ÉTUDE d’impact
PROJET DE LOI ORGANIQUE
RELATIF AU système UNIVERSEL DE RETRAITE
PROJET DE LOI
INSTITUANT UN système UNIVERSEL
DE RETRAITE
NOR : SSAX1936435L/Bleue-1
NOR : SSAX1936438L/ Bleue-1
24 janvier 2020
SOMMAIRE général
Indicateurs d’impact…………………………………………………………………...…...……….4
Consultations……………………………………………………………………………..................5
Introduction générale……………………………………………………………………………......7
Projet de loi organique……………………………………………………………………………218
Projet de loi ordinaire……………………………………………………………..……………...256
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Enjeu |
Indicateur |
Mesure |
Commentaire |
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Titre 1 – Chapitre 1 – Section 1 – Article 1 |
Déploiement du système universel |
Nombre d’assurés s’étant créés des droits dans le système universel au 31 décembre 2022 |
Statistiques CNRU |
Le système universel entrera en vigueur pour les premières générations concernées (assurés nés à partir du 1er janvier 2004) au 1er janvier 2022 |
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Titre 4 – Chapitre 1 – Section 1 – Article 1 |
Mise en place de la caisse nationale de retraite universelle (CNRU) |
Nombre de Conseils d’administration de la CNRU tenus au 31 décembre 2021 |
Statistiques CNRU |
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Titre 4 – Chapitre 1 – Section 1 – Article 2 |
Adoption du schéma de transformation |
Publication de l’arrêté prévu au II de l’article 50 au 31 septembre 2021 |
Légifrance |
Le directeur de la CNRU est chargée de proposer pour approbation le schéma de transformation au plus tard le 30 juin 2021 |
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Titre 4 – Chapitre 3 – Section 1 – Article 1 |
Intégration financière du système universel |
Présentation des comptes combinés dans le cadre de la LFSS pour 2025 |
Légifrance |
Périmètre actuel de la LFSS : régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et FSV |
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Titre 1 – Chapitre 2 – Section 1 – Article 1 |
Niveau des retraites du système universel |
Retraite mensuelle moyenne brute de droit direct liquidée en vertu des règles du système universel en 2042 |
Statistiques CNRU – DREES |
Retraite mensuelle moyenne brute de droit direct en 2019 : 1 422 € (DREES, 2019) |
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Tableau synoptique des consultations
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Instance |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
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Cnav |
X |
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CNAM |
X |
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Cnaf |
X |
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Acoss |
X |
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CATMP |
X |
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UNCAM |
X |
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CPSTI |
X |
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CCMSA |
X |
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CnavPL |
X |
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CNIEG |
X |
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Banque de France |
X |
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Ircantec |
X |
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ERAFP |
X |
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CNEN |
X |
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COCT (Commission géné-rale) |
X |
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CNNCEFP |
X |
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CCFP (saisi sur l’article 33 du projet de loi) |
X |
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CSTA (saisi sur l’article 6 du projet de loi) |
X |
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CCLRF (saisi sur l’article 64 du projet de loi) |
X |
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CSFM |
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X |
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CNCPH |
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X |
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CAVIMAC |
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X |
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CRCF |
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x |
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Cropéra |
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x |
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CRPCEN |
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X |
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Enim |
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x |
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CPRP SNCF |
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X |
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CRP RATP |
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X |
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Port Autonome de Strasbourg |
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X |
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CANSSM |
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X |
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CNRACL |
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X |
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CNBF |
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X |
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Agirc-Arrco |
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X |
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CRPN |
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X |
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IRCEC |
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X |
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RAVGDT |
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X |
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CARMPIMKO |
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X |
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CARMF |
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X |
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CARPV |
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X |
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CAVP |
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X |
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CAVOM |
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X |
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CAVAMAC |
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X |
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CIPAV |
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X |
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CARCDSF |
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X |
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CAVEC |
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X |
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CPRN |
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X |
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RAEP |
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X |
SOMMAIRE
PARTIE 1 - État des lieux du système de retraite actuel
I. Un modèle fondé sur la solidarité entre les générations
B. L’équilibre financier du système de retraite a été renforcé mais n’est pas garanti à long terme
I. Les réformes passées ont permis de contenir la hausse des dépenses de pensions liées au baby-boom
II. Le système présente toutefois un déficit structurel dès le début des années 2020
II. Cette augmentation de l’âge effectif ne compense pas le déséquilibre démographique
D. Un système d’une grande complexité pour les assures comme pour les gestionnaires
II. Les mécanismes de financement du système actuel sont complexes, peu lisibles et inéquitables
E. En dépit du rapprochement des règles, le système génère des inégalités de moins en moins admises
II. Il en résulte de fortes inégalités de montants de pensions entre régimes
III. L’effort contributif des assurés n’est pas harmonisé
IV. Des conditions de départ inégales
I. Une organisation et une gouvernance hétérogènes des caisses de retraite
II. Des instances inter-régimes encore embryonnaires
III. Des modalités disparates de pilotage selon les régimes
PARTIE 2 - La nécessité d’instaurer un système universel de retraite
A. Le système universel de retraite participe à la refondation d’un État providence du XXIe siècle
I. L’universalité du système de retraite pérennise la logique par répartition
II. L’universalité du système renforce l’équité entre l’ensemble des assurés
III. L’universalité du système renforcera la confiance dans sa pérennité
IV. L’universalité du système favorisera les mobilités professionnelles
V. Les autres options envisageables ne sont pas adaptées aux objectifs
II. Les cycles de concertation avec les partenaires sociaux et les organisations professionnelles
C. Un système universel simple et commun à l’ensemble des actifs
I. Un système de retraite commun à tous les actifs
III. Un système valorisant l’activité et laissant plus de liberté à l’assuré
D. Un système universel solidaire
I. Un système qui prend en compte les carrières heurtées
II. Un système qui compense l’impact des enfants sur la carrière des assurés
III. Un système qui permet des départs anticipés dans certaines situations
IV. Un système qui protège les assurés contre le risque veuvage
V. Un système qui favorise l’égalité entre les femmes et les hommes
E. Un financement clarifié, un pilotage efficace et une gouvernance rénovée
I. Un financement transparent et équitable
III. Une organisation simplifiée
F. La confiance des assurés dans notre système sera renforcée par les engagements forts à leur égard
I. Les étudiants et jeunes actifs
G. Une transition qui préserve les droits des assurés
II. Une date d’entrée en vigueur qui sécurise la mise en œuvre opérationnelle du système universel
III. Une garantie des droits acquis lors des carrières réalisées dans l’ancien système
IV. Une période de transition permettant une convergence progressive des règles de cotisations
I. Les principes fondamentaux du système actuel de retraite sont fixés par la loi
PARTIE 3 - Impacts de la création du système universel de retraite
I. Un système plus juste en application du principe « un euro cotisé ouvre les mêmes droits »
II. Des dispositifs de solidarité protecteurs qui représenteront un quart des pensions versées
C. Impacts pour les fonctionnaires, les professions libérales et les affiliés des régimes spéciaux
D. Impact budgétaire : un équilibre financier à partir de 2027 et un niveau de prestations préservés
I. Des niveaux de pension qui continuent à croître, mais moins rapidement que la croissance
E. Impact en termes d’égalité entre les femmes et les hommes : un système plus favorable aux femmes
I. Des écarts persistants de pension entre femmes et hommes dans le système actuel
III. La refonte des droits familiaux favorisera les pensions des femmes
V. Un nouveau modèle de réversion qui entrera en vigueur très progressivement
VI. Le système universel améliore la pension des femmes
II. Les modèles et outils mobilisés pour évaluer l’impact de la réforme
G. Illustration des effets de la réforme sur cas-types
I. Des cas-types illustratifs de plusieurs trajectoires de carrière
II. Résultats pour les cas-types de salariés
III. Résultats pour les cas-types de fonctionnaires
PARTIE 1 - État des lieux du système de retraite actuel
Historiquement, les premières assurances sociales mises en place en France dans les années 1930 reposaient sur un système de retraite par capitalisation. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le principe de solidarité s’est imposé. Les ordonnances de 1945 créant la sécurité sociale ont institué un système de retraite par répartition, qui prévaut encore aujourd’hui pour les régimes de base et complémentaires.
Elles conduisent à la création du système de sécurité sociale en France sur le modèle « bismarckien » (gestion par les partenaires sociaux, financement par des cotisations à la charge des employeurs et des salariés) ainsi qu’à la refonte du système des assurances sociales des années trente. Si l’ordonnance du 4 octobre crée un régime général ayant vocation à rassembler l’ensemble des actifs (salariés des secteurs privé et public, exploitants agricoles, travailleurs indépendants et secteurs spécifiques d’activité), elle reconnaît également la possibilité de maintien de certains régimes particuliers de sécurité sociale préexistants (régimes dits « spéciaux »). La loi du 22 mai 1946 qui posait le principe de la généralisation de la sécurité sociale ne sera pas mise en œuvre, différentes professions conservant ou créant leurs régimes de protection sociale à côté du régime général.
Néanmoins, le principe de répartition n’a pas été remis en cause, l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale dispose que : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. » En outre, l’importance de la politique de redistribution portée par le système est, elle aussi, mise en exergue dans ce même article : « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l'égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d'emploi, totale ou partielle, et par la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités. »
Cette solidarité est constitutive de l’identité sociale de notre pays et doit être renforcée.
La quasi-totalité des régimes obligatoires de retraite de base ou complémentaires français fonctionnent sur le principe de la répartition.
Dans ce modèle, les cotisations versées par les actifs au titre de l’assurance vieillesse sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraités. Ce système repose donc sur une forte solidarité entre générations. Son équilibre financier dépend du rapport entre le nombre de cotisants et celui des retraités. Les taux de croissance des revenus et de la population active occupée constituent dès lors les deux principaux facteurs d’évolution des recettes, tandis que l’évolution de l’espérance de vie influe fortement sur la dynamique des dépenses. A titre d’illustration, en 2018, 325 milliards d’euros de pensions de retraite ont été versés, tandis que l’on dénombrait 27,1 millions d’actifs occupant un emploi[1].
En France, la capitalisation occupe une place très marginale. Dans ce type de système, les actifs d’aujourd’hui épargnent en vue de leur propre retraite. Les cotisations font l’objet de placements financiers ou immobiliers, dont le rendement dépend essentiellement de l’évolution des taux d’intérêt. Cette capitalisation peut être effectuée dans un cadre individuel ou collectif, via les accords d’entreprise par exemple. Plusieurs pays, face notamment aux difficultés de financement des retraites, ont décidé d’introduire une dose de capitalisation privée dans leur système de protection sociale, comme l’Allemagne en 2001. En France, seuls quelques régimes fonctionnent par capitalisation, tel que le régime de la retraite additionnelle de la fonction publique.
Les Français demeurent très attachés à ce principe de répartition : les deux tiers des Français (64 %) disent préférer un système par répartition à un système de financement par capitalisation. Cependant, la moitié des jeunes de 18 à 24 ans (52 %) marquent une préférence pour un système de financement par capitalisation pour leurs futures retraites[2].
En effet, un sentiment général de défiance quant à la pérennité du système et d’inquiétude concernant les conditions de vie à la retraite imprègne la population. Le premier rapport du Conseil d’orientation des retraites signalait déjà en 2001 que « cette inquiétude se nourrit à la fois de la mauvaise connaissance que [les jeunes] peuvent avoir de leur droits futurs et de la succession d’informations les alertant sur les difficultés financières à venir de leurs régimes. Elle pourrait, s’il n’y était pas répondu, porter atteinte à la confiance indispensable à la pérennité de notre système de retraite »[3]. En 2018, le constat restait le même puisque deux tiers des Français non retraités déclaraient qu’ils pensaient vivre moins bien à la retraite qu’aujourd’hui, en termes de revenus et de patrimoine[4].
La répartition restera le modèle du système de retraite Français. Le système universel de retraite comportera un étage unique, entièrement par répartition, les régimes obligatoires par capitalisation étant supprimés. L’adhésion à ce modèle reposant sur la confiance accordée dans la pérennité du système, ces chiffres mettent ainsi en exergue l’importance des efforts de lisibilité et de transparence devant être mis en œuvre, afin de permettre le constant renouvellement du pacte intergénérationnel à la base du système français de répartition.
Le niveau de vie des retraités, qui mesure le revenu disponible ajusté pour tenir compte du nombre de personnes dans le ménage[5], est aujourd’hui supérieur à celui de l’ensemble de la population. D’après le Conseil d’orientation des retraites, le ratio entre le niveau de vie des retraités et celui de l’ensemble de la population était de 106 % en 2016 (103 % pour les femmes et 109 % pour les hommes). Cet écart a légèrement augmenté entre 2010 et 2016 (+2 points)[6] : les retraités ont été moins touchés par la crise que le reste de la population (cf. graphique ci-dessous).
Graphique 1 - Niveau de vie moyen des retraités rapporté à celui de l’ensemble de la population
Lecture : en 2016, le niveau de vie moyen de l'ensemble des retraités représentait 105,6 % de celui de l’ensemble de la population.
Champ : personnes retraitées, inactives au sens du BIT, donc hors assurés cumulant emploi et retraite, vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire (les personnes âgées vivant en institution, qui représentent environ 4 % des retraités, sont hors champ).
Sources : COR (2019), Rapport annuel.
En comparaison internationale, le ratio entre le niveau de vie moyen des personnes âgées de plus de 65 ans et celui de l’ensemble de la population apparaît comme l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE (cf. graphique ci-dessous).
Graphique 2 - Niveau de vie moyen des séniors (65 ans et plus) comparé au niveau de vie moyen de l’ensemble de la population en 2016 (ou dernière année disponible)
Note : tous les revenus issus du travail (salarié et indépendant), du capital et des transferts publics sont pris en compte. Il s’agit d’un revenu équivalent par ménage qui tient compte de leur taille (à l’aide de l’échelle d’équivalence reposant sur la racine carrée du nombre de personnes du ménage).
Source : OCDE (2019), « Panorama des pensions ».
Le niveau de vie moyen des retraités est donc supérieur à celui de l’ensemble de la population depuis le milieu des années 1990 et devrait le rester jusqu’à la fin des années 2020. Cependant, il était nettement inférieur dans les années 1970 et 1980, et il devrait – à système de retraite inchangé – se dégrader à partir de 2030.
En effet, en projection et dans tous les scénarios du COR, si la pension moyenne continue de croître en euros constants (donc plus vite que les prix), elle augmente moins vite dans le futur que les revenus d’activité (cf. graphique ci-dessous), en raison des réformes intervenues depuis le début des années 1990, sauf à reculer l’âge effectif de départ à la retraite.
Graphique 3 - Pension nette moyenne en euros constants en projection
Source : rapport du COR de juin 2019, figure 2.42
Graphique 4 - Pension nette relative en projection (pension nette moyenne de l'ensemble des retraités rapportée au revenu d'activité net moyen)
Source : rapport du COR de juin 2019, figure 2.43
La supériorité du niveau de vie des retraités par rapport à celui de l’ensemble de la population se vérifie tout au long de la distribution des revenus, et notamment pour les personnes aux revenus les plus faibles (cf. Erreur ! Source du renvoi introuvable. ci-dessous) : les 10 % des personnes retraitées les plus pauvres ont un niveau de vie inférieur à 1 110 euros par mois, contre 920 euros pour l’ensemble de la population (soit 21 % de plus).
Comparé cette fois aux seuls actifs, le niveau de vie médian des personnes retraitées apparaît très légèrement inférieur, du fait de l’exclusion des étudiants et des inactifs, dont le niveau de vie est en moyenne plus faible[7]. Les retraités ont cependant un niveau de vie supérieur aux actifs dans le bas de la distribution : en 2016, un retraité sur dix dispose d’un niveau de vie inférieur à 1 110 euros par mois, contre 1 000 euros pour les actifs (soit 11 % de plus).
Les retraités les plus modestes bénéficient notamment d’un minimum social – l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), versée à près de 553 000 allocataires fin 2017[8] – pour un montant plus élevé que celui des actifs (le RSA) : 903 euros bruts en 2020 pour une personne seule, contre environ 490 € pour le RSA (une fois déduit le forfait logement).
Ainsi, au total, le rapport interdécile[9] s’élève en 2016 à 2,9 pour les retraités, contre 3,3 pour les actifs et 3,4 pour l’ensemble de la population : les inégalités de niveau de vie sont moins fortes au sein des retraités qu’au sein des actifs ou de l’ensemble de la population.
En conséquence, le taux de pauvreté des retraités est plus faible que celui de l’ensemble de la population : en 2017, le taux de pauvreté[10] était de 7,6 % pour les retraités, contre 14,1 % pour l’ensemble de la population (et 20,1 % parmi les moins de 18 ans)[11].
Tableau 1 - Distribution des niveaux de vie des retraités, des actifs et de l’ensemble de la population en 2016
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Décile ou centile |
Retraités |
Actifs y compris chômeurs |
Ensemble de la population |
Rapport retraités/ actifs |
Rapport retraités/ ensemble |
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(1) |
(2) |
(3) |
(1)/(2) |
(1)/(3) |
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1er décile (D1) |
1 110 |
1 000 |
920 |
111% |
121% |
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2ème décile (D2) |
1 310 |
1 260 |
1 160 |
104% |
113% |
|
3ème décile (D3) |
1 470 |
1 470 |
1 350 |
100% |
109% |
|
4ème décile (D4) |
1 640 |
1 650 |
1 530 |
99% |
107% |
|
Médiane (D5) |
1 810 |
1 830 |
1 710 |
99% |
106% |
|
6ème décile (D6) |
2 000 |
2 030 |
1 910 |
99% |
105% |
|
7ème décile (D7) |
2 230 |
2 280 |
2 150 |
98% |
104% |
|
8ème décile (D8) |
2 580 |
2 630 |
2 490 |
98% |
104% |
|
9ème décile (D9) |
3 190 |
3 310 |
3 130 |
96% |
102% |
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95ème centile (P95) |
3 950 |
4 140 |
3 920 |
95% |
101% |
|
Rapport interdécile (D9/D1) |
2,9 |
3,3 |
3,4 |
|
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Lecture : en 2016, 10 % des retraités ont un niveau de vie inférieur à 1 110 euros par mois et par unité de consommation (D1), et 5 % des retraités ont un niveau de vie supérieur à 3 950 euros par mois et par unité de consommation (P95).
Champ : personnes vivant en France métropolitaine dans un ménage ordinaire dont la personne de référence n'est pas un étudiant, classées selon leur situation d’activité : personnes inactives à la retraite ; personnes actives au sens du BIT ; ensemble de la population (personnes retraitées, actives, ou inactives non retraitées).
Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2016. COR (2019), Rapport annuel.
Le taux de pauvreté des retraités est donc relativement faible dans le système actuel, et a vocation à diminuer encore dans le système universel. Les leviers de redistribution en faveur des retraités les plus modestes seront ainsi renforcés, notamment via l’augmentation du minimum de pension.
Le concept de niveau de vie permet de mesurer les écarts de revenus entre ménages, mais n’intègre pas les écarts de dépenses. Or les dépenses des retraités sont plus faibles que celles des actifs sur un certain nombre de dimensions (notamment le logement), mais plus élevées sur d’autre postes de dépenses, comme la santé et la dépendance.
Les retraités sont très majoritairement propriétaires de leur logement, et ont le plus souvent fini de rembourser leur crédit. Selon les derniers chiffres disponibles (enquête logement 2013), 72 % des ménages dont la personne de référence est retraitée sont propriétaires occupants de leur logement, contre 53 % parmi les ménages dont la personne de référence est en emploi. Parmi les propriétaires, 95 % des ménages dont la personne de référence est retraitée ont fini de rembourser leur crédit immobilier pour leur résidence principale, contre 58 % pour les ménages dont la personne de référence est en emploi. Or les estimations de niveau de vie présentées ci-dessus ne tiennent pas compte de l’absence de charge de loyer effectif, qui vient diminuer d’autant les dépenses du foyer. Ainsi, si l’on tenait compte de ces moindres dépenses sous forme de loyers imputés[12], le ratio entre le niveau de vie moyen des retraités et celui de l’ensemble de la population s’élèverait à 111 %[13].
Par ailleurs, les retraités paient en moyenne proportionnellement moins de TVA : leur panier de consommation type est davantage constitué de biens taxés à taux réduit ou à taux intermédiaire (notamment les services de santé, les médicaments et la nourriture cuisinée à la maison qui se substitue aux restaurants), dont la proportion augmente avec l’âge[14].
Les séniors bénéficient aussi de certains avantages octroyés sur des critères d’âge (transports, musées, etc.), qui viennent renforcer leur pouvoir d’achat. A titre d’exemple, de nombreuses cartes de transport sont en effet financées par les collectivités locales, sans pour autant être réservées aux retraités les plus modestes.
Néanmoins, les séniors font aussi face à certaines dépenses spécifiques, parfois non choisies, en particulier dans le domaine de la santé et des assurances. Ainsi, les dépenses de santé à la charge des ménages sont plus élevées pour les retraités (cf. graphique ci-dessous).
Graphique 5 - Dépenses de santé à la charge des ménages et taux d’effort selon l’âge en 2012
Lecture : Les ménages dont la personne la plus âgée a entre 25 et 45 ans et où aucun individu n’est retraité consacrent près de 3 % de leur revenu à leurs dépenses de santé, incluant les primes et le reste à charge après assurance maladie complémentaire.
Champ : Ensemble des ménages ; consommation présentée au remboursement en ambulatoire et à l’hôpital MCO (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie) uniquement.
Source : Drees (2019), La complémentaire santé
Le système de retraite français repose essentiellement sur la redistribution, qui prend plusieurs formes. En premier lieu, il fonctionne en répartition, c’est-à-dire que les pensions des retraités sont financées par les cotisations assises sur les revenus d’activité des actifs. La retraite est le premier canal de redistribution intergénérationnelle : chaque année, les actifs financent la majeure partie des retraites. En second lieu, le système de retraite organise une redistribution intragénérationnelle importante. En effet, même s’il est contributif, c’est-à-dire que les pensions dépendent de la carrière, il inclut de nombreux dispositifs de solidarité, destinés à limiter les conséquences de certains événements sur la pension de retraite (périodes de chômage, de maladie, activité réduite pour l’éducation des enfants, décès du conjoint, etc.), à compenser les effets sur la carrière du fait d’avoir eu et élevé des enfants (droits familiaux), à permettre des départs en retraite de façon anticipée ou à soutenir le revenu des retraités (minima de pension).
Cette solidarité constitue, au même titre que le principe de la retraite par répartition, une caractéristique fondamentale du modèle actuel de retraite que ce projet de loi entend sauvegarder et renforcer. Le système actuel diminue ainsi les inégalités, en réduisant l’écart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, par rapport aux actifs. Le système universel de retraite diminuera encore davantage cet écart (cf. avant/après la réforme - partie 3).
Le système de retraite repose sur un principe de contributivité dans lequel la pension reste largement déterminée de façon proportionnelle aux cotisations. Les règles de calculs intègrent néanmoins de nombreux dispositifs, variables selon les régimes et destinés à opérer une redistribution horizontale forte.
La compensation des périodes de privation involontaire d’activité permet ainsi de limiter les effets sur les droits à retraite de l’absence de revenus d’activités pendant certains épisodes : chômage, formation professionnelle, arrêt maladie ou congé maternité, invalidité, service national. Dans les régimes en annuités, qui constituent l’essentiel des régimes de base, la compensation prend la forme de trimestres validés bien qu’ils ne soient pas effectivement cotisés par l’individu. Ces trimestres sont comptabilisés dans la durée validée de l’assuré, ils sont placés dans la carrière (ce qui signifie notamment qu’un assuré ne peut pas acquérir plus de 4 trimestres une année donnée grâce à ces dispositifs) : au final, ils affectent le calcul du taux de la pension et du coefficient de proratisation. Les règles précises de validation peuvent différer suivant les régimes et les types d’épisode. Par exemple, pour le chômage, un trimestre est validé par période de 50 jours consécutifs d’indemnisation[15], sous certaines conditions d’affiliation et de durée. Ainsi, toute période de chômage ne donne pas systématiquement droit à validation de trimestres au titre des périodes assimilées. Dans les régimes en annuités, il n’y a pas de report de salaire au compte ; par conséquent, si un individu a une année entière de chômage, cette année ne sera pas du tout prise en compte dans le calcul de son salaire de référence. Si en revanche un assuré est au chômage au 1er semestre et en activité au 2nd semestre, son salaire de référence tiendra potentiellement[16] compte de l’ensemble des revenus perçus cette année, ce qui peut affecter le calcul de la pension. Dans les régimes en points, comme les régimes complémentaires, ces épisodes peuvent donner lieu à acquisition de points non directement financés par l’assuré. C’est le cas par exemple pour les périodes de chômage dans le régime complémentaire des salariés du secteur privé : ils acquièrent des points en fonction d’une cotisation acquittée à l’Agirc-Arrco par l’Unédic sur la base de leur allocation chômage, avec une participation partielle des assurés à ce financement.
Les salariés en situation d’invalidité bénéficient du taux plein quand ils partent à la retraite, quel que soit leur âge de départ. Cela concerne également les assurés reconnus comme inaptes. Cet avantage majore directement la pension des régimes de base, mais affecte également les pensions versées par régimes complémentaires, en annulant les coefficients d’anticipation Agirc-Arrco par exemple.
Le système de retraite cherche également à compenser l’effet des enfants sur la carrière. De façon plus générale, il intègre des droits familiaux[17], qui prennent plusieurs formes, et présentent une certaine hétérogénéité entre régimes. La majoration de durée d’assurance (MDA) concerne les régimes en annuités : un parent bénéficie d’un nombre forfaitaire de trimestres validés (8 au régime général) au titre de la naissance ou de l’adoption d’un enfant et de son éducation. Ces trimestres validés ne sont pas placés dans la carrière, mais ajoutés aux trimestres cotisés et autres trimestres validés, pour déterminer le taux de la pension et le coefficient de proratisation. Pour chaque enfant, les trimestres de MDA sont accordés à la mère, pour la maternité et à l’un des deux parents, sur option, pour l’éducation. Dans les régimes intégrés comme la fonction publique, les MDA ne sont que de deux trimestres par enfant et sont uniquement comptabilisés dans la durée d’assurance tous régimes (nombre de trimestres validés dans l’ensemble des régimes de base auxquels l’assuré a été affilié). Elles permettent à l’assuré de réduire les éventuelles décotes qui minorent sa pension ou d’augmenter les surcotes potentiellement appliquées à la pension, mais n’améliorent plus le coefficient de proratisation.
En revanche, la majoration pour les parents de trois enfants ou plus est accordée aux deux parents. Le taux de cette majoration varie entre régimes : il est de 10 % au régime général, quel que soit le nombre d’enfants ; dans la fonction publique, il s’élève à 10 % si l’assuré a eu 3 enfants, et chaque enfant au-delà le majore de 5 points (15 % pour 4 enfants, 20 % pour 5 enfants, etc.).
Pour limiter les effets des interruptions et des réductions d’activité au moment de l’arrivée d’un enfant sur les pensions des parents, l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) a été créée en 1972 : sous certaines conditions (notamment de ressources, via l’éligibilité à certains prestations familiales), les parents valident des trimestres pour la retraite de base (placés dans la carrière) ; en outre, ils bénéficient d’un report de salaire au compte (fonction de la quotité d’activité : 100 % du Smic pour une inactivité totale, par exemple).
Les droits conjugaux de retraite (pensions de réversion) visent à assurer un maintien de revenus aux personnes dont le conjoint décède. Les règles de calcul des pensions de réversion varient fortement d’un régime à l’autre ; elles peuvent dépendre de l’âge du conjoint survivant, de ses ressources propres, de la durée de mariage notamment. En revanche, l’ensemble des régimes réservent la réversion aux couples mariés : les couples en union libre ou pacsés n’y sont pas éligibles. La pension de réversion représente une fraction de la pension du conjoint décédé, dont le taux varie entre régimes. La réversion représente environ 10 % des masses de pensions de retraite versées chaque année.
En complément de ces dispositifs, les minima de pension cherchent à soutenir directement le revenu des retraités. Il existe trois différents dispositifs de minimum de pension, qui rehaussent directement le montant de la retraite : le minimum contributif au régime général, le minimum garanti dans la fonction publique et la pension minimale de référence pour les chefs d’exploitation agricoles. Leurs règles varient cependant. Le minimum contributif majore les pensions de retraite des assurés du régime général qui ont le taux plein ; en 2019, le minimum contributif assure un minimum de pension au régime général de l’ordre de 637 € (que complètent les autres pensions de retraite, dont celle(s) des régimes complémentaires) ; en outre, pour les assurés qui ont cotisé au moins 120 trimestres, le minimum contributif est majoré, à 696 €/mois.
Quoique relevant d’une logique de solidarité, ces différents dispositifs obéissent donc à des règles différentes selon les régimes : un même événement ne donne pas lieu à la même prise en compte pour les assurés concernés.
L’ensemble des risques sus-cités seront couverts dans le système universel, mais de manière renforcée et harmonisée entre les assurés. De nouveaux risques seront de surcroît couverts (validation de droits au titre du congé aidants notamment).
Ces dispositifs ont un effet redistributif important. Ils permettent en effet une solidarité entre individus qui permet de compenser, pour tout ou partie, les accidents de carrière au moment du calcul de la retraite.
Ainsi le XIIème rapport du Conseil d’orientation des retraites[18] insiste sur la réduction des inégalités entre retraités engendrée par ces dispositifs de solidarité. Il signale en effet que les inégalités de pension au moment de la retraite sont réduites de près d’un tiers par rapport aux inégalités de revenus sur la carrière pour les salariés nés entre 1955 et 1964. En outre, le taux de pauvreté des retraités a été divisé par cinq depuis 1970 en passant de 35 % à 7,6 % en 2017.
Les dispositifs explicites de solidarité sur les pensions de droits directs représentent en 2016 de l’ordre de 20 % des masses droits propres[19]. Précisément, suivant les conventions retenues, cette part varie entre 16 % et 23 %. Parmi ces dispositifs, les dispositifs de départs anticipés (catégories actives et militaires de la fonction publique, et carrières longues principalement) représentent 6,0 % des droits propres, les minima de pension 3,2 %, les droits familiaux (MDA, AVPF et majoration) 5,6 %. La compensation des accidents de carrière (périodes de chômage, de maladie, de maternité, etc.) représente 2,9 % des droits propres, dont 2,3 % au titre des trimestres assimilés et 0,6 % attribués sous forme de points gratuits.
Par régime, la part de solidarité est plus importante pour les régimes de base que pour les complémentaires ; en particulier, elle est particulièrement élevée pour les régimes de fonctionnaires, du fait du poids des catégories actives ; les bonifications de durée sont plus importantes également. À l’inverse, les pensions versées au titre des départs anticipés pour carrières longues, des minima de pension ou de la compensation des accidents de carrière y sont plus faibles qu’au régime général.
Les dispositifs de solidarité bénéficient davantage aux femmes qu’aux hommes : ils représentent 22 % des masses de droits directs versées aux femmes, contre 13 % pour les hommes. Les femmes bénéficient nettement moins que les hommes des départs anticipés dans leur ensemble ; à l’inverse, les masses versées au titre de MDA et de l’AVPF sont quasiment exclusivement pour les femmes. Les minima de pension représentent également une fraction plus élevée de leurs droits propres.
Ces dispositifs sont globalement redistributifs par niveau de revenu, au sens où les montants perçus diminuent globalement avec le niveau de pension : parmi les assurés du 1er quartile de pensions, les dispositifs de solidarité représentent environ la moitié des droits propres (dont la moitié sont des minima de pension). Les droits familiaux sont également importants, ainsi que la compensation des accidents de carrière. À l’inverse, il faut noter que les personnes ayant les pensions les plus faibles ne bénéficient quasiment pas des départs anticipés. La part globale diminue mais demeure élevée pour les assurés du 2ème quartile, pour lesquels les minima de pension et les droits familiaux sont plus faibles ; à l’inverse, les départs anticipés (plus au titre des catégories actives que du dispositif carrière longue) sont un peu plus élevés. Pour les assurés du 3ème quartile des pensions, les dispositifs de solidarité représentent moins de 20 % des droits directs. C’est pour cette catégorie que les masses versées au titre des carrières longues sont les plus importantes. Enfin, le dernier quartile tient encore de l’ordre de 10 % de ses droits propres de la solidarité, notamment des départs au titre des catégories actives, des majorations pour enfants, et de la compensation des accidents de carrière.
En premier lieu, les objectifs des dispositifs de solidarité ne sont pas systématiquement explicites. La loi prévoit un objectif global de solidarité, qui demeure toutefois très imprécis.
« La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l'égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d'emploi, totale ou partielle, et par la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités » (article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale).
Par exemple, les objectifs des droits familiaux et conjugaux de retraite ne sont pas explicitement définis et laissent une marge d’interprétation. Les droits familiaux de retraite visent-ils à encourager la natalité ? Ou bien à neutraliser les effets des enfants sur les pensions de retraite des parents qui passent par leurs carrières professionnelles ? Ou seulement de compenser les périodes de congés parentaux ? Cette question des objectifs se pose également pour les pensions de réversion : s’inscrivent-elles dans une logique de maintien du niveau de vie du conjoint survivant, dans une logique patrimoniale, ou dans une logique d’aide sociale ?
En second lieu, on peut s’interroger sur l’efficacité de ces nombreux dispositifs.
Pour les droits familiaux de retraite, si la majoration de durée d’assurance contribue à rehausser les pensions des mères, on peut en revanche s’interroger sur la pertinence de la forme de cette compensation. Avec le développement de l’activité féminine, apparaît la question des trimestres inutiles (trimestres qui ne majorent pas la pension car les trimestres ont été acquis au titre de la carrière), qui représentent aujourd’hui 1/5ème des MDA pour enfants.
La question se pose dans les mêmes termes pour l’AVPF : au premier ordre, ce dispositif répond à l’objectif de compensation des périodes de congés parental, en accordant des parents qui réduisent ou arrêtent leur activité professionnelle pour élever leurs enfants. Néanmoins, cette appréciation est sujette à caution, pour plusieurs raisons : d’une part tous les assurés ne sont pas éligibles à l’AVPF, d’autre part l’interruption de carrière peut avoir des effets sur la carrière professionnelle au-delà du seul congé parental, qui ne sont pas du tout compensés.
La majoration proportionnelle accordée exclusivement pour les familles d’au moins trois enfants peut également être questionnée. Accorder des droits pour 3 enfants, n’est pas propre au système de retraite, car on retrouve cette césure dans plusieurs dispositifs socio-fiscaux (les allocations familiales, le quotient familial de l’impôt sur le revenu, le supplément familial de traitement dans la fonction publique, entres autres). Outre un argument nataliste dont il est difficile d’apprécier la portée, cette majoration serait motivée par le coût important du troisième enfant qui pèserait sur les capacités d’accumulation de patrimoine des parents, et par des trajectoires professionnelles moins dynamiques des parents de trois enfants, ce qui peut se vérifier pour les femmes mais ne l’est pas pour les hommes.
Enfin, pour les périodes assimilées, ce n’est pas tant la forme des dispositifs que certaines règles des régimes en annuités qui peuvent produire des effets contraires aux effets recherchés et faire baisser la pension. Par exemple, pour les carrières courtes avec des épisodes de chômage, les années qui se caractérisent par 6 mois en emploi et 6 mois au chômage ont un fort impact sur la règle de calcul du SAM annualisé, en défaveur de l’assuré.
Les différents dispositifs de solidarité ne sont pas articulés entre eux et n’obéissent pas à une réflexion d’ensemble, ce qui peut avoir des conséquences non anticipées. L’effet de la réforme de 1982 sur les droits familiaux est de ce point de vue emblématique.
Lors de sa création en 1971, la majoration de durée d’assurance (MDA) visait à atténuer l’effet de la proratisation des mères de famille, en fonction de leur nombre d’enfant. Elle consistait dès lors en une majoration de la durée de référence, qui n’affectait pas le taux de la pension, puisque celui-ci dépendait uniquement de l’âge de liquidation. En outre, pour les mères dont la pension hors MDA n’était pas proratisée (c’est-à-dire qui avait validé 37,5 années par leurs cotisations et leurs périodes assimilées), la MDA ne majorait pas la pension, conformément à ce qui était souhaité.
La réforme de 1982 a fortement affecté le rôle de la MDA, ce qui n’était pas son objectif. En effet, en offrant la possibilité d’annuler ou de réduire la décote sur l’âge par la durée validée, cette réforme a donné un rôle plus important à la MDA, puisqu’à l’effet sur le coefficient de proratisation s’est ajouté un effet potentiellement majorant sur le taux de la pension, et un effet de retour sur les pensions des régimes complémentaires, via le coefficient d’anticipation.
Les dispositifs explicites du système de retraite français opèrent une redistribution très importante entre assurés. Néanmoins, les règles du système de retraite réalisent également une redistribution implicite, qu’il est difficile d’évaluer, et qui ne va pas systématiquement dans le sens d’une réduction des inégalités de pension.
Les règles des régimes en annuités induisent des redistributions de fait non négligeables, sans que cela ait été leur objectif. Elles sont adaptées à des carrières complètes, sans interruption, dans un même régime. Cette redistribution affecte en particulier les carrières courtes, qui correspondent dans l’ensemble plutôt aux situations des plus précaires. C’est le cas par exemple de l’existence des règles de validation de trimestres au régime général, du mode d’indexation des salaires portés au compte, ou encore de la règle de calcul du salaire de référence.
Au régime général et dans les régimes alignés, la durée cotisée est mesurée non pas par rapport à la présence en emploi comme dans les régimes de la fonction publique, mais en référence aux salaires perçus. Précisément, la durée cotisée est mesurée annuellement, en rapportant la somme des salaires mensuels bruts (plafonnés au plafond de la sécurité sociale) à un seuil de validation d’un trimestre (correspondant à une rémunération de 150 heures au Smic, depuis la réforme de 2014). Ainsi, par construction, une personne qui travaille 50 heures par mois pour une rémunération au Smic acquiert 4 trimestres de cotisation. Cette règle avantage les affiliés aux revenus élevés. Par exemple un cadre qui travaille 3 mois dans l’année peut valider 4 trimestres.
Le mode d’indexation des salaires portés au compte (des droits acquis en cours de carrière), qui repose sur l’inflation, réalise également une redistribution implicite. En effet, ce mode de revalorisation sur l’inflation plutôt que sur les salaires avantage les assurés ayant les meilleures parties de leur carrière à proximité de leur départ en retraite et désavantage les personnes ayant des carrières plates ou bénéficiant de leurs meilleurs revenus professionnels en début ou milieu d’activité.
Le mode de calcul du salaire de référence induit également des redistributions. Ce mode de calcul a évolué depuis la création du régime général. Il s’agissait initialement des 10 dernières années, puis des 10 meilleures années, avant que la plage ne soit portée progressivement à 25 meilleures années dans la réforme de 1993. Le calcul sur une plage donnée pénalise de fait les carrières courtes relativement aux carrières longues. En effet, pour une carrière de 25 années ou moins au régime général (et dans les régimes alignés, avec la LURA), toutes les années sont prises en compte pour déterminer le salaire de référence. A montant de dépenses identiques du système, cela implique une plus forte dépense pour les carrières longues que pour les carrières courtes, ce qui ne permet pas d’exclure les premières années d’activité ou les périodes d’activité heurtée.
La fragmentation du système de retraites entre régimes professionnels d’affiliation ainsi que régimes de base et complémentaire opère une redistribution entre assurés, qu’il est particulièrement difficile de mesurer. Même en ignorant la distinction entre base et complémentaire, la coexistence de plusieurs régimes induit que des règles peuvent avantager certains assurés et en pénaliser d’autres. Ces effets sont maintenant bien documentés (cf. 7ème rapport du COR, septembre 2011, ou travaux autour de la LURA). Par exemple, le plafonnement du coefficient de proratisation à l’unité avantage, toutes choses égales par ailleurs, les assurés polyaffiliés, qui peuvent ainsi valider plus de 4 trimestres par année. À l’inverse, ces assurés peuvent être pénalisés par le mode de calcul du salaire de référence : retenir les 25 meilleures années de salaire pour chaque partie de carrière est moins favorable que retenir les 25 meilleures années sur l’ensemble de la carrière.
La mise en place du système universel doit avoir pour effet que le système de retraite ait une plus grande neutralité vis-à-vis des différents parcours et trajectoires professionnelles.
Une étude de l’INSEE[20] a étudié l’incidence de chaque dispositif ou mécanisme sur les disparités de pension. Lorsqu’aucun dispositif ne joue, la pension est, par construction, proportionnelle au cumul des salaires au cours de la carrière. Le rapport entre le neuvième et le premier décile de pension est alors celui observé pour les salaires cumulés, c’est-à-dire 5,85. Les mécanismes implicites ont un impact global allant dans le sens d’une plus grande dispersion des montants ; s’ils étaient seuls à intervenir, l’écart entre neuvième et premier décile de pension s’élèverait à 6,7 : autrement dit, les écarts de rémunération constatés en cours de carrière seraient accrus par le mode de calcul des pensions. Ce résultat provient surtout de la règle des 25 meilleures années : celle-ci modifie peu le bas de la distribution des pensions, dans la mesure où les faibles pensions correspondent souvent à des carrières courtes, pour lesquelles il n’existe aucune différence entre les « 25 meilleures années » et la totalité de la carrière. En revanche, elle avantage les retraités à carrière longue, ce qui se traduit par un impact de plus en plus fort lorsqu’on s’élève dans la distribution des pensions. Les mécanismes de compensation de la durée (MDA, périodes assimilées) permettent de réduire in fine l’écart entre neuvième et premier décile à 4,9 et les mécanismes de soutien du montant de la pension (points gratuits des régimes complémentaires, majoration de 10%, minimum de pension) à 4,1.
Une étude de la Cnav, présentée au Conseil d’orientation des retraites le 25 novembre 2009[21], avait également montré, dans le cadre de la simulation d’un passage à un système en carrière calibré de manière à distribuer globalement des masses de pensions identiques au régime actuel, que l’avantage procuré par la prise en compte des meilleures années profite plus aux assurés ayant des longues carrières et que la perte de cet avantage dans un régime en points permet d’opérer une redistribution vers les carrières plus courtes et donc les plus petites pensions au régime général.
La mise en place d’un système en points sur la totalité de la carrière permettra donc d’opérer une redistribution au profit des carrières plates, courtes et hachées, que les dispositifs actuels de solidarité prennent insuffisamment en compte.
Le système de retraite n’a pas encore pris suffisamment en compte les évolutions de l’activité et des carrières des femmes. Même si la situation des retraitées s’améliore, le système leur reste globalement défavorable : la retraite des femmes représente 58 % de celle des hommes en 2017 (elle est donc inférieure de 42 % à celle des hommes). En incluant les pensions de réversion, elle est de 71 % (donc inférieure de 29 % à celle des hommes).
Graphique 6 - Evolution de l’écart de pension entre les femmes et les hommes
Sources : Les retraités et les retraites, édition 2019, DREES, EACR, EIR, modèle ANCETRE.
Note : ces données excluent les personnes ayant perçu un versement forfaitaire unique. Les fonctionnaires liquidant une pension d’invalidité et ayant atteint l’âge minimum de départ à la retraite sont inclus.
Lecture : En 2017, sur le champ des résidents en France, la pension de droit direct des femmes est, en moyenne, inférieure de 41,7 % à celle des hommes. Une fois prises en compte la pension de réversion et la majoration pour enfants, l’écart est de 29,0 %.
Champ > Retraités ayant perçu un droit direct au cours de l’année n, résidant en France, vivants au 31 décembre de l’année.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Certains ont d’abord trait à la situation professionnelle des femmes.
S’agissant des taux d’activité et des quotités de travail, en 2017, selon la DARES, 83 % des femmes de 25 à 49 ans étaient en activité en France métropolitaine, soit dix points de moins que les hommes du même âge. Lorsqu’elles sont en emploi, les femmes travaillent beaucoup plus souvent à temps partiel que les hommes : sur la même tranche d’âge, le taux de temps partiel atteint 28 % pour les femmes, contre 6 % pour les hommes.
S’agissant des rémunérations, les revenus salariaux des femmes en emploi sont inférieurs en 2014 de 24 % à ceux des hommes. Ceci tient en partie à des temps partiels plus fréquents que pour les hommes, mais même lorsqu’on en tient compte, il subsiste 17 % d’écart sur les salaires par équivalent temps plein.
Enfin, l’arrivée du premier enfant est en effet un élément déclencheur de différences de trajectoires entre les femmes et les hommes, soit que l’activité soit interrompue ou réduite, soit que les possibilités de promotion soient perdues ou retardées. Les taux d’activité féminins diminuent avec le nombre d’enfants à charge du ménage : de 88 % lorsqu’il n’y a aucun enfant, il passe à 85 % avec un enfant puis descend à 64 % avec trois enfants ou plus, cette baisse est encore plus prononcée avec la présence d’enfants en bas âge. L’Insee a ainsi estimé que ces décisions d’offre de travail sont responsables d’une diminution de 20 % de leur revenu salarial cinq ans après l’arrivée d’un enfant. Leur salaire horaire diminue d’environ 5 % par enfant, une baisse qui persiste pendant au moins cinq ans après la naissance. Au contraire, l’arrivée d’un enfant n’a quasiment aucun impact sur les hommes, hormis sur les mieux rémunérés d’entre eux qui augmentent leur activité.[22]
D’autre part, le système de retraite comporte des règles qui conduisent à accroître ces différences constatées dans les carrières, au lieu de les amenuiser.
Les femmes sont davantage représentées dans les profils avec des rémunérations faibles et des carrières incomplètes qui pâtissent des règles de calcul favorisant les carrières complètes et ascendantes (cf. supra).
Le critère de durée d’assurance requise pénalise fortement les assurés, notamment des femmes, dont les revenus cumulés sur la carrière sont les plus faibles et qui n’ont pas été en capacité de faire une carrière complète. Cette pénalisation est par ailleurs aujourd’hui double pour les assurées : non seulement, elles subissent une proratisation du montant de leur retraite par rapport à la durée d’assurance requise, mais en plus elles subissent une décote supplémentaire.
A cet égard, la suppression de la durée d’assurance, comme critère de calcul des droits et de condition de départ en retraite, permettra d’éviter cette double pénalisation et évitera que de nombreux assurés à carrière incomplète soient dans l’obligation d’attendre 67 ans pour atteindre l’âge d’annulation de la décote. En 2018, 16 % des femmes ont dû attendre pour partir en retraite d’avoir l’âge d’annulation de la décote et 11 % des femmes sont parties avant cet âge, mais avec une décote. Parmi les femmes qui bénéficient du minimum de pension, 2/3 l’ont obtenu en devant attendre pour partir en retraite d’atteindre l’âge d’annulation de la décote
Enfin, si les droits familiaux ont une importance cruciale dans le processus de réduction des inégalités de retraites entre hommes et femmes, leurs mécanismes ne sont pas toujours adaptés. Ces dispositifs représentent respectivement des dépenses de 7,0 Md€ et de 3,1 Md€ de cotisations annuelles prises en charge par la Cnaf, tandis que la majoration pour trois enfants représente quant à elle 8,0 Md€[23]. Mais, selon une étude de la DREES[24], 2/3 seulement des droits familiaux bénéficient aux femmes, seules à subir des préjudices de carrière liés au fait d’avoir eu des enfants, notamment en raison du bénéfice pour les hommes de la majoration de 10%. Ces droits sont par ailleurs très orientés (à 80%) vers les familles de trois enfants et plus.
En rénovant les mécanismes de droits familiaux et de minimum de pension et en mettant un terme aux mécanismes implicites qui les défavorisent aujourd’hui, le système universel a l’ambition d’améliorer significativement la situation des femmes au regard des retraites.
De plus en plus d’assurés relèvent de différents régimes, leur activité pouvant être exercée sous plusieurs statuts qui vont emporter des conséquences en matière d’effort contributif et de calcul des droits à retraite.
Si la liquidation unique mise en place dans le régime général et les régimes alignés a permis de mieux prendre en compte les situations en agrégeant les rémunérations dans ces régimes et en appliquant les mêmes règles, comme si l’assuré n’avait en réalité été affilié qu’à un seul des régimes alignés, elle ne couvre pas l’ensemble des régimes.
En pratique, le montant de la pension peut être différent selon que l’on a commencé dans un régime et fini dans un autre, pour des rémunérations identiques (par exemple, en commençant dans la fonction publique et en finissant salarié du secteur privé). De même, et en matière de cotisation, une personne alternant deux formes d’activité au cours de l’année pourra valider quatre trimestres au titre d’une activité salariée (sur six mois) mais être quand même redevable d’une cotisation minimale lui permettant de valider des trimestres comme non salarié (sur les six autres mois de son activité). Des cotisations non créatrices de droits peuvent donc être générées par ces situations.
D’autre part, les périodes de précarité, qui peuvent concerner des parties importantes de la carrière pour certains profils d’individus ne sont pas toujours prises en compte de façon favorable.
De petites quotités de travail peuvent ne pas donner lieu à validation de droits alors même que des cotisations sont perçues, en raison de la règle de validation des trimestres. Les périodes assimilées octroyées dans les régimes de base au titre du chômage ne sont pas toujours utiles pour la retraite, soit parce que sur une année donnée les périodes travaillées suffisent déjà à valider l’intégralité des trimestres, soit parce que la personne travaille suffisamment toute sa carrière pour partir en retraite à taux plein sans l’aide de ces validations. Elles ne font généralement pas l’objet de report au compte, ce qui peut avoir le cas échéant un effet sur le salaire de référence.
Les régimes de retraite s’efforcent d’offrir un revenu adéquat aux retraités tout en préservant leur propre viabilité financière. Le vieillissement démographique dû à une longévité croissante et à la faiblesse des taux de fécondité pose un problème persistant dans la mesure où le nombre de retraités s’accroît plus rapidement que celui des actifs. Pour soutenir et pérenniser le système par répartition, les gouvernements successifs ont conduit des réformes visant à maîtriser les conséquences économiques de ces évolutions et à contenir l’évolution de la dépense de retraite.
Trois grands leviers ont été utilisés pour la restauration de l’équilibre des régimes de retraites : les âges de départ, le montant des pensions et les taux de cotisations.
- Les réformes de 1993 et 2003, en allongeant les durées d’assurance requises ont joué sur les âges de départ et le niveau des pensions. La réforme de 1993 a également procédé à une modification du mode d’indexation des pensions et des salaires portés au compte en passant des salaires aux prix.
- La réforme de 2010 a principalement joué sur les âges de départ à la retraite en relevant de deux ans sur 5 générations les deux bornes d’âges que sont l’âge d’ouverture des droits (de 60 à 62 ans) et l’âge d’annulation de la décote (de 65 à 67 ans).
- Enfin, la réforme de 2014, en allongeant la durée requise pour le taux plein, a également modifié les âges de départ à la retraite et le montant des pensions. Elle a accru par ailleurs les taux de cotisations, tant pour contribuer à l’équilibre du système que pour financer de nouveaux droits.
Graphique 7 - Variation de la durée moyenne passée à la retraite suite aux réformes des retraites de 2010 à 2015 – part quartile de salaire à 54 ans – génération 1980
Lecture : La durée moyenne passée à la retraite des hommes de la génération 1980 appartenant au quartile de salaire le plus élevé diminue de 20 mois suite aux réformes des retraites mise en œuvre entre 2010 et 2015.
Note : Les quartiles de salaires pour les hommes et pour les femmes sont définis au sein de chaque sexe.
Champ : Ensemble des retraités des générations 1960 et 1980, y compris versement forfaitaire unique.
Sources : EIC2009, modèle TRAJECTOIRE, DREES. Scénario macroéconomique B du COR de la séance de décembre 2014.
Graphique 8 - Variation de la pension relative sous l’effet des diverses mesures prévues par les réformes – par mesure
Lecture : La pension relative moyenne tous régimes des hommes de la génération 1980 augmente de 2,5 % suite au recul de l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans instauré par la réforme de 2010.
Champ : Ensemble des retraités des générations 1950, 1960, 1970 et 1980, y compris versement forfaitaire unique.
Sources : EIC2009, modèle TRAJECTOIRE, DREES. Scénario macroéconomique B du COR de la séance de décembre 2014.
Dans le même temps, les régimes complémentaires, gérés par les partenaires sociaux, ont également modifié leurs propres règles, afin notamment de diminuer le rendement des régimes.
L’ensemble de ces mesures a permis d’assainir la situation financière du système de retraite par répartition : le besoin de financement du système de retraite est ainsi passé de 0,7 % du PIB en 2010 à 0,1 % du PIB en 2018.
Ces réformes ont permis de contenir la part de la richesse nationale consacrée aux retraites à 13,8 % du PIB en 2018 (soit 325 Md€), et 12,8 % en projection en 2060[25] ; en l’absence de ces réformes, la part des dépenses de retraite dans le PIB aurait atteint 20,5 % en 2060 (cf. graphique ci-dessous).
Graphique 9 - Part des dépenses de retraite dans le PIB, selon la législation et le scénario macroéconomique
Lecture : en 2060, si les réformes intervenues depuis 1993 n’avaient pas eu lieu, et en maintenant l’indexation des pensions sur les salaires, la part des dépenses de retraite (droits directs et dérivés) se serait élevée à 20,5 % du PIB dans le cas d’une augmentation de la productivité du travail de 1,3 %.
Note : départ à la retraite au taux plein, hypothèses démographiques et macroéconomiques des projections 2012 du Conseil d’orientation des retraites.
Sources : Insee (2014), « Vingt ans de réformes des retraites : quelle contribution des règles d’indexation »
Ces mesures paramétriques montrent cependant leurs limites notamment du fait de la faible pilotabilité d’un système constitué de 42 régimes aux règles différentes mais aussi parce leur succession et leur fréquence ont progressivement remis en cause la confiance dans un système par répartition, en particulier chez les générations les plus jeunes.
La part de la richesse nationale dédiée aux retraites reflète à la fois la plus ou moins grande générosité d’un système et la situation démographique d’un pays. Cette part est très élevée dans le cas français, au regard de comparaisons avec des pays qui nous sont proches ou de la moyenne constatée dans l’Union européenne : environ deux points de PIB de plus que la moyenne des pays européens, et 3 points de plus que l’Allemagne et le Royaume-Uni. Seules la Grèce et l’Italie consacrent une part supérieure de leur richesse à la retraite. Selon les projections du dernier rapport du COR de novembre 2019, cette part devrait rester globalement stable dans les dix années à venir.
Graphique 10 - Part des dépenses de retraite dans le PIB dans les pays de l’UE en 2016
Source : Programme de qualité et d’efficience annexé au PLFSS pour 2020 – données Drees-CPS pour la France, Eurostat-Sespros pour les autres pays
Note : SPA : standard de pouvoir d’achat
Si la modification des règles de revalorisation, passant d’une indexation sur les salaires à une indexation sur les prix, a fortement contribué à contenir les dépenses de retraite, elle s’accompagne toutefois d’une plus grande incertitude sur les prévisions de dépenses. En effet, alors que les recettes évoluent comme les revenus d’activité – sur lesquels sont assises les cotisations – et donc, en première approximation, comme le PIB, les dépenses évoluent quant à elles plus ou moins vite que le PIB selon le mode d’indexation retenu.
Les projections du dernier rapport annuel du COR[26] montrent que la part de la richesse nationale dédiée aux retraites demeure étroitement liée à l’environnement économique : à partir de 2028-2029, la part des dépenses de retraite dans le PIB se différencierait nettement selon la croissance observée.
Dans les scénarios de croissance de la productivité du travail à 1,3 %, 1,5 % et 1,8 %, cette part baisserait progressivement jusqu’à la moitié des années 2060. Dans le scénario de croissance à 1,0 %, cette part augmenterait jusqu’en 2035, puis demeurerait relativement stable avant de baisser légèrement à compter de 2050 (cf. graphique ci-dessous).
A horizon 2070, la part des dépenses brutes de retraite varierait entre 11,8 % du PIB dans le scénario de croissance à 1,8 %, et 13,8 % du PIB dans le scénario à 1,0 %.
Graphique 11 - Part des dépenses de retraite dans le PIB, observée et projetée
Lecture : en 2070, la part des dépenses de retraite (droits directs et dérivés) serait de 13,0 % du PIB dans le cas d’une croissance de la productivité du travail de 1,3 %.
Sources : COR (2019), Rapport annuel, juin.
En situation de croissance économique soutenue, l’indexation des pensions liquidées et des salaires portés au compte sur l’inflation conduit implicitement à une redistribution en faveur des actifs puisque les pensions évoluent moins rapidement que les revenus d’activité. Au contraire, en cas de croissance faible, l’indexation sur les prix préserve le pouvoir d’achat des retraités et fait jouer au système de retraite un rôle de stabilisateur automatique : les revenus des retraités n’étant pas affectés par le choc au même titre que les revenus d’activité, ces derniers peuvent contribuer à stimuler la consommation et la croissance, au prix toutefois d’une augmentation de la part des dépenses de retraite dans le PIB. Le système tend donc à être excédentaire quand les gains de productivité se renforcent et à être déficitaire quand ils s’affaiblissent.
Il est toutefois communément admis de retenir comme scénario central une hypothèse de croissance de la productivité du travail à 1,3 %, soit la moyenne constatée sur la période 1990-2018. Dans ce scénario, le système de retraite ne retrouve jamais l’équilibre et se trouve structurellement en déficit selon le COR.
Le rapport remis par le Conseil d’Orientation des retraites en novembre dernier au Premier Ministre met en évidence l’existence, d’ici 2025 comme d’ici 2030, d’un besoin de financement qui se traduit par un déficit, quelle que soit la convention retenue en matière d’évolution de la contribution de l’État au système.
Graphique 12 - Solde du système de retraite d’ici 2030
Afin que le système universel puisse se mettre en place dans les conditions d’équilibre que requiert un système par répartition (dont les déficits conduisent en pratique à rompre la solidarité entre les générations, aux dépens de celles qui supporteront leur charge), ce besoin de financement doit être traité.
En France, l’âge minimal de départ en retraite se situe en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE : il est fixé à 62 ans pour les assurés de droit commun[27] nés en 1955 ou après, tandis que pour la plupart des autres pays, cet âge minimal se situe plutôt autour de 65 ans (cf. graphique ci-dessous).
Graphique 13 - Âge minimal de départ en retraite au sein des pays de l’OCDE
Lecture : Aujourd’hui, au Royaume-Uni, l’âge d’ouverture des droits à retraite est fixé à 65 ans. Cet âge va monter progressivement jusqu’à atteindre 68 ans à horizon 2044-2046.
Source : COR, Dossier de la séance plénière de février 2019
Note : Le calendrier présenté pour l’Italie ne tient pas compte du projet de réforme en cours. La Suède va élever l'âge légal à 64 ans d’ici 2026.
L’âge effectif de départ à la retraite se situe aujourd’hui autour de 62 ans, au niveau de l’âge minimal. Il a progressivement augmenté au cours des dernières décennies, sous l’effet notamment des mesures relevant la durée d’assurance requise pour le taux plein, l’âge minimal et l’âge d’annulation de la décote : il est ainsi passé de 60 ans et 6 mois en 2010, à 61 ans et 10 mois fin 2016 (62 ans et 1 mois pour les femmes, 61 ans et 6 mois pour les hommes), soit une progression de 1 an et 4 mois sur la période (âge effectif moyen pour l’ensemble des assurés, y compris départs anticipés). En conséquence, la proportion de retraités à 60 ans est passée de 64 % à 30 % entre 2010 et 2013 (pour les générations 1950 à 1953).
Il atteint toutefois déjà près de 63,5 ans pour les assurés au régime général, hors dispositifs de départs anticipés, qui sont partis en retraite en 2018.
L’âge minimal relativement très bas en France est ainsi complété d’un mécanisme incitatif fonctionnant sur la durée. Ce mécanisme du « taux plein », autour duquel s’articule un système de décote et de surcote, est particulièrement efficace. Ainsi, 80 % des assurés partent à l’âge leur garantissant le bénéfice d’une pension complète (« âge du taux plein »). Ce taux plein peut être atteint par la durée d’assurance (trimestres validés, soit 43 ans pour la génération 1973 à l’issue de la montée en charge de la réforme de 2014) ou par l’âge (âge d’annulation de la décote, qui s’établit à 67 ans). Le relèvement des âges légaux et l’allongement de la durée d’assurance ont conduit à des changements de comportement de départ puisque, à législation inchangée, les assurés ont globalement continué à rechercher le taux plein (la part des fonctionnaires civils partis en retraite avec décote a même diminué de 2010 à 2018).
Graphique 14 - Part des assurés partant en retraite avec décote selon leur régime principal d’affiliation
Sources : PQE Retraite pour 2020, fiche 1.10 d’après des données : Cnav, MSA, ex-RSI, CNRACL et SRE (champ : pensions civiles).
La part des personnes ayant liquidé une pension avec une surcote est également restée globalement stable dans la plupart des régimes de retraite.
Graphique 15 - Part des assurés partant en retraite avec surcote selon leur régime principal d’affiliation
Sources : PQE Retraite pour 2020, fiche 1.10 d’après des données : Cnav, MSA, ex-RSI, CNRACL et SRE (champ : pensions civiles).
En projection, le COR prévoit que l’âge moyen conjoncturel de départ atteigne 63 ans en 2030 et 64 ans en 2040 (y compris départs anticipés, cf. graphique ci-dessous). L’âge moyen effectif de départ hors retraites anticipées progresserait quant à lui de 64 ans en 2030 à 64,5 ans en 2040. Compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie, ce relèvement ne conduirait toutefois pas à diminuer la durée passée à la retraite, qui se stabiliserait à un niveau élevé (26 ans pour la génération 1950) puis reprendrait sa progression pour les générations plus jeunes : l’espérance de vie continuera donc de progresser plus vite que le temps passé à la retraite.
Graphique 16 - Âge moyen de départ en retraite (hors départs anticipés) constaté puis projeté
Source : Cnav - Modèle PRISME.
Note : âge moyen calculé relativement à la première liquidation de l’assuré.
On comptait en 2006 2,5 personnes de 20-59 ans pour une personne de plus de 60 ans. En 2070, selon les scénarios démographiques retenus par l’INSEE et utilisés dans les projections du COR, ce ratio s’établirait à 1,25.
Graphique 17 - Rapports démographiques des populations 25-59 ans (20-64 ans) rapportés aux 60 ans et plus (respectivement 65 ans et plus)
Note : scénario « max » = hypothèses hautes de fécondité et de migration, hypothèse basse d’espérance de vie ; scénario « min » = hypothèses inverses.
Champ : France hors Mayotte jusqu’à la génération 1952, France entière ensuite.
Source : Rapport du COR de juin 2019 à partir de données INSEE, estimations de population (provisoires pour 2015-2018) et projections de population 2013-2070.
Sous l’effet des mesures d’âges et de durée retenues par les réformes précédentes, les taux d’emploi des seniors se sont améliorés. Les taux d’emploi sont dans la moyenne européenne pour les 55-59 ans mais restent sensiblement inférieurs aux pays comparables pour la tranche des 60-64 ans. Le taux de chômage des seniors (plus de 55 ans) est inférieur à celui des autres actifs (6,5% au lieu de 8,6M au 3è trimestre 2019), les chiffres étant identiques pour les femmes et les hommes.
