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N° 751

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2018.

PROPOSITION DE LOI

tendant à préserver et encourager la capacité hydroélectrique
des moulins,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Véronique LOUWAGIE, Jérôme NURY, Laurence TRASTOURISNART, Guillaume PELTIER, Pierre CORDIER, Dino CINIERI, Éric STRAUMANN, JeanPierre VIGIER, JeanMarie SERMIER, Julien DIVE, Patrick HETZEL, Olivier DASSAULT, Bernard PERRUT, Nathalie BASSIRE, JeanLouis MASSON, Michel VIALAY, Patrice VERCHÈRE, Charles de la VERPILLIÈRE, Isabelle VALENTIN, Gérard CHERPION, Thibault BAZIN, Emmanuelle ANTHOINE, Marc LE FUR, Philippe GOSSELIN, JeanLuc REITZER, Damien ABAD, Fabrice BRUN, Valérie BEAUVAIS, Gilles LURTON, Michel HERBILLON, Laure de LA RAUDIÈRE, Jacques CATTIN, Arnaud VIALA, Fabien DI FILIPPO, JeanCharles TAUGOURDEAU, Laurent FURST, Antoine SAVIGNAT, Annie GENEVARD, Daniel FASQUELLE, Raphaël SCHELLENBERGER, Stéphane VIRY, Julien AUBERT, Thibault BAZIN,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aujourd’hui, alors que les préoccupations écologiques sont au cœur des politiques publiques, il convient de s’arrêter sur la situation des moulins hydroélectriques en France, à l’instar de ce qu’avait proposé le Sénateur Patrick Chaize en décembre 2017, avec le dépôt d’une proposition de loi au Sénat.

Il existe en France environ 19 000 moulins hydrauliques, dont 3 400 présentent un fort enjeu patrimonial selon le Conseil général de l’environnement et du développement durable. Ceux‑ci ne subsistent que grâce au savoir‑faire et à l’engagement de leurs propriétaires qui doivent, en plus d’assurer leur maintien en état de fonctionnement, préserver l’état de la rivière.

Les moulins sont des outils économiques, écologiques et touristiques dont le rôle en matière d’énergies renouvelables est non négligeable. En effet, les moulins produisent une énergie propre pour un coût de production très bas. À cet égard, équiper en hydroélectricité les seuils existants, particulièrement les anciens moulins, apparaît comme une nécessité.

En 2011, l’Union française de l’électricité évaluait le potentiel énergétique hydraulique des moulins comparable à celui de grands fleuves tel que le Rhône ou le Rhin. Ce potentiel énergétique exploitable apparaît particulièrement intéressant dans le contexte actuel de transition énergétique qui pourrait ainsi être relancé par l’hydroélectricité. Il l’est d’autant plus au regard d’une étude de l’Agence internationale de l’énergie qui constate que les capacités hydroélectriques françaises ont stagné entre 2000 et 2014, alors que l’hydraulique représentait 12 % de la production électrique en France en 2016.

Il est important de rappeler et souligner le rôle écologique que jouent les moulins. Les études le prouvent :

– leurs retenues d’eau réduisent la pollution en amplifiant les processus d’autoépuration de l’eau ;

– les conditions de survie des organismes aquatiques sont améliorées ;

– l’énergie produite est renouvelable, elle contribue à la transition énergétique et participe ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique ;

– l’eau est maintenue dans les rivières, condition indispensable à la survie des espèces lors de sécheresses ;

– les écoulements en cas de crue sont ralentis ;

– ils participent à la prévention de l’érosion et des inondations ;

– les activités agricoles dans leur ensemble en bénéficient.

Toutefois, les exigences imposées par la loi en vue du maintien ou du rétablissement de la continuité écologique des cours d’eau ont entrainé de nombreuses décisions administratives très défavorables aux moulins, allant jusqu’à imposer la destruction des seuils et provoquant alors des bouleversements écologiques dans un milieu fragile et préjudiciable à la biodiversité.

Si l’ajout de l’article L. 214‑18‑1 au code de l’environnement par la loi du 24 février 2017 est allé dans le bon sens en conférant un statut particulier aux moulins, il apparait cependant que ce texte est largement contourné dans son application et ne protège pas suffisamment les moulins, la production d’énergie propre et peu onéreuse, la biodiversité et l’écosystème de façon plus globale.

L’objet de cette proposition de loi, dans l’esprit des orientations de mon collègue, le Sénateur Patrick Chaize, est donc d’assurer la protection des moulins qui, in fine, permet la protection du patrimoine et de l’environnement, tout en encourageant la production d’hydroélectricité à petite échelle.

Les articles 1, 5 et 9 visent ainsi à empêcher le contournement de l’article L. 214‑18‑1 du code de l’environnement en précisant son champ d’application et en harmonisant l’ensemble de la législation portant sur la continuité écologique des cours d’eau.

