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N° 699

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à étendre les prérogatives du maire et de la police municipale en vue de renforcer la tranquillité publique et prévenir la radicalisation,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard REYNÈS, Véronique LOUWAGIE, Bernard PERRUT, Émilie BONNIVARD, Robin REDA, Thibault BAZIN, PierreHenri DUMONT, Bernard DEFLESSELLES, Maxime MINOT, Guillaume PELTIER, Patrick HETZEL, Julien DIVE, Pierre CORDIER, JeanMarie SERMIER, Éric STRAUMANN, JeanLouis MASSON, Brigitte KUSTER, Fabrice BRUN, Damien ABAD, Éric WOERTH, Emmanuelle ANTHOINE, Nadia RAMASSAMY, Patrice VERCHÈRE, Laurent FURST, Philippe GOSSELIN, JeanCarles GRELIER, Nicolas FORISSIER, JeanLuc REITZER, Martial SADDIER, Julien AUBERT, JeanYves BONY, Annie GENEVARD, Marc LE FUR,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la loi du 5 mars 2007, la politique municipale ou intercommunale de prévention de la délinquance est placée sous la responsabilité du maire qui est chargé de l’animer avec le soutien des institutions régaliennes, éducatives, sociales et du secteur associatif.

Cette politique locale privilégie de plus en plus une approche individualisée, recentrée sur les personnes les plus exposées au passage à l’acte ou en risque de récidive (jeunes sortis du système scolaire ou en situation de décrochage, familles confrontées à des difficultés d’autorité parentale, contrevenant aux arrêtés de police administrative du Maire…).

Cette loi donne ainsi au maire la possibilité, sous le sceau du secret professionnel partagé, de connaître de situations nominatives et de proposer une réponse appropriée à chaque cas sous la forme d’un rappel à l’ordre, d’une réparation (financière ou de type travail non rémunéré) ou encore d’une mesure de soutien à la fonction éducative et parentale.

Pour autant, si le maire est l’autorité de proximité, susceptible d’apporter des réponses rapides, proportionnées et personnalisées aux actes d’incivilité et aux petites infractions contraventionnelles du quotidien, encore faut‑il qu’il puisse occuper la place qui lui incombe dans la future police de sécurité du quotidien.

À l’heure où le gouvernement entend expérimenter cette police de sécurité du quotidien en s’appuyant sur une méthode qui fait appel à un large partenariat associant élus, citoyens, associations, en privilégiant la lutte contre toutes les nuisances et les incivilités qui entretiennent le sentiment d’insécurité au sein de la population, en décidant d’instaurer un circuit de sanctions immédiates, notamment pécuniaires au travers de la forfaitisation, il est plus que jamais nécessaire de reconsidérer les missions de chacun et notamment le rôle que le maire et sa police municipale peuvent jouer dans cette nouvelle approche. Polices municipales qui, faut‑il le rappeler, constituent la troisième force de sécurité de France.

Ce rôle pourrait lui être dévolu au travers de nouvelles prérogatives ; prérogatives qu’il n’exercerait pas seul mais en étroite collaboration avec les forces de l’ordre de l’État et l’ensemble des acteurs institutionnels agissant dans le registre de la prévention de la délinquance.

Accroître les prérogatives dévolues au maire permettrait de désengorger des parquets et des tribunaux de police qui croulent parfois bien trop souvent sous un nombre effarant de dossiers ; une situation qui conduit parfois à l’absence de réponse judiciaire, ou des réponses apportées trop tardivement.

Ce défaut de sanction crée, nous le savons bien, une incompréhension de nos concitoyens, qui veulent des réponses effectives et rapides.

L’autorité municipale est la mieux placée pour apporter ce type de réponses.

Par cette proposition de loi, il ne s’agit pas ici de tendre vers une « shérifisation » du rôle du maire ni de celui de sa police municipale. Il n’est pas non plus question d’inscrire leurs actions dans le domaine de la sécurité publique, qui dépend du pouvoir régalien, mais bien dans le domaine des atteintes à la tranquillité publique et de la prévention.

La loi du 5 mars 2007, aussi novatrice fut elle, a montré quelques limites. De trop nombreux maires la méconnaissent et n’exercent pas les prérogatives qui leur ont été octroyées par le législateur de l’époque. Il en est notamment ainsi pour la transaction pénale, qui peut être prononcée par le maire, mais qui reste tributaire de la politique pénale décidée par chaque parquet.