Le taux d’emploi des seniors s’est par ailleurs significativement redressé depuis le début des années 2000 à mesure que l’âge effectif de départ à la retraite a reculé (+13,9 points de 2007 à 2018 pour les 55 à 64 ans). En 20 ans, on est passé de moins de 1 personne sur 2 en emploi parmi les 55 - 59 ans, à plus de 7 sur 10.
Graphique 18 - Taux d’emploi des seniors
Source : rapport sur l’emploi des seniors, janvier 2020
Les taux d’emploi sont dans la moyenne européenne pour les 55-59 ans (72 %) mais restent, malgré un redressement récent, sensiblement inférieurs aux pays comparables pour la tranche des 60-64 ans (31 % contre 44 % dans l’Union européenne). Cela s’explique principalement par un âge effectif moyen de départ à la retraite d’environ 62 ans en France, soit deux ans de moins en moyenne que dans le reste de l’Union Européenne.
Graphique 19 - Taux d’emploi des seniors en comparaison internationale
Source : DARES, tableau de bord « activité des seniors et politiques d’emploi », janvier 2020 sur données Eurostat et OCDE
L’espérance de vie à 60 ans progresse depuis 1945. Elle atteint 23,2 années pour les hommes en 2018 et 27,6 ans pour les femmes.
Graphique 20 - Espérance de vie à 60 ans par genre en France
Source : programme de qualité et d’efficience « retraite » annexé au PLFSS 2020 – données INSEE, bilan démographique 2018, espérance de vie non lissé
Champ : France hors Mayotte jusqu’en 2014 et France inclus Mayotte à partir de 2014e
En 2040, selon les hypothèses de l’INSEE utilisées par le Conseil d’Orientation des retraites, elle atteindrait 26,7 ans pour les hommes (+3,5 ans) et 30,1 ans pour les femmes (+2,5 ans). En 2070, elle atteindrait 31 ans pour les hommes (+7,8 ans) et 33,6 ans pour les femmes (+ 6 ans).
En conséquence de ces évolutions, la durée moyenne passée en retraite devrait croître.
Graphique 21 - Durée moyenne de retraite en nombre d’années et par génération
Note : l’espérance de vie est calculée par génération, comme : 60 + espérance de vie à 60 ans (selon l’hypothèse que l’assuré atteint l’âge de la retraite, et ne décède donc pas avant 60 ans). Les scénarios de mortalité des projections démographiques de l’INSEE sont extrapolés sous l’hypothèse d’une poursuite de la baisse de la mortalité au-delà de 2070.
Champ : retraités de droit direct, résidant en France.
Source ; COR, rapport de juin 2019 sur données INSEE, projections de population 2013-2070 ; projections COR – juin 2019.
En raison d’une espérance de vie plus importante et d’un âge de départ effectif moyen à la retraite plus bas que dans les autres pays de l’OCDE, la France reste le pays de l’OCDE ayant l’espérance de vie à l’âge moyen de sortie du marché travail la plus élevée, à plus de 25 ans soit 4 ans de plus que la moyenne dans l’Union européenne.
Graphique 22 - Espérance de vie après la sortie du marché du travail
Plusieurs indicateurs sont disponibles pour évaluer l’espérance de vie en bonne santé.
La DREES publie des données sur l’espérance de vie sans incapacité qui correspond au nombre d’années que peut espérer vivre une personne sans être limitée dans ses activités quotidiennes. En 2018, elle s’élève en France à 64,5 ans pour les femmes et 63,4 ans pour les hommes. Entre 2008 et 2018, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans a progressé, elle, de 1 an et 2 mois pour les femmes et de 1 an et 5 mois pour les hommes, traduisant un recul de l’âge d’entrée en incapacité pour les personnes ayant atteint 65 ans.
Le COR retient pour sa part une mesure des limitations d’activité dite indicateur GALI (General activity limitation indicator). Il constate que de 2008 à 2017, les années de vie gagnées par les femmes (0,7 an) sont des années « en bonne santé », tandis que celles gagnées par les hommes (1,1 an) se partagent entre « année en bonne santé » (0,5 an) et année avec limitation d’activité » (0,6 an).
Les indicateurs d’espérance de vie en bonne santé présentent des limites méthodologiques : contrairement à l’espérance de vie, calculée sur des données de l’état civil, ils sont estimés à partir d’enquêtes déclaratives, dont les résultats sont très sensibles à la formulation de la question, à la position dans le questionnaire et aux questions qui précèdent, aux biais culturels, etc.
L’indicateur utilisé par la DREES s’appuie ainsi sur les réponses à la question posée dans l’enquête européenne European Union-Statistics on Income and Living Conditions (UE-SILC) : « Êtes-vous limité(e), depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ? ». Il existe d’autres indicateurs reposant sur d’autres questions recueillant l’état de santé ressenti.
L’espérance de vie en bonne santé reste ainsi à ce stade davantage un outil utilisé par les chercheurs en sciences sociales pour éclairer le débat public qu’un paramètre pouvant être directement pris en compte dans les règles du système de retraite. La façon la plus opérante de la prendre en compte consiste alors à se fonder sur l’état de santé des assurés au moment de la retraite constaté par un médecin, et de leur accorder le bénéfice de dispositions permettant un départ anticipé à la retraite (ex : retraite à taux plein pour incapacité, pour invalidité, pour inaptitude…).
Le système de retraite français est composé d’un ensemble complexe et fragmenté de régimes, appliquant chacun leur corpus de règles d’acquisition et de valorisation des droits. Cette situation, héritée de l'histoire, génère de multiples iniquités et beaucoup de complexité pour les assurés, comme pour les organismes gestionnaires du système. Cette illisibilité suscite l’incompréhension du système de retraite par les assurés et génère des doutes concernant sa pérennité.
Graphique 23 - Principaux régimes du système actuel
(*) Les travailleurs indépendants (artisans et commerçants), affiliés au RSI jusqu’au 31 décembre 2017, sont affiliés à la sécurité sociale des indépendants (SSI) à compter du 1er janvier 2018, et la gestion du RSI est progressivement reprise par la Cnav.
Champ : Prestations légales vieillesse, hors invalidité et prestations-décès sauf pour les régimes de la fonction publique (mais hors allocation temporaire d’invalidité -ATI-, rente d’accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires -RATOCEM-, et allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales - ATIACL).
Nota : (1) Pour des questions de lisibilité, la proportionnalité entre la dépense des régimes et la dimension des rectangles n’est pas respectée. Certains petits régimes de retraite ne sont pas représentés (marins / artistes-auteurs / personnel naviguant de l'aviation civile / ministres des cultes). Les six régimes de retraite qui concernent les agents publics sont entourés par un rectangle de couleur rouge. (2) Les régimes Agirc et Arrco seront fusionnés à compter du 1er janvier 2019 et sont présentés dans un seul rectangle.
Lecture : Un agent de la fonction publique territoriale percevra une pension de la CNRACL (régime complet) et une pension du RAFP (régime additionnel). Un salarié du secteur agricole percevra une pension de la MSA (régime de base) et une pension de l’ARRCO voire de l’AGIRC s’il a le statut de cadre (régime(s) complémentaire(s)).
Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2020 (à partir du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2019, retraitements Direction du Budget).
L’ambition initiale d’unifier la gestion de l’assurance vieillesse n’a été que partiellement atteinte. Ainsi, si une démarche d’unification a été entreprise ces dernières décennies, il demeure des régimes propres à certains champs de la sphère publique (fonctionnaires, grandes entreprises et institutions publiques telles que la SNCF, la Banque de France, ou encore l’Opéra de Paris) ou privée (ENIM pour les marins, CRPCEN pour les clercs de notaires, industries électriques et gazières) qui préexistaient à la création du régime général et dont les prestations restent souvent plus généreuses que celle du régime général.
En second lieu, les professions agricoles (MSA, confirmée officiellement en tant qu'organisme professionnel chargé de gérer le risque vieillesse des assurés agricoles en 1947), les artisans (CANCAVA, créée en 1949), les commerçants (ORGANIC, créée en 1949) et les différentes professions libérales (ces dernières étant néanmoins regroupées au sein d’une fédération commune, la CnavPL, créée en 1949) ont adopté des logiques proposes liées à leurs spécificités en optant notamment pour une moindre couverture vieillesse obligatoire.
En troisième lieu, le niveau de couverture plus circonscrit du régime général que dans à d’autres régimes spécifiques, dans le cadre de l’après-guerre, a engendré une généralisation progressive d’un étage de retraite complémentaire, d’abord chez les cadres (création du régime unique de l’AGIRC en 1947) puis chez les non-cadres, dont les nombreux régimes ont progressivement convergé vers la transformation de l’ARRCO (créée dès 1961) en un régime unique (en 1999). Cet étage complémentaire rendu obligatoire à l’ensemble des salariés en 1972[28], a été étendu aux contractuels de droit public (Ircantec), puis aux travailleurs non-salariés (RCO pour les exploitants agricoles créé en 2003 et RCI, devenu le régime complémentaire unique des travailleurs indépendants de l’ex RSI en 2013).
Par conséquent, notre système public de retraite demeure très largement structuré sur une base socio-professionnelle et marqué par la cohabitation d’une multiplicité de régimes. Il est aujourd’hui composé de 42 régimes distincts, alors même qu’ils partagent presque tous les mêmes deux caractéristiques principales, leur caractère obligatoire et leur fonctionnement par répartition[29].
Ils se répartissent majoritairement en deux étages, de base et complémentaire, le cas échéant, des régimes additionnels permettent la création de droits sur la base d’assiettes résiduelles.
Tableau 2 - Régimes obligatoires composant le système actuel
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Régimes |
Retraite |
Retraite complémentaire |
Retraite additionnelle |
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Salariés et assimilés |
||||
|
Salariés de l’industrie, du commerce et des services |
Cnav |
Agirc-Arrco (SACIJO) |
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Salariés agricoles |
MSA (régime aligné) |
Agirc-Arrco |
|
|
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Enseignants du privé |
Cnav |
Ircantec |
RETREP/RAEP |
|
|
Agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, élus locaux |
Cnav |
Ircantec |
|
|
|
Personnels navigants de l’aviation civile |
Cnav |
CRPN-PAC |
|
|
|
Artistes-auteurs d’œuvres originales |
AGESSA-MDA/ |
IRCEC (RAAP + RACD ou RACL) |
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|
Membres des cultes |
CAVIMAC |
Agirc-Arrco |
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|
|
Salariés des régimes spéciaux de retraite |
Banque de France |
|
||
|
CNIEG (IEG) |
||||
|
CRPCF (Comédie-Française) |
||||
|
CRPCEN (clercs et employés de notaires) |
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ENIM (marins salariés et non-salariés) |
||||
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CROPERA (Opéra de Paris) |
||||
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CPRP SNCF |
||||
|
CRP RATP |
||||
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Port autonome de Strasbourg |
||||
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CANSSM (mines) |
Agirc-Arrco |
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Fonctionnaires et assimilés |
||||
|
Fonctionnaires de l’État, magistrats et militaires |
Service des retraites de l’État (SRE) |
RAFP (ERAFP) |
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Agents de la fonction publique territoriale et hospitalière |
CNRACL |
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Ouvriers de l’État |
FSPOIE |
|
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Ministres des cultes d’Alsace-Moselle |
Régime autonome |
|
||
|
Députés |
Régime autonome (AN) |
|
||
|
Fonctionnaires AN |
Régime autonome (AN) |
|
||
|
Sénateurs |
Régime autonome base (Sénat) |
Régime autonome complémentaire (Sénat) |
|
|
|
Fonctionnaires Sénat |
Régime autonome (Sénat) |
|
||
|
Membres du CESE |
Régime autonome (CESE) |
|
||
|
Indépendants |
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Exploitants agricoles |
MSA base |
RCO/MSA complémentaire |
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|
|
Artisans, industriels et commerçants, professions libérales non réglementées |
SSTI base |
RCI/SSTI complémentaire |
|
|
|
Débitants de tabac |
SSTI base |
RCI/SSTI complémentaire |
RAVGDT |
|
|
Notaires |
CnavPL (RBL) |
CRN |
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|
Officiers ministériels |
CAVOM |
|||
|
Médecins |
CARMF |
PCV (ex ASV) |
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|
Chirurgiens-dentistes et sages-femmes |
CARCDSF |
PCV (ex ASV) |
||
|
Pharmaciens |
CAVP |
PCV (ex ASV) |
||
|
Auxiliaires médicaux |
CARPIMKO |
PCV (ex ASV) |
||
|
Vétérinaires |
CARPV |
|
||
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Agents généraux d’assurance |
CAVAMAC |
|||
|
Experts comptables et comptables agréés |
CAVEC |
|||
|
Architectes et autres professions libérales |
CIPAV |
|||
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Avocats salariés et non-salariés |
CNBF base |
CNBF complémentaire |
|
|
2.1. Une multiplicité de régimes de base
Les régimes de base constituent le socle de notre système de retraite. Il en existe aujourd’hui une vingtaine[30], qui peuvent être classés en trois ensembles, en fonction des catégories socio-professionnelles auxquelles ils correspondent.
Le premier ensemble comprend principalement les salariés du secteur privé y compris agricole, et les non titulaires de la fonction publique avec deux régimes de base. Le régime général couvre les salariés du commerce, de l’industrie et des services et est géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav)[31]. Le régime des salariés agricoles est géré par la Mutualité sociale agricole (MSA). Cet ensemble couvre environ 70 % des actifs. Ces deux régimes sont dits alignés car ils prévoient les mêmes règles en matière d’acquisition et d’ouverture de droits.
Le deuxième ensemble correspond aux régimes des travailleurs indépendants, dont l’organisation demeure marquée par une grande diversité de régimes. Les artisans, industriels et commerçants, qui étaient autrefois affiliés au Régime social des indépendants (RSI) ont été intégrés au sein du régime général le 1er janvier 2018 et leurs règles sont identiques à celles des salariés. Ils relevaient auparavant de deux régimes distincts, la Caisse nationale de compensation d'assurances vieillesse des artisans (CANCAVA) et l’Organisation nationale du commerce et de l’industrie (ORGANIC), remplacées en 2006 par le RSI. Les exploitants agricoles, gérés par la MSA, relèvent quant à eux d’un régime spécifique et particulièrement complexe (plusieurs étages de prestations au sein même du régime de base). Les professions libérales relèvent du régime de base de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CnavPL) qui en confie la gestion aux dix sections professionnelles qui gèrent également la retraite complémentaire de ces assurés. Enfin, le régime des avocats est géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF, créée en 1948 en tant que section professionnelle de la CnavPL, puis transformée en organisme autonome en 1954). Ce deuxième ensemble, qui rassemble environ 13 % des actifs, est donc très loin d’être homogène.
Le troisième ensemble regroupe les régimes spéciaux, qui couvrent pour l’essentiel les fonctionnaires, les salariés des entreprises publiques et, dans quelques cas, des salariés d’entreprises privées (SNCF, RATP et entreprises du secteur des industries électriques et gazières). Les fonctionnaires de l’État, les magistrats et les militaires relèvent du service des retraites de l’État (SRE, créé par décret du 26 août 2009), et les fonctionnaires des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers relèvent de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Les autres régimes spéciaux sont ceux des industries électriques et gazières (CNIEG), de la SNCF, de la RATP, des ouvriers de l’État (FSPOEIE), de la Banque de France, de l’Opéra national de Paris et de la Comédie française, des ministres des cultes (CAVIMAC), du Port autonome de Strasbourg, des clercs et employés de notaires (CRPCEN), des marins (ENIM) et des mines (CANSSM). Ces régimes disposent de règles souvent similaires et ont un caractère dit « intégré », dans la mesure où ils couvrent l’équivalent de la retraite de base et de la retraite complémentaire. Ce troisième ensemble couvre environ 17 % des actifs.
2.2. Des régimes complémentaires superposés aux régimes de base
Dès la création de l’AGIRC en 1947, les régimes complémentaires se sont superposés aux régimes de base, sans pour autant leur être exactement symétriques. Il en existe deux catégories principales.
La première catégorie regroupe les salariés du régime général et du régime agricole, affiliés au nouveau régime Agirc-Arrco unifié depuis le 1er janvier 2019. Cette catégorie comprend également les agents non-titulaires de l’État, des collectivités locales et des établissements hospitaliers, qui relèvent de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), ainsi que la caisse de retraite des personnels navigants (CRPNPAC).
La deuxième correspond aux régimes complémentaires des travailleurs indépendants. Les 10 sections professionnelles de la CnavPL (CARCDSF, CARMF, CARPIMKO, CARPV, CAVAMAC, CAVEC, CAVOM, CAVP, CIPAV, CPRN) gèrent les régimes complémentaires des professions libérales. Les exploitants agricoles relèvent du régime complémentaire obligatoire (RCO), géré par la MSA. Les avocats relèvent de la CNBF et les travailleurs indépendants de la SSI, gérée par le régime général.
Dans les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux, il n’existe pas à proprement de régime complémentaire puisqu’ils sont « intégrés ». Les fonctionnaires cotisent toutefois en complément, sur une partie de leurs primes, au régime de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), qui a la particularité d’être entièrement provisionné, et perçoivent une retraite en complément.
Enfin, il convient de noter que les membres des assemblées parlementaires (députés, sénateurs) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) disposent de leur propre régime spécial : les députés sont affiliés au régime de retraite des députés de l'Assemblée nationale, créé par la résolution du 23 décembre 1904 et qui s’est aligné sur les règles de la fonction publique en 2017 ; les sénateurs sont affiliés à la Caisse autonome de retraite des anciens sénateurs, créée par la résolution du 28 janvier 1905 ; les membres du CESE sont affiliés à leur propre régime de retraite, créé par la loi n° 57-761 du 10 juillet 1957.
3.1. La quasi-totalité de la population perçoit plusieurs retraites
Aujourd’hui, la quasi-totalité des assurés a été affiliée à plusieurs régimes de retraite de base ou complémentaire. Ainsi, un salarié ayant effectué toute sa carrière dans le secteur privé percevra au moins deux retraites, l’une calculée en annuités et servie par le régime général pour la retraite de base, l’autre calculée en points et servie par l’Agirc-Arrco pour la retraite complémentaire.
Pour la majorité des assurés, le système est encore plus complexe : plus de 60 % d’entre eux sont affiliés à au moins trois régimes de retraite, un tiers sont affiliés à quatre régimes ou plus et 250 000 assurés sont même affiliés à sept régimes ou plus.
Ces assurés perçoivent aujourd’hui autant de retraites différentes que de régime d’affiliation (à l’exception des assurés relevant des régimes alignés – régime général (travailleurs salariés et non-salariés) et régime des salariés agricoles, pour lesquels une liquidation unique des droits acquis dans ces régimes est mise en œuvre depuis 2017).
Cette situation est un facteur de complexité pour les assurés et limite les capacités d’anticiper l’impact des changements de vie ou de carrière sur leur retraite et de faire des choix éclairés à l’approche de la fin de leur carrière.
Graphique 24 - Répartition des assurés selon le nombre de régimes d’affiliation
Source GIP union Retraite, Annuaire droits à l’information 2017
3.2. Les frontières d’affiliation entre régimes sont nombreuses et complexes
Les critères d’affiliation aux différents régimes qui composent le système de retraite actuel reposent essentiellement sur des logiques socio-professionnelles et des choix catégoriels, hérités d’une l'histoire sociale ancienne.
Les frontières d’affiliation séparant les régimes sont ainsi nombreuses et parfois complexes, ce qui génère de l’incompréhension pour les assurés et des difficultés en gestion pour les organismes de retraite.
Cette situation est particulièrement marquée pour les travailleurs indépendants, dont l’organisation est caractérisée par une grande diversité de régimes. En particulier, certaines activités exercées sous le régime de la micro-entreprise correspondent à des métiers nouveaux, parfois exercés à titre accessoire, dont le statut est incertain (experts, coaches, conseils, services sur des plateformes d’économie collaborative etc.).
4.1. La création d’un véritable guichet unique n’est pas possible dans le système actuel
La coexistence de 42 régimes de retraite oblige toujours à l’heure actuelle les assurés et les retraités à mener des démarches auprès des différents régimes dont ils relèvent même si des évolutions en matière de coordination entre régimes ont permis d’améliorer les coordinations et de limiter en partie la démultiplication des contacts nécessaires.
Les avancées portent sur la liquidation unique pour les régimes alignés (concernant les seuls salariés des régimes général et agricole et les artisans et commerçants) ou encore la demande unique de retraite. Le GIP Union Retraite, qui réunit l’ensemble des régimes de retraite, a développé toute une gamme de services visant à apporter une information inter-régime complète et cohérente.
Toutefois, la multiplicité des opérateurs et des règles en matière de prestations propres à chaque régime ne permet pas la création d’un réel guichet unique qui offrirait un service complet tous régimes sur l’information des droits des assurés, la lisibilité des situations individuelles des assurés par rapport à leurs droits, la gestion des réclamations ou encore l’action sociale et les actions d’accompagnement des retraités.
Seule la création du Système Universel des retraites permettra de remplir cet objectif en intégrant progressivement les réseaux actuels des régimes retraite dans un réseau unifié du régime universel avec un guichet unique permettant une qualité de service homogène.
4.2. Les délais de liquidation et la qualité des comptes carrières sont fragilisés
Les parcours professionnels sont aujourd’hui beaucoup moins linéaires qu’autrefois. Il n’est pas rare qu’une personne connaisse au cours de son parcours professionnel 3, 4 ou 5 étapes amenant à des affiliations à différents régimes. Par exemple, un jeune qui débute comme apprenti, qui s’installe ensuite en tant que micro-entrepreneur et poursuit son parcours comme salarié. L’organisation en 42 régimes conduit à des affiliations successives avec une constitution de droits séparés au fur et à mesure du déroulement des parcours. Les périodes de poly-activité, de plus en plus fréquentes, complexifient encore la situation.
Cette organisation engendre au mieux une inefficience dans la gestion des carrières et des droits à retraite. Elle amène également à des délais de traitement supplémentaire liés à la coordination des actes de gestion de liquidation des droits à retraite des assurés entre les différents régimes concernés, notamment en matière de calcul des minima de pension ou des pensions de réversion.
Le système universel permettra une gestion unique et centralisée de la liquidation de la retraite d’une personne ; ceci facilitera l’efficacité et la qualité du service rendu à l’assuré en faisant appel à un outil unique retraçant l’ensemble du parcours professionnel de l’assuré et des droits à retraite générés.
Compte tenu de l’absence d’un document de synthèse qui présenterait exhaustivement la situation financière du système de retraite, les chiffres donnés ci-dessous reposent sur une estimation à partir des données transmises par les régimes à l’occasion des prévisions réalisées dans le cadre du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, après consolidation complète et neutralisation des transferts inter-régimes et de ceux avec le FSV. Ils portent sur l’année 2017, dernière année pour laquelle cet exercice de consolidation a pu être réalisé. Le financement du système de retraite qui est résumé dans le schéma infra se révèle être alimenté par des recettes de natures diverses ainsi que par une multitude d’organismes contributeurs.
1.1.Un système de retraite financé principalement par les cotisations
Quatre cinquièmes (82 %) du financement du système de retraite provient de cotisations sociales (266 milliards d’euros en 2017), dont 39 milliards d’euros de cotisations d’équilibre versées par l’État en tant qu’employeur des fonctionnaires de la fonction publique de l’État.
Un dixième des recettes (11 %) est constitué d’impôts et taxes et contributions sociales (ITACS), qui représentent 36 milliards d’euros.
Les autres ressources sont composées de prises en charge de l’État (2 %, pour l’essentiel des subventions d’équilibre pour certains régimes spéciaux), de transferts d’organismes tiers tels que l’assurance chômage ou la branche famille de la sécurité sociale (5 %), de produits de gestion (1 %) et, enfin, de recours à la dette ou aux réserves pour couvrir les besoins de financement (2 %).
Tableau 3 - Principaux documents disponibles sur le système de retraite et sa situation financière
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Vision consolidée |
Champ |
Niveau de détails des données financières |
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Rapport de la CCSS |
Non, uniquement régime par régime |
Tous les régimes de base et complémentaires et fonds |
Fin (détail des dépenses et des produits) |
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LFSS en chiffres |
Oui |
Tous les régimes de base + FSV |
Agrégé (dépenses, recettes) |
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Annexe B à la loi de financement de la sécurité sociale |
Oui |
Tous les régimes de base + FSV |
Agrégé (dépenses, recettes, solde) |
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Rapport annuel du COR |
Oui |
30 principaux régimes de base et complémentaires + FSV |
Moyen (en points de PIB ; principaux agrégats financiers : droits directs, droits dérivés, cotisations salariales, produits et charges techniques, etc.) |
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Annexes au PLF (jaunes budgétaires) |
Non, uniquement régime par régime |
Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique : Régimes de base et complémentaires de la fonction publique
Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale : Montant des subventions budgétaires versées à certains régimes de retraite, montant des impôts et taxes reçus par la branche vieillesse |
Moyen (principaux agrégats financiers : droits directs, droits dérivés, cotisations salariales transferts, etc.) |
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LPFP |
Oui |
Agrégation régimes de base + régimes sociaux Régimes complémentaires |
Agrégé (dépenses, recettes, solde) |
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Compte général de l’État |
Non, uniquement régime par régime |
Les principaux équilibrés par l’État (SRE, FSPOEIE, SNCF, RATP, Mines, SEITA) |
Agrégé (dépenses, recettes, solde et besoins de financement) |
Graphique 25 - Ressources et transferts de l’ensemble du système de retraite
Note : la présente cartographie utilise les regroupements de régimes suivants : LURA (Cnav, Msa salariés, Rsi, Agirc-Arrco, Rci, Ircantec, Cavimac), Exploitant Agricole, CNRACL, FPE (y compris FSPOEIE), Professions libérales (Cnavpl, Cnbf, Cnavpl Rc, Cnbf Rc), Régimes spéciaux (Canssm, Enim, Ratp, Crpnsnfc, Cnieg, Bdf, Crpcen, Crpnac, Opéra de Paris, Comédie Française, SEITA, Préfecture du haut rhin, RISP, CRCFE, CRFCROM). Les données mobilisées incluent les mesures de la LFSS 2018.
(1) Concernant la FPE et les régimes spéciaux, le terme "invalidité" comprend seulement les pensions d'invalidité versées après l'âge légal de départ en retraite du dit régime.
Source : DSS 6A/6C, données CCSS septembre 2017 pour année 2018
1.2. Une part des cotisations prépondérante et stable dans le financement du système de retraite
Entre 2004 et 2018, la part du financement contributif du système de retraite a été préservée avec une part des cotisations se maintenant aux alentours de 80 %, sauf entre 2008 et 2012 lorsque le système présentait un déséquilibre financier supérieur à 3 %. Par ailleurs, en 2006, le poids des ITAF a légèrement progressé – de l’ordre de 3 points – alors que celui des transferts depuis les organismes extérieur a reculé de trois points.
Graphique 26 - Structure de financement du système de retraite de 2004 à 2018[32]
Source : Rapport annuel du COR - Juin 2019
1.3. Des sources de financement très hétérogènes selon les régimes
La nature des recettes est très différente d’un régime à l’autre (cf. graphique ci-dessous) : certains d’entre eux sont financés quasi-exclusivement par des cotisations tandis que d’autres bénéficient d’autres recettes, comme des taxes et contributions, des produits financiers ou des transferts.
Pour autant, il n’existe pas nécessairement de lien entre la nature des financements et celle des dépenses financées ; en particulier il n’y a aucun lien direct entre le poids de la fiscalité dans un régime et la nature solidaire des dépenses. Des dépenses de même nature sont donc financées différemment selon le régime qui les sert.
Graphique 27 - Répartition des recettes affectées aux régimes selon leur nature.
Source : Rapport annuel du COR - Juin 2019
Les régimes de la fonction publique et des professions libérales sont essentiellement financés par des cotisations. Les recettes des régimes de la fonction publique sont en effet quasi-intégralement constituées de cotisations (elles représentent 99 % des recettes du SRE et 94 % des recettes de la CNRACL). Les cotisations représentent également une part prépondérante du financement de la CnavPL (94 %).
La part des cotisations est aussi prédominante dans la plupart des régimes complémentaires (88 % pour l’Agirc-Arrco, 85 % pour l’Ircantec, 84% pour le RCI et 75 % pour les régimes complémentaires des professions libérales).
Les cotisations représentent enfin 65 % des recettes de la Cnav (y compris sécurité sociale des indépendants).
Le financement de certains régimes est en grande partie assuré par une subvention d’équilibre versée par l’État. Les subventions d’équilibre de l’État représentent près de 60% des ressources des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, et 82 % de celles du régime des mines.
L’État finance également d’autres régimes via des taxes affectées ou d’autres contributions publiques. Le graphique ci-dessous présente un panorama agrégé de ces financements :
Graphique 28 - Part du financement de l’État dans le financement des régimes en 2017
Source : direction du budget.
Ainsi, les impôts, taxes et contributions sociales constituent une part importante des ressources du régime de base des exploitants agricoles (37%). La contribution tarifaire d’acheminement représente également une ressource majeure pour la CNIEG (19 % des recettes).
A ces différentes ressources s’ajoutent des mécanismes compensatoires entre les régimes eux-mêmes qui amènent de nombreux flux financiers inter-régimes (aussi bien de base que complémentaires) et contribuent au financement des régimes (cf. infra).
Pour certains régimes très défavorisés par leur démographie, les transferts de compensation démographique peuvent représenter une proportion significative des ressources. Cette part, s’établit à 39 % pour le régime de base des salariés agricoles et 40 % pour celui des non-salariés agricoles (cf. infra).
La Cnav bénéficie de ressources externes en provenance du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – (13 %) ou d’autres organismes (9 %), notamment de la branche famille (financement des majorations de durées d’assurance pour enfant et des périodes validées au titre de l’AVPF).
Une part importante (36 %) des ressources de la CNIEG provient de transferts de la Cnav et de l’Agirc-Arrco dans le cadre de son adossement (cf. infra).
Enfin, il faut noter que le système de retraite bénéficie de recettes affectées par l’État en compensation d’exonération de cotisations d’assurance vieillesse (18,7 Md€ en 2020). En effet, la perte de recettes qui résulte des allègements généraux pour la branche vieillesse des Régimes obligatoires de base de sécurité sociale (9,9 Md€ en 2020) et pour les régimes complémentaires obligatoires de retraite (5,5 Md€ en 2020) est compensée par l’État via l’affectation de TVA à l’Acoss et à la CNAM. En outre, les pertes de recettes liées aux exonérations ciblées de cotisations sociales font l’objet d’une compensation intégrale par crédits budgétaires aux organismes concernés (3,2 Md€ en 2020).
Dans la plupart des régimes, le montant des dispositifs de solidarité n’est, sauf exceptions, pas isolé. L’absence d’une ressource spécialement affectée aux dispositifs de solidarité signifie que ces derniers sont financés par les ressources générales des régimes, au même titre que les prestations contributives.
Mais dans d’autres cas, et notamment pour les régimes alignés, le financement des dispositifs de solidarité est à l’inverse en partie isolé. Ces régimes reçoivent en effet des transferts en provenance d’autres organismes en contrepartie des droits attribués au titre de la solidarité. Ces financements sont principalement assurés par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), la Cnaf et l’UNEDIC.
Ce financement consiste :
- soit en une prise en charge de prestations (compensation des dépenses supplémentaires au moment où elles sont versées) : c’est notamment le cas de la prise en charge par la Cnaf des majorations de pension pour enfant dans les régimes de base ou de celle d’une partie du minimum contributif par le FSV ;
- soit en une prise en charge de cotisations (versement au régime de l’équivalent d’une cotisation au moment du fait générateur) : dans ce cas, les organismes financeurs (Cnaf pour l’AVPF, FSV et UNEDIC pour le chômage) se « substituent » à l’employeur pour verser des cotisations aux régimes de retraite.
