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N° 222

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2017.

PROPOSITION DE LOI

définissant laltérité sexuelle comme fondatrice de létat civil,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme MarieFrance LORHO,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au lendemain du passage de la loi dite du « “mariage pour tous », la définition de cette union d’un homme et d’une femme telle qu’elle avait été conçue en 1804 dans le code civil disparaissait. Une porte s’ouvrait laissant libre cours aux idéologies aspirant à la modification de la conception multiséculaire de notre société, reposant sur la nature, soit une altérité sexuelle fondatrice des foyers de demain. Après l’adoption de la loi, les mutations législatives se sont multipliées, effaçant l’altérité sexuelle des codes, soustrayant au réel les aspirations sectaires de minorités soucieuses d’imposer à la cité une société indifférenciée où le « sexe neutre » doit être reconnu en tant que catégorie civile à part entière.

I.  Lidentité sexuelle est naturelle et immuable

A.  La nature seule détermine le sexe

Depuis la loi du 18 novembre 2016 ‑ dite « justice du XXIe siècle » ‑ les mentions approximatives à l’état civil de la qualification sexuelle sont devenues particulièrement nombreuses. Désormais, « toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de létat civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification » ([1]). Cette loi dispose également que la preuve médicale n’est plus une condition sine qua non pour bénéficier d’une rectification de la mention du sexe à l’état civil. L’identité sexuelle n’est a priori pas déterminée par la connaissance ou l’aspect que reflètent une personne au sein de la cité : elle constitue un caractère immuable de la nature, dont la reconnaissance est prononcée à la naissance, par le père et la mère de l’enfant. À ce titre, le code civil dispose que « la naissance de lenfant sera déclarée par le père » (article 56) et qu’il énoncera « le jour, lheure et le lieu de la naissance, le sexe de lenfant » (article 57) ([2]).

B.  Lidentité sexuelle : un élément immuable dordre public

Au gré des lois partisanes, certaines instances de juridiction françaises semblent omettre la nature même de l’instruction qui leur a été confiée : celle de rendre la loi sur des domaines séculaires, et non du domaine de l’identité naturelle et immuable. Certaines instances se sont ainsi largement fourvoyées en érigeant le sexe au rang des contingences d’ordre privé, qu’il est possible de changer au gré de ses envies. Ce fut notamment le cas du Conseil de l’Europe, du Parlement européen, de l’ONU ainsi que certaines jurisprudences européennes de la CEDH et de la CJUE ou certaines décisions des juges français ou, enfin, des organismes à seule valeur consultative comme le Défenseur des droits. Pourtant, comme le souligne la décision du 4 mai de la Cour de cassation, le sexe ne peut constituer un souci d’ordre privé du fait de son caractère immuable et nécessaire à la fondation de la cité. La Cour indique ainsi que la différenciation sexuelle « est nécessaire à lorganisation sociale et juridique dont elle constitue un élément fondateur » ([3]).

II.  Lidéologie à lassaut de laltérité sexuelle

A.  La revendication du sexe « neutre » ou de « lintersexe »

La décision de la Cour de cassation, relative à un cas particulier d’un homme qui souhaitait voir établi sur son état civil la mention de « sexe neutre » ou « intersexe » au titre d’une anomalie génétique de naissance, a mis en lumière l’importance croissante que prend cette revendication idéologique au sein de notre société. Des groupes de pression tentent de faire valoir celle‑ci de longue date. Au troisième forum intersexe du 1er décembre 2013 déjà, on en appelait à ce que « tous les adultes et mineurs capables puissent choisir entre femme (F) et homme (M), non binaire ou plusieurs options » ([4]). Les arguments employés sont similaires à ceux prônés par les partisans du « mariage » pour tous : systématisation d’une disposition innaturelle par souci de ne pas déroger à un progrès que l’on tient pour inéluctable ([5]) ; posture victimaire des minorités voulant imposer un changement d’ordre civilisationnel à l’ensemble de la cité ; revendication à « disposer de son corps » ([6]) dans une perspective de prise d’autonomie individuelle au mépris de l’inscription des personnes dans la cité.

B.  Sexe neutre : le déni du réel

Les arguments proposés par les partisans du « sexe neutre » ou « intersexe » nient le caractère invariable de l’être, reposant sur la nature. En abandonnant la « catégorie sexe » comme « identité statique », comme le souhaite Daniel Borrillo ‑ premier juriste à avoir formulé une telle demande ([7]) ‑ les partisans de cette absence de reconnaissance sexuelle commettent un déni du réel et confondent à dessein les caractéristiques séculaires façonnant une personne dans le temps avec celles qui constituent ontologiquement celle‑ci. Ainsi, « l’expert » du laboratoire d’idées Générations Libres s’étonne que soit encore indiqué cette qualité inchangeable de la personne sur son état civil et s’adonne à une comparaison censée susciter un parallèle éloquent : « Personne ne songe de nos jours à inscrire dans les pièces didentité […] la classe sociale ou laffiliation politique » ‑ deux éléments non naturels, construits au gré de l’individu à l’inverse du sexe. En émettant une telle négation du réel, Daniel Borrillo comme les partisans du sexe neutre mettent en danger la société de demain.

