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N° 652

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2018.

PROPOSITION DE LOI

de défense du droit de propriété et créant un délit doccupation sans droit ni titre dun immeuble,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Julien AUBERT, Alain RAMADIER, Isabelle VALENTIN, Éric STRAUMANN, Gérard MENUEL, Patrice VERCHÈRE, Pierre CORDIER, Thibault BAZIN, Guillaume PELTIER, JeanLouis MASSON, Valérie BOYER, Marc LE FUR, Frédérique MEUNIER, Patrick HETZEL, Franck MARLIN, Julien DIVE, Emmanuelle ANTHOINE, Jacques CATTIN, Arnaud VIALA, Véronique LOUWAGIE, Olivier DASSAULT, Vincent ROLLAND, Éric CIOTTI, Valérie LACROUTE, Charles de la VERPILLIÈRE, Fabrice BRUN, MarieChristine DALLOZ, Robin REDA, Vincent DESCOEUR, Raphaël SCHELLENBERGER, Gérard CHERPION, Sébastien LECLERC, JeanFrançois PARIGI, PierreHenri DUMONT, Philippe GOSSELIN, Martial SADDIER, JeanLuc REITZER, Valérie BEAUVAIS, Valérie BAZINMALGRAS, Pierre VATIN, Éric PAUGET, Geneviève LEVY, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, JeanJacques GAULTIER, Virginie DUBYMULLER, Laurent FURST, Damien ABAD, Daniel FASQUELLE, Paul CHRISTOPHE, Maxime MINOT, JeanClaude BOUCHET, Bernard DEFLESSELLES, Annie GENEVARD, Constance LE GRIP,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En mai 2015, le cas d’une dame de 83 ans, ayant lutté pendant dix‑huit mois pour récupérer un bien dont elle était propriétaire et qui avait été occupé deux ans par une quinzaine de squatteurs, avait interpellé les Français. Les cas de violation de domicile et d’occupation des biens immobiliers par des squatteurs, qui font un usage extrême du droit existant pour demeurer dans les lieux, sont hélas toujours aussi répandus.

Plus récemment, à Garges‑lès‑Gonesse, un propriétaire dont la maison a été occupée s’est vu opposer par les squatteurs un ticket de livraison de pizzas brandi pour établir de leur présence depuis plus de 48 heures. Les squatteurs savent bien que passé ce délai, la procédure d’expulsion par la police se complexifie, même si une loi n° 2015‑714 du 24 juin 2015 est intervenue pour l’assouplir. Le 31 janvier 2018, ce sont des jeunes de la ville de Garges‑lès‑Gonesse qui se sont organisés sur les réseaux sociaux pour expulser, eux‑mêmes, les occupants de la maison.

Cette atteinte manifeste au droit de propriété ‑ qui a pourtant une valeur constitutionnelle ‑ est inacceptable. Le recours à la justice privée est également inquiétant et démontre que notre arsenal juridique est aujourd’hui inefficace pour lutter contre les squats de logement. Les propriétaires victimes de ces occupations illicites, qui ne font pourtant valoir que leur bon droit, se trouvent dans une situation d’impuissance à laquelle nous devons répondre. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

La législation actuelle prévoit une sanction en cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. En effet, l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, prévoit qu’« En cas dintroduction et de maintien dans le domicile dautrui à laide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure loccupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater loccupation illicite par un officier de police judiciaire ». De même, l’article 226‑4 du code pénal complète ce dispositif en sanctionnant l’introduction et le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Initialement, le flagrant délit ne pouvait être constaté par la police que dans un délai de 48 heures à compter de l’introduction des occupants dans le domicile. Depuis la loi n° 2015‑714 du 24 juin 2015, le maintien des occupants sur le domicile permet à la police de poursuivre l’enquête de flagrance après le délai de 48 heures.

Cette avancée nécessaire ne permet toutefois pas de débloquer la totalité des situations de squats de logement. Avec la notion de « domicile » inscrite dans le code pénal, le juge peut estimer qu’un immeuble vacant, tel qu’une résidence secondaire, n’entre pas dans le champ d’application du délit de violation de domicile.

Pourtant, la chambre criminelle de la Cour de cassation estime depuis un arrêt du 20 juin 1957 que « le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu, quelle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et laffectation donnée aux locaux exploités ». Mais la jurisprudence est fluctuante et a pu estimer dans un arrêt de la même chambre du 22 janvier 1997 que « limmeuble vacant et inoccupé au jour de lintrusion des squatters ne pouvait être considéré comme un domicile ». Par ailleurs, la Cour avait établi que si des personnes s’introduisent par effraction dans un immeuble, ils ne commettent néanmoins pas une violation de domicile si cet immeuble est vide de meubles, soit que l’immeuble vienne d’être achevé, soit que l’on se trouve dans l’intervalle entre deux locations, soit enfin que l’immeuble soit promis à une démolition.

