transformation de l’INA en société anonyme

L’intégration de l’INA au périmètre du groupe France Médias concourt à l’objectif poursuivi par le Gouvernement visant à rapprocher les acteurs de l’audiovisuel public de manière à :

-          favoriser les mutualisations et augmenter les moyens disponibles pour innover et améliorer la qualité du service rendu au citoyen – sans pour autant remettre en cause l’organisation propre ni les cultures professionnelles des entreprises qui composent le secteur ;

-          adapter le secteur aux transformations du paysage médiatique, marqué par des mouvements de convergence entre les technologies du son, de l’image, et plus généralement de la donnée, ainsi que la montée en puissance d’acteurs mondiaux.

2.2.4.   Conventions stratégiques pluriannuelles

Le rôle de ces documents contractuels est de définir les missions et les obligations des entreprises du secteur audiovisuel public, d’une part, et les moyens qui y sont consacrés d’autre part. La réforme poursuit plusieurs objectifs :

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1.    OPTIONS ENVISAGEES

3.1.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

A -   S’agissant de l’organisation du secteur audiovisuel public

De nombreuses réformes ont tenté de revenir à une organisation plus structurée du secteur public audiovisuel pour répondre à la multiplication des chaînes privées, à la suite du développement de la diffusion par câble et satellite puis du numérique : il s’agissait de trouver un point d'équilibre entre, d’une part la proposition d’une offre de programmes plurielle, et d’autre part la constitution d’une unité de stratégie et de gestion permettant de créer un ensemble cohérent, doté d’un projet commun, et favorisant les synergies. Mais ce mouvement était resté inachevé. Le gouvernement a donc étudié plusieurs options d’organisation :

a. fusionner tout ou partie des entités composant le secteur audiovisuel public.

Cette option correspond au schéma retenu par nombre d’audiovisuels publics performants, à commencer par la BBC. De fait, ce scénario est celui qui permet de la manière la plus certaine de mutualiser véritablement les fonctions « cœur de métier » de l’audiovisuel :

-          en autorisant le passage d’une organisation structurée autour des canaux de diffusion (chaînes) à une logique articulant d’une part la création de contenus, et d’autre part leur distribution, elle ouvre la voie à plus d’innovation dans la production et à davantage de complémentarité dans la diffusion pour prendre en compte tous les publics et tous les usages ;

-          en permettant, en matière d’information, de combiner la puissance d’une rédaction unique, chargée de produire et collecter l’information (concept « d’usine d’informations »[248]), tout en conservant un traitement spécifique de sa diffusion en fonction des publics de chaque média ou territoire ; dans ce schéma, des convergences ambitieuses entre France 24 et franceinfo :, et entre France Bleu et France 3, particulièrement s’agissant de l’offre d’information en ligne, peuvent être envisagées ;

-          en offrant la possibilité de construire une stratégie de marques pleinement intégrée.

Cependant, la création d’une société audiovisuelle intégrée et unique a semblé à tout le moins prématurée, du fait notamment de la diversité des statuts sociaux et accords collectifs, de l’absence d’interopérabilité entre les systèmes d’information, et plus encore des différences profondes qui séparent les cultures professionnelles des entités de l’audiovisuel public.

Au surplus, une fusion aurait risqué de concentrer les énergies des dirigeants et des salariés sur la réorganisation des structures, au détriment des réformes en cours au sein de chaque entreprise, réformes pourtant nécessaires pour en maximiser l’efficience et en moderniser la culture.

b. rechercher le développement des synergies, des mutualisations et des coopérations entre les acteurs de l’audiovisuel public, sans en modifier la structure capitalistique.

Sans modification de la structure capitalistique du secteur, le renforcement des collaborations entre les entreprises de l’audiovisuel public aurait pu être organisé au travers de :

-          l’instauration d’une simple présidence non exécutive commune des conseils d’administration de chacune des entités, chargée notamment de veiller à la cohérence de l’activité de chaque organisme avec les objectifs d’ensemble de l’audiovisuel public et au bon avancement des projets communs. Elle aurait pu s’accompagner, par exemple de la modification de l’objet social des sociétés nationales de programme afin de prévoir expressément la recherche de synergies avec leurs homologues. Cette option présentait l’avantage d’être une réponse simple à la question d’une meilleure coordination de l’action des sociétés nationales de programme, garantie dès l’amont – le risque de créer un président trop puissant et d’appauvrir le pluralisme interne à l’audiovisuel public étant relativisé par l’absence de fonctions exécutives. Elle a été écartée en raison de l’absence de leviers dont disposerait le président non exécutif commun pour inciter les dirigeants exécutifs à coopérer activement ;

-          la création de groupements d’intérêt économique (GIE) pour développer des actions communes. Cette proposition aurait pu être combinée à la précédente (présidence commune) ou mise en œuvre en l’absence de changements quant à l’organisation des fonctions de direction. Le (les) GIE aurai(en)t été présidé(s) par le président commun ou, à défaut, par un système de présidence tournante. Cette option présentait l’avantage de mettre en place une structure réactive souple de coordination. Elle a toutefois été écartée au motif qu’elle n’aurait pas répondu à l’un des objectifs centraux de la réforme, consistant à faire converger les activités de l’audiovisuel public de manière volontariste, en limitant les rapprochements à des projets ciblés.

B -   S’agissant du périmètre de France Médias

Six organisations composent aujourd’hui l’audiovisuel public : 

Par ailleurs, le secteur compte deux sociétés de programme, La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale et Public-Sénat, dont la gouvernance et le financement, déterminés par le Parlement, sont distincts.

La question du périmètre de la nouvelle structure s’est posée, étant précisé que cette réflexion a d’emblée exclu La Chaîne Parlementaire-Assemblée nationale et de Public-Sénat, compte tenu de leur autonomie par rapport aux autres organismes du secteur audiovisuel public. Comme indiqué précédemment, un premier enjeu de la réforme est de favoriser les synergies entre les activités d’édition de télévision (France Télévisions) et de radio (Radio France) au sein d’un même groupe, pour répondre à la convergence des médias. Se posait donc la question de l’intégration au groupe de l’INA, de France Médias Monde, de TV5MONDE et d’ARTE-France.

De plus, l’option consistant à conserver l’INA à l’extérieur du groupe France Médias, aurait conduit à renoncer à l’ensemble de ces avantages, ou à se satisfaire d’avantages moindres, raison pour laquelle elle n’a pas été retenue.

a. Intégration de France Médias Monde

La première option serait de considérer que l’audiovisuel extérieur est davantage un vecteur de la diplomatie d’influence qu’un élément à part entière d’un audiovisuel public indépendant.  France Médias Monde aurait ainsi pu être transformé en établissement public sous tutelle du MEAE et financé sur son budget (éventuellement avec un transfert budgétaire depuis l’audiovisuel public, avec baisse éventuelle concomitante de la contribution à l’audiovisuel public).  Cette option n’a pas été retenue pour plusieurs raisons :

-          elle correspondrait à l’idée d’un audiovisuel extérieur « voix de la France », peu compatible avec les valeurs démocratiques et d’indépendance de l’information qu’il a vocation à porter dans le monde ;

-          laisser France Médias Monde à l’écart du rapprochement risquerait d’avoir un impact négatif sur les collaborations en cours et de limiter sa participation à de nouvelles  ;

-          les possibilités de mise en commun ou en réseau des capacités de recueil, de production et de diffusion d’information seraient de facto limitées.

La deuxième option  serait le statu quo : conserver France Médias Monde comme une société indépendante, à l’écart du groupe audiovisuel public. Cette option présentait certains des inconvénients que l’option 1, en particulier en matière de coopération et de mise en commun des forces éditoriales.

b. Place d’ARTE-France

Une intégration d’ARTE-France à France Médias comme filiale de premier rang aurait pu sembler de nature à augmenter les synergies entre ARTE et les autres sociétés de l’audiovisuel public, en lui permettant :

- de bénéficier d’une plus grande puissance pour s’adresser aux publics, dans leur diversité, mieux les connaître et les servir de manière plus complémentaire ;

- de mettre en commun des investissements et outils technologiques (plateforme numérique, centre de codage et de multiplexage etc.) pour les rendre plus efficaces et efficients ;

- d’organiser une meilleure coordination avec les autres sociétés sur ses projets propres, notamment numériques (ARTE Radio, Educ’ARTE) ;

- voire de faciliter la circulation des personnels et des idées au sein du groupe audiovisuel public ;

Mais les risques et les inconvénients d’un tel changement ont fait pencher la balance vers le statu quo :

- les réactions de la partie allemande d’Arte montrent qu’elle n’est pas encore convaincue que ce rapprochement apporte des bénéfices à ARTE-GEIE, et s’appuient sur une lecture extensive du Traité franco-allemand du 2 octobre 1990 fondateur d’ARTE ;

- ARTE-France a développé une expertise reconnue mondialement à produire des programmes culturels de très grande qualité et innovants : modifier le modèle risquerait de le déstabiliser, nuisant à la qualité d’ARTE et de fait à l’ensemble de la production française.

c. Place de TV5 Monde

Le Gouvernement a  examiné l’opportunité d’intégrer TV5 Monde à France Médias, option qui aurait pu permettre de favoriser le développement de synergies entre la société et le groupe (en particulier avec France Médias Monde) et, partant, de contribuer :

- au développement accéléré de coopérations éditoriales (par exemple dans le domaine de la promotion de la langue française, qui compte parmi les missions de service public assignées aux sociétés nationales de programmes),

- comme à la mutualisation de certains moyens de mise en œuvre.

Cette option a toutefois été écartée, au motif qu’elle eût été contraire à la Charte qui définit l’organisation, les missions, et les règles concernant les programmes, la distribution et le mode de financement de la chaîne, approuvée par l'ensemble des gouvernements bailleurs de fonds (le Canada, la Fédération Wallonie-Bruxelles, la France, le Québec et la Suisse) à Bruxelles en 2005, et revue à Vancouver en 2008. Elle aurait en effet contrevenu à la lettre du principe d’indépendance capitalistique, établi à l’article 2.2.1 de la même Charte, lequel prévoit que toute société actionnaire et ses filiales « ne peuvent détenir ensemble plus de 49 % des actions de TV5 Monde » (art. 2.2.1) – seuil qui aurait été dépassé s’il s’était agi de « remonter » l’actionnariat français actuel [249] au niveau de la société mère France Médias.

Par ailleurs, TV5 Monde est vue par de nombreux Etats où elle est diffusée comme une chaîne multilatérale, ce qui peut faciliter sa diffusion hertzienne ; ce qui pourrait ne plus être le cas si elle était perçue comme une chaîne française (par exemple en République démocratique du Congo).

C -   S’agissant de la nomination du dirigeant de la société France Médias 

La première option serait une procédure identique à celle prévue aujourd’hui pour les dirigeants des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, tel qu’il a été modifié par l’article 12 (V) de la loi n°2013-1028 du 15 Novembre 2013).

La deuxième option serait un retour au mécanisme de nomination par le Président de la République, tel qu'instauré par la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (AEF). 

D -   S’agissant de la gouvernance des sociétés

Une première option aurait été, hors le cas du dirigeant de l’entreprise concernée, de laisser inchangées  les modalités de composition de son conseil d’administration (décrites aux articles 47-1 à 47-3 et 50 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Au cas particulier de la nouvelle société France Médias, une gouvernance similaire aurait été mise en place. Cette option n’aurait toutefois pas permis d’atteindre l’objectif de professionnalisation des conseils d’administration recherché par le projet de loi.

Une seconde option, in fine retenue, vise :

- d’une part, et en prévoyant que sont majoritairement membres des conseils d’administration de France Médias et de ses sociétés-filles des personnalités qualifiées dont l’indépendance est assurée par leur mode de nomination, à traduire le double objectif de professionnalisation et de renforcement de l’indépendance du secteur audiovisuel public à l’égard de l’exécutif ;

- d’autre part, et en prévoyant que des administrateurs de France Médias siègent également au conseil d’administration de ses sociétés-filles, à conforter la cohérence d’ensemble du groupe nouvellement constitué, secondant à cette fin le choix de confier la présidence non-exécutive des sociétés-filles au président-directeur général de la société-mère.

3.1.2.   Missions de service public

A -   Scénario a minima

Une première option consisterait à se borner à introduire un alinéa nouveau en tête des dispositions actuelles, tenant compte de la création de France Médias et énumérant les cinq missions prioritaires des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut National de l’Audiovisuel et ARTE-France.

Cette option a été écartée car elle ne permet ni de simplifier ni de hiérarchiser la formulation des missions assignées à ces entreprises, et partant d’en assurer l’intelligibilité.

B -   Scénario maximaliste

Une deuxième option consisterait à définir un socle législatif des missions de France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut National de l’Audiovisuel et ARTE-France, circonscrit aux seules priorités, en laissant au pouvoir règlementaire le soin d’en détailler le contenu. Ce scénario présenterait l’avantage de construire une architecture largement simplifiée, faisant apparaître clairement les missions centrales de ces entreprises, correspondant aux priorités énoncées par le Gouvernement. Ce format dense est conforme au modèle qui se dégage de la comparaison des cadres applicables aux médias de service public de nos principaux voisins et partenaires.

Une telle option a néanmoins été écartée compte tenu de la volonté exprimée par le Parlement, à chacune des évolutions de la loi du 30 septembre 1986, d’approuver voire de définir l’ensemble des missions assignées au secteur public audiovisuel, dans leurs principes comme dans leurs modalités détaillées, en raison de leur impact sur la vie quotidienne des Français

3.1.3.   Conventions stratégiques pluriannuelles

A -   S’agissant des contrats d’objectifs et de moyens

Le bilan en apparence mitigé des COM tenant au non-respect de leur trajectoire aurait pu conduire à envisager la suppression pure et simple des COM. Toutefois, il est apparu que l’élaboration d’un cadre pluriannuel de financement des entreprises de l’audiovisuel public restait une nécessité pour au moins deux raisons :

-          d’une part, les finances publiques s’inscrivent elles-mêmes dans un cadre pluriannuel – fût-il occasionnellement révisé dans le cadre de l’annualité des lois de finances, ce qui conduit nécessairement à prévoir les dotations publiques allouées au secteur sur plusieurs années ;

-          d’autre part, des entreprises de taille aussi conséquente ne peuvent se passer d’une perspective sur le moyen terme pour développer un projet stratégique, tout particulièrement dans le contexte des changements profonds qui bouleversent le paysage audiovisuel mondial et impliquent de ce fait des investissements importants et des décisions de nature structurelle.

La circonstance que les dotations versées par l’Etat aient pu s’écarter de la programmation initialement envisagée ne doit à cet égard pas être regardée comme la preuve de l’inutilité de l’exercice, dans la mesure où elle se traduit par une révision du couple objectifs/moyens. Cette situation semble en tout état de cause préférable à l’absence de tout cadre stratégique de référence.

En outre et en toute hypothèse, la fixation d’un tel cadre pluriannuel, sous-tendue par une vision stratégique, ne peut s’envisager que dans un cadre contractuel : le recours à un instrument de pilotage unique pris par décret (cahier des charges) n’apporterait pas la garantie que les perspectives qu’il trace reflètent la rencontre des volontés des deux parties concernées.

B -   S’agissant de la répartition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Avec la création de la société-mère France Médias, se pose la question de l’autorité qui aura la responsabilité de répartir la CAP entre les entreprises de l’audiovisuel public.

Une première option consistait à confier expressément au Parlement le soin de répartir la CAP entre France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel, et ARTE-France.

Une seconde consistait à confier cette responsabilité à France Médias en droit, tout en lui interdisant en pratique de modifier la répartition annuelle indicative dont le Parlement a été informé à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances. 

Ces options, qui en pratique, revenaient au même, ont été écartées, au motif qu’elles auraient très fortement limité les marges de manœuvre de la société-mère, en empêchant une adaptation souple, le cas échant en cours d’exercice, aux opportunités de coopérations ou de synergies nouvelles, ni non plus aux aléas qui ne manqueront pas de se présenter aux entreprises concernées.

Une troisième option consistait à autoriser France Médias à modifier la répartition annuelle indicative dont elle aurait informé le Parlement, qui se serait simplement vu communiquer ex post ces modifications :

-          par la société à l’occasion du rapport annuellement présenté par la société quant à l’exécution de sa CSP pour l’année écoulée ;

-          sans qu’il soit besoin de disposition nouvelle sur ce point, par le Gouvernement à l’occasion du rapport annuel de performance. 

Cette option, qui maximisait les marges de manœuvre de la société-mère, aurait toutefois limité de manière disproportionnée la capacité de contrôle du Parlement sur la répartition de la CAP, raison pour laquelle elle a été écartée. 

3.1.4.   Transformation de l’INA en société anonyme

Une option aurait consisté à ne pas intégrer l’INA dans le périmètre du groupe France Médias.

En effet, son statut d’EPIC ne fait en rien obstacle à des projets de rapprochement au sein de l’audiovisuel public (filiales ou groupements communs) : sous réserve de respecter le principe de spécialité[250] auquel est soumis tout établissement public, l’INA peut prendre des participations dans des sociétés[251], constituer des filiales et participer à des groupements, y compris d’intérêt économique (GIE)[252]. Hors le cas de la participation à des groupements, ces opérations, en vertu du décret portant organisation de l’INA, doivent être autorisées par son conseil d’administration puis approuvées par arrêté conjoint du ministre chargé de la communication et du ministre chargé de l’économie[253].

Il a toutefois été considéré que ces modalités, même si elles ne font pas obstacle à l’association de l’INA à des projets communs, sont plus contraignantes que celles qui prévalent pour une société anonyme, et auraient donc ralenti le développement des synergies entre l’Institut et les autres organismes de l’audiovisuel public, à rebours de l’objectif poursuivi par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi qu’il a élaboré.

3.2.    DISPOSITIF RETENU

3.2.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

A -   S’agissant de l’organisation du secteur audiovisuel public : création d’un groupe avec à sa tête une société-mère

Le projet de loi amplifie et parachève ce mouvement de rapprochement des structures de l’audiovisuel public, déjà réalisé dans de nombreux pays en créant une société-mère de l’audiovisuel public, France Médias.

Parce qu’elle détiendra la totalité du capital de ses sociétés-filles, et qu’elle disposera de leviers de gouvernance (présidence non-exécutive des sociétés-filles par son président-dirceteur-général ; administrateurs communs aux conseils d’administration de la société-mère et des sociétés-filles) à même de garantir la cohérence de l’action d’ensemble de France Médias et de ses filiales de premier rang, la société-mère constituera la structure faîtière d’un groupe audiovisuel atteignant désormais la taille critique susceptible de faire efficacement face au double défi du numérique et de la mondialisation.

France Médias sera chargée de veiller à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes du groupe au service des missions de service public. A cette fin, elle conduira des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Elle répartira la contribution à l’audiovisuel public dans le respect des règles fixées par la loi.

 Ses filiales directes (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, et l’INA) resteront les acteurs opérationnels de référence et assumeront, en particulier, la pleine responsabilité éditoriale des programmes proposés.

B -   S’agissant du périmètre de France Médias

a) Intégration de l’INA

L’option consistant à intégrer l’INA au périmètre du groupe France Médias présente, au regard de la place centrale bien que singulière que l’établissement occupe dans le secteur audiovisuel public, a été retenue.

Elle permet à l’Institut :

-          de développer efficacement ses savoir-faire spécifiques, par exemple en matière de formation ou d’exploration de données, notamment aux fins de recherche – fonctions qui requièrent un contact étroit et constant avec les entreprises du secteur, qui sera facilité par l’intégration de l’Institut dans un groupe de médias nationaux ;

-          de mieux encore les partager au bénéfice des autres organismes de l’audiovisuel public ; à titre d’illustration, les modules produits par l’INA constituent un enrichissement réel des programmes et services offerts au public, en correspondance à la fois avec les nouvelles attentes des publics, et avec le bon accomplissement des missions de service public spécifiques à certaines sociétés nationales de programmes, ou communes à l’ensemble d’entre elles (par exemple, par la création de chaînes dites « pop-up » reprenant des archives pour donner une vision historique sur un événement comme les Jeux Olympiques et Paralympiques, l’armistice de 1918 ou l’anniversaire d’un grand homme) ;

-          d’amplifier la mise en œuvre des projets de coopération engagés à la demande du Gouvernement dans le cadre de la transformation du secteur, et dans lesquels il est d’ores et déjà impliqué. A titre d’illustration, l’INA participe aux projets de coopération suivants :

il porte un projet d’institut de formation de l’audiovisuel public, qui doit permettre de centraliser l'ensemble des offres et besoins de formation du secteur de façon à rationaliser l’organisation des formations , développer des compétences transverses à travers des formations orientées vers l'adaptation et la transformation des métiers de l’image et du son, en lien avec l'évolution des pratiques professionnelles et les nouveaux usages et contribuer à la construction d’une culture commune aux salariés de l’ensemble des entreprises qui le composent.

Elle ne fait par ailleurs pas obstacle à l’exercice par l’INA de sa mission de dépôt légal à l’échelle de l’ensemble de l’audiovisuel, ni à sa capacité de proposer ses services, comme actuellement, à des acteurs privés.

b) Intégration de France Médias Monde

Le gouvernement a choisi une troisième option, à savoir la pleine intégration de France Médias Monde au sein du groupe France Médias, pour les raisons suivantes :

-          elle correspond aux modèles étrangers les plus puissants (BBC, Deutsche Welle, NHK) ;

-          elle permet d’approfondir et d’accélérer les collaborations en cours et d’en développer des nouvelles, dans le respect des spécificités éditoriales de chacun ;

-          elle permet de renforcer les synergies sur les fonctions support, afin de dégager plus de ressources pour les services et les programmes.

c) Place d’ARTE-France

Il a été décidé de ne pas faire d’ARTE-France une filiale de premier rang de la société-mère France Médias, tout en notant que la nouvelle structure permettra à France Médias de s’assurer que toutes les complémentarités possibles et nécessaires sont mises en œuvre, dans le respect des garanties statutaires résultant du Traité franco-allemand, comme c’est le cas entre ARTE-Deutschland et l’ARD/ZDF.

Au final, le projet de loi prévoit donc qu’est apporté à France Médias (détenue à 100 % par l’État) le capital des sociétés France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et Institut National de l’Audiovisuel (transformé en société anonyme, cf. infra, modalités d’application dans le temps).

 

Organisation actuelle du secteur audiovisuel public

 

 

Organisation projetée du secteur audiovisuel public

 

C -   S’agissant de la nomination du dirigeant de la société France Médias 

Le gouvernement souhaite renforcer l’audiovisuel public en mettant fin à la dispersion actuelle des missions entre plusieurs entreprises. Il est en effet particulièrement important que le dirigeant à la tête du groupe France Médias présente des qualités d’indépendance vis-à-vis de tout intérêt politique ou économique dans le choix des lignes éditoriales, qualités de stratège et gestionnaire, et capacité à entraîner derrière lui les sociétés filiales par une vision d’avenir.  Il est également important que d’une part, le Parlement puisse rendre un avis sur le projet stratégique des candidats à la présidence des sociétés de l'audiovisuel public, et que d’autre part, le régulateur puisse s’assurer de leur indépendance et de leur capacité à respecter les obligations qui pèsent sur les sociétés.

Le projet de loi prévoit donc que « Le président-directeur général de la société France Médias est nommé pour cinq ans sur proposition du conseil d’administration par décret du Président de la République, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et après avis des commissions parlementaires compétentes conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. »

Le projet de loi prévoit également que le président-directeur général de France Médias peut être révoqué par décision motivée sur proposition du conseil d’administration de la société par décret du Président de la République, après avis conforme de l’ARCOM.

Ce dispositif garantit ainsi l’indépendance de la nomination du président-directeur général France Médias :  les garanties issues de la loi du 5 mars 2009 sont reprises (nomination selon la procédure de l’article 13 de la Constitution et avis conforme de l’ARCOM) ; lors même que le président n’est plus président exécutif des trois sociétés nationales de programme, elles sont renforcées par le fait que cette nomination intervient sur proposition du conseil d’administration de la société.

D -   S’agissant de la gouvernance des sociétés

Les objectifs poursuivis consistent à :

-          doter les sociétés de l’audiovisuel public de conseils d’administration resserrés et professionnalisés ;

-          atteindre en leur sein un juste équilibre entre la présence nécessaire de l’Etat (compte tenu des missions de service public, de la détention de l’intégralité du capital et du mode de financement) et l’impératif constitutionnel d’indépendance des sociétés concernées à l’égard du pouvoir exécutif ;

-          encourager la réalisation de coopérations et de synergies, le cas échéant à travers la constitution de filiales ou entreprises communes, au sein du groupe audiovisuel public.

Le dispositif retenu est conforme à l’esprit de la réforme et de la constitution d’une société mère en charge de la stratégie du groupe et de la réalisation de synergies entre les filiales.

