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N° 836

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2018.

PROPOSITION DE LOI

relative à la modification des règles définissant les dispositifs
de péréquation horizontale pour les collectivités de montagne,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Vincent ROLLAND, Bernard PERRUT, Thibault BAZIN, MarieChristine DALLOZ, Sébastien LECLERC, JeanPierre VIGIER, Gérard CHERPION, Isabelle VALENTIN, Laurence TRASTOURISNART, Arnaud VIALA, Patrice VERCHÈRE, Martial SADDIER, Valérie LACROUTE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours du l’examen du projet de loi de finances pour 2018, un certain nombre de débats concernant les finances locales des territoires de montagne se sont tenus, donnant lieu à des propositions sous forme d’amendements, issus de l’Appel de Moûtiers lancé par quelques 180 élus réunis fin septembre 2017.

Le présent texte reprend ces propositions afin de modifier les dispositifs de péréquation horizontale, en atténuant les prélèvements opérés actuellement sans discernement par l’État sur les budgets des communes et intercommunalités en zone de montagne, afin de rendre le légitime effort demandé par l’État aux collectivités locales plus soutenable et plus juste.

Ces prélèvements, conçus il y a quelques années comme temporaires et limités, ont perduré et se sont amplifiés pour atteindre, aujourd’hui des sommes trop importantes qui mettent en difficulté financière les collectivités locales, empêchant l’investissement dans des infrastructures pourtant essentielles au développement de nos territoires et à leur attractivité.

Par conséquent, les six articles de cette proposition de loi modifient ou ajoutent à la loi des mécanismes permettant de mieux prendre en compte les spécificités des territoires de montagne.

L’article premier vise à insérer la dimension « densité » dans le calcul des dispositifs de péréquation horizontale. Actuellement, les territoires ruraux sont pénalisés avec un coefficient logarithmique de population qui accentue les différences entre territoires. Les territoires de montagne, eux, subissent la “double peine” puisque la constitution d’EPCI élargi demeure très compliquée par le contexte géophysique. Et que ce dispositif ne tient absolument pas compte de la dimension “charges” des collectivités. Il a été prouvé à de nombreuses occasions que l’altitude et le contexte montagnard alourdissent de 20 à 30 % les charges de fonctionnement classiques des collectivités (entretien des voiries, réseaux, coût de collecte des ordures ménagères, etc…). Il est démontré que cet effort sur les budgets de fonctionnement n’est pas compensé par la prise en compte dans le mode de calcul de la population DGF par un seul habitant par résidence secondaire.

Les territoires touristiques de montagne connaissent, quant à eux, la “triple peine” puisqu’ils subissent le mode de calcul discriminant du PFIA, calculé sur des recettes dont une part importante doit être réinvestie dans l’outil économique que représente l’industrie touristique de montagne, basée sur l’opérateur qu’est la commune.

Cet article permet donc d’intégrer un critère d’équilibre, compensant les effets négatifs de la prime à la population sur les territoires ruraux, sans remettre en cause les avantages comparatifs des territoires ayant eu l’intelligence ou le destin de s’unir pour faire valoir les avantages de la mutualisation. À noter que le facteur densité ainsi pris en compte demeure néanmoins suffisamment modeste pour ne pas remettre en cause l’incitation au regroupement des collectivités.

L’article 2 vise à augmenter la prise en compte de la part « revenus » dans le calcul de l’indice synthétique de ressources et de charges (indice à la base des prélèvements dus au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales).

En effet, un certain nombre de collectivités de montagne sont porteuses d’un outil industriel basé sur la cellule communale. Loin de bénéficier d’une “rente” permanente, elles sont obligées d’investir massivement pour ne pas décrocher face à la concurrence internationale. C’est aussi le cas de territoires ayant réussi à faire de leur territoire un pôle d’excellence rurale ou économique, par un savant mélange de valorisation d’une culture locale, d’un savoir‑faire, et d’un réseau fin d’acteurs locaux. Or le tissu économique génère des richesses, mais ne représente pas du bénéfice net pour les communes et les contribuables.

On retrouve par conséquent des collectivités avec un PFIA dynamique, alors qu’elles sont beaucoup plus modestes en termes de revenus moyens par habitant.

Un exemple criant : la communauté de communes Coeur de Tarentaise, support des stations internationales des Menuires et de Val Thorens, mais aussi avec Moûtiers en Bourg Centre (30 % de logements sociaux, revenus moyens inférieurs à la moyenne nationale), et de nombreux villages de montagne aux budgets dérisoires.

L’article 3 permet de rétablir un plafond au FPIC, afin d’en assurer la soutenabilité pour les collectivités. Il convient donc de ramener la somme des prélèvements à un maximum de 10 % du produit perçu par les collectivités, comme c’était le cas lors de la création du FPIC.