Le FSV, dont les missions sont définies aux articles L. 135-1 à L. 135-5 et R. 135-1 à R. 135-17 du code de la sécurité sociale joue un rôle important pour financer les droits non contributifs : il assure le refinancement des régimes de retraite au titre de certains avantages vieillesse à caractère non contributif, relevant de la solidarité nationale. Le périmètre des régimes concernés varie cependant selon les avantages considérés.
Au titre de la solidarité nationale, il finance les allocations du minimum vieillesse aux personnes âgées, pour tous les régimes de retraite qui en assurent le service ainsi que la prise en charge forfaitaire des cotisations de retraite au titre de la validation gratuite des périodes de chômage pour le régime général, les salariés agricoles et, depuis 2001, à l’Agirc-Arrco. Il assure aussi la prise en charge forfaitaire des validations gratuites de trimestres au titre d’autres périodes non-travaillées comme les périodes de volontariat de service civique, les arrêts de travail (maladie, maternité, accident du travail, maladie professionnelle et invalidité) pour la Cnav, la MSA et les indépendants. Pour le régime général et la MSA, ces prises en charge ont été étendues aux périodes de stage de la formation professionnelle, ainsi qu’au complément de cotisations d’assurance vieillesse dans le cadre d’un contrat d’apprentissage.
Le périmètre des avantages pris en charge par le FSV a également significativement varié au cours des dernières années. La prise en charge du minimum contributif (MICO) en constitue une bonne illustration. Le FSV assure en effet jusqu’en 2019 la prise en charge d’une partie, fixée par décret, de la dépense du minimum contributif (MICO) servi par la Cnav, la MSA et le régime social des indépendants (avant son intégration dans le régime général en 2018). Le minimum contributif est partiellement financé par le FSV depuis 2011, mais avec des conditions de prise en charge qui ont connu de nombreuses modifications ces dernières années : après avoir été forfaitaires durant de nombreuses années (3,5 Md€ par an), elles sont devenues avec la LFSS pour 2015 proportionnelles à hauteur de la moitié des masses effectivement versées par les régimes, pour enfin connaître une extinction progressive prévue en LFSS pour 2017 suivant des montants définis par décret jusqu’en 2019.
Enfin, les modalités de financement du FSV ont aussi considérablement évolué au cours des dernières années. Il est dorénavant financé par des recettes assises sur les revenus du capital pour les prises en charge de cotisations ou de prestations relevant de la solidarité.
Graphique 29 - Prises en charge de cotisations et de prestations, dont le minimum contributif, par le FSV (2011-2019), en milliards d’euros
Source : rapports à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2012 à septembre 2019
Le système de retraite actuel repose sur de multiples mécanismes financiers entraînant des transferts conséquents aussi bien en provenance d’autres branches de la sécurité sociale (principalement la Cnaf qui assure la prise en charge des majorations de pensions pour enfant et des cotisations AVPF) qu’entre les régimes eux-mêmes (cf. tableau infra sur le champ des régimes de base).
Les régimes spéciaux ou les régimes à démographie défavorable sont équilibrés par des dispositifs budgétaires, qui peuvent être tantôt la compensation démographique, tantôt des subventions de l’État, tantôt de la fiscalité affectée.
Tableau 4 - Evolution des transferts internes aux régimes de base
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2019
Que ce soit en termes de volume des masses financières concernées (7,4 Md€ en 2017 ; cf. tableau supra) ou de nombre de régimes concernés, la principale source de transferts financiers dans le système de retraite actuel est la compensation généralisée vieillesse, dite compensation démographique.
La compensation démographique vise à corriger partiellement la disparité démographique entre les différents régimes. Cette disparité est mesurée en calculant un solde fictif pour chacun des régimes de retraite correspondant à la différence entre des recettes et des charges reconstituées pour chaque régime, compte tenu, respectivement, d’une cotisation et d’une prestation de référence communes. Les régimes excédentaires, à l’issue de ce calcul théorique, sont débiteurs à la compensation à hauteur de leur excédent et les régimes déficitaires sont créanciers à due concurrence de leur déficit.
Ce mécanisme de compensation repose sur un certain nombre de paramètre définis conventionnellement. Ceux-ci peuvent toutefois être affectés par des mesures de gestion ou de nature comptable exogènes sans lien avec la situation démographique des régimes, ce qui peut modifier, par ricochet et de manière significative, le niveau des transferts versés ou reçus par les régimes.
A titre d’illustration, des mesures récentes de gestion ou de nature comptable ont affecté l’évolution de la prestation de référence utilisée pour la compensation démographique, avec un effet significatif sur les transferts à ce titre, sans que cela ne traduise des phénomènes démographiques (amélioration ou dégradation du ratio démographique).
Par ailleurs, ces règles de calcul, nécessairement conventionnelles s’agissant de règles destinées à s’appliquer à l’ensemble des régimes malgré leur diversité, peuvent s’éloigner de la réalité en termes de déséquilibre purement démographique entre les régimes. Cela s’explique notamment par la prise en compte de la capacité contributive des régimes. Toutefois, comme la compensation démographique n’intègre cette dernière dimension que pour les régimes de salariés (faute de pouvoir mesurer proprement l’assiette de cotisation des régimes de non-salariés), elle peut aussi s’éloigner de la capacité contributive réelle des régimes (cf. graphique ci-dessous où notamment les régimes de la fonction publique d’État auraient une situation plutôt dégradée alors qu’ils sont contributeurs nets à la compensation démographique).
Graphique 30 - Ratios cotisants sur retraités par groupe de régimes
Source : Annexe 1 du PLFSS 2018 (PQE retraite) ; données de la CCSS de septembre 2018.
Plusieurs régimes sont intégrés financièrement au régime général : la CAVIMAC depuis 1998, le régime des salariés agricoles depuis 1963 et le RSI de 2015 jusqu’à sa suppression en 2018[33].
Ce mécanisme d’intégration financière au régime général a été mis en place afin d’assurer l’équilibre de régimes structurellement déficitaires. Dans ce cadre, la Cnav prend en charge le solde – excédentaire ou déficitaire – des régimes concernés ; en 2017, le montant des transferts d’équilibrage s’élevait à 1,7 Md€ (cf. tableau supra).
Cet équilibrage financier a été réalisé en contrepartie de l’alignement, ou a minima du rapprochement, des règles de liquidation des pensions des régimes concernés sur celles en vigueur au régime général. Dans le cas de la CAVIMAC et des salariés agricoles, le mode de calcul des cotisations a également évolué à la faveur de l’intégration financière de ces régimes.
Depuis le 1er janvier 2005, les modalités de gestion et de financement de la CNIEG ont évolué avec l’adossement financier du régime à la Cnav, l’AGIRC et l’ARRCO qui se traduit par un financement complexe du régime (cf. schéma infra). Ces évolutions découlent principalement d’une trajectoire financière prévisionnelle qui aurait été fortement dégradée en l’absence de réforme du fait de la nécessité pour les entreprises concernées de provisionner dans leur compte l’intégralité des engagements relatifs au régime de retraite des IEG.
Ce mécanisme d’adossement repose sur l’identification des pensions de vieillesse équivalentes aux régimes de droit commun (Cnav pour la part de base et Agirc-Arrco pour la part complémentaire) afin que celles-ci soient prises en charge indirectement par le régime général et l’Agirc-Arrco par le biais de transferts financiers. En contrepartie, la CNIEG leur verse des cotisations équivalentes au droit commun après reconstitution des taux à appliquer à l’assiette du régime spécial en fonction des taux et des assiettes plafonnées et déplafonnées de droit commun. Ce mécanisme se traduit ainsi à lui seul par quatre transferts distincts.
Enfin, la part restante des pensions versées par la CNIEG relevant de droits spécifiques est décomposée en droits spécifiques passés pour les activités régulées, droits spécifiques passés pour les activités non régulées et droits spécifiques futurs. La première catégorie de doits est financée par la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) alors que les deux dernières sont financées par des cotisations patronales.
Graphique 31 - Flux financiers 2017 entre les différents acteurs de l’adossement
Source : DSS/SDEPF/6A
À la complexité institutionnelle et financière, s’ajoutent des règles d’acquisition des droits et des formules de calcul de la pension qui sont très différentes d’un régime à l’autre. Cette situation est source d’insécurité et d’iniquités pour les assurés, qui sont confrontés pour leur retraite à plusieurs organismes appliquant des règles de calcul distinctes. Le rapport du COR sur les polypensionnés (2011) et le rapport de la commission Moreau (2013) ont déjà souligné la complexité des mécanismes en jeu et les paradoxes auxquels ils conduisent.
Deux techniques différentes de calcul de la retraite coexistent dans notre système, l’une fonctionnant en annuités et l’autre en points.
Dans les régimes de base du secteur privé et dans les régimes spéciaux, dont ceux de la fonction publique, la retraite se calcule en annuités, c’est-à-dire par référence à une durée d’assurance. La pension de retraite dépend de trois éléments : le taux de liquidation, le salaire de référence et le coefficient de proratisation, qui rapporte la durée d’assurance validée dans le régime à la durée d’assurance requise pour le taux plein.
Dans tous les régimes complémentaires et à la CnavPL, la pension se calcule en points. Les points acquis par les assurés au cours de leur carrière sont convertis en montant de pension au moment de la liquidation, en les multipliant par la valeur de service du point à cette date. Un coefficient d’abattement peut en outre s’appliquer en cas de départ avant la date à laquelle le taux plein prend effet.
Ces deux systèmes qui se superposent fonctionnent selon des logiques très différentes et conduisent ainsi à l’impossibilité pour les assurés d’évaluer l’impact de la modification d’un paramètre sur le montant et les conditions de liquidation de leurs futures pensions, les assurés étant nécessairement affiliés à la fois à un régime de base (généralement en annuité) et à un régime complémentaire (en points)
1.1. La durée d’assurance est décomptée selon des modalités hétérogènes
Dans les régimes alignés, la durée d’assurance acquise au titre d’une activité professionnelle est calculée à partir du montant de la rémunération perçue pendant l’année. Depuis le 1er janvier 2014, un revenu d’un montant équivalent à 150 fois le SMIC horaire (soit environ 1523€ brut en 2020) permet de valider un trimestre, dans la limite de quatre trimestres par année civile. Auparavant (pour les périodes comprises entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 2013), il était nécessaire d’avoir cotisé sur la base d’un revenu équivalent à 200 heures SMIC.
Cette règle, qui vise à favoriser l’acquisition des droits pour les assurés aux plus modestes rémunérations, permet ainsi à tout assuré dont l’activité annuelle est rémunérée au moins l’équivalent de 600 heures de SMIC (soit environ 6090€ brut annuel en 2020) de valider le nombre maximum de trimestres possible au titre de cette année, soit 4. Elle induit de ce fait une linéarité dans l’acquisition des droits pour les assurés percevant des rémunérations au-delà de ce seuil. Néanmoins, cette règle induit de forts effets de seuil pour les assurés dont l’activité est très incomplète puisqu’un euro de revenu cotisé en moins peut dans certains cas engendrer la perte d’un trimestre entier de cotisations. Par ailleurs, même en validant le maximum de trimestres possibles par année civile et en disposant d’une carrière complète, les travailleurs à faibles revenus disposent in fine de faibles revenus de référence. Cela peut se traduire, sous réserve de l’existence d’un minimum de pension, par des niveaux de retraite faibles.
Dans certaines situations, la validation de droits peut s’effectuer sur la base d’une assiette forfaitaire notamment pour certains travailleurs indépendants du régime général, les exploitants agricoles et leurs conjoints, les marins et les assurés de la CAVIMAC. Chez les exploitants agricoles, cette assiette minimale, applicable dès lors que l’exploitant est en activité au 1er janvier, leur permet de valider quatre trimestres au titre de cette année.
Dans les régimes de la fonction publique et la plupart des autres régimes spéciaux, la durée d’assurance correspond à une période calendaire (exemple : un trimestre est validé pour une durée de service de 45 jours dans la fonction publique).
Dans les régimes du secteur privé, le travail à temps partiel est soumis aux mêmes règles de validation que les autres activités rémunérées classiques (règle des 150 heures SMIC). Le salaire porté au compte est proportionnel à la durée travaillée.
Dans les régimes de la fonction publique, les assurés bénéficiant d’un temps partiel voient le calcul de leur durée de service calculée au prorata de la quotité de travail. Le salaire de référence qui sera pris en compte au moment de la liquidation est néanmoins le traitement indiciaire des 6 derniers mois à temps plein.
Ainsi deux assurés travaillant selon la même quotité de temps de travail disposeront in fine de montants de retraite extrêmement différents.
À ces périodes cotisées peuvent s’ajouter, dans l’ensemble des régimes, mais de façon plus ou moins étendue et selon des modalités diverses, des périodes validées au titre de la solidarité, sans contribution directe de l’assuré. Il s’agit notamment des périodes assimilées attribuées au titre de la maladie, de la maternité, du chômage. Des périodes peuvent également être accordées au titre des enfants (majoration de durée d’assurance).
1.2. Le taux de liquidation de la pension varie selon que le régime est intégré ou non
La pension est servie en proportion d’un taux de liquidation, déterminé en fonction de l’âge à la liquidation et de la durée d’assurance tous régimes. Le taux plein est égal à 50 % dans les régimes de base des salariés et non-salariés du secteur privé, et à 75 % dans les régimes spéciaux, dont ceux des fonctionnaires.
Cette différence de taux s’explique notamment par le fait que les fonctionnaires cotisent principalement sur la base de leur traitement indiciaire.
Par ailleurs, depuis l’ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982 relative à l’abaissement de l’âge de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles, les assurés qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du taux plein se voient appliquer une décote. Aujourd’hui, pour les salariés et les non-salariés du secteur privé nés à compter de 1953, la décote est fixée à 1,25 % par trimestre manquant pour atteindre la durée d’assurance du taux plein ou l’âge d’annulation de la décote (dans la limite de vingt trimestres). Le mode de calcul induisant le nombre de trimestres manquants le moins pénalisant pour l’assuré est retenu.
Dans la fonction publique, une décote a été mise en place en 2006. Son taux a augmenté progressivement au fil des générations et a rejoint celui du secteur privé en 2015.
La surcote sous sa forme actuelle a été instaurée par la réforme de 2003 et remplace le dispositif antérieur de majoration de durée d’assurance pour les trimestres accomplis au-delà de soixante-cinq ans et qui ne tenait pas compte de la durée d’assurance tous régimes. Elle permet aujourd’hui de majorer la pension en fonction du nombre de trimestres cotisés tous régimes confondus, après l’âge légal d’ouverture des droits et au-delà de la durée d’assurance requise pour le taux plein. Depuis 2009, le taux de la surcote est de 1,25 % par trimestre et les conditions applicables dans les régimes de la fonction publique ont été alignées sur celles du secteur privé.
1.3. La périodicité prise en compte pour déterminer le salaire de référence diffère selon les régimes
Dans le secteur privé, jusqu’à la réforme des retraites de 1993, le salaire de référence servant au calcul de la retraite était celui des dix dernières années d’assurance précédant le 60ème anniversaire ou l’âge de la liquidation s’il était plus avantageux. Depuis cette date, la période prise en compte a progressivement été élargie jusqu’à 25 années. Ainsi, depuis la génération 1948 pour les salariés du secteur privé et agricole et la génération 1953 pour les travailleurs indépendants, le salaire de référence est calculé sur la moyenne des 25 meilleures années de revenus, dans la limite du plafond de la sécurité sociale (41 136 € au 1er janvier 2020). Ces revenus sont actuellement revalorisés tout au long de la carrière, le 1er janvier de chaque année, en fonction de l’évolution de la valeur moyenne des indices des prix mensuels hors tabac calculée sur les 12 derniers mois.
Dans la fonction publique et la plupart des régimes spéciaux, le salaire de référence est le traitement indiciaire, hors primes, du dernier emploi occupé durant au moins six mois. Les primes qui représentent en moyenne 23% de leur rémunération sont donc exclues du calcul.
Certains régimes spéciaux conservent une base de calcul spécifique : la moyenne des 10 meilleurs salaires annuels pour les clercs et employés de notaire, la moyenne des 3 meilleures années consécutives pour les artistes de l’Opéra de Paris et de la Comédie française et un salaire forfaitaire pour les mineurs et les marins.
Depuis 1993, les revenus reportés au compte dans les régimes de base des salariés du secteur privé sont désormais indexés sur l’inflation et non plus sur le salaire moyen. Cette réforme d’apparence technique aboutit à une revalorisation moins dynamique des droits constitués tout au long de la carrière et in fine à des montants de retraite moins élevés. Sont particulièrement pénalisés par ce changement les assurés dont les revenus ont peu augmenté au cours de leur carrière c’est-à-dire des assurés aux revenus plutôt modestes et ceux qui ont connu des difficultés en fin de carrière (chômage, activité partielle, maladie).
1.4. Une coordination dans la liquidation des droits des polypensionnés a été mise en place sur le seul champ des régimes alignés
Les pensions de retraite de base de droit propres des assurés polypensionnés des régimes alignés (salariés et travailleurs indépendants du régime général et salariés agricoles) liquidées depuis le 1er juillet 2017, font l’objet d’une liquidation unique afin de simplifier les démarches des assurés. Ces modalités concernent également les pensions de réversion lorsque le droit propre relève, ou aurait relevé de la liquidation unique.
Les retraites auparavant liquidées et versées séparément, malgré des règles proches, sont depuis cette date remplacées par une seule retraite qui fait l’objet d’une liquidation unique selon un seul calcul, à partir d’une carrière unifiée qui retient un revenu annuel moyen agrégeant l’ensemble des rémunérations année par année (et non plus calculé au pro rata temporis) et des trimestres écrêtés de façon globalisée. La retraite ainsi liquidée fait l’objet d’un plafond global.
Toutefois, ce mécanisme ne concerne que la retraite de base des trois régimes alignés et ne s’applique pas aux autres catégories de polypensionnés (salarié du privé / fonctionnaire, salarié du privé / professionnel libéral, etc.).
1.5. Les pensions liquidées ne sont pas revalorisées selon les mêmes modalités dans les régimes en annuités et en points
Au cours de la retraite, la pension évolue en fonction du coefficient de revalorisation des pensions.
Dans les régimes de base en annuités, avant 1987[34], la revalorisation des pensions prenait en compte l’évolution du salaire moyen des assurés. Cette indexation sur les salaires a été remplacée par une indexation sur les prix.
Dans les régimes en points, les pensions évoluent selon la valeur de service du point. Cette valeur de service du point est également désormais indexée le plus souvent sur l’inflation, même si les régimes fonctionnant en points ont pu utiliser diverses formules (taux de revalorisation différencié en fonction de leur année d’acquisition, indexation de l’inflation diminuée d’un coefficient…).
2.1. Des iniquités liées au déroulement de la carrière
La complexité des règles en vigueur, outre la faible lisibilité qu’elle offre aux assurés, est également à l’origine de différences de traitement injustifiées entre les assurés.
Les récents travaux du COR ont montré que pour les assurés polypensionnés, les règles de détermination de la durée d’assurance tous régimes peuvent constituer selon les cas, soit un avantage, en permettant la validation de plus de quatre trimestres par an au total ou en portant le coefficient de proratisation au-delà de un, soit un désavantage (validation d’années incomplètes du fait des effets de seuil et de leur appréciation régime par régime) en particulier pour les pluriactifs affiliés au régime général et au régime des professionnels libéraux (CnavPL).
Par ailleurs, un assuré débutant sa carrière au régime général avant d’être affilié à un autre régime, hors régime aligné, sera défavorisé par la règle de détermination du salaire de référence (25 meilleures années) conduisant à retenir les années de début de carrière, par hypothèse les moins rémunératrices et revalorisées selon l’évolution des prix.
Ainsi, à carrière identique, le montant des retraites d’un polypensionné peut varier selon l’ordre dans lequel se sont succédé les périodes d’affiliation, notamment en raison des différentes règles de détermination du salaire de référence qui consistent à retenir soit la moyenne sur une période donnée (25 meilleures années au régime général), soit la dernière rémunération perçue (fonction publique et la plupart des régimes spéciaux).
2.2.Des iniquités dans la prise en compte des évènements de la vie
L’hétérogénéité de la législation, particulièrement marquée en matière de droits non contributifs, aboutit à traiter de façon incohérente et inéquitable les changements de situations personnelles survenant au cours de la vie professionnelle.
Aujourd’hui la naissance d’un enfant est inégalement prise en compte selon les régimes.
Dans le secteur privé, la naissance d’un enfant permet d’acquérir 8 trimestres de majoration de durée d’assurance (4 trimestres au titre de l’accouchement réservés aux femmes et 4 trimestres au titre de l’éducation), contre deux dans le secteur public (pour les enfants nés à compter de 2004). Par ailleurs, ces derniers ne comptent que pour le calcul du taux de liquidation (atteinte du taux plein) et pas pour le calcul du coefficient de proratisation, contrairement aux règles en vigueur pour le secteur privé.
De même, la naissance d’un troisième enfant est inégalement prise en compte selon les régimes. Dans le secteur privé, les parents bénéficient d’une majoration de 10 % de leur pension. Dans le secteur public, les parents bénéficient d’une majoration supplémentaire de 5 % par enfant au-delà de trois.
L’Agirc-Arrco prévoit une majoration de 10 % des points de retraites des parents d’au moins trois enfants[35], dans la limite d’un plafond de 2 000 € par an ou une majoration de 5 % par enfant à charge, la majoration maximale étant retenue.
La pension de réversion existe dans tous les régimes de retraite sous condition de mariage, mais elle s’applique néanmoins de manière très disparate selon le régime auquel appartenait l’assuré décédé. Comme l’a souligné le COR dans des travaux du 31 janvier 2019[36], malgré de nombreuses évolutions réglementaires (suppression puis rétablissement de l’allocation veuvage entre 2003 et 2010 ; suppression puis rétablissement progressif de la condition d’âge pour la réversion entre 2004 et 2008 ; suppression des majorations de pension pour conjoint à charge versées par la Cnav et les régimes alignés en 2011, etc. ), il existe toujours une grande hétérogénéité dans la prise en charge des événements de la vie conjugale en fonction des régimes de retraite. Il existe en effet 13 dispositifs différents de réversion dans le système actuel.
L’âge, les ressources, le statut conjugal, la durée de mariage, le taux de réversion, l’existence d’un minimum et d’un maximum de réversion, sont autant de paramètres qui distinguent les modalités de calcul entre régimes.
Le schéma ci-dessous illustre de façon explicite les différences de calcul de la pension de réversion entre salariés du privé et fonctionnaires :
Encadré : illustration sur cas-type
Un assuré, disposant d’une retraite globale de 1 800 €, est marié à une retraitée qui dispose d’une retraite de 1 800 €.
Si le conjoint était fonctionnaire de l’État, sa conjointe toucherait à son décès une pension de réversion de 900 € (1 800 € X 50 %), portant son revenu à 2 700 €, soit 75 % des revenus antérieurs du couple.
En revanche, si l’assuré était un ancien salarié du secteur privé (sa retraite se répartissant en 1 300 € en base et 500 € en complémentaire), sa conjointe toucherait uniquement une pension de réversion au titre de la retraite complémentaire de son ex-conjoint, de 300 € (500 € x 60 %) car elle dépasserait la condition de ressources fixée pour la retraite de base. Son revenu serait de 2 100 € (58 % des ressources avant décès).
En cas d’interruption d’activité liée à certains aléas de la vie, tels que le chômage, la maladie, la maternité, l’invalidité ou encore les accidents du travail et maladies professionnelles, différents dispositifs permettent aux assurés d’acquérir des droits à retraite.
Ceux-ci reposent sur une multiplicité de règles distinctes, en fonction du régime d’affiliation de l’assuré, des modalités d’indemnisation du risque par les régimes de sécurité sociale, et du type de risque considéré.
A titre d’exemple, en cas de maladie, les salariés du secteur privé se voient attribuer au régime général un trimestre dit « assimilé » (sans contrepartie directe de cotisation) pour chaque période de 60 jours de perception d’indemnité journalière maladie, qui compte pour leur durée d’assurance mais ne donne pas lieu à un report au compte. Dans les régimes statutaires, les congés maladie sont pris en compte de la même façon que si l’agent était en activité. Pendant ces périodes, la rémunération est maintenue en tout ou partie et soumise à cotisations.
Les différences de pension entre régimes résultent naturellement des structures de qualification, des carrières et des revenus des affiliés à chaque régime. Elles peuvent aussi être le reflet des conditions différentes d’acquisition des droits ou de mode de calcul des pensions. La part élevée de polypensionnés rend l’exercice de comparaison difficile, notamment en termes de taux de remplacement.
Graphique 32 - Montant mensuel brut moyen de la pension de droit direct selon le principal régime d’affiliation, à fin 2017
1. Régimes spéciaux : FSPOEIE, SNCF, RATP, CNIEG, Enim, CANSSM, Cavimac, CRPCEN, Caisse de réserve des employés de la Banque de France, Altadis, Retrep.
2. Pour les retraités polypensionnés, le régime indiqué correspond au régime principal, c’est-à-dire celui représentant plus de la moitié de la carrière.
3. Retraités bénéficiant d’un avantage de droit direct dans au moins trois régimes de base différents, dont aucun ne représente plus de la moitié de la carrière.
4. Retraités percevant un droit direct dans au moins un régime complémentaire (mais dans aucun régime de base).
5. Sont sélectionnés ici les seuls retraités ayant effectué une carrière complète et dont la quasi-totalité des composantes monétaires de la pension sont connues dans les données du modèle ANCETRE.
Note : Ces données excluent les personnes ayant perçu un versement forfaitaire unique. Certains des résultats présentés peuvent varier sensiblement d’une année à l’autre, notamment pour les catégories à faibles effectifs (voir fiche 1). Le tableau vise à fournir des ordres de grandeur et non à donner une évolution annuelle.
Champ : Retraités ayant perçu un droit direct (y compris majoration pour enfants) au cours de l’année 2017, résidant en France entière ou à l’étranger, vivants au 31 décembre 2017.
Sources : Les retraités et les retraites, édition 2019, DREES, EACR, EIR, modèle ANCETRE.
Les efforts contributifs des assurés sont variables, les taux de cotisations pouvant différer d’un assuré à l’autre, selon son régime d’affiliation ou son niveau de salaire.
Dans le cas des régimes de la fonction publique et des grandes entreprises nationales, les cotisations versées par l’employeur n’ont pas pour seule et unique cible l’acquisition de droits à la retraite pour les employés, mais visent également à équilibrer le régime. Ce double objectif conduit à des taux de cotisation nettement plus élevés pour ces régimes.
Dans certains régimes, la rémunération retenue pour le calcul de certaines cotisations vieillesse n’est prise en compte que jusqu’à concurrence d’une limite supérieure, c’est notamment le cas des régimes de base et complémentaires des salariés du secteur privé, des non titulaires de la fonction publique, ou encore des régimes de non-salariés. Dans ces derniers, pour les niveaux de revenus les plus faibles, les cotisations peuvent en outre être calculées sur des assiettes minimales. En conséquence de ce plafonnement, et, le cas échéant de l’application de ces assiettes minimales, le taux de cotisation décroit avec le niveau de revenus. Enfin, dans d’autres régimes, en particulier ceux de la fonction publique et la plupart des régimes spéciaux, le taux de cotisation est fixe, quel que soit le niveau de la rémunération.
Le graphique suivant présente le taux de cotisation global de différentes catégories professionnelles correspondant à différents niveaux de rémunération (équivalentes à 0,1 plafond de la sécurité sociale ou PASS, 1 PASS, 3 PASS et 8 PASS).
Graphique 33 - Taux de cotisation applicables aux rémunérations, selon le régime d’affiliation et le niveau de revenu (2018)
Note de lecture : en 2018, le PASS correspondait à 32 732 euros annuels.
Source : DSS/SDEPF/6C, les taux indiqués pour chaque population correspondent, le cas échéant, à la somme des taux de cotisations patronales et salariales de retraite de base et complémentaire applicables en 2018.
L’utilisation des taux de cotisation légaux ou conventionnels apparaît ainsi comme non pertinente pour évaluer la contributivité dans les différents régimes de retraite.
De plus, les assiettes de cotisation sont également variables : elles correspondent, pour les salariés, aux revenus bruts et pour les non-salariés, aux revenus nets soumis à l’impôt sur le revenu. Des écarts existent également parmi les salariés : dans les régimes de la fonction publique et des grandes entreprises nationales, les cotisations sont assises sur des rémunérations hors primes, tandis qu’elles concernent la quasi-totalité de la rémunération pour les salariés du secteur privé.
On observe en France une grande diversité dans les âges de départ en retraite, qui s’échelonnent de moins de 55 ans (6% des départs pour la génération née en 1950) à plus de 65 ans (16% des départs pour la même génération). Ce phénomène résulte d’une part de l’existence de conditions d’ouverture des droits particulières à certains régimes spéciaux ou à certaines activités (catégories actives des fonctions publiques) et, d’autre part, de mécanismes de dérogation à l’âge légal qui concernent notamment les carrières longues ou la prise en compte de la pénibilité.
Si le dispositif carrières longues concerne le public et le privé, le dispositif de prise en compte de l’exposition aux facteurs de risque professionnels ne s’applique pas au secteur public, ce qui peut conduire un infirmier de catégorie A à ne pas voir pris en compte le travail de nuit qu’il effectue.
Pour un même métier, l’âge d’ouverture des droits peut donc être différent selon le régime d’affiliation auquel il appartient.
1.1.Un système perçu comme injuste
Selon une étude réalisée par l’Ifop pour la Fondation pour l’innovation politique en septembre 2018[37] auprès d’un échantillon de 3000 personnes représentatives de la population française, trois quarts (72 %) des personnes interrogées aboutissent à la conclusion que le système est « injuste pour la plupart des Français » et les deux tiers (67 %) le disent « injuste pour eux-mêmes ». Plus globalement, 85% d’entre eux considèrent aussi que le système est inégalitaire. Ce sentiment d’injustice est par ailleurs davantage présent dans les catégories sociales ayant les revenus les plus faibles.
Les raisons de ce sentiment d’injustice peuvent être multiples :
Ce ressenti est en décalage avec la réalité statistique ; selon le baromètre de la DREES de 2018, les retraités font face à des disparités de revenus moindres que dans le reste de la population. La période de retraite correspond donc davantage à une phase de lissage des inégalités que d’accroissement. Le « ressenti » de l’injustice s’explique par le manque de lisibilité du système et par la grande hétérogénéité de ses règles.
1.2. Un système qui suscite des inquiétudes
Toujours selon l’Ifop pour la Fondation pour l’innovation politique en septembre 2018, 65 % des Français estiment que le montant de leur retraite sera inférieur à celui de leurs parents, et, dans une même proportion, qu’ils vivront moins bien à la retraite que pendant la vie active. Cela témoigne donc d’une anticipation d’une baisse du rendement du système et d’une faible soutenabilité financière.
Le sentiment d’une pension qui serait plus faible que ses propres parents est particulièrement présent pour les sondés appartenant aux catégories pauvres ou modestes de l’étude (respectivement, 74 % et 75 %), traduisant soit un sentiment global de déclassement, soit un manque de confiance dans les capacités redistributives du système. En tout état de cause, même au sein des « hauts revenus » au sens de l’étude (plus de 3100 € par unité de consommation), ce sentiment demeure partagé par 43 % des sondés.
Il est à noter que les femmes, globalement peu favorisées par les propriétés du système, sont plus nombreuses que les hommes à exprimer leurs inquiétudes quant à l’avenir : 80 % d’entre elles (contre 71 % pour les hommes) répondent que le montant de leur retraite ne leur permettra pas de vivre de manière satisfaisante et 70 % (60 % pour les hommes) estiment qu’elles auront un niveau de retraite inférieur à celui de leurs parents.
Le Baromètre d’opinion de la DREES indique qu’en 2017, deux non-retraités sur trois anticipent que leur niveau de vie à la retraite sera inférieur à celui de l’ensemble de la population, et trois sur dix pensent même que leur niveau de vie à la retraite sera « bien moins bon ».