Le projet de loi prévoit que :

-          le conseil d’administration de France Médias est composé, outre son président- directeur général, de onze membres nommés pour une durée de cinq ans : un représentant de l’Etat ; deux administrateurs proposés par l’Etat ; deux personnalités indépendantes nommées après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ; deux personnalités indépendantes désignées par le Parlement ; deux personnalités indépendantes désignées par le conseil d’administration lui-même, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ; deux représentants des salariés ;

-          le président-directeur général de France Médias est nommé sur proposition du conseil d’administration de France Médias par décret du Président de la République, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et après avis des commissions parlementaires compétentes conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ;

-          les conseils d’administration des sociétés-filles (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel – dont la composition actuelle de leurs conseils d’administration sont décrites aux articles 47-1 à 47-3 et 50 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication), de taille significativement réduites par rapport à la situation actuelle, sont présidés par le président de France Médias (présidence non exécutive), et comprennent en outre neuf membres nommés pour un mandat de cinq ans : un représentant de l’Etat ; un administrateur proposé par l’Etat ; deux personnalités indépendantes désignées par le conseil d’administration de France Médias (dont une parmi les personnalités indépendantes de son propre conseil d’administration) ; deux personnalités indépendantes désignées par le Parlement ; deux représentants des salariés ; et le directeur général ;

-          les directeurs généraux de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel exercent la direction opérationnelle de ces sociétés et sont directeurs de publication ;

-          ces directeurs généraux sont nommés pour cinq ans par le conseil d’administration de chaque société sur proposition de son président à la majorité des membres qui le composent et, à l’exception du directeur général de l’INA, après avis conforme de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;

-          les directeurs généraux de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel peuvent être révoqués, selon les mêmes modalités que celles qui président à leur désignation ;

-          en cas de partage de voix au sein des conseils d’administration de France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel, la voix du Président est prépondérante ;

-          un commissaire du Gouvernement est désigné auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel.

Ce dispositif veille à garantir l’indépendance de la gouvernance des entreprises publiques : comme il est d’usage depuis la loi du 29 juillet 1982, la composition des conseils d’administration de la maison-mère holding comme de ses trois filiales de premier rang est destinée à éviter que l’Etat n’y soit majoritaire ; les directeurs généraux de ces dernières sont nommés par les conseils d’administration sur proposition du président-directeur général de la holding et après avis conforme du CSA, c’est-à-dire par des organes dirigeants dont les modalités de nomination pour l’un ou de composition pour les autres sont entourées de garanties d’indépendance.

3.2.2.   Missions de service public

A -   Définition de cinq missions prioritaires de service public

A la suite d’un travail interministériel de près de six mois, la transformation de l’audiovisuel public a été annoncée en juillet 2018 par le Premier Ministre. Elle repose sur :

- une volonté forte d’adaptation du secteur au nouveau contexte concurrentiel issu de la mondialisation numérique, appelant la réalisation d’investissements majeurs en termes d’équipements techniques, de développements logiciels, et de formation des personnels aux nouvelles compétences requises ;

- un souci de rendre l’audiovisuel public plus distinctif du privé, en clarifiant et recentrant les missions du secteur autour de quatre axes principaux : un renforcement de l’offre de proximité une information fiable et de qualité ; la proposition d’une haute ambition culturelle ; une offre de programmes éducatifs et de divertissement au plus près des attentes et usages des jeunes publics – priorités auxquelles il convient d’adjoindre le maintien d’une action audiovisuelle extérieure forte.

C’est l’objet de la réécriture de l’article 43-11 qui, sans remettre en cause la substance des missions prévues par le cadre normatif actuel, les met à jour dans leur rédaction et les réorganise autour de ces missions prioritaires, dont elles constituent désormais des précisions et déclinaisons. Il est précisé que les sociétés de l’audiovisuel public doivent coopérer entre elles pour atteindre ces objectifs communs.

Si, comme auparavant, ces missions sont adressées aux trois sociétés nationales de programmes et à Arte-France, l’INA entre désormais dans le périmètre de ces missions, traduisant son intégration dans le groupe public constitué avec la création de la société-mère France Médias.

TV5 Monde est exclue de ce périmètre dans la mesure où les missions confiées à la chaîne multilatérale sont définis par voie de convention entre les gouvernements francophones partenaires, ainsi que le mentionne l’article 46 nouveau.

B -   Définir les missions de service public propres à France Médias

Le nouvel article 44 de la loi du 30 septembre 1986 définit les missions de service public propres à France Médias. Celui-ci charge cette société « est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel dont elle détient directement la totalité du capital et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions définies à l’article 43-11. Pour l’accomplissement de ses missions elle conduit des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Dans les conditions prévues à l’article 54 elle répartit entre ces sociétés les ressources dont elle est affectataire. »

Cette rédaction est inspirée de celle retenue par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 pour la société France Télévision, maison-mère des sociétés nationales de programme France 2, France 3 et La Cinquième[254]. Elle est cependant plus ambitieuse en ce qu’elle impose à la maison mère de veiller à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes et de conduire des actions communes et définir des projets de développement.

C -   Clarifier et ordonner l’ensemble des missions de service public

L’objectif de clarification et d’ordonnancement de l’ensemble des missions de service public se traduit par :

- une clarification des missions assignées spécifiquement à chaque société (articles 44 à 46), étant précisé que ce travail n’a pas été mené pour La Chaîne Parlementaire au regard de l’usage constant de l’autonomie des deux Chambres s’agissant de la définition des obligations des chaînes parlementaires ;

- une simplification du renvoi aux cahier des charges, destinés à compléter et préciser ces missions. Ces cahiers des charges sont étendus à la société-mère France Médias ainsi qu’à de futures filiales de service public éditrices de programme (nouvel article 50) ;

- un regroupement ordonné des obligations particulières à tout ou partie des organismes du secteur audiovisuel public au sein d’un chapitre III. A cette occasion, plusieurs modifications de fond ont, par souci de cohérence, été retenues :

 * la possibilité de produire des œuvres et documents audiovisuels et de participer à des accords de coproduction, réservée aujourd’hui aux sociétés nationales de programme, a été étendue à toutes les entreprises publiques (y compris l’INA, TV5 Monde, ARTE-France et LCP) (art. 56-1 nouveau, V de l’art. actuel) ;

 * le conseil consultatif des programmes, aujourd’hui placé auprès de France Télévisions, l’a été auprès de France Médias (art. 56-2 nouveau, art. 46 actuel) et étendu aux auditeurs et internautes ;

 * les obligations relatives à l’accessibilité des personnes en situation de handicap ont été étendues aux services de médias audiovisuels à la demande des sociétés nationales de programmes, d’Arte-France, de l’INA et des futures filiales de service public éditrices de programmes de télévision (art. 56-3 nouveau, 6ème et 7ème alinéas du I de l’art. 53 actuel) ;

* les dispositions particulières au parrainage des programmes de service public ont été étendues aux futures filiales de service public éditrices de programmes de télévision (art. 56-8 nouveau, art. 53-1 actuel) ;

* l’obligation de ne conclure de contrats qu'avec les sociétés dont les comptes sociaux et les comptes consolidés ont été déposés au greffe du tribunal a été étendue à Arte-France (art. 56-1 nouveau, V de l’art. 53-1 actuel) ;

* les restrictions à la diffusion des messages publicitaires des programmes de France Télévisions prioritairement aux enfants de moins de douze ans ont été clarifiées s’agissant des services de médias audiovisuels à la demande ou services de communication au public en ligne de cette société (art. 56-10 nouveau, VI de l’art. 53 actuel) ;

* les dispositions de l’article 54 relatives à la possibilité pour le Gouvernement de faire programmes des communications ou déclarations donnant lieu à droit de réplique ont été supprimées, compte tenu de leur obsolescence ;

* Enfin, l’article 68 du projet de loi procède à l’abrogation de l’article 18 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt relatif à la diffusion campagnes d'information collectives et génériques sur les produits frais qui n’a jamais trouvé application. En effet, il est apparu qua sa constitutionnalité était douteuse au regard du principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où la disposition concernée met en place une mesure de gratuité des campagnes promotionnelles des organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles en faveur des seuls produits agricoles frais (voire aux seules viandes fraîches, légumes et fruits frais et produits laitiers frais), alors qu’il n'est pas démontré que les produits qui bénéficient de la mesure sont dans une situation différente au regard de cet objectif par rapport à d'autres aliments – à savoir, sur la base des travaux parlementaires afférents, un objectif de santé publique lié à la promotion de la qualité nutritionnelle des aliments concernés .

3.2.3.   Conventions stratégiques pluriannuelles

A -   S’agissant des conventions stratégiques pluriannuelles

Les COM, renommés désormais « conventions stratégiques pluriannuelles » (CSP), deviennent des documents plus synthétiques, recentrés sur leur fonction première, à savoir déterminer un cadre dans lequel l’État et les sociétés s’engagent sur une stratégie et les moyens qui y seront consacrés au cours une période d’au maximum cinq ans. Les conventions stratégiques pluriannuelles s’attacheront donc spécifiquement à la stratégie financière et de développement. Trois des mentions actuelles sont supprimées et sont renvoyées aux cahiers des charges : les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ; les montants minimaux d'investissements dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles ; les obligations liées à l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap.

Le choix a été fait de proposer d’établir seulement deux CSP : l’une relatif à ARTE-France, ce qui permettra de garantir des conditions d’indépendance financière de la chaîne compatibles avec les dispositions du Traité interétatique à l’origine de la création d’Arte ; la seconde relative à France Médias, dans laquelle des objectifs seront déterminés pour la société-mère en tant que telle, et pour chacune de ses sociétés-filles. 

Ces deux conventions détermineront notamment, en cohérence avec les missions de service public telles que définies à l'article 43-11 :

-          les orientations stratégiques et les axes prioritaires du développement de la société concernée ;

-          le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;

-          le montant des ressources publiques devant lui être affectées distinguant, pour la société France Médias :

Les deux CSP et les éventuels avenants à ces contrats seront :

B -   S’agissant de la répartition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP)

Le projet de loi prévoit que chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement est informé de la répartition indicative, élaborée à partir des propositions de France Médias, des ressources publiques dont celle-ci est affectataire, entre :

Il précise en outre que le Parlement :

-          est informé de tout écart, qui doit faire l’objet d’une justification, entre :

-          rend un avis, par le biais de ses commissions des affaires culturelles, préalable à toute modification par la société France Médias de la répartition des montants dont elle est affectataire qui aurait pour effet d’augmenter les sommes qu’elle conserve aux fins d’exercer ses missions propres.

Cette solution a semblé être le meilleur point d’équilibre, en tant qu’elle permet de concilier : d’une part, le respect du rôle du Parlement, en lui donnant la possibilité de contenir ex ante, s’il devait l’estimer opportun, les moyens dévolus à la société-mère ; d’autre part, le plein effet de la réforme de l’organisation du secteur audiovisuel public en donnant à la société-mère la possibilité de répartir, y compris en cours d’exercice, la ressource publique entre ses sociétés-filles. 

Elle préserve par ailleurs l’indépendance financière d’ARTE-France, et garantit le respect des engagements de la France vis-à-vis des autres gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde.

3.2.4.   Transformation de l’INA en société anonyme

L’INA, en application des dispositions transitoires proposées par l’article 77 du projet de loi, deviendra une société anonyme dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la loi.

Cette transformation implique un transfert de son capital à la société-mère dudit groupe, transfert prévu par les mêmes dispositions transitoires et qui interviendra le 1er janvier 2021.

Toujours à la date de la transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme, le projet de loi prévoit :

-          le transfert de l’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de l’EPIC INA de plein droit et sans formalité à la société anonyme INA ;

Au cas particulier des biens de l’EPIC INA, les dispositions transitoires prévoient le déclassement de ceux d’entre eux relevant de son domaine public, tout en encadrant les modalités dans lesquelles ils pourront être cédés une fois transférés lorsqu’ils sont nécessaires à la bonne exécution des missions de service public confiées à cette entreprise. L’Etat pourra ainsi s’opposer à leur cession, à leur apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d'une sûreté sur ces biens, ou encore subordonner leur cession, la réalisation de leur apport ou la création de la sûreté sur ces derniers à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement de ces missions. La liste des biens concernés est définie par décret.

Dans le cadre du dispositif retenu, les biens collectés par l’INA au titre du dépôt légal resteront la propriété de l’Etat. En effet, l’établissement, en vertu des dispositions qui définissent la consistance du domaine public mobilier (article L2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques) et qui organisent le dépôt légal sur le territoire français métropolitain et d’outre-mer (régi par le Code du patrimoine (articles L131-1 à L133-1 et R131-1 à R133-1, complété par des arrêtés de 1995, 1996 et 2006), est dépositaire des documents qu’il collecte dans ce cadre, et non pas propriétaire. La transformation de l’INA en société anonyme ne modifie pas ces dispositions.

-          la transformation du mandat du président de l’établissement public en fonction de président-directeur général de la société ;

-          la continuité des mandats des représentants du personnel élus et de celui des commissaires aux compte en cours.

Le changement de statut de l’INA serait également sans incidence sur sa capacité d’accomplissement des missions qui lui sont confiées par la loi : conservation des archives audiovisuelles, formation professionnelle et dépôt légal. En particulier :

-          s’agissant de la formation, la délivrance de diplômes au nom de l’Etat est indépendante du statut de l’organisme ; l’article L. 75-10-1 du code de l’éducation prévoit en effet que les établissements publics comme les établissements privés sont « [habilités] à délivrer des diplômes d'école et les diplômes nationaux, autres que ceux définis à l'article L. 613-1 » par arrêté ministériel, en l’espèce du ministre de la culture. Dans un autre domaine, un exemple est donné par de grandes écoles de commerce telles que HEC ou l’ESCP qui sont des sociétés anonymes ;

-           concernant le dépôt légal, l’article  L. 132-3 du code du patrimoine[255] ne fait pas obstacle à l’exercice de cette mission par une société anonyme ;  la notion « d’autres services publics, nationaux ou locaux » à laquelle il se réfère n’impliquant pas que ses dépositaires soient des personnes publiques.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

L’article 59 du projet de loi reprend, en le modifiant, l’intégralité du titre III de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Cette réforme nécessite une modification de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution qui fixe, pour chaque nomination effectuée par le Président de la République en application de ces dispositions, la commission permanente compétente au sein de chaque assemblée parlementaire pour émettre un avis sur ces nominations.

Compte tenu de la nomination du président-directeur général de France Médias par le Président de la République en application de cette procédure, il convient en effet de mentionner la commission chargée des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire comme commission compétente pour émettre un avis sur cette nomination.

Enfin l’article 67 du présent projet de loi procède à l’ensemble des coordinations rendues nécessaires par la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 dans les autres titres de cette loi.

4.1.2.   Missions de service public

Ce travail de réécriture des missions de service public intervient principalement par la réécriture du titre III de la loi du 30 septembre 1986 (articles 43-11 à 57-7) à laquelle procède l’article 59 du projet de loi.

L’article 67 du projet de loi procède en conséquence à plusieurs coordinations au sein de la loi du 30 septembre 1986 rendues nécessaires à ce regroupement ordonné des missions de service public.

L’article 68 du projet de loi procède à l’abrogation de l’article 18 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt relatif à la diffusion campagnes d'information collectives et génériques sur les produits frais.

4.1.3.   Conventions stratégiques pluriannuelles

A -   Impacts sur l’ordre juridique interne

Ces modifications se traduisent par la réécriture de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, renuméroté article 54.

Les dispositions qui figuraient initialement à l’article 53 relatives aux engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création, aux obligations liées à l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap et aux montants minimaux d'investissements dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles sont reprises respectivement aux articles 43-12, 56-3 et 56-13 de la loi du 30 septembre 1986.

Compte tenu des modalités de répartition de la CAP retenues, il conviendra de réviser la liste des organismes affectataires des ressources publiques retracées au compte de concours financiers institué au VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 pour y ajouter France Médias et en retirer France Médias Monde, Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel.

Le Gouvernement ayant arbitré des trajectoires à horizon 2022 pour les organismes affectataires tels que listés actuellement dans la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, et la prévisibilité de cette trajectoire étant essentielle au succès des plans de transformation des sociétés de l’audiovisuel public assis sur cette base, le choix a été fait de ne confier le soin à France Médias de fixer les montants des dotations de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel qu’à compter de l’exercice 2022.

B -   Articulation avec le droit international et le droit de l’Union européenne

A la suite d’une plainte déposée en 1993 par TF1, la décision E 10 2005 de la Commission européenne a examiné le statut de la redevance audiovisuelle au regard des règles relatives aux aides d’Etat, et à cette occasion a confirmé sa compatibilité avec les règles du marché intérieur, au motif que ses affectataires constituent des services d’intérêt économique général (SIEG) et sous réserve que soient prises, dans les deux ans suivant la communication de la décision, des mesures tendant à garantir l’absence de surcompensation du coût de leurs missions de service public, ainsi que le respect par leurs filiales commerciales des conditions de marché. L’ensemble de ces réserves ont été levées, dans le délai imparti, par la prise d’actes de nature législative ou réglementaire.

Concernant en particulier la compensation à juste proportion, le dernier alinéa du III de l’article 54 dans sa rédaction proposée par le projet de loi reprend la consécration du principe de non-surcompensation qui avait été introduit en 2007 à l’article 53, complété, au niveau réglementaire, par le décret n°2007-958 faisant obligation aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle de tenir compte séparé du coût d’exécution de leurs missions de service public (ces comptes faisant l’objet d’un rapport annuel contrôlé par un organisme extérieur).

Le raisonnement de la Commission ayant porté sur le mécanisme de la redevance audiovisuelle, depuis renommée CAP, indépendamment du nombre de ses organismes affectataires et la société France Médias constituant, pour les mêmes motifs que les autres sociétés de l’audiovisuel public, un SIEG, le projet de loi n’est pas de nature à faire évoluer la Commission dans son appréciation de la conformité de la CAP aux règles du marché intérieur, et n’appelle donc pas de notification.

4.1.4.   Transformation de l’INA en société anonyme

L’article 59 qui réécrit le titre III de la loi du 30 septembre 1986 définit, dans un nouvel article 44-4 les missions de service public qui sont assignées à la société Institut national de l’audiovisuel. Ses missions demeurent inchangées et ce nouvel article est très proche de l’article 49 actuel de la loi du 30 septembre 1986 auquel il se substitue.

L’article 77 du présent projet de loi comporte les dispositions transitoires qui permettent la transformation en société anonyme de l’INA, selon les modalités décrites au 3.2.

4.2.    IMPACTS ECONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1.   Impacts macroéconomiques

A -   Organisation du secteur public audiovisuel

Les modifications que le projet de loi se propose d’apporter à l’organisation du secteur audiovisuel public se traduiront par la constitution d’un nouvel acteur audiovisuel puissant, mieux à même de faire face à la concurrence de nouveaux acteurs puissants, et d’affirmer la singularité de l’offre publique, ainsi que la complémentarité entre ses composantes, au moindre coût pour le contribuable.

4.2.2.   Impacts budgétaires

A -   Organisation du secteur public audiovisuel

À terme, les modifications que le projet de loi se propose d’apporter à l’organisation du secteur audiovisuel public, doivent permettre d’améliorer son efficience et, partant, le rendre plus économe et donc moins coûteux pour la collectivité.

Dans un premier temps cependant, la constitution de la société-mère et le travail nécessaire à la mise en œuvre des synergies entre les sociétés sont susceptibles d’occasionner des coûts supplémentaires d’ampleur très limitée.

La société France Médias pourra certes fonctionner avec des personnels détachés ou mis à disposition par les autres sociétés, en tant que de besoin, mais elle devra également s’appuyer sur une petite équipe de collaborateurs propres et pouvoir faire réaliser un certain nombre d’études stratégiques.

L’ordre de grandeur du budget de personnel, d’études et de fonctionnement de la société France Médias ne doit pas excéder quelques millions d’euros par an au cours des trois premières années (soit de l’ordre d’un millième du budget total), hors recours à des prestations des filiales. Il correspondra majoritairement à des dépenses de personnel, ainsi qu’à des dépenses de fonctionnement et à la mise en œuvre d’études visant à déterminer et mettre en œuvre les synergies possibles entre les filiales. Ces paramètres ne pourront être arrêtés plus précisément que dans le courant d’année 2020, lors de la phase de préfiguration de la société-mère.

Au bout de deux ou trois années, les économies réalisées grâce aux collaborations et mises en commun devraient être suffisantes pour compenser ces dépenses.

B -   Missions de service public

Plus clairement énoncées et organisées autour des cinq missions prioritaires proposées par la nouvelle rédaction de l’article 43-11, la poursuite autant que le contrôle de la mise en œuvre par les organismes composant le secteur audiovisuel public des missions communes qui leur sont assignées s’en trouveront facilitées, notamment par le développement de coopérations puissantes dans le champ éditorial comme non-éditorial.

4.2.3.   Impacts sur les entreprises

A -   Organisation du secteur public audiovisuel

La constitution d’un groupe audiovisuel public puissant, aux missions réaffirmées, tourné vers les publics, capable d’affronter la compétition mondiale, n’a pas vocation à remettre en cause l’organisation propre ni les cultures professionnelles des entreprises qui composent le secteur. Les filiales de France Médias (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel) resteront les acteurs opérationnels de référence et assumeront, en particulier, la pleine responsabilité éditoriale des programmes proposés.

La constitution de France Médias entrainera l’apparition d’un nouvel acteur intégré (radio et télévision) sur le marché audiovisuel. Son chiffre d’affaires sera de l’ordre de 4 milliards d’euros. 

Chiffre d'affaires net sociétés

 

 

 

en M€

2018

France Télévisions

3 087,2

Radio France

671,2

France Médias Monde

273,4

INA

36,5

Total

4 068,3

Source : comptes 2018 sociétés approuvés en CA

 

 

 

 

2018

Chiffre d'affaires groupe TF1

2 288,3

Chiffre d'affaires groupe M6[256]

1 421,4

Source : communication financière sociétés pour 2018

La constitution de France Médias devrait avoir un impact positif sur le positionnement des entreprises de l’audiovisuel public sur leurs marchés respectifs, et sur le marché audiovisuel au sens large. En effet :

-          sur le marché de la télévision, au cours des dernières années, la multiplication du nombre de chaînes a paradoxalement contribué à accélérer leur concentration au sein de groupes télévisuels ;

-          parallèlement, des rapprochements entre groupes de contenus (presse, télévision, radio) et de puissants groupes de télécommunications ont été opérés. Cette stratégie, dite de convergence, consiste pour un acteur à posséder à la fois un contenu et le canal pour le distribuer. Les groupes ainsi constitués se dotent de la capacité d’attirer des publics vers les canaux de distribution qu’ils opèrent grâce à l’attractivité des contenus qu’ils produisent. Ils peuvent faire le choix de proposer des offres de contenus exclusivement accessibles aux abonnés à leurs réseaux.

L’adossement des entreprises audiovisuelles publiques à un groupe puissant permettra ainsi un rééquilibrage progressif dans les rapports de force sur leurs marchés respectifs, et sur le marché audiovisuel au sens large.

Au cas particulier de la période 2020-2022, la création de la société-mère ne remettra pas en cause les réformes de fond engagées au sein de chaque entreprise, ni plus généralement leurs dynamiques internes.

D’abord, parce que le cap qui leur a été fixé est confirmé. La réforme de l’audiovisuel public a été engagée à l’été 2018 ; elle comprenait des orientations claires : numérique, proximité, information, culture, jeunesse/éducation, audiovisuel extérieur. Ces priorités sont confirmées, et même renforcées par le projet de loi, puisqu’il propose de réorganiser autour d’elles l’ensemble des missions du secteur. Les plans de transformation des entreprises, déjà rendus publics ou en cours d’élaboration, se fondent sur cette même feuille de route.

Ensuite, parce que les dirigeants des sociétés en place à la date de promulgation de la loi le resteront jusqu’au 1er janvier 2023 :

- le projet de loi audiovisuel prévoit que leurs mandats de présidents-directeurs-généraux seront transformés en mandats de directeurs généraux,

- le président de la société France Médias aura vocation à devenir président non-exécutif de chaque société, et ainsi assurer la cohérence d’ensemble des activités du groupe.

Enfin, parce que la trajectoire budgétaire arbitrée pour le secteur n’est pas remise en cause : les arbitrages de l’été 2018 (190 M€ d’économies entre 2018 et 2022, dont 160 M€ portés par France Télévisions, 20 M€ portés par Radio France, 10 M€ portés par les autres organismes) sont confirmés.

B -   Transformation de l’INA en société anonyme

Transformé en société anonyme, l’INA ne sera plus soumis au principe de spécialité, l’objet social d’une société commerciale étant usuellement défini de manière large, dans un but de souplesse.

