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N° 643

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2018.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

relative à la consécration constitutionnelle de l’ordre juridictionnel administratif,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Laurent GARCIA,

député.

 

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Eu égard au caractère permanent du péril que constitue le phénomène du terrorisme, la loi n° 2017‑1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a pour double objectif de permettre une sortie maîtrisée de l’état d’urgence et d’introduire dans le droit positif des mesures pérennes visant à permettre de lutter contre le terrorisme. Cette loi ainsi que celle plaçant la France sous l’état d’urgence ont renouvelé l’office du juge administratif en lui attribuant compétence pour se prononcer sur la légalité de la fermeture des lieux de culte ainsi que sur les mesures individuelles de contrôle et de surveillance.

Le juge administratif joue un rôle croissant dans la protection des libertés.

Jusqu’à la fin du XXème siècle, le juge administratif a notamment pour fonction de réguler l’action de l’administration dans l’intérêt public, le recours pour excès de pouvoir constituant l’arme principale mise à la disposition du citoyen pour défendre la légalité. Ce recours est finalement devenu un instrument destiné à préserver les libertés publiques, tout en garantissant le respect et la recherche d’un ordre public. Le juge administratif a ainsi limité l’action de l’administration à l’aune des libertés consacrées par le bloc de constitutionnalité, la loi et les principes généraux du droit dégagés par lui.

Depuis quelques décennies, le législateur a pris conscience de ce rôle en lui attribuant, à travers la loi du 8 février 1995, un pouvoir d’injonction en vue d’assurer l’exécution de la chose jugée, ou encore en lui permettant d’intervenir rapidement par la voie du référé, grâce au vote de la loi du 30 juin 2000.

En tant que juge des mesures de police administrative, le juge administratif a forgé depuis les années 1930 une jurisprudence constante et claire permettant d’assurer la conciliation entre libertés et ordre public, office qu’il a rempli avec compétence et impartialité.

Il existe cependant un décalage symptomatique entre la confiance apparente des pouvoirs publics dans les garanties d’impartialité qu’offre le juge administratif et la défiance de nature que continue d’alimenter la faiblesse de son statut constitutionnel.

En effet, les pouvoirs et les compétences du juge administratif sont à l’origine de critiques infondées sur ses garanties d’indépendance. Aussi, les magistrats administratifs attendent‑ils une consécration de leur statut dans le corps de notre Constitution, laquelle ne reconnaît que le Conseil d’État et ce, en sa seule fonction de conseil. Paradoxalement, le Conseil constitutionnel a, à deux reprises, consacré les pouvoirs du juge administratif. Aussi est‑il plus que nécessaire et surtout cohérent d’inscrire l’existence du juge administratif dans la Constitution.

Dans la majeure partie des États dotés d’un Conseil d’État ou d’une Cour administrative suprême, l’existence de cette institution est consacrée par le texte même de la Constitution.

Tel est ainsi le cas de l’Italie, de l’Allemagne, de la Grèce, des Pays‑Bas, de la Pologne, de la République tchèque, de la Suède ou de la Turquie.

L’absence de reconnaissance constitutionnelle de l’ordre administratif souffre donc d’une double incohérence historique et juridique :

– historique dès lors que la France, berceau d’une juridiction administrative, marque un retard au regard d’autres constitutions étrangères ;

– juridique dès lors que le Conseil constitutionnel a reconnu la constitutionnalisation des compétences du juge administratif alors même que son existence constitutionnelle ne l’a pas été.

La présente proposition de loi constitutionnelle se donne donc pour objet de consacrer le statut de la juridiction administrative dans le corps de la Constitution.

 

 

 


proposition de loi constitutionnelle

Article unique

Après le titre VIII de la Constitution, il est inséré un titre VIII bis ainsi rédigé :

« Titre VIII BIS 

« ORDRE JURIDICTIONNEL ADMINISTRATIF

« Art. 662. – À l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle.

« L’ordre juridictionnel administratif contribue au respect de l’État de droit dans les conditions fixées par la loi.

« Le Président de la République, assisté du Conseil supérieur de la magistrature administrative, est garant de l’indépendance de la juridiction administrative. Le Conseil supérieur de la magistrature administrative émet des propositions pour les nominations des magistrats administratifs, il est consulté sur les questions individuelles relatives à leur carrière et exerce le pouvoir disciplinaire.

« Les magistrats de l’ordre administratif sont inamovibles.

« Une loi organique porte statut des magistrats administratifs et détermine la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature administrative. »