Les articles 4 et 6 permettent d’aller plus loin en étendant ce dispositif protecteur aux moulins situés sur les cours d’eau classés en liste 1 et en différenciant moulins et barrages dans l’application des règles relatives à la continuité écologique de ces cours d’eau. Le blocage définitif des déplacements des poissons migrateurs relève de la seule responsabilité des barrages, ce qui doit concentrer les efforts des agences de l’eau.

L’article 2 vise à éviter, pour des raisons de bon sens, que les moulins ne puissent être taxés au titre des dommages à l’environnement visés à l’article L. 213‑10 du code de l’environnement. Un moulin hydraulique ne prélève pas d’eau entre l’entrée et la sortie de son système hydraulique mais participe pourtant à son épuration.

L’article 3 vise à encadrer légalement la notion de « réservoir biologique ». Cette notion est centrale dans le classement des cours d’eau en application de l’article L. 214‑17 du code de l’environnement car elle détermine les obligations de continuité écologique pour les ouvrages concernés.

L’article 7 vise à protéger la qualité agricole des sols, dans un contexte de réchauffement climatique.

L’article 8 vise à exonérer les moulins de la taxe foncière sur les propriétés bâties en raison du rôle qu’ils jouent au bénéfice de l’intérêt général.

L’article 10 vise à réaligner la définition de la consistance légale qui s’entend comme la limite de la puissance à laquelle une installation fondée en titre est autorisée à fonctionner ; cela, sur la définition de la puissance maximale brute des ouvrages hydrauliques prévue à l’alinéa 3 de l’article L. 511‑5 du code de l’énergie, en cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’État (CE 16 décembre 2016, Sté SJS).

L’article 11 vise à compenser les conséquences financières de la présente proposition de loi.


proposition de loi

Article 1er

Le 7° du I de l’article L. 211‑1 du code de l’environnement est complété par les mots :

« , dans les conditions et selon les modalités définies à l’article L. 214‑17 ».

Article 2

L’article L. 213‑10 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les moulins tels que définis au III de l’article L. 211‑1 exploitant l’énergie hydraulique pour la production d’hydroélectricité, ne sont pas considérés comme exerçant une activité taxable au sens de la présente sous‑section. »

Article 3

Après le premier alinéa du 1° du I de l’article L. 214‑17 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un cours d’eau, une partie de cours d’eau ou un canal ne peut être considéré comme jouant le rôle de réservoir biologique que si sont précisément identifiés les zones de reproduction ou d’habitat des espèces et les besoins des zones à réensemencer, et si la libre circulation des espèces entre ces différentes zones est effective. La liste établie en application des dispositions ci‑dessus cesse de produire ses effets à défaut de révision sur la base de ces critères, au plus tard pour le 31 décembre 2020. »

Article 4

Après l’article L. 214‑17 du même code, il est inséré un article L. 214‑17‑1 ainsi rédigé :

« Art. L 214171.  Seuls les barrages peuvent être considérés comme des obstacles à la continuité écologique au sens du 1° du I de l’article L. 214‑17. »

« Sont considérés comme des barrages au sens de l’alinéa précédent les ouvrages édifiés en lit mineur d’un cours d’eau, qui en occupent toute la largeur, et dont la crête présente une hauteur supérieure à deux mètres mesurée verticalement par rapport au niveau du terrain naturel en amont et à l’aplomb de la crête. ».

Article 5

La première phrase de l’article L. 214‑18‑1 du même code est ainsi modifiée :

1° Après les mots : « Les moulins à eau », sont insérés les mots : « , ouvrages définis conformément au III de l’article L. 211‑1 » ;

2° Elle est complétée par les mots : « , ni même à celles mentionnées au 7° de l’article L. 211‑1. ».

Article 6

Après l’article L. 214‑18‑1 du même code, il est inséré un article L. 214‑18‑2 ainsi rédigé :

« Art. L.214182. – Les seuils de moulins ou autres installations fonctionnant par surverse situés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 214‑17, ne sont pas soumis aux prescriptions de l’autorité administrative mentionnées au même 1°. ».

Article 7

Après l’article L. 214‑18‑2 du même code, il est inséré un article L. 214‑18‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 214183. – Aucune intervention sur un ouvrage, dans le cadre de l’article L. 214‑17, ne doit provoquer une baisse de la ligne d’eau de nature à altérer les fonctions agricoles collatérales de l’ouvrage. ».

Article 8

Le a du 6° de l’article 1382 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « pressoirs », il est inséré le mot : « , moulins » ;

2° Au troisième alinéa les mots : « d’origine photovoltaïque » sont remplacés par les mots : « renouvelable, d’origine photovoltaïque ou hydraulique, ».

Article 9

Au 5° de l’article L. 314‑1 du code de l’énergie, après le mot : « eaux », sont insérés les mots : « , ouvrages définis au III de l’article L. 211‑1 du code de l’environnement, ».

Article 10

Le 1° de l’article L. 511‑4 du code de l’énergie est complété par les mots : « dans la limite de leur consistance légale déterminée conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article L. 511‑5 ».

Article 11

La perte des recettes pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.