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N° 558 (rectifié)

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à favoriser l’égal accès aux soins sur tout le territoire en créant deux années d’exercice de médecine dans les zones sousdotées,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Fabrice BRUN, Frédérique MEUNIER, Brigitte KUSTER, Maxime MINOT, JeanJacques FERRARA, Didier QUENTIN, JeanYves BONY, Valérie BAZINMALGRAS,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Députés de la Nation française, élus de territoires ruraux ou de territoires urbains, nous nous élevons contre l’inégalité de l’offre et d’accès aux soins sur le territoire français.

Ne nous leurrons pas : la situation est alarmante ! Le Conseil national de l’Ordre des médecins vient de publier son atlas de la démographie médicale et le résultat est sans appel : la fracture sanitaire ne cesse de s’aggraver. L’association de consommateur UFC‑Que choisir avait révélé en 2016 que 14,6 millions de personnes vivent dans un territoire où l’offre de soins libérale est « notoirement insuffisante ». L’accès aux médecins généralistes est, de toutes, l’offre de soins la plus déficitaire. Le Conseil national de l’Ordre des médecins avait déjà alerté en 2016 le Gouvernement précédent sur la « baisse préoccupante des médecins généralistes ». En 2017, selon le même Conseil, le nombre de médecins généralistes a encore chuté pour atteindre 88 137 praticiens (pour une population nationale estimée à environ 67 millions d’habitants).

Cette baisse généralisée de praticiens sur le territoire national est tout sauf uniforme ; la fracture territoriale n’a jamais été aussi forte. La définition en 2012 de zones déficitaires en matière de soins par les agences régionales de santé (ARS) et les mesures, notamment fiscales, y afférentes n’ont pas eu d’impact substantiel. L’étude démographique du Conseil national de l’Ordre montre que la quasi‑totalité des installations des médecins généralistes ont eu lieu en dehors de ces zones.

L’échec des mesures incitatives à l’installation des praticiens généralistes dans les zones déficitaires, soit essentiellement les campagnes et les petites villes, est total. La Cour des comptes reconnaissait d’ailleurs récemment dans un rapport les limites de cette politique et préconisait par exemple, de mettre en place un conventionnement sélectif en fonction des zones d’installation, quitte à ne pas conventionner certains médecins qui s’installeraient dans des zones déjà sur‑dotées en praticiens.

Même le recours aux médecins étrangers est un échec criant. L’étude sur les flux migratoires du Conseil national de l’Ordre des médecins fait état d’une augmentation constante des médecins étrangers en activité régulière depuis 10 ans. En 2017, on dénombre 22 619 médecins à diplôme étranger en activité régulière (soit 11 % de l’activité régulière en France). Et pourtant, ces médecins étrangers, quelle que soit leur nationalité, et à l’instar de leurs confrères français, ne s’installent pas dans les zones définies comme déficitaires par les agences régionales de santé.

Face à cette lente agonie de notre système de santé ; face à l’accroissement toujours plus prégnant de l’inégalité territoriale en matière d’accès aux soins ; face à l’échec des mesures incitatives d’installation de jeunes praticiens dans des territoires défavorisés ; face à l’atonie des Gouvernements précédents et actuels ; face, enfin, à l’urgence nationale qui s’impose en telle matière, il est vital de changer de paradigme.

La libre installation des jeunes praticiens de la médecine, et notamment médecine générale, telle qu’elle est réalisée aujourd’hui, doit être modifiée en profondeur. D’une logique de liberté d’installation totale, il convient de transmuter à une logique d’installation contrôlée. Il en relève du patriotisme et du civisme des médecins.

Rappelons la seconde phrase du serment d’Hippocrate : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. ». La santé sociale de nos territoires délaissés ne doit plus être ignorée.

L’objet premier de la présente proposition de loi est d’imposer, à la sortie de l’internat et durant les deux premières années d’exercice, aux médecins généralistes une installation dans les zones déficitaires établies par les agences régionales de santé.

Cette installation ne doit pas se faire sans contrepartie. Les différentes aides et les mesures fiscales incitatives seront ainsi conservées et pérennisées. À ce titre, les médecins qui s’installeront dans des communes de moins de 2 000 habitants ou dans des zones de revitalisation rurale continueront de bénéficier d’une exonération de la contribution foncière des entreprises selon les termes et modalités prévus aux articles 1464 D et 1465 A du code général des impôts ; ceux qui s’installeront dans des zones de revitalisation rurale ou des zones franches urbaines pourront bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu selon les termes et modalités prévus aux articles 44 quindecies et 44 octies A du code général des impôts.

Par ailleurs, et surtout, une bourse contractuelle sera octroyée à tous les internes ayant choisi la médecine générale sous la même forme et selon les modalités de l’actuel contrat d’engagement de service public (CESP). Le CESP permet actuellement aux étudiants, de la seconde année à l’internat, de bénéficier d’une rémunération (1 106,88 € net) en sus de leur rémunération habituelle, et ce jusqu’à l’obtention du diplôme d’État de docteur en médecine. En contrepartie, les étudiants s’engagent à exercer leur activité de soin à un tarif conventionnel (secteur 1), à compter de la fin de leur formation, dans des lieux d’exercice spécifiques proposés par les ARS. Le CESP s’appliquant à l’ensemble des étudiants de médecine quelle que soit leur année d’étude et étant numériquement limité, un contrat d’engagement de service public de médecine générale (CESPMG) sera créé spécifiquement pour l’ensemble des internes de médecine générale. Les souscripteurs de ce contrat seront tenus d’exercer leur activité de soin à un tarif conventionnel (secteur 1).

Ce profond changement de logique quant à l’installation des médecins sur le territoire national suppose, enfin, une péréquation plus forte entre le nombre d’étudiants admis en seconde année aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage‑femme et les besoins territoriaux en la matière. Il est donc proposé de faire intervenir les services déconcentrés des ministères de l’éducation nationale et de la santé, à savoir le recteur de région académique et l’agence régionale de la santé, dans la fixation du numérus clausus des étudiants admis en seconde année aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage‑femme. L’objectif est de permettre d’accroître le numerus clausus dans les territoires où le besoin de professionnels de la santé est plus important.

En conséquence, la présente proposition de loi intègre les articles suivants :

L’article 1 propose de créer un article L. 4131‑8 du code de la santé publique imposant aux médecins généralistes d’exercer durant leurs deux premières années suivant l’obtention de leur diplôme, conformément aux dispositions de l’article L. 4131‑1 du code de la santé publique, dans un lieu d’exercice situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins

Il réaffirme également la possibilité pour les médecins généralistes de bénéficier des exonérations fiscales prévues aux articles 1464 D, 1465 A, 44 quindecies et 44 octies A du code général des impôts pour les médecins devant exercées dans les communes de moins de 2 000 habitants, les zones de revitalisation rurale et les zones franches urbaines.

L’article 2 propose de créer un article L. 632‑14 du code de l’éducation imposant aux internes en médecine générale, aux fins de permettre l’application du nouvel article L. 4131‑8 du code de la santé publique, de choisir lors de leur dernière année d’internat le lieu d’exercice de leur future profession.

L’article 3 propose de créer un article L. 632‑6‑1 du code de l’éducation afin de permettre à tous les internes en médecine générale de signer avec le Centre national de gestion un contrat d’engagement de service public de médecine générale leur octroyant une rémunération complémentaire, selon le même modèle que le contrat d’engagement de service public, en sus de leur rémunération d’interne et de créer, à cette fin, le contrat d’engagement de service public de médecine générale.

L’article 4 propose de majorer les droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts aux fins de compenser la perte induite par la création du contrat d’engagement de service public de médecine générale pour les organismes d’assurance maladie finançant ledit contrat via les dépenses de fonctionnement du Centre national de gestion.

L’article 5 propose de modifier l’article L. 631‑1 du code de l’éducation afin de permettre aux autorités régionales déconcentrées relevant des ministres de l’éducation nationale et de la santé, à savoir respectivement le recteur de région académique et l’agence régionale de la santé, de proposer aux ministres compétents un numerus clausus des étudiants admis en seconde année aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage‑femme établi en fonction des besoins régionaux en matière de santé.


proposition de loi

Article 1er

I. – Après l’article L. 4131‑7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131‑8 ainsi rédigé :

« Art. L. 41318. – Les médecins généralistes sont tenus d’exercer leur profession lors des deux premières années suivant l’obtention du diplôme conformément aux dispositions de l’article L. 4131‑1 du présent code dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins, définie en application de l’article L. 1434‑4 du présent code.

« Les lieux d’exercice des médecins généralistes sont ceux choisis par ces derniers conformément aux dispositions de l’article L. 632‑14 du code de l’éducation.

« Les médecins généralistes, au cours des deux premières années d’exercice, peuvent bénéficier de l’exonération de la contribution foncière des entreprises selon les conditions et modalités prévues par les articles 1464 D et 1465 A du code général des impôts ainsi que de l’exonération d’impôt sur le revenu selon les conditions et modalités prévues par les articles 44 quindecies et 44 octies A du code général des impôts. ».

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 2

Après l’article L. 632‑13 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 632‑14 ainsi rédigé :

« Art. L. 63214. – Aux fins d’application de l’article L. 4131‑8 du code de la santé publique, les étudiants ayant choisi la médecine générale, à l’issue des épreuves mentionnées à l’article L. 632‑2 du présent code, choisissent, au cours de la dernière année de leurs études, leur futur lieu d’exercice sur une liste nationale de lieux d’exercice. Ces lieux d’exercice sont situés dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins, définie en application de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique. Cette liste est établie par le Centre national de gestion sur proposition des agences régionales de santé. Elles arrêtent les lieux d’exercice conformément aux conditions définies par voie réglementaire.

« Le directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions peut, à leur demande et à tout moment, changer le lieu de leur exercice. Le directeur général du Centre national de gestion peut, à leur demande, à tout moment et après avis du directeur général de l’agence rgionale de santé dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, leur proposer un lieu d’exercice dans une zone dépendant d’une autre agence régionale de santé.

« Les internes en médecine générale peuvent contracter un contrat de service public de médecine générale selon les modalités prévues à l’article L. 632‑6‑1 du présent code.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. ».

Article 3

Après l’article L. 632‑6 du même code, il est inséré un article L. 632‑6‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 63261. – À l’issue des épreuves mentionnées à l’article L. 632‑2 du présent code, les étudiants ayant choisi de réaliser l’internat en médecine générale peuvent signer avec le Centre national de gestion mentionné à l’article 116 de la loi n° 86‑33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière précitée un contrat d’engagement de service public de médecine générale.

« Ce contrat ouvre droit, en sus des rémunérations auxquelles les internes peuvent prétendre du fait de leur formation, à une allocation mensuelle versée par le Centre national de gestion jusqu’à la fin de leurs études médicales. En contrepartie de cette allocation, les internes s’engagent à exercer leurs fonctions à titre libéral ou salarié, à compter de la fin de leur formation, dans les lieux d’exercice mentionnés au premier alinéa et dans des conditions définies par voie réglementaire. La durée de leur engagement est égale à deux ans. Pendant la durée de cet engagement, qui n’équivaut pas à une première installation à titre libéral, ceux qui exercent leurs fonctions à titre libéral pratiquent les tarifs fixés par la convention mentionnée aux articles L. 162‑5 et L. 162‑14‑1 du code de la sécurité sociale.

« Les droits ouverts au titre du contrat d’engagement de service public de médecine générale ne sont pas cumulables avec ceux dont bénéficient les contractants du contrat de service public tels que prévus par l’article L. 632‑6 du présent code.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. ».

Article 4

Les dépenses induites par la création du contrat de service public de médecine générale créé par le nouvel article L. 632‑6‑1 du code de la santé publique pour les organismes d’assurance maladie, finançant ledit contrat au travers les dépenses de fonctionnement du Centre national de gestion mentionné à l’article 116 de la loi n° 86‑33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 5

L’article L. 631‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

Au début du troisième alinéa, sont insérés les mots: « Dans chaque région, sur proposition concertée du recteur de région académique et de l’agence régionale de santé, ».