Il convient donc de repenser et renforcer les moyens qui sont à la disposition des maires, élus et autorités de proximité, pour qu’ils puissent jouer un rôle plein et entier dans la future police de la sécurité du quotidien, essentiellement en leur assurant la possibilité de prononcer des sanctions effectives dans le domaine contraventionnel.

Afin que ces sanctions aient une portée maximale, et qu’elles soient le plus adaptées tant à la situation qu’à la personnalité du délinquant, il est indispensable pour le maire de prononcer ces sanctions dans un cadre collégial et neutre : la Cellule de citoyenneté et de tranquillité publique (CCTP).

Aussi, il est proposé que cette collégialité s’exerce par un certain nombre d’acteurs de la prévention et de la lutte contre la délinquance, à savoir le délégué du procureur de la République près le tribunal de grande instance territorialement compétent, le commissaire de police ou le commandant de brigade territorialement compétent, le chef d’établissement du second degré, le chef de police municipale, le référent social ou leur représentant.

Enfin, parce que la prévention ne vaut que s’il y a sanction, il convient, eu égard aux limites rencontrées avec le dispositif actuellement en vigueur, d’élargir le panel des sanctions qui pourrait, dans ce cadre, être prononcées par le maire au sein de la CCTP ; sanctions qui iraient notamment au‑delà du simple rappel à l’ordre et pourraient consister en une obligation d’entreprendre telle démarche auprès d’une association, une obligation d’effectuer un stage dans telle structure, une interdiction de fréquenter tel endroit, une obligation de réparation lorsque le bien communal a été dégradé, des sanctions pécuniaires, la confiscation de la chose ayant servi à commettre l’infraction)

Telles sont les mesures que nous vous proposons de mettre en place au travers de cette proposition de loi qui vise à étendre les prérogatives du maire et de la police municipale en vue de prévenir les comportements déviants et contribuer au traitement des troubles à la tranquillité publique, objectif central de la police de sécurité du quotidien.

Il est ainsi créé un livre intitulé « De la tranquillité publique » au sein du code de la sécurité intérieure.

Le premier chapitre porte sur le rôle du maire, « autorité de proximité garante de la tranquillité publique ».

L’article 5471 vise à renforcer les pouvoirs du maire en lui permettant notamment d’avoir la plénitude de compétences pour les contraventions allant de la première à la quatrième classe.

L’article 5472 vise à déclassifier au rang de contraventions certains délits mineurs pour lesquels le maire ne peut, à ce jour, intervenir (il en va ainsi des graffitis). Un décret pris en Conseil d’État établirait la liste de ces déclassifications.

Parce qu’étendre les pouvoirs du maire n’aurait aucun sens sans une extension des pouvoirs des agents de police municipale – tous deux indissociables – un deuxième chapitre est consacré à « l’extension des pouvoirs de la police municipale ».

Les articles 5473 et 5474 visent à étendre les prérogatives des agents de police municipale (exercer un pouvoir d’enquête, d’exercer des contrôles d’identité, d’exercer des missions de police de la route, mais aussi d’accéder directement à divers fichiers nationaux tels que celui des plaques minéralogiques, des véhicules volés, des personnes recherchées) et ce afin de leur permettre d’assurer au mieux la tranquillité publique sur le territoire communal.

L’article 5475 donne la possibilité aux policiers municipaux d’être munis d’armes de catégorie B‑1 (armes identiques à celles utilisées par la police nationale et la gendarmerie) durant leur mission.

Afin d’accompagner l’extension des pouvoirs de la police municipale, il convient de pouvoir proposer une meilleure formation et professionnalisation des agents. Aussi, l’article 5476 propose que cet encadrement, jusqu’à présent dispensé par le CNFPT, relève d’une école de police municipale, dont les modalités de création seraient précisées par décret.

