ASSEMBLÉE NATIONALE

13 octobre 2025

(8 heures 13)

 

 

MOTION DE CENSURE

présentée par Mme Mathilde PANOT

et 86 de ses collègues

 

(déposée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution)

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

La nomination, pour la seconde fois, de Sébastien Lecornu à Matignon est l’ultime provocation d’un Président de la République aux abois. Depuis les élections législatives de juillet 2024, remportées par la coalition du Nouveau Front Populaire, Emmanuel Macron s’obstine à ignorer le verdict des urnes. En l’espace d’un an, trois Premiers ministres auront été censurés ou contraints à la démission, faute de majorité à l’Assemblée nationale et de soutien populaire.

 

Nous, députées et députés signataires de la présente motion, refusons de tolérer ce nouveau coup de force contre la démocratie que représente le maintien à Matignon d’un Premier ministre illégitime.

 

La feuille de route de Sébastien Lecornu est déjà connue : poursuivre, coûte que coûte, la politique menée depuis huit ans. Or, le fiasco économique du macronisme est patent : l’effondrement des recettes publiques – une perte de 75 milliards d’euros par an – a creusé un déficit sans précédent. Les cadeaux fiscaux accordés aux plus riches et aux grandes entreprises ont exacerbé l’injustice fiscale et nourri les inégalités. Depuis 2017, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes a doublé, tandis que 1,2 million de personnes supplémentaires ont basculé sous le seuil de pauvreté, un niveau inédit depuis trente ans. L’échec de la politique de l’offre est manifeste : l’investissement productif stagne, la consommation populaire recule, la crise industrielle s’aggrave. Les défaillances de petites entreprises se multiplient et les licenciements économiques explosent.

 


Aujourd’hui, le Président de la République veut faire payer au peuple le prix de ce désastre par une réduction massive de la dépense publique. La puissante mobilisation populaire du mois de septembre a pourtant démontré le rejet massif de ce projet de guerre sociale. Le spectacle affligeant des consultations organisées ces dernières jours à Matignon puis à l’Elysée n’ont été qu’une confirmation : Sébastien Lecornu s’apprête à gouverner avec les mêmes, pour les mêmes – c’est-à-dire contre le peuple.

 

Preuve de cette continuité, le projet de loi de finances présenté en Conseil des ministres n’est rien d’autre que le budget « Bayrou-Lecornu ». Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l’a été avant lui le « conclave » de François Bayrou . L’« année blanche » annoncée sera une « année noire » de destruction des services publics et d’érosion du pouvoir d’achat pour des millions de Français·es, à commencer par nos aîné·es au minimum vieillesse et les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé. La réduction de la prise en charge des personnes atteintes d’affections de longue durée, le doublement des franchises médicales et des participations forfaitaires font déjà l’objet de décrets prêts à être publiés. Une nouvelle réforme de l’assurance-chômage est en préparation, confirmant l’acharnement du pouvoir contre les demandeurs et demandeuses d’emploi. La remise en cause de l’aide médicale d’État menace de priver des dizaines de milliers de personnes précaires précaires d’un accès vital aux soins. Enfin, l’absence d’investissement dans la bifurcation écologique signe l’incurie du pouvoir face à l’urgence climatique et à la préservation de notre écosystème.

 

Pour toutes ces raisons, la censure de Sébastien Lecornu s’impose. Après sa chute, le Président de la République ne pourra plus échapper à ses responsabilités. Les mobilisations citoyennes ont mis au premier plan la revendication de son départ, souhaité par 73 % de la population selon un sondage. Au sein même du « socle commun » les voix en ce sens se font de plus en plus nombreuses, reconnaissant ainsi que le Président lui-même est devenu la source de l'instabilité politique. La démission ou la destitution d’Emmanuel Macron sont les seules solutions pour offrir une issue démocratique claire au chaos actuel : le retour aux urnes. Ainsi, le peuple aura l’occasion de tourner la page d’une présidence autoritaire, de retrouver sa souveraineté et d’engager les transformations nécessaires pour viser l’harmonie entre les êtres humains et avec la nature.

 

C’est pourquoi, conformément à l’article 49, alinéa 2 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, les députées et députés signataires de la présente motion appellent à la censure du Gouvernement.


Les signataires :

Mme Mathilde Panot, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Christine Arrighi, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Édouard Bénard, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Jean‑Victor Castor, Mme Gabrielle Cathala, M. Bérenger Cernon, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Jean-François Coulomme, M. Sébastien Delogu, M. Aly Diouara, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Elsa Faucillon, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, M. Perceval Gaillard, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Zahia Hamdane, Mme Mathilde Hignet, Mme Émeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Jean-Paul Lecoq, M. Aurélien Le Coq, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Claire Lejeune, Mme Murielle Lepvraud, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Fréderic Maillot, Mme Élisa Martin, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Marie Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Marcelin Nadeau, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Sandrine Nosbé, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud’homme, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Sandra Regol, Mme Sandrine Rousseau, M. Arnaud Saint‑Martin, M. Aurélien Saintoul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Aurélien Taché, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, M. Nicolas Thierry, M. Emmanuel Tjibaou, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier.