ASSEMBLÉE NATIONALE
3 février 2025
(18 heures 15)
MOTION DE CENSURE
présentée par Mme Mathilde PANOT et 91 députés
(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)
Le Premier ministre, nommé au mépris du résultat des élections législatives, a choisi de recourir aux dispositions de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour imposer, en deuxième lecture, la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Ainsi, il ampute une nouvelle fois le pouvoir législatif de ses droits et prive la représentation nationale de débats cruciaux afin d’assurer le financement de notre système de protection sociale.
En première lecture, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a été rejeté à deux reprises lors de l’examen en commission des affaires sociales puis lors de la censure du gouvernement de Michel Barnier. Malgré ces deux défaites consécutives, le nouveau Premier ministre, François Bayrou, a choisi de reprendre le texte qui a provoqué la chute de son prédécesseur. Ce faisant, il a fait le choix de poursuivre la politique économique et sociale d’Emmanuel Macron, défait dans les urnes et au Parlement. Fait inédit depuis 1996, la commission des affaires sociales a de nouveau rejeté ce texte illégitime en seconde lecture.
Privés de débat parlementaire et de leur droit de vote, les parlementaires opposés à ce projet de loi délétère ne disposent que de leur dernier droit constitutionnel disponible : la censure. Si ce Gouvernement n’est pas censuré dès maintenant, il poursuivra la brutalisation du Parlement en usant à nouveau du 49 alinéa 3 sur les deuxième et troisième parties d’un projet de loi minoritaire à l’Assemblée et dans la société.
Ne pas voter la censure revient à offrir un blanc-seing au gouvernement Bayrou pour négocier l’avenir de notre protection sociale au Sénat, qui préfère renoncer à plusieurs milliards de recettes pour taxer les salariés avec une deuxième journée de travail gratuit, honteusement qualifiée journée “de solidarité”, et soutenue par plusieurs ministres en poste.
Ne pas voter la censure revient à donner sa confiance à un gouvernement qui joue sa survie pour perpétuer une politique de coupes budgétaires, au détriment du système de santé et des besoins de nos concitoyennes et concitoyens. Les dernières annonces de François Bayrou le confirment : l’insuffisant relèvement de l’objectif national d’assurance maladie correspond encore et toujours à des coupes budgétaires. Le budget 2025 restera inférieur de près de 3 milliards aux besoins objectivés par la Fédération hospitalière de France : inévitablement, la situation dans les hôpitaux va donc continuer de se dégrader. Se soigner va continuer de coûter plus cher : l'abandon de la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales et les médicaments sera compensé par une taxe sur les complémentaires santé et la mise à contribution des assurés au financement de l’assurance maladie.
Dans le même temps, le patronat et les grandes entreprises du pays peuvent être rassurés. Ce texte, qui préfère taxer le revenu disponible des jeunes apprentis, ne reviendra pas sur les 90 milliards d’exonérations de cotisations sociales offertes chaque année au détriment des budgets de la sécurité sociale et de l’État. Bien qu’une crise de financement menace la pérennité de notre modèle social, le Gouvernement a déjà fait le choix de sacrifier la réforme des allègements généraux.
Les gouvernements Barnier puis Bayrou s’appuient sur la dégradation des recettes de la sécurité sociale, dont ils sont pourtant les premiers responsables, pour accroître le "freinage des dépenses". Ils choisissent de faire payer aux classes populaires et moyennes leur politique acquise aux plus riches. Un autre budget est pourtant possible : en première lecture, le Nouveau Front Populaire avait réussi à faire adopter près de 17 milliards de recettes supplémentaires prélevées sur les plus riches et les grandes entreprises pour préserver les droits sociaux de nos concitoyens.
Ce gouvernement piétine la démocratie parlementaire pour imposer la destruction de notre protection sociale, patrimoine commun du peuple français. Fidèles aux engagements pris lors de la constitution du Nouveau Front Populaire, nous continuons à porter une alternative en rupture avec le chaos démocratique, écologique et social orchestré par Emmanuel Macron. Pour toutes ces raisons, conformément aux dispositions de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution et aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.
Les signataires :
Mme Mathilde Panot, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Christine Arrighi, Mme Clémentine Autain, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Édouard Bénard, M. Karim Ben Cheikh, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Louis Boyard, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Jean-Victor Castor, Mme Gabrielle Cathala, M. Bérenger Cernon, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Jean-François Coulomme, M. Hendrik Davi, M. Sébastien Delogu, M. Aly Diouara, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Elsa Faucillon, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, M. Perceval Gaillard, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Zahia Hamdane, Mme Mathilde Hignet, Mme Émeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, M. Aurélien Le Coq, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Claire Lejeune, Mme Murielle Lepvraud, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Frédéric Maillot, Mme Élisa Martin, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Marie Mesmeur, Mme Manon Meunier, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Sandrine Nosbé, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. François Piquemal, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Davy Rimane, Mme Sandrine Rousseau, M. Arnaud Saint-Martin, M. Aurélien Saintoul, M. Nicolas Sansu, Mme Sabrina Sebaihi Mme Danielle Simonnet, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Aurélien Taché, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier.