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N° 195

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2017.

PROPOSITION DE LOI

tendant à fixer à seize ans lâge de la majorité pénale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marine BRENIER,

députée.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La sanction est partie intégrante de l’éducation ; vouloir éduquer sans contraindre est une utopie.

La délinquance des mineurs donne trop souvent lieu à un débat idéologique au mauvais sens du terme, où les jugements ne sont pas confrontés au réel.

Si la délinquance des mineurs n’est pas un phénomène nouveau, la situation actuelle est réellement préoccupante, parce que cette délinquance s’est massifiée, qu’elle est plus violente et concerne des mineurs plus jeunes. Les mineurs délinquants ont souvent des personnalités fragiles, peu construites et leurs victimes sont souvent elles‑mêmes mineures.

La famille et lécole nendiguent plus la délinquance. Tandis que de nombreux parents sont en grande difficulté pour assurer l’éducation de leurs enfants, l’école n’est plus ce sanctuaire à l’abri de la violence. À force de vouloir faire entrer tous les enfants dans un « moule » unique, l’école a fini par exclure plus gravement qu’auparavant une partie de ceux qui lui sont confiés et doit réinventer les moyens de faire une place à chacun.

Linsuffisance des liens entre les institutions exerçant à un titre ou à un autre une action de prévention crée des discontinuités, des ruptures de suivi qui nuisent à l’efficacité de cette prévention ; trop souvent, des enfants en difficulté sont repérés, à l’école notamment, sans qu’une solution adéquate puisse être trouvée dans des délais acceptables.

Enfin et surtout, la justice des mineurs nest pas seulement laxiste, elle est aussi erratique. Son fonctionnement a été éloquemment résumé par M. Malek Boutih, président de SOS racisme : « Vue par les jeunes, cest une succession de petites “emmerdes” et, un jour, cest une grosse “emmerde” ([1]). La justice apporte bel et bien des réponses à la délinquance des mineurs, mais ces réponses ne font pas sens parce qu’elles interviennent trop tardivement, parce qu’éducation et sanction sont généralement dissociées.

Notre arsenal législatif n’est pourtant pas inexistant pour sanctionner les mineurs ou pour exercer une contrainte sur les parents défaillants... Mais, les règles ne semblent faites que pour n’être pas utilisées, chacun prenant dans la loi ce qui lui paraît acceptable au regard de ses propres conceptions. L’enfermement des mineurs donne lieu à un débat idéologique sur la possibilité ou non de conduire une action éducative en milieu fermé. Nos partenaires européens, les Pays‑Bas par exemple, plus pragmatiques, ont mis en place des parcours d’éducation et de réinsertion comportant des phases de liberté et des phases de contention pendant lesquelles le travail éducatif se poursuit.

Personne ne peut nier que beaucoup a déjà été fait en matière de prévention de la délinquance, avec notamment la création du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et du conseil des droits et devoirs des familles (CDDF). La loi sur la prévention de la délinquance, du 5 mars 2007, a permis des avancées considérables, notamment en faisant du maire le véritable pilote de la politique en ce domaine. Par ailleurs, la loi du 28 septembre 2010 sur l’absentéisme scolaire a renforcé la responsabilité des parents en cas de manquement à leur devoir d’éducation et permis un meilleur accompagnement.

En même temps que le législateur s’intéresse à la délinquance en général, à la prévention de celle‑ci et à la célérité de la réponse pénale, il convient de réformer l’ordonnance n° 45‑174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante pour l’adapter aux réalités de notre temps.

Un mineur d’hier n’est plus un mineur d’aujourd’hui ! C’est d’ailleurs la raison qui a conduit les majorités successives à confier de plus en plus de responsabilités aux jeunes : abaissement de la majorité civile à dix‑huit ans en 1974, création de la conduite accompagnée qui permet de conduire dès seize ans, abaissement de l’âge pour devenir député à dix‑huit ans...

C’est pourquoi la présente proposition de loi abaisse à seize ans l’âge de la majorité pénale. En considération des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, il sera toutefois possible au juge de renvoyer l’affaire devant la juridiction pour mineurs.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 122‑8 du code pénal est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La majorité pénale est fixée à seize ans.

« Toutefois, si la personne est âgée de moins de dix‑huit ans, le tribunal correctionnel et la cour d’assises peuvent, par décision spécialement motivée, compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu’il y a lieu de faire application du troisième et du quatrième alinéa et renvoyer l’affaire à une juridiction pour mineurs. »

2° Au deuxième alinéa, les deux occurrences du mot : « dix‑huit » sont remplacées par le mot : « seize ».

Article 2

L’ordonnance n° 45‑174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :

1° Avant le chapitre Ier, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire

« Art. 1 A.  Pour l’application de la présente ordonnance et de ses textes d’application, le terme : “mineur” s’entend d’une personne n’ayant pas atteint l’âge de la majorité pénale fixée à l’article 122‑8 du code pénal. »

2° Chaque occurrence du mot : « dix‑huit » est remplacée par le mot : « seize ».


(1)   Rapport de commission d'enquête n° 340 (2001-2002) de MM. Jean-Claude Carle et Jean-Pierre Schosteck, « Délinquance des mineurs : la République en quête de respect », fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 27  juin 2002.