Aussi, il appartient au législateur de faire le nécessaire afin de remédier à ce vide juridique dans la protection du droit de propriété en créant un cadre législatif autour de l’occupation sans droit ni titre de mauvaise foi d’un immeuble, au‑delà de la simple protection du « domicile », tel qu’interprété par la jurisprudence.

Ainsi, l’article 1er du présent texte propose de modifier l’article 38 de la loi sur le droit au logement opposable, en insérant l’occupation sans droit ni titre aux cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui. En complément, l’article 3 introduit la notion de droit de propriété dans le code pénal en réécrivant la section concernée qui ne traitait que de l’atteinte à la vie privée. L’article 4 élargit pour sa part les dispositions de l’article 226‑4 du code pénal à l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier appartenant à un tiers, rendant celle‑ci punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Il ajoute à la notion de « domicile », étroitement interprétable, celle de « propriété immobilière » permettant un champ d’application plus large du délit.

L’article 2 crée un cas d’exclusion du bénéfice des dispositions de la loi sur le droit au logement opposable pour toute personne ayant été condamnée pour occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier.

Par ailleurs, afin de rendre obligatoire le recours à la force publique pour expulser les occupants sans droit ni titre d’un bien, l’article 5 oblige le préfet à faire appel aux forces de l’ordre dans les 48 heures après la décision d’un juge accueillant la demande du propriétaire ou du locataire lésé.

Enfin, l’article 6 prévoit d’obliger la contractualisation de conventions entre propriétaires et occupants à titre gratuit d’un bien immobilier. Ces conventions qui seront résiliables selon le même mécanisme que les baux locatifs classiques, permettront de mieux protéger les occupants et les propriétaires, les occupants à titre gratuit se soumettant aux mêmes règles que les locataires d’un bien, mais sans versement d’une compensation financière. De même, un propriétaire qui souhaiterait récupérer un bien prêté temporairement pourrait le faire sous la seule condition de donner une période de préavis d’un mois à l’occupant afin que celui‑ci puisse quitter le logement qu’il occupe à titre gratuit.

 


proposition de loi

Article 1er

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « contrainte », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « ou d’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte et fait la preuve que le logement est occupé de manière illicite par un officier de police judiciaire ou un huissier de justice. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase, les mots : « aux occupants et » sont remplacés par les mots : « aux tiers occupants sans droit ni titre, ainsi qu’au propriétaire ou à l’occupant légal du logement, et est » ;

b) La troisième phrase est supprimée ;

3° Après le mot : « préfet », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « recourt à la force publique afin de procéder à l’évacuation forcée du logement. » 

Article 2

Après l’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il est inséré un article 38 bis ainsi rédigé :

« Art. 38 bis. ‑ Toute personne ayant fait l’objet d’une décision de justice la condamnant suite à une occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier, ne peut se prévaloir des dispositions prévues par la présente loi. »

Article 3

Le code pénal est ainsi modifié :

La section 1 du chapitre 1er du titre II du livre II est ainsi rédigée :

« Section 1 

« De l’atteinte à la vie privée et au droit de propriété 

Article 4

L’article 226‑4 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « domicile » sont insérés les mots : « ou la propriété immobilière ».

2° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « L’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier appartenant à un tiers ou le maintien (le reste sans changement). Au même alinéa, après le mot : « domicile » sont insérés les mots : « ou la propriété immobilière ».

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Il incombe au tiers occupant sans droit ni titre de prouver sa bonne foi par la présentation d’un titre de propriété, d’un contrat de bail le liant au propriétaire de l’immeuble occupé, ou d’une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien. »

Article 5

Lorsqu’un juge constate sur le fondement de l’article 226‑4 du code pénal une occupation sans droit ni titre par un tiers, le représentant de l’État dans le département où se situe l’immeuble occupé recourt, sur demande du propriétaire, dans les quarante‑huit heures à la force publique afin de déloger les tiers occupants de mauvaise foi dudit immeuble.

Article 6

À compter de la promulgation de la présente loi, toute occupation à titre gratuit d’un bien immobilier doit faire l’objet d’une convention signée entre le propriétaire et l’occupant.

Par cette convention, le tiers occupant à titre gratuit s’engage à entretenir comme il se doit l’immeuble occupé et le propriétaire à fournir un logement digne.

Sans préjudice de l’article 1240 du code civil, le tiers occupant à titre gratuit est responsable de l’entretien du bien qu’il occupe. Lorsqu’il souhaite quitter celui‑ci, il prévient par courrier avec accusé de réception le propriétaire de son départ. Il dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi pour quitter l’immeuble.

Le propriétaire d’un immeuble occupé par un tiers à titre gratuit récupère la jouissance pleine et entière de son bien, après avoir prévenu l’occupant à titre gratuit par courrier avec accusé de réception. Le tiers occupant à titre gratuit dispose alors de trente jours à compter de la date d’envoi du courrier pour quitter l’immeuble. Passé ce délai, le propriétaire peut faire valoir ses droits au titre de l’article 1er de la présente loi et engager une procédure au titre de l’occupation sans droit ni titre de son bien.