Parce qu’il appartient à chaque maire de vouloir se saisir ou non de nouvelles prérogatives, et permettre à sa police municipale d’exercer de nouvelles compétences, cette proposition de loi n’entend pas revenir sur le principe de libre administration des communes. Il s’agit bien là de proposer à ceux qui le souhaitent d’engager une démarche volontariste en matière de prévention de la délinquance. Aussi, l’article 5477 précise enfin que l’extension de ces prérogatives demeure à la discrétion du maire et de son conseil municipal. Aussi, une délibération en Conseil municipal est nécessaire afin que le maire et la police municipale puissent exercer ces nouvelles prérogatives.

Enfin, parce que la prévention ne porte ses fruits que grâce à la sanction qui pourrait être prononcée en cas d’infraction, et afin qu’aucune décision arbitraire du maire ne puisse être prise à l’égard d’un primo‑délinquant, il convient de donner plus de visibilité et plus de poids à la Cellule de citoyenneté et de tranquillité publique. C’est pourquoi le troisième chapitre de cette proposition de loi vise à institutionnaliser la CCTP, qui, si elle apparaît bien dans le livre blanc de la sécurité, n’a à ce jour aucune existence légale.

Afin d’asseoir l’existence de la CCTP dans la loi, l’article 5478 précise ainsi la nature juridique, la composition ainsi que le fonctionnement de la CCTP.

L’article 5479 précise que la CCTP est le seul cadre au sein duquel le maire peut recourir à la transaction pénale et liste les diverses sanctions que le maire peut prononcer dans le cadre de la transaction pénale.

Par ailleurs, compte‑tenu du nombre croissant de primo‑délinquants montrant des signes d’une radicalisation religieuse, il convient d’étendre les prérogatives de la CCTP à la prévention de la radicalisation au travers d’une « cellule de détection ». Tel est l’objet de l’article 54710.

Afin que la sanction prononcée dans le cadre de la CCTP soit rapidement effective, l’article 54711 précise que la sanction prononcée par le maire est réputée avoir obtenu un avis favorable du parquet sans réponse de ce dernier dans un délai de 15 jours.

Enfin, le II de la présente proposition de loi vise à assurer la recevabilité financière des diverses mesures proposées.

 

 

 


proposition de loi

Article unique

I. – Après le livre V du code de la sécurité intérieure, il est inséré un livre V bis ainsi rédigé :

« Livre V bis

« De la tranquillité publique

« Chapitre Ier

« Le maire : autorité de proximité garante
de la tranquillité publique

« Art. 5471. – Dans le cadre des prérogatives qui sont conférées dans le domaine du bon ordre, le maire est compétent pour connaître et sanctionner les contraventions de la première à la quatrième classe, voire pour certaines de la cinquième classe, commises par tout individu sur le territoire communal qui viendraient troubler la tranquillité publique. »

« Art. 5472. – Un décret en Conseil d’État détermine la liste des infractions délictuelles déclassées au rang de contraventions que le maire peut sanctionner en vue d’assurer et maintenir le bon ordre sur le territoire communal. »

« Chapitre 2

« De lextension des pouvoirs de la Police municipale

« Art. 5473. – En vue d’assurer la tranquillité publique, les agents de police judiciaire adjoints mentionnés au 2° de l’article 21 du code de procédure pénale peuvent inviter à justifier de son identité toute personne se trouvant sur le territoire communal. »

« Art. 5474. – Afin d’assurer les missions qui leur sont confiées dans le cadre de leurs fonctions, les agents de police municipale, agents de police judiciaire adjoints et gardes champêtres sont habilités à accéder directement aux fichiers mentionnés ci‑dessous :

« 1° Le fichier national des immatriculations ;

« 2° Le système d’immatriculation des véhicules ;

« 3° Le fichier des véhicules volés ainsi que le fichier des objets et véhicules signalés ;

« 4° Le fichier des personnes recherchées ».

« Art. 5475. – Les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’État dans le département, sur demande motivée du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale dont ils dépendent, à porter, dans l’exercice de leurs fonctions, une arme de catégorie B‑1 identique à celle utilisée par les personnels des services actifs de la police nationale, de la gendarmerie et des douanes, sous réserve de l’existence d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État, prévue par la section 2 du chapitre II du présent titre.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’acquisition et de conservation de ces armes par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale et les conditions de leur utilisation par les agents. »

« Art. 5476. – En vue de former les agents de police municipale aux nouvelles missions induites par les articles 4 et 5 de la présente section, chaque agent de police municipale est tenu de suivre une formation de professionnalisation proposée et encadrée par une école de police municipale.