Pour autant, les obligations de service public mises à la charge de l’INA demeurent inchangées dans la rédaction proposée par le projet de loi à l’article 59. Elles restent définies de manière précise dans la loi et dans son cahier des charges, permettant de continuer à justifier, vis-à-vis de la Commission européenne, l’affectation d’une part du produit de la contribution à l’audiovisuel public en vue de leur accomplissement[257].

Du point de vue de l’efficacité interne de l’INA, sa transformation en société anonyme devrait mettre fin à certaines rigidités en matière d’organisation interne inhérentes au statut d’EPIC, et, partant, de générer de probables gains de productivité, toutefois malaisément chiffrables à ce stade ; en outre, le statut d’EPIC impliquant de faire valider par la puissance publique de nombreuses opérations relevant de la vie courante de l’entreprise, la réforme donnera à l’INA une agilité accrue pour mieux répondre aux évolutions rapides du secteur dans lequel il évolue.

4.3.    IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.3.1.   Organisation du secteur public audiovisuel

Les modifications qu’apporte le projet de loi doivent en outre permettre, toujours en préservant l’indépendance éditoriale des sociétés nationales de programme, de conforter dans ses seules missions de régulation l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, en lui retirant le pouvoir de nomination des présidents-directeurs généraux de ces sociétés.

4.3.2.   Transformation de l’INA en société anonyme

En tant qu’établissement public, l’INA est suivi par le Contrôle général économique et financier, qui exerce en particulier un contrôle de sa masse salariale notamment dans le cadre de la commission interministérielle d’audit des salaires du secteur public (CIASSP).

Transformé en société anonyme, l’Institut ne sera plus dans le champ des organismes suivis par cette commission, dont la charge de travail sera allégée à due concurrence des charges qu’elle supporte actuellement.

Le président de l’établissement public INA voit son mandat transformé en mandat de président-directeur général de la société INA, puis de directeur général de la même société dès lors que la présidence non-exécutive sera confiée au président de France Médias.

4.4.    IMPACTS SOCIAUX

4.4.1.   Impacts sur la société

L’article 43-11 de la loi de 1986 dans sa rédaction issue du projet de loi place la proximité au cœur des missions de France Médias France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France, et de l’Institut national de l’audiovisuel, réaffirmant que celles-ci s’adressent à la population française dans toutes ses composantes, géographiques, culturelles et sociales, qu’elles reflètent la réalité d'une société française diverse et inclusive, et qu’elles mettent en valeur la richesse des territoires et des patrimoines de la République.

La réaffirmation de ces objectifs, au fondement de l’audiovisuel public, devrait contribuer à répondre au besoin fort de proximité qui s’exprime et à renforcer le lien social.

4.4.2.   Impacts sur les personnes en situation de handicap

L’élargissement des dispositions relatives à l’accessibilité des personnes aveugles ou malvoyantes ainsi que des personnes sourdes ou malentendantes à l’ensemble des services de médias audiovisuels à la demande des sociétés nationales de programmes, d’Arte-France, de l’INA et des futures filiales de service public éditrices de programmes de télévision est destiné à traduire le renforcement de la prise en compte du handicap dans les programmes numériques les plus innovants, de manière complémentaires aux dispositions préexistantes pour les services linéaires.

4.4.3.   Impacts sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Les modifications proposées de l’article 43-11 ne remettent pas en cause l’ambition de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, et ARTE-France en matière de promotion de l’égalité entre les femmes et hommes dans leurs offres. En élargissant son périmètre à l’Institut national de l’audiovisuel, elles sont susceptibles d’accélérer les efforts en matière d’égalité déployés par cette entreprise.

4.4.4.   Impacts sur la jeunesse

L’article 43-11 dans sa rédaction proposée par le projet de loi fait de la jeunesse une cible prioritaire des offres et services édités par de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France, et l’Institut national de l’audiovisuel.

Cette évolution répond à l’un des objectifs poursuivis par le Gouvernent dans le cadre de la transformation de l’audiovisuel public, consistant à rajeunir son public, la moyenne d’âge des téléspectateurs qui s’élève à 59 ans pour France Télévisions et 62 ans pour ARTE-France.

Le service public n’est pas encore assez présent sur les nouveaux écrans, les nouveaux médias sociaux, et plus généralement l’ensemble des formats d’écriture attendus par la « génération Z », à savoir celle des jeunes nés dans un univers numérique. L’affirmation de la priorité donnée à la jeunesse devrait favoriser le développement de nouvelles modalités de création et de diffusion, afin que les offres de service public redeviennent des références pour les jeunes générations au moment où celles-ci tendent à se détourner progressivement de la télévision au profit des usages numériques.

Par ailleurs, l’article 43-11 dans sa nouvelle rédaction réaffirme le rôle prépondérant que l’audiovisuel public doit jouer en matière d’éducation, qu’il s’agisse de diffuser les connaissances, de développer des offres pédagogiques à destination de la communauté éducative (élèves, professeurs), de concourir à l’éducation aux médias ou à l’éducation artistique et culturelle. Cette action éducative sera renforcée par la recherche de synergies et de coopérations entre les actions déjà mises en œuvres par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France et l’INA. La jeunesse n’en est pas la cible unique, mais est prioritairement concernée par cette mission de service public

4.5.    Impact sur les entreprises

La création d'une société-mère, à la tête d'un groupe rassemblant quatre des six entreprises du secteur audiovisuel public, permettra d'unir leurs forces dans un contexte de concurrence devenue mondiale, pour définir des choix communs, coordonnés et optimisés. En particulier, cette nouvelle organisation leur permettra de mieux encore qu'aujourd'hui remplir leurs missions de service public : 

- à travers son pilotage stratégique ainsi qu’une exploitation concertée des études et données d’usage, elle garantira que l’audiovisuel public s’adresse à l’ensemble des publics, par l’organisation d’une complémentarité fine d’offres éditoriales adaptées à la diversité de leurs usages et de leurs goûts, plutôt qu’au public aujourd’hui majoritairement ciblé par les chaînes et stations généralistes de télévision comme de radio du service public (plutôt âgé et CSP+);

- à travers la facilitation et l'approfondissement des coopérations, elle offrira le meilleur cadre de mise en œuvre de celles des missions assignées au secteur audiovisuel public qui sont communes à tout ou partie des entreprises qui le composent, par exemple l'action éducative, l'information de proximité, l'exposition de contenus culturels d'excellence, etc.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    CONSULTATIONS MENEES

Ces dispositions sont soumises, à titre obligatoire, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel et à titre facultatif, à celui de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    MODALITES D’APPLICATION

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, sous les réserves suivantes :

- concernant la contribution à l’audiovisuel public : le III et le IV de l’article 54 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, dans leur rédaction issue de l’article 59 du projet de loi, entrent en vigueur le 1er janvier 2022, en application respectivement de l’article 81 du projet de loi et des dispositions mêmes du IV de l’article 54 de la loi du 30 septembre 1986 précitée ; dans cet intervalle, perdurent les modalités actuelles de répartition de la contribution à l’audiovisuel public entre les organismes affectataires par le seul effet des lois de finances pour les années 2020 et 2021 [, étant entendu que la société France Médias sera ajoutée à la liste des affectataires à l’occasion du vote de la loi de finances pour 2021, et que France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel en seront retirés à l’occasion du vote de la loi de finances pour 2022] ;

- concernant les autres dispositions du titre III de la loi du 30 septembre 1986 précitée dans leur rédaction issue de l’article 59 du projet de loi, celui-ci organise leur application dans le temps par le biais des dispositions transitoires prévues à ses articles 73 à 80, dont l’effet combiné est résumé à la frise chronologique ci-après, dans l’objectif général de permettre une mise en œuvre complète de la réforme au cours de l’année 2021.

Le schéma en page suivante explicite le calendrier prévisionnel de mise en place de France Médias :


1

 



Concernant la société-mère France Médias

La société France Médias est constituée dès la date de promulgation de la loi.

Au terme d’un mois à compter de cette date, et en application des premier et troisième alinéas de l’article 75, doivent avoir été désignés les neuf premiers membres du conseil d’administration, à savoir ceux visés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 6° de l’article 52-1 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue du projet de loi, à savoir le représentant de l’Etat, les deux administrateurs désignés par l’Etat, les quatre personnalités indépendantes désignées pour deux d’entre elles par décret après avis conforme de l’ARCOM et pour les deux autres par les commissions parlementaires compétentes, ainsi que les deux représentants des salariés.

S’agissant des deux premiers représentants du personnel, il est fait dérogation au 6° de l’article 52 de la loi du 30 septembre 1986, afin de permettre leur entrée en fonctions dans un délai compatible avec la nécessité de coopter deux membres du conseil et de sélectionner le premier président-directeur général de France Médias (non intérimaire) dans les meilleurs délais ; le projet de loi dispose donc que les premiers administrateurs représentant les salariés sont désignés par chacune des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages en additionnant ceux reçus au premier tour des dernières élections professionnelles organisées par ces sociétés. Ce mécanisme, qui est un de ceux prévus par l’article L 225-27-1 du Code de commerce, permet que la désignation des administrateurs représentant le personnel puisse également intervenir dans un délai d’un mois suivant la promulgation de la loi, et donc qu’ils participent pleinement aux opérations de mise en place du groupe. 

En application du deuxième alinéa du même article 75, le doyen d’âge des quatre personnalités indépendantes assume dès ce stade la première présidence-direction générale de la société France Médias, aux fins de :

- déposer les statuts de la société, qui doivent être approuvés dans un délai de six semaines à compter de la promulgation de la loi en application du II de l’article 74 ;

- organiser en application du quatrième alinéa de l’article 75, dans un délai d’un mois suivant la désignation des représentants des salariés, la cooptation des deux membres visés au 5° de l’article 52-1. 

Dès lors, par application du dernier alinéa de l’article 75 et dans un délai de trois mois à compter cette cooptation, le conseil d’administration propose au Président de la République la nomination du président-directeur général de la société France Médias par application du I de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986.

Concernant les sociétés-filles France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel

L’article 73 organise d’abord la transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la promulgation de la loi. En application du II de l’article 74, les statuts de la nouvelle société Institut national de l’audiovisuel doivent ensuite être approuvés dans un délai de six semaines à compter de la promulgation de la loi.

Jusqu’à la première nomination du président-directeur général de la société France Médias par application du I de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue du projet de loi, et par application du deuxième alinéa de l’article 76, les conseils d’administration des sociétés-filles délibèrent valablement dans leur composition antérieure à la promulgation de la loi et leurs dirigeants conservent leur mandat de président en plus de celui de directeur général.

A la date de la première nomination du président-directeur général de la société France Médias par application du I de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue du projet de loi, les statuts des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde sont mis en conformité avec le nouveau cadre normatif (par application du II de l’article 74), les mandats des membres des conseils d’administration expirent à l’exception de ceux des représentants du personnel (par application du premier alinéa de l’article 76), et leurs dirigeants perdent leur mandat de président au bénéfice du président-directeur général de France Médias (par application du dernier alinéa de l’article 76) tout en se voyant confortés dans leur fonction de directeur général jusqu’au 1er janvier 2023, dans un souci de continuité managériale.

Cette solution a été retenue car le projet de loi prévoit que les nouveaux conseils d’administration des sociétés-filles comportent des membres désignés par le conseil d’administration de France Médias ou proposés par son président-directeur général (en ce qui concerne le directeur général de chaque société), ce qui implique que leur mise en place ne peut se faire qu’après la nomination de celui-ci – à l’exception des représentants des salariés, dont le mandat se poursuit jusqu’à l’échéance prévue dans la mesure où le projet de loi ne modifie ni leur nombre, ni leurs modalités de désignation.

Concernant l’apport par l’Etat à la société-mère des titres des sociétés-filles 

Par application du I de l’article 74, intervient au 1er janvier 2021 l’apport par l’Etat à la société France Médias, à la valeur nette comptable des titres, de la totalité des actions des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel.

5.2.2.   Application dans L’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Le dispositif issu du projet de loi implique l’adoption de décrets simples : 

-          Un décret arrêtant la liste des biens nécessaires à la bonne exécution des missions de service public confiées à l’INA ;

- Un décret portant approbation des statuts de la société Institut national de l’audiovisuel, par application de l’article 51 modifié de la loi du 30 septembre 1986.

Les modifications apportées aux missions de service public des sociétés nationales de programme et de l’INA impliqueront de modifier leurs cahiers des charges respectifs fixés par décret[258].

La mise en œuvre de ces mesures nécessite également des décrets d’approbation des statuts de France Médias et de modification des statuts des quatre sociétés filiales.



TITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Articles 60 et 61 : modifications du livre IV du code de commerce destinée à simplifier les procédures devant l’Autorité de la concurrence, à en accroître l’efficacité et habilitation donnée au Gouvernement de mettre le droit national en conformité avec les règles européennes de la concurrence

 

1.     Etat des lieux

1.1.    Les moyens d’action de l’autorite de la concurrence

1.1.1.   Le pouvoir de transaction et d’injonction du ministre charge de l’economie

L’article L. 464-9 du code de commerce confie au Ministre de l’économie, et sur délégation à la DGCCRF, un pouvoir de transaction et d’injonction pour sanctionner les pratiques anticoncurrentielles locales dont l’Autorité de la concurrence ne se saisit pas.

La DGCCRF peut enjoindre aux entreprises concernées de mettre fin à ces pratiques et, le cas échéant, leur proposer une transaction financière si ces pratiques affectent un marché de dimension locale, ne concernent pas des faits relevant des articles 101 et 102 du TFUE et sous réserve que le chiffre d’affaires individuel des entreprises en cause soit inférieur à 50 millions d’euros et que leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d’euros.

L’application de ce dispositif soulève cependant des difficultés. En effet, il est parfois malaisé d’évaluer si une pratique se limite à un marché local tant dans son objet que dans ses effets. Par ailleurs, ce dispositif ne tient pas suffisamment compte des effets du développement du commerce électronique au sein des les PME et des TPE.

1.1.2.   Les operations de visite et saisie

Lorsque les opérations de visites et saisies, se déroulent sur plusieurs zones géographiques, un premier juge délivre une ordonnance principale pour le territoire pour lequel il est compétent, puis d’autres juges, compétents pour d’autres territoires délivrent des ordonnances secondaires. En outre, il est actuellement nécessaire de recourir à plusieurs officiers de police judiciaire par site visité (c’est-à-dire à autant d’officiers de police judiciaire que d’équipes d’enquêteurs sur le site). Cette contrainte implique la mobilisation de ressources importantes pour les services de police judiciaire sans que les droits et les intérêts de l’entreprise en soient de ce fait mieux garantis.

1.2.    Les procedures devant l’autorite de la concurrence

1.2.1.   La collegialite des decisions

Les décisions de l’Autorité de la concurrence sont en principe prises de manière collégiale (les délibérations se font à la majorité des membres présents), conformément à l’article L.463-1 du code de commerce.

Toutefois, le 4ème alinéa de cet article précise les modalités selon lesquelles une décision de l’Autorité de la concurrence peut être adoptée par le président de l’Autorité ou un vice-président statuant seul :

- les décisions d’irrecevabilité (en raison du défaut d’intérêt ou de qualité à agir de l’auteur, de la prescription des faits ou encore pour défaut de compétence) (L. 462-8 du code de commerce) ;

- les décisions de rejet (pour défaut d’éléments probants, lorsque les pratiques sont locales et peuvent être traitées par le ministre, lorsqu’une autre autorité membre du REC a déjà traité ou est en train de traiter le cas, ou enfin lorsque l’Autorité s’était déjà saisie d’office) (L. 462-8 du code de commerce) ;

- les décisions donnant acte du désistement d’une partie ou bien des dessaisissements effectués par la Commission (L. 462-8 du code de commerce) ;

- les décisions prises après une saisine du ministre (et notamment en cas de refus de transaction concernant une pratique locale ou d’inexécution d’une injonction de mettre fin à une pratique) (L. 464-2 à 6 en application de l’article L. 464-9 du code de commerce) ;

- les décisions de phase 1 en contrôle des concentrations (caractère contrôlable ou non, autorisation avec ou sans engagement, ou décision de passage en phase 2) (L. 430-5 du code de commerce) ;

- certaines décisions de phase 2 en contrôle des concentrations concernant en particulier la révision de décisions de phase 2 antérieures ou de nouvelles décisions nécessaires à la mise en œuvre de décisions de phase 2 antérieures (L. 430-7 du code de commerce).

D’autres décisions n’entraînant pas de sanctions pourraient relever d’un seul membre du collège, afin d’alléger les procédures et d’en réduire la durée.

1.2.2.   L’information prealable de l’autorite de la concurrence en matiere de prix et tarifs reglementes

Le dernier alinéa de l’article L. 462-2-1 du code de commerce impose une formalité d’information préalable de l’Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés, au moins deux mois avant la révision du prix ou du tarif en cause. Or cette formalité est dépourvue d’utilité.

En effet, s’agissant du calendrier prévisionnel des révisions tarifaires, l’Autorité a toute latitude pour interroger le gouvernement sur ce point si nécessaire, dans l’optique par exemple de formuler un avis dans le cadre d’une auto-saisine. En tout état de cause, dans la majorité des cas, ce calendrier prévisionnel est connu publiquement à l’avance, les révisions tarifaires étant périodiques, leurs échéances précises étant même parfois fixées par les textes.

1.2.3.   La procedure contradictoire

L’article L. 463-2 du code de commerce organise la procédure contradictoire qui doit être suivie pour l’examen d’un dossier contentieux devant l’Autorité de la concurrence, avant transmission du dossier d’instruction au collège de l’Autorité en vue de la séance prévue à l’article L. 463-7.

Cet article institue un double tour de contradictoire écrit, en réponse d’abord à la notification des griefs, puis au rapport. Conformément aux dispositions de l’article L. 463-7 du code de commerce, les parties peuvent également développer leurs arguments devant le collège lors de la séance, ce qui conduit in fine à trois tours de contradictoire.

Toutefois, en application de l’article L.463-3, le rapporteur général peut décider que l’affaire sera examinée sans l’établissement préalable d’un rapport (la procédure est dite alors « simplifiée »). Dans cette hypothèse, la sanction pécuniaire que peut prononcer l’Autorité ne peut excéder 750 000 €.

Le double tour de contradictoire écrit conduit à allonger la procédure d’instruction : la rédaction du rapport, les observations des parties et leur traitement par les services d’instruction allongent généralement la durée de la procédure de plusieurs mois.

En outre, cette organisation est quasiment unique en Europe. La plupart des autorités nationales de concurrence de l’Union ne disposent pas d’un triple tour de contradictoire et quand c’est le cas, comme en Espagne, le dernier tour oral, organisé à la demande des parties, n’est que très rarement mis en œuvre. La Commission européenne, quant à elle, recourt essentiellement à un tour de contradictoire écrit, le tour de contradictoire oral, réalisé, là aussi, à la demande des parties, étant rarement utilisé.

1.2.4.   La procedure de « clemence »

Le IV de l’article L. 464-2 prévoit d’exonérer totalement ou partiellement d’une sanction pécuniaire une entreprise partie à une entente contraire à l’article L 420-1 si elle a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs. La procédure de clémence est initiée par l’entreprise qui demande à l’Autorité ou au ministre chargé de l’économie de bénéficier de cette exonération totale ou partielle.

Une distinction est opérée entre les demandeurs de type 1 qui contribuent à révéler une infraction et qui peuvent prétendre à une immunité d’amende et les demandeurs de type 2 qui apportent une contribution significative à la démonstration de l’infraction poursuivie par l’autorité de concurrence et qui peuvent prétendre à une réduction d’amende.

A la suite de cette demande, le rapporteur général ou le ministre chargé de l’économie saisit le collège afin que ce dernier émette un avis de clémence qui précise l’exonération envisagée et les conditions auxquelles est subordonnée cette exonération. Cet avis est rendu après que le demandeur et le commissaire du Gouvernement ont présenté leurs observations sur un rapport des services d’instruction. L’article L. 464-2 ajoute que cet avis est transmis à l’entreprise concernée et au commissaire du Gouvernement et qu’il n’est pas publié.  

Dans le cadre de sa décision de sanction, l’Autorité peut, après avoir entendu l’entreprise concernée et le commissaire du Gouvernement, sans établissement préalable d’un rapport, accorder l’exonération envisagée dans l’avis si les conditions qui y figurent ont été respectées. 

Cette procédure d’avis préalable qui intervient très en amont de l’instruction soulève un certain nombre de difficultés.

Tout d’abord, cette procédure d’avis contribue dans les cas d’entente, notamment de cartels, à des retards dans l’instruction. En effet, elle impose aux services d’instruction de produire pour chaque demandeur de clémence un rapport qui apprécie la coopération du demandeur et la valeur ajoutée de cette coopération pour proposer une exonération conditionnelle au collège. Ce rapport fait l’objet d‘observations de la part des parties et est présenté en séance devant le collège. Cette procédure d’avis préalable a pour effet de ralentir considérablement le déroulé de l’instruction.

En premier lieu, si l’Autorité recourt à une opération de visite et saisie à la suite d’une demande de clémence, elle doit préalablement adopter un avis de clémence à l’égard du premier demandeur qui a révélé la pratique prohibée et apporter à l’Autorité les éléments matériels nécessaires à la réalisation d’une opération de visite et saisie.

Cette procédure conduit donc à retarder les opérations de visite et saisie, alors que celles-ci doivent être réalisées le plus rapidement possible pour écarter le risque de déperdition des preuves.

En second lieu, lorsque des demandes de clémence de type 2 sont introduites auprès de l’Autorité, notamment après des opérations de visite et saisie, il incombe aux services d’instruction d’évaluer la valeur ajoutée des informations et pièces transmises par le demandeur de clémence. Or cette valeur ajoutée s’apprécie au regard des informations dont l’Autorité dispose déjà, et notamment des éléments que les services d’instruction ont recueillis à l’occasion des opérations de visite et saisie, souvent très nombreux. Cette comparaison de pièces est souvent très longue et retarde d’autant le début de l’instruction à proprement parler.

Les avis de clémence même s’ils constituent des actes préparatoires à la décision, peuvent apparaître comme une forme de « pré-jugement » puisqu’ils identifient des pratiques qui sont susceptibles de tomber sous le coup de l’article L. 420-1.  En outre, la procédure d’avis induit un certain nombre de difficultés pratiques au moment de la composition des formations de jugement puisque les membres ayant siégé pour l’avis de clémence ne siègent pas pour la décision au fond.   

Certains acteurs économiques font également valoir que la procédure française, avec le recours à un avis de clémence, est lourde et longue et constitue ainsi un facteur dissuasif pour déposer une demande de clémence. La suppression de cet avis aurait également le mérite d’harmoniser davantage la procédure française avec celle appliquée par la Commission européenne et par les autres autorités nationales de concurrence en Europe.

A cet égard, la communication de la Commission du 8 décembre 2006 précise que, pour un demandeur de type 1, la Commission lui accorde par écrit une immunité conditionnelle d’amende quand elle a constaté que certaines conditions d’octroi de cette immunité sont remplies et, pour un demandeur de type 2, la Commission l’informe par écrit au plus tard à la date de la notification de griefs, de son intention de réduire le montant de l’amende dans une fourchette de réduction,  quand elle est parvenue à la conclusion provisoire que les éléments communiqués par l’entreprise apportent une valeur ajoutée significative et a constaté qu’un certain nombre de conditions sont remplies.  

2.     Necessite de legiferer et objectifs poursuivis

2.1.    Necessite De Legiferer

Il est nécessaire de transposer, au plus tard le 4 février 2021,la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ »).

A cette fin, il est fait le choix d’introduire dans la loi une mesure d’habilitation législative permettant au Gouvernement de prendre ces mesures par voie d’ordonnance.

A cette transposition s’ajoutent des réformes tenant à l’activité de l’Autorité de la concurrence, relatives à ses procédures d’enquête, d’instruction et de jugement dont l’adoption exige des mesures de nature législative. Une partie de ces mesures est directement introduite dans le projet de loi, tandis que d’autres font l’objet d’une mesure d’habilitation législative permettant au Gouvernement de les prendre par voie d’ordonnance.

2.2.    Objectifs poursuivis

Les mesures envisagées visent à améliorer les moyens d’action des autorités chargées de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles (élargissement des cas où le ministre chargé de l’économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises).

Elles visent à simplifier les modalités d’intervention des officiers de police judiciaire dans les opérations de visite et de saisie (présence d’un seul officier de police judiciaire par site visité).

Elles visent également à alléger les procédures devant l’Autorité de la concurrence (élargissement du recours aux décisions non collégiales, suppression de l’information préalable de l’Autorité pour toute révision de prix ou tarifs réglementés, élargissement de la procédure simplifiée, clarification des critères de détermination des sanctions par l’Autorité de la concurrence, simplification de la procédure relative à la clémence).

Enfin, elles visent à mettre en conformité le droit national avec le droit communautaire de la concurrence (transposition de la directive (UE) 2019/01 du 11 décembre 2019).