La crainte d’un niveau de pension trop faible est constante, en dépit des réformes qui ont été menées, au point de constituer la principale appréhension au moment du passage en retraite.
De nombreuses autres études montrent que les Français sont plus globalement inquiets pour la pérennité même du système de retraite, souvent dans une proportion plus importante que le montant de leur propre retraite. Ainsi, l’étude « les Français, l’épargne et la retraite », réalisée chaque année par l’institut Ipsos montre que l’immense majorité (plus de 80%), craint pour la pérennité du système, alors qu’ils sont, dans ces études, environ 70% à craindre pour leur retraite personnelle.
En 2015, 90% des français se déclarent inquiets concernant l’avenir de notre système de retraites. 78% des français estiment possible que la France ne puisse plus financer les pensions des personnes qui arrivent à la retraite (sondage BVA-BCC).
La même année, dans le même ordre de grandeur, 84% des interrogés se déclarent inquiets concernant l’avenir du système français de retraites. (Opinion Way Les Echos d’octobre 2018).
Il est à noter que cette inquiétude concernant la pérennité de notre système de retraite, et notamment dans sa dimension « répartition », se traduit également par une montée en puissance de l’épargne. Selon l’enquête Odoxa Les Echos du 10 octobre 2015, une nette majorité de Français (57% contre 42%) déclare désormais épargner pour financer sa retraite. La part des épargnants a ainsi augmenté de 10 points depuis 2010.
La complexité du système empêche les assurés de choisir en connaissance de cause les modalités de leur départ en retraite.
L’ensemble des études montrent aussi que le système est particulièrement complexe et que la méconnaissance des règles est importante, malgré les importants dispositifs de droit à l’information existants. Selon ce même baromètre Ipsos, 68% des sondés déclarent ne pas connaître le montant prévisionnel de leur retraite et 78% déclarent en considèrent le calcul complexe.
Au-delà de la simple méconnaissance et d’un constat partagé de complexité, la très grande difficulté à comprendre les règles en place peut engendrer des prises de décisions sous-optimales de la part des assurés, par exemple en matière d’ajustement d’âge de départ à la retraite ou au regard de la décision de participer au marché du travail, qui pourraient ainsi avoir des répercussions importantes sur le futur niveau des pensions.
Enfin, comme évoqué supra, cette méconnaissance pourrait elle-même être la source des différents sentiments d’inquiétudes exprimés jusqu’ici. En effet,
2.1. La confiance des nouvelles générations dans le système est rompue alors que les efforts consentis ont renforcé sa solidité et qu’il n’a jamais été aussi proche de l’équilibre.
L’étude précitée de la Fondation pour l’innovation politique montre que les jeunes générations sont les plus critiques envers notre système de retraites, alors que ce sont ces générations qui vont participer, via le marché du travail, à son financement.
Les jeunes (18-34 ans) sont ainsi les plus insatisfaits du système actuel (80 %) et une proportion équivalente considèrent que ce système est dépassé. Ils sont ainsi bien plus nombreux que le reste des Français (46 % contre 33 %) à plaider pour un système de retraite par capitalisation à la place d’un système par répartition. Cette proportion devient même majoritaire (52 %) chez les jeunes de moins de 25 ans.
Deux explications pourraient expliquer ce paradoxe :
- Une première serait liée à une forme d’individualisme, générationnel ou provoqué par l’éloignement de l’âge de la retraite, entraînant un souhait de ne pas contribuer à une solidarité pour laquelle l’horizon temporel du retour est très éloigné. Cette première explication, endogène au système par répartition, suppose des réponses de simplifications du système, mais surtout, plus globalement, de renforcement de la cohésion nationale et intergénérationnelle.
- Une seconde serait liée à l’enracinement d’une inquiétude systémique de disparition du système à long terme, provoqué par les débats récurrents d’une réforme de financement qui ont jalonné la vie de ces générations. Dans ce cas, l’inquiétude peut se traduire par une croyance sur le fait de ne pas bénéficier de la solidarité nationale le moment venu et donc de privilégier d’autres formes d’assurance, comme l’auto-assurance. Les réponses à apporter dans ce cas portent essentiellement sur la confiance dans la stabilité financière du système des retraites, par exemple par l’instauration de leviers efficaces et de règles de gestions justes et claires.
2.2. L’idée d’un appauvrissement actuel des retraités prévaut, alors même que jamais dans notre histoire nous ne les avons aussi bien protégés
Toujours selon l’étude de la Fondation pour l’innovation politique, 81 % des personnes interrogées considèrent que le système des retraites est actuellement désavantageux pour les personnes à la retraite, et 71 % des personnes interrogées considèrent que les retraités ont un niveau de vie inférieur à ceux des personnes en activité professionnelle. Ce sentiment est diffus et intergénérationnel : l’âge, le statut professionnel, le niveau de diplômes la taille de la famille comme de l’agglomération de résidence ne semblent avoir aucun impact significatif sur l’opinion des Français sur ce sujet.
Pourtant, les retraités ont aujourd’hui, selon les travaux du Conseil d’orientation des retraites, un niveau de vie équivalent à celui de la population active et supérieur à celui de la population dans son ensemble.
Le système de retraite est composé d’une multitude d’organismes gestionnaires, dont la gouvernance extrêmement hétérogène a notamment été illustrée par les travaux du COR[38].
Dans la majorité de ces caisses, un conseil d’administration représentant les assurés est chargé de l’administration de la caisse, qui demeure placée sous la tutelle des services de l’État, qui intervient également de façon diverse dans la procédure de nomination de la direction de la caisse. En revanche, tandis que certains régimes sont gérés par un réseau territorialisé sous le pilotage d’une caisse nationale, d’autres sont gérés par un établissement centralisé pouvant néanmoins avoir des implantations territoriales.
Ainsi, la branche vieillesse du régime général, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) est chargée d’assurer le financement des prestations d’assurance retraite et d’assurance veuvage du régime général et la définition des orientations de la gestion de l’assurance retraite des travailleurs salariés. La Cnav, établissement public à caractère administratif, dirige le réseau des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public. La Cnav est administrée par un conseil d’administration qui a, entre autres, pour rôle de faire toutes propositions lui paraissant nécessaire pour garantir dans la durée l’équilibre financier de l’assurance vieillesse des travailleurs salariés, en particulier dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le conseil d’administration de la Cnav est par ailleurs saisi pour avis de tout projet de mesure législative ou règlementaire ayant des incidences sur l’équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence. Le conseil d’administration de la Cnav comporte 26 représentants des partenaires sociaux et 4 personnalités qualifiées. D’autres membres siègent avec voix consultative. Le directeur de la Cnav est nommé par décret en conseil des ministres après avis du président du conseil d’administration.
La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) est la tête de réseau des caisses régionales. À ce titre, elle représente la mutualité sociale agricole auprès des pouvoirs publics. Le conseil d’administration de la CCMSA est notamment saisi pour avis de tout projet de loi ou de tout projet de mesure réglementaire ayant des incidences sur les régimes obligatoires de protection sociale des salariés et des non-salariés des professions agricoles et notamment des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il peut également faire toutes propositions de modification de nature législative ou réglementaire dans son domaine de compétence. Le conseil d’administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole est composé de 29 membres avec voix délibérative, dont 27 élus par l’assemblée générale centrale de la MSA et 2 désignés par l’UNAF.
La gestion des régimes spéciaux est assurée par des caisses qui ont, selon les cas, le statut d’établissement public (exemple de la CNRACL, chargée d’assurer la gestion de la retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers) ou d’organismes de sécurité sociale (exemples de la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ou encore de la caisse de retraite et de prévoyance du personnel de la SNCF). La gestion de la CNRACL est assurée par la caisse des dépôts et consignations.
La gestion des retraites des fonctionnaires de l’État est assurée par le service des retraites de l’État, qui est un service à compétence nationale rattaché à la Direction générale des Finances publiques et ne dispose donc pas d’instances de gouvernance autonomes.
L’État exerce un pouvoir de tutelle sur ces caisses, exception faite, de par sa nature juridique, du service des retraites de l’État. Il est représenté auprès de leur conseil d’administration par des commissaires du gouvernement et les délibérations de leur conseil d’administration ne deviennent exécutoires (à l’exception de celles qui doivent être soumises à approbation) que si l’État ne s’y oppose pas. Des conventions d’objectifs et de gestion entre ces caisses et l’État, comportant des engagements réciproques, sont prévues par la loi.
Les structures gestionnaires des régimes complémentaires
S’agissant des professions libérales, le régime d’assurance vieillesse des professions libérales est constitué d’une caisse nationale (la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales – CnavPL) et de 10 sections professionnelles, qui assurent la gestion du régime de base pour le compte de la CnavPL et assurent également la gestion des régimes complémentaires propres aux professions concernées. La CnavPL est un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public. Elle est administrée par un conseil d’administration composé de 16 membres titulaires : les présidents des 10 sections professionnelles et 6 membres désignés des syndicats représentant les professions libérales au niveau national. L’État exerce sa tutelle sur la CnavPL et sur les sections professionnelles, qui sont considérées comme des organismes de sécurité sociale.
L’Ircantec est administrée par un conseil d’administration de 34 membres, dont 16 administrateurs désignés sur proposition des organisations syndicales représentatives, 16 administrateurs représentant l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que les établissements publics dont les personnels sont affiliés à l’Ircantec, ainsi que de 2 administrateurs personnalités qualifiées. L’Ircantec est gérée par la Caisse des Dépôts sous la tutelle de l’État.
Pour le régime complémentaire Agirc-Arrco, la gestion est assurée par des institutions de retraite complémentaire (IRC) adhérant à la fédération Agirc-Arrco. Les IRC et leur fédération sont, selon la loi, des personnes morales de droit privé à but non lucratif administrées paritairement par des représentants des entreprises et des salariés cotisants aux régimes. L’Agirc-Arrco est administrée par un conseil d’administration paritaire de 40 membres prévu par un statut et qui est approuvé par arrêté ministériel. Parmi ses prérogatives, le conseil d’administration fixe les paramètres de fonctionnement du régime dont la valeur du point, conformément à l’accord national interprofessionnel. L’État n’exerce pas de tutelle directe sur la fédération Agirc-Arrco et sur les IRC.
Au cours de ces dernières années, des efforts ont été entrepris afin d’améliorer l’efficience de la branche vieillesse. Dans le cadre des conventions d’objectifs et de gestion (COG) conclues entre l’État et les caisses de sécurité sociale pour une période pluriannuelle (4 à 5 ans), des objectifs ont ainsi été fixés aux régimes, afin de permettre à la fois de réduire les coûts de gestion et d’offrir aux usagers un service plus fiable et adapté à leurs besoins. L’article 14 de la loi de programmation des finances publiques pour 2019-2022 impose une diminution moyenne annuelle d’au moins 1,5% des dépenses de gestion administrative.
Toutefois, la multiplicité des régimes de retraite obligatoires engendre des surcoûts administratifs probablement importants, notamment au plan des systèmes informatiques qui restent difficiles à évaluer précisément. En effet, seules des études parcellaires ou anciennes ont analysé les coûts de gestion de l’ensemble du système de retraite[39].
Le Conseil d’orientation des retraites (COR), créé par un décret du 10 mai 2000, est une instance indépendante et pluraliste d’expertise et de concertation, à laquelle participent des représentants des partenaires sociaux, des parlementaires, des experts et des représentants de l’État. Elle est chargée d’analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite français et d’établir un diagnostic partagé entre ses différents membres.
Il a pour missions de décrire les perspectives à moyen et long terme des régimes de retraite obligatoires au regard des évolutions économiques, sociales et démographiques ; de mener une réflexion sur le financement des régimes de retraite ainsi que la situation des retraités et en suivre les évolutions ;
Il produit chaque année avant le 15 juin, un rapport annuel sur les évolutions et perspectives des retraites en France. Le rapport annuel du COR comprend, outre les perspectives financières, le suivi de plusieurs indicateurs définis par décret : taux de remplacement projetés sur 10 ans, durée moyenne de versement de la pension projetée sur 25 ans, écart entre les pensions les plus faibles et la moyenne, par genre, niveau de vie des retraités par rapport à celui de l’ensemble de la population, soldes comptables annuels des régimes de retraite pour l’année en cours et projetés sur 25 ans.
La loi sur l’avenir et la justice du système de retraites du 20 janvier 2014 a instauré le Comité de suivi des retraites afin de disposer d’un mécanisme de pilotage chargé de garantir dans la durée le respect des objectifs assignés au système de retraite.
Le CSR se prononce chaque année sur les perspectives financières du système de retraite en s’appuyant sur le rapport que lui remet le Conseil d’orientation des retraites
Le CSR peut émettre des recommandations s’il estime que le système de retraite s’éloigne significativement de ses objectifs. Celles-ci sont adressées au Parlement, au Gouvernement et aux organismes nationaux d’assurance vieillesse de base et complémentaires obligatoires. Le Gouvernement doit alors présenter au Parlement les suites qu’il entend y donner, après consultation des organisations représentatives des salariés et des employeurs. Au plus tard un an après avoir émis ses recommandations, le Comité de suivi des retraites remet un avis relatif à leur suivi.
La place du CSR dans la gouvernance du système de retraites demeure encore aujourd’hui incertaine. Sa mise en place a permis de nourrir une analyse tous régimes du système de retraites (niveau de prélèvement et de retraite total, solde global…). La répartition des missions entre le COR et le CSR était initialement motivée au départ par la volonté de distinguer un constat et des projections à législation constante, partagés avec les partenaires sociaux d’une part, et les décisions à prendre fondées sur ce constat à partir des recommandations et avis d’une instance indépendante (le CSR), d’autre part. Néanmoins, l’opérationnalité de la participation du CSR au pilotage du système de retraite est freinée par sa légitimité limitée et par les contraintes issues de l’encadrement juridique de son fonctionnement.
Le groupement d’intérêt public Union retraite (GIP UR) regroupe quasiment l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires.
Le GIP UR a été créé lors de la réforme des retraites de 2003, avec pour objectif de mettre en place un droit à l’information (DAI) permettant à chaque assuré de disposer tout au long de sa carrière d’une vision consolidée de ses droits acquis et d’une estimation de sa future pension.
Lors de la réforme des retraites de 2014, le GIP UR a vu ses missions s’élargir, puisqu’il s’est vu confier le pilotage de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes avec leurs usagers. Depuis lors, le GIP UR a notamment piloté la création et l’enrichissement du compte personnel retraite inter-régimes qui permet à l’assuré d’accéder à divers télé-services (accès en ligne au droit à l’information, demande de rectification de carrière, demande unique de retraite en ligne à compter de mars 2019, etc.).
Le GIP UR est également le pilote du déploiement du répertoire unique de gestion des carrières (RGCU), qui vise à rassembler l’ensemble des informations relatives aux carrières des assurés dans une base de données unique et centralisée. Il est prévu que cet outil soit entièrement déployé en 2022. Il a progressivement œuvré à une offre de service inter-régimes.
L’action du GIP UR s’inscrit dans le cadre d’un projet stratégique contractualisé avec l’État. Le premier contrat, qui couvrait la période 2015-2018, a été suivi par l’élaboration d’une feuille de route pour les années 2019-2020.
Comme l’a souligné un rapport d’information du Sénat[40], l’action du GIP UR au cours de ces dernières années a permis de masquer partiellement la complexité du système de retraite pour l’assuré, notamment grâce au réel progrès qu’a constitué la mise en œuvre du DAI. Elle n’a toutefois pas permis d’y remédier.
Le pilotage des régimes de retraite est morcelé entre plusieurs acteurs, qui utilisent des vecteurs différents pour déterminer les paramètres applicables.
Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), créées par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 et réformées par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) du 2 août 2005, visent à déterminer les conditions nécessaires à l’équilibre financier de la sécurité sociale et fixent les objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes.
En matière de retraite, elles retracent chaque année les dépenses et les recettes de l’ensemble des régimes légaux obligatoire de base.
Depuis 1996, le Parlement a donc un droit de regard sur les grandes orientations des politiques en matière de retraite, ainsi que sur leur mode de financement, à travers le vote annuel de la LFSS.
Toutefois, les régimes complémentaires ne sont pas intégrés dans le champ des LFSS. Le tableau d’équilibre ne donne ainsi pas une vision complète de la situation et la LFSS ne constitue pas un levier de pilotage de l’ensemble du système de retraite. Or, en 2017, les régimes complémentaires représentent 27 % des dépenses de prestations vieillesse-survie.
Dans les régimes de base et intégrés, l’État joue un rôle essentiel dans la définition des objectifs assignés au système de retraite.
La loi et le règlement déterminent les règles applicables aux pensions de retraite des régimes alignés, du régime des non-salariés agricoles et du régime de base des professions libérales (salariés et travailleurs indépendants du régime général, salariés agricoles) : règles de cotisations, d’ouverture des droits et de calcul de la pension.
Le conseil d’administration de la branche vieillesse du régime général et de certaines autres caisses paritaires est consulté sur les projets de textes qui ont un impact financier sur leur régime ou qui contiennent des dispositions spécifiques à leurs assurés. Par ailleurs, le conseil d’administration dispose du pouvoir de proposition mentionné plus haut. Les réformes des retraites successives ont fait l’objet de larges concertations auprès des partenaires sociaux qui émettent des avis sur les textes qui leur sont soumis mais en l’état actuel du système ils ne disposent pas de levier de pilotage sur les paramètres des régimes.
Le régime de la fonction publique d’État est piloté directement par l’État. Les règles législatives et réglementaires applicables au régime de la fonction publique de l’État sont déterminées par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Les règles relatives aux autres régimes sont, sauf exception, fixées par des décrets spécifiques à chacun de ces régimes, en vertu de l’habilitation permanente prévue à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.
Le pilotage des régimes complémentaires relève de modalités et de règles de compétence disparates, qui retracent notamment les effets de leur histoire et de leur institution.
Ce sont les partenaires sociaux et représentants des professions qui en assurent pour une large part la gouvernance et la gestion.
3.1. Le régime Agirc-Arrco, institué par des accords nationaux interprofessionnels, relève de la compétence des partenaires sociaux
Le régime de retraite Agirc-Arrco, issu de la fusion depuis le 1er janvier 2019 des régimes AGIRC (cadres) et ARRCO (ensemble des salariés cadres et non-cadres), est géré par les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau interprofessionnel.
Ces derniers négocient des accords qui fixent les grandes orientations pour les retraites complémentaires, arrêtent des mesures pour assurer l’équilibre financier du régime sur le long terme et veillent à ajuster les orientations de long terme en fonction des évolutions constatées.
Ces accords sont ensuite étendus et élargis par arrêté ministériel.
Ils sont mis en œuvre par la fédération Agirc-Arrco qui fédère les caisses de retraite du régime complémentaire.
Les ANI qui en assurent le pilotage stratégique font l’objet d’un arrêté d’extension et d’élargissement qui n’est soumis qu’à un simple contrôle de légalité.
3.2. Le pilotage du régime Ircantec relève de la compétence du conseil d’administration
L’Ircantec a fait l’objet d’une réforme, en 2008, qui a modifié substantiellement les règles de gouvernance et renforcé les compétences du conseil d’administration. Jusqu’en 2017, les paramètres du régime (valeur d’achat du point, valeur de service du point, rendement, cotisations ainsi que les autres paramètres) étaient déterminés par voie réglementaire.
Depuis le 1er janvier 2018, le conseil d’administration de l’Ircantec est en charge du pilotage à long terme du régime. Il doit prévoir, dans un plan quadriennal les conditions de réalisation de l'équilibre de long terme du régime. À ce titre, il détermine les règles d'évolution de la valeur du point de retraite et du salaire de référence et en fixe, chaque année, la valeur. La fixation de ces paramètres doit permettre au régime de respecter des critères de solvabilité à long terme déterminés par arrêté. À défaut de plan quadriennal remplissant les critères de solvabilité précités, les valeurs du point de retraite et du salaire de référence évoluent annuellement selon des modalités fixées par arrêté, l'évolution des taux de cotisation étant fixée par décret. Les taux de cotisation applicables pour la période resteront fixés par décret, sur proposition du conseil d’administration et après avis de celui-ci.
3.3. Les règles relatives au régime complémentaire des travailleurs indépendants du régime général sont déterminées par règlement
Le régime général a repris progressivement à compter du 1er janvier 2018 la gestion du régime complémentaire des indépendants.
Les conditions d’attribution et de service des prestations sont précisées par un règlement du conseil d’administration du CPSTI approuvé par arrêté ministériel. Ce règlement détermine notamment les conditions dans lesquelles les pensions sont revalorisées et fixe les principes de fonctionnement et de gestion financière du régime. Le conseil d’administration délibère tous les 6 ans sur les règles d’évolution du revenu de référence et de service du point applicables pour les six années suivantes, qui doivent respecter des règles prudentielles (déterminées à l’article D.635-9 CSS).
3.4. Les règles relatives aux régimes complémentaires des professions libérales résultent de leurs statuts ainsi que de dispositions réglementaires
Les sections professionnelles des professions libérales assurent la gestion de régimes complémentaires propres à chacune de ces sections. Elles en assurent notamment le pilotage de long terme.
Le niveau des prestations est fixé dans les statuts des régimes complémentaires des sections professionnelles, les modifications apportées aux statuts étant soumise à l’approbation de l’État. Toutefois, la valeur de service est fixée annuellement par délibération du conseil d’administration des sections professionnelles. De plus, l’assiette et le taux des cotisations sont fixés par décret, sur proposition des sections professionnelles et après avis de la CnavPL.
3.5. Le régime complémentaire des non-salariés agricoles
La gestion du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles est assurée par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). Les règles du régime sont définies par la loi et le règlement.
La loi du 20 janvier 2014 a renforcé le cadre de pilotage du régime, en prévoyant notamment l’élaboration de projections actuarielles tous les trois ans et la remise au gouvernement, par le conseil d’administration de la CCMSA, de propositions relatives à l’évolution des paramètres du régime sur les trois années à venir (valeurs de service et d’achat du point, taux de cotisation).
Depuis une vingtaine d’années, les réformes n’ont pas permis de remédier à la complexité du système. Tandis que le suivi de la trajectoire financière et son analyse ont été largement améliorées grâce à la création du COR, puis du CSR, le pilotage demeure néanmoins fragmenté et peut même parfois donner lieu à des effets croisés non anticipés.
Un exemple illustratif de cette situation concerne la concurrence entre régimes de base et complémentaire dans la fixation des taux de cotisation, soulignée dans le rapport thématique de la Cour des Comptes « Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (AGIRC et ARRCO) »[41]. Ainsi, la loi du 20 janvier 2014 a prévu que les taux de cotisation déplafonnée augmenteraient progressivement de 0,6 point supplémentaire à l’horizon 2017 pour le régime général. Entre 2012 et 2017, les taux de cotisation vieillesse au régime général ont augmenté de 1,1 point sous plafond (soit + 0,55 point pour la part patronale comme pour la part salariale) et de 0,6 point au-delà du plafond. Peu de temps auparavant, afin de réduire l’ampleur des déficits prévisionnels, les régimes complémentaires avaient de leur côté décidé en mars 2013 d’augmenter de 0,25 point les taux de cotisation (taux d’appel compris) en deçà et au-delà du plafond. D’après la Cour des Comptes, « dans une certaine mesure, les augmentations de taux de cotisation du régime général ont ainsi préempté les marges de manœuvre dont auraient pu disposer les partenaires sociaux pour relever les cotisations à l’AGIRC et l’ARRCO ».
Le manque de coordination entre régimes entraîne également des difficultés pour piloter les dispositifs multi-régimes. Une note du Conseil d’analyse économique[42] cite ainsi l’exemple révélateur du minimum de pension. Alors que ce dispositif a été créé en 1983 afin de garantir une pension supérieure au minimum vieillesse aux salariés ayant cotisé sur une longue durée, ce n’est qu’en 2007 qu’une étude de la DREES a mis en lumière le fait qu’un nombre important des bénéficiaires du MICO était des polypensionnés, bénéficiant d’une retraite globale nettement supérieure aux revenus visés à l’origine. L’écrêtement du MICO[43] a certes permis de remédier au problème pour le minimum de pension servi par les régimes de base du privé, mais cet écrêtement n’a pas été mis en place pour le minimum des régimes intégrés du secteur public. De plus, le calcul de cet écrêtement, qui nécessite de connaître le montant de l’ensemble des retraites servies par les régimes légalement obligatoires, engendre une complexité en gestion préjudiciable pour les assurés, qui sont exposés à de longs délais de traitement pour le calcul du MICO.
Par ailleurs, l’organisation en plusieurs étages du système de retraite des assurés du secteur privé limite de fait la couverture assurée par le minimum de pension par rapport aux assurés relevant exclusivement du secteur public.
PARTIE 2 - La nécessité d’instaurer un système universel de retraite
Le système universel de retraite sera, comme le système actuel, un régime par répartition : les pensions de retraites demeureront payées par les actifs. Avec un niveau de cotisation prévisionnel équivalent à celui d’aujourd’hui, le niveau de répartition du nouveau système de retraite est aussi conservé.
Au-delà du maintien du niveau de contribution des actifs, la création d’un système universel permet de renforcer la logique même de la répartition. En effet, l’unification des 42 régimes en un seul système implique une répartition des cotisations de l’ensemble des actifs vers l’ensemble des retraités. La logique d’une solidarité au sein d’une même profession ou statut, qui prévalait jusqu’alors, notamment dans les régimes complémentaires, disparaît au profit d’une solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle.
Enfin, l’unification pérennise à long terme la logique de répartition en réduisant l’exposition du système aux fluctuations économiques et démographiques ; en intégrant l’ensemble des actifs, le système sera davantage résilient car moins exposé aux fluctuations sectorielles. Par ailleurs, l’indexation des droits à la retraite par défaut sur la croissance des salaires permettra d’aligner la dynamique des dépenses sur celles des recettes, et donc de renforcer la prévisibilité des flux financiers du système et de remédier à la forte dépendance des résultats du système à la croissance.
Graphique 34 - Dépenses observées et projetées du système de retraite selon l’évolution de la croissance
Source : Conseil d’orientation des retraites, juin 2019
Le système actuel possède de nombreuses caractéristiques qui sont source d’inéquité entre les assurés et l’héritage d’une construction sociale sédimentée et non harmonisée :
- Selon le régime de retraite, un euro cotisé donne des droits différents. La création d’un régime universel emporte nécessairement un rendement équivalent pour tous les métiers, à niveau de cotisation identique.
- Selon la période cotisée, un euro donne des droits différents. Le système universel permettra de mettre fin à cette inéquité en valorisant les années de carrière de manière équivalente, car les points seront revalorisés par défaut en fonction de l’évolution du salaire moyen. Le montant de la pension de retraite sera désormais équivalent quelle que soit la trajectoire de carrière et les périodes où les meilleures années sont réalisées, à revenu constant sur la carrière.
- Selon les statuts, des dispositifs de solidarité, par exemple les droits familiaux et conjugaux ou la prise en compte des interruptions d’activité, ne sont pas pris en compte de la même manière. La création d’un régime universel emportera nécessairement l’alignement des droits de solidarité, quel que soit le statut. Les dispositifs de pénibilité existants aujourd’hui dans le privé seront par ailleurs étendus au secteur public.
- Selon les régimes, les règles de liquidation ne sont pas identiques, même pour des métiers identiques. En particulier, si les régimes spéciaux trouvent leurs origines dans conditions historiques de notre système de protection sociale, les évolutions de ces dernières décennies ont rendu le maintien de ces régimes difficile à justifier du point de vue de l’équité, en particulier lorsqu’un régime spécial ne rassemble pas l’ensemble d’une profession ou d’une activité.
- Enfin, le nombre croissant de poly-pensionnés conduit à une articulation de plus en complexe entre les régimes, qui peut être source de complexité pour l’assuré mais aussi d’inéquité : le montant global de la pension n’est pas identique suivant qu’une première partie de carrière a été effectuée dans un régime A et une seconde dans un régime B ou l’inverse.
Le système universel, en mettant en œuvre un principe d’équité contributive selon lequel « un euro cotisé donne les mêmes droits », en alignant l’ensemble des dispositifs de solidarité et en uniformisant les conditions de liquidation à situation égale, permettra donc de garantir que les assurés soient traités d’une manière plus équitable et plus juste.
Dans un système en répartition, les évolutions économiques et démographiques sont déterminantes. Le système doit offrir des garanties pour que, sur le long terme, les retraites soient équilibrées dans des scénarios économiques ou démographiques divers et que les adaptations aux évolutions de ces contextes qui n’auraient pas été prévues interviennent rapidement. Un équilibre financier pérenne, assis sur des mécanismes de pilotage efficaces, est donc la condition du retour de la confiance.
Le système universel garantira cette confiance par :
- La création d’une solidarité interprofessionnelle par l’universalité du régime, faisant disparaître la crainte de la fin d’une profession qui menacerait l’équilibre d’un régime et donc le paiement des retraites de cette même profession ;
- L’instauration d’une règle d’or financière, imposant à la gouvernance d’assurer l’équilibre financier du régime sur une période de 5 années consécutives ;
- Une plus grande possibilité de piloter les ressources et les dépenses du système, grâce à l’unification des règles et une plus grande prévisibilité du solde financier. Ce pilotage ne sera pas automatique mais géré notamment par les partenaires sociaux, qui pourront faire évoluer les paramètres, sous le contrôle du cadrage financier de la règle d’or et des trajectoires financières adoptées par le Parlement ;
- La création d’un fonds de réserves universel des retraites, qui permettra d’absorber les variations démographiques et économiques.
Le système actuel peut être handicapant pour la mobilité professionnelle des assurés : les règles n’étant pas harmonisées et pour un revenu identique, un changement de situation professionnelle peut générer des écarts (à la hausse et à la baisse) en taux de prélèvement et en pension de retraites à la liquidation. La règle des 25 meilleures années n’est par exemple appliquée que pour la partie de carrière cotisée au régime général ou dans un régime aligné sous un plafond de la sécurité sociale.
En raison de l’absence de lisibilité de ces règles, les assurés peuvent être désincités à changer de statut, de peur de réduire leur droit à pension, même lorsque les effets sont en réalité limités.
Le système universel permettra de ne pas pénaliser ces mobilités professionnelles à au moins trois égards :
- Les règles étant identiques pour tous, il ne pourra y avoir de perte de droits en cas de changement de métier ;
- Les règles étant transparentes et la liquidation unique, les assurés en auront une meilleure compréhension et craindront moins de perdre des droits en cas de changement ;
- L’assiette de cotisation minimale pour les travailleurs indépendants sera calculée à terme sur l’ensemble des revenus d’activités, et ne viendra donc pas pénaliser les assurés développant une activité indépendante en parallèle d’une autre activité professionnelle.
De nombreux pays de l’OCDE ont mené des réformes systémiques
De nombreux pays de l’OCDE ont connu des évolutions similaires à celles de la France et ont d’ores et déjà mené des réformes systémiques, après la mise en œuvre pendant plusieurs années de réformes paramétriques substantielles. Les mesures paramétriques ont en effet fini par marquer leur limite dans un contexte de vieillissement de la population qui impliquait une profonde remise à plat des paramètres des systèmes de retraite.
Jusque dans les années 80, l’augmentation des taux de cotisation a été l’outil principal des réformes paramétriques dans les pays de l’OCDE. Pour redresser la situation financière des systèmes de retraite dans un contexte de changements démographiques, l’âge de la retraite a été augmenté, avec un durcissement des retraites anticipées et davantage d’incitations à rester en emploi avec des dispositifs de bonus/malus. Le niveau des pensions a été réduit, avec par exemple une modification des règles d’indexation des pensions versées.
Des mesures de relèvement des âges de la retraite ont été mises en place avec dans un premier temps une harmonisation des âges de départ des femmes vers ceux des hommes, puis à partir des années 1990, une augmentation des âges pour tous avec une moyenne de départ relevée de deux ans.