« Le contenu de cette formation et les modalités de fonctionnement et de création de l’école de police mentionnées à l’alinéa précédent font l’objet d’un décret pris en Conseil d’État. »

« Art. 5477. – Une délibération de l’organe délibérant autorise le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunal à faire usage des nouvelles prérogatives mentionnées dans les articles précédents. »

« Chapitre 3 

« De la création de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique

« Art. 5478. – Toute commune ou tout groupement de communes peut créer, par délibération de l’organe délibérant, une « cellule de citoyenneté et de tranquillité publique » pour l’exercice des prérogatives dévolues au maire ou au président de l’intercommunalité au titre de la prévention de la délinquance.

« La cellule de citoyenneté et de tranquillité publique créée à l’alinéa précédent est placée sous la présidence du maire et compte parmi ses membres : le maire, le délégué du procureur de la République près le tribunal de grande instance territorialement compétent, le commissaire de police ou le commandant de brigade territorialement compétent, le chef d’établissement du second degré, le chef de police municipale, le référent social ou leur représentant.

« Dans l’exercice de leurs compétences, les membres de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique peuvent connaître des « faits et informations à caractère confidentiel », à l’exclusion des informations à caractère secret au sens de l’article 226‑13 du code pénal, portées à la connaissance du maire ou du président de l’intercommunalité aux fins d’instruction des situations susceptibles de faire l’objet d’un rappel à l’ordre, d’une transaction pénale ou d’une mesure d’accompagnement parental.

« Les membres de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique s’assurent en particulier que les informations échangées le soient dans le respect des missions et obligations de chacun et des dispositions des articles 226‑13 et 226‑14 du code pénal et L. 121‑6‑2 du code de l’action sociale et des familles, toute information non nécessaire à la compréhension ou la résolution de la situation évoquée ne devant pas être exposée par les membres appelés ainsi à respecter strictement le principe du besoin d’en connaître.

« À ce titre, les membres de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique sont autorisés à :

« – être destinataires de tout document pouvant donner lieu à un rappel à l’ordre et de tout procès‑verbal pouvant donner lieu à une transaction pénale ;

« – recueillir auprès de leur institution les informations utiles à l’instruction des situations ;

« – proposer à l’autorité municipale les situations pouvant donner lieu à rappel à l’ordre ou à transaction ;

« – assister le maire lors du prononcé du rappel à l’ordre ou de la mesure de transaction ;

« – mettre en mouvement et assurer le suivi des décisions prononcées par l’autorité municipale. »

« Art. 547‑9. – Le recours à la transaction pénale ne peut être opéré que dans le cadre des travaux de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.

« Les sanctions susceptibles d’être prononcées par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale dans le cadre de la transaction pénale sont listées comme suit :

« a) obligation d’entreprendre telle démarche auprès d’une association,

« b) obligation d’effectuer un stage dans telle structure,

« c) interdiction de fréquenter tel endroit,

« d) obligation de réparer le bien dégradé,

« e) sanctions pécuniaires,

« f) confiscation de la chose ayant servi à commettre l’infraction. »

« Art. 54710. – Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut réunir la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique dès lors qu’une situation laissant à penser qu’un individu se trouvant sur le territoire communal ou intercommunal présente des signes de radicalisation religieuse est portée à sa connaissance.

« La convocation de cette cellule de détection, à laquelle participe un représentant des renseignements intérieurs, est transmise pour information au représentant de l’État dans le département.

« Tout élément d’information susceptible d’intéressé la sécurité du territoire qui serait évoqué dans le cadre de la cellule de détection est transmise au préfet de police du département. »

« Art. 54711. – Le délégué du procureur est tenu de transmettre dans un délai de quinze jours l’avis du procureur de la République sur la transaction pénale prononcée par le maire dans le cadre des travaux de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.

« En cas d’avis favorable, ou sans réponse de l’administration judiciaire dans le délai prévu au premier alinéa du présent article, la décision d’homologation de la transaction est portée à la connaissance du maire par le délégué du procureur.

« En cas d’avis défavorable, les motifs du refus sont portés la connaissance du maire par le délégué du procureur. »

II. – La charge pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.