3.     Dispositif retenu

3.1.    S’agissant de l’article 60 relatif a la modification du code de commerce

Le 6° élargit les cas où le ministre chargé de l’économie peut imposer des injonctions ou transiger avec les entreprises, en levant la condition tenant à la dimension locale du marché dans l’article L. 464-9 du code de commerce.

Afin de lever toute ambiguïté dans le dispositif actuel, de le simplifier et de le moderniser, il est proposé de ne plus limiter sa mise en œuvre au caractère local des marchés affectés par les pratiques anticoncurrentielles. La suppression de ce critère apportera de la clarté aux entreprises leur assurant une plus grande sécurité juridique.

3.1.1.   La simplification et la modernisation des operations de visite et saisie

Le 1° vise à améliorer, à l’article L. 450-4 du code de commerce, le dispositif des visites domiciliaires actuellement en vigueur en France qui permet à l’Autorité de la concurrence et à la DGCCRF de rechercher, après avoir obtenu l’autorisation du juge des libertés et de la détention, des éléments de preuve de l’existence de pratiques anticoncurrentielles.

Cette proposition de modification s’inspire de l’expérience acquise depuis la réforme introduite par l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence.

Il est proposé de permettre qu’un seul officier de police judiciaire par site visité assiste aux opérations.

Dans le régime actuel, il est nécessaire de recourir à plusieurs officiers de police judiciaire par site visité (autant d’officiers de police judiciaire que d’équipes d’enquêteurs sur le site). Cette contrainte implique la mobilisation de ressources importantes pour les services de police judiciaire sans que les droits et les intérêts de l’entreprise en soient de ce fait mieux garantis.

En effet, dans l’hypothèse d’un seul officier de police judiciaire par site visité, ces droits et intérêts demeurent préservés : la présence constante de l’occupant des lieux ou de son représentant (et de son conseil le cas échéant) permettra de faire valoir les droits et intérêts de l’entreprise en cas de contentieux ultérieur, l’officier de police judiciaire présent sur les lieux supervisant lesdites opérations (comme le ferait le juge s’il était présent) et pouvant intervenir sur interpellation de l’occupant des lieux ou de son représentant, en cas de contestation sérieuse qui lui serait soumise.

3.1.2.   L’allegement des procedures devant l’autorite de la concurrence

Le 2° élargit le champ des décisions qui peuvent être adoptées par le président ou un vice-président de l’Autorité de la concurrence statuant seul, en application de l’article L. 461-3 du code de commerce.

Il est proposé d’élargir le « juge unique » aux décisions de saisine d’office réalisées sur proposition du rapporteur général de l’Autorité (III de l’article L. 462-5 du code de commerce).

Ces décisions concernent en effet généralement des situations dans lesquelles le rapporteur général propose au collège de se saisir d’office de pratiques ayant fait l’objet d’un rapport administratif d’enquête des services du ministre chargé de l’économie (DGCCRF). Elles n’ont pas pour objet de sanctionner des pratiques, mais de permettre aux services d’instruction de l’Autorité, à partir de ce rapport, de proposer les suites appropriées (notification de griefs …). S’agissant de décisions qui ne conduisent pas en elles-mêmes à des sanctions, elles peuvent échapper au principe de la collégialité.

Les affaires plus complexes, en particulier les décisions de sanctions, de non-lieu ou prononçant des mesures conservatoires demeurent en revanche soumises au principe de collégialité.

Il est également proposé d’élargir le recours au « juge unique » aux décisions de révision des engagements prises en application de l’article L.464-2.

Le 3° supprime l’information préalable de l’Autorité de la concurrence en cas de révision de tarifs et prix réglementés, en abrogeant le dernier alinéa de l’article L. 462-2-1 du code de commerce.

Dans une perspective de simplification, il est proposé de supprimer cette obligation d’information, dépourvue d’utilité, source de complexification de la régulation tarifaire et d’insécurité juridique.

Le 4° et le 5° étendent la faculté pour l’Autorité de la concurrence de recourir à une procédure simplifiée en complétant à cet effet l’article L. 463.3 du code de commerce et en supprimant l’article L. 464-5 de ce code.

Afin de réduire la durée d’instruction des affaires, d’harmoniser la procédure française avec celle de la plupart des autorités de concurrence en Europe, tout en préservant les droits de la défense, il est proposé de modifier l’équilibre actuel de la procédure contentieuse antitrust en faisant du principe du contradictoire écrit à un seul tour (envoi d’une notification des griefs sans établissement du rapport) la norme et de l’établissement du rapport l’exception, laquelle serait laissée à l’appréciation du rapporteur général en fonction des circonstances du cas d’espèce. Ainsi serait généralisée la procédure contradictoire à deux tours, à l’instar de ce qui se pratique dans un grand nombre de pays de l’Union, une procédure contradictoire à trois tours demeurant possible dans des cas complexes.

Dans certains cas complexes, l’étape du rapport peut en effet constituer une étape utile pour affiner la compréhension de certains arguments (notamment économiques) et renforcer la robustesse finale des décisions grâce à un débat contradictoire plus approfondi.

La mesure proposée conduit à ce que le principe du contradictoire se concentre autour de la seule notification des griefs, en laissant à l’appréciation du rapporteur général la faculté de décider l’établissement d’un rapport transmis aux parties en fonction de l’affaire et de sa complexité.

Parallèlement, il est proposé de supprimer le plafond de 750 000€ pour la sanction pouvant être prononcée par l’Autorité sans que soit établi un rapport. La suppression de l’article L.464-5 du code de commerce conduit à ce que l’Autorité puisse prononcer une sanction dans les conditions de droit commun. Par cette suppression, le texte deviendra par ailleurs conforme aux dispositions relatives aux sanctions de la directive dite ECN+ (Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur), qui ne permettent pas un plafonnement de l’amende encourue.

3.2.    S’agissant de l’article 61 relatif a la mise en conformite du droit national avec le droit communautaire de la concurrence

L’article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ »).

La directive dite « directive ECN+ » doit être transposée au plus tard le 4 février 2021.

Les dispositions de cette directive qui nécessitent encore une transposition en droit national concernent notamment :

- La possibilité pour l’Autorité de la concurrence de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles ;

- La procédure d’engagements ;

- L’instauration d’un montant maximum d’amende unique fixé à 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise ;

- La consécration du principe de la responsabilité financière des membres de l’association d’entreprises ;

- La codification de la procédure de clémence et de sa mise en œuvre ;

- La codification de dispositions permettant la coopération entre autorités nationales de concurrence.

La transposition de la directive, qui impose de modifier les dispositions du droit national applicables aux sanctions pécuniaires, conduira notamment à clarifier les critères de détermination de la sanction par l’Autorité de la concurrence, fixées à l’article L. 464-2 du code de commerce, par référence à la durée et à la gravité de l’infraction, et par la suppression de la référence au « dommage à l’économie ». Cette clarification est en ligne avec la pratique et la jurisprudence, et écarte toute confusion avec la notion de dommage privé. L’ambiguïté de vocabulaire liée aux différentes acceptions de la notion de dommage induit en effet souvent des incompréhensions et des débats inutiles devant l’Autorité de la concurrence et les instances d’appel.

Par ailleurs, l’article 61 habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures permettant de simplifier les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention concernant le déroulement des opérations de visite et saisie, et de simplifier la procédure relative à la clémence.

S’agissant des modalités de saisine du juge des libertés et de la détention, les mesures envisagées ont pour objet de permettre qu’un seul et même juge des libertés et de la détention puisse autoriser et contrôler l’ensemble des opérations de visite et de saisie dès lors qu’au moins l’un des lieux à visiter est situé dans le ressort de son tribunal judiciaire. Lorsque ces opérations ont lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, le juge conservera la possibilité de délivrer une commission rogatoire pour exercer leur contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite.

S’agissant de la procédure relative à la clémence, les mesures envisagées ont pour objet de supprimer l’avis de clémence prévu à l’article L. 464-2 IV du code de commerce, tout en accompagnant cette suppression par des mesures d’information pour les demandeurs de clémence, afin de leur donner une prévisibilité sur la sanction encourue et le déroulement de la procédure.

4.     Analyse des impacts

Le code de commerce est modifié aux articles suivants : L. 450-4, L. 461-3, L. 462-2-1, L. 464-5 L. 464-9.

En outre, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ ») qui doit être transposée au plus tard le 4 février 2021

 Ces mesures vont :

- permettre une économie de moyens pour les services de police judiciaire qui interviennent dans les procédures de visites domiciliaires, tout en préservant les droits de la défense et accélérer la réalisation des opérations de visite et de saisie  ;

- contribuer à la diminution des délais de traitement des affaires devant l’Autorité de la concurrence en facilitant l’organisation des séances (extension du recours possible au juge unique, suppression de l’avis de clémence ) ;

- réduire la charge administrative pesant sur les services du Gouvernement (suppression de l’information préalable de l’Autorité de la concurrence en cas de révision des tarifs et prix réglementés)  ;

- mettre le droit national en conformité avec les règles communautaires de la concurrence.

5.     Consultations et modalites d’application

5.1.    Consultations menees

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalites d’application

Les dispositions envisagées dans l’article 60 entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel, à l’exception de la réforme relative au dispositif de clémence devant l’Autorité de la concurrence dont les modalités nécessitent l’adoption d’un décret en Conseil d’Etat.

6.     Justification du delai d’habilitation pour l’article 61

Spécifiquement pour l’article 61 du projet de loi, compte tenu de la technicité des dispositions législatives devant être modifiées, lesquelles devront pouvoir intégrer les mesures des directives européennes dans le code de commerce et permettre des consultations des parties prenantes, un délai de neuf mois est prévu pour prendre l’ordonnance.

Le projet de loi ratifiant cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.


Article 62 : Modifications du code du cinéma et de l’image animée

 

1.     État des lieux

Le Centre national du cinéma et de l’image animée est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Les missions de l’établissement sont énumérées à l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée.

Plus particulièrement, le 2° de cet article lui confie, en vue de la contribution au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée, l’attribution d’aides financières. Parmi ces aides figurent notamment les aides à la production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Ces aides s’élèvent, annuellement, à plus de 135 millions d’euros en ce qui concerne la production cinématographique et à plus de 250 millions d’euros en ce qui concerne la production audiovisuelle. Les conditions d’attribution de ces aides sont fixées par un « règlement général des aides », texte à valeur réglementaire établi par le conseil d’administration du Centre national du cinéma et de l’image animée, et publié au Journal officiel de la République française. Toutefois, aucune disposition particulière ne précise dans la loi quelle est l’orientation générale de la politique des aides et comment le Centre national du cinéma peut contribuer, dans l’exercice de sa mission, à la structuration de la filière. 

En deuxième lieu, selon les articles L. 335-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon d’une œuvre se caractérise par sa représentation, sa reproduction ou sa diffusion sans autorisation de l’auteur, ainsi que, dans le cas d’une œuvre audiovisuelle, des artistes ou des producteurs. Le 6° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée confie au Centre national du cinéma et de l’image animée une mission de lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia. A ce titre, le Centre national du cinéma et de l’image animée dispose, en vertu de l’article L. 331-3 du code de la propriété intellectuelle, de la faculté de porter plainte et de se constituer partie civile devant le juge d’instruction à raison des faits constitutifs du délit de contrefaçon. Le Centre national du cinéma et de l’image animée s’est ainsi constitué partie civile auprès du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Toulouse aux côtés des ayants-droit le 5 février 2019. Il peut également, en application de l’article L. 336-2 du même code, saisir le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, pour faire cesser toute atteinte à un droit d’auteur occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne. Le juge peut alors ordonner toute mesure, notamment le blocage ou le déréférencement des sites contrefaisants. Ainsi, en 2019, neuf décisions du tribunal de grande instance de Paris ont ordonné le blocage et le déréférencement de 77 sites contrefaisants. Ces actions, pour efficaces qu’elles soient, permettent seulement au Centre national du cinéma et de l’image animée, d’intervenir en aval, au stade de l’exploitation des œuvres. Elles sont insuffisantes pour garantir une intervention en amont.

En troisième lieu, le code du cinéma et de l’image animée prévoit un certain nombre d’obligations (conditions d’attribution des aides, conditions d’exercice des professions, conditions d’homologation des établissements de spectacles cinématographiques, agrément des formules d’accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples, contrôle des recettes des œuvres cinématographiques, etc.). Ces obligations sont assorties d’un dispositif de contrôle et de sanctions administratives, qui s’échelonnent de l’avertissement à l’interdiction d’exercer ou, par exemple, la fermeture de l’établissement de spectacles cinématographiques. En application de l’article L. 423-1 du code du cinéma et de l’image animée, les sanctions concernées sont prononcées par une commission indépendante, la commission du contrôle de la réglementation, créée par ordonnance n° 2017-762 du 4 mai 2017. Cette commission a eu à connaître de sept affaires donnant lieu à des sanctions. Ces affaires portaient sur des manquements aux obligations relatives aux aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée et des manquements aux obligations relevant de la chronologie de l’exploitation des œuvres cinématographiques prévue aux articles L. 231-1 et suivants du code du cinéma et de l’image animée. La Commission a ainsi prononcé un avertissement, le remboursement total des aides versées, l’exclusion du bénéfice de toute aide pendant une durée de cinq ans, ainsi que des sanctions pécuniaires allant de 100 à 1 000 euros.

Cette commission est saisie par un rapporteur indépendant, lui-même saisi par le président du Centre national du cinéma et de l’image animée, sur la base des procès-verbaux établis par les agents assermentés de l’établissement. Cette commission comprend onze membres, huit personnalités qualifiées issues des milieux professionnels, un membre de l’inspection générale des affaires culturelles, un membre des corps de contrôle du ministère chargé des finances et un membre du Conseil d’Etat, qui la préside. Le dernier alinéa de l’article L. 423-1 du code du cinéma et de l’image animée prévoit que des suppléants aux membres de la commission autres que son président sont nommés dans les mêmes conditions que les titulaires. La loi ne prévoit donc aucune disposition en cas d’absence ou d’empêchement du président.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Nécessité de légiférer

2.1.1. Le secteur de la production cinématographique et audiovisuelle se caractérise par l’hétérogénéité de ses acteurs. Aux côtés des entreprises appartenant à de grands groupes audiovisuels, existe un tissu d’entreprises de « production indépendante ». Celle-ci est définie selon des critères tenant aux liens capitalistiques entre l’entreprise de production et l’éditeur ainsi qu’à l’étendue des droits détenus par ce dernier. Le nouvel article 71 du présent projet de loi maintient ce principe en prévoyant que les éditeurs de services de télévision ou de services de médias audiovisuels à la demande contribuent au développement de la production, notamment de la production indépendante à leur égard. Il définit l’indépendance en fonction d’une série de critères tenant aux liens capitalistiques et à la nature et à l’étendue des droits et responsabilités respectifs des intéressés dans la réalisation des œuvres.

La production indépendante favorise la créativité et la diversité de la production française. En ce qui concerne le cinéma, outre quelques « champions » nationaux se caractérisant par une concentration verticale des différentes activités de fabrication et d’exploitation d’un film, le secteur de la production indépendante est très morcelé et composé de nombreuses petites et moyennes entreprises. La prédominance d’entreprises de petite taille, au chiffre d’affaires irrégulier suivant les années et le volume de production, s’explique par le fait que l’industrie du cinéma est une industrie de prototypes, sous-tendue par une économie de projets. La stabilité financière de ces entreprises est donc très sensible aux aléas de leur activité. En ce qui concerne l’audiovisuel, si le secteur indépendant compte également de nombreuses petites entreprises, le tissu de production est en phase de consolidation avec des fusions, rapprochements ou rachats de sociétés de production et de distribution.  Il existe ainsi, face aux filiales de production audiovisuelle des chaînes de télévision, de grands groupes indépendants de production d’animation ou de fiction.

L’existence de ces sociétés de production indépendantes est nécessaire au dynamisme des secteurs du cinéma et de l’audiovisuel. Les diffuseurs peuvent souhaiter orienter leur production vers des œuvres proches de celles qu’apprécie leur public. La production indépendante est donc fondamentale car elle est propice à la créativité, à l’innovation et à la diversité. L’existence d’entreprises de production indépendantes des diffuseurs constitue donc un objectif de politique publique, à la fois culturel et économique. Il est donc nécessaire d’apporter à ce secteur un soutien.

Ce soutien passe d’ores et déjà par le biais des obligations de contribution à la production des éditeurs de services de médias audiovisuels. Les articles 27, 33, 33-2, 71 et 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans leur version en vigueur à la date du présent projet de loi, prévoient qu’une part de la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande est réservée à la production indépendante.

L’objectif d’aider la production indépendante est également affirmé par le droit de l’Union européenne. La directive 2010/13/UE du 10 mars 2010, « Services de médias audiovisuels », telle que modifiée par la directive 2018/1808 du 14 novembre 2018, prévoit ainsi que les organismes de radiodiffusion télévisuelle doivent réserver une part minimale de leur temps d’antenne ou de leur budget de programmation à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants de ces organismes.

Le Centre national du cinéma et de l’image animée verse chaque année plus de 300 millions d’euros d’aides à la production. Certaines dispositions du règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée prévoient déjà que doit être favorisée la production indépendante. L’article 311-93 du règlement général des aides financières dispose ainsi que certaines aides à la production d’œuvres audiovisuelles sont réservées à des entreprises de production indépendantes de tout éditeur de services de télévision ou de services de médias audiovisuels à la demande selon des critères liés à la détention respective, directe ou indirecte, d’une part maximale de 15 % du capital social ou des droits de vote. Dans le même esprit, l’article 211-38 du même règlement plafonne les aides à la production d’œuvres cinématographiques dont peuvent bénéficier les entreprises de production filiales d’éditeurs de services de télévision. Toutefois, alors que les missions du Centre national du cinéma et de l’image animée sont définies dans la loi, celle-ci ne prévoit rien en ce qui concerne la production indépendante. Un traitement différent perdure ainsi, à la date du présent projet de loi, entre le régime de la production indépendante en matière de contribution audiovisuelle, défini par les dispositions précitées de la loi du 30 septembre 1986 et le régime applicable aux aides au cinéma et à l’image animée, qui demeure muet sur la question. Il est donc nécessaire d’insérer dans la loi une disposition de nature à conférer un fondement législatif à l’orientation des dispositifs d’aides en faveur de la production indépendante.

2.1.2. Le piratage des œuvres engendre un manque à gagner global pour le secteur s’élevant au minimum à 1,3 Md€ par an, et 400M€ pour l’Etat. En effet, un quart des internautes consultent régulièrement des sites dédiés à la contrefaçon audiovisuelle, soit 12 millions de visiteurs uniques par mois en 2018.

Les actions en justice, au civil et au pénal, de lutte contre le piratage ont permis de faire baisser de deux millions le nombre de visiteurs uniques sur les deux dernières années. Toutefois, la protection de la propriété littéraire et artistique ne peut se limiter à la lutte contre le phénomène du piratage. Il est indispensable que cette mission soit élargie en amont. En effet, la production, le financement et l’exploitation des œuvres mettent elles-mêmes en jeu des questions liées au droit d’auteur, dans le cadre des différents contrats conclus à cette fin. Il s’agit en particulier des contrats de production audiovisuelle, prévus par l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle. Ces contrats se définissent par le lien entre les producteurs et les auteurs et emportent cession des droits de ces derniers. Ils doivent, aux termes du même article, respecter les droits moraux et patrimoniaux reconnus aux auteurs par le code de la propriété intellectuelle. A cet égard, ces contrats devront, pour le bénéfice des aides du Centre national du cinéma et de l’image animée, contenir les clauses types prévues à l’article 11 du présent projet de loi. D’autres contrats pourraient également être concernés, notamment les contrats de concession des droits de représentation cinématographique conclus entre les exploitants de salles et les distributeurs d’œuvres cinématographiques, dont l’existence est prévue par l’article L. 213-14 du code du cinéma et de l’image animée. Ces contrats permettent d’autoriser la diffusion d’un film en salles et de fixer les conditions de rémunération respective de l’exploitant, du distributeur ainsi que de l’ensemble de la filière de production.

Par conséquent, si la loi confie déjà au Centre national du cinéma et de l’image animée une mission de protection des droits des créateurs et des producteurs en l’associant à la lutte contre la contrefaçon, cet établissement doit être en mesure de défendre plus largement la propriété littéraire et artistique à tous les stades de production et de développement des œuvres. Il est donc nécessaire que la mission correspondante, telle que prévue par la loi, soit élargie et précisée.

2.1.3. Depuis sa création, la commission du contrôle de la réglementation a tenu deux réunions en 2018 et deux réunions en 2019. Ce nombre devrait croître dans les années à venir compte tenu de la montée en puissance des contrôles effectués par les agents assermentés du Centre national du cinéma et de l’image animée.

En pratique à ce stade, le président n’a jamais été absent et aucune réunion n’a été reportée.

L’absence de membres de la commission de contrôle de la réglementation n’empêche pas, en raison du mécanisme de suppléance, les réunions de se tenir. Toutefois, l’absence de son président, à défaut de mécanisme de suppléance, pourrait conduire à un blocage. Ainsi, cette absence pourrait empêcher, au dernier moment, la tenue des réunions et conduire au report de celles-ci. Or, en pratique, il s’avère parfois difficile de réunir les professionnels membres de la commission en raison des contraintes liées notamment aux tournages, aux festivals ou aux autres manifestations du secteur, sachant que les personnes concernées doivent être convoquées au moins trente jours avant la tenue des séances.

Les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la commission du contrôle de la réglementation sont prévues par la loi. Il est donc nécessaire, afin de garantir le bon fonctionnement de la commission, que la loi prévoie une règle de suppléance pour pallier l’absence du président.

2.2.    Objectifs poursuivis

Les mesures envisagées visent à renforcer et sécuriser certaines dispositions du code du cinéma et de l’image animée relatives aux missions du Centre national du cinéma et de l’image animée et au fonctionnement de la commission du contrôle de la réglementation, en :

- confortant dans la loi les objectifs fondamentaux des aides à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée, plus spécifiquement orientées vers la production indépendante ;

- renforçant la mission de contribution du Centre national du cinéma et de l’image animée à la protection de la création en lui confiant, en complément de sa mission de lutte contre la contrefaçon, le soin de veiller, notamment dans le cadre des aides, au respect de la propriété littéraire et artistique ;

- améliorant le fonctionnement de la Commission du contrôle de la réglementation par la précision des règles de suppléance en cas d’absence de son président.

3.     Options possibles et dispositif retenu

3.1. S’agissant des missions du Centre national du cinéma et de l’image animée dans le domaine des aides à la production, il existe déjà dans le règlement général des aides financières des dispositifs en faveur de la production indépendante. Toutefois, il est préférable, afin d’aligner le régime des aides à la production sur celui des obligations de contribution des éditeurs de services de médias audiovisuels à la production tel que prévu par   le présent projet de loi, de mettre l’accent dans la loi sur la production indépendante et d’orienter ainsi l’action du Centre national du cinéma et de l’image animée, tout en donnant une assise législative aux dispositifs réglementaires existants.

3.2. En deuxième lieu, en ce qui concerne les missions du Centre national du cinéma et de l’image animée en matière de propriété littéraire et artistique, s’en tenir à lutte contre la contrefaçon ne permet pas d’assurer une protection pleinement efficace des différents intervenants de la chaîne de la création des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. 

En effet, la protection des droits des auteurs doit également s’appliquer dans le cadre des rapports contractuels noués pour la production et l’exploitation des œuvres. Or le Centre national du cinéma et de l’image animée a, en particulier dans le cadre de l’attribution des soutiens publics, une connaissance particulière de ces rapports. C’est pourquoi il est proposé que la loi renforce les missions du Centre national du cinéma et de l’image animée en lui permettant de veiller, notamment à l’occasion de l’instruction des demandes d’aides financières, au respect du droit de la propriété littéraire et artistique.

3.3. En troisième lieu, s’agissant de la suppléance du président de la commission du contrôle de la réglementation, il aurait pu être envisagé d’ajouter un membre à la commission ayant la qualité de président suppléant ou de vice-président. Toutefois, outre le coût induit par cette option (rémunération du membre concerné, coûts d’organisation), la commission comporte déjà un nombre important de membres pour ce type d’instances. Ainsi, à titre de comparaison, les commissions des sanctions de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation ou de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières comprennent soit six membres, soit, pour la dernière, seulement trois.

En outre, dans sa composition actuelle, la commission de contrôle de la réglementation comprend déjà, en son sein, un membre disposant d’une vision globale et du recul nécessaire pour en assurer la présidence. Il est donc proposé que le président puisse être remplacé par le membre de l’inspection générale des affaires culturelles, dont le rôle est plus transversal que celui des autres membres, professionnels des secteurs du cinéma et de l’image animée ou personnalités qualifiées, qui ont des compétences plus spécifiques.

