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N° 930

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mai 2018.

PROPOSITION DE LOI

visant à faire bénéficier les travailleurs des performances économiques
de leur entreprise,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Aurélien PRADIÉ, JeanMarie SERMIER, JeanPierre DOOR, Éric STRAUMANN, Brigitte KUSTER, Robin REDA, Bernard PERRUT, Valérie BAZINMALGRAS, JeanLuc REITZER, Xavier BRETON, Thibault BAZIN, Bernard DEFLESSELLES, Laurence TRASTOURISNART, Bérengère POLETTI, Véronique LOUWAGIE, JeanFrançois PARIGI, Vincent DESCOEUR, Michel VIALAY, Marc LE FUR, JeanCarles GRELIER, Frédéric REISS, Martial SADDIER, Nicolas FORISSIER, Didier QUENTIN, Daniel FASQUELLE,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La fameuse « troisième voie économique », tant vantée par le Général de Gaulle, loin des excès du capitalisme libéral et du marxisme communiste, a pour vocation de réunir les forces du capital et du travail dans la recherche d’un bien commun.

Cette ambition, juste et équitable, permet d’associer la puissance des capitaux et le génie des travailleurs dont les efforts sont finalement si complémentaires que leurs intérêts ne peuvent être antinomiques.

C’est la raison pour laquelle existent les mécanismes de la participation et de l’intéressement.

L’objet de la présente proposition de loi est donc de consolider l’association du capital et du travail en favorisant le lien des salariés à la performance économique de leur entreprise par le biais de trois leviers :

– L’obligation de conclure un accord de participation pour les entreprises disposant d’au moins onze salariés ;

– L’incitation des entreprises de moins de onze salariés à conclure des accords d’intéressement ;

– La réduction de la fiscalité sur ces deux mécanismes par la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés.

L’accord de participation et l’intéressement sont deux outils connus des entrepreneurs et relativement faciles à manier. Pour autant, le premier outil (l’accord de participation) n’est obligatoire que pour les entreprises disposant d’au moins cinquante salariés ; le second (l’intéressement) est, quant à lui, facultatif.

Selon les derniers recensements effectués par l’Insee en 2012, moins de 1 % des entreprises françaises ont plus de cinquante salariés et plus d’un salarié sur deux travaillent dans des entreprises de moins de cinquante salariés.

Il s’ensuit que plus d’un salarié français sur deux ne bénéficie théoriquement d’aucun mécanisme légal de participation et d’intéressement.

Rendre obligatoire les accords de participation dans les entreprises disposant d’au moins onze salariés permettrait d’octroyer un mécanisme légal de participation à plus de 75 % des salariés français tout en imposant les contraintes relatives à la conclusion de tels accords qu’à 5 % d’entreprises nouvelles.

L’obligation d’un accord de participation s’appliquerait ainsi sur environ 6 % des entreprises françaises mais bénéficierait à plus de 75 % des salariés.

Pour faciliter la conclusion des accords de participation, il est proposé de laisser le choix aux entreprises employant au moins onze salariés de proposer le projet de contrat de participation par ratification des salariés sans que cette ratification soit obligatoirement demandée conjointement avec les instances représentatives du personnel.

Toujours dans l’objectif de créer de la souplesse, il est proposé de ne pas imposer aux entreprises employant au moins onze salariés le dépôt de l’accord de participation auprès de la direction départementale du travail et éviter, ainsi, la lourdeur d’un dépôt à l’administration.

De manière analogue, et afin d’éviter aux entreprises de constituer des plans épargnes salariales, il est proposé de laisser aux entreprises le choix quant aux modalités de versement des sommes constituant la réserve spéciale de participation et notamment de leur permettre de verser directement ces sommes aux salariés en complément de leur rémunération.

Les sommes versées directement aux salariés seraient alors soumises aux réductions d’impôt équivalentes à celles qui auraient été bloquées sur un compte épargne, et ce, compte tenu de la rédaction actuelle de l’article L. 3325‑2 du code du travail, sans qu’il soit nécessaire de réaliser une modification législative.

