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N° 849

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de services
de presse en ligne,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Patrick MIGNOLA et les membres du groupe Modem(1)
et apparentés(2),

députés.

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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Erwan Balanant, Géraldine Bannier, Jean‑Noël Barrot, Philippe Berta, Philippe Bolo, Jean‑Louis Bourlanges, Jean‑Pierre Cubertafon, Marguerite Deprez‑Audebert, Bruno Duvergé, Sarah El Haïry, Nathalie Elimas, Nadia Essayan, Michel Fanget, Marc Fesneau, Isabelle Florennes, Patricia Gallerneau, Brahim Hammouche, Cyrille Isaac‑Sibille, Élodie Jacquier‑Laforge, Bruno Joncour, Jean‑Luc Lagleize, Fabien Lainé, Mohamed Laqhila, Florence Lasserre‑David, Philippe Latombe, Aude Luquet, Jean‑Paul Mattei, Sophie Mette, Philippe Michel‑Kleisbauer, Patrick Mignola, Bruno Millienne, Frédéric Petit, Maud Petit, Josy Poueyto, Richard Ramos, Thierry Robert, Marielle de Sarnez, Nicolas Turquois, Michèle de Vaucouleurs, Laurence Vichnievsky, Sylvain Waserman.

(2) Justine Benin, Vincent Bru, Bruno Fuchs, Laurent Garcia, Max Mathiasin, Jimmy Pahun.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La diffusion numérique de la presse a permis d’élargir son lectorat de façon spectaculaire. Elle augmente encore l’accessibilité du plus grand nombre à la connaissance et à l’information. Cette évolution technologique donne de nouveaux moyens à chacun d’exercer sa citoyenneté en esprit libre et éclairé.

Mais elle ne peut constituer de véritable progrès démocratique durable que si elle respecte l’indépendance et le pluralisme de la presse et garantit un journalisme de qualité. Or, en l’absence de reconnaissance d’un principe de propriété des productions issues de leur travail, les éditeurs et les agences de presse ne peuvent aujourd’hui concéder des licences relatives à l’utilisation en ligne de leurs publications et ainsi amortir leurs investissements numériques.

En outre, si le chiffre d’affaires numérique a progressé de plus de 30 millions d’euros entre 2013 et 2015, ses ressources ne compensent pas les pertes de la presse imprimée.

Le cadre juridique actuel, peu adapté pour embrasser les usages nouveaux, doit être modifié pour rééquilibrer la chaîne de valeur et créer les conditions d’une concurrence équitable.

Les actions engagées devant les tribunaux par les éditeurs de presse illustrent les limites des fondements juridiques actuels, ceux‑ci étant contraints d’avoir recours au droit d’auteur, au droit des marques ou aux règles de la responsabilité civile. Il est donc indispensable que la loi reconnaisse des droits voisins du droit d’auteur à ces acteurs.

Cette proposition, en se conformant au cadre défini par l’article 11 de la proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché numérique émanant de la Commission européenne relative à la création d’un droit voisin des éditeurs de presse, comme l’Allemagne l’a fait en 2013, permet un gain de temps substantiel pour les éditeurs de presse et les agences de presse, le temps pour la France de transposer la directive une fois que celle‑ci aura été arrêtée.

Sans calendrier clair sur la création de ce droit au niveau européen, et alors que les discussions durent depuis quatre années, il est de la responsabilité des élus français de s’emparer de ce sujet.

Afin que cette avancée juridique se traduise en protection réelle, elle doit en outre autoriser une gestion collective de ces droits pour faciliter leur négociation avec les grands opérateurs de l’Internet.

Enfin, les droits des auteurs ne seront pas impactés par la création d’un droit voisin en vertu de l’article L. 211‑1 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. En conséquence, aucune disposition du présent titre ne doit être interprétée de manière à limiter lexercice du droit dauteur par ses titulaires ».

Le dispositif se propose de créer un nouveau chapitre dans le code de la propriété intellectuelle dans lequel l’article 1 institue un droit voisin au profit des éditeurs de services de presse en ligne. Ainsi, avant toute reproduction, mise à disposition du public, échange, louage ou communication au public de tout ou partie de leurs productions de presse, l’autorisation des éditeurs de services de presse en ligne ou des agences de presse concernés est requise.

L’article précise en outre le périmètre d’application des dispositions prévues en l’étendant à tout opérateur de plateforme en ligne et à tout prestataire de services exploitant des publications de presse à des fins commerciales.

Le texte prévoit que la gestion de ces droits peut être confiée à un ou plusieurs organismes de gestion collective dans les conditions définies par le code de la propriété intellectuelle et qui renvoie à des dispositifs existants ayant démontré la preuve de leur efficacité.