A titre de comparaison, l’article L. 232-7-3 du code du sport prévoit, pour la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage, un dispositif analogue. Une option similaire à celle retenue par le présent article existe également pour la Commission nationale d’aménagement cinématographique, dont les règles de fonctionnement sont prévues par des dispositions réglementaires, notamment l’article R. 212-6-10 du code du cinéma et de l’image animée.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Impacts juridiques

En premier lieu, la mesure complète le a du 2° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée en ajoutant la mention de la production indépendante à la mission du Centre national du cinéma et de l’image animée relative au soutien à la création et la production d’œuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia.

En second lieu, la mesure complète le 6° de l’article L. 111-2 dudit code en prévoyant que le Centre national du cinéma et de l’image animée a également pour mission de veiller, notamment à l’occasion de l’instruction des demandes d’aides financières qui lui sont présentées, au respect du droit de la propriété littéraire et artistique.

En troisième lieu, la mesure ajoute à l’article L. 423-1 du code du cinéma et de l’image animée un nouvel alinéa prévoyant qu’en cas d’absence ou d’empêchement du président de la commission du contrôle de la réglementation, celui-ci sera, pour les raisons détaillées ci-dessus, remplacé par le membre de l’inspection générale des affaires culturelles.

4.2.    Impacts économiques et financiers

En premier lieu, l’orientation du soutien accordé par le Centre national du cinéma et de l’image animée vers la production indépendante permettra de consolider le secteur de la production indépendante par la création ou l’adaptation éventuelle des dispositifs d’aides financières. La mise en place de ces dispositifs se fera dans le cadre de la modification du règlement général des aides par délibérations du conseil d’administration de l’établissement public.

La deuxième mesure, confiant au Centre national du cinéma et de l’image animée le soin de veiller au respect du droit de la propriété littéraire et artistique, permettra de faciliter le fléchage des aides financières vers les seules entreprises respectueuses des principes qui en résultent. A ce titre, il est plus particulièrement prévu, dans le cadre de l’article 11 du présent projet de loi, que le Centre national du cinéma et de l’image animée vérifie, dans les contrats conclus entre les auteurs et les producteurs, la présence de clauses types relatives aux droits moraux des auteurs et à leur rémunération. Le contenu de ces clauses types sera défini par accord professionnel entre les organismes d’auteurs et les organisations de producteurs ou, à défaut, par décret en Conseil d’Etat. Elles porteront sur la mise en œuvre concrète des droits moraux dans le cadre de l’exploitation de l’œuvre (droit au nom, possibilité d’interruptions publicitaires, etc.) et sur les modalités de la rémunération de l’auteur pour chaque mode d’exploitation.

4.3.    Impacts sur les services administratifs

La deuxième mesure, permettant au Centre national du cinéma et de l’image animée de veiller au respect de la propriété littéraire et artistique, trouvera son application concrète dans la vérification, opérée par les agents chargés de l’instruction des demandes d’aides, de la présence de clauses types dans les contrats de production audiovisuelle, telle que prévue par l’article 11 du présent projet de loi. Vingt-cinq agents du Centre national du cinéma et de l’image animée sont actuellement chargés de l’instruction des dossiers de demandes d’aides à la production, ce qui représente en moyenne 4800 demandes d’aides chaque année. Ils  devront, dans le cadre de l’examen des contrats de production auxquels ils procèdent déjà, vérifier plus particulièrement la présence ou non et l’exactitude des clauses types. Ce travail ne nécessitera aucun recrutement supplémentaire mais pourrait, le cas échéant, requérir des besoins de formation, que le Centre national du cinéma et de l’image animée mettra en œuvre.

L’instauration d’une règle de suppléance pour le président de la commission de contrôle de la réglementation permettra d’éviter toute paralysie dans le fonctionnement de celle-ci en cas d’absence ou d’empêchement du président. Elle facilitera ainsi l’organisation des séances par le secrétariat de la commission, qui est assuré par des agents du Centre national du cinéma et de l’image animée. Dès lors que la suppléance du président est confiée à un membre de la Commission déjà convoqué à ses séances, la mesure n’entraînera aucun frais ni aucune contrainte pratique supplémentaire.

5.     Consultations et modalités d’application

5.1.    Consultations menées

Ces dispositions sont soumises, à titre facultatif, à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

5.2.    Modalités d’application

5.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

5.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

5.2.3.   Textes d’application

Les mesures proposées ne nécessitent pas de décret d’application.

La mise en œuvre concrète de la mesure relative à l’orientation des aides à la production du Centre national du cinéma et de l’image animée vers la production indépendante trouvera sa traduction dans le cadre de l’adaptation du règlement général des aides, qui relève des délibérations du conseil d’administration de l’établissement. Ce conseil d’administration est composé du président du Centre national du cinéma et de l’image animée, d’un député et d’un sénateur, de représentants de l’Etat, représentant les différentes tutelles du Centre national du cinéma et de l’image animée, de membres du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes ainsi que des représentants du personnel.


Article 63 : clarification et codification par ordonnances de la loi du 30 septembre 1986

 

1.     État des lieux

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a été modifiée à 88 reprises depuis trente-trois ans, pour des raisons qui tiennent à la fois :

- à la rapidité des évolutions technologiques qui affectent significativement le secteur audiovisuel ;

- à des réformes relatives à l’organisation, à la gouvernance et à l’indépendance de l’audiovisuel public ;

- à la demande de prise en compte par les médias audiovisuels de questions sociétales, traitées dans des lois aux champs les plus divers ;

- à la prise en compte des engagements internationaux de la France et particulièrement de la transposition des directives.

La loi relative à la liberté de communication n’a pas fait l’objet d’une codification, malgré plusieurs tentatives avortées aux périmètres de codifications variables[259]

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    NECESSITE DE LEGIFERER

Si ces nombreuses modifications ont permis d’assurer l’adaptation constante du cadre juridique du secteur audiovisuel à l’évolution des technologies et des usages, elles n’ont toutefois pas toujours tiré toutes les conséquences de ces évolutions en abrogeant les dispositions obsolètes et ont parfois engendré une stratification des normes, source de confusion.

Plusieurs dispositions sont aujourd’hui obsolètes :

- le régime d’autorisation des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique n’est plus mis en œuvre depuis l’arrêt de la diffusion en mode analogique en 2011 (article 30 de la loi du 30 septembre 1986) ;

- le régime juridique de la télévision mobile personnelle, introduit en 2007, n’est plus mis en œuvre faute d’un lancement effectif de cette catégorie de services (articles 30-1, 30-2, 30-7, 31, 41 et 41-3 de la même loi) ;

- de nombreuses dispositions adoptées en 1986 et non modifiées ne sont plus applicables aujourd’hui.

- Certains renvois n’ont pas été actualisés.

Le constat dressé ci-dessus nécessite des modifications formelles de nombreuses dispositions de la loi du 30 septembre 1986.

A cette occasion, un travail d’amélioration de l’organisation et de la présentation des dispositions de la loi apparaît opportun, et dont la codification de la loi du 30 septembre 1986 pourrait être l’aboutissement.

2.2.    OBJECTIF POURSUIVI

Cette réforme vise à clarifier le cadre juridique applicable au secteur audiovisuel, afin d’améliorer son accessibilité et son intelligibilité par les destinataires de ce corpus normatif (éditeurs de services, autorité de régulation, citoyens).

3.     Options possibles et dispositif retenu

La clarification de la loi du 30 septembre 1986 aurait pu être opérée par le présent projet de loi. Toutefois, compte tenu de la volumétrie très importante des modifications en cause, cette option n’est pas apparue opportune compte tenu de l’ampleur déjà importante du projet de loi.

La codification de la loi de 1986 soulève la question du périmètre de cet exercice. L’échec des tentatives précédentes (celle des années 1990[260] et la tentative avortée de 2004-2006[261]), très voire trop ambitieuses de ce point de vue, ont abouti à écarter une codification allant au-delà de la seule loi audiovisuelle et de ses textes d’application. Au demeurant, telle était déjà la suggestion de la Commission supérieure de codification en 2012 : « Constatant que l’homogénéité d’un code perd souvent à l’extension de son périmètre, [la Commission] ne recommande pas l’élaboration de codes au champ trop vaste ou éclaté entre de trop nombreuses matières. Les objectifs d’accessibilité et d’intelligibilité du droit attachés à l’entreprise de codification sont en effet plus facilement atteints par la confection de codes, de dimensions modestes, centrés sur un corpus homogène composés des seuls textes véritablement pertinents au regard de la matière codifiée […] Par exemple, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et ses décrets d’application pourraient fournir la matière d’un code de l’audiovisuel » [262].

C’est la raison pour laquelle la mesure consiste à habiliter le Gouvernement à procéder à la modification et à la codification de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 par ordonnances.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises dans le cadre de la présente habilitation.

5.     Justificatif du délai d’habilitation

Les modifications envisagées nécessitent un délai d’habilitation de dix-huit mois afin de mener à terme :

- Le travail d’identification des modifications à apporter à la loi ;

- Le travail de codification.

Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

Article 64 : transposition par ordonnance de la directive établissant le code des communications électroniques européen

 

1.     État des lieux

La Commission Européenne a présenté en mai et octobre 2016 un corpus de textes législatifs visant d’une part à mettre en œuvre un marché intérieur des communications électroniques dans l’Union tout en assurant un degré d’investissement, d’innovation et de protection des consommateurs par une concurrence accrue, et d’autre part, prendre en compte les fortes évolutions du commerce en ligne pour améliorer les services de livraison transfrontière au sein de l’Union européenne.

Les trois textes suivants faisaient partie de cette initiative :

-          directive 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen ;

-          règlement (UE) 2018/1971 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018 établissant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et l’Agence de soutien à l’ORECE (Office de l’ORECE), modifiant le règlement (UE) 2015/2120 et abrogeant le règlement (CE) n°1211/2009 ;

-          règlement (UE) 2018/644 du Parlement européen et du Conseil, du 18 avril 2018 relatif aux services de livraison transfrontière de colis.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

D’une part, les dispositions suivantes prévues par la directive 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen doivent être transposées en droit national :

- la planification des déploiements : la directive permet aux autorités de régulation nationales ou aux autres autorités compétentes de délimiter des zones dans lesquelles aucune entreprise ou autorités publiques ne prévoit de déployer un réseau à très haute capacité, ou ne prévoit de procéder à une mise à niveau de son réseau pour offrir un débit descendant d’au moins 100Mbps. Des appels à manifestations d’intention pourront être organisés dans ces zones par les autorités compétentes (article 22) ;

- la régulation de l’accès : la directive ajoute un nouvel objectif de développement de la connectivité à très haut débit en complément de l’objectif traditionnel de concurrence (article 3). La directive propose pour la première fois un cadre détaillé de régulation symétrique, à savoir la possibilité pour le régulateur d’imposer des obligations à l’ensemble des opérateurs et non pas seulement à celui qui est en position dominante (article 61-3). En revanche, la directive limite fortement la possibilité offerte aux Etats membres d’imposer aux opérateurs des accords d’itinérance entre opérateurs ou des obligations de partage d’infrastructures passives (article 61-4) ;

- le renforcement de la coordination et de la gestion du spectre radioélectrique dans l’Union européenne : la directive introduit un calendrier coordonné concernant l’assignation des bandes 5G en identifiant des bandes spécifiques : 3,4-3,8 GHz et 24,25-27-5 GHz, considérées par le groupe européen pour la politique du spectre (ci-après RSPG) comme étant des bandes prioritaires pour la réalisation du plan d’action pour la 5G. Le déploiement de la 5G se fera en recourant à des sites « macro », à l’instar des réseaux actuels des opérateurs, mais devrait également s’articuler autour du déploiement de petites antennes, appelées points d’accès sans fil à portée limitée. Concernant ces dernières, le code des communications électroniques européen met en place un cadre juridique spécifique en les exonérant d’autorisation d’urbanisme et d’autres autorisation individuelles (dont l’autorisation de l’Agence nationale des fréquences pour la France), d’une part, et de taxes ou redevances, d’autre part. Des actes d’exécution de la Commission doivent être adoptés au plus tard le 30 juin 2020 afin de définir les caractéristiques physiques et techniques des petites cellules (article 57). La directive prévoit également un régime juridique du spectre radioélectrique harmonisé en fixant une durée minimale de 15 ans concernant les services de communications électroniques à haut débit sans fil. Cette durée s’accompagne d’une garantie de prévisibilité de la règlementation pour une durée d’au moins 20 ans notamment à travers la possibilité de prolonger pour une durée appropriée l’autorisation du spectre harmonisée (article 49). Pour également renforcer la coordination du spectre radioélectrique, la directive instaure un mécanisme d’évaluation par les pairs des procédures d’attribution de fréquences (article 35) ;

- la fourniture d’un service universel abordable d’un accès adéquat à l’internet à haut débit disponible et à des services de communications vocales : la directive modernise le périmètre du service universel à l’évolution du besoin des utilisateurs. Celui-ci reste toutefois conçu comme un filet de sécurité. Le périmètre actuel du service universel des communications électroniques se limite actuellement à la ligne téléphonique classique. Le périmètre du nouveau service universel sera plus large. Désormais tous les consommateurs devront avoir accès à un service d’accès adéquat à l’internet à haut débit et à un service de communications vocales (partie disponibilité). Ce service devra être abordable y compris pour les personnes à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers. Concernant la partie disponibilité, le service d’accès adéquat à l’internet haut débit doit permettre au minimum d’assurer l’accès à différents services mentionnés à l’annexe V de la présente directive (messagerie électronique, moteurs de recherche, recherche d’emploi, banque en ligne, appels vocaux et vidéo…). La directive renforce toutefois fortement le niveau de preuve pour recourir à la désignation d’un opérateur pour fournir ce service : il faudra, d’une part, que le marché ait été défaillant et que, d’autre part, l’Etat membre ait prouvé que d’autres instruments de politique publique n’étaient pas plus appropriés ;

- le renforcement de la protection des droits des consommateurs ou des utilisateurs finaux : la directive élargi la notion de service de communications électroniques et d’introduire dans une certaine mesure les services fournis par les GAFAM dans le champ des obligations ne s’imposant jusqu’à présent qu’aux seuls opérateurs télécoms. Le nouveau paquet télécom permet d’offrir de nouvelles garanties  d’harmonisation maximale pour le consommateur tels que le renforcement des obligations d’information concernant les contrats (article 102), une meilleure transparence dans la comparaison des offres et la publication d’information (article 103), des règles en matière de changement de fournisseur face à l’accroissement rapide du nombre d’offres groupées afin d’éviter les effets d’enfermement (des dispositions sectorielles essentielles, telles que la durée maximale des contrats et les droits de résiliation contractuelle, s’appliqueraient à l’ensemble de l’offre groupée) (articles 105, 106 et 107), une disposition interdisant la discrimination fondée sur la nationalité ou le pays de résidence ;

- l’adaptation du cadre de l’Union européenne en matière de numérotation : la directive prévoit que des entreprises autres que les opérateurs pourront se voir attribuer des ressources de numérotation par l’ARCEP. Ces ressources seront attribuées en vue de fournir des services spécifiques (principalement liés à l’Internet des objets). La directive prévoit également que l’ARCEP réserve une série de numéros non géographiques qui peuvent être utilisés pour la fourniture de services de communications électroniques autre que les services de communications interpersonnelles (essentiellement des services liés à l’Internet des objets) sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne (article 93) ;

- les communications d’urgence : la directive introduit la notion de communications d’urgence en lieu et place des « appels d’urgence ». Cette nouvelle définition offre la possibilité aux Etats membres de rendre joignables les services d’urgence par de nouveaux moyens tels que les SMS, la messagerie en ligne, les vidéos la conversation totale ou les services de texte en temps réel (article 109). La directive rend également obligatoire la transmission de la localisation de l’appelant par les opérateurs au centre de réception des appels d’urgence (PSAP) par l’appareil mobile (données GNSS) et non plus uniquement par les données du réseau ;

- l’alerte au public : la directive rend obligatoire la mise en œuvre d’un dispositif d’alerte aux populations qui devra être fonctionnel au plus tard le 21 juin 2022. Les opérateurs fondés sur la numérotation devront transmettre ces alertes publiques aux utilisateurs finals (article 110) ;

- le renforcement des autorités de régulation nationale : La directive dresse un ensemble minimal de compétences pour celles-ci dans toute l’Union et durcit les obligations relatives à leur indépendance, en prévoyant des exigences en matière de nomination et des obligations de faire rapport (article 5, 6, 7 et 8).

D’autre part, l’application des règlements nécessitera également des modifications législatives afférentes :

- à la détermination d’un régime de sanctions applicables aux violations des dispositions du règlement relatif aux services de livraison transfrontière de colis ainsi que toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de ces sanctions ;

- à la détermination d’un régime de sanctions applicables aux violations des dispositions du nouvel article 5 bis modifiant le règlement (UE) 2015/2120.

Enfin, certaines dispositions législatives doivent être modifiées, autres que celles relatives à la transposition de la directive 2018/1972 établissant le code des communications électroniques européens, afin d’assurer l’exercice effectif des missions de régulations du ministre chargé des communications électroniques et de l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes, notamment :

- attribuer le financement aux opérateurs du contrôle de leurs engagements pris sur le fondement de l’article L.33-13 du code des postes et des communications électroniques ;

- imposer, dans le cadre du pouvoir d’enquête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et du ministre chargé des communications électroniques, la présence obligatoire d’un officier de police judiciaire disposant de la possibilité de poser des scellés lors d’enquête sur place.

L’élaboration de l’ensemble des modifications des dispositions législatives sur ce point est en cours d’élaboration.

3.     Dispositif retenu

Les différentes directives et règlements ont été élaboréesen parallèle au niveau européen et beaucoup de sujets sont liés et doivent être traités concomitamment lors de la transposition.

Le recours à une habilitation à légiférer par ordonnance est apparu nécessaire pour permettre de traiter de façon cohérente l’ensemble des dispositions, dont certaines sont particulièrement techniques, et alors même que des délais contraints sont prévus pour la transposition de ces directives. Les directives sont de plus très prescriptives et ne laissent qu’une faible marge de manœuvre aux Etats membres, le périmètre de l’habilitation est donc précisément circonscrit.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’analyse détaillée des incidences de chacune des mesures envisagées sera effectuée dans la fiche d’impact retraçant les dispositions des ordonnances prises sur le fondement du projet de loi d’habilitation.

Cependant, il peut d’ores et déjà être avancé que les dispositions envisagées conduiront à une modification du code des postes et des communications électroniques et du code de la consommation pour les dispositions relatives aux droits des consommateurs.

L’ensemble des entreprises du secteur des communications pourront se voient offrir une meilleure sécurité juridique ainsi qu’un renforcement de la prévisibilité de la réglementation. Ces avantages permettront ainsi aux opérateurs de faciliter leurs investissements dans les réseaux tout en préservant la concurrence.

5.     Justification du délai d’habilitation

Compte tenu de la technicité des dispositions législatives devant être prises pour la transposition des directives européennes et de la nécessité de consulter les acteurs, les délais prévus sont respectivement de douze mois à compter de la publication de la présente loi pour l’ordonnance relative à la directive établissant le code des communications électroniques européen.

Concernant les mesures relevant du domaine de la loi rendues nécessaires par l’entrée en vigueur des règlements européens, les délais prévus sont de douze mois à compter de la publication de la présente loi pour le règlement établissant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et l’Agence de soutien à l’ORECE et pour le règlement relatif aux services de livraison transfrontière de colis.

Concernant les mesures visant à assurer l’exercice effectif des missions de régulation du ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ainsi que les dispositions de nature législatives visant à simplifier les dispositions du code des postes et des communications électroniques et à en supprimer les dispositions inadaptées ou obsolètes, les délais prévus sont de douze mois à compter de la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

 


Article 65 : clarification et codification par ordonnances de la loi

 

1.     État des lieux

1.1.    Ordonnance en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/790 du parlement européen et du conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/ce et 2001/29/ce

Le droit voisin pour les éditeurs et agences de presse consacré par l’article 15 de la directive 2019/790 a été transposé dans le cadre de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

La transposition des articles 17 à 22 de la même directive est assurée par les articles 16 à 21 du présent projet de loi.

L’article 65 du présent projet de loi autorise le Gouvernement à modifier par ordonnance la première partie du Code de la propriété intellectuelle afin de transposer les dispositions restantes de cette directive.

1.2.    Ordonnance en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/789 du parlement européen et du conseil du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables a certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et modifiant la directive 93/83/cee du Conseil

La directive 2019/789 a pour but de faciliter les diffusions transfrontalières de services en ligne accessoires, de faciliter la retransmission numérique d’émissions de télévision et de radio provenant d’autres États membres sur le territoire de l’Union, tout en préservant les intérêts des ayants droit.

La directive prévoit, tout d’abord, que les droits nécessaires pour permettre la mise à disposition de certains programmes sur les services en ligne des radiodiffuseurs, par exemple leurs services de transmission simultanée ou de rattrapage, doivent uniquement être acquis dans le pays où le radiodiffuseur est principalement établi (principe du pays d’origine), et non dans chacun des États membres dans lesquels le radiodiffuseur souhaite mettre à disposition ses programmes.

La directive étend, ensuite, l’obligation de recourir à la gestion collective des droits d’auteur, déjà prévue pour les diffusions par câble simultanées et intégrales, aux diffusions par Internet (IPTV et OTT). Cette modalité d’exercice des droits simplifie l’obtention des autorisations requises en permettant aux opérateurs de retransmission d’acquérir les droits uniquement auprès des radiodiffuseurs dont ils retransmettent les chaînes et des organismes de gestion collective.

Enfin, la directive précise le régime applicable à l’une des modalités de distribution des œuvres dite de l’« injection directe ». La directive précise notamment que lorsque les radiodiffuseurs transmettent leurs signaux porteurs de programmes par injection directe exclusivement aux distributeurs et que ces derniers transmettent ces signaux au public, il s’agit d’un « acte de communication au public » auquel participent aussi les radiodiffuseurs et les distributeurs et pour lequel ils doivent chacun obtenir l’autorisation des titulaires de droits.

1.3.    Ordonnance en vue de transposer les dispositions du chapitre iv du titre iii du livre Ier du code de la propriété intellectuelle relatives à l’exploitation numérique des livres indisponibles en vue d’en assurer la conformité avec le droit de l’union européenne et de remédier aux difficultés et inconvénients résultant des pratiques existantes

La loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 a introduit dans le Code de la propriété intellectuelle un mécanisme de gestion collective pour l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle. Sont concernés les livres publiés en France avant le 1er janvier 2001 qui sont encore sous droits mais ne sont plus commercialisés.

La loi prévoit que l’exercice des droits numériques des livres indisponibles est transféré à un organisme de gestion collective, géré de façon paritaire par des représentants des auteurs et des éditeurs et agréée par le ministre chargé de la culture. Ce transfert intervient au terme d’un délai de six mois après l’inscription des livres indisponibles dans une base de données publique, mise en œuvre par la Bibliothèque nationale de France, et sauf opposition des ayants-droit qui peuvent ainsi exercer un droit de sortie initial.

Après l’entrée en gestion collective, les titulaires de droits conservent la possibilité de sortir du système. Ce droit de sortie peut être exercé à tout moment par l’auteur, sans contrepartie. S’il estime que la nouvelle diffusion de l’ouvrage porte atteinte à son honneur ou à sa réputation, une simple manifestation de sa volonté suffit à suspendre le mécanisme. Lorsqu’il est exercé par l’éditeur, ce droit de sortie entraîne une obligation de commercialisation du livre, dans un format imprimé ou numérique, dans un délai raisonnable.

Par ailleurs, les éditeurs d’origine détenant les droits de reproduction d’un livre sous sa forme imprimée bénéficient d’un « droit de préférence » sur les licences accordées par l’organisme de gestion collective pour l’exploitation numérique d’une œuvre.

Ce mécanisme permet à la fois de garantir le respect du droit d’auteur et de satisfaire à l’exigence d’accès de la société de l’information. Il contribue de manière significative au développement d’une offre légale, accessible et variée, de livres numériques en France.

Toutefois, par un arrêt du 16 novembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a remis en cause ce dispositif à l’aune de l’article 5 de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

La Cour a en effet estimé que si le consentement préalable d’un auteur à l’utilisation d’une de ses œuvres peut, dans certaines conditions, être exprimé de manière implicite, il importe que cet auteur soit informé de la future utilisation de son œuvre et des moyens mis à sa disposition en vue de l’interdire s’il le souhaite.

Or, la réglementation française ne comportant pas un mécanisme garantissant une information effective et individualisée des auteurs, il n’est pas exclu, selon la Cour, que certains des auteurs concernés n’aient pas connaissance de l’utilisation envisagée de leurs œuvres et qu’ils ne soient par conséquent pas en mesure de prendre position sur celle-ci. Dans ces conditions, une simple absence d’opposition de leur part ne peut pas être regardée comme l’expression de leur consentement implicite à l’utilisation de leurs œuvres.