Il s’ensuit que les salariés des entreprises d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés pourraient bénéficier directement des sommes versées au titre de la participation, sans pour autant perdre les avantages fiscaux liés à l’affectation desdites sommes.

Par ailleurs, et afin d’octroyer aux entreprises d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés des avantages fiscaux, il est proposé à ces dernières de constituer, en franchise d’impôt, une provision pour investissement égale à 50 % du montant des sommes portées à la réserve spéciale de participation au cours du même exercice et admises en déduction des bénéfices imposables.

En outre, dans l’objectif de réduire ou de ne pas accroître les charges devant être supportées par les entreprises, il est prévu que les sommes distribuées au titre de l’intéressement et de la participation, par les entreprises employant moins de 250 salariés, ne soient pas soumises au forfait social.

Enfin, et parce qu’il serait inconcevable qu’un quart des salariés français ne puisse disposer d’aucun mécanisme légal visant à les intéresser aux résultats financiers de l’entreprise, il est proposé d’inciter les entreprises n’étant pas soumises à l’accord de participation à conclure des accords d’intéressement. Pour ce faire, il est proposé d’étendre la réduction généralisée des cotisations patronales sur les bas salaires (ex‑réduction Fillon) sur les salaires représentant deux fois le Smic (au lieu d’1,6 actuellement).

En conséquence, la présente proposition de loi comprend les articles suivant :

L’article 1 propose de modifier les articles L. 3322‑2 et suivants du code du travail (notamment les articles L. 3322‑2 à L. 3322‑4‑1 dudit code) afin d’abaisser l’exigence légale du nombre de salariés employés par les entreprises, aujourd’hui fixée à cinquante, en vue de rendre obligatoire la conclusion d’un accord de participation dans toutes les entreprises employant au moins onze salariés, seuil minimum de la désignation du comité social et économique.

L’article 2 propose de créer un article L. 3322‑6‑1 du code du travail afin de permettre aux entreprises employant entre onze et quarante‑neuf salariés de ratifier le projet de contrat de participation sans l’accord des éventuelles organisations syndicales représentatives et/ou du comité social et économique.

L’article 3 propose, en conséquence de l’article qui précède, de modifier l’article L. 3322‑6 du code du travail afin de ne viser que les entreprises d’au moins cinquante salariés pour l’obligation d’une proposition conjointe entre organisations syndicales ou comité social et économique et employeur en vue de proposer la ratification d’un projet de contrat de participation aux salariés.

L’article 4 propose de créer un article L. 3323‑2‑1 du code du travail afin de laisser au choix à l’entreprise d’affecter les sommes constituant la réserve de participation à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale, à un compte que l’entreprise doit consacrer à des investissements ou directement aux salariés en complément de leur rémunération.

L’article 5 propose de créer un article L. 3323‑4‑1 du code du travail afin de supprimer l’obligation pour les entreprises, dont le nombre de salariés seraient entre onze et quarante‑neuf, de déposer l’accord de participation auprès de la direction départementale du travail.

L’article 6 propose de modifier l’article 237 bis A du code général des impôts afin de permettre aux entreprises d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés de constituer, en franchise d’impôt, une provision pour investissement égale à 50 % du montant des sommes portées à la réserve spéciale de participation au cours du même exercice et admises en déduction des bénéfices imposables.

L’article 7 propose de modifier l’article L. 137‑15 du code de la sécurité sociale afin d’exonérer les entreprises employant moins de 250 salariés des contributions au titre du forfait social sur les montants distribués en intéressement et en participation.

L’article 8 propose de modifier l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale afin d’appliquer la réduction générale des cotisations patronales sur les salaires inférieurs à deux fois le Smic pour les entreprises de moins de onze salariés qui mettent en place, dans les deux ans suivant l’adoption de la présente loi, un plan d’intéressement.