Le montant et les modalités de la rémunération de ces droits sont déterminés par voie de convention, conclues entre les opérateurs de plateforme en ligne et les prestataires de service en ligne d’une part, et les titulaires des droits, les organisations représentatives des éditeurs de presse et des agences de presse ou les organismes de gestion collective d’autre part. Le dispositif introduit la possibilité d’évaluer forfaitairement cette rémunération et fixe la durée des conventions à cinq années.

À défaut d’entente entre les acteurs précités sur les modalités de rémunération, l’article premier prévoit l’établissement d’une commission présidée par un représentant de l’État et composée paritairement de membres des organisations représentatives des créanciers d’une part, et des organisations représentatives des débiteurs, d’autre part.

Cette commission a vocation à se réunir dans les six mois à compter de la publication de la présente loi ou, à défaut d’accord à expiration d’un précédent accord.

Les articles 2 et 4 procèdent, au sein du code de la propriété intellectuelle, à des coordinations rendues nécessaires par la mise en place du nouveau droit voisin.

L’article 3 fixe la durée des droits patrimoniaux des éditeurs de presse en ligne et des agences de presse à vingt années comme précisé dans le libellé du texte de la proposition de directive de la Commission européenne.


proposition de loi

TITRE Ier

CREATION D’UN DROIT VOISIN

Article 1er

Le titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi complété :

« Chapitre VIII 

« Droits des éditeurs et agences de presse

« Art. L. 2181. – L’autorisation de l’éditeur d’un service de presse en ligne au sens du deuxième alinéa de l’article 1er de la loi n° 86‑897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et de l’agence de presse au sens de l’article 1er de l’ordonnance n° 45‑2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation des agences de presse, est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange, le louage, ou communication au public de tout ou partie de leurs productions. »

« Art. L. 2182. – L’article L. 218‑1 s’applique à :

« 1° tout opérateur de plateforme en ligne au sens de l’article L. 111‑7 du code de la consommation qui met à la disposition du public ou permet à ce dernier d’accéder à tout ou partie des productions ;

« 2° tout prestataire de services qui exploite à des fins directement ou indirectement commerciales tout ou partie des productions. »

« Art. L. 2183. – Les droits des éditeurs et des agences de presse visés à l’article L. 218‑1 peuvent être cédés ou faire l’objet d’une licence.

« Les titulaires de droits reconnus à l’article L. 218‑1 peuvent, dans les conditions du titre II du livre III de la présente partie, confier la gestion de ceux‑ci, à leur profit collectif, à un ou plusieurs organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III de la présente partie et agréés à cet effet par le ministre chargé de la culture. »

« Art. L. 2184. – I. – Le montant et les modalités de la rémunération due par les personnes mentionnées à l’article 218‑2 du présent code sont fixés par voie de conventions, conclues entre, d’une part, ces dernières et, d’autre part, les titulaires du droit mentionnés à l’article L. 218‑1 ou les organisations représentatives des éditeurs de presse et des agences de presse ou les organismes de gestion collective mentionnés au second alinéa de l’article L. 218‑3.

« La rémunération peut être évaluée forfaitairement. La durée de ces conventions est limitée à cinq ans.

« Les stipulations de ces accords peuvent être rendues obligatoires pour l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture.

« II. – À défaut de conclusion des modalités de rémunération des droits reconnus à l’article L. 218‑1 du code de la propriété intellectuelle auprès des opérateurs et prestataires visés à l’article L. 218‑2 du même code dans les six mois à compter de la publication de la présente loi, ou à défaut d’accord intervenu à la date d’expiration d’un précédent accord, le montant et les modalités de la rémunération sont établis par une commission présidée par un représentant de l’État et composée, en nombre égal, de membres désignés par les organisations représentatives, d’une part, des créanciers  et, d’autre part, des débiteurs de cette rémunération.

« Les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.

« La commission se détermine à la majorité de ses membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.

« Les décisions de la commission sont publiées au Journal officiel de la République française. »

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 2

Après le mot : « producteur », la fin du dernier alinéa de l’article L. 211‑3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigée :

« de l’entreprise de communication audiovisuelle, de l’éditeur d’un service de presse en ligne ou de l’agence de presse. »

Article 3

L’article L. 211‑4 du même code est complété par un V ainsi rédigé :

« V. – Les droits mentionnés à l’article L. 218‑1 expirent vingt ans après la publication de la publication de presse. Cette durée est calculée à partir du 1er janvier de l’année suivant la date de publication. »

Article 4

Le premier alinéa de l’article L. 335‑4 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après le mot : « vidéogramme », sont insérés les mots : «, d’une publication de presse ».

2° Après le mot : « vidéogrammes, », sont insérés les mots : « de l’éditeur d’un service de presse en ligne, de l’agence de presse ».