III.  Laltérité au fondement de la société

A.  Laltérité sexuelle à lorigine de la filiation

Dans le mariage traditionnel, la reconnaissance de l’altérité sexuelle est inhérente à la procréation ([8]). Nier cette différenciation portera nécessairement préjudice à la filiation. Car si la modification de la mention du sexe dans l’acte de naissance n’a pas (encore) d’effet rétroactif et que la « filiation [est en soi] déjà établie avec les descendants » ([9]), un changement ‑ même a posteriori  à l’état civil de l’un des deux parents pourrait causer de graves traumatismes à l’enfant qui en serait victime. Il n’est pas du seul ressort de la personne qui aspire à cette modification dans son état civil d’en statuer puisque cette mutation peut engendrer une modification de sa perception dans le cadre de la cité et de la cellule familiale qu’elle est censée régir.

B.  Des modifications législatives impensables

Si la loi ne définit pas à proprement parler le sexe, son contenu fait des mentions binaires (masculine et féminine) constantes. Comme le souligne la Cour de cassation, « la binarité des sexes se retrouve dans de nombreuses dispositions législatives, évoquant lun ou lautre sexe ou les “deux sexes” » ([10]). Ces différentes demandes de modifications n’ont par ailleurs jamais été tenues pour légitimes : seule une circulaire envisage le cas des « enfants intersexes » ([11]) … Mais en aucun cas la circulaire n’envisage de ne pas déterminer le sexe féminin ou masculin de l’enfant, celui‑ci devant nécessairement être statué dans un délai imparti ([12]).

Conclusion

Les promoteurs du « sexe neutre » aspirent à ce que l’identité naturelle soit traitée « comme une identité personnelle et intime relevant de la subjectivité et de la liberté individuelles » ([13]). Cette revendication, issue d’instances partisanes, est irrecevable en ce qu’elle nie la qualité naturelle et immuable du sexe des personnes. Irrecevable parce qu’elle est une pression émanent de minorités ‑ l’indétermination sexuelle concernerait environ 200 enfants par an ([14]) ‑ visant à légiférer sur une situation d’exception. Irrecevable, enfin, parce qu’il n’est pas du ressort de la loi de déterminer la nature. En 1748, Montesquieu alertait, dans l’Esprit des lois, sur les dangers auxquels se confrontaient les législateurs en légiférant sur ces éléments intrinsèques à l’immuabilité de l’être : « La défense des lois de la nature, soulignait‑il au Livre XXVI, est invariable parce quelles dépendent dune chose invariable : le père, la mère et les enfants habitant nécessairement dans la maison » ([15]).


proposition de loi

Article unique

I. – La Section 2 bis du chapitre II du titre II du livre Ier du code civil est supprimée.

II. – Après l’article 61‑4 du même code est inséré un article 61‑5 ainsi rédigé :

« Art. 615. – La France interdit la publication d’autres références administratives que l’homme et la femme. »


([1]) « Art. 615. Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de létat civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.

« Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être :

«  Quelle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;

«  Quelle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;

«  Quelle a obtenu le changement de son prénom afin quil corresponde au sexe revendiqué ».

 Art. 61‑5, loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle – art. 56.

([2]) Voir Code civil, section 1 : Des déclarations de naissance, art. 56 ; art. 57.

([3]) Communiqué de la Cour de cassation du 4 mai 2017.

https ://www.courdecassation.fr/IMG///Communiqu%C3%A9%20Sexe%20neutre%20et%20%C3%A9tat%20civil.pdf

([4]) Libération, 28 juin 2017, Pour un sexe neutre à létat civil.

([5]) Les partisans du « sexe neutre » font ainsi valoir que la France est en retard sur ses voisins européens à l’instar de l’Allemagne, qui donne des certificats de naissance sans mention du sexe depuis 2013 : des Pays‑Bas qui, en cas d’indétermination du sexe de l’enfant, prévoit une troisième case à l’état civil ; de Malte, où il est possible de différer la mention du sexe sur l’état civil jusqu’à ce que celui‑ci soit déterminé. Pourtant, la Cour de cassation souligne qu’en « Europe, aucun État ne permet de faire figurer la mention « sexe neutre » ou « intersexe ». Les arguments employés sont donc fallacieux. Voir Cour de cassation, 4 mai 2017.

([6]) Les partisans du « sexe neutre » s’appuient sur la résolution 2048 du Conseil de l’Europe (2015).

([7]) Libération, Op. cit.

([8]) L’union d’un homme et d’une femme est « ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi quà la génération et à léducation des enfants » (Code de droit canonique, canon 1055 § 1)

([9]) La modification de la mention du sexe à l’état civil depuis la loi Justice 21e siècle, 12 décembre 2016, Benjamin Estoppel B.

([10]) Voir op. cit. Cour de Cassation, 4 mai 2017.

([11]) Circulaire du 28 octobre 2011.

([12]) Op. Cit. Cour de Cassation.

([13]) Libération, Op.cit.

([14]) Selon le rapport de 2017 de la délégation aux droits des femmes du Sénat intitulé « Variations du développement sexuel : lever un tabou ».

([15]) Montesquieu, « De lesprit des lois », Livre XXVI, chap. 14, p.766.