L’article 9 propose de majorer les droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts aux fins de compenser la perte induite par la réduction des cotisations patronales sur les salaires supérieurs à deux fois le Smic et la création de la provision pour investissement telle que prévue par l’article 237 bis A du code général des impôts modifié.


proposition de loi

Article 1er

La première phrase du premier alinéa de l’article L. 3322‑2, au premier alinéa de l’article L. 3322‑3 et aux articles L. 3322‑4 et L. 3322‑4‑1 du code du travail, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « onze ».

Un décret pris en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

Article 2

Après l’article L. 3322‑6 du code du travail, il est inséré un article L. 3322‑6‑1               ainsi rédigé :

« Art. L. 332261.  Les accords de participation pour les entreprises disposant d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés sont conclus selon les modalités suivantes :

« 1° Par convention ou accord collectif de travail ;

« 2° Par accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;

« 3° Par accord conclu au sein du comité social et économique ;

« 4° À la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet de contrat proposé par l’employeur, après avis écrit du comité social et économique. ».

Article 3

Au premier alinéa de l’article L. 3322‑6 du code du travail, après le mot : « participation », sont insérés les mots : « pour les entreprises disposant d’au moins cinquante salariés ».

Article 4

Après l’article L. 3323‑2 du code du travail, il est inséré un article L. 3323‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 332321. – L’accord de participation, pour les entreprises employant entre onze et quarante‑neuf salariés, peut prévoir l’affectation des sommes constituant la réserve spéciale de participation :

« 1° À des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale remplissant les conditions fixées au titre III du livre III de la troisième partie du même code ;

« 2° À un compte que l’entreprise doit consacrer à des investissements. Les salariés ont sur l’entreprise un droit de créance égal au montant des sommes versées ;

« 3° Ou directement aux intéressés en complément de leur rémunération. »

Article 5

Après l’article L. 3323‑4 du code du travail, il est inséré un article L. 3323‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 332341. – Les entreprises disposant d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés et ayant conclu un accord de participation conformément aux dispositions du chapitre II du titre II du livre III de la troisième partie du même code ne sont pas tenues de déposer l’accord de participation auprès de l’autorité administrative visée par l’article L. 3323‑4. Les exonérations prévues au chapitre V sont ouvertes à compter de la conclusion de l’accord de participation.

« L’autorité administrative mentionnée par l’article L. 3323‑4 peut solliciter auprès de toute entreprise la communication de l’accord de participation.

« Les délais pour communiquer l’accord de participation et les sanctions en cas de défaut de communication sont fixés par décret en Conseil d’État. ».

Article 6

Après le troisième alinéa de l’article 237 bis A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ayant constitué une réserve spéciale de participation constituée en application du titre II du livre III de la troisième partie du code du travail peuvent constituer, en franchise d’impôt, une provision pour investissement égale à 50 % du montant des sommes portées à la réserve spéciale de participation au cours du même exercice et admises en déduction des bénéfices imposables. »

Article 7

Après le 4° de l’article L. 137‑15 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Des sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail par les entreprises employant moins de 250 salariés ;

« 6° Des sommes versées au titre au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du livre III du code du travail par les entreprises employant moins de 250 salariés. »

Article 8

L’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1°Le I est complété par l’alinéa suivant :

« Les dispositions du premier alinéa s’appliquent pour les gains et rémunérations inférieurs au salaire minimum de croissance majoré de 100 % versés par toute entreprise employant moins de onze salariés et ayant conclu un accord d’intéressement conformément aux dispositions du titre I du livre III de la troisième partie du code du travail dans les deux ans suivant l’adoption de la présente loi ; »

2° Le troisième alinéa du III est complété par les mots : « ou 2 conformément aux dispositions du deuxième alinéa du I du présent article. »

Article 9

La création de la provision pour investissement telle que prévue à l’article 6 de la présente loi et les dépenses induites par la réduction des cotisations patronales pour les bas salaires jusqu’à deux fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance telle que prévue à l’article 8 de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.