Au début des années 1990, ces mesures paramétriques ont commencé à poser des difficultés ce qui a conduit à la mise en place de régimes à cotisations définies par capitalisation ou comptes notionnels en Europe du Nord, en Europe centrale, en Italie. Ces systèmes évitent en effet les problèmes de viabilité financière et lient plus étroitement les pensions aux cotisations.
A l’exception de la France, Malte, la Slovénie, l’Espagne et l’Autriche, l’ensemble des pays de l’OCDE prend désormais en compte l’ensemble de la carrière dans le calcul des droits à retraite. Comme le relève l’OCDE, es ajustements automatiques se sont également développés même s’ils prennent des formes différentes :
- Liens automatiques entre âge de la retraite et espérance de vie : Bulgarie, Danemark, Finlande, Italie, Pays-Bas, Portugal et Slovaquie ;
- Ajustements automatiques : régimes par capitalisation à cotisations définies via le calcul des annuités ;
- Ajustements automatiques pour les régimes à comptes notionnels : Italie, Lettonie, Norvège, Pologne, Suède ;
- Mécanismes similaires dans les régimes à prestations définies : Espagne et Finlande (les niveaux de pension s’ajustent automatiquement aux gains d’espérance de vie) ;
- Ajustements au « taux de dépendance » ou au solde financier : Allemagne (système par points), Suède (comptes notionnels), Espagne et Portugal (prestations définies).
La consolidation des systèmes de retraite représente une autre tendance majeure, avec la création de régimes universels. La France fait ainsi figure d’exception avec ses 42 régimes professionnels.
Les réformes menées en Suède
Parmi les exemples les plus significatifs, figure le système de retraite suédois. Il est passé d’un régime traditionnel de retraite à prestations déterminées - liées aux revenus des quinze meilleures années et à 30 ans de cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein, - à un système se basant sur deux types (répartition et capitalisation) de régimes à cotisations définies. La retraite perçue dépend désormais des cotisations versées tout au long de la vie active et d’un taux de remplacement calculé chaque année en fonction de l’équilibre financier du système de retraites et du développement économique du pays.
Ce système universel organisé en trois piliers (public, conventionnel et privé) repose toujours sur le principe de répartition mais ouvre aussi la voie à un système de capitalisation, obligatoire dans la retraite dite publique et facultatif pour le régime privé. Des mécanismes automatiques – mis en place en 2001 - permettent d’en préserver l’équilibre financier dans l’hypothèse d’une diminution du nombre de cotisants, d’une baisse des fonds de réserve issus du système précédent, d’une croissance économique faible, d’un allongement de l’espérance de vie, d’une insuffisance du rendement des fonds investis par rapport à l’évolution du salaire moyen. L’activation de ces mécanismes n’entraîne aucune conséquence sur le taux de cotisation mais peut diminuer le niveau des pensions servies et à servir.
En 2009, une baisse du PIB suédois de 4,9 %, conjuguée à la montée du chômage et au recul de la valeur des actifs des fonds de réserve de 21 % ont, pour la première fois en 10 ans, fait jouer les mécanismes automatiques d’ajustement. Les pensions servies en 2010 auraient dû baisser de 4,2 %. Les pertes ont été ramenées à 3 %, grâce à un « lissage » sur 3 ans, et à la mobilisation du fonds de roulement issu de l’ancien modèle (équivalent à 30 % du PIB), suite à un accord politique entre les cinq partis parlementaires. Le Parlement, via le groupe parlementaire de suivi de la réforme, a pu ainsi intervenir afin d’atténuer les effets de ce mécanisme automatique.
La loi suédoise prévoyait une grande flexibilité dans le choix de l’âge de départ en retraite, à partir de 61 ans. Si les Suédois pouvaient liquider leur retraite à partir de 61 ans, l’âge moyen auquel ils quittent le marché du travail a augmenté lentement (de 63,3 à 63,8 ans entre 2011 et 2015). La Suède a donc décidé fin 2017 de relever progressivement, d’ici 2026, à 64 ans l’âge légal de départ.
Dans la mesure où le système suédois privilégie ou privilégiait la flexibilité et les mesures incitatives plutôt que les règles normatives, la pérennité nécessite également une gouvernance transparente et une information de qualité apte à donner aux cotisants les éléments de leur décision. Chaque année, un rapport national « orange » est publié par l’Agence nationale des retraites (Pensionsmyndigheten). Par ailleurs les Suédois reçoivent tous les ans une « enveloppe orange » indiquant la situation de leur compte et le montant de la pension qu’ils peuvent espérer percevoir selon plusieurs scenarios de liquidation de la retraite entre 61 et 67 ans.
Si certaines de ces modalités ont inspiré le système Français (lisibilité des règles, pilotabilité du système, flexibilité individuelle) le système suédois s’éloigne toutefois du projet français de système universel par certains choix marquants : l’existence d’un étage obligatoire en capitalisation, des mécanismes automatiques d’équilibrage dans un cadre annuel, l’absence de règle d’or pour empêcher une baisse des pensions ou de la valeur des points en cas de retournement de la conjoncture, le choix in fine de relever l’âge minimum de départ à la retraite.
Les réformes menées en Italie
L’Italie a elle aussi procédé à une refonte complète de son système de retraites. Avant 1992, une cinquantaine de régimes composés de multiples caisses de retraite suivant les professions et n’ayant pas toutes les mêmes règles d’acquisition de droits et de liquidation des pensions coexistaient.
Depuis la réforme Amato de 1992, l’Italie a cherché à harmoniser et unifier les règles entre les différents régimes de retraite : l'âge légal de la retraite est passé de 60 à 65 ans pour les hommes et de 55 à 60 ans pour les femmes avec une augmentation de l'âge de la retraite d'un an tous les deux ans à partir du 1er janvier 1993, avec une indexation des pensions sur les prix et prise en compte des cotisations versées pendant toute la durée du travail (calcul du salaire annuel moyen sur toute la carrière pour les personnes entrées sur le marché du travail depuis le 1er janvier 1993).
En 1995, la réforme Dini a modifié les règles d’acquisition et de liquidation des droits à la retraite : chaque cotisant italien est désormais titulaire d’un compte individuel qui est crédité des cotisations retraite versées au cours de sa carrière professionnelle (comptes notionnels). Ces cotisations accumulées sont revalorisées annuellement selon un index égal à la moyenne mobile des taux de croissance du PIB des cinq dernières années. Si la réforme de 1995 instaure ce nouveau régime pour les salariés du secteur privé, la révision Prodi de 1997 l’étend à l’ensemble des salariés du secteur public : sur la base de recommandations de la Commission européenne pour permettre à l’Italie d’accéder à la monnaie unique, elle achève le rapprochement des systèmes de retraite publics et privés et l’harmonisation des « fonds spéciaux » (secteurs de l’électricité, de la téléphonie, de l’aviation, essentiellement) sur le régime plus sévère du secteur privé.
Elle établit également une flexibilité dans l’âge de départ à la retraite (5 ans d’anticipation sur l’âge légal, qui s’établit à 67 ans en 2019). Toutefois d'un point de vue technique, dès 1995, le mode de régulation du système sur le long terme constitue une des principales zones d'ombre de la réforme : l'accord entre le gouvernement et les organisations syndicales ne prévoyait pas de procédure permettant d'intervenir sur les paramètres du régime. Ce sont les parlementaires qui ont introduit la possibilité, pour le ministre du Travail et de la sécurité sociale, de modifier tous les dix ans le taux de conversion qui permet de calculer la pension, cela afin de tenir compte de l'évolution du PIB et des changements dans l'espérance de vie.
La réforme Fornero (2011) constitue le principal ajustement depuis les réformes Dini et Prodi. Elle a augmenté l’âge de départ à la retraite, en le corrélant à l’espérance de vie, posé le principe d’un relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite des femmes pour atteindre le même âge que les hommes, également limité l’accès aux retraites anticipées.
L’absence de mise à l’équilibre du système à son point de départ explique la multiplicité des réformes intervenues depuis 1995 et qui ont conduit à l’adoption tant de mesures paramétriques que d’adaptations du schéma initialement envisagé pour le nouveau système en comptes notionnels.
Les efforts de convergence entre les régimes ont été très importants lors des précédentes réformes :
- La convergence des régimes de la fonction publique sur le régime général en matière de durée d’assurance et de taux de cotisation salariale lors des réformes de 2003 et 2010. Certains dispositifs spécifiques, tels que les départs anticipés des parents de 3 enfants, ont été supprimés ;
- Le rapprochement des régimes spéciaux de retraite selon les mêmes modalités en 2008 et 2010 ;
- L’intégration du régime social des indépendants au régime général en 2018.
En dépit de ce mouvement constant vers une harmonisation, le système actuel reste perçu comme inéquitable par la majorité des Français en raison de règles différentes de calcul des droits (salaire des 25 meilleures années dans le privé et règle des 6 derniers mois dans la fonction publique par exemple). Ces différences créent par ailleurs une importante complexité pour les assurés pour lesquels, lorsqu’ils ont appartenu à plusieurs régimes, le calcul du montant final de leurs pensions reste compliqué et le montant global de pension (et donc le taux de remplacement) ne peut véritablement être appréhendé qu’à proximité de la retraite.
Enfin, cette coexistence de corpus de règles différentes emporte des difficultés de pilotage financier tant pour l’État que pour le législateur qui ne disposent pas de leviers suffisamment souples et précis pour adapter rapidement les paramètres du système aux évolutions économiques ou pour se fixer des objectifs sociaux communs à l’ensemble des actifs et des retraités.
La mise en place d’un système universel est en revanche à même d’apporter une harmonisation des droits entre assurés, quel que soit leur statut professionnel, d’en simplifier les modalités de calculs. Elle permet par ailleurs de mettre en place une nouvelle gouvernance et un pilotage global de l’ensemble des retraites.
Une très importante consultation citoyenne a été mise en œuvre à l’occasion de l’élaboration du nouveau système de retraites.
D’une ampleur inédite, elle s’est déroulée en deux phases.
De mai à décembre 2018, un grand dispositif de participation citoyenne a été déployé. Initié par un atelier prospectif au cours duquel 25 citoyens ont été invités à imaginer ensemble ce que pourrait être le système de retraite dans 40 ans, ce dispositif a été décliné en plusieurs volets, associant démocratie numérique et ateliers participatifs à travers la France.
Une plateforme en ligne, https://participez.reforme-retraite.gouv.fr/, a ainsi été ouverte, proposant aux participants de faire des propositions, d’argumenter, de réagir sur 11 thématiques pour lesquels 35 000 contributions et 200 000 votes ont été recueillis :
- Quel système de retraite pour tous les actifs ?
- Prendre sa retraite : à quel âge et à quelles conditions ?
- Comment donner plus de liberté dans la transition emploi-retraite et la gestion de la fin de sa carrière ?
- Quels droits accorder aux conjoints en cas de décès ?
- Quelle prise en compte des enfants dans la retraite ?
- Faut-il améliorer l'acquisition de droits pour les plus jeunes ?
- Comment améliorer la couverture retraite dans le cadre des nouvelles formes de travail ?
- Quelle solidarité avec les plus faibles revenus ?
- Comment corriger les inégalités femmes-hommes en matière de retraites ?
- Quelle prise en compte du handicap et des aidants familiaux dans la retraite ?
- Comment assurer un meilleur pilotage du système de retraites ?
Cette consultation, a montré la diversité des opinions sur chacun de ces thèmes. Elle a donné lieu à une synthèse rendue publique : https://participez.reforme-retraite.gouv.fr/themes/resultats-de-la-premiere-consultation.
Par ailleurs, 8 ateliers en région (Montreuil, Lorient, Arras, Strasbourg, Toulon, Angoulême, Dijon et Toulouse) ont eu lieu à l’automne 2018. Environ 800 citoyens se sont réunis au total et ont consacré une journée entière pour débattre, apporter des pistes de réflexion et éclairer les travaux en cours.
Enfin, l’année 2018 s’est close sur un atelier citoyen, organisé par la Direction interministérielle de la transformation publique, lors duquel les participants ont donné leur avis en toute indépendance sur les moyens de redonner confiance dans notre système de retraite.
Après la remise du rapport de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites, le 18 juillet 2019, une seconde phase de consultation a été ouverte, pour prolonger et amplifier la dynamique de participation citoyenne engagée depuis 2018.
Cette consultation s’est déroulée en parallèle de la concertation avec les partenaires sociaux, autour d’un nouvel enjeu : l’élaboration du projet de loi. Deux dispositifs complémentaires étaient au cœur de cette concertation : une plateforme en ligne et des débats en région avec des membres du Gouvernement.
Lors de cette consultation, 7 débats en région ont été animés par le Haut-commissaire aux Retraites, dont un à Rodez avec le Président de la République et deux à Lons-le-Saulnier et Pau avec le Premier Ministre.
La plateforme de consultation citoyenne (https://participez.reforme-retraite.gouv.fr/), qui reprenait chacune des propositions du rapport de Jean-Paul Delevoye, a enregistré plus de 61 400 contributions avec notamment : 46 700 réponses au questionnaire sur les priorités du futur système de retraites (ce qui représente 76 % des contributions), 10 150 réactions aux propositions clés du rapport de Jean-Paul Delevoye, et 4 510 questions.
Tant sur la plateforme, que dans les débats en région, la consultation du Haut-commissaire aux Retraites a concentré des sensibilités politiques et sociales différentes, parfois divergentes. L’hétérogénéité et la richesse des opinions exprimées tiennent à la diversité d’âge et de profils des participants. Le bilan de cette consultation projette un panorama complexe, fait de consensus, de désaccords et d’interrogations :
Parallèlement à cette participation citoyenne, le Haut-commissaire a conduit une concertation longue et approfondie avec les partenaires sociaux à partir d’avril 2018.
La première phase de concertation a pris la forme d’une série de réunions bilatérales avec les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel : trois organisations d’employeurs (MEDEF, CPME, U2P) et cinq organisations syndicales (CFDT, CGT, FO-CGT, CFTC, CFE-CGC), auxquelles se sont jointes l’UNSA et la FNSEA afin de bien tenir compte de l’ensemble des populations concernées par la mise en place du nouveau système de retraite.
Les six premiers mois de la concertation ont porté sur le bilan du système actuel et sur les grands principes du système universel. Six grandes thématiques ont ainsi été abordées :
- Les paramètres du système cible (assiettes et taux de cotisations, modalités de calculs des droits, …) ;
- Les droits non contributifs ;
- Les droits familiaux ;
- Les conditions d’ouverture des droits ;
- Les modalités de transition d’un système à l’autre ;
- L’architecture et la gouvernance du nouveau système.
A l’issue de cette première phase de dialogue, Agnès Buzyn et Jean-Paul Delevoye ont tenu le 10 octobre 2018 une réunion multilatérale de bilan des premiers mois de travaux et présenté les premiers grands principes du nouveau système.
D’octobre 2018 à juin 2019, les réunions bilatérales se sont poursuivies sur les mêmes thématiques afin de les approfondir.
Sur la base de cette année de concertation, le Haut-commissaire à la réforme des retraites a élaboré un rapport de préconisations sur les paramètres du nouveau système, qu’il a présenté aux partenaires sociaux le 18 juillet 2019 (https://www.reforme-retraite.gouv.fr/la-reforme/article/preconisations-pour-un-systeme-universel-de-retraite).
Une seconde étape de la concertation a été initiée en septembre 2019 avec deux axes :
- La poursuite de la concertation avec les partenaires sociaux sur la base des propositions du rapport du Haut-commissaire jusqu’au 9 décembre 2019. Cette phase s’est conclue par une réunion multilatérale permettant de présenter les positions des organisations syndicales et patronales (https://www.reforme-retraite.gouv.fr/IMG/pdf/conlusions_de_la_concertation_pour_la_mise_en_place_d_un_systeme_universel_de_retraite.pdf)
- L’ouverture de concertation sectorielles avec les différentes professions (fonctionnaires, professions libérales, régimes spéciaux) et les ministres en charge de leur secteur. Plus de 150 réunions ont ainsi été tenues Elles se poursuivent et continueront en 2020.
Aujourd’hui, les différences de règles entre les 42 régimes nourrissent un fort sentiment d’inéquité chez les Français. Elles rendent aussi le calcul de la retraite de plus en plus complexe à mesure que les parcours professionnels se diversifient et que le nombre de personnes relevant de plusieurs régimes s’accroît. Enfin, elles peuvent freiner les mobilités professionnelles, lorsqu’on ignore si un changement de statut va conduire à accroître ou baisser les droits.
Les règles du système universel de retraite se substitueront aux règles applicables aux différents régimes de base et régimes complémentaires obligatoires actuels.
Il concernera tous les Français, quelle que soit leur activité professionnelle : salariés du privé ou du public, fonctionnaires, travailleurs indépendants et professions libérales, agriculteurs.
Le système universel de retraite s’appliquera également aux assurés régis par des régimes spéciaux de sécurité sociale. Ils seront désormais affiliés dans les mêmes conditions que tous les autres salariés et couverts à ce titre par le système universel.
Le système universel s’appliquera aussi aux parlementaires ainsi qu’aux membres du Conseil économique social et environnemental. Pour la retraite, ils relèveront des mêmes règles que les salariés, comme c’est déjà le cas pour les membres du Gouvernement et les élus locaux.
Les règles en matière de retraite seront désormais communes à l’ensemble des Français et ne seront plus liées à un statut professionnel.
Le nouveau système sera obligatoire, public et par répartition, c’est-à-dire que, comme dans le système actuel, les actifs d’aujourd’hui financeront par leurs cotisations les pensions des retraités d’aujourd’hui.
Aujourd’hui, dans le système actuel, 1 € cotisé n’ouvre pas du tout les mêmes droits selon les régimes ou selon le moment où il a été versé :
- Les régimes en annuités ont des règles de calcul différentes des régimes en points. Les droits à la retraite des fonctionnaires ne dépendent pas des montants cotisés, mais des durées cotisées et des traitements de fin de carrière. Des périodes d’activité avec des revenus inférieurs à 150 heures SMIC peuvent ne pas permettre de valider de trimestres ; certains trimestres accordés peuvent ne donner aucun droit selon les situations (une majoration de durée d’assurance pour enfant peut être inutile pour une personne qui a déjà le taux plein par son activité et ne comptera pas pour permettre un départ en carrières longues). Enfin pour les régimes qui sont actuellement déjà en points (la quasi-totalité des régimes complémentaires), le rendement du point peut varier du simple au double selon le régime (c’est-à-dire qu’un euro cotisé peut valoir du simple au double en termes de droits à la retraite).
- Pour la plupart des régimes, 1 euro cotisé n’ouvre pas les mêmes droits pour les périodes au début de sa carrière ou à la fin de sa carrière. En effet depuis le milieu des années 1990, les droits acquis ne sont revalorisés qu’en moyenne à l’inflation. Ce qui fait qu’au moment du départ à la retraite, de nombreux assurés voient leurs périodes d’activité de leur début de carrière « dévalorisées » de plus de 30% (dévalorisation dû à la différence entre l’évolution de l’inflation et du salaire moyen).
Dans le système universel, compte tenu d’un rendement unique pour l’ensemble des assurés, et de la revalorisation des points acquis selon les salaires moyens, 1 € cotisé ouvrira les mêmes droits quel que soit le statut de celui qui l’a cotisé et le moment où il a été versé.
Aujourd’hui, le système est très complexe et chaque Français doit se repérer entre les multiples régimes (en moyenne, un Français cotise dans plus de 3 régimes de retraites et un tiers des actifs a des droits dans plus de 4 régimes), et les différentes unités de compte (des trimestres, des points de valeurs différents selon chaque régime). Ainsi dans son relevé individuel de carrière, chaque assuré a autant de feuillets différents que de régimes auxquels il a été affilié.
Le système universel reposera sur un principe contributif et de solidarité : chaque période travaillée et cotisée accordera des droits à retraite sous forme de points. Il prendra aussi en compte, par des éléments de solidarité, les aléas de la carrière ou de la vie qui conduisent à des périodes d’interruption d’activité involontaires. Ces périodes donneront aussi des points de même valeur que ceux issus des périodes travaillées.
Dans le système universel de retraite, chaque assuré disposera d’une information actualisée, fiable et exhaustive de l’ensemble de ses droits. Chaque assuré aura accès à un espace personnel sécurisé, un compte unique personnel de retraite, créé dès le 1er euro cotisé et alimenté par l’ensemble des points, quels que soient l’activité professionnelle exercée et le moment où il a été acquis. Les assurés n’auront plus comme aujourd’hui à additionner des retraites venant de plusieurs régimes de sécurité sociale et calculées selon des règles différentes et souvent très complexes.
Sur ce compte unique, les assurés pourront suivre l’acquisition de leurs points retraite et accéder à une information personnalisée selon leur situation professionnelle. L’information retraite sera accessible, en tout lieu et en toute heure, pour tous les assurés. Ce compte proposera également des outils qui permettront de simuler l’impact sur la carrière de changements de vie ou d’activité d’une part et d’estimer le montant de sa retraite selon l’âge de départ souhaité d’autre part.
Les Français pourront ainsi déterminer en connaissance de cause à quel moment et avec quel revenu ils souhaitent partir en retraite, alors qu’aujourd’hui le montant de leur retraite n’est souvent connu qu’au moment du départ.
En effet dans un système universel en point, le calcul de la pension de retraite est très simplifié pour la plupart des situations : il suffit de connaitre le nombre de points acquis au moment de son départ à la retraite et de le multiplier par la valeur de service du point correspondant à l’année de son départ. Ce montant pourra être augmenté le cas échéant des droits familiaux (majorations pour enfant) et du minimum de pension.
Le système universel offrira de nouvelles possibilités en termes d’accompagnement et de services. La lisibilité et la simplification apportées par ce système devront permettre à chacun de connaître ses droits, d’anticiper l’impact de ses changements de vie ou de carrière sur sa retraite et de faire des choix éclairés tout au long de sa vie professionnelle.
La création de ce compte ouvrira de nouvelles possibilités : il intégrera un espace de stockage sécurisé et un dispositif de transmission de documents. Ce compte permettra de disposer en permanence de tous les éléments concernant l’assuré et de réaliser en ligne toutes les démarches utiles. Il permettra à l’usager de vérifier les droits acquis sur l’année, d’actualiser sa situation et de compléter son dossier au fil de l’eau. Il incitera les utilisateurs à compléter leur situation au fur et à mesure de leurs choix de vie ou de carrière pour que les simulations et les estimations soient les plus précises possibles.
Cet accompagnement tout au long de la carrière offrira aux usagers davantage d’autonomie pour anticiper leur retraite, et pour choisir librement la transition entre la fin de leur activité et leur retraite.
La reconnaissance du travail est au cœur du système universel de retraite, tant par le fait que la retraite est le reflet des carrières professionnelles que par la garantie d’une retraite minimale donnée pour ceux qui ont fait une carrière complète.
Ainsi, le minimum de pension du régime général (MICO) sera revalorisé dès 2022 pour atteindre 1000€ net en 2022 pour une personne ayant fait toute sa carrière au SMIC, puis 85% du SMIC net en 2025. Cette mesure s’applique aussi aux travailleurs indépendants et aux agriculteurs.
Le nouveau système universel de retraite traitera de façon équitable les différents parcours professionnels. Ainsi, afin de ne plus privilégier certains types de carrières plutôt que d’autres, chaque rémunération fera l’objet de cotisations qui permettront d’acquérir des points, quelle que soit la rémunération, y compris lorsqu’elle est inférieure à celle exigée aujourd’hui pour valider un trimestre (150h SMIC). Ce sera donc plus protecteur pour les personnes qui connaissent des carrières heurtées ou courtes. Le nouveau système sera plus favorable que le système actuel pour les rémunérations les plus faibles et pour les femmes plus nombreuses dans ces situations.
Il permettra l’acquisition de points retraite dès les premiers stages rémunérés ou le premier emploi pour les jeunes et permettra aux retraités d’acquérir des points avec le cumul-emploi retraite.
Le nouveau système permettra d’éviter les droits « inutiles » du système actuel, il ne pénalisera plus les poly-actifs et rendra à chacun plus visible les droits acquis chaque année par son activité professionnelle.
Ceux qui font le choix de continuer à travailler verront leurs années supplémentaires de travail mieux prise en compte que dans les systèmes en annuités dans lesquels une fois la durée du taux plein acquise, chaque année supplémentaire travaillée n’apporte pas de nouveaux droits.
Le système universel offrira la possibilité à chacun de choisir plus librement la date de son départ en retraite en fonction des points qu’il aura accumulés, la notion de durée d’assurance s’effaçant derrière celle de points acquis et d’âge d’équilibre.
L’âge minimal de départ à la retraite à 62 ans sera maintenu. Cet âge légal ne bougera pas. C’est un principe de liberté qui laisse à chacun la possibilité de partir à la retraite à cet âge s’il le souhaite et si son parcours de vie le lui permet.
Les possibilités de partir plus tôt resteront ouvertes aux personnes ayant connu des carrières longues, pénibles ou qui ne sont plus aptes à travailler.
Un âge d’équilibre, évoluant par génération à hauteur des deux tiers des prévisions d’espérance de vie à la retraite, sera déterminé par la gouvernance du système universel : des décotes seront appliquées pour les départs intervenant avant cet âge ; des surcotes seront accordées en cas de départ à un âge postérieur.
L’âge d’équilibre à l’entrée en vigueur du système universel sera défini par la nouvelle gouvernance du système universel confiée aux partenaires sociaux.
Les Français pourront décider de partir avant cet âge d’équilibre, auquel cas leur pension subira un malus de 5 % par année. Ceux qui le souhaitent pourront travailler au-delà et ainsi bénéficier d’une majoration de leur retraite, de 5 % par année ;
Le nouveau système universel permettra donc d’offrir aux Français de choisir plus librement le moment de leur départ en retraite en fonction de leur parcours personnel et de leurs aspirations personnelles ou professionnelles. Il valorisera davantage le travail.
Ils pourront également choisir une transition longue entre le monde professionnel et la retraite et mieux organiser leur fin de carrière à travers :
- Les nouvelles dispositions favorisant le départ en retraite progressive, qui seront assouplies dès 2022, puis élargies et simplifiées dans le cadre du système universel ;
- Le cumul emploi – retraite, désormais producteur de droit, pour les retraités ayant atteint l’âge d’équilibre.
Les carrières dites « heurtées » rassemblent les parcours de vie n’ayant pas de trajectoires professionnelles linéaires et ascendantes pour différentes raisons : inactivité choisie ou subie, chômage répété, reconversion professionnelle. Plus souvent présents chez les femmes, ces profils de carrières sont aujourd’hui pénalisés par le système de retraite. Le système universel permettra de mieux les prendre en compte.
Les carrières heurtées rassemblent des assurés ayant connu des périodes d’inactivité prolongées.
Le système de retraite de base actuel permet d’obtenir une pension de retraite sans décote si l’une des deux conditions suivantes est remplie :
- L’assuré a validé une durée d’assurance requise (DAR), aujourd’hui fixée à 172 trimestres (soit 43 ans) s’il est né à compter de 1973 ;
- L’assuré liquide sa retraite à l’âge d’annulation de la décote (AAD), aujourd’hui fixé à 67 ans.
Par conséquent, les profils qui ne valident pas suffisamment de trimestres durant leur carrière sont contraints de liquider leur pension à 67 ans s’ils souhaitent bénéficier d’une pension à taux plein. 15 % des nouveaux retraités sont dans ce cas, et les femmes sont deux fois plus représentées que les hommes.
Le système universel, en instaurant un âge d’équilibre en deçà de 67 ans, permettra à l’ensemble de ces assurés de bénéficier d’une retraite à taux plein plus tôt. Ainsi, si l’âge du taux plein est fixé à 65 ans, ils pourront liquider leur pension de retraite à taux plein 2 années plus tôt que dans le système actuel. S’ils souhaitent poursuivre leur carrière professionnelle au même âge que dans le système actuel (67 ans), ils bénéficieront d’une majoration de 5% par année.
Les salaires portés au compte des assurés sont aujourd’hui indexés sur l’inflation. Ce choix présente l’avantage de ne pas dévaloriser les droits acquis par rapport à l’évolution générale des prix et permet en outre d’octroyer un taux de remplacement à la liquidation plus élevé. Cependant cette indexation peut être facteur d’inéquité puisqu’elle ne traite pas de la même manière les assurés selon la trajectoire de leur carrière : elle conduit, en effet, à ne pas valoriser de la même façon les droits acquis en début, au milieu ou en fin de carrière. Notamment, dès lors que les droits acquis ne suivent pas l’évolution globale des salaires, cela conduit à sous-valoriser pour le calcul de la retraite les périodes d’activité du début de carrière.
Le système universel permettra de mettre fin à cette inéquité en valorisant les années de carrière de manière équivalente, car les points seront revalorisés par défaut en fonction des salaires. Ainsi, le montant de la pension de retraite serait désormais équivalent quelle que soit la trajectoire de carrière et les périodes où les meilleures années sont réalisées, tant que les revenus restent identiques.
Les carrières heurtées rassemblent par ailleurs des assurés ayant connu des périodes répétées de chômage indemnisés.
Le système de retraite actuel ne valorise que partiellement ces périodes de chômage indemnisé. Ces périodes permettent aujourd’hui de :
- Valider des trimestres de cotisations (chaque période de chômage indemnisé de 50 jours permettant de valider un trimestre), et donc de ne pas reporter l’âge de liquidation si l’assuré souhaite partir à la retraite.
- Acquérir des points de retraite au régime complémentaire, sur la base du salaire journalier de référence et partiellement financé par l’assuré.
Ainsi, pour le régime de base, les allocations chômage, ne sont pas incluses dans le calcul du salaire annuel moyen des « 25 meilleures années », mais seulement pour la détermination de la durée validée. Cette non prise en compte est particulièrement défavorable aux assurés connaissant des périodes répétées de chômage au sein d’une même année (comme certains intermittents du spectacle), ou pour des assurés ayant eu une carrière fortement ascendante en milieu de carrière mais avec une période prolongée de chômage en fin de carrière, avec donc des allocations chômage élevées, mais non prises en compte dans le calcul du salaire annuel moyen (comme certains cadres).
Le système universel accordera, via une prise en charge par le fonds de solidarité universel, des points de retraite aux assurés bénéficiant d’une allocation chômage, calculée sur la base du montant de cette allocation. Les points accordés au titre de cette solidarité ouvriront les mêmes droits que les points acquis via des cotisations pendant des périodes d’activité. Ainsi, ces périodes seront traités de manière équivalente et ne pourront être pénalisantes dans le calcul de la pension de retraite, comme c’est parfois le cas avec les règles actuelles. Elles faciliteront l’accès au minimum de pension garanti à 85% du SMIC.
Les carrières heurtées rassemblent enfin des assurés ayant globalement travaillé tout au long de leur vie, mais souvent avec des revenus limités, parfois en raison de temps partiels très prolongés.
Le régime actuel prévoit pour les assurés partant à temps plein (y compris à l’âge d’annulation de la décote) mais ayant une pension faible en raison de revenus limités, de bénéficier d’un complément de pension, le « minimum contributif ». Cela concerne environ 20 % des nouveaux retraités. Ce complément est aujourd’hui majoré d’environ 70 € par mois pour les assurés ayant leur taux plein mais ayant cotisé au moins 120 trimestres, soit 30 années.
Ainsi, aujourd’hui, en moyenne, un bénéficiaire de ce complément qui a cotisé toute sa vie à un niveau suffisant pour valider l’ensemble de ses trimestres (soit un temps partiel prolongé), aura une pension de l’ordre de 815 € nets par mois s’il a été salarié, de 730 € s’il a été commerçant, de 890 € s’il a été exploitant agricole. C’est moins que le minimum vieillesse, revalorisé à 900 € par mois en janvier 2020.
