Description : LOGO

N° 193

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2017.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la diffusion des photographies et de l’identité des terroristes sur Internet et dans les médias,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marine BRENIER,

députée.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Paris, Bruxelles, Orlando, Nice, Lahore, Istanbul… Constamment en deuil, le monde subit de plein fouet le fanatisme et la violence de l’islamisme radical. Tandis que les familles pleurent leurs défunts et blessés, les visages et noms des terroristes sont omniprésents dans le traitement médiatique des attentats. Analysés, décortiqués, racontés par des amis d’enfance ou des membres de leur famille, les parcours de ces criminels sont étalés au vu et au su de tous, à la manière des célébrités.

Le logisticien des attentats de Paris et Saint‑Denis incarne de la façon la plus exacerbée le déchaînement médiatique autour des terroristes, notamment à l’occasion de son transfert au sein de l’établissement de Fleuris‑Mérogis (Essonne) et de la polémique autour de l’éventuel traitement de faveur reçu par le détenu.

Or nous devons admettre qu’en dévoilant leurs noms, en diffusant leurs portraits sur les chaînes d’information en continu, à la une des journaux, en page d’accueil des sites d’information ainsi que sur les réseaux sociaux, la médiasphère accorde à ces criminels une vitrine et une publicité post‑mortem, soit exactement ce que recherchent les auteurs d’actes terroristes.

Ceci soulève de graves problèmes d’un point de vue éthique. Pour les familles des victimes d’une part, qui doivent endurer le phénomène de starification de ceux qui ont semé la mort dans leur entourage, mais aussi pour les individus influençables et en mal d’appartenance dont la curiosité pour l’islamisme radical peut être attisée par tant de frénésie médiatique.

Laisser des traces fait partie de la stratégie des terroristes ayant sévi ces derniers mois, qui « oublient » leurs papiers d’identité, probablement dans le but d’être découverts par les enquêteurs. La médiasphère fonce ainsi tête baissée dans la mise en scène de ces odieux crimes orchestrée par les terroristes eux‑mêmes, qui n’aspirent qu’au martyr et à une renommée qu’ils souhaitent proportionnelle au degré de sauvagerie de leurs actes.

Notre société peut‑elle continuer à être une caisse de résonance pour ces criminels ? Allons‑nous laisser Internet et les médias encourager le terrorisme, de façon involontaire, certes, mais non moins intolérable ?

Certes, les djihadistes disposent aujourd’hui de leurs propres canaux de diffusion, de leur propre agence de presse. Néanmoins, il est certain que ces derniers seront d’autant plus victorieux qu’ils disposeront d’une tribune importante au sein de nos médias et sur Internet.

Il est fondamental de cesser de donner de l’importance à ces individus en les cantonnant à l’anonymat, en refusant que les noms des terroristes soient sur toutes les lèvres alors que ceux des victimes tombent dans l’oubli.

Il est temps d’agir en faveur d’un traitement médiatique du terrorisme plus responsable, en interdisant – sauf avis de recherche –, de diffuser les photographies et de décliner l’identité des personnes poursuivies pour un acte de terrorisme ou ayant été jugées coupables d’un acte de terrorisme, afin de limiter le processus d’héroïsation de ces dernières.

Tel est le sens de la présente proposition de loi.

 

 

 


proposition de loi

Article unique

I. – Après l’article 421‑2‑5‑2 du code pénal, est inséré un article 421‑2‑5‑3 ainsi rédigé :

« Art. 421253. – Sauf avis de recherche du ministère de l’intérieur, le fait de publier les photographies et de diffuser l’identité des personnes physiques poursuivies pour un acte de terrorisme ou ayant été jugées coupables d’un acte de terrorisme prévu au présent chapitre est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».