Par ailleurs, la Cour a mis en cause l’article L. 134-6 du CPI qui permet aux auteurs de mettre fin à l’exploitation commerciale de leurs œuvres sous forme numérique en agissant soit d’un commun accord avec les éditeurs de ces œuvres sous forme imprimée soit seuls, à condition toutefois, dans ce second cas, de rapporter la preuve qu’ils sont les seuls titulaires de droits sur ces œuvres.

La Cour déclare à cet égard que le droit de l’auteur de mettre fin pour l’avenir à l’exploitation de son œuvre sous une forme numérique doit pouvoir être exercé sans devoir dépendre de la volonté concordante de personnes autres que celles autorisées à procéder à une telle exploitation numérique et, partant, de l’accord de l’éditeur ne détenant parfois que les droits d’exploitation de l’œuvre sous une forme imprimée. En outre, l’auteur d’une œuvre doit pouvoir mettre fin à l’exercice des droits d’exploitation de cette œuvre sous forme numérique sans devoir se soumettre au préalable à des formalités supplémentaires.

2.     Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

2.1.    Ordonnance en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/790 du parlement européen et du conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/ce et 2001/29/ce

Les États membres sont tenus de transposer les dispositions de cette directive 2019/790 au plus tard le 7 juin 2021.

En cas de non-respect de cette échéance, la France pourra faire l’objet d’un recours en manquement par la Commission européenne, devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Le manquement prononcé par la Cour aboutit le plus souvent à une condamnation de l’État membre, lui demandant de se conformer à ses obligations et, le cas échéant, à des sanctions pécuniaires. Le Traité de Lisbonne a accéléré le mécanisme de sanctions pécuniaires (somme forfaitaire et/ou astreinte) en permettant à la Cour de justice d’infliger, dès le stade du premier arrêt en manquement, des sanctions pécuniaires en cas de non communication à la Commission européenne des mesures nationales de transposition d’une directive.

Afin d’atteindre au mieux les différents objectifs poursuivis dans le délai imparti, les autorités françaises souhaitent une transposition de la directive 2019/790 la plus stricte possible par le biais d’une ordonnance prise en application de l’article 38 de la Constitution.

2.2.    Ordonnance en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/789 du parlement européen et du conseil du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et modifiant la directive 93/83/cee du conseil

Les États membres sont tenus de transposer les dispositions de cette directive 2019/790 au plus tard le 7 juin 2021.

En cas de non-respect de cette échéance, la France pourra faire l’objet d’un recours en manquement par la Commission européenne, devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Le manquement prononcé par la Cour aboutit le plus souvent à une condamnation de l’État membre, lui demandant de se conformer à ses obligations et, le cas échéant, à des sanctions pécuniaires. Le Traité de Lisbonne a accéléré le mécanisme de sanctions pécuniaires (somme forfaitaire et/ou astreinte) en permettant à la Cour de justice d’infliger, dès le stade du premier arrêt en manquement, des sanctions pécuniaires en cas de non communication à la Commission européenne des mesures nationales de transposition d’une directive.

Afin d’atteindre au mieux les différents objectifs poursuivis dans le délai imparti, les autorités françaises souhaitent une transposition de la directive 2019/789 la plus stricte possible par le biais d’une ordonnance prise en application de l’article 38 de la Constitution.

2.3.    Ordonnance en vue de transposer les dispositions du chapitre iv du titre iii du livre Ier du code de la propriété intellectuelle relatives a l’exploitation numérique des livres indisponibles en vue d’en assurer la conformité avec le droit de l’union européenne et de remédier aux difficultés et inconvénients résultant des pratiques existantes

La remise en cause de certaines dispositions de la législation française a fragilisé l’ensemble des relations contractuelles qui se sont nouées depuis l’entrée en vigueur du dispositif sur le fondement du défaut de base légale.

Sont notamment concernés l’ensemble des contrats conclus en chaîne à partir de l’octroi d’une licence par l’organisme de gestion collective agréé dont les principaux sont : les contrats de licences exclusives ou non exclusives attribuées aux éditeurs, les contrats des éditeurs avec les plateformes de ventes, de prêt ou de mise à disposition et les contrats de vente aux particuliers.

Cet ensemble de contrats représente l’aspect le plus important du dispositif du fait de son succès. En effet, depuis la mise en place du dispositif, 475 licences ont été octroyées pour 190 929 ouvrages. En totalité, 93 920 auteurs sont concernés par ces licences.

Sur le fond, les solutions novatrices au problème des œuvres indisponibles consacrées par le législateur français en 2012 conservent aujourd’hui toute leur justification et méritent d’être réaffirmées.

Entre l’offre de véritables livres numériques, postérieurs pour l’essentiel aux années 2000, et les ressources des bibliothèques numériques, limitées aux titres du domaine public (XVe-XIXe siècles), la production éditoriale du XXe siècle, toujours protégée par le droit d’auteur, reste difficilement accessible au public, notamment pour des raisons tenant à la titularité des droits numériques.

L’ordonnance devra permettre de donner aux livres devenus indisponibles une nouvelle vie au bénéfice des lecteurs, et contribuer ainsi au développement d’une offre légale abondante, sans pour autant remettre en cause les fondements du droit d’auteur.

La Cour de justice a reconnu, dans son arrêt du 16 novembre 2016, que la directive 2001/29 ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, poursuive un objectif tel que l’exploitation numérique de livres indisponibles dans l’intérêt culturel des consommateurs et de la société dans son ensemble (point 45).

Depuis lors, la directive 2019/790 du 17 avril 2019 a consacré diverses mesures destinées à faciliter certaines pratiques d’octroi de licences, notamment en ce qui concerne la diffusion d’œuvres indisponibles dans le commerce et d’autres objets protégés.

Les dispositions du chapitre IV du titre III du livre Ier du Code de la propriété intellectuelle seront révisées à l’aune de ce cadre européen et afin de tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2016.

3.     Dispositif retenu

Eu égard aux exigences d’étude préalable, d’articulation précise avec le droit existant et de concertation approfondies qui s’attachent à chacune de ces dispositions, une habilitation à légiférer par ordonnance a  été privilégiée.

4.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1.    Ordonnance en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/790 du parlement europeen et du conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marche unique numerique et modifiant les directives 96/9/ce et 2001/29/ce

4.1.1.   Impact juridique

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit d’ores et déjà des exceptions applicables aux activités pédagogiques, à la fouille de texte et à l’exploration de données, ainsi qu’aux activités de conservation des œuvres par les institutions de protection du patrimoine culturel (articles L. 122-2, L. 211-3 et L. 342-3). Ces dispositions devront toutefois être modifiées par la première ordonnance mentionnée afin d’assurer une transposition complète de la directive 2019/790.

La transposition des dispositions des articles 8 et suivants de la directive imposeront l’adoption de dispositions nouvelles.

4.1.2.   Impacts économiques et financiers

L’étude d’impact de la Commission européenne que la nouvelle exception pour l’enseignement, la nouvelle exception ne devrait pas avoir d’incidence sur le marché primaire des titulaires de droits, notamment en raison de l’objet de l’exception et des conditions dont elle est assortie (illustration à des fins pédagogiques, utilisations numériques sur réseaux électroniques sécurisés). Elle peut impliquer certains coûts de mise en conformité pour les Etats membres qui décident de conditionner l’application de l’exception à l’existence de licences couvrant les mêmes utilisations, du fait de l’obligation de veiller à la disponibilité et à la visibilité de telles licences. Toutefois, ces coûts permettraient, selon la Commission, d’alléger substantiellement la charge administrative des établissements d’enseignement.

S’agissant de l’exception relative aux fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique, prévue à l’article 3 de la directive, l’étude d’impact de la Commission européenne relève que la condition d’accès légal prévue pour le recours à l’exception garantit que celle-ci n’aura pas d’incidence sur le marché de souscription des titulaires de droits. Si la directive n’impose pas une compensation, la mise en œuvre de l’exception supposant un accès licite, c’est en amont, au niveau du contrat qui précise l’accès aux œuvres que sera déterminée la rémunération des ayants droit.

La seconde exception au droit d’auteur pour les usages dits de fouille de textes et de données, prévue à l’article 4 de la directive, qui n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact, comporte une possibilité d’opt-out en faveur des ayants droit. L’impact sur ces derniers dépendra en particulier de la manière dont ceux-ci pourront faire usage de cet opt-out.

S’agissant de l’exception pour la préservation du patrimoine culturel, elle n’occasionnerait pas, selon la Commission, de coûts de mise en conformité particuliers. L’incidence sur les recettes des titulaires de droits sera minime, voire négligeable, car cette exception ne s’applique qu’aux œuvres que les institutions patrimoniales ont déjà dans leurs collections permanentes et n’aura pas de conséquence sur l’acquisition de copies permanentes pour une collection.

4.2.    Ordonnance en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/789 du parlement europeen et du conseil du 17 avril 2019 etablissant des regles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables a certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de television et de radio, et modifiant la directive 93/83/cee du conseil

4.2.1.   Impacts juridiques

S’agissant de la directive 2019/759, on relèvera que l’article L. 122-2-2 du CPI précise d’ores et déjà que les droits nécessaires pour permettre la diffusion d’œuvres par satellite doivent être acquis conformément à la loi du pays d’origine de l’émission. Cette règle devra être étendue pour couvrir la mise à disposition de certains programmes sur les services en ligne des radiodiffuseurs au-delà des frontières nationales.

L’article L. 132-20-1 du CPI, qui impose la gestion collective du droit de retransmission par câble, simultanée, intégrale et sans changement d’une œuvre télédiffusée à partir d’un État membre de la Communauté européenne, devra également être complété afin de viser les services de retransmission fournis par d’autres moyens, comme la télévision par internet (IPTV).

Le même Code devra être modifié afin de garantir la sécurité juridique pour les diffusions de programmes de radio et de télévision par injection directe, en veillant à ce que les titulaires de droits soient correctement rémunérés lorsque leurs œuvres sont utilisées dans des programmes diffusés par injection directe.

4.2.2.   Impacts économiques et financiers

Selon l’étude d’impact de la Commission européenne, l’application du principe du pays d’origine à l’acquisition des droits pour les services en ligne accessoires des radiodiffuseurs créera une situation nouvelle pour les titulaires de droits qui accordent une licence d’exploitation de leur contenu à des radiodiffuseurs en vue de diffusions en ligne. Toutefois, il s’agit d’une intervention ciblée, limitée à certains services en ligne, qui devrait favoriser le développement du marché sans perturber les modèles économiques et les stratégies de distribution actuels.

Le texte final de la directive ayant réduit le champ d’application du principe du pays d’origine par rapport à la proposition initiale de directive, il convient de considérer que l’impact sera plus limité encore que celui qui a été évalué par la Commission européenne.

L’application de la gestion collective obligatoire à certains types de services de retransmission numérique aura une incidence limitée sur les possibilités dont disposent les titulaires de droits en matière d’octroi de licences. Les coûts de mise en conformité seraient marginaux car le réseau d’organismes de gestion collective qui est utilisé pour accorder des licences de droits de retransmission par câble pourrait aussi l’être pour accorder des licences de droits de retransmission par des moyens autres que le câble.

4.3.    Ordonnance en vue de transposer les dispositions du chapitre iv du titre iii du livre ier du code de la propriete intellectuelle relatives a l’exploitation numerique des livres indisponibles en vue d’en assurer la conformite avec le droit de l’union europeenne et de remedier aux difficultes et inconvenients resultant des pratiques existantes

4.3.1.   Impacts juridiques

L’ordonnance mentionnée viendra modifier, voire compléter, les articles L. 134-1 et suivants du CPI qui définisse le mécanisme d’exploitation des livres indisponibles.

4.3.2.   Impacts économiques et financiers

La remise en cause du dispositif relatif à l’exploitation des livres indisponibles par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 novembre 2016 a eu des impacts financiers directs. Depuis 2013, l’organisme de gestion collective agréé, la SOFIA, a ainsi investi 2,63 M€ dans ce dispositif, dont l’équivalent de 2 emplois à temps plein (190 000 €/an).

En ce qui concerne la Bibliothèque nationale de France, l’investissement financier global s’élève à environ 6,78 millions d’euros.

5.     Justification du délai d’habilitation

Le délai d’habilitation sollicité de douze mois doit permettre de modifier ou de compléter certaines dispositions existantes du CPI ou d’en créer de nouvelles. Il doit aussi permettre d’organiser les consultations nécessaires avec l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des titulaires de droits ou des utilisateurs d’œuvres.

Pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

 


Article 66 : Nouvelle dénomination de l’ARCOM

1.     Etat des lieux

Le projet de loi procède à une évolution importante des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) détaillée dans les titres I et II. Le législateur a par ailleurs décidé, par souci de rationalisation et de cohérence, de fusionner le CSA et la HADOPI.

Le maintien de la dénomination actuelle « CSA » aurait pu être envisagé en ce qu’il aurait permis de continuer à bénéficier de la notoriété de l’instance. Mais ce choix n’a pas été retenu car il n’aurait pas traduit l’évolution significative des compétences du nouveau régulateur.

2.     Objectifs poursuivis et dispositif retenu

La nouvelle dénomination « Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » (ARCOM) permet, d’une part, de traduire l’évolution des compétences et missions assignées à l’autorité de régulation, que cette évolution résulte du présent projet de loi (extension de la régulation aux plateformes de partage de vidéos, par transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels - directive « Services de médias audiovisuels ») ou d’autres textes législatifs récemment votés (loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information) ou en cours d’examen au Parlement (proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet).

Le changement de dénomination proposé vise, d’autre part, à tirer les conclusions de la rénovation du cadre de régulation applicable au numérique opérées par le présent projet de loi, en particulier à travers la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein d’un organe unique, dont la coopération avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) est par ailleurs encouragée.

Enfin, ce changement de dénomination a pour objet de marquer l’intrication croissante de la communication audiovisuelle (qui regroupe, selon les termes de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986, la télévision, la radio et les médias audiovisuels à la demande) et de la communication numérique, en particulier sur les plateformes en ligne qui revendiquent de plus en plus leur statut de « médias ».

3.     Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1.    Impacts juridiques

Le changement de dénomination du Conseil supérieur de l’audiovisuel en Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) implique de modifier les références à cette dénomination à titre principal dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans les textes pris pour son application, dans d’autres lois ordinaires ainsi que dans la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution pour la nomination du président de cette autorité.

Spécifiquement pour la loi du 30 septembre 1986, le  projet de loi procède aux nombreuses modifications sémantiques rendues nécessaires par la nouvelle dénomination. Ainsi, les mots « conseil » sont remplacés par « autorité » afin de faire désormais référence à l’ARCOM.

3.2.    Impacts sur les services administratifs

Le changement de dénomination implique quant à lui certaines opérations :

  1. Le dépôt du nom et des noms connexes ; le dépôt et, le cas échéant, le rachat de noms de domaines ;
  2. La création de l’identité visuelle (logo, charte graphique, etc.) et la déclinaison de cette identité sur l’ensemble des supports (papeterie, signalétique, outils de communication, site internet, outils informatiques, intranet, messagerie, etc.).

L’évaluation budgétaire de cette réforme sera prochainement menée par la nouvelle autorité.

4.     Consultations et modalités d’application

4.1.    Consultations menées

Ces dispositions ont été soumises à l’avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

4.2.    Modalités d’application

4.2.1.   Application dans le temps

Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel.

4.2.2.   Application dans l’espace

La mesure envisagée s’applique en France métropolitaine et en outre-mer.

 

Article 82 : application outre-mer

 

Le projet de loi s’applique de plein droit dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution qui sont régies par le principe de l’identité législative, ainsi que dans les collectivités de l’article 74 de la Constitution (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon) qui sont également soumises au principe de l’identité législative.

Le projet de loi s’applique sur mention expresse à Wallis-et-Futuna en vertu de la compétence de droit commun dévolue à l’Etat par la combinaison des dispositions de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer et du décret n°57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l’assemblée territoriale, du conseil territorial et de l’administrateur supérieur des Iles Wallis et Futuna.

Le projet de loi s’applique en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française au moyen de la mise à jour du compteur installé à l’article 108 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Inapplication des dispositions intéressant le code de la propriété intellectuelle et le code de commerce en raison de la  compétente de ces deux collectivités dans ces deux matières en vertu respectivement du transfert de compétences du droit commercial prévu par la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie dont l’effectivité a été réalisée au 1er juillet 2013, et des articles 13 et 14 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

En effet, les articles 73 et 74 du projet de loi sont étendus à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française en raison de la compétence du CSA et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique sur l’ensemble du territoire de la République.

 

1

 


[1] Ce décret dénommé « décret production » est applicable aux chaînes de la télévision numérique terrestre.

[2] Ce décret dénommé « décret câble-satellite » est applicable aux autres chaînes qui constituent le paysage audiovisuel de complément.

[3] Au sens du Code du cinéma et de l’image animée (articles L213-24 en matière cinématographique et L252-1 en matière audiovisuelle), le producteur délégué prend « l'initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation d'une œuvre » et en « garantit la bonne fin » ; par opposition, le producteur exécutif n’a qu’un rôle de prestataire de fabrication de l’œuvre.

[4] Cette catégorie de services inclut les services de vidéos à la demande proposés à titre payant (à l’acte ou par abonnement) ou à titre gratuit, ainsi que les services de télévision de rattrapage (services proposés par les services de télévision qui permettent le visionnage à la demande des programmes diffusés sur ces services de télévision)

[5] Les services over the top délivrent de la vidéo, de l’audio ou d'autres médias sur Internet sans la participation d'un opérateur de réseau traditionnel (comme un fournisseur d’accès à Internet) dans le contrôle ou la distribution du contenu

[6] Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (Journal officiel n° L 298 du 17/10/1989 p. 0023/0030)

[7] https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0522:FIN:FR:HTML

 

[9] Citation du Conseil supérieur de l’audiovisuel issue du rapport de la mission d’information présenté par Aurore Bergé

[10] Etude du CSA sur l’utilisation du couloir dépendant par les éditeurs de services entre 2015-2017 – juin 2019

[11] Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005)

https://en.unesco.org/creativity/sites/creativity/files/2913_16_passport_web_f.pdf

[12] Les éditeurs de service, lorsqu’ils sont coproducteurs d’une œuvre ont ainsi accès aux recettes perçues par l’ANGOA –AGICOA, qui interviennent pour le compte des producteurs en tant que cessionnaires des droits d’exploitation des auteurs, en application des dispositions de l’article 11 bis (1) 2° de la Convention de Berne, et au titre du droit voisin spécifique au producteur d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles

[13] Les SMAD incluent les services de télévision de rattrapage (services proposés par les services de télévision et qui permettent la visualisation à la demande des programmes diffusés par ces services de télévision) et les services de vidéos à la demande, qu’ils soient proposés à titre payant à l’acte ou par abonnement ou à titre gratuit.

[14] Article 17 de la directive : « Les États membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent au moins 10 % de leur temps d’antenne, à l’exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat, ou alternativement, au choix de l’État membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants d’organismes de radiodiffusion télévisuelle. Cette proportion, compte tenu des responsabilités de l’organisme de radiodiffusion télévisuelle à l’égard de son public en matière d’information, d’éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés. Elle doit être atteinte en réservant une proportion adéquate à des œuvres récentes, c’est-à-dire des œuvres diffusées dans un laps de temps de cinq ans après leur production. ».

[15] Article 13.2 de la directive : « Lorsque les États membres exigent que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence contribuent financièrement à la production d'œuvres européennes, notamment par l'investissement direct dans des contenus et par la contribution à des fonds nationaux (…) ».

[16] Observatoire européen de l’audiovisuel - Mapping of national rules for the promotion of European works in Europe.

[17] Bilan annuel 2018 du CNC – mai 2019

[18] Observations du CSA effectuées en novembre 2017

[19] Hors télévision de rattrapage et vidéo à la demande gratuite

[20] Données CSA : l’assiette globale porte donc sur le CA 2016 et les dépenses sont celles effectuées en 2017

[21] « According to the survey and data gathering to support the Impact Assessment of a possible new legislative proposal concerning Directive 2010/13/EU (AVMSD) and in particular the provisions on cultural diversity, these costs vary substantially depending on the methods used to monitor compliance. To monitor compliance of TV broadcasters, most regulators obtain data directly from operators but often do not carry out a thorough verification of the data. In these cases, administrative costs for regulators are limited, and amount to around EUR 500 per year depending on the number of TV broadcasters and the hourly wages and time devoted. For those regulators that carry out a thorough verification, annual costs range from EUR 3 000 (e.g. in IE) and EUR 15 000 (e.g. in ES). For those carrying out internal monitoring, annual costs are between EUR 2 000 (in some Member States such as EE) and EUR 91 000 (in others such as FR). Finally, some Member States use specific software for the collection and transmission of data and/or the services of independent research companies for verification, which can lead to higher costs ».

[22] Loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

[23] Décision n° 91-304 DC du 15 janvier 1992.

[24] Décret du 28 décembre 2001 pris pour l'application des articles 27, 70 et 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des services autres que radiophoniques par voie hertzienne terrestre en mode numérique

[25] https://www.culture.gouv.fr/Nous-connaitre/Missions-et-consultations-publiques/Consultation-publique-sur-la-simplification-des-regles-relatives-a-la-publicite-televisee

[26] L’efficacité du placement de produit. L’ère du temps avec le soutien du SNPTV – 2010.

[27] Baromètre Public Impact / Publicis « Les Français et le Placement de Produits », janvier 2013.

[28] Les communications commerciales dans la révision de la directive SMA, OEA, 2017.

[29] Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Allemagne, Danemark, Estonie, Espagne, France, Hongrie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Suède et Royaume-Uni.

[30] L’apparition d’un pictogramme pendant une minute au début d’une émission et après chaque interruption publicitaire ainsi que pendant toute la durée du générique de fin, informe les téléspectateurs de l'existence d'un placement de produit. Lors de la diffusion d’un clip vidéo, le pictogramme apparaît pendant toute la durée de celui-ci.

[31] Etude sur le tissu économique du secteur de la production audiovisuelle. 3ème édition. CSA Les programmes de flux représentent 31% du volume des programmes (hors publicité, habillage et autopromotion) des grilles de 19 chaînes gratuites en 2017.

[32] Etude sur le poids économique et social de la filière audiovisuelle en France. EY pour le SPECT – 2017.

[33] Constituent des œuvres patrimoniales les œuvres d'expression originale française ou européennes de fiction, de documentaire de création, de captation et de récréation de spectacles vivants, et de vidéomusiques.

[34] Etude d’impact sur la directive SMA du 25/05/2016.

[35] Communication interprétative de la Commission relative à certains aspects des dispositions de la directive « Télévision sans frontières » concernant la publicité télévisée (2004/C 102/02) JOUE 28/04/2004.

[36] Brussels, 25.5.2016 - SWD(2016) 168 final : « Nowadays, the TV broadcasting specific rules are too rigid in a world where viewers are likely to switch to alternative offers, in particular without advertising. »

[37] Données de l’étude BUMP2019 (IREP, Kantar, France pub) et estimation sur données IREP pour la période 2000 à 2018.

[38] Données de l’étude BUMP2019 (IREP, Kantar, France pub) : recettes publicitaires totales dont les moteurs de recherche, les bannières et les autres leviers comme l’affiliation, l’emailing, les comparateurs.

[39] Etude du cabinet BCG pour la DGMIC en avril 2019.

[40] Guide 2019 du SNPTV : Dentsu Aegis, en partenariat avec Metrixlab et MMZ – le bêta de mémorisation – octobre 2018

[41] Admo.tv – 2018 : sur 150 annonceurs sur 2016 et 2018.

[42] Informations recueillies auprès des principaux sites marchands sur le montant agrégé des transactions réalisées par les principales sociétés prestataires de paiement. La permanence de la méthodologie et le traitement des données ont été validés par le cabinet KPMG.

[43] Le décret n°90-66 du 17 janvier 1990 définit l’œuvre audiovisuelle en son article 4 : « Constituent des œuvres audiovisuelles les émissions ne relevant pas d'un des genres suivants : œuvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d'information ; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; télé-achat ; autopromotion ; services de télétexte. ».

[44] CE, 16 mars 2005, Société Métropole Télévision M6, n° 265922

[45] Courrier du CSA à la chaîne TF1 du 11 décembre 2006.

[46] http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1292.asp

[47] http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/avisdec.php?numero=19A04

[48] Etude du CNC sur la diffusion des films à la télévision en 2017 – novembre 2018

[49] https://www.vodkaster.com/actu-cine/les-films-sont-il-vraiment-plus-longs/1276225

[50] https://www.tf1pub.fr/offres/grilles/TF1/TF1

[51] Rapport d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale présenté par Mme Aurore Bergé, rapporteure, du 4 octobre 2018.