Ce montant sera par ailleurs moindre pour une personne partant à taux plein mais n’ayant pas cotisé les 120 trimestres demandés, puisqu’elle ne bénéficiera pas du minimum contributif majoré.
Dans le système universel, une personne ayant une carrière complète avec des revenus modestes aura une pension minimale garantie à 85% du SMIC net. Une carrière sera dite complète si l’assuré part à la retraite à taux plein et à acquis, chaque année, des points (cotisé par l’assuré ou au titre de la solidarité) sur la base d’un revenu équivalent à 600H SMIC, soit la référence aujourd’hui pour valider 4 trimestres par an.
Toute personne partant à la retraite au taux plein pourra toucher cette pension minimale, y compris les carrières heurtées qui ont connu une longue période d’inactivité où les temps partiels prolongés en dessous du SMIC. Ce minimum de pension sera par ailleurs revalorisé comme le SMIC, et non sur l’inflation comme aujourd’hui.
Ce minimum de retraite bénéficiera dans le futur système notamment aux exploitants agricoles (40 % d’entre eux verront leur pension sensiblement s’améliorer et leurs prélèvements légèrement diminuer), aux artisans et aux commerçants.
Enfin en transition et avant l’entrée en vigueur du système universel, le minimum de pension du régime général (MICO) sera revalorisé dès 2022 : une personne ayant fait toute sa carrière au SMIC percevra 1000 euros nets de retraite en 2022, puis 85 % du SMIC en 2025. Cette mesure s’applique aussi aux travailleurs indépendants et aux agriculteurs.
Si les inégalités entre femmes et hommes vont en diminuant compte tenu du taux d’activité croissant des femmes et de l’amélioration de leurs carrières, l’éducation des enfants a néanmoins des conséquences sur la carrière des femmes notamment parce qu’elles réduisent ou interrompent leur activité avec l’arrivée d’un enfant. L’Insee a ainsi estimé que les femmes subissaient une perte de salaire horaire de l’ordre de 5% par enfant alors qu’aucun écart n’est constaté pour les pères (Insee analyses n°48 – octobre 2019).
L’objectif de réduction des inégalités n’est pourtant pas atteint dans le système actuel :
- La majoration de pension pour les parents de trois enfants bénéficie principalement aux hommes qui reçoivent deux tiers des versements.
- 20% des majorations de durée d’assurance n’apportent aucune amélioration des pensions car les femmes ont acquis du fait de leur activité professionnelle une carrière complète. La proportion de ces majorations inutiles s’accroit au fil des générations avec l’élévation du taux d’emploi des femmes.
Dans le système universel, les droits familiaux doivent permettre de compenser, dès le 1er enfant, les effets de l’arrivée et de l’éducation d’un enfant et pouvoir bénéficier intégralement aux femmes dès lors qu’elles sont les premières à subir des préjudices de carrière.
Les majorations de durée d’assurance et la majoration pour les parents de 3 enfants et plus du système actuel seront remplacées dans le système universel par un dispositif applicable dès le 1er enfant. Chaque enfant donne lieu à l’attribution d’une majoration de 5 % des points acquis par les assurés au moment du départ en retraite. Pour les parents d’au moins 3 enfants, une majoration supplémentaire de 1% par parent sera ajoutée.
Avant les 4 ans de l’enfant, les parents pourront choisir celui à qui la majoration de 5% est attribuée ou décider d’un partage de la majoration entre eux. Si aucune option n’est effectuée par les parents, ces droits seront automatiquement attribués à la mère.
En reconnaissant les effets sur la carrière de l’arrivée dès le premier enfant, le système universel permettra ainsi de revaloriser les droits accordés aux foyers d’un ou deux enfants, peu avantagés dans le système actuel, tout en préservant la situation des familles nombreuses.
Le système à points doit également permettre de réduire les inégalités de retraite entre les femmes et les hommes. Il ouvre en effet aux femmes la possibilité de bénéficier de l’ensemble des droits familiaux du couple, notamment quand il a été fait le choix de favoriser la carrière professionnelle du conjoint. Dans un système à points, les droits familiaux produisent par ailleurs systématiquement des droits supplémentaires.
Dans le système universel, les parents qui interrompent ou réduisent leur activité par un passage à temps partiel lors de l’arrivée d’un enfant pourront, comme aujourd’hui, acquérir des droits à retraite s’ils bénéficient de certaines prestations familiales (prestation partagée d’éducation de l’enfant, complément familial, prestation de base de la PAJE, complément familial).
Ces droits s’élèveront à 60 % du SMIC grâce à une contribution de la caisse nationale d’assurance familiale.
Ils pourront être attribués pendant les 3 premières années de l’enfant pour les familles d’un ou deux enfants et jusqu’aux 6 ans de l’enfant à partir du 3ème enfant.
Des dérogations spécifiques à l’âge légal de 62 ans seront maintenues dans le système universel. Celui-ci doit en effet permettre d’harmoniser les droits entre régimes avec pour objectif que pour un même métier, les mêmes droits à retraite soient accordés.
Il doit ainsi garantir à ceux dont les conditions de travail ont pu entraîner des conséquences sur la santé soit parce qu’ils ont commencé à travailler très jeunes, soit parce qu’ils ont été exposés durablement à certains risques professionnels, qu’ils pourront partir à la retraite avant 62 ans.
Le dispositif de départ anticipé pour carrières longues sera pérennisé avec les mêmes critères qu’aujourd’hui :
- Il permettra aux assurés ayant commencé tôt leur activité (avant l’âge de 20 ans) et ayant effectué une carrière longue un départ en retraite dès 60 ans. Les critères pour le bénéfice de ce dispositif sont inchangés. Les règles de calcul de la durée pour les périodes postérieures à l’entrée en vigueur du système universel seront calées sur celles du minimum de retraite.
- Il permettra comme aujourd’hui à 25 % des assurés un départ anticipé dès 60 ans lorsqu’ils ont commencé à travailler avant 20 ans, quel que soit le statut professionnel (salarié, indépendants, fonctionnaires).
Le dispositif de carrières longues spécifiquement applicable aux travailleurs handicapés est amélioré :
- L’âge de départ en retraite anticipée sera fixé entre 55 et 59 ans en fonction de la durée d’activité accomplie en situation de handicap, sur la base d’un taux d’incapacité de 50 %.
- Les conditions d’accès au dispositif sont simplifiées, puisqu’il sera uniquement tenu compte de la seule durée cotisée en situation de handicap, et non plus d’une double condition de durée cotisée et de durée validée.
Enfin, afin de compenser les incidences du handicap sur l’activité des assurés concernés, des points supplémentaires sont attribués lors du départ en retraite, sous la forme d’une majoration proportionnelle aux points acquis en situation de handicap.
Les conditions de reconnaissance et de prise en compte de la pénibilité dans les départs à la retraite varient aujourd’hui fortement selon les régimes de retraites. La mise en place du système universel et l’objectif d’équité qui est poursuivi impliquent que l’ensemble des dispositifs visant à tenir compte de la pénibilité soient harmonisés : pour un même métier, qu’il soit exercé dans le secteur public ou dans le secteur privé, les mêmes droits doivent être accordés.
Les salariés du secteur privé bénéficient aujourd’hui d’un compte professionnel de prévention (C2P) qui permet de mesurer leur exposition à un risque professionnel pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Sont ainsi pris en compte le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste à une fréquence élevée, les activités en milieu hyperbare, le travail dans des températures extrêmes et le travail dans le bruit.
Dans le système universel, des droits supplémentaires pour toutes les personnes exerçant des métiers pénibles :
- Le compte professionnel de prévention (C2P) sera ouvert aux fonctionnaires et aux salariés des régimes spéciaux. Ce sont 200 000 personnes supplémentaires qui pourront bénéficier de points dans le C2P.
- Les seuils relatifs au travail de nuit seront abaissés. Ils seront fixés à 110 nuits par an au lieu de 120 nuits pour le travail de nuit et à 30 nuits par an au lieu de 50 pour le travail en équipes alternantes successives. Ces nouveaux seuils seront applicables à tous y compris les salariés du secteur privé qui pourront ainsi acquérir des droits supplémentaires.
- Davantage de points seront accordés pour tous ceux qui exercent longtemps des métiers pénibles avec la suppression de la limite à l’acquisition de points pour faire du temps partiel ou de la formation :
a) + 60 % des droits pour des salariés faisant toute leur carrière avec une exposition à un critère,
b) +320 % de droits pour les carrières complètes de salariés exposés à plusieurs critères. Ce sont 1,8 million de salariés et fonctionnaires qui pourront ainsi bénéficier de points sur leur compte.
Les concertations conduites par la ministre du travail et le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, qui se poursuivront au-delà de la date de dépôt de ce projet de loi, permettront également de mieux prendre en compte la pénibilité avec la mise en place de politiques renforcées de prévention à l’exposition aux risques professionnels ayant des conséquences sur la santé.
La retraite pour incapacité permanente, qui ne concerne aujourd’hui que les régimes des salariés du privé et les régimes agricoles (salariés et non-salariés), sera ouverte aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux.
Elle permettra aux assurés de partir à la retraite dès 60 ans sans décote selon certaines conditions. Elle concerna les personnes souffrant :
- D’une incapacité d’au moins 10 % avec 17 ans d’exposition, du fait d’une lésion liée à un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ;
- D’une incapacité d’au moins 20%.
Le système universel maintiendra certaines spécificités à l’image des fonctionnaires qui exercent des missions régaliennes de maintien de l’ordre et de la sécurité publique et de contrôle. Ces fonctionnaires bénéficient d’ores et déjà d’âges d’ouverture des droits inférieurs à 62 ans. Pour l’exercice de ces missions qui se caractérisent par leur dangerosité et par des contraintes importantes, l’État doit en effet disposer de fonctionnaires en pleine possession de leurs capacités physiques et par conséquent d’effectifs relativement jeunes.
Pour les fonctionnaires ayant des missions régaliennes, et sous réserve d’avoir effectivement occupé pendant au moins 27 années des fonctions dangereuses et/ou opérationnelles, les droits à un départ anticipé seront ouverts comme c’est le cas aujourd’hui :
- Les policiers, les personnels de l’administration pénitentiaire et les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne pourront ainsi partir à compter de 52 ans à la retraite.
- Les sapeurs-pompiers professionnels, les douaniers et les policiers municipaux pourront quant à eux partir à compter de 57 ans.
Un âge d’équilibre tenant compte des spécificités d’exercice de ces métiers sera fixé par le conseil d’administration de la caisse nationale de la retraite universelle
Les retraites des militaires ont aujourd’hui des règles très spécifiques qui ouvrent des droits à un départ précoce à la retraite, permettant ainsi un renouvellement permanent des effectifs. Ces retraites précoces garantissent également la reconversion professionnelle des militaires avec une absence de restrictions au cumul d’une activité professionnelle et d’une pension militaire. Le système universel propose de maintenir ces particularités.
- Pour les militaires du rang et les sous-officiers, le droit à un départ à la retraite continuera d’être ouvert à compter de 17 années de services. Il permettra une liquidation immédiate de la pension. Le mécanisme de décote actuel sera maintenu pour les départs intervenant avant d’avoir atteint 19,5 années de service.
- Pour les officiers, le droit à une retraite immédiate sera maintenu à 27 ans de services
- Pour tous les officiers dont la limite d’âge est inférieure à 57 ans, une décote sera appliquée pour tous les départs intervenant avant 29,5 années de services. Pour tous ceux dont la limite d’âge est comprise entre 57 et 62 ans, l’âge d’équilibre sera minoré de 8 ans.
- Pour les militaires dont la limite d’âge est supérieure à 62 ans, les règles de droit commun s’appliqueront en matière d’âge d’équilibre.
Pour les fonctionnaires exerçant des missions régaliennes ainsi que pour les militaires, une surcotisation patronale sera créée afin de permettre un départ anticipé dans des conditions satisfaisantes. Elle se substituera au mécanisme actuel de la bonification du cinquième qui permet l’acquisition d’une année de service toutes les cinq années passées en catégorie active ou comme militaire.
L’engagement des militaires les conduit à accomplir, au nom de la Nation, des missions particulières durant lesquelles leur vie peut être mise en danger. A ce titre, ils bénéficieront de l’attribution de points dans le cadre des opérations de guerre et opérations extérieures qu’ils sont appelés à effectuer ainsi qu’au titre de leurs services aériens et sous-marins.
Certains métiers peuvent être exercés avec différents statuts professionnels : salarié, fonctionnaire, salarié relevant d’un régime spécial. Bien que ces métiers soient identiques, ils ne donnent pas toujours les mêmes droits en termes d’âge d’ouverture des droits à une retraite. Le principe d’universalité induit la mise en extinction progressive des avantages spécifiques des régimes spéciaux dès lors que leurs conditions d’exercice ne justifient pas un traitement différent de celui réservé aux autres salariés.
Afin de garantir la situation des fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux après plusieurs années passées dans des emplois ouvrant droit à ces départs anticipés, des dispositions transitoires seront mises en place. Elles sont en cours de concertation dans chacun des régimes spéciaux ainsi que dans la fonction publique et seront fixées par voie d’ordonnance.
Ces dispositions transitoires devront cependant tenir compte des années d’ores et déjà acquises dans ces catégories d’emplois et devront permettre le maintien de droit à un départ anticipé proportionné.
La mise en place du système universel permet de créer un nouveau dispositif pour l’attribution des pensions de réversion qui met fin aux inégalités actuelles entre les régimes. Aujourd’hui, les dispositifs varient en effet fortement entre régimes avec des taux de réversion différents (50%, 54%, 60%), la présence dans certains d’entre eux de conditions de ressources, de conditions d’âge ou encore de conditions de non-remariage.
Le mécanisme unique créé dans le système universel s’appuie sur une logique différente de celle des systèmes actuels. Il garantit un niveau de vie constant pour la veuve ou le veuf en lui permettant de conserver 70 % des droits à retraite dont bénéficie le couple.
Aucune condition de ressources ne sera donc imposée. Le montant de la réversion sera calculé par la différence entre le montant que représentent 70 % des droits du couple et la retraite personnelle de la veuve ou du veuf. La personne devenue veuve conserve ainsi le même niveau de vie qu’avant le décès de son conjoint. La perte des ressources liée au décès et la perte des économies générées par la vie en couple sont ainsi compensées par la pension de réversion.
Le droit à une pension de réversion sera ouvert à compter de 55 ans et sera réservé, comme aujourd’hui, aux couples mariés, car ce droit est directement lié au principe de solidarité entre époux. Ils doivent être mariés depuis au moins deux ans pour pouvoir en bénéficier.
Une ordonnance permettra de garantir les droits des conjoints divorcés afin de prendre en compte l’incidence de la communauté de vie des époux sur leurs droits à retraite
Pour garantir la situation des couples d’ores et déjà à la retraite, les droits à réversion pour toute personne devenant veuve d’une personne partie à la retraite avec les règles du système actuel (donc jusqu’en 2037) seront inchangés. Les pensions de réversion de ces retraités seront calculées selon les règles applicables aujourd’hui, quel que soit le moment où interviendra le décès.
Encadré : illustration sur cas-types
Gérard, ancien salarié, perçoit une pension de 1700 € par mois, Monique une pension de 800 € par mois.
Dans le système actuel, Monique aurait dû demander deux pensions de réversion et perçu une pension de réversion de 475 € du régime général des salariés soit 54 % de la pension de 950€ de Gérard dans ce régime et une pension de réversion de l’Agirc-Arrco de 450 €, soit 60 % de la pension de Gérard dans ce régime. Les deux pensions de réversion auraient représenté 925€.
Dans le système universel, au décès de Gérard, Monique se verra garantir 70% de la somme des deux pensions qui assuraient le niveau de vie du couple, soit 70 % de 2500 € = 1750 €. Elle aura donc une pension de réversion de 950 € (garantie de 1750 € moins sa pension propre de 800 €).
Samuel, ancien salarié, perçoit une pension de 2400 € par mois, Myriam une pension de 1200 € par mois.
Dans le système actuel, Myriam aurait dû demander deux pensions de réversion et n’aurait pas perçu de pension du régime général des salariés soit 54 % de la pension de Samuel dans ce régime car ses revenus sont au-dessus du plafond de ressources qui permet d’en bénéficier. Elle bénéficie en revanche d’une pension de réversion de l’Agirc-Arrco de 720 €, soit 60 % de la pension de Gérard dans ce régime.
Dans le système universel, au décès de Samuel, Myriam se verra garantir 70% de la somme des deux pensions qui assuraient le niveau de vie du couple, soit 70 % de 3600 € = 2520 €. Elle aura donc une pension de réversion de 1320 € (garantie de 2520 € moins sa pension propre de 1200 €).
Le système universel devrait conduire à réduire les écarts de pensions entre les femmes et les hommes avec l’amélioration des droits des femmes au travers de plusieurs mécanismes :
- Le versement d’une majoration de pension dès le 1er enfant : ce sont ainsi 8 millions de femmes qui bénéficieront d’une majoration de pension alors que seules 3 millions en bénéficient aujourd’hui avec la majoration pour les parents de trois enfants ;
- La possibilité de verser la totalité des droits familiaux aux femmes qui subissent dans la quasi majorité des cas le plus les conséquences en termes de carrière et de rémunération de l’éducation des enfants ;
- La revalorisation du minimum de pension porté à 85 % du SMIC net : cette mesure permet de mieux prendre en compte toutes les périodes travaillées et qui ne donnent pas forcément lieu à l’attribution d’un trimestre dans le système actuel. Le passage à un système en points est plus favorable aux carrières heurtées ou durablement à temps partiel, comme c’est souvent le cas pour les femmes. Il conduit ainsi à une amélioration des plus petites pensions. 70 % des bénéficiaires du minimum contributif étant aujourd’hui des femmes : la revalorisation du minimum leur bénéficiera au premier chef ;
- Enfin, le passage d’un système, où l’annulation de la décote est liée à la durée d’assurance, à un système reposant sur un âge d’équilibre collectif, permet aux femmes dont les carrières sont incomplètes, de prendre leur retraite plus tôt. En effet, elles ne seront plus contraintes d’attendre leur 67ème anniversaire pour partir à la retraite alors que 20 % d’entre elles sont aujourd’hui obligées de reporter leur départ à la retraite jusqu’à cet âge afin de ne pas subir de décote sur leur retraite.
Alors que l’écart de pension est aujourd’hui en moyenne de 42 % entre les femmes et les hommes, soit un niveau supérieur aux écarts de salaire qui sont de 20 %, le système universel de retraite permettra de rééquilibrer les retraites des femmes et réduira cet écart (cf. partie 3).
Le système universel permettra de simplifier considérablement la traçabilité des flux et les sources de financement du système de retraite :
- Les cotisations sociales, acquittées par les salariés, employeurs et l’État, financeront les points acquis par les assurés ainsi que les droits de réversion ;
- Des recettes fiscales et ressources d’autres branches financeront la solidarité du système de retraite.
La simplification de ces flux permettra aussi de faciliter la gouvernance du système de retraite : en distinguant les dimensions imputables aux cotisations sociales (acquittées par les salariés et les employeurs) des recettes fiscales (acquittés par l’ensemble des Français), les rôles des partenaires sociaux et du Parlement sont mieux identifiés.
1.1. Une clarification des droits acquis au titre des cotisations versées par les travailleurs et les employeurs.
Dans le système universel, l’ensemble des cotisations seront versées dans une caisse unique de retraite et les droits pourront être suivis par les assurés au sein de leur compte unique de retraite. Le calcul des droits acquis sera plus lisible, en raison de la mécanique du calcul en points, plutôt qu’en annuités.
La mise en place du système universel permettra aussi d’identifier les dispositifs de réduction de taux de cotisations retraite applicables à certaines populations et leurs employeurs.
Elles concernent principalement les catégories d’assurés suivants :
- les artistes du spectacle, qui bénéficient d’une réduction de taux de 30 % des cotisations ;
- les journalistes qui bénéficient d’une réduction de taux de 20 % des cotisations.
Si le maintien transitoire de ces avantages s’explique par des objectifs de soutien à ces secteurs économiques et dépasse ainsi largement la question de la retraite, le système universel va permettre d’identifier ces avantages dans le budget de l’État, alors qu’ils sont aujourd’hui souvent diffus au sein du système de retraite. Les artistes auteurs, qui sont affiliés en base au régime général mais ne sont redevables que de la part salariale, en l’absence d’employeur au titre de leurs activités bénéficieront d’une prise en charge de points qui se fera donc à hauteur de l’équivalent de la part patronale, dans la limite d’une fois le plafond de la sécurité sociale
Ce principe d’identification dans le budget de l’État s’appliquera par ailleurs aux employeurs publics dont les cotisations patronales recouvrent aujourd’hui à la fois le financement des droits contributifs, les droits spécifiques des fonctionnaires (catégories actives par exemple) mais également les dispositifs de solidarité et les déficits démographiques.
1.2. Une clarification des droits acquis au titre des droits au titre de la solidarité nationale
La clarification financière apportée par le système universel devra permettre d’identifier, au sein des dépenses de la branche retraite de la sécurité sociale, la part des dépenses de solidarité en matière de retraite ainsi que les recettes qui y seront affectées.
Cette clarification sera permise par la création d’un Fonds de solidarité vieillesse universel (FSVu), s’appliquant à l’ensemble des assurés. Le FSVu prendra ainsi en charge :
- L’attribution de points au titre des périodes d’interruptions d’activité subies (chômage, maladie, invalidité, etc.),
- Les minima de pension,
- Les dispositifs de départs anticipés de droit commun (carrières longues, compte professionnel de prévention, etc.),
- Les droits familiaux par l’intermédiaire d’un transfert de la branche famille.
Contrairement à ces dépenses qui bénéficient à tous les assurés, le financement des dispositifs spécifiques de départs anticipés en particulier dans la fonction publique ne sera pas mutualisé. Le FSVu ne financera donc pas ces départs spécifiques, même transitoires.
Compte tenu de la dimension universelle des dépenses de solidarité financées par le FSVu, il apparaît pertinent de mettre en cohérence la nature solidaire de ces dépenses et la nature des recettes qui lui seront affectées. En conséquence, le FSVu sera exclusivement financé par des recettes fiscales ainsi que des transferts provenant d’autres branches ou organismes finançant spécifiquement certains dispositifs.
2.1. Un effort contributif harmonisé
Dans le système universel, les salariés du privé, des régimes spéciaux et les fonctionnaires auront à terme (10 à 20 ans après l’entrée en vigueur du système universel) des cotisations identiques, afin de garantir que chacun ait une pension équivalente à revenu équivalent.
- Ils cotiseront tous sur l’intégralité de leur salaire, c’est-à-dire aussi sur leurs primes pour les fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux concernés.
- Ils cotiseront tous avec le même taux : 28,12 % jusqu’à 3 plafond de la sécurité sociale, puis 2,81 % au-delà.
- Ils participeront tous à la solidarité nationale : une part de la cotisation vieillesse s’appliquera à l’intégralité des revenus, y compris au-delà de 3 PASS à un taux de 2,81 %. Cette part de cotisation ne donnera pas lieu à l’acquisition de point mais participera au financement mutualisé des dépenses du système de retraite.
Ils cotiseront tous avec la même répartition entre cotisations patronales (60 %) et salariales (40 %), sur le modèle de ce qui est en vigueur dans le secteur privé actuellement.
Tableau 5 - Taux de cotisation de l’ensemble des salariés et des fonctionnaires dans le système universel (hors transition)
|
Tranche de rémunérations |
Part salariale |
Part patronale |
Total |
|
Entre 0 et 3 PASS |
11,25 % |
16,87 % |
28,12 % |
|
Au-delà de 3 PASS |
1,12 % |
1,69 % |
2,81 % |
Rappel : en 2020, 1 PASS annuel représente environ 41 136 € bruts.
Pour éviter une hausse de leurs charges qui fragiliserait leur équilibre économique, des aménagements sont prévus pour les indépendants et les professions libérales :
- Leur taux de cotisation sera identique aux salariés jusqu’à un plafond de la sécurité sociale, puis de 12,94 % entre 1 et 3 plafond, et non 28,12 % comme les autres.
- L’assiette de l’ensemble des cotisations sociales sera modifiée dès 2022, pour mieux assurer l’équité avec les salariés. A prélèvement social inchangé, cela se traduira par une baisse du montant de CSG à payer et une hausse des cotisations retraites – et donc davantage de points retraite et de droits à pension.
Ils participeront toutefois au financement mutualisé des dépenses du système de retraite de la même manière que les autres populations, avec le même taux de 2,81 %.
Tableau 6 - Taux de cotisation applications à l’ensemble des indépendants dans le système universel (hors transition)
|
Tranche de rémunérations |
Composante plafonnée du taux de cotisation |
Composante déplafonnée du taux de cotisation |
Total |
|
Entre 0 et 1 PASS |
25,31% |
2,81% |
28,12% |
|
Entre 1 et 3 PASS |
10,13% |
2,81% |
12,94% |
|
Au-delà de 3 PASS |
/ |
2,81% |
2,81% |
2.2. Une solidarité interprofessionnelle généralisée
Le système actuel, construit autour de 42 régimes organisés par professions, répond à des logiques professionnelles. Chaque régime vise son propre équilibre et des objectifs internes à la profession. Par conséquent, ces régimes sont :
- Davantage dépendants des transformations économiques, une mutation de la profession pouvant fragiliser l’ensemble du système. En particulier, les évolutions démographiques au sein des professions peuvent rapidement bouleverser les équilibres.
- Orientés vers un objectif d’intérêt professionnel, et non pas d’intérêt général.
Ce sont ces fragilités qui ont notamment conduit à la création de mécanismes de compensations entre les régimes, afin d’instaurer une forme de solidarité nationale entre ces régimes. L’objectif principal est de s’assurer que les régimes les plus dynamiques viennent financer les régimes en déclin pour compenser les paramètres qu’ils ne maitrisent pas, à savoir les écarts démographiques et les écarts de capacités contributives, comme le prévoit l’article L. 134-1 du code de la sécurité sociale. Cette solidarité reste toutefois partielle et extrêmement complexe à mettre en place, car cela suppose d’isoler les effets des paramètres non choisis (démographie et revenus) des paramètres choisis par les régimes (condition et âge de liquidation, taux de cotisation, etc.)
Le système universel viendra simplifier et renforcer cette solidarité interprofessionnelle : tous les régimes auront des règles identiques et cotiseront au sein d’une même entité. La mécanique complexe des compensations par régime disparaîtra ainsi par construction et plus aucune profession n’aura à craindre pour la pérennité de son propre régime de retraite en cas d’évolution économique et démographique défavorable.
Cette solidarité interprofessionnelle n’empêchera pas la pérennité d’actions sociales destinées exclusivement aux membres d’une profession. En particulier, les réserves accumulées par les régimes, dès lors qu’elles ne sont pas nécessaires pour faire face aux engagements déjà pris, pourront être mobilisés par la profession pour financer des actions supplémentaires.
Le système universel, par son fonctionnement intégré et ses caractéristiques devra permettre de garantir la solidité du système sans imposer des réformes structurelles fréquentes.
1.1. Le système sera davantage résilient aux fluctuations de la croissance économique.
Dans le système actuel, la coexistence de plusieurs régimes, organisés par des logiques professionnelles, implique des fragilités en cas d’évolution de la dynamique économique et démographique au sein d’un régime. Ainsi, un bouleversement économique d’une activité peut menacer la pérennité d’un régime. Le régime universel, qui rend l’ensemble des professions solidaires par construction, ne sera pas soumis à ces aléas et sera ainsi plus robuste.
D’un point de vue plus macroéconomique, les évolutions de l’équilibre du système de retraite seront, dans le système universel, plus prévisibles que dans le système actuel et pourront ainsi être mieux anticipées. Le système universel, en indexant par défaut la valeur du point sur l’évolution des salaires, permettra de réaligner les dynamiques de recettes et de dépenses sur le même facteur sous-jacent (la croissance économique) et donc de mieux anticiper les évolutions de l’équilibre financier.
1.2. Les recettes et les dépenses du nouveau système seront équivalentes à celles d’aujourd’hui
Comme aujourd’hui, le financement de notre système de retraite reposera en majorité sur les cotisations sociales (environ 75 %) et sur l’impôt (environ 25 %), cette seconde dimension venant financer les dispositifs de solidarité du système de retraite.
Le taux de cotisations sociales du système universel (28,12 %) sera équivalent à celui applicable d’aujourd’hui jusqu’à 3 plafonds de la sécurité sociale pour un salarié dont la rémunération est supérieure au plafond de la sécurité sociale. Elle concernera 96 % des revenus salariaux.
Le financement de la solidarité par l’État, voté chaque année par le Parlement via l’attribution de recettes fiscales, restera de même globalement stable.
De manière équivalente, les dépenses du nouveau système de retraites ont été calibrées pour rester équivalentes, pour leur montant global, aux dépenses du système actuel.
1.3. Des leviers pour assurer la pérennité du système
Par construction, l’unification des 42 régimes de retraites, en appliquant des règles communes à chacun des salariés, permet d’adapter plus simplement les recettes et les dépenses aux évolutions de l’économie et de la démographie. La gouvernance disposera donc des différents leviers pour assurer l’équilibre du système :
- La durée travaillée. La mise en place d’un âge d’équilibre constituant une référence collective facilite l’adéquation de la durée travaillée avec l’espérance de vie passée à la retraite. En l’absence de décision des partenaires sociaux, la prise en compte de l’évolution de l’espérance de vie se traduira par un avancement moyen de l’âge de référence de façon à ce que les gains d’espérance de vie soient partagés à 2/3 en durée de vie active et à 1/3 en durée de vie en retraite.
- Les taux de cotisations. L’application d’une assiette et d’un taux de cotisations communs à l’ensemble des actifs facilite les ajustements en matière de recettes et permettra de faire évoluer, à la hausse ou à la baisse, le coût du travail de manière équivalente à l’ensemble des professions, sans introduire de distorsions.
- Les droits accumulés. Les partenaires sociaux, s’ils ne pourront pas faire évoluer à la baisse la valeur du point, pourront toutefois, s’ils le souhaitent, revoir les règles d’indexation par défaut sur les salaires (pour le point) selon les marges et besoins financiers.
- Les pensions liquidées. Les partenaires sociaux, s’ils ne pourront pas faire évoluer à la baisse le niveau des pensions, pourront toutefois, s’ils le souhaitent, revoir la règle d’indexation par défaut sur l’inflation, selon les marges et besoins financiers.
1.4. La mise en place d’un fonds de réserves universel de retraite pour faire face aux aléas économiques et démographiques
Afin de ne pas ajuster de manière brutale et régulière les paramètres du système universel et d’anticiper d’éventuelles baisses de recettes en cas de choc démographique, un Fond de réserve universel sera créé. Il pourra:
- Etre mobilisé afin que les produits financiers qu’il dégage soient utilisés pour lisser les chocs démographiques ;
- Constituer des réserves pour absorber un choc démographique ;
- Participer au financement de l’économie française et aux investissements responsables, les réserves accumulées et destinées à être décaissées à long terme pouvant être placées.
Ce Fond sera initialement doté des ressources existantes, en particulier dans le Fond de réserve des retraites, qui dispose aujourd’hui d’environ 35 milliards d’euros d’actifs. Il n’a néanmoins pas vocation à absorber les réserves des régimes existants, celles-ci étant destinées à être utilisées pour la profession qui les a accumulées au bénéfice de leurs assurés. Une voie d’utilisation de ces réserves sera d’accompagner la transition pour les générations concernées par la mise en place du système universel par exemple en:
- finançant des droits supplémentaires dans le système universel à leurs affiliés, anciens affiliées, ayant droit ou retraités. Ces droits pourront notamment être versés au moment de leur conversion et de la reprise des engagements passés par le système universel ;
- prenant en charge une partie des cotisations afin de soutenir l’acquisition de points pour les cotisants et de faciliter la convergence des anciens régimes vers le système universel. Cela se traduirait concrètement par la possibilité d’une prise en charge, par ces réserves, d’une partie des cotisations de retraite via un taux d’appel inférieur à 1 ;
- abondant des étages de retraite supplémentaire, en dehors du système universel ;
- finançant subsidiairement la création, le développement ou la gestion d’œuvres sociales à destination des populations concernées.
Le système universel de retraite ne devra pas conduire à l’accumulation de déficits qui aboutissent à reporter sans cesse le fardeau sur les générations futures. C’est un enjeu majeur de cohésion sociale et intergénérationnelle. En conséquence, une règle d’or d’équilibre sera instaurée dans la loi pour garantir la pérennité de la trajectoire financière du système de retraite à long terme.
Cette règle d’or précisera que l’équilibre financier ne devra pas être vérifié chaque année, le système de retraite devant continuer de jouer un rôle de stabilisateur automatique en cas de choc conjoncturel. Toutefois, la trajectoire financière devra être respectée sur un cycle économique de moyen terme. La règle d’or prévoira donc de garantir un solde cumulé positif ou nul par période de 5 années.
- En cas d’écart à la trajectoire financière pluriannuelle, elle sera tenue de prendre les mesures permettant de garantir le respect de cette règle d’or sur la période de 5 ans prévue, ou à défaut, sur une période glissante de 5 ans. Dans ce dernier cas, le déficit restant à la fin de la période quinquennale sera repris pour apurement par la trajectoire pluriannuelle suivante.
- En cas de surplus, la gouvernance aura la faculté de reporter l’excédent pour les années suivantes.
Enfin, les règles d’utilisation des réserves financières accumulées par le fond de réserves universel des retraites seront précisées, afin de s’assurer de la bonne gestion de ces actifs.
Le nouveau système universel regroupera les 42 régimes de retraite existants dont les gouvernances présentent aujourd’hui une grande diversité.
Une caisse nationale de retraite universelle, établissement public à caractère administratif, sera créée.
Son conseil d’administration sera constitué de manière paritaire de représentants des employeurs et des salariées des secteurs privé et public ainsi que de représentants des travailleurs indépendants. Il assurera la mission de pilotage du système universel et notamment de définition des paramètres du système pour en assurer l’équilibre financier.
La caisse nationale assurera les missions de tête d’un réseau territorialisé unifié. A titre de préfiguration, elle aura pour mission d’élaborer et de piloter le schéma de transformation du système de retraite. Elle sera créée avant la fin de l’année 2020. Ce schéma définira les opérations de réorganisations opérationnelles et de transfert de personnel des organismes participant à la gestion du système universel.
Cette nouvelle organisation permettra de renforcer le maillage territorial de l’accueil retraite pour préserver la proximité avec les assurés en particulier les plus fragiles pour lesquels une action sociale retraite sera proposée pour les accompagner notamment dans le cadre de la politique du bien vieillir et de la préservation de l’autonomie.
La caisse nationale exercera également une mission de veille vis-à-vis des régimes concernant les décisions qu’ils prendront en matière de gestion et de pilotage qui pourraient fragiliser la mise en place du système universel et une mission de suivi de la bonne réalisation du schéma de transformation.
Un comité de surveillance, institué auprès du ministre chargé de la sécurité sociale, sera chargé du suivi de la préparation et de la mise en œuvre du schéma de transformation sur lequel il sera amené à rendre son avis.
Le système de retraite universel permettra également de mieux appréhender des réalités croissantes ou émergentes du monde du travail. Les difficultés de nombreux jeunes à entrer sur le marché du travail et à accéder à un emploi stable justifient de mieux prendre en compte certaines formes d’emploi.
Ainsi, afin de valoriser le début de carrière des jeunes actifs et d’assurer la solidarité du système universel de retraite envers les jeunes générations, le système universel prévoit une garantie minimale de points au titre de certaines périodes marquant l’entrée dans la vie active, et notamment les périodes d’apprentissage et de service civique.
Ils bénéficieront par ailleurs d’un système de rachat de point à tarif réduit au titre des années d’études supérieures et pourront également racheter des points de retraite au titre des périodes de stages ayant donné lieu à gratification.
La mise en place du système universel de retraite permettra une simplification des procédures de gestion des retraites que ce soit en termes d’acquisition de droits, de liquidation des droits au moment de la retraite ou de paiement des pensions des retraités.
En outre, la conclusion d’une convention d’objectifs et de gestion entre la caisse nationale de retraite universel et l’État permettra d’assigner au système universel des engagements de service ambitieux en matière d’information, de conseil, de gestion de la carrière et de liquidation des pensions.
Le nouveau système sera plus lisible et transparent pour les assurés qui bénéficieront d’un compte personnel de carrière.
Ils pourront savoir à tout moment le nombre de points dont ils disposent en consultant leur compte unique de retraite qui leur permettra donc de savoir où ils en sont du montant de leurs droits à retraite future dans le système universel.
Ils n’auront plus comme aujourd’hui à additionner des retraites venant de plusieurs régimes de sécurité sociale et calculées selon des règles différentes et souvent très complexes.
Ils pourront donc déterminer en connaissance de cause à quel moment et avec quel revenu ils souhaitent partir en retraite, alors qu’aujourd’hui, bien souvent, ils ne connaissent le montant de leur retraite qu’au moment de leur départ en retraite.
Afin de préserver les projets de vie des personnes ayant plus de 50 ans, le nouveau système s’appliquera à compter de la génération 1975 et pour ceux bénéficiant d’âge de départ anticipés avant 62 ans, à tous ceux qui atteindront leur âge d’ouverture des droits à compter de l’année 2037. La première génération concernée sera par exemple la génération née en1980 pour ceux dont l’âge de départ minimal est 57 ans et 1985 pour ceux dont l’âge minimal est 52 ans.
30% de la population active (INSEE, enquête emploi, 26 mars 2019) ne seront par conséquent pas concernés par le nouveau système universel et resteront soumis aux règles des régimes actuels.
La génération 1975 entrera dans le système universel à partir de 2025. Cela signifie qu’à partir du 1er janvier 2025, elle cotisera dans le nouveau système. Les droits qu’elle aura acquis jusqu’en 2025 seront garantis à 100 % selon les anciennes règles.
Le système universel entrera cependant en vigueur dès 2022 pour les jeunes ayant 18 ans (nés à partir de 2004) afin qu’ils bénéficient des règles du nouveau système dès leur entrée sur le marché du travail dans le nouveau système.
La mise en œuvre se fera opérationnellement par jalon conformément aux échéances définies d’entrée des populations dans le système universel des retraites.
En 2022, les jeunes ayant 18 ans ou moins (nés à partir de 2004) qui exerceront une activité professionnelle, souvent la première, entreront dans le système universel. Leur employeur, à travers la déclaration sociale nominative, renseignera les informations nécessaires en termes de cotisation et d’activité professionnelle pour constituer et conserver leurs droits à retraite par la caisse nationale de retraite universelle et son réseau dans le cadre du système universel. Cette année-là, sera également la date de mise en œuvre de la réforme de l’assiette sociale chez les travailleurs indépendants. Chacun pourra accéder à son compte de retraite pour connaître ses droits à retraite constitués.
En 2025, l’ensemble des assurés nés à partir de 1975 entreront dans le système universel. A partir du 1er janvier 2025, ces assurés cotiseront dans le nouveau système ; ce qui génèrera des droits à retraite gérés par la caisse nationale de retraite universelle et son réseau.
Chacun pourra accéder à son compte de retraite pour connaître ses droits à retraite constitués.
A titre de préfiguration du système universel, la caisse nationale de retraite universelle, aura pour responsabilité dès le mois de décembre 2020, de mener à bien les opérations définies dans le cadre du schéma de transformation. Elle pilotera donc les différents chantiers constitutifs du système universel : la fiabilisation des données de carrières, les projets informatiques à mener et l’adaptation des procédures métiers.
Pour les générations concernées par la réforme, la part de la pension relative à la carrière effectuée avant 2025 sera calculée avec les règles actuelles (salaire de référence, proratisation, périodes assimilées, droits familiaux, etc.) : les règles du système universel ne seront pas rétroactives.
Cela implique que, pour les générations concernées, l’ensemble de la carrière passée dans le système actuel sera calculé avec les règles actuelles, et la carrière passée après l’entrée en vigueur sera calculée avec les règles du système universel. A la liquidation, en pratique, la pension résultera de deux calculs :
- L’un correspondant à sa carrière passée avant le 1er janvier 2025, qui conservera 100% des droits acquis, puisque calculée avec les règles du système actuel.
- L’autre correspondant à sa carrière passée après le 1er janvier 2025, qui utilisera les règles du système universel.
Concernant les droits familiaux, qui ne sont appliqués qu’à la liquidation de la pension, les droits acquis avant le 1er janvier 2025 seront aussi garantis : les enfants qui sont nés avant l’entrée en vigueur du nouveau système, les majorations de durée d’assurance ainsi que la majoration pour les parents ayant 3 enfants ou plus à cette date continueront de s’appliquer et seront prises en compte au titre de la garantie à 100 % des droits acquis. Ces enfants donneront droit, pour la seconde partie de carrière réalisée dans le système universel, à l’attribution de la majoration de 5 % et au supplément de 2 % pour les familles nombreuses.
Seuls les assurés ayant commencé à travailler après l’entrée en vigueur du système universel, soit 2022, auront 100 % de leurs droits calculés selon les règles du système universel.
La mise en place de ces règles de cotisations communes devra se faire de manière progressive, afin de ne pas fragiliser les équilibres économiques en place.
Les concertations se poursuivront sur les modalités de convergence vers les taux cibles qui seront déterminées par ordonnances.
Les principes fondamentaux du système actuel de retraite sont fixés par la loi principalement dans le code de la sécurité sociale pour ses différentes dimensions :
- Son organisation générale et sa structuration par régimes, basée sur un principe de répartition par secteurs d’activités professionnels de l’affiliation des assurés ;
- Sa gouvernance et ses mécanismes de pilotage financier ;
- Ses règles comptables ;
- Ses règles en matière de financement principalement basées sur les cotisations sociales et sur la solidarité nationale ;
- Et également ses dispositions en matière d’assurance invalidité ou veuvage.
L’instauration du nouveau système universel constitue une refondation du cadre juridique afférent à la retraite en France et amène donc logiquement à l’élaboration de nouvelles règles d’ordre législatif.
Elles ont été construites pour permettre de fixer les principes du système universel de retraite dont le caractère universel et le financement par répartition sont les axes fondateurs. Le projet de loi permet ainsi de définir son champ d’application à l’ensemble de la population, de fixer des paramètres communs à tous dans le calcul des retraites quelques soient les parcours professionnels de chacun.
L’équité et la liberté dans le choix du départ à la retraite nécessite également de fixer au niveau de la loi les règles applicables pour une société plus juste dans cette étape importante de la vie que constitue la retraite qui concerne aujourd’hui 17 millions de personnes. La loi définit ainsi les transitions facilitées entre l’activité professionnelle et la retraite tout en prenant en compte des situations spécifiques telles que le handicap, l’invalidité ou encore certaines situations d’expositions à des facteurs de risques ou d’exercice de fonctions régaliennes qui justifient d’introduire légalement des dispositions adaptées permettant un départ en retraite avancé en âge.
Le projet de loi est également porteur des principes légaux d’une solidarité renforcée avec une garantie d’une retraite minimale pour les carrières complètes fortement attendue de nos concitoyens, la prise en compte des interruptions dans les carrières professionnelles de plus en plus fréquentes dans notre société et la volonté de renforcer les droits familiaux dans un cadre modernisé.
Le projet de loi propose une réorganisation complète et inédite des acteurs de la retraite avec une caisse nationale du régime universel qui sera en charge du schéma de transformation et de l’animation des caisses existantes dans la perspective de la constitution progressive d’un réseau unifié d’opérateurs sous la responsabilité de cette caisse.
Le projet de loi donne un rôle de niveau législatif au conseil d’administration de la caisse nationale, composé des partenaires sociaux, dans le pilotage financier du régime en le missionnant pour définir les paramètres du régime que l’État approuvera s’ils respectent les trajectoires financières fixées ; l’État conservant la possibilité d’intervenir en cas de nécessité.
Dans sa partie finale, le projet de loi garantit au niveau législatif la conservation à 100% des droits constitués avant l’entrée en vigueur du système universel. Il donne également la base légale nécessaire pour l’intégration des régimes complémentaires.
L’ampleur de cette réforme, inédite dans notre pays, par le nombre de personnes concernées et le nombre d’organismes impliqués, la mise à plat complète, dans une démarche d’équité, de simplification et de lisibilité de l’ensemble des règles de droit éparses accumulées depuis plus de 70 ans dans notre pays sur 42 régimes de retraite ainsi que la nécessité d’une transition acceptée de tous nécessitent un travail fin et concerté avec les différentes parties prenantes. Ceci amène à proposer des ordonnances de précision sur certains champs du projet de loi.
PARTIE 3 - Impacts de la création du système universel de retraite
Dans le nouveau système de retraite, l’effort contributif sera équitablement partagé entre les assurés sur la base d’assiettes et taux de cotisations uniformisés en préservant les recettes du système sans alourdir le coût du travail.
Une convergence sera progressivement opérée pour les salariés, des secteurs privé et public, concernés par la réforme avec le même taux global (28,12 %) et la même participation de leurs employeurs respectifs de 60%. Les travailleurs non-salariés ne bénéficiant pas, par définition, de contributions des employeurs, leur barème sera aménagé, afin de garantir l’équité avec les salariés en préservant l’équilibre économique de leur activité.
La diversité croissante des parcours professionnels ne doit pas créer de différences dans les droits à retraite. C’est le fondement du principe selon lequel un euro cotisé ouvre les mêmes droits à retraite. Des droits identiques, à carrières identiques, en résulteront, ce qui conduira en pratique à la fin des régimes spéciaux de retraite, y compris ceux des parlementaires. L’équité est enfin nécessaire pour l’accès aux dispositifs de solidarité : ceux-ci seront financés par l’impôt et une partie dédiée des cotisations, et seront les mêmes pour tous.
Le système actuel est composé de 42 régimes de retraites obligatoires, de base ou complémentaires, organisés par profession et par statut. Ceux-ci, en répartition, sont généralisés aux salariés et aux indépendants, tandis que les régimes par capitalisation occupent une place marginale dans le système : l’ensemble des dispositifs de retraite supplémentaire représente 4,9 % de l’ensemble des cotisations acquittées en 2017 et 2,1 % de l’ensemble des prestations de retraite versées.
Les règles de calcul des droits (comptabilisation en points ou en annuités…) et les dispositifs de solidarité diffèrent sensiblement entre les régimes de retraite. Les règles du système universel de retraite se substitueront progressivement à celles applicables aux régimes actuels.
La comptabilisation en points favorisera l’égalité de traitement de tous puisque chaque euro cotisé conduira à l’acquisition du même nombre de points pour tous les assurés, quels que soient leur activité professionnelle, leur statut ou la forme de leur exercice.
Aujourd’hui, les actifs sont susceptibles de changer plusieurs fois de statut au cours de leur parcours professionnel (secteur privé, public, salarié, indépendant…). Ainsi, actuellement, chaque assuré est affilié en moyenne à trois régimes (de base ou complémentaire) et un tiers des assurés sont affiliés à quatre régimes ou plus (cf. supra).
Corollaire de la tertiarisation de l’économie, le travail indépendant a connu un renouveau essentiellement dans le secteur des services si bien qu’on dénombre actuellement environ 3 millions de travailleurs indépendants, soit 12 % des actifs occupés. Or, les personnes qui exercent ou ont exercé une activité indépendante sont particulièrement concernées par le phénomène de poly-affiliation : parmi les retraités de la sécurité sociale des indépendants (SSI), on dénombre 90 % de « polypensionnés ».
De plus, de nombreux actifs cumulent aujourd’hui plusieurs statuts, en situation de pluriactivité. Marqueur du changement de la figure de l’indépendant depuis trente ans, un quart des non-salariés travaille désormais aussi en tant que salarié selon une étude récente de l’Insee. La pluriactivité, avec concomitance des deux statuts, n’est pas un phénomène nouveau : elle est ancienne dans le monde agricole et pour certaines professions, telles que les médecins libéraux. Plus récemment, le fort développement de la microentreprise contribue à ce phénomène.
Or l’affiliation d’un assuré à plusieurs régimes de retraite peut entraîner des différences de traitement avec un assuré qui ne relève que d’un seul régime de retraite. La liquidation unique des régimes alignés (Lura), entrée en vigueur en 2016, a certes renforcé la coordination entre les régimes alignés (salariés, y compris agricoles et travailleurs indépendants relevant du régime général), dont les modalités de calcul des pensions étaient déjà unifiées. Ce mécanisme ne concerne toutefois que la retraite de base et ne s’applique pas aux assurés relevant d’autres régimes (salarié du privé / fonctionnaire, salarié du privé / professionnel libéral, etc.).
En outre, selon le régime, la durée d’assurance peut s’apprécier soit à partir du montant de la rémunération perçue pendant l’année (dans les régimes du secteur privé), soit sur la base d’une assiette forfaitaire de cotisations (notamment pour certains travailleurs indépendants ou exploitants agricoles), ou encore selon un décompte calendaire (dans la fonction publique et la plupart des autres régimes spéciaux).
De même, à revenu identique, un changement de statut peut avoir des effets sur le montant des droits à retraite. Par exemple, un assuré qui commence sa carrière dans le privé puis la termine dans le public aura une pension supérieure à l’assuré qui aurait connu la trajectoire de carrière inverse, en raison des modes de calcul qui diffèrent selon les régimes (cf. illustration ci-après).
Graphique 35 - Exemple de différentiel de pension pour une carrière quasi-identique de deux salariés ayant exercé successivement dans le secteur privé et la fonction publique
La mise en place d’un système unique de retraite permettra enfin un meilleur accès des assurés à leurs droits. Une récente étude de la Drees[44] a ainsi montré que le non-recours à une partie des droits retraite était fréquent : à l’âge de 70 ans, seuls 68 % des assurés nés en 1942 ont fait valoir l’ensemble de leurs droits à retraite. 24 % des assurés bénéficient seulement d’une partie des pensions auxquelles ils ont droit. Si les droits non liquidés correspondent le plus souvent à des régimes que ces retraités ont quittés depuis de nombreuses années et dans lesquels ils ont acquis peu de trimestres ou peu de points retraite, cela représente pour ces assurés un manque à gagner moyen de 40 € bruts mensuels.
Les régimes de base fonctionnent aujourd’hui par annuités, à l’exception des régimes des professions libérales. Le calcul de la pension est fonction de la durée d’assurance et d’un salaire de référence calculé sur les 25 meilleures années pour les salariés du secteur privé et les 6 derniers mois pour les fonctionnaires et certains régimes spéciaux. Ce mécanisme favorise les assurés aux carrières longues et/ou ascendantes, alors qu’il n’avantage pas les assurés dont les carrières sont peu ascendantes ou heurtées, parmi lesquels les femmes et les travailleurs à bas salaires sont surreprésentés.
Par ailleurs, comme le montre par exemple l’Institut des politiques publiques , la revalorisation des salaires portés au compte sur l’inflation, effective depuis 1987 pour le régime général, conduit à déprécier de manière très significative la valeur des droits à la retraite, car la croissance des salaires est supérieure sur longue période à celle des prix : le salaire moyen a été multiplié par 1,7 entre 1993 et 2018, tandis que l’indice des prix à la consommation était multiplié dans le même temps par 1,4 (cf. graphique ci-après).
Graphique 36 - Comparaison de la croissance des prix et des salaires au cours des 25 dernières années
Note : l’inflation est ici mesurée à partir de l'indice des prix hors tabac.
Source : Insee
Pour un assuré au SMIC toute sa vie, et parti à la retraite au 1er janvier 2018, les meilleures années prises en compte dans le calcul du salaire de référence sont les années 1993 à 2017. En revalorisant les salaires portés au compte sur l’inflation, l’assuré a eu un salaire de référence de 16 900 euros. Si ses salaires avaient été revalorisés selon le salaire moyen, ce salaire de référence aurait été supérieur de 8 %, à 18 200 euros. Ce différentiel est identique pour les autres cas-types de salariés conçus par le Conseil d’orientation des retraites (COR) : celui d’un cadre à carrière très ascendante (dit « COR 1 »), celui de non cadre à carrière ascendante (dit « COR 2 »), et celui à carrière complète au salaire moyen[45] (cf. tableau ci-dessous).
Cette situation renforce l’iniquité liée à la sélection des meilleures années pour établir le salaire annuel moyen de l’assuré, car elle ne traite pas de la même manière les assurés selon leur trajectoire de carrière. Elle conduit à dévaloriser, pour la retraite, les périodes de début ou de milieu de carrière, qui sont parfois les seules travaillées. Ainsi, le cœur contributif des régimes en annuités du système actuel offre moins de pension par euro cotisé aux individus aux trajectoires salariales les moins favorables.
La comptabilisation en points dans le système universel, selon le principe qu’un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous, tient compte, à l’inverse des régimes en annuité actuels, de l’ensemble de la carrière. Couplé à l’indexation de la valeur de service sur le salaire moyen, et non sur l’inflation, cela permettra de traiter de manière identique les carrières ascendantes et les carrières « plates », de même que les carrières heurtées et les carrières complètes.
Le tableau ci-dessous (dernière colonne) illustre l’effet combiné de ces deux changements : salaire moyen de l’ensemble de la carrière comparé au salaire moyen sur les 25 meilleures années, et indexation des salaires sur le SMPT comparée à une indexation des salaires sur les prix. En considérant un début de carrière à 20 ans en 1975 et une liquidation en 2018, la prise en compte de l’ensemble de la carrière indexée sur le salaire moyen est moins favorable que celle des 25 meilleures années indexées sur l’inflation pour les cas-types à carrière ascendante (non cadre, ‑4 %) ou très ascendante (cadre supérieur, ‑15 %), car le calcul sur les 25 dernières années permet d’exclure les années moins rémunérées de début de carrière. A l’inverse, pour les carrières plates et complètes, la prise en compte de l’ensemble de la carrière indexée sur le salaire moyen est plus favorable : +5 % pour le salarié au SMIC, et + 8 % pour le salarié au SMPT.
Tableau 7 - Impact du calcul du salaire de référence : ensemble de la carrière et revalorisation selon le SMPT versus 25 meilleures années et revalorisation selon l’inflation
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Calcul sur 25 ans, indexation sur l’inflation |
Calcul sur 25 ans, indexation sur les salaires |
Calcul sur 43 ans, indexation sur les salaires |
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Cas-type |
Montant (a) |
Montant (b) |
Ecart au salaire sur 25 ans, (b)/(a)-1 |
Montant |
Ecart au salaire sur 25 ans, (c)/(a)-1 |
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Cadre supérieur (COR1) |
94 000 |
101 200 |
+ 8 % |
80 200 |
- 15 % |
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Non-cadre à carrière ascendante (COR2) |
31 700 |
34 100 |
+ 8 % |
30 400 |
- 4 % |
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Salarié au SMIC |
16 900 |
18 200 |
+ 8 % |
17 700 |
+ 5 % |
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Salarié au salaire moyen |
34 300 |
37 000 |
+ 8 % |
37 000 |
+ 8 % |
Source : DSS/SDEPF/6C
Note : dans cet exercice théorique, les salaires ne sont pas plafonnés au niveau du plafond annuel de sécurité sociale. Le salaire moyen présenté n’est donc pas directement comparable au salaire annuel moyen tel qu’il est pris en compte dans le calcul d’une pension de base du régime général. Les trajectoires de carrière des quatre cas-types sont détaillées dans la partie 3G.
Il s’agit ici de calculs n’intégrant que les effets relatifs au salaire de référence et aux modalités d’indexation ; il ne s’agit pas de cas-types traduisant les effets du système universel dans son ensemble (beaucoup d’autres facteurs interviennent pour le calcul final de la pension).
La comparaison avec la situation prévalant chez nos principaux partenaires confirme ce constat. Dans son dernier rapport sur les retraites[46], l’OCDE montre ainsi que le taux de remplacement d’un salarié commençant sa carrière à 20 ans en 2016 avec un faible salaire est relativement défavorable en France (70 % contre 73 % en moyenne dans l’OCDE), alors même que le taux de remplacement au niveau du salaire moyen est élevé (74 % contre 63 % en moyenne dans l’OCDE).
Par ailleurs, le système universel valorisera l’ensemble des périodes d’activité des assurés, là où la validation d’un trimestre, dans le système actuel, exige d’avoir cotisé au moins sur une assiette de 150 SMIC horaire. Désormais, chaque euro cotisé comptera pour la retraite et permettra d’augmenter son montant. Ce sera un mode de calcul plus avantageux pour les personnes connaissant des carrières plus difficiles avec des périodes de travail courtes ou hachées.
Le système fonctionne aujourd’hui avec un âge minimal d’ouverture des droits fixé à 62 ans, et un « taux plein », fonction du nombre de trimestres validés. Les personnes qui n’ont pas acquis l’ensemble des trimestres requis pour leur génération doivent attendre 67 ans, soit l’âge d’annulation de la décote, pour percevoir une retraite à taux plein : cela concerne environ un assuré sur six (et 20 % des femmes) et devrait, en raison de la hausse de la durée d’assurance requise prévue par la réforme des retraites de 2014, concerner un nombre croissant d’assurés, environ un tiers pour la génération 1975 par exemple. Ce système, qui a été mis en place pour inciter les assurés à prolonger leur activité, pénalise donc les personnes ayant des carrières heurtées, et en ce sens défavorisées pendant leur parcours professionnel.
Dans un contexte de hausse significative de l’espérance de vie et du nombre de retraités par actifs, il paraît nécessaire de continuer à utiliser le levier de l’âge effectif de départ à la retraite comme outil de pilotage, afin de préserver à la fois le niveau de vie des actifs (en n’augmentant pas leurs cotisations) et celui des retraités (en ne baissant pas leurs pensions). Cela conduira les actifs à prolonger leur activité, au fur et à mesure des élévations de l’espérance de vie.
Dans le système universel, l’âge minimal légal de départ à la retraite à 62 ans sera maintenu, afin de laisser à chacun la possibilité de partir à la retraite si son parcours de vie le lui permet. Le système universel maintiendra également un âge du taux plein, l’âge d’équilibre, qui constituera une référence commune pour tous les membres d’une génération (étant entendu qu’un âge d’équilibre dérogatoire sera réservé pour environ un tiers des assurés, ceux ayant eu des carrières pénibles, longues, etc.). Celui-ci sera assorti comme aujourd’hui d’un système de malus (décote de 5 % par an) et de bonus (surcote de 5 % par an) pour les personnes qui partiraient avant ou après l’âge d’équilibre. L’âge d’équilibre sera fixé à l’entrée en vigueur du système par l’instance de gouvernance du système universel de retraite. Par défaut et à titre conventionnel, l’âge d’équilibre est, pour la présente étude d’impact, fixé à 65 ans pour la génération 1975. Cet âge, purement conventionnel, correspond à l’âge de départ au temps plein pour une personne ayant débutée son activité professionnelle à 22 ans, soit l’âge moyen de début de carrière aujourd’hui, et validant 43 années de cotisation sans interruption de carrière, soit la durée exigée pour le taux plein pour la génération née en 1975 (réforme de 2014).
L’instauration de l’âge d’équilibre conduirait environ la moitié des assurés à modifier leur comportement de départ – autrement dit l’âge auquel ils font valoir leurs droits. Par exemple, parmi les assurés de la génération 1990, un sur cinq reculerait sa date de départ, et un sur trois l’avancerait (cf. infra).
En conséquence, la proportion d’assurés liquidant à 67 ans ou plus diminuerait nettement dans le système universel, les assurés n’étant plus contraints d’attendre l’âge d’annulation de la décote, alors même qu’une partie importante d’entre eux ne sont plus en emploi. Ainsi, alors que 30 à 40 % des assurés auraient attendu 67 ans pour faire valoir leurs droits à retraite hors réforme, ils seraient moins de 10 % à partir à 67 ans dans le système universel,, et bénéficieraient en conséquence d’une majoration de leur pension, pour les premières générations concernées.
Les assurés ayant connu des accidents de carrière bénéficieraient particulièrement d’un passage d’un âge du taux plein basé sur la durée d’assurance à un âge d’équilibre identique au sein de chaque génération. A titre d’illustration, les assurés aux carrières courtes (inférieures à 120 trimestres) et ayant liquidé au titre de l’inaptitude ou de l’invalidité, qui représentent 10 % des assurés, verront leur pension globale augmenter de 20 à 36 % selon la génération. Ceux aux carrières courtes ayant validé au moins 4 trimestres de chômage, plus nombreux (près de 15 %) bénéficieront d’une hausse de pension de 10 à 25 % selon les générations. Enfin, les assurés aux carrières courtes ayant validé au moins 4 trimestres de maladie, qui ne représentent que 1 % des assurés, verront leur pension augmenter de 16 à 26 % (cf. tableau ci-dessous).
Tableau 8 - Hausse de pension consécutive à la réforme pour différents profils d’assurés à carrière heurtée
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Part parmi les assurés |
Hausse de pension à la suite de la réforme |
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Génération |
1980 |
1990 |
1980 |
1990 |
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Caractéristiques de la carrière : durée cotisée inférieure ou égale à 120 trimestres, et… |
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… au moins 4 trimestres de maladie* |
1% |
1% |
16% |
18% |
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… au moins 4 trimestres de chômage** |
14% |
14% |
10% |
18% |
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… liquidation au titre de l’inaptitude ou de l’ invalidité |
10% |
10% |
20% |
29% |
Champ : assurés monopensionnés des régimes alignés. Note : * il s’agit des retraités ayant cotisé au moins 4 trimestres de maladie mais n’ayant par ailleurs pas cotisé 4 trimestres de chômage ou liquidé au titre de l’inaptitude ou de l’invalidité (auquel cas ils sont classés dans les catégories chômage ou inaptitude) ; ** il s’agit des retraités ayant cotisé au moins 4 trimestres de chômage mais n’ayant par ailleurs pas liquidé au titre de l’inaptitude ou de l’invalidité (auquel cas ils sont classés dans la catégorie inaptitude) ; enfin, environ 7 % des assurés ont une durée de cotisation inférieure à 120 trimestres sans relever de l’une des trois catégories listées danc ce tableau.
La hausse des pensions s’explique principalement par le caractère extrêmement redistributif du système univesel de retraite,qui favorise fortement les retraités modestes, lesquels sont plus représentés parmi les assurés ayant des trimestres de maladie, chômage et invalidité.
Source : Cnav, modèle PRISME
Les dispositifs de solidarité permettent de tenir compte des interruptions de carrière (maternité, accidents de carrière, etc.) et de soutenir les pensions faibles. Ils contribuent actuellement largement au caractère solidaire et redistributif du système de retraite, et continueront à le faire dans le cadre du nouveau système universel.
Actuellement, ces mécanismes de solidarité servent en partie à neutraliser les effets anti-redistributifs du cœur du système. Cependant, la compensation des accidents de carrière reste a priori partielle par rapport à l’intention initiale du législateur.
Ces dispositifs de solidarité représenteront environ le quart des pensions versées après réforme[47], soit le même niveau qu’actuellement. A horizon 2050, ils resteront au même niveau qu’avant réforme, et représenteront 22,8 % des pensions versées (contre 22,5 % dans le système hors réforme).
Graphique 37 - Part des dispositifs de solidarité dans les pensions versées
Note : il s’agit de la part de la solidarité dans les masses totales de pension de droit direct.
Source : Cnav, modèle PRISME
Par convention, quatre types de mécanismes de solidarité sont distingués : les droits familiaux, la compensation de carrière, les départs anticipés et le minimum de pension. Les droits familiaux et la compensation de carrière représentent les pourcentages des masses de pension versée principaux.
Graphique 38 - Part des dispositifs de solidarité dans les pensions versées, par type de dispositif