En effet, la somme des prélèvements subis de l’année n‑1 ne pouvait initialement excéder 10 % des ressources fiscales agrégées (RFA), puis ce plafond a été porté à 11 %, puis 13 %. Aujourd’hui, parmi les contributeurs dépassant les 10 %, on retrouve là encore un certain nombre de collectivités de montagne, supports de stations, pourtant contraintes d’investir massivement pour maintenir leur compétitivité vis‑à‑vis des concurrents mondiaux. Dans cette optique, l’article 3 rajoute deux autres plafonds permettant de ne pas « oublier » de collectivités.

L’article 4 permet d’atténuer la situation des communes dites « pauvres » au sein d’ensemble intercommunaux dits « riches ». Notamment s’agissant des communes rurales de moins de 500 habitants. Il s’agit à la fois de garantir une prise en compte uniforme, sur le territoire national, des difficultés des communes éligibles à la dotation de solidarité rurale au sein d’ensembles intercommunaux contributeurs aux fonds de péréquation, mais aussi d’inciter à la solidarité intercommunale via l’exonération de la contribution propre à cette commune en cas de portage intégral par l’EPCI du prélèvement du FPIC. Le coût modique de cette dernière mesure serait sans commune mesure avec le signal donné à l’intégration communautaire.

L’article 5 permet de déduire véritablement du calcul du PFIA concerné par le calcul du fonds de péréquation les incidences cumulées de la contribution au redressement des finances publiques, ainsi que le montant total du prélèvement au titre du FPIC de l’ensemble intercommunal ou de la commune isolée.

L’article 6 permet de prendre en compte la spécificité des communes et des ensembles intercommunaux des territoires touristiques de montagne.

À la fois, pour tenir compte de la nécessité de réinvestir les recettes fiscales issues de l’économie locale dans l’outil productif, pour veiller à son entretien et son renouvellement, dans le cadre d’un marché mondial désormais très concurrentiel, et ceci à travers la déduction des recettes fiscales de l’équivalent de la taxe sur les remontées mécaniques dont le montant est a minima systématiquement réinvesti pour les équipements touristiques et les infrastructures supports, pris en charge par la commune ou l’EPCI.

Mais aussi pour exonérer du calcul les recettes économiques CVAE et IFER pour l’ensemble des communes de montagne et situées en zone de revitalisation rurale. Ainsi, le législateur signifie clairement que l’objectif n’est pas de remettre en cause l’économie de ces territoires en tension.

proposition de loi

Article 1er

Le III de l’article L. 2336‑2 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « et par un coefficient de densité établi par le ratio issu de la division de la densité moyenne nationale par la densité de l’ensemble intercommunal »

Article 2

Au dernier alinéa du 2° du I de l’article L. 2336‑3 du même code, le taux : « 75 % » est remplacé par le taux : « 60 % » et le taux : « 25 % » par le taux : « 40 % ».

Article 3

Après la deuxième occurrence de la référence : « I », la fin du 3° du I du même article est ainsi rédigée :

« alternativement :

« – 10 % du produit qu’ils ont perçu au titre des ressources mentionnées aux 1° à 5° du I de l’article L. 2336‑2 ;

« – Le double de la moyenne de prélèvement par habitant recensé par l’Institut national de la statistique et des études économiques constatée l’année n‑1 parmi les contributeurs ;

« – Le double de la moyenne de prélèvement par habitant comptabilisé pour la dotation globale de fonctionnement constatée l’année n‑1 parmi les contributeurs. » ;

Article 4

Le III du même article est ainsi modifié :

a) Après la deuxième phrase est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même pour l’ensemble des communes de moins de 500 habitants bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale, prévue à l’article L. 2334‑20. »

b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, dans le cas d’une prise en charge totale par l’établissement public de coopération intercommunale de la contribution au prélèvement, les montants correspondants sont déduits de la contribution de l’ensemble intercommunal. » 

Article 5

La seconde phrase du troisième alinéa du 5° du I de l’article L. 2336‑2 du même code est ainsi modifiée :

a) Le mot : « réalisé » est remplacé par les mots : « cumulé constaté » ;

b) Elle est complétée par les mots : « et du prélèvement calculé pour chaque ensemble intercommunal conformément aux 2° et 3° du I de l’article L. 2336‑3. »

Article 6

Le I du même article est ainsi modifié :

a) Le 1° est complété par les mots : «, duquel est déduit le produit de la taxe sur les remontées mécaniques »

b) Au premier alinéa du 2°, le mot : « La » est remplacé par les mots : « À l’exclusion des communes ayant la double caractéristique d’être en zone de montagne et en zone de revitalisation rurale, la » ; ».

Article 7

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.