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N° 522

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2017.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un accouchement protégé et permettant
laccès aux origines personnelles,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

JeanLouis MASSON, Julien AUBERT, Laurent FURST, Claude GOASGUEN, Sébastien LECLERC, JeanLuc REITZER, JeanMarie SERMIER, Patrice VERCHÈRE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’un des premiers droits de l’enfant est de savoir qui il est, de connaître ses origines personnelles.

Toutefois, dans l’intérêt même des enfants, ce droit doit s’articuler avec une protection des mères qui, pour des raisons diverses, estiment devoir cacher cette naissance, et qui peuvent être amenées à accoucher dans la discrétion pour éviter de mettre l’enfant en danger.

La France a mis en place un système quasi unique d’accouchement non pas seulement secret, mais anonyme, qui prive l’enfant de toute information et les mères de toute possibilité de revenir sur leur geste.

Ce dispositif, justifié historiquement, est aujourd’hui source de souffrance identitaire pour l’enfant et pour les mères qui ne peuvent faire le deuil de cet enfant censé n’avoir pas existé. Ni les uns ni les autres ne s’en remettent jamais complètement. Déjà en 1845, le vicomte Armand de Melun dénonçait la situation dans Les Annales de la Charité en ces termes « Cest un gouffre, une oubliette. À cause de lanonymat, la mère ne pourra jamais revenir sur son geste et son enfant est à jamais privé didentité et détat civil ».

Des affaires récentes montrent que c’est une amputation aussi pour le père de naissance, les grands parents ou encore les frères et sœurs.

D’autres solutions existent permettant l’établissement obligatoire de la filiation tout en maintenant un accouchement dans le secret ainsi que, bien évidemment, la possibilité de consentir ensuite à l’adoption de l’enfant.

C’est pourquoi il est proposé de créer un dispositif équilibré d’accouchement secret (mais non anonyme) qui articule et concilie :

– le droit des mères qui ne peuvent garder leur enfant de le confier en vue d’adoption, en toute discrétion, sans pour autant le priver de son identité ;

– le droit des adoptants à une pleine sécurité dans leur vie familiale ;

– le droit de tout enfant à connaître son origine.


Cela suppose :

– de maintenir à la mère le droit de demander, lors de son admission et de son accouchement le secret de son identité, en l’informant que ce secret lui est garanti pendant la minorité de l’enfant, mais qu’ensuite elle pourra être communiquée à l’enfant qui en ferait la demande après sa majorité ;

– que ces informations soient obligatoirement recueillies, ainsi que les informations sur la santé et les circonstances de ce recueil, par les correspondants départementaux du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP) sous la responsabilité du directeur de l’établissement de santé ;

– qu’elles soient ensuite transmises au CNAOP qui serait chargé de leur conservation. En effet le nombre relativement modeste d’accouchements sous X par an, moins de 700, permet une gestion centralisée au niveau national ;

– le CNAOP serait ensuite chargé de la transmission de ces informations aux personnes majeures qui le demandent et d’organiser si nécessaire un accompagnement, éventuellement avec les correspondants départementaux ou des médiateurs associatifs. À noter, d’ailleurs, que toute demande d’information n’est pas une demande de rencontre et ne nécessite pas forcément un accompagnement, voire une médiation. Le Conseil devra aussi pouvoir accéder et répondre aux demandes d’information des mères de naissance.

Il n’est plus question de conservation sous le système archaïque du « pli fermé », avec les problèmes récurrents d’incertitude sur le contenu de ce pli et de déterminer qui a qualité pour l’ouvrir, mais de secret.

Ce dispositif équilibré permet ainsi de préserver à la fois les intérêts de la mère mais aussi de donner à l’enfant la possibilité de connaître ses origines à sa majorité pourvu qu’il en fasse la demande. Il confère au CNAOP un rôle renforcé en devenant le lieu de conservation des informations à caractère secret et l’organisme qui les communique à l’enfant majeur qui en fait la demande.

C’est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

L’article 326 du code civil est complété par les mots : « dans les conditions de l’article L. 222‑6 du code de l’action sociale et des familles ».

Article 2

L’article L. 222‑6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 2226. – Après avoir laissé son identité, toute femme peut demander, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé. Elle est également invitée à laisser des informations relatives à la santé des père et mère de naissance, aux origines de l’enfant et aux raisons et circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance ou à l’organisme autorisé et habilité pour l’adoption.

« Ces informations ainsi que son identité sont recueillies sur un formulaire établi par arrêté et conservées secrètement par le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles.

« Elle est informée que ces informations seront communiquées de plein droit à l’enfant, s’il en fait la demande, après sa majorité, ou pendant sa minorité après accord de la mère.

« Ces formalités sont accomplies par les personnes visées à l’article L. 223‑7 avisées sous la responsabilité du directeur de l’établissement de santé. À défaut, elles sont accomplies sous la responsabilité de ce directeur.

« Les frais d’hébergement et d’accouchement des femmes qui ont demandé, lors de leur admission dans un établissement public ou privé conventionné, à ce que le secret de leur identité soit préservé, sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance du département siège de l’établissement.

« Sur leur demande ou avec leur accord, les femmes mentionnées au premier alinéa bénéficient d’un accompagnement psychologique et social de la part du service de l’aide sociale à l’enfance. »

Article 3

Au premier alinéa de l’article L. 223‑7 du même code, les mots : « pli fermé mentionné au premier » sont remplacés par les mots : « formulaire mentionné au deuxième ».

Article 4

L’article L. 147‑2 du même code est ainsi modifié :

I. – Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° Le formulaire contenant l’identité de la mère et les informations qu’elle a souhaité donner au moment de son accouchement telles que définies à l’article L. 222‑6 ; ».

II. – Le 2° est abrogé.

Article 5

Au cinquième alinéa de l’article L. 147‑5 du même code, les mots : « ainsi que tout renseignement ne portant pas atteinte au secret de cette identité » sont supprimés.

Article 6

L’article L. 147‑6 du même code est ainsi modifié :

1° Les premier à cinquième et huitième à onzième alinéas sont supprimés ;

2° Aux premier, septième et treizième alinéas, la référence : « 1° » est remplacée par la référence : « 2° ».

Article 7

L’article L. 222‑6 du même code est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa, après le mot : « laisser », sont insérés les mots : « aux personnes visées à l’article L. 223‑7 », et les mots : « ainsi que, sous pli fermé, son identité » sont supprimés ;

2° À la quatrième phrase du premier alinéa, les mots : « donner son identité sous pli fermé ou » sont supprimés ;

3° Dans l’avant‑dernier alinéa, les mots : « aucune pièce d’identité n’est exigée et » sont supprimés.

Article 8

La charge pour les collectivités territoriales est compensée par une majoration, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.