[52] Note stratégique pour refonder la régulation audiovisuelle publiée le 11 septembre 2018.

[53] Avis n° 19-A-04 du 21 février 2019 relatif à une demande d’avis de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale

[54] Rapport public thématique de la Cour des comptes (avril 2014) : les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle : des changements nécessaires.

[55] Données fournies par la Direction des études, des statistiques et de la prospective du CNC en 2018 et août 2019.

[56] Source : CNC – Vertigo, enquête CinExpert, spectateurs 7 derniers jours, 15 ans et plus (issue de l’étude « le public du cinéma », parue en septembre 2019)

[57] Bilan 2018 du CNC - mai 2019

[58] Etude du CNC sur la diffusion des films à la télévision en 2017 – novembre 2018

[59] Etude du CNC sur la production cinématographique en 2018 – mars 2019

[60] La consommation illégale de vidéo en France - Médiamétrie - 2018

[61] Le piratage en France, 2ème édition, juin 2018

[62] Source : Médiamat annuel 2018, Médiamétrie.

[63] C’est-à-dire les programmes de rattrapage ou de vidéos à la demande.

[64] En brut. Guide des chaînes numériques, 15ème édition, avril 2017.

[65] Article 2 de loi du 14 octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

[66] Article 4 de la Décision du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 sur l’utilisation de la bande de fréquences 470-790 MHz dans l’Union.

[67] Les nouveaux formats adoptés par les chaînes TNT pourront être mis à disposition des autres plateformes dans le cadre des accords commerciaux entre éditeurs et distributeurs et, pour le service public, des dispositions prévues par la loi en matière de must-carry.

[68] Moderniser la plateforme TNT – Programme de travail, CSA Avril 2018

[69] Un simulcast analogique/numérique des chaînes historiques avait ainsi été effectué de 2005 à novembre 2011, date de l’extinction de l’analogique. Un autre simulcast de plusieurs grandes chaines aux formats SD (MPEG-2) / HD (MPEG-4) fut également réalisé entre 2008 et avril 2016, date d’extinction de la norme de codage MPEG-2.

[70] Le prix moyen d’un adaptateur TNT UHD en 2024 est difficile à estimer aujourd’hui, ce produit n’étant pas encore commercialisé sur le marché. En tout état de cause, ce prix pourrait être supérieur à celui d’un adaptateur TNT HD, vendu en France à partir de 20‑25 euros en 2016, compte tenu du fait que la France sera l’un des premiers pays européens à proposer des services TNT en UHD.  

[71] La dernière opération de migration de la TNT a eu lieu en 2016 à l’occasion du passage à la TNT HD et la généralisation du MPEG-4.

[72] Pour rappel, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication prévoit la sanctuarisation de la bande UHF jusqu’à 2030 ainsi qu’un rapport du Gouvernement au Parlement au moins 5 ans avant. La Conférence Mondiale des Radiocommunications de novembre 2019 (qui réunit tous les pays du monde sous l’égide de l’Union Internationale des Télécommunications) devrait lancer des études techniques et réglementaires visant à permettre l’ouverture, à la prochaine conférence de 2023, de la bande 470-694 MHz (utilisée pour la diffusion de la TNT en France) aux services mobiles. 

[73] Aujourd’hui seule une fraction minime du parc de téléviseurs serait compatible avec les nouvelles normes de la TNT, sur les 40 à 45 millions de récepteurs que compte le parc en France. Environ 4 à 5 millions de téléviseurs sont vendus chaque année en moyenne.

[74] Deux opérations similaires ont été menées par le passé : 1) l’extinction de la télévision analogique fin 2011 et la cession de la bande 800 MHz, après près de 7 ans de diffusion des chaînes de la TNT ; elle a coûté à l’Etat 100 millions d’euros, prélevés sur la vente des fréquences de la bande 800 MHz aux opérateurs mobiles. 2) La généralisation de la HD en avril 2016 et la cession de la bande 700 MHz (par le passage de la norme de codage MPEG-2 au MPEG-4), 8 ans après le lancement des premières chaînes HD. Cette opération a coûté plusieurs dizaines de millions d’euros à l’Etat et a été financée par la vente de fréquences aux opérateurs mobiles.

[75] CSA, Février 2018. Préparer l’avenir de la plateforme TNT. Consultation publique & Rapport final

[76] Article 19 de la loi n°2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

[77] Article 48. 3. Les procédures peuvent, exceptionnellement, ne pas être ouvertes lorsque l’octroi de droits d’utilisation individuels du spectre radioélectrique aux fournisseurs de services de contenus de radio ou de télévision est nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général fixé par les États membres conformément au droit de l’Union.

[78] https://www.csa.fr/Arbitrer/Consultations-publiques/Consultations-publiques-sur-l-acceleration-du-deploiement-de-la-RNT-et-l-avenir-de-la-plateforme-TNT/Consultation-publique-sur-l-avenir-de-la-plateforme-TNT

[79] CSA, Février 2018. Préparer l’avenir de la plateforme TNT. Consultation publique & Rapport final https://fr.calameo.com/read/0045398758c3131af8321?page=1

[80] https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/eurobarometer-internet-users-preferences-accessing-content-online

[81] Au terme du régime de responsabilité limitée qui bénéfice à un service pouvant être qualifié d’hébergeur, le service ne peut pas voir sa responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services s’il n'avait pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où il en ont eu cette connaissance, il a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. Et il ne peut voir sa responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services s’l n'avait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible. Dans sa décision n°2004-496 du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation au terme de laquelle ces  « dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonnée par un juge ».  Dans sa décision C‑324/09 L’Oéal du 12 juillet 2011 qui concernait un exploitant de place de marché en ligne, la Cour de de Justice a précisé que le statut de l’hébergeur ne peut bénéficier qu’à la plateforme dont l’activité est de nature purement technique et automatique, un tel rôle neutre étant exclu dans le cas où l’exploitant prête une assistance consistant notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir ces offres. Dans une affaire C-18/18, qui concernait des contenus portant atteinte à l’honneur d’une personne téléversés sur un réseau social et interrogeait la Cour sur la portée des injonctions pouvant être ordonnées par le juge pour faire cesser leur diffusion à l’encontre d’un hébergeur couvert par l’article 14, la Cour a pu adopter une décision sur la base des prémisses que le réseau social Facebook était un hébergeur.

[82] Cf. en particulier  pour la France Civ 1 17 février 2011 Société Nord Ouest films/Dailymotion ; voir également TGI Paris 29 janvier 2015 Kare Productions/Youtube. En Italie, voir Cour de Rome RTI v TMFT/Break Media 27 avril 2016 cité dans l’étude d’impact de la Commission.

[83] Cf considérant 62 de la directive (« La définition du fournisseur de services de partage de contenus en ligne prévue par la présente directive ne devrait cibler que les services de partage de contenus en ligne qui jouent un rôle important sur le marché des contenus en ligne en étant en concurrence pour les mêmes publics avec d’autres services de contenus en ligne, comme les services de diffusion audio et vidéo en flux continu »). Toutefois, comme également indiqué par la directive, la solution posée par l’article 17 est sans préjudice de la possibilité de voir reconnaitre d’autres services comme effectuant également des actes relevant du droit d’auteur (cf. considérant 64).

[84] A cet égard, la directive précise que la recherche d’audience supplémentaire permise par l’organisation et la promotion des œuvres et objets protégées constitue une activité à des fins de profit (voir le considérant 62).

[85] Si l’article 17 renvoie de façon expresse aux seuls titulaires des droits mentionnés à l’article 3 de la directive 2001/29, aux termes de l’article 15 de la directive 2019/790 qui consacre le droit voisin des éditeurs et des agences de presse, les titulaires de droits  se voient conférer  les droits prévus à l'article 2 et à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/29/CE pour l'utilisation en ligne de leurs publications de presse par des fournisseurs de services de la société de l'information.

 

[86] V. en ce sens l’arrêt Mc Fadden C-484/14 et l’arrêt Laserdisken, C‑479/04 de la Cour de justice.

[87] Cf. en particulier aux Etats unis, où la section 512 du Digital Millenium Copyright Act de 1998 qui avait précédé l’adoption de la directive 2000/31 Communication Commerce Electronique, établit un principe de responsabilité limitée des plateformes en présence de contenus non autorisés mis en ligne par leurs utilisateurs. 

[88] Article 5 3) d) et k).

[89] Voir article L122-5 3°a) et 4) du code la propriété intellectuelle et article L211-3 3° et 4°du CPI.

[90] Cf. considérant 66 de la directive.

[91] En précisant que la question des coûts des mesures pour les fournisseurs de services est un élément à prendre en compte dans la détermination du caractère proportionné des mesures que doit être amené à prendre un fournisseur de service pour limiter sa responsabilité (paragraphe 4 de l’article 17), la directive prévoit clairement que les coûts de ces  mesures sont à la charge des fournisseurs de services,. Pour autant, des coûts peuvent également exister à la charge des titulaires de droits ne serait-ce qu’en lien avec la préparation et la fourniture des éléments nécessaires et pertinents à l’identification de leurs  œuvres et objets protégés, ou la mise en œuvre  les dispositifs de recours initiés par  l’utilisateur prévus par la directive et transposés dans le cadre du projet de loi.

[92] Voir sur ce point le rapport de la mission confiée à Olivier Japiot par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, « La protection du droit d’auteur sur les plateformes numériques : les outils existants, les bonnes pratiques et les limites », 19 décembre 2017, page 25 (https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Propriete-litteraire-et-artistique/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique/Travaux/Missions/Mission-du-CSPLA-sur-les-outils-de-reconnaissance-des-aeuvres-sur-les-plateformes-en-ligne)

[93] A titre d’exemple, pour assurer la protection ou la monétisation de leur catalogue par les plateformes en ligne, les sociétés de gestion collective peuvent utilement s’appuyer sur les éléments fournis (fichiers ou empreintes) par les producteurs de phonogrammes, les librairies musicales ou éventuellement les créateurs lorsque ces derniers s’autoproduisent. 

[94] Etant précisé que, même si la directive ne le prévoit pas expressément, il ne saurait être raisonnablement attendu des fournisseurs de services qu’ils contactent l’intégralité des titulaires de droits sur des œuvres et objets protégés présents sur leur service et téléversés par leurs utilisateurs, et en particulier ceux dont ils ne pourraient avoir raisonnablement connaissance.

[95] Cette question de la disponibilité des outils est notamment abordée dans le cadre du rapport précité du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique et l’étude d’impact de la Commission en lien avec la préparation de la directive. Une revue complémentaire est en cours dans le cadre de la mission conjointe HADOPI/CNC lancée avec le CSPLA (voir paragraphe suivant « impact sur les services administratifs »).

[96] Rapport sur les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct illicites de Mireille Imbert-Quaretta, Présidente de la Commission de Protection des Droits de la Hadopi  (https://hadopi.fr/ressources/etudes/rapport-les-moyens-de-lutte-contre-le-streaming-et-le-telechargement-direct) Ce rapport é été suivi d’une mission confiée par la ministre de la culture et qui a permis d’approfondir les pistes du premier rapport (https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Outils-operationnels-de-prevention-et-de-lutte-contre-la-contrefacon-en-ligne)

[97] https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Propriete-litteraire-et-artistique/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique/Travaux/Missions/Mission-du-CSPLA-sur-les-outils-de-reconnaissance-des-contenus-proteges-par-les-plateformes-de-partage-en-ligne-etat-de-l-art-et-propositions

https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Industries-culturelles/Actualites/Remise-a-Aurelie-Filippetti-du-rapport-de-Mireille-Imbert-Quaretta-sur-les-outils-operationnels-de-prevention-et-de-lutte-contre-la-contrefacon-en

[98] Cette mission a été consacrée dans le cadre de la transposition en droit français de la directive 2001/29, qui, tout en exigeant la protection par les Etats membres des mesures techniques de protection efficaces, prévoit la mise en place de mesures appropriées pour assurer que les bénéficiaires des exceptions ou limitations prévues par le droit national conformément à l'article 5, paragraphe 2, points a), c), d) et e), et à l'article 5, paragraphe 3, points a), b) ou e), puissent bénéficier desdites exceptions ou limitations (article 6.4 de la directive).

[99] Dans le cadre de la loi américaine Digital Millenium Copyright Act largement appliquée par les plateformes internationales, les utilisateurs qui voient leur contenu retiré ont la possibilité de saisir la plateforme d’une « contre notification » par laquelle ces utilisateurs font valoir leur opposition au retrait de leurs contenus. A titre d’exemple, dans son rapport sur ses pratiques mises en œuvre pour lutter contre la contrefaçon de 2018 (How Google fights piracy), il est indiqué qu’en 2017, Youtube a reçu 150 000 contre notifications correspondant à un nombre de vidéos supérieur à 200 000, ce nombre devant être mis en perspective avec les 400 heures de vidéos téléversées par les utilisateurs chaque minute sur la plateforme Youtube. . Par ailleurs, dans le cadre de la mission CSPLA-CNC-HADOPI précédemment citée, la HADOPI évalue à environ 3% le nombre d’internautes ayant déjà contesté une mesure de blocage.

[100] En droit civil, l’ordre public est défini à la lueur de l’article 6 du code civil comme une norme impérative, parce qu’elle protège une valeur fondamentale, à laquelle les conventions particulières ne peuvent pas déroger sous peine de nullité.

[101] Le sous-exploitant est le bénéficiaire du contrat par lequel l’exploitant initial d’une œuvre (cessionnaire ou licencié) lui a transféré les droits d’exploitation portant sur l’œuvre.

[102]  Cour d'appel de Paris, 9 octobre 1995: RIDA avr. 1996, p.311 (L’article L. 131-4 qui énonce que la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre doit comporter à son profit la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation est d’ordre public et s’impose aux parties à un contrat de cession de droits d’auteur (…) La loi limite la liberté contractuelle des parties à la fixation du taux de la participation proportionnelle ; c’est en vain que l’exploitant fait référence à la théorie générale des contrats pour tenter de contourner la règle »).

[103]  Analyse d’impact concernant la modernisation des règles de l'UE en matière de droit d'auteur accompagnant le document « Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique », 14 septembre 2016, SWD(2016) 301 final.

[104]  Analyse d’impact concernant la modernisation des règles de l'UE en matière de droit d'auteur accompagnant le document « Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique », 14 septembre 2016, SWD(2016) 301 final.

[105]  “Intellectual property rights intensive industries: contribution to economic performance and employment in the European Union. Industry-Level Analysis Report”. A joint project between the European Patent Office and the Office for Harmonization in the Internal Market, September 2013. 

[106]  Eurostat data 2012. 

[107]  Étude « Irdeto Global Consumer Piracy Survey Report » (https://resources.irdeto.com/irdeto-global-consumer-piracy-survey/irdeto-global-cusumer-piracy-survey-report, accès le 05/07/2017)

[108]  En juin 2011, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) s’est ainsi opposée à la labellisation de diverses plateformes de vidéo à la demande, telles VidéoFutur, Vodéo, Iminéo ou UniversCiné, au motif qu’elles n’étaient pas autorisées à exploiter son répertoire musical. Seules deux plateformes de vidéo à la demande, Orange et Video@volonté ont pu obtenir le label « PUR » de la HADOPI.

 La labellisation, en septembre 2011, de la plateforme Fotolia spécialisée dans la vente d’images et de vidéos « libres de droits » a également provoqué une « levée de boucliers » dans le secteur de la photographie : une pétition a été lancée par l’Union des Photographes Professionnels (UPP), soutenue par divers organismes de défense des droits des auteurs,  afin d’obtenir le retrait de ce label. D’un point de vue juridique, il était reproché à la HADOPI d’avoir labellisé la plateforme alors que, d’une part, les licences Fotolia, soumises au droit américain, sont consenties dans des termes qui ne respectent pas les principes du droit d’auteur français et, d’autre part, il est impossible de certifier la légalité de treize millions d’images.

[109]  La Commission de protection des droits est composée de trois membres titulaires et de trois membres suppléants désignée par le premier président de la Cour de cassation, le vice-président du Conseil d’Etat et le premier président de la Cour des comptes et nommés par décret.

[110]  Cette baisse s’est poursuivie eu premier trimestre 2019 avec l’envoi de 236 693 premières recommandations envoyées par la Haute Autorité contre 381 744 pour la même période en 2018.

[111] Deux projets de spécifications fonctionnelles ont ainsi été soumis à consultation publique en 2010 et 2011. Toutefois, aucune version finalisée des spécifications fonctionnelles n’a été publiée ni aucun moyen de sécurisation labellisé par la HADOPI à ce jour. En effet, les travaux exploratoires conduits par la HADOPI ont mis en évidence les difficultés posées pour concilier la mise en œuvre de cette procédure et le respect de certains équilibres essentiels tels que :

- veiller à ce que les spécifications fonctionnelles garantissent la labellisation de moyens non invasifs, respectueux des droits des internautes et ne mettant pas en place des contrôles pouvant s’apparenter à des mesures de filtrage ;

- veiller à ne pas favoriser certains acteurs existants ou à créer des barrières à l’entrée du marché économique.

[112]  Tribunal de grande instance de Paris, jugement rendu en la forme des référés, 28 novembre 2013 – n° 11/60013.

[113]  « Outils opérationnels de prévention et de lutte contre la contrefaçon en ligne ».

[114] Selon le rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles du Ministère de la culture, « Exception handicap au droit d’auteur et développement de l’offre de publications accessibles à l’ère numérique » de mai 2013, on estime qu’entre 3 000 et 4 000 titres sont rendus accessibles par an, alors que les titres publiés sont d’un peu plus de 80 000 (82 313 en 2018), d’après le nombre d’entrées relevées au titre du Dépôt légal par le département dédié de la Bibliothèque Nationale de France (BnF).

[115] Le système pair à pair (« peer to peer » en anglais, ou P2P en abrégé) permet à plusieurs ordinateurs de communiquer entre eux via un réseau en y partageant des objets tels que par exemple des fichiers. L'utilisation d'un tel système se fait à l'aide d'un logiciel spécifique qui permet le partage de fichiers.

[116] Vague 2018 du baromètre de notoriété de la HADOPI et de la réponse graduée.

[117]  « Les citoyens européens et la propriété intellectuelle : perception, sensibilisation et comportement », 23 mars 2017.

[118]  O. Japiot et L. Durand-Viel : Rapport de la mission d’étude sur les outils de reconnaissance des contenus protégés par le droit d’auteur sur les plateformes numériques, décembre 2017.

[119]  Étude réalisée en septembre 2018 pour la Hadopi via l’omnibus online de l’Ifop auprès des internautes de 15 ans et plus.

[120]  Ils peuvent notamment saisir la HADOPI lorsqu’ils ne parviennent pas à trouver légalement une œuvre qu’ils souhaitent consulter, laquelle prend alors en charge les recherches et sollicite éventuellement les titulaires de droits pour parvenir à une solution.

[121]  L’article 230-46 du Code de procédure pénale issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice vient compléter et modifier l’enquête sous pseudonyme. Cette procédure est désormais applicable pour constater les crimes et les délits punis d’une peine d’emprisonnement sans seuil particulier commis par la voie des communications électroniques.

[122] Dans le jugement « Allostreaming » du 28 novembre 2013 précité, le tribunal de grande instance de Paris a également envisagé l’intervention d’une autorité publique au soutien des ayants-droit. Le jugement précise « qu’en l’état de la législation applicable, la présente juridiction ne dispose d’aucun moyen lui permettant de contrôler l’exécution de sa décision (...) par l’intermédiaire d’un agent public qui en aurait la charge ».

[123] Dans le jugement Allostreaming du 28 novembre 2013, le juge a invité les demandeurs à le saisir en la forme des référés de toute évolution du litige, afin d’actualiser les mesures prononcées. Le juge a néanmoins expressément évoqué l’hypothèse d’une actualisation du blocage ou du filtrage par la voie d’un accord entre les parties (« Sous réserve d’un meilleur accord des parties »).

[124] CNC et CSA, « La vidéo à la demande par abonnement en France : marché et stratégies des acteurs », mai 2018.

[125] IDATE, Marché mondial de l’audiovisuel, décembre 2017.

[126] Rapport CSA CNC précité.

[127] Le paysage des structures adaptatrices est largement dominé par la présence d’associations (70 %) puis de collectivités ou d’établissements publics (24 %) et les fondations ou coopératives.

[128]  « La consommation illégale de vidéos en France », étude Mediamétrie-ALPA, juillet 2019.

[129] https://hadopi.fr/ressources/etudes/etude-la-consommation-illicite-de-programmes-tv-en-direct.

 

[130] Audition du président et du directeur général du groupe Canal Plus par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale (http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/cr-cedu/15-16/c1516040.pdf).

 

[131] La Cour de justice de l’Union européenne a précisé, dans un arrêt du 4 octobre 2011 (affaire « Murphy ») que la ligue de football anglaise ne pouvait revendiquer aucun droit d’auteur sur les matchs de football, ceux-ci « n’étant pas qualifiables d’œuvres ». La même décision laisse en revanche la voie ouverte à d’autres types de protections.

 

[132] Art. L. 331-9 du CPI : « Les éditeurs et les distributeurs de services de télévision ne peuvent recourir à des mesures techniques qui auraient pour effet de priver le public du bénéfice de l'exception pour copie privée, y compris sur un support et dans un format numérique, dans les conditions mentionnées au 2° de l'article L. 122-5 et au 2° de l'article L. 211-3.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au respect des obligations du premier alinéa dans les conditions définies par les articles 42 et 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Lorsqu'un distributeur d'un service de radio ou de télévision met à disposition un service de stockage mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 311-4, une convention conclue avec l'éditeur de ce service de radio ou de télévision définit préalablement les fonctionnalités de ce service de stockage.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou un distributeur des services de tout différend relatif à la conclusion ou à l'exécution de la convention mentionnée à l'avant-dernier alinéa du présent article et rendre une décision dans les conditions définies à l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée. »

[133] La commission de régulation de l’énergie, avec 6 membres, est la seule autre autorité dont le collège soit entièrement composé de membres à temps plein. L’autorité de la concurrence, l’ARAFER et le défenseur des droits comprennent un président et deux à quatre vice-présidents à plein temps, aux côtés de membres à temps partiel, et toutes les autres autorités sont composées de membres à temps partiel, à l’exception, dans la majorité des cas, de leur président. La FCC et l’AGCOM comptent cinq membres à temps plein. Le Board de l’Ofcom britannique compte 10 membres, dont 9 non exécutifs à temps partiel.

[134] L’Hadopi a reçu en moyenne 57 780 procès-verbaux d’infractions par jour en 2018.

[135] Trois désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture et deux autres désignées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat.

[136] Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009

[137] Article L.335-7-1 et R. 335-5 du CPI.

[138] La dernière réflexion la plus aboutie était intervenue fin 2012 dans le cadre de la réflexion du Premier ministre sur l’évolution de la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques. Au vu notamment des positions alors exprimées par le CSA et l’ARCEP, le Gouvernement avait alors écarté l’hypothèse d’une fusion. Les coopérations institutionnelles renforcées envisagées par les deux autorités n’ont pas pour autant été mises en place.

https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Travaux-Autres-publications/Rapports-au-gouvernement.-parlement.-etc/Contribution-du-CSA-a-la-reflexion-sur-l-evolution-de-la-regulation-de-l-audiovisuel-et-des-communications-electroniques

https://archives.arcep.fr/fileadmin/reprise/communiques/communiques/2012/evolution_regulation_internet_audiovisuel-oct2012.pdf

[139] Art. L. 41 du code des postes et communications électroniques et art. 21 de la loi n° 86-1067 du 30 sept. 1986 relative à la liberté de communication.

[140] Décret du 26 janvier 2015 portant nomination de membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel, JORF n°0023 du 28 janvier 2015 page 1259 texte n° 40.

[141] Le « paquet télécoms » est constitué de 5 directives :

 

[142] Haut débit + téléphonie + télévision sur IP

[143] Décision n° 2017-187 du CSA du 29 mars 2017, Molotov c/ NRJ.

[144] La décision du 8 juillet 2008, sur un différend entre AB Sat et M6 (à laquelle le CSA avait enjoint de présente une proposition commerciale de distribution), deux décisions du 17 décembre 2009 et une du 9 novembre 2011, sur des différends opposant respectivement NRJ12 et BFM TV à Canal+ Distribution et France Télévisions et Numéricâble concernant le plan de numérotation. Dans la première affaire, le Conseil d’Etat a jugé que lorsque le CSA est saisi d’un différend en l’absence de toute relation contractuelle ou de toute offre de contrat, ne dispose du pouvoir de prononcer une telle injonction de faire une offre de contrat que, (i) d'une part, envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou, (ii) d'autre part, lorsqu'une telle injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences du service public, à la protection du jeune public, à la liberté de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes (Conseil d’Etat, 5/4, 7 décembre 2011, Société Métropole Télévision, n° 321349).

[145] Selon le rapport de l’ARCEP sur l’Etat d’internet en France en 2018, Netflix représentait à la fin de 2017 14 % du trafic internet en France et Google (dont Youtube) 19 %. Netflix comptait alors environ 3 millions d’abonnés. Il a passé la barre des 5 millions en février 2019.

 

[146] Smart TV, télévision connectée par le décodeur des FAI, par la console de jeux ou par un boitier tiers.

[147] Internet Protocol Television, reçue par les réseaux xDSL, câble par abonnement et fixe.

[148] Cour de cassation, chambre commerciale, 13 juillet 2010, Free et SFR, n° 09-66970.

[149] Déclarée au CSA comme distributeur de services et à l’ARCEP comme opérateur de communications électroniques.

[150] Rapport sur la politique de la concurrence – avril 2019

[151] « Unlocking digital competition » - mars 2019

[152] « Competition policy for the digital era » -avril 2019

[153] La gestion des API (ou API Management) est le processus qui consiste à publier, promouvoir et superviser les interfaces de programmation d'applications - ou API (Application Programming Interface) - au sein d'un environnement sécurisé et évolutif. Cette discipline implique la création de ressources d'assistance à l'utilisateur, qui définissent et documentent les API.

[154] Exploitants ou fournisseurs de systèmes d’accès sous condition, détenteur des droits de propriété intellectuelle sur ces systèmes.

[155] Les distributeurs de services sont définis à l’article 2.1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication: « Pour l’application de la présente loi, les mots : « distributeur de services » désignent toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. Est également regardée comme distributeur de services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d’autres distributeurs. »

 

[156] 3ème alinéa du I de l’art. L.36-8 du code des postes et des communications électroniques : « En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant le secteur des communications électroniques, l'autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner des mesures conservatoires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux. Ces mesures doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence. »

[157] Art. L. 134-22 du code de l’énergie : « En cas d'atteinte grave et immédiate aux règles régissant l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou à leur utilisation, le comité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner les mesures conservatoires nécessaires en vue notamment d'assurer la continuité du fonctionnement des réseaux. Ces mesures peuvent comporter la suspension des pratiques portant atteinte aux règles régissant l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation. »

[158]  Cf. l’étude d’impact sur les articles 39 et 40.

[159] Septième alinéa de l’article L. 5-9 du code des postes et des communications électroniques (CPCE).

[160] Rapport annuel du CSA au titre de l’année 2013. https://www.csa.fr/var/ezflow_site/storage/csa/rapport2013/donnees/rapport/propositions.htm#t6

[161] 17 juin 2015, Société Métropole Télévision, n°385474 et Société La Chaîne Info, n°384826.

[162] CE, Sect., 17 novembre 2006, Société CNP Assurances, n° 276929 (Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance – CCAMIP – désormais Autorité de contrôle prudentiel).

[163] CE, 9 novembre 2007, Société Bourse Direct SA, n° 298911, CE, 3 février 2017, n° 387581.

[164] CE, 28 septembre 2016, Théâtre national de Bretagne, n° 389448 ;

[165] CE, 24 septembre 2018, M. B, n° 416526.

[166] CE, 15 avril 2016, Société Guadeloupe Téléphonie mobile, n° 338344.

[167] CE, 9 novembre 2007, Société Bourse Direct SA, n° 298911.

[168] Cons. const., décision n° 2013-329 QPC du 28 juin 2013.

[169] L’article L. 3452-4 du code des transports dispose que : « Une publication de la sanction administrative prévue par les articles L. 3452-1 et L. 3452-2 est effectuée dans les locaux de l'entreprise sanctionnée et par voie de presse. »

[170] Il s’agit de la première décision du Conseil constitutionnel relative à la publication des décisions de sanction d’une autorité administrative. La portée de la solution n’est pourtant pas nouvelle : le Conseil constitutionnel avait adopté une approche similaire dans des décisions relatives à la publication d’un jugement. Voir le commentaire de cette décision :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2013329qpc/ccc_329qpc.pdf

[171] Rec. CC, p. 18 ; Grande décision n° 42, p. 713. « CSA » ; Grands arrêts du droit de l’audiovisuel, 1991, n° 51, p. 331 ; RFDA 1989, p. 215 B. Genevois : « Le Conseil constitutionnel et la définition des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel »

[172] V. par exemple : Conseil d’Etat, 22 octobre 2010, Société Vortex, n°s 324614 et 329280 : délai de 4 ans entre la mise en demeure et la sanction ; Conseil d’Etat, 17 décembre 2018, association Comité de défense des auditeurs de radio solidarité, n° 416311 : délai de 5 ans entre la mise en demeure la plus ancienne et la sanction ; Conseil d’Etat, 18 juin 2018, Société C8, n° 414532 : délai de 7 ans et 4 mois entre la mise en demeure et la sanction.

[173] Conseil d’Etat, 22 octobre 2010, Société Vortex, n°s 324614 et 329280 et Conseil d’Etat, 17 décembre 2018, association Comité de défense des auditeurs de radio solidarité, n° 416311.

[174] « Dès qu'il en a connaissance, le directeur général transmet au rapporteur toute réclamation ou toute information relative à des faits susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction », – c’est-à-dire tout fait juridiquement de même nature que celui qui a déjà fait l’objet d’une mise en demeure.

[175] Certes, les mises en demeure du CSA comportent également un délai de mise en conformité (par exemple la mise en demeure adressée à une radio de fournir son bilan sous 15 jours). Mais le non-respect de ce délai n’a pas la même conséquence dès lors qu’il ne peut donner lieu à une procédure de sanction au regard du principe d’impartialité explicité à l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986. Seule la réitération du manquement visé par la mise en demeure pourra justifier l’ouverture d’une procédure de sanction.

[176] Son article 1er réserve à la loi le pouvoir de créer des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et étend son domaine à la fixation des règles relatives à leur composition et à leurs attributions ainsi qu’à celle des principes fondamentaux relatifs à leur organisation et à leur fonctionnement.

[177] Avant même l’entrée en vigueur de la loi organique du 20 janvier 2017, le Conseil constitutionnel avait jugé à plusieurs reprises que le législateur était compétent pour octroyer un pouvoir de sanction aux AAI et assortir ce pouvoir de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis (CC, décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, loi relative à la transparence et à la sécurité du marché financier et CC décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication).

[178] CC, décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication et CC, décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

[179] CE, Sect., 23 avril 1997, Société France 2, n° 162797.

[180] Décision n° 2013-359 QPC du 13 décembre 2013, Sociétés Sud Radio Services et Sud Radio Plus, cons.6.

[181] CE, 28 septembre 2016, Théâtre national de Bretagne, n° 389448 (s’agissant de la CNIL) ; CE, 19 mai 2017, M. B et Société Global Patrimoine Investissement, n° 401804 (s’agissant de l’AMF).

[182] Considérant n° 44

[183] En distinguant les codes adoptés au niveau national et ceux adoptés au niveau de l’Union européenne.

 

 

[186] Union syndicale de la production audiovisuelle, Syndicat des producteurs indépendants et Syndicat des producteurs de films d'animation.

[187] Syndicat des auteurs et compositeurs dramatiques.

[188] Union des marques (ex Union des annonceurs), Syndicat national de la publicité télévisée et Association nationale des industries alimentaires.

[189] Association des Agences-Conseil en Communication.

[190] Brussels, 25.5.2016 - SWD(2016) 168 final

[191] Considérant n° 12

[192] Rapport au Parlement en application de l'article 14 de la loi du 30 septembre 1986 sur l'application de la charte alimentaire - Octobre 2018

[193] Source : Kantar, hors parrainage et chaînes non valorisées

[194] https://eu-pledge.eu/

[195] http://www.lefigaro.fr/flash-eco/le-geant-nestle-va-adopter-le-nutri-score-au-niveau-europeen-20190626

[196] L'impact du marketing sur les préférences alimentaires des enfants Marine Friant-Perrot, université de Nantes et Amandine Garde, université de Liverpool - Rapport pour l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) 15 septembre 2014.

[197] Longitudinal associations between television in the bedroom and body fatness in a UK cohort study - A Heilmann, P Rouxel, E Fitzsimons, Y Kelly and RG Watt - International Journal of Obesity (2017) 41, 1503–1509.

 

[198] Directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels)

[199] Directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle

[200] Interrogée par le CSA qui souhaitait interdire la diffusion de programmes pornographiques en France en 2002 sur l’interprétation de l’article 27, la Commission européenne avait toutefois estimé qu’il appartenait à chaque Etat membre de définir la notion de programmes prohibés. Cette interprétation avait conduit à distinguer les programmes dont la diffusion était licite de ceux qui ne l’étaient pas. Dans sa recommandation du 7 juin 2005, le CSA interdit de toute diffusion « Les programmes attentatoires à la dignité de la personne humaine, notamment les programmes qui sont consacrés à la représentation de violences et de perversions sexuelles, dégradantes pour la personne humaine ou qui conduisent à son avilissement, sont interdits de toute diffusion. Il en est de même des programmes à caractère pornographique mettant en scène des personnes mineures ainsi que des programmes d'extrême violence ou de violence gratuite. »

[201] Recommandation du 7 juin 2005 aux éditeurs de services de télévision concernant la signalétique jeunesse et la classification des programmes, délibération du 20 décembre 2011 relative à la protection du jeune public, à la déontologie et à l’accessibilité des programmes sur les services de médias audiovisuels à la demande, recommandation du 15 décembre 2004 aux éditeurs et distributeurs de services de télévision diffusant en métropole et dans les départements d'outre-mer des programmes de catégorie V.

[202] La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa version d’origine prévoyait déjà que la Commission nationale de la communication des libertés (CNCL) « veille à la protection de l’enfance et de l’adolescence dans la programmation des émissions diffusées par un service de communication audiovisuelle. ».

[203] Art. 421-2-5 du code pénal : « Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.

Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

[204] Art. 421-2-5-1 du code pénal : « Le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes afin d'entraver, en connaissance de cause, l'efficacité des procédures prévues à l'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ou à l'article 706-23 du code de procédure pénale est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. »

[205] A l’exception de ceux interdits de toute diffusion, cf. note 1.

[206] Art. 43-1 : « Tout éditeur d’un service de communication audiovisuelle tient en permanence à la disposition du public :

1° Sa dénomination ou sa raison sociale, son siège social, le nom de son représentant légal et de ses trois principaux associés ;

2° Le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction ;

3° La liste des publications éditées par la personne morale et la liste des autres services de communication audiovisuelle qu’elle assure ;

4° Le tarif applicable lorsque le service donne lieu à rémunération. »

[207] Article 5 de la directive 2010/13/UE : « Les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence offrent aux destinataires du service un accès facile, direct et permanent au moins aux informations suivantes :

a) le nom du fournisseur de services de médias ;

b) l'adresse géographique à laquelle le fournisseur de services de médias est établi ;

c) les coordonnées du fournisseur de services de médias, y compris son adresse de courrier électronique ou son site Web, permettant d'entrer rapidement en contact avec lui d'une manière directe et efficace ;

d) le cas échéant, les organismes de régulation ou de supervision compétents. »

[208] Art. 5 : « d) l'État membre compétent pour lui ainsi que les autorités ou organismes de régulation compétents ou les organismes de contrôle compétents. »

 

[209] A l’instar du guide des chaînes numériques, publiée en partenariat avec le ministère de la Culture, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), l’Association des chaînes conventionnées éditrices de services (ACCeS) et le Syndicat National de la Publicité TéléVisée (SNPTV). 

https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Panorama-Toutes-les-etudes-liees-a-l-ecosysteme-audiovisuel/Le-guide-des-chaines-numeriques/Guide-des-chaines-2019

 

[210] Pour la France, le capital est détenu à 49 % par France Télévisions, à 12,64 % par France Médias Monde, à 3,29% par ARTE-France et à 1,74 % par l’INA.

[211] La société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, créée en 2009, fut nommée « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF). Elle a été rebaptisée France Médias Monde le 27 juin 2013.

[212] TV5 Afrique, TV5 Asie, TV5 Pacifique, TV5 Europe, TV5 Orient, TV5 France-Belgique-Suisse, TV5 États-Unis, TV5 Amérique latine et TV5 Brésil

[213] Dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, les présidents des sociétés nationales de programme transmettent au président de chaque assemblée parlementaire et à la commission des affaires culturelles de ces mêmes assemblées un rapport d’orientation ; sur la base de ce rapport, les commissions parlementaires peuvent procéder à l’audition des présidents des sociétés nationales de programme ; le CSA rend, quatre ans après le début de leur mandat, un avis motivé, transmis aux commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur les résultats des sociétés, au regard du projet stratégique qui lui avait été présenté par le candidat lors du processus de sélection.

[214] Articles 17-1, 34 et 34-2.

[215] Nonobstant les dispositions particulières de l’article L. 167-1 du code électoral et de l’article 19 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.

[216] (2009/C 257/01).

[217] Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 25 janvier 1999 (JO C 30 du 5.2.1999, p. 1).

[218] Convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, approuvée par décision du Conseil 2006/515/CE du 18 mai 2006 : La convention dispose que chaque partie peut adopter « des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire », mesures qui peuvent inclure « les mesures qui visent à promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion ».

[219] Recommandation CM/Rec(2007)2 du Comité des ministres aux États membres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias, adoptée le 31 janvier 2007 lors de la 985ème réunion des délégués des ministres.

[220] Recommandation CM/Rec(2007)3 du Comité des ministres aux États membres sur la mission des médias de service public dans la société de l'information, adoptée le 31 janvier 2007 lors de la 985ème réunion des délégués des ministres.

[221] L’intérêt de ce dispositif était, selon les commentateurs de l’époque, « de permettre aux [entreprises publiques du secteur audiovisuel], confrontées à la concurrence des sociétés privées dont les objectifs sont prévus sur les dix années de la durée de l’autorisation, d’être suffisamment armées pour satisfaire les attentes des téléspectateurs ». Bertrand Delcros & Florence Nevoltry, Le Conseil supérieur de l’audiovisuel – Fondement politique et analyse juridique, Coll. Légipresse, 1989.

[222] Extrait du rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi (n°s 1187-1541) modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, par M. Didier Mathus, Député : « L'ensemble des grands établissements publics et entreprises publiques sont aujourd'hui liés à l’État par des contrats de plan, des contrats d’entreprises ou des contrats de progrès […] Des contrats de plan plusieurs fois renouvelés et d’une durée moyenne de trois ans lient ainsi l'État à Électricité de France depuis 1996, à France Telecom depuis 1991 et à La Poste depuis 1995. Des contrats d'objectifs renommés “contrat de service public” établissent le même type de lien avec Gaz de France depuis 1991, et l’État a signé en 1996 un “Pacte de modernisation” avec la SNCF ».

[223] Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public.

[224] Sont considérés comme des dispositifs assimilés les matériels ou dispositifs associant plusieurs matériels connectés entre eux ou sans fil et permettant les réceptions de signaux, d’images ou de sons, par voie électromagnétique. Ainsi, les magnétoscopes, lecteurs ou enregistreurs DVD, vidéoprojecteurs équipés d’un tuner sont inclus dans le champ de la CAP lorsqu’ils sont associés à un écran ou tout autre support de vision (par exemple un écran souple accroché au mur).

[225] A savoir les établissements disposant d’une licence 2, 3 ou 4.

[226] Les dégrèvements pour droits acquis ont été mis en place au bénéficice des personnes âgées de 65 ans au 1er janvier 2004 et bénéficiaires d'une exonération de contribution à l'audiovisuel public avant 2005, en vue de maintenir l’effet de cette exonération. Ce régime des droits acquis s'applique sous réserve de remplir les conditions suivantes : être non imposable à l'impôt sur le revenu en 2018 ; ne pas être soumis à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2018 ; occuper le logement seul, en couple ou avec une personne dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas certains seuils fixés par la loi.

 

[227] Cons. const. déc. n° 89-259 DC du 26 juillet 1989, Loi n° 86-1067 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

[228] Procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

[229] Cons. const. déc. n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

[230] Idem.

[231] Source : Étude de législation comparée n° 285 - juillet 2018 - Recueil des notes de synthèse d'avril à juin 2018, Sénat

[232] En 2006, l’Espagne a adopté une loi qui prévoit que soient réunies au sein d'une corporation unique la télévision publique (TVE), la radio publique (RNE), les formations musicales (IORTV) et une maison de disques. La corporacion RTVE édite ainsi aujourd'hui six chaînes de télévision et cinq antennes de radio auxquelles s'ajoute un service international de radiotélévision.

[233] En 2010, la Suisse romande a réuni ses cinq antennes de radio et ses trois chaînes de télévision publique au sein d'un même groupe, la Radio Télévision Suisse (RTS).

[234] En théorie, comme pour celui du Parlement dans le cas du chairman, l’avis des gouvernements des Nations est consultatif, mais public : il serait impensable que le Gouvernement ne le suive pas, et dans ce cas, il est vraisemblable que la reine refuserait la nomination (en pratique, elle poserait une question sur la nomination, l’ajournant indéfiniment). En 2013, le candidat proposé par le ministre de la santé pour diriger le NHS avait été refusé par la commission parlementaire des affaires sociales, ce qui avait obligé le Gouvernement à en proposer un autre.

[235]  Source : rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz, Février 2015

[236] Les relations entre l’Etat et la British Broadcasting Corporation (BBC) sont encadrées par une Charte royale (« Royal Charter »), complété par un accord cadre (« agreement »). La Charte fixe les obligations de service public mises à la charge du groupe, consacre le principe de son indépendance éditoriale et expose les grands principes de ses relations avec le Gouvernement et le public. Les enjeux prioritaires de la charte 2017-2027 ont été présentés au parlement britannique le 16 septembre 2016 par Karen Bradley, ministre de la Culture, des médias et des sports au Royaume-Uni : « Renforcer le caractère distinctif du contenu de la BBC, refléter davantage la diversité des nations et des régions du Royaume-Uni, être le plus ouvert et transparent possible quant aux questions financières, de gouvernance, et sur la nomination du conseil d’administration et du président, travailler en étroite collaboration avec les autres chaînes et partager ses connaissances, ses recherches, et son expertise ».

[237] Albanie ; Algérie ; Allemagne ; Andorre ; Arménie ; Autriche ; Azerbaïdjan ; Belgique ; Biélorussie ; Bosnie-Herzégovine ; Bulgarie ; Croatie ; Chypre ; Danemark ; Egypte ; Espagne ; Estonie ; Etat du Vatican ; Fédération de Russie ; Finlande ; France ; Géorgie ; Grèce ; Hongrie ; Irlande ; Islande ; Israël ; Italie ; Jordanie ; Lebanon ; Lettonie ; Libye ; Lituanie ; Luxembourg ; Malte ; Maroc ; Macédoine du Nord ; Moldavie ; Monaco ; Monténégro ; Norvège ; Pays-Bas ; Pologne ; Portugal ; République Tchèque ; Roumanie ; Royaume-Uni ; Saint-Marin ; Serbie ; Slovaquie ; Slovénie ; Suède ; Suisse ; Tunisie ; Turquie ; Ukraine.

[238] UER, Au service de la société – Déclaration relative aux valeurs fondamentales des médias de service public, 2012

[239] En droit anglais, les chartes royales sont des documents formels désignés comme lettre patentes émanant du souverain par lesquelles il accorde un droit ou un pouvoir à une personne physique ou morale. Elles constituent souvent un authentique acte d’établissement : c’est le cas de la BBC.

[240] Agreement between Her Majesty’s Secretary of State for Culture, Media and Sport and the BBC, December 2016, sections 6-8

[241] Le dernier mandat-cadre date de 2007 et n’a pas été renouvelé en 2016 pas plus que les contrats-programme. Les derniers documents servent transitoirement de référence pour guider l’action du service public.

[242] http://www.admin.ch/opc/fr/federal-gazette/2018/5589.pdf

[243] Rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par Jean-François Copé, remis au Président de la République en juin 2008

[244] Rapport d'information de MM. André GATTOLIN et Jean-Pierre LELEUX, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances du Sénat (2015) ; Rapport du Comité Action Publique 2022 (2018) ; Rapport d'information de Mme Catherine MORIN-DESAILLY, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (2018) ; Rapport d'information de Mme Aurore BERGÉ et M. Pierre-Yves Bournazel, fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (2018)

[245] « C'est pourquoi je pense qu'il n'y aura pas de véritable réforme sans un rapprochement des entreprises de l'audiovisuel public, sans l'adoption d'une nouvelle gouvernance sur ce sujet. Je constate qu'il existe bien un modèle européen de l'audiovisuel public. On a entendu la BBC, la RTBF, la SSR. Il ne servirait à rien de vanter les mérites de ces entreprises, qui ont complètement repensé leurs offres de programmes, sans s'inspirer des mutations qui ont permis ces évolutions. » Conclusion apportée par la sénatrice Morin-Dessailly au colloque « Comment réenchanter l'audiovisuel public à l'heure du numérique ? », organisé à l’été 2018 par le Sénat

[246] Sans préjudice des règles organisant le concours de l’ensemble du secteur audiovisuel à l’intérêt général (par exemple : financement de la création, exposition de la diversité culturelle, protection des mineurs, ...)

[247] L’Etat actionnaire, rapport public thématique, publié en janvier 2017 par la Cour des Comptes

 

[248] Expression popularisée par la BBC sous le terme « news factory ».

[249] France Télévisions (49 %), France Médias Monde (12,58 %), ARTE-France (3,29 %) et l'INA (1,74 %) pour la France + RTBF (11,11 %), RTS (11,11 %), Radio Canada (6,67 %), Télé-Québec (4,44 %), et un mandataire social (0,06 %)

[250] Le principe de spécialité signifie, selon le juge administratif, qu'« un établissement public ne peut se livrer à des activités excédant le cadre des missions qui lui ont été assignées par les textes qui l'ont institué », Conseil d’État, 3 décembre 1993 « Association de sauvegarde du site Alma Champ de Mars », req. n° 139.021. 

[251] L’INA détient ainsi 15 % du capital de la société ARTE-France, et 1,74 % du capital de TV5 Monde.

[252] Un GIE est constitué entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales. Son objet est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres (publics et/ou privés), sans toutefois réaliser des bénéfices sauf à titre accessoire. Par exemple, l’organisation d’un colloque par un GIE, comprenant en son sein une ou des universités (établissements publics), peut éventuellement générer des bénéfices, qui sont alors réinvestis dans l’activité principale du groupement.

[253] Art. 11 et 12 du décret n° 2004-532 du 10 juin 2004 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national de l’audiovisuel.

[254] I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa version issue de la loi du 1er août 2000 : « Il est créé une société, dénommée France Télévision, chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des sociétés suivantes, dont elle détient la totalité du capital ».

[255] L’article L132-3 du code du patrimoine tel que modifié par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 99 (V) dispose que « Sont responsables du dépôt légal, qu'ils gèrent pour le compte de l'Etat, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat : la Bibliothèque nationale de France, le Centre national du cinéma et de l'image animée et l'Institut national de l'audiovisuel. Ce décret peut confier la responsabilité du dépôt légal à d'autres établissements ou services publics, nationaux ou locaux, à la condition qu'ils présentent les garanties statutaires et disposent des moyens, notamment scientifiques, propres à assurer le respect des objectifs définis à l'article L. 131-1. »

[256] Les recettes publicitaires du groupe incluent le chiffre d’affaires des chaînes de télévision gratuite M6, W9 et 6ter, la part publicitaire des recettes des chaînes payantes, le chiffre d’affaires des stations de radio RTL, RTL2 et Fun Radio, et la part publicitaire de chiffre d’affaires des activités de diversifications (support Internet essentiellement). 

[257] Décret n° 2007-958 du 15 mai 2007 relatif aux relations financières entre l’État et les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle.

[258] Décret du 13 novembre 1987 portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel ; décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions ; décret n° 2012-85 du 25 janvier 2012 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

[259] Projet de loi portant code de la communication, déposé le 7 avr. 1993 ; projet de loi portant code de la communication et du cinéma, déposé le 30 oct. 1996 ; Conseil d’État, « Inventaire méthodique et codification du droit de la communication », 9 fév. 2006, étude réalisée à la demande du Premier ministre, et à laquelle le Gouvernement n’a pas donné suite.

[260] Projet de loi portant code de la communication, déposé le 7 avr. 1993 et projet de loi portant code de la communication et du cinéma, déposé le 30 oct. 1996.

[261] Conseil d’État, « Inventaire méthodique et codification du droit de la communication », 9 fév. 2006. Étude réalisée à la demande du Premier ministre, et à laquelle le Gouvernement n’a pas donné suite.

[262] Commission supérieure de codification, 23ème rapport annuel, pp. 6-7.